LA
GRANDE ENCYCLOPÉDIE
IMPRIMERIE DE E. ARRAULT ET C'^
LA
GRANDE ENCYCLOPÉDIE
INVENTAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES ARTS
PAR UNE
SOCIÉTÉ DE SAVANTS ET DE GENS DE LETTRES
SOUS LA DIRECTION DE
MM. BERTHELOT, sénateur, membre de l'institut.
Hartwig DERENBOURG, professeur à l'École spéciale des
langues orientales.
F.-Camille DREYFUS, député de la Seine.
A. GIRY, professeur à l'École des chartes.
GLASSON, membre de l'Institut, professeur à la Faculté de
droit de Paris.
D' L. HAHN, bibliothécaire en chef de la Faculté de médecine
de Paris.
MM. C.-A. LAISANT, député de la Seine, docteur es sciences
mathématiques.
H. LAURENT, docteur es sciences mathématiques, examinateur
à l'École polytechnique.
E. LEVASSEUR, membre de l'Institut, professeur au Collège
de France.
H. MARION, professeur à la Faculté des lettres de Paris.
E. MUNTZ, conservateur de l'École nationale des beaux-arts
A. VVALTZ, professeur à la Faculté des lettres de Bordeaux.
Secrétaire général : F.-Camille DREYFUS, député de la Seine.
TOME QUINZIEME
ACCOMPAGNÉ DE DEUX CARTES EN COULEURS, HORS TEXTE
(ECOSSE, EGYPTE)
DUEL. — EŒTVŒS.
PARIS
n. LAMIRAULT et C% EDITEURS
61, RUE DE RENNES; Gl
Tous droits réservés.
LISTE DE MM. LES COLLABORATEURS
DE
LA GRANDE ENCYCLOPEDIE
N. B. — Cette liste sera reproduite avec les modifications nécessaires en tête de chaque volume, et une liste générale
sera publiée à la fin de Vouvrage.
COMITÉ DE DIRECTION
BERTHELOT, sénateur, membre de l'Institut.
Hartwig DERENBOURG, professeur à l'École spéciale
des langues orientales vivantes.
F. -Camille DREYFUS, député de la Seine.
A. GIRY, professeur à l'École des chartes.
GLASSON, membre de l'Institut, professeur à la Faculté
de droit de Paris.
D'' L. HAHN, bibliothécaire en chef de la Faculté de
médecine de Paris.
MM. C.-Â. LAISANT, député de la Seine, docteur cr^ sciences
mathématiques.
H. LAURENT, docteur es sciences mathématiques, exr -
minateur à l'Ecole polytechnique.
E. LEVASSEUR, membre de l'Institut, professeur au
Collège de France.
H. MARION, professeur à la Sorbonne.
E. MUNTZ , conservateur de l'École nationale des
beaux-arts.
A. WALTZjprofes'-à la Faculté des lettres de Bordeaux.
Adam, professeur à la Faculté des lettres de Dijon.
Aguu.lon, ingénieur en chef des mines, professeur à l'Ecole
nationale supérieure des mines.
Ajlderert (Edouard), publiciste.
Allemagise (H. d'), attaché à la Bibliothèque de l'Arsenal.
Alphandéry, docteur en médecine.
ambrésin (Samuel), docteur en médecine.
Amfaud, sous-chef de bureau au Ministère de la justice.
A?iDRÉ (Louis), procureur de la République à Provins.
Arnodin (F.), ingénieur des arts et manufactures.
AssE (E.), de la Bibliothèque de l'Arsenal.
AuLARD (F. -A.), professeur à la Faculté des lettres de Paris.
Babelon (E.), conservateur adjoint du département des
médailles et antiques de la Bibliothèque nationale.
Ballé (A.), publiciste.
Bapst (Germain), membre de la Société nationale des Anti-
quaires de France.
Barré (L.), astronome adjoint à l'Observatoire de Paris.
Barrés (Maurice), député de Nancy.
Barroux (Marins) , archiviste adjoint aux Archives de la
Seine.
Bazille, docteur en droit, avocat au Conseil d'Etat.
Baudrillart (André), ancien membre de l'Ecole française
de Rome, agrégé de l'Université.
Rayet, recteur de l'Académie de Lille.
Beaudouin (Mondry), professeur à la Faculté des lettres de
Toulouse.
Beauregard, professeur à la Faculté de droit de Paris.
Beauvois (E.).
Bechmann (G.), ingénieur en chef, professeur à l'Ecole des
ponts et chaussées, directeur des travaux de salubrité
de la ville de Paris.
Belugou.
Bémont (Charles), maître de conférences à l'Ecole des Hautes-
Etudes,
BÉNÉDITE (G.), attaché au musée du Louvre.
BENET (A.), archiviste du département du Calvados.
BÉRARD, directeurdela poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles.
BÈRE (F.), ingénieur des manufactures de l'Etat.
Berlet (A), procureur de la République cà Mauriac.
Berger (Philippe), sous-bibliothécaire de l'Institut.
Bernard (A.), professeur au lycée de Mont-de-Marsan.
Bernard (F.) , professeur d'économie politique.
Bernard (Maurice), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Berthelé (Joseph), archiviste du département des Deux-
Sèvres.
Berthelot (André), agrégé d'histoire et de géographie,
maître de conférences à l'Ecole des Hautes-Etudes.
Berthelot (Daniel), docteur es sciences, assistant au Mu-
séum d'Histoire naturelle.
Berthelot (Philippe), licencié es lettres et en droit.
Bertrand (A.), membre de l'Institut, directeur du musée de
Saint- Germain.
Bertrand (Al.), professeur à la Faculté des lettres de Lyon.
Besson (Emmanuel), chef à la direction générale de l'Enre-
gistrement.
BÉTRiNE (Alcide), professeur d'histoire et de littérature, rédac •
teur au journal la Géographie.
BiNET (E.), professeur à la Faculté de droit de Nancy.
Blanchard ( Raphaël ) , professeur agrégé à la Faculté de
médecine de Paris.
Blanchet (Adrien), attaché au département des médailles
et antiques de la Bibliothèque nationale
Bloch (G.), maître de conférences à l'Ecole normale supé-
rieure.
Blondel, professeur à la Faculté de droit de Nancy.
Blondel (D^ R.), docteur es sciences.
Blum, agrégé de philosophie.
Boehler, docteur en médecine.
Boghaert-Vaché (A.), publiciste.
Bonheur (Rayniond), compositeur de musique.
BoNHouRE (Adrien), préfet des Pyrénées-Orientales.
BoNNARDOT (François), inspecteur des Travaux historiques
de la ville de Paris.
BoNET-MAURY (Gastou), protcsseuT à la Faculté de Ihcologie
protestante de Paris.
Bordes (Charles), critique musical.
Bobnarel (F.), agrégé de l'Université.
Bossert (A.), inspecteur général de l'Instruction publique.
Bouché -Leclercq (A.), professeur à la Faculté des lettres
de Paris.
Boucheron (H.), ingénieur, professeur à l'École centrale des
arts et manufactures,
Bougenot (S.), archiviste-paléographe.
Boulin (Stéphane), maître de conférences à la Faculté des
lettres de Bordeaux.
BouRGOiN (Ed.), membre de l'Académie de médecine, pro-
fesseur à l'Ecole supérieure de pharmacie,
BouRNEviLLE, médeciu des hôpitaux.
BouRNON (F.), archiviste-paléographe.
BouTROux (Emile), professeur à la Faculté des lettres de Paris.
LISTE DE MM. LES COLLABORATEURS
BoYER (G.), préparateur de botanique et de sylviculture à
l'Ecole d'agriculture de Montpellier.
Brenet (Michel).
Brochard (Victor), chargé de cours à la Faculté des lettres
de Paris.
Brunet (Victor).
BnuNETiÈRE (Ferdinand), maître de conférences à l'École
normale supérieure.
Brutails, archiviste du département de la Gironde.
BûciiNFR, professeur de littérature étrangère à la Faculté
des lettres de Caen.
BuLOT (Léon), substitut au tribunal de la Seine.
Burdeau (Auguste), professeur agrégé de philosophie, député
du Rhône.
Cadillac.
Gagnât, professeur au Collège de France.
Caix de Saint-Aymour (vicomte Amédée de), publiciste.
Camescasse (J.), docteur en médecine.
C\RRÉ de Malberg, docteur en droit.
Castaigne (E.-J.), professeur de l'Université.
Castan (A.), correspondant de l'Institut, conservateur delà
Bibliothèque de la ville à Besançon.
Cat (E.), professeur à l'Ecole des lettres d'Alger.
Cauwès (Paul), professeur à la Faculté de droit de Paris.
Chabry (L.), docteur en médecine et es sciences.
Challamel, conservateur honoraire de la Bibliotliéque
Sainte-Geneviève.
Champeaux (de), bibliothécaire de l'Union centrale des arts
décoratifs.
Ghampier (Victor), directeur de \^ Revue des arts décoratifs.
Ghancel (Jules), docteur en droit.
Charavay (Etienne), archiviste-paléographe.
Charlot (Marcel), sous-chef de bureau au Ministère de
l'instruction publique.
Charpentier (Paul), ingénieur des arts et manufactures.
Ghavegrin, agrégea la Faculté de droit de Paris.
Chervin (D*"), inembre du Conseil supérieur de statistique,
directeur de l'Institution des bègues de Paris.
CiiEuvHEUx (Casimir), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Claparède (A. de), docteur en droit, ancien secrétaire du
Département politique (affaires étrangères) de la Confé-
dération suisse.
Clermont, docteur en médecine.
Cleuziou (Henri du).
Colin (Maurice), professeur agrégé des Facultés de droit.
CoLLiGNON (M.), chargé de cours à la Faculté des lettres de
Paris.
Gollineau, docteur en médecine.
Colmet d'Aage (Henri), conseiller maître à la Cour des
comptes.
CoMPAYRÉ, recteur de l'Académie de Poitiers.
CoRDiER (H.), professeur à l'Ecole des lancrues orientales.
CosNEAU (E.), professeur au lycée Henri IV.
CouDERc (Camille), sous-bibliothécaire au département des
manuscrits à la liibliothèque nationale.
GouRBoiN (F.), sous-bibliothécaire au Cabinet des estampes
à la Bibliothèque nationale.
Courdaveaux (V.), prof, à la Faculté des lettres de Lille.
CousTAN (D'" A.), médecin-major de 1'° classe.
CoviLLE (A. -H.', professeur à la Faculté des lettres de Lyon.
Créhange, professeur à l'Ecole alsacienne.
Crié (A.), publiciste.
Crié (Louis), professeur à la Faculté des sciences de Rennes.
Crozals, professeur à la Faculté des lettres de Grenoble.
Cunisset-Carnot (P.), procureur général à Dijon.
Darmesteter (James), professeur au Collège de France.
Dastre (A.), professeur de physiologie à la Faculté des
sciences de Paris
Dauriac (Lionel), professeur à la Faculté des lettres de
Montpellier.
Debidour (A.), inspecteur général de l'Instruction publique.
Debierre (D"" Ch.), prof, à la Faculté de médecine de Lille.
Declâreuil (J.), docteur en droit, chargé de cours à l'école
de droit d'Alger.
DÉGLiN (H.), docteur en droit, avocat à la cour d'appel de
Nancy.
Delabrousse, ancien commissaire général du gouvernement
auprès des Compagnies de chemins de fer.
Delavaud (Ch.), inspecteur du service de santé de la
marine, en retraite.
Delavaud (L.j, secrétaire de l'ambassade de France à Berlin.
Deniker, docteur es sciences naturelles, bibliothécaire du
Muséum.
Derenbourg (Joseph), membre de l'Institut.
Desdouits, ingénieur en chef aux chemins de fer de l'Etat.
Després (Armand), chirurgien de l'hôpital de la Charité,
professeur agrégé de la Faculté de médecine.
DiDiEiuEAN (Lyonnel), avocat.
Diehl, ancien membre de l'Ecole d'Athènes, professeur à
la Faculté des lettres de Nancy,
Dolffus (G.), attaché à la Carte géologique de France.
Dollfus (Lucien).
DossoN, professeur à la Faculté des lettres de Clermont-
Ferrand.
Dramard, conseiller à la cour de Limoges.
Drapeyron (Ludovic), docteur es lettres, directeur de la
Revue de Géographie.
Droogmans (H.), ancien chancelier du Consulat général belge
aux Etats-Unis,
Drouin (E.), avocat, membre du conseil de la Soc. asiatique.
Dubarry, docteur en médecine.
DUBOURDIEU (X.).
DucRocQ. professeur à la Faculté de droit de Paris.
Dufourmantelle (Maurice), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Dufourmantelle (Charles), ancien archiviste de la Corse.
Duhamel (Louis;. archiviste du département de Vaucluse.
DuMuuLîN, professeur au lycée de Roanne.
Durand (Maxime:, consul suppléant de France à New- York.,
Durand (G. ), archiviste du département de la Somme.
Durand-Gréville, publiciste.
DuREAu(D^A.), bibliothécaire en chef de l'Académie de méde-
cine.
Durier (Ch.), vice-président du Club alpin français, chef de
division au Ministère de la justice.
Du Seigneur (Maurice), critique d'art.,
Dybowsri, maître de conférences à l'École nationale d'agri-
culture de Grignon, explorateur de l'Afrique centrale.
Ernst (Alfred), de la Bibliothèque Sainte-Geneviève.
EsBAECiiER (Emile), ancien chef de bureau au Ministère des
postes et télégraphes.
Faliès (Gustave), publiciste.
Farges (Louis), sous-chef du bureau historique au Ministère
des affaires étrangères.
Faucher (L.), ingénieur en chef des poudres et salpêtres à
Lille.
Feer (Léon), bibliothécaire au département des manuscrits
de la Bibliothèque nationale.
Ferra (Joannès , chancelier de résidence en Indo-Chine.
Flamant (A.), ingénieur en chef des ponts et chaussées.
Flourac, archiviste du département des Basses-Pyrénées.
FoNCiN (Pierre), inspecteur général de l'Enseignement secon-
daire.
Fonsegrive, professeur de philosophie au lycée Bufîon.
Fonte ^Raoul], professeur d'histoire au collège de Calais.
FouuNiER (Henri), docteur en médecine.
Fournier (Marcel), professeur k la Faculté de droit de Caen .
FOURNIER DE FLAIX, publicistC.
France (H.), professeur à l'Académie royale militaire de
Woohvich.
François (G.), chef comptable de banque.
FREDiiRiCQ (Paul), professeur à l'Université de Gand.
Funck-Brentano (Frantz), attaché à la Biblioth. de l'Arsenal.
Gaignière (Henri), substitut du procureur de la République
à Meaux.
Ganiayre (Cécilio).
Gardeil, professeur à la Faculté de droit de Nancv.
Garnier (E.), membre du Comité des Sociétés des Beaux-Arts.
Garnier (L.), rédacteur en chef de la Presse vétérinaire.
Gasté (Armand), professeur à la Faculté des lettres de Caen.
Gausseron, professeur au lycée Janson-de-Saillv-
Gauthiez (Pierre), agrégé de l'Université.
Gautier (.Jules), professeur au Ivcée Michelet.
Gavet (G.), agrégé à la Faculté de droit de Nancy.
Gérard (Aug.). ministre plénipotentiaire au Brésil.
GiARD (A.), professeur à la Faculté des sciences de Paris.
GiDEL, proviseur du lycée Louis- le -Grand.
Giqueaux (P.), professeur au lycée de Nice.
Girard (Charles), chef du Laboratoire municipal de Paris.
Girard (Paul), maître de conférences à la Faculté des lettres
de Paris.
Girard (P. -F.), agrégé à la Faculté de droit de Pans.
GiRODON (F.), docteur en droit.
Gley(E.), prof, agrégé à la Faculté de médecine de Paris.
GoB.4T(D"), conseiller d'Etat, directeur de l'Education du
canton de Berne.
Goguel (P.), professeur de filature à l'Institut industriel du
Nord.
Gonse. membre du Conseil supérieur des Beaux-Arts.
Gorceix (H.), directeur de l'Ecole des mines de Ouro-Preto
(Brésil).
GouRDON de Genouillac, du comité de la Société des gens
de lettres.
GouRMONT (Réuiv de), publiciste.
Grand (E.-D.\ archiviste de la ville de Montpellier.
Grandjean (Charles), secrétaire-rédacteur au Sénat.
Gruyer (Gustave;, publiciste.
Guigl'e 'Georges', archiviste du département du Rhône.
Guilaine (Louis), rédacteur en chef de la Revue Sud-Amé-
ricaine.
Guillaume, membre de l'Institut, professeur au Collège de
France, directeur de l'Académie de Fj-nncc à Rome.
GuiRAUD (Paul), chargé de cours à la Faculté des lettres de Paris.
Hahn (J.), médecin-major de l""" classe.
Heckel, professeur à la Faculté des sciences de Marseille.
Henneguy (Félix), publiciste.
Herrmann (D'"), professeurà la Faculté de médecine de Lille.
Hesse (Lucien).
HiLD (J.-A.), professeur à la Faculté des lettres de Poitiers.
Homolle, membre de l'Institut, directeur de l'Ecole fran-
çaise d'Athènes.
Honoré (Fernand), ])ul)liciste.
Houdas, professeurà l'Ecole des langues orientales.
HoussAYE (Arsène), homme de lettres.
Hubert (Eugène), professeur à l'Université de Liège.
LISTE DE MM. LES COLLABORATEURS
HUMBERT (G.), ingénieur des ponts et chaussées à Blois.
ISRAELSSOHN, Orientaliste.
Jacquemaiue (Numa), avocat à la Cour d'appel de Paris
Jacquemart (A.), député des Ardennes.
Jamais (E.), député du Gard.
Jeanroy, professeur à la Faculté des lettres de Toulouse.
JoANNis, docteur es sciences, professeur de chimie indus-
trielle à la Faculté des sciences de Bordeaux
JoBBÉ-DuvAL (E.), agrégé à la Faculté de droit de Paris.
JoRGA (N.), professeur à Bucarest.
JouANNE (G.), ingénieur des arts et manufactures.
JouBiN (L.), docteur es sciences, maître de conférences à la
Faculté des sciences de Rennes.
JuLLiAN (Camille), professeur à la Faculté des lettres de
Bordeaux.
JussERAND, conseiller de l'ambassade de France à Londres.
KÉRAVAL (P.), médecin des asiles de la Seine.
Kerlero du Crano. officier de marine en ret^'aite.
Knab(L.), ingénieur civil, répétiteur à l'Ecole centrale des
arts et manufactures.
Kœchlin (Camille).
KOECIILIN (R.).
KoHLER (Ch.), bibliothécaire à la bibliothèque Sainte-Gene-
viève.
Kruger (F.-H.), professeur k l'Institut des missions évangé-
liques de Paris.
KuHFF (G.), docteur en médecine.
Kuî^CKEL d'HERCULAis, aide-naturaiistc au 3Iuséum d'histoire
naturelle.
KCHNE, publiciste.
KuNSTLER, professeur ix la Faculté des sciences de Bordeaux.
Lacour (P.), attaché à la direction des Beaux-Arts.
Lacour-Gayet (Georges), docteur es lettres, professeur d'his-
toire au lycée Saint-Louis.
Lacroix, docteur es sciences-
Lagache (Célestin), ancien directeur des travaux stenogi'a-
phiques de la Chambre des députés.
Lagrésille (Georges), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Lahillonne (Jacques), professeur au Ivcée de Grenoble.
Laîné, agrégé à la Faculté de droit de Paris.
Lambert (Mayer), professeur au séminaire Israélite de Paris.
Lambling (D'-), professeur agrégé à la Faculté de médecine
de Lille.
Langlois (D"" p.), préparateur au laboratoire de phvsiologle
de la Faculté de médecine de Paris.
Langlois (Ch.-Y.-M.), chargé de cours cà la Faculté des lettres
de Paris.
Lanjalley.
Lanson (G.), professeur de rhétorique au Ivcée MIchelet.
Larbalétrier (A.), professeur à l'Ecole d'agriculture du
Pas-de-Calais.
Larivière (Ch. de;, receveur particulier à Gien.
Laur (F.), ingénieur des mines, député de la Seiue.
Laurent (E.), bibliothécaire du Palais-Bourbon.
Lavalley (Gaston), bibliothécaire de la ville de Caen.
Laveleye (E. de), professeur à l'Université de Liège.
Lavoix (Henri), conservateur du cabinet des médailles, à
la Bibliothèque nationale.
Lavoix (Henri) fils, administrateur de la bibliothèque Sainte-
Geneviève.
Leciialas (M.-C), inspecteur général des ponts et chaussées.
Leciialas (G.), ingénieur en chef des ponts et chaussées
Leclerc (Adhémar), résident à Sanbaur (Cambodge i.
Lecornu (L.), ingénieur des mines, docteur es science^
Lecrivain (Ch.), chargé de cours à la Faculté des letties de
Toulouse,
Lederoer (P. -h.), docteur es sciences.
Lefèvhe (Charles], prolesseur à la Faculté de dro't de Pari^
Lefèvre (Edouard), ancien président de la Société entorao-
logique de France.
Lefort (Paul), inspecteur des Beaux-Arts.
Lefranc (Abel). archiviste aux Archives nationales
LEGER (L.), professeur au Collège de France.
Legrand (Emile), professeur à l'Ecole des langues orientales
Le Goffic (Charles), pi'ofesseur au lycée du fL'ivie.
Leur (E.), professeur iionoraire de droit cà Lausaitu--.
Lehugeur (Paul), professeur au lycée Charlemasne.
Lemoine (D'- Georges), professeur à la Faculté 'de m'MlpciaP
de Lille.
Lemosof (Paul;, attaché à la Société de idéographie.
Leprieur (Paul), attaché à la conservation du inu-éc du
Luxembourg.
Lericiie, attaclic au consulat de France à Beyrouth
Leroux (AIL), archiviste du département de l.i IfauioVienDo
Levasseur. juge supijicuut ;'i J'j'oviris.
Lî- veillé, professeur à la Faculté de dj-oit d(; l'aris
LEvi(Sylvain), maîtie de conférences à la Faculté des lettre>^
de Paris et à l'Ecole des Hautes-Etudes .
Lex (L.), archiviste du département de Saône-et-Loii'e
Leymarie (C.}, bibliothécaire de la ville de Limoges.
LiARD, directeur de l'enseignement supérieur au Ministère
de 1 instruction publique.
Lietard, docteur en médecine.
Loeb (Isidore), président du comité de publication delà
Société des études juives.
Loret (Victor), maître de conférences à la Faculté des lettres
de Lyon.
Lucas (Charles), architecte.
LuciPiA (Louis), membre du Conseil municipal de Paris.
Lyon (Georges), maître de conférences à l'Ecole normale
supérieure.
Lyon-Caen (Ch.), professeur à la Faculté de droit de Paris.
Mabille (J.), attaché au laboratoire de malacologie du Mu-
séum d'histoire naturelle, secrétaire de la Société mala-
cologique de France,
Maindron, critique d'art.
xMaire (Albert), bibliothécaire de l'Université.
Manceron (Félix), conservateur des hypothèques.
Manouvrier, docteur en médecine.
Mantz (Paul), directeur général honoraire des Beaux-Arts
Marais (Paul), sous-bibliothécaire à la bibliothèque Mazarine
Marcel, bibliothécaire de la section de géographie à la Bi-
bliothèque nationale.
Marchand, juge suppléant à Meaux.
Marchand (Louis), vice-recteur à Aiaccio.
Marlet (Léon), attaché à la bibliothèque du Sénat.
Marmûnier, docteur en droit.
Marre (Aristide), chargé de cours à l'École des laneues
orientales.
Martel (E.), avocat.
Martha (Jules), maître de conférences à l'École normale
supérieure.
Martin (A.-J.), ancien préparateur au laboratoire de phy-
siologie de la Faculté de médecine de Paris.
Martin (Henry), bibliothécaire à la bibliothèque de l'Arsenal
Martinière (H. -P. de La).
Martinet (A.), commissaire du gouvernement prés le con^^eil
de préfecture de la Seine
Maspero, membre de l'Institut, professeur au Collège de
France.
Massebieau (A.), professeur d'histoire au lycée de Rennes
Massigli (Ch.), agrégé à la Faculté de droit de Paris.
Maury (p.), docteur es sciences.
May (G.), professeur à la Faculté de droit de Nancy
Mazerolle (Fernand), archiviste-paléographe,
Mazon (A.), homme de lettres.
Mélani (Alfredo), professeur cà l'Ecole supérieure d'art appli-
que à l'industrie de Milan.
Melin (G.), docteur en droit, avocat à la Cour d'appel de Nancv.
Mely (F. de), correspondant du Comité des Sociétés dès
Beaux-Arts des départements.
Menant (J,), membre de l'Institut.
MÉNARD (Louis), docteur en médecine,
Merson (Olivier), critique d'art.
Meynersd'Estrey (comte), docteur en médecine.
MiciiAur (C), chimiste de la station agronomique de l'Yonne.
Michel (André), professeur a l'Ecole spéciale d'architecture,
membre de fa commission des monuments historiques
Michel (Emile;, membre de l'Institut.
Michel (Léon), agrégé à la Faculté de droit de Paris.
xMoiREAU (Aug.), agrégé des lettres.
Molinier (A.), conservateur à la bibliothèque Sainte-Gene-
viève.
MoLiNiER (Ch.), professeur à la Faculté des lettres de Tou-
louse.
Molinier (E.). professeur à l'Ecole du Louvre.
MoNCELON, ancien délégué de la Nouvelle-Calédonie au Con-
seil supérieur des Colonies.
MoNiEz (DO, professeur à la Faculté de médecine de Lille.
MoNiN (H.), docteur es lettres, professeur au collège Rollin
MoNNiER (J.), élève diplôme de l'Ecole des langues orientales.
-MoRER. medecin-major de f® classe.
MoRTET (Ch.), conservateur adjoint à la bibliothèque Saiiite-
Gcnevieve.
MoRTET (Victor), bibliothécaire à la Sorbonne.
MoRTiLLET (G. de), ancien conservateur adjoint du musée de
Saint-Germain.
Moutard, examinateur à l'École polvtechnique.
Muret, professeur à l'Université de Genève.
Nachbaur (Paul), avocat à la cour d'appel de Nancy.
NÉNOT, architecte de la Sorbonne.
NOLHAC (Pierre de), maître de conférences à l'Ecole des
Hautes Etudes, attaché aux musées nationaux.
Ollivier (M™«), correspondante du Journal officiel de Saint-
Pétersbourg.
Oltramare, astronome à l'Observatoire de Paris.
Omont (H.), bibliothécaire au département des manuscrits
de la Bibliothèque nationale.
Oppert (Jules), membre de l'Institut, professeur au Collège
de France.
Ottavi (P.), élève drogman, attaché au consulat de France
a Zanzibar.
OuRKM ;Alméida Aréas , vicomte d') , membre de l'Institut
hist. et geogr. du Brésil, ancien ministre plénipoten-
tiaire du Brésil à Londres,
Oustalet (E.), aide-naturaliste au Muséum d'histoirenaturelle.
PALUSTRE (Léon), directeur honoraire de la Société française
d archéologie.
Paris, maître de conférences à la Faculté des lettres de
Bordeaux.
PAS.SY (Paul), professeur de langues vivantes, président de
1 Association phonétique des professeurs d'anglais.
Paturet, substitut du i)rocureurdc la République, à Toulon.
Paultan, secrétaire rédacteur à la Chambre des députés.
LISTE DE MM. LES COLLABORATEURS
Paumes (Benjamin),, professeur au collège de Lectoure.
Pawlowski (Gustave), bibliographe.
^^ê:ZX^^^-- la Faculté des lettres
de Montpellier. , ^ ^ ^ ^ T>KAr.o
PELLETAN (Camille), députe des Bouches-du-Rhône.
PÉRA?É ancien membre de l'École française de Rome,
PÉREZ (Bernard), publiciste. ,
Pftit (E ), professeur au lycée Janson-de-Sailiy.
Petit (P.), membre de la Société botanique de France.
PeÎÎt (li'L.-H.), bibliothécaire à la Faculté de médecine
PETi?-Du^TAiLLY (Ch.) , agrégé d'histoire, archiviste-paléo-
graphe.
Pfender (Charles).
PiAGET (A.), docteur es lettres. ,^„àn-p Rnllin
PicAVET docteur es lettres, professeur au collège Rojlin,
Stre de conférences à l'Ecole des Hautes-Etudes
PICOT (Emile), professeur à l'Ecole des langues orientales.
pÎéchaud (Adolphe), docteur en médecme, medecm du
Sénat, inspecteur des écoles de Pans. T^„vrP
PiERRET (Paul), conservateur du musée «SYPtien du Louvre.
Pignot(A.), ancien interne des hôpitaux de Pans, prépara-
teur à la Faculté de médecme. , ^ ^ ,^ .^ ^. ^
PiLLET (Jules), professeur à l'Ecole des beaux-arts et a
l'Ecole des ponts et chaussées. .
PINARD (Ad.), professeur à la Faculté de médecme de Pans.
PmEL-MAisoNNEUYE, doctcur en médecine.
PiRENNE (Henri), professeur à l'Université de Gand.
Pr ANioL affrése à la Faculté de droit de Pans.
PlX (G.1 bfbliothécaire de la Facul^
PoiNCARÉ (Raymond), avocat à la Cour d'appel de Pans, députe
de la Meuse.
PouGiN (Arthur), publiciste.
PouzET (Ph.), agrégé d'histoire.
Prado (Eduardo da Silva), avocat et homme de lettres.
Preux (J.), secrétaire du Comité de législation étrangère.
Prou (M.), bibliothécaire au Cabinet des médailles a la
Bibliothèque nationale.
Prudhomme, archiviste du département de liseré.
PsicHARi (Jean), maître de conférences a 1 Ecole des Hautes-
Etudes.
PuAUX (Franck), publiciste.
gu^r^&e's^seur'f l'Ecole des Hautes-Etudes commer-
riales
QuESNERiE* (Gustave de La), professeur au lycée Saint-Louis.
Rabier (Elle), directeur de l'enseignement secondaire au
Ministère de l'instruction publique.
Radet, maître de conférences a la Faculté des lettres de
Ravaisse (P.), chargé de cours à l'Ecole des langues orientales.
RAVAissoN-MoLLiEN (Charles), conservateur au Musée du
Louvre
RÉBOuis (E.)*, bibliothécaire à la bibliothèque de l'Université.
Regelsperger, docteur en droit. . , , ,, , ,,_„
Regnaud (P.), professeur à la Faculté des lettres de Lyon.
Reinach (J. de), membre de la Société d'économie politique.
Renard (Georges), professeur à la Faculté des lettres de
Lausanne. , , , . , ^ •
Renault, professeur à la Faculté de droit de Pans.
Renoult, chef du Cabinet du président de la Chambre des
députés.
RÉTHORÉ (J.-J.), licenciées lettres. ,
Reure, professeur à l'Ecole des Hautes-Etudes a Lyon.
RÉ VILLON (Tony), député de la Seine.
RÉviLLOUT (E.), conservateur au Musée du Louvre.
RiBOT (Th.), professeur au Collège de France, directeur de
là Revue philosophique. . ^ ^ „
Richet (Charles), professeur à la Faculté de médecine de Pans.
Rio-BRANCO (J.-M. da Silva-Paranhos, baron de), membre de
l'Institut historique et géographique du Brésil, ancien
RiTTi (D'- Ant.), médecin de la maison nationale de Charenton.
RocHORUNE'(D''de), aide-naturaliste au Muséum d'histoire
ROSSIGNOL, licencié es lettres, professeur à l'Ecole polytech-
nique de Zurich.
Roussel (Félix), avocat à la Cour d'appel de Pans.
RoussELET (Albin). , „ . . ^
Ruelle (C.-E.), conservateur à la bibliothèque Sainte-Gene-
viève.
RussEL (W.), docteur es sciences naturelles.
Sagnet (Léon), attaché au Ministère des travaux publics.
Sagnier (Henry), rédacteur en chef du Journal de l agri-
culture.
Saint (L.)
Saint-Marc, professeur agrégé à la Faculté de droit de Tou-
louse.
Saladin (Henri), architecte.
Salone, professeur agrégé d'histoire et de géographie au
lycée d'Orléans.
Samuel (René), sous-bibliothécaire du Sénat.
Sa>ti (D-" L. de), médecin-major de 2® classe.
Sarrau, membre de l'Institut, ingénieur en chef des poudres
et salpêtres.
Saury (D'). médecin de l'asile de Suresnes.
Sauvage (D»-), directeur de la station aquicoie de Roulogne-sur-
Mer.
Saverot (Victor), docteur en droit.
Sayous, professeur à la Faculté des lettres de Besançon,
membre correspondant de l'Académie hongroise.
Schefer (G.), bibliothécaire à la bibliothèque de l'Arsenal.
ScHMiT (L.), conducteur des ponts et chaussées.
Sergent (Ed.), commandant de l'armée teiritoriale.
Simon (Eugène), ancien président des Sociétés entomologique
et zoologique de France.
Souquet (Paul), professeur de philosophie au lycée Janson-
de-Saillv.
SouviRON (Alfred), chef de division à la préfecture de la Seine .
Stein (H.), archiviste aux Archives nationales.
Straus, professeur à la Faculté de médecine de Paris.
Stroehlin, professeur à l'Université de Genève .
Stryienski (Casimir), professeur agrégé au lycée Montaigne.
Swarte (Victor de), trésorier-payeur général de Seine-et-
Marne.
Tannery (P.), ingénieur des manufactures de l'Etat.
Tausserat (Alexandre), attaché au Ministère des affaires
étrangères.
Théry (Edmond), publiciste.
Thiers (Adolphe), publiciste.
Tholin (G.), archiviste du département du Lot-et-Garonne.
Thomas (Antoine), chargé de cours à la Faculté des lettres
de Paris.
Thomas (D' L.), bibliothécaire à la Faculté de médecine de
Paris.
TiERSOT (Julien), sous-bibliothécaire au Conservatoire de
musique.
TouRNEUx (Maurice), publiciste.
Trawinski, sous-chef de bureau à la direction des Beaux-
Arts.
Trescaze (A.), directeur honoraire des douanes.
Trouissart, docteur en médecine.
Vachon (Marins), secrétaire de l'Union centrale des Arts
décoratifs.
Valabrègue (Antony), critique d'art.
Varigny (C. de) . , .
VARiGNY (H. de), docteur en médecine, docteur es sciences
naturelles. . . , ,
Vast (Henri), professeur d'histoire et de géographie au lycée
condorcet, examinateur d'admission à l'école Saint-
Cyr.
Vayssiere (A.), archiviste du département de l'Allier.
VÉLAiN (Charles), maître de conférences à la Faculté des
sciences de Paris. ^ , .
Venukoff ( Michel ) , ancien secrétaire gênerai de la Société
de géographie de Russie. ,
Vergniol (C), professeur agrégé d'histoire au lycée de
Bourges. , , .
Verneau (DO, préparateur de la chaire d'anthropologie au
Muséum d'histoire naturelle.
Vern»es (Maurice), directeur adjoint à l'Ecole des Hautes-
Etudes (section des sciences religieuses).
ViALA (Pierre), professeur de viticulture à l'Institut national
agronomique de Paris.
ViLLEDEuiL (Ch. de), astronome.
ViNSON (Julien), professeur à l'Ecole des langues orien-
tales.
VoGEL, publiciste.
VOLLET (E.-H.), docteur en droit.
WiLL (Louis) .
Wyrouboff (G.).
Yriarte (Charles), inspecteur des Beaux-Arts. _
Zaborowski, publiciste, ancien secrétaire de la Société
d'anthropologie de Paris.
LA GRANDE ENCYCLOPÉDIE
D
DUEL. I. Grammaire. — On appelle duel la forme
particulière que prennent les cas des mots déclinables ou
les personnes du verbe pour exprimer qu'on a en vue deux
objets ou une action faite ou subie par deux sujets à la
fois. Le duel existe dans toutes les familles de langues,
en aryen, en sémitique, en touranien, en hottentot , en
australien, et en même temps dans les substantifs et dans
les verbes. Mais on le voit, partout où se développe la
culture intellectuelle, tomber peu à peu en désuétude et
faire place au pluriel. Aussi haut que nous remontions
dans les langues aryennes, le duel, déjà réduit à trois
formes casuelles en sanscrit et à deux en grec, n'existe
plus en latin; il est inconnu du grec éolien, du nouvel
ionien, conservé seulement dans quelques formules en
dorien; et en ionien attique où son emploi est très fré-
quent dans les premiers textes, il est allé diminuant si bien
qu'il disparait au ii^ siècle des inscriptions, de la prose de
la xocvrj, et n'existe plus du tout chez les Septante. Il est
inadmissible cependant qu'il ait été superflu à l'origine, sans
quoi il n'eût pas existé, et n'existerait pas encore dans les
dialectes sauvages. Son origine doit même être des plus
anciennes et remonter à une période où la numération
n'allait pas au delà du nombre deux. Certaines langues n'ont
pas encore de noms de nombre supérieurs à deux ; d'autres
n'ont pas de pluriel. Une d'elles exprime le nom de nombre
trois par le mot prica, beaucoup. Peut-être même la racine
aryenne du nom de nombre trois (tpsî^, très, tria, ttireé)
est-elle la même que celle des adverbes trans, tarânii
(sk.), through, au delà. En tous cas, il a dû en être
de^ premiers hommes comme il en est encore aujourd'hui de
plusieurs peuplades sauvages : l'idée de pluralité telle que
nous la concevons n'existait pas chez eux. De là l'origine
du duel, issu peut-être du redoublement, et affecté à désigner
les objets qui se trouvaient deux par deux, soit par l'effet
du hasard, soit naturellement, comme les parties du corps.
Puis, quand la notion de pluralité s'est éveillée chez l'homme,
il a attribué aux variantes de ces formes primitives la signi-
fication du pluriel. De là l'antiquité des désinences du duel,
l'impossibilité de les expliquer par celles du pluriel , et la
disparition graduelle de ce nombre quand, après la créa-
tion du pluriel, il fut devenu inutile. P. Giqueaux.
II. Histoire. — Duel judiciaire. — Le duel est, chez
les peuples qui n'ont pas encore une notion claire de l'équité,
le moyen de résoudre les différends. Dans un état de civili-
sation plus avancé, les hommes regardent l'issue du combat
singulier comme la manifestation de la volonté du ciel qui
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
donne la victoire à celui qui a raison en même temps qu'il
confond l'injustice; le duel devient un jugement de Dieu.
Plus tard, la puissance publique s'empare du duel, le sou-
met à des règles déterminées, le fait entrer dans la procé-
dure : il est dès lors un moyen de preuve employé devant
les tribunaux. Ainsi voyons-nous que les Germains, au
dire de Velleius Paterculus (II, 418), terminaient leurs
procès par un combat singulier. Au vii^ siècle, Grégoire de
Tours et Frédégairc qualifiaient le duel un jugement de
Dieu. En même temps il est inscrit dans les lois au nombre
des preuves ordonnées par les juges. Le roi Gondebaud
l'introduisit dans la Loi des Burgondes (art. XLV).Dans
cette loi, la preuve incombe à l'accusé qui se disculpe par
des cojurateurs. Le demandeur peut refuser le serment,
auquel cas le duel a lieu entre le demandeur et l'un des
cojurateurs qui ne doit pas hésiter à combattre ayant
affirmé qu'il connaissait la vérité, car Dieu lui donnera la
victoire. Gondebaud pensait par là éviter les parjures,
puisque dans la procédure d'où le duel était banni chaque
parti prenait le ciel à témoin de sa bonne foi et de son
bon droit. Comme l'a remarqué M. Paul Viollet, ce moyen
de justifier le duel perdit bientôt toute sa valeur, car, une
fois la procédure du duel établie, le combat étant précédé
des serments de l'une et l'autre partie ne pouvait avoir
lieu sans parjure préalable. La loi salique ne connaît pas
le duel, mais il apparaît dans la seconde partie de la Loi
des Ripuaires. Il est usité quand quelqu'un conteste la
légalité d'une émancipation et que l'émancipé ne peut en
présenter l'auteur pour le défendre ; pour s'opposer à la
saisie, quand celui qui en est menacé a négligé de se pré-
senter au tribunal malgré sept citations consécutives ; pour
s'opposer au serment d'un chancelier qui, en l'absence des
témoins présents à la rédaction d'un acte, veut en démon-
trer l'authenticité par son serment et celui de cojurateurs;
enfin, dans les causes relatives à la propriété ou à la li-
berté. Le duel judiciaire est mentionné comme moyen de
preuve dans la Loi des Alamans, dans la Loi des Bava-
rois. On le trouve dans la Lex Tfiuringoriim et dans les
Lois saxonnes. Un voyageur arabe, du x^- siècle, Ibn
Dost, mentionne l'usage du duel chez les Slaves. D'après
lui, tout procès était décidé par le prince, mais si les par-
ties n'étaient pas satisfaites du jugement, elles recouraient
au duel ; le vainqueur imposait au vaincu telle condition
qu'il lui plaisait. Encore en 1022 il fut convenu entre
deux adversaires que le vainqueur aurait les meubles, les
terres, la femme et les fils du vaincu. En Bohême, au
\
DUEL
— 2 —
xiv^ siècle, le vainqueur était obligé de décapiter lui-même
le vaincu. Les Anglo-Saxons, qui connaissaient certaines
ordalies, comme le jugement par le fer chaud, l'eau bouil-
lante ou l'eau froide, n'avaient jamais recours au duel;
du moins cette preuve n'est pas mentionnée par les lois
anglo-saxonnes. Elle n'apparaît en Angleterre qu'avec le
droit normand, à la suite de la conquête. Les lois de Guil-
laume le Conquérant n'imposent pas le duel aux Anglais à
qui il est toujours loisible de se disculper par les ordalies.
Mais l'Anglais peut défier le Normand en duel pour vol,
homicide et autre crime quelconque; mais, s'il ne le fait
pas, le Normand se purge de l'accusation par cojiirateurs.
Les ecclésiastiques, les femmes, les jeunes gens, les vieil-
lards, les malades ne peuvent être contraints de recourir
au duel, mais ils peuvent, s'il leur convient, se faire rem-
placer par des champions. Chez les Lombards, la théorie
de la preuve conserve dans les lois de Rotharis et de Gri-
moald son caractère germanique. Mais déjà Tédit, de Luit-
prand favorise la preuve documentaire et testimoniale. En
ce qui touche le droit nordique, les renseignements les
plus anciens ne nous sont fournis que par la littérature,
les sagas. Le duel était très usité. Mais il était convention-
nel ; il n'était pas ordonné par un juge ; il apparaît comme
le résultat d'une convention entre les parties, sans inter-
vention de l'autorité publique. Il en était de même dans
l'ancien droit irlandais. Dans la législation des Capitulaires,
le jugement de Dieu, spécialement le duel, est considéré
comme un moyen de preuve auquel on n'a recours qu'en
l'absence de tout autre, ou, encore, pour contrôler les
autres preuves, quand les divers témoignages ne s'accor-
dent pas entre eux.
C'est surtout dans la période coutumière, du x^ au
xii^ siècle, que le duel judiciaire fut en vigueur. Il était
déféré par les juges dans toute espèce de causes, au civil
et au criminel. Ce qui a particulièrement favorisé le
développement de ce mode de preuves, c'a été l'ignorance
des lois. Ainsi, un des auteurs des Miracles de saint
Benoît rapporte un fait curieux qui se passa au ix^ siècle,
au temps de l'abbé Boson, entre 833 et 840. Un procès
s'étant élevé entre l'avoué de Saint-Benoît et celui de
Saint-Denis au sujet de la possession d'immeubles, les
parties s'en remirent à la décision de maîtres es lois et de
missi royaux. Un premier plaid n'eut pas de résultat : de
tous les personnages présents (Jonas, évêque d'Orléans,
était du nombre) pas un ne connaissait suffisamment la loi
romaine qui régissait les biens d'église. On se transporta à
Orléans dans l'espérance d'y rencontrer des juges plus
instruits ; il n'en fut rien. Un duel, voilà le seul moyen que
les docteurs de l'Orléanais et du Gâtinais trouvèrent pour
mettre fin au différend. Et cela, dit le chroniqueur, parut
juste à tous. Les écus et les bâtons étaient prêts quand un
légiste du Gâtinais proposa de partager les biens en litige
entre les deux avoués. L'assemblée se rallia à cette opi-
nion. Si, au ix^ siècle, on avait aussi facilement recours au
duel, ce fut bien autre chose au xi^ siècle. Les églises à
cette époque n'hésitaient plus à trancher leurs débats par
un combat singulier. Citons quelques exemples de procès à
propos de biens d'église, terminés par le duel : en 1064,
une contestation entre les moines de Saint-Serge et ceux
de Saint-Aubin d'Angers; vers 4078, entre l'abbaye de
Saint-Père de Chartres et les héritiers d'un certain Robert;
en 4098, entre Fabbaye de Marmoutiers d'une part, et
celles de Sainte -Croix de Talmont et de Sainte -Marie
d'Angles, d'autre part. On pourrait aligner les exemples à
l'infini. Les seigneurs ecclésiastiques ne durent pas seule-
ment admettre le duel pour la défense de leurs droits dans
les procès débattus en cour séculière, mais ils furent obli-
gés de recevoir les gages de bataille dans leurs propres
cours. L'évèque de Paris tenait encore réguhèrement le
duel dans sa cour temporelle au xiii^ siècle. Dans un accord
de 1222, entre l'évèque de Paris et le roi, pour les droits
de justice dans le bourg de Saint-Germain l'Auxerrois, la
connaissance du meurtre ou du rapt dans la terre de
l'évèque est attribué au roi, mais la preuve du fait devait
se faire par le duel devant la cour de l'évèque. Bien
entendu, il ne s'agit pas ici des tribunaux ecclésiastiques
proprement dits, ni des procès en matière ecclésiastique,
mais seulement des justices sécuhères des églises. Car la
procédure canonique n'admettait pas le duel.
Nous parlerons plus loin des efforts de l'Eglise et de
divers souverains pour mettre fin à un usage aussi bar-
bare. Auparavant, il convient de dire quelques mots de la
procédure du duel en droit coutumier. Quand, dans un
procès, l'appelant ou celui qui accusait avait fait sa plainte
et avait ofïert le duel, si l'appelé ou l'accusé niait le
crime et acceptait l'offre, le juge ordonnait le duel ; cha-
cun jetait par terre un gantelet que l'autre relevait. Dans
l'action de meurtre, le demandeur, d'après V Abrégé du livre
des Assises de la Cour des bourgeois, devait présenter
le cadavre à la cour; puis, si l'adversaire niait le fait
dont il était accusé, le demandeur offrait le combat en ces
termes : « Je suis prest et apareillié de mostrer li de mon
cors contre le sien et de rendre le mort ou récréant en
une heure dou jour. » Venait ensuite la remise du gage :
« Yessi mon gage. » Si le demandeur ne faisait pas sa
plainte suivant les formules voulues, son action était nulle
et il payait une amende. Citons encore la formule d'accu-
sation des Coutumes de Beauvaisis, rapportée par Beau-
manoir. L'accusation s'adressait au juge : « Sire, je di sur
tel (et le doit nommer) que il mauvesement et en trahison
a murdri tele persone (et doit nommer le mort) qui mes
parens étoit ; et par son trait et son fait et par son pour-
chas, se il le reconnoit, je vous requiers que vous en
faciez comme de murdrier. Se il le nie je le vueil prouver
de mon corps contre le sien ou par homme qui fere le
puist, et doie pour moi, comme chil qui ai essoine, lequel
je montreray bien en temps et lieu. — Et se il appelloit
sans retenir avoué, ilconvenroit que il se battist, en sa per-
sonne et ne pourroit plus avoir avoué ou champion. » Le
défendeur ne devait pas se retirer avant d'avoir répondu à
l'appel, c.-à-d. avant d'avoir nié ou avoué le crime, ou
avoir proposé les raisons pour lesquelles il n'y avait lieu
ni à l'appel ni au gage de bataille. L'appel pouvait encore
être dirigé soit contre le jugement, soit contre le serment
de la partie adverse ou de ses témoins. Les formalités de
l'appel du serment de bataille devant la haute cour de Jéru-
salem ont été indiquées par Jean d'Ibelin. Le demandeur
agenouillé sur les évangiles certifie l'exactitude du fait qu'il
invoque. Après qu'il a]uré, mais avant qu'il se relève, le
défendeur doit le saisir par la main ou par le bras et dire :
« Ge t'en liève comme faus et parjur. » Si le défendeur
laisse à son adversaire le temps de se relever, il est déchu.
La Coustume anchiene des wages de bataille d'Amiens
décrit la façon dont doit se faire l'appel du serment des
témoins. Aussitôt que le témoin agenouillé s'apprête à
jurer sur les saints, le défendeur doit le saisir par la
main, le lever et dire qu'il est un faux témoin, car jamais
et nulle part on n'a vu ni ouï qu'il ait fait ce que ce
témoin déclare. Là-dessus il remet son gage de bataille entre
les mains du prévôt; il offre de prouver son dire soit par
son propre corps, soit par un tiers. D'après les anciennes
Constitutions du Châtelet, l'appelant doit saisir le témoin
par le pan de son vêtement et dire : « Je liève cestui corne faus
tesmoins et desloial » ; ensuite vient l'offre du combat.
Dans certaines coutumes, les parties, en outre des gages,
établissaient des cautions. Se mettre en faux gage,
c'était engager le duel avant que les serments d'usage
n'eussent été faits devant le juge. Une fois les gages
échangés l'accord ne pouvait plus avoir lieu entre les par-
ties qu'avec le consentement du seigneur, et dans ce cas
une amende était payée au seigneur par chacune des par-
ties. L'art. 14 des Coutumes de Lorris (1155) porte :
« Si les hommes de Lorris ont donné follement des gages
de duel et qu'avec l'assentiment du prévôt ils se soient
accordés avant de donner des cautions, chaque partie
payera deux sous et six deniers ; et si les cautions ont été
3 —
DUEL
constituées chacun payera sept sous et six deniers. » L'im-
position de ces amendes n'était pas en elle-même de
nature à diminuer le nombre des provocations; les parties
hésitaient moins à s'engager dans la procédure du duel,
du moment qu'elles savaient n'être pas forcées de la suivre
jusqu'au bout, jusqu'au champ clos. D'autî^e part, comme
à deux moments de la procédure on pouvait l'interrompre
et conclure un accord, il est certain que les duels hvrés
ont dû devenir de plus en plus rares. Au xiii^ siècle, le
duel pouvait même être arrêté après les premiers coups
échangés, qu'on appelait les coups le roi. Enfin, il semble
que, d'après certaines coutumes, un accord pouvait être
conclu même après le duel terminé. Ce qui ne laisserait
pas que d'être fort étonnant si l'on ne se souvenait qu'au
moyen âge la sentence doit être consentie et approuvée par
le condamné. La coutume d'Anjou mentionne la paix de
chose jugée; h jugement rendu sert de base à la transac-
tion. Beaumanoir prévoit le cas où la paix est conclue
après la défaite de l'une des parties. En Beauvaisis, le
consentement du seigneur direct ne suffisait plus, dans ce
cas, pour la conclusion de cet accord; celui du comte de
Clermont, seigneur haut justicier, devenait nécessaire.
Les hommes Hbres et les nobles, seuls, étaient admis à
se justifier d'une accusation par le duel ou à provoquer
leur adversaire. Le roi Louis VI en 4408 accorda aux
serfs de Notre-Dame de Paris le privilège de se battre
contre des hommes libres en même temps que le droit de
témoigner contre eux en justice. Les serfs de Sainte-
Geneviève, en 4409, de Saint-Martin des Champs, en 4444,
de Saint-Maur, en 4418, et de Notre-Dame de Chartres en
4428, obtinrent le même privilège. Les vieillards, les
malades, les femmes, les enfants, les clercs et tous ceux
qui le voulaient ne combattaient pas personnellement, mais
se faisaient remplacer par des champions. Les armes des
roturiers et des champions étaient l'écu et le bâton. Les
chevaliers se présentaient au champ clos, à cheval, armés
de pied en cap. Lorsqu'un roturier appelait un noble en
duel, le noble combattait à cheval, avec son épée et sa
lance, et le roturier à pied et avec son bâton. Si au con-
traire un noble appelait un roturier, il était obligé de
combattre à pied et avec la même arme que le roturier. Si
un noble ayant appelé un roturier se présentait a cheval,
avec ses armes de gentilhomme, et le roturier venait à
pied, le gentilhomme perdait ses armes et devait dès lors
combattre en chemise, sans armure, sans écu, sans bâton.
Le vaincu, dans les affaires criminelles, subissait la
peine que méritait son crime; s'il était tué dans le duel
et qu'il eût mérité la mort, son cadavre était pendu. Au
civil, le vaincu perdait son procès et payait une amende à
la justice. Elle était de soixante livres pour les nobles, de
soixante sous pour les roturiers. Cependant les coutumes
de Beaumont-sur-Oise, en 4222, fixent à soixante-sept
sous et demi l'amende à payer pour le vaincu ; la charte
de commune de Dijon, en 4483, le fixe à soixante-cinq
sous. Dans certaines coutumes, par exemple à Lorris, les
cautions du vaincu étaient, elles aussi, frappées d'une
amende. Une étroite soliçlarité unissait les pièges à celui
pour qui ils se portaient garants. Dans la Chanson de
Roland, les otages de Pinabel, vaincu par Thierry, subis-
sent la même peine que lui. De même, dans Huon de
Bordeaux, l'abbé de Cluny n'hésite pas à se porter caution
pour Huon bien qu'il sache qu'il doive être pendu si Huon
est vaincu.
Voici quelle était la procédure des gages et les cérémo-
nies du duel judiciaire entre nobles d'après le formulaire
qui accompagne une célèbre ordonnance rendue par Phi-
lippe le Bel en 1306 et dont nous indiquerons plus loin la
portée. En gage de bataille, tout homme qui se prétendait
innocent devait se rendre devant la justice sans ajournement ;
on devait lui donner toutefois un délai suffisant pour qu'il
pût avoir ses amis. L'appelant ne devait pas se contenter,
dans son accusation, de termes généraux, mais « luy con-
vient dire le lieu où le maléfice a esté fait, le temps et le
jour que sera mort la personne ou que la trahison aura esté
faite ; toutes voyes en telle condition pourroit estre l'in-
formation du maléfice, qu'il ne seroit jà besoin de dire
l'heure ne le jour qui pourroit estre occult de sçavoir ».
Si l'une des parties se retirait de la cour après les gages
jetés et reçus, sans le congé du juge, elle était tenue'pour
convaincue. << Et pource que il est de coutume que l'appel-
lant et le deffendant entrent au champ, portans avec eux
toutes leurs armes, desquelles ils entendent offendre l'un
l'autre, et eux deffendre, partans de leurs hostels à che-
val, eux et leurs chevaux houssez et teniclez, avec pare-
mens de leurs armes, les visières baissées, les escus au
col, les glaives au poing, les épées et dagues chaintes, et
en tous estats et manières qu'ils entendront eux combattre,
soit à pied ou à cheval ; car se ils faisoient porter leurs
dites armes par aucuns autres et portassent leurs visières
levées, sans nostre congié ou de leur juge, ce leur porte-
roit telle préjudice qu'ils seroient contraints de combattre
en tel estât qu'ils seroient entrez au champ, selon la cous-
tume de présent et du droit d'armes. » Philippe le Bel
apporta un tempérament à cette coutume et permit aux
combattants de faire porter leurs écus, glaives et autres
armures, et d'arriver dans le champ la visière levée. Avant
d'engager le combat : « Premièrement, le roy d'armes ou
hérault doit venir à cheval à la porte des lices et là doict
une fois- crier que l'appellant viegne ; secondement, une
autre fois crier que l'appelle viegne, quant l'appellant et
l'appelle ou deffendant seront entrez et auront fait au juge
leurs protestations et seront descendus en leurs pavillons.
Et tiercement, quand ils seront retournez de faire leurs
derniers serements, les rois et hérauts d'armes parla ma-
nière qui s'ensuit, crieront à haute voix : Or, oez, or oez,
seigneurs, chevaliers, escuyers et toutes manières de gens
que nostre souverain seigneur, par la grâce de Dieu roy
de France, vous commande et defïend, sur peine de perdre
corps et avoir, que nul ne soit armé, ne porte espées ne
autres harnois quelconques, se ce ne sont les gardes du
champ et ceux qui de par ledit roy, nostre sire, en auront
congié. Ainçois le roy, nostre souverain seigneur, vous
défend et comande que nul de quelconque condition qu'il
soit, durant la bataille, ne soit à cheval, et ce aux gentils-
hommes, sur peine de perdre le cheval et aux serviteurs et
roturiers, sur peine de perdre l'oreille. Et ceux qui con-
voyeront les combatans, eux descendus devant la porte du
camp, seront tenus de incontinent renvoyer leurs chevaux
sur la peine qui dit est ; ainçois le roi, nostre sire, vous
commande et deffend que nulle personne, de quelconque
condition qu'il soit, ne entre au champ, sinon ceux qui
seront députez, ne ne soient sur les lices, sur peine de
perdre corps et biens ; ainçois le roy, nostre sire, com-
mande et deffend à toutes personnes, de quelques condi-
tions qu'ils soient, qu'ils se assient sur banc ou sur terre,
afin que chacun puisse voir les parties combatre, et ce sur
peine du poing. Ainçois, le roy, nostre sire, vous com-
mande et défend que nul ne parle, ne signe, ne tousse, ne
crache, ne crie, ne fasse aucun semblant quel qu'il soit,
sur peine de perdre corps et avoir. » Les requêtes et pro-
testations auxquelles il a été fait plus haut allusion con-
sistaient dans un renouvellement de provocation de la
part de l'appelant. De plus, celui-ci devait protester si
son ennemi portait des armes non autorisées par la cou-
tume de France et exiger qu'elles lui fussent ôtées sans
qu'il pût en avoir d'autres. Il devait, en outre, demander
de porter avec lui la nourriture qui lui était nécessaire et
enfin qu'on lui accordât pour combattre l'espace de tout un
jour, de façon que s'il n'avait déconfit son adversaire avant
le soleil couché, on devait lui rendre le lendemain le temps
passé dans les diverses cérémonies préliminaires. Ces
diverses requêtes et protestations étaient adressées soit au
connétable commis par le roi et aux maréchaux, soit au
maréchal du champ ; elles pouvaient être faites non par le
champion, mais par son avocat, à sa place. L'ordonnance
décrit la façon dont doit être entouré le champ, son étendue,
DUEL
— 4
la place de l'échafaud où siégeait le juge. Les parties
faisaient, avant de combattre, serment sur le crucifix,
Tune qu'elle avait bon droit, l'autre qu'elle était fausse-
ment accusée. Enfin, tout le monde faisant silence, le
héraut s'avançait au milieu des lices et criait par trois fois :
« Faites vos devoirs. » Les pavillons des combattants étaient
jetés par-dessus la lice. « Et quand tout sera en point, lors
le mareschal partant, en criant par trois fois : Laissez-les
aller. Et ces paroles dites, jette le gant et alors qui veut
se monte prestement à cheval et qui ne veut en gaige de
querelle soit à son bon plaisir. Alors, les conseillers, sans
plus attendre, s'en partent et laissent là à chacun sa bou-
teillette pleine de vin et un pain, lié en une touaillette, et
fasse chacun le mieux qu'il pourra. »
Le gage de bataille était dit oultré quand l'une des
parties confessait sa faute ou quand l'un des combattants
mettait l'autre hors des lices vif ou mort ; le corps était
livré au maréchal pour qu'il en fût fait justice suivant le
bon plaisir du roi. Le formulaire que nous venons d'ana-
lyser se termine par une exhortation du roi à ses sujets de
ne pas s'engager à la légère dans la procédure du gage de
bataille : « Or, faisons à Dieu prière qu'il garde le droit
à qui l'ha et que chacun bon chrestien se garde d'enchérir
en tel péril, car entre tous les périls qui sont, c'est celuy
que l'on doit plus craindre et redouter, dont maint noble
s'en est trouvé deceu, ayant bon droit ou non, par trop se
confier en leurs engins et en leurs forces, ou aveuglez par
ire et outrecuidance, et aucunes fois par la honte du monde,
donnent ou refusent paix ou convenables parties, dont
maintefois ont depuis porté de vieux péchez, nouvelles
pénitences, en méprisant et nonchalant le jugement de
Dieu. Mais qui se plaint et justice ne trouve, la doit-il de
Dieu requérir. Que si pour intérest sans orgueil et mal
talent, ains seulement pour son bon droit, il requierre
bataille, jà ne doit redouter engin ne force, car Dieu nostre
seigneur Jésus-Christ le vray juge sera pour lui. »
Jetons maintenant un coup d'œil sur les attaques dont
le duel judiciaire a été l'objet au moyen âge. Tout d'abord,
l'Eglise ne sembla pas le désapprouver, car saint Augustin,
dans une lettre à Boniface, exprime l'opinion que la guerre
est un jugement de Dieu : « Pendant le combat. Dieu
attend, les cieux ouverts, et il défend la partie qu'il
voit avoir raison. » Quant aux remontrances que saint
Avit, si nous en croyons Agobard, fit à Gondebaud, qui
avait introduit l'usage du duel judiciaire dans ses Etats,
c'est là sans doute une légende. Car, comme nous voyons,
pendant la période barbare, plusieurs conciles avoir recours
aux ordalies, l'on ne voit pas pourquoi l'Eglise aurait dé-
sapprouvé le duel qu'elle considère comme un jugement de
Dieu. Au ix*^ siècle, tout un parti se forma dans l'Eglise
contre l'usage des ordalies et spécialement du duel. L'un
des écrivains qui ont combattu ce moyen de preuve est le
célèbre Agobard. Le concile de Valence, en 8o5, condamna
le duel et prescrivit de considérer comme un suicidé l'homme
qui avait péri dans un combat singulier, et comme un
assassin celui qui l'avait tué. Les décisions de ce concile
ne furent pas approuvées par l'empereur et restèrent lettre
morte. Le pape Nicolas V se prononça contre le duel
judiciaire, mais dans un cas particulier. Le roi Lothaire,
qui voulait divorcer avec Theutberge et qui avait déjà été
condamné à garder sa femme, prétendait prouver par le
duel, au moyen de champions, que Theutberge n'était pas
sa femme légitime et qu'elle était coupable d'adultère. Le
pape ne se prononça pas nettement ni d'une façon générale
contre le duel, mais il répondit d'abord que la cause était
jugée, puis que, s'il était vrai que le duel n'avait été défendu
par aucune loi ecclésiastique, et que même l'histoire sacrée
fournissait un exemple de combat singulier, d'autre part
aucune loi n'en prescrivait l'emploi comme moyen de preuve,
qu'y recourir c'était tenter Dieu. Mais c'est seulement au
xii^ siècle que les papes se prononcèrent avec énergie et en
toutes occasions contre le duel judiciaire. Ainsi, en 4140,
Innocent II désapprouve ce mode de preuve. En d456,
Adrien IV écrit à Ardouin, abbé de Saint -Germain
d'Auxerre, pour lui interdire d'avoir recours au duel dans
les procès relatifs aux biens de son abbaye et déclare nulles
les prétentions de ceux qui ne pourraient prouver leur
droit contre le monastère autrement que par le duel. Ives
de Chartres n'admettait jamais le duel dans les causes ecclé-
siastiques, et dans les autres procès il voulait qu'on n'y
eût recours qu'en l'absence de tout autre moyen de con-
naître la vérité. Au xin« siècle, un synode de Paris (4242
ou 4243) décida que les duels ne devaient avoir lieu ni
dans les cimetières, ni en présence des évèques, prescrip-
tion renouvelée deux ans après au concile de Rouen. Le
quatrième concile de Latran rappela toutes les prohibitions
promulguées antérieurement. D'autres conciles des xiv^ et
xv^ siècles se prononcèrent contre le duel jusqu'à ce qu'enfin
le concile de Trente le condamnât absolument. Dès le
xi^ siècle, les habitants de certaines villes obtinrent de
leurs seigneurs le droit de se soustraire à toute provoca-
tion en duel devant les tribunaux et le privilège de se
purger des accusations dont ils étaient l'objet par leur
propre serment et celui des cojurateurs ; ainsi la commune
de Gênes en 40S6, celle d'Ypres en 4446, celle de Saint-
Omer en 4427. En Angleterre, l'institution du jury et la
procédure d'enquête portèrent atteinte, dès la fin du
xii^ siècle, à la procédure des gages de bataille ; elle n'était
plus en usage au xiii^ siècle que dans les actions de félonie
et de meurtre. Le duel resta toutefois inscrit dans les lois
anglaises pour les actions de meurtre jusqu'en 4820 ; il fut
aboli à la suite d'un procès dans lequel le frère de la vic-
time appela en duel l'assassin présumé (nov. 4848). En Ita-
lie, Frédéric II fimita le cas oii l'on pourrait avoir recours au
duel . Voici comment il s'exprimait à ce sujet dans les Coîisti-
tutions de Sicile (l. II, tit. XXXIII ; Huillard-Bréholles,
Histor, diplom. Friderici II, t. IV, p. 405, 4'« part.) :
« Nous ne voulons pas que le duel ait lieu entre nos sujets,
sauf en quelques cas peu nombreux ; ce n'est pas tant une
preuve en effet qu'une divination ; le duel est contre nature,
déroge au droit commun, est en désaccord avec la raison
et l'équité. A peine pourrait-on trouver deux champions
d'égale force... Nous excluons du bénéfice de cette consti-
tution les homicides qui ont tué à l'aide du poison ou par
quelque autre genre de mort furtif ; toutefois, ne devra-t-on,
même dans ce cas, avoir recours au duel qu'après avoir
épuisé les moyens de preuve ordinaires... Nous exceptons
aussi le crime de lèse-majesté pour lequel nous conservons
l'usage du combat. Il n'est pas étonnant que nous soumet-
tions à l'épreuve du combat les coupables du crime de lèse-
majesté, les meurtriers et les empoisonneurs, car nous
voulons les eff'rayer plutôt que les juger ; ce n'est pas que
nous estimions juste pour eux ce que nous jugeons injuste
pour les autres, mais en soumettant les homicides, qui
n'ont pas craint de dresser des embûches contre la vie
humaine, à un moyen de preuve terrible, à la vue de tous,
nous pensons les châtier en même temps que donner un
exemple aux autres. Nous les mettons en dehors des limites
de la modération, ces hommes qui ne craignent pas de com-
ploter contre notre sécurité qui est celle de tous nos
sujets. »
En France, saint Louis chercha à faire prévaloir dans
les querelles de meubles et d'héritages, c.-à-d. en matière
civile, une procédure d'où les gages de bataille étaient
exclus et dont la base était l'enquête du droit canonique.
L'ordonnance qui consacrait cette réforme, promulguée
antérieurement à 4258 et probablement en 4254, ne nous
est pas parvenue ; elle était analogue à l'ordonnance sur
la procédure au Châtelet. Par une autre ordonnance, dont
une traduction française nous a été conservée dans le
registre de la chambre des comptes, appelé Livre de Saint-
Just, saint Louis abolit aussi le duel dans les procès cri-
minels et lui substitua la preuve par témoins. « Au point
donc la bataille souloit venir, cil qui preuvast par la ba-
taille, se bataille fut, preuvera par tesmoins, et la justice
fera venir les tesmoins as cousis de celuy qui les requiert,
se ils sont dessous son pouvoir. » Les tcmoins produits
par une partie pouvaient être récusés par la partie adverse
sans que celle-ci eût à les provoquer en duel. Cette ordon-
nance, attribuée généralement à l'année d260, a été rendue
en réalité entre le 4i nov. 1257 et le 13 oct. 4258. Mais
elle fut mal observée, même dans les tribunaux royaux, et
un grand nombre de seigneurs n'en tinrent aucun compte.
Philippe le Bel renouvela à deux reprises les défenses de
son aïeul; mais beaucoup de malfaiteurs, qu'on ne pouvait
convaincre par témoins, demeurant impunis, il ordonna en
1306 que « là où il aperra évidemment homicide, trahison
ou autres griefs, violences ou maléfices, excepté larrecin,
par quoy peine de mort s'en deust ensuivir », si l'accusé
ne pouvait être convaincu par témoins, il serait provoqué
en duel. Un règlement, dont nous avons plus haut indiqué
les principales dispositions, fixa les cérémonies et forma-
lités du combat à outrance. Non seulement le duel ne trou-
vait plus place que dans la procédure criminelle, mais
encore les juges ordinaires ne pouvaient le déférer; le roi
seul, en son grand conseil, ou le Parlement pouvaient
l'ordonner. Au milieu du xvi® siècle, Etienne Pasquier
écrit que le roi seul peut décerner les combats et seulement
entre gentilshommes « lesquels font profession expresse de
l'honneur. Car il n'est plus question de crime, ains seule-
ment de se garantir d'un desnientir quand il est baillé. En
quoy les affaires se sont tournées de telle façon qu'au lieu
où les anciens accusans quelqu'un, le deff'endeur estoit
tenu de proposer les delfenses par un desmentir, ny pour
cela il ne perdoit pas sa qualité de deff'endeur. Au con-
traire, si j'impute aujourd'huy quelque cas à un homme et
qu'il me desmente, je demeure deslors l'off'ensé et faut que
pour purger ce desmentir, je demande le combat. Telle-
ment que mon ennemy n'est plus fondé que sur la deff'en-
sive, ayant un grand avantage sur moy, parce que pour
jouer le personnage de deff'endeur, il a le choix des armes
et moy seulement du champ de bataille et se peut aguerrir
souz main à telles armes qu'il lui plaist, dont il me salue
à l'impourveu le jour du combat, qui n'est pas un petit
avantage pour lui, et ainsi le veismes nous pratiquer en
l'an 4547 au combat de Jarnac et la Chastigneraye, au parc
de Saint-Germain-en-Laye, devant le roy Henry deuxiesme.
Cela est cause que combien que les advocats ne soient plus
appeliez en telles matières, si est-ce que tous ces messieurs
qui traittent les armes apportent une infinité de sophisti-
queries, pour faire tomber le desmentir sur leur ennemy,
afin, s'il est possible, que le choix des armes demeure par
devers eux. » M. Prou.
III. Temps modernes. — Le xvi« siècle marque une
étape importante dans l'histoire du duel. Aux combats
singuliers du moyen âge, où les adversaires bardés de fer
s'attaquent plutôt à coups de massue qu'à l'arme blanche,
frappant d'estoc et de taille et, avant d'atteindre l'homme,
ayant à transpercer une cuirasse, va succéder le duel tel
qu'il se pratique encore aujourd'hui, celui de combattants
qui exposent leur poitrine nue ou à peu près, en face d'une
épée et n'ont, pour défendre leur existence, d'autre res-
source que leur habileté à tirer et à parer. Une évolution
non moins digne de remarque est celle de l'Eglise qui répudie
désormais la pratique du duel, la flétrit et, après avoir admis
qu'il n'était pas de meilleur moyen d'obtenir le jugement de
Dieu, promet les peines éternelles à ceux qui l'emploieront.
La déclaration du concile de Trente (4545) est assez expli-
cite à cet é^ard : « L'usage détestable des duels, qui a
esté introduit par l'artifice du Démon pour perdre les âmes
après avoir donné cruellement la mort au corps, doit estre
entièrement aboli parmi les Chrétiens... Nous excommu-
nions dès à présent, et sans autre forme de procès, tous
empereurs, tous rois, ducs, princes, marquis, comtes et
autres seigneurs temporels, à quelque titre que ce soit, qui
auront assigné et accordé quelque lieu pour le duel entre
les Chrétiens... Pour ceux qui se seront battus, et les
autres, vulgairement nommez leurs parrains, nous voulons
qu'ils encourent la peine de l'excommunication et de la
— DUEL
proscription de tous leurs biens et passent désormais pour
gens infâmes et soient traitez avec la même sévérité que
les sacrez Canons traitent les homicides; et s'il arrive
qu'ils soient tuez dans le combat, ils seront pour jamais
privez de la sépulture en terre sainte. Nous ordonnons, en
outre, que non seulement ceux qui auront approuvé ou
donné conseil de se battre ou qui y auront induit et porté
quelqu'un, en quelque manière que ce soit, mais encore ceux
qui y auront assisté en qualité de spectateurs, soient ex-
communiez, frappez d'anathème perpétuel, sans avoir égard
à aucun privilège ou mauvaise coutume introduite quoique
de temps immémorial. » On sait, d'ailleurs, que c'est à
cause de ces prohibitions que les décisions du concile de
Trente n'eurent pas, en France, force de loi : la menace
d'excommunier les empereurs et rois qui consentiraient à
un duel parut un empiétement trop grand du pouvoir spi-
rituel sur le temporel.
Moins de deux ans après, au reste, avait lieu le fameux
duel de La Châtaigneraye et de Guy Chabot, sire de
Jarnac. François F' n'avait jamais voulu l'autoriser : à
peine fut-il mort que les deux ennemis demandèrent à
Henri II la permission de vider leur différend ; non seu-
lement le roi la leur accorda, mais encore il voulut assister
avec toute sa cour au combat qui eut lieu à Saint-Germain
avec un cérémonial dont on ne peut se faire une idée. On
sait que Jarnac tua son adversaire d'un coup habilement
porté au jarret, d'où la locution restée célèbre de « coup
de Jarnac », à laquelle on attribue souvent le sens de tra-
hison ou de lâcheté, qu'elle ne comporte nullement. H est
intéressant de savoir dans quelle forme se faisaient alors
les provocations, appelées appels ou cartels. Nous citerons
celui-ci qui est en quelque sorte une formule : « Seigneur,
toutes et quantes fois que vous avez dict, faict dire, escript
ou fait escripre allencontre et au préjudice de mon honneur,
aultant de foys avez par la gueule menty et, le nyant,avez
semblablement menty. Par escript je ne veux user d'inju-
rieuses vilanies, comme chose plus convenable à vile et
envieuse personne que à chevalier, me réservant, si ce n'est
par vostre deff'ault, parler à vous les armes au poing. »
A la même époque, l'usage constant dans les duels fut' que
chacun des combattants se fît assister de deux et souvent
trois de ses amis, qui eux aussi croisaient le fer entre eux,
tout comme s'ils en eussent eu de véritables raisons d'hon-
neur, ce qui fait dire au bon sens de Montaigne : « C'est une
espèce de lascheté qui a introduit en nos combats singuliers
cet usage de nous accompagner des seconds et tiers et quarts.
C'étoit anciennement des duels; ce sont, à cette heure, ren-
contres et batailles. Outre l'injustice d'une telle action et
vilenie d'engager à la protection de votre honneur aultre
valeur et force que la vostre, je trouve du désavantage à
mesler sa fortune à celle d'un second. Chacun court assez
de hasard pour soy sans le courir encore pour un aultre. »
Le duel des mignons de Henri HI est, avec celui de
Jarnac, le plus célèbre de tous ceux qui se produisirent
durant le xvi« siècle. Il eut lieu le 27 avr. 4578, à la
suite d'une querelle qui, d'après L'Estoile, était « née pour
fort légère occasion », entre Caylus, que le roi aimait sin-
gulièrement, et Antraguet, favori de la maison de Guise.
Caylus eut pour seconds Maugiron et Livarot; Antraguet
amenac Ribérac et Schomberg. Au premier choc, Maugiron
et Schomberg tombèrent morts; Ribérac succomba, le len-
demain, aux suites de ses blessures; Caylus, qui en avait
reçu dix-neuf, vécut encore trente-trois jours durant les-
quels le roi ne laissa pas une journée passer sans aller le
voir et panser de ses propres mains ; Livarot fut malade
pendant six semaines et guérit; Antraguet seul quitta le
terrain sain et sauf. Il faut lire dans L'Estoile les pièces de
vers, la plupart satiriques et malveillantes, que suggéra
cette meurtrière rencontre : le mémorialiste en enregistre
froidement les résultats; l'histoire ne saurait s'attendrir
plus que lui. Parmi les dueUistes et ferrailleurs les plus en
vue de cette époque, nous nommerons encore Bussy d'Am-
boise, de Mouy, Châteauvillain, Viteaux, le chevalier de
DUEL
6 —
Guise, tous vaillants hommes, mais risquant leur vie comme
à plaisir pour les causes les plus futiles.
Cette fureur de duels se calma un peu au siècle suivant;
elle fut d'ailleurs singulièrement refrénée par l'institution
du tribunal des maréchaux de France, dit tribunal du point
d'honneur, puis par les pénalités extrêmement rigoureuses
que Richelieu et Louis XIV prescrivirent successivement
contre les duellistes (V. ci-dessous § Droit criminel). La
peine de mort, la confiscation des biens, la déchéance, le
bannissement étaient la sanction de ces ordonnances, sanc-
tion qui fut plusieurs fois appliquée. L'exemple le plus
retentissant en fut fait sur François de Montmorency,
comte de Boutteville, qui, exilé après plusieurs duels,
s'était vanté de se battre en pleine place Royale, et qui
accomplit cette bravade le 12 mai 4627, ayant pour
second son cousin le comte des Chapelles et pour adver-
saire M. de Beuvron, assisté de Bussy. Ce dernier seul
trouva la mort dans la rencontre ; arrêtés peu après en
Lorrahie, Boutteville et des Chapelles furent mis à la Bas-
tille le 31 mai, et condamnés, après un jugement sommaire,
à la peine de mort. L'arrêt fut exécuté le 22 juin, en dépit
des requêtes suppliantes adressées au roi et surtout au
cardinal par la famille de Montmorency. Les courtisans en
demeurèrent consternés et, pendant un temps, aucun duel
ne se produisit. Après la mort de Richelieu et durant la
minorité de Louis XIV eurent lieu quelques rencontres
fameuses et notamment celles des ducs de Beaufort et de
Nemours où, pour la première fois, croyons-nous, fut intro-
duit l'usage du pistolet. Lorsque Louis XIV fut devenu
réellement roi, il employa tous les moyens pour proscrire
le duel et, de fait, nous n'en avons désormais aucun à
signaler jusqu'à sa mort. Il n'en est pas de même après
1715, et l'on peut se croire revenu à plus de cent ans en
arrière; il en sera ainsi jusqu'à la Révolution, et les mé-
moires du siècle dernier sont remplis du récit de ces ren-
contres; on alla jusqu'à se battre à midi, rue de Richelieu,
sans qu'aucune peine fût infligée aux duellistes. Nous nous
bornerons à rappeler, pour l'époque de la Régence, le duel
de deux femmes toutes deux éprises du célèbre duc de
Richelieu, M^^^ de Nesle et W^^ de Pohgnac, et pour le
règne de Louis XVI, le duel entre le duc de Bourbon et le
comte d'Artois (1778).
Au commencement de la Révolution, deux duels célèbres
encore : ceux de Barnave et Cazalès, de Lameth et Cas-
tries qui déterminent de violentes et presque unanimes
protestations, à l'Assemblée comme dans le public, contre
la pratique du duel, « dernier reste d'un passé odieux ».
Anacharsis Cloots s'écrie, dans la langue emphatique de
l'époque : « La balle qui enfonce le crâne à Cazalès retarde
la marche de l'opinion publique, et des milliers de victimes
seront étendues dans la poussière que mordit Cazalès. »
Les guerres du premier Empire fournirent trop souvent
d'autres occasions de verser le sang pour que les duels
aient été fréquents alors; la Restauration vint ensuite, qui
prohiba le duel au nom de l'Eglise, à peu près aussi rigou-
reusement que l'avait fait la dévotion de Louis XIV. Plus
près de nous, il faut rappeler le dramatique combat au
pistolet entre Carrel et Emile de Girardin, où les deux ad-
versaires furent blessés simultanément, le premier mortel-
lement (1835), et des rencontres moins sanglantes heureu-
sement où Thiers, Sainte-Beuve, Edmond Adam, Clément
Thomas, Lediu-Rollin étaient des antagonistes de marque.
Pour notre époque, nous mentionnerons comme les
plus célèbres les duels de M. de Fourtou et Gambetta,
de MM. Dichard et Massas, où ce dernier fut frappé d'un
coup d'épée en pleine poitrine (3 sept. 1882), de M. Flo-
quet et du général Boulanger (13 juil. 1888) qui faillit
être fatal au général, blessé grièvement à la gorge. Les
premiers succès, puis la désagrégation du parti boulangiste
donnèrent lieu à un grand nombre de duels, dont MM. Ro-
chefort, Déroulède, Laguerre, Castelin, Mermeix furent
les principaux acteurs ; on sait, en efîet, que les membres
de ce parti se battirent entre eux plus souvent encore que
contre leurs adversaires politiques. Nous ne saurions mieux
faire, au reste, que renvoyer le lecteur, pour plus de dé-
tails sur le duel contemporain, au livre très complet que
M. G. Letainturier vient de consacrer au Duel à travers
les âges (V. la Bibliographie).
Duel a l'étranger. — On peut affirmer que toutes les
nations civilisées connaissent le duel, qu'il a lieu pour les
mêmes causes et que sa répression est poursuivie à peu
près de la même façon chez elles qu'en France. Parmi les
contrées européennes, la Suisse, toutefois, se distingue à
cet égard par son humeur pacifique ; bien que ses
vingt-quatre cantons aient chacun leur juridiction spéciale
pour la sanction du duel, ce genre de délit n'y est constaté
que fort rarement et dans les seuls cas où l'honneur de la
femme est enjeu. — En Allemagne, les duels ordinaires sont
semblables aux nôtres, mais il faut dire un mot des duels
si connus qui ont lieu entre étudiants, et qu'on appelle des
Mensuren. Une tradition fort ancienne des universités
allemandes veut que les étudiants, pour être membres titu-
laires des sociétés dans lesquelles ils ont l'habitude de se
grouper, aient fait leurs preuves de bravoure en se battant
au moins une fois en duel avec un de leurs camarades. Ils
sont donc forcés de provoquer entre eux des querelles qui
puissent avoir leur solution sur le terrain. Ces sortes de
duels se font à la rapière, et les combattants doivent ton- ^
jours frapper au visage, mais de taille seulement et non de
pointe ; au reste, les yeux sont protégés par des lunettes
spéciales, et ces rencontres, plus burlesques que sérieuses,
ont rarement d'autre issue qu'une balafre, Abfuhr, dont la
cicatrice, il est vrai, peut marquer pour toujours le visage
du vaincu (V. Étudiant). — En Hongrie et dans les pays
germaniques, pour les duels proprement dits, on choisit
fréquemment le pistolet; les conditions de la rencontre sont
plus rigoureuses et les accidents plus fréquents qu'en France.
— Les peuples méridionaux, Italiens, Espagnols, ont souvent
entre eux des occasions de duels, grâce à l'ardeur habituelle
de leur tempérament ; mais, dans bien des cas, ils les ter-
minent sur-le-champ par de simples rixes, le cérémonial du
duel s'accommodant mieux avec le caractère froid des gens du
Nord. En Italie, l'arme préférée est le sabre. — En Russie,
les duels n'ont guère lieu que pour venger l'honneur d'une
femme; aussi sont-ils moins fréquents, mais plus souvent
mortels que partout ailleurs. Pour les punir, le code russe
n'a pas moins de vingt articles, et lorsqu'il y a eu mort ou
blessures graves déterminant une infirmité, la peine peut
être celle de la déportation en Sibérie ; dans les autres cas, la
sanction est la détention temporaire dans une forteresse, ou
l'emprisonnement pendant quelques mois. — L'Amérique a
la réputation de connaître des duels d'un raffinement féroce,
ceux par exemple où l'un des deux pistolets est seul chargé,
et où le sort décide qui des combattants s'en servira ; ou
bien encore les duels au couteau ou au fusil ; mais ce ne
sont là, heureusement, que des pratiques tout à fait excep-
tionnelles, et presque toujours les rencontres sont réglées
d'après les mêmes conventions que partout ailleurs.
Duel dans l'armée. — Le sentiment de l'honneur, qui
doit être une des qualités maîtresses de l'armée, exige que,
lorsque deux soldats ont eu une altercation vive et que des
propos outrageants ou des voies de fait ont été échangés,
il y ait réparation par les armes. L'affaire ne saurait être
réglée autrement ; si l'un des adversaires voulait s'y déro-
ber, il serait coupable de lâcheté et le colonel le contrain-
drait à se battre. Les duels militaires ont lieu, soit au
fleuret démoucheté, soit au sabre ; ils sont très fréquents,
mais fort rarement suivis d'une issue fatale. Le maître
d'armes du régiment y assiste toujours et a mission de
détourner les coups mortels ; on pourrait cependant citer
des exemples de pareils duels, où de graves blessures en-
traînant la mort se sont produites.
Règles du duel. — Par ce que l'on a lu plus haut,
il apparaît clairement que l'usage du duel s'est main-
tenu, en dépit des prohibitions, des poursuites ou des
entraves de toutes sortes que l'Eglise d'abord, puis le
— 7
DUEL
législateur se sont ingéniés à créer pour le combattre. Il
est également remarquable que, parmi le bouleversement
presque complet apporté par la Révolution dans les insti-
tutions et les mœurs du passé, le duel ait survécu comme
une tradition indestructible de la chevalerie et des temps
moins éloignés où un cérémonial, réglé par une rigoureuse
étiquette, fut imaginé pour la solution des affaires d'hon-
neur. Ce cérémonial subsiste, en effet, à peu près identique
à ce qu'il était aux siècles passés, et nous allons mainte-
nant l'exposer en quelques mots.
L'écrivain qui fait autorité en la matière. Château villard,
qualifie en ces termes, dans son Code du duel, l'offense
qui peut amener une rencontre : « Toute parole, tout
écrit, dessin, geste, coup blessant l'amour-propre, la déli-
catesse ou l'honneur d'un tiers, constitue une offense. »
Un sentiment spontané, et que chacun a pu ou pourrait
éprouver à l'occasion, fait que tout homme de cœur ne peut
subir l'affront d'une offense de ce genre sans en demander
la rétractation. Les circonstances de l'offense sont multiples :
le code de l'honneur n'admet qu'une solution si cette ré-
tractation est refusée : la réparation par les ai'mes, — tel
est le terme consacré. L'offense est le plus souvent assez
grave pour avoir déterminé, de la part de celui qui en est
l'objet, la riposte immédiate d'une offense, plus vive encore,
ou même de voies de fait. Tous ces points sont très impor-
tants à déterminer, comme on va le voir, car ils serviront,
si une rencontre est rendue inévitable, à attribuer le choix
des armes à l'un plutôt qu'à l'autre. Il est bien entendu que
lorsque ce premier acte, à savoir l'insulte, se produit, le
devoir des personnes présentes est d'en conjurer immédia-
tement l'effet autant qu'il est en leur pouvoir, c.-à-d. en
s'efforçant de séparer les adversaires, de les calmer,
d'amener des explications, et par suite une réconcihation.
Si elles n'y réussissent pas, plusieurs cas peuvent se pré-
senter : ou bien le premier injurié répond par une autre
injure, — parfois même par des voies de fait, — ou bien,
et c'est ce qui devrait toujours avoir lieu, il se borne à
dire : « Monsieur, vous m'en rendrez raison », à échanger
sa carte avec celle de son insulteur, et à se retirer aussitôt.
Lorsque l'offense s'est produite sans que les deux parties
fussent en présence, — c'est le cas très fréquent des polé-
miques de presse, — celui qui se juge insulté doit d'abord
réclamer par lettre une satisfaction sous forme de rétrac-
tation ; en cas de refus, il adresse à l'insulteur une nou-
velle lettre impérative qui, cette fois, se nomme un cartel.
Il a toujours été de règle que deux adversaires ne doivent
jamais traiter ensemble la solution d'une affaire d'honneur;
ce rôle appartient à des tiers, appelés autrefois seconds,
et aujourd'hui témoins.
L'homme qui vient d'être offensé doit aussitôt s'adresser
à deux de ses amis, leur exposer dans tous leurs détails les
causes apparentes et réelles de l'offense et leur donner
mandat d'en réclamer satisfaction en son nom. Les deux
témoins se rendent sur-le-champ au domicile de l'agresseur,
l'informent de leur mission et le prient de les mettre en
rapport avec deux de ses amis. On admet généralement
que toutes ces négociations doivent s'accomplir dans le délai
de vingt-quatre heures, mais il n'y a rien d'absolument
strict à cet égard, car beaucoup de causes peuvent faire
que le délai soit excédé, sans néanmoins que l'on puisse en
prendre texte par la suite à refuser le combat. Il est
d'usage, avec les mêmes restrictions, que la solution d'une
affaire d'honneur doit être obtenue dans un délai total de
quarante-huit heures. Dès que les quatre témoins ont été
constitués, les deux adversaires ne pourront plus, sous
aucun prétexte, être mis en présence l'un de l'autre pour
discuter un point quelconque de l'affaire, et même les
témoins de l'un d'eux n'auront plus à conférer avec l'adver-
saire de leur client. On croit communément que le fait
d'avoir constitué des témoins imphque fatalement la néces-
sité d'une rencontre : il n'en est rien, et fort souvent, au
contraire, l'entrevue des témoins et les expHcations qu'ils
échangent, ont pour résultat la déclaration qu' « il n'y a
pas lieu à rencontre ». Il est donc d'une extrême impor-
tance que les témoins soient des hommes doués d'un esprit
juste, d'expérience et de sang-froid : deux existences sont
à ce prix. Chàteauvillard dit encore fort justement à ce
propos : « La moindre imprévoyance, la moindre faute
d'un témoin peuvent compromettre l'une et l'autre. Il est
le soutien et le juge de celui qui le choisit; il doit mettre
son honneur dans le sien propre, et toute son énergie à ne
laisser échapper aucune occasion avantageuse pour celui
dont il prend la charge. » Le premier devoir des témoins,
après s'être minutieusement enquis des détails de l'affaire
qui les réunit, est de tenter une conciliation ; ils doivent,
en effet, s'efforcer avant tout d'éviter le duel et employer
les moyens qui y sont propres, en sauvegardant l'honneur
et la dignité de leurs « clients ». Si l'entente n'a pu se faire,
ils ont à discuter les conditions de la rencontre et recher-
cher tout d'abord quel est l'offensé, car c'est k lui qu'ap-
partient le choix des armes. Cette recherche n'est pas tou-
jours aisée : on admet généralement que l'offensé est le
premier injurié, mais que si à une simple injure il a été
riposté par une injure plus grave et surtout par une voie
de fait (il suffit même d'un gant jeté à la figure), l'offensé
devient agresseur et perd le bénéfice du choix des armes.
Sauf de très rares exceptions, il n'y a plus chez nous que
deux sortes de duels en usage : à l'épée ou au fleuret, et
au pistolet de combat. Le duel à l'épée est plus habituelle-
ment choisi parce que les blessures qui en résultent sont
moins graves, ordinairement, que celles qu'amène la péné-
tration d'une balle dans les chairs. Les témoins ont mis-
sion de régler tous les détails du combat, et là encore ils
doivent faire preuve de beaucoup de tact et d'expérience.
Dans le procès-verbal de rencontre qu'ils rédigent, s'il
s'agit d'un duel à l'épée, ils auront à spécifier l'emploi du
gant (gant de ville ou à crispin), la durée des reprises,
l'arrêt du combat soit « au premier sang », soit lorsque
l'un des deux adversaires a été mis par une blessure en
état d'infériorité, à autoriser ou à prohiber les « corps à
corps », les parades avec la main gauche, etc. Si le pistolet
a été préféré, il faut, de même, convenir avec soin des dis-
tances qui sépareront les combattants ; pour le duel dit « au
commandement », on les fixe à vingt-cinq ou trente pas;
pour le duel « à marcher », on admet généralement que les
adversaires, placés à vingt pas, auront la faculté de s'avancer
l'un vers l'autre jusqu'à une distance minima de quinze
pas, tout en ayant le droit de tirer dès que le signal a été
donné. Les témoins accompagnent leurs mandants sur le
terrain; l'un d'eux, choisi et accepté par tous, prend le
titre de directeur du combat; c'est lui qui s'assurera que
les armes apportées sont identiques, que les adversaires
n'ont, sous leur chemise, aucune cuirasse, cotte démailles,
ceinture, qui puisse les protéger, qui, en un mot, présidera
à l'exécution de toutes les conventions et donnera, par le
mot : « Allez », le signal du combat. A partir de ce moment,
les témoins doivent apporter toute leur attention à voir si
aucune condition n'est violée, et à arrêter le combat dès
qu'ils s'aperçoivent qu'une blessure vient d'être faite, afin
de constater si elle ne met pas en état d'infériorité celui
qui l'a reçue. Lorsque le duel a pris fin, aux termes des
conventions fixées, les quatre témoins se concertent pour
la rédaction d'un procès-verbal qu'ils signent au nom de
leurs mandants, et qui, presque toujours, est publié par la
voie de la presse, en même temps que le procès-verbal de
rencontre dont il a été parlé plus haut.
Il arrive souvent que les témoins choisis pour le règle-
ment d'une affaire d'honneur ne peuvent se mettre d'accord
soit sur la qualité d'offensé, soit sur la nécessité même
d'une réparation par les armes, soit sur des conditions de
rencontre exigées par l'un des deux adversaires : leur devoir
est alors de se récuser et de provoquer la constitution d'un
jury d'honneur dont les deux parties acceptent par avance
l'arbitrage et la décision. Cette institution d'un jury d'hon-
neur, rappelant beaucoup celle du tribunal des maréchaux,
mériterait d'être généralisée et appliquée sans exception à
DUEL
— 8 —
tous les cas de duel ; elle aurait, à n'en pas douter, Tines-
timable avantage de diminuer considérablement la fréquence
d'une pratique qu'il paraît impossible de faire entièrement
disparaître de nos mœurs. Fernand Bournon.
IV. Droit criminel. — Qu'il doive son origine au
combat judiciaire, qu'on doive y voir une suite des guerres
privées, en usage à l'époque barbare, ou qu'il soit né sim-
plement, au moyen âge, des préjugés, de l'orgueil, d'un
faux point d'honneur, toujours est-il que le duel se ren-
contre, en France, dès la fin du xiv^ siècle et se généralise
au XV®. A partir de Henri II, nous voyons se succéder les
ordonnances et les édits royaux destinés à le réprimer.
L'Eglise, la première, sévit contre les duellistes : le concile
de Trente prononce l'excommunication, non seulement contre
les duellistes, mais encore contre les parrains et tous les
assistants ; la sépulture chrétienne sera refusée aux com-
battants tués en duel. Une ordonnance, rendue à Moulins,
en 1566, en même temps qu'elle prohibe le duel entre toutes
personnes, de quelque qualité ou condition qu'elles soient,
sous peine de la vie, constitue comme tribunaux d'honneur
les connétables et maréchaux de France et les gouverneurs
des provinces. Malheureusement, les lois ne suffisent point
si l'on ne tient la main à ce qu'elles soient appliquées avec
fermeté : ce qui n'avait point Heu. L'impunité avait pour
effet d'accroître le mal et les duels se multipliaient, déci-
mant la noblesse. L'ordonnance de Blois en 1579 renou-
velle les prohibitions de celle de Moulins, mais sans plus
de succès. Sous Henri IV, le Parlement rend le 26 juin d 509
un arrêt de règlement, qui porte contre les duellistes les
peines les plus' rigoureuses, « leur enjoint se pourvoir par-
devant les juges ordinaires, sous peine du crime de lèse-
majesté, confiscation de corps et biens, tant contre les
vivants que les morts : ensemble contre tous gentilshommes
et autres qui auront appelé et favorisé lesdits combats,
assisté aux assemblées faites à l'occasion desdites que-
relles, comme trangresseurs des commandements de Dieu,
rebelles au Roy, infracteurs des ordonnances, violateurs de
la justice, perturbateurs du repos et de la tranquillité pu-
bHque ». En 1602, nouvel édit sur les duels, qui n'est que
la consécration législative de l'arrêt de règlement de 1599.
Cet édit renouvelle les dispositions de l'ordonnance de
1566 relativement au tribunal d'honneur. La rigueur des
peines portées contre les duellistes allait à rencontre du but
que se proposait l'édit : le roi était assiégé de demandes de
grâces; de 1589 à 1608, sept mille lettres de grâces
furent expédiées et scellées en matière de duel. Comme il
arrive toujours, la trop grande sévérité de la loi aboutissait
à l'impunité. Henri IV, ne pouvant supprimer le mal radi-
calement, essaya, dans un autre édit de juin 1609, de faire
des concessions aux mœurs de l'époque : « Nous avons jugé
nécessaire (art. 5), pour obvier à de plus grands et péril-
leux accidents, de permettre à toute personne qui s'estimera
offensée par une autre en son honneur et réputation, de
s'en plaindre à nous et à nos très chers et aimés cousins
les connétables et maréchaux de France, nous demander ou
à eux le combat, lequel leur sera par nous accordé, selon
que nous jugerons qu'il sera nécessaire pour leur honneur. »
Pour les duels non autorisés, l'édit prononçait des peines,
rigoureuses encore, mais graduées suivant la gravité des
suites du combat. Le roi s'interdisait d'accorder aucunes
lettres de grâces en matière de duel. Les résultats de cet
édit furent favorables ; nombre de querelles furent arran-
gées, soit par le roi, soit par ses connétables et maréchaux.
Mais, dès la mort de Henri IV, le mal reprit et nous voyons
se succéder les mesures législatives impuissantes à l'enrayer :
déclaration du l'^'* juil. 1611, arrêt de règlement du par-
lement de Paris, du 27 janv. 1614, lettres patentes du
14 juil. 1617, édit de Saint-Germain-en-Laye d'août 1623 :
cet édit supprimait toutes les distinctions établies par l'édit
de 1609 : tous les participants au duel étaient punis de
mort et des peines du crime de lèse-majesté. Mais trois ans
plus tard, sous l'influence de Richeheu, un nouvel édit, que
le Parlement fut contraint d'enregistrer par des lettres de
jussion, le 24 mars 1626, rétablit les distinctions déjà
faites, suivant la gravité des cas, par l'édit de 1609 : la
privation des charges et offices, la confiscation de la moitié
des biens, le bannissement pour trois ans étaient les peines
de la provocation en duel ; la déchéance de noblesse, l'in-
famie ou la peine capitale, suivant les cas, étaient les peines
du duel non suivi de mort. Seul, le duel suivi de mort
emportait les peines du crime de lèse-majesté. Mais les
grâces particulières se multipliant toujours, les amnisties
générales venant s'y joindre de temps à autre, les efforts
de Richelieu restèrent impuissants. Après l'édit de 1643,
dû à l'imtiative de Mazarin, celui de sept. 1651, il faut
signaler l'ordonnance de 1679, connue sous le nom^d'édit
des duels, qui établit une législation définitive : il etabUt,
à la fois, des mesures préventives, comnie l'interyention du
tribunal des maréchaux, ou des gouverneurs et lieutenants
généraux, en province, chargé de juger les affaires d'hon-
neur, et des mesures répressives graduées suivant la gra-
vité du crime : emprisonnement de deux années, privation
des charges et de leurs revenus pendant trois ans, amende,
peine de mort avec confiscation des biens ; si l'un des com-
battants succombait, le procès était fait à sa mémoire, son
corps était privé de la sépulture, ses biens confisqués. Sous
l'influence de cet édit, des efforts que fit personnellement
Louis XIV, auprès des seigneurs de sa cour, du progrès
des niQ'urs et de la raison, les duels diminuèrent considé-
rablement, sans cependant disparaître entièrement. Mais
dès la mort du roi, il y eut une recrudescence, qui rendait
nécessaire une déclaration de Louis XV (févr. 1723), re-
nouvelant les édits de Louis XIV. Mais les prescriptions
de ces édits n'ayant pas été appliquées avec vigueur, le
mal sévit pendant tout le règne de Louis XV, et nous le
retrouvons sous Louis XVI, faisant chaque année de nom-
breuses victimes. Les cahiers des Etats généraux, parti-
culièrement ceux du clergé et du tiers état, renferment des
protestations contre le duel et demandent qu'il soit réprimé.
Pendant la période révolutionnaire, cependant, aucune me-
sure législative ne fut prise : deux projets de loi sur le
duel furent présentés et rejetés. Le code pénal de 1791
et celui du 3 brumaire an ÏV ne mentionnent pas spécia-
lement le dueL
Le code pénal de 1810 est également muet en ce qui
concerne le duel. De là naquit la question de savoir si le
duel ne constitue pas une infraction à la loi pénale française
ou s'il doit tomber sous le coup des articles punissant
l'assassinat, le meurtre, les coups et blessures. Suivant
Monseignat, rapporteur du projet de code pénal, livre II,
chap. I, les dispositions du code pénal sont applicables aux
duels. Merlin, qui prit une part considérable à la rédaction
du code pénal, affirme le contraire. La jurisprudence a
varié : jusqu'en 1837, elle a maintenu que les art. 295 et
304 du code pénal ne peuvent être appliqués à celui qui,
dans les chances réciproques d'un duel, a donné la mort à
son adversaire, sans déloyauté ni perfidie. Des projels de
loi sur le duel furent présentés aux Chambres en 1829 et
1830, sans aboutir. Puis la cour de cassation, par deux
arrêts, l'un du 22 juin, l'autre rendu, toutes chambres
réunies, le 15 déc. 1837, sur les conclusions du procureur
général Dupin, déclara, contrairement à sa jurisprudence
antérieure, que l'homicide et les coups et blessures reçus
en duel rentraient dans les dispositions du droit commun.
Cette opinion est généralement admise depuis lors par les
tribunaux. Elle nous paraît inexacte : quelque blâmable,
au point de vue moral, que puisse être l'acte du duelliste,
il est impossible d'assimiler légalement un combat loyal et
régulier à l'acte de l'assassin qui attend et frappe lâche-
ment sa victime. La jurisprudence suivie actuellement abou-
tirait du reste logiquement à des conséquences telles qu'elles
en sont la condamnation : dans un duel à mort, n'eût-il pas
même abouti à une blessure, la peine à appliquer légalement,
d'après les règles de la tentative et de la complicité, serait
la peine de mort pour les deux combattants et pour les
témoins. En fait, on ne poursuit que très rarement : si
DUEL
c'est devant la cour d'assises, elle acquitte ; si c'est devant
le tribunal correctionnel, il condamne ; on aboutit à cette
anomalie que les duels les plus graves sont toujours impu-
nis, que les duels moins sérieux peuvent être quelquefois
punis. A plusieurs reprises, des projets de loi sur le duel
ont été rédigés : ainsi en 1832, en 1845, en 1850. Le
dernier date de 1877 ; il fut repoussé par le Sénat le
d'^'" nov. 1883. La plupart des pays étrangers ont des dis-
positions pénales spéciales sur le duel : C. pénal belge,
art. 423 et suiv. ; C. pén. allemand, art. 201 et suiv. ;
C. pén. luxembourgeois, art. 423 et suiv. ; C. pén. hongrois,
art. 293 et suiv. ; C. pén. des Pays-Bas, art. 452 et suiv. ;
C. pén. italien, art. 237 et suiv. E. Gaiideil.
V. Morale. — Il ne peut être question ici que du duel
sérieux, où ceux qui se battent cherchent réellement à se
donner la mort l'un à l'autre, tout au moins à se faire des
blessures graves pour laver dans le sang, comme on dit,
une mortelle injure. Car il n'y a pas lieu de discuter gra-
vement le duel qui n'est qu'une mode, un jeu, une sorte
d'élégance : ce jeu imprudent ne relève de la morale que
dans la mesure où il comporte des risques ; et si les
risques étaient nuls, il ne resterait qu'une bravade puérile
bonne seulement à en imposer aux badauds. Il faut aussi
éliminer le cas, d'ailleurs rare, du duelliste de profession,
du matamore, qui pour tout et pour rien fait blanc de son
épée, sans souci d'avoir pour lui la justice et la raison,
du moment qu'il a la force. C'est de lui que Schopenhauer
a dit : « On se fait accorder par la menace les témoignages
extérieurs de l'estime, que l'on croit trop difficile ou su-
perflu d'acquérir réellement : c'est à peu près comme si
quelqu'un chauftait avec sa main la boule du thermomètre
pour prouver que sa chambre est bien chauffée. » La
question n'est vraiment intéressante qu'ainsi posée : Que
faut-il penser philosophiquement de cette loi de la morale
mondaine, de cet état de nos mœurs, qui fait que le plus
honnête homme, le plus juste et même le plus pacifique
peut se croire obligé d'honneur à se battre en duel dans
des conditions données ? Est-ce un pur préjugé, un reste
de barbarie ? Ou y a-t-il sous ce préjugé un sentiment vrai
de la dignité humaine ? Le duel est-il toujours condamné, ou
peut-il être permis, imposé même quelquefois par la morale?
On peut accorder, semble-t-il, que le duel est de^ deux
manières un reste de barbarie : d'une part, c'est évidem-
ment un legs des temps où l'individu, mal protégé parles
lois, avait à se faire respecter lui-même ; et, par suite, il
est à croire qu'il disparaîtrait plus vite dans une société où
tous les droits, même les plus délicats, des personnes
seraient infailliblement sauvegardés. Comme la tendance
à se faire justice à soi-même est essentiellement antijuri-
dique et destructive de l'état social, un premier point à
poser, c'est que le duel est une faute toutes les fois que le
dommage en question est prévu et suffisamment réprimé
par les lois. En déférant aux tribunaux un insolent agres-
seur contre lequel on est sûr d'avoir gain de cause, on le
punit bien mieux qu'en lui faisant l'honneur de s'aligner
avec lui, pour lui faire peut-être une piqûre, mais peut-
être aussi pour en recevoir de lui. Car l'irrémédiable
tort du duel au point de vue du bon sens comme de
l'équité, c'est que l'issue n'en prouve jamais rien, qu'on y
peut triompher ayant tort et succomber ayant cent fois
raison : double monstruosité morale. Et comme l'absurde
ne saurait être obligatoire, on n'aperçoit vraiment aucun
cas où un homme qui ne s'est donné aucun tort puisse être
tenu en conscience de se battre en duel. Il n'a, en effet,
par hypothèse, aucune réparation à accorder, n'ayant causé
aucun dommage ; et quant à celles qu'on peut lui devoir,
c'est bien le moins, si la loi ne les lui garantit, qu'il soit
libre de les dédaigner, plutôt que de les demander à un
combat au moins douteux, qui peut ou manquer ou dé-
passer le but. Car vaincu, il sera victime une fois, de plus;
vainqueur, sa victoire peut aller fort au delà de son droit
de défense.
Il est très vrai qu'il ne faut pas compter sur les lois
pour nous assurer toujours le respect d'autrui dans toute
la mesure et sous toutes les formes auxquelles nous avons
le droit de prétendre. La loi protège les personnes dans
leurs intérêts, par exemple, mieux que dans leur répu-
tation ; et il est certain qu'elle laisse en grande partie à
chacun de nous le soin de faire respecter cette chose si dé-
licate et d'un si grand prix, socialement parlant, qu'on
appelle l'honneur, au sens mondain de ce mot. Mais quand
on parle morale, on en appelle de l'opinion ambiante à la
raison : or, quelque prix que la raison nous permette
et nous commande même d'attacher à la considération de
nos semblables (le respect, auquel nous devons tenir, en
est lui-même une manifestation), il est impossible au mo-
raUste d'identifier l'honneur mondain, c.-à-d., en somme,
la réputation, qui si souvent ne dépend pas de nous, avec
l'honneur vrai qui ne peut résider que dans notre carac-
tère. Moralement, il n'y a de déshonneur qu'à faire volon-
tairement le contraire de ce qu'on doit. Il n'appartient donc
à personne de me déshonorer ; moi seul je le puis si je
manque sciemment à l'honneur : l'insulte et la calomnie
déshonorent celui qui s'y livre et non celui qui les subit.
Dans cet ordre d'idées, les justes réparations (savoir la ré-
tractation et les excuses) ne sont jamais refusées par un
galant homme qui s'est trompé ou emporté trop loin : il
s'honore en reconnaissant son erreur : quant aux autres,
c'est duperie [)ure que de vouloir exiger d'eux plus que la
loi écrite ne les force à donner. Et le cas est le même,
quoique plus douloureux encore, quand il s'agit de l'hon-
neur de nos amis et de nos proches, de riionneur des
femmes particulièrement. La loi, certes, parait souvent
alors insuffisante ; et la publicité de l'action judiciaire est
de nature à augmenter plutôt le dommage dont on poursuit
la réparation ; mais en quoi le duel est-il plus réparateur
et fait-il moins de scandale ? Non, la seule bonne raison
qu'un homme irréprochable puisse avoir de se battre en
duel, c'est le légitime désir de montrer qu'il n'est pas un
lâche : sentiment respectable , mais qui peut avoir sa
naïveté. L'important, moralement, ce n'est pas de faire dire
qu'on est brave, c'est de l'être, et de réserver son courage
pour de bonnes occasions, qui ne manquent guère ; car
c'est une vertu dont le prix moral est beaucoup dans
l'usage qu'on en fait. Admettons-le aussi, il peut y avoir
des affronts après lesquels un honnête homme trouve la
vie insupportable. Une telle douleur est une circonstance
atténuante pour tout, donc pour le duel aussi, cela va de
soi ; mais elle ne fait pas qu'il soit logique, ni surtout
obhgatoire de s'exposer aux coups de celui-là même qui a
déjà tous les torts, et qui ne mérite que le mépris.
Quand on a les torts soi-même, le cas est fort différent.
Comme on doit toutes les réparations, on peut être tenu
d'honneur, après avoir offert toutes celles qui sont possi-
bles, à ne pas refuser même «la réparation par les armes», si
elle est jugée seule acceptable par la personne qu on a offensée.
Mais le duel alors a des obligations particulières : la loyale
observation des règles ordinaires n'empêcherait pas de pa-
raître odieux à tous et d'une insupportable injustice,
le coup dont on frapperait (mortellement surtout) la per-
sonne qu'on a déjà blessée dans ses droits, atteinte dans
son honneur. On a dit du duel qu'il est une tentative
d'homicide compliquée d'un suicide éventuel : eh bien, il
n'est tolérable, dans l'éventualité que nous envisageons,
qu'à condition que l'offenseur en fasse, s'il le faut, une
sorte de suicide plutôt que de risquer d'ajouter l'homicide
à sa faute. — On le voit, le seul cas où ce peut être un
vrai devoir de se battre en duel, c'est en expiation d'une
offense irréparable autrement, et c'est à une condition
qu'on trouvera sans doute rigoureuse . Mais on n'a qu'à
ne pas se mettre dans ce cas : quand le vin est tiré il faut
le boire. Si l'obhgation de se battre quand ils s'injurient
trop gravement est, comme on le dit parfois, le seul moyen
d'éveiller le sens de l'honneur chez certains soldats et de
leur apprendre à se respecter entre égaux, il n'y a pas
lieu de s'élever si haut contre le duel obligatoire dans
DUEL — DU FAIL
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l'armée : il se justifie comme les autres rigueurs extrêmes de
la discipline militaire. Mais, en thèse générale, on peut dire
que le duel , quelquefois excusable en considération de Tin-
suffisance des lois et de l'état des mœurs, ne saurait jamais
être obligatoire pour qui n'aurait manqué à aucune obliga-
tion ; et^on ne peut que le condamner en principe, comme
n'offrant aucune garantie de justice et ne pouvant se géné^
raliser sans danger pour l'ordre social. H. Marion.
VI. Escrime. — Jeu de duel.— Le jeu dit de duel ou
de terrain diffère sensiblement de l'escrime proprement dite
qu'on enseigne dans les salles. Il a surtout pour but d'éviter
les coups pour coups si fréquents au fleuret , même entre
tireurs forts, car si, dans un assaut de salle, il n'y a jamais
qu'un coup qui compte, il n'en est pas de même sur le terrain .
où celui qui touche n'importe où et n'importe comment a
toujours raison. La création de ce jeu est due à M. Jules
Jacob qui préside en ce moment (1892) l'académie d'armes.
Les principes en sont clairement établis dans les leçons
d'épée de ce maître, rédigées par M. Emile André, directeur
du journal r Escrime française. La base de ce jeu consiste
principalement à ne faire que des fausses attaques ou des
attaques aux parties avancées du corps, afin de pouvoir
placer utilement une riposte ou encore mieux une contre-
riposte au corps. Il ne faut attaquer à fond au corps que le
moins souvent possible. Dans ce cas, on doit toujours le faire
par des coups simples précédés d'attaques à l'épée : batte-
ment, froissement ou double battement. Les croisés sont
également d'un emploi très utile. Les coups portés doivent
toujours être lancés et non allongés comme dans l'escrime
ordinaire. En outre, après toute attaque au corps, il faut
avoir bien soin de se relever vivement en faisant un bond
en arrière, pour éviter le coup de l'adversaire, qui, quoique
touché, pourrait fort bien riposter. En somme, le tireur
de terrain doit toujours avoir présente à l'esprit la maxime :
« Mieux vaut ne pas toucher que de s'exposer à être
touché. » A. Balle.
BiBL. : Grammaire. — A. -H. Sayce, Principes de Phi-
lologie comparée, trad. Jovy ; Paris, 1884, pp. 198 et suiv. —
Keck, Ueber den Dual ; W'urzbourg, 1882.
Histoire. — Pasquier, Des Recherches de la France^
1. IV, ch. I. — Du Gange, Glossarium, au mot Duellum.
— LoYSEL, Institutes coutimiières, t. II, p. 177, §§ 808 à
817, ôd.Dupin. — Savaron, Traicté contre les duels; Paris,
1610, in-12. — Laurière, Glossaire du droit finançais, au
mot Gage de bataille. — Brussel, Usage des fiefs, t. II,
p. 960. — Fr. Majer, Geschichte der Ordalien, insbeson-
dere der gerichtlichen Zweikàmpfe in Deutschland ; léna,
1795, in-8. — Marchegay, Duel judiciaire enlise des com-
munautés religieuses., dans Bibl. de VEcole des chartes,
t. I, p. 552. — BrÛxNner, la Parole et la Forme, dans Revue
critique de législation, 1871-72. — Viollet, les Etablisse-
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Duel judiciaire du comte de Fauquemberge et du seigneur
de Sorel (1372) ; Saint-Omer, 1884, in-8. — Glasson, His-
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pp. 456 et 530. — Esmein, Histoire de la procédure crimi-
nelle en France; Paris, 1882, in-8. — A. Tardif, la Pro-
cédure civile et criminelle aux xiii^ et xivo siècles ; Paris,
1885, in-8. — Tanon, Histoire des justices des anciennes
églises et communautés monastiques de Paris; Paris, 1883,
p. 16. — J. Gelli, U Duello nella storia délia giurispru-
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Guilhiermoz, Saint Louis. Les Gages de bataille et la
procédure civile, dans Bibl. de l'Ecole des chartes, 1887.
— J. Tardif, la Date et le caractère de Vordonnance de
saint Louis sur le duel judiciaii'e, dans Nouvelle Revue
historique du droit, 1887, p. 163. — D'Arbois de Jubain-
ville, le Duel conventionnel en droit irlandais et chez les
Celtibériens, dans Nouvelle Revue historique du droit,
1889, p. 729. — F. Patetta, le Ordalie ; Turin, 1890, in-8.
Temps modernes. — Brantôme, Discours sm?^ les duels,
au t. VI des Œuvres publiées par la Société de ITIistoire
de France. — B***, Histoire des duels; Amsterdam, 1720,
in-12. — Comte de Ciiâteauvillard, Essai sur les duels,
1836, in-8. — Dupin, Question du duel devant la cour de
cassation; réquisitoire de M. Dupin, procureur général,
1837, in-8.— Merignag, Histoire de l'escrime; Paris, 1883,
in-8. — ViGEANT, Duels de maîtres d'armes ; Paris, 1884,
in-16. — Baron de Vaux, les Duels célèbres ; Paris, 18H,
in-8. — Jules Jacob, le Jeu de Vépée ; Paris, 1887, in-8. —
A. Tavernier, l'Art du duel ; Paris, 1889, in-8 et in-12. —
G. Letainturier-Fradin, le Duel à. travers les âges;
Paris, 1892, in-8.
QUELLE (Métrol.). Poids ancien, valant IOb'-SO.
DUENASouDUENYAS (Jehan ou Juan de), poète espagnol
du XV® siècle. On ne sait rien de sa vie, sinon qu'il fut
prisonnier à Naples, dans la tour Saint-Vincent, probable-
ment après la défaite navale d'Alonso V, roi d'Aragon, à
Ponza (1435). Ses vers, éparsen différents recueils, n'ont
jamais été réunis; c'est dans les rares exemplaires du
Cancionero gênerai qu'il faut chercher quelques poésies
de lui ou à la Bibliothèque particulière de Roi, à Madrid,
qui en possède onze encore inédites. D. Eugenio de Ochoa
a publié pour la première fois, et d'après un manuscrit de
la Bibliothèque nationale (n° 7820, Colecciôn de rimas
antiguas castellanas)^ une œuvre importante de Duenas,
la Nao de Amor^ allégorie amoureuse d'un style obscur
et dont bien des passages sont à peu près inintelligibles.
Ce poème, composé durant la captivité de Naples, compte
vingt-deux strophes de neuf vers chacune, plus quatre
vers dans lesquels l'auteur s'adresse au roi en terminant.
Voici le titre complet : la Nao de Amor que fizo Johan
de Duenas, remetida al Rey nuestro Senor, que Bios
haya. Le roi dont il est question doit être D. Juan II de
Castille, mort en 1454. Lucien Dollfus.
Bibl. : Consulter sur ce poète peu connu, D. Eugenio
de Ochoa, Catâlogo razonado de los manuscrites espa-
noles, etc.; Paris, 1844, in-4.— Du même. Rimas inéditas
de D. Inigo Lopez de Mendoza, marqués de Santillana,
Fernan Perez de Guzmany de otros poetas delsiglo XV ;
Paris, 1844, in-8. — 11 existe encore deux octaves et deux
quatrains de arte menor, inédits, à la Bibliothèque natio-
nale, ms.n» 7819.
DUERNE. Com. du dép. du Rhône, arr. de Lyon, cant.
de Saint-Symphorien-sur-Coise ; 702 hab. Un des villages
les plus éleVés du dép. du Rhône, à l'embranchement des
routes de Clermont et de Montbrison. Duerne est une an-
cienne possession de l'abbaye de Savigny.
DUERO. Fleuve d'Espagne et de Portugal (V. Douro).
DUERO (Marquis del) (V. Concha [Don Manuel]).
DU ES M E. Com. du dép. de la Côte-dJOr, arr. de Châtillon-
sur-Seine, cant. d'Aignay-le-Duc ; 195 hab.
DUEZ (Ernest-Ange), peintre français contemporain, né
à Paris en 1843. Elève de Pils, il débuta au Salon de 1868,
mais ce fut seulement en 1873 que son tableau Lune de
miel fixa l'attention de la critique. L'artiste y révélait un
talent tout parisien, tout moderne, une fine élégance dans
le dessin, et un coloris distingué, d'une harmonie exquise
dans ses tonalités adoucies, limité à cette gamme transpa-
rente et rompue de gris argenté qui est propre à notre
région. En 1874, son diptyque, Splendeur et Misère, sujet
tout parisien, obtint une médaille de 3® classe. Au Salon de
1877 figura le Portrait de Madame D..., vêtue de rouge
sur un divan rouge, dans une chambre rouge, d'un aspect
plus étrange qu'harmonieux. L'œuvre maîtresse de M. Duez
est jusqu'à présent le Saint Cuthbert, grand triptyque
(S. 1879; au musée du Luxembourg). Les qualités de l'ar-
tiste s'y retrouvent entièrement ; mais les morceaux d'un
réalisme si moderne dans ses détails qui y figurent, et sur-
tout le fond du panneau principal, étude prise probable-
ment près des villas de Sainte-Adresse ou de Villerville,
font un contraste bizarre avec les sujets miraculeux repré-
sentés. Les tableaux les plus remarquables de l'artiste ont
été ensuite les excellents portraits des artistes Ulysse Butin
(S. 1880) et A. de Neuville (S. 1881) ; le Miracle des
roses de saint François d'Assise (S. 1884) et Virgile
s'inspirant dans les bois (1889), panneau décoratif pour
la Sorbonne. Ad. T.
DU FAIL (Noël), sieur de L\ Hérissaye, écrivain fran-
çais, mort vers 1585. Juge au présidial de Rennes vers
1553, il entra en 1571, comme conseiller, au parlement de
Bretagne. C'est à peu près tout ce qu'on sait de sa vie.
Conteur agréable et satiriste mordant, il ne s'acquitta pas
moins avec infiniment de gravité des devoirs de sa charge,
jusqu'à publier des Mémoires recueillis et extraits des
plus notables et solennels arrêts du Parlement de Bre-
tagne (Rennes, 1579, in-fol.), qui détonent un peu dans
l'ensemble de son œuvre. Citons de Du Fail : Propos rus-
— il -
DU FAIL — DUFAURE
tiques de maître Léon Ladutfi (Lyon, i547, in-8), sorte
d'églogue en prose où les traits satiriques abondent, qui a
été" réimprimée sous des titres un peu différents comme :
Discours d'aucuns propos rustiques, facétieux et de sin-
gulière récréation (Paris, 4548, in-16, et Lyon, 4549,
in-46), ou les Ruses et Finesses de Ragot (Paris, 4573,
in-46) ; Raliverneries ou contes nouveaux d'Eutrapel
(Paris, 4548, in-46; Lyon, 4549, in-46), plus connus
encore sous le titre de Contes et discours d'Eutrapel
(Rennes, 4585, in-8). Les facéties de Du Fait ont eu une
vogue considérable et des éditions multiples. Nous ne men-
tionnerons que les recueils : Propos rustiques, baliver-
neriesj contes et discours d'Eutrapel avec un essai sur
la vie et les écrits de M. Du Fait par J, -Marie Guichard
(Paris, 4842, in-42) ; Œuvres facétieuses (?dins, 4874,
2 vol. in-d6), éd. par Assézat.
DUFAU (Fortuné), peintre français, né à Saint-Domin-
gue en 4770, mort à Paris en 4824. Envoyé fort jeune à
Paris, il entra dans l'atelier de David et alla ensuite se
perfectionner en Italie. Rappelé par la réquisition militaire
et envoyé en Belgique avec son régiment, il fut fait prison-
nier par les Autrichiens et demeura jusqu'à la paix interné
en Hongrie. De retour en France, il exposa divers tableaux,
dont voici les principaux : Ugolin et ses enfants dans
leur prison (S. 4800); le Général Marescot, entouré
de sa famille (S. 4806) _; Saint Vmcent de Paul, figure
expressive et austère, qui produisit une profonde sensation
(S. d808) ; Gustave Wasa haranguant les paysans de
la Dalécarlie (S. 4849; musée de Marseille) ; Un Vieillard
en méditation; ce dernier tableau passe pour son chef-
d'œuvre. Excellent dessinateur, assez bon coloriste, et
surtout habile à rendre l'expression dramatique dans les
figures, F. Dufau se vit, à cause de son républicanisme
intransigeant, laissé de côté dans les commandes officielles
de l'Empire et de la Restauration. Ses amis eurent grand-
peine à lui faire obtenir les modestes fonctions de profes-
seur de dessin à l'école de cavalerie de Saint-Germain, puis
à l'école militaire de Saint-Cyr ; il dut même renoncer à
cette dernière place peu d'années avant sa mort. Ad. T.
DUFAU (Pierre -Armand), publiciste français, né à
Bordeaux en 4795, mort à Paris le 25 août 4877. Insti-
tuteur (4845), puis directeur (4840-4855) des Jeunes
Aveugles, outre de nombreux articles dans la presse (il
dirigea le Constitutionnel en 4834),^ il a écrit un grand
nombre d'ouvrages : de médiocres livres d'histoire, des
traités d'économie politique, des œuvres littéraires. Nous
citerons : Collection des chartes, lois fondamentales et
actes additionnels des peuples de V Europe et des deux
Amériques (4821-26, 6 vol.); Essai sur T état physique,
moral et intellectuel des aveugles-nés (4836); Traité
de statistique ou Théorie des lois d'après lesquelles se
développent les faits sociaux (4840) ; ISotice historique,
statistique et descriptive sur l'institution des Jeunes
Aveugles (4850, in-8).
DUFAURE (Jules-Armand-Stanislas) , homme d'Etat fran-
çais, né à Saujon (Charente-Inférieure) le 4 déc. 1798,
mort à Rueil le 27 juin 4884. Il fit son droit à Paris, fut
inscrit en 4820 au barreau de Bordeaux oti il plaida avec
infiniment de talent et de fougue des causes politiques qui
le mirent en lumière. Il s'occupa bientôt passionnément de
politique active et en 4830 il faisait de la propagande
libérale, « écrivant, dit-il, à tous les électeurs, les relançant,
mettant leurs pièces en règle, rédigeant leurs mémoires et,
le jour, pressé de consultations, partout, dans son cabinet
et au barreau, dans les rues et sur les places publiques ».
Devenu très populaire, il fut élu le 24 juin 4834 député
de Saintes, qui ne cessa de le réélire jusqu'en 4848. Mem-
bre du tiers parti, il prit peu à peu une influence considé-
rable sur l'assemblée par ses qualités de debater et par la
conscience et la compétence de ses rapports soit sur les
questions d'affaires, soit sur celles de droit et de pratique
parlementaires. A l'avènement du ministère Thiers, il fut
nommé conseiller d'Etat (juin 4836) et démissionna l'année
suivante avec le cabinet. Il fit partie de la coalition contre
le ministère Mole et après la victoire de cette coalition reçut
le portefeuille des travaux publics (42 mai 4839). Il fit
preuve d'une activité dévorante : fit voter l'amélioration des
grands ports de commerce, et, grâce à son intervention
incessante et à la vigueur de ses arguments et de ses con-
victions, réussit à écarter de la construction des chemins
de fer les obstacles qui l'avaient jusqu'alors entravée et qui
semblaient insurmontables. Tombé le 45 mars 4840 sur la
question de l'apanage du duc de Nemours , Dufaure prit à
tâche de mener à bien les travaux qu'il avait entrepris
comme ministre. Il se fit nommer rapporteur de toutes les
lois qu'il avait présentées et ne prit presque aucune part aux
débats politiques. Cependant, en 4844, il attaqua avec une
rare énergie la fameuse loi sur les fortifications de Paris qui
avait surexcité tant de passions, et il appuya le cabinet
Thiers auquel l'opposition voulait refuser des subsides pour
le développement de la conquête de l'Algérie. En 4842, il
fut porté comme candidat à la présidence de la Chambre par
l'opposition qui réunit sur son nom 484 voix contre 227. H
dut se contenter de la vice-présidence qui lui fut confiée de
nouveau en 4845. Survint la révolution de 4848. Elu à la
Constituante par la Charente-Inférieure, Dufaure fit partie
de la commission de constitution, et le 43 oct. fut nommé
ministre de l'intérieur par Cavaignac. Cette nomination ne
laissa pas que de surprendre le pubHc. Le National écrivait :
« A huit mois du 24 févr., il est naturel qu'on s'étonne de
voir l'ancien adversaire des banquets réformistes devenir le
chef de la politique intérieure de la France républicaine. »
Ces attaques se reproduisant même au sein de l'assemblée,
Dufaure y répondit en ces termes : « De quoi se plaint-on
en réalité ? Soyons francs ! on se plaint de ce que le gou-
vernement a fait un pas vers des hommes qui n'étaient pas
républicains la veille du 24 févr. — cela est vrai, et je suis
forcé d'en convenir, — mais qui ont accepté la République,
qui s'y sont attachés , qui se sont voués à la défendre ! »
Il combattit très vivement les théories des socialistes, défendit
à la tribune, sans grand bonheur, l'expédition de Civita Vec-
chia, et appuya de toutes ses forces la candidature de Cavai-
gnac à la présidence de la République. Lorsqu'elle eut échoué,
il se retira avec le ministère (20 déc. 4848) et soutint la
proposition de dissolution de l'Assemblée. Réélu à la Légis-
lative le 43 mai 4849, il rentra au ministère de l'intérieur
grâce à l'insistance d'Odilon Barrot, réprima la tentative de
Ledru-Rollin, fit mettre en état de siège Paris et plusieurs
départements, interdit les clubs pendant un an, et suspendit
quelques journaux. Ces mesures de rigueur l'exposèrent aux
interpellations incessantes et passionnées de la gauche, et
cependant Louis-Napoléon, prétextant que le cabinet n'avait
ni force ni énergie , le renvoyait brusquement le 34 oct.
4849. Dufaure s'occupa alors presque uniquement de la
grande enquête sur l'état de la marine française. Après
quelques jours de détention, au moment du coup d'Etat du
2 déc, il rentra dans la vie privée. Inscrit au barreau de
Paris, il y plaida avec éclat des procès politiques , fut élu
bâtonnier de l'ordre à la fin de juil. 4862 et entra à l'Aca-
démie française le 23 août 4863 en remplacement du chan-
celier Pasquier. Ses succès oratoires accrurent encore sa
notoriété. Les libéraux se comptaient sur son nom aux
élections législatives départementales (Charente-Inférieure
en 4857 et 4863, Gironde en 4863, Var en 4868). Dès la
proclamation de la République , il fut élu à l'Assemblée
nationale par cinq départements : Charente-Inférieure, Gi-
ronde, Hérault, Seine-Inférieure, Var (8 févr. 4874). Il
opta pour la Charente-Inférieure. Le 46 févr., quatre jours
après la constitution de l'Assemblée, il proposait, avec
MM. Grévy, de Malleville, Vitet, Barthélémy Saint-Hilaire,
de choisir M. Thiers comme chef du pouvoir exécutif de la
République française et, cette proposition acceptée (17 févr.),
prenait le portefeuille de la justice. Il eut à réorganiser la
magistrature, à reconstituer les actes de l'état civil, à
diriger les poursuites contre les insurgés de la Commune,
à préparer un projet de réorganisation du conseil d'Etat. Il
DUFAIjRE — DUFAY
— 42
prépara, soutint et fit voter en 4872 la loi sur le jury ; enfin
il fit nommer la comnission de trente membres chargée de
régler les attributions des pouvoirs publics et les conditions
de la responsabilité ministérielle. Tombé avec Thiers le
24 mai 1873 devant la coalition des droites, Dufaure siégea
au centre gauche. Il combattit le cabinet de Broglie, et
réclama à plusieurs reprises, sans succès, la mise à l'ordre
du jour des projets de lois constitutionnelles. Il appuya
également M. Wallon et sur cette question capitale de
l'adoption d'une constitution républicaine devint en réalité
le chef des gauches. Le 15 mars 1875, les sceaux lui étaient
rendus (cabinet Buffet). Il prit alors une part importante à
l'organisation du Sénat et à la discussion des lois électo-
rales des deux Chambres, tout en combattant avec vigueur
le parti bonapartiste. Il échoua aux élections sénatoriales
dans la Charente-Inférieure, mais fut élu député par l'arr.
de Marennes le 20 févr. 1876. M. Buffet, battu dans quatre
circonscriptions, démissionna. Aussitôt Dufaure fut nommé
président du conseil (9 mars). Après avoir repoussé l'am-
nistie pour les insurgés de la Commune, il institua la com-
mission des grâces, puis il créa au ministère de la justice
le comité de législation étrangère auquel il confia la mission
de réunir tous les textes et de publier les traductions de codes
étrangers, il reprit l'élude de la réforme judiciaire, se pro-
digua^dans tous les débats importants et porta à l'apogée sa
renommée d'orateur d'affaires, âpre et tenace, clair et con-
vaincant. Il tomba le 12 déc. 1876 sur la question de la
cessation de toutes poursuites nouvelles à l'occasion de la
Commune*. Il avait été nommé sénateur inamovible le 14 août
1 876 en remplacement de Casimir-Perier. Il voyagea quelque
peu et revint à Paris pour lutter contre le gouvernement du
16 mai qui n'eut pas d'adversaire plus mordant. Il vota
contre la dissolution de la Chambre et après la victoire des
363 fut chargé (24 déc. 1877) de constituer un ministère
dit « parlementaire ». Il eut à réparer les injustices com-
mises par le cabinet de Broglie-Fourtou, mit sur le chantier
la revision du code d'instruction criminelle, présenta une
loi sur l'extradition, s'occupa delà colonisation algérienne
et de bien d'autres questions avec une puissance de travail
extraordinaire et troublé sans cesse par des sollicitations
qui lui arrachaient des boutades comme celle-ci : « Je ne
sais plus auquel entendre et, si j'en croyais les députés, je
laisserais tout cela pour m'occuper de leurs juges de paix.
Les affaires de l'Etat, la conférence de Berlin, qu'est-ce que
cela? Les affaires de mon canton, voilà les matières sé-
rieuses! » Lorsque le maréchal de Mac-Mahon eut refusé
d'adhérer au remplacement des commandants de corps
d'armée qui avaient dépassé le terme de trois années fixé
par la loi, Dufaure ne voulut point plier à son désir la déci-
sion du conseil des ministres, et le président de la République
fut ainsi amené à démissionner. Mais aussitôt que M. Grévy
eut été élevé à la présidence, Dufaure remit entre ses mains
la démission du cabinet (3 févr. 1879) et ne voulut point
entrer dans le nouveau ministère. Depuis lors, il siégea au
Sénat presque silencieux, assombri par la mort de sa femme
(]VP^® Jaubert). Il combattit pourtant en 1880 le fameux
article 7 comme contraire à la liberté, et ce fut son dernier
discours.
BiBL. : Georges Picot, M. Dufaure^ sa vie et ses dis-
cours; Paris, 1883, in-12. — P. Moulin, M. Dufaure et son
fauteuil académique ; Paris, 1879, in-8.
DUFAURE (Amédée), homme politique français, né à
Paris le 29 nov. 1851. Fils du précédent, il fut d'abord
attaché à la préfecture de la Seine, puis devint, en 1873,
secrétaire de M. Ferdinand Duval, alors préfet. Il entra
ensuite dans la diplomatie, fut successivement secrétaire
d'ambassade à Rome et à Madrid, puis revint auprès du
duc Decazes et du marquis de Bonneville, tous deux mi-
nistres des affaires étrangères, jusqu'au jour où, après
avoir été entre temps chef du cabinet de son père, il donna
sa démission. Quatre ans plus tard il fut élu, dans le
VHP arrondissement (quartier de la Madeleine), conseiller
municipal de Paris et conseiller général de la Seine. Aux I
élections du 22 sept. 1889, M. Amédée Dufaure s'est
présenté dans l'arr. d'Etampes (Seine-et-Oise), comme
candidat conservateur libéral, et a été élu contre M. de
Jouvencel, républicain radical, député sortant. A l'ouverture
de la session, il a été nommé secrétaire de la Chambre.
DUFAURE DU Bessol (Joseph-Arthur), général fran-
çais, né à Beaulieu (Corrèze) le 25 févr. 4828. Engagé
volontaire en 1847, il entra à Saint-Cyr, en sortit en
1851, et servit en Afrique au bureau arabe de Sidi-bel-
Abbès (4 853-1854), fit la campagne de Crimée (1854-
56), la campagne d'Italie (4859), et, promu capitaine aux
grenadiers de la garde en 4859, combattit au Mexique de
1862 à 1867. Le 12 sept. 1870, il fut nommé colonel du
43® de marche, avec fonction de commandant d'une bri-
gade de l'armée du Nord, et promu général le 7 nov. sui-
vant, combattit brillamment à Rezonville, à Amiens, à
Saint-Quentin où il reçut trois blessures, livra les com-
bats de Mézières et Villers-Bretonneux, assista à ceux de
Pont-Noyelles et Bapaume. Classé le 16 sept. 1871 dans
l'état-major général, il fut nommé le 28 oct. commandant
de la Haute-Garonne. Promu général de division le 14 nov.
1880, il est actuellement (1892) commandant du 19® corps
d'armée (Alger).
DUFAY ou DU FA Y (Guillaume) célèbre compositeur
français, né probablement à Cambrai, vers 1400, mort
à Cambrai le 27 nov. 1474. C'est un de ceux qui, avec
Binchois et Dunstable (V. ces noms) firent le plus pour
le développement de l'art contrepointique. Il fit son édu-
cation musicale comme enfant de chœur à la cathédrale
de Cambrai. Le 20 déc. 1428, on le trouve mentionné
parmi les chanteurs de la chapelle pontificale, où il resta
jusqu'en juin 4437. On suit assez vaguement sa trace à la
cour de Bourgogne et à Paris, avant de le retrouver en
1440, puis surtout à partir de 1450, fixé à Cambrai,
comme chanoine de la cathédrale. Ses compositions, long-
temps oubliées, ont été retrouvées récemment en nombre
considérable; on en compte soixante-deux dans le ms.
37 du Liceo musicale de Bologne ; vingt-cinq dans le
ms. 2216 de l'Université de la même ville ; d'autres ,
aux archives de la chapelle pontificale de Saint-Pierre de
Rome, de la cathédrale de Trente, et des bibliothèques de
Modène, Paris (Bibliothèque nationale, ms. fr. 15123),
Bruxelles et Cambrai. Ce sont pour la plupart des mor-
ceaux religieux, messes, fragments de messes, hymnes, etc.,
à deux , trois ou quatre voix , plus quelques pièces de
circonstance, telles qu'une hymne pour le couronnement
de l'empereur Sigismond (1433), et quelques chansons
italiennes et françaises. On doit attendre, pour bien appré-
cier l'étendue des progrès accomplis dans l'art par Dufay,
qu'un nombre suffisant de ses œuvres ait été publié. Mais
le peu qui en a été donné jusqu'à ce jour a suffi à le placer
au premier rang de l'école française, dans la période im-
médiatement antérieure à Ockeghem. Michel Brenet.
BiBL. : HouDOY, Histoire artistique de la cathédrale de
Cambrai, 1880, in-4. — Haberl, Bausteine fur Musilige-
sckichte^ t. I, W. duFay^ 1885^ in-8. — Brenet, G. Dufay^
dans le Ménestrel des 15, 22, 29 août, 5, 12, 26 sept. 1886.
DU FAY (Charles-François de Cisternay) (V. Fay [DuJ).
DUFAY (Louis-Pierre), homme politique français, né à
Paris en 1753. Député de Saint-Domingue à la Convention,
il n'y siégea qu'à partir du 15 pluviôse an II. Il fit partie
du conseil des Cinq-Cents. On ignore la date de sa mort.
D U FAY (Jean-François-Charles), homme politique fran-
çais, né à Blois (Loir-et-Cher) le 24 juin 1815. Docteur
en médecine, il exerça à Blois de 1845 à 1874 , et se dis-
tingua particulièrement lors du choléra de 1849, ce qui
lui valut une médaille d'argent. De bonne heure il avait
fait de la politique libérale, avait dirigé un journal, le Ré-
publicain de Loir-et-Cher (1848-4849), et, élu conseiller
municipal de Blois en 1869, avait fait partie de la com-
mission chargée provisoirement de l'administration de la
commune pendant la guerre, et rempli les fonctions de
maire durant l'occupation allemande, situation qui fut ré-
gularisée en mai 1871 par décret du chef du pouvoir
exécutif. Après avoir échoué aux élections du 8 févr. 1871
pour l'Assemblée nationale, il fut élu représentant de
Loir-et-Cher le 2 juil. delà même année, siégea à la gauche
républicaine et vota les mesures les plus libérales. Il posa
sans succès sa candidature aux élections sénatoriales du
30 janv. 1876, mais fut élu député de Blois (1''^ circons-
cription) le 20 févr. suivant. Il combattit le gouvernement
du 16 mai, fut réélu le 14 oct. 1877 avec les 363, et le
5 janv. 1879 devint sénateur de Loir-et-Cher. Il a été
réélu au renouvellement triennal du 5 janv. 1888. Dans
la Chambre haute, il a soutenu la politique républicaine et
combattu le boulangisme. Membre d'un certain nombre de
sociétés savantes ou d'associations utilitaires, fondateur
de V Association médicale de Loir-et-Cher et vice-pré-
sident de V Association générale de prévoyance et de
secours mutuels des médecins de France^ le D'' Dufay
a collaboré activement à plusieurs recueils scientifiques,
entre autres au Bulletin de la Société de psychologie
'physiologique (1888-1890) et à la Revue scientifique
(1876-1888). Disciple de Claude Bernard, il admet la théo-
rie du déterminisme organique et, en philosophie naturelle,
la doctrine de l'évolution et du transformisme. Citons en-
core de lui une importante étude biographique et bibliogra-
phique: Un Erudit au xix^ siècle, Armand Baschet
et son œuvre (Paris, 1887, in-8).
D U FEY (Pierre- Joseph-Spiridion) , dit Dufey de l'Yonne,
pubhciste français, né en 1770, mort aux BatignoUes en
déc. 1854. Avocat à Bordeaux, il y plaida jusqu'en '1812
et, venu à Paris à peu près à cette époque, se lança dans
le journalisme. Rédacteur au Nain jaune (1815), il fonda
ensuite avec Robert Babeuf et G.-C. Zenowitz le Nain
tricolore, qui n'eut qu'un numéro, supprimé par arrêt de
la cour d'assises de la Seine du 11 juin 1816 qui con-
damna Dufey à la déportation. En 1826, il créait un nouvel
organe, le Mémorial politique, littéraire et industriel,
qui n'eut pas de succès. Outre sa collaboration active à un
grand nombre de périodiques et de recueils, comme des
Biographies, des Dictionnaires, entre autres le Diction-
naire de la conversation, Dutey a produit un nombre
considérable d'ouvrages dans tous les genres parmi les-
quels nous citerons : Histoiî^e, actes et remontrances
des parlements de France et autres cours souveraines
depuis 1461 jusqu'à leur suppression (Paris, 1826,
2 vol. in-8) ; t Europe et la France en i792 et i8I5
(1815, in-8) ; Confessions de Napoléon (1816, 2 vol.
in-12), saisi par la police ; Nouveau Dictionnaire histo-
rique des environs de Paris (1825, in-8); Coligny
(1824, 4voL in-12); Danois {{^U, 4 voL m-\'2){ Des
Assemblées aux Champs de Mars (1815, in-8) ; Histoire
des communes de France (1828, in-8) ; la Bastille
(1834, in-8), etc.
DU FF (Iles). Petit archipel de l'Océanie dont les onze
îles dépendent du groupe voisin des îles Santa-Cruz (Y. ce
nom). Il a été découvert en 1797 par le capitaine Wilson
dont le navire s'appelait le Duff.
DU FF, comtes de Fife, famille anglaise. William Duff,
membre de la Chambre des communes pour le Banffshire,
de 1727 à 1734, fut créé comte de Fife dans la pairie d'Ir-
lande le 26 avr. 1759. Il mourut en 1763. — Son fils
James, grand agronome, augmenta fort la valeur des pro-
priétés patrimoniales dans le nord de l'Ecosse; en -1790,
il fut créé baron File dans la pairie d'Angleterre. Il mourut
en 1809, et le titre s'éteignit en tant que titre anglais. En
tant que titre irlandais, le comté de Fife passa à Alexander,
frère du dernier comte.
DUFF (Robert), amiral anglais, mort en 1787, Com-
mandant dès 1744, il prit part à l'expédition de 1758 contre
la Bretagne armoricaine et servit aux Antilles et à Gibraltar.
DUFF (William), publiciste anglais, né en 1732, mort
en 1815. 11 a écrit des sermons (étant pasteur de l'Eglise
d'Ecosse) et des ouvrages de critique morale et littéraire.
DUFF (James), général espagnol, né en 1776, mort en
1857. Entré comme volontaire au service de l'Espagne en
— ^3 — DUFAY — DUFFERIN
1808, étant riche, il fut nommé tout de suite major géné-
ral ; il se distingua à la bataille de Talavera, et à la défense
de Cadix. En 1811, il succéda à son père comme quatrième
comte de Fife dans la pairie d'Irlande ; il fut créé pair du
Royaume-Uni en 1827. Son neveu hérita de ses titres et
de ses biens.
DUFF (James-Grant), historien anglais, né en 1789,
mort en 1858. Il fit sa carrière dans l'Inde comme soldat et
comme diplomate. Résidant en 1818 dans le pays des
Mahrattes, il y resta cinq années, réunissant les matériaux
d'une grande histoire de ce peuple, histoire qu'il publia,
après son retour en Ecosse en 1826, sous le titre de His-
tory of the Mahr atlas. — L'un de ses fils a été i^ouverneur
de Madras de 1881 à 1886.
DUFF (Alexander), missionnaire écossais, né en 1806,
mort en 1878. Après de brillantes études à Saint-André
et à Edimbourg, il alla en Inde, en 1829, pour y propa-
ger le christianisme. Au lieu de prêcher dans l'une ou
Fautre langue indigène, il ouvrit une école où il enseignait
l'anglais ; cette méthode avait pour but de donner à' une
élite indigène accès aux avantages de la civilisation chré-
tienne, et de faire pénétrer ainsi le christianisme par cette
élite dans la masse du peuple. Duff débuta avec cinq élèves ;
avant la fin de l'année il en avait trois cents, et dut en
refuser faute de place. Une dysenterie l'obligea à revenir
en Europe en 1834. Il séjourna encore en Inde de 1840 à
1849 et de 1856 à 1863. Ses écoles se multiplièrent;
mais le résultat le plus clair fut que la méthode de Duff
s'imposa au gouvernement colonial ; elle devint le principe
de la loi qui réorganisa l'instruction publique en 1854.
Outre cela, pendant les congés que Duff passa en Ecosse et
de 1864 à sa mort, il a su créer au sein de l'Eglise libre
d'Ecosse, séparée de l'Etat depuis 1843 et réduite à ses
propres ressources, un courant d'intérêt sans pareil pour
les missions étrangères. En effet, cette Eglise qui compte
environ 300,000 membres communiants, entretenait, eu
1890, cinquante-un missionnaires en Inde, auK Nouvelles-
Hébrides, en Cafrerie, au lac Nyassa, en Sprie et à Aden,
et a mis durant l'exercice 1889-1890, à la disposition de
sa commission des missions étrangères, la somme de plus
de 2,400,000 fr. Enfin, Duff réussit à créer à Glasgow
une chaire spéciale d'histoire des missions chrétiennes,
dont il fut naturellement le premier titulaire. F. -II. K.
BiBL. : G. Smith, The Life of A. Duff; Londres, 1871),
2 vol. in-8.
DUFFEL. Com. belge de la prov. d'Anvers, arr. de
Malines, sur la Nèthe, affli. du Rupel ; 5,800 hab. Stat.
du chemin de fer de Bruxelles à Rotterdam, à 19 kil.
d'Anvers. Blanchisseries de toiles, fabriques de tissus,
papeteries. Duffel est le lieu de naissance du fameux phi-
lologue Corneille Yankiel, dit Kilianus.
DUFFERIN (Cœlina, lady), femme poète anglaise (Y.
Sheridan [Lady Helen]).
DUFFERIN (Frederick - Temple -llamilton Blâckwood,
comte), diplomate anglais contemporain, né à Florence
en juin 1826. Il succéda au titre de son père, le troi-
sième baron Dufferin, le 21 juil. 1841, visita l'Irlande pen-
dant la lamine de 1846-47, l'Islande en yacht en 1859,
et rapporta de ses voyages deux livres intéressants : Nar-
rative of a journey during the year of the Irish fa-
mine (1847) et Letters from high latitudes (5® édit.,
1867). Sous-secrétaire d'Etat pour l'Inde de 1864 à 1866,
puis de la guerre, il fut nommé chancelier du duché de
Lancastre en 1868 dans le ministère Gladstone, après avoir
publié plusieurs écrits sur la question irlandaise. Gouver-
neur général du Dominion of Canada depuis avr. 1872, il
visita, accompagné de lady Dufferin, la Colombie anglaise
pendant l'été de 1876, et resta à ce poste jusqu'en oct.
1878. Ambassadeur à Saint-Pétersbourg (févr. 1879), puis
à Constantinople (mai 1881), il eut à diriger en 1882-83
l'action diplomatique de l'Angleterre près de la Porte,
à l'occasion des événements d'Egypte. En nov. 1884, lord
Dufferin (élevé dès 1871 à la dignité de comte) fut investi
DUFFERIN — DUFOUR
-. 14 —
de la Yice-royauté des Indes. Il est rentré ensuite dans la
carrière diplomatique par l'ambassade de Rome (1889)
d'où il a été transféré (déc. 1894) à l'ambassade de Paris,
vacante par la mort de lordLytton. En 4888, la faveur de
la reine, méritée par d'éminents services, l'a élevé au mar-
quisat (sous le titre de marquis Dufferin et Ava) ; elle lui
a conféré en 4894, après la mort de W.-H. Smith, la
dignité très honorifique et très lucrative de lord gardien
des Cinque-Ports. M. Henry Milton a publié, en 4882,
les Speeches and adresses de lord Dutferin. Les Letters
from high latitudes ont été traduites deux fois en fran-
çais: Lettres écrites des régions polaires (?diris, 4860,
in-8, et 4882, in-8); Un Voyage en yacht. Lettres des
hautes latitudes (Montréal, 4876, in-8). — M. Robert
de Gerisy a publié une traduction d'un livre de la mar-
quise Dufferin et Ava sous le titre : Quatre Ans aux Indes
anglaises. Noire vice-royauté. Fragm£nt de mon jour-
nal, 1884-1888 (Paris, 4890, 2 vol. in-42).
DUFFET (V. DouFFET [Gérard]).
DUFFLAS. Tribu de l'Himalaya (V. Daflas).
DUFFORT. Com. du dép. du Gers, arr. de Mirande,
cant. de Miélan; 446 hab.
DUFFY (Sir Charles-Gavan), homme poUtique anglais,
né en 4846. H débuta comme journaliste à Dublin et à
Belfast dans les rangs du parti delà « Jeune Irlande ». Il
fut impliqué en 4844 dans le procès d'O'Gonnell , mais
acquitté en appel. Membre du Parlement pour New-Ross
en 4852, il se décida en 4856 à émigrer pour l'Australie,
fatigué des scissions continuelles du parti irlandais qui
paralysaient son action. A Melbourne, où il exerça la pro-
fession d'avocat, il devint premier ministre de l'Etat de
Victoria en 1 874 et reçut le titre de baronnet le 34 mai 4873.
En 4877, il fut élu speaker de l'Assemblée législative de
Victoria. Il a publié : Young Ireland, a fragment of Irish
history, 1840-1850 (Londres, 4880), et Four Years of
Irish history, 1845-1849 (4883). Ch.-V. L.
DUFIEF (Nicolas Gouïn-), professeur français, né à
Nantes vers 4776, mort à Pentonville le 42 avr. 4834. Fils
d'un émigré et de la comtesse Victoire- Aimée Libault Gouïn-
Dufief, connue sous le surnom de VHéroïne de Vendée,
il servit à l'armée des princes en 4792, puisse réfugia en
Angleterre et de là passa aux Indes pour s'établir finale-
ment à Philadelphie où il enseigna le français. Il revint en
Angleterre vers 4848. Très lié avec Priestley et Thomas
Jefferson, il a écrit un Essai sur la philosophie du lan-
gage qui ne passa pas inaperçu. Nous citerons encore de lui:
Nature displayed in her mode of teaching language
to Man (Londres, 4848, 2 vol. in-8, qui atteignit jusqu'à
douze éditions du vivant de l'auteur) ; A Universal Pro-
nouncing and critical French-English dictionary
(Londres, 4833, in-8); The French self interpréter or
Pronouncing Grammar (Exeter, 4820, in-'J2).
DUFLO S "(Claude-Augustin), graveur au burin, né le
44 mai 4700, mort en 4784. Il était élève de Claude
Duflos, son père (né en 4665, mort en 4727), et compte
parmi les meilleurs graveurs du xviii^ siècle. On lui
doit les planches de là Galerie du Président Lambert;
la Naissance de Vénus et la Toilette de Vénus, d'après
Boucher; le Triomphe de Galathée, d'après Coypel; de
joUs frontispices et ornements ; deux pièces humoristiques
et de nombreux portraits, parmi lesquels ceux du Marquis
d'Argenson, de Jérôme Bignon, du Marquis de Boufilers
et de P. de La Brosse, d'après Rigaud.
BiBL. : PoRTALis et Beraldi, Graveurs du xviip siècle,
t. II.
DU FOSSÉ (Pierre-Thomas), écrivain janséniste (V.
Thomas [Pierre], seigneur du Fossé).
DUFOUR (Georges-Joseph), général français, né à Saint-
Seine (Bourgogne) en 4758, mort en 4820. H était atta-
ché à l'administration de la marine à Rochefort, lorsqu'il
tut appelé en 4794 au commandement d'un bataillon de
volontaires. Nommé général de brigade en 1793, il servit
en Vendée, se distingua plus tard à l'armée de Rhin-et-
Moselle et prit part, comme général de division, à la dé-
fense de la Hollande en 4799. Après le coup d'Etat du
48 brumaire, Dufour, qui était connu pour son républi-
canisme, ne fut plus employé qu'à l'intérieur et ne tarda
pas à être mis à la retraite. Envoyé par le dép. de la Gi-
ronde à la Chambre des députés des Cent- Jours, il fut
arrêté après la seconde Restauration et resta en prison
jusqu'en sept. 4846. Mis en Hberté, il retourna à Bor-
deaux, où il ne cessa de faire de l'opposition aux Bour-
bons. E. Feller.
DUFOUR (Alexandre), architecte français, né en 4764,
mort à Versailles le 4^^ févr. 4835. De 4840 à 4831, il
fut architecte du palais de Versailles ; on lui doit le pavillon
qui forme le front de l'aile droite de ce palais. Dufour fut
membre du conseil consultatif des bâtiments de la cou-
ronne, de 1833 à 1834.
DUFOUR (François-Bertrand, baron), général français,
né à Souillac (Lot) en 4765, mort en 1832. Parti en 4792
avec les volontaires du Lot, il se signala aux armées du
Rhin, de la Moselle, de Sambre-et-Meuse, prit part à la
campagne du Tirol en i 805 et fut nommé général de bri-
gade après Austerlitz. Il contribua à la prise de Danzig et
enleva l'île de Rugen (4807). Fait prisonnier à Baylen, il
ne rentra en France qu'après la chute de l'Empire. Pendant
les Cent- Jours, il fit partie du corps de Grouchy. La se-
conde Restauration le mit à la retraite. Il fut envoyé à la
Chambre des députés en 4830. E, Feller.
DUFOUR (Jean-Marie-Léon), médecin et naturaliste
français, né à Saint-Sever (Landes) le 44 avr. 4780,
mort à Saint-Sever le 48 avr. 4865. De 4806 à 4844,
il servit dans l'armée, puis se livra à des travaux d'ento-
mologie et de botanique, qu'il n'interrompit que pour prendre
part, en 4823, à la campagne d'Espagne. De 4844 à 4864,
il ne publia pas moins de deux cent trente-deux mémoires
d'entomologie, dont la liste est insérée dans les Annales
de la Société entomologique de France (4865, p. 246).
Tous ces mémoires sont étincelants de verve , d'esprit ,
d'entrain et de poésie. Mais là où Dufour s'est le plus dis-
tingué, c'est dans l'étude de l'anatomie et de la physiologie
des Arthoropodes (carabiques, scorpion, cigale, diptères,
hémiptères, lépidoptères, etc., etc.) et dans la recherche
des mœurs et des métamorphoses des Insectes. Citons
encore : Cours sur les propriétés des plantes, etc.
(Neucluitel, 4855, in-42) ; Essai sur quelques points de
Vétat actuel de la physique et de la chimie, présenté à
l'Académie de Lausanne (1855, in-4); Propriété des
végétaux et leurs applications, etc. (Neuchâtel, 4861,
in-12). Dufour eut l'honneur d'être le premier Français
couronné du prix Cuvier. D^ L. Hn.
DU FOUR (Guillaume-Henri), général suisse, né à Cons-
tance le 45 sept. 4787, où sa famille s'était réfugiée pour
raisons politiques, mort à Genève le 44 juil. 4875. L'exil
cessa bientôt et Dufour fut élevé à Genève. Sur le tard, le
jeune homme se prit de passion pour les mathématiques, et
en 4807, sa patrie étant devenue française, il entrait à l'Ecole
polytechnique avec le numéro 440. Au bout d'un an il avait
le onzième rang, puis, à la sortie, le numéro 5. Il entra à
l'école de Metz (4809), puis fut envoyé à Corfou exécuter des
travaux défensifs contre les Anglais. Il y resta jusqu'en 4844
et y devint un maître dans l'art des fortifications. Après
Waterloo, le capitaine Dufour se retira derrière la Loire
pour continuer la lutte. Son bonapartisme le fit mettre par
les Bourbons en disponibilité. Il retourna alors à Genève
devenu suisse, et y devint coup sur coup professeur de
mathématiques à l'Académie, chef du génie cantonal,
ingénieur civil du canton. Les autorités fédérales lui don-
nèrent mission de fonder l'école de Thoune; il fut nommé
colonel fédéral, et fut enfin chargé de dresser la carte de
Suisse. Ce travail dura trente-deux ans (4833-65) : la
carte Dufour est un modèle souvent cité. Le point culmi-
nant delà carrière de Dufour est sa nomination en qualité
de général chargé décommander les troupes fédérales dans
l'affaire du Sonderbund (séparation de sept cantons catho-
liques). Le 4 nov. 1847, la dissolution par les armes fut
votée; le 14, Fribourg capitulait; le 24, Lucerne. Grâce à
une action décisive, à un plan très habilement conçu, il n'y
eut que quelques centaines de morts et blessés. La recon-
naissance envers Dufour fut unanime, même chez les vaincus
qui avaient admiré son humanité : on vota au général paci-
ficateur une récompense nationale de 60,000 fr. A trois
reprises encore, en 1849, 1856 et 1859, Dufour fut nommé
général en chef, mais l'épée ne fut pas tirée. Plusieurs fois
la Suisse eut recours à ses relations personnelles avec
Napoléon III, qui avait été sous ses ordres à Thoune, pour
régler des conflits internationaux. En 1864, il présida le
congrès d'où allait sortir la Convention de Genève. Sa sta-
tue équestre érigée par souscription nationale et due au
ciseau du sculpteur Tôpffer s'élève sur une place de Genève.
Ses principaux ouvrages sont : un Mémorial pour les tra-
vaux de guerre (1820); un Cours de tactique (1840,
1851); De la Fortification permanente (1850, 1854) ;
la Campagne du Sonderbmid et les Evénements de
1856 (Paris, 1876), précédée d'une notice biographique.
Dufour est une des gloires les plus pures de l'histoire suisse.
DUFOUR (Le P. J.), jésuite de la maison de Vaugirard,
éditeur du Graduale Romanum du P. Lambillotte, après
la mort de celui-ci, et du livre du même auteur intitulé
Esthétique, théorie et pratique du chant Grégorien.
En 1857, il défendit l'œuvre du P. Lambillotte contre dom
Anselme Schubiger, M. Th. Nisard et l'abbé Cloet dans un
ouvrage intitulé Mémoire sur les chants liturgiques
restaurés par le P. Lambillotte, de la compagnie de
Jésus, et publié par le P. /)... delà même compagnie.
DUFOUR (Gabriel-Michel), jurisconsulte français, né à
Moulins le 2 mars 1811, mort à Luxeuil (Haute-Saône) le
30 mai 1868. Avocat au conseil d'Etat et à la cour de cas-
sation en 1839, il représenta le dép. de l'Alherà l'Assem-
blée législative en 1850 ; il y professa des opinions libé-
rales et modérées. Ses principaux ouvrages sont : Traité
général du droit administratif appliqué (Paris, 1843-
44, 4 vol. in-8 ; 2^ éd., 1854-57, 6 voL) ; De l'Expro-
priation et des dommages causés à la propriété (1858,
m-8) ; De la Décentralisation (1865, in-8).
DUFOUR (Jean), homme politique français, né à Issou-
dun le 26 mars 1818, mort à Richeton (Indre) le 30 sept.
1883. Notaire à Paris, il devint, en 1865, maire du
II® arrondissement. Le 8 févr. 1871, il fut élu représen-
tant de l'Indre à l'Assemblée nationale. Il siégea au centre
droit et appuya le cabinet de Broglie. Pourtant il vota la
République. Aux élections générales de 1876, il posa sans
succès sa candidature conservatrice à la Chambre des dé-
putés dans l'arr. d'Issoudun. — Son fils Paul-Guillaume,
né à Paris le 23 févr. 1846, fut chargé sous l'Empire de
diverses missions en Amérique, en Chine et au Japon.
Pendant la guerre de 1870, il commanda une compagnie
des mobiles de l'Indre. Le 20 févr. 1876, il fut élu dé}>uté
de Châteauroux (2« circonscription) avec une profession de
foi bonapartiste. H appuya le gouvernement du 16 mai,
mais ne fut pas réélu le 14 oct. 1877„ Le 4 oct. 1885, il
redevint député de l'Indre, siégea parmi les impérialistes
et, avec son parti, appuya les boulangistes. Le 22 sept.
1889, il n'obtint dans la 2^ circonscription de Châteauroux
que 3,250 voix contre 5,970 à son concurrent répubhcain
David.
DUFOUR ( François-Bertrand-Marie-Désiré-Auguste ,
baron), homme politique français, né à Lanzac (Lot) le
3 avr. 1824. Fils du général baron Dufour (V. ci-dessus),
maire de Lanzac, conseiller général du Lot, il posa sans
succès sa candidature aux élections pour le Corps législatif
du 24 mai 1869, fut élu député le 20 févr. 1876 par
l'arr. de Gourdon, réélu le 14 oct. 1877, le 20 avr. 1881
et le 4 oct. 1885. Membre du parti bonapartiste, il se
signala en demandant des poursuites contre les auteurs de
la révolution du 4 septembre, appuya le gouvernement du
16 mai et combattit tous les ministères républicains ; en
1886, notamment, il interpella le ministre de l'intérieur
— ^S — DUFOUR
sur les actes de pression électorale dont le gouvernement
aurait usé dans le Lot, et en 1888 il soutint le parti bou-
langiste. Aux élections générales de 1889, il échoua dans
l'arr .^ de Gourdon où il n'obtint que 9,742 voix contre
11,035 à son concurrent républicain Lachièze.
DUFOUR (L'abbé Vaientin), bibliographe et archéo-
logue français contemporain, né à Paris eu 1826. Sous-
bibliothécaire à l'Hôtel de Ville de Paris de 1866 à
1870, aumônier d'un des bataillons de la Seine pendant la
guerre de 1870-1871, enfin premier aumônier de la prison
de Mazas. Ses nombreux travaux se rapportent presque
exclusivement à l'histoire de la ville de Paris, surtout à
l'histoire monumentale. On lui doit : les Charniers des
églises de Paris (Paris, 1866-1884, 3 vol. in-8, pL);
Une Question historique : l'Hippophagie, 1120-1868
(Paris, 1868, in-8); Recherches sur la Dame macabre
peinte en 1425 au cimetière des Innocents (1873,
in-4, avec grav.); la Dance macabre des SS. Innocents
de Paris, d'après l'édition de 1484, précédée d'une
étude, etc. (1874, in-8 ; nouv. édit., 1875, in-4); Une
Famille de peintres parisiens aux xiv® et xv« siècles;
documents et pièces originales précédés d'un aperçu
sur Vhistoire des beaux-arts en France avant la Re-
naissance {\^11, in-I2, avec grav.); /^ Vieux Paris,
ses derniers vestiges, dessinés d'après nature et gravés
à l'eau-forteparJ. Chauvetet E. Champollion (1878,
12 livr. gr. in-4) ; Collection des anciennes descriptions
de Paris, avec introduction, notes et commentaires
(1878-1883, 10 vol. in-8, avec cartes, plans et illustr.);
Bibliographie artistique, historique et littéraire de
Paris avant 1789 (1882, in-8, avec pL). H a aussi traduit
en français un fragment d'un poème latin d'E. de Knobels-
dorf : Jeanne d'Arc ou la Vierge de Lorraine (Orléans,
1879, in-8). L'abbé Dufour a collaboré à de nombreuses
revues de bibliographie et de bibliophilie. G. P-i.
DUFOUR (Charles), savant suisse, né à Veytaux (cant.
de Vaud) le 20 sept. 1827. Professeur de mathématiques à
Orbe et à Morges (près de Lausanne), il a fait paraître
depuis 1849 dans le Bulletin de la Société de Lausanne,
dans les Comptes rendus de r Académie des sciences de
Paris et dans les Annalen de Poggendorif, une quaran-
taine de mémoires et notes sur la météorologie, l'astrono-
mie et la physique générale. Il a en outre publié à part :
Recherches sur la condensation de la vapeur aqueuse
de Vair au contact de la glace (Genève, 1871, in-8);
Notes sur le problème de la variation du climat (Lau-
sanne, 1873, in-8); Recherches sur la réflexion de la
chaleur solaire à la surface du It/ma/z (Lausanne, 1873,
in-8), etc. j^^ g^
DUFOUR (Jules), dit Duruof, aéronaute français, né à
Paris le 9 déc. 1841. Fils d'un marchand de vin, il fit son
apprentissage aéronautique sur le fameux Géaiit de Nadar
(1865), construisit ensuite lui-même des ballons et opéra
un nombre considérable d'ascensions tant en France qu'à
l'étranger. Quelques-unes méritent d'être brièvement rela-
tées. Le 16 août 1868, en compagnie de Gaston Tissan-
dier, qui effectuait son premier voyage aérien, il fut à deux
reprises entraîné au-dessus du détroit du Pas de Calais et
de la mer du Nord et ne dut le salut qu'à son sang-froid.
Le 26 sept. 1869, il fut encore poussé au large par un
vent violent, en vue de Monaco cette fois ; il parvint à
retarder sa marche en rasant habilement la surface des
flots avec sa nacelle et put ainsi attendre un changement
de vent, qui le ramena à la côte. Pendant le siège de Paris,
il traversa le premier, avec son Neptune (1,200 m. c),
les hgnes prussiennes, le 23 sept. 1870, et fut ensuite
chargé par le gouvernement de Tours d'organiser la com-
pagnie d'aérostiers militaires de l'armée de la Loire. Le
30 août 1874, il s'éleva de Calais, avec sa jeune femme. Il
était sept heures du soir, (^omme en 1868, son aérostat se
dirigea vers le centre de la mer du Nord ; mais aucun cou-
rant contraire n'arrêta sa marche, et ce fut seulement le
lendemain matin, à huit heures, qu'après de dramatiques
DUFOUR — DUFRÉNOY
— 16 —
péripéties, les deux voyageurs, exténués, furent recueillis
par une barque de pêcheurs, à 40 lieues à peine des côtes
de Norvège. . , , ^^ ^'^
DU FOU R (Théophile-André), érudit suisse, ne a Genève
le 4 oct. 1844. Il fit à Paris ses études de droit, et suivit
en même temps les cours de l'Ecole des chartes et de
l'Ecole des hautes études. Licencié en droit en 1867, ar-
chiviste-paléographe le 27 janv. 1873 après la soutenance
d'une thèse sur la Diplomatique royale de Bourgogne-
jurane, il retourna à Genève et fut successivement prési-
dent de la cour d'appel et de la cour de cassation, député
au Grand Conseil, directeur des archives de l'Etat. Il est
depuis quelques années directeur de la bibliothèque de la
ville. Parmi ses publications nous citerons : Notice biblio-
graphique sur le catéchisme et la confession de foi de
Calvin et sur les livres imprimés à Genève et à Neuchâtel
dans les premiers temps de la Réforme, i533-i540
(1878) ; Jean-Jacques Rousseau et Madame de Warens,
notes sur leur séjour à Annecy, d'après des pièces iné-
dites (1878); Giordano Bruno à Genève, 1519, docu-
ments inédits (1884). E. K.
DU FOU RN EL (François-Adolphe-Adeodat), homme po-
litique français, né à Gray le 30 août 1808, mort à Gray
le 18 déc. 1882. Maître de forges à Gray, il fut élu députe
de cette ville le 9 juil. 1842 et siégea à gauche. Réélu le
l*'^ août 1846, il combattit le cabinet Guizot et prit une
part active à la campagne réformiste. Elu par le dép. de la
Haute-Saône représentant à la Constituante (23 avr. 1848),
il se prononça contre les socialistes et vota toutes les me-
sures dirigées contre eux. Réélu à la Législative le 13 mai
1849, il s'associa par ses votes aux monarchistes, com-
battit la politique de l'Elysée, prit part à la protestation
de la mairie du X^ arrondissement et rentra ensuite dans
la vie privée. Le 24 mai 1869, il se présenta sans succès
aux élections législatives dans la Haute-Saône, mais il fut
élu député de ce département à l'Assemblée nationale le
8 févr. 1871. Membre du centre gauche, il fut élu le
30 janv. 1876 sénateur de la Haute-Saône comme répu-
blicain. Mais il appuya le cabinet de Rroglie et le gouver-
nement du 16 mai et échoua au renouvellement triennal
du 8 janv. 1882. . , , ^ • ,
DUFOURNY (Léon), architecte français, ne a Fans le
5 mars 1754, mort à Paris le 16 sept. 1818. Il fut élève
de David Leroy et de Peyre le Jeune. Il resta douze années
en Italie, de 1782 à 1794 ; il construisit le jardin bota-
nique de Palerme de 1789 à 1793. 11 fut nommé membre
de l'Institut le l^** août 1796 et professeur d'architecture
à FEcole des beaux-arts, en 1803. Dufourny a laissé de
nombreux dessins, croquis et notes de voyage ; il a donne
à l'Ecole des beaux-arts une partie des marbres antiques
qu'il avait réunis. Son portrait se trouve gravé en tète du
catalosçue de ses collections. M. D. S.
DUFOURNY DE ViLLiERS (Louis-Pierre), homme poli-
tique français, né en 1739. En 1789, il était architecte à
Paris, n fut un des membres les plus actifs du club des
Jacobins et surtout du club des Cordeliers. Electeur de
1792, il fit partie, après le 10 août, du département de
Paris qu'il présida en 1793, et contribua à la journée du
31 mai 1793. En 1794, il fut un des agents nationaux
pour les poudres et salpêtres. Il se prononça fortement
contre les hébertistes', qui l'avaient chassé du club des
Cordeliers, et déposa dans leur procès. Lors du procès de
Danton, il eut le courage de dire que les crimes de cet
homme politique ne lui semblaient pas prouvés. Robes-
pierre le fit, pour ce fait, exclure du club des Jacobins le
16 germinal an IL II fut arrêté et mis en liberté après le
9 thermidor. Le 6 frimaire an Ilï, Cambon l'accusa d'avoir
pris part aux massacres de septembre. Arrêté de nouveau,
il dut la liberté à l'amnistie du 4 brumaire an IV. On dit
qu'il mourut peu après. F. -A. A.
DUFOURQUET (Jenny) (V. Rastide [M-^).
DUFRAISSE (Marc), homme politique français, ne a
Ribérac le 10 mai 1811, mort à Paris le 22 janv. 1876.
Avocat à Paris, il se signala sous le gouvernement de Juillet
par ses opinions répubhcaines, fut nomnié commissaire de
la République par le gouvernement provisoire de 1848 et
la même année préfet de l'Indre. Elu représentant de la
Dordogne à l'Assemblée législative en 1849, il prononça
un discours à sensation lors de la discussion de l'abroga-
tion du bannissement de la famille d'Orléans à laquelle il
s'opposait. Adversaire décidé de la politique de l'Elysée, il
essaya de s'opposer au coup d'Etat du 2 décembre et
fut aussitôt proscrit. D'abord correcteur d'imprimerie à
Rruxelles, il devint professeur de législation comparée à
l'Ecole polytechnique de Zurich. A la chute de l'Empire, il
rentra en France, fut nommé commissaire du gouvernement
de la Défense nationale dans le Midi,puis préfet des Alpes-
Maritimes (1870). Elu représentant de ce département à
l'Assemblée nationale le 8 févr. 1871 en même temps que
par la Seine, il siégea à gauche et combattit en toute occa-
sion la majorité monarchiste. On a de lui : Ce que coûte
V Empire, ses finances, ses traitements (RruxeUes, 1853,
in-18); le Deux-Décembre devant le code pénal (Madrid
[Bruxelles], 1853, in-18) ; Histoire du.droit de guerre
et de paix de ilS9 à i8i5 (Paris, 1867, in-8).
DUFRANE (Eva), cantatrice dramatique, née à Mons
vers 1858. Elève de M. Warnots au Conservatoire de
Rruxelles, elle y obtint un premier prix de chant, puis
vint se perfectionner à Paris à l'école de M. Obin. Engagée
à l'Opéra, elle y débutait le 16 août 1880 dans Rachel de
la Juive, et dans l'espace de neuf années chanta tous les
grands rôles du répertoire de forte chanteuse : les Hugue-
nots, le Prophète, Robert le Diable, Aida, le Tribut de
Tamora, Don Juan, l'Africaine, Henri VHI. Elle créa
aussi le principal rôle d'un petit opéra de M. Emile Pessard,
Tabarin. En 1889, M^^^ Dufrane quittait l'Opéra pour
aller donner des représentations à Saint-Pétersbourg, après
quoi elle se faisait entendre à La Haye, à Marseille, à Nice,
à Rouen, puis acceptait un engagement pour le théâtre de
la Monnaie de Bruxelles.
DUFRÉNITE (Miner.). La dufiénite ou bérauiine est
une variété de fer phosphaté, de coloration vert foncé et
cristallisée en prisme rhomboïdal droit. Elle contient 28,53
pour 100 d'acide phosphorique, 54,40 d'oxyde de fer,
4,50 d'alumine et 12,40 d'eau. Elle se trouve en masses
fibreuses, globulaires ou botryoïdes, à Siegen (Saxe). C'est
un bon minerai de fer, aujourd'hui que l'on recherche le
phosphore dans les lits de fusion des fontes destinées à la
déphosphoration. L. K.
DUFRÉNOY (Adélaïde-Gillette Billet, dame), femme
de lettres française, née à Paris le 3 déc. 1765, morte à
Paris le 7 mars 1825. Mariée à un procureur au Chàtelet
qui perdit sa charge et sa fortune au moment de la Révo-
lution, et qui fut réduit à accepter une place de greffier
en Italie, elle le seconda dans cette besogne fastidieuse
jusqu'à l'époque de sa mort. Rentrée en France, elle obtint,
par la protection de Fontanes, une pension du gouverne-
ment impérial et pubha divers recueils de poésies ero-
tiques ou élégiaques qui obtinrent près des contemporains,
y compris Réranger, un succès que la postérité n'a pas
confirmé, mais que l'Académie reconnut par de fréquentes
distinctions. Outre deux pièces de théâtre, l'Amour exilé
des deux (1788) et Armand ou le Bienfait des per-
ruques (1799), M^« Dufrénoy a écrit un roman, la
Femme auteur (1812, 2 vol. in-12), un recueil de nou-
velles, les Françaises (1818, 2 vol. in-d2) et un certain
nombre de livres de vulgarisation historique ou de morale
destinés aux jeunes personnes. Ses OEuvres poétiques ont
été réunies en 1827 (2 vol. in-8 et in-12), avec une no-
tice de Jay dont le fils avait épousé la fille de M"^« Du-
frénov. M. Tx.
DUFRÉNOY (Ours-Pierre-Armand Petit-), ingénieur et
savant français, fils de la précédente, né à Sevran (Seine-
et-Oise) le 5 sept. 1792, mort le 20 mars 1857 à Pans.
Sorti de l'Ecole polytechnique en 1813, il entra à l'Ecole
des mines et y resta comme ingénieur, puis il y professa
— 47 —
DUFRÉNOY — DUFRESNY
la minéralogie et devint directeur en 1848 (il était inspec-
teur titulaire depuis 1836), après la réorganisation de
l'Ecole qui fut son oeuvre. Il avait été élu à TAcadémie des
sciences en 1840. L'œuvre principale de Dufrénoy comme
savant est l'exécution de la carte géologique de la France
en collaboration avec Elie de Beaumont. Lorsque le travail
eut été enfin décidé en 1822, les deux collaborateurs com-
mencèrent en 1823 par un voyage de préparation en Angle-
terre ; leurs observations furent consignées dans divers
mémoires publiés de 1824 à 1827 dans les Annales des
mines et réunis en 1827 sous le titre de Voyage métal-
lurgique en Angleterre. La carte géologique de la France
au 500.000^ parut en 1848, et sa publication fut un évé-
nement dans le monde savant. Nul pays à cette date ne
pouvait se glorifier d'une œuvre semblable. Les observa-
tions relevées dans des explorations qui s'étaient pour-
suivies pendant plus de douze ans furent réunies en trois
volumes : Explication de la carte géologique de la
France, dont le premier parut en 1841, le second en
1848 et le troisième en 4873. Comme minéralogiste, on
doit à Dufrénoy la découverte de plusieurs espèces nou-
velles. Son enseignement se trouve résumé dans son Traité
de minéralogie dont la première édition, en trois volumes
et atlas, parut de 1841 à 1847. On doit enfin à Dufrénoy,
qui a parcouru jusqu'au plus haut sommet tous les «rades
du corps des mines, la réorganisation complète de 1 Ecole
des mines de Paris, installée à son arrivée d'une façon
précaire. L. Aguillon.
DU FRESNE (V. Du Gange).
DUFRESNE (Bertrand), homme politique français, né
à Navarrenx (Basses-Pyrénées) en 1736, mort à Paris le
22 févr. 1801. Employé de commerce à Bcrdeaux, il entra
dans les bureaux de la Trésorerie oti il fut remarqué par
Necker qui le poussa. Nommé intendant général de la ma-
rine, il devint en 1788 directeur du Trésor pubhc. Comme
un grand nombre d'anciens fonctionnaires, il fut empri-
sonné sous la Terreur et délivré par le 9 thermidor. Le
21 germinal an V, il fut élu dépeté de la Seine au conseil
des Cinq-Cents où il s'occupa surtout de questions finan-
cières. Nommé secrétaire du conseil, il en fut exclu à la
suite du coup d'Etat de fructidor. Après le 18 brumaire,
il entra au conseil d'Etat et redevint directeur général de
la Trésorerie où il se signala en centralisant fortement les
écritures et en relevant le crédit public.
DU FRESNE (Jean-Frédéric-Charles), militaire suisse,
né à Vevey en 1773, mort à Vevey en 1858. Entré jeune au
service sarde, il passa, en 1799, comme capitaine à la pre-
mière demi-brigade helvétique à la solde de la France.
Chef de bataillon au bout de quinze jours, il fit avec les
régiments suisses les campagnes du Rhin et du Danube,
puis, en 1805, commanda le 1^"^ régiment d'infanterie suisse.
11 fit avec lui la campagne de Naples, puis l'expédition de
Calabre (1807-9) où plusieurs arrondissements lui vo-
tèrent des sabres d'honneur pour services rendus. Après
la campagne de Russie, il sauva Brème du pillage. Il se
retira du service en 1815 avec le rang de colonel et le
grade d'officier de la Légion d'honneur, et se fixa dans
le cant. de Vaud. E. K.
DUFRESNE (A bel- Jean-Henri), littérateur français, né
le 8 nov. 1788 à Etampes, mort en 1862. Avocat à Paris,
juge suppléant au tribunal de la Seine en 1845, il fut
destitué par la Restauration. On a de lui : le Monde et la
Retraite (Paris, 1817, 2 vol. in-12) ; Samuel d'Har-
court ou V Homme de lettres (1820, 2 vol. in-12) ;
Contes à Henriette (1822, in-18) ; ks Petites Félicités
(1824, in-12) ; Nouveaux Contes à Henriette (1824,
in-18) ; Pensées, maximes et caractères (1826, in-8) ;
Leçons de morale pratique à l'usage des classes indus-
trielles (1826, in-18) ; Agenda moral des enfants ou
moyens d'embellir la vie (1829, in-18); VArt de fixer
les souvenirs (1840, in-18) ; le Livre du pauvre (1854,
in-12), etc., sans compter sa collaboration active au Mer-
cure, à la Pandore et autres recueils littéraires. — On
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
l'a parfois confondu avec son frère Jean-lSicolas, né à
Paris en 1747, mort à Etampes en 1812, qui prit part à
l'expédition de La Pérouse et laissa un journal manuscrit
relatant les principaux faits de ce voyage.
DUFRESNE (Jules-Auguste), ingénieur et homme poli-
tique français, né à Cherbourg le 28 mars 1809, mort à
Paris le l^^avr. 1885.11appartenait au corps des ponts et
chaussées et a exercé avec distinction les fonctions d'in-
génieur en chef du contrôle de l'exploitation de la Compa-
gnie d'Orléans, avant sa nomination au grade d'inspecteur
général. C'est dans ce service du contrôle qu'il avait été
amené à réfléchir sur la nécessité de proportionner les voies
publiques aux services que le pays peut en attendre ; on
cite encore %qs> Observations sur les chemins de fer d'in-
térêt local, présentées au conseil général de la Manche,
dont il était membre (V. Annales des ponts et chaussées,
1872). Sénateur du dép. de la Manche, Dufresne a pris
une part active à toutes les aff'aires de travaux publics sou-
mises à la haute assemblée. — On a de lui, dans les
Annales des ponts et chaussées : un mémoire sur les
Écluses de Cherbourg (1842); un mémoire sur l'Usage
des rouleaux compresseurs, pour la construction et l'en-
tretien des chaussées d'empierrement (1844). M.-C. L.
DU FRESNE (Gaston) (V. Beaucourt [Marquis de]).
DUFRESNE de Francheville (Joseph), publiciste fran-
çais, né à Doullens le 18 sept. 1704, mort à Berlin le
9 mai 1781. Il devint membre de l'Académie de Berlin;
on lui doit entre autres ouvrages une Histoire particulière
et générale des finances en 3 vol. in-4 (1738-1740).
DUFRESNE de Saint-Léon (Louis-César-Alexandre),
financier français, né à Paris le 15 avr. 1752, mort à
Paris le 11 janv. 1836. Il devint, sous Neck<ep, premier
commis des finances, et fut nommé, en 1777, liquidateur
du Trésor royal. Il fut chargé par l'Assemblée constituante,
en 1790, de lui présenter un rapport sur la hquidation
financière de l'ancien régime. Il résulte de ce rapport que,
fin 1790, l'Etat était devenu débiteur de 1 ,103,673,604 fr. :
pour la liquidation des offices, 318 millions; offices mili-
taires, 38 millions; dettes du clergé, 132 millions et
autres causes; que 723 millions avaient été liquidés par
décret et 251 millions étaient à liquider. Dufresne de
Saint-Léon, examinant les moyens d'acquitter ce passif,
établit qu'il y sera pourvu sur les 1,800 millions d'assi-
gnats votés par rassemblée, garantis sur 3 milliards de
biens nationaux. Poursuivi comme réactionnaire, Dufresne
de Saint-Léon dut se réfugier en Suisse; il rentra au
18 brumaire. Louis XVIII l'appela au conseil d'Etat. Ce
n'est qu'en 1824 qu'il publia la première édition de son
livre Du Crédit public et des dettes publiques, réédité
en 1828. Ce livre, très important pour l'époque, utile à
consulter encore, est en harmonie avec le développement
du crédit de la France.
DU FR ESN OY (Charles-Alphonse), peintre et littérateur,
né à Paris en 1611 , mort à Villiers-le-Bel le 16 janv. 1668.
Elève de Perrier et Vouet, ses principaux tableaux ont été
peints pour la décoration du Raincy. Le Louvre ne pos-
sède que deux de ses toiles : Sainte Marguerite et les
Naïades. Il a écrit unpoèmeiatin, DeArte graphica('\ 668),
traduit en français avec des remarques par Roger de Piles :
l'Art de la peinture (Paris, 1673, in-12; souvent réim-
primé depuis).
DUFRESNY (Charles), sieur de La Rivière, auteur dra-
matique français, né à Paris vers 1654, mort à Paris le
6 oct. 1724. Valet de chambre de Louis XIV, il sut plaire
au roi par son enjouement et ses heureuses reparties,
obtint de nombreux privilèges, comme celui de la manu-
facture de glaces, des pensions, le Mercure galant, mais,
grand dépensier, il les aliéna toutes. Il devint contrôleur des
jardins du roi et dessina un plan pour le parc de Versailles.
Il jouit de la même faveur auprès du régent. Dufresny
est l'auteur de quelques comédies agréables et bourrées
d'esprit. Nous citerons : le Double Veuvage (Paris, 1701,
in-12); l'Esprit de contradiction (1700, in-12); le*
2
DUFRESNY — DUGALD STEWART
- 48
Faux honnête Homme (1703, m-12) ; le Faux Ins-
tinct (1107, in-12) ; le Jaloux honteux de l'être (1708,
in-12); le Mariage fait et rompu (1721, in-12); le
Faux Sincère (1731, in-12); la Coquette de village
(1715, in-12); le Dédit (1717, in-12); etc., enfin le
Chevalier joueur (1697), comédie en cinq actes qui fut
cause de sa brouille avec son ami Regnard qu'il accusa
de lui avoir pillé son sujet {le Joueur). On a encore de
Dufresny des satires sous le titre : Amusements sérieux
et comiques (1705, in-12 ; plus. éd.). Il a été publié plu-
sieurs recueils de ses Œuvres (Paris, 1731, 6 vol. in-l'i;
Paris, 1747 et 1779, 4 vol. in-12). Dufresny avait pris
la rédaction du Mercure galant au mois de juin 1710; il
la continua jusqu'à la fin de 1713. Les volumes qu'il publia
sont considérés comme les meilleurs de la collection. Il
céda son privilège à Lefèvre de Fontenay, moyennant pen-
sion, et le reprit en 1721 avec de La Roque et Fuselier.
DU FRICHE (René), baron Desgenettes (V. ce nom).
DU FRICHE- Valâzé (Charles-Eléonor) (V. Valazé).
DUGALD STEWART, philosophe écossais, né à Edim-
bourg le 22 nov. 1753, mort à Edimbourg le i 1 juin 1828.
Fils du docteur Matthew Stewart, d'abord pasteur à Ro-
seneath, puis successeur de Maclaurin dans la chaire de
mathématiques d'Edimbourg, il était dans son enfance
d'une constitution faible et délicate. Entré à treize ans au
collège d'Edimbourg, il vint en 1771 à Glasgow où il enten-
dit Thomas Reid. Dans l'automne de 1772, nous le trou-
vons, âgé de dix-neuf ans, dans la chaire de mathémati-
ques d'Edimbourg, suppléant son père dont il devient le
successeur en 1778. En 1785, il remplace Ferguson dans
la chaire de philosophie morale de l'Université, où il devait
avoir pour élèves lord Brougham, lordPalmerston, Walter
Scott, Sydney Smith, Thomas Brown son successeur et
James Mill. En 1809, Dugald Stewart se fait suppléer par
Th. Brown; à la mort de ce dernier, en 1820, il propose
sa succession à sir James Mackintosh ; Mackintosh ayant
refusé, il fait la même proposition à sir William Hamilton ;
mais le professeur \yilson est élu, très propre à l'ensei-
gnement des belles-lettres, peu qualifié pour celui de la
philosophie. Dugald Stewart mourut chez un ami qu'il visi-
tait. Il succomba à une paralysie dont il avait subi déjà
deux atteintes. Dugald Stewart a publié : en 1792, le pre-
mier volume des Eléments de la Philosophie de l'esprit
humain ; en 1793, les Esquisses de philosophie morale;
en 1793, 1798 et 1802, ses études biographiques sur
Adam Smith, Robertson et Reid ; en 1810, un volume de
Philosophical Essays ; en 1814, le second volume des
Eléments; en 1815, la première partie d'une Disserta-
tion sur les progrès de la Philosophie métaphysique et
morale ; en 1821, la fin de cette Dissertation ; en 1827,
le troisième volume des Elémejits ; en 1828, la Philoso-
phie des facultés actives. Les Lectures sur V Economie
politique ne furent publiées qu'en 1856 d'après des notes
manuscrites de l'auteur ou de ses élèves. Hamilton et Veitch
ont publié, en dix volumes, une édition des œuvres com-
plètes de Dugald Stewart. Ont été traduits en français : les
Eléments, une première fois par Prévost (Genève, 1808,
2 vol. in-8) et par Farcy (Paris, 1825, in-8). Cette tra-
duction a été revue, continuée et complétée par M. Louis
Peisse (Paris, 1843, 3 vol. in-12). En 1820, M. Buchon
traduisit en trois volumes les Considérations générales
sur les Progrès de la Métaphysique. En 1828, Joufiroy
fit paraître une traduction des Esquisses de philosophie
morale avec une mémorable préface. En 1828, parurent
la traduction des Essais philosophiques par Ch. Huret ;
la Philosophie des facultés actives et morales (2 vol.
in-8) fut traduite en 1843 par M. L. Simon. En tête de
sa traduction des œuvres de Reid, Joufiroy a traduit la
biographie de Reid par Dugald Stewart.
Le renom de Dugald Stewart s'est maintenu longtemps
en France, grâce aux enseignements de Victor Cousin et
de Jouffroy. La longue étude de Victor Cousin (dans les
"^ Fragments philosophiques : Philosophie co7itempor aine)
sur les Esquisses de philosophie morale de notre philo-
sophe, montre l'accueil fait chez nous à ce livre, dont on
peut bien dire qu'à l'heure actuelle l'intérêt est tout his-
torique. Certains regretteront cependant de ne pas le voir
plus souvent aux mains de nos élèves de l'enseignement
secondaire, en raison de la clarté de la langue, de la finesse
(peut-être trop vantée) des analyses. Si, pour illustrer cer-
tains passages de V Esquisse, on recourt aux ouvrages plus
développés, on sera bien près de penser, croyons-nous,
qu'en D. Stewart les qualités et les défauts de l'esprit
écossais ont été portés au plus haut point. Même les admi-
rateurs du « génie métaphysique » de Thomas Reid — et
quand Cousin se range au nombre de ces admirateurs, sa
sincérité ne peut être suspectée — s'accordent à regretter
que Reid ait multiplié les principes premiers de la connais-
sance et qu'il ait doté l'âme humaine d'un nombre exagéré
de facultés : c'est qu'il était sans doute plus frappé des
différences spécifiques que des rapports génériques et que
l'esprit de synthèse — dont on peut dire que là où manque
la vigueur de pensée, là il manque — faisait défaut au
maître de Dugald Stewart. Cet esprit fait aussi défaut au dis-
ciple, et l'on s'en aperçoit si l'on parcourt les trois volumes
des Eléments de la philosophie de l'esprit humain.
Comparé aux Essais de Reid, cet ouvrage est de beaucoup
inférieur par l'entente générale du sujet dont l'auteur ne
sait pas embrasser l'ensemble. Peu de définitions précises
et encore moins de formules saisissantes ; le philosophe est
pressé d'en finir avec les grands problèmes. Il ne lui paraît
pas qu'en ces problèmes, Reid ait laissé à ajouter ni à
reprendre. Dans les chapitres consacrés à la perception
externe, Dugald Stewart juge la réalité du monde extérieur
mise hors de toute contestation par la ruine de la théorie
représentative ; et comme les idées représentatives ont été
pour toujours mises en fuite par Reid, l'idéalisme est
désormais — ainsi Dugald Stewart en juge-t-il ■— certain
de ne pas survivre à cette déroute. Par instants, D. Ste-
wart semble pressentir que, dans la partie affirmative de
sa théorie, Reid a laissé subsister quelques équivoques,
mais ce n'est point là ce qui l'occupe. D'autres parties de
la science de l'esprit humain l'attirent, et, pour parler la
langue courante, il est plus intéressé par les opérations
de l'esprit que par les facultés intellectuelles. Nul n'a
plus étudié Vabstraction, Vattention, le raisonnement,
et cependant on peut, dans un cours, aborder l'un ou
l'autre de ces problèmes, sans avoir à citer notre philo-
sophe. C'est qu'en effet on se tromperait à croire qu'il
ait sur chacune de ces questions des vues générales per-
sonnelles. Il n'en a ni ne se préoccupe d'en avoir : le détail
des faits seul l'intéresse. C'est un observateur de cas par-
ticuliers, né psychologue, exclusivement psychologue, et à
tel point que, si l'on voulait accentuer les contrastes entre
l'esprit philosophique proprement dit et « l'esprit psycho-
logique », Dugald Stewart serait sans contredit l'un des
meilleurs exemples à citer. Et peut-être cet exemple ser-
virait-il à démontrer que l'esprit de psychologie reste à peu
près stérile lorsque l'esprit philosophique ne le dirige pas.
Ce goût de l'observation des détails, par intérêt pour les
détails eux-mêmes, disposait vraisemblablement notre phi-
losophe à la « psychologie appliquée », celle qui sert de
base à Fart de l'éducation. En effet, Dugald Stewart traite
avec abondance des problèmes de méthodologie, qui sont,
à beaucoup d'égards, problèmes de pédagogie, et, dans
le troisième volume des Eléments, il ébauche une psycho-
logie du métaphysicien et du mathématicien. Il est
regrettable que les nécessités de l'enseignement l'aient
détourné de ses aptitudes et l'aient empêché de donner
suite à cette psychologie des types intellectuels, qui exige
pour être menée à bonne fin ce goût du détail, dominant
chez Stewart, pas au point cependant de se confondre avec
le goût de l'exceptionnel ou de l'inédit. — Sur Dugald Ste-
wart on lira avec profit l'étude si consciencieuse et si fine-
ment exacte que lui consacre M. James Mac Cosh dans son
beau livre The Scottish Philosophy (Londres, 1875).
— 19 ~
DUGALD STEWART -• DUGAZON
Aussi bien, comme rien dans les écrits de ce philosophe ne
soulève de difficultés d'interprétation, il n'y a pas, pour le
mieux comprendre, de commentaire à étudier ou à tenter.
Tout ce qu'il a publié se lit couramment, sans qu'il y ait
à lire entre les lignes. En France, en perdant le goût des
observations superficielles, on s'est désaccoutumé de la
philosophie écossaise ; et si l'on ouvre rarement un volume
de Thomas Reid, les occasions de consulter Dugald Stewart
sont encore beaucoup moins fréquentes. L'influence de cet
exact et fin psychologue, naguère si grande, a chez nous
tout à fait cessé. Lionel Dauriac.
DUGAS DE Beaulieu (Jean-Louis) (V. Beaulieu).
DUGAS-MoNTBEL (Jean-Baptiste), helléniste français, né
à Saint-Chamond le 40 mai 1776, mort le 30 nov. 4834.
Il appartenait à une famille anoblie sous Louis XVI pour
services rendus dans le commerce des rubans. Après des
études très médiocres à Lyon au collège des Oratoriens, il
fit à contre-cœur son service militaire et à sa sortie de l'ar-
mée prit la profession de ses parents. Les nécessités de son
commerce l'appelaient souvent à Paris où, à la suite d'un
ardent désir d'apprendre, il suivit des cours et se lia avec
des hommes de lettres. Il essaya du théâtre et fit jouer à
Paris, en 1800, une comédie-vaudeville, la Femme en
parachute ou le Soupçon. De retour à Saint-Chamond,
d'où il correspondit avec Ampère et J.-B. Dumas, il fut
nommé en 1803 à l'Académie de Lyon qui venait d'être
réorganisée. Devenu chef de sa maison de commerce, il
voyagea en Italie, en Allemagne, en Orient ; à trente ans,
il se retira et se fixa à Paris en 1810 « pour tâcher, comme
il le dit lui-même, de devenir helléniste ». Il apprend le
grec sous la direction de Grégorios Zalikoglou ; désormais,
il a trouvé sa voie. Il traduisit VIliade en 1815, VOdyssée^
la Batrachomyomachie et les Hymnes homériques en
1818. Ces traductions eurent beaucoup de succès, car
Dugas-Montbel, tout en «'attachant à rendre exactement le
texte, donnait à son interprétation une allure pittoresque
et colorée qui plut. Il fit une seconde édition de ces tra-
ductions (1828-33), en 9 vol. in-8, avec un commentaire
et une préface qui sont le résumé des idées de Knight, de
Heyne et de Wolf ; puis une Histoire des poésies homé-
riques où il adopte les théories de Vico et de Wolf, rem-
plaçant l'individualité d'Homère « par un Homère multiple,
et collectif, symbole du peuple grec racontant lui-même,
dans ses poésies nationales, ses origines et sa gloire ». Ce
travail le fit admettre, le 29 nov. 1830, à ITnstitut (Aca-
démie des inscriptions et belles-lettres). Le succès de ses
travaux sur Homère Tencouragea à en tenter de semblables
sur les tragiques grecs, mais, en 1830, il entra dans la
vie politique. Trois fois élu député par les Lyonnais (1830-
31-34), il ne se fit remarquer à la Chambre que dans les
commissions où il soutint les intérêts du commerce et de
l'industrie ; il ne parut qu'une seule fois à la tribune pour
demander l'abohtion de la peine de mort. M. Dumoulin.
BiBL. : Dumas, Eloge historique de Dugas-Monlbel ;
Lyon, 1835, in-8. — G. Lefebvre, la Vie et lès œuvres de
Dugas-Monlbel; Saint-Chamond, 1889, in-8. — Co^^DAMIN,
Hist. de Saint-Chamond ; Saint-Chamond, 1890, in-4.
DU GAST (Marquis) (V. Avalos [Alphonse d']).
DUGAST-Matifeux (Charles), publiciste français, né à
Montaigu (Vendée) en 1812. Après avoir fait son droit,
il devint secrétaire de Bûchez (V. ce nom) et collabora
avec lui à ÏHistoire parlementaire. D'opinions très libé-
rales, il fut inquiété à diverses reprises par le gouverne-
ment et incarcéré notamment en 1832 et en 1853. Nous
citerons de lui : Etats du Poitou sous Louis XIV (F ontensiy-
le-Comte, 1865, m-S); Notice sur Bachelier, président du
comité révolutionnaire de Nantes (Fontenay-Vendée,
1849, in-12); Nicolas Travers (Nantes, d857, in-8); le
Château d'Aux en i794 (1860, in-8); Nantes ancien
et le pays nantais (1879, in-8); Carrier à Nantes (iS^^,
in-12); Essai sur la vie de Grégoire (Nantes, 1833);
Notice sur Goupilleau de Fontenay (1844); Docu-
ments relatifs aux Etats généraux de il 89 en Poitou
(1850), etc. Il a de plus publié en collaboration avec
R. Chevaye la Correspondance littéraire m^àiiQ à^Lowi^
Racine.
DU (3 AT (Gustave), orientaliste français, né à Orange
(Yaucluse) en 1824. Elève de TEcole des langues orien-
tales de Paris, il fit partie d'une mission en Algérie en
1845. Il fut chargé, en 1872,- d'un cours d'histoire et de
géographie des peuples musulmans à l'Ecole des langues
orienfeiles. Son titre principal est sa collaboration à l'édi-
tion d'Al-Makkar, Analectes sur l'histoire et la litté-
rature des Arabes d'Espagne [Ley de, 1855-186d). Il a
publié en outre : Grammaire arabe-française (1853);
Histoire des oiientalistes de l'Europe ( 1 868-70 ,
2 vol.) ; Histoire des philosophes et des théologiens
musulmans (Paris, 1878), et plusieurs traductions d'ou-
vrages arabes, L. H.
DUGAZON (Jean-Henry Gourgaud, dit), comédien fran-
çais, né à Marseille le 15 nov. 1746, mort à Sandillon
(Loiret) le 11 oct. 1809. Fils du directeur des hôpitaux
militaires de Marseille, il prit de bonne heure le parti du
théâtre, comme sa sœur, W^^ Vestris, et commença sa
carrière en province. Il débuta à vingt-quatre ans à la
Comédie-Française, où il aspirait à tenir l'emploi de « grande
casaque », c.-à-d. les premiers comiques. Il plut dès
l'abord au public, et en 1772 devint sociétaire. Lorsque ap-
procha la Révolution, Dugazon en embrassa les idées avec
transport, et il fut un des plus ardents à provoquer la
scission qui se déclara entre les artistes. En 1791 , il émigra
avec Talma, Grandmesnil, sa sœur M"^® Vestris, M"« Des-
garcins et M^^^ Lange, au théâtre des Variétés du Palais-
Royal, qui devint grâce à eux une seconde Comédie-Fran-
çaise sous le titre de Théâtre-Français de la rue de
Richelieu, en attendant qu'il prît celui de théâtre de la
République. Après la fermeture de ce théâtre et la dispa-
rition de la Comédie-Française, il se réfugia au théâtre Fey-
deau, rentra à la Comédie lors de sa reconstitution (1799)
dans la salle occupée par elle actuellement. En 1807,
sa santé l'obligea de prendre sa retraite au village de San-
dillon, où il fut bientôt frappé de folie et mourut. Dugazon
a composé trois comédies médiocres de caractère poHtique,
représentées au théâtre de la République : l'Avènement
de Mustapha au trône ou le Bonnet de vérité (il 9^) ;
VEmigrante ou le Père jacobin (1 792) ; /^ Modéré (1 793) .
Il avait épousé en 1776 une actrice charmante de la Co-
médie-Italienne, W^^ Rosalie Lefèvre, qui devint célèbre
sous son nom de M"^® Dugazon ; cette union ne fut pas
heureuse et les deux époux se séparèrent bientôt, pour
divorcer dès que la loi le leur permit, en 1794. Dugazon
se remaria alors avec une jeune femme qui avait vingt ans
de moins que lui, M^^^ Céfine-Geneviève Aubert.
DUGAZON (Louise-Rose Lefèvre, épouse), actrice fran-
çaise, née à Berlin en 1755, morte à Paris le 22 sept.
1821. Fille d'un maître de danse, elle commença par
être danseuse, puis devint l'une des meilleures actrices
de notre ancienne Comédie-Itafienne. En sept. 1767, elle
se présenta à l'âge de douze ans, avec une de ses sœurs,
au public de la Comédie-Italienne. Ce n'était pas sous ce
rapport qu'elle devait acquérir son immense renommée ;
mais, après quelques essais dans le genre scénique pro-
prement dit, elle débuta sérieusement comme actrice chan*
tante, le 19 juin 1774, dans un opéra de Grétry, Sylvain.,
et aussitôt admise comme pensionnaire, fut reçue sociétaire
au bout de deux ans, en avr. 1776. Elle devint bientôt l'ac-
trice la plus célèbre de la Comédie-Italienne. C'est en 1776,
l'année de sa réception, que M^^^ Rose Lefèvre épousa le
comique Dugazon, déjà fameux à la Comédie-Française;
mais les deux époux, bientôt séparés, divorcèrent plus
tard. C'est sous ce nom de W^^ Dugazon que pendant près
de vingt ans la grande artiste enchanta tout Paris et attira
la foule à la Comédie-Italienne. Sedaine et Grétry, Marsol-
lier et Dalayrac, Monvel et Dézèdes s'estimèrent heureux
de l'avoir pour interprète dans leurs créations ; Nina ou la
Folle par amour fut un de ses plus grands succès. Elle
ne se montrait pas moins remarquable dans la comédie
DUGAZON - DUGOMMIER
— -20 -
pure, et reprit avec succès plusieurs pièces de Marivaux,
entre autres le Jeu de l'amour et du hasard. En 1792,
les événements politiques vinrent pour quelque temps
éloigner de la scène M^^^^ Dugazon, qui avait montre pour
la reine un attachement dangereux. Lorsqu elle y reparut
après une absence de deux ou trois ans, elle moditia son
emploi, l'âge et l'embonpoint l'obligeant à abandonner
les rôles de jeunes amoureuses qui lui avaient valu tant
de triomphes. Son succès n'en fut pas amoindri. Apresune
carrière active de près de trente années, M'^^ Dugazon
prit sa retraite définitive, en ayant la gloire de laisser son
nom aux deux emplois qu'elle avait successivement rem-
plis Elle avait en quelque sorte succédé à M'^^ Favart,
comme M^' Saint-Aubin lui succéda elle-même dans son
premier emploi. Ces trois actrices d'un ordre supérieur
sont la gloire de la Comédie-Italienne dans la seconde
moitié du xviii^ siècle. A;, ^: .
DUGAZON S (Les) (Théâtre). C'est un emploi teminin
du senre lyrique, qui a conservé jusqu'à ce jour le nom
de l'actrice célèbre par lequel on l'a caractérise. Au temps
où M^« Dugazon brillait à la Comédie-Italienne de tout
l'éclat de son talent enchanteur, la musique n'avait pas
pris, dans l'opéra-comique, l'importance que les composi-
teurs lui ont donnée depuis lors. Cette grande artiste eut
l'honneur de voir bientôt son nom attache a 1 emploi
servant à quaUfier les rôles créés par elle et qu'on dési-
gnait en disant les « dugazons ». Mais plus tard, et quand
l'opéra-comique eut pris tout son développement musical,
les rôles de M^« Dugazon se trouvèrent n'être places qu en
seconde liene au point de vue spécial du chant, les rôles
les plus importants et les plus ditïiciles sous ce rapport
formant un emploi nouveau, celui des premières chanteuses
ou chanteuses légères. Il en résulte qu'aujourd'hui l emploi
des dugazons, qui a conservé sa dénomination, ne comprend
plus que des rôles secondaires en ce qui touche le chant,
rôles qui, d'ailleurs, ont autant d'importance au point de
vue scenique que ceux de chanteuses légères. Pour les ca-
ractériser par quelques exemples, nous citerons, pour le
répertoire moderne, ceux de Jenny de la Dame blanche,
de Betty du Chalet, de Berthe de Simiane des Mousque-
taires de la reine, de Raffaela dans Haydée, d'Oliyia
dans le Songe d'une nuit d'été, etc. Il y a aussi certains
rôles plus etl'acés, qu'on désigne sous le nom de secondes
dusazons. Enfin, il y a aussi les « mères dugazons », nom
sous lequel on caractérise un genre de rôles analogues a
ceux qu'avait adoptés W^^ Dugazon dans la seconde partie
de sa carrière, alors que l'âge et l'embonpoint l'avaient
obliivée à modifier son emploi ; ce sont de jeunes mères,
des femmes sur le retour, mais non pas encore des due-
ones comme la reine de la Part du c/fa^/^ ou Marguerite
lix Pré aux Clercs, ^ A. Pougin.
- DUGDALE (Sir William), archéologue anglais, ne le
1") sept. 1605, mort le 10 févr. 1686., Attaché de bonne
heure à la cour des Stuarts enquahté de héraut d'armes,
il passa par tous les grades, depuis celui de « pour-
suivant » (1638), jusqu'à celui de Norroy , après la
Restauration (1660), pour arriver à être nomme, en 167 /,
roi d'armes de la Jarretière. Il consacra sa vie à des
recherches topographiques et généalogiques, que ses fonc-
tions officielles lui tacihtaient. En 1655, il pubhait, avec
Roeer Dodsworth, le premier volume du Monasticon
anglicanum, sive Pandectœ Cœnobiorum Benedicti-
norum, Cluniaciensium, Cisterciensium, Carthusiano-
rum, dont le second parut en 1661, et le troisième en
1673. Ce dernier ne porte que le nom de Dugdale. Cette
œuvre monumentale, et, malgré quelques erreurs de détad,
de la plus haute importance pour l'histoire, a été plusieurs
fois réimprimée : la meilleure édition est celle de 1817-30,
en 6 vol., avec les 246 planches de HoUar regravèes. Les
autres grands travaux de Dugdale sont : Antiquities of
Warwickshire (1656), son chef-d'œuvre, dont Hollar fit
éi^alement la plupart des illustrations ; History of Saint
Paul" s Cathedral in London (1668), avec des planches
en majorité dues à Finden ; History of Imbanking and
Drayning of divers Foins and Marshes, both in for-
eign parts and this Kingdom (i66'^), curieuse étude
historique sur le dessèchement des marais ; Origines ju-
diciales, or Historical Memorials of the English Laïus,
Courts of Justice, etc. (1666) ; The Baronage of En-
gland, or an Historical Account of the Lives and most
Mémorables Actions ofour English Nobility (1675-76),
en 3 vol. in-fol.; A Short View of the late Iroubles of
England (1681 ), pamphlet anonyme en faveur de la cause
royale, et son autobiographie : The Life of sir William
Dugdale, publiée en 1713. B.-H. Gausseron.
DUGDALE (Stephen), policier anglais, ne vers 1640,
mort en mars 1683. Il joua un rôle considérable dans ce
qu'on appelle le complot papiste de 1678. Ce fut lui qui
dénonça ce complot et fit condamner un grand nombre de
personnes. Il semble avoir été un faux témoin et finit par
fatiguer les tribunaux de ses prétendues révélations. Il
mourut dans un accès de delirium tremens, s'imagmant
que ses victimes le poursuivaient.
DUGÈS (Antoine-Louis), médecin et naturaliste fran-
çais, né à Mézières (Ardennes) le 19 déc. 1797, mort à
Montpellier le 1^^ mai 1838. Il étudia à Pans et y fut
reçu prosecteur en 1820 et agrégé en 1824, puis obtint
la chaire d'accouchement à Montpellier et peu après, par
permutation, celle de pathologie externe et de médecine
opératoire, enfin devient doyen de la Faculté de Montpellier
en 1836. En même temps qu'accoucheur et chirurgien dis-
tingué, Dugès fut un zoologiste degrand renom. Principaux
ouvrages : Recherches sur les maladies les plus impor-
tantes des 7iouveau-7iés {?'àris, 1821, in-4) ; Essai phy-
siologico-pathologique sur la nature de la fièvre, etc.
(Paris, 1823, 2 vol. in-8) ; Manuel d'obstétrique (Pans,
1826, in-12; 3^ édit., 1840, in-8) ; Recherches sur
Vostéologie et la myologie des batraciens (Pans, 1834,
in-4,pL, couronné par l'Institut); Recherches sur V ordre
des acariens, etc. (Paris, 1834, in-8); Traité de phy-
siologie comparée de l'homme et des animaux (Mont-
pellier, 1838, 3 vol. in-8); Pratique des accouche-
ments de M^'' Lachapelle, etc. (Paris, 1825, 3 vol.
in-8) ; avec M^^^Boivin : Traité pratique des maladies
deVutérus et de ses annexes (Paris, 1833, 2 vol. in-8,
avec atlas de 41 pi.) P' L. Hn.
DU G H ET (Gaspard), dit le Guaspre ou le Guaspre-
Poussin, peintre, né à Rome en 1613, mort à Florence en
1675. Elève et beau-frère du Poussin, il travailla quelque
temps sous la direction de celui-ci ; mais son caractère
emporté ne lui permit pas d'accepter longtemps les obser-
vations de son beau-trère, et l'empêcha également de
demeurer près du duc délia Cornia et de Francesco Anti qui
l'avaient attiré près d'eux à la demande de Pierre de Cor-
tone. Il a exécuté à Florence pour les loges du palais Pitti,
un Paysage peint à fresque ; Un Ouragan; le Déluge, etc.
Le Louvre possède six de ses tableaux, le musée de
Madrid sept et celui de Vienne quatre. L'exécution excel-
lente et le soin extrême apportés à ses tableaux n em-
pêchent point que, suivant l'expression de Ch. Blanc, « on
sente dans ses toiles la lumière, mais non la chaleur du
soleil ». ^' CouRBOiN.
BiBL.*: Ch. Blanc, Histoire des peintres de toutes les
DUGNY (Diujney,i'2ol). Corn, du dép. de la Meuse,
cant. et arr . de Verdun, sur le Lempire, affl. de la Meuse ;
775 hab. Faisait anciennement partie du Barrois mouvant.
Patrie du baron Louis-Victor de Benoist,
DUGNY. Com. du dép. de la Seine, arr. et cant. de
Saint-Denis; 643 hab.
DUGOMMIER (Jacques Coquille-), général français, ne
dans la paroisse de Notre-Dame du Mont-Carmel, à la Basse-
Terre (Guadeloupe), le 1^^ août 1738, tué à la bataille de la
Montagne-Noire le 18 nov. 1794. Entré de bonne heure au
service, il partagea les idées libérales de l'époque et ^^ partie
de rassemblée générale coloniale réunie le 1^'^déc. 1789 au
^ 21 —
DUGOMMIER — DUGUAY
Petit-Bourg. Il combattit à la tête des patriotes dans les
troubles civils de la Guadeloupe. Rappelé en France en
4791, il fut nommé maréchal de camp le 19 oct. 1792.
Attaché à l'armée des Alpes et d'Italie, il fut chargé de
commander les troupes qui opéraient dans le Var et rem-
plaça Cartaux devant Toulon le 16nov. 1793, avec le titre
de général en chef de l'armée d'Italie chargé de la conduite
du siège de Toulon. C'est lui qui eut l'honneur de re-
prendre cette place (17-19 déc. 1793). Il contribua à la
fortune de Bonaparte en le mettant à même, pendant ce
siège, d'exécuter ses plans hardis. Nommé général en chef
de l'armée des Pyrénées-Orientales (16 janv. 1794), il
battit les Espagnols au Boulon (1^^ mai), reprit Collioure
(29 mai) , Bellegarde (1 7 sept.). Il fut tué au moment où il es-
sayait de forcer le général espagnol La Union dans ses posi-
tions entre Saint-Llorens-de-la-Muga et la mer. F.-A.A.
BiBL. : Vauchelet, le Général Dugommier, dans la
Revue historique de mars-avr. 1886.
DUGOMMIER (Alphonse-Amaranthe Denis (V. Denis
[Alphonse]).
DUGONG (Zool.) (V. Lamantin et Siréniens).
DU GO NI es (André), écrivain hongrois, né à Szegedin
en 1740, mort à Szegedin en 1818. Entré dans l'ordre des
piaristes, puis dans renseignement en diverses villes, il ne
cessa de rendre des services éminentsà lalangue magyare et
à la littérature populaire. Pour montrer que son idiome ma-
ternel se prêtait à la culture scientifique, il l'employa dans
la rédaction d'un manuel de mathématiques (1784), aussi
bien que dans la composition de deux poèmes classiques sur
Troie etsurUlysse(1774-1780). Puis il publia (1788) sonro-
man d'Etelka, récitdespremierstempsdel'histoirenationale,
bientôt suivi d'autres romans et de plusieurs drames his-
toriques, qui contribuèrent puissamment à développer le
sentiment patriotique hongrois. E. Sayous.
BiBL. : ScHwicKER, GescMchte der ungarischen Litte-
ratur.
DUGUAY-Trouin (René), célèbre corsaire français et
lieutenant général des armées navales, né à Saint-Malo le
10 juin 1673, mort à Paris le 27 sept. 1736. Il appar-
tenait à une ancienne famille de négociants. Il était le cin-
quième des sept enfants de Luc Trouin, sieur de La Barbi-
nais, qui commandait lui-même, en paix ou en guerre, les
vaisseaux qu'il armait. Le nom de Duguay provenait d'une
propriété de la famille dans le village du Gué, où René
avait été élevé. Il fut destiné par son père à la carrière
ecclésiastique, mais ses goûts batailleurs puis sa vocation
maritime décidèrent sa famille à lui permettre d'embarquer
comme volontaire. On était en 1689, en guerre avec les
deux grandes puissances maritimes, la Hollande et l'An-
gleterre. Cette première campagne de Duguay-Trouin tut
très rude et il prit une grande part, tout jeune qu'il était,
dans l'enlèvement à l'abordage d'un corsaire hollandais.
L'année suivante, il embarquait sur une frégate de vingt-
huit canons. Dans l'attaque d'une flotte de quinze vaisseaux
anglais, trois de ces navires furent pris à l'abordage. Sa
famille lui ayant donné un commandement, durant les
années 1691 et 1692, il captura deux frégates de guerre
anglaises et dix navires marchands. En 1693, des vais-
seaux du roi lui furent confiés pour la course. Ses prises
procurèrent un profit considérable à l'Etat et à ses arma-
teurs. En 1694, étant tombé dans une escadre de six
bâtiments anglais, il soutint un combat opiniâtre et inégal,
dans lequel il fut obligé de se rendre, étant blessé griève-
ment. Il fut conduit à Plymouth, d'où il parvint à s'évader
sur une chaloupe, comme avaient fait cinq ans auparavant
Jean Bart et Forbin, et put aborder sur la côte de Bretagne.
Montant un vaisseau de quarante-huit canons, le Fran-
çais, il s'empara, entre autres, de deux navires de guerre
qui escortaient une flotte marchande de soixante voiles
(4 janv. 1695). L'un de ces navires, /^ Sam-Pareil
était commandé par le capitaine anglais qui avait pris
à l'abordage et fait prisonniers Jean Bart et Forbin,
et qui conservait, trophée précieux, leurs brevets, que
Duguay-Trouin se fit remettre. Cette action valut à celui-ci,
de la part du roi, une épée d'honneur. Duguay-Trouin fit
encore de nombreuses prises dans les années suivantes.
C'est dans le cours de ces campagnes qu'il eut la douleur
de perdre son frère cadet, tué dans une escarmouche à
terre sur la côte d'Espagne (1696). Quelque temps après,
à la tête de cinq vaisseaux, il attaqua trois vaisseaux de
guerre de première force, que commandait le contre-amiral
hollandais de Wassenaer, et qui escortaient la flotte de
Bilbao. Le combat à l'abordage fut très meurtrier; presque
tous les officiers des deux côtés périrent, et le commandant
hollandais, dangereusement blessé, fut pris les armes à la
main (25 mars 1697). Ce succès si brillant valut à Duguay-
Trouin de passer au service du roi avec le grade de capi-
taine de frégate. Ayant obtenu le commandement de deux
nouveaux vaisseaux, Duguay-Trouin s'apprêtait à une croi-
sière, quand la paix de Ryswick (20 et 30 oct.) fut donnée
à l'Europe. Il n'avait encore que vingt-quatre ans. Dans
ces guerres de la Ligue d'Augsbourg, il avait, malgré sa
jeunesse, égalé ses aînés les plus illustres et contribué
avec eux à une paix honorable. La course pratiquée par les
Pointis, les Jean Bart, les Du Casse, les Forbin, les Cas-
sard, entre tant d'autres, avait secondé admirablement
les grandes actions navales des flottes commandées par les
deux d'Estrées, Nesmond, Château-Renault et Tourville.
Lors de la guerre de la succession d'Espagne, Duguay-
Trouin, commandant (1702) trois frégates, alla croiser
d'abord aux Orcades. Un vaisseau de guerre hollandais
s'étant présenté, un combat terrible à l'abordage s'engagea.
Le capitaine hollandais et tous ses officiers furent tués, le
navire fut pris, mais la tempête le fit échouer sur les côtes
d'Ecosse. En i703, Duguay-Trouin fut chargé de détruire
la pêche des Hollandais sur les côtes du Spitzberg, où il
prit vingt navires baleiniers et en détruisit un plus grand
nombre.' Au commencement de 1704, Duguay-Trouin mon-
tra les qualités de l'ingénieur, dans la construction de
deux vaisseaux de cinquante-quatre canons, qu'il nomma
le Jason et l'Auguste, Il monta le premier et alla croiser
aux Sorlingues. Après plusieurs rencontres ennemies, il
ramena au port un vaisseau de guerre de cinquante-quatre
canons, le Coventry, pris à l'abordage, et douze navires
marchands. L'année suivante (1705), Duguay-Trouin monta
de nouveau le Jason, et ayant donné à son jeune frère le
commandement d'une frégate de vingt-six canons, la Fa-
leur, il alla croiser, avec ses trois vaisseaux, à l'entrée
de la Manche. Il s'empara d'un vaisseau de guerre de
soixante-douze canons, r Elisabeth, et d'un corsaire fles-
singuois. Dans ce temps, son frère, après s'être emparé
d'un autre corsaire, puis d'un navire anglais, était mortel-
tellement blessé dans un abordage, au moment de vaincre.
Quelques jours après, Duguay-Trouin, surmontant sa
douleur, partit de Brest avec ses trois vaisseaux. Il tomba
au milieu de l'escadre anglaise. Entouré par quinze de ces
forts navires ennemis, il s'apprêtait à vendre chèrement
sa vie sans jamais baisser pavillon. Mais, grâce à son coup
d'œil, il sut leur échapper à la faveur d'un vent propice et
de la nuit. Il termina par de nombreuses prises sa glo-
rieuse campagne. L'année suivante (1706), Duguay-Trouin,
montant encore le Jason, reçut ordre d'aller, avec deux
autres bâtiments, à Cadix, menacée, disait-on, d'un siège,
et de se mettre à la disposition du gouverneur, le marquis
de Valdecanas. En même temps il était promu au grade
de capitaine de vaisseau. A Cadix, il ne trouva que de la
mauvaise volonté des Espagnols qu'il venait secourir.
Ayant quitté cette nation, il fit bientôt la rencontre de
quinze navires anglais et s'en empara pour la plupart. Ils
étaient escortés par une frégate de trente-six canons.
La campagne de 1707 fut mémorable. Duguay-Trouin
venait d'être nommé chevalier de Saint-Louis et de rece-
voir l'accolade du roi à Versailles. Il obtint six vaisseaux et
montale Lys, de soixante-quatorze canons. Forbin, alors chef
d'escadre, se trouvait en rade de Brest avec six vaisseaux.
Tous deux reçurent l'ordre de se rendre ensemble, avec
leurs escadres respectives, aux dunes d'Angleterre, afin de
DUGUAY — DUGUE
— n -
détruire une flotte portant des secours en Portugal et en
Catalogne. On la rencontra à l'entrée de la Manche. Les
transports étaient au nombre de près de deux cents ; il
n'y avait pour les escorter que cinq vaisseaux de ligne,
mais ils étaient de première force. Le vaisseau comman-
dant, le Cumberland, portait quatre-vingt-deux canons,
le Devonshire en avait quatre-vingt douze. Ce fut l'escadre
de Duguay-Trouin qui eut le plus de part à la bataille
(21 oct.)." Elle fut terrible; les abordages furent très
meurtriers, et le Devonshire périt dans les flammes avec
plus de mille hommes. Le Cumberland et deux des autres
vaisseaux de guerre furent pris, ainsi qu'un très grand
nombre de transports. Le roi ayant offert une pension de
1,000 livres à Duguay-Trouin, celui-ci eut la générosité de
la faire reverser sur son capitaine en second, qui avait eu
la cuisse emportée. Les campagnes de 4708, de 1709 et
1710 ne furent pas heureuses pour Duguay-Trouin, ayant
été contrariées parla tempête, et les riches flottes du Brésil
et de l'Inde lui échappèrent. C'est à la fin de 1709 que
des lettres de noblesse furent octroyées aux deux frères
Trouin. On y lit que lui et son aîné, sieur de La Barbinais,
chef de la maison Duguay, avaient pris plus de trois cents
navires marchands et deux cents vaisseaux de guerre ou cor-
saires. Duguay-Trouin formait alors le plan d'une expédition
qui devait donner à son nom le plus d'éclat. Le Portugal
jouait un rôle important et fort dommageable à l'Espagne,
en donnant accès dans ses ports aux marines ennemies.
D'autre part, les armements étaient aussi des sortes d'en-
treprises commerciales. Deux fois, en 1706 et en 1708,
les circonstances avaient été défavorables au hardi corsaire,
qui avait laissé échapper les flottes du Brésil. Il songea à
aller chercher ces trésors du Portugal à leur source même.
Avant lui, l'année précédente, un autre avait eu la même
idée, mais le capitaine de vaisseau Duclerc avait échoué,
n'ayant pas de forces suffisantes. Il s'était rendu, avec les
sept cents hommes environ qui lui restaient. Comme on
disait qu'il avait été assassiné et que les prisonniers fran-
çais subissaient les plus durs traitements, leur délivrance
et la vengeance à tirer des oppresseurs s'ajoutaient aux
autres motifs pour entreprendre l'expédition. Duguay-
Trouin ayant réussi à y intéresser de riches armateurs et
ayant obtenu l'autorisation du roi, qui lui confia ses vais-
seaux, s'empressa d'armer, le plus discrètement possible,
à Brest et en d'autres ports de France. Il mit à la voile le
3 juin 1711. Il montait le Lys; le nombre total de ses bâ-
timents était de dix-sept, portant environ six mille hommes.
Il arriva, le 12 sept., devant le goulet de la baie de Rio-
de-Janeiro, et sans perdre un instant il força cette entrée,
au milieu des feux croisés des forts et des vaisseaux. Les
fortifications de Rio-de-Janeiro avaient été augmentées ; on y
était préparé à la résistance, aussi fallut-il recourir à un
siège régulier. Dès le 21, l'assaut était donné. Le 23, les
forts se rendirent. Dans l'impossibilité de garder sa con-
quête, Duguay-Trouin accepta la rançon qu'on lui en oflrit
de 610,000 cruzades. Il mit à la voile pour la France le
13 nov. Dans ce voyage, il fut assailli, malheureusement,
par de violentes tempêtes, qui firent périr trois de ses meil-
leurs vaisseaux ; une grande partie du butin fut engloutie
dans les flots. Toutefois, il resta encore un profit considé-
rable pour les armateurs, mais bien inférieur au dommage
causé au Portugal, que l'on évalua à 30 millions. Louis XIV
récompensa Duguay-Trouin par une pension de 2,000 livres
et, plus tard (1715), par le grade de chef d'escadre. La
paix générale d'Utrecht, signée le 11 avr. 1713, lui assura
un repos qu'il ne recherchait pas. Son expédition glorieuse
était venue à la fois couronner sa carrière et clôturer l'ère
navale du grand règne.
Duguay-Trouin s'était retiré, à la paix, dans une petite
maison de campagne sur les bords de la Rance, à la Fleu-
rie, près de Saint-Servan, où il rédigea ses mémoii^es. En
1723, il fut appelé à Paris pour faire partie du conseil des
Indes. Louis XV le nomma, en 1728, successivement com-
mandeur de l'ordre de Saint-Louis et lieutenant général.
Puis un an après, il reçut le commandement de la marine
à Brest avec la surveillance des côtes de Bretagne. En
1731, le ministre de Maurepas le choisit pour commander
une escadre destinée à relever le prestige du pavillon fran-
çais dans la Méditerranée et à faire rentrer dans le devoir
les nations barbaresques, en obtenant d'elles les répara-
tions pour les dommages causés au commerce français. Sa
mission, cette fois toute pacifique, eut les résultats que
l'on en attendait. Ce fut sa dernière campagne. Il était âgé
de cinquante-huit ans et souffrait depuis plusieurs années de
précoces infirmités contractées dans sa fatigante profession.
Cependant il oublia ses maux, lorsque, deux ans plus tard,
la guerre sembla se rallumer et qu'on lui confia le com-
mandement d'une escadre à Brest. Mais ce ne fut qu'une
alerte, la paix se rétablit. Duguay-Trouin languit dans ses
souffrances trois ans encore, et mourut à Paris, où il était
allé chercher les secours de la médecine. Duguay-Trouin
n'était pas marié.
Ce grand homme eut le vrai génie maritime ; intrépide
comme Jean Bart, et capable, si l'occasion s'était présentée,
de conduire de grandes flottes, comme Duquesne et Tour-
ville ; corsaire, il tempéra les maux inséparables de cette
profession, respectant l'ennemi vaincu, mais sachant faire
respecter en lui la dignité nationale ; désintéressé, il ne
profita pas des immenses richesses qu'il eut entre les mains
pour sa fortune personnelle. Duguay-Trouin était de taille
avantageuse ; il s'était rompu aux exercices du corps ; sa
figure était régulière et agréable. On voit son portrait en
pied à l'hôtel de ville de Saint-Malo ; sa statue en marbre
orne une place de cette ville, depuis 1829. Au nombre
des douze statues en marbre de Carrare des plus illustres
guerriers de France qui se trouvaient sur le pont de la
Concorde à Paris avant d'être transportées dans la cour
d'honneur du palais de Versailles, on remarque celle de
Duguay-Trouin, exécutée en 1822 par Du Pasquier. Les
Mémoires que ce héros écrivit dans ses loisirs forcés sont
d'un style simple et sobre, et l'on y reconnaît l'accent de
la vérité; les seuls authentiques ne datent, pour les pre-
mières éditions, que de 1740. On trouve entre autres, dans
celle de 1741 (Amsterdam, in-12), son portrait, des plan-
ches montrant la disposition des combattants et notamment
le plan de Rio-de-Janeiro, la liste des officiers et équipages,
plusieurs documents, mais non certains détails de la jeu-
nesse de l'auteur que le cardinal de Fleury lui avait con-
seillé d'enlever. Thomas a prononcé un éloge académique
de Duguay-Trouin (1761). Plusieurs historiens ont écrit sa
vie et raconté ses campagnes, notamment ses compatriotes,
l'abbé Manet et M. Ch. Cunat. C. Delavaud.
BiBL. : L'abbé J. Poulain, Duguay-Trouin et Saint-
Malo, la cité corsaire; Paris, 1882. On trouve dans cet ou-
vrage une indication bibliographique sur : 1° les archives
de Saint-Malo, de Saint-Servan, de la marine à Paris (il
faut y ajouter celles de Brest), et les papiers de plusieurs
familles de corsaires des deux premières villes; 2° les
principaux auteurs qui ont écrit sur Duguay-Trouin, tels
que : RicHER, 1784 ; Badin, dans les Marins illustres ;
Paris, 1866 ; de La Landelle.
DU GUÉ (Ferdinand), auteur dramatique français, né
à Paris en 1812. Il débuta par divers recueils de vers :
Horizons de la poésie (1836, in-8) ; le Vol des heures
(1839, in-8) ; les Gouttes de rosée, sonnets (1840, in-8),
écrivit plusieurs romans : la Semaine de Pâques (1835,
in-8) ; G^o/fro?/Rwd^/ (1838, 2 vol. in-8), et des drames
en vers : Castille et Léon (1838) ; Gaifer (1839) ; Salva-
torRosa (Porte-Saint-Martin, 1851) ; Monsieur Pinchard^
drame interdit en France et représenté à Bruxelles (1855).
M. Dugué, devenu peu après le collaborateur d'Anicet-
Bourgeois et de M. Dennery, et associé ainsi à quelques-uns
de leurs succès les plus populaires, a donné avec le pre-
mier : les Fugitifs (Ambigu, 1858) ; les Pirates de la
Savane (Gaîté, 1858) ; la Fille du chiffonnier (1861)
la Bouquetière des innocents (1862); avec le second
la Prière des naufragés (1847); Cartouche (1858)
le Marchand de coco (1860); les Trente-deux Duels de
Jean Gigon (1861) ; Marie Mancini (1864), etc. M. Dugué
— 23 —
DUGUE — DU GUESCLÏN
a publié depuis deux volumes de poésies politiques : les
Eclats d'obus (4874, in-48); Satires et Poèmes (iSl 6,
in-8), et commencé la réunion de son Théâtre complet
(4894, t.J-III). M. Tx,
D U G U É d'Assé (Jacques-Claude) , homme politique fran-
çais, né à Tourouvre (Orne) le 47 mai 4749. Avocat,
membre du département, juge, il fut élu par l'Orne député
à la Convention. Il y siégea parmi les modérés, et, dans le
procès de Louis XVI, vota pour l'appel au peuple et pour
le bannissement. Un des soixante-quatorze signataires de la
protestation contre le 2 juin, il fut décrété d'arrestation et
revint à la Convention le 18 frimaire an III. Membre du
conseil des Anciens, il rentra ensuite dans l'obscurité et
fut sous-préfet de Mortagne aux Cent-Jours. On ignore
la date de sa mort. F.-A. A.
DUGUÉ DE La Fauconnerie (Henri-Joseph), homme po-
litique français, né à Paris le 44 mai 4835, neveu de
Ferdinand Dugué (V. ci-dessus). Après avoir fait ses études
de droit à Strasbourg, il entra dans l'administration pré-
fectorale et devint en 4 862 sous-préfet de Saint-Jean-
d'Angely, puis sous-préfet de Marennes en 4864. Il dé-
missionna en 4866 et fut élu député de Mortagne au Corps
législatif le 24 mai 4869. Membre de l'extrême droite, il
combattit le cabinet libéral d'Emile Ollivier et vota la
guerre avec la Prusse. En 4874, il prit la direction d'un
organe bonapartiste, l'Ordre^ fut élu député de Mortagne
le 20 févr. 4876, appuya le gouvernement du 46 mai et
fut réélu le 44 oct. 1877. Il tenta, grâce à l'influence de
Gambetta, de rallier à la République le parti bonapartiste,
mais cette tentative fut peu heureuse pour lui, car ayant
démissionné pour consulter ses électeurs (févr. 4884),
ceux-ci ne le renommèrent pas (6 mars 4884), préférant
voter pour un républicain. M. Dugué de La FauconneHe se
présenta alors vainement dans son département aux élec-
tions sénatoriales du 8 janv. 4882 et ne fut réélu député
qu'en oct. 4885, après qu'il eut déclaré que la persécution
religieuse l'éloignait de la République. Il siégea à droite et
adhéra avec enthousiasme a la politique du boulangisme,
prenant assez souvent la parole à la Chambre pour dénoncer
les inconvénients du parlementarisme et attaquer la gestion
financière des républicains. Il a été réélu par Mortagne le
22 sept. 4889 par 43,674 voix contre 40,490 à son con-
current républicain Bansard des Bois. Il a publié : le Tri-
bunal de la Rote (Paris, 4859, in-8); la Bretagne et
r Empire (4864, in-8); Si l'Empire revenait (4875,
in-8); Soyons donc logiques (4878, in-8).
DU6UERNIER (Louis), dit le Vieux, peintre, minia-
turiste et portraitiste du xvi^ siècle (V. Guernier).
DU GUESCLÏN (Bertrand), connétable de France, né
vers 4320, mort le 43 juil. 4380. Fils de Robert DuGues-
clin, chevalier breton, il naquit à La Motte-Broons (arr. de
Dinan). Brutal et laid, peu aimé de ses parents, il ne dut
guère fréquenter l'école et parut toute sa vie avoir beau-
coup de peine à écrire son nom. Un brillant tournoi, e\
Rennes, vers 4337, commença sa réputation, et la guerre
de succession de Bretagne (4344) lui permit de l'accroitre.
Partisan de Ch. de Blois, son rôle resta obscur jusqu'en
4354. Il fut parmi les défenseurs de Rennes contre les
Anglais (déc. 4342 ou janv. 4343) et, après la bataille
de La Roche-Derrien, qui ruina le parti de Blois (48 ou
20 juin 1347), il fit la guerrede partisan avec cinquante ou
soixante hommes. La surprise du château de Fougeray
(4350?) attira l'attention sur lui et il est probable qu'il passa
au service de Jean II dès son avènement (22 août 4350).
Opérant entre Dinan et Pontorson, il se lia bientôt avec
P. de Villiers, capitaine de Pontorson, et le sire d'Audre-
hem, lieutenant du roi dans la contrée. Armé chevalier à
Montmuran (40 avr. 4354), il fit partie d'une ambassade
qui alla en Angleterre demander la mise en liberté de
Ch. de Blois (fin 4354). 11 resta aux environs de Pontor-
son pendant l'invasion anglaise de 4355 et la campagne
qui se termina à Poitiers (49 sept. 4356). Quand le duc
de Lancastre vint assiéger Rennes et Dinan (oct. 1356
et commencement de 1357), Bertrand lui fit beaucoup
de mal. Après son fameux duel avec Th. de Canterbury,
à Dinan, il parvint à ravitailler Rennes, que la trêve de
Bordeaux délivra (23 mars 4357). Nommé capitaine
de Pontorson (déc. 4357), il se fit un renom légendaire de
protecteur du peuple en combattant les brigands. Il se
distingua au siège de Melun (juin 4359), mais, au retour,
se laissa prendre par Robert Knolles, au Pas d'Evran (fin
4359) et paya rançon. Après le traité de Brétigny (8 mai
4360), les ducs d'Orléans et d'Anjou et le comte d'Alençon
lui confièrent k garde de leurs domaines, et, durant les
années 4360, 4364, 4362, il combattit sans relâche les
compagnies dans le Maine, le Perche et la Basse-Nor-
mandie : il fut même pris à Juigné (fin 4360). Châtelain
de La Roche-Tesson et conseiller du dauphin (fin 4364),
toujours mêlé aux affaires de Bretagne, il épousa Tiphaine
Raguenel (4364). Chargé de saisir les biens du roi de
Navarre (avr. 4364), il prit Mantes et Meulan (avril).
Charles V le fit son chambellan (47 avr.), et, après la vic-
toire de Cocherel, où le captai de Buch fut fait prisonnier
(4 6 mai), il lui donna le comté de Longueville (27 mai) et le
nomma son lieutenant en Normandie (été de 4364). Mais
Charles de Blois l'appelant en Bretagne, il abandonna son
poste, mécontenta ainsi le roi et alla se faire prendre à
Auray (29 sept.). Après le traité de Guérande (42 avr.
4365), Charles V, Urbain V et Henri de Transtamare
payèrent sa rançon. Chargé de conduire les compagnies en
Espagne, contre Pedro de Castille, il partit au mois de sept.
4365 et ne leva pas en passant, comme on l'a répété, un
impôt forcé sur les domaines du pape. A son approche,
don Pedro s'enfuit à Bayonne, où il s'allia avec le prince
de Galles, qui passa bientôt en Espagne (févr. 4367). La
bataille de [Najera (3 avr.) rétablit don Pedro et coûta la
liberté à Bertrand. Relâché moyennant 400,000 doubles
d'or, que paya le roi (27 déc), il alla guerroyer en Pro-
vence pour le duc d'Anjou et assiéger Tarascon (4 mars-
22 mai 4368). C'est alors qu'il leva 5,000 florins sur le
Comtat. Don Henri étant rentré en Espagne (sept. 4367),
il y retourna et la bataille de Montiel (44 mars 4369),
suivie de la mort de don Pedro (23 mars), rendit le trône
à don Henri. Il nomma Bertrand connétable de Castille,
duc de Molina, etc., et lui donna divers domaines. Rappelé
en 4370 par Charles V, Du Guesclin rejoignit le duc
d'Anjou en Languedoc (mi-juillet) et commença avec lui
une campagne que la chevauchée de Knolles interrom-
pit. Malgré quelques succès en Périgord et en Limousin,
il ne pût empêcher le prince Noir de reprendre Limoges
(49 sept. 4370) ; pourtant Moreau de Fiennes s'étant
démis de l'oflîce de connétable, Du Guesclin fut désigné
comme le plus digne de lui succéder (2 oct.) et le roi
s'empressa de ratifier le choix de son conseil. Le nou-
veau connétable écrasa aussitôt Knolles à Pontvallain
(4 déc). Il joua un grand rôle dans la campagne de Poitou
en 4372. Ce fut lui qui occupa Poitiers (47 août), puis La
Rochelle, Saint-Jean-d'Angely, Saintes (sept.), et Melle
(3 oct.), etc. L'expédition, interrompue par une chevauchée
en Bretagne, se termina par la reddition de Thouars
(4 déc), et Bertrand, par sa victoire de Chizé (fin mars
4373), acheva de ruiner l'influence anglaise dans le Poitou.
Il employa l'été à conquérir la Bretagne avec le duc de
Bourbon, mais l'invasion du duc de Lancastre le rappela à
Paris (sept.), avant la reddition des deux dernières places
anglaises, Derval et Brest. Ayant conseillé de ne pas livrer
bataille, il suivit l'ennemi et l'empêcha de s'étendre sur
le pays (nov.-déc). Après avoir épousé en secondes
noces Jeanne de Laval, dame de Tinteniac (4374), il
fit une expédition avec le duc d'Anjou, sur les confins de
l'Agenais et du Bordelais (avr.), puis, au printemps sui-
vant, il commença la conquête de la Saintonge. Froissart
le fait assister à tort au siège et à la capitulation de
Saint-Sauveur-le-Vicomte (24 mai 4375). Après l'expi-
ration des trêves avec l'Angleterre (24 juin 4377)
il contribua à la reddition des places normandes du roi de
DU GUESCLIN — DU HALDE
— 24 —
Navarre (printemps de lin 8), ù la levée du siège de
Saint-Malo et alla lui-même assiéger Cherbourg. La confis-
cation de la Bretagne (9 déc. 4378), qu'il n'approuvait
point, l'attrista. 11 ne put arrêter les progrès du duc de
Bretagne, rentré dans ses Etats (3 août 1379). Accusé
de mauvaise volonté par le conseil royal, il parla de re-
tourner en Castille. Charles V le retint "^ et il commençait à
purger la France centrale de ses brigands, quand il tomba
malade et mourut devant Châteauneuf-de-Randon. Il fut
enterré à Saint-Denis avec des honneurs royaux. On a fait
de lui, sous Charles VI, le type du parfait chevalier. Il
fut, au contraire, toute sa vie, un soldat brutal ; mais,
grâce à^ies qualités naturelles, développées par une longue
expérience, il devint le plus habile capitaine de son temps.
E. COSNEAU.
BiBL. : Les chroniques du temps et surtout : Cuvelier,
Chron. de B. Du Guesclin, éd. Charrière (col. des Doc.
inéd.).— Anciens Mémoires duxiv«s. relat. à B. Du Guesclin
(COll.MlCHAUDetPoUJOULAT,t.I.— FROISSART,éd.S. LUCE,
t. V, YI, VII et VIII; éd. Kervyn de Lettenhove, t. V,
VI, VII, VIII et IX. — Hay du Chastelet, Hist. de B. Du
Guesclin; Paris, 1666, in-8. — Bibl. nat., Pièces originales,
t. MCCCCXXXIII. — S. Luge, Hist. de B. Du Guesclin et
de son époque; Paris, 1876, in-8, et un article dans la JRe-
mte/iisf., t. XVI, 91-92.
DU GUET (Jacques- Joseph), théologien et moraliste, né
à Montbrison le 9 déc. d649, mort à Paris le 25 oct.1733.
Il était entré dans la congrégation de l'Oratoire dès 1667 ;
il la quitta en fëvr. 1685, par suite de la réprobation par
cette congrégation du cartésianisme et du jansénisme, et il se
retira auprès d'Arnauld, à Bruxelles, oii il resta pendant cinq
ans. Rentré à Paris en 1690, il s'y recueiUit dans une
retraite studieuse. Il avait été un des premiers appelants
contre la bulle Unigenitus; en 1721 , il renouvela son appel.
Mais sa fidélité aux doctrines jansénistes ne l'empêchait pas
de blâmer les écarts du parti ; il sut réprouver les excès de
polémique du journal les Nouvelles ecclésiastiques^ et pro-
tester contre les extravagances des convulsionnaires. Sainte-
Beuve le compare à Fénelon. Ses nombreux ouvrages sont
écrits avec une élégance et une onclion rares chez les jan-
sénistes. Les principaux sont : TiYiité sur les devoirs
d'un évêque (Caen, 1710, in-12); Règles pour V intelli-
gence des Saintes Ecritures (Paris, 1716, m-\^) ; Traité
des scrupules (Paris, 1717, in-12); Lettres sur divers
sujets de morale et de piété (Paris, 1718, 3 vol. in-12)
souvent réimprimées et portées jusqu'à 10 vol. in-12;
Pensées d'un magistrat sur la déclaration qui doit
être portée au parlement (in-4) ; Maximes abrégées sur
les décisions de V Eglise et préjugés légitimes contre la
Constitution; Explication du mystère de la Passion
(Paris, 1728, 2 vol. in-12) ; Piéflexions sur lemystèrede la
sépulture ou le tombeau de Jésus-Christ {BmxeWes, 1731 ,
2 vol. in-12); Traité des principes de la foi chrétienne
(Paris, 1736, 3 vol. in-12); Institution d'un prince
(Leyde, 1729,4 vol. in-12; Londres, 1739, in-4), composée
à la demande de Victor- Amédée, roi de Sardaigne; Confé-
rences ecclésiastiques (Paris, 1742, 2 vol. in-4). E.-H. V.
Bibl. X Goujet, Eloge historique de Du Guet; Paris,
1740. — André, Esprit de M. Du Guet; Paris, 1764, in-12.
— Sainte-Beuve, Port-Royal ; Paris, 1867, t. VI.
DU GUET (L'abbé), maître de musique à l'église Saint-
Germain l'Auxerrois en 1767 et à Notre-Dame en 1780.
Il a composé de nombreuses messes et des motets, dont
les manuscrits sont conservés dans la bibhothèque de
Notre-Dame de Paris.
D U G U ET ( Nicolas-Jean-Baptiste ) , médecin français,
né à Chamery (Marne) le 12 mai 1837. Interne des
hôpitaux (1862), docteur en médecine en 1866, agrégé
de la Faculté de Paris (section de médecine) en 1872, mé-
decin des hôpitaux en 1873. Parmi ses nombreux travaux,
citons : sa thèse d'agrégation. De l'Apoplexie pulmonaire
(1872), dans laquelle il cherchait à établir une pathogénie
nouvelle de cette affection, à l'aide des embolies pulmo-
naires qui ont fait depuis l'objet de recherches publiées
par lui de 1876 à 1881 ; De l'Angine ulcéreuse et du
muguet de la gorge dans la fièvre typhoïde (1883) ; Sur
les Taches bleues, leur production artificielle et leur
valeur séméiologique (1880); Contribution à l'étude
des grossesses extra-utérines et en particulier de la
grossesse tubaire (1874), et Goitres et médication
'iodée interstitielle (1886). P^ A. Dureau.
DU GUILLET (Pernette), femme poète, née à Lyon vers
1520, morte le 17 juil.1545. Ses poésies sont gracieuses,
gaies et naïves, et lui ont valu une renommée locale
peut-être un peu exagérée. Les Rymes de gentille et ver-
tueuse dame D, Pernette du Guillet, Lyonnoise (Lyon,
1545, pet. in-8; Paris, 1546, in-16; Lyon, 1552, pet.
in-8; ces trois éditions sont fort rares) ont été réim-
primées à Lyon en 1830, in-8; en 1856, pet. in-8 et en
1864, in-12.''
DU HALDE (Jean-Baptiste), savant français, né à Paris
le 1^^ févr. 1674, mort à Paris le 18 août 1743.
Il entra le 8 sept. 1692 dans la Compagnie de Jésus. Se-
crétaire du P. Letellier, confesseur du roi, il a attaché soh
nom d'une manière durable à la Chine par les Lettres édi-
fiantes et sa Description de la Chine, On peut consi-
dérer comme l'origine des Lettres édifiantes les lettres
annuelles envoyées du Japon, de la Chine, de Goa et
d'Ethiopie en Europe depuis le xvi® siècle par les Pères de
la Compagnie de Jésus, ainsi que les Relations des mis-
sions et les Voyages des évêques français au xvii® siècle.
Mais la collection connue sous le nom de Lettres édi-
fiantes et curieuses écrites des Missions étrangères par
quelques missionnaires de la Compagnie de Jésus a
été commencée en 1702 par le P. Charles Le Gobien ; les
premiers volumes ont eu plusieurs éditions ; la série com-
plète se compose de 34 volumes ou recueils in-12 (1703-
1776). Chaque recueil est précédé d'une épitreaux jésuites
de France. Le P. Le Gobien étant mort le 5 mars 1708,
après la publication du huitième recueil, il fut remplacé par
le P. Du Halde,qui continua la série jusqu'au vingt-sixième
recueil (i743). Il eut lui-même pour successeurs les
PP. Patouillet et Maréchal. Cettecollection importante a été
réimprimée de 1780 à 1783, chez Mérigot le jeune, en
26 vol. in-12 par Yves-Mathurin-Marie de Querbeuf, et
plusieurs fois depuis, soit en partie, soit en entier ; nous
ne signalerons que l'édition de L. Aimé-Martin, donnée en
4 voi. gr. in-8, dans la collection du Panthéon littéraire
(1838-1843). Le P. J. Stock lein a traduit en allemand
les Lettres édifiantes avec l'addition de bon nombre de
pièces de 1726 à 1758, en 36 vol. in-fol., publiées à
Augsbourg et à Grâtz sous le titre de Der Neile Welt-
Bott mit aller hand Nachrichten der en Missionarien
Soc. lesu. Les Nouvelles Lettres édifiantes des missions
de la Chine et des Indes orientales, publiées chez Adrien
Le Clere de 1818 à 1823, en 8 vol. in-12, et les Annales
de l'Association de la propagation de la foi, commen-
cées en 1826, servent de suite à l'ancienne collection des
Lettres édifiantes. Le second des grands ouvrages du
P. Du Halde a pour titre Description géographique.,
historique, chronologique, politique de l'empire de la
Chine et de la Tartarie chinoise, enrichie des cartes
générales et particulières de ces pays, de la carte générale
et des cartes particulières du Thibet et de la Corée, et ornée
d'un grand nombre de figures et de vignettes gravées en
taille-douce, par le P. J.-B. Du Halde de la Compagnie de
Jésus. A Paris, chez P.-G. Lemercier, imprimeur-libraire,
rue Saint-Jacques, au Livre d'Or, M.DCC.XXXV. Avec
approbation et privilège du Roy (4 vol. in-fol.) . Quoique
le P. Du Halde ne soit jamais allé en Chine, son ouvrage
est encore le meilleur qui ait été écrit en français sur ce
vaste empire; il s'est aidé pour la rédaction de son livre
des mémoires des vingt-sept missionnaires suivants :
Martin Martini, Ferdinand Verbiest, Philippe Couplet,
Gabriel Magalhaens, Jean de Fontaney, Joachim Bouvet,
Jean-François Gerbillon, François Noël, Louis Le Comte,
Claude Visdelou, Jean-Baptiste Régis, Joseph-Henry de
Prémare, François-Xavier Dentrecolles, Julien-Placide Her-
vieu, Cyr Contancin, Pierre de Go ville, Jean-Armand Nyel,
- 25 -
DU HALDË — DUHESME
Dominique Parrenin, Pierre Jartoux, Vincent de Tartre,
Joseph- Anne-Marie de Mailla, Jean-Alexis Gollet, Claude
Jacquemin, Louis Porquet, Emeric de Chavagnac, An-
toine Gaubil et Jean-Baptiste Jacques. Cette célèbre des-
cription fut réimprimée Tannée suivante à La Haye chez
Henri Scheurleer (4 vol. in-4), avec les cartes de d'An-
ville, qui ont été également réunies en un vol. in-fol.(1737).
Le livre de Du Halde a été traduit en anglais parR. Brookes
(Londres, 1736, 4 vol. in-8; 1738, 4vol. in-fol.; 1741,
4 vol. in-8) ; en allemand (Rostock, 1747-1756, 4 vol.
in-4) ; en russe, la première et la seconde partie (Saint-
Pétersbourg, 1774-1777). Parmi les autres ouvrages du
P. Du Halde, nous trouvons une tragédie en musique, Nar-
cisse (Paris, 1707, in-4), un intermède pour la comédie de
Mu^a5 (Paris, 1704), mais la liste complète ne mérite pas
la peine d'être donnée, la réputation du P. Du Halde étant
due entièrement à la publication des Lettres édifiantes
et de la Description de la Chine. Henri Cordier.
BiBL. : A. DE Backer, Bibliothèque des écrivains de la
Compagnie de Jésus. —H. Cordier, Bibliotheca Sinica.
DUHAMEL (Jean-Baptiste), astronome et physicien fran-
çais, né à Vire, en basse Normandie, le 11' juin 162^,
mort le 6 août 1706. A dix-huit ans, il composa un
petit traité où il expliquait très simplement les trois livres
des Sphériques de Théodose, auxquels il ajouta une Tri-
gonométrie. A l'âge de dix-neuf ans, il entra chez les
Pères de l'Oratoire; il y resta dix ans et en sortit pour
occuper la cure de Neuilly-sur-Marne. En 1660, il fit
imprimer ses deux traités : Astronomia physica et De
Meteoris et fossilibus. En 1663, il quitta sa cure et
donna son livre De Consensu veteriset novœ philosophiœ.
En 1666, Colbert le fit entrer à l'Académie des sciences,
dont il fut le premier secrétaire. Duhamel publia (1670)
son traité De Corporum affectionibus. En 167:2 et en
1673, parurent son De Mente humana^ et son De Cor-
pore animato. Un ordre supérieur l'engagea à composer
un cours entier de philosophie, selon la forme usitée dans
les collèges. Cet ouvrage parut en 1678 sous le titre de
Philosophia vêtus et nova ad usum scholce accommo-
data. En 1691, il fit imprimer un corps de théologie en
sept tomes, sous le titre de Iheologia speculatrix et
practica jiixta S. S. Patrum dogmata pertractata^ et
ad usum scholœ accommodata. En 1698, il publia, en
latin, une histoire de l'Académie des sciences, depuis son
établissement en 1666jusqu'en 1696 (Regiœ Scientiarum
Academiœ historia ; ¥■ édition en 1701). La même année
(1698), il donna un très savant ouvrage théologique
intitulé Institutiones biblicœ, seu Scripturœ Sacrœ
prolegomena una cum selectis annotationibus in Pen-
tateuchum. En 1701, il publia les Psaumes; en 1703,
les Livres de Salomon, la Sapience et VEcclésiaste.
Enfin, en 1705, à l'âge de quatre-vingt-un ans, il donna
une Bible annotée. Il laissa la réputation d'un homme aussi
vertueux que savant. A. Gasté.
BiBL. : FoNTENELLE, Hlstoive du renouvellement de
l'Académie royale des sciences en MDCXCIX, et les
Eloges historiques de tous les Académiciens morts depuis
ce renouvellement ; Paris, 1708. — L'abbé Augustin Via-
lard, J.-D. Duhamel., thèse pour le doctorat en théologie;
Paris, 1884. — Luguet, Mémoire sur la philosophie de
Leibniz et les rapports de sa doctrine avec celle de J.-B.
Duhamel {Bull. acad. de Clermont, mai 1880).— V. encore,
sur J.-B. Duhamel et sur ses frères Georges et Guillaume,
la Bibliographie viroise de F. -M. Morin-Lavallée ; Caen,
1879, et le manuscrit du Père Martin, Athenœ Norman-
norum., conservé à la bibliothèque de Caen.
DUHAMEL (Jean-Marie-Constant), mathématicien fran-
çais, né à Saint-Malo le o févr. 1797, mort à Paris le
29 avf. 1872. Entré à l'Ecole polytechnique en 1816, il
se consacra à l'enseignement, devint répétiteur, puis, en
1834, professeur à l'Ecole polytechnique, oîi il occupa suc-
cessivement les chaires d'analyse et de mécanique. Nommé
directeur des études en 1848, il reprit en 1851 la chaire
d'analyse, qu'il occupa également à la Faculté des
sciences de Paris depuis la même époque. Son premier
ouvrage, Problèmes et développements sur diverses
parties des mathématiques (1823), fut composé en col-
laboration avec Reynaud. A partir de 1832, il publia dans
le Journal de l Ecole polytechnique^ jusqu'en 1848, de
savants mémoires sur la physique mathématique qui lui
ouvrirent, en 1840, les portes de l'Institut. Le Journal
de Liouville, de 1839 à 1856, contient de lui d'autres
articles sur les mêmes matières et des travaux relatifs à la
théorie des séries. Les Mémoires des savajits étr^angers,
1834 et 1843, et les comptes rendus de l'Académie des
sciences à partir de 1836, renferment également d'assez
nombreuses communications de lui. Il a publié, d'autre
part, son Cours d'analyse de l'Ecole polytechnique^
(1840-1841, 2 vol.), ouvrage complètement refondu dans
ses Eléments de calcul infinitésimal (1860), puis son
Cours de mécanique (1845 et 1846, 2 vol.). Il consacra
enfin la fin de sa vie à la composition d'un ouvrage consi-
dérable. Des Méthodes dans les sciences de raisonne-
ment (1866-1872, 5 vol.), qui n'a pas obtenu tout le
succès qu'il pouvait attendre. — Excellent professeur,
Duhamel a exercé une grande influence par la clarté et la
précision de son enseignement. Esprit plus exact que
profond, s'attachant plutôt à perfectionner les méthodes
qu'à faire progresser la science, il a en tout cas la gloire
d'avoir le premier donné une démonstration rigoureuse des
principes fondamentaux du calcul infinitésimal. Les élèves de
l'Ecole polytechnique ont, de son temps, donné son nom au
verre d'eau sucrée qu'il avait, au début de chaque leçon,
l'habitude de préparer tout en résumant, d'une voix d'abord
à peine perceptible, mais qui s'élevait peu à peu, les théo-
ries exposées dans la précédente leçon. P. Tannery.
DUHAMEL-Dumonceau (Henri-Louis), physiologiste et
naturaliste français, né à Paris en 1700, mort à Paris le
23 août 1782. Il s'occupa d'histoire naturelle par goût, et
entra en 1728 à l'Académie des sciences; il remplit en
outre pendant de longues années les fonctions d'inspecteur
général de la marine. Duhamel-Dumonceau a publié une
foule de mémoires sur la botanique, l'agriculture, la phy-
siologie animale (structure et mode d'accroissement des os,
greffe animale), etc. D''L. Hn.
DU HEM (Pierre-Joseph), homme politique français, né
à Lille vers 1760, mort à Mayence le 25 mars 1807. Il
était médecin à Lille en 1789, fut élu juge de paix dans
cette ville en 1790, puis député du Nord à la Législative
et à la Convention, où il siégea parmi les montagnards les
plus exaltés. Dans le procès de Louis XVI, où il émit les
votes les plus rigoureux, il voulut empêcher l'accusé d'avoir
un conseil. Il fut un ennemi acharné des Girondins. La
Convention l'envoya en mission à l'armée du Nord, par
décrets des 30 sept. 1792, 4, 12 et 30 avr. 1793. Adver-
saire de Robespierre, il fut dénoncé par lui aux Jacobins
le 22 frimaire an II et exclu de cette société quatre jours
après. Après la révolution du 9 thermidor qu'il favorisa,
il essaya de combattre les progrès de la réaction et fut
assidu à la tribune, du haut de laquelle (22 fructidor an II)
il appela les députés du centre crapauds du marais.
Enveloppé dans la proscription du 12 germinal, il fut incar-
céré à Ham, puisa Sedan. L'amnistie du 4 brumaire an IV
lui rendit la liberté. Il alla se fixer à Mayence où il devint
médecin en chef de l'hôpital. F. -A. A.
DUHESME (Philippe-Guillaume, comte), général fran-
çais, né au Bourgneuf (Saône-et-Loire) le 7 juil. 1766,
mort à Genappe le 19 juin 1815. Parti avec les volon-
taires de Saône-et-Loire, en 1791, il était colonel en 1792,
général de brigade en 1793, divisionnaire l'année sui-
vante sous Maestricht. Il fit toutes les campagnes du Rhin,
puis celle d'Italie avec Championnet, celle de Marengo ;
gouverneur de Lyon et chef de la 19^ division militaire,
(1802), il fut employéà l'armée d'Italie (1805), puis en Es-
pagne (1808). Mais là, il tomba en disgrâce et ne reprit
du service que pour la campagne de France (1814). Nommé
pair de France aux Cent-Jours, il assista à la bataille de
Waterloo où il fut mortellement blessé à la tête de la
jeune garde qu'il commandait. P. C.-C.
DUHM — DUIVELAND
26
DUHM (Bernard), théologien allemand, né à Bingum
(Frise orientale) le 40 oct. 1847. Il devint maître de con-
férence, puis professeur de théologie à Gôttingen, en 4871.
Il a publié: Pauli Apostoli de Judœorum lege jiidicia
(4873); Die Théologie der Propheten (4875). G. P.
DUHORT-Bachen. Corn, du dép. des Landes, arr. de
Saint-Sever, cant. d'Aire, sur le Lourden; 4,033 hab. A
Castera, vestiges d'un camp romain. Ancienne abbaye de
Saint-Jean-de-la-Castelle, fondée en 4473, connue aujour-
d'hui sous le nom de Château-Saint-Jean.
DU H RING (Eugen-Karl), philosophe et économiste alle-
mand, né à Berlin le i2 janv. 4833. Privat-docent à l'Uni-
versité de Berlin de 4864 à 4877, il dut se retirer à la suite
d'un conflit avec la faculté. Il a écrit un très grand nombre
d'ouvrages qui attestent une pensée originale et vigoureuse.
En philosophie, il défend le matériaUsme, mais se rattache
par bien des points au positivisme des disciples d'A. Comte.
Parmi ses écrits philosophiques, nous citerons : Natûrliche
Dialektik (Berlin, 4865) ; Der Wert des Lebens (Bres-
lau, 4865; 3^ éd., 4881); Kritische Geschichte der
Philosophie (Berlin, 4869; 2«éd., Leipzig, 4879) ; Kri-
tische Geschichte der allgemeinen Prinzipien der
Mechanik (Berlin, 4873; 3^ éd., 1878); Kursus der
Philosophie als streng wissenschaftlicher Weltan-
schauung (Leipzig, 4 875) ; Der Weg zur hœhern Berufs-
bildung der Frduen (Leipzig, 4877) ; Logik und Wis-
senschafstheorie (Leipzig, 4878) ;Roô. Mayer (Chemnitz,
4880); Die Judenfrageals Rassen, Sitten und Kultur-
frage (2^ éd., Carlsruhe, 4884); Die Ueberschœtzung
Lessings und dessen Anwaltschaft fur die Juden
(Carlsruhe, 4884) ; Neue Grundmittel und Erfindun-
gen in Analysis, Algebra, etc. (Leipzig, 4883). Ses
principaux ouvrages d'économie politique sont : Kapital
und Arbeit (Berlin, 4865) ; Kritische Grundlegung der
Volkwirtschaftslehre (Berlin, 4866) ; Die Verkleinerer
Careys (Breslau , 4867) ; Kursus der National und
Sozialœkonomie (Berlin, 4873 ; 2^ éd., Leipzig, 4876);
Kritische Geschichte der Nationalœkonomie und des
Sozialismus (Berlin, 4879, 3« éd.). lia donné, en outre.
Sache, Leben und Feinde (Carlsruhe, 4882).
BiBL. : Vaihinger, Hartman, Duhring und Lange^ 1876.
DU IDA. Massif montagneux de l'Amérique du Sud, dans
la république de Venezuela, territoire des Amazones. Le
mont Duida tombe à pic du côté du S. et du côté de TE.
Son sommet est une roche nue, mais à son pied se dé-
roulent d'immenses forêts vierges. Ce qui rend sa situa-
tion remarquable, c'est que c'est à son pied que commence
la bifurcation de l'Orénoque. Sa hauteur est de 2,475 m.
DUIFFOPRUGGAR (Gaspard Tieffenbrucker, connu
sous le nom de), le plus ancien faiseur de violons connu,
originaire du Tirol. En 4540, il habitait Bologne. Il
paraît avoir séjourné plus tard chez le roi de France et le
duc de Lorraine, pour lesquels il paraît avoir travaillé.
Quelques instruments sortis de ses mains, violons et violes,
existent encore et sont comptés parmi les plus rares pièces
de lutherie connues; plusieurs sont datées de Lyon, où
l'artiste semble s'être fixé. On connaît de lui un portrait
daté de 4562. M. Br.
DUIGENAN (Patrick), homme politique irlandais, né
dans le comté de Leitrim en 4735, mort à Westminster le
44 avr. 4846. Inscrit au barreau de Dublin en 4767, il
commença à se faire remarquer par la publication de nom-
breux pamphlets contre l'élection de John Hely Hutchinson
à la prévôté du Trinity Collège. Il obtint de grands succès
d'avocat, fut nommé conseiller du roi en 4784 et avocat
général à la haute cour d'amirauté de Dublin en 4785.
Protestant fervent, il servit avec zèle la cause du gouverne-
ment anglais, et se déclara passionnément en faveur de
l'Union. Aussi fut-il récompensé de ses services par la nomi-
nation de professeur de droit civil au Trinity Collège et
entra-t-il au conseil privé d'Irlande. Il avait été élu membre
de la Chambre des communes d'Irlande en 4790 par Old
Leighlin. Il représenta la cité d'Armagh au premier parle-
ment de Grande-Bretagne et d'Irlande et conserva son siège
jusqu'à sa mort. Il y fit une opposition violente à l'éman-
cipation des catholiques irlandais. R. S.
DUILHAC. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Carcas-
sonne, cant. de Tuchan ; 285 hab.
D U I LH É DE SAiNT-ProjET (Marc-Antoine-Marie-François),
publiciste français, né à Toulouse en 4822. Ordonné prêtre
en 4846, il fut professeur de rhétorique et de philosophie
au séminaire de Toulouse et en 4859 nommé chanoine ho-
noraire. Il devint par la suite professeur d'apologétique et
de patrologie à l'institut catholique de cette ville. Fondateur
(4860) de la Hevue de ran7iée religieuse, politique,
philosophique et littéraire, il dirigea ce recueil jusqu'en
4864, rédigea ensuite la Gazette du Laîiguedoc (4867),
organe clérical et royahste, et se fit beaucoup connaître
par ses conférences et ses fondations. Outre sa collabora-
tion à divers journaux ou revues, on a de lui : Education
théologique de Bossuet (Paris, 4859, in-8); Des Etudes
religieuses en France depuis le xvii® siècle jusqu'à nos
jours (4864, in-8); Apologie scientifique de la foi
'chrétienne (4885, in-42), etc.
DU I LIA (è<??25). Famille plébéienne de l'ancienne Rome,
à laquelle appartient C. Duilius, consul en 494 (260 av.
J.-C), célèbre pour avoir remporté, pendant son consulat,
à Myles, sur la côte N. de la Sicile, la première victoire navale
que les Romains aient remportée sur les Carthaginois. La
reconnaissance des Romains lui vota des honneurs exception-
nels : le soir, quand il rentrait chez lui, il pouvait se faire
précéder d'une torche et d'un joueur de flûte. De plus, on
éleva sur le forum, en souvenir de sa victoire, une colonne
rostrale, c.-à-d. ornée d'éperons de navire. L'inscription
qu'on lisait sur la base a été conservée, sinon dans le texte
original gravé en 260, au moins dans la rédaction nou-
velle qu'on en avait refaite sous le règne de Tibère; elle
est aujourd'hui au musée du Capitule (palais des Conser-
vateurs). G* L.-G.
BiBL. : Sur le texte de la colonne rostrale de Duilius,
V. MoMMSEN, Corpus inscriptionum latinarum, I, 37.
DUIM (Métrol.). Mesure de longueur, employée dans les
Pays-Bas; vaut 0™04.
DUINGT. Com. du dép. de la Haute-Savoie, arr. et
cant. (S.) d'Annecy, sur un promontoire rocheux du lac
d'Annecy; 343 hab. Ruines d'un château ancien remplacé
par un élégant château moderne. Sur un îlot nommé le
Roselet, en avant du château, vestiges de pilotis et d'habi-
tations lacustres.
DUlSANS.Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. et cant.
(N.) d'Arras, sur le Gy; 4,139 hab. Fabr. de sucre. Au
hameau du Pont-du-Gy, vestiges d'un camp romain sur une
éminence dominant la rivière.
DUISBURG. Ville d'Allemagne, royaume de Prusse,
district de Dusseldorf (province rhénane), entre le Rhin et
la Ruhr ; 47,549 hab. (en 4885). La ville doit sa rapide
prospérité à l'industrie. Elle n'avait encore, en 4846, que
4,500 hab. Ses principales industries sont la métallurgie
du fer et les produits chimiques qui ont une grande impor-
tance. C'est une vieille ville , Castrum Deutonis ^ des
Romains, Dispargum des rois francs. Clovis y résida ;
Charlemagne la fortifia. Au xii® siècle, elle devint ville
impériale, entra dans la ligue rhénane (4255), dans la
Hanse ; mais, en 4290, Rodolphe l^^ l'engagea à Thierry
de Clèves et elle perdit son imm.édiateté. Souvent des diètes
impériales, des assemblées ecclésiastiques ou laïques s'y
réunirent. Elle passa au Brandebourg, dont l'électeur Fré-
déric-Guillaume y fonda une université (4655) abolie en
4802. Elle possède encore une église du xv^ siècle.
DU ITAGE. Terme qui désigne la manière dont les duites
se succèdent dans un tissu ou leur degré de rapprochement.
DUITE. Nom donné, dans l'industrie du tissage, aux pas-
sades de la trame à travers la chaîne d'un tissu (V. Corde).
"^DUIVELAND. Ile de Hollande, prov. de Zélande, sé-
parée de Schouwen (V. ce nom) par le Dykwasser et le
havre de Zeritzee.
— 27 —
DUJARDIN — DUKAS
DUJARDIN (Karel), peintre et graveur, né à Amsterdam
en i 635, mort à Venise le 20 nov. 1678. Elève de Berghem,
il appartient à la série des peintres hollandais qui formaient
à Rome au xv!!*^ siècle une colonie d'artistes plus séduits
par ritalie elle-même que par l'art italien. L'existence de
Karel Dujardin paraît avoir été accidentée; après avoir
mené joyeuse vie à Rome, il se décida à revenir à xAmster-
dam et épousa, à son passage à Lyon, une veuve laide et
vieille, mais riche, dont la fortune devait le mettre à même
de désintéresser ses créanciers. Une fois de retour dans sa
patrie, fatigué bientôt de sa femme et de la vie d'intérieur,
il partit un beau jour pour le port de Texel, sous le pré-
texte d'accompagner un ami qui s'y embarquait, et ne s'ar-
rêta qu'à Livourne d'où il passa à Rome puis à Venise, où
il mourut. Le tableau le plus important de Karel Dujardin
se trouve à Anvers; il représente les portraits des Cinq
Régents de l'hospice d'Anvers (1665). Le musée du Louvre
possède de lui un Calvaire et les fameux Charlatans
achetés 18,000 livres par M. d'Angiviller en 1783. Les
eaux-fortes du peintre sont au nombre de cinquante-deux,
représentant des Animaux et des Paysages exécutés avec
beaucoup de franchise et une très grande habileté de main ;
sa première Suite d' animaux ^dsiiée de 1652, est véritable-
ment extraordinaire, si Ton songe surtout qu'elle est l'œuvre
d'un jeune homme de dix-sept ans. F. Courboin.
BiBL. : Bartsch, le Peintre-Graveur, I, p. 161. — Ch.
Blanc, Histoire des peintres.
DUJARDIN (Bénigne), littérateur français du xviii^ siè-
cle, plus connu sous son pseudonyme de Boispréaux*
Maître des requêtes au conseil d'Etat (1722-1738). On
peut citer de lui : Anti- Feuilles ou Lettres à M^^ de X...
sur quelques jugements portés dayis l'Année littéraire
de Fréron, en collaboration avec Sellius et le chevalier de
La Morlière (Paris, 1734, m-i'i); Histoire de Nicolas
Rienzi (1743, in-12); le Mariage de la Raison avec
r Esprit, comédie en vers libres (1754, in-8); la Double
Beaiité, romdLïi en collaboration avec Sellius (1754, in-12);
la Vie de P. Arétin (La Haye, 1750, pet. in-12); His-
toire générale des Provinces-Vnies, avec Sellius (Paris,
1757-1770, 8 vol. in-4); des traductions des Satires de
Pétrone (1742), de celles de Rabener (1754), etc.
DUJARDIN (Charles- Antoine) , homme politique français ,
né à Chalon-sur-Saône le 20 oct. 1761, mort à Dijon le
25 déc. 1825. Avocat à Chalon, il devint en 1792 accusa-
teur public près le tribunal criminel de Saône-et-Loire, fut
élu, le 25 vendémiaire an IV, député de ce département au
conseil des Cinq-Cents, où il traita avec beaucoup de com-
pétence les questions de droit civil et de jurisprudence, et
fut nommé le 10 prairial an VIII premier juge au tribunal
criminel de Dijon. Promu procureur général en 1808 et
substitut au parquet de Dijon en 1811, il reçut de la Res-
tauration sa promotion de conseiller à la cour royale
(15 juil. 1818). On a de lui : Poésie sacrée pour la célé-
bration de l'office divin et des saints mystères (Dijon,
1823, in-12); Poésie sacrée pour la célébration des
saints mystères et des fêtes de la Vierge (1824, in-12).
DUJARDIN (Féhx), naturaliste français, né à Tours le
5 avr. 1801, mort à Rennes le 8 avr. 1862. De 1827 à
1834, il fit à Tours des cours publics de géométrie et de
chimie appliquée aux arts, publia dans cet intervalle des
travaux sur la géologie et une Flore d' Indre-et-Loire
(1833), puis vint à Paris en 1834. Il fut nommé en 1839
professeur de minéralogie et de géologie à la Faculté des
sciences de Toulouse, et lors de la création de la Faculté de
Rennes y accepta la chaire de zoologie. Dans de fréquents
voyages sur les bords de la mer, Dujardin étudia particu-
lièrement les infusoires, et par là fut amené à étudier le
tissu primordial des animaux qu'il nomma sarcode. Citons
de lui : Histoire naturelle des Infusoires (Paris, 1841,
in-8) ; Histoire naturelle des Helminthes (Paris, 1844,
in-8) ; Manuel de l'observation au microscope (Paris,
1843, in-8, avec atlas) ; Promenades d'un natura-
liste (Paris, 1837, in-8), etc. D^L. Hn.
DUJARDIN (Louis), graveur sur bois, né à Rome le
23 janv. 1808, mort à Paris en 1859. Elève de H. Bré-
vière. Ses principales gravures sont : la Vierge à la cerise^
d'après Vander-Werff ; la Nature, d'après Lawrence ; les
Vendanges, d'après Prudhon ; le Plaisir des Jardins,
d'après Mignard, etc. lia collaboré à l'Histoire des pein-
tres, de Ch. Blanc. F. Courboin.
DUJARDIN-Beaumetz (George-Saintfort), médecin fran-
çais contemporain, né à Barcelone le 27 nov. 1833. In-
terne des hôpitaux de Paris en 1858, docteur en médecine
en 1862, chef de clinique de la Faculté en 1865, médecin
des hôpitaux en 1870, M. Dujardin-Beaumetz s'est occupé
surtout de thérapeutique et il a étudié avec beaucoup de
soin l'action des nouveaux médicaments si nombreux depuis
quelques années. Ses conférences dans les hôpitaux ont été
réunies sous le titre suivant : Leçons de clinique théra-
peutique dont la sixième édition est de 1891 (3 vol.) ou-
vrage traduit en plusieurs langues ; Dictionnaire de thé-
rapeutique, de matière médicale, de pharmacologie,
de toxicologie et des eaux minérales (1883-88, 4 vol.) ;
l'Hygiène alimentaire (1889, 2^ éd.); Formulaire
pratique de thérapeutique et de pharmacologie (en col-
laboration avec M. Yvon, ¥ édit., 1891); les Nouvelles
Médications (1'^ série, 1891, 4® éd.); V Hygiène thé-
rapeutique : gymnastique, massage, hydrothérapie, clima-
tothérapie (1890, 2^ édit.); les Plantes médicinales
exotiques et indigènes (en collaboration avec M. Egasse,
1888); l'Hygiène prophylactique (1889). Nous citerons
encore les Recherches expérimentales sur la puissance
toxique des alcools, en collaboration avec M. Audigé
(1879). M. Dujardin-Beaumetz fait partie de l'Académie
de médecine depuis 1880. Il a pris la direction du Bulletin
général de thérapeutique dès 1878. D"^ A. Dureau.
DUJARDINIA (ZooL). Genre d'Annélides Chœtopodes
Polychsetes, créé par de Quatrefages. Ce genre doit se
confondre avec le genre Nerilla 0. Schmidt (V. ce mot).
DU JON (François), mieux connu sous son nom lati-
nisé Junius, théologien réformé, né à Bourges en 1545 ,
mort à Leyde en 1602. Après avoir exercé des fonctions
pastorales dans diverses villes des Pays-Bas et de la vallée
allemande du Rhin, de même que dans le camp du prince
d'Orange durant la malheureuse campagne de 1568, Du
Jon fut chargé de collaborer avec Tremellius (V. ce nom) à
la traduction latine de la Bible à Heidelberg. En 1592, le
duc de Bouillon le rappela en France, où Henri II lui confia
une mission diplomatique en Allemagne. A son retour, il
accepta une chaire de théologie à Leyde et l'occupa avec éclat
jusqu'à sa mort. Ses œuvres forment 2 vol. in-foho, publiés
à Genève en 1607 et de nouveau en 1613. Une autobiogra-
phie en tête du premier volume est intéressante pour l'étude
des mœurs à la fin du xvi^ siècle. F.-H. K.
BiBL. : Fr.-W. Cuno, Franc. Junius... sein Leben und
Wirken, seine Schrift. und Briefe...', Amsterdam, 1890,
in-8.
DU KA (Théodore), écrivain hongrois contemporain, né
à Dukafalva le 25 juin 1825. Il prit part à la révolution
hongroise de 1848 et se réfugia en Angleterre. Il devint
médecin militaire et fut envoyé aux Indes. Il prit sa retraite
en 1877. Il a publié en 1885 Li/*!? andworks of Alexandre
Csoma de Kœrœs et des mémoires dans le Journal of
the Royal Asiatic Society.
DUKASouDUCAS. Grande famille byzantine qui a fourni
plusieurs souverains à l'empire d'Orient. Les panégyristes des
Dukas rattachaient cette famille aux origines mêmes de l'état
byzantin et la faisaient descendre d'un duc de Constantinople,
proche parent de Constantin le Grand ; d'autres historiens
racontaient qu'elle devait à des ducs d'Orient sa naissance
et son nom. Quoi qu'il en soit, les Dukas apparaissent dans
l'histoire vers le milieu du ix^ siècle avec Andronic qui, sous
le règne de Michel III, fut chargé de convertir les Pauli-
ciens et les souleva par sa dureté ; et dès le x^ siècle la
renommée de la famille était assez grande pour que l'épopée
populaire choisît chez elle quelques-uns de ses héros fa-
DURAS — DURES
— 28
voris ; le paladin Digénis Akritas n'est autre que le domes-
tique des scholes Pantherios, un neveu de l'usurpateur
Constantin Dukas. Aussi bien les merveilleuses aventures
qu'avait eues sous le règne de Léon VI un autre Andronic
Dukas, réfugié chez les Turcs et converti à l'islamisme, la
faveur qu'avait marquée le même empereur au fils d' An-
dronic, Constantin, justifiaient assez la réputation de cette
grande famille: et Constantin put en 912 aspirer à l'em-
pire (V. Constantin Ducas). L'échec de sa tentative
amena la ruine des Dukas, dont plusieurs furent exécutés,
d'autres envoyés en exil; et ce n'est qu'à la fin du x^ siècle
qu'une branche nouvelle, descendant peut-être par les
femmes seulement de l'antique maison des Dukas, réap-
paraît dans l'histoire. Un Andronic Dukas se compromet
dans la rébellion de Bardas Scleros (976) ; mais ses des-
cendants sont plus heureux que lui : Constantin XII Dukas
arrive à l'empire (1059-1067) (V. Constantin Xll). Mi-
chel YII Parapinace, son fils, règne de 1071 à 1078, et le
fils de Michel, Constantin, est associé à Alexis Comnène
(V. Constantin Ducas). Le frèi^e de l'empereur Constan-
tin XIÏ, le césar Jean Dukas, ne joue pas un moindre rôle
dans la seconde moitié du xi« siècle. Implacable adversaire
de Romain Diogène, puis régent pour Michel VII, lui-même
prétendant malheureux à l'empire, il remplit de ses intrigues
la cour byzantine : et s'il échoue dans ses tentatives ambi-
tieuses, du moins les enfants de son fils Andronic parvien-
dront aux plus brillantes destinées; Anne Dukas épouse un
Paléologue, et Irène Dukas, par son mariage avec Alexis P"^
Comnène, confond sur le trône les droits impériaux des
deux maisons. Unie à ce que Byzance comptait de plus
illustre, aux Anges, aux Comnènes, aux Dalassènes, aux
Paléologues, aux Vatatzès, la famille des Dukas occupa
durant tout le xii*' siècle une place considérable dans l'Etat;
ses membres, que des mariages fréquents allient à la maison
impériale, remplissent les plus hautes charges ; et c'est un
Dukas, Alexis V Murzuphle, qui soutient, en 1204, la lutte
suprême contre les croisés latins (V. Alexis V). Dans la
dissolution de l'empire grec, les différents princes qui se
taillent une souveraineté parmi les débris des provinces
byzantines, les despotes d'Epire, les empereurs de Nicée
comme Jean Dukas Vatatzès, plus tard les sébastocratores
de Mégalovlaquie s'enorgueillissent d'ajouter à leur nom
patronymique celui des Dukas. Au xiv^ siècle encore, un
Dukas joue un grand rôle dans les luttes entre Jean Can-
tacuzène et Jean V Paléologue ; et c'est de ce personnage
que descend l'historien Dukas, qui a raconté les événements
de l'histoire byzantine de 1389 à 1462 et dont le récit est
si précieux pour les luttes suprêmes des Grecs contre les
Ottomans (V. ci-dessous). Ch. Diehl.
BiBL. : Ducange, Famiiise byzantinœ, p. 134 et suiv.
DUKAS (Jean), historien grec du xv^ siècle. Il était le
petit-fils de Michel Dukas, qui vivait sous l'empereur de
Constantinople, Jean P^ Paléologue, et descendait de la
famille impériale des Dukas. Après la prise de Constan-
tinople par Mahomet II, en 1453, il se réfugia auprès du
seigneur de Lesbos, Dorino Gateluzzi, qui le prit à son
service et lui confia diverses missions diplomatiques. Il
resta à Lesbos jusqu'en 1462, époque où Mahomet II
s'empara de l'île, qui fut dès lors rattachée à l'empire
turc. Le reste de la vie de Dukas est inconnu. Il semble
toutefois qu'il se soit retiré en Italie où il dut écrire son
Histoire byzantine. Cette histoire, divisée en quarante-
cinq chapitres, débute par une chronique universelle très
abrégée. A partir du règne de Jean P*" Paléologue, elle
devient beaucoup plus détaillée, et ne traite plus guère
alors que de l'empire grec et des îles de l'Archipel. Le
manuscrit de Paris, qui nous l'a conservée, s'arrête brus-
quement en 1462, au milieu d'une phrase, dans le récit
de la prise de Lesbos par les Turcs. VHistoire byzan-
tine de Dukas est très incorrecte au point de vue de la
forme, mais de la plus haute importance pour les rensei-
gnements qu'on y trouve sur les quatre derniers empereurs
grecs et sur la prise de Constantinople par Mahomet IL
C'est l'oeuvre d'un écrivain sagace, judicieux et d'une grande
impartialité. Elle a été publiée pour la première fois par
Ismaël Boulliaud sous le titre : Historia byzantina a
Johanne Palœologo I ad Mehemetumll. Accessit Chro-
nicon brève (Paris, 1649, in-foL), avec une version latine
et des notes. Le Chronicon brève qui l'accompagne dans
cette édition va jusqu'en 1523. Une nouvelle édition, plus
correcte et accompagnée également d'une version latine, a
été donnée par Em. Bekker dans la Collection byzantine
de Bonn : Bucœ, Michaelis Ducœ nepotis, historia by-
zantina... (Bonn, 1834, in-8). Bekker a fait suivre son
édition d'une traduction italienne du texte grec, trouvée par
Léop. Banke dans.un manuscrit de Venise du xv« siècle,
plus complet que le manuscrit grec. Il existe une traduction
française de Dukas dans VHistoire de Constantinople,
depuis le règne de l'ancien Justin jusqu'à la fin de
rempire par le président Cousin (Paris, 1672, 8 vol.
in-4 ; Amsterdam, 1684, 8 et 10 vol. in-8). C. Rohler.
BiBL. : Fabricius, Blbl. grseca, l'-- éd., t. VI, p. 543 ;
2« éd t VIII, p. 33. — OuDiN, De Scriptoribus Ecclesiœ
antiquis; LeipziL^ 1722, t. III, 2604-6. - Struve, Biblioth.
histor , t. V, I, pp. 275-6. — Cave, Scriptorum ecclesiast.
historia litter. ; Oxford, 1743, II, ii, p. 169.
DUKE (Richard), poète et théologien anglais, né vers
1659, mort le 10 févr. 1711. Duke est l'auteur de plu-
sieurs pièces de circonstance qui ont été réunies sous ce
titre : Poems upon several occasions (1717). Outre ces
pièces, on lui en attribue un certain nombre d'autres,
notamment A Panegyrick upon Dates (1679) et Funeral
Tears upon the deathof captain miliam Bedloe. On
lui doit, en plus, des traductions de passages d'Ovide,
Horace, Théocrite, et quelques poèmes latins originaux. Il
fut l'ami et parfois le collaborateur de Dryden. Peu de temps
avant l'avènement au trône de Jacques II, il entra dans la
carrière ecclésiastique. Comme théologien, il est connu par
quelques sermons publiés après sa mort (1714). G. Q.
BiBL. : Leslie Stephen, Diciionary of national biogra-
phy; Londres, 1888.
bUKE-OF-YORK (Iles) (V. Duc-d'York).
DUKER (Charles-André), jurisconsulte et érudit alle-
mand, né à Unna (Westphalie) en 1670, mort à Meyderic,
près de Duisbourg, le 5 nov. 1752. Après avoir suivi à
Franeker les leçons du savant Perizonius et pris le grade
de docteur, il fut, en 1700, professeur d'histoire et d'élo-
quence au gymnase de Herborn, puis, en 1704, sous-rec-
teur à l'école de La Haye. Il se fit connaître par une lettre
sur le fleuve Oaxès insérée dans deux éditions de Vibius
Sequester, celle d'Hesselius (Botterdam, 1711, pet. in-8)
et celle d'Oberlin (Strasbourg, 1778, in-8). En 1711,
Duker publiait un recueil d'opuscules de jurisconsultes an-
ciens avec des commentaires et des notes, sous le titre de
Opuscula varia de latinitate jurisconsultorum vête-
rum (1711, 2® éd., 1761). Son maître, Perizonius,
l'avait chargé de compléter un travail qu'il avait commencé
sur Pomponius Mêla ; diverses circonstances l'en empê-
chèrent et il fit simplement imprimer le manuscrit dans les
Miscellaneœ Observationes criticœ (Amsterdam, 1736,
t. VII, et 1737, t. VIII). En 1716, Duker, ainsi que Dra-
kenborch, succédaient à Burmann dans la chaire d'histoire
et d'éloquence à Utrecht ; Duker y resta jusqu'en 1734,
époque à laquelle il se retira de l'enseignement. Il avait
publié aussi une édition de Florus (Leyde, 1722 et 1744) ;
une édition de Thucydide (Amsterdam, 1731,in-fol., et
1744); des remarques sur le Tite-Live de Drakenborch
(Leyde, 1738); sur le Servius de Burmann; sur le Vir-
gile du même (Amsterdam, 1716) ; sur le Suétone d'Ou-
dendorp (Leyde, 1751); sur l'^ni-^op/ian^deBurgmann-
Bergler (Leyde, 1760); enfin, sur les Leges Atticœ de
Petit (Leyde, 1742). G. B.
DUKES (Leopold), écrivain allemand, né à Presbourg.
Il a publié un grand nombre d'écrits et d'extraits de ma-
nuscrits relatifs à la littérature juive, notamment : Raschi
zum Pentateuque (Prague, 1833-38, 5 vol.) ; ZurKennt-
niss der neuhebraisch religiœsen Poésie (Francfort,
— 29 -
DUKES — DU LAURENS
4842); Rabbinische Blwmenlese (Leipzig, 1844); Zur
rabbinischen Spruchkunde (Vienne, 1858), etc.
DUKETOWN (précédemment New-Town). Comptoir an-
glais de la Guinée, au N. de Testuaire de la rivière Cross ou
Oyono, une des Oil-Rivers ou Rivières d'huile de cette
côte, fait partie de l'ensemble des bourgades désignées
sous le nom de Vieux-Calabar. Commerce très actif d'huiles
et d'amandes de palme ; région très malsaine à cause des
marais. La population européenne y vit à bord de hidks
ou pontons, groupés en ville flottante. Ces hulks servent
d'entrepôt et de résidence habituelle ; c'est un des traits
originaux de cette vie de commerçants palustres .
DUKINFIELD. Ville d'Angleterre, comté de Chester, en
face d'Ashton-on-the-Lyne ; 16,943 hab. Cotonnades,
fonderies, etc.
DU LAU (Jean-Marie), archevêque d'Arles, né en 1738
au château de la Cote, près de Périgueux, mort le 2 sept.
1792. 11 fut archevêque d'Arles dès 1775. Député du clergé
à l'Assemblée constituante, il s'opposa à toutes les mesures
qui tendaient à réformer l'ancien régime; non seulement il
refusa le serment requis par la constitution civile du clergé,
mais il écrivit et fit publier une Adresse au roi au sujet
du décret du W mai i792 prononçant la déportation
contre les prêtres non assermentés (Paris, 1792, in-8).
Arrêté après le 10 août, il fut tué dans le couvent des
Carmes. OEavres complètes (Arles, 1817, 2 vol. in-8).
DU LAU RE (Jacques-Antoine), historien et homme poli-
tique français, né à Clermont-Ferrand le 3 déc. 1755, mort
à Paris le 19 août 1835. Elève feudiste, il prit dans les
archives seigneuriales de l'Auvergne le goût de l'érudition.
Il alla se fixer à Paris en 1779, étudia dans l'atelier de
l'architecte Rondelet, puis devint ingénieur de la compagnie
chargée du projet de canal entre Bayonne et Bordeaux. Il
inventa le pantographe et reçut les félicitations de l'Aca-
démie des sciences. En 1 784, il publia un guide du voyageur
à Paris, sous le titre de Nouvelle Description des curio-
sités de Paris (in-12) ; puis Description des environs
de Paris (1786, in-12), et Description des principaux
lieux de France (1788-1790, 6 vol. in-12). Très épris
des idées nouvelles, il fit, en 1788, une satire de l'ancien
régime intitulée Singularités historiques^ pour laquelle
il fut inquiété et dut se cacher. Bientôt il imprime pam-
phlet sur pamphlet, notamment Histoire critique de la
noblesse (1790, in-8) et Liste des noms des ci-devant
nobles (1791, in-8). Il fut aussi un des journalistes féconds
de la Révolution. Du 19avr. au 20 juil. 1790, il rédigea
les Evangélistes du jour, gazette dirigée contre les au-
teurs des Actes des Apôtres. Il collabora au Courrier
français. Il fit paraître, du 11 août 1791 au 25 août
1793, le Thermomètre du jour. Il fit partie du club des
Cordeliers au début, puis des Jacobins. Député du Puy-de-
Dôme à la Convention, il y siégea avec les Girondins, tout
en affectant une grande indépendance. Il n'était pas orateur
et son rôle fut insignifiant. Il vota la mort de Louis XVI.
Le 12 juin 1793, il publia dans son journal une lettre
justificative de M"^"^ Roland et osa prendre la défense de la
prisonnière ainsi que des proscrits du 2 juin. Décrété d'ac-
cusation avec les 74, il passa en Suisse où il mena une
vie errante et misérable, et fut rappelé à la Convention le
1 8 frimaire an III. Le 20 janv. suivant, il eut une mission
dans la Corrèze et la Dordogne, où il fut un des agents de
la politique thermidorienne. Député au conseil des Cinq-
Cents, il resta fidèle à la République, s'opposa à Bonaparte
et, dans la séance du 18 hrumaire, cria : A bas le dicta-
teur ! Hors la loi ! Sous l'Empire, il se réfugia dans la
vie privée et n'accepta que sur les instances de ses amis,
vers 1806, un modeste emploi de sous-chef de bureau dans
l'administration de François de Neufchàteau. Ami de
Dupuis, il s'occupa aussi d'étudier, mais avec d'autres
idées, l'origine des cultes et publia sur ce sujet : Des
Cultes qui ont précédé et amené l'idolâtrie (1 805, in-8) ;
Du Culte du Phallus et des divinités génératrices
(1805, in-8) ; Histoire abrégée de tous les cultes (1825,
in-8) ; il y exprimait les doctrines déistes de son maître
J.-J. Rousseau. Pendant les Cent-Jours, il fit paraître un
pamphlet contre les Bourbons, Causes secrètes des excès
de la Révolution (1815, in-8). N'ayant pas accepté de
fonctions pendant les Cent-Jours, il ne fut pas compris dans
la proscription de 1816 contre les régicides. Il composa
alors son livre le plus populaire. Histoire physique, civile
et morale de Paris (1821-1822, 7 vol. in-8). Puis il
publia, en collaboration avec Auguis, les Esquisses his-
toriques des principaux événements de la Révolution
(1823-1825, 4 vol. in-8), dont la seconde édition (1825-
1829, 6 vol. in-8) renferme des interpolations contre
lesquelles il protesta. Il jouit, dans ses dernières années,
d'un repos bien gagné et d'une sorte de gloire. Il mourut
en philosophe. On a encore de lui : Physionomie de la
Convention nationale (1793, in-8); Supplément aux
crimes des anciens comités de gouvernement (an III,
in-8), et une foule d'opuscules. F.-A. A.
BiBL. : Marcellin Boudet, les Conventionnels d'Au-
vergne^ Dulaure; Paris et Clermont-Ferrand, 1874, in-8.
DU LAURENS (André), célèbre médecin et anatomiste
français, né àTarascon le 9 déc. 1558, mort à Paris le
16 août 1609. Il étudia à Avignon et à Montpellier, et fut
nommé professeur à cette dernière université en 1583. La
duchesse d'Uzès le prit pour son médecin et le présenta à
Henri IV qui, par la suite, le nomma son médecin ordinaire
(1594), puis son premier médecin (1606). André du Lau-
rens était seigneur de Ferrièies. Ses ouvrages écrits avec
une grande élévation de pensée sont : Historia afiatomica
humani corporis, etc., qui eut un grand nombre d'édi-
tions et a été traduit en français (1639, in-fol.) ; De
Crisibus (Francfort, 1596, in-8, etc.) ; De Mirabili stru-
mas sanandi vi regibus Galliarum... concessa (Paris,
1609, in-8) ; Discours de la conservation et de l'excel-
lence delà vue (Paris, 1597, in-8), etc. D»* L. Hn.
DU LAURENS (Henri-Joseph Laurens, dit), littérateur
français, né à Douai le 27 mars 1719, mort près de
Mayence en 1797. Fils d'un chirurgien-major au régiment
de La Roche-Guyon, il fit ses études au collège d'Ànchin
dirigé par les jésuites, entra dès l'âge de seize ans chez
les trinitaires, et fut reçu comme chanoine régulier le
12 nov. 1737. Son esprit caustique et hargneux lui suscita
diverses querelles avec ses anciens maîtres et lui valut de
fréquentes pénitences infligées par ses supérieurs. La plus
singulière et la plus longue fut une détention de plusieurs
mois dans une sorte de cage de bois suspendue au-dessus
du sol et où, malgré la privation de plumes et de crayons.
Du Laurens parvint à tracer sur les ais de hois avec une
pointe de fer toutes sortes d'épigrammes et de quolibets.
Il s'était déjà fait connaître de ses compatriotes par plu-
sieurs opuscules devenus fort rares, tels que la Vraie Ori-
gine du géant de Douai en vers français^ suivie d'un
discours sur la beauté où Von fait mention des belles
decette ville (s.l. n. d., in-8); Eloge historique de mes-
sire Jérôme Pantiniano , grand aumônier et membre
honoraire de la Fontange (s. 1. n. d., in-12, 30 p.),
satire en prose et en vers contre une de ces associations
littéraires comme il en existait beaucoup ; la Thérésiade
ou le Charivari de saint Thomas, poème héroï-co-
mique en cinq chants (s. 1. n. d., in-8, 38 p.). Ses dé-
marches pour obtenir sa translation dans l'ordre de Cluny
ayant échoué, il vint protester à Paris contre ce qu'il ap-
pelait un déni de justice, ne fut pas mieux accueilli et
chercha vainement un emploi qui le tirât de la misère. Les
Jésuitiques (Rome [Paris], 1761, in-8), satires composées
avec Groubentall de Linières contre l'ordre fameux sup-
primé par arrêt du conseil, furent saisies ; Du Laurens put
gagner la Hollande, mais son collaborateur subit trois
mois de détention à la Bastille. Tour à tour réfugié à
Amsterdam, à Liège et à Francfort et réduit parfois aux
plus dures extrémités, Du Laurens donna carrière à sa
verve dans le Balai, poème héroï-comique en dix-huit
chants (1762, in-8) ; l'Arétin ou la Débauche de l'es-
DU LAURENS — DULCITE
- 30 -
prit en fait de bon sens (1763, 2 parties m-12) ; la
Chandelle d'Arras, poème héroï-comique en dix-sept
chants (1765, in-8) ; Imirce ou la Fille de la nature
(1765, in-12) ; le Compère Mathieu ou les Bigarrures
de V esprit humain (1766, 3 vol. in-8), roman impie et
licencieux, très souvent réimprimé au siècle dernier et de
nos jours et plusieurs fois condamné par les tribunaux ;
les Abus dans les cérémonies et dans les mœurs déve-
loppés (1767, in-12) ; Je suis pucelle, histoire véritable
(1767, in-12). Par sentence du 30 août 1767 de la
chambre ecclésiastique de Mayence, Du Laurens fut con-
damné à une prison perpétuelle comme auteur d'ouvrages
antireligieux ; ^enfermé dans une maison de refuge et de
correction destinée aux prêtres et appelée Marienbaum, il
y passa les vingt dernières années de sa vie. Aux œuvres
citées plus haut, les anciens bibliographes ont parfois
ajouté des livres qui n'ont jamais appartenu à l'auteur, tels,
par exemple, que la Théologie portative de d'Holbach,
et Voltaire, à qui Ton avait attribué sans raison le Com-
père Mathieu, s'est servi du nom de Du Laurens pour
publier sa Relation du bannissement des jésuites de
la Chine (1768). M. Tx.
BiBL. : Groubentall de Linières, Notice en tête cl une
réimpression de ^a Chandelle d'Arras^ 1807, in-12. —
J Delort, Histoire de la détentiori des philosophes et des
nens de lettres à la Bastille et à Vincemies, 1829, 3 vol.
in-8 — DuTHiLLŒUL, Galerie douaisienne ; Douai, 1844,
in.8 — E. et J. DE Goncourt, Portraits intimes du
xviii« siècle. — F. Drujon, Catalogue des ouvrages con-
damnés, 1879, in-8. .
DU LAU RI ER (Jean-Paul-Louis-François-Edouard), orien-
taliste français, né à Toulouse en 1807, mort à Meudon
en 1881. Il étudia d'abord le copte et les hiéroglyphes et
fut chargé, en 1838, par M. de Salvandy, ministre de
l'instruction publique, d'aller étudier en Angleterre les
textes coptes et hiéroglyphiques. Il se mit ensuite à l'étude
des langues océaniennes et fut nommé, en 1844, profes-
seur de malais et de javanais à l'Ecole des langues orien-
tales. Il apprit ensuite l'arabe, l'arménien, le slavon et,
en 1855, il fut chargé de dresser le catalogue des manus-
crits de la Bibliothèque impériale rédigés en ces diverses
langues. En 1862, il fut nommé professeur d'arménien à
l'Ecole des langues orientales et, en 1864, membre de
l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Ses prin-
cipaux ouvrages sont : Examen d'un passage des
Stromates de saint Clément d' Alexandrie, relatif aux
écritures égyptiennes (Paris, 1833); Fragment des
relations apocryphes de saint Barthélémy traduit sur
les textes coptes thébains (1835) ; Mémoires, lettres et
rapports sur les cours de langue malaise et javanaise
(1843); Institutions maritimes de V archipel d'Asie,
texte et traduction (1845) ; Examen de quelques points
des doctrines hiéroglyphiques de J.-F. Champollion
(1847); Récit de la première croisade extrait de la
chronique de Mathieu d'Edesse et traduit de l'armé-
nien (1850); Histoire, dogmes, traditions et liturgie
de l'Eglise arménienne orientale (1859, 3« éd.); His-
toriens arméniens des croisades (Paris, 1869, in-foL),
seul paru ; Recherches sur la chronologie arménienne.
DU LÇAT (Antoine-Etienne-Sébastien de), diplomate fran-
çais, né à Perpignan le 9 févr. 1823, mort à Quito le
13 juin 1872. Entré aux affaires étrangères comme atta-
ché au cabinet le 15 août 1849, M. de Dulçat avait été
détaché à la commission de délimitation des Pyrénées le
19 déc. 1854 et nommé troisième secrétaire (30 août
1856) quand il fut envoyé comme deuxième secrétaire à
Paranâ le 17 août 1857. Il était à Hanovre en 1864 et fut
nommé, le 23 mars 1868, consul général et chargé d'af-
faires à Quito où il mourut. L. F.
DULCE (Baie) (V. Costa-Rica).
DULCE. Lac situé à l'E. du Guatemala, divisé en deux
parties : le petit golfe et la lagune d'Izabal ; il communique
avec le golie de Honduras par le rio Dulce ou Angostura.
DU LC H EN US (V. Dolichenius).
DULCIANO (Mus.) (V. Dolciane).
DULCIBUS (Giovannino dei) (V. Dolce).
DU LCI DIO, prélat espagnol du ix^ siècle. Il était prêtre
à Tolède, quand il fut envoyé par Alphonse III en 883
auprès de Aboii-Ali qui venait de faire une heureuse razzia
sur les terres des chrétiens. A Cordoue, Dulcidio obtint
une paix honorable et même on lui restitua les corps des
martyrs cordouans, Euloge et Leocritie, dont il fit trans-
porter les reliques àOviedo. Il fut appelé plus tard àl'évêché
de Salamanque. Pellicer lui attribue une chronique latine
anonyme, dont il y a plusieurs manuscrits et l'a pubHée
sous le titre : Chronica de Espana de Dulcidio, presby-
tero de Toledo, obispo de Salamanca y embaxador del
serenisimo rey D. Alfonso et magno, tercero deste
nombre, al califo de Côrdova el ano 883, con las ob-
servaciones deD. JoséPellizer de Osau y de To^r (Bar-
celone, 1663, in-4). Antonio, dans Hispania vêtus (t. l,
pp. 496 et suiv.) explique longuement que cette chronique,
d'ailleurs curieuse, n'est probablement pas l'œuvre de Dul-
cidio lui-même, mais bien d'un de ses contemporains. E. Cat.
DULCIFICATION (Métall.). Premier affinage qu'on fait
quelquefois subir au plomb avant de passer au pattinso-
nage (V. Plomb).
bULClGNO. Localité de la côte d'Albanie, à 30 kil. de
Scutari; 7,000 hab. environ. C'est à son port médiocre
qu'aboutit la route de Scutari. Elle a été cédée au Monténégro
en échange d'une partie des territoires que lui avait attri-
bués le traité de Berlin, et a été occupée par les Monténégrins
à la suite d'une démonstration navale des flottes européennes
(V.Albanie). C'est le port d'Antivari. L. Del.
DULCIMER (V. Tympanon).
DULCIN ou do LCI no (V. Apostoliques [Frères]).
DULCITE (Chim.).
^'™- I Atom CW^O^.
Syn. : Mélampyrite. Evonymite.
La dulcite est un alcool hexatomique, isomérique avec la
mannite, l'isodulcite et la perséite. Elle a été trouvée par
Laurent dans la manne de Madagascar ; Berthelot en a dé-
terminé la fonction chimique et G. Bouchardat a démontré
que son histoire chimique est calquée sur celle de la man-
nite. On la prépare en épuisant par l'eau bouillante la
manne de Madagascar; elle cristallise par le refroidissement.
On peut aussi traiter par l'amalgame de sodium un soluté
de galactose ou de sucre de lait, principe qui fixe une mo-
lécule d'hydrogène (B.).
Ci2Hi20i^ + H^r=C^W^0i^
La dulcite cristalHse en prismes assez volumineux, durs,
brillants, appartenant au système du prisme rhomboïdal
oblique; elle est incolore, inodore, à saveur faiblement
sucrée, dépourvue du pouvoir rotatoire ; sa densité est de
1,66 à 15o. L'eau à la température ordinaire n'en prend
guère que 3 ^jo, mais elle est beaucoup plus soluble dans
l'eau bouillante, tandis que l'alcool pur n'en prend presque
pas. Elle fond à 188° et se sublime lorsqu'on la chauffe
avec précaution, à la manière de la mannite. Vers 250°,
elle perd de l'eau et se transforme en dulcitane, C^^H^^O*^,
corps isomère avec la mannitane; au-dessus de cette tem-
pérature, elle s'altère profondément et laisse comme résidu
un produit charbonneux. L'acide nitrique l'oxyde avec for-
mation d'acide mucique et production d'une petite quantité
d'acide racémique. Avec le permanganate de potassium en
solution neutre, elle fournit une matière sucrée, inactive,
qui jouit de la propriété des glucoses (Fudakowski). Chauffée
avec de l'acide nitrique, elle engendre beaucoup d'acide
oxalique (Lorin). Sous l'influence des Schizomycètes, elle
fermente, donne de l'alcool, de l'acide butyrique et un acide
non volatil (Fitz). Ed. Bourgoin.
BiBL. : BÉCHAMP, Comptes rendus, t. LI, 255.— Berthe-
lot, Ann. Ch. et Phys., t. IV, 348 (3) ; t. LIV, 78. — A. Bou-
chardat, Soc. Ch., t. XV, 21; t. XVI, 41; t. XVII, 184. -
Carlet, Comptes rendus, t. XLI, 137. — Fitz, Fermenta-
tions par les Schizomycètes dans Soc. Ch.., t. XXIX, 472;
t. XXXIII, 188 ; t. XXX VIII, 584 ; t. XLIII, 393 ; t. XL, 308. —
FuDOKOwsKi, Soc.c/i.,t.XXVI, 285,453.- Laurent, Comptes
rendus,t. XXX, 41,339. — Lorin, Soc. ch., t. XXVIL 548.
— 3i —
DULE — DULLER
DU LE (ïchtyol.). Genre de Poissons osseux {Téléos-
Uens), de l'ordre des Acanthoptérygiens perd for mes
et de la famille des Percidce, ayant un corps oblong com-
primé, couvert d'écaillés indistinctement cténoïdes ; des
dents en velours, un préopercule denticulé et six rayons
branchiostèges. Ce sont des Poissons habitant les eaux
douces des iles de la région indo-pacifique et de l'Australie
tropicale. Quoique de petite taille, ils sont recherchés pour
la nourriture. Rochbr.
BiBL. : GuiNTHER, Sludij of Fishes.
DULEAU (Alphonse-Jean-Claude Bourguignon, dit),
né à Paris le 30 avr. 4789, mort du choléra à Paris le
26 avr. 4832. Ingénieur des ponts et chaussées, il coopéra
aux travaux des ponts de Bordeaux et d'Aiguillon, puis
servit en Alsace et revint à Paris pour les travaux du canal
de rOurcq. C'est à Bordeaux que Duleau fit ses belles expé-
riences sur la résistance du ter, dont il a publié plus tard
le résumé ; ces expériences avaient été demandées par
Deschamps, à un moment oti l'administration voulait établir
des travées métaUiques sur les piles en maçonnerie du pont
de Bordeaux. Professeur adjoint à Brisson, à l'école des ponts
et chaussées, Duleau succéda au grand ingénieur après sa
mort, survenue en 4828 ; il se trouva jusqu'en 1834 titu-
laire des cours de routes, de ponts, de navigation intérieure
et de travaux maritimes. Au moment où la mort l'a sur-
pris, Duleau venait de rédiger le rapport sur la Théorie
des ondes du colonel Emy, qui a paru en 4832 dans les
Annales des ponts et chaussées^ avec une note très inté-
ressante sur les travaux de Saint-Jean-de-Luz et l'énergie
des vagues dans le golfe de Gascogne. Duleau était consi-
déré comme appelé à un grand avenir scientifique, au
moment où sa carrière a été brusquement arrêtée par la
mort. M.-C. L.
D U Ll C H I A (Zool.) . Crustacés de l'ordre des Amphipodes,
groupe de Crevettines, qui forment à eux seuls une petite
famille. Ce genre, établi par Kroyer, renferme un certain
nombre de petites espèces au corps linéaire, au thorax
très long, formé de sept anneaux, dont l'abdomen recourbé
présente cinq anneaux et porte autant de paires de pattes ;
la paire d'uropodes postérieure n'est pas développée ; les
antennes sont très longues, subpédiformes. D. spiîiosis-
sima Island. R. Mz.
DU LIE (Culte de) (V. Adoration).
DU LIN ou D'ULIN (Pierre) , peintre français, né à Paris
en 4669, mort à Paris le 28 janv. 4748. Elève de Bon
Boulogne, de S. Leclerc, de Lahyre et de F. de Vauroze,
cet artiste obtint pendant deux années de suite, en 4696 et
4697, le grand prix de peinture, sur des sujets empruntés
à l'histoire biblique de Joseph. Reçu académicien en 4707,
il donna comme morceau de réception Laomédon puni
par Neptune^ et Apollon, tableau placé aujourd'hui au
Louvre, et qui n'offre rien d'intéressant, ni comme dessin,
ni comme coloris. On peut citer, parmi les autres ouvrages
de cet artiste, qui fut peintre ordinaire du roi : Jésus-
Christ guérissant le paralytique, et Jésus-Christ guéris-
sant la belle-mère de saint Pierre (S. 4737 ; ces tableaux
étaient placés autrefois dans l'égl. de la Charité) ; Récep-
tion de V ambassadeur de la Porte, avec son fils et sa
suite d l'Hôtel royal des Invalides (S. 4738). Ver-
sailles et Trianon possèdent aussi quelques-unes de ses
œuvres. Ad. T.
DULK (Albert-Friedrich-Benno) , poète et philosophe
allemand, né à Ksenigsberg le 47 juin 4849, mort à Stutt-
gart le 30 oct. 4884. Fils d'un pharmacien, il étudia
d'abord la médecine et les sciences naturelles à l'Univer-
sité de Kônigsberg, et entra ensuite comme aide dans une
pharmacie à Breslau ; mais son humeur inquiète et son
caractère indépendant répugnaient à toute fonction régu-
lière. En 4843, il se retira dans une petite ville de la
Prusse orientale pour écrire son premier drame, Orla
(Zurich et Winterthur, 4 844 ; 2« édit., Mannheim, d847).
Il se remit aux études, visita les Universités de Berlin, de
Leipzig, de Halle, et revint à Breslau. Dans l'intervalle,
il était entré en relations avec le parti socialiste, surtout
avec Robert Blum. Sa participation à la révolution de
4848 l'ayant forcé à quitter la Prusse, il se rendit à
Vienne, gagna l'Italie à pied et s'embarqua à Naples pour
Alexandrie. Avant de partir, il avait déclaré publiquement
qu'il se séparait del'Eghse protestante, ainsi que de toutes
les confessions chrétiennes. Arrivé en Egypte, il apprit la
langue et prit U costume du pays ; il remonta le Nil dans
une barque jusqu'aux premières cataractes, puis redescen-
dit jusqu'au Caire; enfin il demeura seul pendant trois
mois dans une caverne, au pied du Sinaï. La crainte de la
peste lui fit reprendre, en 48o0, le chemin de l'Europe ;
mais il traversa encore l'Asie Mineure et se rembarqua à
Smyrne. Il ne fit que passer en Prusse pour se marier, et
s'étabht dans un chalet au-dessus du lac de Genève, aux
environs de Clarens, où il resta huit ans, hvré à ses tra-
vaux poétiques et à ses recherches philosophiques. Depuis
4858, il habita Stuttgart, qu'il ne quitta plus que pour de
courts voyages en Allemagne, en Suisse ou dans les con-
trées du Nord. Dans un de ces voyages, il traversa le lac
de Constance à la nage, de Romanshorn à Friedrichshaven,
sur une largeur de 40 kil., sans vouloir même être suivi
par un bateau. — La vie d'Albert Dulk est l'image de ses
œuvres. Son caractère distinctif est l'originalité, la singu-
larité même ; s'il avait pu y joindre seulement un peu de
mesure, son nom aurait marqué dans la littérature con-
temporaine. Parmi les ouvrages dramatiques qui suivirent
Orla, il faut citer surtout : Jésus der Christ, ein Stilck
filr die Volksbiihne (Stuttgart, 4865), et un drame his-
torique en deux parties, de trois actes chacune, sur l'em-
pereur Conrad II (Leipzig, 4867). Le Jésus avait neuf
actes et un épilogue. La scène populaire à laquelle l'au-
teur le destinait n'existant pas, il en fit des lectures pu-
bliques avant de le faire imprimer. Ce que la pièce contient
d'original, c'est le caractère de Judas, qui dénonce son
maître pour le forcer à se révéler dans la plénitude de sa
puissance et à se déclarer roi ; lorsqu'il s'aperçoit de son
erreur, son désespoir se peint dans une scène éloquente.
La philosophie sociale d'Albert Dulk s'exprime surtout
dans son grand ouvrage, Stimme der Menschheit (Leipzig,
4875-4880, 2 vol.). En 4874, dans une brochure intitulée
Patriotismus und Frômmigkeit, il se prononça contre
la continuation de la guerre et, en général, contre la haine
de la France. A. B.
DU LKEN. Ville d'Allemagne, royaume de Prusse, district
de Dusseldorf; 6,540 hab. Filature, tissage. Elle est citée
dès 4435.
BiBL. : NoRRENBERG, Clivonik der StadtDulken; Vier-
sen, 1874.
DULLAERT (Heyman), peintre hollandais, né à Rotter-
dam en 4636, mort le 6 mai 4684. Doué de dispositions très
précoces pour la peinture, il fut placé par son père, riche
marchand de tableaux, sous la direction de Rembrandt.
L'élève s'assimila si bien la manière de son maître, que
souvent il est difficile de distinguer ses tableaux de ceux
de Rembrandt, lorsqu'ils ne portent pas de signature ; on
cite surtout, dans ce genre, un Ermite à genoux et un
Dieu Mars, Ses toiles, peu nombreuses, se sont toujours
vendues à un prix élevé. D'un esprit délicat et cultivé,
Dullaert parlait plusieurs langues, connaissait les sciences,
la littérature et la musique ; il fut aussi l'auteur de diverses
pièces de théâtre, représentées avec succès, et d'une traduction
hoihndeiise de h Gerusalemme liberata du Tâsse. Ad. T.
BiBL : Descamp?, Za Vie des peintres flamands. — Hou-
BRAKEN, la Vie des peintres flamands.
DULLER (Eduard), poète et historien allemand, né à
Vienne le 8 nov. 4809, mort à Wiesbaden le 24 juil.
4853. A dix-sept ans, il fit représenter un dranne, Meister
Pilgram; inquiété pour ses opinions libérales, il se rendit
à Munich oti il publia un recueil de ballades sur les Wit-
telsbach (4831), à Trêves, Francfort-sur-le-Main où il
fonda le Phœnix, puis à Darmstadt où il séjourna de 4836
à 4849, se mêlant au mouvement vieux catholique; en
4854, il était prédicateur de la secte à Mayence. Parmi ses
DULLER — DU MAINE
— 32
écrits d'un sentiment très humanitaire, nous citerons : des
poésies, Der Fûrst der Liebe (Liepzig, i842j 2« éd.,
1854); Gesammelten Gedichte (Berlin, 484^; 2« éd.,
Leipziff, 1877); des romans, Kro7ien und Ketten (Franc-
fort, 1835,3 \ol.); Loyola (ibid., 1836, 3 vol.); Kaiser
und Papst (Leipzig, 1838, 4 vol.) ; des écrits historiques,
Vaterlœndischen Gedichte (Francfort, 1852-57, 5 vol.) ;
Geschichte des deutschen Volks (Leipzig, 1840; 3« éd.,
1846; rééd. par Pierson; 6^ éd., Berlin, 1877); Dt^M^n-
ner des Volks (Francfort, 1847-1850, 8 vol.)^, elc
DULLIN. Corn, du dép. de la Savoie, arr. de Chambery,
cant. de Pont-de-Beauvoisin; 482 hab.
DU LON (Friedrich Ludwig), flûtiste allemand, né à Oria-
nembour^, en Piusse, le 14 août 1769, mort à Wurz-
bourgle'7 juil. 1826. Il devint aveugle à Fâge de huit ans.
Il a composé de nombreuses pièces pour son instrument.
DU LONG (Pierre-Louis), physicien et chimiste français,
né à Rouen le 12 fév. 1785, mort à Paris le 19 juil. 1838.
Il perdit ses parents de très bonne heure. Enfant, il était
d'une santé délicate ; il put cependant entrer à seize ans à
l'Ecole polytechnique, mais fut obligé de la quitter à cause
de sa santé. Il se fit alors recevoir docteur en médecine
et exerça dans un quartier très pauvre où sa fortune,
assez considérable, diminua rapidement, non pas faute de
clientèle, mais, au contraire, parce qu'elle était trop nom-
breuse et que Dulong ne put jamais voir un malheureux
sans lui payer les médicaments nécessaires et sans lui don-
ner en outre des secours en argent pour améliorer sa
situation. Mais, pour le malheur de ses malades, Dulong
cessa d'exercer la médecine pour se consacrer à la bo-
tanique. Les grandes découvertes de chimie qui illus-
trèrent les savants français du commencement de ce siècle
et les belles expériences de Davy l'attirèrent vers cette
science ; il y débuta comme préparateur de BerthoUet.
Après quelques expériences intéressantes, il découvrit le
chlorure d'azote, corps très remarquable par ses propriétés
explosives. Une première expérience, suivie d'une explosion
formidable qui brisa presque tous les instruments du labo-
ratoire et causa à Dulong de graves contusions, ne l'empê-
cha pas de faire de nouvelles tentatives pour déterminer
sa composition; une nouvelle explosion lui enleva un œil
et doux doigts. Dulong continua, malgré cet accident, ses
recherches de chimie en étudiant les composés oxygénés
de l'azote et du phosphore. Comme physicien, Dulong col-
labora avec Petit et eut son mémoire sur le retroidisse-
ment couronné par l'Académie des sciences. Ce mémoire,
très important, était surtout très remarquable pour l'époque
où il fut publié. Il découvrit aussi avec Petit une des lois les
plus intéressantes qui relient les propriétés physiques aux
propriétés chimiques des corps : si l'on rapporte la quan-
tité de chaleur absorbée par les corps simples pour s'echaut-
fer de 0<* à l^non pas à un kilogr. du corps, mais au
poids atomique de ce corps, on trouve un nombre constant;
ainsi ce que l'on peut appeler la chaleur spécifique ato-
mique est constante. Non seulement cette loi est, au point
de vue philosophique, de la plus haute importance, mais
elle a permis, dans des cas douteux, de fixer la valeur de
certains poids atomiques ; elle a, en outre, servi de guide
à d'autres recherches où l'on a rapporté diverses grandeurs
non à l'unité de poids, mais au poids atomique (exemple :
loi de Raoult, etc.). Dulong étudia aussi la force élastique
des vapeurs et la loi de Mariotte jusqu'à vingt-sept atmo-
sphères. Il signala les écarts qu'il avait observés entre
cette loi et les expériences, mais n'osa pas affirmer qu'ils
n'étaient pas dus à des erreurs d'expériences. Il fut suc-
cessivement maître de conférences à l'Ecole normale supé-
rieure, professeur à la Faculté des sciences et à l'Ecole
polytechnique dont il devint directeur des études en 1830.
En 1823, il avait été nommé membre de l'Académie des
sciences. « D'une modestie extrême quand il parlait de ses
travaux, dit E. Arago, il se montrait d'une grande bien-
veillance en s'expriniant sur les travaux des autres. On
peut dire que jamais un mot blessant n'est sorti de sa
bouche, jamais un sentiment de jalousie n'effleura cette
belle âme. Les sciences étaient pour Dulong une passion,
mais une passion noble, pure, dégagée de toute vue inté-
ressée ou personnelle. » Voici ses principaux mémoires :
Mémoire sur une nouvelle matière détonante (Mém.
Soc. d'Arcueil, III) ; Recherches sur les lois de la dila-
tation des solides, des liquides et des fluides élastiques
et sur la mesure exacte des températures {Ann. chim.
phys., Il) ; Observations sur quelques combinaisons
de' l'azote et de Voxygène (id.); Mémoire sur les
combinaisons du phosphore avec l'oxygène {Mém,
Soc. d'Arcueil, III); Recherches sur la mesure des
températures et sur les lois de la communication de
la chaleur (A7în, chim, phys., VII); Recherches sur
quelques points importants de la théorie de la chaleur
(id., t. X); Nouvelle Détermination des proportions
de Veau et de la densité de quelques fluides élastiques
(id., t. XV) ; Recherches sur les pouvoirs réfringents
des fluides élastiques (id,, X); Recherches sur la force
élastique de la vapeur d'eau iid., X). A. Joannis.
DULONG (François-Charles), homme politique français,
né à Pacy-sur-Eure le 14 juin 1792, mort à Paris le
30 janv. 1834. Avocat distingué du barreau de Paris, il
entra au ministère de la justice en 1830 comme directeur
des affaires civiles. Il démissionna en même temps que son
protecteur Dupont de l'Eure, le 9 mars 1831. Le J^' oct.
de cette même année, il fut élu député de Verneuil contre
Villemain. Il siégea à l'extrême gauche. Le 25 janv. d 834,
il se prit en pleine (Chambre de querelle avec Bugeaud
auquel il reprocha le rôle de geôlier qu'il avait rempli à
Blaye auprès de la duchesse de Berry. Un duel s'ensuivit
dans lequel Dulong fut mortellement blessé. Cette fin tra-
gique excita dans toute la France une émotion considérable
et à Paris les funérailles de Dulong attirèrent une telle
foule que le gouvernement redouta un moment une
insurrection.
DU LORENS (Jacques), poète français, né à Chàteau-
neuf-en-Thimerais (Eure-et-Loir) vers 1583, mort vers
1650. Avocat à Paris, puis à Chartres, il acheta en 1613
la charge de baiUif-vicomte de Châteauneuf, et devint plus
tard lieutenant général du bailliage de Châteauneuf. Il a
écrit des satires' mordantes auxquelles Boileau n'a pas dé-
daigné de faire plusieurs emprunts : les Satyres du sieur
du Lorens (Paris, 1624, pet. in-8; 1625, in-12; 1633
et 1646, in-4); la Calotte (1619, iii-8). M. G. Villemin
a réimprimé l'édition de 1646 (Paris, 1869, in-12), M. Pr.
Blanchemain celle de 1633 (Genève, 1868, in-12) et une
plus complète que toutes les autres (Paris, 1881, in-i2).
C'est Du Lorens qui serait l'auteur de la fameuse épitaphe :
Ci-gist ma femme, ah! qu'elle est bien
Pour son repos et pour le mien.
DU LOT, poète français du xvii® siècle auquel Ménage
attribue l'invention des bouts-rimés (V. ce mot).
DU LUTH. Ville des Etats-Unis de l'Amérique du Nord,
Etat de Minnesota, comté de Saint-Louis, à l'extrémité de
l'enfoncement S.-O. du lac Supérieur, appelé « Fond du
lac »; 3,483 hab. en 1880. Terminus à l'E. du chem.
de fer Northern Pacific. Entrepôt de céréales, docks,
scieries, port artificiel. Exploitations de mines de cuivre
aux environs. Aug. M.
DULWICH. Faubourg de Londres, comté de Surrey, à
7 kil. au S. du port de Londres, célèbre par son collège
fondé en 1613 par l'acteur E. Alleyn (V. ce nom), qui
renferme la remarquable galerie de tableaux de sir F. Bour-
geois, oti l'on remarque des œuvres de Jules Romain, Guido,
Rubens, Murilio, Claude Lorrain, Hobbema, Ruysdaèl,
G. Dow, Rembrandt, Poussin, etc.; 4,000 hab.
BiBL. : Harnett-Blanch, Dulwich Collège and Edward
Aifeyn, 1877.
DUMA. Nom d'une tribu arabe issue d'Ismaèl {Genèse,
XXV, 14). Un court oracle à'ïsaïe vise une tribu du même
nom, qui paraît se rattacher à l'Idumée (xxi, 11-12).
DU MAINE, comte du Bourg (V. ce nom).
— 33
DUMAINE - DU MARSAIS
DU MAI NE (Person, dit), acteur français, né à Lieusaint
vers d825. Frère d'une comédienne distinguée, M^^® Per-
son, il entra fort jeune, et grâce à sa protection, à la Co-
médie-Française. Mais la situation qui lui était faite à ce
théâtre étant trop subalterne, il part pour la province,
puis revient après quelque temps à Paris, fait un court
séjour à la Gaîté, et de là passe à l'Ambigu, où il se fait
remarquer en créant le rôle de Georges dans la Case de
l'oncle Tom, qui met en relief sa belle prestance, sa
voix d'un timbre pénétrant et de réelles qualités de comé-
dien dramatique et puissant. Depuis cette époque, M. Du-
maine, qui du premier coup avait conquis l'oreille du pu-
blic parisien, a appartenu tout à tour et successivement à
tous nos théâtres de drame, allant de l'un à l'autre selon
les circonstances et les besoins du moment. Il a créé à
l'Ambigu le Château des Tilleuls, le Juif de Venise,
le Paradis perdu, César Borgia, la Tour de Londres,
la Madone des Roses, le Pendu, le Dompteur; à l'ancien
Cirque olympique Abd-el-Kader ; à la Gaîté Cartouche,
les Pirates de la Savane, les Trente-deux Duels de
Jean Gigon, la Maison du baigneur, Jean- la-Poste-, à
la Porte-Saint-Martin les Mères repenties. Patrie, les
Misérables, le Tour du monde, les Exilés; kYOdéon les
Noces d'Attila ; au Châtelet Michel Strogoff, etc. Quant
aux ouvrages dans lesquels il a repris des rôles à ces
divers théâtres, il serait difficile de les énumérer. On peut
dire de M. Dumaine qu'il est l'un des derniers et des plus
distingués interprètes du genre du drame, au service duquel
il a mis un talent remarquable, souvent plein de grandeur
et de passion. A. P.
DUMAISNIEL de Belleval (Charles-François) (V. Bel-
leval) .
DU MANIANT (Antoine-Jean Bourlin, dit), acteur et
auteur dramatique français, né à Clermont-Ferrand le il
avr. 1732, mort à Paris le 24 sept. 4828. Issu d'une fa-
mille de robe, il fut pris de la passion du théâtre, et à
vingt-cinq ans se fit comédien. En 1785, il entra au théâtre
des Variétés du Palais-Royal. Il y demeura jusqu'en 1791,
où par la transformation de ce théâtre en Théâtre-Français
de la rue Richelieu, il fut obligé d'aller se réfugier au
théâtre delà Cité, qui fit son ouverture le 20 oct. 1792.
Dumaniant tenait là l'emploi des premiers rôles marqués et
des pères nobles, mais au bout d'une année il cessa de pa-
raître sur la scène, pour conserver seulement ses fonctions
de régisseur et de membre du conseil d'administration. Il
faisait en même temps représenter de nombreuses pièces,
dont quelques-unes obtinrent de grands succès et passèrent
plus tard au répertoire de la Comédie-Française. En 1798,
Dumaniant n'appartenait plus au théâtre de la Cité. En
1803, il preinait la direction de la Porte-Saint-Martin, qu'il
conservait jusqu'en 1805, pour rester seulement à ce
théâtre, pendant une année encore, en qualité d'admi-
nistrateur. En 1808, on le retrouve à l'Odéon, comme
secrétaire général de l'administration, sous la direction
d'Alexandre Duval. Il quitte ce théâtre en 1816, lors de
l'arrivée de Picard comme directeur, et prend le parti de se
faire lui-même directeur en province, et pendant plusieurs
années exploite ainsi les théâtres de Clermont, Bourges,
Nevers, Moulins, Poitiers, Angoulême, Limoges, Co-
gnac, etc. C'est au cours de ces pérégrinations que Duma-
niant ^ fut frappé de la maladie qui devait l'emporter.
Parfait^ honnête homme et de mœurs fort honorables ,
Dumaniant ne doit pas à son talent modeste de comédien
la renommée légitime qui s'attacha naguère à son nom.
C'est comme écrivain dramatique qu'il mérite d'être re-
marqué pour sa fécondité. A. P.
DUMÀNIS. Ancienne ville de Géorgie, au confluent du
Maschavei et du Chtzia ; évêché du v® au xviii^ siècle.
DUMANOIR ou DU MANOIR. Nom d'une famille de
musiciens français qui vivait au xvii® siècle. Le plus ancien
Dumanoir connu, Mathieu, était maître joueur d'instru-
ments en 1615 et violon ordinaire de la chambre du roi
en 1640. -- Claude Dumanoir, neveu ou fils de Mathieu, fut
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
premier violon du cabinet du roi, « roi des violons » et
maître des ménétriers de la confrérie de Saint-Julien
charge grotesque qui datait de 1331 et avait été confirmée
en 1406 par une ordonnance de Charles VI. — Gm/tem^
Dumanoir, fils de Mathieu, succéda à Claude en 1659
comme roi des violons. Ces rois des violons prétendaient
obliger tous les musiciens, y compris les organistes, à se
taire recevoir maîtres de danse; cette prétention est exposée
dans un factum grossier de Guillaume Dumanoir, intitulé
le Mariage de la musique avec la dance. — Guillaume^
Michel Dumanoir, qu'on surnomma Dumanoir second a
ete le dernier maître des ménétriers ; le titre fut aboli du
^?nlS^ *^ y renonça par un acte passé devant notaire (1^^ ^^ç.
^^^^)- A.Ernst. *
DUMANOIR (Philippe-François Pinel, dit), auteur dra-
matique français, né à la Guadeloupe le 31 juil. 1806, mort
à Pau le 16 nov. 1865. Après avoir terminé ses études
au collège Bourbon à Paris, il suivit les cours de l'Ecole
de droit, mais le succès obtenu par ses deux premières
tentatives dramatiques, Vu Jour de médecine (1827) et
la Semaine des amours, le déterminèrent à s'adonner
exclusivement au théâtre. De 1836 à 1839, il fut direc-
teur des Variétés, et Déjazet lui dut quelques-uns de ses
meilleurs rôles travestis, entre autres, ceux des Premières
Armes de Richelieu (1839), de Létorières (1842), de
Gentil Bernard (iM6), Parmi les autres pièces de Duma-
î\^ooVx"^"/ rappellerons : la Marquise de Pretintaille
(1835); Indianaet Charlemagne (1840) ; la Nuit aux
soufflets (1842) ; Don César de Bazan (1844) ; Cla--
risse Harlowe(\Ul)', le Camp des bourgeoises (1855) ;
l'Ecole des agneaux (1855), comédie à laquelle le minis-
tère d'Etat décerna une médaille d'or ; les Fanfarons du
vice (1856) ; les Toilettes tapageuses (même année) •
les Femmes terribles (1858) ; C'est Vamour, l'amour
ramour... (1859) ; les Trembleurs (1861); les Inva-
lides du mariage (1862) ; la Maison sans enfants
(1863) ; les Drames du cabaret (1864), etc. M. Tx.
DUMANOIR LE Pelley (Pierre-Etienne-René-Mârie)i
amiral français, né à Granville (Manche) le 2 août 1770
mort à Paris le 7 juil. 1829. Entré fort jeune dans la ma-
rine, il servit à Saint-Domingue, devint en 1793 lieute-
nant de vaisseau attaché à l'élat-major de l'amiral Martin,
commandant de l'armée navale de l'Océan, et, promu capi-^
taine de vaisseau en 1795, lutta brillamment contre les An-
glais, dans la Méditerranée, à Terre-Neuve et sur les côtes
d'Irlande. Il fit partie de l'expédition d'Egypte (1798) et
il commanda un des deux navires qui ramenèrent Bona-
parte en France. Promu contre-amiral en 1799, il com-
manda à Brest, à Cadix, à Saint-Domingue, combattit à
Trafalgar où il opéra une retraite séparée, mais fut pris
quelques jours plus tard par les Anglais avec quatre vaisseaux
(4 nov. 1805). Sa conduite fut soumise à un conseil d'en-
quête qui n'y trouva rien de répréhensible, mais sur les
réclamations de l'opinion publique il fut en 1808 traduit
devant un conseil de guerre qui l'acquitta. Dumanoir fut
ensuite nommé commandant à Dantzig(1811); fait prison-
nier par les Russes et interné à Kiev, il ne rentra en
France que sous la Restauration qui le créa comte (2 déc.
1814). Il fut nommé vice-amiral en 1819. Il avait été élu
député de la Manche le 22 août 1815, et réélu en 1817
et 1818.
DUMARESQ (V. Armand-Dumaresq).
DUMAREST (Rambert), graveur en médailles, né à
Samt-Etienne (Loire) en 1760, mort à Paris le 5 avr.
1806. Il a laissé les médailles du Premier des Brutus, de
Poussin, de Voltaire, de /.-/. Rousseau, etc. Ces deux
dernières faisaient partie d'une Collection des grands
hommes de la France qu'il n'eut pas le temps de terminer.
Il avait été élu membre de l'Institut le 26 janv. 1800.
pu MARSAIS (César Chesneau, sieur), grammairien,
philosophe, pédagogue et l'un des principaux encyclopé-
distes, né à Marseille le 17 juil. 1676, mort à Paris le
11 juin 1756. Il fut élevé par les oratoriens, entra même
3
DU MARSAIS — DUMAS
- 34 —
dans cette congrégation et ne tarda pas à quitter l'Ora-
toire de Marseille pour s'établir à Paris en 1701. Il fut
reçu avocat en 1704. Mais il se dégoûta vite du droit;
d'autre part, rompant avec sa femme, il lui abandonna
le peu de bien qu'il avait et entra comme précepteur
chez le président de Maisons. Il y demeura douze ans
pour passer ensuite chez le fameux Law, et, après la chute
de Law, chez le marquis de Bauffremont. C'est de cette
époque que datent ses plus importants travaux, ceux qui
ont permis à d'Alembert de l'appeler un grammairien pro-
fond et philosophe : notamment son Exposition d'une
méthode raisonnée pour apprendre la langue latine,
publiée en 1722 et dédiée par Du Marsais à MM. de Bauf-
fremont, ses élèves, puis son Traité des Tropes (1730)
qui est devenu classique. Lorsque l'éducation de MM. de
Bauffremont fut terminée. Du Marsais ouvrit une pension
au faubourg Saint-Victor ; mais la fortune ne lui sourit
point dans cette entreprise, et il dut se contenter, pour
avoir de quoi vivre, de donner quelques leçons en ville.
Dans la vie précaire et presque misérable de ses vieux
jours, il eut du moins l'avantage de collaborer à VEncy-
clopédie, pour la partie grammaticale et philosophique.
« Les articles qu'il lui a fournis et qui sont^ en grand
nombre dans les six premiers volumes, dit d'Alembert,
feront à jamais un des principaux ornements de cet ou-
vrage ; on a regardé avec raison cette partie de V Encyclo-
pédie comme une des mieux traitées. » Malgré la célébrité
que lui valurent ces derniers travaux, Du Marsais implora
vainement de la cour un secours qui lui assurât le néces-
saire. Heureusement, un particulier généreux, le comte de
Lauraguais, touché de sa situation, répara l'indifférence du
pouvoir et lui servit, jusqu'à la fin de sa vie, une pension
de mille livres.
Sa nouvelle méthode pour apprendre le latm fut vivement
contestée. Du Marsais est fort maltraité àmshs Mémoires
de Trévoux (mai 1725). Par contre, ses procédés gram-
maticaux trouvèrent tout de suite d'ardents approbateurs,
et, plus tard, ce fut des livres de Du Marsais que Çondillac
se' servit dans l'éducation du prince de Parme. Disons en
peu de mots en quoi consistait cette méthode si diversement
appréciée. Préoccupé de la longueur ordinaire des études
latines. Du Marsais proposait, pour y remédier, des moyens
expéditifs. Il remplaçait la langue latine réelle avec ses
inversions, ses ellipses, sa construction propre, par une
langue latine de convention, arrangée et factice, dont les
phrases, disposées- à k française, se prêtaient à un mot à
mot vigoureux. L'élève devait être occupé pendant un temps
plus ou moins long à l'étude des textes ainsi transformés
où toutes les diflQcultés particuUères de syntaxe auront dis-
paru. C'est la première partie de la méthode que Du Mar-
sais appelle la routine et où il n'est fait appel qu'à la mé-
moire, à cette faculté particuUèrement développée dans le
jeune âge et que d'Alembert appelle « l'esprit de l'enfance ».
Dans la seconde partie de sa méthode. Du Marsais abor-
dait l'étude de la grammaire proprement dite, des décli-
naisons, des conjugaisons et des règles de la syntaxe : à
l'usage ou à la routine, c.-à-d. à l'étude des mots, succé-
dait la raison, c.-à-d. la grammaire, qui n'est qu'une
sorte de logique. En d'autres termes. Du Marsais jetait
tout de suite le commençant dans l'explication des textes,
et, pour lui rendre ce travail possible, il désorganisait les
phrases latines et les refaisait sur le patron des phrases
françaises ; il reculait l'étude de la grammaire raisonnée
jusqu'au moment où l'élève a fait une assez ample provi-
sion de mots de la langue latine, à l'imitation de ce qui se
passe dans l'acquisition delà langue maternelle, où l'enfant
apprend d'abord à parler, avant d'étudier les règles du
langage. Le but était, tout en suivant la marche de la
nature, de faire apprendre le latin par l'usage, le plus vite
possible. Mais on peut se demander si ces procédés d'abré-
viation et de simplification répondent bien au vrai carac-
tère des études latines, qui sont bien plutôt une gymnastique
de l'esprit qu'une simple acquisition du matériel d'une langue
morte. Comme le dit quelque part M. Bréal, il ne s'agit pas
d'abréger le chemin : car c'est le chemin qui est en quelque
sorte la fin qu'on se propose. D'autre part, considérée dans
l'apphcation qu'il en a fait, la méthode de Du Marsais
présente de graves inconvénients. Pour rendre le latin clair
et intelligible aux débutants, Du Marsais propose d'y intro-
duire des incorrections départi pris. Au lieu de imperante
Augusto, on fera lire à l'enfant sub imperante Augusto;
au lieu de manet Lutetiœ, on écrira manet in urbe Lute-
tiœ. L'élève qui se sera habitué à ces solécismes volon-
taires n'aura-t-il pas beaucoup de peine dans la suite pour
y renoncer ? Le résultat le plus clair du système proposé
par Du Marsais et qu'il avait pris la peine d'appliquer en
réduisant à la construction française les comédies de
Térence, VArt poétique d'Horace et VEpitome de Jouvency
ne sera-t-il pas d'obliger l'élève à apprendre le latin deux
fois, une fois sous une forme factice et de fantaisie, une
autre fois dans l'ordre réel. Ainsi, la méthode de Du
Marsais, quelque ingénieuse qu'elle fût, n'a point réussi
et ne méritait pas de réussir.
Du Marsais n'a pas étudié seulement les questions de
grammaire et de méthode d'enseignement. Plusieurs de ses
ouvrages le classent parmi les philosophes : sa Logique
publiée en 1769, son Exposition de la doctrine de
l'Eglise gallicane, qui ne parut aussi qu'après sa mort,
et un autre livre, que le crédit tout-puissant encore de la
Société de Jésus lui fit faire interdiction de publier : une
Réponse à la Critique de l'Histoire des oracles de Fon--
tenelle, réfutation du père jésuite Baltus, dont il n'avait
écrit que des fragments. Tous ces essais témoignent d'idées
fort libérales. Du Marsais est en philosophie un précurseur
de la libre pensée moderne. Et en politique, il était déjà
républicain, s'il faut en croire un de ses apologistes marseil-
lais, qui ajoute : « Un républicain ne pouvait naître qu'à
Marseille. » Rien, d'ailleurs, d'indiscret ni de violent dans
sa manière de penser et d'écrire. Comme le dit très exac-
tement d'Alembert, « il avait l'esprit plus sage gue bril-
lant, la marche plus sûre que rapide. La nécessité où il
s'était trouvé de parler presque toute sa vie à des enfants
lui avait fait conserver dans la conversation une diffusion qui
passait quelquefois dans ses écrits. » Nulle trace de décla-
mation ni de recherche de langage. Aussi nous paraît-il
impossible de lui attribuer, comme l'ont fait les éditeurs
enthousiastes de 1797, qui l'appellent tout simplement
« grand homme », la paternité d'un livre passionné et
emphatique, l'Essai jur les Préjugés, qui parut pour la
première fois en 1750.
Parmi les articles que Du Marsais donna à [Encyclo-
pédie et qui constituent le meilleur, la partie la plus
durable de son œuvre, nous signalerons celui qui est inti-
tulé Education, et où il se montre à nous comme tout
pénétré déjà des idées pédagogiques aujourd'hui en vogue.
Il faut passer, dit-il, par les idées particulières, avant de
nous élever aux idées générales. « Avant que de parler de
dizaine, sachez si votre jeune homme à l'idée d'im; avant
que de lui parler A' armée, montrez-lui un soldat,., hoi
grand point de la didactique ou de l'art d'enseigner, c'est
de savoir quelles connaissances doivent précéder, quelles
doivent suivre. » En conformité à ces principes. Du Marsais
avait composé un petit ouvrage, malheureusement perdu,
où il s'efforçait de donner aux enfants une idée de la nature,
des arts et des sciences. « J'espère, disait-il, leur rendre
la lecture plus utile et plus amusante par le secours des
figures. » C'était revenir à jla tradition de Coménius et
devancer tous les écrivains pédagogiques qui de notre temps
présentent aux enfants des leçons de choses et des images.
Les OEuvres de Du Marsais ont été publiées en sept
volumes (Paris, 1797).
DUMAS (Martial), poète séraphique, plus connu sous
son nom de religion qui était le P. Martial de Brive, né
dans cette petite ville du Bas-Limousin (aujourd'hui dép.
de la Corrèze) tout à la fin du xvi^ ou au commence-
ment du xvii^ siècle, mort en 1652 ou en 1653 (non
— 35 -
en 1656). Il était fils d'un lieutenant général au présidial
de Brive, mais fit ses humanités à P'aris et son droit à
Toulouse. Entré fort jeune dans l'ordre des capucins de
Saint-François , il se consacra à la prédication, entreprit
des missions dans plusieurs villes du Midi, notamment
à Toulouse, à Limoges (1647), à Agen, et polémisa
même contre un ministre calviniste deTurenne vers 1648.
Mais c'est uniquement comme auteur de cantiques popu-
laires et de paraphrases des psaumes qu'il est connu de
la postérité. Les avis sont partagés sur la valeur littéraire
de ces cantiques. Fort goûtés de l'abbé Goujet et de
Ch. Nodier, ils sont tenus pour médiocres par M. Weiss.
M. Clément-Simon se borne à dire que le P. Martial « est
le meilleur des poètes capucins ». Ses œuvres ont été pu-
bliées à Lyon par Dupuys chez La Bottière en 1653 et chez
Fumeux en 1655 sous le titre à'OEuvres poétiques et
sainctes du R. P, Martial de Brive, capucin, et de nou-
veau, en 1660, par le P. Zacharie, chez Demasso, sous ce
titre : le Parnasse séraphique et les derniers soupirs de
la muse du R. P. Martial de Brive. Le P. Martial a
publié de son vivant, outre quelques-uns des cantiques
réunis en volume après sa mort, le Siècle illuminé ou
Exercice de piété (Bme, 1649, aujourd'hui introuvable),
et sous le pseudonyme de Sainte-Colombe un petit dia-
logue sacré intitulé Jugement de N.-S,-L-C, en faveur de
Marie-Magdeleine (Paris, 1651). A. Leroux.
BiBL. : Clément Simon, Martial de Brive, dans le Bull-
de la Soc. historique de Brive, 1888, X, avec portrait, ex-
traits, notice bibliographique et notes généalociques. —
Abbe Arbellot, Martial de Brive, dans le Bull, de la
Soc, des lettres de Tulle, XI, 1889, avec extraits et notice
bibliographique.
DUMAS (Louis), écrivain français, né à Nîmes en 1676,
mort près de Paris le 19 janv. 1744. Fils naturel de Jean-
Louis de Montcalm, sieur de Saint-Véran et de Candiac,
il est surtout connu par l'invention du « bureau typogra-
phique », sorte de machine destinée à enseigner aux enfants
la lecture, l'écriture et la grammaire tout en les amusant.
Dumas a écrit : Art de composer toutes sortes de mu-
siques (1711, in-4) ; la Bibliothèque des enfants ou les
premiers éléments des lettres (1733, 3 vol. in-4); l'Art
de la musique enseigné et pratiqué par la méthode
du bureau typographique (1753, in-4) ; VArt de la
musique enseigné pour transposition (1758, in-4), etc.
DUMAS (Gabriel-Olivier Benoît-), receveur général des
finances de la généralité d'Orléans, mort à Paris le 20 mai
1777 ; célèbre pour la fortune colossale dont il avait hérité
de son frère Benoît Benoît-Dumas, l'un des directeurs de
la Compagnie des Indes, et plus encore pour les revendi-
cations dont cette fortune n'a cessé d'être l'objet jusqu'à
nos jours^ Un arrêt de la Chambre du domaine, du
27 mai 1777, ayant adjugé au roi cette succession à titre
de bâtardise et de déshérence, cette décision n'a cessé
depuis lors d'être attaquée devant les tribunaux par une
foule de gens qui, le plus souvent à l'instigation d'agents
d affaires, prétendent prouver à la fois la légitimité de la
naissance de Benoît-Dumas et la filiation qui justifie leurs
prétentions.
DUMAS (Guillaume-Mathieu, comte), général et homme
politique français, né à Montpellier le 23 nov. 1753, mort
à Pans le 16 oct. 1837. Fils d'un trésorier des finances
a Montpelher, il était capitaine de chasseurs en 1776. En
1780, il suivit le comte de Bochambeau, comme aide de
camp, en Amérique où il participa brillamment à la guerre
de l'Indépendance. Bevenu en France avec le grade de
major, il fut chargé d'aller faire, dans les échelles du
Levant, une reconnaissance des principaux points mili-
taires. En mission en Allemagne et dans les Pays-Bas
pour observer l'insurrection hollandaise, il fut ensuite
promu colonel et nommé directeur du Dépôt de la guerre,
puis aide de camp du maréchal de Broglie. Il prit parti
pour la Bévolution, devint aide de camp de La Fayette,
commissaire pour la formation du dép. de Seine-et-Marne,
puis à Montauban, à Nîmes et en Alsace. En juin 1791,
DUMAS
il fut adjoint aux commissaires de la Constituante chargés
de ramener le roi, et nommé ensuite maréchal de camp.
Député de Seine-et-Oise à l'Assemblée législative, il fit
partie du comité militaire et se signala par' son éloquence
claire et instructive. Le 20 avr. 1792, il fut un des sept
qui votèrent contre la déclaration de guerre. Son attitude
« feuillantine » le rendit impopulaire. Ilcombattit ardemment
Brissot et les Girondins. Il protesta à la tribune contre les
événements du 20 juin 1792, et, le 3 juil. suivant, il dé-
fendit Louis XVI contre Vergniaud. Sa compétence mili-
taire était si notoire que, jusqu'en avr. 1793, il fut em-
ployé comme directeur du dépôt des plans de campagne.
Dénoncé par Albitte {Mon,, XVI, 83), ilémigra et rentra
après le 9 thermidor. Député de Seine-et-Oise au conseil des
Anciens, il y favorisa la politique des « Clichyens », fut pros-
crit au 18 fructidor, et se réfugia à Hambourg. Après le
18 brumaire, Bonaparte le chargea d'organiser l'armée de
réserve de Dijon et le nomma conseiller d'Etat. Général de
division (l^^* févr. 1805), il prit part à la campagne
d'Austerlitz où il se signala. Napoléon le donna comme mi-
nistre de la guerre au roi de Naples, Joseph, qu'il suivit
ensuite à Madrid. Rappelé en France, il prit part aux ba-
tailles d'Esshng et de Wagram. Directeur général de la
conscription et des revues (2 févr. 1810), comte de l'Em-
pire (14 févr.), intendant général de la Grande-Armée, il
fut fait prisonnier après la capitulation de Dresde. Rallié
aux Bourbons en 1814, employé par Napoléon pendant les
Cent-Jours, disgracié au second retour de Louis XVIII,
réintégré au conseil d'Etat en 1818, exclu de nouveau de
ce corps en 1822, il fut élu député par le premier arron-
dissement de Paris en 1828 et favorisa la révolution de
Juillet, au lendemain de laquelle La Fayette le chargea,
avec le titre d'inspecteur général, de réorganiser les gardes
nationales. Louis-Philippe le fit rentrer au conseil d'Etat
et le nomma pair de France. Dans les dernières années de
sa vie, il rédigea ses mémoires qui ne parurent qu'après
sa mort, sous le titre Souvenirs du lieutenant général
comte Mathieu Dumas de i770 à 18S6, publiés par
son fils (Paris, 1839, 2 vol. in-8). Napoléon affectait,
dans ses moments d'impatience, de faire peu de cas des
talents militaires de Mathieu Dumas (V. à ce sujet, ses
lettres à Joseph en 1806, au tome XIII de la Correspon-
dance), Mais il est très apprécié comme écrivain mili-
taire et on estime son Précis des événements militaires
ou Essais historiques sur les campagnes de 1199 à
iSU (Paris, 1816-1826, 19 vol. in-8 et 8 atlas in-foL).
Cet ouvrage est inachevé : il s'arrête à la paix de Tilsit
en 1807. F.-A. A.
DUMAS (Alexandre Davy de La Pailleterie), général
français, né à Jérémie (Saint-Domingue) le 25 mars 1762,
mort à Villers-Cotterets le 26 févr. 1806. Fils naturel
du marquis de La Pailleterie, il entra en 1786 dans les
dragons de la Reine et se signala par divers exploits qui,
rehaussés encore par sa stature gigantesque et sa force
herculéenne, le mirent bientôt en lumière. Général de bri-
gade en juil. 1793, général de division le 3 sept, de la
même année, il passa successivement au commandement de
l'armée des Pyrénées orientales et de l'armée des Alpes.
Il se distingua particulièrement par l'assaut du mont
Saint-Bernard (24 avr. 1794) et la prise du mont Cenis à
la baïonnette. Général en chef de l'armée de l'Ouest le
21 juil. 1794, il commanda en 1797 l'aile droite de l'armée
d'Italie, dirigea la cavalerie de Joubert dans le Tirol, battit
les Autrichiens au pont de Neumarck le 22 avr. 1797 et
accomplit de tels prodiges de bravoure que Bonaparte le
surnomma l'Horatius Codés du TiroL II prit part encore
à la campagne d'Egypte (1798) et coopéra à la prise
d'Alexandrie. Il fut fait prisonnier et gardé pendant deux
ans par le gouvernement des Deux-Siciles au moment où
il rentrait en France pour raisons de santé. Depuis il
demeura dans la vie privée.
DUMAS (Charles-Louis), médecin français, né à Lyon
le 8 févr. 1765, mort à Montpellier le 28 mars 1813. Reçu
DUMAS
— 36 —
docteur à Montpellier en 1783, il alla concourir à Paris
pour plusieurs chaires vacantes à la Faculté de médecine,
mais ne réussit pas ; on lui donna la place de médecin à la
Charité. En 4791, il passa à Montpellier comme vice-pro-
fesseur, et en 1792 à Lyon, comme médecin à l'Hôlel-
Dieu; enfin, en 1795, il fut nommé professeur d'anatomie
et de physiologie à l'Ecole de santé de Montpellier ; par la
suite il devint doyen de la Faculté et recteur de l'Acadé-
mie, etc. Des nombreux ouvrages de Dumas, nommons
seulement : Principes de la physiologie, etc. (Paris, 1800,
4 vol. in-8 ; Montpellier, 1806, 4 vol. in-8) ; doctrine
générale des maladies chroniques, etc. (Montpellier,
1824, 2 vol. in-8). Le vitalisme de Dumas était beaucoup
moins abslraitque celui de l'Ecole de Montpellier ; l'influence
de Paris s'y faisait sentir. D^ L. Hn.
DUMAS 1( Jean-Baptiste), chimiste et homme politique
français, né à Alais le 44 juil. 1800, mort à Cannes le
10 avr. 1884. D'abord élève en pharmacie dans sa ville
natale, il eut la bonne fortune d'aller à Genève dans la
pharmacie Le Royer, où il se lia avec de Candolle, Th. de
Saussure, Pictet, J. Prévost; en collaboration avec ce der-
nier, il publia sur le sang des recherches qui l'engagèrent
à venir à Paris où il fut nommé répétiteur du cours de
chimie de Thénard à l'Ecole polytechnique. C'est là qu'il
publia ses Remarques sur quelques points de la théorie
atomique, puis ses recherches classiques sur les densités
de vapeur des corps simples, sur les formules de l'alcool
et des éthers, sur l'alcool méthylique, sur l'oxamide, etc.,
et principalement sur la théorie des substitutions ; celte
dernière a pris une haute importance à la suite des nom-
breux mémoires de Dumas sur les types chimiques. Ses
travaux sur la composition de l'eau, sur celle de l'air, en
collaboration de Boussingault, sur l'acide carbonique avec
Stas, sur le dosage de l'azote, la découverte d'une nouvelle
classe de corps, les amides, etc., placent Dumas au rang des
maîtres les plus illustres parmi les chimistes du xix^ siècle.
En 1829, il fonda l'Ecole centrale avec Péclet, Lavallié et
Olivier; il fit à la Sorbonne des cours brillants, qui eurent
le plus grand retentissement ; c'est là, notamment, qu'il
donna sa fameuse classification des métalloïdes et qu'il
jeta les bases d'une classification rationnelle des métaux. Il
fut successivement professeur à l'Ecole polytechnique ou il
remplaça Thénard (il le suppléa aussi pendant un semestre
au Collège de France), professeur à la Sorbonne et doyen de
la Faculté des sciences, professeur à l'Ecole de médecine
qu'il abandonna pour laisser la place à Wurtz, l'un de ses
meilleurs élèves, professeur à l'Ecole centrale. Sa parole
facile et élégante et son éloquence parfois un peu apprêtée
lui attiraient un grand concours d'auditeurs ; il a formé
des élèves illustres, tels que H. Sainte-Claire Deville,
Wurtz, Debray, etc. ; il fut envoyé parle dép. du Nord à
l'Assemblée législative (1849) et fut nommé par Louis-Na-
poléon, ministre de l'agriculture et du commerce (1851),
puis sénateur après le coup d'Etat. Ses travaux ont été
insérés dans les Annales de physique et de chimie dont
il était l'un des rédacteurs, dans les Comptes rendus et
Mémoires de V Académie des sciences. Nommé membre de
l'Institut en 1832, il fut élu secrétaire perpétuel en 1868. Il
fut, dix ans après, membre de l'Académie française. Il a écrit
un Traité de chimie appliquée aux arts en 8 vol.; le
Cours de philosophie chimique (1837) et un Essai sur
la statique des êtres organisés (1841), en collaboration
avec Boussingault. Ed. Bourgoin.
DUMAS (Alexandre Davy de La Pâilleterie Dumas, dit
Alexandre), illustre auteur dramatique et romancier fran-
çais, fils du général Alexandre Dumas, né à Villers-Cotterets
(Aisne) le 5 thermidor an X (24 juil. 1802), mort à Puys,
près de Dieppe, le 5 déc. 1870. Les divers épisodes de la vie
de Dumas ont été tant de fois contés par lui-même ou par
d'autres jusque dans leurs moindres détails qu'il suffirait
de résumer brièvement les principales circonstances de cette
existence si prodigieusement active, ainsi que les grandes
œuvres qui en marquent les étapes, puis de grouper, dans
l'ordre chronologique, et par leur nature même, les autres
écrits de Dumas, dont la paternité lui a été contestée, ou
ceux-là même qu'on pourrait, de son propre aveu, retran-
cher de son avoir. La bibliographie placée à la suite de cet
article permettra d'ailleurs à ceux qui voudront approfondir
cette double étude de consulter les sources auxquelles il
leur faudra puiser.
Restée veuve en 1806 et réduite aux modiques ressources
que lui concédait le titre de son mari, W^^ Dumas ne put
faire donner au fils issu de cette union qu'une éducation
extrêmement sommaire et incomplète. L'enfant tenait, par
contre, de son père, une constitution athlétique, une apti-
tude naturelle à tous les exercices du corps et une santé
robuste. Les premiers chapitres de ses Mémoires renfer-
ment de nombreuses preuves de ce triple privilège, dont
Dumas se montre presque aussi fier que de ses dons intel-
lectuels et qui favorisèrent singulièrement les frasques de son
adolescence, longuement contées aux mêmes pages. D'abord
clerc d'avoué à ' Villers-Cotterets, puis à Crépy-sur-Oise, il
vint en 1823 à Paris solliciter l'appui des anciens compa-
gnons d'armes de son père, ralliés, pour la plupart, à la
Restauration. Econduit de divers côtés, il ne fut accueilli
avec bienveillance que par un membre de l'opposition, le
général Foy qui, aussi frappé de ses talents de calhgraphe
qu'aftligé de son ienorance, lui procura une place d'expé-
ditionnaire dans les bureaux de la chancellerie du duc
d'Orléans. Le jeune homme, qui se proposait bien un jour
de vivre de sa plume, se trouva néanmoins fort heureux
de devoir à son écriture un traitement de 1,200 fr. qui lui
permettait de ne plus être à la charge de sa mère et lui
laissait assez de loisirs pour apprendre tout ce qu'il ne
savait pas et nommément l'histoire de France. Bientôt il
osa faire imprimer ses premiers essais : une Elégie sur la
mort du général Foy (1825, in-8) ; un dithyrambe en
l'honneur de Cajiaris (1826, in-12) et un petit volume
de Nouvelles contemporaines (1826, in-12). En même
temps, il collaborait à deux vaudevilles, la Chasse et
r Amour (Ambigu-Comique, 22 sept. 1825) et la Noce
et r Enterrement (Porte Saint-Martin, 21 nov. 1826),
tous deux signés Davy et dont il partagea les minces pro-
fits avec son camarade de jeunesse, Adolphe de Ribbmg (de
Leuven), James Rousseau, Lassagne et Gustave Vulpian.
D'autres tentatives dramatiques plus sérieuses, tirées de la
conjuration de Presque ou de l'épisode des Gracques, de-
meurèrent alors inédites, tandis qu'un passage d'Anquetil
lui inspirait le drame d'où datent ses véritables débuts :
Henri III et sa cour (cinq actes, en prose), représenté
sur le Théâtre-Français le 11 févr. 1829, et demeuré
depuis au répertoire, lui valut de véritables ovations ; le
duc d'Orléans, bien que fort peu sympathique à son subor-
donné, ne dédaigna pas de donner lui-même le signal des
applaudissements et le nomma bibliothécaire adjoint aux
appointements annuels de 1,500 fr. Alexandre Dumas avait
écrit avant Henri HI un autre drame reçu dès le 30 avr.
1828 par le comité du même théâtre et dont diverses cir-
constances avaient fait ajourner la représentation : ce
drame, c'était Christine ou plutôt, pour lui donner le titre
sous lequel il fut définitivement joué à l'Odéon le 30 mars
1830, Stockholm, Fontainebleau et Rome, trilogie en
cinq actes et en vers, avec prologue et épilogue. Son succès
ne fut pas moins vif que celui de Henri ///, et Dumas se vit
dès lors considéré comme l'émule de Victor Hugo ; mais
cette rivalité n'avait pas encore altéré leurs bons rapports
personnels. Convié par Hugo à une lecture de Marion De-
lorme, alors arrêtée par la censure, il avoua hautement
son admiration ; de son côté, dit-on, Victor Hugo aurait,
aidé d'Alfred de Vignv, retouché une centaine de vers de
Christine, mal accueillis le soir de la première représen-
tation.
Dumas avait depuis quelques mois dit pour toujours
adieu à la vie administrative et travaillait à plusieurs
drames lorsque éclata la révolution de 1830. Il fit le coup
de feu parmi les insurgés et, sur l'ordre de La Fayette,
— 37
DUMAS
se rendit en hâte à Soissons où, avec le concours de quel-
ques habitants, il protégea une importante poudrière et en
assura la possession au parti vainqueur. Puis il partit pour
la Vendée avec mission d'y provoquer la formation d'une
garde nationale chargée de défendre le pays contre une
nouvelle chouannerie que tout pouvait faire craindre. Admis
au retour à faire connaître au roi lui-même son im-
pression sur l'état des esprits, Dumas ne lui dissimula pas
combien le remède lui semblait dangereux et insista sur la
nécessité d'ouvrir à travers le Bocage et le Marais des voies
de communicalion qui rendraient plus difficile la guerre
civile qu'on redoutait. Bien que le second de ses conseils
ait été suivi plus tard, le résultat de rencjuête ne raffermit
point le crédit de Dumas auprès de Louis -Philippe ; son
élection de capitaine dans l'artillerie de la garde nationale
parisienne, devenue l'un des foyers de l'opposition à la
monarchie du 9 août, une visite intempestive aux Tuileries
avec l'uniiorme de ce corps supprimé par décret la veille
même, le refus de prestation de serment exigé pour la
remise du brevet et des insignes de la croix de Juillet, la
présence de Dumas aux obsèques du général Lamarque,
prélude des journées des 5 et 6 juin 4832, tels sont les
principaux épisodes de cette période de politique militante
à laquelle, par bonheur, Dumas ne tarda pas à renoncer,
mais qu'il fallait rappeler sommairement ici.
Une violente passion conçue pour M°^^ Mélanie Waldor
(fille de Yillenave), et à laquelle celle-ci, mariée à un
officier, ne pouvait légalement répondre, inspira à Dumas
ce drame où, sous le nom d'Antony, il s'est peint lui-
même, a-t~il dit, « moins l'assassinat » et où il a peint,
sous le nom d'Adèle Hervey, la maîtresse adorée, « moins
la fuite », et qui, merveilleusement interprété par Bocage
et M"^^ Dorval (Porte-Saint-Martin, 3 mai 1834), obtint
alors une centaine de représentations. En 4834, il fut
question de le transporter à la Comédie-Française, mais un
article du Constitutionnel le dénonça comme immoral ;
l'interdiction, alors prononcée par le ministre de l'inté-
rieur, fut levée seulement à la fin du second Empire, et de
nos jours Antony a repris sa place dans la série des
matinées classiques organisées par l'Odéon. De 4834 à
4843, et sans préjudice des autres œuvres qui seront
rappelées plus loin, Dumas occupa les diverses scènes de
Paris avec les pièces suivantes : Napoléon Bonaparte ou
Trente Ans de l'histoire de France, drame en six actes
(Odéon, 40 janv. 4834), écrit en huit jours chez Harel qui
retenait l'auteur en chartre privée ; Charles VU chez ses
grands vassaux, tragédie en cinq actes (Odéon, "20
oct. 4834), mal accueillie du public, malgré des beautés de
premier ordre; Richard Darlington, drame en trois actes
et en prose avec un prologue (Porte-Saint-Martin, 40 déc.
4831 ), dû à la collaboration de Beudin et de Goubaux qui en
avaient fourni à Dumas l'idée première, empruntée aux
Chroniques de la Canongate de Walter Scott, et où
Frederick Lemaître déploya un talent prodigieux ; Ter é sa,
drame en cinq actes (Opéra-Comique, Théâtre- Ventadour,
6 févr. 4832) dont le scénario primitit était d'Anicet-Bour-
geois ; le Mari de la Veuve, comédie en un acte et en prose
(Théâtre-Français, 4 avr. 1832), avec la collaboration
d'Anicet-Bourgeois et de Durrieu qui ne furent point nommés
sur le titre de la brochure ; la Tour de JSesle, drame en cinq
actes et neuf tableaux (29 mai 4832), l'un des succès les
plus retentissants et les plus prolongés du théâtre contem-
porain, mais qui souleva entre Frédéric Gaillardet, auteur
du texte primitif, Jules Janin qui l'avait retouché et Dumas
qui avait presque entièrement récrit la pièce, une polémique
terminée par un duel avec le premier et par un procès ;
Catherine Howard, drame en cinq actes (Porte-Saint-
Martin, 2 avr. 4834), tiré par Dumas d'un autre drame
resté inédit et miiiulé Edith aux longs cheveux; Ange le,
drame en cinq actes (Porte-Saint-Martin, 28 déc. 4833),
avec la collaboration d'Anicet-Bourgeois; Don Juan de
Marana ou la Chute d'un ange, mystère en cinq actes,
musique de Paccini (Porte-Saint-Martin, 30 avr. 4836),
imité en partie des Ames du Purgatoire de Prosper Mé-
rimée; ir<?an, comédie en dnq actes et en prose (Variétés,
34 août 4836), autre grana succès de Frederick Lemaître
qui se renouvela plus tard à l'Ambigu et à la Porte-Saint-
xMartin ; Piquillo, opéra-comique en trois actes avec Gé-
rard de Nerval, musique de Monpou (Opéra-Comique, 34 oct.
4837); Caligula, tragédie en cinq actes et en vers avec
prologue (Théâtre-Français, 26 déc. 1837), dont la chute
rappela celle de Charles VU et n'est pas mieux justifiée ;
PaulJones,àrsLme en cinq actes (Panthéon, 8 oct. 4838),
représenté contre le gré de l'auteur qui avait laissé le ma-
nuscrit à l'agence dramatique Porcher en nantissement
d'un prêt; Mademoiselle de Belle- Isle, drame en cinq
actes et en prose (Théâtre-Français, 2 avr. 4839), resté
au répertoire; l' Alchimiste, drame en cinq actes en vers
(Renaissance, 40 avr. 4839), auquel, selon Quérard, Gérard
de Nerval et Cordellier-Delanoue auraient collaboré ; Ba-
thilde, drame en trois actes et en prose (salle Ventadour,
44 janv. 4839), avec Auguste Maquet (seul nommé sur
l'affiche et sur la brochure) et CordeHier-Delanoue ; Un
Mariage sous Louis XV, comédie en cinq actes, avec
Leuven et Brunswick (Théâtre-Français, 4®"^ juin 4844),
restée aussi au répertoire; Lorenzino, dvsime en cinq actes
et en prose, avec les mêmes collaborateurs (Théâtre-
Français, 24 févr. 4842); Halifax, comédie en trois actes
en prose avec prologue (Variétés, 2 déc. 4842); les De-
moiselles de Saint'Cyr, comédie en cinq actes et en prose,
avec Leuven et Brunswick (Théâtre -Français, 25 juil.
4843), qui provoqua entre le principal auteur et Jules
Janin une polémique violente et qui, mal accueillie le soir
de la première représentation, trouva un peu plus tard et
garda le succès dont elle était digne ; Louise Bernard.
drame en cinq actes et en prose, avec Leuven et Brunswick
(Porte-Saint-Martin, 48 nov. 1843); le Laird de Dum-
bicky, comédie en cinq actes et en prose, avec les mêmes
(Odéon, 30 déc. 1843); le Garde forestier, comédie en
deux actes en prose avec les mêmes (Variétés, 15 mars
4845). En dépit de sa longueur, cette liste ne renferme que
les pièces signées par Dumas, avouées par lui ou réim-
primées dans les deux éditions collectives de son Théâtre
(1834-1836, 6 vol. in-8, ou 1863-1874, 15 vol. in-42),
mais non celles qu'il tira de la plupart de ses romans.
Il nous faut maintenant revenir en arrière et rappeler
les titres des principaux récits qui ont tour à tour distrait,
ému ou charmé deux ou trois générations et qui se sub-
divisent en impressions de voyages, en romans et en chro-
niques historiques.
Dumas a lui-même raconté comment, après l'insurrection
de juin 4832 et une atteinte de choléra, dont il se ressentit
d'ailleurs une partie de sa vie, les médecins et ses amis lui
conseillèrent de quitter Paris durant quelques mois. De cette
première excursion à travers la Bourgogne et la Suisse datent
ces fameuses Impressions de voyage qui forment l'une
des parties les plus attrayantes de son œuvre et qui ont si
légitimement contribué à sa popularité. Ce sont, dans l'ordre
chronologique : Impressions de voyage [en Suisse] (1833,
5 vol. in-8) ; Excursions sur les bords du Rhin (1841,
3 vol. in-8); Une Année à Florence (1840, 2 vol. in-8);
Nouvelles Impressions de voyage [Midi de la France]
(4844, 3 vol. in-8) ; le Speronare (1842, 4 vol. in-8),
voyage en Sicile avec le peintre Jadin et son bouledogue
Mylord; le Corricolo (1843, 4 vol. in-8); et la Villa
Palmieri (1843, 2 vol. in-8), relatifs au même séjour
dans le sud de l'Italie; De Paris à Cadix (1848, 5 vol.
in-8); le Véloce ou Tanger, Alger' et Tunis (iS^S, 4 vol.
in-8) qui forme la suite du précédent; 'le Caucase {iS^9,
in-4); De Paris à Astrakan (1860, 3 vol. in-42), réimpr.
sous le titre collectif de : En R^sie. A cette âérie se rat-
tachent, sans en faire cependant partie : l'ouvrage intitulé
Quinze Jours au Sinaï (4^32+ 2 vol. in-8), rédigé sur
les notes du peintre Dauzats, ainsi que l'Arabie heureuse,
pèlerinage d'Hadji-Abd-el-Hamid-Bey [Du Couret] (4855,
6 vol. in-8, ou 4860, 3 vol. in-8) {les Baleinier s, journad
DUMAS
38 -
d'un voyage aux Antipodes par le D^ Félix Maynard (1861 ,
2 vol. in-12) et le Journal de M""® Giovanni à Taïti, aux
îles Marquises et en Californies(1855, 4 vol. in-8), pré-
sentés comme revus et mis en ordre par Alex. Dumas,
sans que sa collaboration soit parfaitement établie.
C'est par de courtes nouvelles que débuta le romancier
qui devait entreprendre et mener à leur fin les plus lon-
gues et les plus captivantes inventions de la littérature
moderne. Le Cocher de cabriolet. Blanche de Beaulieu
(déjà publiée dans les Nouvefles contemporaines), Cheru-
hino et Celestini, Antonio, Maria, et le Bal masqué,
Jacques 1^^ et Jacques II ont été réimprimés sous le titre
de Souvenirs d'Antony (1835, in-8); Pauline et Pas-
cal Bruno ont reçu le titre collectif de la Salle d'armes
(1838, 2 vol. in-8). Viennent ensuite des œuvres de plus
longue haleine : le Capitaine Paul (1838, 2 vol. in-8),
dont, si l'on en juge par un ex-dono de Dumas, l'idée pre-
mière appartiendrait à Dauzats ; Acte, suivi de Monsei-
gneur Gaston de Phebus (1839, 2 vol. in-8) ; Aventures
de John Davy (1840, 4 vol. in-8) ; le Capitaine Pam-
phile (1840, 2 vol. in-8) ; Maître Adam le Calabrais
(1840, in-8) ; Othon V Archer (1840, in-8) ; Aventures
deLyderic (1842, in-8) ; Praxède, suivi de Bon Martin
de Freytas et de Pierre le Cruel (1841, in-8) ; Georges
(1843, 3 vol. in-8), dont, selon Mirecourt, Félicien Male-
fille aurait pu revendiquer la paternité; Ascanio (1843,
5 vol. in-8), sur lequel, toujours d'après le même pam-
phlétaire, M. Paul Meurice aurait pu faire valoir les mêmes
droits; le Chevalier d'Harmental (1843, 4 vol, in-8),
d'où date Talliance intime, féconde et hautement avouée
par le premier, de Dumas et de Maquet à laquelle on a dû
successivement : Sylvandire (1844, 3 vol. in-8) ; les
Trois Mousquetaires (1844, 8 vol. in-8), le plus amusant
et le plus célèbre des romans de cape et d'épée et ses deux
suites dignes de leur aîné: Vingt Aîis après (1845,
10 vol. in-8) et Dix Ans plus tard ou le Vicomte de Bra-
gelonne (1848-1850, 26 vol. in-8); le Comte de Monte-
Cristo (1844-1845, 12 vol. in-8), dont Fiorentino réclamait
une part formellement niée par Dumas et restée inconnue à
Maquet ; Une Fille du Bégent (1845, 4 vol. in-8) ; la
Reine Margot (1845, 6 vol. in-8) ; la Guerre des femmes
(1845-1846, 8 vol. in-8) : le Chevalier de Maison-Bouge
(1846,6 vol. in-8) ; la Dame de Monsoreau (1846,
8 vol. in-8) ; le Bâtard de Mauléon (1846, 9 vol. in-8) ;
Mémoire d'un médecin (1846-1848, 19 vol. in-8) et ses
deux suites : Ange Pitou (1853, 8 vol. in-8) et la Com-
tesse de Charny (1853-1855, 19 vol. in-8); les Quarante-
Cinq, suite et fin de la Dame de Monsoreau (1848,
10 vol. in-8). Alex. Dumas, qui se flattait « d'avoir des
collaborateurs comme Napoléon a eu des généraux », eut
recours encore à Hipp. Auger pour Fernande (1844,
3 vol. in-8), à M. Paul Meurice pour Amaury (1844,
4 vol. in-8), à Paul Lacroix pour les Mille et un Fan-
tômes (1849, 2 vol. in-8), la Femme au collier de
velours (1851, 2 vol. in-8), et pour Olympe de Clèves
(1852, 9 vol. in-8), etc. Parfois même il lui est arrivé
de mettre ou de laisser mettre son nom sur la couver-
ture de livres qu'il n'avait pas même lus, ainsi qu'il l'a
reconnu plus tard pour /^.s Deux Diane de M. Paul
Meurice (1846-1847, 10 vol. in-8), ou pour le Chas-
seur de Sauvagine de M. G. de Cherville (1859, 2 vol.
in-8), où sa part effective se réduisit, dit-il, à mettre
un point sur Vi du dernier mot du titre. En revanche, on
ne lui a jamais disputé plusieurs autres romans moins cé-
lèbres, il est vrai, que ceux dont les titres sont rappelés
plus haut : Gabriel Lambert (1844, 2 vol. in-8) ; le
Château d'Eppstein (1844, 3 vol. in-8) ; Cécile (1844,
2 vol. in-8); les Frères Corses (1845, 2 vol. in-8),
émouvant récit, dédié à Prosper Mérimée.
Malgré cette production sans exemple et qui dépassait
tout ce que la cervelle et même la main humaine avaient
pu jusqu'alors concevoir et exécuter, en dépit des procès
suscités, et le plus souvent gagnés par les directeurs de
journaux dont les traités restaient en souffrance, Dumas
trouvait encore le temps de surveiller la construction de la
villa de Monte-Cristo, près de Saint-Germain , et qui en-
gloutit une partie des sommes fabuleuses que lui rapportait
sa plume, de parcourir d'oct. 1846 à janv. 1847 l'Espagne
et l'Algérie, en compagnie de son fils, de Maquet, de Louis
Boulanger, de Desbarolles et d'Eugène Giraud, de prendre
enfin la direction du Théâtre-Historique dont le duc de
Montpensier lui avait fait obtenir la concession et où il se
proposait « d'offrir chaque soir au peuple une page de notre
histoire ». L'inauguration en eut lieu le 20 févr. 1847 avec
la Beine Margot, drame en cinq actes et treize tableaux,
tiré du roman portant le même titre, avec le concours
d'Auguste Maquet qui, outre deux adaptations antérieures
des Mousquetaires (Ambigu, 27 oct. 1845), et de la
Fille du Bégent (Théâtre-Français, 14 avr. 1846), pro-
duisit dans les mêmes conditions : le Chevalier de Maison-
Bouge (Théâtre-Historique, 5 août 1847), dont le souvenir
s'est perpétué par le fameux refrain Mourir pour la
patrie! devenu peu après le chant patriotique de 1848 ;
Monte-Cristo, drame en quatorze tableaux divisés en deux
« soirées », innovation assez malheureuse, suivie plus tard
de deux autres « soirées » : le Comte de Morcerf et
Ville fort (1851); Catilina, drame en cinq actes (Théâtre-
Historique, 14 oct. 1848); la Jeunesse des Mousque-
taires, drame en cinq actes et quatorze tableaux, avec pro-
logue et épilogue (Théâtre-Historique, 10 févr. 1849), l'un
des grands succès de Mélingue ; la Guerre des femmes,
drame en cinq actes et dix tableaux (avr. 1849) ; le Che-
valier d'Harmental, drame en cinq actes et dix tableaux
(Théâtre-Historique, 26 juil. 4849); Urbain Grandier,
drame en cinq actes, avec prologue (Théâtre-Historique, 30
mars 1850). C'est sur la même scène que furent encore
représentés le Comte Hermann, drame en cinq actes
(22 nov. 1849), interprété par Méhngue, Laferrière et
Rouvière, et une adaptation à'Hamlet, en cinq actes et en
vers, qu'il a signée avec M. Paul Meurice et qui figure au
répertoire actuel de la Comédie-Française (15 déc. 1847).
La révolution de févr. 1848 ne fut pour Dumas qu'une
suite de déceptions et le signal du déclin de son extraor-
dinaire fortune. Collaborateur d'une feuille quotidienne
éphémère, la Liberté (mars-juin 1 848) , et fondateur
d'une revue politique intitulée le Mois (15 avril), qui
n'eut pas une destinée beaucoup plus brillante, candidat
malheureux dans Seine-et-Oise et dans l'Yonne, bientôt
menacé dans la source principale de ses revenus par
l'amendement Riancey qui assujettissait à un droit fiscal le
roman-feuilleton, traqué par ses créanciers personnels et
par ceux du Théâtre-Historique, dont la crise que l'on
traversait avait entraîné la fermeture, il quitta Paris vers
la fin de 1851 et vint se fixer à Bruxelles où il demeura
jusqu'en 1854. C'est là qu'il écrivit : Un Gil Blas en
Californie (1852, 2 vol. in-8) ; Mes Mémoires (1852-
1854, 22 vol. in-8) ; Isaac Laquedem (1852, 2 vol.
in-8), sorte de contre-partie du Juif-Errant d'Eugène
Sue, annoncée comme devant former trente volumes, mais
qui fut arrêtée par la censure impériale ; le Pasteur
d'Ashbourn (1853, 8 vol. in-8); El Saltéador (1853,
3 vol. in-8); Conscience V Innocent (1853, 5vol. in-8) ;
Catherine Blum (1854, 2 vol. in-8); Ingénue (1854,
7 vol. in-8), dont la publication dans le Siècle fut interrom-
pue sur la réclamation d'un descendant de Restif de la Bre-
tonne ; les Mohicans de Paris (1854-1858, 19 vol. in-8),
dont Paul Bocage fut le collaborateur, ainsi que pour Sal-
vator (1855-1859, 4 vol. in-8), qui en forme la suite.
Grâce au dévouement de M. Noël Parfait, ancien repré-
sentant du peuple, exilé par le coup d'Etat et qui avait
remis quelque ordre dans les finances de Dumas, celui-ci
put, à son retour en France, retrouver une tranquillité
relative. De 1854 à 1860, il fonda et dirigea le Mousque-
taire, devenu, en 1857, le Monte-Cristo, « rédigé par
M. Dumas seul », fit représenter Bomulus, comédie en un
acte et en prose (Théâtre-Français, 15 janv. 1854), dont
0. Feuillet et Paul Bocage furent les collaborateurs; la
Jeunesse de Louis X/F, comédie en cinq actes et en
prose, reçue mais non jouée au Théâtre-Français, repré-
sentée au Vaudeville à Bruxelles le 20 janv. 1864 et
reprise en 1874 à TOdéon; la Conscience^ drame en cinq
actes (Odéon, 7 nov. 1854) ; VOrestie, tragédie en trois
actes et en vers (Porte-Saint-Martin, 5 janv. 1856) ; le Ver-
rou de la reine ^ comédie en trois actes (Gymnase,
5 déc. 1856), intitulée d'abord la Jeunesse de Louis XV
et remaniée après son interdiction par la censure ; V Invi-
tation à la valse ^ comédie en un acte (ibid.^ 3 août 1857);
V Honneur est satisfait^ comédie en un acte {ibid,^ 19 juin
1858) ; les Gardes forestiers^ drame en cinq actes (Grand-
Théâtre de Marseille, 23 mars 1858), tiré de Catherine
Blum, roman cité plus haut ; la Dame de Monsoreau,
drame en cinq actes avec prologue (Ambigu, 10 nov.
1860), le dernier et Pun des meilleurs que Maquet ait
signés avec lui ; enfin, il écrivit deux de ses meilleurs
romans, les Compagnons de Jéhu (1857, 7 vol. in-8),
et les Louves de Machecoul (1859, 10 vol. in-8).
Le voyage de Dumas en Italie (1860), la part plus ou
moins effective qu'il prit à l'expédition de Garibaldi en
Sicile, son séjour à Naples de 1860 à 1864 inaugurent le
début de la dernière période de sa vie. Les œuvres s'y
succèdent encore, de plus en plus hâtives et improvisées"^,
et sans qu'à de rares exceptions près, on y sente percer,
comme jadis, l'ongle du lion. Il suffira de citer : Madame
de Chamblay (1863, 2 vol. in- 12), dont Pauteur tira un
drame en 1868 (Porte-Saint-Martin) ; les Mohicans de
Paris, drame en cinq actes (Gaîté, 20 août 1864), in--
terdit par la censure et autorisé par Napoléon III à qui
Dumas avait adressé une curieuse supplique ; la San
Felice (1864-1865, 9 vol. in-18) ; les Blancs et les Bleus
(1867-1868, 3 vol. in-12), épisode des guerres de Ven-
dée, qui fournit aussi le sujet d'un drame joué sous le
même titre au Châtelet en 1869.
Si longue que soit Pénumération qui précède, elle reste-
rait notablement incomplète si l'on n'y faisait point figu-
rer trois séries d'écrits où Dumas, tout en donnant carrière
à son imagination, a entendu raconter sa propre existence,
celle de plusieurs de ses contemporains et de ses amis,
enfin quelques-uns des principaux épisodes de l'histoire de
France. Outre ses Mémoires déjà cités, on trouvera beaucoup
de particularités curieuses, mais le plus souvent sujettes
à contestations, dans un fragment placé en tête de la pre-
mière édition de son Théâtre : Comment je devins auteur
dramatique, dans ses Souvenirs de iSSO à i842 (1854,
2 vol. in-8) ; dans ses Causeries (1860, 2 vol. in-18);
dans Bric-à-Brac (1861, 2 vol. in-18), enfin dans V His-
toire de mes bétes (1868, in-18). Le second groupe est
formé par Un Alchimiste au xix® siècle (le comte de
Ruolz), premier chapitre de la Villa Palmieri, tiré à part;
le Maître d'armes (1844, 3 vol. in-8), mémoires de
Grisier ; Une Vie artiste (1854, 2 vol. in-8), histoire de
la jeunesse et des débuts de Mélingue ; la dernière Année
de Marie Dorval (1854, in-18), touchant appel à la cha-
rité publique pour parvenir à lui ériger un tombeau; les
Mémoires de Garibaldi (iS60), soi-disant traduits sur le
manuscrit original; les Morts vont vite (1861, 2 vol.
iYi-18), intéressantes réminiscences sur Béranger, Musset,
Achille Devéria, Eugène Sue, Chateaubriand, le duc et la
duchesse d'Orléans, etc. En 1833, une première étude his-
torique : Gaule et France, était présentée comme devant
former la tête d'une série de Chroniques qui ne fut pas
continuée après la seconde : Isabelle de Bavière (règne
de Charles VI) (1836, 2 vol. in-8), car on ne peut donner
ce nom aux compilations que Dumas a signées depuis et
qu'il suffît de rappeler pour mémoire : Louis XIV et son
siècle (1845-1846); Michel-Ange et Raphaël (1846);
Louis XV (1849) ; la Régence (1849) ; Louis XVI (1850);
le Drame de Quatre-vingt-treize (1851) ; Histoire de
deux siècles (1852) ; Histoire de la vie politique et
privée de Louis-Philippe (1852); les Grands Hommes
- 39 — DUMAS
en robe de chambre (César, Richelieu) (1857). Mettons
à part la Route de Varennes (1860, in-18), amusant
récit d'une excursion en Champagne, d'après l'itinéraire
même de la famille royale, mais où une inexactitude lui
valut un long procès définitivement jugé en sa faveur. A
ces spéculations de librairie, on préférera toujours les deux
ou trois contes écrits pour les enfants et restés des modèles
du genre : Histoire d'un casse-noisette (1845, 2 vol.
in-12, ill. par Bertall) ; la Bouillie de la comtesse Berfhe
(1845, in-12, ill. par le même) eile Père Gigogne (1860,
2 vol. in-12).
Les toutes dernières et si tristes années de la vieillesse
de Dumas furent adoucies par le dévouement de sa fille,
M"^« Petel, et par la sollicitude de son fils, qui finit par
pourvoir à tous les besoins de sa vie matérielle ; ce fut
dans la villa de Puys, près Dieppe, qu'il s'éteignit le 5 déc.
1870, sans avoir conscience des désastres infligés à la
France, et sa mort passa forcément alors inaperçue. Au
mois d'avr. 1872, sa dépouille fut exhumée de la tombe
provisoire où elle était déposée et transportée, selon un
vœu souvent exprimé par lui, au cimetière de Villers-Cot-
terets, en présence delà plupart de ses amis, collaborateurs
ou interprètes encore survivants. Le 4 nov. 1883, fut
inauguré sur la place Malesherbes, à Paris, le monument
dû à Gustave Doré, qui n'avait pu en voir l'achèvement et
où il avait placé au pied de la statue assise du grand ro-
mancier le personnage le plus populaire de son œuvre
(d'Artagnan), encadré par deux groupes symbolisant les
diverses classes de lecteurs que charmeront toujours ses
légendaires exploits.
Les indications bibliographiques des œuvres citées au
cours de cet article se réfèrent toutes à leurs éditions ori-
ginales, mais les divers écrits de Dumas (à l'exception de
ses poésies qui n'ont jamais été réunies) ont été l'objet de
deux réimpressions générales en quelque sorte perma-
nentes, Pune en livraisons in-4 illustrées, l'autre dans le
format in-18 et comprenant beaucoup de romans (authen-
tiques ou apocryphes) parus antérieurement sous d'autres
titres ; cette partie de la bibhographie de Dumas n'a pas
été traitée par MM. Parran et Glinel dont les travaux
(V. ci-dessous) n'en sont pas moins fort intéressants et
fort utiles.
Les portraits originaux de Dumas ne sont pas aussi
nombreux que pourrait le faire supposer sa très réelle célé-
brité. On ne peut guère citer, parmi les documents les
plus importants, que deux lithographies d'Achille Devéria,
l'une en pied (sur un canapé), l'autre en buste et toutes
deux fort belles ; un médaillon en bronze de David d'An-
gers; une autre lithographie par Lelièvre (1833); un
pastel par Eugène Giraud (1845); un portrait en costume
de Circassien par Louis Boulanger (Salon de 1859), appar-
tenant au fils du modèle; une statue par Carrier-Belleuse,
à Villers-Cotterets ; de très nombreuses caricatures et un
certain nombre de photographies ; Tune d'elles, représen-
tant Dumas en manches de chemise et tenant dans ses
bras une céièbre écuyère américaine, miss Adah Menken,
fut retirée du commerce sur la plainte de la famille.
Maurice Tourneux.
BiBL. : 1° A. Dumas, Mes Mémoires, Souvenirs draniati-
gues, Causeries, les Morts vont vite, Bric-à-Brac, Histoire
de mes bêtes (V. ci-dessus). — L. de Loménie, Un Homme
de rien {Galerie des contemporains illustres), 1842, t. Y,
— Ch. Chincholle, Alexandre Dumas aujourd'hui, 1869,
gr. in-8, photographies (trois livraisons seulement ont
paru). — A. DE Boissieu, Lettres d'un passant. Figures
contemporaines, 1869, in-18. — Jules Janin, Alexandre Du-
mas (mars 1871), 1871, in-12, portrait à l'eau-forte par Fla-
meng. — A. Dubarry, Quatre Célébrités, 1874, in-18. —
Ch. Hugo, les Hommes de Vexil, 1875, in-18. — Th. de
Banville, Mes Souvenirs, 1882, in-18. — Le Monument
d'Alexandre Dumas, discours prononcés à cette occasion,
1884, gr. in-8, pi. — B. Pifteau, Alexandre Dumas en
manches de chemise, 1884, in-18. — Ch. GhmEL, Alexandre
Dumas et son œuvre, Notes biographiques et bibliogra-
phiques; Reims, 1884, in-8.— H. Blaze de Bury, Alexandre
Dumas, sa vie, son temjps, son œuvre, 1885, in-18. —
Alex. Michaux, Souvenirs personnels sur Alexandre
Dumas, 1885,in-16 (anonyme). —A. Davroux, Douze Celé-
DUMAS
40 -
brités du dr-partemeyii de V Aisne; Saint-Quentin, 1885,
in-12. — Eug. CouRMEAux, ancien député de Reims,
Alexandre Dumas ; Chàlons, 1886, 45 p. in-8. — Gabriel
Ferry, les Dernières Années d'Alexandre Dumas (1864-
1870), 1883, in-12. — Ph. Audebrand, Alexandre Dumas
à la Maison d'or (Souvenir de la rédaction du Mousque-
taire), 1888, in-12. — Notices diverses, par H. Romand
(Reoue des Deux Mondes^ 15 janv. 1834). — Louis Huart,
Galerie de la presse. — Lheritier de TAin, Plutarque
drolatique, 1843, gr. in-8. — 2» Granier de Cassagnac,
Articles dans le Journal des Débats, 1«'' et 6 )iov. 1833,
30 juil. 1834. (Sur ces articles qui brouillèrent Dumas
et Victor Hugo, V. Edm. Biré, Victor Hugo après 1830,
t. I.)— Le critique JiUes Janin et le dramaturge Alexandre
Dumas à propos des « Demoiselles de Saint-Cyr », extraits
du Journal des Débats et de la Presse, 1843, 44 p. in-12.
— Harel, le Succès, comédie en deux actes et en prose
(Odéon, 9 mars 1843), 1843, in-8. — Ed. Bergounioux,
M Buioz et M. A. Dumas. Lettre à M. Delaunay, directeur
dû « Journal des artistes, » s. d. (1844), in-8. — Vérité ! sur
les lettres de M. A. Dumas concernant M. Buloz, la Comé-
die-Française et l'art en général, 1845, in-8. — Eug. de Mi-
nECOVRT, Fabrique de romans, Maison Alex. Dumas et
compagnie, 1845, 64 p. in-8 (beaucoup de déclamations,
d'injures et de calomnies, mais très peu de faits). — Pierre
Ledru, baron de Blaguenpuff, Réponse à l'auteur du
pamphlet intitulé « Maison A. Dumas et C'« », 1845, in-8,
16 p. (autre pamphlet, plus spirituel que le précédent). —
Michel-Ange Titmarch (W.-M. Tijackeray), Lettre à
M. Alex. Dumas {Revue britannique, janv. 1847).— L. Jous-
serandot, les Collaborateurs, comédie en un acte et en
vers ^Vaudeville, 6 mars 1847). —Alexandre Dumas dé-
voilé par le marquis de La Pailleterie, 1847, 36 p. in-18. —
M""» Clémence Badère, le Soleil Alexandre Ditwas, Ï855,
84 p. in-8. (Plaintes d'une femme de lettres dont une nou-
velle avait été refusée au Mousquetaire.) — Alexandre
Dumas, roi de Naples, 1860, 32 p. in-8. — 3" J.-M. Quérard,
les Supercheries littéraires dévoilées, etc., 1816-1854, 5 vol.
in-8 ; 2« éd. 1869, 3 vol. in-8. (Article en grande partie em-
prunté aux pamphlets énumérés plus haut, mais très
pauvre en indications bibliographiques précises.) — Ad.
CRÎiMiEUx, Plaidoirie pour MM. Michel Lévy frères, 1857,
68 p. in-4. (Important document pour la genèse des œuvres
de Dumas.) — A. Parran, Romantiques, Editions origi-
nales, etc., Pétrus Borel, A lexandre Dumas ; Alais, 1884, in-8.
DUMAS (Adolphe), littérateur français, né à Bompas
(Vaucluse) en 4803, mort le 45 août 1861. Après avoir
chanlé la révolution de 1830, dans un dithyrambe intitulé
les Parisiennes, il publia un poème philosophique, la Cité
des hommes (4835, in-8) et fit recevoir par le comité du
Théâtre-Français un drame en vers, la Fin de la comé-
die ou la Mort de Faust et de Don Juan, interdit par la
censure avant la représentation. Deux autres drames, le
Camp des croisés (Odéon, 3 févr. 4838) et Mademoi-
selle delà Vallière (Porte Saint-Martin, 45 mai 4842),
n'eurent aucun succès. Ad. Dumas a encore publié : Pro-
vence (4840, in-8), recueil de poésies, Deux Hommes,
comédie en cinq actes (4849), quelques cantates et quelques
nouvelles en prose. M. Tx.
DUMAS (Michel), peintre français, né à Lyon le 4 8 juin
484 2, mort à Lyon le '24 juin 4885. Après avoir fait ses pre-
mières études de dessin à l'école de Lyon, cet artiste partit
pour Paris, en même temps que les deux frères Flandrin,
el entra dans l'atelier d'Ingres. Il s'y forma un beaii talent,
d'un style noble et sévère, plein d'élévation ; mais doué
d'un caractère fier et indépendant, malgré sa douceur et sa
modestie, il ne sut pas flatter son maître et s'assurer son
tout-puissant patronage. Il le quitta donc au bout de quel-
ques années et débuta au Salon avec quelques toiles qui ne
furent aucunement remarquées : Agar renvoyée par Abra-
liam(S. 4838) ; Souvenir de Rome (S. 4843) et FraAn-
gelico deFiesole (S. 4845 ; musée de Langres). Ces œuvres
valaient pourtant mieux que l'accueil qui leur fut fait. En
4853, cependant, la Séparation de saint Pierre et de
saint Paul fut acquise par l'Etat et placée au Luxembourg.
Ce fut le point de départ de la réputation que méritait
depuis longtemps déjà Dumas ; il exposa en 4857 : le
Dévouement de l'abbé Boulay ; les Saintes Femmes
au tombeau et Mater dolorosa. Le Salvator niundi
qu'il exposa en 4863 (égl. de Saint-Cloud) est son chef-
d'œuvre : le modelé du torse de ce Christ en croix est réel-
lement admirable dans son affaissement. Les principales
œuvres qu'il a produites ensuite sont : Glorification de
saint Denis (S. 4866; égl. Notre-Dame de Chgnan-
court), Tentation de Jésus-Christ (S. 1872); Notre-
Dame des Sept Douleurs (S. 4878). On doit encore à cet
artiste, dont le talent, dans certains de ses ouvrages, peut
hautement se comparer à celui de Flandrin : les Disciples
d'Emimius (4859; égl. Saint-Louis d'Antin), tableau dans
lequel l'artiste a fait connaître des qualités de coloriste,
puissant et transparent, qui ne sont pas habituelles dans
sa peinture ; la chapelle de Notre-Dame des Sept Douleurs,
à l'égl. de la Trinité, composée de deux panneaux, Conso-
latrix afflictorum et Mater dolorosa ; ce dernier pré-
sente un groupe admirable de style et d'expression ; et enfin
de nombreux portraits. Enfin, on lui doit encore la copie
(exécutée en collaboration avec M. Balze et sous la direc-
tion de Ingres), de V Apothéose d'Homère, copie placée au
plafond de' l'ancien musée Charles X, à la place désignée
d'abord pour l'original. Lorsqu'il mourut, Dumas était
depuis plusieurs années directeur-professeur de l'Ecole des
beaux-arts de Lyon, dont il a réorganisé et réformé l'en-
seignement de la manière la plus avantageuse pour les
études. Ad. Thiers.
DUMAS (Alexandre), célèbre auteur dramatique et
romancier français,, fils d'Alexandre Dumas, né à Paris
le 27 juil. 4824. Placé de très bonne heure dans l'ins-
titution dirigée par Goubaux, l'un des collaborateurs de
son père, '\\ suivit les cours du collège Bourbon (aujour-
d'hui lycée Condorcet) et y remporta quelques succès. Il
avait à peine dix-huit ans quand la Chronique, reviie
mensuelle (4842), inséra ses premiers vers, réimprimés
depuis dans un recueil de poésies, intitulé d'abord Pré-
face de la vie, puis Péchés de jeunesse (4847, in-8).
Vers la même époque, il écrivit un roman, présenté sous
le titre de Fabien par son père à divers journaux qui
le refusèrent, et publié sous celui à' Aventures de quatre
femmes et d'un perroquet (4847, 6 vol. in-8). Il fut
bientôt suivi de: Césarine (1848, in-8); le Docteur
Servan (4849, 2 vol. in-8) ; Antonine (4849, 2 vol.
in-8) ; Trois Hommes forts (4850, 4 vol. in-8) ; le
Régent Mustel (4852, 2 vol. in-8), sans parler d'un
recueil de Contes et Nouvelles (4853, in-48), à'Un Cas
de rupture (4854, in-32), et d'une série de romans his-
toriques publiés en feuilletons dans la Gazette de France
sous ce titre collectif : les Quatre Restaurations, et com-
prenant : Tristan le Roux (4849), Henri de Navarre
(4850), les Deux Frondes (4854); Tristan le Roux a
seul été réimprimé en volume; le quatrième épisode n'a
jamais paru.
Malgré les dons heureux que trahissaient ces œuvres de
début, la véritable personnalité de l'auteur ne se fit jour
que lorsqu'il aborda l'étude de la société moderne, où la
mort de Balzac lui laissait le champ libre. La Dame aux
camélias (4848, 2 vol. in-8) est restée le type le plus
célèbre de cette galerie, où vinrent presque aussitôt prendre
place Diane de Lys (4854, 3 vol. in-8), et la Dame aux
perles (4854, 3 vol. in-8), qui initiaient le public aux
mœurs et aux mystères de ce que l'auteur lui-même avait
appelé le demi-monde. Après de longues luttes contre la
censure et contre Léon Faucher, ministre de l'intérieur,
M. Dumas fils put enfin, grâce à la protection de M. de
Morny, faire représenter au Vaudeville la Dame aux ca-
mélias (2 févr. 4852), où l'amour, l'agonie et la mort de
Marie Duplessis obtinrent un succès prolongé, que retrou-
vèrent Diane de Lys (Gymnase, 45 nov. 4853), autre
comédie arrêtée huit mois par la censure, et le Demi-
Monde (Gymnase, 20 mars 4855). La Question d'argent
(Gymnase, 34 janv. 4857) s'attaquait à une des plaies du
jour avec non moins de vigueur et provoqua même les ré-
clamations du fameux Jules Mirés qui crut se reconnaître
dans le personnage de Jean Giraud, imputation contre
laquelle M. Dumas a toujours protesté. C'est encore sur
la scène du Gymnase que furent représentées les comédies
suivantes, où se traitaient coram populo les problèmes les
plus scabreux de la recherche de la paternité, du divorce,
de la séduction, du concubinage, du proxénétisme et de
~ 44 —
DUMAS
l'adultère : le Fils naturel (46 janv. 1 858) ; Em, Père pro-
digue (30 nov. 4859) ; VAmi des femmes (5 |iiars 4864) ;
les Idées de M''^^ Aubray (46 mars 4867) : Une Visite
de noces (46 oct. 4874) ; la Princesse Georges ("2 cléc.
4874) ; la Femme de Claude {\^']mv, 4873h; Monsieur
Alphonse{^Q nov. 4873), dont les principaux rôles eurent
pour créateurs W^^^ Rose Chéri, Berton, Ad. Dupuis, et,
en dernier lieu, Aimée Desclee, et qui toutes suscitèrent
d'ardentes discussions que l'auteur a reprises à son tour
et résumées dans les préfaces d une première édition
collective de son Théâtre (4868-4879, 6 vol. in-48).
M. Dumas fils a donné depuis, au Théâtre-Français,
r Etrangère, comédie en quatre actes (44 févr. 4876),
qui, mal accueillie du public le premier soir, en dépit d'une
interprétation hors ligne, s'est longtemps maintenue sur
l'affiche, de même que la Princesse de Bagdad (févr.
4884), pièce en trois actes, spécialement écrite pour
M^^® Croizette ; Denise, pièce en quatre actes (49 janv.
4885), et Francillon (47 janv. 4887), pièce en trois actes,
dont le talent de l'auteur et celui des artistes appelés à le
seconder ont fait accepter, non parfois sans résistance, les
invraisemblances et les audaces.
Plus heureux que son père, M. Dumas fils n'a jamais
vu mettre en doute sa puissante originalité et nul ne s'est
avisé de lui prêter des collaborateurs réels ou imaginaires.
Par contre, il lui est arrivé plusieurs fois de mettre sa
plume au service d'autrui, notamment pour le Marquis
de Villemer de George Sand (Odéon, févr. 4864), le
Supplice d'une femme (Théâtre-Français, 29 avr. 4865),
comédie refaite sur un scénario d'Emile de Girardin, et
Hé loïse Par auquel (Gymnase, 20 janv. 4866), entièrement
difièrente du canevas primitif de M. Durantin. Les démêlés
retentissants qui suivirent ces deux dernières transforma-
tions avaient, disait-on, à jamais dégoûté M. Dumas de la
collaboration ; néanmoins, on peut encore porter à son avoir
littéraire le Filleul de Pompignac, comédie en quatre
actes (Gymnase, 4869) que M. H. Lefrançois lui avait sou-
mise et qui fut signée sur l'affiche Gustave de Jalin ;
les Danichejf, drame en cinq actes (Odéon, févr. 4876),
signé Pierre Newski, et dont la donnée première appar-
tenait à un littérateur russe, M. Pierre Corvin, ainsi que
la Comtesse Romani, comédie en trois acles (Gymnase,
nov. 4876), signée aussi Gustave de Jalin, pseudonyme
collectif de M. Dumas et de M. G. Fould. Il a enfin rendu
le même service à son père lors de la reprise à l'Odéon de
la Jeunesse de Louis A7F(4874), et pour Joseph Balsa-
mo, drame inédit en cinq actes, remanié sur le manuscrit
original (Odéon, mars 4878). Des indiscrétions, inévitables
en pareil cas,„ ou la reconnaissance même de ses obligés
permettent d'assurer qu'il a tout au moins relu un certain
nombre d'autres pièces, telles que : Comment la trouves-
tu ? comédie-vaudeville par L. Pages et H. de Chambrait
(1857) ; Un Mariage dans un chapeau, comédie en un
acte par Vivier (4859) : Comme elles sont toutes, comédie
par Ch. Narrey (4868); Albertine de Merris, comédie
par Amédée Achard (4868) ; Mademoiselle Duparc, comé-
die par M. L. Denayrouze (1875), etc.
Ce n'est pas seulement sur la scène que M. Dumas a
poursuivi le triomphe des thèses sociales qu'il n'a cessé
de soutenir : un roman présenté sous forme de factum
judiciaire, l'Affaire Clemenceau, Mémoire de l'accusé
(4866, in-8), était un plaidoyer en faveur du châtiment de
l'adultère par la main même de l'époux outragé. En 4869,
dans une brochure destinée à faire connaître l'établissement
des Madeleines repenties situé à Clichy-la -Garenne, il
réclamait la réhabilitation de la femme déchue par l'expia-
tion. Après une incursion sur le terrain politique dans sa
fameuse Lettre sur les choses du jour (1874, in-48), il
reprit, dans une brochure à titre bizarre, V Homme-Femme
(4872, in-48), la théorie dont la Femme de Claude fut
la démonstration ; il a de plus récemment pris une part
brillante aux discussions soulevées par la Question du di-
vorce (4880, in-8), et par la Recherche de la pater-
nité (4883, in-48), questions qu'il a examinées sous toutes
leurs faces, dans un certain nombre de préfaces ou de
lettres plus ou moins destinées à la pubhcité.
Candidat au fauteuil laissé vacant par Pierre Lebrun,
M. Dumas fut élu par 22 voix contre 44 au premier tour
de scrutin le 30 janv. 4874, et vint prendre séance le
41 févr. 4875. Au discours où il évoquait la gloire pater-
nelle comme son meilleur titre à la bienveillance de l'Aca-
démie, lui rappelant ainsi l'une de ses plus criantes injus-
tices, M. d'Haussonville répondit par une spirituelle cri-
tique du monde spécial où Fauteur avait le plus volontiers
pris ses modèles et de ses théories morales et religieuses.
Depuis, M. Dumas a été chargé comme directeur en 1877
du rapport sur les prix de vertu, et en 4887 de la réponse
à M. Leconte de Liste, successeur de Victor Hugo.
Ainsi qu'il a été dit plus haut, les diverses pièces de M. Du-
mas, jusques et y compris l'Etrangère, ont été réunies sous
le titre de Théâtre complet avec préfaces inédites (4868-
4879, 6 vol. in-48). L'auteur en a donné une nouvelle
édition, dite des Comédiens, parce qu'elle était exclusive-
ment destinée aux premiers interprètes de ses œuvres,
tirée à quatre-vingt-dix-neuf exemplaires et augmentée de
notes nouvelles souvent très importantes (4882-4886,
6 vol. gr. in-8). A ces deux collections manque Atala,
scène lyrique, musique de Varney, représentée sur le
Théâtre-Historique en 4848, mais on y retrouve une autre
bluette en un acte et en vers, le Verrou de la reine,
jouée en 4845 sur le petit théâtre de l'hôtel Castellane, et
reprise au Gymnase en 4873. Une Histoire de la loterie
du lingot d'or (4854, in-8), que les entrepreneurs de cette
spéculation avaient demandée à M. Dumas, et d'autres écrits
de jeunesse, joints à des pa»es plus récentes et plus graves,
ont été rassemblés sous le titre d'Entr'actes (4878-4879,
3 vol. in-48); un recueil de nouvelles de la même période,
Thérèse {'iSl^, in-48), a été dédié par l'auteur à M. de
Spoëlberch, le savant bibliophile qui les avait exhumées.
Le roman de la Dame aux camélias a été l'objet, entre
autres réimpressions multiples, de trois éditions illustrées
par Gavarni (4858, in-8), par A. de Neuville (4875, in-8),
et par M. Albert Lynch (1886, gr. in-8).
Possesseur d'une très riche collection de tableaux et d'ob-
jets d'art qu'il a plusieurs fois épurée par des ventes pu-
bliques, M. Dumas a été personnellement lié avec la plupart
des grands artistes de ce temps. Parmi ses nombreux portraits,
il faut citer son buste par Carpeaux (placé à la Comédie-
Française), un petit panneau (en pied) de Meissonier, et
un buste (grandeur naturelle) par M. Donnât, remarquable-
ment gravé sur bois par M. Baude. Maurice Tourneux.
BiBL. : Dumas fils, Préfaces diverses du Théâtre com-
plet. — Jules Cla-Retie, A. Dumas fils, 1883, in-12. —
Paul BouRGET, Nouveaux Essais de psychologie contem-
poraine, 1885, in-18.
DUiVIAS (Ernest-Charles-Jean-Baptiste), administrateur
français, né à Paris le 27 févr. 4827, mort à Paris le
27 févr. 1 890, fils du chimiste Dumas. Sorti de l'Ecole
des mines, il fut attaché au ministère de l'agriculture et
du commerce en 4850, dirigea la publication des Annales
agronomiques et publia en 4854 un recueil fort important
de documents concernant le drainage en Angleterre.
Directeur de la Monnaie de Rouen (1852-4857), de la
Monnaie de Bordeaux (4860-1868), il devint ensuite
essayeur au bureau de la garantie de Paris et fit partie du
jury des Expositions universelles de Paris (4855) et de
Londres (4862). Elu député au Corps législatif le 2 août
4867 par le dép. du Gard, il siégea dans la majorité bona-
partiste et, réélu le 24 mai 4869, vota la guerre avec la
Prusse. Après la guerre, il reprit ses fonctions d'essayeur
à la Monnaie. Il a publié : Essai sur la fabrication des
monnaies (Rouen, 4856, in-8) ; Note sur l'émission
en France des monnaies décimales de bronze (Paris,
4868, in-4); Histoire générale des monnaies de cuivre
et de bronze en France (4873). M. Dumas avait épousé
la fille de A. Milne Edwards, de l'Institut.
DUMAS (Alexandre), homme politique français, né à
DUMAS — DUMENY
— 42 —
Treignat (Allier) le 7 août 4852. Receveur de l'enregis-
trement, puis notaire à Montluçon, maire de cette ville,
il a été élu député de la deuxième circonscription de Mont-
luçon, au deuxième tour de scrutin, le 6 oct. 1889, par
7,963 voix contre 5,339 à M. Theurault, bonapartiste, et
1,475 à 0. Justice, boulangiste. Son programme le classe
parmi les radicaux.
DUMAS DE Champvallier (V. Champ v allier).
DUNIAST (Auguste-Prosper-François Guerrier de),
littérateur français, né à Nancy le 26 févr. 1796, mort à
Nancy en 1883. Avocat, il abandonna le droit pour l'ar-
mée, devint intendant militaire et démissionna. Membre
d'un grand nombre de sociétés savantes, il fut élu, en
1863, membre correspondant de l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres. 11 fut un des membres fondateurs
de la Société asiatique de Paris. En 1816, il avait été cou-
ronné par l'Académie royale de Nancy pour un Eloge de
Gilbert, et il publia : la Maço7inerie (Paris, 1820, in-8),
poème en trois chants ; Chios, la Grèce et l'Europe (1822,
gr. in-8), poème lyrique ; la Rime (1819, in-8) ; Rapport
fait à la loge des artistes sur rétablissement de manu-
factures des apprentis pauvres et orphelins (1821,
in-8) ; le Tombeau des deux amants de Clermont
(1836, in-8) ; Notice sur Silvio Pellico (1838, in-8) ;
Nancy, histoire et tableau (1837, in-8) ; Paris fortifié
ou l'Avenir de la grande ville (1 841 , in-8) ; Ce que
la France avait raison de vouloir dans la question
d'Orient (1841, in-8); le Duc Antoine et les Rustauds
(1849, in-8); Philosophie de l'histoire de Lorrciine
suivie de Cent Années de l'Académie de Stanislas
(Nancy, 1850, in-8) ; Maximes traduites des Courais
de Tirou-Vallouvar ou la Morale des parias (1854,
in-8); l'Orientalisme rendu classique (1854, in-8);
Sur r Enseignement supérieur tel qu'il est organisé en
France (1865, in-8) ; Ce que fut jadis la Lorraine et
ce qu'elle est encore (1866, in-12) ; le Redresseur
(1866, in-12); Sur les Besoins intellectuels de la France
d'à présent (1868, in-8) ; la France et Nancy (1871,
in-8); Couronne poétique de la Lorraine (1874, gr.
in-8) ; Jacques Callot (1875, in-4), etc., et un ouvrage
paru anonymement : Foi et lumières^ considérations sur
les rapports actuels de la science et de la croyance
(Nancy, 1845, in-8, 2« éd.).
DU M A Y (Pierre), littérateur français, né à Dijon en
1626, mort à Dijon le 26 janv. 1711. Conseiller au par-
lement de Dijon. On peut citer de lui : Euguinneidos liber
primus (Dijon, 1643, in-4); Virgile virai en Bourgui-
gnon (Dijon, 1718, in-12). — Son i^ère, Paul Dumay,né
à Toulouse en 1585, mort à Dijon le 29 déc. 1645, con-
seiller au parlement de Dijon, a écrit divers ouvrages :
Epicedion in funus Brularti (Dijon, 1611, in-8); Dis-
cours sur le trépas de Mgr de Termes (1621, in-8) ; les
Lauriers de Louis le Juste (Paris, 1624, in-8) ; Inno-
centa III Epistolœ (1625, in-8); De Virgilii prosopeia
(1634, in-4), etc.
DU MAY (Victor), avocat et jurisconsulte français, né à
Dijon le 21 août 1798, mort à Dijon le 29 juil. 1849.
Nommé maire de Dijon le 7 juin 1838, il transforma la
ville par l'installation du gaz, des fontaines publiques,
l'établissement d'un Muséum d'histoire naturelle au jardin
de l'Arquebuse, l'agrandissement de l'Académie, etc., etc.
On a de lui : Commentaire de la loi de i836 sur les
chemins vicinaux; Annotations sur le domaine public,
du jurisconsulte Proudhon ; Addition à la description
du duché de Bourgogne, de Courtépée, etc.
DU MAY (Jean- Baptiste), homme politique français, né
au Creusot le 10 sept. 1841. Ouvrier mécanicien dans les
établissements du Creusot, puis en diverses villes de
France, il commença à se faire connaître par sa partici-
pation à la grève de 1870 et son adhésion à l'Internatio-
nale. Après la révolution du 4 sept., il fut nommé maire
du Creusot, se présenta aux élections législatives du 8 févr.
1871 ; mais, ayant adhéré à la Commune (26 mars), il
fut poursuivi et condamné par la cour d'assises aux travaux
forcés à perpétuité. Il avait pu passer en Suisse où il
demeura près de dix ans et travailla à la percée du Saint-
Gothard. Après l'amnistie de 1880, il s'établit au Creusot
où il créa la Fédération de Saône-et-Loire et eut de
nouvelles difficultés avec le gouvernement lors de la grève
de Montceau-les-Mines. En 1887, il fut élu conseiller
municipal de Paris comme candidat ouvrier, fut délégué à
l'Exposition de Boston en 1883, à la conférence interna-
tionale de Paris en 1888 et à divers congrès ouvriers. Le
6 oct. 1889, il fut élu député du XX« arrondissement
(1''^ circonscription) de Paris par 5,584 voix contre 3,500
environ à Henri Rochefort. C'est un socialiste possibiliste.
Lors de la discussion de la demande d'amnistie de P. La-
fargue (déc. 1891), il a rejeté l'alliance des catholiques.
DUMBARTON. Ville. — Ville d'Ecosse, chef-lieu du
comté de ce nom, sur la Clyde, au confluent du Leven;
14,172 hab. On y peut rattacher les localités voisines de
Renton, Bonhill et Alexandria sur le Leven, ce qui dou-
blerait sa population. Le port est médiocre, et Dumbarton,
malgré l'avantage de sa situation s'est laissé supplanter par
Glasgow. La ville a des chantiers de constructions navales,
des fonderies, etc. C'est l'ancienne capitale du royaume de
Strathclyde, hBalclutha d'Ossiân, Dun Bretondes vieux
Ecossais. Sur le rocher qui la domine est un château célèbre
dans l'histoire d'Ecosse, où résidèrent Robert Bruce, Marie
Stuart, Charles I®% Cromwell.
Comté. — Ancien comté de Lennox. Il a 683 kil. q. et
75,333 kab. (en 1881 ). Il s'étend au N. de la Clyde,
comprenant l'étroite plaine fluviale et la région des High-
lands comprise entre le lac Lomond et la mer (loch Long).
Son plus haut point est le Ben Vorlich (942 m.). Il y a
environ 17 «/^ du sol labouré, Il % en pâturages, 5 «/o en
bois. On comptait, en 1884, 14,000 bœufs et 72,000 mou-
tons. On retire du sol de la houille, du fer, de l'ardoise,
des pierres.
DUMBARTON (Lord George Douglas, comte de), né vers
1636, mort à Saint-Germain-en-Laye le 20 mars 1692. H
prit du service dans l'armée française, devint colonel du
régiment écossais à la mort de son père Archibald, et,
lorsque ce régiment fut rappelé par Charles II et incorporé
à l'armée anglaise, fut créé comte de Dumbarton (9 mars
1675). Il fut nommé commandant en chef de l'armée écos-
saise à l'avènement de Jacques II, réprima la rébellion du
comte d'Argyll (1685), et, lorsque la révolution éclata,
accompagna le roi en France où il mourut. — Son fils
G^or^f^, deuxième comte de Dumbarton, né en avr. 1687,
ambassadeur en Russie en 1716, mourut sans postérité,
et le titre fut éteint.
DUMBÉA. Village de la Nouvelle-Calédonie, à 18 kil.
de Nouméa ; 200 hab. Centre important de colonisation.
Gendarmerie. Postes et télégraphe. Affleurement du grand
bassin houiller calédonien.
DUMÉE (Jeanne), astronome française, née à Paris au
xvii^ siècle. Elle manifesta de bonne heure beaucoup de
goût pour les sciences, se maria à un officier, qui la laissa
veuve à dix-sept ans, et se consacra dès lors entièrement
à l'étude de l'astronomie. On ne connaît d'elle qu'un ou-
vrage, qui ne fut jamais imprimé et dont la Bibliothèque
nationale possède un manuscrit in-4. Entretien sur l'opi-
nion de Copernic touchant la mobilité de la terre. Elle
y expose les doctrines de Copernic et de Galilée, mais,
sans en nier la véracité, déclare leur préférer les enseigne-
ments de Descartes. L. S.
BiBL. : Journal des savants, année 1680. — J.-F. Mon-
TUCLA, Histoire des mathématiques, an VII, t. II, m-4.
DU M EN Y, chanteur dramatique français, né vers 1650,
mort en 1702. Il avait été d'abord cuisinier chez M. de
Foucauld, intendant de Montauban. Lully ayant eu l'occa-
sion de savoir qu'il possédait une superbe voix de haute-
contre, le prit à l'Opéra, lui fit donner des leçons, et le fit
débuter en 1677. C'est surtout dans le rôle d'Alphée de
Proserpine, joué par lui en 1680, qu'il donna la mesure
de sa valeur. Chanteur médiocre malgré sa très belle voix,
il était doué d'un sentiment dramatique remarquable, et il
devint bientôt l'idole du public en dépit de ses écarts, car
il était à la fois paresseux, ivrogne et voleur, et il lui
arrivait parfois d'être tellement ivre qu'il pouvait à peine se
tenir en scène. Les succès de Dumény, que Lully encou-
rageait beaucoup, furent éclatants dans ses créations de
Persée (Persée), Phaéton (Phaéton), Amadis (Amadis),
Armide (Renaud), Acis et Galathée (Acis), Achille et
Polyxène (Achille) , Thétis et Pelée (Pelée) , Médée ( Jason) ,
îssé (Apollon), Enée et Lavinie, Bidon ^ etc. Dumény,
dépourvu d'instruction première, rustre à la ville, d'une
prestance superbe au théâtre, semble avoir eu tout le tem-
pérament d'un grand artiste. Ses succès d'ailleurs ne se
bornèrent pas à Paris ; chaque année, pendant les trois
semaines de fermeture de Pâques, il se rendait à Londres,
d'où il rapportait chaque fois, dit-on, jusqu'à mille pistoles,
somme assurément énorme pour le temps. A. P.
p U Wl É R I L (André-Marie-Constant) , médecin et natu-
raliste français, né à Amiens le 1^^ janv. 4774, mort à
Paris le 16 août 1860. Successivement prosecteur et chef
des travaux anatomiques à la Faculté de médecine de Paris,
il fut nommé, en 1801, professeur d'anatomie et de phy-
siologie ; dix-huit ans après, il obtint par permutation la
chaire de pathologie interne qu'il occupa jusqu'à sa mort.
En outre, il remplaça pendant quatre ans Cuvier comme pro-
fesseur d'histoire naturelle à l'Ecole centrale du Panthéon,
et fit pendant plus de vingt ans, et comme suppléant de
Lacépède,des cours très suivis d'erpétologie et d'ichtyolo-
gie au Jardin des Plantes. Duméril était, de plus, médecin
de la maison royale de santé, membre de l'institut et de
l'Académie de médecine. Parmi ses nombreux ouvrages,
mentionnons : Traité élémentaire d'histoire naturelle
(Paris, 1803, in-8; 1807, 2 vol. in-8) ; Zoologie ana-
lytique, etc. (Paris, 1806, in-8) ; avec Bibron, Erpéto-
logie générale, ou Histoire naturelle complète des
reptiles (Paris, 1 835-1854, 9 vol. in-8), etc. D^ L. Hn.
DU MÉRIL (Edelestand Pontas), érudit français, né à
Valognes en 1801, mort à Passy le 24 mai 1871. Philo-
logue distingué, il a publié, principalement sur l'histoire
littéraire du moyen âge, des travaux appréciés. Nous cite-
rons de lui : Des Biens communaux situés dans le dép.
de la Manche (Paris, 1827, in-8); Des Transactions
offertes aux communes du dép. de la Manche (1827,
in-8); Philosophie du budget (1835-1836, 2 vol. in-8);
Histoire de la poésie Scandinave (1839, in-8); Essai
philosophique sur le principe et les formes de la versifi-
cation (1841, in-8); Mémoire sur la langue des gloses
malbergiques (1843, in-8); Essai sur l'origine des
runes (1844, in-8); Dictionnaire du patois normand
(Caen, 1849, in-8); Essai philosophique sur la forma-
tion de la langue française (Paris, 1852, in-8); De
V Usage non interrompu jusqu'à nos jours des tablettes
en cire (1861, in-8); Des Formes du mariage et des
usages qui s'y rattachaient surtout en France pendant
le moyen âge (1861, in-8); Etudes sur quelques points
d'archéologie et d'histoire littéraire (1862, in-8); His-
toire de la Comédie (1864-1869, 2 vol. in-8); le Monde
est un théâtre, comédie en cinq actes ; Toutes les sœurs de
charité ne sont pas grises, comédie en trois actes (Paris,
1874, in-12); Origines latines du théâtre moderne
(1849, in-8), sans compter la publication de textes du
moyen âge, comme des poésies populaires latines, les poèmes
de Flore et Elance flor (1856) et de la Mort de Garin
le Loherain (1845).
DUMÉRIL (Auguste-Henri-André), médecin et natura-
liste français, fils de André-Marie-Constant, né à Paris le
30nov. 1812, mort à Paris le 12 nov. 1870. En 1840, il
devint aide-naturahste au Muséum, fut chargé de cours
à la Sorbonne de 1844 à 1846, professeur de géologie
au collège Chaptal depuis 1847, enfin, en 1857, rem-
plaça son père au Muséum ; il fut nommé membre libre de
l'Académie des sciences en 1869. Ouvrages principaux: Des
— DUMÉNY — DUMESNIL
Odeurs, etc. (Paris, 1843, in-8); Z)^ la Texture intime des
glandes, etc. (Paris, 1845, in-8; thèse de doctorat es
sciences) ; Histoire naturelle des poissons, t. I (Paris,
1865-70, 3 vol. in-8, pi.). Il collabora en outre à {'Er-
pétologie générale de son père. D^ L. Hn.
DUMERSAN (Théophile Marion), auteur dramatique
et numismatiste français, né au château de Gastelnau, près
d'Issoudun, en 1780, mort à Paris en 1849. Il était à peu
près sans ressources lorsque, en 1795, le savant Millin,
conservateur du Cabinet des médailles, l'appela près de
lui ; en 1842, il devint conservateur adjoint de l'établis-
sement scientifique où il avait déjà rendu de réels services
en collaboration avec Mionnet. Mais la numismatique
ne fut jamais pour Dumersan que sa préoccupation secon-
daire; c'est comme vaudevilliste qu'il s'est illustré : on
peut le considérer à ce point de vue comme le digne pré-
curseur de Labiche. Dès 1798, il donnait, à un théâtre du
boulevard. Arlequin perruquier ou les Têtes à la Titus,
satire des modes du temps. Dans toute sa carrière d'auteur
dramatique, Dumersan a produit deux cent trente-huit
pièces, soit seul, soit en collaboration avec divers auteurs.
Toutes ces œuvres théâtrales, comédies, opéras-comiques,
vaudevilles, bouffonneries, farces, sont d'un goût châtié,
où la morale est respectée. La plupart sont des satires des
mœurs contemporaines et pétillent de verve et d'esprit.
Mais comme toutes les œuvres du même genre, si elles
ont beaucoup diverti les contemporains, elles ont vieilli
vite; bien des traits mordants n'ont plus de sel pour
nous, et tel mot nous semble fade qui a eu un succès
de fou rire. La seule, peut-être, des pièces de Dumersan
qu'on joue encore aujourd'hui, parce qu'elle est un véri-
table chef-d'œuvre, ce- sont les Saltimbanques, Parmi
les autres œuvres de théâtre de cet auteur si fécond,
nous citerons les suivantes : la Fête du bourgeois de
Paris (1816; en collaboration avec Merle); Maître
André (1807; en collaboration avec Brazier, ainsi que
les cinq suivantes); Sage et Coquette (1815); l'Ecole
du village (1818); le Vieux Berger (1819,); les
Bonnes d'enfants (1820); les Paysans (1820); les
Deux Philibert (1816; en collaboration avec Merle et
Brazier); Zoé (1821 ; avec Aubertin); la Pension bour-
geoise (iS^^; avec Scribe et Dupin); le Chanteur éternel
(1805; avec Désaugiers); Turlupin (1808; avec Désau-
giers), etc. Il a donné, sans collaborateur, entre autres :
l'Original de Pourceaugnac (1816) ; l'Intrigue sur les
toits (1805); Cadet Roussel, beau-père (1810); le Petit
Chaperon rouge (1811); Gargantua ou Rabelais en
voyage (1813) ; le Tribunal des femmes (1814) ; Mon-
sieur Bon Enfant (1816); le Grelot magique (1817);
le Méchant malgré lui (1824) ; Pauline ou Brusque et
bonne (1826); les Brioches à la mode; M. Cagnard;
Voltaire chez les capucins ; M"^^ Gibou et il/^* Pochet ,
pièce excellente, dont les types sont devenus légendaires.
Il faut citer quelques romans de Dumersan : l'Homme à
deux têtes (1825, 4vol. in-12.); le Soldat laboureur,
dont tout le monde connaît les couplets patriotiques.
Comme conservateur du Cabinet des médailles, Dumersan
a été amené à s'occuper d'archéologie, et il a pubhé dans
ce domaine quelques travaux qui n'ont plus guère aujour-
d'hui d'intérêt scientifique : Notice des monuments ex-
posés dans le Cabinet des médailles et antiques de la
Bibliothèque du roi (1819; 3^ éd., 1840, in-8);
Numismatique du voyage du jeune Anachar sis (1818,
2 vol. in-8) ; Histoire du Cabinet des médailles (Paris,
1838, in-8). E. Babelon.
DUMES. Com. du dép. des Landes, arr. et cant. de
Saint-Sever; 202 hab.
DUMESNIL (Marie-Françoise Marchand, dite), tragé-
dienne française, née à Paris le 2 janv. 1713, morte à
Boulogne-sur-Mer le 20 févr. 1803. Elle fut une des plus
grandes actrices, et peut-être la plus grande tragédienne
qu'ait connue la France. Tous les contemporains la placent
au-dessus de sa rivale, M"^ Clairon, malgré le grand talent
DUMESNIL — DUMFRIES
— 44 —
de celle-ci, et affirment qu'elle l'emportait sur elle par
l'accent pathétique et la profondeur du sentiment. Elle
avait commencé sa carrière en province, à Strasbourg et à
Compiègne, et avait débuté à la Comédie-Française le
6 août 4737, par le rôle de Clytemnestre àawsJphigénie.
Son physique n'était rien moins que majestueux, mais la
flamme de ses yeux et la grandeur de son débit la trans-
formaient en scène, et son talent admirable excitait l'ad-
miration du public. Ce talent était surtout de nature et d'im-
pression ; elle avait « des entrailles », comme on disait alors,
et elle savait à volonté faire frémir, ou trembler, ou pleurer,
tandis que chez M^^^ Clairon on sentait parfois un peu trop
l'étude et le travail. M^^® Dumesnil était incomparable dans
Cléopàtre de Bodogune, dans Hermione à'Andromaque^
dans Athalie, dans Phèdre, dans Britannicus, et sa ten-
dresse était aussi émouvante que ses fureurs étaient terribles.
Voltaire lui avait voué une admiration profonde, et elle aida
singulièrement à ses triomphes en mainte occasion, notam-
ment lorsqu'elle créa Mérope, que jamais tragédienne n'a
jouée comme elle. Dans le cours d'une carrière qui se pro-
longea pendant près de quarante années, elle fit un grand
nombre d'autres créations. Il faut citer tout particulière-
ment Sémiramis^ Oreste, Warwick^ Guillaume Tell,
Bajazet P*", les Chérusques, Olympie, Cosroès, Adèle
de Hongrie, Zulime, Edouard lll, l(^s Troyennes, les
Héraclides, etc. Cette tragédienne si pathétique et si
émouvante se montrait aussi supérieure lorsque parfois elle
abordait la comédie, et elle trouvait des accents d'un
naturel et d'un comique achevés. M^^^ Dumcsnil prît sa
retraite à la fermeture de Pâques de 4776, après trenle-
neuf ans de services, et mena une vie complètement mo-
deste et retirée jusqu'à sa mort. On sait que M^^® Clairon
avait publié des Mémoires dans lesquels elle maltraitait,
avec aussi peu de goût que de justice et de retenue, son
ancienne rivale. W^^ Dumesnil se contenta d'autoriser
Coste d'Arnobat à pubher lui-même sous ce titre : Mé-
moire de Marie-Françoise Dumesnil, en réponse aux
Mémoires dllippolyte Clairon, un livre dans lequel il
réfutait les assertions hasardées de la trop irascible tragé-
dienne. Arthur Pougin.
DUMESNIL (Pierre), imprim.eur-libraire et poète fran-
çais, né à Rouen en 4775, mort en 4834.11 est l'auteur,
entre autres, de deux poèmes : Oreste (Paris, 4804 et
4844) et Jea7ine d'Arc (4848). G. P-i.
DUMESNIL (Louis-Alexis Lemaithe), écrivain français,
né à Caen le 40 sept. 4783, mort le 27 sept. 4858. Agé de
de seize ans à peine, il combattit dans les rangs des Ven-
déens jusqu'à la pacification. Il s'engagea alors dans Tar-
mée républicaine. Bientôt il attira l'attention de Bonaparte
par divers actes d'insubordination et par ses manifestations
contre son gouvernement tyrannique. Signalé par la police
comme un homme dangereux, il fut emprisonné au Temple,
puis transféré à Nancy et mis en surveillance à Lunéville.
Il publia alors divers ouvrages : Examen politique, phi-
losophique et moral (Paris, 4806, in-42); l'Esprit des
religions (4840, in-8); l'Esprit de vérité (4840, in-8),
et le Bègne de Louis XI et de Vinflue7ice qu'il a eue
jusque sur les derniers temps de la troisième dynas-
tie (4844, in-8), qui lui attira de nouveaux démêlés avec
la police impériale, car on y découvrit toutes sortes d'allu-
sions méchantes à Napoléon. A la Restauration, Dumesnil
fut nommé commissaire extraordinaire en Normandie,
commanda les volontaires royaux de ce pays au moment
du retour de l'île d'Elbe et fut pour ce fait arrêté et em-
prisonné. Délivré après les Cent-Jours, il rentra dans la vie
privée. Il collabora au Mercure, à V Album, se fit con-
damner en 4824 à un mois de prison pour des articles
publiés dans ce recueil, au Livre des Cent et un, etc.
Nous citerons encore de lui : Eloge de Biaise Pascal
(Paris, 4843, m-^);Epître aux Français (48i9, in-8);
Histoire de Philippe II d'Espagne (1822, in-8); Con-
sidérations sur les causes et les progrès de la corrup-
tion en France (1824, in-8); la Nation française et
S071 roi appelés à juger la conspiration permanente et
progressive du parti jésuitique (4825, in-8); Histoire
de Don Juan d'Autriche (1826, in-S); Mœurs politiques
au XIX® siècle (4830-4834, 3 vol. in-8) ; Becettes poli-
tiques (4837, in-8); Histoire de l'esprit public en France
depuis il 89 (1840, in-8); le Siècle maudit (1843,
in-8); Epreuves sociales de la France depuis Louis XIV
jusqu'à nos jours (4845, in-8); la Manifestation de
l'esprit de vérité (1 846, in-l 6); la Délivrance du peuple
(4848, in-16), etc., etc. Il a encore pubhé les Mémoires
inédits de Sénart(4826, in-8).
DUMESNIL (Antoine-Jules), homme politique français,
né à Puiseaux (Loiret) le 25 nov. 4805, mort à Orléans
le 24 août 4894. Avocat au conseil d'Etat et à la cour de
cassation, il entra au conseil général du Loiret en 4833,
devint vice-président de cette assemblée en 1874 et fut élu
sénateur du Loiret le 30 janv. 4876. Membre du centre
gauche, il combattit le gouvernement du 46 mai. Réélu le
5 janv. 4879, il ne posa pas sa candidature aux élections
du 5 janv. 4888. Il a écrit : Lois et règlements de la
caisse des dépôts et consignations dans ses rapports
avec les particuliers (Paris, 1839, in-8); Manuel des
pensionnaires de l'Etat (\%\\, in-48); De l'Organisa-
tion et des attributions des conseils généraux et des
conseils d'arrondissement (4837, ¥ éd., 1852, 2 vol.
in-8); Bésumédu droit français (4846, in-8); Traité de
la législation spéciale du Trésor public en matière
contentieuse (4846, in-8; nouv. éd., 4884, in-8) ; Du
Droit des évêques sur les livres d'église (4847, in-8);
Histoire des plus célèbres amateurs (4853-1860, 6 vol.
in-8); Voyageurs français en Italie depuis le xvi® siècle
jusqu'à nos jours (4864, in-42); Histoire de Sixte-
Quint (4868, in-8); Histoire de Jules 7/(4873, in-8).
DUMESNIL (Alexandre Ernest-Armand), administrateur
français, né à l'île d'Oléron le 19 sept. 4819. Fonction-
naire de l'instruction pubhque, il fut nommé, en 4870,
directeur de l'enseignement supérieur, entra au conseil
d'Etat (service extraordinaire) en 4876 et fut nommé con-
seiller en service ordinaire en 4879. Il a pris une part
active à la réorganisation de l'enseignement supérieur et
il fait partie du conseil supérieur de l'instruction publique
comme membre nommé par le président de la République.
Il a écrit ; Paris et les Allemands, journal d'un témoin,
1810-1811 (Paris, 4872, in-42); Congrès internatio-
nal de Bruxelles. Lettre à M. Jules Ferry (4880, in-8).
DUMESNIL-Marigny (Jules), économiste français, né
à Dijon en 4840, mort à Paris en 4885. Ingénieur delà
marine, il s'est presque uniquement occupé d'études éco-
nomiques et sociales, et a publié notamment ; Aperçus
nouveaux en faveur du libre-échange (Paris, 4857,
in-8); les Libre-Echangistes et les Protectionnistes
conciliés (4860, gr. in-8; ¥ éd. sous le titre l'Economie
politique devenue science exacte A^^'à, in-8) ; Question
du libre-échange, solution {i^6i, in-8); De la Liberté
des ventes aux enchères (4862, in-42, 3® éd.); Caté-
chisme de l'économie politique (4863, in-42 ; 4^ éd. sous
le titre le Bien- Etre pour les travailleurs, 4865,
in-42); les Céréales et la Douane (\S66,m-i'i); leBôle
de l'industrie française (4868, in-42) ; Histoire de l'éco-
7îomie politique des anciens peuples de l'Inde, de
l'Egypte, de la Judée et de la Grèce (4872, 2 vol.
in-8; 3« éd. augm., 4877, 3 vol. in-8), et plusieurs bro-
chures comme Solution de la question des salaires;
Fin des grèves (4865), etc.
DUMFRIES. Ville. —Ville d'Ecosse, ch.-l. du comté
de ce nom au S.-O. du pays, sur le Nith ; 17,092 hab. (en
4884). Située à 10 kil. de la mer, elle possède un petit
port accessible aux bateaux de 450 tonnes. La flotte locale
comprend trente-cinq bâtiments déplaçant 3,300 tonnes.
Le commerce est uniquement de cabotage. Il fut plus im-
portant jadis, surtout à cause de la contrebande très active
en ces parages (V. Bedgauntlet de Walter Scott). La prin-
cipale industrie est celle des lainages. Située à la frontière.
— 45 -
DUMFRIES — DUMOLARD
Dumfries eut quelque importance dans les affaires anglo-
écossaises, mais aucun fait considérable ne s'y est accompli.
Comté. — Comté d'Ecosse sur le golfe de Solway ;
2,774 kil. q.et 76,140 hab. Il est essentiellement formé des
vallées de trois petits fleuves tributaires du golfe, le Nith,
l'Annan et l'Esk. L'intérieur est très accidenté ; les col-
lines couvertes de pâturages et de landes sont dominées par
le Hartfell (804 m.) ; elles abritent la côte dont le climat
est assez doux. Le sol renferme du fer et du plomb argen-
tifère, 21 % sont pris pour les terres labourées, 13 °/o par
les prairies, 5 % par les bois. On comptait (en 1881)
54,000 bœufs, 507,000 moutons et 20,000 porcs.
DUMICHEN (Johannes), égyptologue allemand, né à
Weissholz (près Gross-Glogau) le 15 oct. 1833. Elève de
Lepsius et Brugsch, il se rendit en Egypte en oct. 1862
et pénétra jusqu'au Soudan ; revenu en oct. 1865, il re-
partit pour l'Egypte en 1868 et 1869. En 1872, il fut
nommé professeur d'égyptologie à l'université de Stras-
bourg. Parmi ses nombreuses publications de textes hiéro-
glyphiques, nous citerons : Bauurkunde der Tempels
von Dendera {Leipzig, 1865) ; Geographischeinschriften
altœgyptischer Denkmœler (Leipzig, 1865-68, 4 vol.) ;
AUœgyptiscke Kalenderinschriften (Leipzig, 1866) ;
Altœgyptische Tempelinschriften (Leipzig, 1867, 2 vol.) ;
Histohsche Inschriften altœgyptischer Denkmœler
(Leipzig, 1867-69, 2 vol.) ; Der œgyptische Felsentem-
pelvon Abu-Simbel (Berlin, 1869); Eine altœgyptis-
che Getreiderechnung (Leipzig, 1870); Resultate einer
archœologischen Expédition (avec Graser et R. Hart-
mann) ; Photographische Resultate einer archœolo-
gischen Expédition (Leipzig, 1871) ; Die Kalendarischen
Opferfestlisten von Medinet-Habu (Leipzig, 1881). En
outre, il a donné deux ouvrages de luxe : Die Flotte einer
œgyptischen Kœnigin (Leipzig, 1 868) et Nilbilder{ûg[ives
de K. Werner) ; de nombreux articles dans Zeitschrift
fur œgyptische Sprache; des ouvrages remarqués : Die
erste sic hère angabe uber die Regierungzeit eines œgyp-
tischen Kœnigs (Leipzig, 1874); Baugeschichte und
Beschriebung des Denderatempels (Strasbourg, 1877,
avec 59 pi.) ; Die Oasen der Libyschen Wilste (Stras-
bourg, 1878); Des Grabpalast der Patuamenap in der
thebanischen Nekropolis (Leipzig, 1884-85) ; enfin l'his-
toire d'Egypte insérée dans la collection Oncken.
DUMILATRE (Jean-Alplionse-Edme-Achille), sculpteur
français, né à Bordeaux (Gironde) le 22 avr. 1844. Elève
de Dumont et Cavelier, il exposa au Salon de 1878 le
modèle du monument funéraire des aéronautes Siuel et
Crocé-Spinelli, les victimes de la catastrophe du Zénith ;
ce monument est au cimetière du Père-Lachaise. On doit
à cet artiste la statue de Montesquieu à la Faculté de
droit de Bordeaux ; la Poésie lyrique, statue pierre, au
théâtre de Bordeaux, le modèle d'un monument élevé à La
Fontaine, en collaboration avec l'architecte Frantz-Jour-
dain, Jeune Vendangeur, statue bronze. Ces deux dernières
œuvres et le bronze du monument des aéronautes ont figuré
à l'Exposition universelle de 1889. Le monument de La
Fontaine a été érigé, au moisdejuil. 1891, sur les pelouses
du Ranelagh, à Passy. M. D. S.
DU MIRAL (Claude -Antoine Rudel), homme politique
français, né à Chauriat (Puy-de-Dôme) en 1719, mort au
château du Mirai le 18 juin 1807. Avocat au parlement
de Paris, il se fit inscrire ensuite au barreau de Thiers et
fut élu député du Puy-de-Dôme à la Convention le 7 sept.
1792. Il vota la mort du roi, et travailla activement dans
les comités. Là se borna son rôle politique. Il fut encore
représentant du Puy-de-Dôme au conseil des Anciens
(22 vendémiaire an IV). — Un de ses descendants,
Charles-Godefroy-Francisque Rudel, né à Clermont-
Ferrjnd le 11 avr. 1812, mort au château de Villeneuve
(Creuse) le 14 janv. 1884, avocat général à Riom en 1 846,
se présenta sans succès aux élections de 1848 dans le dép.
du Puy-de-Dôme, et, ayant donné sa démission de magis-
trat, s'occupa beaucoup d'agriculture», et fonda une ferme
modèle à Villeneuve. Conseiller général de la Creuse, il
fut élu député de ce département au Corps législatif le
29 févr. 1852. Bonapartiste ardent et partisan enthou-
siaste de M. Rouher, il fut successivement réélu en 1857,
1863 et 1869. La Chambre le nomma vice-président, et
trois années de suite rapporteur du budget.
DUIVIIVILER (Enist-Ludwig), historien allemand, né à
Berlin le 2 janv. 1830. Elève de Lœbell, Ranke et V^at-
tenbach, il séjourna quelque temps à Vienne, devint pro-
fesseur à l'université de Halle (1855). Il dirige la section
Antiquitates de la publication des Monumenta Germa-
niœ et a terminé avecWattenbach les Monumenta Alcui-
niana de Jaffé (Berlin, 1873). Parmi ses écrits nous
citerons : De Arnulfo Francoriim rege (Berlin, 1852) ;
DeJ^ohemiœ condicione Carolis imperantibus (Halle,
1855) ; Pilgrim von Passau und das Erzbistum Lorch
(Leipzig, 1854) ; lleber die œltere Geschichte der Sla-
ven in Dalmatien (Vienne, 1856) ; Das Formelbuch
des Bischofs Salomo III von Konstanz (Leipzig, 1857);
son grand ouvrage Geschichte des Ostfrœnkischen
Mc/is (Berlin, 1862-65, 2 vol.); Auxilius und Vulga-
rius (Leipzig, 1866); Gesta Berengarii imper atoris
(Halle, 1871) ; Anselm, der Peripatetiker (Halle, 1872) ;
Otto des Grosse (Leipzig, 1876) en collaboration avec
R. Kœpke.
DUMNACUS, gaulois, chef des Andes ou Andecaves.
En 51 av. J.-C, après la chute d'Alésia, il essaya de pro-
longer la résistance et, à la tète de plusieurs milliers
d'hommes, il assiégea dans Lemonum (Poitiers) Duratius,
chef gaulois vendu aux Romains. Fabius, le lieutenant de
César, accourut, le força à lever le siège et mit son armée
en déroute sur les bords de la Loire. Vaincu et abandonné
de tous, Dumnacus se réfugia à l'extrémité de la Gaule.
BiBL. : César, De Bello Galllco, Vlll, 26, 27, 29 et 31.
DUMNORIX,DUBNORIX,DUBNOREX,chefdesEduens,
frère de Divitiacus. En 58 av. J.-C, il favorisa le projet
d'émigration de son beau-père Orgetorix, chef des Helvètes,
et fit des démarches auprès des Séquanais pour lui ouvrir
un passage à travers leur pays. Dans la campagne de Cé-
sar contre les Helvètes, il commanda pour le compte des
Romains la cavalerie auxiliaire des Eduens ; mais, dans des
vues ambitieuses, il trahissait à la fois les Romains et ceux
des Eduens qui se montraient partisans de l'alliance ro-
maine. Ses agissements suspects ayant été révélés au pro-
consul par le vergobret Liscus, il ne dut son salut qu'à
l'intercession de son frère Divitiacus. César se contenta
de le soumettre à une surveillance sévère. Plus tard, en 54,
César, pour couper court aux projets ambitieux de Dum-
norix, résolut de l'emmener dans sa seconde expédition en
Angleterre. Sur son refus motivé par des raisons de santé
et de religion, et après une tentative qu'il fit pour s'é-
chapper du camp romain, il fut assassiné par les cavaliers
envoyés à sa poursuite. L. W.
BiBL. : Cksar, De Bello Gallico, I, 3, 9, 18-20; V, 6, 7.—
Plutarque, Vie de César, XVIII. — Dion Cassius,
XXXVIII, 31, 32. — Sur les médailles éduennes avec
rinscription DVBNOREX, DVBNOREIX, V. la col-
lection Récamier, à Paris, et de Saulcy, les Campagnes
de César dans les Gaules ; Paris, 1862, p. 258.
DUMOLARD (Joseph-Vincent), homme politique fran-
çais, né à La Motte-Saint-Martin (Isère) le 25 nov. 1766,
mort à sa campagne de Villevallier, près de Joigny, le 3 août
4819. Avocat à Grenoble, il fut nommé députe de l'Isère
à l'Assemblée législative, où il siégea parmi les modérés, et
fut, pour avoir défendu La Fayette, insulté et menacé dans
la rue le 8 août 1792. Député du même département au
conseil des Cinq-Cents, il y soutint la politique contre-
révolutionnaire des Clichyens et fut compris dans la pros-
cription du 18 fructidor. On l'exila à Oléron. Après le 18
brumaire, il se rallia à Bonaparte. Député au Corps légis-
latif par les dép. du Nord (1805) et de l'Yonne (1811),
il y fit partie de la minorité hbérale et adhéra aux Bour-
bons. Député de l'Yonne à la Chambre des Cent-Jours, il rentra
dans la vie privée après la seconde Restauration. F. -A. A.
DUMOLARD - DUMONS
BiBL. : A. Rochas, Biographie du Dauphinê; Paris,
1856, 2 vol. in-8.
DUMOLARD (Henri-François-Etienne-Elisabeth Orcel) ,
auteur dramatique français, né à Paris le 2 oct. 4771,
mort à Paris le 24 déc. 484o. Secrétaire de l'administra-
tion générale de la police en 4789, puis vérificateur au
Trésor public et avocat à la cour de Paris, il s'était fait
connaître par quelques pièces qui eurent du succès dans le
temps. Nous citerons : le Philinthe de Destouches ou la
Suite du Glorieux, comédie en cinq actes, représentée en
4802 au théâtre Molière; le Mari instituteur ou les
Nouveaux Epoux, comédie en un acte et en vers (Porte-
Saint-Martin, 4804) ; la Mort de Jeanne d'Arc, tragédie
en trois actes en vers (Orléans, 4805); Vincent de Paul,
drame en trois actes en vers (Second Théâtre-Français,
4804); Bon Naturel et vanité, comédie {id», 4808);
La Fontaine chez Fouquet, comédie (Théâtre-Français,
4809); Une Heure d'Alcibiade, vaudeville (théâtre des
Jeunes-Elèves, 4804); le Pied d^iV^^ (Vaudeville, 4809);
Marmontel et Thomas {id., 4843); Madame Favart,
en collaboration avec Moreau {id., 4806); avec le même
collaborateur : les Avant-Postes du maréchal de Saxe
(4808), le Secret de Madame (4840), VExil de Ro-
chester (4844); avec Favart : le Rival par amitié (4 809) ;
avec d'autres : les Expédients (4844), le Roman d'un
;owr (4842), Calot à Nancy (iS\3) , la Vieillesse de
Fontenelle (4844), etc. Il a encore écrit : Fénelon au
tombeau de Rotrou (1844, in-8), poème; Plan de con-
ciliation e7itre Vintérêt des contribuables et les ren-
tiers de l'Etat (4836, in-8); Entretiens de Vautre
monde (4845, in-8), et réuni son T/i^air^ (Paris, 4834,
in-8). En outre, il a publié les Mémoires de Favart
(1808, 3 vol. in-8).
DU NI ON (Pierre- Sylvain), homme d'Etat français, né à
Agen en 4797, mort à Paris le 24 févr. 4870. Avocat
libéral sous la Restauration, il obtint de grands succès au
barreau de Paris. Aussi fut-il appelé, peu après les journées
de Juillet (4830) au poste d'avocat général près la cour
royale d'Agen ; il le quitta en 4834 pour aller représenter
sa ville natale à la Chambre des députés. Nommé conseiller
d'Etat en 4832, vice-président du comité de législation en
4840 et membre de la commission chargée des affaires
d'Algérie en 4842, il fut peu après appelé au ministère des
travaux publics (4844), où il eut une grande part à l'or-
ganisation des chemins de fer français. Il échangea son
portefeuille contre celui des finances en 4847, fut rejeté
dans la vie privée par la révolution du 24 février et de-
vint membre de l'Académie des sciences morales et poli-
tiques en 4859. A. Debidour.
DU M ON (Jean-Baptiste-Augustin), homme poHtique
français, né à Agen le 20 sept. 4820. Elève de l'Ecole
polytechnique et sous-lieutenant d'artillerie en 4844, il
démissionna presque aussitôt pour se consacrer à l'exploi-
tation de vastes vignobles dans le Gers. Conseiller général
de ce département, il fut élu représentant à l'Assemblée
nationale le 8 févr. 4874, siégea à l'extrême droite et vota
contre les lois constitutionnelles. Le 44 déc. 4875, il fut
élu sénateur inamovible par l'Assemblée nationale. Il siégea
aussi à l'extrême droite du Sénat, appuya la politique du
46 mai et combattit tous les ministères républicains.
DUMON-DuMORTiER (Augustin-Aimable), homme po-
litique belge, né à Lille en 4794, mort à Tournai en 4852.
Il fut élu membre du Sénat en 4835 et y siégea jusqu'à sa
mort. Il fut appelé cinq années de suite à la présidence de
la haute assemblée et exerça une grande influence sur les
délibérations. Il appartenait au centre gauche. Le roi Léo-
pold P^ avait en lui une profonde confiance et voulut à
trois reprises le charger de constituer un ministère, mais
Dumon déclina chaque fois cette honorable mission, se
bornant à aider de son vote et de ses discours les ministres
libéraux.
DUMONCEAU (Jean-Baptiste), comte de Bergendael,
maréchal de Hollande, né à Bruxelles le 7 nov. 4760, mort
le 29 déc. 4824. H exerça d'abord la profession d'architecte
et prit part à l'insurrection du Brabant contre l'Autriche en
4788. Il était devenu colonel d'un corps à l'uniforme
jaune qu'on appelait les (:a^a?"/5, quand la défaite de son parti
l'obhgea à se réfugier en France. Après avoir combattu
avec nous à Jemmapes, à la tête d'un bataillon de Belges
qu'il avait formé, il fut nommé général de brigade par la
Convention en 4794 et combattit sous Pichegru dans la
fameuse campagne de Hollande qui se termina par la con-
quête de ce pays et la fondation de la République batave.
Nommé lieutenant général par cette république, il battit
les Anglo-Russes à Bergen en 4799, et devint commandant
en chef des armées de son pays en 4805. La Hollande
ayant été érigée en royaume au profit de Louis Bonaparte,
celui-ci créa Dumonceau maréchal en 4807, le nomma con-
seiller d'Etat et l'envoya comme ministre plénipotentiaire à
Paris. Rentré en Hollande, il repoussa, deux ans après, les
Anglais qui étaient descendus dans l'île de Walcheren.
Pendant la campagne de Saxe, en 4843, il fut fait prison-
nier à Dresde. Rendu à la hberté en 4814, il commanda
sous la première Restauration la division de Mézières. A la
seconde Restauration, il se retira à Bruxelles où il mourut.
Dumonceau avait été fait comte de l'Empire par Napoléon
et pourvu d'une riche dotation. C^était un général intrépide
et habile que les soldats appelaient communément le brave
Dumonceau. Sa loyauté égalait son courage et lui avait
valu encore le surnom de général sans tache,
DUMONCHAU (Charles-François), musicien français,
né à Strasbourg le 44 avr. 4775, mort à Lyon le 24 déc.
4820. Il étudia surtout le piano, sur lequelil acquit une
grande habileté, particulièrement pour l'exécution des
fugues. Pendant les guerres de la Révolution, il fut em-
ployé dans l'administration des armées ; envoyé à Paris,
il s'y ha avec Kreutzer et entra au Conservatoire. Il re-
tourna ensuite à Strasbourg, et se fixa à Lyon en 4809. On
lui doit un opéra-comique, l'Officier cosaque, joué à
Paris en 4805, trente-trois sonates pour piano, vingt-
quatre sonates pour piano avec violon ou flûte, deux trios
pour piano, violon et violoncelle, deux concertos de piano,
des airs variés, bagatelles, etc., un concerto pour cor, une
symphonie concertante pour flûte, hautbois et basson. Ces
deux dernières compositions n'ont pas été gravées. A. E.
DU MON IN (Jean-Edouard), poète de l'école de Ronsard,
né à Gy (Haute-Saône) en 4559, mort à Paris le 5 nov.
4586. Entré comme boursier au collège de Bourgogne,
établissement fondé en l'Université de Paris pour les étu-
diants pauvres de la Franche-Comté, il débuta comme
httérateur, à l'âge de dix-neuf ans , par la publication
d'un volume de mélanges poétiques, en langue latine, qui
le fit saluer Phénix par tous ceux dont la Muse en fran-
çais parlait grec et latin : la sienne réussissait à amal-
gamer toutes les langues, ce qui put sembler alors le comble
de l'art. Après avoir produit cinq autres recueils d'élucu-
brations amphigouriques, son impertinence ne connut plus
de limites. Un propos ordurier en langue latine, qu'il afficha
sur la porte d'une femme galante, le fit assassiner. Sa mort,
à l'âge de vingt-sept ans, fut déplorée par des élégies et
des épitaphes en plusieurs langues. A. Castan.
BiBL. : F. LÉLUT, Lettre à mon père sur Jean-Edouard
du Monin ; Paris et Gy, 1840, in-8. — G. Brunet, art.
Dumonin de Id^Biographie générale.
DUMONS (Jean- Joseph), peintre français, né à Tulle
le 26 mars 4687, mort à Paris le 25 mars 4779. La pre-
mière fois que le rédacteur du catalogue du Salon de l'Aca-
dcmie royale eut à s'occuper de Dumons, il corrigea mal
ses épreuves et le livret de 4737 porte en effet le nom de
Dûment. Cette erreur, renouvelée par d'autres, a fait con-
fondre le peintre de Tulle avec son contemporain Dumont le
Romain, et elle a eu pour résultat d'embrouiller un peu leurs
œuvres. Des recherches attentives permettent aujourd'hui de
se rendre compte de la part de gloire qui revient à chacun
d'eux. Celle de Jean-Joseph Dumons est assez mince. Il fut
reçu à l'Académie le 29 oct. 4735 et donna comme morceau
- 47 -
DUMONS - DUMONT
de réception un tableau, Adam et Eve, que le musée na-
tional possédait encore il y a trente ans, mais qu'il n'a
jamais cru devoir montrer au public, le trouvant trop
faible. Dumons profita de son privilège pour exposer aux
Salons du Louvre. Son nom figure au catalogue, pour lu
première fois en 1737, pour la dernière en 1753. Ses
œuvres ne furent pas très remarquées. Ce sont des tableaux
d'église, des Vestales entretenant le feu sacré, l'Amour
piqué par une abeille et quelques autres mythologies
dans le goût du temps. S'il faut en croire d'Argenville,
Dumons aurait peint pour les capucins de la rue Saint-Ho-
noré les vingt-quatre vieillards prosternés devant le
trône de l'Agneau. Cette peinture, qui a disparu avec le
couvent, était antérieure à 4749, puisqu'elle est men-
tionnée dans la première édition du Voyage pittoresque
de Paris, Les occasions d'exercer sa verve ne manquaient
donc pas à Dumons ; mais il restait confondu dans la foule
des maîtres sans gloire auxquels l'Académie ne conférait
aucun grade; il sentait l'avenir se fermer devant lui;
peut-être avait-il aussi le désir de revoir sa province na-
tale. Il sollicita et il obtint une fonction qui le rapprochait
de Tulle. Le J^O mars 1731, un brevet signé par Louis XV
en son conseil le nomma « peintre et dessinateur des ma-
nufactures de tapisseries établies en la ville et faubourgs
d'Aubusson et des environs ». Aux termes de cet acte, il
devait, moyennant un appointement de 1,800 livres, faire
tous les deux ans un séjour de trois mois à Aubusson,
fournir aux tapissiers les patrons et les bordures qui leur
étaient nécessaires. Ces modèles devaient être « peints et
coloriés à l'huile et enrichis d'arbres, plantes, fleurs,
fabriques et animaux ». Ainsi le caractère de l'industrie
locale était respecté; ce qu'on demandait à Dumons, c'était
des verdures. Il recevait en outre mission d'exercer une
sorte de surveillance sur les anciens cartons employés dans
les manufactures et dont la pauvreté avait été signalée au
roi ; il devait corriger les modèles trop défectueux et donner
aux manufacturiers, aux ouvriers, aux apprentis, tous les
conseils de nature à améliorer leur goût et leur travail.
Louis XV avait été bien inspiré ce jour-là, car les tapis-
siers d'Aubusson se laissaient séduire par un esprit d'éco-
nomie et se contentaient d'une fabrication grossière.
L'eftet de ces dispositions remontait au l^"^ janv. 1731.
Elles furent renouvelées et précisées par M. de Machault
le 22 juil. 17o0. On ne sait pas dans quelle mesure
Dumons fut utile aux industries de la Marche : il paraît
avoir réorganisé une école de dessin et formé des élèves;
mais il ne parvint pas à rehausser le niveau de l'art dans
la province, il eut des difficultés avec les ouvriers d'Au-
busson qui ne consentirent pas à reproduire fidèlement ses
modèles ; il se fatigua de ces luttes et fut remplacé en
1751 . Toutefois, le nom de Dumons doit rester mêlé à l'his-
toire de la tapisserie française.
Quant à ses peintures, elles n'ont jamais eu qu'un succès
douteux et on les chercherait vainement dans les musées.
Nous ne pouvons du moins en signaler aucune. Mais il se
trouve que, par suite de circonstances ignorées, l'artiste
avait de fréquentes relations avec le clergé et les fabri-
ciens qui prenaient soin de l'église de Montreuil-sur-Mer.
C'est là qu'il envoyait les tableaux dont les Parisiens
n'avaient pas voulu. Indépendamment du Saint Louis
tenant la couronne d'épines, exposé au Salon de 1747,
on retrouve dans l'église de Montreuil huit grands tableaux
de J.-J. Dumons, entre autres une Annonciation, signée
et datée 1762, une Assomption, une Fuite en Egypte.
Ce sont des œuvres assez faibles. Paul Mantz.
BiBL. : Archives de l'art français, 1857-1858, t. V. — A.
OASTEL, les Tapisseries, 1876. — L. Gravier, les Tapisse-
ries a Aubusson {Réunion des Sociétés des beaux-arts des
départements, 1886).
DU MONSTIER (V. Dumoustiêr).
DUMONT (Henri), compositeur de musique religieuse,
né près de Liège en 1610, mort à Paris le 8 mai 1684. Il
vint de bonne heure à Paris, y acheva ses études musicales
et y devint organiste de l'église Saint-Paul, puis sous-
maître de la chapelle du roi ; il figure en cette qualité sur
les états depuis 1665 jusqu'à 1682. Un peu avant cette
date, Louis XIV, charmé par quelques compositions de
Lully, voulut introduire dans sa chapelle un nouveau genre
de musique religieuse, avec orchestre ; on a écrit que Dû-
ment s'était opposé à une réforme qu'il considérait comme
contraire aux prescriptions ecclésiastiques, et avait quitté
volontairement la chapelle plutôt que de céder ; mais ses
derniers ouvrages prouvent au contraire sa soumission au
goût royal. Dumont était chanoine de Saint-Servais de
Maestricht et abbé commendataire de Notre-Dame de Silly.
On connaît de lui deux livres de Mélanges à 2, S, 4 et 5
parties avec la basse continue, etc. (Paris, 1 649 et 1657) ;
Cantica sacra à 2, 3, 4 voc. et instrumentis modu-
lata (1652) ; Motets à 2 voix avec la basse continue,
(1668); Motets à 2, S et 4 parties, pour voix etinstmi-
ments (1681); Motets pour la chapelle du roy, à
16 parties, publiés après sa mort, en 1686 « par exprès
commandement de S. M. » ; Cinq Messes en plain-
cha7it, appelées Messes royales, imprimées pour la pre-
mière fois en 1685, souvent reproduites et toujours
chantées, surtout celle du premier ton. On trouve des
motets et un oratorio de Dumont en manuscrit à la
Bibliothèque nationale, M. Brenet.
DUMONT (Jean), publiciste et historien français, né
vers le milieu du xvii^ siècle, mort à Vienne (Autriche)
en 1726. Dumont suivit d'abord la carrière militaire, puis
quitta la France et parcourut l'Europe. Il attaqua dans
quelques brochures le gouvernement de Louis XIV. Il se
fixa alors définitivement à l'étranger et devint historio-
graphe de l'empereur d'Allemagne qui lui donna le titre de
baron de Carlscroon. On peut citer parmi ses nombreux
ouvrages: Nouveau Voyage au Levant (La Haye, 1694,
in-12), réimprimé sous le titre de Voyages en France,
en Italie, en Allemagne, à Malte et en Turquie (La
Haye, 1699, 4 vol. in-12) ; Mémoires politiques pour
servir à la parfaite intelligence de l'histoire de la
paix de Ryswick (La Haye, 1699, 4 vol. in-12) ; Recueils
de traités d'alliance, de paix et de commerce entre
les rois, princes et Etats souverains de VEurope,
depuis la paix de i)/w^5^<?r (Amsterdam, 1710, 2 vol.
in-12) ; Corps universel diplomatique du droit des
gens, contenant un recueil des traités de paix, d'aï-
liance, etc., faits en Europe, depuis Charlemagne
jusqu'à présent (Amsterdam, 1726 et an. suiv., 8 vol.
in-fol.). Ce recueil a été continué après la mort de Dumont
par J. Rousset.
DUMONT (François), sculpteur français, né à Paris en
1688, mort à Lille (Nord) le 14 déc. 1726. H était fils de
Pierre Dumont, membre de l'Académie de Saint-Luc. Il
obtint le premier prix de sculpture en 1709, sur un bas-
relief représentant David pardonnant à Abigaïl; il fut
reçu membre de l'Académie royale de peinture et sculpture
le 24 sept. 1712; son morceau de réception, aujourd'hui
au Louvre, représente Titan foudroyé, statuette marbre.
Le duc Léopold de Lorraine l'appela à Nancy en 1721 ; il y
fit un fronton et le modèle d'un autel. Nous possédons de
cet artiste les statues de Saint Jean, Saint Paul, Saint
Pierre et Saint Joseph dans l'église Saint-Sulpice à Paris ;
des sculptures en bas-relief à la chapelle du château de
Versailles. Il fit aussi : pour Montpellier , le monument
de la Famille Bonnier; pour Lille, le mausolée du Duc
de Melun, qui fut placé dans l'église des Dominicains. C'est
en faisant poser les statues de ce monument que François
Dumont se tua en tombant d'un échafaudage. M. D. S.
DUMONT (Jacques), dit le Romain, peintre français,
né à Paris en 1 701 , mort à Paris le 1 7 févr. 1 781 . Le peintre
Dumont était le frère du sculpteur François Dumont, l'auteur
des grandes figures mouvementées qui décorent les portails
latéraux de Saint-Sulpice. Dans sa jeunesse, Jacques Du-
mont visita l'Italie et s'arrêta quelque temps à Rome.
C'est dans ce voyage qu'il a formé son talent. Mariette
prétend qu'il fut élève de Benedetto Castiglione : la chro-
DUMONT
— 48 —
nologie proteste contre cette assertion, puisque Castiglione
est mort avant la naissance de Dumont. Mariette a voulu
dire que l'artiste parisien a, comme Boucher, étudié les
œuvres du peintre génois, et, en effet, il a cherché, sans
les renconti'er toujours, la liberté de la touche et l'esprit
du travail. Dès 1726, Dumont était de retour à Paris, car
c'est alors qu'il peignit des figures dans le décor que Ser-
vandoni avait improvisé pour l'opéra de Pyrame et Thisbé.
Les sujets anecdotiques l'intéressèrent d'abord et il fournit
deux dessins pour la série d'estampes représentant les
principales scènes du Roman comique. Le 25 sept. 1728,
Jacques Dumont fut reçu à l'Académie royale de peinture et
donna comme morceau de réception Her exile et Omphale,
mythologie assez commune qu'on peut voir aujourd'hui au
musée de Tours. Mais les motifs qui réclament un peu de
style n'étaient guère dans ses aptitudes. Dumont se hâta
de revenir aux sujets modernes et il peignit en 1731 un
vaste tableau qui n'est pas sans lui faire honneur : Ma-
dame Mercier, nourrice de Louis AT, entourée de sa
famille. Cette composition, où se groupent neuf figures, est
peut-être le chef-d'œuvre de Dumont, qui s'y montre bon
peintre de costumes et virtuose sûr de son métier. C'est
peu après qu'il prit le surnom de Romain pour n'être pas
confondu avec un de ses collègues de l'Académie qui s'ap-
pelait Jean-Joseph Diimons (V. ci-dessus). Jacques Du-
mont envoya divers tableaux au Salon de 1737, par-
ticulièrement des sujets bibliques où se révèle un certain
dédain pour la beauté des formes. Volontiers il cherchait
la couleur, mais son goût reste vulgaire. On le vit bien
dans un Mucius Scœvola, peint en 1747, à propos d'un
concours organisé entre les académiciens. Cette composi-
tion, où les critiques du temps ont signalé quelques rac-
courcis audacieux, est aujourd'hui au musée de Besançon.
En 1749, Dumont fut nommé directeur de l'Ecole des
élèves protégés qui venait d'être créée ; mais il ne con-
serva pas ce poste : c'est à la suite de cette magistrature
d'un instant qu'une pension de six cents livres lui fut
accordée.
Dumont le Romain était déjà sexagénaire lorsqu'il obtint
le plus grand succès de sa vie. Les échevins de Paris lui
avaient commandé pour la décoration de l'Hôtel de ville
une grande composition allégorique destinée à glorifier le
souvenir de la paix de 1749. Ce vaste tableau ayant été
exposé au Salon de 1761, Diderot formula quelques ob-
servations de détail, mais il y reconnut « l'œuvre d'un
maître ». Cette peinture où le symbolisme s'étale avec
fracas n'est pas perdue : elle était récemment déposée au
pavillon de Flore. Jacques Dumont a fait aussi quelques
tableaux pour les églises ou les couvents de Paris. On voyait
de lui aux Minimes Saint François de Paule et Louis XI;
aux Chartreux, la Vocation de Simon Pierre. A la chambre
des comptes, il avait peint un Crucifix. Pour le château de
Choisy, il représenta, dans des cadres ovales, un Repos de
Diane et une autre mythologie. Toutes ces œuvres, de style
très Louis XV, présentent un caractère un peu vulgaire.
Paul Mantz.
BiBL. : Jal, Dictionmilre de biographie, 1872, 2« édit.
— G. Vattier, Une Famille cVartistes {les Dumont), 1890.
DUMONT (Gabriel-Pierre-Martin), architecte et archi-
tectonographe français, né à Paris vers 1715, mort après
1790. Dumont remporta, en 1737, le grand prix d'archi-
tecture sur un projet de deux escaliers et vestibule d'un
palais ; mais il ne fut nommé élève de l'Ecole de Rome
n'en 1742. Cet architecte passe pour être le premier qui
t connaître en France les ruines de Pœstum dont il des-
sina, avec le concours de J.-G. Soufflot (V. ce nom), les
trois temples en 7 pi. in-fol., reproduits par Thomas
Major et J. de Varennes dans leurs ouvrages sur ces mo-
numents. Il fut nommé membre de l'Académie de Saint-Luc,
et exposa aux Salons de 1764, 1774, 1776 et 1782, une
partie des relevés d'édifices qu'il avait rapportés d'Italie.
On doit à cet architecte fort habile dessinateur les ou-
vrages suivants : Détails des plus intéressaiites parties
l
d'architecture de la basilique de Saint-Pierre à Rome ;
Etudes d'architecture de différents maîtres italiens;
Parallèle de plans des plus belles salles d'Italie et de
France (avec des détails de machines théâtrales) ; 3 par-
ties réunies en 1 vol. (Paris, 1763-1766; in-fol., 77 pi.);
Recueil de plusieurs parties de V architecture sacrée et
profane (Paris, 1767, 2 vol. in-fol.) ; Projet d'une
Salle de spectacle pour la ville de Rrest, auquel on a
joint plusieurs autres dessins gravés par le même auteur
(Paris, 1772, in-fol., 26 pi.) ; h Parallèle des plans des
plus belles salles de spectacle eut une nouvelle édition
en 1774 et fut augmenté d'une Suite de Projets détaillés
de salles de spectacles particulières, avec des principes
de construction, tant pour la mécanique des théâtres que
pour des décorations (Paris, in-fol.). Dumont publia aussi
un plan général avec vue perspective de l'intérieur et fa-
çade d'entrée de la Nouvelle église Sainte-Geneviève de
Paris (le Panthéon) d'après J.-G. Soufflot, et un grand
Plan du Vatican en 1115 avec une Vue de Saint-Pierre
de Rome. Charles Lucas.
DUMONT (Edme), sculpteur français, né à Paris en
1720, mort à Paris le 10 nov. 1775. Fils du sculpteur
François Dumont et élève de Bouchardon, il obtint le second
prix de sculpture en 1748, fut agréé à l'Académie en 1748
et nommé académicien le 29 oct. 1752; son morceau de
réception représentait Milon de Crotone, statue en marbre
aujourd'hui au Louvre. Ses autres œuvres exposées au Salon
sont : la statue du Géant Polyphème (1753) ; la statue
de Céphale {{I'd^)', le groupe de Diane et Endymion
(1771). On lui doit aussi le fronton de l'ancienne manu-
facture de Sèvres et les figures de l'Expérience et de la
Vigilance, sur la façade de l'hôtel des Monnaies, à Paris.
DUMONT (Pierre-Etienne-Louis), jurisconsulte suisse,
né à Genève le 18 juil. 1759, mort à Milan le 29 sept.
1829. 11 était d'une ancienne famille réfugiée en Suisse
pour cause de rehgion ; il fut d'abord ministre de l'Eglise
protestante (1781) et ses prédications furent remarquées.
Il habita successivement Saint-Pétersbourg, Londres, Paris
où il assista aux premiers événements de la Révolution
française, puis de nouveau Londres. Il se lia à Paris avec
les partisans des idées démocratiques et surtout avec Mira-
beau ; à Londres, il fit la connaissance de Sheridan, de
Fox et de Bentham. Il partagea les idées de ce grand cri-
minaliste et philosophe, se fit son collaborateur et chercha
à en reproduire et à en populariser les théories dans ses
ouvrages, mais ce fut dans un style affaibli et sous une
forme' moins saisissante. En 1809, Dumont fut nommé
membre de la commission chargée par l'empereur Alexandre
de rédiger le code de l'empire russe. En 1814, il revint à
Genève, renonça aux fonctions ecclésiastiques et devint
membre du conseil représentatif. On lui doit la rédaction
d'un règlement pour le conseil représentatif, l'établissement
de la prison pénitentiaire et un projet de code pénal, d'après
les principes de Bentham, qui n'aboutit pas. Les ouvrages
de Bentham, élaborés par Dumont, sont: Traité de légis-
lation civile et pénale (1802, 3 vol. in-8) ; Théorie des
peines et des récompenses (1810, 2 vol. in-8); Tac-
tique des assemblées législatives (181 5, 2 vol. in-8);
Traité des preuves judiciaires (1823, 2 vol. in-8) ; De
l'Organisation judiciaire et de la codification (1828,
in-8). Dumont a fait divers travaux entièrement personnels,
parmi lesquels il faut citer : Souvenirs sur Mirabeau et
sur les deux premières assemblées législatives (Paris,
1832, in-8), publié par son neveu L. Duval, procureur
général de la république de Genève. G. Regelsperger.
BiBL. : SisMONDi, Notice sur Dumont {Revue encyclo-
pédique, 1829, t. IV, p. 258).
DUMONT (Jacques-Edme), sculpteur français, né à Paris
le 10 avr. 1761, mort à Paris le 21 févr. 1844. Il était
fils du sculpteur Edme Dumont et élève d'Augustin Pajou.
Il obtint le second grand prix en 1783, pour un bas-relief
représentant Ihi Mort ressuscité par l'attouchement
des os du prophète Elie, et le premier grand prix, en
49 —
DUMONT
d 788, pour un bas-relief représentant la Mort de Tar-
qiiin. Trois prix lui furent aussi décernés aux concours
nationaux de 1795. Il a exposé à douze Salons successifs,
de 1791 à 1824. Ses œuvres principales sont: la statue
en marbre de Colbert, exécutée pour le pont de la Con-
corde, placée aujourd'hui à Versailles ; la statue en marbre
de Malcshei'bes, pour le monument de la salle des Pas-
Perdus, au Palais de justice de Paris ; la statue en marbre
de Pichegru, pour la ville d'Arbois, plusieurs bas-reliefs
de la colonne Vendôme, un Sapeur à l'arc de triomphe du
Carrousel, le bas-reHef de la Clémence et de la Valeur^
pour le même monument ; la Tragédie et la Comédie,
figures bas-rehefs pour un des œils-de-bœuf de la cour du
Louvre. Au musée du Louvre se trouve un buste en terre
cuite de Marceau, fait par Jacques-Edme Dumont en
l'an Vm. M. D. S.
DUWIONT (André), homme politique français, né à Oise-
mont (Somme) le 23 mai 1764, mort à Abbeville lel9oct.
1836. Avocat, membre du dép. de la Somme en 1790,
puis du district d'xlmiens, il fut élu à la Convention
par la Somme, siégea à la Montagne et émit, dans le
procès de Louis XVI, les votes les plus rigoureux. En
mission dans la Somme, le Pas-de-Calais et l'Oise (sept.
1793-févr. 1794), il s'y montra très violent contre les
prêtres et, en ses lettres à la Convention, exagéra encore
ses rigueurs dans les termes les plus cyniques. Il paraît
qu'en cachette il sauvait le plus de victimes qu'il pouvait.
« Le comité de Salut public, dit-il, me demandait du
sang : je ne lui envoyais que de l'encre. » En tout cas,
André Dumont fut un des promoteurs les plus zélés de la
tentative de déchristianisation qui marqua la fin de l'année
1793 et un des adeptes du culte de la Raison. Hostile à
Robespierre, il fit partie du comité de Sûreté générale après
le 9 thermidor. Il n'en fut pas moins dénoncé comme terro-
riste en l'an in,mais se défendit victorieusement. Après le
12 germinal, c'est lui qui prit l'initiative des mesures de
proscription contre les républicains avancés. Membre du
conseil des Cinq-Cents (1793-1797), sous-préfet d'Abbe-
ville sous le Consulat et l'Empire, préfet du Pas-de-Calais
pendant les Cent-Jours, il fut proscrit en 1816 comme ré-
gicide et ne rentra en France qu'en 1830. — Il ne faut pas
le confondre avec l'obscur conventionnel Louis-Philippe
Dumont (du Calvados), né en 1765, mort en 1833, qui
fit partie également du conseil des Cinq-Cents. F. -A. A.
DUMONT (Louis-Philippe), homme pohtique français, né
h Dernières (Calvados) le 17 nov. 1763, mortàCarcel (Cal-
vados) le \\ juin 1833. Procureur général du Calvados,
membre du directoire de ce département, il fut élu repré-
sentant à la Convention le 8 sept. 1792. Il vota d'abord
pour la mort du roi, puis pour la réclusion et l'exil. On
peut aussi citer sa motion de faire distribuer trois mille
exemplaires de ^Esquisse dhiri tableau historique des
progrès de V esprit humain, de Condorcet, motion qui fut
adoptée. Il représenta sncore le Calvados au conseil des
Cinq-Cenis (vendémaire an IV).
DUMONT (Augustin-Alexandre), sculpteur français, né
à Paris le 4 août 1801, mort à Paris le 28 janv. 1884.
Elève de son père Jacques-Edme Dumont et de Cartellier,
il obtint le second grand prix, en 1821, sur un bas-relief
représentant Alexandre le Grand dans la ville des
Oxy dragues, et le premier grand prix, en 1823, sur un
bas-relief, la Doideur d'Evandre. Il exposa pour la pre-
mière fois en 1827 ; son envoi était une statue en marbre
représentant V Amour tourmentant l'Ame ; au Salon de
1831 parut son groupe en marbre de Leucothée et
Bacchus. En 1836, il fut nommé membre de l'Institut.
Les œuvres les plus célèbres de ce sculpteur sont : le
Génie de la Liberté, statue colossale en bronze doré,
placée sur la colonne de Juillet, inaugurée le 28 juil. 1840 ;
Philippe- Auguste, statue colossale en bronze, placée en
1846 sur une des colonnes de l'ancienne barrière du Trône ;
Napoléon P'" en césar romain, statue colossale en bronze,
placée sur la colonne Vendôme le 4 nov. 1863 (V. Colonne,
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
t. XI, p. 1130). Les autres œuvres de Dumontqui se trouvent
à Paris et que nous devons citer, sont : toute la sculpture
du pavillon de Lesdiguières au Louvre, le fronton repré-
sentant la Gloire et rimmortalité, la statue de la France
et les Deux Trophées de la Guerre et de la Paix; Saint
Louis, statue marbre, au Sénat ; la Justice, statue marbre,
à la Chambre des députés ; la Prudence et la Vérité^
bas-relief pierre, au palais de Justice ; Le Poussin, statue
marbre, à l'Institut ; le Commerce, statue pierre, au palais
de la Dourse ; le Prince Eugène, statue bronze, au palais
des Invalides ; Blanche de Castille, statue marbre, dans
le jardin du Luxembourg ; la Vierge, statue marbre à
Notre-Dame de Lorette ; Sainte Cécile, statue pierre, à la
Madeleine ; la Sagesse, figure marbre au tombeau de Car-
telier, au Père-Lachaise ; r Harmonie couronnant le buste
de Cherubini, bas-relief marbre, au même cimetière.
Dumont a sculpté, pour le musée de Versailles, les statues
en marbre de François P'\ Louis-Philippe, Bugeaud,
maréchal de France, Humboldt, la statue en plâtre de
Louis de Bourbon P'', prince de Condé. En province; on
a de lui : la statue bronze de Buffbn, à Montbéliard ; la
statue bronze du Duc Decazes, à Decazeville ; la statue
bronze du Maréchal Suchet, à Lyon ; la statue bronze du
Maréchal Davout, à Auxerre ; la statue bronze du Maré-
chal Bugeaud, à Périgueux (une statue semblable orne
une place d'Alger) ; lastatue bronze du Général de Tarlas,
à Mézin ; la statue bronze du Pape Urbain V, à Mende.
A l'étranger, citons la statue bronze de Mahé deLabour-
donnais, dans l'ile Maurice ; la statue bronze du Général
Carrera, à Santiago (Chili). Il nous faut encore mentionner
parmi les nombreux bustes que Dumont a sculptés, ceux
de ilP^^ Paul Delaroche, pour son tombeau ; de Gerdy,
à l'Ecole de médecine; de Ducis, à l'Institut ; à' Alexandre
Lenoir, à l'Ecole des beaux-arts ; de Labrouste, au col-
lège Sainte-Barbe. Maurice Du Seigneur.
DUMONT (Hubert-André), géologue belge, né à Liège le
13 févr. 1809, mort à Liège le 28 févr. 1837. A l'âge de
vingt ans, avant d'avoir commencé ses études universitaires,
il remporta la médaille d'or de l'Académie de Bruxelles pour
un mémoire sur la Description géologique de la province
de Liège. La plus grande partie de ce mémoire est consacrée
aux terrains primaires. Dumont les divise en trois : le terrain
ardoisier, l'anthraxifère elle houiller.Mais, grâce à l'emploi
méthodique de la stratigraphie, il dépasse de loin tous ses
prédécesseurs par la démonstration rigoureuse, d'abord de
l'ordre de succession de ces trois terrains, puis de la cons-
titution et de l'allure du terrain anthraxifère dans lequel
il reconnaît quatre systèmes alternativement quartzoschis-
teux et calcaires, disposés en selles et bassins dont les
ondulations expHqucnt le nombre des bandes calcaires
du Condroz, variable suivant les localités. Dewalque (V.
ce nom) considère ce résultat comme la plus grande dé-
couverte stratigraphique du siècle. En 1833, il conquit le
grade de docteur en sciences physiques et mathématiques,
et la même année il prit possession à l'Université de Liège
de la chaire de minéralogie et de géologie qu'il devait
illustrer jusqu'à sa mort. En dehors de son enseignement,
il consacra une partie de son existence à la confection de
la Carte géologique de la Belgique au 60,000'' qu'il
soumit: à l'Académie en 1849. Bientôt après il lui présenta
la Carte géologique de la Belgique, indiquant les ter-
rains qui se trouvent en dessous du limon hesbayen
et du sable campinien, puis la Carte géologique de la
Belgique et des contrées voisines, représentant les
terrains qui se trouvent en dessous du limon hes-
bayen et du sable campinien au 800,000^. Supérieures
comme précision et sûreté à tout ce qui existait antérieu-
rement, ces cartes permettaient d'apprécier l'immense pro-
grès qu'avait fait la géologie de la Belgique, et, d'autre
part, elles rendirent de grands services à l'industrie
charbonnière en indiquant les limites exactes des bassins
houillers. La dernière surtout, s'étendant jusqu'à Paris, à
Strasbourg et à Mavence, montre les relations reconnues
4
DLMONT
50 —
pLir Dumont entre les formations contemporaines de la Bel-
gique, de la France et des provinces rhénanes. Ces tra-
vaux si ardus et la pratique de l'enseignement ne parve-
naient pas à absorber l'activité dévorante du jeune
professeur ; il lit à l'Académie de Belgique de nombreuses
communications toutes empreintes d'une remarquable puis-
sance d'observation et d'une étonnante perspicacité. Nous
citerons spécialement sa Notice sur une nouvelle espèce
de phosphate ferrique [Bull. deVAcad., V), ses Obser-
vations sur la constitution géologique des terrains
tertiaires de F Angleterre comparés à ceux de la Bel-
gique (ibid., XIX), son Mémoire sur les terrains tria-
siqiie et jurassique de la province de Luxembourg
{Mém. de l'Acad., XV) et enfin son Etude sur les ter-
rains ardennais et rhénan de VAr demie, du Rhin, du
Brabant et du Condroz (ibid., XX et XXII). Malheu-
reusement ce travail excessif altéra profondément la santé
de l'illustre géologue et il mourut jeune encore laissant
inachevées de vastes entreprises scientifiques. Dumont
était recteur de l'Université de Liège, membre de l'Institut
de France et de l'Académie royale de Belgique. La ville de
Liège lui a érigé une statue de bronze. E. H.
BiBL. : Dewalque, Biographie d'André Dumont, dans
la Biographie nationale belge. — D'Omalius d'Halloy,
Notice sur André Du7nont; Bruxelles, 1858. — Fayn,
André Dumont, sa vie et ses travaux; Liège, 1858, in-8. —
I.E Roy, Liber Memorialis de l'Université de Liège; Liège,
1869, in-8. — Mémoire du centenaire de l'Académie;
Bruxelles, 1872, 2 vol. in-8.
DUMONT (Joseph), journaliste allemand, né à Cologne
le 21 juil. 1811, mort le 3 mars 1861. C'est lui qui donna
son importance à la Gazette de Cologne, acquise par son
père Marcus (mort en 1831) et grâce aux conseils de sa
mère née Schauberg (morte en 1845).
BiiîL. : Geschichte der Kœlnischen Zeitung; Cologne, 1880.
DUMONT (Auguste), publiciste français, né à Paris le
22 mai 1816, mort à Paris le 2 mai 1885. Après avoir
fait ses études de droit, il se consacra entièrement au jour-
nalisme et collabora à un grand nombre de journaux : le
Propagateur, VEcho du commerce (iMH), etc.; coo-
péra à la fondation de la République (1848), de V Opi-
nion nationale (1859), du Messager de Paris (1858) ;
administra la Lanterne (1868), VEvénement (1872), le
Télégraphe (1877), etfinalement créa hGil Blas (1880),
qui obtint beaucoup de succès, mais qui attira à Dumont
des poursuites et des condamnations pour outrage à la morale.
DUMONT (François-Marcelin- Aristide), ingénieur fran-
çais, né à Crest (Drôme) le 2 juin 1819. Très connu pour
la hardiesse de ses conceptions, et notamment par son pro-
jet de canal maritime entre Dieppe et Paris et par ses projets
concernant les dérivations du Rhône pour noyer les vignes
phylloxérées, etc., Dumont a conçu et exécuté tout un en-
semble d'ouvrages pour la distribution d'eau de Lyon. L'eau
est puisée près du Rhône dans les graviers de Saint-Clair,
oii elle s'accumule dans de grands bassins et une longue
galerie. « Lue grande usine élévatoire, dit M. Bechmann
dans son ouvrage sur les Distributions d'eau, dont les
machines sont du type de Cornouailles, est chargée de
monter cette eau dans les réservoirs, de 10,000 et de
4,000 m. c. de capacité, situés respectivement à 50'^90 et
lOO'^OO au-dessus de l'étiage du Rhône, et commandant
l'un le bas service, l'autre le moyen service. » Une usine
de relai refoule les eaux dans un réservoir de \ ,000 m. c.
établi sur les hauteurs de Fourvières. Tout cela est très
remarquablement installé; malheureusement la filtration
naturelle à travers les graviers du Rhône ne fournit pas
assez (et elle fournit de moins en moins), en sorte qu'on
prend une partie des eaux nécessaires directement dans le
tleuve. Aujourd'hui en retraite (1892), Dumont était ingé-
nieur en chef des ponts et chaussées. M.-C. L."^
DU M ONT (Joseph-Eugène), général français, né à Saint-
Jean-de-Laporte (Savoie) le l^'' avr. 1823. Elève de Saint-
Cyr, il servit en Afrique jusqu'en 1845, fit la campagne
de Crimée, prit part à l'expédition de Kabyhe (1857), à la
campagne d'Italie (1859), se distingua brillamment à Ma-
genta et à Solférino, et, promu colonel en 1862, fut de nou-
veau envoyé en Afrique. Lors de la guerre franco-allemande,
il combattit avec acharnement à Rezonville et Amanvillers,
fut promu général de brigade le 26 oct. 1870, fut pris à
Metz et interné en Allemagne. A la paix, il commanda à
Versailles, fut nommé divisionnaire le 15 mars 1877, et
commanda à Bordeaux le 18'^ corps, à Rouen le 3'' corps.
Il fut mis à la retraite le 29 mars 1888.
DUMONT (Jules), acteur français (V. Brasseur).
DUMONT (Félix), professeur de piano, fils deM'^« Mé-
lanie Dumont, auteur dramatique, né à Paris le 14 août
1832. Il fit ses études au Conservatoire et publia une Ecole
du piano, ouvrage considérable qui eut plusieurs éditions.
Sous le titre de Panorama élémentaire du piano à quatre
mains, il publia une anthologie de morceaux populaires.
DUMONT (Léon), né à Valenciennes en 1837, mort
à Saint-Sauve, près de Valenciennes, le 7 janv. 1876.
Essayiste et philosophe indépendant, il était le fils unique
d'une famille opulente. Après avoir fait ses études classiques
au collège de sa ville natale et son droit à Paris, il se livra
entièrement à la philosophie. Il étudia la sensibilité et
publia, comme premier fruit de ses travaux, deux mono-
graphies : Des Causes du rire (Paris, 1862), elle Senti-
ment du gracieux (Paris, 1863). En même temps, il
traduisait et commentait un ouvrage allemand qui forme
encore aujourd'hui la pierre angulaire des théories roman-
tiques chez nos voisins, la Vorschule der /Esthelik de
Jean-Paul Richter. Cette traduction parut à Paris (1862)
sous le titre Poétique ou hitroduction a rEsthéiique ,
et obtint un grand succès d'estime. Cependant Dumont
avait perfectionné son goût en fréquentant les musées
et les théâtres de Paris'; il fit aussi, dans le même but,
de nombreux voyages dans les pays voisins. En 1865, il
donna à la Picvue des Deux Mondes un article sur la
Peinture contemporaine en Allemagne. Lorsque, vers
1866, l'Empire montra quelques velléités de hbéralisme, il
participa aussitôt au mouvement intellectuel qui se produisit
et fit dans plusieurs villes du Nord une série de confé-
rences accueillies avec beaucoup d'intérêt et publiées ensuite,
sur M^^'^ de Staël, sur le peintre Watteau, sur Montaigne,
sur l'éducation des femmes et sur les Origines de la
poésie grecque, Dumont fut en 1876 un des premiers colla-
borateurs de la Revue philosophique de M. Th. Ribot; il
était depuis longtemps de la Revue des Cours littéraires
{Revue bleue) et de la Pieuue des Cours scientifiques, et
avait donné, surtout à cette dernière, un grand nombre
d'articles fort appréciés, entre 1866 et 1876. Les dernières
publications de Dumont furent : îkeckel et la Théorie de
révolution en Allenmgne (Paris, 1873), et la Théorie
scientifique de la sensibilité (Paris, 1876, Bibliothèque
de Philosophie contemporaine). Il avait composé en outre
un ouvrage considérable dans lequel il coordonnait l'ensemble
de ses théories en un système philosophique complet. Cet
ouvrage a disparu. Mort prématurément de la fièvre
typhoïde, L. Dumont n'a laissé qu'une œuvre inachevée ;
mais ce fut un penseur hardi et parfois profond, un essayiste
original, un critique compétent et consciencieux, en même
temps qu'un parfait honnête homme.
DUMONT (Albert), archéologue et administrateur fran-
çais, né à Scey-sur-Saône (Haute-Saône) le 21 janv. 1842,
mort à Paris le 12 août 1884. Après avoir terminé ses
études au lycée de Strasbourg, il entra à l'Ecole normale
en 1861. Agrégé d'histoire en 1864 et nommé membre de
l'Ecole française d'Athènes, il passa d'abord en Grèce et en
Orient quatre années consacrées à des voyages et à des tra-
vaux d'érudition. Dès l'année 1868, l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres couronnait son mémoire sur les stèles
représentant le Repas funèbre, et le jeune savant était chargé
d'une mission archéologique en Thrace. Il venait de soutenir
ses thèses pour le doctorat, lorsque éclata la guerre de 1870,
Il fit son devoir comme soldat ; un livre sur V Adminis-
tration et la propagande prussienîie en Alsace, publié
en 1871, montre assez de quel côté étaient tournées ses
— 51 —
DUMONT
préoccupations. En 1872, chargé d'une nouvelle mission en
Orient, il retourne en Grèce, accompagné de M. Chaplain,
ancien pensionnaire de l'Académie de France à Rome, et y
recueille des matériaux pour un vaste travail sur la céra-
mique grecque. C'était le moment où les pouvoirs publics,
en France, venaient de décider la fondation à Rome d'une
Ecole française d'archéologie. Désigné pour les fondions
de directeur de la jeune école, Albert Dumont accepta la
tâche périlleuse de l'organiser, de l'installer, de lui faire
prendre en Italie son rang scientifique. Il y réussit à tel
point qu'après deux ans, un décret consacrait définitive-
ment l'existence de l'Ecole française de Rome (20 nov. 1875).
La même année, il était appelé à la direction de l'Ecole
française d'Athènes, vers laquelle le ramenaient ses prédi-
lections particulières et ses études. De retour en France,
en 1878, il est nommé successivement recteur à Grenoble,
puis à Montpellier, pour occuper enfin, en 1879, les fonc-
tions de directeur de l'enseignement supérieur. Il succomba
prématurément à l'âge de quarante-deux ans, payant de sa
vie un dévouement infatigable aux intérêts de la science et
des hautes études en France. En 1882, il avait été élu
membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres.
Les [travaux d'Albert Dumont sont très nombreux et
très variés. Une longue série de mémoires, insérés dans
les principaux recueils scientifiques, atteste l'activité tou-
jours en éveil d'un esprit auquel rien de ce qui touchait à
la Grèce n'était étranger. Archéologie préhistorique, chré-
tienne ou byzantine, histoire de l'art, histoire des institu-
tions, il a abordé tour à tour toutes ces questions avec la
même méthode critique et rigoureuse. Un recueil de Mé-
langes, préparé par les soins de M. Homolle, doit réunir
prochainement les articles épars dans les revues érudites
dont Albert Dumont était le collaborateur assidu. Parmi les
ouvrages pubhés de son vivant, les premiers ont trait à
l'histoire des institutions athéniennes. Un Essai sur la
chronologie des archontes athéniens (1870), les Fastes
éponymiques d'Athènes (1873) sont des travaux prépa-
ratoires à l'ouvrage d'ensemble intitulé £55ai sur Véphébie
attique (1875-1877) oti l'auteur retrace l'histoire d'une
institution propre à Athènes, de ce noviciat qui formait
tous les jeunes Athéniens à la vie pubKque, à l'exercice de
leurs devoirs de citoyens et de soldats. Le recueil des Ins-
criptions céramiques de la Grèce (1870) comprend une
nombreuse série de marques d'amphores, véritables estam-
pilles officielles qui assuraient la régularité des transactions
commerciales ; c'est une contribution précieuse à l'histoire
du commerce hellénique. L'œuvre capitale d'Albert Du-
mont, celle où l'on voit le mieux comment le sentiment
déhcat des choses de l'art s'alliait chez lui à la sévérité de
la méthode, c'est le bel ouvrage entrepris avec la collabora-
tion de M. Chaplain, les Céramiques de la Grèce propre
(1881-1890). En étudiant dans les collections publiques
et privées d'Athènes les peintures des vases grecs, où se
reflète si fidèlement, pour chaque époque, l'état général
de l'art, il avait conçu le plan d'un livre qui devait mon-
trer le développement historique de l'art céramique chez
les Grecs : question délicate, complexe, qui touche à la
fois à l'histoire, à l'art, à la religion, aux croyances de la
Grèce. Interrompue par la mort de Fauteur, la publication
de cet ouvrage a été continuée et achevée par les soins
pieux de M. E. Pottier. Il faut encore citer, parmi les
nombreux écrits d'Albert Dumont, les Inscriptions et
monuments figurés de la Thrace (1877), où sont enre-
gistrés les résuhats de ses voyages de recherche dans une
région peu explorée jusqu'alors. Ajoutons qu'il ne se bor-
nait pas à parcourir la Grèce en érudit ; aucun esprit n'a
été plus ouvert aux choses du présent. Son livre le
Balkan et V Adriatique (1873) témoigne assez de ses
qualités d'observateur et de la sagacité avec laquelle il a
étudié les rivahtés de races, les conflits d'intérêts dont la
péninsule des Balkans a toujours été le théâtre.
L'œuvre scientifique d'Albert Dumont ne se hmite pas à
ses écrits. Elle est encore dans la vive et durable impul-
sion qu'il a su donner aux études érudites, comme directeur
de nos deux grandes écoles à l'étranger. L'Ecole de Rome
lui doit d'avoir traversé avec honneur et succès la phase
périlleuse des débuts. A l'Ecole d'Athènes, sa direction a
laissé des souvenirs ineffaçables. Par les travaux qu'il a
provoqués et encouragés, par la fondation du Bulletin de
correspondance hellénique^ il a donné une vie nouvelle
à l'institution qui représente dignement, dans l'Orient grec,
l'activité scientifique de la France. A la direction de l'en-
seignement supérieur, son action n'a pas été moins féconde.
Il a pris une part décisive aux réformes qui ont renouvelé
et fortifié l'enseignement dans les facultés : création des
maîtres de conférences, multiplication des chaires, institu-
tion des bourses d'étudiants, dotation des bibliothèques et
des laboratoires, amélioration des méthodes. Un livre publié
après sa mort, Notes et Discours (1885), montre bien que
le développement des hautes études en France a été sa
constante préoccupation. Albert Dumont n'a donc pas seu-
lement laissé de remarquables travaux d'érudition; il a
contribué, pour une très large part, au relèvement de notre
enseignement national. Max. Collignon.
BiBL. : Notices sur Albert Dumont, par E. Lavisse,
dans Revue internationale de renseignement supérieur,
15 févr. 1885. — Th. Homolle, Bulletin de correspondance
hellénique, 1884. — O. Riemann, Revue de philologie,
janvier 1885. — P. Girard, Revue de l'enseignement se-
condaire, 15 sept. 1884. — Liard, Discours prononcé à
l'inauguration du buste d'A. Dumont à la Sorbonne,
nov. 1891.
DUMONT d'Urville (Jules-Sébastien-César), navigateur
français et naturaliste, né à Condé-sur-Noireau (Calvados)
le 23 mai 1790, mort à Rellevue le 8 mai 1842. A l'âge
de sept ans, il perdit son père et fut élevé par sa mère et
son oncle, l'abbé de Croizilles, qui lui enseigna les premiers
éléments ; il fit ses études au collège de Bayeux et les
acheva au lycée de Caen. Le jeune d'Urville se présenta en
1807 à l'examen d'admission pour l'Ecole polytechnique,
mais il échoua et s'embarqua peu après, en qualité de
novice, à bord àeV Aquilon, commandé par le commandant
Maingon . Ayant reconnu dans son jeune novice un goût
très développé pour l'étude et beaucoup de curiosité, le com-
mandant de V Aquilon l'initia au maniement des instru-
ments nautiques, et lui donna une éducation de marin qui
lui permit de se présenter au concours d'aspirant, dont il
sortit le premier sur soixante-douze candidats, et deux ans
après il était de première classe de son titre. Pendant son
séjour à Toulon où il était de service, Dumont d'Urville
employa tous ses loisirs à développer son instruction ; il
perfectionna l'étude des langues vivantes qu'il avait com-
mencées, et apprit l'hébreu et le grec. Il s'appliqua aussi
beaucoup à l'étude de la botanique et de l'entomologie.
Entre 1812 et 1846, il navigua tour à tour sur les
vaisseaux suivants : le Suffrcji, le Borée, le Donaiverl,
le Bmjal-Loiiis, la Ville-de-Marseille à bord de laquelle
se trouvait la famille d'Orléans, venant de Sicile, après un
long exil, qui rentrait en France en 1814, et enfin sur la
gabarre V Alouette, En qualité d'enseigne, il accomplit,
sous la direction du capitaine Gauthier-Duparc, comman-
dant la Chevrette, une campagne d'exploration et d'hydro-
graphie dans la Méditerranée et la mer Noire. Toujours
emporté par son zèle pour les sciences naturelles, Dumont
d'Urville profitait de toutes les stations pour descendre à
terre et se livrer à son penchant pour la botanique et aussi
un peu pour l'archéologie . A la suite d'une de ses excur-
sions, il signala à l'ambassadeur de France à Constanti-
nople, M. le marquis Séré de Rivières, l'existence d'une
statue en marbre blanc, mutilée, à laquelle il donnait le nom
de Vénus Victrix et qu'un paysan grec avait trouvée dans
son champ. Cette statue, qui n'était autre que la Vénus de
Milo, fut achetée pour le compte du gouvernement français,
grâce à l'habileté et à l'énergie de M. de Marcellus qui
l'apporta lui-même en France. A sa rentrée en France, il
s'occupa à coordonner les nombreux matériaux et à classer
les notes qu'il avait recueillies dans ce voyage, et les publia.
De 1822 à 1825, Dumont d'Urville fit à bord de la
DUMONT - DUMONTIA
Coquille, commandée par son ami Duperrey, un voyage
d'exploration autour du monde. S'attachant particulière-
ment à ses sciences de prédilection, Dumont d'Urville se
fit le collaborateur volontaire des deux naturalistes de
l'expédition : Lesson et Garnot, et s'occupa tout spéciale-
ment de l'entomologie et de la botanique. Les résultats
de ce voyage furent très appréciés et signalèrent Dumont
d'Urville à l'attention du monde savant. A son retour,
il mit en ordre toutes les collections et prépara la publi-
cation de ce voyage. Nommé capitaine de frégate le 3 nov.
48^25, d'Urville présenta au ministre de la marine le
plan d'une nouvelle exploration plus étendue et plus com-
plète. Il espérait pouvoir préciser exactement le lieu de
naufrage de La Pérouse et peut-être même rapatrier
quelques-uns de ses compagnons. Sans entrer dans tous
les détails de ce voyage resté célèbre, disons que, parti de
Toulon le 25 avr. 1826 sur V Astrolabe, il explora la
Nouvelle-Zélande et la Nouvelle-Guinée. Arrivé à Hobart
Town, il apprit par le capitaine Peter Dilloo qu'il existait
des traces visibles du naufrage d'un vaisseau à l'île de
Vanikoro. Muni de ces renseignements, il appareilla aus-
sitôt vers ces régions qu'il n'atteignit pas sans danger. Le
second de V Astrolabe, Jacquinot, fut envoyé à la décou-
verte et rapporta bientôt des renseignements précis sur le
lieu du naufrage ainsi que des débris : ancre, canons, pier-
riers, etc., péchés dans la mer ou recueillis entre les mains
des indigènes. On peut voir les reliques de ce naufrage au
musée de la marine au Louvre. Afin de perpétuer la mé-
moire de notre compatriote, Dumont d'Urville fit élever un
monument commémoratif rappelant le naufrage de La Pé-
rouse et de ses compagnons. — La majeure partie de son
équipage étant tombée malade, Dumont d'Urville dut songer
au retour, non sans continuer à explorer sur son passage
les côtes inconnues ou mal définies. En 1829, V Astrolabe
atteignit le port de Marseille et son commandant rapporta
de ce second voyage une ample moisson de documents :
cartes hydrographiques, données ethniques d'une grande
importance ainsi que des collections de plantes et d'insectes
dont beaucoup étaient absolument inédits. La publication
de ce voyage se fit aux frais de l'Etat sur l'ordre du mi-
nistre de la marine, Hyde de Neuville. Dumont d'Urville
fut chargé de reconduire la famille de Charles X en Angle-
terre, tâche difficile et délicate dont il s'acquitta avec une
attention et des prévenances qui lui valurent les remercie-
ments de l'ancien roi. Le projet d'exploration au pôle Sud
dont Dumont d'Urville avait présenté le rapport au roi
Louis-Philippe, fut vivement combattu à la Chambre par
Araf^o qui ne reconnaissait pas qu'une expédition de ce
genre fût profitable à la science; ses conclusions furent
adoptées par l'Académie des sciences qui modifia complè-
tement le projet primitif. Malgré cette désapprobation, le
commandant d'Urville, fort des encouragements de Hum-
boldt et de Krusenstern, accepta les instructions du gou-
vernement et quitta le port de Toulon en 1837 avec VAs-
trolabe et la Zélée. Avec d'aussi faibles moyens, il ne put
exécuter le programme qu'il s'était tracé; au delà du
détroit de Magellan, par 64« de lat. S. il fut arrêté parles
glaces, sans pouvoir franchir cette banquise. Son équipage
étant décimé par le scorbut, il dut revenir dans un port
de relâche pour le laisser reposer. Dumont d'Urville re-
monta au N., atteignit le port de Talcahuano, au Chili,
non sans avoir découvert de nouvelles terres qu'il appela
Louis-Philippe et Joinville; en revenant, il rectifia
encore l'hydrographie des îles Orknoy et New-Shetland.
Après avoir accordé un repos à son équipage, le comman-
dant de l'expédition reprit la mer et exécuta les instruc-
tions qui lui avaient été données ; c'est ainsi qu'il visita
une grande partie des îles de l'Océanie dont il définit exac-
tement les contours. De Hobart Town il essaya, une fois
encore, de s'élancer dans les régions du Sud en profitant
d'un espace libre. Cependant il ne parvint pas à dépasser
BG"" 30' après avoir découvert deux autres terres qu'il
nomma Adélie, du nom de sa femme, et Clarie, du
— o2 —
nom de celle du commandant Jacquinot. Dumont d'Urville
revint en Erance le 6 nov. 1840, après une absence de
trente-huit mois. Comme dans ses précédents voyages, il
enrichit encorela science par les collections de toutes sortes
qu'il avait recueillies, tant en géographie et ethnographie
qu'en sciences naturelles. Nommé contre-amiral en 1840
en récompense de ses brillants services dans la marine, la
Société de géographie lui décerna, un peu moins d'un an
après, la grande médaille d'or pour ses nombreuses dé-
couvertes géographiques. Après avoir bravé tant de dan-
gers, après avoir accompli plusieurs fois le tour du monde,
cet illustre marin périt misérablement avec sa femme et
son fils dans la catastrophe du chemin de fer de Yersadles
le 8 mai 1842.
Voici une hste des principaux ouvrages qu'il a laissés :
Mémoire géologique sur r île de Santorin; Enumeratio
plantarum quas in insulis Archipelagi, aut littoribus
Ponti-Euxini, annis iSI9 et Î820 collegit atque
detexit J. D. d'U. (Paris, 1822, in-8): Notice sur les
galeries souterraines de nie de Mélos (extrait des Nou-
velles Archives des voyages; Paris, 1 82o, in-8) ; Rapport
sur le voyage de « l'Astrolabe » lu à i: Académie des
sciences dans sa séance du lî mai i820 (Paris, 1829,
64 pp. in-8) ; Mémoire sur les îles Loyalty. Partie hy-
drographique du voyage de « r Astrolabe» (Paris, 1829,
20 pp. in-8) ; Voyage de la corvette « r Astrolabe »,
exécuté par ordre du roi pendant les années iS26 à
i829 (Paris, 1830 et suiv., 12 vol. gr. in-8 et 7 vol.
de pi.); Voyage au pôle Sud et dans COcéanie sur les
corvettes « l'Astrolabe » et « la Zélée » pendant
les années i837 à i840 (Paris, 1841-1854, 23 vol.
in-8, 6 atlas in-fol. ; Y. pour les détails : Lorenz) ; Flore
des Malouines (en latin) ; Relâche de « l'Astrolabe »
aux lies Arioco, dans Annuaire des voyages (1844) ;
Voijage autour du monde, résumé général des voyages
de découvertes de Magellan, etc. (Paris, 1834-1835 et
1844, 2 vol. gr. in-8; nouv. édit., mise au niveau des
découvertes les plus récentes, 1853, 2 vol. gr. in-8, grav.
et cartes, rééditée en 1859). Alb. M.
BiBL • Lepsov, Notice historique sur Vamiral Dumont
dVruiile; RocheCort, 1816, in-8. - Vingendon-Dumoulin,
Notice biographique sur Dumont d'Urville, dans Voyage
au pôle Sud, t. X. -Du même, Quelques Observalions sur
les voiianes du capitaine Dumont dUrville et de James
Ross au pôle Sud, dans Annuaire des voyages, 1844.--
Matterer, Notice nécrologique et historique sur M. le
contre-amiral Dumont d'Urville; Paris, 1842, in-b. — Isi-
dore Lebrun, Biographie de Dumont d Urville, dans Ari--
nales maritimes, t. LXXVIII. - Berthelot, L loge du
contre-amiral Dumont d'Urville, dans Bulletin de la So-
ciété de géographie, 2° série, t. XIX. - De Barins (pseu-
donyme de L.-l'. Raban), Vie, voyage et aventures de
l'amiral Dumont d'Urville; Paris, 1857 in-S. -- Joubert
Dumont d'Urville; Tours, 1877, in-8.- Lettres de Dumont
dVrville adressées à M. Prost, directeur de la poste à
Mende {1810-1825) pul)liées par A. Maire, dans Revue
rétrospective, t. X, pp. 74 et suiv.
DUIYIONTEIL (Fulbert), publiciste français, né à Vergt
(Dordogne) en 1831. Il a donné des chroniques scienti-
fiques et pittoresques à divers journaux et notamment à
la Fra7ice. Nous citerons de lui : les Députés de la Seine,
portraits intimes (Paris, 1869, in-18); Jardin d'accli-
matation, portraits zoologiques (1874, gr. m-^); Por-
traits politiques, les Septembrisés (lb/2, m-li);
Voyage au Pays du bien (1878, in-12) ; les Carillons de
yoël (1880, in-12) ; Lecture expressive. Histoire natu-
relle en action (1882, in-12); les Sept Femmes du
colonel d'Arlot (1884, in-12); Contes jeunes (1886,
in-12), etc.
DUMONTIA (ZooL). Ce genre aétédédié parKunstler au
regretté Albert Dumont, directeur de l'enseignement supé-
rieur; il est basé sur une espèce de Protozoaire^ rhizopode
qui habite la cavité viscérale des Ophélies, que l'on trouve
sur la plage d'Arcachon. Il se distingue facilement des
autres corpuscules qui flottent dans le liquide plasmatique,
par la présence d'un axe vivement coloré en brun fonce :
sur les côtés de cet axe s'étend le corps, divisé en deux
- 53 -
DUMONTJA - DUMOULIN
lobes qui portent à la périphérie, dans la région médiane,
des pseudopodes rayonnants. Les caractères de divers
ordres que présente^ cet animal, le rapprochent à la fois
des Radiolaires et des Rhizopodes (V. Kunstler, Bulletin
Soc. zooL de France, 1883); MM. Kunstler et de Lus-
trac ont récemment fait connaître (1889) un Rhizopode
qui habite les eaux du bassin d'Arcachon et qu'ils consi-
dèrent comme une forme libre de ce genre. R. Mz.
DUMONTPALLIER (Amédée), médecin français con-
temporain, né à Ronfleur le 8 mars 1826. H a fait
toutes ses études médicales à Paris et a été interne des
hôpitaux en 1853, docteur en médecine en 1857, chef de
clinique de la Faculté en 1861, médecin des hôpitaux en
1866. R a publié un travail original sur le Rétrécissement
congénital aortique au niveau de l'abouchement du
canal artériel (1 866) , une note sur un Cas d'oblitération de
la veine cave inférieure (en collaboration avec M. Sappey,
1861) ; Contribution à l'étude des anomalies de^ Vénrp-
tion vaccinale (mémoire couronné par l'Académie de
médecine, 1877). M. Dumontpallier s'est beaucoup occupé
de gynécologie, et l'anneau pessaire qu'il a inventé a été
généralement adopté. Plusieurs de ses travaux ont pour
sujet f Infection 'purulente et Vinfection putride a la
suite de V accouchement (1857-1865) et il a fait con-
naître récemment, à l'Académie de médecine, sa méthode
du traitement de l'endométrite chronique à l'aide des
crayons de zinc (1889-1890). R a pris une part active à la
rédaction de la Clinique de V Hôtel-Dieu de Trousseau et
il est l'auteur des rapports présentés à la Société de biolo-
gie sur la métalloscopie et la métallothérapie (1877-1878),
rapports qui résument les expériences auxquelles la com-
mission de la Société de biologie a dû se livrer et dans
lesquels on trouve signalée la découverte du « transfert »,
découverte que Ton ^ considère comme appartenant à
MM. Dumontpallier et Gellé. Il est encore l'auteur de plu-
sieurs mémoires sur V Etude expérimentale de l'action de
divers agents physiques sur l'hystérie (en collaboration
avec M. Magnin, 1882-85) et sur l'Hypnotisme et la sug-
gestion. M. Dumontpallier est secrétaire général de la
Société de biologie depuis 1868. D^ A. Dureau.
DU MORTIER (Rarthélemy-Charles, comte), homme poli-
tique belge, né à Tournai le 3 avr. 1 797, mort à Tournai le
9 juil. 1878. R prit une part active à la révolution de 1830,
fut élu membre de la Chambre des représentants dès 1831 ,
et conserva son mandat jusqu'à sa mort, sauf une courte
interruption en 1847. Il joua un rôle important dans les
délibérations, notamment dans la discussion du traité dit
des XXIV articles ; il démontra l'exagération des préten-
tions hollandaises et obtint une diminution considérable de
la dette que les puissances voulaient imposera laRelgiquc.
R fut en 1836 le rapporteur de la loi communale, com-
battit énergiquement le traité de séparation de 1839, et,
en toutes circonstances, défendit avec beaucoup d'éloquence
les doctrines du catholicisme libéral. Son originalité faisait
parfois sourire, mais sa rude franchise, son caractère
intègre, son patriotisme désintéressé imposaient le respect
même à ses plus ardents adversaires. Dumortier ne se
laissa pas absorber tout entier par la politique ; botaniste
distingué et membre de l'Académie, il fit paraître un grand
nombre de travaux qui reçurent un accueil très favorable
dans le monde savant et fit plusieurs découvertes impor-
tantes. R écrivit aussi des études historiques et politiques
dont les conclusions ont été fort contestées. La liste com-
plète de ses ouvrages se trouve dans De Koninck {Biblio-
graphie nationale, 1,623-626). En voici les principaux:
i^' histoire et politique : les Manifestes du roi Guillaume
et les griefs de la nation (Tournai, 1830, in-8) ; la
Belgique et les XXIV articles (Rruxelles, 1838, in-8) ;
Observations sur le partage des dettes des Pays-Bas
(Rruxelles, 1838, in-8); Becherches sur le lieudenais-
sance de P. -P. Bubens (Rruxelles, 1861, in-8); Nou-
velles Becherches sur le même sujet (Rruxelles, 1862,
in-8) ; 2^ botanique : Commentationes botanicœ (Tour-
nai, 1822, in-8) ; les Graminées de la flore de Belgique
(Tournai, 1823, in-8) ; Florula belgica (Tournai, î 827,
in-8) ; Etude sur les orchidées {Mém. de l'Acad. de
Belgique, IX) ; Essai carpographique présentant une
nouvelle classification des fruits (Tournai). Le roi des
Relges avait conféré à Dumortier les titres de comte et de
ministre d'Etat. E. H.
BiBL. : L. Uyma^?^, Histoire parlementaii^e de la Bel-
gique; Bruxelles, 1878-1888, 5 vol. in-8. — Crépin, Bio-
graphie de B. Dumortier ; Bruxelles, 1879. — L. Hvmans,
la Belgique conternporaine ; Bruxelles, 1884, in-8.
DUMOULIN (Charles), célèbre jurisconsulte français,
né à Paris en 1500, mort à Paris le 27 déc. 1566.
Après avoir étudié le droit à Orléans et à Poitiers, il dé-
buta au barreau en qualité d'avocat au parlement de Paris.
Malgré sa science incomparable, il n'eut aucun succès ; son
échec tint à ce que sa parole n'était ni facile ni élégante.
R était si peu agréable à écouter qu'un jour le premier
président de Thou, impatienté par cette parole difficile,
lui dit en pleine audience : « Taisez-vous, maître Dumou-
lin, vous êtes un ignorant. » L'injure fut ressentie par
le barreau tout entier. Les anciens se rendirent auprès
du premier président, et le bâtonnier lui dit en propres
termes au nom de ses confrères : Lœsisti hominem doc-
tiorem quam unquam eris. De Thou reconnut ses torts.
La foi religieuse de Dumoulin n'avait pas la solidité de sa
science; il quitta la religion catholique pour embrasser le
calvinisme. Obligé par les guerres civiles à quitter Paris,
il alla enseigner le droit en Allemagne, notamment à Stras-
bourg. On l'appela aussi à Dole et à Resançon où il donna
quelques leçons en présence de plusieurs milliers de per-
sonnes. Ces leçons sont parvenues jusqu'à nous, et on
s'étonne en les Hsant qu'elles aient pu intéresser la foule,
car elles portent sur des questions de droit très compli-
quées. Dumoulin rentra en France en 1557 et se fixa de
nouveau à Paris ; il publia des traités violents contre l'au-
torité du pape et qui obtinrent un succès considérable,
notamment son Conseil sur le fait du concile de Trente
et son Commentaire sur Védit du roi Henri II sur les
petites dates. Mais les œuvres de Dumouhn, qui ont fait
sa réputation de jurisconsulte et qui l'ont placé à la tête
de nos légistes coutumiers, sont ses commentaires sur
un grand nombre de coutumes, notamment celui qu'il a
consacré à la coutume de Paris, son traité Z)^ Feudis et
enfin sa dissertation sur les obligations indivisibles intitulée
Extricatio labyrinthi dividui et individui. Il faut aussi
citer son Tractatus de eo quod interest. Les œuvres
de Dumoulin sont surtout remarquables par la richesse de
l'érudition, par la profondeur des vues et par l'habileté de
la dialectique ; mais elles sont écrites dans un style opaque
et raboteux qui en rend la lecture difficile et pénible. Mal-
gré tout, ses contemporains l'appelaient déjà le prince des
jurisconsultes, et il était le premier à n'en pas douter.
Son orgueil est resté aussi célèbre que sa science ; il pre-
nait volontiers le titre de premier jurisconsulte de France
et d'Allemagne, et il lui arriva de dire de lui-même : Ego
qui nemini cedo nec a nemine doceri possum. Son
influence a été considérable sur la coutume de Paris et on
peut même dire, d'une manière générale, sur les destinées
du droit français. Ennemi acharné de la féodalité, il a sin-
gulièrement contribué à la préparation de l'unité de notre
droit civil; il a amèrement critiqué le système qui avait été
employé pour la rédaction des coutumes ; il prétend qu'on
a trop vite voté et trop peu réformé ; il reproche à la no-
blesse d'avoir abusé de sa puissance et d'avoir empêché les
réformes. En particulier, le commentaire de Dumoulin sur
la coutume de Paris est resté fort précieux, d'abord pjirce
qu'il est le seul qui ait porté sur la coutume de 1510,
ensuite parce que ses solutions ou critiques ont été sou-
vent acceptées à l'époque de la réformation de cette coutume
en 1580. Le Commentaire de Dumoulin sur^la. coutume
de Paris a été plusieurs fois édité (Paris, 1539, 1554;
Francfort, 1575; Lausanne, 1576) et Godefroy l'a adapté
à la nouvelle coutume (Paris, 1596 ; Rerne, 1603). Le
DUMOULIN — DUMOURIEZ
~ U —
traité des fiefs a été réédité par Henrion de Pansey à Paris
en 1793 ; l'ensemble des œuvres de Dumoulin a été publié
à Paris en 1681 (5 vol. in-foL).
BiBL. : Brodeau, Vie de Dumoulin, en tête des œuvres
de Dumoulin. — Viollet, Histoire du droit français^
p. 173. — AuBÉpiN, De l'Influence de DumoiUin sur la légis-
lation française (extrait de iâ Revue critique de législation
et de jurisprudence, t. IV, p. 2()1).
DUMOULIN (Pierre), prédicateur et controversiste pro-
testant français, né le 16 oct. 1568 au château de Buhy-
pn_Vexin, mort à Sedan le 10 mars 1658. Sa destinée
se ressentit des temps troublés dans lesquels il vécut.
Il n'échappa aux massacres de la Saint-Barthélémy (1572)
que par l'adresse d'une brave femme catholique, qui le
cacha sous un lit de couvertures. L'année suivante, Du-
mouUn rejoignait sa famille à Sedan, alors principauté
indépendante', où il poursuivit ses études classiques
jusqu'à l'âge de vingt ans. Mais alors son père, à bout
de ressources, fut forcé de le conduire à Paris afin « d'y
chercher condition pour gagner sa vie » (1588). La ca-
pitale était alors en proie aux fureurs de la « Sainte
Ligue ». Dumoulin n'y resta pas longtemps et, après avoir
erré quelques semaines à Rouen et à Dieppe, il se rendit
en Angleterre où, tout en exerçant les fonctions de pré-
cepteur, il suivit les cours des savants Whitacker et Rey-
nold (1589-1592). Cependant, attiré par la réputation de
François Du Jon, professeur à Leyde, son compatriote, il se
rendit dans cette ville oti il séjourna sept années. Il y en-
seigna successivement le grec et la poésie latine au collège
et la philosophie d'Aristote à l'université.
C'est à Leyde que vint le trouver l'appel du consistoire de
l'Eglise réformée de Paris, qui le nommait pasteur de cette
Eglise. Il accepta cette fois et pendant vingt ans il prêcha
au temple de Charenton avec éloquence et sortit victorieux
de plusieurs controverses, entre autres avec Palma-Cayet, le
père Coton, etc. Sa réputation d'orateur et de contro-
versiste le désigna au choix de Catherine de Bourbon,
duchesse de Bar, sœur de Henri IV, qui était restée fort
attachée au protestantisme et l'emmena comme aumônier en
Lorraine. Après l'assassinat de Henri IV, sa propre vie étant
en péril, il se réfugia à Sedan (1621), où il fut nommé
pasteur de l'Eglise réformée et professeur à l'université.
C'est dans cette ville que, sauf des séjours de courte durée
à Londres, Paris et La Haye, il passa les trente-sept der-
nières années de sa vie, partageant son temps entre la pré-
dication, ses leçons de philosophie et la pubKcation de ses
ouvrages. Dumoulin était la terreur des jésuites qui avaient
fait sur son nom latinisé cet anagramme : Erit mundo
lupus. DumouHn a laissé autant d'ouvrages qu'il a vécu
d'années (quatre-vingt-dix); on en trouvera la liste complète
dans la France protestante (2^ éd.). Voici les principaux:
Apologie de la Cène du Seigneur, contre la présence
charnelle (La Rochelle, 1607, in-8) ; le Bouclier de la
foi (Charenton, 1618, in-8); Bu Combat chrétien ou
des afflictions (Sedan, 1622); Nouveauté du Papisme
(Sedan, 1627, in-fol.) ; Anatomie de la Messe (dédié à
la duchesse de Bouillon; Genève, 1636); Dix Décades
de sermons (Sedan, 1637-1647). G. Bonet-Maury .
BiBL. : ViedeM. P. Dumoulin,écritepar lui-même, &Q.u^
le Bulletin du protestantisme français, 1858. — N. Reco-
lin, art. Dumoulin, dans V Encyclopédie des sciences reli-
gieuses. — H. BoRDiER, dans là France protestante, t. V.
DUMOULIN (Gabriel), curé de Menneval, né à Bernay
vers 1575, mort en 1660. Il nous reste de lui : His-
toire générale de Normandie.,, depuis les premières
courses des Normands jusqu'à la réunio7i de la
Normandie a la couronne de France (Rouen, 1631 , in-
fol .) , les Conquêtes et les Trophées des Norman-
François aux royaumes de Naples et de Sicile, aux
duchés de Calabre, d'Antioche, de Galilée, et autres
principautés d'Italie et d'Orient (Rouen, 1658, in-fol.).
BiBL. : Ed. Frère, Manuel du bibliograplie normand.
DUMOULIN (Evariste), publiciste français, né dans la
Guyenne en 1776, mort à Paris le 4 sept. 1833. H com-
mença à se faire connaître en publiant dans un journal de
la Gironde des poésies et des articles divers, vint à Paris,
où il fonda en 1815, avec Maiseau de Bellemare, le Messa-
ger des Chambres, prit part à la fondation du Constitu-
tionnel (1815-1817), où il collabora activement dans l'in-
térêt du parti libéral. Mis en lumière par plusieurs procès
de presse, Dumoulin mit le comble à sa réputation en fon-
dant la Minerve française (1818-1820) avec Benjamin
Constant, Etienne, Jay, Jouy, Lacretelle, Tissot, etc. Ce
journal demi-périodique, destiné à remplacer le Mercure,
fit une satire continuelle de la Restauration, jouit d'une
prospérité incroyable et devint une véritable puissance.
Fort populaire, Dumoulin joua un rôle actif lors de la révo-
lution de juil. 1830, et dirigea notamment le peuple sur
l'Hôtel de ville. On a de lui : Histoire complète du pro-
cès du maréchal Ney (Paris, 1815, 2 vol. in-8) ; Pro-
cès du général comte Drouot (1816, in-8); Procès du
général Cambronne (1816, in-8) ; Lettre sur la cen-
sure des journaux et sur les censeurs (1820, in-8);
Examen du projet de loi sur la presse (1827, in-8).
DUMOURIEZ (Charles-François), né à Cambrai le
25 janv. 1739, mort à Turville Park (Angleterre) le
14 mars 1823. Fils d'Anne-François Dumouriez, commis-
saire des guerres, il descendait d'une famille parlementaire
de Provence, connue sous le nom de Dupérier. Une demoi-
selle Anne de Mouriez, ayant épousé le bisaïeul du général,
la plupart des membres de la famille adoptèrent le nom de
Mouriez, qui par la suite se transforma en Dumouriez.
Charles-François Dumouriez était le cadet de deux sœurs :
l'une qui devint abbesse de Fervacques à Saint-(iuentin,
l'autre qui épousa le baron de Schomberg, gentilhomme
saxon, mort lieutenant général au service de France. Son
enfance fut pénible. Sans les soins de l'abbé Fontaine, il
n'eût pu vivre au delà de cinq ou six ans. Il fit d'excel-
lentes études au lycée Louis-le-Grand, eut un moment l'idée
de se faire rehgieux, puis se décfda pour le métier des
armes. Il suivit l'armée de Soubise, se distingua au siège
de Brème et entra dans le régiment de cavalerie d'Escars.
Il fit preuve de bravoure à Rosbach, Munster, Emsdetten,
Albachten, Clostercamp. A cette dernière affaire, il faillit
perdre la vie. En 1761, il rejoint son régiment et prend
part aux batailles de Villinghausen , d'Arensberg et de
Worendorf. En 1763, il est réformé avec trois cents capi-
taines et quitte provisoirement le service, après avoir
obtenu la croix de Saint-Louis.
En 1762, il s'était épris de M^^^de Broissy, sa cousine,
fille de feu François-Etienne de Fontenay et de Marie-Anne
Dumouriez du Périer, veuve en secondes noces de Léonard
Legris de La Potterie, plus connue sous le nom de mar-
quise de Belloy. Dumouriez épousa sa cousine le 13 sept.
1774. L'histoire de cette passion, les événements qui l'ont
précédée et suivie forment un véritable roman raconté,
d'après les documents inédits des Archives nationales,
dans un volume particulier dont on trouvera le titre dans
la bibliograpiiie qui suit cet article. Je ne puis que dire
un mot très bref de cette passion et de ces incidents. Pendant
les douze années qui séparèrent la demande en mariage du
mariage lui-même, Dumouriez se consola facilement des
rebuffades de M™^ de Belloy et des refus obstinés de son
propre père. Il courut l'Italie, la Corse, l'Espagne, mettant
son épée au service de Choiseul et recherchant les aven-
tures de guerre comme les aventures d'amour. Il revint à
Paris, fréquenta Favier, Collé, Guibert, Crébillon fils, et la
courtisane Legrand. Il se lia avec le comte de Broglie et
entra dans le Secret du roi. Il reçut une mission confi-
dentielle pour la Pologne en 1770, mais, occupé à l'accom-
plir, il fut tout à coup désavoué et remplacé par le baron
de Viomesnil. Il allait entreprendre un voyage secret en
Allemagne, quand la police ministérielle, lassée de ses
frasques, l'enferma à la Bastille. Il y demeura six mois,
puis fut envoyé au château de Caen où il mena joyeuse vie.
A l'avènement de Louis XVI, il fit faire de nombreuses
démarches pour obtenir sa mise en liberté. Le 2 août 1774,
il était délivré, et un mois et demi après il épousait sa
— r^^ —
DUMOURIEZ
cousine de Broissy. Cettie union ne tint pas ce qu'elle pa-
raissait promettre tout d'abord. Les deux époux ne tar-
dèrent pas à reconnaître l'incompatibilité de leur caractère.
Ce furent des nuages, puis des tempêtes. Dumouriez avait
été chargé, en sa qualité de colonel, de faire des études stra-
tégiques. A la fm del'année 4777, son Précis de la défense
de la Normandie et de ses ports lui valut le commandement
de Cherbourg. Il en prit possession en 4778 et s'acquitta
avec un zèle et une intelligence remarquables de ces fonc-
tions nouvelles. Aide-maréchal-brigadier en 4779, briga-
dier en 1784, aide-maréchal de camp en 4788, il arrivait
à la veille de la Révolution, mécontent d'un avancement
qui, suivant lui, n'avait pas répondu assez rapidement à ses
mérites. Une intrigante, la baronne de Barruel-Beauvert,
dite la baronne d'Angel, sœur de Rivarol, le détourna bientôt
de ses devoirs domestiques, si bien que, le 34 juil. 4789,
Dumouriez amenait sa femme à se séparer de lui. Il la
força, par ses traitements indignes, à entrer dans un
couvent. L'infortunée mourut en 4807, abandonnée presque
sans ressources, tandis que son mari fréquentait la ba-
ronne d'Angel, et se vantait « d'avoir vécu des bienfaits»
de cette femme pendant les deux premières années de la
Révolution.
Le grade de maréchal de camp ne suffisait point à l'am-
bition de Dumouriez. Dès les premiers événements de 4789,
il se lança dans la politique et essaya vainement d'obtenir
un mandat des électeurs de la Normandie. La Révolution
lui paraissait personnellement une carrière. Mais il n'en
aimait point les désordres, car il réprima avec vigueur deux
émeutes à Carentan et à Cherbourg. Lorsqu'on supprima
les divisions, il se rendit à Paris et parvint à se lier
avec Lafayette et Mirabeau. Il se fit affilier à la Société des
Amis de la Constitution. En proie à toutes les agitations,
il ne cessa de composer des plans, des projets, des propo-
sitions de toute espèce sur mille sujets, espérant devenir,
comme il l'écrivait originalement, « le maître du bal ».
Mais déjà ce maître est né. Il a vingt ans. Lui, Dumouriez,
a le tort d'en avoir cinquante. Il se fait envoyer en mission
en Belgique et en revient avec une étude morale et poli-
tique, oti se montrent la souplesse et la vivacité de son
esprit. Il accentue sa liaison avec Mirabeau et cherche à unir
sa fortune à la sienne, se modelant ainsi sur Talleyrand.
La mort du tribun lui porte un coup funeste et semble le
rejeter dans l'ombre. Enfin il obtient le commandement de
Nantes et s'y fait de la popularité. Lors de la fuite de Va-
rennes, il offre ses troupes à l'Assemblée, ce qui attire l'at-
tention sur lui. Il fait la connaissance de Gensonné qui le
prône en tous lieux ; il retrouve un ami dans le ministre
Delessart, puis grâce à l'intendant de la liste civile Laporte,
auquel il persuade qu'il est prêta sauver la monarchie, il re-
vient à Paris. Il était alors lieutenant général. On a pré-
tendu que Dumouriez, pour entrer aux affaires, avait abusé
des confidences intimes de son ami Delessart. On ne peut
l'affirmer absolument, mais il faut remarquer qji'il le
remplaça au ministère des affaires étrangères, le 45 mars
4792, cinq jours après sa disgrâce. Il pénétra au pouvoir
avec Roland, Servan et Clavières. Il apporta aux affaires
sa vivacité, son étourderie, sa présomption ordinaires et,
ennemi né de l'Autriche, poussa Louis XVI à la guerre.
Qu'importaient à Dumouriez les périls de cette guerre,
pourvu que son ambition eût carrière libre ? Son esprit
de domination se manifesta de telle façon qu'il se mit
également à dos les feuillants, les girondins et les jaco-
bins. Du ministère de la guerre, où il ne resta que peu
de jours, il passa à l'armée du Nord sous les ordres de
Luckner et de Dillon. Après le 40 août, s'étant intime-
ment lié avec Danton, il remplaça Lafayette qui s'était
enfui, et prit le commandement de l'armée du Centre. Cette
armée était dénuée de tout. Dumouriez y remet la disci-
pline, renforce l'artillerie et les munitions, adopte les meil-
leures dispositions stratégiques. On apprend la prise de
Longwy, puis la marche des Prussiens sur Verdun, puis
la prise de cette ville. Danton et Lebrun entrent en négo-
ciations diplomatiques avec les Prussiens. Dumouriez, qui
en fut informé, envoya un mémoire au roi de Prusse pour
l'éclairer sur les dangers de son alliance avec l'Autriche.
M. Albert Sorel, qui a parfaitement élucidé ces curieuses
négociations, nous informe que Dumouriez comptait sincè-
rement sur l'alliance prochaine des Prussiens, lesquels, à son
avis, devaient fatalement se brouiller avec l'Autriche. Le
général fondait ses espérances sur le parti des philosophes
prussiens que leurs goûts personnels portaient plutôt vers
la France.
Pendant ces négociations auxquelles se prêtait volon-
tiers le duc de Brunswick, les troupes de Dumouriez par-
taient de Sedan le l^"^sept., allaient s'établir à Grandpré
le 4 et le 5, occupaient, sans être le moins du monde
inquiétées, les défilés de l'Argonne. Quinze jours après, à
Valmy, elles firent reculer les Prussiens. Ce fut plus une
canonnade qu'une bataille. Mais cette canonnade devait
s'entendre dans toute l'Europe. A partir de ce moment les
armées de la Révolution ont foi en elles et, de la défen-
sive, vont bientôt passer à l'offensive. Un armistice a lieu.
De nouvelles négociations se greffent sur les premières.
La démoralisation se met parmi l'ennemi. Il consent à se
retirer, et il emploie trois semaines à battre en retraite.
Il sauve son artillerie, ses drapeaux, ses impedimenta,
Dumouriez aurait pu l'écraser. Il le laissa partir tran-
quillement, comptant en lui un futur allié. Ainsi finit la
campagne de l'Argonne qui sauvait la France nouvelle.
Dumouriez vient à Paris faire parade de son triomphe et
se faire donner des instructions précises pour exécuter son
projet favori : la conquête delà Belgique. Le 6nov. 4792,
il enlève la position difficile de Jemmapes et se distingue
là par un exploit qui a le plus grand retentissement en
France et en Europe. On peut dire que cette victoire ouvre
définitivement la Belgique à nos troupes. Dumouriez aurait
pu, ici encore, anéantir l'ennemi. Il se contente d'aller hiver-
ner sur la Meuse. La façon modérée dont il traite les habi-
tants des pays conquis lui attire Tanimosité des jacobms.
Il revient à Paris où il ne trouve que peu de partisans,
augmente contre lui la haine des révolutionnaires et s'en re-
tourne à son quartier général, fort inquiet, le24janv.4793.
Il voit ses troupes hvrées à l'indiscipline. Il remet un peu
d'ordre parmi elles et songe à assiéger Maestricht. Il veut
conquérir la Hollande. Il emportetrois places presque sans
coup férir et se croit déjà maître d'Amsterdam, quand il
apprend que les Autrichiens ont écrasé ses principales forces
sur la Meuse et la Roër. Le conseil exécutif le rappelle en
toute hâte. La défaite de Neerwinde achève de ruiner son
crédit. Il comprend alors qu'il est perdu. Il a le malheur
de négocier secrètement avec le prince de Cobourg. Il lui
promet d'évacuer la Belgique et de lui céder la place de
Condé. Le prince, de son côté, s'engage à ne faire aucune
conquête en France et à l'aider à rétablir l'ordre. Sur ces
entrefaites, des commissaires de la Convention viennent
lui demander connaissance de ses plans. Il leur répond avec
arrogance qu'il se moque des décrets de la Convention et que,
si on l'y oblige, il traitera Paris comme une ville rebelle.
Les commissaires vont porter cette réponse à Lebrun qui en
informe la Convention. Celle-ci mande le général à sa barre.
Au quartier de Saint-Amand, quatre commissaires de la
Convention, Camus, Quinette, Lamarque et Bancal,
viennent lui signifier le décret de la Convention. Le mi-
nistre delà guerre Beurnonville les a suivis. On sait ce qui
arriva : l'arrestation des commissaires et du ministre et
leur abandon aux Autrichiens. Dumouriez avait compté
sans ses troupes. Illes croyait dévouées à sa personne. Elles
étaient surtout dévouées à la France. Deux jours après, il
veut les entraîner à l'ennemi. Elles le menacent de mort et
il n'a que le temps de passer la frontière. Il avait cru que
les Autrichiens, en l'aidant à rétablir la monarchie, s'abs-
tiendraient de toute conquête. Le congrès d'Anvers en décida
autrement. Dumouriez se voit joué et mystifié. L'ennemi
déclare s'inquiéter fort peu de savoir qui gouvernera en
France, pourvu qu'il se rende maître des forteresses et d'une
DUMOURÏEZ - DUMOUSTIER
56 -
aussi grande quantité de pays qu'il se pourra. Dumouriez
veut protester. On sourit de ses protestations. Les Autri-
chiens et les émigrés le raillent ou l'insultent. Le malheu-
reux se retire à Bruxelles. Il n'y peut rester et se rend en
Allemagne. Là tout asile lui est refusé. Il est contrai ut
de se réfugier en Suisse sous un faux nom. Il est bientôt
reconnu et s'enfuit en Angleterre. On l'en expulse. Il \a
dans le Holstein et y séjourne avec la protection du prince
de Hesse. Il s'occupe à rédiger ses mémoires et force bro-
chures. En 1800, il va en Russie offrir son épée à PaulP^
qui, après l'avoir accueilli favorablement, le congédie avec
une indemnité. Dumouriez s'adresse de nouveau à l'Angle-
terre, qui lui accorde une solde et l'hospitalité, à la condition
qu'il mettra sa science militaire à son service contre Napoléon.
Il accepte. Il va même jusqu'à offrir ses services à l'Espagne
et au Portugal contre l'Empereur et contre la France.
Il ne put obtenir de Louis XVIII, revenu en France, le
titre de maréchal qu'il osait solliciter, ni l'autorisation de
rentrer, quoiqu'il eût fait valoir comme services principaux
la création du port de Cherbourg, l'expulsion des étran-
gers de la Champagne, la victoire de Jemmapes et la déli-
vrance de la dauphine, échangée contre les quatre com-
missaires qu'il avait donnés fort à propos pour otages aux
Autrichiens. Pour se venger de sa déconvenue, il prétendait
que les émigrés ne pouvaient lui pardonner la victoire de
Valmy. Il avait à Londres, pour amis intimes, Canning
et le duc de Kent. Il fut enterré dans l'église anglicane
de Henley, laissant un nom déshonoré, car c'était le
déshonneur que d'avoir pactisé avec l'ennemi et d'être mort
sans patrie à l'étranger et à sa solde. M. Thiers dit pour
l'excuser : « S'il nous abandonna, il nous avait sauvés. »
Le caractère de Dumouriez répond aux événements qui.
l'ont mis lui-même en lumière : c'est un mélange étonnant
d'audace et de rouerie, de décision et d'irrégularité, de
longue et d'étourderie, d'orgueil et de suffisance. Il manqua
souvent de fierté, de constance et de pondération. La figure
de Dumouriez répondait à son caractère : les yeux vifs,
inquiets et chercheurs, le teint sombre, la bouche fine et
dédaigneuse, le masque, mobile comme celui d'un acteur, la
démarche brusque, la voix hautaine. En résumé, il était
plus diplomate que général, plus aventurier que diplomate,
plus condottiere que général. Henri Welschinger.
BiBL. : Correspondance de Dumouriez avec Pache^
ll^d, in-S. — Mémoires de Dumouriez ; \19h 2 vol. in-8
(reproduits dans la collection Baudouin, 1823). — Viette,
Dumouriez unmashed ; Londres, 1793, in-8. —Courtes
Réflexions sur les Mémoires de Dumouriez, 1794, in-8. —
DiGOiNE DU Palais?, Réfutation des Mémoires de Dumou-
riez^ 1791, in-8. — J. Servan, Notes sur les Mémoires de
Dumouriez^ 1795, in-8. — Girtanner, Lettre au général
Dumouriez^ 1795, in-8. — Réponse de Dumouriez à Gir-
tanner^ 1795, in-8. — Dumouriez, De la République ou
Coup à' œil politique sur l'avenir de la France, 1796, in-8.
— RociiLiTZ, Coriolan imd Dumouriez; Leipzig, 1796, in-8.
— Dumouriez, Tableau spéculatif de l'Europe, 1798, in-8. —
Lettre de Dumouriez au « Spectateur du Nord » (n" d'oct.
1799). — iVorweau Tableau spéculatif de TEttî^ope, 1799, in-8.
— Sybfa., Histoire de l'Europe pendant la Révolution fran-
çaise; Paris, 1886, 6 vol. in-8. — BoGUSLAwsKi, DasLeben des
Gênerais Dumouriez ; Berlin, 1878-79, 2 vol. — Vivenot,
Souvenirs de V histoire de lapolitique autrichienne; Vienne.
— NiSARD, Considérations sur la Révolution française;
Paris, 1887, in-12. — Duc de Broglie, le Secret du roi ; Paris,
1888, in-8. — Albert Sorel, Un Général diplomate au temps
de la Révolution, dâas la Revue des Deux Mondes, 15 juil.,
1°'' et 15 août 1884. — Du même, l'Europe et la Révolution;
Paris, 3 vol. in-8. — Arthur CuuQUETja Première Invasion
prussienne ; Paris, 1886, in-12; — Valmy, Paris, 1887, in-13",
— la Retraite de Brimswick ; Paris, 1887, in-12; — Jem-
Vfiapes ; Paris, 1890, in-12; — la Trahison de Dumouriez ;
Paris, 1891, in-12. — Pallain, la Mission de Talleyrand à
Londres en 1192; Paris, 1888, in-8. — Miranda et ïa Révo-
lution ; Caracas, 1889, in-12. — Henri Welschiisger, le
Roman de Dumouriez, 1890, in-12. — Archives nationales,
Archives de la guerre et des affaires étrangères. — V. aussi
Mémoires de Lafayette, l'Annuaire nécrologique de 1823,
et Revue rétrospective du 13 oct. 1836.
DUMOUSTIER ou DUMONSTIER. Plusieurs peintres et
crayonneurs du xvi^ et du xvii^ siècle ont porté ce nom.
Leur généalogie est assez embrouillée. Il semble cependant
que le chef de cette famille est un certain Etienne, peintre
miniaturiste, qui travaillait à Rouen, en 1501, à illustrer
les manuscrits du cardinal d'Amboise. Il mourut en 1530.
— Son fils ou son frère, Geoffroy, également peintre minia-
turiste, naquit à Paris au commencement du xvi*^ siècle. Il
devint l'élève du peintre Florentin Rosso de Rossi, lorsque
celui-ci vint, vers 1530, en France. Ils décorèrent ensemble
le château de Fontainebleau. Geotïroy fit quelques peintures
dans la galerie. On lui attribue quelques gravures ainsi que
le dessin d'une verrière conservé au musée du Louvre. Il
mourut après 1547.11 eut trois fils : Etienne, second du nom,
Pierre et Cosme. — Etienne II, né en 1520, fut peintre
et valet de chambre des rois de France, de Henri II à
Henri IV, ainsi que de la reine Catherine de Médicis. Il
figure, avec son frère Pierre, dans un croquis bistré,
rehaussé de blanc, qui est conservé au Cabinet des estampes.
Ce dessin représente la signature par Catherine de Médicis
du contrat de mariage de son nain et de sa naine. Il
mourut en 1603 et fut enterré dans le cimetière de l'église
Saint-Jean-en-Grève. Ses armes étaient cVazur à f église ou
moutier cVargent. — Pierre, second fils de Geoffroy, fut,
comme son frère aîné, peintre et valet de chambre de la reine
Catherine de Médicis dès 1585. Il mourut en 1604, à l'âge
de quatre-vingts ans. — Le dernier des fils de Geoffroy,
Cosme, est cité dès 1581 comme peintre et valet de chambre
de Catherine de Médicis. A cette date, la reine Marguerite
de Navarre l'avait fait venir auprès d'elle à Nérac. Il vivait
encore en 1602, époque où il habitait Rouen. Cosme eut
deux fils, Pierre et Daniel. — Pi^?T(?, second du nom, né à
Paris en 1565, mourut dans Oiette ville en 4656. Il avait
visité la Flandre où, dit-on, il vendit à l'archiduchesse
Isabelle les dessins de son oncle Etienne IL II avait voyagé
en Itahe. C'est à Rome, enl633, qu'il fit plusieurs dessins
assez médiocres, conservés au Cabinet des estampes. Parmi
les autres œuvres de cet artiste qui ont été réunies dans le
même dépôt, il faut citer un joli portrait au crayon repré-
sentant M. de Nègrepe lisse, daté de 1618. Thomas de Leu
grava, d'après un de ses dessins, le portrait du calligraphe
Guillaume Le Gangneur, Pierre II fut peintre et valet
de chambre du roi. — Daniel est le crayonneur le plus
connu de toute la famille. Il fut surnommé Dumonstier-
Crayon. Né le 14 mai 1574, peintre et valet de chambre
du roi, il dut à la générosité de Louis XIII la terre du
Plessis-Bertrand. Il fut également peintre de la reine Marie
de Médicis et de (laston d'Orléans. Ses œuvres, d'une colo-
ration assez médiocre, ne manquent cependant pas d'une
certaine habileté dans la recherche de la ressemblance. Le
Cabinet des estampes possède de nombreux crayons de
Daniel. Un des plus intéressants est le portrait de sa
seconde femme, Françoise Résèque, qui porte l'indication
manuscrite suivante : « faicte ce 8 de may 1629, commencée
par mon fils aine (Etienne) corrigée et finie par moy D. Du-
monstier, etc. ». Parmi les dessins du musée du Louvre se
trouve le portrait du chancelier Nicolas Brulart de SU-
lery et au musée de Douai celui de Jacques de Harlay,
favori de Henri IH, tous deux dus au même artiste. Daniel
paraît avoir fait pour lui-même un certain nombre de dessins
qui portent l'annotation manuscrite « pour et par Daniel
Dumonstier » et souvent des mentions irrévérencieuses. Il
ne parait pas avoir joui d'une excellente réputation auprès
de ses contemporains ; Tallemant des Réaux, entre autres,
est l'écho de cette mauvaise renommée. Daniel mourut
âgé de soixante-douze ans et fut enterré, le 22 juin 1646,
à l'église Saint-Germain-l'Auxerrois. — De ses ,six fils, un
seul, Nicolas, paraît avoir suivi la carrière de son père. Il
fut reçu à l'Académie de peinture le 4janv. 1665. Il était
peintre et valet de chambre du roi. Il mourut le 16 sept.
1667. Sa veuve, Marie Gaspar , reçut la somme de
1,500 livres pour les services qu'avait rendus son mari en
aidant à sauver, lors de l'incendie du Louvre, quelques
peintures de la galerie. F. Mâzerolle.
BiBL. : Mariette, Abecedario, t. II. — Tallemant des
KyiAux, Historiettes, édit. Monmerqué, t. V, pp.55etsuiv.
— Laborde, la Renaissance des arts à la cour de France;
études sur le xvp siècle; Paris, 1850-1855. — Reiset, No-
— 57 —
DlIMOUSTIER — DUN
tice sur les dessins du Louvre; Paris, 1866-69, t. II, pp. 2o
et 298 et suiv. — H. Bouchot, les Portraits aux crayons
des xvi*» et xvp siècles conservés à la Bibliothèque natio-
nale (i525-:/646); Paris, 1884, pp. 76 et suiv.
DUMOUTIER (Emile-Gustave), sinologue, annamitisant
et administrateur français, né à Courpalay (Seine-et-Marne)
le 3 juin 4850. Attaché en févr. 1886' à la mission Paul
Bert au Tonkin en qualité d'interprète, il s'y fit bien vite
une situation exceptionnelle, fut chargé de l'organisation
de l'enseignement franco-annamite et nommé inspecteur
de l'instruction publique du protectorat. L'organisation
de l'enseignement au Tonkin reste jusqu'ici l'œuvre ca-
pitale de M. Dumontier. Il a fondé des écoles françaises
dans toutes les capitales de provinces et préconisé, dans
les écoles indigènes, l'emploi du quôc'ngu (transcrip-
tion des hiéroglyphes en caractères latins), pour y trans-
former progressivement les ouvrages de l'enseignement
confucianist'e et amener sans secousse, par une modifi-
cation lente et continue de l'individu, la nation annamite
à se soustraire à la direction morale de la Chine. On lui
doit de nombreux ouvrages composés spécialement pour ses
écoles : Alphabet et exercices de lecture a l'usage des
écoles franco-annamites; exercices pratiques de langue
annamite; Manuel militaire franco-to7ikinois, etc. Il
a publié en outre de curieuses études d'histoire, d'archéo-
logie et d'épigraphie annamites, notamment : les Légendes
historiques de VAnnam et du Tonkin; les Pagodes de
Hanoï; l'Enfer des bouddhistes tonkinois ; une traduc-
tion des Chants populaires des Annamites. Abel Bertier.
DUiVIREICHER (Armand von), homme d'Etat autrichien,
né à Vienne le 42 juin 4845. Il fit ses études à Vienne et
à Gœttingue et entra au ministère de l'instruction publique.
Il contribua puissamment à organiser les écoles industrielles
iians le sens allemand ; mais l'opposition qu'il rencontra
chez les nationalités slaves l'obligea à se retirer en 4886.
Il devint alors député et se fit remarquer par son opposition
à la politique conciliatrice du comte Taaife. Il a publié entre
autres : Die Verwaltung der ôsterreichischen Universi-
tdten (Vienne, 4873); Der franzdsische NationalivoUil-
sta7id.,. (ib., 4879); Die Aufgaben der Unterrichtspo-
litik im Industriestaat [ib., 4882). Quelques-uns de ses
discours ont été publiés par Prœk dans l'ouvrage intitulé
Zur Lage des Deutschtums in OEsterreich (Berlin, 4 882) .
DUIVIREICHER von (^sterreicher (Johann-Friedrich
von), médecin autrichien, né à Trieste le 43 janv. 4845,
mort à Janusschowitz (Croatie) le 49 nov. 4880. Il fut
professeur de chirurgie à l'Université de Vienne, directeur
de l'Institut de médecine opératoire et de la clinique chi-
rurgicale, etc. Il prit part à la campagne de 4866 et eut
à la suite une importante polémique avec les médecins mi-
litaires prussiens. C'est Dumreicher qui, en 4869, réor-
ganisa le service de santé militaire en Autriche. Il intro-
duisit également d'importantes réformes dans l'enseignement
de la médecine. D'' L. Hn.
DUN. Montagne d'Allemagne, près d'Erfurt, 547 m. de
haut, bornée auN. par la vallée delaWipper ; prolongée à TE.
par hUainleite, elle se rattache aux hauteurs de la Thuringe.
DUN. Com. du dép. de l'Ariège, arr. de Pamiers, cant.
de Mirepoix, sur la Douctouyre, affluent de l'IIers ; 872 hab.
Le nom seul indique une origine celtique ; ce lieu n'est pas
mentionné avant l'an 4034; le château de Dunum était
alors chef-lieu d'un petit pays appelé Dunense, Dunes.
DUN (Castrum Duni, 4065). Ch.-l. de cant. du dép.
de la Meuse, arr. de Montmédy, sur la Meuse, à 49 kil.
au S. de Montmédy; 884 hab. Fabrique mécanique de
parquets. — Dun était dans les temps antiques un oppi-
dum que Godefroy IV, comte de Verdun, convertit en
château fort vers fan 4053 ; il devint chef-lieu de baron-
nie, puis de comté et plus tard de prévôté, etfit successive-
ment partie de l'Astenois, du Dormois, du Verdunois, du
Barrois, puis du Clermontois. Il y avait ta Dun un prieuré
à\i àe Saint-Gilles, fondé en 4094, et une maladrerie
connue sous le nom de Warinvaux. Les sires de Dun
portaient de gueules à la croix d'argent.
BiBL, . Félix LiKNARD, DicHonnairo topographique du
dép. de la Meuse; Paris, 1872, pp. 74-75.
DU N-le-Palleteàu. Ch.-l. de cant. du dép. de la Creuse,
arr. de Guéret ; 4,786 hab. Le nom même de Dun, qui
n'est autre que le celtique dunum, élévation, montre que
cette locahté existait à l'époque gauloise. A l'époque méro-
vingienne, la vie de saint Eptadius parle du siège d'une
localité appelée Idunum, au diocèse de Limoges, par les
Wisigoths. Joullietton, dans son Histoire de la Marche,
identifie Dun-le-Palleteau avec cet Idîinum, mais sans
grande vraisemblance ; il s'agit très probablement à'Ahun.
Ce n'est qu'au moyen âge que Dun-le-Palleteau prit de
l'importance, une puissante famille féodale y ayant fait
construire un château au x^ ou xi^ siècle et ayant pris le
nom de Dun. La fille de Gérald de Dun épousa Roger
Palastel à la fin du xii^ siècle, et c'est le nom de la famille
Palastel ou Palleteau qui figure aujourd'hui dans l'appel-
lation officielle de Dun-le-Palleteau. La seigneurie de Dun
ou de Dunois s'étendait sur plusieurs paroisses voisines
(notamment Saint-Sulpice-le-Dunois, La Celle-Dunoise, Bus-
sière-Dunoise) et relevait directement du comté de laMarche;
on a eu tort de voir dans le Dunois une ancienne vicaria
mérovingienne; le texte sur lequel on s'appuie s'applique à
Dun en Berry. Dun fut jusqu'en 4744 dans la dépendance
de la paroisse rurale de Sagnat ; à cette époque seulement,
il fut érigé en cure et une des chapelles du château reçut
le titre d'église paroissiale ; ce fait montre bien l'origine
purement féodale de Dun-le-Palleteau. En 4590, Guéret
avant pris parti pour la Ligue, des lettres patentes de
Henri IV transportèrent à Dun-le-Palleteau la capitale du
comté de la Marche, mais cette mesure n'eut probablement
pas de suite. Aux xvii^ et xviii® siècles, Dun-le-Palleteau
avait un important grenier à sel, dont dépendaient dix-sept
paroisses voisines, et une juridiction des gabelles ; les procès
et exécutions pour faux saunage y étaient fréquents. Ant. T.
D UN-LE -Boi (V. Dun-sur-Auron).
DUN-les-Plâces. Gom. du dép. de la Nièvre, arr. de
Clamecy, cant. de Lormes, sur une hauteur dominant la
Cure; 1,755 hab. Ruines de l'ancienne église paroissiale
de Saint-Martin, du xii« siècle, restaurée en 4682. Eglise
paroissiale de Sainte-Amélie, construite de 4843 à 4850, en
granit, style roman. Chapelle de Saint-Roch, but de pèleri-
nage, reconstruite en 1854, sur la montagne de Saint-Marc.
DUN-sur-Auron ou DUN-le-Roi. Ch.-l. de cant. du dép.
du Cher, arr. de Saint-Amand-Mont-Rond, sur l'Auron et le
canal du Berry; 4,274 hab. Mines de fer; carrières. Fila-
ture. Fabriques de tissus et de billards. Corroirie. Im-
portant marché aux laines et aux peaux le premier samedi
de juillet. Cette localité fort ancienne existait avant l'arrivé
des Romains. Elle faisait partie
du domaine de la couronne dès
le xi^ siècle et devint le chef-
lieu d'une châtellenie royale
qui reçut de Louis VII, en
1475, des franchises, confir-
mées par Philippe-Auguste en
1484. Pierre de Giac, favori
de Charles VII, fut précipité
dans l'Auron du haut des tours
de Dun-sur-Auron par La Tré-
moille et le connétable de Riche-
mont, Pendant les guerres de ^^^^^sde Dtm-sur-Auron.
religion, les protestants s em-
parèrent de la place et s'y main-
tinrent quelque temps. Des anciennes fortifications de Dun
il ne subsiste qu'une porte flanquée de deux tourelles.
L'église (mon. hist.) est un édifice du xui^ siècle, avec
des reprises du xiv^ et du xv^ Elle a conservé d'anciens
vitraux et un saint-sépulcre fort ancien, mais qui a subi
beaucoup de restaurations. Les armoiries de Dun sont
d'azur au mouton passant d'argent, au chef de France
et a la fasce de gueules,
DUN-sur-Grandry. Com. du dép. de la Nièvre, arr. de
DUN — DUNBAR
— ,^8
Château-Chinon, cant. de Châlillon-en-Bazois, sur un pla-
teau dominant le Veynon; 849 hab. Eglise de Saint-Jean-
Baptiste, du xii^ siècle, sur plan rectangulaire, avec abside
voûtée en cul-de-four. M. P.
DUN (Lord Jobn de) (V. Erskine [John]).
DUN. Nom d'une famille de chanteurs, qui, au xvii^ et
au xvni® siècle, tinrent honorablement leur place à l'Opéra
et sur les théâtres de la cour. Les deux chefs de cette
dynastie, Dun « l'aîné » et Dun « le cadet », étaient deux
frères qui firent partie de lamusique particulière de Louis XIV
et qui concoururent à l'exécution des Plaisirs troublés^
mascarade jouée devant la cour, au Louvre, en d6oT. L'un
des deux parut encore en 1663, à Yincennes, dans le Ballet
royal des Aris, et se montra aussi sur le théâtre de Molière,
dans la Pastorale comique, où il personnifiait l'un des ma-
giciens chantants, et dans la Princesse crElide, C'est le fils
d'un de ces deux artistes qui fut engagé à l'Opéra de LuUy,
où il parut pour la première fois en 1684, dans le rôle de
Florestan à'Amadis de Gaule. Doué d'une très belle voix
de basse-taille, il n'était point sans talent, car c'est à lui
que Lully confia le rôle fort important d'Hidraot dans
Armide, et celui de Polyphème dans Acis et Galathée,
Malheureusement pour lui, la venue de Thévenard, artiste
d'une valeur exceptionnelle, vint le reléguer au second plan,
et l'obliger à se contenter de l'emploi des grands confidents
ou troisièmes rôles. Il n'en fournit pas moins une carrière
honorable et active, mais surtout très prolongée, car il
paraît avoir pris sa rertaite seulement en 1736, et être mort
en 1745. Il avait créé à l'Opéra un grand nombre de rôles,
entre autres dans Enée et Lavinie, Bidon, les Saisons,
Ariane et BacchuSylssé, Marthésie, Canente, Tancrède,
les Muses, le Carnaval et la Folie, Iphigénie en Tau-
ride, Télémaque, la Vénitienne, Cassandre, Brada-
mante, Manto la fée, les Ages, les Fêtes de Thalie. —
Le fils de celui-ci, Jean Dun, débuta lui-même à l'Opéra,
comme chanteur, entre 1715 et 1720, obtint à ce titre sa
pension en 1741, et passa alors dans l'orchestre, en qua-
lité de violoncelle, pour se retirer définitivement en 1752.
Il eut une fille, qui fit aussi partie du personnel chantant
de l'Opéra, où elle n'occupa jamais qu'une situation secon-
daire, bien qu'elle ait créé un certain nombre de rôles, et
un fils qui appartint à l'orchestre de ce théâtre, comme
violoniste, de 1748 à 1762. Arthur Pougin.
DUN A. Fleuve de Russie (V. Dvina).
DUN A. Nom magyar du Danube qui forme le nom de
plusieurs petites localités de Hongrie : Duna-Fœldvâr, Duna-
Pentele, etc.
DUNA-Patoj. Bourg de Hongrie, comitat de Pest;
6,000 hab.
DUNAB0UR6. Ville de la Russie d'Europe, chef-lieu
de district du gouvernement de Witebsk, située sur le
lac Tchoun et la rive droite de la Duna au point de ren-
contre des chemins de ferWilna-Pétersbourg etRiga-Smo-
lensk; 69,033 hab. C'est une des places de guerre les
plus importantes de la Russie occidentale. Elle possède
de nombreuses fabriques et fait un grand commerce de
lin, chanvre et bois de construction. Elle remonte au
xiii^ siècle; pendant la domination polonaise, elle était le
ch.-l. de la Livonie. Disputée à diverses reprises par les
Polonais et les Russes, elle a été définitivement annexée
à la Russie en 1772.
DUNAJEC. Rivière de l'empire d'Autriche. Elle prend
sa source dans les Karpates, sépare pendant quelque temps
la Galicie de la Hongrie, et se jette dans la Vistule auprès
d'Opatowice. Elle est formée de la réunion du Dunajec blanc
et du Dunajec noir. Sa longueur est d'environ 200 kil.
DUNAJÉWSKI (Julien)', économiste et homme d'Etat
polonais contemporain, né à Noroy-Sandecz (Galicie) en
1822. En 1850, il prit à Cracovie le titre de docteur
en droit et devint suppléant de la chaire des sciences poli-
tiques à l'Université de cette ville. Après avoir enseigné à
Presbourg et à Lwow, il revint en 1861 à Cracovie comme
professeur d'économie politique. Il fut à diverses reprises
doyen et recteur. En 1870, il fut nommé député à la diète
de Galicie, en 1873 au Reichsrath de Vienne où il se fit
remarquer par sa compétence spéciale en matière écono-
mique. En 1880, il devint ministre des finances dans le
cabinet cisleithan présidé par le comte Taaffe. Il a quitté ce
poste en 1891. Il a publié en polonais quelques ouvrages
d'économie politique.
DUNAMUNDE. Ville de la Russie d'Europe, située en
Livonie, à l'embouchure de la Duna, dans le golfe de Riga ;
d,500 hab. Elle possède une forteresse importante et un
port où peuvent mouiller jusqu'à trois cents navires. Elle
remonte au xiii^ siècle, et fut enlevée aux Suédois par les
Russes en 1310.
DUNAN-MoussEux (Guadon dit), publiciste français,
mort à Paris le 4 août 1868. Grand faiseur de réclames et
de boniments échevelés, il collabora à la Chandelle démo-
cratique et sociale (1849), journal mensuel politique, cri-
tique et charivarique ; fonda le Pierrot (1851), le Porte-
voix (1856), le Pèi^e sans gêne (1860-62) et autres minus-
cules feuilles fugitives. Il a de plus collaboré avec Mareuge
et Voisin au Théâtre contemporain illustré, et écrit
quelques pièces : V Orgueil, drame en cinq actes en collabo-
ration avecLlaunet (Paris, 1859, in-4) : le Pays latin, drame
en cinq actes tiré du roman de H. Murger (Paris, 1864,
in-8) ; les Cinq Francs d'un bourgeois de Paris, comédie-
vaudeville en cinq actes, en collaboration avec Jules Pehssié
(Paris, 1866, in-12) ; et autres pièces en collaboration
avec Montagne, Lefebvre, Potier (V. ces noms).
DU NANT (Jean-François), peintre français du xix® siècle,
né à Lyon. Elève de Regnault, cet artiste ne sut pas pré-
server ses œuvres du faux goût, de la froide prétention qui
se retrouvent trop souvent chez les élèves de son maître.
Il cultiva l'histoire, le genre et le paysage, et l'on peut
citer comme les plus intéressants de ses tableaux :
Bienfaisance de Napoléon (S. 1808); Un Jeune Cheva-
lier partant pour une expédition, reçoit un gage
d'amour de la dame de ses pensées (S. 1812) ; Gil Blas
congédié par r archevêque de Grenade (S. 1817) ; Don
Quichotte (S. 1827). Le musée de Douai possède de lui
un tableau, la Laitière. Ad. T.
DU NANT (Jean-Henry), philanthrope et homme de
lettres suisse, né à Genève le 8 mai d828. C'est à un petit
livre qu'il publia en novembre 1862, Souvenir de Solfé-
rino et à la discussion que ses conclusions occasionnèrent
à la Société genevoise d'utilité publique (févr. 1863) qu'on
doit le mouvement humanitaire d'où sortit le 22 août 1864
la Con^^ntion de Genève.
DUNBAR. Ville maritime d'Ecosse, comté de Hadding-
ton, sur une colline qui domine l'entrée de l'estuaire du
Forth ; 3,661 hab. C'est un vieux port dont l'importance a
décru, car les rochers qui en obstruent l'entrée ne le
laissent accessible que pour les navires de 300 tonneaux.
Un nouveau bassin a été creusé en 1840 (Victoria Har-
bour). Dunbar est un des centres de la pêche dans ces pa-
rages, surtout de la pêche du hareng dont il exporte 4 à
5,000 tonnes par an. La ville a conservé son aspect ancien
et les ruines de son vieux château. Elle est située dans
des parages très pittoresques, au miheu de rochers basal-
tiques. -— A partir du xi® siècle, le château de Dunbar
fut la résidence principale des puissants comtes de March
(V. ce nom). C'était un des boulevards de l'Ecosse contre
les Anglais. Edouard P^, après avoir vaincu sous ses murs
John BaHol (avr. 1296), s'en empara ; Edouard II s'y ré-
fugia après la défaite de Bannockburn. Démoli en 1333,
reconstruit trois ans après, il fut assiégé par le comte de
Salisbury et défendu par la comtesse de March qui fit lever
le siège (1338). En 1567, le régent Murray le fit raser.
Le 3 sept. 1650, Cromwell défit à Dunbar les presbytériens
écossais (V. Cromwell).
DUNBAR (Comtes et vicomtes) (V. Home).
DUNBAR (William), poète écossais, né à Salton en
1460, mort à la bataille de Floden en 1513. Il fut dans
sa jeunesse prêcheur franciscain, allant de-ci de-là, jusqu'en
- o9
Picardie, menant vie joyeuse et comme il le dit lui-même
vivant de pieuses fraudes. De retour en Ecosse, il entra au
service de Jacques IV qu'il amusait par ses aventures de
voyage, ses poésies et son esprit. Il fut môme chargé
d'importantes missions en France, en Irlande, en Allemagne,
en Espagne, en Italie. Il écrivit environ cent poèmes parmi
lesquels U faut citer : The Thrissil and the Rose (1503), à
l'occasion du mariage de Jacques IV avec Marguerite, sœur de
Henri VIII ; The Golden Targe (1 508), où il montre la supé-
riorité de l'amour sur la raison ; The Two Marijit Women
and the Wedo, amusante conversation de trois femmes
racontant leurs expériences de la vie conjugale ; The Frei-
ns of Berwik, etc. Sept de ces poèmes imprimés par Chep-
man, en 1508, sentie plus ancien spécimen de typographie
anglaise. Mais où il est surtout remarquable, c'est dans The
Daunce of the seven deadly Sins, où il fait défiler les sept
péchés capitaux devant le diable, fantastique et terrible
personnification qui atteint l'intense réalité du Dante et la
pittoresque fantaisie de Callot. Le talent mâle et original
de Dunbar, bien qu'il se soit inspiré parfois de Chaucer,
l'a placé au premier rang des poètes écossais. Il est, suivant
Walter Scott, sans égal dans sa patrie. Une édition com-
plète de ses œuvres a été publiée par Laing en 1834, par
Petersonenl860, et une nouvelle en 1884. Hector France.
BiBL. : Kaufmann, Traité de la langue du poète écos-
sais W. D., précédé d'une esquisse de sa vie ; Bonn, 1873.
DUNBAR (James), écrivain anglais, mort à Aberdeen
le 28 mai 1798. Régent du collège royal d' Aberdeen, il y
enseigna la morale pendant une trentaine d'années. Il a
écrit : De Primordiis Civitatum oratio in qua agitiir de
bello civili intei' Magnam Britanniamet Colonias nunc
flagrante (Londres, 1779); Essays on the History of
Mankind in rude and uncultivatedages (Londres, 1780).
DUNBAR (Robert Nugent), poète anglais, mort à Paris
en 1866. Il habita longtemps les Antilles, dont les mœurs
et les paysages lui inspirèrent de jolies poésies. Nous cite-
rons: The Cruise (Londres, 1835, in-8); TheCaraguin
(1837, in-8) ; Indian Hours (1839, in-8); TheNuptials
of Barcelona (1851, in-8); Beauties of Tropical Sec-
nery (186*2, in-8, plusieurs édit.).
DUNBLANE. Ville d'Ecosse, comté de Perth, sur la
rive gauche de l'Allan, à 8 kil. N. de Stirling; 2,186 hab.
Elle doit son nom à saint Blanc, évêque du vm® siècle.
Elle possède les ruines d'une belle cathédrale, fondée en
1142, reconstruite vers 1240 en style ogival ; la tour, haute
de 40 m. , est en partie romane ; le chœur, qui a été conservé,
est ogival; les stalles ont de belles boiseries. Le dernier
évêque de Dublane fut Rob Leighton. — Dans le voisinage
sont une source minérale assez fréquentée et la localité
de Sheriffmuir où en 1715 le duc d'Argyll combattit les
jacobites du comte de Mar.
DUNCAN l^"", roi d'Ecosse, mort en 1040. Il succéda en
1034 sur le trône d'Ecosse à son grand-père Malcolm
Mackenneth. La seconde partie de son règne fut troublée
par les incursions du comte Eadulf (1038) et par ses dé-
mêlés avec son cousin Thorfinn, qui le battit complètement
et qui partagea une partie de ses possessions avec Macbeth,
roi de Moray. Shakespeare a écrit son King Duncan sur
des données absolument mythiques. — Duncan II, roi
d'Ecosse, mort en 1094, fils de Malcolm liï, monta sur le
trône en 1093 ; il eut de grandes difiîcultés à faire recon-
naître ses droits, et il dut expulser Donald Bane, son
oncle, qui s'était fait élire en son absence et qui, ayant de
nouveau réuni des partisans, le fit assassiner.
BiBL. : HoRMAYR, Avchiv, 1815, Die schottischen Kô~
nige Duncan I und Macbeth.
DUNCAN (William), érudit anglais, né à Aberdeen en
1717, mort le 1^^ mai 1760. Il fut professeur de philoso-
phie naturelle et expérimentale au Marischal Collège d'Aber-
deen (1752-1760). On a de lui une édition très classique
de Discours choisis de Cicéron avec traduction anglaise
(Londres ; nombr. éd.) ; une traduction des Commentaires
de César avec une Dissertation sur l'art de la guérite
chez les Romains (Londres, 1753, in-fol. ; plus, éd.);
DUNBAR — DUNCAN
The Eléments of Logick (1748, in-8 ;souv. réimprimé). Il
collaboraà l'édition d'Horace de Watson (1741,2 vol. in-8).
DUNCAN (John), écrivain anglais, né le 3 nov. 1721,
mort à Bath le 28 déc. 1808.11 prit les ordres en 1746
et servit comme aumônier dans le régiment du roi qu'il
suivit pendant la guerre d'Ecosse et à Minorque. En 1757,
il devint curé de South Warnborough dans le Hampshire.
Il a publié : An Address to the rational aduocates for
the Church of England (1759), sous le pseudonyme de
Phileleutherus Tyro ; The Evidence ofReason inproofof
the immortality of the Soûl (1779), d'après les manus-
crits de Baxter; Essay on Happiness (1772), envers, etc.
DUNCAN (Adam), amiral anglais (V. Camperdowin).
DUNCAN (Jonathan)', administrateur anglais, né en
1756, mort en 1811. H entra au service de la Compagnie
des Indes en 1772. Résident à Benarès en 1788, il se fit
remarquer par sa sévère honnêteté et fut promu, grâce à
l'influence de lord Cornwallis, gouverneur de Bombay, dès
1795. Il occupa ce poste pendant seize années, décisives
dans l'histoire de l'Inde anglaise. H organisa les expéditions
contre Tippoo et les Mahrattes et fournit des troupes à sir
David Baird en 1801 pour aller en Egypte. Il est enterré
dans l'église Saint-Thomas de Bombay.
DUNCAN (Henry), théologien anglais, né à Lochrutton
en 1774, mort à Ruthwell le 19 févr. 1846. Après avoir
terminé ses études à l'Université de Saint- Andrews, il
débuta dans le commerce à Liverpool. Mais ses goûts le
portèrent vers la carrière évangélique. Ministre à Ruth-
well en 1798, il s'y distingua par une active charité qui le
rendit populaire et plus encore par la création àessavings
banks pour laquelle il fit une propagande infatigable.
Parmi ses œuvres qui sont assez nombreuses, nous cite-
rons : Pamphlet on socinian controversy (Liverpool,
1791); Essay on nature and advantages of Parish
banks (1815) ; William Douglas or the Scottish Exiles
(1826,3 vol.); Presbyter's Letters on the West India
question (1830); Sacred Philosophy of the Seasons
(1835-1836, 4 vol.) qui obtint plusieurs éditions, etc. Il
collabora à rE(^wh(r,^/i Encyclopœdia, aux Transactions
de la Société royale d'Edimbourg et à d'autres recueils.
BiBL. : G.-J.-C. Duncan, Life of Henrg Duncan. — John
Maitland, Notice of Dr Duncan, d<ms Savings Banks Ma-
gazine. — Pratt, History of Savings Banks.
DUNCAN (Jonathan), économiste anglais, né à Bombay
en 1799, mort à Londres le 20 oct. 1865. Fils du gou-
verneur de la présidence de Bombay, il fit de fortes études
à l'Université de Cambridge, puis consacra sa vie à des
travaux de littérature et d'économie politique. Il est sur-
tout connu pour l'opposition très vive qu'il fit à la politique
économique de Robert Peel et au système monétaire de
Samuel Jones Loyd. Parmi ses nombreux ouvrages, nous
citerons : Remarks on the Legality and expediency of
prosecutions for religions opinions (Londres, 1825,
in-8) ; The Religions of profane antiquity (1830, in-8) ;
Tfie Dukes of Normandy (1839, in-12); The Religions
Wars of France from the accession of Henry the second
to the peace of Ver vins (1840, in-8); The History
of Guernsey (1841, in-8); How to reconcile the rights
ofproperty, capital and labour (1846, in-8) ; The Na-
tional anti-gold law League (1847, in-8) ; The Prin-
ciples of Money demonstrated and BuUionist fallacies
refuted (1849, in-16); The Bank^ charter act (1857,
in-8). Il a encore édité deux périodiques éphémères :
Guernsey and Jersey Magazine (1836 et 1837) et The
Journal of Industry {iS^O), K. S.
DUNCAN (John), voyageur anglais, né en 1805, mort
dans le golfe de Bénin le 3 nov. 1849. Il s'engagea très
jeune dans l'armée, quitta le service en 1839, et en 1842
prit part à l'exploration du Niger. Des trois cents membres
de l'expédition, cinq seulement survécurent parmi lesquels
Duncan qui revint en Angleterre très affaibli par les fièvres.
A peine rétabli, il proposa à la Société de géographie de
reconnaître le pays compris entre la côte et les monts de
DUNCAN — DUNCKER
m —
Koung. Son projet fut approuvé ; il se mit en route le
17 juin 1844, parcourut le Dahomey où le roi l'accueillit
favorablement et, revenu au Cap en 1845, il projeta un
voyage à Tombouctou, mais l'état de sa santé le contraignit
de nouveau à regagner l'Angleterre (févr. 1846). En 1849,
le gouvernement le nomma vice-consul à Wyddah; il
gagnait ce poste, avec l'idée de continuer ses explorations,
lorsqu'il mourut pendant la traversée. Il a publié : Tra-
vels in Western Africa in i845 and i846 comprising a
joiirney from Whydah trongh the Kingdomof Dahomey
1o Adofidiah in the Interior (Londres, 1847, 2 vol.
in-12); Some Account of the late Expédition to the
Niger, dans Bentley's Miscellany de 1847. R. S.
DUNCAN (Thomas), peintre anglais, né à Kinclaven
(Perthshire) le 24 mai 1807, mort à Edimbourg le 25 mai
1845. Il s'est fait connaître par un certain nombre de
tableaux dont les sujets sont empruntés à l'histoire nationale,
ainsi que par des portraits.
DUNCAN (William-Augustine) , publiciste anglais, né
dans le comté d'Aberdeen en 1811, mort en 1885. D'abord
destiné à l'Eglise, il se jeta dans le journalisme et com-
mença à se faire connaître en soutenant très chaudement
le bill de réforme de 1832. Il passa en Australie en 1838
et devint rédacteur en chef de V Australasian Chronicle
de Sydney. En 1843, il commença la publication de Dun-
can's weekly register of politics, facts and gênerai
literature. Doué de grandes qualités administratives, il
fut nommé, en 1846, receveur des douanes à Moreton
Bay, remplit plusieurs emplois à Brisbane et devint en
1859 receveur général des douanes pour la Nouvelle-Galles
du Sud, fonctions qu'il exerça jusqu'en 1881. Il fut ensuite
un des membres les plus influents du National Board of
Education de Sydney. Il a écrit de nombreuses brochures
principalement sur des questions d'enseignement, publié
A Plea for the New South Wales constitution (Sydney,
1856, in-8) et traduit de l'espagnol l'ouvrage de Pedro
Fernandes de Queiros sur l'Australie (Sydney, 1874, in-8).
DUNCAN DE Cerisântes (Marc), diplomate français, né
à Saumur vers 1600, mort à Naples en févr. 1648.
Fils d'un certain Mark Duncan, nommé par Diiples-
sis-Mornay professeur de philosophie à l'Université de
Saumur, il fut employé, dès 1641, par Richelieu dans cer-
taines négociations avec Constantinople ; mais, s'étant pris
de querelle avec M. de Caudale, il quitta le service de la
France pour celui de la Suède. En 1645, il fut nommé
ambassadeur de Suède en France; mais c'était un aventu-
rier : deux ans après il était brouillé avec la Suède, avait
abjuré le protestantisme et accompagnait le duc de Guise
dans son expédition pour enlever le royaume de Sicile aux
Espagnols. Il fut tué dans une escarmouche. Il passait pour
l'un des meilleurs latinistes de son temps.
DUNCANSBY (Cap). Promontoire situé au N.-E. de
l'Ecosse, par 58^^ 39' lat. N., sur le détroit de Pentland, à
l'extrémité du Caithness. Les terrains dévoniens entaillés
par la mer offrent des aspects pittoresques ; des crevasses
s'enfoncent à 300 m. dans les terres, larges de 3 à 15m.,
profondes de 30 ; les flots y ont découpé des arches, des
colonnades, etc.
DUNCH (Edmond), homme politique anglais, né en 1657,
mort en 1719, d'une ancienne famille du Berkshire. Par-
tisan actif de la révolution de 1688, whig décidé, allié par
sa femme aux Churchill, il fut master ojftlie household
sous la reine Anne et George I". Sa gourmandise était
célèbre, et au Kit Cat Club, dont il était membre, le jeu
écorna sa fortune.
DUNCKEL ( Maria-Dorothea Altén, mariée en 1821
avec le pasteur), poétesse et dramaturge suédoise, née le
13 mars 1799, morte le 30 nov. 1879. Elle publia : Jean
Huss, poème en trois chants (1822); Essais dramatiques
et lyriques (1828, 1832) ; cinq romans et des traductions
de l'allemand. B-s.
DUNCKER. Famille de libraires allemands, fondée par
Karl Duncker (né à Berlin le 25 mars 1781, mort à Berlin
le 15 juil. 1869), qui acheta la librairie Frolich, à Berlin
(1^^ janv. 1809), en association avec Peter Humbolt, après
la mort duquel (1828) cette double raison sociale n'en sub-
sista pas moins. Duncker édita un nombre considérable
d'ouvrages importants en tout genre, notamment ceux du
philosophe Hegel et de l'historien L. Ranke. Il céda sa
maison à Karl Geibel (l'^'^janv. 1866), qui en continua les
affaires dans l'esprit du fondateur et sous le couvert de son
nom. — Son fils aîné, Maximitian Duncker, est le célèbre
historien (V. ci-dessous). — Atexander Duncker, frère du
précédent, né à Berlin le 18 févr. 1813, fonda, en -1837,
une librairie indépendante de celle de son père , et il édita
de grandes publications d'art. — Franz-Gustav Duncker,
frère des précédents, né à BerUn le 4 juin 1822, acquit
en 1850 la librairie W. Besser, vendit son fonds en 1876-
77, et le fit racheter en 1882 par son fils Karl, qui rentra
en même temps en possession de celui de son grand-père.
Mais Franz Duncker joua surtout un rôle comme homme
politique. Directeur de la Volkszeitung, l'un des fonda-
teurs du parti progressiste , député au Parlement prussien
et au Reichstag, ilïut, dès 1865, à la tête de l'Association
ouvrière de Berlin, et, de concert avec Schulze-Delilzsch
et Max Hirsch, il fonda, en 1869, des sociétés de métiers
rayonnant dans toute l'Allemagne, dans le but de résoudre
pratiquement les aspirations socialistes. G. P-i.
DUNCKER (Joachim-Zachris), officier suédo-finlandais,
né en Savolaks le 12 nov. 1774, mort de ses blessures à
Hœrnefors le 5 juil. 1809. Il se distingua par sa bravoure
comme enseigne dans la guerre de 1790, et comme capi-
taine dans celle de 1808, oîi il devint lieutenant-colonel
(1809). Sa mémoire a été immortalisée dans les Chants
de l'enseigne Stâl par Runeberg, et sa vie écrite par
Fr. Cygn«us (t. I de Bilder ur fœrgângna tiders lif. ;
Ilelsingfors, 1858, in-8). B-s.
DUNCKER (Ludwig-Friedrich-Wilhelm) , jurisconsulte
allemand, né à Rinteln le 6 janv. 1804, mort à Gœttingue
le 2 août 1847. 11 fut syndic de l'université de Marbourg en
1833 et professeur titulaire à celle de Gœttingue en 1843.
Ses principaux ouvrages sont : Die Lehre von den Real-
lasten (Marbourg, 1837); Lehre von Gesammteigentlium
(Marbourg, 1843) et diverses monographies dans des revues.
DUNCKER (Maximilian-Wolfgang), historien allemand,
né à Berlin en 1811. Fils du libraire' /(a ?^/ Duncker (V. plus
haut), il fit ses études à Bonn et à Berlin, oii il eut pour
maîtres Lœbell, Ranke, Bœckh, etc.; il fut condamné à
six ans de prison pour la grande affaire des associations
d'étudiants (V. Université), relaxé au bout de six mois,
devint privat-docent (1839), puis professeur extraordi-
naire (1842) à l'université de Halle. Il siégea à l'Assemblée
nationale de 1848 au centre droit, s'occupa activement de
l'affaire des duchés en 1850, passa comme professeur à
Tubingue en 1857, revint dès 1859 à Berlin où il fut
accrédité comme conseiller auprès du prince royal (1861),
dirigea les archives prussiennes de 1867 à 1874. Il a
réalisé dans leur organisation de grands progrès, formant
les dépôts de Slesvig, Posen, Aurich, Marbourg, etc.
Son principal ouvrage est Geschichte des Aller tums
(Berlin, 1852-57, 4 vol.; 5« éd., 1878-1883, 7 vol.),
remarquable histoire de l'antiquité orientale et hellénique.
Citons encore: Origines Germaniœ (BevVm, 1840) ; Die
Krisis der Déformation (Leipzig, 1 845) ; Zur Geschichte
der deutsclien Reichsversammlung (Berlin, 1849) ;
Heinrich von Gagern (Leipzig, 1 850) ; Vier Monate aus-
wœrtiger Politili (Berlin, 1851), dirigé contre la poli-
tique du ministère Manteuffel; Feudalitdt und Aris-
tokratie (Berlin, 1858); Ans der Zeit FriedricJis des
Grossen und Friedrich-Wilhelms III (Berlin, 1876),
tiré des archives prussiennes; enfin, en collaboration avec
Droysen, Preussische Staats schriften ans der Ré-
gler ilngszeit Kœnigs Friedrich II (1877).
D'UNCKER (Carl-Henning-Lûtzow), peintre suédois, né
à Stockholm le 3 févr. 1828, mort à Dusseldorf le 23 mars
1866. Fils d'un capitaine norvégien, il fut destiné à la
61
DUNCKER — DUNDAS
carrière militaire, fit la guerre comme volontaire dans
l'armée danoise en 1849-1850, puis entra comme officier
dans la garde suédoise ; mais bientôt il prit sa retraite pour
retourner à ses travaux artistiques. Il avait déjà publié un
Recueil de caricatures (1847) ; avec une subvention du
roi Oscar il alla étudier à l'Académie de Dusseldorf (1830-
1834), s'y établit et y fit un riche mariage. Après avoir
perdu l'usage du bras droit en 1861, il continua de peindre
avec la main gauche. Si l'Allemagne gagna en lui un ar-
tiste distingué, il fut perdu pour la Suède, où il ne remit
guère les pieds et où il ne choisit pas les sujets de ses ta-
bleaux de genre. Il saisit bien les traits caractéristiques et
rend le comique avec beaucoup de verve ; grande est sa
puissance de combinaison, mais le dessin manque de fer-
meté et de largeur, et la couleur de relief. On cite parmi
ses meilleurs tableaux qui sont pour la plupart en Hol-
lande, en Allemagne et en Russie : les Vagabonds devant
le juge (1837) ; Uiie Troupe de cirque; Un Mont-de-
piété (1838); Salle d'attente de 2^^ classe; de ^®
classe {iSGo) ; Visite à la douane; Un Toast; Salle de
jeu à Wiesbaden. R-s.
DUNCKLEY (Henry), publiciste anglais, né à Warwick
le 24 déc. 1823. Ministre de l'Eglise baptiste, il se chargea
en 1833 de la direction de VExamiîier and Times de
Manchester, dont il devint propriétaire un peu plus tard.
En 1877, il publia dans le Manchester iveeckly Times,
une série de lettres sur les événements du jour qui furent
très remarquées. Sans compter sa collaboration active à plu-
sieurs journaux importants, Dunckley a écrit : The Glory
and the Shame of Britain (1830) ; The Charter of the
nations (1833) ; The Crown and the Cabinet (1877) ;
Letters{:{m^), etc. R. S._
DUNCOMBE (Sir Charles), homme politique anglais,
mort en 1711. Ranquier et joaillier à Londres dès 1672,
il fit une grosse fortune et acheta en 1693 le domaine de
Hclmsley (Yorkshire) pour la somme alors inouïe de 90,000
livres sterling. Retiré des affaires en 1693, il prit une part
active à la politique, dans les rangs du parti tory, et s'op-
posa autant qu'il put à la fondation de la Ranque d'Angle-
terre, proposée par des financiers whigs. Il ne fut lord-
maire de Londres qu'en 1708. En 1698, la Chambre des
communes l'avait expulsé de son sein pour avoir, comme
receveur de l'excise, falsifié certains documents. A sa mort,
il était le plus riche commoner du royaume. Sa nièce
épousa le duc d'Argyll. Le présent comte de Radnor des-
cend d'un frère deDuncombe.
DUNCOMBE (William), écrivain anglais, né à Londres
le 9 janv. 1690, mort à Londres le 26 févr. 1769. Em-
ployé dans l'administration de la marine de 1706 à 1723,
il débuta dans la littérature par des traductions d'Horace
et de Racine et par de nombreuses pièces fugitives en
prose et en vers insérées pour la plupart dans le White-
hall Evening Post, En 1734, il donna à Drury Lane
une tragédie, Lucius Junius Brutus, imitée de Voltaire,
qui obtint un succès d'estime. Il collabora encore au Lon-
don Journal et à d'autres feuilles, et édita les poèmes de
Needler, ceux de John Hughes, les œuvres de Samuel Say,
les sermons de l'archevêque Herring, etc. R. S.
DUNCOMBE (John), écrivain anglais, né à Londres le
29 sept. 1729, mort à Canterbury le 19 janv. 1786, fils
du précédent. Après avoir terminé ses études à Cambridge,
il entra dans les ordres, devint curé de Saint-André de
Canterbury en 1737, et fut pourvu de nombreux bénéfices.
Il s'était fait une grande réputation de prédicateur. Il a
écrit : Historical Description of Canterburij calhedral
(1772); History of the antiquities of Reculver anl
Herne(ilSO) ; de nombreuses poésies fugitives qui ne man-
quent point d'agrément, et édité les lettres de John Boyle
(1773), de l'archevêque Herring (1777), une traduction
des œuvres de Julien l'Apostat (1784), etc. R. S.
DUNCOMBE (Thomas-Shngsby), homme politique an-
glais, né en 1796, mort à Brighton le 13 nov. 1861. Whig,
puis radical, député de Einsbury depuis 1834 jusqu'à sa
mort, il passa sa vie à plaider la cause des conspirateurs
étrangers et des chartistes anglais. C'est lui qui présenta à la
Chambre des communes, en 1 842, une pétition signée par plus
de trois millions de chartistes. Il prit le parti de Mazzini, du
prince Louis-Napoléon, de Kossuth, de Charles, duc de Bruns-
wick. Celui-ci et Napoléon IH lui en témoignèrent plus
tard de la reconnaissance. Duncombe passait pour l'homme
le mieux habillé du Parlement et pour un orateur excen-
trique, d'une irrésistible force comique. «Il avait l'art, a dit
quelqu'un, de dire ce que tout le monde pensait tout bas,
aurait voulu dire et n'osait pas dire. » Il avait commencé
un ouvrage sur les Juifs en Angleterre, à tendances anti-
sémites. — Son fils fut son biographe : The Life and
correspojidence of Th.-S. Duncombe (Londres, 1868,
2 vol. in-8).
DU NCON (Samuel), parlementaire anglais du xvii^ siècle.
Citoyen d'Ipswich, il eut en 1640 de nombreux démêlés
avec le gouvernement pour avoir refusé de payer les impôts.
Aussi dès le début de la guerre civile se rangea-t-il du côté
du Parlement ; il se fit remarquer par son zèle à recueiUir
de l'argent et à lever des troupes pour son service et entra
en relations directes et suivies avec Cromwell. Il a écrit :
Several Propositions ofpublick concernmentpresented
to liis Excellency the lord gêner ail Cromwell (Londves,
1631), et Several Proposais offered by a friendofPeacc
and Truth to the serions considération of the Keepers
of the liber ties ofthe People of England (1639).
DUNCZEWSKI (Stanislaw), publiciste polonais, né en
1701, mort en 1766. Il a publié entre autres ouvrages un
Armoriai (1737), un traité des Starosties et des calen-
driers qui furent au xviii® siècle très populaires en Pologne.
DUNDALK. Ville maritime d'Irlande, ch.-l. du comté
de Louth (Leinster), sur la baie de Dundalk, à l'embou-
chure de la rivière de Castleton, au pied des collines de
Carlingford; 11,913 hab. grâce au port, où peuvent en-
trer les navires calant seize pieds ; c'est le principal mar-
ché des comtés de Louth, Monaghan et Cavan. Dundalk a
des manufactures de tabac, de savon ; des filatures, bras-
series, distilleries; il exporte en outre du lin, du chanvre,
des denrées agricoles et les produits de la pèche. L'impor-
tation comprend des épiceries, de la houille, du fer, etc.
Le commerce se fait surtout avec Liverpool. Le port possé-
dait, en 1884, quatre-vingt-quatorze bateaux jaugeant
4,200 tonnes; le mouvement avait été de huit cent soixante-
dix navires et de 137,000 tonnes. On y remarque les débris
d'un cercle druidique et d'un monastère franciscain. — A
Dundalk fut couronné le dernier roi d'Irla)ide. En 1313,
Edouard Rruce y débarqua, il y tint sa cour et périt en
1318 dans les environs à Faughart. Dundalk fut pris par
les Irlandais en 1641, par Cromwell en 1649, par Schom-
berg en 1689. — La baie de Dundalk, large de \ 3 kil., pro-
fonde de 4 à 6 brasses, reçoit le Fane, le Dee, le Castleton.
DUNDAS (Sir David), général anglais, né à Edimbourg
en 1733, mort à Londres le 18 fevr. 1820. Ayant plu
au colonel Elliot (plus tard lord Heathfield), il fut attaché
à sa personne pendant les campagnes d'Allemagne de
1760 et de 1761, et, en 1762, pendant l'expédition de
Cuba. A la fin de la guerre de Sept ans, Dundas com-
mença les études qui devaient faire de lui le plus réputé
tacticien des armées anglaises. Il étudia en France, en
Autriche, et surtout en Prusse les divers systèmes d'or-
ganisation militaire. Il publia , en 1788 , ses fameux
Principles of military movements, chiefly applicable
to infantry, et fut chargé de rédiger ^ les règlements
par lesquels ont été régies les armées qui devaient com-
battre sous Abercromby, Moore et Wellington. Il soutinf
un siège à Toulon en 1793, et de 1794 à 1796 se battit
en Flandre. En 1803, il se retira du service actif comme
gouverneur du Chelsea Hospital. Du 18 mars 1809 au
26 mai 181 1 , il fut appelé, pendant la retraite momentanée
du duc d'York, au commandement général des forces an-
glaises. L'œuvre de Dundas, officier exact, a été d'inculquer
aux troupes anglaises la discipline prussienne; c'est la
DUNDAS — DUNDEE
62 -
faveur personnelle du duc d'York qui lui permit d'appli-
quer en Angleterre ce qu'il avait appris à l'école de Fré-
déric le Grand.
DUNDAS (Henry), premier vicomte Melville, né à
Edimbourg en 4741, mort à Edimbourg le 27 mai 4814,
quatrième fils de Robert Dundas d'Arniston, lord pré-
sident de la Court of session. Il fut nommé à vingt-
quatre ans solicitor gênerai pour l'Ecosse et prononça,
le 20 févr. 4775, son premier discours à la Chambre des
communes, où il joua un rôle considérable. Plusieurs
fois trésorier de la marine dans les ministères de Pitt,
secrétaire d'Etat de l'intérieur, puis de la guerre, il
réussit, aux élections générales de 4802, à faire élire qua-
rante-trois députés torys en Ecosse contre deux wighs seu-
lement. 11 accepta alors du ministère Addington le titre de
vicomte Melville (24 déc. 4802). Mais, précisément à cette
époque, une commission parlementaire découvrit de graves
irrégularités dans la gestion qu'il avait eue des deniers
de la marine, comme trésorier dans les ministères Pitt. Il
fut mis en accusation par la Chambre des communes ; le
procès commença à Westminster Hall, devant les lords,
le 29 avr. 4806. H fut acquitté, mais sur les points essen-
tiels, à une majorité de 27 voix seulement ; et il ne put
pas se justifier, sinon de fraudes directes, au moins de né-
gligences coupables. Pendant trente ans, Dundas fut le
maître de l'Ecosse et le lieutenant de Pitt ; il dirigea pen-
dant seize ans les affaires de l'Inde. C'est dire son impor-
tance exceptionnelle dans l'histoire parlementaire du règne
de George III.— Le second vicomte ilMm//^ (4774-4854),
entra des 4807 dans le ministère du duc de Porlland
comme président du Board of Control, en considération
des services éminents rendus par son père au parti tory.
Pendant quinze ans, il fut premier lord de l'amirauté ; l'in-
térêt qu'il prit en cette qualité aux expéditions arctiques est
attesté par le nom de détroit de Melville qui se lit sur les
cartes polaires. Il se retira de la vie politique en 4830. —
Le troisième vicomte Melville (4804-4876), général, servit
au Canada et dans l'Inde. \\ est mort sans postérité.
DUNDAS (Charles, baron d'AMESBURv), homme politique
anglais, né en 4754, mort le 7 juil. 4832. H siégea à la
Chambre des communes sans interruption de 1774 à 1832,
dans le parti libéral. 11 fut élevé à la pairie le 11 mai 1832.
DUNDAS (Sir James Whitley Deans), amiral anglais,
né le 4 déc. 1785, mort à Weymouth le 3 déc. 1862, fils du
docteur J. Deans de Calcutta. H prit le nom de Dundas après
son mariage avec la fille de Charles Dundas, lord Amesbury
(1808). En janv. 1852, il fut nommé commandant des forces
anglaises dans la Méditerranée. A ce titre, il dirigea jes
opérations navales pendant la guerre de Crimée en 1854.
Sa conduite fut sévèrement critiquée par ses officiers et par
le correspondant du Times. Sa santé ébranlée ne lui permit
pas de se montrer à la hauteur des circonstances.
DUNDAS (Sir Richard Saunders), amiral anglais, né le
11 avr. 1802, mort le 3 juin 1861, fils d'Henry Dundas
(V. ci-dessus). Entré au collège naval en 1815, il embar-
qua en 1817 sur le Ganymède et eut un avancement extrê-
mement rapide, à cause de la haute situation de son père.
Après avoir servi dans la Méditerranée, en Amérique, aux
Indes, en Australie, il prit part à la campagne de Chine
où il se distingua. Promu contre-amiral en 1853, il com-
manda dans la Baltique, bombarda Sveaborg (1855) et
bloqua le golfe de Finlande. Le 24 févr. 1858, il fut nommé
vice-amiral. H avait rempli de 1828 à 1830 les fonctions
de secrétaire particulier de son père, alors premier lord
de l'amirauté, et occupa en 1845 ce même poste de con-
fiance auprès du comte d'Haddington. Il entra au conseil
d'amirauté en 1853. R. S.
DUNDAS d'Arniston, famille écossaise. Le premier lord
d'Arniston , James , était fils de sir James Dundas d'Arniston,
gouverneur de Berwick sous Jacques P^. Il fut nommé lord
of session, sous le titre de lord Arniston le 1 6 mai 1662 ;
c'était un covenanter décidé. Il mourut en 1 679. — Son fils
Robert, mort en 4726, partisan du prince d'Orange, sié-
gea trente ans à Edimbourg comme lord of session, — Le
fils aîné de ce Robert, Robert Dunà^^ d'Arniston (4743-
4787), suivit la tradition de sa famille : solicitor gênerai
en 4742, lord advocate en 4 754, lord président de la Court
of session en 4760, il exerça cette dernière charge d'une
manière tout à fait brillante.— Son fils aîné, Robert Dundas
d'Arniston (il^S-\M9),ïui2imsi soliciior gênerai pour
l'Ecosse en 4 784, lord advocate en 4789, chief baron
de l'Echiquier d'Ecosse en 4804. Il eut trois fils. L'aîné
est mort en 4838 ; le second, Henry, vice-amiral, est
mort en 4863.
DUNDEE. Géographie. — Ville d'Ecosse, dans le comté
de Dundee, à 24 kil. S.-S.-O. de Forfar. Sa distance d'Edim-
bourg est de 70 kil. N.-N.-E. Elle est bâtie sur la rive
gauche de l'estuaire de la Tay, et, par sa position, a acquis
un extrême développement dans un temps relativement
court. C'est aujourd'hui la troisième ville d'Ecosse sous le
rapport de la population; celle-ci, de 440,000 hab. en
4890 était à peine de 25,000 hab. au début du siècle
(4804). La prospérité de la ville est surtout due à la com-
modité de son port et à ses vastes docks ; le premier a une
étendue de 2 milles le long de la rive de la Tay ; les docks
ont 5 milles et couvrent une superficie de 35 acres ; leur
construction, commencée en 4845 et terminée seulement en
4877, a coûté 20,000,000 de fr. Un pont tubulaire cons-
truit en 4873, à 6 kil. au-dessus de Dundee, à Broughty
Ferry, résidence d'été des commerçants, relie les deux
rives du golfe de la Tay ; sa longueur est de 3,474 m.;
il est tout en fer et comprend quatre-vingt-cinq travées
dont celle du milieu a 26 m. au-dessus de l'étiage, afin de
livrer passage aux navires. A 22 kil. en mer à l'E., se
voit le beau phare de Bell Rock. Le mouvement du port
de Dundee a été en 4877 de mille six cents navires jau-
geant 436,940 tonnes et neuf cent trente-quatre navires
d'un tonnage total de 272,480 tonnes. La flotte commer-
ciale de Dundee comprend à elle seule deux cents bateaux
jaugeant 94,120 tonnes. Elle a un service régulier de
bateaux à vapeur avec Londres, Hull,Nev\^castle, Liverpool,
Leith, Rotterdam. Cette ville a le monopole de l'armement
des bateaux à vapeur pour la pêche des phoques à l'île de
Jean-Mayen, pour celle de la baleine dans le détroit de
Davis et la baie de Baffin. En 4877, cet armement com-
prenait quatorze navires qui avaient capturé quatre-vingt-
une baleines et quatre-vingt mille cent trente phoques, le
tout d'un rapport de 3,641,750 fr. Une voie ferrée relie
Dundee à Edimbourg et Aberdeen. Outre son commerce
qui est très actif, Dundee a une industrie des plus variées
et des plus florissantes. Le tissage des laines se fait sur une
grande échelle ; plus de cinquante mille personnes sont
occupées par soixante-dix métiers à vapeur. Les trois
maisons de Baxter, Cox et Gilery occupent à elles seules
douze mille personnes. Les autres industries sont : la
construction des navires et des machines, la préparation
des cuirs, la cordonnerie mécanique, des fonderies , des
brasseries et la confiserie qui a acquis une certaine célébrité
avec la marmelade d'oranges amères. Les monuments de la
ville sont nombreux et quelques-uns des plus remarquables
au point de vue archéologique. Citons, parmi les anciens,
une tour construite au xiv^ siècle, la Old Steeple. Elle
s'élève à 456 pieds et fut restaurée par sir G.-G. Scott.
Le vieux château de Dunhop, agrandi par Jacques II,
vicomte de Dundee, sert de caserne aujourd'hui; la Vieille
Douane, située au Green Market, date du xvi® siècle, la
construction en est bizarre et originale. Un reste d'ancien
mur, le East Port, a été conservé en souvenir de G. Wishart
le martyr qui, selon la tradition, a prêché sur ce mur
avant le fléau de 4544. Plusieurs constructions telles que
le couvent des religieuses de Sainte-Claire ont disparu.
Depuis 4874, la ville a été bien transformée. Des rues et
des avenues spacieuses ont été percées, des places ont été
ménagées, de belles promenades ont été faites. Au point
de vue de l'hygiène. Dundee ne laisse rien à désirer, une
eau abondante et saine est largement distribuée à tous ses
- 63 -
DUNDEE — DUNES
habitants. L'hôtel de ville, désigné sous le nom de Elder
Adam, a été construit en 1734. La flèche de l'église Saint-
Paul s'élève à 467 pieds; réghse épiscopale, appelée aussi
Saint-Paul, faite d'après les plans de sir George-Gilbert
Scott, porte la flèche de son clocher à 211 pieds de haut.
Parmi les autres édifices modernes , nommons l'hôpital
Morgan entretenant et élevant cent enfants, conformément
au vœu de son donateur, l'hôpital appelé Royal Mrmary,
Fasile des fous, l'orphelinat, les écoles industrielles, etc.
Les écoles sont nombreuses à Dundee et les aménage-
ments nouveaux construits par le comité local, permettent
de recevoir vingt mihe six cents élèves. La bibliothèque et
le musée sont situés au square Albert et sont entièrement
gratuits. La bibliothèque, divisée en deux parties, comprend
d'une part vingt-cinq mille volumes et de l'autre cinq
mille cinq cents. Le musée renferme un certain nombre de
tableaux et de statues. L'Union des beaux-arts de Dundee
organise quelquefois au musée des expositions artistiques.
En dehors de cette Union des arts, il existe dans la ville
deux autres sociétés scientifiques : la Dundee naUiralists
Society, fondée en 1872; qWq pubhe annuellement ses
travaux. L'autre est la East of Scotland union ofnatu-
ralist Sodeties, date de 1884 et publie des Transactions,
et le Scottish Naturalist. Les archives sont conservées
à l'hôtel de ville et renferment des documents d'une cer-
taine importance historique. On y remarque les lettres
d'Edouard P^ et d'Edouard II, l'original de la charte du
roi Robert Bruce (1327), les lettres du pape Léon X à la
reine Marie, etc. — Les armes du Dundee sont : d'azur
(i un vase d'argent chargé de fleurs au naturel;
comme supports : deux dragons soutenant Vécu, la
queue entrelacée au-dessous de sa pointe, avec la
devise : DEÏ DONVIVI. Ces armes se trouvent gravées sur
un sceau de Dundee qui porte comme exergue : SIGILLVM.
SECRETVM. OPPIDI. DE. DVNDIE. — Parmi les célébrités
nées à Dundee, nous nommerons Hector Boece (Bœtius),
né en 1465; John et Robert Wedderburn, auteurs du livre
Gude and Godlie Ballatis, publié en 1578; S.-G. Mac-
kensie, célèbre jurisconsulte ; James Ivory, mathématicien,
né en 1765; D^ Dick, auteur de The Christian Philo-
sopher; le père de Thomas iïood; Robert Nicoll, surnommé
le second Burns de l'Ecosse, et William Thom, poète, dont
le tombeau a été élevé par souscription publique dans le
cimetière de l'Ouest.
HisTomE. — L'origine du nom de Dundee n'est nulle-
ment établie ; les uns la cherchent dans Dun Dhia (colline
de Dieu), d'autres dans Du7i Taw (colline ou fort sur la
Tay). Elle aurait aussi été appelée Alectum, ce qui n'est
pas prouvé. Le premier document daté est une charte de
donation faite en 1200 par le comte de Huntington, dans
laquelle il désigne déjà cette cité sous le nom de Dunde.
Cette cité a été érigée en bourg royal par Guillaume le Lion,
et, par sa position et son action, a toujours joué un rôle
important dans l'histoire de l'Ecosse. Wallace y fut élevé
et c'est de là qu'il porta les premiers coups à FAngleterre.
Les Anglais s'en emparèrent deux fois sous Edouard P^
puis encore sous Richard II et Edouard VI. En 1645, le
marquis de Montrose la prit d'assaut et la brûla; Monk
massacra une partie de ses habitants en 1651, après une
vive résistance. Dundee fut la première ville de l'Ecosse
qui adopta la Réforme. A. Maire.
DUNDEE (Vicomte John) (V. Graham [John]).
DUN DONALD (V. Cochrane [Thomas]).
DUNDREMAN (Lord Thomas) (V. Maitland [Thomas]).
DUNDRUM (Baie de). Baie des côtes orientales d'Ir-
lande, comté de Dovvn, au S. de Downpatrick.
DUN EAU. Corn, du dép. de la Sarthe, arr. de Mamers,
cant. de Tuffé ; 628 hab. Monuments mégalithiques. On
remarque dans l'église la curieuse pierre tombale de Ca-
therine d'Ilhers (1416).
DUN EDI N. Ville de la Nouvelle-Zélande, ch.-l. de la
prov. d'Otai;o, au S.-E. de l'ile méridionale; 50,000 hab.
avec son port [Port Chalmers à 15 kil.). Fondée par la
New Zeeland Company en 1848, elle s'est rapidement
développée. En 1861, on découvrit dans le voisinage des
placer s aurifères. Le progrès a continué depuis lors et
Dunedin est devenu le plus grand centre commercial de la
Nouvelle-Zélande. Le mouvement des échanges dépassait
110 miUions en 1883 ; la flotte du port était de 108 navires
(1^9,600 tonneaux) ; le mouvement de 819 navires et
250,000 tonneaux. Des communications régulières ont lieu
avec Melbourne et avec les autres ports néo-zélandais.
Cette ville neuve a plus de douze églises, six ou sept
banques, deux théâtres, une université, un beau jardin
botanique ; un évêque anglican et un évêque catholique.
DUNES. Les dunes les plus connues sont celles que lé
vent amoncelle le long des rivages maritimes ; toutefois, les
plus considérables paraissent être celles qui sont formées
dans les déserts où les agents atmosphériques désagrègent le
sol et fournissent au vent des masses de sables et de débris
encore plus considérables. Telles sont les grandes dunes ou
Erg du Sahara (V. Afrique, Désert, Sahara), celles du
sud de l'Algérie ou du désert de Libye ; on en retrouve dans
les autres déserts, en particulier dans celui de Gobi, et,
sur une moindre échelle, en Europe, dans le Banat et dans
la plaine de l'Allemagne du Nord. Les dunes maritimes se
trouvent le long de la mer Baltique, sur les rivages méri-
dionaux russe et prussien, dans la presqu'île danoise, dans
les îles de Sylt, Fœhr, Helgoland, Nordernay, Borkum, sur
la côte occidentale de France ; hors d'Europe, sur les côtes
d'Egypte, sur les côtes occidentales d'Afrique, sur les côtes
méridionales d'Austrahe, en Floride, etc.
Les dunes se forment près de la mer par l'action du
vent sur les sables du rivage; quand ce sable est sec et
fin, le vent violent venant du large, un nuage de sable
est poussé vers l'intérieur des terres. Ce sable forme des
monticules, qui alors constituent jusqu'à un certain point
une défense contre l'entraînement des matières de la plage ;
mais le sable qui les forme est pourtant emporté par le
vent, et le rideau de dunes qui s'est formé le long de la
mer s'avance dans les terres. Suivant l'état du sable, ce
phénomène est plus ou moins rapide, ou même ne tarde
pas à s'arrêter,
La hauteur des dunes est couramment de 10 à 15 m.,
souvent de 30 à 40 ; on en cite de plus de 100, de 180 m.
Leur structure générale est sensiblement la même ; ce sont
plus vers la lerre. Les grams
de sable abandonnés par le reflux sont entraînés parle vent
qui les amoncelle jusqu'à ce qu'ils redescendent abandonnés
à leur propre poids. Une des formations typiques comporte
trois rangées parallèles et successives de dunes : la ligne
maritime ; la ligne médiane plus haute que la précédente de
qui elle reçoit ses matériaux ; la ligne intérieure plus basse.
Tant que le sable de la dune n'est pas fixé par la végé-
tation, il est essentiellement mobile et la dune se déplace
ou se modifie incessamment. Elle progresse vers l'intérieur
des terres ou bien, dans les parages où la mer recule, il se
forme sans cesse de nouvelles dunes du côté maritime. La
marche des dunes varie selon les lieux. Dans l'île de Sylt,
elles s'avancent de 4 à 5 m. par an; de 4 à 7 m. à la
Frische Nehrung, en Prusse ; de plus de 7 m. (depuis
1666) en Bretagne, aux alentours de Saint-Pol-de-Léon,
elles ont dévoré déjà plusieurs villages dont seuls les clo-
chers émergent encore. Les grandes dunes d'Allemagne
sont celles delà Kurische Nehrung, hautes de 37 à 63 m.
qui s'avancent de la mer vers la lagune avec une vitesse
moyenne de 5"^50 par an et ont déjà enseveli six villages,
et d'ici deux à cinq siècles auront comblé la lagune. Les
dunes du Sahara, du désert de Gobi, celle des côtes orien-
tales de la mer Caspienne ont submergé de vastes surfaces
cultivées autrefois. — Les dunes arrêtant l'écoulement des
eaux intérieures, on trouve également à leur pied une zone
de marécages, d'étangs, de tourbières. La flore propre des "^
dunes est très pauvre (Aruhdo arenaria, Arundo bal-
DLNES — DUNFERMLINE
— 64 —
tica, Elymus arenarius, Triticiim pinceum, Carex
arenaria, etc.). Depuis un siècle on a entrepris des travaux
méthodiques pour la consolidation et la fixation des dunes
au moyen de plantations. A ce point de vue comme aux
autres, les dunes classiques sont celles du golfe de Gascogne
(V. Landes [Dép.].
Il existe des dunes, en France, près de Boulogne, dans
les dép. de la Manche, du Finistère, de la Loire-Infé-
rieure, de la Yendée, de la Charente-Inférieure, de la
Gironde, des Landes et de THérault; elles occupent en-
viron 110, 000 hect. Les dunes sont formées de sable
calcaire en Normandie, d\in mélange de calcaire et de
silice en Bretagne (surtout siliceux), de 69 ''^'o de silice,
1 12 de calcaire et 29 4 2 de matières organiques et
diverses en Saintonge. Dans les Landes, on ne trouve que
du quartz, du mica, un peu de fer, des traces de coquilles.
Les diôérences de composition sont indiquées par A. Durand-
Claye, dans son Cours d'hydraulique agricole, comme
la cause des variations dans les essences choisies pour la
fixation des dunes. Dans les Landes, il faut des espèces
silicicoles (pin maritime); en Normandie, des espèces
calcaires (peuplier blanc, céréales, légumes). « Le pin
maritime trouve dans la quantité inappréciable de chaux
que contiennent les sables, la quantité qui lui est néces-
saire. Dans la tige, la chaux forme pourtant 20 à 40 ^/o
de cendres; le même fait se produit pour Facide phospho-
rique, qui forme de 5 à 16 % de cendres. » Dans les
terrains trop calcaires, le pin maritime pousse mal. Dans
les Landes les dunes qui n'ont été que récemment entravées
dans leur marche par des travaux appropriés, forment, en
épaisseur perpendiculaire à la côte, des séries de collines
occupant plusieurs kilomètres, et s'élevant parfois à 80,
90 m. au-dessus du niveau de la mer. Comme on l'a remar-
qué les coUines les plus hautes sont au centre, et en
plan elles sont disposées en quinconce. L'écoulement des
eaux douces se trouve arrêté, et il se forme des étangs
à la limite des dunes, côté de terre. Brémontier, à la
fin du xvni^ siècle, ayant remarqué que les dunes fixes
étaient couvertes de végétation, essaya sur les autres
des semis protégés. Les hgnes de protection consistaient
d'abord en piquets clayonnés, puis en palissades, en
madriers ou planches. On établit aussi des cordons de
défense formés de deux lignes de branches fichées dans le
sol, inclinées à 45° de FO. vers FE. sur deux rangs à
0"*25 Fun de l'autre, avec des branches garnissant l'inter-
valle. On sème sur les dunes des graines de pin, de genêt
ou d'ajonc et l'on recouvre le semis de fagots. On plante
des gourbets dans la partie la plus voisine de la mer. Des
résultats favorables et économiques ont été obtenus en
plantant des touffes de genêt, de bruyères ou de branches
de pin sur des Hgnes régulières, distantes de 0,50, entre
lesquelles le semis prospère. L'hectare protégé coûte de
dOO à 450 fr. dans les dunes de Gascogne (V. Landes). A
la Société d'acclimatation, en 4882, M. Adam a donné des
renseignements complets sur ses travaux dans les dunes des
environs de Boulogne ; c'est le document le plus instructif
qui existe sur la matière.
BiBL. : Outre le mémoire de M. Adam qui vient d'être
cité, V. Lefort, Fi.Ta/fo/'idc8di(nes, dans les Annales des
ponts et chaussées de 1831. — Brémontier, Dîmes entre
Bayonne et la j^ointe de Grave (même recueil), 1833. —
Laval, Fixation des dunes (fd.), 1847. — Clavenad, les
Dunes du Sahara (id.), 1881. — Le mémoire cité de Brémon-
tier est la seconde édition d'une brochure parue en Tan V;
Paris, imprimerie de la République.— Hartig, Ueber Bil-
dung und Befestigung der Dunen; Berlin, 1830. — Bai -
DissiN, Bericht iïber die Dunen der Insel Sylt ; Flensburg,
;ISG5. — Keller, Gestaltung der Sand\^usten, dans Zeit-
sdirift fur Bauvvescn, 1881.'
DUNES. Com. du dép. du Tarn-et-Garonne, arr. de
Moissac, cant. d'Auvillar ; 4,443 hab. Ruines d'un châ-
teau de templiers ; on y voit une tour carrée munie de
meurtrières et de mâchicoulis.
DUNES (Angleterre) (V. Downs).
DUNES (Bataille des). 4« Victoire remportée par
Turenne, le 44 juin 4658, sur les troupes espagnoles
parmi lesquelles servait alors le prince de Gondé. Le combat
eut lieu près des dunes de Flandre, entre Nieuport et
Dunkerque. — 2^ Victoire navale remportée par Tromp
en 4639 sur les Espagnols en vue de Dunkerque. —
3« Combat livré par Jean Bart en 4696 au convoi anglo-
hollandais qui escortait une flotte de commerce en vue
des dunes de l^landre.
DUNET. Com. du dép. de l'Indre, arr. du Blanc, cant.
de Soint-Benoît-du-Sault; 442 hab.
D U N ETTE (Mar.). Pont léger construit à l'arrière desbàti-
m.ents, destiné à servir de logement à l'amiral ou au com-
mandant du navire selon le cas. Autrefois, on en donnait
la définition suivante : « C'est le plus haut de la poupe du
navire; là est la chambre du maître pilote qui découvre de
loing les dunes, d'où luy vient ce nom. » M. Jal croit poiir-
tant'que la dunette tire son nom de ce qu'elle est une élé-
vation au-dessus du pont, une petite dune (anglo-saxon
dun). Sur les bâtiments en bois, on établissait la dunette
sur le prolongement des allonges des couples de Tarrière.
Le tout, n'ayant aucun effort à supporter, est d'une cons-
truction beaucoup plus légère que les autres parties
du bâtiment. Par suite, les baux, barrotins et traver-
sins ont des dimensions beaucoup plus faibles que ceux des
ponts.
DUNEWALD (Johann-Heinrich, comte de), général au-
trichien, né à Dunewald (comté de Berg) en 4620, mort
à Essek le 31 août 4694. Entré au service del'empereur,
il se distingua à la bataille de Raab (4664), reçut le com-
mandement d'un régiment de cuirassiers, combattit sous
Montecuculli contre les Français, reçut le titre de comte
(4675) et fut promu feld-maréchal. On le trouve en 4683
devant Vienne; en 4684, il bat les Turcs à Backan, figure
à la bataille de Gran en 4685, détruit le 44 août 1686
l'armée turque qui venait débloquer Ofen. Après la victoire
de Mohacs, il conquit la Slavonie. En 4688, il couvrit le
siège de Belgrade. En 4689, il débloqua Heidelberg. En
4694, il contribua à la victoire de Salankemen, malgré
son antipathie pour le margrave Louis de Bade.
DUNFERMLINE. Ville d'Ecosse, comté de Info;
47,058 hab. Située sur une colline de 400 m, de haut, eMe
a assez grand air. Elle produit beaucoup de toile de lin et
de damassés renommés depuis un siècle. C'est un marché
agricole ; des mines de houille et des établissements métal-
lurgiques se trouvent dans le voisinage. Dunfermline est
une des villes historiques d'Ecosse. Vers 4070, le roi Mal-
colm Canmore et sa femme sainte Marguerite y fondèrent
une abbaye de bénédictins appelés de Canterbury. Cette
abbave acquit une grande prospérité. En 4303-4304,
Edouard P^^ y hiverna. Là furent enterrés les rois Malcolm
Canmore et sa femme, Edgar, Alexandre I^^ David P^
Malcolm the Maiden, Alexandre III, Robert Bruce et sa
femme Elisabeth, son neveu Randolph, la reine Annabella,
le duc d'Albanv, régent d'Ecosse. On a retrouvé en 4824
la tombe de Robert Bruce. Les ruines de l'abbaye sont
considérables ; le réfectoire subsiste, ainsi qu'une tour et
que l'église bâtie en 4450 en style roman; le chœur go-
thique (4250) a été démoli en ce siècle (4848-4824). Si-
gnalons aussi les ruines du palais des Stuarts dont la
muraille méridionale domine la gorge de Pittencrieff ; dans
ce palais naquirent les rois David II, Jacques L^ (d'Ecosse),
Charles P^' ; c'est là que Charles II souscrivit le Covenant
en 1650. Dans les temps modernes, c'est à Dunfermline
que Ralph Erskine et Thomas Gillespie fondèrent les sectes
des Seceders et Relief bodies, aujourd'hui réunies (Pres-
bytériens unis).
DUNFERMLINE (James Abercromby, baron), né le
7 nov. 4776, mort le 47 avr. 4858, fils de sir Ralph
Abercromby (V. ce nom). Député au Parlement (4807), il
se rattacha aux vvhigs, fit partie du cabinet Melbourne
(4834) et nommé speaker de la Chambre des communes
(4835-4839), puis baron de Dunfermline, ce qui le fit en-
trer à la Chambre des lords.
DUNFERMLINE (Ralph Abhrcromby, baron de), né le
65
DUNFERMLINE — DUNIN
6 avr. 1803, mort le 12 juil. 1868, fils du précédent, fut
ministre d'Angleterre à Turin de 1836 à 1851.
DUNG (MétroL). Poids de 0^^815, usité en Perse.
DUNG. Com. du dép. du Doubs, arr. et cant. de
Montbéliard; 397 hab.
DU NGAL, écrivain ecclésiastique du ix® siècle, auteur
d'un écrit polémique, Responsa co7itr a per versas Claudii
sententias (édité parPap. Masson à Paris, 1608, in-8, et
dans la Maxima Biblioth. Patrum,t. XIV), adressé vers
828 à Louis le Débonnaire et à son fils Lothaire, contre
Claude de Turin (V. ce nom). Dungal se fait l'avocat du
culte des saints et des reliques, mais avec certaines réserves
importantes et intéressantes parce qu'elles représentent
l'opinion moyenne de l'Eglise franque. Un décret de Lo-
thaire de 823 nomme un certain Dungal, maître de l'école
de Pavie, qui pourrait bien être Fauteur des Responsa.
V Histoire littéraire de la France (t. IV, pp. 493 et
suiv.) les attribue avec moins de raison à un moine des
environs de l'abbaye de Saint-Denis, qui paraît plutôt
avoir écrit une Epître à Charlemagne (d'Achery, Spici-
legium, t. III, pp. 324 et suiv.) et quelques vers latins
(dans Martène et Durand, Amplissima Coll., t. VI,
pp. 811 et suiv.). F.-H. K.
DUNGANNON. Ville d'Irlande, comté de Tyrone (Uls-
ter), à 6 kil. du Lough Neagh, près d'un affluent du Black-
water ; 4,084 hab. (1881) ; toiles de lin, poteries d'argile.
Ce fut la résidence des O'Neill, rois de l'Ulster (jusqu'en
1607). Le château fut rasé par les parlementaires en 1641.
DUNGANNON (Vicomte) (V. Trevor [Arthur Hill)].
DUNGARVAN. Ville maritime d'Irlande, comté de Wa-
terford ; 7,377 hab. La pêche et le cabotage sont la grande
occupation des habitants; le port reçoit" les navires de
250 tonnes. La ville s'est formée autour d'une abbaye
d'augustiniens fondée au vu® siècle par saint Garvan. Du
château et des remparts bâtis par le roi Jean, il subsiste
des restes.
DUNGENESS. Cap d'Angleterre, sur le Pas de Calais,
en face de Boulogne, par 50» 55' lat. N. Phare.
DUNGIYAH (Mar.). Petit bateau arabe utilisé au cabo-
tage, dans les parages du golfe Persique. Il est très large
avec les extrémités fines et pointues. Les plus grands ont
deux mâts, le plus petit placé sur l'avant; ils portent des
voiles trapézoïdales, qui s'enverguent sur des antennes fort
lourdes, analogues à celles des tartanes méditerranéennes.
Le dungiyah est pourvu d'avirons grossièrement travaillés
dont on se sert en temps calme. Si Ton en croit la lé-
gende, ce genre de bateau remonte au temps d'Alexandre
le Grand.
DUNGLISON (Robley), médecin anglais, né à Keswick
(Cumberland) le 4 janv. 1798, mort à New-York le
1^^ avr. 1869. Il était professeur à l'Université de Virginie,
de Maryland, puis au Jefferson Collège de New-ïork qu'il
contribua à développer. Il se retira en d868 avec le titre
de professeur émérite d'institutions médicales et de méde-
cine légale. Entre autres ouvrages, il a publié : A New
Dictionary of médical science, etc. (Boston, 1833, 2 vol.
in-8 ; 1874, in-8) ; Human Physiology (Philadelphie,
1832, 2 vol. in-8; 8« édit., 1856) ; The Practice of me-
dicine (Philadelphie, 1842, 2 vol. in-8) ; History ofme-
dicine, etc. (Philadelphie, d 872, in-8). D^' L. Hn.
DUNHAM (Samuel-Astley) , historien anglais, mort en
1858. Il a publié un grand nombre d'ouvrages de seconde
main et de second ordre dans la Cabinet cyclopedia de
Lardner. Il était lié avec Southey, qui trouvait « merveil-
leuse » sa connaissance du moyen âge, et avecLingard. Son
meilleur livre est A History of Spain and Portuaal
(1832-33), 5 vol. in-8.
DU NI (Egido-Romoaldo), compositeur d'opéras, né à
Matera (Deux-Siciles) le 9 févr. 1709, mort à Paris le
11 juin 1775. Il travailla avec Durante. Ses études accom-
plies, il se rendit à Rome et y fit représenter un Nerone,
écrit en concurrence avec Pergolèse, qui remporta un moins
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
grand succès que lui, malgré la supériorité incontestée de
son œuvre. Chargé par la papauté d'une mission à Vienne,
il profita de l'occasion qui lui était offerte et fit représenter
de ses ouvrages dans cette ville. Revenu en Italie, il donna
à Naples un Artaxercès, qui eut du succès. Il se rendit
ensuite à Venise, à Paris, à Londres et en Hollande. Nom-
mé professeur de musique à la cour de Parme, il revint
en Italie et s'essaya dans la composition d'opéras français,
où il excella depuis. Ses débuts furent heureux et les com-
mandes lui arrivèrent. En 1757, il revint à Paris, s'y
fixa et y fit représenter dix-huit ouvrages, qui tous eurent
du succès. La musique de Duni est facile, essentiellement
mélodique, dans le genre de celle de Pergolèse, mais bien
inférieure à cette dernière. Fétis donne la liste complète de
tous ses ouvrages.
DU NI ÈRES. Com. du dép. de la Haute-Loire, arr.
d'Yssingeaux, cant. de Montfaucon, sur la Dunières;
2,973 hab. Moulinage de soies. Fabrique de rubans et de
velours. Vestiges d'une voie antique au lieu dit le Pont-
Romain, sur la Dunières. Eglise romane du xv« siècle
conservant de curieux chapiteaux. Le village est dominé par
les ruines de deux anciens châteaux, Dunières-la-Roue,
aménagé pour l'habitation de religieuses, et, sur un rocher,
Dunières-Joyeuse, avec une tour très élevée.
DUNIN. Grande famille polonaise, déjà citée au xii^ siècle.
Ses membres les plus remarquables ont été : Pierre Dunin,
mort vers 1480, burgrave du château de Cracovie et maré-
chal, qui remporta diverses victoires contre l'ordre des
chevahers teutoniques, et l'archevêque Dunin (V. ci-des-
sous).
DUNIN (Martin de), archevêque de Gnésen-Posen, né
à Wal, près de Kava (Pologne), le 11 nov. 1774, mort à
Posen le 26 déc. 1842. Il fit ses études au Collège ger-
manique à Rome et fut prêtre en Pologne. L'archevêque
Wolicki le prit pour coadjuteur; en 1829, il fut nommé
administrateur du diocèse de Gnésen-Posen ; enfin il fut
intronisé archevêque en 1831. H appartient à l'histoire
par le rôle qu'il a joué comme champion de l'ultramonta-
nisme dans les controverses prussiennes au sujet des ma-
riages mixtes. Un traité conclu à Varsovie le 13/24 févr.
d 768 entre la Pologne, la Russie, la Prusse, le Danemark,
l'Angleterre et la Suède avait décidé que les mariages
mixtes seraient autorisés, que les fils suivraient la religion
du père, les filles celle de la mère, et que le ministre de
la religion de la fiancée bénirait le mariage. Lors du dé-
membrement de la Pologne, ces clauses furent confirmées
expressément par une loi prussienne et le clergé s'y con-
forma sans protestation, malgré leur contradiction formelle
avec les principes du droit canonique. Le 25 mars 1830,
Pie VHI pubha son fameux bref sur les mariages mixtes,
qui souleva l'affaire de Mgr Droste de Vischering. Encou-
ragé par la résistance de l'archevêque de Cologne, Mgr
Dunin, n'obtenant aucune modification de la loi de la part
du gouvernement ni aucune dispense de Rome, adressa
deux circulaires à son clergé, sous les dates du 30 janv. et
du 27 févr. d838; dans ces lettres, il menace de sus-
pendre tout prêtre qui bénirait un mariage mixte sans
avoir reçu la promesse que tous les enfants seraient élevés
dans la religion catholique. Après des négociations infruc-
tueuses entamées par le roi avec l'archevêque, la cour
d'appel de Posen condamna Mgr Dunin à six mois de for-
teresse et à la destitution (avr. 1 839) . Frédéric-Guillaume III
supprima la forteresse , mais interna le prélat à Berlin ;
quand, le 3 oct. 1839, l'archevêque destitué quitta la
capitale sans autorisation pour reprendre ses fonctions, il
fut emprisonné à Colberg. L'avènement de Frédéric-
Guillaume IV (7 juin 1840) marqua le triomphe du parti
ultramontain. Mgr Dunin fut réintégré dans sa charge, sous
certaines promesses dont le résultat" a été la victoire décisive
de la cour de Rome sur l'Etat prussien. F.-H. Kruger.
BiBL. : RiNTEL, Vertlieidigung des Erzbischofs von
Gnesen und Posen; Wurzbourg, 1839, in-8. — Pohl
Martin von Dunin; Marienbourg, 1843, in-8. '
DUNITE - DUNKERQUE
-- m -
DUNITE (Miner.). M. de Hochstetter, dans sa relation
du Yoyage de la Novara, a décrit sous ce nom une péri-
dolite, exclusivement formée de péridot et de fer chromé,
encaissée en Nouvelle-Zélande, dans une immense veme
de serpentine. Depuis, l'abbé Renard (A7in. Soc. belge
de microscopie, 1882) a signalé qu'une pareille roche,
cette fois isolée, formait dans son entier le recif de
Saint-Paul (Atlantique équatorial). Le fait le plus inté-
ressant, c'est que la météorite tombée à Chassigny (Haute-
Marne) le 3 oct. 1845ofîre avec une composition identique
tous les caractères de la dunite de la Nouvelle-Zélande. En
désignant sous le nom de chassignite cette météorite
essentiellement formée d'un silicate franchement magné-
sien, M. Daubrée (Géologie expérimentale, pp. 500 et
suiv.) n'a pas marqué qu'elle fournissait un nouvel et très
remarquable exemple de la grande analogie qui s'introduit
entre la composition des pierres tombées du ciel et celle
des roches basiques terrestres. Ch. Vélain.
DUNK (George Montague), deuxième comte d'HALiFAx,
né en 1716, mort en 1771. Il prit le nom de Dunk en
épousant la très riche héritière d'une grande famille de
drapiers du Kent, les Dunk (1741). Il occupa de très hautes
situations : 7naster ofthe buckhounds sous le ministère
Pelham (1744), lieutenant général (1759), sans avoir
jamais vu l'ennemi, chief justice ineyre des forêts et des
parcs au S. du Trent, chef du Board of trade, etc. En
qualité de chef du Board of trade, il fit tous ses eflorts
pour s'attribuer le gouvernement des choses de l'Inde,
c.-à-d., suivant l'expression de Walpole, « le secrétariat
d'Etat du quart du monde habité ». Lord lieutenant d'Ir-
lande en 1761, premier lord de l'amirauté en 1762, très
populaire dans la classe marchande, il fut secrétaire d'Etat
dans les ministères de lord Bute et de George Grenville. Il
occupa de nouveau cette position, quoique à peu près ruiné
et malgré le scandale du procès Wilkes (V. ce nom), dans
le ministère de lord North (1770). Vers la fin de sa vie, il
commit nombre d'extravagances. Sa liaison avec une actrice
de Drury Lane, Mary-Anne Faulkner, fut scandaleuse. Il
dépensa, dit-on, 150,000 1. st. pour la lutte électorale
de 1768 dans le seul bourg de Northampton. Il est vrai
que deux autres pairs, ses concurrents, Northampton et
Spencer, dépensèrent chacun autant. Ch.-V. L.
DUNKARTON (Robert), peintre et graveur anglais, ne
à Londres en 1744, mort vers la fin du xviu^ siècle. Il a
laissé quelques bons portraits gravés en manière noire.
DUNKELBERG (Wilhelm-Friedrich) , agronome alle-
mand, né à Schaumbourg le 4 mai 1819. Elève de Frese-
nius, professeur à Poppelsdorf et à Ilof Geissberg, il a di-
rigé l'agronomie de la province de Nassau, en particulier
l'amélioration du Westerwald, étudié celle des Petites Car-
pates, etc. Parmi ses ouvrages, nous citerons : Die Land-
wirtschaft und das Kapital (AViesbaden, 1860); Kul-
tiirtechnische Skizzen ilber meine Bereisung Tirols
(Innsbruck, 1871), complété l'année suivante ; Der Wie-
senbau in seinen landwirstschaftlichen und technis-
chen Grundzilgen (Brunswick, 1865; 2«éd., 1877) ;Die
Technik der Beriesehmg mit stadtischem Kanalwasser
(Bonn, 1876) ; Die Schiffartskanœle in ihrer Bedeu-
tung filr die Landesmelioration (Bonn, 1877) ; Die
Kulturtechnik in ihrer systematischen Anwendung
aujf Vorarlberg vnd die Melioration seiner Bheinebene
(Bonn, 1878) ; Encyklopddie und Méthodologie der Kul-
turtechnik (Brunswick, 1883, 2 vol.). De 1868 à 1870,
il a publié à Brunswick une revue, Der Kultur ingénieur.
DUNKELD. Bourg d'Ecosse, comté de Perth, sur la rive
gauche du Tay; 768 hab. Il est situé au débouché du
défilé de Birnam, qui donne accès aux Highburds, près
de l'ancienne forêt (à 5 kil. au S.) célébrée par Shakespeare
(dans Macbeth), dans une région accidentée et pittoresque
où le duc d'Athol a un beau parc. Dunkeld fut, dit-on, une
capitale des rois pietés; de 1127 à 1688, ce fut un évéché.
On y remarque les ruines d'une belle cathédrale, bâtie en
style ogival; le chœur date de 1318 à 1337 ; la nef fut
construite entre 1406 et 1464; la tour après 1470. On y
remarque le tombeau d'Alexandre Stuart comte de Buchan,
mort en 1384.
DUNKER (Balthasar-Anton), peintre et graveur, né à
Saalbourg (Poméranie suédoise) en 1746, mort à Berne en
1807. Elève de Hackert, Yien et Noël Halle, il est plus connu
comme graveur que comme peintre; ses œuvres principales
sont : une quarantaine de planches gravées pour la Galerie
du duc de Choiseul, quelques-unes des planches de la
Galerie de Dusseldorf (Y arûsie ne put s'entendre avec M. de
Michel qui dirigeait à Bâle les travaux de cette collection),
VHeptaméron des contes de la reine de Navarre, pour
lequel il fit à Berne avec son ami Freudeberg (1780-1781)
une suite de 144 vignettes, etc. F. Courboin.
BiBL.:PoRTALisetBERALDi,ies Graveurs du xviii°siécie.
DUNKER (Wilhelm), géologue allemand, néàEschwege
(Hesse électorale) le 21 févr. 1809, mort à Marbourg le
13 mars 1885. Professeur de minéralogie à Cassel, puis
(1854) à l'Université de Marbourg, il a écrit : Monogra-
phie der norddeutschen Wealdenbildung (Brunswick,
1846) ; Index molluscorum guineensium (Cassel, 1853);
Index molluscorum maris japonici (Cassel, 1882), etc.
DUNKER (Carl-Christian-Henrik-Bernhard), juriste et
pubhciste norvégien, né à Slesvig le 22 mai 1809, mort à
Christiania le 28 juil. 1870. Par sa mère Conrad ine-Bri-
gitte Hansteen (1780-1866) qui était sœur du célèbre sa-
vant et qui laissa d'intéressants Mémoires sur le vieux
temps (1871, in-8), il se rattachait à la Norvège où il fut
emmené dès sa tendre enfance. Procureur à la cour d'appel
de Christiania (1837), avocat à la haute cour (1841) et du
gouvernement (1859), il fut chargé de la plupart des causes
célèbres. Aussi habile en procédure qu'orateur élégant,
spirituel, mordant, et écrivain distingué, il a exercé par sa
parole et ses articles de revues et de journaux ou ses pu-
blications à part, une grande influence, aussi bien sur la
poUtique, la littérature et le théâtre que sur la législation
et la jurisprudence. Comme membre des commissions du
jury (1854-1859), il se pronon(:a contre cette institution.
Il fut également chargé de rédiger les projets de loi sur
l'hypothèque et l'enregistrement (adopté en 1857) et sur la
faillite (1859). Il traita avec talent de la constitution nor-
végienne (1845), de la question du vice-roi (Flyveblade;
Christiania, 1859-1860, 2^ édit., 1868) et De la Bevision
de l'acte d'union entre la Suède et la Norvège (Copen-
hague, 1866-1868, 2 vol. in-8). Il était partisan de l'u-
nion ; mais comme il voulait laisser au Danemark la faculté
d'y accéder, il contribua à faire rejeter le projet du gou-
vernement (1871). Beauvois.
DUNKERQUE (Curiosité). On donnait ce nom, au
xviii^ siècle, à une foule de bibelots, de boîtes, de bon-
bonnières, d'objets d'ameublement, qui se vendaient dans
la boutique d'un marchand bijoutier, ayant pour enseigne :
Au Petit Dunkerque, et situé à la descente du Pont-Neuf.
La vogue de ces colifichets devint si grande que l'on appe-
lait «'Petit Dunkerque » non seulement tout ce qui sortait
de ce magasin, mais encore les bijoux délicats, les meubles
précieux et les objets d'étagère que la société élégante
recherchait. On a conservé plusieurs annonces-réclames,
qui énumèrent les articles nouveaux qui se trouvent dans
le magasin du Petit Dunkerque en 1775-76. Ce sont des
pièces d'orfèvrerie, des tabatières d'or enrichies de minia-
tures et d'émaux, des montres, des almanachs et des ther-
momètres montés en bronze doré, des écritoires, des lustres,
des bras de lumière, des pendules, des vases de marbre,
des jouets, des boucles, des pommes de canne, des chaînes
de montre, des navettes, des éventails, qui paraissent avoir
été choisis avec beaucoup de goût chez les meilleurs bijou-
tiers et tabletiers du temps, et qui expliquent le succès de
cette maison
DUNKERQUE. Ch.-l. d'arr. du dép. du Nord, place
forte et port de commerce sur la mer du Nord ; 38,025 hab.
(1886). Lignes de chemins de fer de Dunkerque à Lille, à
Furnes et à Calais.
— 67 -
DUNKERQUE
Port. — Le port de Dunkerque, qui vient au quatrième
rang parmi les ports de la France, s'ouvre sur une bonne
rade foraine où les plus grands bâtiments trouvent de la
profondeur, une bonne tenue et un calme relatif. La pre-
mière partie du port, se compose du chenal, de l'avant-port
et du port d'échouage. La deuxième partie se compose de
quatre bassins à flot, le bassin du Commerce, le bassin de
la Marine, le bassin de l'Arrière-Port et enfin le bassin
Freycinet qui sera composé lui-même de quatre darses dont
une seulement est actuellement ouverte à la navigation.
Dans son ensemble, le port de Dunkerque offre pour le sta-
tionnement des navires une superficie de 26 hect., dont 7 à
l'échouage et 19 à flot; il présente une longueur totale
de quais de 5,600 m. offrant au mouvement des mar-
chandises une superficie de 135,000 m. q. dont 104,000
pour les quais à flot. Enfin le port de Dunkerque est relié
au réseau des canaux du nord de la France et de la
Belgique par trois grandes voies navigables, le canal de
Bergues (haute Colme et basse Colme), le canal de Bour-
bourg et le canal de Furnes. Deux autres canaux non
navigables, le canal de Mardyck à FO. et le canal des
Moëres, emportent les eaux de dessèchement des Moëres et
des Watringues.
Commerce et industrie. — Grâce aux grands travaux
exécutés à Dunkerque et malgré le voisinage d'Anvers, le
commerce maritime s'est considérablement développé. Le
mouvement du port a été en 1889 de 5,664 navires jau-
geant 2,712,839 tonnes sans comprendre les bateaux de
la pêche côtière. Le nombre des voiliers n'a été que de
2,182 contre 3,482 vapeurs. Le port de Dunkerque est un
de ceux où s'accuse le plus fortement la prééminence de
la marine anglaise. Ainsi, sur 1 ,400 navires à vapeur entrant
dans le port en 1889, 243 seulement naviguaient sous
pavillon français, tandis que 921 portaient le pavillon de
l'Angleterre. La flotte attachée au port compte 48 vapeurs
jaugeant 11,117 tonnes et 168 voiliers, jaugeant 20,221
tonnes, dont 87 sont armés pour la pêche d'Islande. Le
total des marchandises entrées par mer a été en 1889 de
1,556,998 tonnes et, àla sortie, de 491,814 tonnes. Enfin
sur les canaux communiquant avec le port de Dunkerque,
le mouvement de la navi^i^ation a atteint cette même année,
à la remonte et à la descente, le chiffre de 1,458,715
tonnes. — La valeur des importations est bien supérieure
à celle des exportations. Les principaux articles importés
sont les laines de la Plata et de l'Uruguay, les fers de
Bilbao, le zinc des Asturies, les lins de la Russie, les
céréales, surtout le maïs, les bois, les graines oléagineuses,
les pyrites, le nitrate de soude. Les matières exportées
sont les suifs, les sucres, les huiles, le foin et la paille, des
produits chimiques et des métaux. La vie de Dunkerque
n'est d'ailleurs pas tout entière du côté de son port, et
l'industrie y occupe un quartier nouveau, la ville basse et
les faubourgs ; les principaux établissements sont des
fabriques de toiles à voile et de filets de pêche, des raffi-
neries de pétrole, des fabriques d'huile et des scieries.
Histoire. — C'est au vu® siècle que saint Eloi, évêque
de Noyon, aurait bâti, en l'honneur de saint Pierre, une cha-
pelle située au milieu des dunes et qui aurait donné à la
bourgade de pêcheurs qui existait alors le nom que porte
la ville d'aujourd'hui (Dime-Kerke, église des dunes).
Mais ce n'est qu'au milieu du x® siècle que nous trouvons
trace historique de l'existence de Dunkerque. En effet, en
958, le comte de Flandre, Baudouin III dit le Jeune, en-
toura de murs, pour la préserver contre les attaques des
Northmans, la bourgade, devenue sans doute déjà impor-
tante. Dunkerque resta sous la domination des comtes de
Flandre jusqu'à la fin du xiv« siècle. Son histoire, pen-
dant cette période, est assez obscure et offre beaucoup de
lacunes. Vers 1218, Dunkerque obtint de nombreux privi-
lèges et une sorte d'organisation communale. Elle s'agrandit
beaucoup sous la domination de Godefroy de Condé, évêque
de Cambrai. Prise en 1300 par Philippe le Bel, elle resta
pendant cinq ans au pouvoir du roi de France. Enfin, au
milieu du xiv® siècle, Dunkerque, érigée en seigneurie,
passa dans la maison de Bar qui donna à la ville les ar-^
moiries qu'elle conserve depuis lors. De 1384 à 1477
Dunkerque fit partie des immenses domaines des ducs de
Bourgogne. Nous voyons en efî'et, en 1395, Yolande, com-
tesse de Bar, faire un solennel hommage de sa seigneurie
de Dunkerque à Phihppe le Hardi. De 1477 à 1513, Dun-
kerque reste sous la domination de la maison d'Autriche.
De 1513 à 1658, pendant un siècle et demi, Dunkerque
fut une possession de la maison d'Espagne. Cette époque
de son histoire est la plus troublée. Charles-Quint et ses
successeurs attachaient à la possession de Dunkerque une
grande importance. Mais, sous le règne de Philippe II,
Dunkerque participa à tous les événements provoqués
d'abord par la guerre contre Henri II et ensuite par la ré-
volte des Pays-Bas. Prise et pillée en 1558 par les soldats
du maréchal de Thermes, elle fut reprise par le comte
d'Egmont après la bataille de Gravelines. Plus tard se
produisent les premiers troubles des Pays-Bas. Les Dun-
kerquois ne voulant accepter ni l'Inquisition ni les garni-
sons espagnoles, adhérèrent au parti qui mettait le prince
d'Orange à la tête de la coalition, et Dunkerque fut livrée
à celui-ci comme gage du traité d'union fait entre les pro-
vinces révoltées. Dunkerque fut quelque temps la résidence
du duc d'Alençon, lorsque celui-ci tenta la conquête des
Flandres. Enfin elle fut reprise en 1583 par Alexandre
Farnèse. A partir de ce moment, elle développa son com-
merce et résista énergiquement aux tentatives réitérées des
Hollandais. De 1599 à 1633, pendant le gouvernement de
l'infante Isabelle dans les Pays-Bas, Dunkerque resta
presque entièrement étrangère aux mouvements violents
qui agitaient les provinces flamandes. Enfin, de 1633 à
1658, Dunkerque est comme l'enjeu de la partie que
jouaient entre elles les puissances voisines, France, An-
gleterre et Espagne. Prise par le prince de Condé en 1646,
elle fut reprise par le marquis de Leyde en 1652. Enfin
en 1658, après la bataille des Dunes, 'Dunkerque fut prise
par la France et remise immédiatement à l'Angleterre en
vertu du traité d'alliance conclu entre Cromwell et Ma-
zarin. Elle ne resta que quatre ans sous la domination
anglaise. En 1 662, Charles II vendit Dunkerque à Louis XIV
pour cinq millions.
Pour tirer de cette importante acquisition tout le bénéfice
qu'il pouvait en attendre, Louis XIV mit tout en œuvre.
Les travaux furent conduits par Vauban avec une rapidité
inouïe, et on lit dans la Relation de la cour de France
de Spanheim (1690) : « De tous les ports de France,
Dunkerque est peut-être le plus remarquable par les pro-
digieux ouvrages qu'on y a faits, par les esplanades des
montagnes et des dunes, par les écluses, par la ville et la
citadelle revêtues de briques jusqu'au haut du parapet,
par des tours sur un banc de sable pour la défense de la
rade, enfin tant par les fortifications de la place que pour
le havre, et dont on a fait monter la dépense qu'on y a
faite jusqu'à douze millions de livres. » De ce port sortirent
bientôt des escadres et des bateaux armés en course. Dun-
kerque et ses corsaires, surtout l'intrépide Jean Bart, de-
vinrent la terreur des flottes et du commerce de l'Angleterre
et des Provinces-Unies. Aussi l'Angleterre imposa-t-elle à
Louis XIV, en 1712, l'obligation de démolir les fortifica-
tions de Dunkerque et de combler son port. Tout le
xviii® siècle se passa en tentatives faites par les Dunker-
quois pour relever les ouvrages démolis, tentatives aussitôt
réprimées par l'Angleterre (traités de 1717, de 1730, de
1748 et de 1763). Enfin, le traité de Paris de 1783
affranchit Dunkerque de cette sujétion. Des travaux furent
commencés sous le ministère de Calonne pour rendre à
Dunkerque son ancienne importance. Ils furent interrompus
pendant les guerres de la Révolution. Dunkerque, alors
convoitée par l'Angleterre, fut assiégée parle duc d'York
et sauvée par la victoire du général Houchard à Honds-
choote. Dunkerque fut un peu négligée par Napoléon P^
qui lui préférait Anvers. C'est sous le second Empire et sur-
- 68
Armes de Dunkerque.
DUNKERQUE - DUNN
tout sous la troisième République que Dunkerque a vu s'exé-
cuter les grands travaux qui en font aujourd'hui la qua-
trième cité maritime de France et lui assurent peut-être un
avenir plus brillant encore.
Monuments. — Ville souvent éprouvée par la guerre,
Dankerque possède peu de monu-
ments remarquables. L'église
Saint-Eloi, où se trouve le tom-
beau de Jean Bart et de sa femme,
date du xvi« siècle avec une curieuse
façade de style grec. L'ancien clo-
cher de Saint-Eloi est devenu la
tour du Beffroi, carrée, haute de
62 m. Parmi les monuments mo-
dernes, il faut citer le Musée, le
Théâtre, et surtout la statue de
Jean Bart, par David d'Angers,
sur la Grande-Place. Dunkerque
possède une bibliothèque bien installée contenant quinze
mille volumes et un collège communal, de jolies pro-
menades publiques comme le jardin de la Marine et le square
Jacobsen.
Armoiries. — Coupé, en chef, cVor au lion passant
de sable, armé et lampassé de gueules — qui est de
Flandre — et, en pointe, d'argent au bar pâme d azur,
crête et oreille de gueules — qui est de Bar, L'écu pose
sur un homme marin armé de toutes pièces et tenant de sa
dextre un sabre d'argent à la garde d'or.
Canal de Dunkerque à Fumes. — Ce canal relie le
port de Dunkerque au canal belge de Furnes à Nieuport.
Sa longueur est de 21 kil. dont 13 en France. Il n est
accessible qu'aux bateaux dont le chargement ne dépasse
pas 150 tonnes. Le mouvement de la navigation sur la
partie française de ce canal a été en 1889 de 55,789 tonnes.
Raoul Fonte.
BiBL • Faulconnier, Description historique de Dun-
heraue, 1730, 2 vol. in-fol. - Victor Derode, Histoire de
Dunkerque; Lille, 1852. - Recueils des proces-verbaux
des séances de la Chambre de commerce de Dunkerque.
— H CoNS, le Nord pittoresque de la France; Fans,
1888 — On trouve une bibliographie assez complète dans
la Notice sur le port et la rade de Dunkerque, dans Ports
maritimes de la France ; Paris, 1874, t. I.
DUNKIN (Alfred-John), riche libraire et éditeur anglais
né en 1812, mort en 1879, qui se mêlait d'archéologie.
Ses ouvrages sont absolument sans valeur. Le principal est
intitulé History of the County of Kent (Londres, 18d6-
77, 3 vol. in-8).
DUNKIRK. Ville des Etats-Unis de l'Amérique du Nord,
Etat de iNew-York, sur le lac Erié; 7,248 hab. en 1880.
Ateliers de chemins de fer; commerce actit de ble, farine,
viandes salées, laines, bétail, houille. Station importante
des chemins de fer reliant New- York à Chicago et les bas-
sins miniers de la Pennsylvanie aux Lacs. Aug. M.
DUNKLER (Emile), violoncelliste distingué et virtuose
sur le saxophone, né à La Haye en 1841, mort à La Haye
le 6 févr. 1871. Il a passé une grande partie de sa vie a
Paris, où il était, sous l'Empire, violoncelliste de la chapelle
des Tuileries.
DUNLOP (John), chansonnier anglais, né en nov. 17i)o,
mort à Port Glasgow le 4 sept. 1820. Il débuta dans le
commerce, devint lord-prévôt de Glasgow en 1796, puis
exerça les fonctions de receveur des douanes à Ror-
rowstounness et à Port Glasgow. Il est l'auteur de chan-
sons très gracieuses, devenues populaires et qui se chan-
tent encore en Ecosse. On a de lui : Poems on several
occasions (Greenock, 1817-1819, 2 vol. in-8); Poems
on several occasions from ilOS to iSi6 (Edimbourg,
1836, in-8), et il a publié : Original Letters from Lady
Mary W. Montagu to sir James and Lady Frances
Steuart and memoirs and anecdotes of those distin-
guished persons (Greenock, 1818, in-12).
DUNLOP (James), général anglais, d'origine écossaise,
mort en 1832. Enseigne dès 1778, il servit en Amérique,
dans l'Inde (blessé au siège de Seringapatam en 1799), à
Guernesey en 1803, dans l'état-major de Wellington pen-
dant les campagnes d'Espagne et de Portugal, et fut
membre de la Chambre des communes de 1813 à 1826.
DUNLOP (John-Cohn), écrivain anglais, mort à Edim-
bourg en févr. 1842, fils de John. Inscrit au barreau
en 1807, il n'exerça pas et se consacra presque unique-
ment à d'importants travaux littéraires. Il fut nommé
en 1816 vice-sherifif du comté de Renfrew. Son ouvrage
le plus considérable est Tlie History of fiction (Edimbourg,
1814, 3 vol. in-8), histoire du roman depuis l'époque
grecque jusqu'au xix« siècle, qui a eu plusieurs éditions^ et
a élé traduite en allemand par F. Liebrecht (Berlin, 1851,
in-8). Nous citerons encore: History of roman litera-
ture from its earliest period to the Augustan âge
(Londres, 1823-1828, 3 vol. in-8); Memoirs of Spatn
during the reigns of Philip IV and Charles H (Edim-
bourg, 1834, 2 vol. in-8), et des traductions en vers
anglais de l'anthologie latine. R. S.
DUNLOP (James), astronome anglais, né dans le comté
d'Ayr (Ecosse) en 179o, mort à Bora-Bora (Australie) le
22 sept. 1848. Astronome adjoint de l'observatoire fonde
en 1821 àParamatta (Nouvelle-Galles du Sud) par sir Bris-
bane, il en eut la direction après le départ de Riimker,
en 1829, et l'abandonna lui-même en 1842. Entre temps,
il était revenu en Europe et avait dirigé de 1827 à 1829
l'observatoire de Makerstoun (Roxburgshire). Il eut la plus
grande part dans la confection du Catalogue of 7385
stars (V. Brisbane), se livra à d'intéressantes recherches
sur les nébuleuses et les étoiles doubles, signala en 1822 le
retour de la comète d'Encke et en découvrit lui-même deux
petites, en 1833 et en 1834. Il fut élu membre de la
Royal astronomical Society en 1828 et correspondant de
l'Académie des sciences de Paris en 1837. Ses écrits se
composent d une dizaine de mémoires parus dans les
Monthly Notices et les Memoirs de la Royal astronomical
Society, dans les Philosophical Transactions et dans
divers recueils scientifiques d'Edimbourg. L. S.
DUNLOP (Alexander-Colquhoun-Stirling-Murray) ,
homme politique anglais, né à Greenock le 27 déc. 1798,
mort le i^' sept. 1870. Inscrit au barreau en 1820, il
commença en 1822 la publication des Shaw andDunlop's
Reports, écrivit des traités sur la loi des pauvres en
Ecosse (1825), sur la loi de patronage (1833), sur la
Parochial Laiv, etc. Il s'occupa beaucoup des questions
relatives à la réforme ecclésiastique et fut un des avocats
les plus consultés et les plus employés par l'Eglise. En
1845 et 1847, il se présenta sans succès aux élections
pour la Chambre des communes à Greenock qui le nomma
en 1852, et qu'il représenta sans interruption pendant
vingt-cinq ans. (Juoique Ubéral, il ne s'affilia à aucun parti.
n se consacra surtout aux questions sociales, obtint plu-
sieurs réformes en faveur des classes laborieuses, et con-
tribua plus que personne à la suppression des scandaleux
mariages de Gretna Green. En 1861, il faillit, à propos
de la guerre contre les Afghans, renverser le cabinet Pal-
merston qui ne fut sauvé que par l'intervention de Disraeli.
BiBL. : David Maclagan, Notice of thelateMr Dunlop.
— Leslie Stepiien, National Biography, t. XVI.
DUNMAIL-Raise. Défilé des monts Cumbriens, entre le
Scafell et le Helvellyn; 220 m. d'alt. En 945, le roi saxon
Edmond vainquit le roi de Cumberland à Dunmail.
DUNN (Samuel), mathématicien et astronome anglais,
né à Grediton (Devonshire), mort à Londres en janv. 1794.
Il fut professeur de mathématiques et d'astronomie à Cre-
diton, à Chelsea, à Londres, et devint, vers 1775, exami-
nateur de mathématiques des candidats aux emplois de la
Compagnie des Indes orientales. On lui doit divers mémoires
parus dans les Philosophical Transactions et une qua-
rantaine d'ouvrages publiés à part; il convient de citer
parmi ces derniers : Improvements in the doctrines of
sphère, astronomy, geography, navigation, etc. (Lon-
dres, 1765, in-4); A New Epitome ofpractical naviga-
- 69 -
DUNN — DUNOIS
tion (Londres, 4777, in-8; 2« éd., 4786, in-4); A New
and easy Méthode offinding the latitude on sea or land
(Londres, 4778, in-8); Nautical Propositions (Londres,
4784, in-8); Tables of logarithms (Londres, 4784,
in-8) ; Nautical Tables (Londres, 4785, in-8) ; The Asiro-
nomy of fixed stars (Londres, 4792, in-4) ; The Longi-
tude Logarithms (Londres, 4793, in-8), etc. L. S.
DUNN ET Head. Cap le plus septentrional de la Grande-
Bretagne, comté de Caithness (Ecosse), par 58° W lat. N.
C'est un promontoire de grès rouge dont le point culminant
est à près de 200 m. d'alt.
DUNNING (John), premier baron Ashburton, juriscon-
sulte anglais, né à Ashburton en 4731, mort le 48 août
4782. Admis au barreau de Londres en \ 736, après quatre
ans d'études, il ne commença à devenir un avocat d'affaires
occupé qu'en 4762; mais il gagnait déjà 2,000 livres
sterling par an en 4764. En 4768, il devint solicitor gê-
nerai dans l'administration du duc de Grafton, et il fut
élu membre du Parlement dans l'un des bourgs pourris de
lord Shelburne. A la Chambre des communes, il ne tarda
pas à se démettre de sa qualité de solicitor pour attaquer
avec plus de liberté la politique du gouvernement dans les
affaires d'Amérique. Le parti whig trouva en lui l'un de
ses plus éloquents orateurs. En avr. 4782, il fut créé
baron Ashburton et chancelier du duché de Lancastre.
George 111 lui accorda une pension de 4,000 livres sterling.
Mais ces dignités et ces sinécures, il n'aurait pas dû les
accepter après les déclarations qu'il avait faites dans l'op-
position. C'était le meilleur avocat de son temps, et un
debater redoutable. Tout le monde tenait son talent, sinon
son caractère, en très haute estime. — La baronnie
d'Ashburton s'est éteinte en 4823. On l'a fait revivre en
4833 au profit d'Alexander Baring, deuxième fils d'un
frère aîné de la veuve de John Dunning (V. Ashburton).
DUNNOTTAR Castle. Château d'Ecosse, comté de
Kincardine, sur la côte au S. de Stonehaven; ancienne
résidence des comtes de Keith, maréchaux d'Ecosse. Bâti
au sommet d'un rocher de 30 m. de haut, séparé de la
terre ferme par une profonde crevasse, il est presque
inaccessible. En 4296, Wallace s'en empara. Le château
fut construit en 4394 par W. Keith; pendant la guerre
civile on y abrita les insignes royaux d'Ecosse. Il fut pris
en 4634 par les troupes de Cromwell. Ce fut sous Charles II
et Jacques II une prison d'Etat où l'on enferma les cove-
nantaires. Après la révolte de 4743, il fut démantelé.
DUNOD (Pierre-Joseph), jésuite, apôtre de la charité
et archéologue français, né à Moirans (Jura) en 4637, mort à
Besançon en 4723. Agé de vingt-six ans, en 4683, il
accompagna en Normandie le P. Chaurand, pour la créa-
tion dans cette province d'hôpitaux destinés à éteindre la
mendicité : des résultats nombreux récompensèrent leurs
efforts. Ce fut près de Valogne que le P. Dunod fit, en
4693, son premier roman d'archéologue : il baptisa du
nom d'Alaimales, vestiges retrouvés par ses soins d'une
bourgade gallo-romaine, et déclara que cette ville oubliée
avait été une capitale égalant Rouen comme étendue.
Deux ans plus tard, en allant de Lyon à Besançon pour y
prêcher, le P. Dunod découvrit, entre Moirans et Saint-
Claude, les restes d'un établissement gallo-romain dont
son imagination fit immédiatement une ville qui aurait eu
la grandeur de Lyon et se serait appelée Aventicum.
Transportant ainsi en Franche-Comté la ville antique dont les
ruines sont évidentes à Avenches, en Suisse, le P. Dunod fut
conduit à remanier la carte géographique de la Séquanie ro-
maine : toutes ses solutions fantaisistes lui sont restées pour
compte. Les préoccupations de cette nature n'empêchèrent
pas le P. Dunod de continuer son bienfaisant apostolat :
en 4687, il avait provoqué la création à Marseille d'un
hôpital des mendiants; en 4698, il obtenait le même résul-
tat à Dole; en d708, il créait à Besançon l'Aumône géné-
rale pour « soulager les pauvres dans leurs maisons et
faire cesser la mendicité et la fainéantise ». Les publica-
tions du P. Dunod sont les suivantes : Découverte de la
ville d'Antre (4697 et 4709) ; Lettres sur les découvertes
faites sur le Rhiri (4746) ; Tabula geographica provin-
ciœ Sequanorum (1 feuille, 4743 et 4746); Projet de
charité de la ville de Dole (4698). Auguste Castan.
BiBL. : Journal des sçavans^ 21 nov. 1695. — Correspon-
dance des contrôleurs généraux avec les intendants^ pu-
blié par DE BoisLisLE, t. I. — P. -P. de Backer, Biblio-
thèque des écrivains de la Compagnie de Jésus, série I.
— Ch. JoRET, le P. Guevarreet les bureaux de charité^ 1889.
DUNOD DE Charnage (François-Ignace), jurisconsulte et
historien français, neveu du précédent, né à Saint-Claude
du Jura le 30oct. 4678, mort à Besançon le 24 juin 1732.
Il fit ses études en droit à l'université de Besançon ; puis
en 4720, il y obtint au concours une chaire de droit cano-
nique et civil. Dès lors, il partagea sa laborieuse existence
entre les travaux du jurisconsulte et les recherches de
l'érudit. Ses ouvrages historiques sont mal composés et
lourdement écrits : on a pu reprocher à leur auteur de
s'être approprié trop aisément ce qu'il trouvait à sa conve-
nance dans le bagage inédit de ses devanciers; mais on
doit reconnaître que ses informations sont généralement
consciencieuses, ses doctrines solides et ses jugements réflé-
chis. Deux de ses pubhcations juridiques, le Timté des
prescriptions (4730) et le Traité de la main-morte
(4733) ont fait longtemps autorité et sont encore cités
avec estime : le premier de ces traités a même été réim-
primé avec commentaires, en 4840, sous le titre de Nou-
veau Dunod. Ses autres ouvrages sont les suivants :
Commentaire sur le titre des successions et sur les
institutions contractuelles du comté de Bourgogne
(Besançon, 4723), in-8; Observations sur la coutume
du comté de Bourgogne [publication posthume] (Besan-
çon, 4736, in-4); Histoire des Séquanois et du comté
de Bourgogne (Dijon et Besançon, 4735-4740, 3 vol.
in-4) ; Histoire de l'église^ ville et diocèse de Besançon
(4730, 2 vol. in-4). Auguste Castan.
BiBL. \ Baron de Courbouzon, Eloge de Dunod., dans
les Travaux manuscrits de TAcadéinie de Besançon, 1759.
DUNOIS (Dunensis pagus). Ancien pays de la France,
compris autrefois dans le diocèse de Chartres ; il était
borné au N. par le Perche et le pays Chartrain, au S. par
le Vendômois et le Blésois, à l'E. par l'Orléanais et à l'O.
par le Maine et le Perche. Il avait pour ch.-l. (^hâteaudun.
Devenu comté au x« siècle, il fut plusieurs fois réuni au
Perche, vendu ensuite par Pierre de Craon, en 4382, à
Jean II, comte de Blois, acquis enfin en 4394 par Louis
d'Orléans, dont le fils l'échangea contre le comté de
Chartres avec son frère naturel, Jean, bâtard d'Orléans,
qui a conservé dans l'histoire le nom de Dunois.
BiBL. : Poulain de Bossay, Topographie archéolo-
gique du pays Dunois., dans les Mém. de la Soc. dunoise.,
1876, in-8.
DUNOIS (Jean, bâtard d'ORLÉANS, comte de), né vers
4403, mort au château de l'Hay le 24 nov. 4468. Fils
de Louis d'Orléans et de Mariette d'Enghien, femme d'Au-
bert Flamenc, sire de Canny, il fut élevé avec les enfants
légitimes de son père, auprès de Valentine Visconti, et eut
pour précepteur le célèbre médecin astrologue, Florent de
Villers. Après le meurtre de son père (4407), il accompagna
Valentine à Paris, pour demander justice et, elle morte (4 déc.
4408), demeura avec ses frères. Il assista à leurs côtés à la
réconciliation de Chartres (9 mars 4409) et suivit leur for-
tune dans la querelle des Armagnacs et des Bourguignons.
Quand Charles d'Orléans, pris à la bataille d'Azincourt
(23 oct. 4443), alla rejoindre en Angleterre son frère, le
comte d'Angoulême,le bâtard resta seul avec son troisième
frère, le comte de Vertus. Les Bourguignons ayant surpris
Paris (nuit du 28 au 29 mai 4448), il tomba*^ entre leurs
mains. Quand ils le relâchèrent (43 août 1420), son frère, le
comte de Vertus, venait de mourir (août) et le traité de
Troyes était signé (24 mai). Le bâtard étant sans fortune,
on lui conseilla, dit-on, d'entrer dans l'Eglise : ses goûts et la
nécessité de veiller sur les biens de ses frères l'en éloi-
gnèrent. Il s'attacha au parti du dauphin et fit sans doute
ses premières armes à la bataille de Baugé (22 mars 4424).
DUNOIS — DU NOYER
— 70 —
Il reçut alors la seigneurie de Vaubonnais en Dauphiné
(4 nov.) . En avr. 4422, il épousa Marie Louvet, fille de Jean
Louvet, favori du dauphin, qui devint bientôt roi (22 oct.).
Nommé conseiller et grand chambellan, il prit part à la
bataille de Verneuil (17 août 4424), mais la disgrâce de
Louvet (juin 4425), provoquée par le connétable de Riche-
mont, entraîna la sienne ; il se retira en Dauphiné avec son
beau-père. 11 ne tarda pas à en revenir (fin 4425 ou com-
mencement de 4426). La brillante délivrance de Montargis
(5 sept. 4427) commença sa réputation militaire. Pendant
la disgrâce du connétable, il prit la plus grande part à la
défense d'Orléans (42 oct. 4427-8 mai 4428). Griève-
ment blessé à Rouvray (42 févr.), il conseilla au roi d'ac-
cepter le secours de Jeanne d'Arc, dont il se défia pourtant au
début. Après la levée du siège, il la suivit devant Jargeau
et Beaugency (juin) et au voyage de Reims. Elle gagna sa
confiance en disant qu'elle voulait délivrer le duc d'Orléans.
Il l'accompagna dans sa tentative contre Paris (26 août)
mais il ne put l'empêcher d'être prise devant Com-
piègne, ni la sauver du bûcher (30 mai 4434), par une
diversion qu'il tenta en Normandie. Un hardi coup de main
lui donna Chartres (42 avr. 4432), d'où il menaça Paris
et força Bedford à lever le siège de Lagny (août). Il fit,
avec Richemont, une campagne dans le Nord et opéra sans
lui en basse Normand^e et aux environs de Paris pour
hâter la conclusion du traité d'Arras (20 sept. 4435) ;
mais il refusa de jurer ce traité, parce qu'il ne rendait pas
la liberté à son frère. Ayant, par la prise de Meulan
(24 sept.), facilité l'approche de Paris, il vint occuper la
c>apitale avec le connétable (43 avr. 4436), chassa, de
concert avec lui, les Anglais des environs, prit part au
siège deMontereau (fin août, 40 oct. 4437) et tint une
place d'honneur lors de l'entrée du roi à Paris (42 nov.).
Durant les deux années suivantes, il se donna tout entier
à la délivrance de ses frères, et le duc Charles lui fit don
du comté de Dunois et de la vicomte de Châteaudun, en
échange du comté de Vertus (24 jiiil. 4439). Au mois
d'octobre il épousa en secondes noces Marie d'Harcourt, fille
de Jacques d'Harcourt. Elle lui apportait des droits sur la
seigneurie de Parthenay, que Jean II Larchevêque, avait
été contraint délaisser au connétable. Aux Etats d'Orléans
(oct. 4439), Dunois conseilla de continuer la guerre, mais
son affection pour son frère Charles, affilié aux mécontents,
Pentralna dans la Praguerie. 11 tenta même d'arrêter le
connétable à Blois ; il est vrai qu'il fit le premier sa sou-
mission. Après la libération de Charles d'Orléans (44 nov.
4440), il prit part à ses intrigues : le duc l'employa à pré-
parer une seconde Praguerie, à négocier avec le duc de
Milan, puis à ménager sa soumission au roi (mai 4442).
Dunois fut aussitôt nommé lieutenant général dans le Nord.
Il mena le dauphin délivrer Dieppe (44 août 4443) et, au
retour, reçut le comté de Longueville. Il fut un des négo-
ciateurs de la trêve de Tours (20 mai 4444) et en fut
conservateur général. Il s'occupa de la réforme de l'armée
et reçut une compagnie de cent lances, avec le commande-
ment général des arrière-bans. Son refus de prendre part
à de nouvelles intrigues lui attira la rancune du dauphin,
qui confisqua sa terre de Vaubonnais. Il employa les années
4446, 4447 et 4448 à négocier pour Charles VII avec le
roi d'Angleterre, le duc de Bourgogne, le duc de Savoie,
l'antipape Félix V. Il était encore à Lausanne quand les
hostilités avec les Anglais recommencèrent (mars d449).
Nommé lieutenant général en Normandie (4 7 juil.), il prit
Pont-de-l' Arche, Verneuil, Pont-Audemer, Lisieux, Mantes,
Vernon, Gisors. et força Talbot à s'enfermer dans Rouen,
qu'il assiégea. Un soulèvement des habitants lui Hvra la
ville (48 oct.). La prise de Harfleur (44 déc), celle de
Ronfleur (48 févr. 4450) et deBayeux (46 mai) qui com-
pléta la victoire du connétable à Formigny (45 avr.), puis
la capitulation de Caen (1 juil.), celle de Falaise (25 juil.),
et de Domfront (2 août) achevèrent une conquête que
Charles VII qualifia de miraculeuse. En 4454, Dunois
reprit de même toute la Guyenne. La reddition de Bordeaux
(42 juin) et celle de Bayonne (48 août) furent les deux
grands épisodes de la campagne. Suivant quelques histo-
riens, Dunois aurait été alors légitimé, mais le fait n'est
point prouvé. Il ne prit part ni à la campagne du roi
contre le dauphin et Louis P^ de Savoie (oct. "4452) ni à
la bataille de Castillon (17 juil. 4453) ; il mettait alors
la Normandie en état de défense. Les Anglais ex-
pulsés, il fut mêlé à toutes les grandes affaires : négocia-
tions avec la Savoie, procès du duc d'Alençon, revision du
procès de Jeanne d'Arc, etc. Quand Richemont fut devenu
duc de Bretagne (22 sept. 4457), il obtint de lui l'expec-
tative des biens de J. Larchevêque (22 oct. 4458). La
mort d'Arthur III (26 déc.) lui valut donc Parthenay et
ses dépendances. Il resta toujours fidèle à Charles VII et
l'assista jusqu'à ses derniers moments (22 juil. 4464).
Louis XI ne le disgracia pas : il l'envoya négocier avec le
duc de Bretagne, puis le chargea de délivrer Savone. Cette
expédition, négligée par le roi, ne fut pas heureuse (4462-
4463). Après la mort de Charles d'Orléans (4 janv. 4465),
Dunois se laissa entraîner dans la Hgue du Bien public,
dont il fut le diplomate attitré ; ce fut lui qui négocia le
traité de Saint-Maur (20 oct. 4465). Il y gagna, pour sa'
part, 6,000 Hvres de pension. Son fils épousa même la
belle-sœur du roi, Agnès de Savoie (juil. 4466). Dunois
passa ses dernières années en pleine faveur et s'occupa
jusqu'à la fin des affaires du royaume. Il fut enterré dans
l'église de N.-D. de Cléry et Louis XI assista aux funé-
railles. Il laissait, de Marie d'Harcourt, deux filles et un fils,
François, qui hérita de ses titres et de ses grands do-
maines. E. COSNEAU.
BiBL. : Les chroniques du temps, surtout Monstrelet,
Basin, Berry, etc. — Vallet de Viriville, Histoire de
Charles VII. — G. du Fresne de Beaugourt, Histoire
de Charles VIL — Legrand, Histoire manuscrite de
Louis XI (à la Bibl. nation. ; fr. 6960). — Legeay, Hist.
de Louis XL — Les Histoires de D. Plancher, D. Vais-
sete, d. Lobineau, d. Morice, etc. — H. Wallon,
Jeanne d'Arc. — L'abbé Bordas, Hist. sommaire du Du-
nois; Châteaudun, 1884, 2 voL in-8. — Cosneau, le Conné-
table de Richemont, etc. — Mém. de l'Acad. des inscr .
etbelles-lettresAlSQ, t. XLIII, p. 578.— Pièces originales,
1037, 2157 et 2158 — Ms. fr. 20077, 20379 (BibL nat.).
DUNOON. Ville maritime d'Ecosse, arr. S.-E. du comté
d'Argyll, à l'O. de l'estuaire de la Clyde ; 4,69^2 hab. (en
1881). C'est une des stations balnéaires les plus fréquen-
tées de l'Ecosse. On y remarque les ruines d'un château
fort, ancien palais royal, qu'occupa plus tard la famille
d'Argyll, mais qui fut délaissé après 1700.
DUNOUY (Alexandre-Hyacinthe), peintre, paysagiste et
graveur, né à Paris en 1757, mort en 1843. Elève de
Briand, il a laissé de nombreuses Vues d'Italie, et on cite
parmi ses tableaux les plus importants un Orage (ancien-
nement au musée du Luxembourg).
DU NOYER (Marguerite Petit, dame), femme de
lettres française, née à Nîmes, de parents protestants, le
12 juin 1663, morte à Woorburg (Hollande) le 22 mai
1719. Après avoir voyagé avec sa famille en Suisse et en
Angleterre, elle abjura et fut mariée, en 1688, à Gérard
Du Noyer, capitaine au régiment de Toulouse. La discorde
finit par éclater dans cette union, et M^^ Du Noyer se ré-
fugia en Hollande avec ses deux filles. Elle y revint à sa
foi primitive, maria l'aînée de ses filles à un coreligionnaire,
nommé Constantin, rédigea pendant plusieurs années une
gazette , la Quintessence , et y écrivit des Lettres his-
toriques et galantes (Cologne, 1704, 7 vol. in-12), plu-
sieurs fois réimprimées sous divers titres. On y trouve, con-
tées dans une langue prolixe et diffuse, l'histoire de
l'évasion de l'abbé de Bucguoy (V. ce nom) et celle des
mésaventures conjugales de l'auteur ; dans une de ces édi-
tions donnéesparun anonyme (Londres, 1757, 9 vol.in-12),
les mémoires de M"^^ Du Noyer et ceux de son mari
contre elle sont suivis d'une comédie satirique, intitulée le
Mariage précipité, dirigée contre elle, sa fille aînée
Olympe et le fameux Jean Cavalier qui avait failli devenir
son gendre. Voltaire, exilé par son père à La Haye, pour
ses premières escapades, s'éprit aussi d'Olympe Du Noyer
- 71 ^
DU NOYER — DUNS SCOT
qui le paya de retour, mais leurs intrigues furent déjouées
à temps, et le mariage projeté par les deux amoureux n'eut
pas lieu. Plus tard, Olympe, ou, comme Voltaire l'appelait
familièrement, Pimpette^ devint la comtesse de Winter-
feld, hérita d'un oncle qui lui laissa, outre sa fortune, un
joli hôtel dans le faubourg Saint-Antoine, et resta veuve
en 1757. Voltaire la revit durant ses séjours à Paris et
lui rendit même service dans un moment de gêne, mais
leurs anciennes relations ne se renouèrent pas. M. Tx,
BiBL. : Haag, France protestante (v Petit). — G. Des-
NOiRESTERRES, laJeunesse de Voltaire. — Voltaire, Cor-
respondance générale. — Eug. Hatin, les Gazettes de Hol-
lande, 1865, in-8.
D U N 0 Y E R (Barthélemy-Charles-Pierre-Joseph) , éco-
nomiste français né à Carennac(Lot) le 20 mai 1786, mort
en 1862. Il fonda en 1814, avec Dubois, la revue intitu-
lée le Censeur, qui prit plus tard le nom de Censeur eu-
ropéen. Cette feuille courageuse lutta énergiquement
contre le gouvernement de la Restauration et succomba
sous les procès. Ses fondateurs, sous l'influence de J.-B.
Say, se livraient à l'étude de l'économie politique quand
la révolution de 1830 fit triompher les idées du Censeur.
Dunoyer entra dans l'administration et fut successivement
préfet de l'Alher, puis de la Somme, conseiller d'Etat,
membre de l'Institut (Académie des sciences morales et
politiques). Après le coup d'Etat de 1851 , il rentra dans la
vie privée et continua les travaux d'économie politique qu'il
n'avait jamais cessés pendant les loisirs de sa carrière ad-
ministrative. Son livre principal a pour titre : De la Liberté
du travail ou Simple Exposé des conditions dans les-
quelles les forces humaines s'exercent avec le plus de
puissance (Paris, 1845). On lui doit encore une Etude
comparée de l'Angleterre et de la France; un opuscule
sur la révolution du 24 févr. et de nombreux articles pu-
bliés dans le Journal des Economistes,
DUNRAVEN (Comtes de) (V. Qum).
DiJNS. Ville d'Ecosse, comté de Berwick, sur le Whit-
adder, au pied du Duns Law (200 m.); 2,437 hab.Eaux
ferrugineuses.
DUNSINNANE. Colline d'Ecosse (dans les Sidlaw Hills)
à l'E. du comté de Perth, en face de la colline de Birnam.
Restes d'une fortification que le peuple appelle Château de
Macbeth.
DUNS SCOT (Jean), célèbre théologien et philosophe
anglais que ses contemporains ont appelé le Docteur
Subtil, naquit, d'après les uns, au village de Duns, en
Ecosse; d'après les autres, dans le comté de Northum-
berland ; enfin, Wading, son biographe, lui assigne l'Ir-
lande pour patrie. Il y a une égale incertitude sur la date
de sa naissance, que l'on place tantôt en 1274, tantôt
en 1273, tantôt même en 1247. Quoi qu'il en soit, il
est certain que Scot entra chez les franciscains, qu'il
enseigna avec grand succès dans l'université d'Oxford.
Sa renommée et ses succès le suivirent dans l'université
de Paris où il enseigna en 1306-1307; de là, par
l'ordre de ses supérieurs, il passa à Cologne où il finit
ses jours en 1308. — La philosophie de Duns Scot est
contenue principalement dans ses commentaires sur les
livres De Anima et sur la Métaphysique d'Aristote,
dans ses Quodlibet et dans ses commentaires sur les
Sentences de Pierre Lombard. « Sous la plume du doc-
teur Subtil, dit très bien le cardinal Gonzalez {Histoire
de la philosophie, trad. fr., Paris, 1890-1891, t. II,
p. 322, 4 vol. in-8), les questions se subtiHsent en
quelque sorte, et à force de divisions , de subdivisions et
de distinctions de tout genre, elles sont réduites à une
espèce de poussière impalpable. Dans la quasi-impossibilité
où elle est de suivre l'auteur par des chemins aussi diffi-
ciles et aussi compliqués, l'intelligence court risque de
perdre de vue le fond du problème et sa solution, obs-
curcie par la multiplicité des divisions et des distinctions,
à quoi il faut ajouter l'emploi de formules nouvelles peu
usitées chez les écrivains précédents. » Duns Scot étant
catholique et religieux, les principales solutions de sa phi-
losophie sont par là même connues. Ce qui caractérise son
originalité comme penseur, c'est la critique rigoureuse à
laquelle il a soumis les arguments et les théories de ses
devanciers, c'est aussi un certain nombre de théories qui
lui sont propres, en particulier sa théorie du principe
d'individuation et sa théorie de la volonté ; ce sont enfin
les difficultés qu'il trouve à regarder comme démontrées
par la raison un certain nombre de propositions métaphy-
siques dont ses devanciers pensaient bien avoir fourni une
rigoureuse démonstration. Celui de ces devanciers qu'il at-
taque le plus ordinairement et dont il prend, pour ainsi dire,
constamment la contre-partie est saint Thomas d'Aquin.
D'après les scolastiques, comme d'après Aristote, tous
les êtres de la nature sont composés de matière et de
forme. Mais quand on a ramené pour l'expliquer un être
individuel, cet homme ou ce chien, à une matière et aune
forme, il reste encore quelque chose à expliquer, c'est à
savoir comment et pourquoi la matière qui,'de sa nature,
est indéterminée et la forme qui, de sa nature, est univer-
selle, se sont unies de façon à constituer cet être, cet
homme ou ce chien. D'où vient l'individuation de l'être,
quel est le principe de cette individuation ? Il est difficile
que ce soit la matière, puisqu'elle est indéterminée, cons-
tituée par une simple puissance, qu'elle peut être indiffé-
remment telle ou telle chose ; il est aussi difficile que ce
soit la forme, puisque les formes sont les lois constitutives
des choses et par conséquent sont générales. La forme de
l'homme est dans tous les hommes et la forme du chien
dans tous les chiens. Cependant saint Thomas avait admis
que le principe d'individuation se trouvait dans la matière,
non dans la matière absolument indéterminée, mais dans
la matière signala quantitate. Ainsi si Socrate est So-
crate, cela vient de ce que la matière de son corps a été
déterminée, quant à sa quantité, dans le sein de sa mère
par la constitution particulière de sa mère et par les in-
fluences d'hérédité qui lui viennent de son père. Cette
matière ainsi déterminée exige, pour être informée, une
certaine détermination de la forme qui constituera sa
forme individuelle ou son âme. Duns Scot n'admet pas
cette théorie. Pour expliquer l'individuation, il fait appel à
une entité qu'il appelle l'hœccéité (hœcceitas). Cette entité
n'est ni matière, ni forme, mais elle détermine la matière
et la forme de façon à produire l'individu. Ainsi si Socrate
est ce Socrate, c'est qu'il a l'hœccéité de Socrate, ce^ qui
revient à peu près à dire que si Socrate est cet individu,
c'est parce qu'il a une individualité. — C'est d'ailleurs la
tendance générale de Scot d'expliquer toutes choses par
des qualités occultes et de multiplier les entités. C'est lui
qui est en grande partie la cause de l'invention de ces
vertus, de ces facultés qui contenteront à si peu de frais
les scolastiques de la décadence (xiv«, xv^ et xvi^ siècles).
Saint Thomas, tout en maintenant avec un soin que
n'ont pas eu tous ses prétendus disciples l'intelligence et
la volonté sur le même plan, a cependant, comme il est
facile de le comprendre, recours le plus possible à l'intel-
ligence pour expliquer les choses. Ainsi jamais il ne sé-
pare en Dieu ni en l'homme rintelfigence de la volonté, il
ne donne nulle part, quoi qu'on en ait dit, une réelle
prééminence à l'intelligence sur la volonté, il maintient
partout leur union, leur harmonie, parfaite en Dieu, im-
parfaite en l'homme, et leur irréductibilité. Cependant,
comme la volonté pure représente la part d'inintelligible
qui se mêle aux choses, saint Thomas fait appel le plus
possible à l'intelligence pour rendre les choses intelligibles,
pour réduire, autant qu'il se peut, le mystère qu'elles en-
ferment, et c'est pour cela qu'on l'a parfois regardé comme
un purintellectualiste.— Duns Scot a la tendance contraire.
Il ne soumet pas, ainsi que l'ont ditSecrétan (Philosophie
de la liberté, 1. 1) et Weber (Histoire de la philosophie
européenne), l'intelligence aux caprices de la volonté,
mais il tend à réduire le rôle de l'intelligence au profit de
celui de la volonté. Ainsi il est faux de dire que Duns Scot
a soutenu que Dieu aurait pu faire un cercle carré ou
DUNS SCOT — DUNSTER
— 72 —
rendre les contradictoires identiques ; il dit au contraire
tout l'opposé [Sentent,, lib. I, dist. 43, q. 1) ; mais
Duns Scot croit que Dieu aurait pu donner aux êtres réels
des essences dilférentes et par suite changer avec les lois
de l'univers les lois mômes de la morale et, par consé-
quent, certains des commandements de ^\q\x [Sentent.^
lib. III, dist. 37, q. l). Cela se comprend : si les lois de
la nature sont contingentes, Dieu peut évidemment les
changer, et si la morale consiste pour l'homme à observer
sa loi, il est clair que sa loi venant à changer, la morale
changerait. Ainsi pour un homme auquel la propriété
n'eût pas été nécessaire, Dieu aurait pu ne pas interdire
le vol qui, à vrai dire, alors n'eût pas été un vol, mais
Dieu ne pouvait pas modifier le premier commandement,
car il est dans la nature des choses que Dieu doit être
adoré par l'intelligence dès que cette intelligence existe.
Duns Scot accorde donc beaucoup à la volonté, mais il lui
impose aussi des limites et c'est l'inteUigence qui les fixe.
Voici maintenant les points sur lesquels Dans Scot ne
pensait pas qu'on pût arriver par la raison à de véritables
démonstrations. C'est d'abord la toute-puissance de Dieu :
Omnipotentia videtur esse crédita de primo efficiente,
et non demonstrata. — C'est ensuite l'incorruptibihté
et l'immortaUté de l'âme : Licet ad illam probandam
sint rationes probabiles, non tamen demonstrativœ.
Non habebant (philosophi) nisi quasdam probabiles
persuasiones [Sentent., lib.IV,dist. 43, q. 2). C'est enfin
la connaissance de Dieu, non en tant qu'existant ou infini,
mais en tant qu'il constitue la fin naturelle de l'homme :
Soli rationi naturati insistendo, vel errabit circa fînem
ultimum in particulari, vel dubius remanebit. Ne-
cessario est sibi de hoc tradi aliqua cognitio superna-
turalis. — Ainsi Duns Scot a accordé beaucoup moins à
la raison que ne l'a fait son rival dominicain ; il tend à
subordonner l'ordre spéculatif à l'ordre pratique. Cette
dernière tendance et le caractère critique de sa philosophie
a suggéré des rapprochements entre Kant et Duns Scot.
Mais^si Duns Scot est un Kant, il ne faut pas oublier que
ses critiques ne portent jamais que sur certains usages de
la raison théorique et non sur la valeur de l'usage même de
cette raison. C'est un Kant dogmatiste. G. Fonsegrive.
BiBL : Wading, Vita Johan. Duns Scoti, placée en
tête de son édition des œuvres de Scot, Opéra oynnm;
Ivon 1639,12 vol. in-foL, et publiée à part; Mons, 1644,
inig — Pluanski, Thèse sur Duns Scot; Pans, 1887, in-8.
— Renan, Duns Scot, dans i'Hist. Litt. de la France (avec
la collaboration anonyme de M. Jules Soury).
DU N STABLE. Ville d'Angleterre, comté de Bedford,
à l'E. des collines de Chiltern ou Dunstable Doivns;
4,6i,7 hab. Beaucoup de vieilles maisons; abbaye fondée
par Henri P^* [Black Canons). C'est à Dunstable que fut
représenté en 1110 un mystère (miracle de sainte Cathe-
rine) qui est une des premières manifestations du théâtre
anglais.
DUNSTABLE ou DUNSTAPLE (John) compositeur an-
glais, originaire de Dunstable (Bedford), mort en 1458.
Prédécesseur ou contemporain de Binckois et de Dufay
(V. ces noms), il joua un rôle actif dans le développement
de l'art contrepointique, rôle affirmé par un passage de
Tinctoris, mais dont on demeura longtemps sans posséder de
preuves directes. Depuis une trentaine d'années on a découvert
successivement de Dunstable une chanson à trois voix dans
un manuscrit de la bibliothèque de Dijon ; deux morceaux
dans les mss. 10336 et 31922 du British Muséum ; quatre
dans le ms. 37 du Liceo musicale de Bologne ; trois dans
le ms. 2216 de l'Université de Bologne; quinze dans quatre
. manuscrits de la cathédrale de Trente ; plusieurs encore
' dans des manuscrits de la bibliothèque de Modène. La
chanson 0 Rosa bella du manuscrit de Dijon a été publiée
en partition par M. Morelot. M. Brenet.
DUNSTAN (Saint), prélat et homme d'Etat anglo-
saxon, né à Glastonbury en 925, mort à Canterbury le
19 mai 988. De noble Jignée, Dunstan fut élevé et ins-
truit par les moines irlandais du couvent de Glastonbury
et passa ensuite à la cour royale. Là, ses connaissances
et son habileté le firent accuser de sorcellerie. Il se réfugia
chez son oncle Elfheah, évêque de Winchester; celui-ci
finit par lui persuader, non sans diflîculté, de se faire
moine. Quelques années plus tard, le roi Edmond (940-
946) entendit parler de la science et de la piété de
Dunstan; il l'appela auprès de lui; mais le caractère
altier et dominateur du moine lui créa de nouveau des
ennemis qui l'obligèrent à fuir. Peu après, il obtint pour-
tant du roi l'abbaye de Glastonbury. Depuis lors, Pin-
fluence et l'autorité de Dunstan grandirent sans cesse
malgré l'opposition de ses adversaires. Pendant plus de
trente ans, l'histoire du royaume anglo-saxon coïncide à
peu près avec celle de Dunstan. Il dirigea entièrement les
affaires sous trois règnes. La plupart des actes publics les
plus importants de cette époque portent la signature de ce
moine. Sous Edred (916-955), Dunstan obtint l'ajimims-
tration du trésor royal. L'avènement d'Edvvy (955-959)
fut marqué par une scène caractéristique pour la hardiesse
et le courage de Dunstan. Il arracha le roi aux bras de son
épouse, illégitime suivant les canons ecclésiastiques,
mais nullement suivant les coutumes nationales. L'irri-
tation fut telle que Dunstan dut quitter le pays et se réfu-
gier à Gand. Presque aussitôt l'anarchie éclata dans le
royaume. La Northumbrie et la Mercie se détachèrent
d'Edwy et se donnèrent pour roi Edgar, le frère d'Edwy
(957). Dunstan, rappelé, exerça le pouvoir au nom de ce
roi, âgé seulement de quatorze ans. Quand Edwy mourut,
en 959, Edgar devint seul roi ; Dunstan, déjà évèque de
Worcester et de Londres (958), fut promu à l'archevêché
de Canterbury (959), qu'il occupa pendant trente ans.
Durant tout le règne d'Edgar (959-975), l'influence de
Dunstan fut incontestée. Son action fut double. Elle s'exerça
d'abord sur PEglise; il la réforma en régularisant le clergé
et en s'efiforçant de soumettre les moines à la règle de
Saint-Benoît. On lui a reproché d'avoir romanisé l'Eglise
et de n'avoir pas reculé devant la violence pour atteindre
ses fins ; mais il est évident qu'il ne pouvait même pas
penser à remonter la pente où s'était engagé le synode de
Strenaeshalch, en 664 (V. Culdéens), et qu'au x^ siècle
il était difficile de rien réformer sans violence. Par le
clergé régénéré, Dunstan propagea la civilisation dans le
pays et provoqua, après Alfred le Grand, comme une se-
conde renaissance, trop éphémère malheureusement à cause
des invasions danoises qui survinrent. Ainsi l'action de
Dunstan s'étendit aux aff'aires politiques du royaume ;
grâce à lui, un peu de justice et d'ordre pénétra dans la
société barbare de ses contemporains. L'avènement
d'Edouard (975-978) faillit être le signal de nouveaux trou-
bles. Dunstan convoqua une assemblée des grands [witan)
à Calne (Wiltshire), en 977 : pendant une allocution de
Dunstan, la partie du plancher qui portait les adversaires
de l'archevêque s'efi'ondra et la plupart d'entre eux péri-
rent; on y vit alors un jugement de Dieu; aujourd'hui, on
pense que la main de Dunstan, experte dans les arts mé-
caniques, n'a pas été étrangère à Paccident. D'ailleurs,
Edouard fut assassiné en 978; son frère, Ethelred, sur-
nommé plus tard Vlrrésolu, lui succéda. Dunstan garda en
main pendant dix ans encore les rênes du gouvernement.
Après sa mort, quand les Danois s'avancèrent jusqu'à
Malden, on constata bientôt que l'intelligence claire, la
ferme volonté, l'action rapide de Dunstan faisaient défaut.
Outre les chartes et les diplômes déjà mentionnés, il existe
au Musée britannique [Bibl. reg., 10., A, XIII) une Ex-
positio regulœ Benedicti de Dunstan. F. -H. Kruger.
Bibl.: Acta Sanct., 19 mai. — Wharton, Anglia
Sacra, II, pp. 88 et 211. — J. Lingard, History... of the
Anglosaxon Church; Londres, 1809, t. II, pp. 266 et suiv.—
Stubbs, Memorlals of saint Dunstan ; Londres, 1874.
DUNSTER (Charles), écrivain anglais, né en 1750,
mort à Petworth en avr. 1816. Après avoir fait ses études
à l'Université d'Oxford, il fut nommé recteur dans le comté
de Worcester en 1776, et devint recteur de Petworth en
1789. Il a beaucoup écrit. Nous citerons parmi ses ouvrages :
- 73
The Frogs of Aristopha7ies (1785); Paradise regained
with notes of varions authors (1795) ; Considération
on Milton's early reading and the prima stamina of
his Paradise Lost (1800) ; plusieurs traités religieux.
DUNTHORNE (Richard), astronome anglais, né à Rani-
sey (Huntingsdonshire) en 1711, mort à Cambridge le
10 mars 1775. Outre d'intéressantes communications faites
à la Société royale de Londres et insérées dans les Philo-
sophical Transactions (t. XLIV, XLVI, XLVIt et LU),
on lui doit : Ike Practical Astronomy ofthernooniO^^m-
bridge, 1739). L- S.
DUNTON (John), hbraire anglais, né le 4 mai lbt>9,
mort en 1733. A quatorze ans, il entra en apprentissage
chez Thomas Parkhurst, libraire de Londres, s'établit vers
1677 et commença à remporter de grands succès en impri-
mant les œuvres de Doolittle, de Jay, de Shower. En 1685,
il fit un voyage en Amérique, et à son retour fut impliqué
dans un procès pour dettes qui lui causa maint ennui. De
1689 à 1696, il édita VAthenian Gazette, se lança dans
la politique et finit misérablement. Il a écrit un grand
nombre d'ouvrages dont on trouvera la hste complète dans
la Biographie^de Leslie Stephen (t. XVI). Nous citerons
seulement : The Dublin souffle (iQ99) ; The Case of John
Dunton (1700); Ihe Life and errors of John Dunton
(1705, nouv. éd., 1818), qui contient de très curieux
détails sur les mœurs littéraires de l'époque; The Danger
ofliving in a known Sin (1708) ; Athenianism (1710) ;
A Cat may look at a queen (s. d.); Neck or JSothing
(1716). R- S.
D U NTZE (Johannes-Bartholomaiis), paysagiste allemand,
né à Rablinghausen, près de Brème, le 6 mai 1823. Cet
artiste commença ses études à l'Académie de Munich,
les continua à Berlin et à Genève dans l'atelier que
Diday et Calame venaient d'y fonder. Il se fixa en 1856 à
Dusseldorf. Ses tableaux les plus connus sont : Un
Paysage norvégien en été, Un Paysage iiéerlandais
près de Clèves, Une Partie du Grisou, Une Vue sur le
T heuer see
DÛNTZER (Johann-Heinrich- Joseph), philologue alle-
mand, né à Cologne le 12 juin 1813. Il fit ses études à
Bonn et à Berlin, et fut nommé, en 1846, bibliothécaire
du gymnase catholique de sa ville natale. Diintzer a fait
des 'travaux estimés sur les langues et les littératures
anciennes; mais il doit surtout sa réputation à ses
nombreuses publications sur la période classique de la
littérature allemande. Il est peu d'ouvrages importants de
Gœtheou de Schiller qu'il n'ait commentés ; il a publié une
Vie de Gœthe (Leipzig, 1880) et une Vie de Schiller
(ib., 1881). Il a pris une part considérable à la Deutsche
Nationalbibliothek de Hempel, et il est l'un des collabo-
rateurs de la Deutsche Nationallitteratur de Kiirschner.
Diintzer a essayé d'être poète à ses heures, comme le
prouve le volume anonyme : Adeline, Liebeslieder vom
Rheine (Cologne, 1860). A. B.
DUO. I. Musique.— Morceau de musique vocale dans
lequel deux voix s'unissent et se répondent pendant un temps
relativement considérable. Un duo de faible étendue et de
demi-caractère reçoit le nom de duetto. Dans le grand
nombre des cas, un duo est établi sur un motif posé par
l'une des voix, repris par l'autre et développé ou varié
jusqu'à un ensemble final de ces deux voix. Comme
exemple très clair et très pur de cette forme, nous cite-
rons le duetto célèbre, en mi bémol, de la Flûte en-
chantée. Il arrive quelquefois qu'un deuxième et même un
troisième motifs se présentent dans le duo, oti s'interca-
lent alors, pour ainsi dire, des épisodes mélodiques dis-
tincts ; c'est le cas du charmant duo du Freischûtz entre
Agathe et Annette. Enfin, surtout dans la musique con-
temporaine, le duo se transforme en une longue scène à
deux, graduée sur deux, trois, quatre, cinq, six motifs ou
davantage, et les voix ne s'unissent que rarement ou
point. Tels sont les grandes scènes à deux de Lohengrin
(2^ et 3^ actes), de' Tristan et Iseult(^^ acte), de la
DUNSTER ~ DUPAIN
Walkyrie (1®^ acte), du Crépuscule des Dieux (l^^acte),
de Parsifal (2® acte). Faire la nomenclature des duos
fameux nous entraînerait trop loin ; qu'il nous sufiise
de citer les duos classiques de Gluck [Alceste, Iphi-
génie, Armide), ceux de Méhul (Joseph, Euphrosine
et Conradin), celui de Richard Cœur de Lion de
Grétry; Beethoven a le sombre duo de Léonore et du
geôlier dans Fidelio ; Weber, ceux à'Euryanthe et du
Freischiltz ; Berlioz, le poétique duo des Troyens et celui
de la Damnation de Faust ; entre tous les duos de
Meyerbeer, celui de Raoul et de Valentine, au 4« acte des
Huguenots, occupe la place d'honneur. Nous en avons
indiqué précédemment plusieurs dans l'œuvre de Richard
Wagner, et il n'en manque pas dans le répertoire de Ros-
sini, de Bellini, de Verdi, non plus qu'aux œuvres de com-
positeurs comme Hérold, Bizet, MM. Lalo, Massenet et
Saint-Saëns. La majeure partie des duos sont écrits pour
voix d'homme et de femme, tels le duo de la Flûte (so-
prano et basse), celui des Huguenots (soprano et ténor),
le dialogue de Frédéric et Ortrude (baryton et mezzo-
soprano), etc. Mais il est aussi des duos pour deux voix
d'homme, comme ceux de Richard (ténor et baryton), et
d'Israël en Egypte (baryton et basse), ou pour deux voix
de femme, ceux d'Euryanthe (2« acte), du Freischiltz,
de Sigurd (entre Hilda et Brunehilde), ou celui du 2« acte
de Lohengrin entre Ortrude et Eisa. — Par extension,
on considère des duos écrits pour des instruments, par
exemple pour deux flûtes, deux violons, violon et violon-
celle, etc., qui peuvent être exécutés avec ou sans accom-
pagnement, suivant le cas. Quelquefois même, dans la mu-
sique de symphonie ou de drame, il s'établit momentané-
ment un court duo entre deux instruments de Torchestre
ou entre deux groupes d'instruments. Alfred Ernst.
IL Métallurgie. — On appelle duo un ensemble de deux
cylindres à axes parallèles concourant à un même laminage.
On emploie surtout cette expression par opposition à trio,
qui désigne l'ensemble de trois cylindres à axes parallèles ,
concourant dans un même axe à des laminages successifs
d'une même barre. L'inconvénient des duos c'est de de-
mander, quand ils ont fait subir un laminage à une barre,
au travers d'une cannelure, que cette barre repasse par-
dessus les cylindres pour revenir se présenter à la canne-
lure suivante. C'est une augmentation de travail et une
perte de chaleur. Avec les trios, au contraire, la barre
passe et repasse dans la série des cannelures sans fausses
manœuvres, à condition de l'engager alternativement entre
le cylindre du milieu et le cyhndre inférieur. Les duos,
plus exacts comme montage que les trios, servent surtout
aux finissages. L. K.
DUODÉCIMAL (Système). Système de numération dont
la base est douze. — Ce système n'a jamais été employé;
cependant on en retrouve les traces dans la division de
l'année en douze mois, du cercle en 360* (30 X 12) ;
dans l'habitude qu'ont les marchands de vendre à la douzaine
et à la grosse ou douze douzaines. Le système duodécimal
a cet avantage d'avoir une base divisible par 2, 3, 6.
DUODÉNUM (V. Intestin).
DUPAIN (Edmond-Louis), peintre français contem-
porain, né à Bordeaux lel3 janv. 1847. Il fit ses premières
études à l'école de dessin de sa ville natale, sous la direction
de Gué, et vint ensuite à Paris, comme pensionnaire de son
département. Il entra à l'atelier de Cabanel et devint un
des bons élèves de ce maître ; ses tableaux sont bien com-
posés, d'un dessin correct et d'un coloris agréable. Les
principaux sont : la Jeunesse et la Mort (S. 1875) ; por-
trait de Delaunay de la Comédie -Française (S. 1876) ;
le Bon Samaritain (S. 1877 ; pour l'église de Longwy,
Meurthe-et-Moselle) ; Saint Gervais et saint ^ Protais
marchant au supplice (id,, pour l'église de Pierrefitte,
Seine); le Droit de sortie d Bordeaux, xvi^ siècle(^. 1880 ;
pour le tribunal de commerce de cette ville) ; Mort de
Petion et de Buzot {^. l^'è^', acquis pour le musée
du Luxembourg) ; portrait du contre -amiral Mouchez,
DUPAÏN — DU PARC
— 74 —
direct, de l'Observatoire (S. 1887) ; Musique de rue^
Biskra (S. 4889). M. Dupain est aussi l'auteur d'un
plafond exécuté pour l'Observatoire de Paris en 1884, et
représentant le Passage de Vénus devant le soleil; la
composition en est ingénieuse et le coloris bien décoratif.
DUPAIN DE MoNTESsoN, géouiètre français, né vers 1 720,
mort vers 1790. Officier d'infanterie, il devint ingénieur-
géographe des camps et armées et fut l'un des précepteurs
de Louis XVI. Il a publié sur l'architecture et l'art militaires
et sur la planimétrie de nombreux ouvrages, parmi lesquels
nous citerons : les Amusements militaires (Paris, 1758,
in-8) ; U Art de lever les plans (Paris, 1763, in-8 ; 3^ éd.,
1804i; la Science de Varpenteur (Paris, 1766, in-8;
4^ éd., 1812); Nouveau Traité de trigonométrie rec-
tiligne (Paris, 1773, in-8); Vocabulaire de guerre
(Paris, 1783, 2 vol. in-8) ; Abrégé du toisé des ouvrages
rustiques (Paris, 1787, in-8), etc. L. S.
DU PAN LOUP (Félix-Antoine-Philibert), prélat fran-
çais, né à Saint-Félix (Savoie) le 3 janv. 1802, mort au
château de la Combe le 11 oct. 1878. Par son acti-
vité et son incontestable talent, par l'ardeur fougueuse
de son tempérament, il a joué un assez grand rôle dans
les controverses et dans les affaires publiques de son
temps. Il fut de bonne heure distingué pour ses rares
qualités d'esprit et, avant 1830, il devint tour à tour
confesseur du duc de Bordeaux, catéchiste des jeunes
princes d'Orléans, aumônier de W^^ la Dauphine. Sous la
monarchie de Juillet, nous le voyons tour à tour conféren-
cier à Notre-Dame, supérieur du petit séminaire de Paris,
vicaire général, enfin, en 1 841 , professeur d'éloquence sacrée
à laSorbonne. Mais la vivacité de ses attaques contre Voltaire
provoqua dans son nombreux auditoire des protestations tapa-
geuses et le cours fut suspendu après un petit nombre de
leçons. En 1845, il cessa aussi d'être supérieur du petit sémi-
naire et vicaire général ; il resta simple chanoine de Notre-
Dame. G 'est en 1849 que la fortune lui sourit de nouveau.
Il devint évêque d'Orléans et c'est dans ce siège épiscopal
qu'il déploya toute l'ardeur de son caractère. Ne se laissant
pas absorber par les soins de la prédication ou de l'admi-
nistration de son diocèse, il fut toujours au premier rang
parmi les polémistes cathohques. En 1850, il collabora à
la loi du 15 mars, où l'Université était manifestement sacri-
fiée aux établissements religieux. Devenu en 1854 membre
de l'Académie française, il se signala par son intolérance,
et sa brochure de 1863, Avertissement aux pères de
famille, dirigée contre les doctrines de MM. Littré, Maury,
Taine et Renan, fit échouer avec éclat la candidature de
M. Littré. Précédemment, en 1859, il avait dénoncé en
chaire « les calomnies vomies par la plume de M. Edmond
About ». Lorsque M. Duruy entreprit d'organiser, par des
cours ouverts dans les facultés, l'enseignement secondaire
des jeunes filles, l'évêque d'Orléans protesta avec violence
contre cette prétendue usurpation de l'Etat, s'indignant
avec emphase de voir les jeunes filles « passer du giron de
l'Eglise dans les bras de l'Université ». Lorsque le dogme de
l'infaillibilité papale fut proposé en 1869 au concile du
Vatican, Dupanloup, d'abord opposé, s'empressa de se sou-
mettre. Enfin, en 1871, élu membre de l'Assemblée natio-
nale par le dép. du Loiret, il se signala par son opposition
véhémente contre toutes les mesures libérales proposées
pour la réforme de l'enseignement et notamment contre les
projets relatifs à l'établissement de l'instruction obligatoire,
gratuite et laïque. Toujours prompt à l'attaque, ne se
contentant pas de défendre les droits de l'Eglise, prenant
l'offensive contre les représentants de l'esprit de tolérance et
de liberté, Dupanloup n'a été, comme on l'a dit, qu' « un
journaliste égaré dans l'épiscopat ». De toutes les polé-
miques qu'il a soutenues, deux seulement méritent notre
approbation complète : celle qu'il engagea avec l'abbé
Gaume pour défendre les auteurs profanes et les études lit-
téraires, et celle aussi qui fit de lui un adversaire déclaré
du système de la bifurcation et qui l'amena à se retirer du
conseil supérieur de l'instruction publique en 1852. Il y
rentra en 1873, après le 24 mai, et y fut le principal
promoteur de la réforme qui dédoubla les épreuves du bac-
calauréat es lettres. Dupanloup a publié un grand nombre
d'écrits dont quelques-uns ont eu un succès retentissant,
au moins par le bruit qu'ils ont provoqué : brochures poli-
tiques, discours de toute espèce, œuvres mihtantes en gé-
néral. Peu d'écrivains de notre temps ont été aussi féconds.
Mais la plupart de ces travaux, qui ne sont que des pu-
blications de circonstance, paraissent déjà condamnés à
l'oubli et c'est seulement par ses livres pédagogiques que
Dupanloup aura laissé une œuvre durable.
Dupanloup est, de tous les ecclésiastiques de ce siècle,
celui qui a le plus passionnément étudié les questions d'édu-
cation. Il rêvait, à n'en pas douter, d'être au xix^ siècle
le continuateur de Fénelon, son auteur favori. Divers ou-
vrages : la Femme studieuse (1863) ; la Femme chré-
tienne et française, et surtout son œuvre de prédilection,
les Lettres sur l'éducation des filles (1879), témoignent
de cette prétention. Et quelques lacunes que présente l'idéal
qu'il trace de T éducation féminine, il faut bien reconnaître
que Dupanloup a fait preuve, sur ce point, d'un certain
hbéralisme, qui lui a valu du reste les injures de la presse
ultramontaine. Grâce aux révélations du confessionnal et à
la direction spirituelle d'un grand nombre de femmes, il
savait à merveille quel vide une éducation incomplète de
l'esprit et du cœur laisse dans l'âme. Aussi appelle-t-il les
femmes à une véritable culture intellectuelle. Il ne veut
pas que leurs facultés restent « étouffées et inutiles ». Il
n'admet pas que la piété leur suffise et il les convie à des
études sérieuses. Ses conseils d'ailleurs ne s'adressent
qu'aux femmes des classes moyennes, à celles, dit-il,
qui à Paris habitent le troisième étage. Les œuvres péda-
gogiques de Dupanloup, en ce qui concerne les jeunes
hommes, ne sont pas moins considérables. Nous cite-
rons : le traité de VEducation (1851, 3 vol.); la
Haute Education intellectuelle (1853, 3 vol.) ; les Con-
seils aux jeunes gens sur r étude de l'histoii^e (1872).
Malgré leur longueur et leurs vastes proportions, ces
livres ne sont au fond que des pamphlets, des œ.uvres de
combat contre l'esprit moderne et les tendances démocra-
tiques de notre temps. Ils trahissent, par la violence du
langage et les exagérations de la pensée, le zèle fanatique
d'un apologiste catholique, plutôt qu'ils ne procèdent d'un
amour impartial de la vérité. Sans doute, la compétence
n'y manque pas : on y reconnaît l'ancien directeur du petit
séminaire de Paris, le protecteur et le conseiller du sémi-
naire d'Orléans. Mais précisément le défaut capital de ces
œuvres, toutes pénétrées d'esprit clérical, c'est que l'auteur
n'y franchit pas les limites étroites d'une éducation de
petits séminaires. Il n'écrit que pour les classes moyennes;
il n'a point souci de l'éducation populaire. Il attaque avec
emportement tous les éducateurs qui ont voulu prendre
la nature pour guide dans leurs essais théoriques ou leurs
entreprises pratiques. Il déteste l'Université. 11 couvre de
ses anathAmes l'instituteur laïque. Il reste enfin dans ses
écrits pédaiiogiques l'homme qui a inspiré la loi de réaction
du 15 mars 1850. Gabriel Compayré.
DU PARC (René Berthelot, sieur), acteur français,
mort vers 1670. Il faisait partie de la troupe que Molière
avait installée en 1645 au faubourg Saint-Germain, sous
le nom de V Illustre-Théâtre, et qui réussit peu, et il
suivit le grand homme lorsque celui-ci alla recommencer
ses pérégrinations en province. Il revint avec lui lorsque,
de retour à Paris, il s'y établit solidement avec l'agrément
de Louis XIV. Du Parc jouait les comiques, et l'on peut
avoir une preuve du talent qu'il y déployait par ce fait que
c'est à lui que Molière confia le rôle si important et si joli
de Gros-René dans le Dépit amoureux. On croit cependant
qu'à la mort de Jodclet il quitta son vieil ami pour aller
remplacer cet acteur célèbre à l'Hôtel de Bourgogne.
DU PARC (Marguerite), femme du comédien de ce nom,
actrice française, née vraisemblablement vers 1635, morte
à Paris le 13 déc. 1668. Elle faisait, ainsi que son mari,
— 75 —
DU PARC — ÛUPATY
partie de la troupe de Molière en province et s'y maintint
lorsque le grand homme revint s'établir définitivement à
Paris. On sait que Molière en fut amoureux, et Racine
aussi, qui la lui enleva; d'aucuns prétendent même que
Corneille , quoique vieux à cette époque, fut au nombre
de ses adorateurs. W^^ Du Parc était d'ailleurs d'une
beauté noble et imposante, et à cette beauté elle joignait
un talent rare, soit dans la comédie, soit dans la tragédie;
elle dansait même, dit-on, d'une façon remarquable. Elle
créa, sur le théâtre de Molière, entre autres rôles, ceux
de Dorimène dans le Mariage forcé, d'Aglante dans la
Princesse d'Elide, de Cathos dans les Précieuses ridi-
cules, de CéHe dans le Cocu imaginaire, d'Elvire dans
Don Garde de Navarre, d'Orante dans les Fâcheux, de
Climène dans la Critique de l'Ecole des Femmes, de
]\liie D^ Parc dans P Impromptu de Versailles, d'Arsinoé
dans le Misanthrope, d'Elvire dans le Festin de Pierre,
de Mélicerte dans Mélicerte, d'Héro dans Héro et Léandre,
de Gilbert, d'Axiane dans Alexandre, de Racine, etc. C'est
même à la suite du succès qu'elle avait obtenu dans ce
dernier ouvrage que Racine, ingrat, comme on le sait,
envers Molière, jugea à propos de lui enlever M^^® Du Parc
et de la faire engager au théâtre de l'Hôtel de Bourgogne,
où il allait lui confier le rôle à'Andromaque. Mais ni
elle ni Racine ne jouirent longtemps du très grand succès
qu'elle obtint dans ce rôle, puisqu'elle mourut à la fin de
l'année suivante. A. P.
DU PARC (Jean-Louis-Léon-René), marin français, né
à Leyde le 28 mars 1798, mort à Paris en 1855. Entré
dans la marine en 1812, il était capitaine de corvette en
1836 lorsqu'il fut mis en jugement à la suite de la perte
du navire qu'il commandait. Acquitté, il devint en 1840
capitaine de frégate. Il est surtout connu par les nombreux
progrès qu'il fit réaliser à la navigation à vapeur. Notam-
ment, il perfectionna le système des navires à aubes, le
clinomètre marin de Conninck et fit établir à la mer une
école de chauffage sur les bâtiments à vapeur. Outre des
mémoires insérés dans les Annales maritimes, on a de
lui : Clinomètre marin (Paris, 1840, in-8); De la Vis
et autres propulseurs pour les bâtiments à vapeur
(1842, in-8) ; Essai de tactique navale pour les bâti-
ments à vapeur (1846, in-8), etc.
D U P AR G (Florence) , actrice et chanteuse de café-concert,
née à Paris vers 1855. D'abord ouvrière en fleurs, puis en
bijoux, elle abandonna son état pour se livrer à son goût
pour le théâtre. Engagée au théâtre Cluny, elle part en
1873 pour Le Caire, où elle faisait partie de la troupe
française du khédive. De retour en France, elle entre au
Palais-Royal, puis, de 1875 à 1878, va faire une grande
tournée en Amérique. C'est en 1878 que, revenue à Paris,
elle commence à obtenir d'énormes succès comme chanteuse
de café-concert, d'abord à l'Alcazar, puis à l'Eden-Concert,
au Concert-Parisien et à la Scala, où elle est considérée
comme une étoile et payée en conséquence. On assure que
M^^® Duparc a gagné dans ces divers établissements jusqu'à
4,500 fr. par mois.
DUPASQUIER (Charles), homme politique français, né
à Chambéry le 14 août 1804, mort le 16 avr. 1880.
Magistrat en Savoie avant la réunion à la France, gouver-
neur de cette province en 1860, il fut nommé président
de chambre à la cour d'appel de Chambéry et promu en
1866 premier président. Le 30 janv. 1876, il fut élu sénateur
de la Savoie, siégea à droite, appuya le gouvernement du
16 mai et vota ensuite contre les ministères républicains.
DUPATY (Charles-Marguerite-Jean-Baptiste Mercier-),
littérateur et magistrat français, né à La Rochelle le 9 mai
1746, mort à Paris le 17 sept. 1788. Elève du collège de
Beauvais à Paris, où il eut Thomas pour professeur de troi-
sième, il fut élu membre de l'Académie de La Rochelle dès
l'âge de dix-neuf ans. Nommé avocat général au parle-
ment de Bordeaux le 10 févr. 1768, Il fut, lors de la
lutte de la magistrature contre les réformes de Maupeou,
conduit à Pierre-Encise, tenu au secret, puis exilé à Roanne
(sept. 1770), et ne reprit son siège qu'en 1775, en pro-
nonçant un discours de rentrée qui fit sensation. Son élé-
vation au titre de président à mortier (1778) souleva de
longues diflicultés parce qu'il n'était point noble, et le roi,
pour contraindre les résistances, dut envoyer des lettres de
jussion. En 1785, Dupaty résigna sa charge et fit un
voyage en Italie où il ne retrouva pas sa santé ruinée par
le travail et les veilles. Avant de s'éteindre, il eut du
moins la joie de voir casser le jugement inique qui condam-
nait à la roue trois paysans des environs de Chaumont,
Bradier, Simarre et Lardoise, accusés d'assassinat et défi-
nitivement hbérés le 18 déc. 1787, après des années de
luttes et d'eff'orts, et malgré un arrêt du parlement de Pa-
ris, ordonnant la destruction par le bourreau du Mémoire
justificatif de Dupaty. Un Discours dans la cause d'une
veuve accusée d'avoir forfait avaîit Van de deuil (1769,
in-8) , des Lettres sur la procédure criminelle en
France (1788, in-8) et des Réflexions historiques sur les
lois criminelles (1788, in-8) se rattachent également à
sa carrière judiciaire; toutefois, pour ses contemporains, il
fut surtout l'auteur des Lettres sur l'Italie (1788, 2 vol.
in-8), dont le succès, attesté par de nombreuses éditions,
nous semble aussi peu justifié que celui des Lettres sur la
mythologie de Demoustiers ; mais les défauts qui nous cho-
quent dans ces amplifications sentimentales sont précisé-
ment ce qui en fit la vogue. M. Tx.
BiBL. : Robespierre, Eloge de Dupaty, 1789, in-8. —
L. Délayant, Notice, extraite des Mémoires de l'Acadé-
mie de La, Rochelle, 1857, in-8.
DUPATY (Louis-Marie-Charles-Henri Mercier-), sculp-
teur français, né à Bordeaux le 29 sept. 177d, mort à
Paris le 12 nov. 1825. Fils du précédent, il fut d'abord
destiné par son père à la magistrature, mais il renonça
bientôt à cette carrière pour étudier la peinture avec Valen-
ciennes et Vincent ; au Salon de 1793, il exposa même
trois dessins de paysages. Cependant il abandonna les
pinceaux pour l'ébauchoir et étudia la sculpture dans l'ate-
lier du baron Lemot ; en 1799, il remportait le grand prix
de Rome, sur un bas-relief représentant Périclès visi-
tant Anaxagoras. l\ ne partit qu'en 1803 pour l'Italie
où il resta pendant huit ans. La première œuvre de sculp-
ture qu'il exposa fut la statue en marbre de Philoctète
blessé qui parut au Salon de 1810 ; il exposa ensuite aux
Salons de 1812, 1814, 1817, 1819 et 1822. Ses œuvres
principales sont : Ajax, statue marbre ; Venus genitrix,
statue marbre ; Madame mère de Napoléon P"^, statue
marbre ; un groupe de trois figures représentant Oreste
tourmenté par une Euménide, au moment où il vient
de frapper Clytemnestre ; Crt(imzis, statue marbre ; Vénus
devant Paris, statue marbre ; Biblis, statue marbre. lia
fait, pour l'église Saint-Germain des Prés à Paris, le groupe
en marbre de la Vierge et V Enfant Jésus. Le musée de
Versailles possède de cet artiste la statue en marbre du
Général Leclerc, statue entièrement nue, placée d'abord
dans l'escaUer du Louvre. Charles Dupaty fut élu, le
21 mars 1816, membre de l'Institut ; la même année, on
lui commanda la statue équestre de Louis XIII ; il en ter-
mina le modèle en plâtre, mais le marbre qui figure au
milieu de la place des Vosges à Paris a été exécuté par
le sculpteur Cortot. Le groupe de la France et la Ville de
Paris pleurant sur l'urne du duc de Berry, destiné au
monument projeté pour la place Louvois, fut laissé ina-
chevé par Dupaty et terminé aussi par Cortot ; il a été
placé dans la crypte de l'église abbatiale de Saint-Denis.
Le buste de Dupaty a été sculpté par son élève Louis-Victor
Bougron ; une médaille le représentant a été gravée par
Gatteaux. Maurice Du Seigneur.
BiBL. : QuATREMÈRE DE QuiNCY, Noticc biographique;
Paris, 1834. — Coupin, Notice biographique (avec portr.
grav.) ; Paris, 1825, in-8.
DUPATY (Louis-Emmanuel Mercier-), littérateur fran-
çais, né à Bianquefort le 30 juil. 1775, mort en 1851,
frère du précédent. Entré dans la marine, il passa ensuite
dans le génie militaire qu'il abandonna pour la littérature.
DUPATY — DUPERRÉ
— Te-
ll vint à Paris, et s'était déjà fait remarquer par diverses
pièces et surtout par un opéra-comique, les Valets dans
r antichambre (joué au théâtre Feydeau en 4802), lorsque
le gouvernement, qu'il y avait criblé d'allusions malignes, le
fit transportera Brest sous prétexte qu'il n'avait pas achevé
son congé. Grâce à l'intervention de Joséphine, il put éviter
d'être embarqué pour Saint-Domingue où il devait rejoindre
l'armée de Leclerc. Il travailla alors constamment pour le
théâtre, et la plupart de ses pièces obtinrent de fort grands
succès au Vaudeville et à l 'Opéra-Comique. En 1835, Dupaty
fut élu membre de l'Académie française. Il avait été nommé,
par la Restauration, conservateur de la bibliothèque du roi.
Nous citerons de lui : le Chapitre second (1799, in-8);
D'Auberge en auberge (1802, in-8); la Jeune Prude
(1804, in-8) ; le Jaloux malade (1805, in-8) ; Ninon
chez M'^^ de Séuigné (1808, in-8); Mademoiselle de
Guise (1808, in-8j; le Camp de Sobieski (1813, in-8) ;
Félicie ou la Jeune Fille romanesque (1815, in-8); la
Fête de Meudon (1810, in-8); la Jeune Mère (1806,
in-8); les Deux Pères (1804, in-8) ; le Poète et le Musi-
cien (1811, in-8) ; le Portrait de Juliette (iS0^,m-i6);
Sophie ou le Malade gui se porte bien (1802, in-8);
les Vélocifères (1804, in-8), sans compter beaucoup
d'autres pièces en collaboration avec Pavie, Bouilly, Chazet,
Dieulafoy, Léger, Ségur, Scribe et autres, des Chansons
qu'il fournit au Caveau et aux Dîners du Vaudeville, et
sa collaboration à la Minerve^ à Y Abeille^ à V Opinion, etc.
DU PAYS (Joseph-Augustin), publiciste français, né à
Paris le 14 janv. 1804, mort à Fontainebleau le 2 août
1879. Collaborateur ôeV Illustration depuis 1845, il donna
dans ce journal des critiques artistiques et des Salons qui
furent remarqués. On peut citer de lui : Itinéraire des-
criptif, historique, artistique et industriel de la Bel-
gique (Paris, 1860, in-12); Itinéraire de la Hollande
(1861, in-12); Itinéraire de V Italie et de la Sicile
(1865, 2 vol. in-12); Rome et ses environs (1870,
in-32), qui font partie de la collection des guides Joanne
et ont eu plusieurs réimpressions ; une traduction du iio-
land furieux de l'Arioste, etc.
DUPÉRAC (Etienne), architecte, peintre et graveur
français, né à Paris vers 1535, mort en 1604. Il passa
une partie de sa vie en Italie où il fit de nombreuses gra-
vures, toutes datées de 1565 à 1578. En 1572, il devint
architecte du conclave. Etienne Dupérac a surtout reproduit
des monuments anciens de Rome et des environs. C'est la
partie la plus intéressante de son œuvre. Ces estampes sont
réunies dans un livre intitulé / Vestigi délia Antichità de
Roma (1575). Lorsqu'il revint en France, il dédia à lareine
Marie de Médicis les Vues perspectives des jardins de
Tivoli (1582). A son retour d'Italie, il devint,en 1582, archi-
tecte de Charles de Lorraine, duc d'Aumale, pour lequel il
traça, d'après Mariette, les jardins du château d'Anet, ceux
du Château-Neuf et de Saint-Germain-en-Laye. Comme peintre
et architecte du roi, il peignit dans la salle de bains du château
de Fontainebleau, cinq tableaux, détruits en 1697, représen-
tant les Dieux des eaux et hs Amours de Jupiter et de Cal-
listo, et travailla en 1 597 aux châteaux des Tuileries, de Saint-
Germain-en-Laye et au palais du Louvre. Ses gravures
sont dans legoûtde celles de l'école de Fontainebleau.
BiBL. : FÉLiBiEN, Entretiens sur les vies et les ouvrages
des plus excellents peintres anciens et modernes^ avec la
vie des architectes; Trévoux, 1725, t. III, pp. 126-127. —
Mariette, Abecedario, t. II. — Passavant, le Peintre-
graveur, t. I, p. 258. — RoBERT-DuMESNiL, Ic Peintrc-
graveur français, t. VIII,pp.|89et suiv. — Duplessis, His-
toire de la gravure en France.
DUPÉrIeRou DUPERRIER (Charles), poète français,
né à Aix, mort à Paris le 28 mars 1692. Il est l'auteur de
poésies couronnées par l'Académie, et d'une infinité de petites
pièces qu'il avait le mauvais goût de réciter à tout venant,
si bien que Roileau lui donna place dans son Art poétique :
Gardez-vous d'imiter ce rimeur furieux
Qui, de ses vains écrits lecteur harmonieux,
Aborde en récitant quiconque le salue
Et poursuit de ses vers les passants dans la rue.
Son cousin, Scipion Dupérier, né à Aix en 1588, mort
en 1667, auteur de Questions notables et autres traités
juridiques réunis sous le titre d'6Ez^i;ré's (Toulouse, 1760,
3 vol. in-4) est le fils de François Dupérier si connu par
l'ode que Malherbe écrivit sur la mort de sa fille :
Ta douleur, Dupérier, sera donc éternelle...
DUPERRAY (Michel), jurisconsulte français, né au Mans
vers 1647, mort à Paris le 25 avr. 1730. Avocat au par-
lement de Paris, il s'est beaucoup occupé du droit canon et
avait acquis en cette spéciahté une certaine autorité. Parmi
ses ouvrages nous citerons : Traité de l'état et de la
capacité des ecclésiastiques pour les ordres et les béné-
fices (Paris, 1703, in-4) ; Traité des droits honorifiques
et utiles des patrons (1710, in-12); Observations sur
redit de la juridiction ecclésiastique (1718, in-12);
Traité des dispenses de mariage (1719, in-12); Traité
historique et chronologique des dîmes (1719, in-12);
Traité sur le partage de fruits des bénéfices entre les
bénéficiers et leurs prédécesseurs ou leurs héritiers
(1722, in-12); Questions et Observations sur le con-
cordat (1722, 3 vol. in-12); Traité des moyens cano-
niques pour acquérir et conserver des bénéfices (1726,
4 vol. in-12) ; Traité des portions congrues de curés et
vicaires perpétuels (1688, in-12), etc.
DUPERRÉ. Village d'Algérie, dép. d'Alger, arr. de
Mihana, ch.-l. d'une com. de plein exercice; 2,839 hab.,
dont 545 Français et 63 Européens. Stat. du chem.
de fer d'Alger à Oran, sur le Chéliff. Duperré a été créé
par décret du 7 oct. 1859 et a été ainsi appelé du nom
de l'amiral qui conduisit à Alger l'expédition de 1830.
Le village est situé au pied du djebel Doui, en un endroit
appelé par les indigènes Aïn-Defla, au milieu de terres
très propres à la culture des céréales et du tabac. Près de
la, sur la colline d'El-Khadra, sont les ruines de la ville
romaine d'Oppidum novum. E. Cat.
DUPERRÉ (Guy- Victor, baron), amiral français, né à La
Rochelle le 20 févr. 1775, mort à Paris le 2 nov. 1846.
Parti comme novice en 1791, il fut nommé aspirant en
1795, lieutenant de vaisseau en 1802, capitaine de vais-
seau en 1808, contre-amiral en 1811, amiral et pair de
France en 1830. L'amiral Duperré resta en Angleterre
comme prisonnier de guerre pendant dix-huit mois : il
s'illustra par de nombreux faits d'armes dans les diverses
campagnes qu'il entreprit aux Antilles , dans le golfe
du Bengale, à Madagascar et en Algérie. Il fut un des
vainqueurs du combat du Grand-Port , et le héros de
l'engagement de la Sirène. C'était en 1808; la Sirène,
retour des Antilles, fut attaquée par un vaisseau et une fré-
gate portant le pavillon anglais. Duperré soutint pendant
plus d'une heure le feu de l'ennemi; il se jeta à la côte
afin de ne pas laisser son bâtiment aux mains de l'en-
nemi. Puis, au lieu d'écouter son pilote qui le pressait vive-
ment d'abandonner le navire, il fit des prodiges pendant
trois jours et trois nuits, et rentra à Lorient malgré l'es-
cadre ennemie qui croisait dans les environs de Groix. Il
apparut en vue de Port-Louis alors que tout le monde le
croyait perdu. Appelé en 1834 au ministère de la marine
pour succéder à M. de Rigny, il prit une série de mesures
dont le besoin s'imposait : il organisa le service de santé,
le corps du commissariat, la gendarmerie coloniale, et réor-
ganisa l'administration centrale et l'artillerie de la marine.
Au bout d'environ deux ans, il quitta le ministère et le
reprit en 1839 pour le garder encore une année.
BiBL. : F. Chassériau, Vie de l'amiral Duperré; Paris,
1848, in-8.
DUPERRÉ (Victor- Auguste, baron), amiral français, né
à Paris le 4 août 1825. Fils du précédent, il entra dans la
marine en 1840, et fut successivement aspirant en 1842,
enseigne en 1846, heutenant de vaisseau en 1851, capi-
taine de frégate en 1859, capitaine de vaisseau en 1861,
contre-amiral en 1873, vice-amiral en 1879. Il exerçait les
fonctions de vice-président du conseil d'amirauté, quand la
— 77
limite d'âge est venu l'atteindre, le 4 août 1890. Il a été
gouverneur de la Cochinchine.
DUPER RÉ (Charles-Marie), vice-amiral français, né à
Baguer-Morvan (Ule-el-Vilaine) le 14 sept. 1832, neveu de
l'amiral Guy-Victor Duperré. Entré à l'Ecole navale dès
l'âge de quinze ans, il fut nommé enseigne de vaisseau le
8 mars 1854. Il prit part aux expéditions de la Baltique
et à la guerre d'Italie, et fut aide de camp du prince impé-
rial (1867). Promu contre-amiral le 8 oct. 1878, il fut
placé à la tête de la division navale des mers de Chine et
du Japon. Vice-amiral depuis le 4nov. 1884, il est entré
au conseil des travaux de la marine et a été ensuite préfet
maritime à Lorient (1885), à Cherbourg (1887), à Toulon
(1888); au 1^"^ juin 1890, il a été nommé commandant
en chef de l'escadre de la Méditerranée. Il fut remplacé le
5 octobre 1891, par le contre-amiral Rieunier.
BiBL. : Etienne Tréfeu, Nos MaiHns; Paris, 1888, in-8.
DUPERREUX(Alexandre-Louis-Robert-Millin), peintre,
né à Paris en 1764, mort à Paris en avril 1843. Elève de
Huet et Valenciennes, il a laissé quelques paysages animés
de figures, et des vues.
DUPERREY (Louis-Isidore), marin français, né en 1786,
mort en 1865. Il entra en 1802 dans la marine militaire et
fit deux longs voyages autour du monde, le premier sur
VUranie, l'autre sur la Coquille, Il s'occcupa beaucoup
d'hydrographie et d'histoire naturelle. En 1842, il fut élu
membre de l'Académie des sciences.
DUPERRON (Jacques Davy, cardinal), homme d'Etat
français, né près de Berne le 25 nov. 1556, mort à Paris
le 5 sept. 1618. Appartenant à une ancienne famille nor-
mande qui s'était convertie au protestantisme et, pour éviter
des persécutions, s'était établie en Suisse, il fut instruit par
son père, médecin et ministre protestant fort lettré. De
retour en France vers 1562, il se trouvait à Rouen au mo-
ment où la ville fut assiégée et prise par Charles IX ; son
père fut emprisonné, et il réussit à s'échapper avec sa mère
et à se réfugier à Jersey. Il s'étabHt par la suite en Nor-
mandie et fut mis en relations avec le maréchal de Matignon
qui le présenta à Henri III à l'occasion des Etats de Blois
(1576). Duperron, très fin et très souple, réussit merveil-
leusement à la cour, se lia d'amitié avec Philippe Desportes
et Touchard et fut fort protégé par le duc de Joyeuse. Il
vint bientôt à Paris où il donna des conférences (on les
appelait alors des disputes) très suivies sur des questions
de philosophie et de mathématiques. Il abjura le protes-
tantisme, fut aussitôt nommé lecteur du roi, prêcha devant
Henri III à Vincennes, fit l'éloge de Ronsard en la chapelle
du collège de Boncour (1586), prononça en 1587 l'oraison
funèbre de Marie Stuart, et ayant, la même année, perdu à
la bataille de Coutras son protecteur Joyeuse, écrivit sur
l'ordre du roi une sorte d'élégie, V Ombre de M, Vamiral
de Joyeuse. Duperron commençait à se rendre indispensable
au roi qui l'emmena aux Etats de Blois de 1588 et lui fit
composer sa harangue. A la mort de Henri III, il passa dans
la maison du cardinal de Bourbon, connu pour protéger les
gens de lettres, intrigua quelque peu contre Henri IV, puis,
recommandé par Gabrielle d'Estrées, réussit à faire oublier
sa conduite et fut nommé évêque d'Evreux (1591). Il tra-
vailla alors activement à la conversion de Henri IV. Après
l'abjuration, il joua un rôle prépondérant à la conférence de
Mantes avec les protestants, et négocia à Rome l'absolution
du roi (1594-95). Il avait à cette occasion reçu les titres
de premier aumônier et de conseiller d'Etat. En 1596, il
assistait à l'assemblée des notables à Rouen, prenait posses-
sion effective de son évêché et se mettait à prêcher passion-
nément sur la controverse. Il se trouva de cette manière
entraîné à des polémiques extrêmement vives avec les pro-
testants, exaspérés surtout des conversions éclatantes qu'il
faisait (celles entre autres de Palma-Cayet et de Sancy, le
général des Suisses). Enhardi par ces succès et la faveur
que ne cessait de lui témoigner la cour de Rome, Duperron
s'attaqua à Duplessis-Mornay : leur querelle s'envenima
tellement et prit de telles proportions en un temps où les
DUPERRÉ — DUPES
atfaires de religion primaient tout, que le roi fit réunir la
célèbre conférence de Fontainebleau (4 mai 1600). Duperron
y remporta un véritable triomphe qui humilia fort le parti
de la Réforme. Aussi en fut-il récompensé par le chapeau de
cardinal (1604). Henri IV avait eu à plusieurs reprises
l'occasion d'utiliser les qualités diplomatiques de l'évêque
d'Evreux; à la fin de 1604, il l'envoya à Rome comme
chargé d'affaires. Duperron prit une part active à l'élection
des papes Alexandre de Médicis (Léon XI) et Camille Bor-
ghèse (Paul V), à l'affaire de la grâce pendante entre les
dominicains et les jésuites, négocia avec le cardinal de
Joyeuse la réconciliation du pape avec le gouvernement de
Venise mis en interdit. En 1606, il fut nommé archevêque
de Sens, grand aumônier et commandeur de l'ordre du
Saint-Esprit. Revenu en France en 1607, il s'occupa de la
création du Collège royal de France (1609), et on allait
commencer les constructions lorsque Henri IV fut assassiné.
Membre du conseil de régence, Duperron obtint qu'on reprît
le projet du roi concernant le Collège royal dont Louis XIII
posa la première pierre le 28 aotlt 1610. Puis il fut absorbé
par une série d'affaires purement théologiques où il main-
tint avec une énergie excessive les doctrines ultramontaines ,
doctrines qu'il soutint encore aux Etats généraux du 27 oct.
1614 en attaquant vivement un article du tiers état sur la
sûreté des rois. Il assista le duc d'Anjou à l'assemblée
des notables de Rouen en 1617, puis passa la dernière
année de sa vie dans une retraite presque absolue, unique-
ment occupé de la publication de ses ouvrages. Nous
citerons de lui : les Diverses OEuvres de l'illustrissime
cardinal Duperron (Paris, 1622, in-fol.); Réplique à la
réponse du roy de la Grande-Bretagne (iQ'^O, in-iol.) ;
Traité du Saint- Sacre ment (iQi'i, in-fol.); Réfutation
des objections tirées des passages de saint Augustin
contre r Eucharistie (1624, in-fol.) ; Oraison funèbre
sur la mort de M. de Ronsard (1586, pet. in-8) ;
diverses poésies de lui, qui ne manquent pas d'agrément, se
trouvent dans le Cabinet des Muses (1619) et les Délices
de poésie françoise (i6W et 1627). C. Dupuyadonné un
recueil de bons mots et de remarques critiques de Duperron
ou à lui attribués, P^rroma/za (La Haye, 1666; Cologne,
1669, in-12). — Jean Davy-Duperron, mort à Montau-
ban le 24 oct. 1621, frère du précédent et son coadjuteur,
lui succéda dans l'archevêché de Sens. — Jacques Davy-
Duperron, neveu des précédents, mort le 14 févr. 1649,
fut nommé en 1636 évêque d'Angoulême et en 1646 évêque
d'Evreux. Il eut le titre de grand aumônier de la reine
Henriette-Marie d'Angleterre. R. S.
BiBL. : Ces. DE LiGNY, Ambassades et négociations du
cardinal Duperron ; Paris, 1618, in-foi. — A. Duval, Spe-
lunca Mercuriiseupanegyriciis J. Davy Duperron; Paris ^
1611, in-8. — J. CoNDENTiAL, Larmes de la France sur le
tri'pas du Cardinal Duperron ; Paris, 1618, in-8. — N. de
Neuville, Oraison funèbre de J. Davy^ cardinal Duper-
ron ; Paris, 1618, in-8. — B. de Provenchères, Oraison
funèbre de J. Davy, cardinal Duperron ; Sens, 1618, in-8.
— J. Levesque de Burigny, Vie du cardinal Duperron ;
Paris, 1768, in-12. — Feret, le Cardinal Duperron ; Paris,
1877, in-8. — Haag, la France protestante^ t. IV. —
Lichtenberger, Encyclopédie des sciences religieuses^
t. IV.
DUPERTUIS (Abram), mécanicien suisse, né aux
Ormonts(Vaud) en 1736, mortenl798. Son talent naturel
pour les arts mécaniques le conduisit à fabriquer non
seulement des outils de tourneur, d'armurier, de coutelier,
mais des violons, des horloges et des pendules d'un mé-
canisme très ingénieux. Il mourut en défendant sa vallée
contre l'invasion française : son fusil éclata dans ses mains
jf lui fit des blessures mortelles. E. K.
DUPES (Journée des). On donna ce nom au 11 nov.
1630, jour dans lequel les ennemis du cardinal de Riche-
lieu crurent avoir déterminé le roi à le disgracier et qui se
termina, au contraire, par le triomphe de ce ministre. Le
10 nov., Louis XIII, qui logeait rue de Tournon, à l'hôtel
des ambassadeurs extraordinaires (aujourd'hui caserne de
la garde républicaine), alla voir sa mère au Luxembourg,
et lui parla de la nécessité d'une réconciliation entre elle
DUPES — DUPETIT
- 78 —
et le cardinal ; la nièce de Richelieu, M"^^ de Combalet,
survenant sur ces entreprises, fut accueillie par la reine
avec froideur d'abord. « A la froideur, l'aigreur succéda,
puis incontinent la colère, l'emportement, les plus amers
reproches, enfin un torrent d'injures, et peu à peu de ces
injures qui ne sont connues qu'aux halles.» (Saint-Simon.)
Le roi s'efforça en vain de calmer sa mère ; Richelieu arri-
vant fut, après avoir été tout d'abord un peu mieux reçu,
l'objet des mêmes injures ; traité de fourbe, de perfide, il
essuya sans mot dire, paraît-il, « une si étrange tempête ».
Le roi sortit outré de dépit et de colère et retourna à pied
chez lui. Là, il se jeta sur un lit de repos et ne garda avec
lui que son écuyer, Claude de Saint-Simon. Après plus de
deux heures de' réflexions, entrecoupées par les réponses,
embarrassées sans doute, de Saint-Simon à qui il deman-
dait conseil, le parti de Louis XIII était pris ; sa mère
l'avait mis dans l'alternative de choisir entre Richelieu et
elle ; il choisissait son ministre dans l'intérêt supérieur
du royaume. Saint-Simon fit immédiatement prévenir le
cardinal, par M. de Tourville, d'aller le soir même trouver
le roi à Versailles. Chacun avait cru le cardinal perdu ; il
revint plus puissant que jamais au moment où ses ennemis
croyaient n'avoir plus qu'à se partager ses dépouilles.^ Le
roi fit redemander de suite les sceaux à Michel de Marillac
qui fut exilé à Châteaudun ; en même temps, il envoya
l'ordre d'arrêter à l'armée d'Italie le maréchal Louis de
Marillac. D'autre part, ceux qui étaient restés fidèles à
Richelieu, Châteauneuf, Le Jai, Montmorency, en furent
hautement récompensés. L. Delavaud.
BiBL. : Le récit qui paraît le plus exact a été écrit par
le duc de Saint-Simon d'après les souvenirs de son père ;
imprimé par M. André Cochut en 1834 [Revue des Deux
Mondes, 15 nov. 1834); c'est un fragment du Parallèle des
trois rois Bourbons, publié par M. Faugère {Ecrits iné-
dits de Saint-Simon, 1. 1, p. 167).— On peut comparer, outre
les mémoires de Bassompierre, de Fontenay-Mareuil et de
Brienne, VHistoire du roi Louis XIII par Bernard, 1(34(3,
les Memorie recondite de Vittorio Siri, VHistoire de
Louis XIII du P. Griilet et celle de Le Vassor, 1700.
DU PETIT-Méré (Frédéric), auteur dramatique français,
né à Paris en 4785, mort à Paris le 4 juil. 1827. Il a été
directeur de FOdéon. On a de cet auteur extrêmement fé-
cond une foule de pièces (vaudevilles et mélodrames),
écrites en collaboration avec Pelletier, Roset, Roirie, Ribié,
Rrazier, Rernos, Charrin, Duperche, Taylor, V. Ducange,
Simonnin, Merle, Rougemont, Crosnier et autres, et pu-
bliées généralement sous son prénom de Frédéric. Nous
citerons : le Vieux Poète (4804, in-8); la Famille véni-
tienne (1806, in-8) ; les Petits Troubadours (4807, in-8) ;
la Chaumière du mont Jura (4809, in-8) ; le Lion de
Florence (4840, in-8); le Maréchal de Luxembourg
(4842, in-8) ; le Bombardement d'Alger (4815, in-8) ;
le Fils banni (4845, in-8) ; la Famille Sirven (4820,
in-8); Fanfan la Tulipe (4824, in-8) ; le Mulâtre et
V Africaine (4824, in-8) ; V Etrangère (4825, in~8) ;
Louis (4827, in-8).
DUPETIT-Thouars (Louis-Marie-Aubert Aubert), bota-
niste et voyageur français, né au château de Ronmois, près
de Saumur, le 5 nov. 4758, mort à Paris le 42 mai 4834.
Il voyagea à File de France et à la Réunion et en rapporta
une collection de plantes ; en 4807, il fut nommé direc-
teur de la pépinière du Roule ; en 4820, membre de Flns-
titut. Tous les botanistes connaissent la théorie de Dupetit-
Thouars relativement à la formation des couches annuelles
du bois. Citons de lui : Cours de botanique, etc. (Paris,
4845, in-8, pi.) ; Cours de phijtologie, etc. (Paris,
4849-20, 2 vol. in-8) ; Flore des îles australes de
l'Afrique, etc. (Paris, 4822, in-8, pL), etc. D^ L. Hn.
DUPETIT-Thouars (Aristide Aubert), marin français,
né au château de Roumois, près de Saumur, le 34 août 4760,
tué àla bataille d'Aboukir le 4^^ août 4798. Frère du pré-
cédent, il entra dans la marine en 4778 , fut nommé en-
seigne de vaisseau en 4784, lieutenant de vaisseau en
4792, et capitaine de vaisseau peu de temps avant l'expé-
dition d'Egypte. Il assista au combat d'Ouessant, à la prise
de Saint-Louis (Sénégal), à la lutte de M. de Guichen et de
Rodney (4780), puis au combat de la Dominique; il essaya
d'aller à la recherche de La Pérouse ; mais les Portugais le
surprirent à l'île Fernando de Norouha et l'emmenèrent
comme prisonnier à Lisbonne. Plus tard, il rentra en France
et fut réintégré dans la marine avec le grade de capitaine
de vaisseau. Il s'immortalisa à la bataille d'Aboukir, où il
commandait le Tonnant. Pendant de longues heures,
Dupetit-Thouars lutta contre deux vaisseaux anglais. Il
avait perdu tous les mâts de son bâtiment et avait lui-même
une jambe fracassée. Pourtant, il fit clouer le pavillon tri-
colore au tronçon qui représentait le grand mât. Puis il
expira peu après. Il a laissé un précis sur la guerre sou-
tenue contre l'Angleterre de 4778 à 4783, inséré dans
l'ouvrage intitulé le Capitaine du Petit-Thouars peint
par lui-même,
DUPETIT-Thouars (Abel Aubert), amiral et homme
politique français, né au château de la Fessardière, arr. de
Saumur, le 45 août 4793, mort à Paris le 46 mars 4864.
Entré dans la marine en 4805, il fit d'importants travaux
hydrographiques sur les côtes de Terre-Neuve et sur celles
d'Algérie. Il dressa un plan d'attaque d'Alger, coopéra à
l'expédition qu'il avait contribué à faire décider. Nommé
au commandement du brick le Griffon en station dans
l'océan Pacifique, il se fit remarquer au Callao en obligeant
les Péruviens, de force supérieure, à restituer le navire de
commerce la Petite-Louise illégalement saisi ; les Rorde-
lais lui offrirent une épée d'honneur et il fut promu capi-
taine de vaisseau (4834). On lui confia la Créole (4834) ;
puis la Vénus, frégate avec laquelle il entreprit un voyage
autour du monde (4837-39); le rapport adressé à l'Aca-
démie des sciences fut publié (Paris, 4844-49, 44 vol. gr.
in-8 et 4 atlas). Il fut promu contre-amiral. Il conseilla
l'occupation des îles de la Société et des Marquises. Le mi-
nistère Guizot entra dans ces vues. Le protectorat de Taïti
contrecarré par le missionnaire anglais Pritchard (V. Taïti)
donna lieu à un différend mémorable. L'amiral Dupetit-
Thouars, chargé de demander une réparation à la reine Po-
maré, lui fit accepter le protectorat. Pritchard fit arracher
le drapeau tricolore par les indigènes; Dupetit-Thouars
débarqua, s'empara de l'île et expulsa Pritchard. Le cabi-
net Guizot, effrayé par les protestations de l'Angleterre,
désavoua l'amiral qui fut rappelé, indenmisa Pritchard et
se borna au protectorat des îles de la Société. L'opinion
publique, froissée de cette pusillanimité, soutint Dupetit-
Thouars. Le National ouvrit une souscription et recueillit
30,000 fr. pour lui offrir une épée d'honneur. Kla refusa
et présenta aux Chambres une note (4843) et un rapport
(4844) sur l'occupation de Taïti. Le 4 sept. 4846, il fut
promu vice-amiral. Il fut élu à l'Assemblée législative le
8 juil. 4849 par le dép. de Maine-et-Loire. K fit adopjer
les îles Marquises comme lieu de déportation. En sept. 4855,
il fut élu membre Hbre de l'Académie des sciences.
DUPETIT-Thouars (A bel-Nicolas-Georges-Henri Rer-
gasse), vice-amiral français, né à Rordeaux-les-Rouches
(Loiret) le 22 mars 4832, neveu de l'amiral. Sorti de
l'Ecole navale en 4849 avec le grade d'aspirant, nommé,
en 4854, enseigne de vaisseau, il fit la campagne de Cri-
mée où il fut blessé assez grièvement à deux reprises dif-
férentes. En 4856, il devint lieutenant de vaisseau, puis
officier d'ordonnance de l'amiral Hamelin, ministre de la
marine ; en 4858, il passa sur le Sufjren, vaisseau-école
decanonnage, et, l'année suivante, il prit le commandement
de VEclair, canonnière sur laquelle il fit la campagne de
l'Adriatique (4859). Après la paix de Villafranca, il fut
envoyé en mission hydrographique pendant deux ans sur
les côtes d'Algérie. A son retour, il devint aide de camp de
l'amiral Rigault de Genouilly (4862) et capitaine de fré-
gate le 43 août 4864; peu après, il prit le commandement
de la corvette Dupleix qui se rendait en extrême Orient.
Promu capitaine de vaisseau le I^^ juin 4870 en récom-
pense de cette campagne, il revint en France et fut envoyé
en Alsace pour commander les batteries flottantes qui
devaient opérer sur le Rhin. Bientôt il dut s'enfermer dans
Strasbourg assiégé et fut blessé par un éclat d'obus dans
une sortie (le 2 sept.). Après la guerre, on le nomma
membre du conseil d'amirauté et du conseil des travaux.
En 1877, son oncle, l'amiral Fourichon, ministre de la
marine, le prit pour chef de cabinet et le nomma con-
tre-amiral ; Dupetit-Thouars garda ses fonctions sous les
deux ministères suivants et fut, lorsqu'il quitta le cabinet,
nommé major général à Brest. En 4878, il prit le com-
mandement en chef de la station navale de l'océan Paci-
fique, et fit, en cette qualité, une campagne de trois ans ;
nommé, à son retour, major de la flotte à Toulon, puis
vice-amiral le 34 déc. 1883, préfet maritime à Cherbourg
de 1885 à janv. 1887 ; en 1887, préfet maritime à Tou-
lon. Le vice-amiral Dupetit-Thouars a été enfin, en 1888,
appelé au commandement de l'escadre d'évolution. Ses
rapports ont, à plusieurs reprises, été d'une grande utilité
à la marine : il s'est, en particulier, beaucoup occupé de
la question des torpilles, et ses conseils ont été pour
quelque chose dans l'organisation réguhère du service des
torpilleurs. Ph. B.
DUPEUTY (Désiré-Charles), auteur dramatique français,
né à Paris le 6 févr. 1798, mort à Paris le 20 oct. 1865.
Engagé volontaire durant les Cent-Jours et licencié peu
après, il débuta en 1821 par un vaudeville bien accueilli,
la Fête au village, et ne cessa dès lors de produire tout
en rédigeant la Nouveauté, journal du commerce, de
rindustrie, du théâtre et des arts (1825-1827, in-4),
que ses tendances Hbérales rendirent suspect au ministère
Corbière. Ch. Dupeuty a écrit soit seul, soit en collabora-
tion, une centaine de pièces dont le*s titres ne sauraient
trouver place ici, et parmi lesquelles il suffira de citer
diverses parodies de Victor Hugo : iV, /, Ni, ou le Dan-
ger des Castilles (1830), avec Carmouche et de Courcy ;
Marionnette (1831); Cornaro, tyran pas doux (1835),
avec Duvert, les Buses graves (1843), avec F. Langlé ;
puis de nombreux drames, mélodrames, vaudevilles, à-pro-
pos, etc.: le Hussard de Felsheim (1827) ; la Femme,
le Mari et l'Amant (1829); Napoléon, ou Schœnbrunn
et Sainte-Hélène (1830), avec Regnier-Destourbet ; la
Camargo (1833) ; Pauvre Idiot (1838) ; Ravel en
voyage (1844) ; le Lait d'ânesse (1846) ; Paris la nuit
(1842), avec F. Cormon; la Vie de ca/e (1850) ; la
Poissarde ou les Halles en i804 (ISd^) ; . Pilbox et
Friquet, ou Zouave et Highlander (1855) ; les Gueux
de Béranger (1856), avec M. Jules Moineaux, etc.
Ch. Dupeuty avait été l'un des fondateurs et l'un des
membres les plus actifs de la Société des auteurs drama-
tiques. M. Tx.
DUPEUTY (Adolphe), fils du précédent, né à Paris en
1828, mort à l'Hay, près de Paris, en 1884. Secrétaire
de l'Opéra de 1850 à 1852, il fit représenter quelques
pièces, entre autres les Canotiers de la Seine (1858),
avec M. Thiéry, et collabora au Charivari,^ puis au Figaro
bi-hebdomadaire et ensuite quotidien, où il fut chargé du
bulletin des nouvelles théâtrales. ' M. Tx.
DUPHOT (Léonard), général français, né à Lyon vers
1770, mort à Rome le 27 déc. 1797. Il entra de bonne
heure au service et eut un avancement rapide. En 1794,
il assista, avec le grade d'adjudant général , à la prise du
fort de Figuières. En 1796, Bonaparte le chargea d'or-
ganiser les nouvelles troupes de la République cisalpine. A
la tête de l'avant-garde d'Augereau , il tint en échec , le
7 janv. 1797, à Bevilacqua, le comte de Hohenzollern, qui
avait des troupes beaucoup plus fortes que les siennes. Il
fut blessé le 6 mars suivant, à Lavadina, près de Mantoue.
Le 30 mars, il fut nommé général de brigade, après avoir
opéré une brillante reconnaissance. A la fin de 4797, il se
rendit à Rome avec Joseph Bonaparte, ambassadeur au-
près du souverain pontife. Il devait épouser la belle-sœur
de l'ambassadeur. Désirée Clary (depuis femme de Ber-
nadotte). Des attroupements populaires se formaient devant
les fenêtres de l'ambassadeur et réclamaient l'interven-
— 79 — DUPETIT — DU PIN
tion des Français pour renverser le gouvernement papal
et établir la répubHque ; des troupes furent envoyées
pour les disperser. Joseph Bonaparte sortit, suivi de
Duphot, pour se jeter entre les troupes et le peuple, mais
une balle frappa le général Duphot qui fut achevé à coups
de baïonnette par les soldats du pape. Le général Berthier
vengea cet assassinat en renversant le gouvernement papal
en 1798. Les cendres de Duphot avaient été placées dans
une urne, au sommet d'une colonne antique, sur la place
du Capitole; mais, lorsque les Français eurent évacué la
ville, la populace détruisit le monument. Duphot avait
composé une ode, Aux Mânes des héros morts pour la
liberté, mise en musique par Laïs. G, Regelsperger.
BiBL. : Arnault, Jay, Jouy et Norvixxs, Biographie
nouvelle des contemporains^ 1823-1(S25, t. VI, p. 193. — De
CouRCELLES, Dictionnaire historique et biographique des
généraux français, t. V (1822), p. 346.
DU PIN (Jean), poète français, né dans le Bourbon-
nais en 1302, mort près de Liège en 1372, cistercien de
l'abbaye de Vaucelles. On lui doit : le Livre de bonne vie
(Chambéry, 1485, in-fol. ; réimp. à Paris vers 1520 sous
le titre de le Champ vertueux de bonne vie, in-4) oti
l'on trouve des satires fort mordantes contre les papes, les
cardinaux et les évêques, et surtout contre les moines ;
r Evangile des femmes (ms. Bibl. nat.).
DU PIN (Louis-Elhes), docteur en Sorbonne, professeur
au Collège de France, né à Paris le 17 juin 1657, mort à
Paris le 6 juin 1719. Dès 1686, deux ans après avoir
été reçu docteur en Sorbonne, il publia le premier vo-
lume d'une Bibliothèque universelle de tous les auteurs
ecclésiastiques, contenant V histoire de leur vie; le
catalogue, la critique et la chronologie de leurs
ouvrages ; un sommaire de ce qu'ils contiennent ; un
jugement sur leur style et leur doctrine; le dénom-
brement des diverses éditions de leurs livres (Paris,
in-4). Ce volume contenait les écrivains des trois pre-
miers siècles et une Dissertation préliminaire sur les
auteurs des Kvres de la Bible. Les autres suivirent rapi-
dement, tous approuvés en termes élogieux par les docteurs
de la Faculté de théologie. Le douzième, affecté aux ouvrages
du xi^ siècle, parut en 1696. Mais, déjà en 1691 , D. Ma-
thieu Petit-Didier, bénédictin de la congrégation de Saint-
Vannes, avait publié un volume de Remarques relevant les
erreurs des trois premiers volumes ; Du Pin répondit dans
son cinquième volume. En 1692 et 4 696, Petit-Didier, avec
l'aide de plusieurs bénédictins qu'il avait associés à son
entreprise d'examen et de critique, fit paraître deux autres
volumes de Remarques. Du Pin répliqua, et non sans
amertume {Juste défense du sieur Du Pin; Cologne, 4693,
in-4 2). Alors Bossuet, se joignant aux adversaires, incri-
mina l'exposition de la doctrine du péché originel produite
dans la Bibliothèque universelle. Au lieu de se soumettre,
Du Pin se défendit. Bossuet adressa à l'archevêque de Paris,
de Harlay, et au chancelier Boucherat un mémoire dénon-
çant certaines erreurs professées ou favorisées dans la Bi-
bliothèque universelle, et concluant à une rétractation ou à
une censure sévère. Du Pin se rétracta, d'après le conseil
de Racine, dit-on ; mais il n'échappa point à la censure :
elle lui fut infligée par un décret de l'archevêque de Paris,
et son ouvrage fut supprimé par arrêt du Parlement (44 avr.
4696). On lui reprochait d'affaiblir la piété des fidèles, en
diminuant la vénération due à la sainte Vierge ; de favo-
riser le nestorianisme ; d'ôter.aux preuves de la primauté
du siège de Rome une partie de leur force ; d'attribuer aux
pères de l'Eglise des erreurs sur l'immortalité de l'âme et
sur l'éternité des peines de l'enfer, et de parler d'eux avec
trop peu de respect. Néanmoins, Du Pin put continuer son
œuvre, en changeant le titre ; il l'appela Histoire de V Eglise
et des auteurs ecclésiastiques. Elle était achevée en 4704
et formait 58 vol. in-8, y compris 4 vol. des Auteurs
séparés de l'Eglise romaine, 5 de Tables, 3 des Remar-
ques de D. Petit-Didier, 4 des Critiques de Richard
Simon. Goujet y ajouta 3 vol. pour l'histoire du xyiii"^
siècle (1736, in-8).
DU PIN ~ DUPIN
- 80 -
Lorsque fut publiée la bulle Unigenitiis, Du Pm fut un
des principaux instigateurs des protestations de la Sorbonne
et un des signataires du cas de conscience. On Texila à
Châtellerault et on lui enleva sa chaire au Collège de
France ; ce qui valut au roi les félicitations de Clément XI,
pour avoir châtié cet homme de très méchante doctrine
et coupable de plusieurs excès envers le saint-siège.
Du Pin, à qui les rétractations semblent avoir coûté peu, se
rétracta et obtint de revenir à Paris ; mais sa chaire ne lui
fut point rendue. Vers 4748 , il entama, par Fintermédiaire
du chapelain dé l'ambassade anglaise, une correspondance
avec Guillaume AYace, archevêque de Canterbury, sur un
projet de réunion de l'Eglise anglicane avec l'Eglise romaine.
Cette négociation était connue de l'archevêque de Pans, de
Noailles, et du procureur général, Joly de Fleury ; mais
comme elle se poursuivait à l'insu de la cour de Rome,
Dubois, qui briguait le chapeau de cardinal, fit saisir les
papiers de Du Pin. Lafitau, évêque de Sisteron, qui pré-
tend en avoir eu communication, rapporte que Du Pin y
disait que les principes de la foi catholique peuvent s'ac-
corder avec la religion anglicane ; que, sans altérer les
dogmes, on peut abolir la confession auriculaire, ne plus
parler de la transsubstantiation, anéantir les vœux de reli-
gion, retrancher le jeûne et les abstinences de carême, se
passer du pape et permettre le mariage des prêtres. En
1717, lors du séjour que fit en France le tsar Pierre le
Grand, Du Pin lui avait adressé des mémoires pour la réu-
nion de l'Eglise russe à l'Eglise romaine. 11 est vraisem-
blable qu'en énonçant les concessions et accommodements
nécessaires au succès de pareilles transactions, il cherchait
le moven d'indiquer et de faire prévaloir ses propres vues
sur la réformalion de la doctrine, de la discipline et de la
hiérarchie pour l'Eglise catholique romaine. Il semble aussi
que ces vues n'étaient point réprouvées par ses amis. Quoi
qu'il en soit, le pieux RoUin fit inscrire sur le tombeau de
Du Pin, en la crypte de Saint-Séverin, une épitaphe où il
rend hommage aii culte de son ami pour la vérité, à ses
travaux pour mettre en lumière les vieux monuments de
l'Eglise, à ses combats pour défendre les droits du royaume
et les libertés de l'Eglise de France, à sa douceur et à sa
modestie. — (Euvres principales : Bibliothèque univer-
selle et défense déjà mentionnées ; Bibliothèque univer-
selle des historiens, sous le pseudonyme de Clairval (Paris,
4707, 2 vol. in-42) ; Traité de la puissance ecclésias-
tique et temporelle (Paris, 4707, in-8) ; Histoire abrégée
de l'Eglise, par demandes et par réponses (Pans, 4712,
4 vol. in-42) ; Commentaire de la Déclaration du clergé
de France; Traité historique des excommunications
(Paris, 4745-4749, 2 vol. in-42) ; Défense de la Monarchie
de Sicile contre les entreprises de la cour de Rome
(Amsterdam, 4746, in-12); Lettre sur Vancienne dis-
cipline de VEglise touchant la célébration de la messe
(Paris, 4708, in-42) ; Défense de la censure de la Faculté
de théologie de Paris contre les Mémoires de la Chine
(Paris, 4708, in-42) ; Sancti Optati Afri Milevitam epis-
copi, de Schismate Donatistarum libri septem (Pans,
4700, in-fol.) ; Joannis Gersonii doctoris et cancellarii
parisiensis opéra (Amsterdam, 4703, 5 vol. in-fol.). En
outre, collaboration au Journal des savants et aux der-
nières éditions du Dictionnaire de Moreri. E.-H. \ollet.
DUPIN (André-Simion-Olivier), à\t Dupin le Jeune,
homme politique français, né à Paris le 7 mars 1 744, mort
à Marcinelle, près deFleurus (Belgique), le 48 avr. 4833.
Ex-employé dans les Fermes, il fut élu par l'Aisne député
à la Convention. Dans le procès de Louis XVI, il ne vota
pas pour la mort, mais vota contre le sursis. Ami des Gi-
rondins, il ne partagea pas leur sort. C'est à la suite de
son rapport que les fermiers généraux furent traduits au
tribunal révolutionnaire. On perd ensuite ses traces.
DUPIN (Charles-André), homme politique français, né
à ClamecY le 20 juin 4758, mort à Clamecy le 24 nov.
4843. Avocat, procureur -syndic du district de Clamecy
en 4790, député de la Nièvre à la Législative, incarcéré
en 4793 pour modérantisme, il fut député de la Nièvre
au conseil des Anciens, puis membre du Corps légis-
latif (1800-1804), puis inspecteur de la gendarmerie.
Louis XVIII le nomma procureur du roi à Clamecy en
4815 et sous-préfet de cet arrondissement. F. -A. A.
BiBL. : Robert et Cougny, Dictionnaire des parlemen-
taires.
DUPIN (Claude-François-Etienne, baron), administra-
teur français, né à Metz le 30 nov. 1767, mort à Paris le
44 nov. 4828. Administrateur du dép. de la Seine, préfet
des Deux-Sèvres, il entra en 4843 à la cour des comptes
comme conseiller maître. Il a laissé un certain nombre
d'ouvrages, relatifs surtout à la statistique, et parmi les-
quels nous citerons : Almanach du Républicain pour
nos (Paris, 1793, in-42); Statistique du dép. des
Deux-Sèvres (Paris, 4804, in-8); Dictionnaire géogra-
phique, agronomique et industriel du dép. des Deux-
Sèvres (Niort, 4803, in-8); Précis historique de l'admi-
nistration et de la comptabilité des revenus communaux
(Paris, 4820, in-8); Histoire de l'administration des
secours publics (4821, in-8); Histoire de Vadministra-
tion locale (1829, in-8); la Prusse galante ou Voyage
d'un jeune homme à Berlin (Paris, 4800, in-8), etc.,
sans compter des mémoires et notices insérés dans le re-
cueil delà Société des Antiquaires, dont il fit partie dès
sa fondation.
DUPIN (Ândré-Marie-Jean-Jacques), dit Dupin aîné,
pour le distinguer de ses deux frères Charles et Philippe,
né à Varzy (Nièvre) le 4^^ févr. 4783, mort à Paris le
40 nov. 4865. En 4810, il échoua dans un concours pour
une place à la Faculté de droit de Paris, et se consacra
dès lors tout entier au barreau. Il s'y fit vite remarquer.
Son Mémoire pour la libre défense des accusés (oct.
1815), à un moment où la réaction triomphante faisait
publier dans ses journaux que les avocats ne pourraient
défendre les accusés de crimes d'Etat sans se rendre leurs
complices, et son plaidoyer pour le maréchal Ney, qu'il
défendit à côté des deux Berryer, le rendirent populaire.
Devenu l'avocat attitré du parti libéral, il plaida pendant
la Restauration de nombreux procès politiques, entre
autres pour Déranger (1821) et pour le Journal des
Débats, poursuivi en 1829 à raison du célèbre article qui
se terminait par ces mots prophétiques : « Malheureuse
France ! malheureux roi ! » Dans tous ces plaidoyers,
Dupin apportait une parole vive, un esprit frondeur. Il
avait l'instinct bourgeois, épris des principes de 1789 et
du gaUicanisme, et plein d'antipathie pour les jésuites. En
4829, il fut élu bâtonnier. Il était député de Cosne depuis
1826. Il fut l'un des promoteurs de l'adresse des 224 et
joua un rôle personnel dans les événements de 4830, soit
dans les coulisses poHtiques (il était devenu depuis 4817
l'un des conseils judiciaires du duc d'Orléans), soit même
dans la rue, car on le vit sur les boulevards exhortant les
citoyens à la résistance. Ce fut lui qui décida ce prince à
prendre le nom de Louis-Philippe P^ au lieu de Phihppe VII
qu'on proposait « pour renouer la chaîne des temps ».
« Le duc d'Orléans, disait-il, n'est pas appelé au trône
parce qu'il est Bourbon, mais quoique Bourbon. » Le roi
le nomma procureur général à la cour de cassation en
août 4830. Il y remporta souvent de brillants succès, no-
tamment lors du célèbre arrêt du 22 juin 4839 sur les
duels. Cependant ce n'est pas comme magistrat qu'il acquit
la plus grande part de sa réputation ; ce fut comme homme
poHtique. Pendant les troubles des premières années du
règne de Louis-Philippe, il montra à la Chambre une
grande fermeté, un esprit autoritaire. Son ardeur libérale
d'autrefois avait disparu sans retour. En févr. 4834, les
émeutiers vinrent l'assiéger dans sa maison. Elu président
de la Chambre en 4832, il garda la présidence pendant
huit années et prit sur ses collègues un réel ascendant.
Il dirigeait les discussions avec autorité, faisant respecter
même par les ministres les prérogatives de la Chambre et
l'indépendance de la tribune, mais criblant amis et adver-
— 81 —
saires de bons mots et de reparties souvent peu courtoises
qui blessèrent plus d'un amour-propre. Adversaire acharné
de M. Thiers, il passe pour avoir provoqué sa chute du
ministère. — Cormenin le dépeint comme un orateur véhé-
ment, concis, d'une éclatante lucidité, ayant beaucoup de bon
sens, mais tombant souvent dans le trivial. Le visage était
couturé, haché, plissé, mais ne manquant pas de noblesse
quand la passion l'animait ; la voix était pleine, sonore, par-
fois entraînante; ses yeux, caves et petits, brillaient au
fond de leur orbite. On a beaucoup reproché à Dupin sa ver-
satilité politique. Après avoir servi la monarchie de Juillet,
il accepta très tranquillement la République. Il fit proclamer,
dès le 24 févr. , que la justice serait désormais rendue au nom
du peuple français, et vota la constitution républicaine.
Quand le vent tourna de nouveau, il fut un des premiers
à soutenir le prince-président, et dès d851 il se prononça
ouvertement pour la prolongation de ses pouvoirs et la
revision de la Constitution. Il avait été élu président de
l'Assemblée législative à une forte majorité contre Ledru-
Rollin et Lamoricière. Après le coup d'Etat du 2 décembre,
il conserva son siège de procureur général. Cependant,
lorsque les biens de la fainille d'Orléans furent confisqués,
il donna sa démission, mais en 1857 il accepta de nouveau
les mêmes fonctions. Il fit partie de l'Académie des sciences
morales et politiques et de l'Académie française qui l'élut
en 1831. On s'est beaucoup moqué de son goût pour la
vie rustique. Les caricatures du Charivari ont rendu
légendaires les gros souliers ferrés qu'il portait à la cam-
pagne; mais ses manières et ses propos plaisaient aux
cultivateurs. Il s'est beaucoup occupé d'agriculture, et
prononça dans de nombreux comices agricoles de« allocu-
tions fort réussies. M. Dupin a beaucoup écrit. La liste de
ses ouvrages est trop longue pour être donnée ici. On
la trouvera dans sa Coutume de Nivernais et dans
son édition des Lettres de Camus sur la Profession
d'avocat (t. II). Ses sujets favoris furent les libertés de
l'Eglise gallicane et la question du duel. Une statue de
bronze, par Boisseau (Salon de 1869), lui a été élevée à
Varzy. Marcel Planiol.
BiBL. : Mémoires de M. Dupin^ 1855-1863, 4 vol. in-8. —
Cormenin, Livre des orateurs. — J.-E.-L. Ortolan,
Notice biographique de M. DMpi?2,1810,in-8.— Cuvillikr-
Fleury, Discours de réception à C Académie^ 1866.
DUPIN (Pierre-Charles-François), connu sous le nom de
baron Charles Dupin, mathématicien et économiste fran-
çais, frère du précédent, né à Varzy (Nièvre) le 6 oct.
1784, mort à Paris le 18 janv. 1873. Entré à l'Ecole po-
lytechnique en 1801, il en sortit dans le génie maritime,
dont il devint plus tard inspecteur général, quoiqu'il n'ait
guère rempli les fonctions d'ingénieur que jusqu'en 1816.
Son volume, Développement de géométrie pour faire
suite à la géométrie pratique de Monge (Paris, 1813),
qui contient notamment la brillante théorie de l'indicatrice
de courbure des surfaces, lui valut d'être admis dès 1818
à l'Académie des sciences et semblait promettre d'autres
travaux importants du même ordre, lorsque Charles Dupin
s'engagea dans une tout autre voie. Les Voyages en
Grande-Bretagne de i8i6 à ^^/^^ (1820-18^24, 6 vol.)
donnèrent les résultats d'une vaste enquête personnelle
qu'il entreprit sur le commerce et l'industrie de l'Angle-
terre et le placèrent au premier rang des statisticiens. Si,
d'autre part, nommé en 1819 professeur au Conservatoire
des arts et métiers, il consacra une importante partie de
son temps à l'enseignement industriel (Applications de
géométrie et de mécanique à la marine (1822); Di-
verses Leçons sur l'industrie, le commerce, la marine
(1825) ; Géométrie et mécanique des arts et inétierset
des beaux-arts (1825-1827, 3 vol.), son activité se
porta de plus en plus sur l'étude et la publication des do-
cuments intéressant l'homme politique : Trois Forces pro-
ductives et commerciales de la France (1825); De la
Grande-Bretagne (1 826) ; le Petit Producteur français
(1827-1828, 5 vol.), etc. Sa Carte de la France
éclairée et de la France obscure, dans laquelle il eut le
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
DUPIN
premier l'idée de figurer par des teintes la proportion des
illettrés de chaque département, lui acquit dès lors une
célébrité légitime. Charles X le fit baron en 1824. Dès
1815, il avait pris une attitude poHtique libérale. Envoyé
à la^ Chambre des députés par les électeurs du Tarn en
1828, il appartint dès lors aux assemblées délibérantes,
oii il ne joua d'ailleurs jamais qu'un rôle secondaire.
Fidèle à la gauche sous la Restauration, il se trouva au
centre sous le gouvernement de Juillet. Ministre de la ma-
rine pendant quelques jours en 1834, il passa à la Chambre
des pairs en 1837, figura à la droite dans les assemblées
de la République de 1848, et, en 1853, fut d'emblée nommé
sénateur. Il était membre de l'Académie des sciences mo-
rales et politiques depuis 1832. En dehors des ouvrages
énumérés plus haut, il a laissé de nombreux écrits de cir-
constance. Sa fécondité même lui a nui; le dernier des
trois Dupin, comme on l'appelait, quoiqu'il fût en réahté
le second des trois frères, donna l'exemple d'un homme
qui, avec une facilité de travail surprenante et d'incontes-
tables_ traits de génie, eut dû atteindre la gloire, mais n'a
conquis qu'une célébrité passagère, parce qu'il a éparpillé
ses forces et s'est inutilement usé dans la politique, pour
laquelle il n'était pas fait. Son adhésion au second Empire
a finalement compromis un caractère qui s'était généreuse-
ment montré, à l'âge de la jeunesse, alors que sous la
Restauration il défendait chaudement Carnot et Mon^e
quand il était périlleux de le faire. Paul Tannery. '
DUPIN (Jean-Henri, baron), auteur dramatique français
ne à Pans le l^^sept. 1787, mort à Paris le 5 avr. 1887.'
Parent des « trois Dupin » et issu comme eux d'une famille
de robe, il était employé dans une maison de banque lors-
qu'il fit représenter son premier vaudeville, le Voyage à
Ckambord {[SOS).Vuu des plus anciens collaborateurs
de Scribe, il eut sa part dans le succès de Michel et
Christine (1826), de la Mansarde des artistes (1828)
et d'une cmquantaine d'autres pièces dont il fournit oii
développa le sujet, sans préjudice de celles que Dartois
Sauvage, d'Epagny, Dumanoir, Delacour, etc., signèrent
avec lui pendant près de quarante ans et dont l'énuméra-
tion nous entraînerait trop loin. On cite en outre de
Henri Dupin un petit volume de nouvelles, Cinq Coum
de sonnette (1860, in-12). M. f^
DUPIN (Simon-PhiHppe), avocat français, frère de Dupin
aîné et du baron Charles Dupin (V. ci-dessus), ne à
Varzy (Nièvre) le 7 oct. 1795, mort à Pise le 14 févr.
1846. H aborda le barreau dès l'âge de vingt et un
ans. Mais il avait, malgré sa jeunesse, une profonde con-
naissance des affaires, qu'il devait aux leçons de son
frère aîné. Sa dialectique piquante non moins que serrée
et sa verve sans égale lui valurent de bonne heure
une immense clientèle. On cite parmi les procès les plus
retentissants auxquels il fut mêlé ceux du faux comte de
Spmte-Hélène (1818), du Constitutionnel (1820), du ca-
pitaine Dequevauvilliers compromis dans la conspiration
du 19 août (1821), l'affaire Desgraviers et, plus tard
1 instance de la famille de Rohan contre le duc d'Aumale'
au sujet de la succession de Condé. Sous Louis-Philippe'
il fut avocat de la liste civile, président du comité consul-
tatif de la ville de Pans, avocat du ministère de l'instruc-
tion publique. Le conseil de l'ordre des avocats de Paris
élut comme bâtonnier en 1834. La politique mihtante ne
le tentait guère. Député de la Nièvre en 1830, il donna
bientôt sa démission. Plus tard, envoyé à la Chambre par
les électeurs d'Avallon (1842), il y resta, mais ne prit part
qu aux discussions d'aff*aires. Usé de bonne heure par le
travail, il mourut au cours d'un voyage en Italie que les
médecins lui avaient conseillé pour sa santé. Sans parler
d'un grand nombre de ses plaidoyers qui avaient été im-
primés, il laissait d'importantes études qu'on peut lire dans
divers recueils de jurisprudence. A. Debidour
DUPIN DE Chenonceaux (Claude), financier et écrivain
français, né à Chûteauroux en 1684, mort à Paris le
25 févr. 1769, dans son hôtel de la rue Plâtrière. Son
6
DUPIN — DU PLAN
— 82 —
père était receveur des tailles à Châteauroux, et il ne lui
succéda dans son office qu'après avoir suivi d'abord la
carrière des armes et être parvenu au grade de capitaine
au régiment de Noailles, dont il aurait été « cassé pour
avoir fait tapage ». Ce goût n'avait pas nui à son instruc-
tion, et il s'était même fait recevoir avocat au Parlement.
Il exerçait les fonctions paternelles et était veuf de Marie-
Jeanne Bouilhat de Laleuf, qu'il avait épousée en 1714,
lorsque, à la fin de 1722, il se lia avec M^« de Fontame,
fille de Dancourt, de passage à Châteauroux avec une de
ses filles qui y était tombée malade et à qui il avait rendu
de bons offices. Ce fut l'origine de sa fortune financière.
En 1724, il épousa la seconde fille de M"^*^ de Fontaine,
Marie-Louise-Madeleine-Guillaume de Fontaine, âgée alors
de dix-sept ans seulement, et acquit ainsi la protection de
Samuel Bernard, qui passait pour être grand ami du
père de la fiancée. Promu cette année même à la charge
de receveur général des finances des Trois-Evêchés et de
l'Alsace, deux ans après, le 1^^ oct.1726, Samuel Bernard
obtint pour lui, du contrôleur général Le Pelletier des
Forts, une des dix places de fermiers généraux et lui avança
une somme de 500,000 livres. Soit à Paris, à l'hôtel
Lambert, où il s'établit, soit au château de Chenonceaux,
qu'il avait acquis dès 1733 du duc de Bourbon, et dont il
prit le nom, soit au Blanc, dont le marquisat lui fut
vendu en 1738 par la marquise de Parabère, il recevait la
meilleure compagnie du temps, attirée et retenue par sa
bonne grâce et par le charme et l'esprit de M^« Dupin.
Le duc d'Orléans, fils du régent, qui avait beaucoup d'ami-
tié pour M''^'^ Dupin, et le duc de Penthièvre, quand il
allait à son château d'Amboise, visitèrent souvent les
Dupin à Chenonceaux, où l'on avait bâti, dans une aile, un
théâtre pour lequel on faisait venir le corps de ballet de
l'Opéra. Les deux époux se piquaient de littérature. En
1748, quand parut VEsprit des lois, Dupin, quoique
ami de l'auteur, en réfuta la partie financière du ch. viii
dans un essai intitulé : Réflexion sur quelques parties
dhm livre intitulé De l'Esprit des lois (Paris, 1749,
2 vol. in-18).Tiréà huit exemplaires seulement, ce livre
fut traqué par la censure; Dupin en détruisit lui-même
presque toute l'édition. Il reprit ce sujet dans un second
ouvrage : Observations sur un livre intitulé De l'Esprit
des lois, divisées en trois parties {Vms, il^l-il^S,
3 yol. in-8). Mais cette fois ce fut surtout Montesquieu
qui s'alarma. Le livre sur sa demande fut supprimé. Il
paraît qu'il eut le père Berthier pour collaborateur dans
cet ouvrage. En 1742, J.-J. Rousseau, recommandé par
le P. Castel, était devenu le commensal de la maison, et
en 1744, après son retour de Venise, une sorte de secré-
taire de M^^^ Dupin. Elle lui confia les papiers de l'abbé
de Saint-Pierre, qui avait été son grand ami, pour en être
l'éditeur. Mais il n'alla pas plus loin qu'un extrait du Pro-
jet de paix perpétuelle. C'est pour le neveu de M^^^° Dupin,
'rabl)é d'Arty, qu'il composa aussi son Oraison funèbre
du duc d'Orléans. Le Devin du village et VEngagement
téméraire furent représentés en 1747 à Chenonceaux.
Les désordres et les mauvaises spéculations de son second
fils, Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux, portèrent
atteinte à la fortune de M. Dupin, qui fut obligé d'enga-
ger l'hôtel Lambert. Il était cependant encore fort riche
lorsqu'il mourut à l'âge de quatre-vingt-trois ans. Il pos-
sédait encore l'hôtel Lambert, Chenonceaux, la terre du
Blanc, comprenant, outre le château de ce nom, ceux de
Rochefort et de Roches, etc. — Sa veuve lui survécut trente
ans; elle n'émigra pas et mourut à Chenonceaux le
20 nov. 1799. Elle était née le 27 oct. 1706 et avait
deux sœurs, M'^^ Yallet de Villeneuve et M™^ d'Arty,
l'amie du prince de Conti. M. de Villeneuve, son neveu,
hérita alors de Chenonceaux, qui resta dans sa famille jus-
qu'en 1 864. M. Dupin a encore publié : les OEcononiiques
(Carlsruhe, 1745, 3 vol. in-4), où il traite dim plan
général des réformes financières et commerciales ; Méni. sur
les bleds (Paris, 1748, in-4), tous les deux anonymes et tirés
à très petit nombre. On lui attribue encore une brochure,
Mayiière de perfectionner les voitures (Paris, 1753).
De son premier mariage, il avait eu un fils, Dupin de
Francueil,né le 6 nov. 1715, mort vers 1780, connu par
sa Uaison avec M"^^^ d'Epinay, Il avait épousé, en 1737,
Suzanne BoUioud de Saint-Julien, morte le 1®^^ sept. 1754,
dont il eut une fille, Suzanne-Madeleine, mariée, le 9 févr.
1768, à son cousin Pierre-Armand Vallet de Villeneuve.
Remarié en 1777 à Aurore de Saxe, fille du maréchal et de
l\\\ii Verrières, et veuve du comte de Horn, il laissa de
ce mariage un fils, Maurice Dupin, père de George Sand.
De son second mariage avec M^^^ de Fontaine, Claude
Dupin eut un fils, Jacques- Armand, né le 3 mars 1727,
mort le 3 mai 1767 à l'ile de France, marié en 1751 à
Marie-Alexandrine-Sophie de Rochechouart-Pontville, dont
il laissa un fils, Claude-Sophie, ^\t Dupin de Rochefort, né
en 1752, mort le 18 sept. 1788, et dont la veuve, N. de
Saint-Romain, se remaria au futur duc Pasquier. Aujourd'hui
la descendance seule de Dupin de Francueil subsiste par les
femmes dans les familles des comtes de Villeneuve et des ba-
rons du Devant. Un fils naturel que V'rancueil avait eu de
M'"^^' d'Epinay, et appelé Le Blanc de Boaulieu, fut évêque
de Soissons, puis archevêque élu d'Arles. Eugène Asse.
BiBL, : J.-J. Roussi:au, Confessions, II, pp. 5, 7. — Ches-
TERFiKLD, Lettevs, 25 oct. 1751. — M™» du Deffand, Cor-
resp. compL, I, 449. — Vie privée de Louis XV; Londres,
1781, I, 206. — Bachauî^iont, Mémoires. — G. Sand,
Hist. de ma vie, I, 70. — H. Bonhomme, Grandes Dames
et pécheresses; Paris, 1883, in-16. — Comte Gaston de
Villeneuve-Guibert, le Portefeuille de M'»^ Dupin; Paris,
1884, in-8. — Vicomtesse de Janzé, les Financiers d'au-
trefois ; Paris, 1886, in-8. — L. Perey et G. Maugras, la
Jeunesse de M™« d'Epinay ; Paris, 1882, in-8. — Cheva-
lier, le Château de Chenonceaux ; Tours, 1869, m-8.
DU PI NET (Antoine), traducteur français et controver-
siste protestant, né à Baume-les-Dames vers 1510, mort
à Paris entre 1563 et 1366. Appartenant à une famille
qui jouissait d'une certaine aisance, puisqu'il s'intitulait
« seigneur de Noroy », il embrassa de bonne heure la
réforme de Calvin et dut en conséquence abandonner la
catholique Franche-Comté pour s'étabhr à Lyon où s'écoula
une bonne partie de son existence. Sa traduction de l'His-
toire naturelle de Phne, publiée en 1362 et nombre de
fois réimprimée, demeura longtemps la seule complète qu'il
y eût en langue française de ce grand ouvrage. Son recueil
de Plants, pour traits et descriptions de plusieurs villes
et forteresses, édité à Lyon en 1364, montre que l'auteur
avait beaucoup voyagé et pris une part active à la propa-
gande protestante. Deux opuscules de controverse, publiés
par Dupinet, sont demeurés célèbres dans la littérature
protestante : la Taxe de lapénitencerie et chancellerie
romaine (Lyon, 1364); la Conformité des Eglises ré-
formées de France et de l'Eglise primitive (Lyon,
1363). Auguste Castân.
BiBL. : Haag, Finance prolestante.
DUPINEY DE VoREPiERRE(Jean-François-MarieBERTET),
publiciste français, né à Vienne (Isère) le 17 août 1811,
mort à Paris en 1879. Docteur en médecine, il entra en
1840 dans la rédaction du Crédit où il donna des articles
de finances et d'économie politique, et dans celle de la
Politique nouvelle. Il est connu par son Dictionnaire
français illustré et Encyclopédie nouvelle (Pd^ris, 1836-
1864, 2 vol. gr. in-4) qui a joui longtemps d'une cer-
taine renommée et qui a encore des lecteurs, et par le Dic-
tionnaire des noms propres ou Encyclopédie illustrée
de biographie, de géograpliie, d'histoire et de mytho-
logie, que la mort ne lui permit pas d'achever. Citons
encore de lui : Sur les symptômes du choléra morbus
sporadique (Paris, 1841, in-4)_, thèse, et les traductions
des Lettres sur la chimie de Liebig (1845) et du Traité
de physiologie de Mùller (1846).
DU PLAN (Benjamin), député général des synodes des
Eglises réformées de France, né près d'Alais le 13 mars
1688, mort à Londres en 1763. Il appartenait à une
ancienne famille noble d'Alais, mais abandonna la carrière
militaire en 1710, pour se vouer aux intérêts de ses core-
ligioîinaires protestants persécutés en France. Il fut ainsi,
à partir de 4715, l'auxiliaire dM. Court (V. ce nom). En
4724, quand sa tète eut été mise à prix, il se retira à
Genève et plaida la cause des huguenots, visitant successi-
vement les principales cours protestantes d'Europe (4731-
4744) en qualité de délégué spécial des synodes réformes
de France. Dès 4725, il avait contribué à fonder le sémi-
naire de Lausanne, pour lequel il recueillit des dotations
et des dons, au cours de ses voyages. Accusé de mal em-
ployer les fonds qu'il collectait, il fut destitué, se brouilla
avec A. Court, mais fut réintégré partiellement dans ses
fonctions en 1749 et vécut désormais à Londres. Sa cor-
respondance, conservée à la bibliothèque de Genève, est
importante pour l'intelligence de l'histoire des réformés de
France au xvin® siècle. F. -H. K.
BiDL.: D. BoNNEFON, Benjamin Du Plan; Toulouse,
1876, in-8.
DU PLAN (Joseph), homme politique français, né à Pa-
ris le 6 mars 1791, mort à Toulouse le 12 févr. 1873.
Elève de Polytechnique, il servit dans le génie maritime,
devint aide de camp de Roguet et, tenu en suspicion par
la Restauration, demeura dans la vie privée jusqu'en 1852.
Il fut alors (29 févr.) nommé député de la Haute-Garonne
au Corps législatif, soutint la politique de l'Elysée et fut
successivement réélu en 1857 et 1863. Il a écrit un Ma-
nuel d'agriculture à l'usage des écoles primautés et un
Essai de météorologie appliquée à r agriculture.
DU PLAN (Pierre-Paul), publiciste et homme poHtique
français, né à Bourges le 7 oct. 1806, mort à Paris le
21 juin 1878. Avocat à Bourges, il collabora à la Revue
du C/i(?r (1831-1844), plaida des procès politiques qui le
mirent en lumière, et fut élu le 23 avr. 1848 représen-
tant du Cher à la Constituante. Il ne se représenta pas à
la Législative et devint inspecteur particulier de l'exploita-
tion des chemins de fer. Outre sa collaboration à VEclai-
reur de l'Indre, au Journal du Loiret, au Pays, au
Constitutionnel, au Paris pittoresque, il a donné beau-
coup d'articles au Répertoire de droit et de législation
de Ledru-RoUin et au Répertoire de Dalloz. On peut
citer de lui : Défense généi^ale de la France. Etablisse-
ments militaires à Bourges (Bourges, 1862, in-8); De
la Réorganisation du Crédit foncier de France (Paris,
1877, in-8).
pu PLANT (Rosalie), cantatrice française, une des bonnes
artistes de l'Opéra au xvni^ siècle. Elle avait commencé par
être simple choriste à ce théâtre. Elle ne débuta sérieusement
qu'au mois de mars 1763, mais elle s'y fit aussitôt remar-
quer. Elle brillait particulièrement dans le genre tragique ;
elle se retira vers 1783, après avoir tenu une grande place
dans le répertoire et avoir créé un certain nonibre de rôles
importants, entre autres dans Ernelinde, Thésée (Médée),
l'Union de V amour et des arts, Iphigénie en Aulide
(Clytemnestre), Atys, Céphale et Procris, etc.
DUPLANTIER (Jacques -Paul -Fronton), homme poli-
tique français, né à Cailleau (Gironde) enjanv. 1764, mort
à Agen en 1814, Avocat et armateur à Bordeaux, membre
du département, député de la Gironde à la Législative et à
la Convention, il vota, dans le procès de Louis XVI, pour
la mort et contre le sursis. Le 7 juin 1793, il donna sa
démission de député pour ne pas paraître approuver les
menées fédéralistes de ses électeurs. Après le 9 thermidor,
il devint président du directoire de son département. Député
de la Gironde aux Cinq-Cents, il se retira de la politique après
le 18 brumaire, se fit inscrire au barreau d'Agen, et remplit
jusqu'à sa mort les fonctions de bâtonnier. F. -A, A.
DU PLAY (Simon-Emmanuel), chirurgien français con-
temporain, né à Paris le 10 sept. 1836. Il est le fils de
Mathieu-Simon-Justin-Maurice Duplay, ancien chef de
clinique de la Faculté, médecin des hôpitaux, mort en 1872.
Interne des hôpitaux (1859), docteur en médecine (1865),
agrégée en chirurgie (1866) et chirurgien des hôpitaux
(1867), professeur de pathologie externe de la Faculté
de Paris (1884), il est depuis 1889 professeur de clinique
— 83 ~ DU PLAN - DUPLEIX
chirurgicale. Parmi les nombreux travaux qu'il a publiés,
il y a lieu de citer : ceux sur le Diagnostic et le traite-
ment des affections des fosses nasales (1866 à 1872), et
il a inventé un spéculum nasi qui, adopté partout, a
transformé la séméiologie et la thérapeutique chirurgicale
des affections des fosses nasales ; De rtlypospadias périnéo-
scrotal et de son traitement chirurgical (1875), travail
continué en 1880 par l'application de procédés nouveaux
applicables aussi avec succès au traitement chirurgical de
l'hypospadias ; Quelques Faits de péritonite simulant
l'étranglement interne (1876); Leçons de clinique
chirurgicale professées à l'hôpital Saint-Louis pendant
l'année 1876 ; un Traité élémentaire de pathologie
externe en 7 vol. (Paris, 1861-1888), dont les deux pre-
miers volumes seulement sont de Follin ; Traité de chi-
rurgie (iS90 et suiv.) avec P. Reclus. D^ A. Dureau.
DUPLEIX (Scipion), historien français, né àCondom en
1569, mort à Condom en 1661. Protégé par Henri IV et
Marguerite de Valois, il vint à Paris en 1605 et devint
maître des requêtes de l'hôtel de la reine. Nommé histo-
riographe de France, il tira peu d'avantages et de satisfac-
tion de cette fonction et se retira dans sa ville natale avec
le titre de conseiller d'Etat. Le nombre de ses ouvrages
est assez considérable. Il publia notamment Mémoires
des Gaules depuis le Déluge jusqu'à rétablissement de
la monarchie française avec Vétat de l'Eglise et de
r Empire depuis la naissance de J.-C. Mais le travail
de beaucoup le plus important qu'il écrivit fut V Histoire
générale de France (1621-1643, 5 vol. in-foL). L'ap-
parition de cet ouvrage provoqua de nombreuses et violentes
polémiques. Le style y laisse à désirer, mais les divisions,
quoique trop nombreuses, en sont nettes et méthodiques,
pupleix n'a pas fait preuve d'une critique fort éclairée ; il
ignore les sources les plus accessibles et n'a même pas su
profiter des leçons de Fauchet. Les derniers volumes, qui
sont relatifs au règne de Louis XIII, ont plus de valeur
historique. On a prétendu, non sans apparence de raison,
que Richelieu en fut l'inspirateur et qu'il en surveilla
l'impression.
DUPLEIX (César), sieur de I'Ormoy, écrivain français^
né à Orléans, mort en 1645, avocat. Il est l'auteur de
VAnti-Cotton ou Réfutation de la Lettre déclaratoirô
du P. Cotton, où il est prouvé que les Jésuites sont
coupables et auteurs du parricide exécrable commis
en la personne du roi très chrétien Henri IV d'heu-
reuse mémoire (Paris, 1610, in-8), pamphlet virulent
qui fit beaucoup de bruit en son temps, et qui fut aussi
attribué à J. du Bois, à P. du Moulin et à P. du Coignet.
DUPLEIX (Joseph -François), gouverneur des Indes
françaises, né à Landrecies le l^"^ janv. 1697, mort à Paris
le 10 nov. 1763, Il était fils de François Dupleix, fermier
général, et de Anne-Louise de Massac. François Dupleix
voulait faire de son fils un commerçant et, pour essayer
de le détourner de son goût pour les arts et les sciences
exactes, il le fit embarquer, en 1715, sur un navire de la
Compagnie des Indes orientales. En 1720, le jeune Dupleix
fut nommé membre du conseil supérieur de cette Compagnie
et commissaire des guerres. En 1730, il était gouverneur
de Chandernagor où il ramena la prospérité. En même
temps, sa fortune personnelle s'accrut énormément et il fut
en plusieurs occasions le banquier de la Compagnie des Indes.
En 1741, Dupleix épousa Jeanne Albert, veuve de l'un des
conseillers de la compagnie, du nom de Vincent, française
de naissance et descendant de la famille portugaise de Cas-
tro. C'était une femme de courage et d'esprit qui le servit
dans ses relations diplomatiques avec les princes indigènes;
elle fut connue dans l'Inde sous le nom de Joanna-Begum
(la princesse Jeanne). Les succès de Dupleix à Chandernagor
lui valurent d'être appelé, la même année, au gouverne-
ment de Pondichéry. Dans cette situation, qui faisait de
lui presque un vice-roi, Dupleix rêva d'asseoir la domination
française aux Indes sur de vastes possessions. Il voulait
que la presqu'île entière fût administrée par la France, à
DUPLEIX - DUPLESSIS
84 —
Taide de souverains indigènes, ses tributaires et se^ pro-
tégés et il espérait faire accepter la suzeraineté de la trance
par le Grand-Mogol lui-même. Mais il fallait compter avec
la rivalité de l'Angleterre qui avait fondé, elle aussi, une
compagnie destinée à assurer le trafic avec l'Inde. Dupleix,
prévoyant qu'une guerre était inévitable et que la supré-
matie dans l'Inde serait assurée au vainqueur, se prépara
activement à cette lutte, s'attachant surtout à créer dans
la colonie une force militaire et à s'assurer des appuis
parmi les Hindous. , .. . r, . ,
La guerre éclata en 1745 entre la Grande-Bretagne et
la France. Pour soutenir les établissements de l'Inde, le
souvernement avait donné l'ordre au gouverneur des î es
de France, La Bourdonnais, de se porter avec son escadre
dans les eaux de Pondichéry; après des contretemps, il
arriva le 6 juil. 4746. Dupleix le reçut comme un sauveur
et lui donna l'ordre d'attaquer Madras dont la possession
devait consolider l'influence française. Madras capitula le
21 sept. Ce fait d'armes fit éclater entre La Bourdonnais
et Dupleix un désaccord fatal; déjà leurs caractères oppo-
sés, leur autorité respective mal définie, avaient mis des
nuages entre eux. Il faut rappeler que le nabab du Car-
natic, Anaverdikan, avait sauvé Pondichéry, alors mal
défendue, en empêchant la guerre entre Européens sur le
territoire indien. Il protesta contre la prise de Madras,
mais Dupleix, espérant conserver la ville sous l'influence
française, lui fit répondre qu'il l'avait fait attaquer pour la
lui livrer. La Bourdonnais fut informé de cette résolution;
néanmoins, malgré l'ordre formel de Dupleix, il accorda
aux Anglais le rachat de la ville. Dupleix refusa de ratifier
le traité conclu le 26 sept. La Bourdonnais ne voulait
pas céder. Cependant, après un ouragan qui avait fait subir
à sa flotte de graves avaries, La Bourdonnais se résigna à
quitter l'Inde le 23 oct. Les historiens s'accordent aujour-
d'hui à réhabiliter Dupleix trop longtemps représenté comme
ayant été pour La Bourdonnais un rival égoïste et jaloux ;
ils mettent en opposition avec les calculs ambitieux et inté-
ressés de ce dernier la grandeur de vues de Dupleix, son
génie colonisateur et son dévouement aux intérêts français.
Après le départ de La Bourdonnais, le nabab du Carnatic
somma Dupleix de lui remettre Madras. Celui-ci dut faire
face aux Indiens avec de faibles ressources. L'armée du
nabab fut défaite à Saint-Thomé et Madras déclarée pos-
session française. Dupleix allait prendre le dernier refuge
des Anglais, Saint-David, quand l'amiral anglais Boscawen
parut avec une flotte en vue de Pondichéry. Dupleix fut
blessé en dirigeant la défense; secondé par la mauvaise
saison, il put contraindre les Anglais à lever le siège; il
se disposait à poursuivre les débris de la flotte réfugiés au
fort Saint-David au moment où fut signé le traité d'Aix-
la-Chapelle. Dupleix s'attacha alors à assurer l'influence
française dans l'Inde en dominant les princes indigènes.
Après la bataille d'Ambour, Dupleix réussit à placer sur
le trône d'Arcate un de nos auxiUaires, et le nabab du Dek-
kan, qui vint rendre hommage à Dupleix, le nomma nabab
de l'Inde, du cap Comorin au fleuve Krichna. Le renom de
Dupleix était devenu considérable en Asie. Restait un point
important à conquérir, Trichinopoli, où s'était réfugié un
fils d' Anaverdikan, soutenu par les Anglais. Malgré le
secours de la cavalerie du nabab Chanda Saïb, Law n'avait
pas su exécuter les ordres de Dupleix et, s'étant laissé en-
fermer dans une boucle du fleuve Cauveri, il dut capituler
(1752). Dupleix réclama des secours. Mais le gouverne-
ment, indifférent à sa gloire et ne comprenant pas ses
plans, n'avait qu'un désir, faire la paix avec l'Angleterre.
Aussi envoya-t-il dans l'Inde non point des renforts, mais
un commissaire extraordinaire, Godeheu, qui devait dé-
truire l'œuvre de Dupleix. Le gouverneur avait pourtant
commencé à réparer les désastres de Trichinopoli qu'il
faillit reprendre; ses efforts furent perdus. Godeheu avait
ordre de destituer Dupleix et de l'arrêter au besoin ; il
remplit sa mission avec une rare hypocrisie. Il refusa de
régulariser les comptes de Dupleix et séquestra les revenus
destinés à rembourser ses avances. Godeheu fit reconnaître
son titre de gouverneur et Dupleix fut embarqué presque
de force pour la France le 12 oct. 1754. Sa chute eut des
conséquences néfastes pour l'influence française (V. Inde).
Dupleix fut grand administrateur, profond diplomate, colo-
nisateur de premier ordre, mais il eut le malheur de n'être
pas compris par ceux qui gouvernaient la France; on voyait
en lui un aventurier et un tyran ambitieux et avide. Il fut
abreuvé d'injustices et, n'ayant pu se faire rendre les
avances considérables qu'il avait faites à la Compagnie, il
termina ses jours dans une profonde misère. Sa femme
était morte en 1756 et il avait épousé, en 1758, M^^^ de
Chastenav-Lantv. Gustave Regelsperger.
BiBL. TTibullë Hamont, Dupleix, d'après sa correspon-
dance inédile ; Paris, 1881, in-8.- Henry Bionne, Dupleix;
Paris 1881 2 vol. in-8. — Cartwright, Dupleix et t Inde
française, dans Revue britannique, 1882. — H. Castonnet
DES Fosses, Dupleix, ses expéditions et ses projets; Pa.ns,
Igt.^. - Du même, la Chute de Dupleix; Angers, 1888. —
M<^r Dehaisne, Dupleix, notes biographiques et histo-
riques; Lille, 1888. — Colonel G.-B. Malleson, Dupleix,
1891, in-12. . ...
DUPLESSIS (Claude), jurisconsulte français, originaire
du Perche, mort en 1685. Il fut le conseil de plusieurs
grandes maisons et fut souvent consulté par Colbert qui le
prit comme avocat des finances. On a de Duplessis un
traité sur la Coutume de Paris, publié avec des notes de
Berroyer et de Laurière (Paris, 1699,1702, 1709, in-fol. ;
^1726, 1754, 2 vol. in-fol). Dans ses OEuvres complètes,
publiées en 1754, on trouve des fragments d'un Commen-
taire sur la Coutume du Maine et des Consultations.
DUPLESSIS (Dom Michel-Toussaint-Chretien), béné-
dictin de la congrégation de Saint-Maur, né à Paris en 1689,
mort à Paris en 1767. Il est l'auteur des ouvrages sui-
vants : Histoire de Couci{il1^, in-4) ; Histoire de l'église
de Meaux (1731, 2 vol. in-4); Description d'Orléans
(1736, in-8); Nouvelles Annales de Paris (1753, in-4).
DUPLESSIS (Joseph-Sifrède), peintre français, né à
Carpentras (Vaucluse) le 22 sept. 1725, mort à Versailles
le 1^^ avr. 1802. Il était fils du peintre Joseph-Guillaume
Duplessis, dit le Vieux, et reçut les leçons de son père, du
chartreux J.-J. Imbert et de Subleyras. Ses œuvres pnn-
cipales sont les peintures de l'église Saint-Siffrein à Carpen-
tras et toute une série d'excellents portraits parmi lesquels
ceux à'Allegrain (morceau de réception du peintre à l'Aca-
démie le 6 août 1774), de VAbbé Arnauld, de Gluck, de
Franklin, de la Princesse de Lamballe, de Monsieur,
frère du roi, du Comte d'Ormesson, etc. Duplessis, qui
devint à la fin de sa vie directeur des galeries de Versadles,
a fondé à Carpentras un musée d'objets d'art dont il a dressé
le catalogue raisonné. F. Courboin.
DUPLESSIS (Pierre), littérateur français, né à Saint-
Pierre (Martinique) vers 1750, mort vers 1800. On a de
lui une tragédie Ivrique en cinq actes, Pizarre ou la
Conquête du Pérou (Paris, 1785, in-4), jouée sans
succès à l'Opéra, et des romans parmi lesquels nous cite-
rons : Mémoires de sir Georges Wolap (1788, 6 vol.
in-12); Honorine Delville (1789, 2 vol. in-12) ; His-
toire du marquis de Seligny et de M"^« de Luzal
(1790, 3 vol. in-12).
DUPLESSIS (Pierre-Alexandre Gratet-), bibliographe,
littérateur et professeur français, né à Janville (Eure-et-
Loir) le 16 déc. 1792, mort à Paris le 21 mai 18d3. Il
entra dans l'Université en 1811 et devint successivement
inspecteur de l'académie de Caen, recteur de celle de Douai,
puis de celle de Lyon. Il laissa des témoignages de sa vaste
érudition dans de" nombreux travaux, dont les principaux
sont : Bibliographie par émio logique (1847), étude sur
les ouvrages dans toutes les langues consacrés aux pro-
verbes; Essai historique sur les établissements litté-
raires de la ville de Douai (1842). On doit encore^à ses
soins l'édition ou la réimpression d'un bon nombre d'opus-
cules du xv^ siècle et une édition annotée des Maximes
de La Rochefoucauld (1853), G. P-i.
BiRi.. : Sainte-Beuve, Notice sur Gratet-Duplessis ,en
— 85 -
DUPLESSIS - DUPONCHEL
tête de l'éd. de La Rochefoucauld ci-dessus. — Le présid.
Preux, Notice en tête dn Catalogue de la bibl. du défunt,
1856.
DUPLESSIS (Paul), littérateur français, né à Rennes
vers 1813, mort à Paris en d865. Il a publié un grand
nombre de romans d'aventures dont plusieurs ont pour
théâtre le Mexique où il avait séjourné. Nous citerons :
les Boucaniers (Paris, 1833-4854, 16 vol. in-8) ; Etapes
d'un volontaire a SM, 16 vol. in-8) ; les Grands Jours
d' Auvergne (iS60, 4 vol. in-12) ; Aventures mexicaines
(1860, in-12); le Chevalier de Dieu (1838, 3 vol.
in-8); Maureuert V aventurier (1862, in-4) ; Un Monde
inconnu (1835, 2 vol. in-8); les Mormons (1859,
8 vol. in-8) ; les Peaux-Rouges (1864, in-12) ; la Sonora
(1854, 4 vol. in-8) ; le Tigre de Tanger (1867, 9 vol.
in-8); le Roi de la Sierra (1864, in-'i6).
DUPLESSIS (Marie) ou plutôt PLESSIS (Alplionsine),
née à Nouant (Orne) le 13 janv. 18'i4, morte à Paris en
1846. Cette demi-mondaine que le roman d'Alexandre
Dumas fils, la Dame aux Camélias, a rendue célèbre,
était la fille de Marin Plessis, marchand colporteur à No-
nant, et de Marie Deshayes. On trouvera tous les rensei-
gnements nécessaires sur la vie réelle de Marie Duplessis
dans la préface d'A. Dumas, en tète de l'édition de la
Dame aux Camélias de Paris, 1886, in-4; et dans
les articles du comte de Contades : les Quartiers de la
dame aux Camélias (Livre, 1883, B. R., t. YIII) et les
Portraits de la dame aux Camélias (ib., 1887, t. IX).
DUPLESSIS (Georges-Victor-Antoine Gratet-), fils de
Pierre-Alexandre, iconographe et historien d'art, né à
Chartreslel9 mars 1 834, actuellement (1892) conservateur
du département des estampes à la Bibliothèque nationale.
Entré à la Bibliothèque en 1 833 , il a succédé en 1 883 à M . le
comte Henri Delaborde, comme conservateur du département
des estampes, et à Alexandre Lenoir en 1891 comme membre
libre de l'Académie des beaux-arts. En dehors de sa colla-
boration aux principales revues d'art françaises, depuis
1835, M. Duplessis a publié de nombreux ouvrages dont
voici les principaux : le Livre des peintres de Michel de
Marolles (1855) ; la Gravure au Salon de 1855 ; Notice
sur Michel Lasne (Caen, 1856); les Graveurs sur bois
contemporains (1857) ; le JoimialdeJ.-G. Wille (1857);
Notice sur Gérard Audran (Lyon, 1858); Catalogue de
l'œuvre d'Abraham Bosse (Paris, 1859) ; le Département
des estampes (1860) ; Histoire de la gravure en France
(1861); le Peintre-Graveur français (suite à Robert
Dumesnil) (t. IX, X, XI, 1865-1871) ; Bibliographie bio-
graphique (Paris, 1866) ; les Costumes des^ xvi^, xyii® et
xviii® siècles, avec des dessins de Lechevallier-Chevignard
(1867-1873, 2 vol. in-fol.); Catalogue de l'œuvre de
Claude Gellée, en collaboration avec E. Meaume (1875) ;
la Gravure du portrait en France (1875) ; Catalogue de
la collection Hennin (1875-1884, 5 vol.) ; Histoire de
la gravure en Italie, en France, en Allemagne, etc.
(1880) ; Notice sur J. Jacquemart (1880) ; Notice sur
G.-A. Huot (1883) ; la Gravure a l'Exposition des arts
décoratifs (iSS^) ; Icônes veteiis testamenti de H. Hol-
bein (1884) ; Estampes de V école de Martin Schongauer
(1885) ; Etude sur les Emblèmes d'Alciat ; Etude sur
les éditions illustrées d'Ovide aux xv^ et wi" siècles, etc.
M. Duplessis a édité avec l'héliograveur Amand-Durand les
œuvres des principaux maîtres de la gravure : Van Dyck,
Ruysdael, Martin Schongauer, Andréa Mantegna, etc.
F. COURBOIN.
DUPLESSIS-Berxaud (Marie-Rosalie) (V. Bertaud).
DUPLESSIS-Bertaux (Jean) (V. Bertaux).
DU PLESSIS d'Argentré (Charles) (V. Argentré).
DU PLESSIS-Gouret (V. Plessis).
DU PLESSIS-MoRNAY (V. Plessis).
DUPLEX (Système) (V. Télégraphe).
DUPLICATION DU cube. Le problème de la duplication
du cube ou problème déliaque a pour but de chercher le
côté d'un cube de volume double d'un cube dont le côté est I
donné. Le nom du problème déliaque qui lui a été donné
vient de ce que pendant qu'une peste sévissait surPAttique,
l'oracle de Délos, consulté sur les moyens d'écarter le fléau,
aurait répondu Doublez V autel. L'autel en question était
celui d'Apollon, et il était de forme cubique. La légende
rapporte qu'on doubla d'abord les dimensions linéaires de
l'autel et que la peste continua à sévir. L'oracle consulté
de nouveau répondit qu'on avait mal interprété sa réponse,
et qu'il fallait doubler le volume de l'autel. On possédait
une solution de cette question ; elle avait été donnée par
Hippocrate de Chio; d'autres géomètres, Platon, Archytas,
Eudoxe, Ménechme, Aristée, Dinostrate, trouvèrent égale-
ment des solutions, mais aucune de ces solutions ne repo-
sait sur l'emploi exclusif de la règle et du compas. Il est
d'ailleurs démontré aujourd'hui qu'il n'est pas possible de
résoudre ainsi le problème déliaque.
DUPLICIDENTÉS (Zool.) (V. Lièvre et Rongeurs).
DUPLOYÉ (L'abbé Emile), professeur de sténographie,
né à Nofre-Dame-de-Liesse (Aisne) en 1833. Il a renoncé
d'assez bonne heure aux fonctions ecclésiastiques pour se
consacrer exclusivement à la sténographie. En collaboration
avec son frère Gustave, il a inventé une nouvelle méthode
(V. Sténographie) qui ne diffère guère de celles employées
jusqu'alors que par la simplification de quelques signes,
mais qu'une réclame un peu tapageuse a rapidement pro-
pagée. Il a du reste exagéré l'importance de son système et
de la sténographie en général (qu'il croit appelée à révo-
lutionner les méthodes pédagogiques) en fondant à Paris
un Institut sténographique des deux mondes, avec sa
revue hebdomadaire, le Sténographe, et de nombreux
organes tant en province qu'en étranger, et en créant une
Bibliothèque sténographique, composée de plusieurs cen-
taines d'ouvrages imprimés avec les signes de r« alphabet
Du ployé ». Il a publié : Notre-Dame-de-Liesse (Laon,
1862-63, 2 vol. in-8); Sténographie Duployé (Paris,
1864, in-8, nombr.édit.). L. S.
DU PLU M (V. Déchant).
DUPONCHEL (Edmond), artiste et administrateur fran-
çais, né à Paris vers 1795, mort à Paris le 10 avr. 1868.
Après avoir étudié d'abord l'architecture, il se tourna
vers l'orfèvrerie et la bijouterie artistique, fit un voyage
en Angleterre pour augmenter ses connaissances en ce
genre, et se fit connaître comme artiste délicat et dis-
tingué. Aimant l'art sous toutes ses formes et aidé par
de puissantes relations, il obtint, en 1833 le privilège de
l'Opéra, oti il succéda comme directeur à Louis Véron.
Il conserva cette situation jusqu'en 1840, époque où il
fut remplacé par Léon Pillet. Lorsqu'il eut quitté l'Opéra,
Duponchel recommença à s'occuper d'industrie d'art, et prit
une part d'association dans la maison Morel. Il reparut
d'ailleurs à l'Opéra en 1847, succédant à son successeur,
mais cette fois avec Nestor Roqueplan comme associé. Cette
seconde direction ne dura pour lui que deux ans, et en
1849 il se sépara de Roqueplan, qui resta seul à la tête
de l'Opéra. De nouveau, Duponchel reprit alors ses tra-
vaux artistiques, et il obtint une médaille d'honneur à
l'Exposition universelle de 1835. Enfin, en 1860, Du-
ponchel devint l'associé de Dormeuil dans la direction du
Vaudeville, mais cette combinaison dura peu.
DUPONCHEL (Adolphe), né le 18 mai 1821 à Florac
(Lozère). Ingénieur en chef des ponts et chaussées actuel-
lement en retraite (1891). L'un des hommes les mieux
doués de sa génération, Duponchel a marqué par des idées
originales, ingénieuses, trop nombreuses peut-être pour
qu'il eût toujours le temps d'en pousser l'étude à fond. Il
a proposé, notamment, de démolir une masse argilo-cal-
caire des Pyrénées au moyens de jets d'eau comprimée,
pour la faire couler à l'état de limon dans des canaux qui
l'auraient portée sur les Landes. Une couche mince d'argile
et de calcaire, mêlée au sol naturel, aurait transformé le
pays, qu'on sait déjà assainir. La compression de l'eau eût
été obtenue au moyen des chutes de torrents voisins du
chantier. Il a proposé un procédé analogue au précédent
DUPONCHEL — DUPONT
- 86 -
pour rachèvement du canal de Panama. On n'a pas oublié
la proposition de chemin de fer transsaharien due également
à Duponchel et dont les expéditions Flatters et autres ont
été la conséquence. Outre ses nombreuses brochures, ses
articles dans la Revue des Deux Mondes et dans les Annales
des ponts et chaussées, on a de Duponchel un ouvrage de
grande importance, Timté d'hydraulique et de géologie
agricoles (Paris, 1868, in-8), rempU de vues neuves,
souvent pratiques. M. -G. L.
DUPONT (Gratian), sieur de Drusac, poète français
du XVI® siècle. Lieutenant général de la sénéchaussée de
Toulouse, on a de lui un ouvrage curieux, devenu fort
rare, et qui suscita, à son apparition, une polémique des
plus vives. Controverse des sexes masculin et féminin
avec la requête du sexe masculin contre le féminin
(Toulouse, 1534, in-fol.; Paris, 1540 et 1541, in-8).
Citons encore Art et Science de rhétorique métrifiée
(Toulouse, 1539, in-4).
DUPONT (Pierre), tapissier français, né à Paris avant
1577, mort vers 1650. Il fut l'inventeur ou plutôt le res-
taurateur de la fabrication des tapis dits de Turquie. En
1605, il exécuta au Louvre, sur les ordres du roi, des
échantillons d'ouvrages d'or et de soie. Un brevet du
4janv. 1608 lui accorda un logement et un atelier au
Louvre pour y fabriquer des tapis. En -1626, il s'associa,
pour monter une manufacture, avec Simon Lourdet. Ce
dernier s'établit à la Savonnerie, tandis que Dupont
restait au Louvre. La concorde fut loin de régner entre
eux, Lourdet cherchant à évincer son associé. Après une
longue suite de procès, Dupont fut maintenu au Louvre
avec une pension pour vingt ans et Lourdet à la Savon-
nerie, par lettres patentes du 30 sept. 1637. On conserve
au musée des Gobelins un tissu velouté représentant
Louis XIIU Anne d'Autriche et ses enfants, qui fut
fabriqué en 1643 par Dupont d'après une composition
de Simon Vouet. Dupont fit imprimer en 1632 un ou-
vrage intitulé la Stromatourgie ou de l'Excellence de la
manufacture des tapis dits de Turquie, nouvellement
establie en France sous la conduite de noble homme
Pierre Dupont. — Le fils de Dupont, Louis, fut confirmé
dans les privilèges de son père et continua au Louvre la fabri-
cation des tapis de Turquie. Il aborda aussi la figure, ainsi que
l'attestent quelques pièces qui portent sa signature. Après
la mort de Philippe Lourdet, fils de Simon Lourdet, Louis
Dupont s'installa à la Savonnerie dès 1672, où il travailla
aux tapis de la grande galerie du Louvre avec la veuve
Lourdet. A partir de 1686, le travail diminua à la Savon-
nerie et cessa en 1689. F. Mazerolle.
BiBL. : A. Darcel et J. Guiffrey, Iel Stromatourgie de
Pierre Dupont {Publication de [la. Société de l'histoire de
l'art français).
DUPONT, acteur français. Il débuta avec un succès
éclatant, le 17 mars 1791, à la Comédie-Française, dans
le rôle d'Egisthe de Mérope, et se fit remarquer, pendant
plusieurs années, dans l'emploi des amoureux de la comédie
et la tragédie, par une sensibihté rare, un jeu plein de feu
et une diction fort distinguée. Une maladie cruelle, qui lui
enleva une partie de ses moyens, vint briser sa carrière et
l'obliger à prendre prématurément sa retraite en 1802.
DUPONT (Jacob-Louis), homme politique français, né à
Loches (Indre-et-Loire) le 9 déc. 1755, mort sous la Res-
tauration. Il était prêtre en 1789 et abbé de Jumeaux. Il
sortit des ordres, devint maire de Perrusson (Indre-
et-Loire) en 1790, et député d'Indre-et-Loire à la Légis-
• lative et à la Convention. Le 12 déc. 1792, dans le débat
sur les écoles primaires, il prononça un discours où, au
miheu des rumeurs de ses collègues, il se déclara athée et
proposa de renverser le christianisme et d'y substituer le
culte de la science. Ce discours fit scandale et Pitt le cita
au Parlement comme un exemple de l'impiété française.
Dans le procès de Louis XVI, il émit les votes les plus
rigoureux. Sylvain Maréchal dit que, plus tard (sans doute
au moment du culte de la Raison), il donna sur les places
publiques des leçons « de morale et d'athéisme ». Il démis-
sionna pour raison de santé le 30 floréal an IL Le 9 avr.
1798, il annonça qu'il allait faire à Notre-Dame un cours
public et gratuit sur l'agriculture, les arts, la logique, la
morale, les mathématiques : il avait déjà essayé de le faire
en plein vent, sur la place de la Révolution, le 23 sept.
1797. Sans doute que l'accès de Notre-Dame lui fut interdit ;
car, le 2 févr. 1798, il demanda aux Cinq-Cents d'ouvrir
son cours dans la salle du Manège : sa demande fut re-
poussée avec dérision. Il retomba ensuite dans l'obscurité,
fut frappé d'aliénation mentale et interné à Charenton.
On ignore la date exacte de sa mort. F.-A. A.
BiBL. : La Révolution française, revue historique, t. VIII,
pp. 580 et 701.
DUPONT (Hippolyte-Auguste), chef d'institution un
moment célèbre à Paris, né de pauvres paysans de l'Hé-
rault en 1767, mort à Versailles en 1855. Il ne savait
rien à douze ans, et apprit à lire et à écrire presque tout
seul, étant marchand ambulant. Les habitants d'un hameau
du Gard, qui l'avaient soigné par charité dans une mala-
die, le gardèrent comme instituteur en lui assurant sa nour-
riture à 5 fr. par mois. Sa belle écriture l'ayant fait appe-
ler au collège de Clermont-l'Hérault, il prit son brevet
d'instituteur, puis devint maître d'école à Agde. Le désir
d'essayer plus librement une méthode de son invention pour
l'enseignement rapide de la lecture, le décida bientôt à fon-
der une école à lui à Marseillan. Cette méthode ingénieuse,
en grande partie passée depuis dans la pratique, consis-
tait essentiellement à faire connaître d'abord les voyelles,
puis les consonnes les plus usuelles, en apprenant à l'en-
fant à en composer aussitôt les articulations les plus simples,
de façon à pouvoir lire, presque dès les premières leçons,
des mots ayant pour lui un sens, et bientôt de petites
phrases complètes. Les résultats étant bons, des personnes
qui les avaient remarqués attirèrent Dupont à Montpellier,
puis à Nancy, d'où Burnouf le fit venir à Paris en 1835,
Là, au lieu d'un simple pensionnat primaire, il fonda rue
Saint-Lazare une grande institution, bientôt si florissante,
qu'il aurait, dit-on, le premier, créé l'usage des omnibus
scolaires allant chercher les enfants sur tous les points de
la ville. Le roi voulut voir l'instituteur à la mode, le décora
en 1844, et décida que sa « citolégie » serait employée
pour apprendre à lire à ses petits-enfants. Peu après,
Dupont se retira à Versailles où il mourut. Outre la Cito-
légie qui eut un grand nombre d'éditions diverses, dont
une dédiée au comte de Paris, on a de lui : une Méthode
pour mettre la grammaire à la portée de l'enfance
(2 vol. in-12) et des Questions d'arithmétique prépara-
toire ou de calcul mental (2 vol. in-18). H. M.
BiBL. : Buisson, Dict. de Pédagogie.
DUPONT (M^^®), actrice française, née à Valenciennes
en 1794. Belle-fille d'un comédien de province nommé
Dupont, elle lui dut les premières connaissances de son art,
et le 15 mai 1810 elle débutait à la Comédie-Française,
dans Finette du Dissipateur et Lisette des Folies amou-
reuses. Douée d'une joHe figure et d'une physionomie
piquante, elle montrait déjà la gaieté, la franchise et le
mordant qui devaient en faire bientôt l'une des premières
soubrettes de son temps. L'année suivante, M^'.*^ Dupont
voulut s'essayer dans la tragédie et joua le rôle de Didon.
Mais ce n'était point là son fait, et elle se reprit rapidement
à son véritable emploi, se montrant tour à tour dans Jar-
tufe, l'Epreuve nouvelle, l'Ecole des bourgeois, le
Philosophe marié, la Métromanie, les Deux Pages, le
Cercle, le Joueur, les Femmes savantes, lesMénechmes,
la Femme juge et partie, etc., et dans chaque rôle obte-
nant les succès les plus flatteurs. Ces succès étaient tels
que dès 1815, à peine âgée de vingt et un ans, M^^® Du-
pont était reçue sociétaire, en partage d'emploi avec ces
deux grandes artistes qui s'appelaient M^^® Devienne et
M^^'- Demerson. Pendant sa longue carrière à la Comédie-
Française, M^^*^ Dupont fit un grand nombre de créations,
dont quelques-unes fort heureuses. Elle prit sa retraite
— 87 —
DUPONT
vers 1840, après avoir accompli environ trente années de
service.
DUPONT (Pierre-Auguste, dit iteis), chanteur scé-
nique français, né en 4796, mort en juin 1874. Elève du
Conservatoire, il entra à l'Opéra vers 1818, comme ténor
en double, puis quitta ce théâtre pour débuter à l'Opéra-
Comique, le 4 janv. 1821, dans Zémive et Azor, Deux
ans après, il partait pour l'Italie afin de s'y perfectionner,
et le 24 mai 1826* il reparaissait à l'Opéra dans le rôle de
Pylade d'Iphigénie en Tauride, pour y rester jusque vers
1840, époque à laquelle il renonçait aux succès du théâtre
pour ceux du concert, de l'église et du salon. La voix
d'Alexis Dupont, d'une suavité exquise et d'un charme
pénétrant, conduite par lui avec un goût rare et un style
remarquable, manquait de volume et d'étendue pour une
scène aussi vaste que celle de l'Opéra; c'est pourquoi,
malgré un talent incontestable et plein d'élégance, il ne
put jamais se faire à ce théâtre la situation brillante qu'il
était en droit d'ambitionner. Au contraire, au concert, et
surtout à la maîtrise de l'église Saint-Roch, où il fut
attaché par la suite, il savait charmer jusqu'aux auditeurs
les plus délicats et les plus difficiles. Il fit pourtant à
l'Opéra quelques créations intéressantes, dans la Muette
dePortici (Alphonse), la Tentation (Asmodée), le Lac
des fées, le dieu et la Bayadère, etc. Il avait épousé l'une
des plus charmantes danseuses de ce théâtre, M^^^ Lise
Noblet, qui mourut en 1877. A. P.
DUPONT (Paul-François), imprimeur-libraire et homme
politique français, né à Périgueux le 24 mai 1796, mort
à Paris le 11 déc. 1879. Issu d'une ancienne famille
d'imprimeurs de sa ville natale, il étudia l'art typogra-
phique à Paris chez Firmin-Didot et, dès 1815, il créa un
établissement consacré plus spécialement aux impressions
administratives, qui prit une grande extension. Plus tard,
il se fit éditeur de livres d'enseignement. Elu, comme can-
didat officiel, député de la 1'^ circonscription de la Dor-
dogne au Corps législatif (29 févr. 1852), il adhéra au
rétablissement de l'Empire. 11 fut réélu en 1857, en 1863
et en 1869 et resta toujours dans les rangs de la majorité
dynastique. Elu le 30 janv. 1876 sénateur de la Dordogne,
il fit partie de la droite bonapartiste. On lui doit : Essais
d'imprimerie (1849, in-fol.) et une Histoire de Vimpri-
merie (1854, 2 vol. in-8), intéressante surtout pour la
partie moderne. ^. P-i-
DUPONT (Jean-Baptiste-Auguste), imprimeur, publi-
ciste et homme politique, frère du précédent, né à Péri-
gueux le 5 oct. 1798, mort à Chamier (Dordogne) le
20 août 1850. Négociant en pierres lithographiques, il se
signala par plusieurs découvertes utiles. Comme publiciste,
il dirigea VEcho de Vesone, Elu représentant de la Dor-
dogne à l'Assemblée constituante (23 avr. 1848), il sou-
tint une politique réactionnaire. Il perdit la vie dans un
duel avec M. Chavoix, son ancien collègue politique, et sa
mort aida puissamment à l'élection de son frère. G. P-i.
DUPONT (Jean-Victor) , miniaturiste suisse du xix® siècle,
né à Genève. Elève de Regnault, cet artiste fut surtout
remarquable dans ses copies des maîtres italiens et espa-
gnols ; ses miniatures et ses peintures sur émail sont d'une
habileté consommée, mais le caractère intime de ses œuvres
minuscules et leur absence des collections pubhques ont
empêché leur auteur de parvenir à cette notoriété que donnent
les notices de catalogues et les articles de revues. Ad. T.
DUPONT-Henriquel (V. Henriquel-Dupont).
DUPONT (Pierre), poète et chansonnier français, né
à Lyon le 23 avr. 4821, mort à Lyon le 24 juil. 1870.
Tour à tour élève du séminaire de L'Argentière (Ardèche),
apprenti canut, clerc de notaire, employé dans une maison
de banque, il vint à Paris en 1839 et fit insérer quelques
vers légitimistes dans la Gazette de Fraîice et la Quoti-
dienne. Une souscription patronnée par Pierre Lebrun et
ouverte à Provins, dont la famille de Dupont était origi-
naire, couvrit les frais de son exonération du service mili-
taire et lui permit de faire imprimer les Deux Anges,
poème couronné par l'Académie française (1842). Il fut à
cette époque et jusqu'en 1847 attaché aux travaux de la
rédaction du Dictionnaire. En 1846, sa chanson des Bœufs,
et bientôt après celles du Braco7inier, des Louis d'or, du
Ctiien du berger, du Chant du vote, du Chant des nations
dont il avait composé les airs en même temps que les paroles,
lui valurent une rapide et considérable popularité. D'autres
chansons, plus spécialement politiques, écrites après la Ré-
volution de février et chantées par l'auteur dans les clubs,
le firent inquiéter lors du coup d'Etat de 1851 et condamner
à sept ans de déportation, mais sa grâce fut sollicitée et
obtenue. Il vécut dès lors à l'écart et ne sortit de la retraite
où il s'était confiné que pour publier la Légende du Juif-
Enfant, poème illustré par Gustave Doré (1862, in-fol.);
Dix Eglogues (Lyon, 1864, in-8) et enfin une brochure
politique où il se ralliait manifestement à l'Empire : Sur
certains bruits de coalition (1860, in-8). Les Chants et
Chansons de Pierre Dupont ont été l'objet d'une édition de
luxe, ornée de dessins par T. Johannot, Cèlestin Nan-
teuil, etc. (1852-1854, 3 vol. in-8) et de réimpressions
diverses. Sous le titre de Muse juvénile (1859,in-12), il
avait réuni d'autres études en vers et en prose. La célébrité
de Pierre Dupont n'a pas survécu aux circonstances qui
l'avaient fait naître, et ses refrains, comme ceux de Déran-
ger, ne sont plus connus que des lettrés. M. Tx.
BiBL. : Ch. Baudelaire, Etude, réimpr. dans VArt ro-
mantique (t. III des Œuvres ^ complètes). — Sainte-
Beuve, Causeries du lundi, t. IV.
DUPONT (Auguste), compositeur de musique et pianiste
belge, né à Ensival (prov. de Liège) le 9 févr. 1827,
mort à Bruxelles le 17 déc. 1890. Pendant de nom-
breuses années, il occupa la place de professeur de piano
au Conservatoire de Bruxelles où son enseignement devint
célèbre. Ses œuvres pour le piano sont nombreuses. Les
plus importantes sont le Concert-stûck (op. 42) et un
concerto en fa mineur. Il a composé aussi Poème d'a-
mour, recueil de mélodies dans la forme des poèmes de
Schumann. Toutes ses compositions révèlent l'influence de
l'école allemande moderne.
DUPONT (François-de-Sales-Léonce), publiciste fran-
çais, né à Layrac (Lot-et-Garonne) le 5 janv. 1828, mort
à Paris le 23 avr. 1884. Entré dans le journalisme en
1853 comme rédacteur au Moniteur du Loiret, il colla-
bora ensuite au Précurseur d'Anvers, remplit en Italie
les fonctions de correspondant du Pays (1859), publia en
1862, avec Hippolyte Castille, V Esprit public, prit à la
fin de la même année la rédaction en chef de la Nation,
collabora ensuite à la Revue contemporaine, au Gaulois,
au Journal de Paris, au Constitutionnel, etc., etc., et
fonda la Ficvue de France. On a de lui *. la Commune
et ses auxiliaires devant /a^wsh'c^ (Paris, 1871, in-12);
la Comédie républicaine (1872, in-12); le Quatrième
Napoléon (1874, in-18); la Majorité du quatrième
Napoléon (1874, in-12); Madame des Grieux (1875,
in-12); Tours et Bordeaux, souvenirs de la république
à outrance (1877, in-12); la Soumission, réponse à
mes contradicteurs (1878, in-8); les Deux Démocraties
(1878, in-8); De Paris aux montagnes (1879, in-12);
Souvenirs de Versailles pendant la Commune (1881,
in-12); le Pri^ice Victor-Napoléon (1883, in-16).
DUPONT (Joseph), musicien belge, violoniste et com-
positeur, né à Ensival (prov. de Liège) le 3 janv. 1838.
Elève du Conservatoire de Bruxelles, il y remporta le
premier prix de violon et celui de composition, dit prix
de Rome. Il voyagea pendant quatre ans en France, en
Italie et en Allemagne. De retour à Bruxelles, il fut nommé
professeur d'harmonie au Conservatoire et chef d'orchestre
du théâtre de la Monnaie. A la retraite de Vieuxtemps,
il se chargea de la direction des concerts populaires et y
rendit de signalés services, tant à l'école classique qu'aux
musiciens modernes. Chef d'orchestre remarquable, jouis-
sant d'une réputation méritée dans sa patrie, M. Dupont
a écrit un nombre considérable de compositions. Ch. B.
DUPOiNÏ
~ 88 -
DUPONT (Edouard), naturaliste belge, né à Dinant en
1841. Il est directeur du Musée royal d'histoire naturelle
de Bruxelles et membre de l'Académie royale de Belgique.
Il s'est voué surtout à l'étude de la géologie et de la pa-
léontologie animale. Ses principaux ouvrages sont : Etude
sur r ethnographie de F homme de l'âge du renne dans
les cavernes de la vallée de la Lesse (Bruxelles, 1867,
in-8) ; l'Homme pendaîit les âges de la pierre dans
les environs de Dinant (Bruxelles, 1871, in-8 ; rééd. en
1872); les Populations préhistoriques de la Belgique
(Bruxelles, 1873, in-8); Carte géologique de la Belgique
(dix feuilles ont paru de 1882 à J890) ; Lettres sur le
Congo, Récit d'un voyage scientifique entre l'embou-
chure du fleuve et le confluent du Cossaï (Paris,
1889, in-8).
DUPONT (Louis-Eugène-Henri) (1846-1877), marquis
de Compiègne (V. ce nom).
DUPONT DE BosREDON (Alexandre) (V. Bosredon).
DUPONT DE BussAc (Jacques-François), homme politique
français, né à Paris le 7 févr. 1803, mort à Paris le
21 août 4873. Avocat à Paris, il se lança dans le journa-
lisme où il ne tarda pas à se faire une certaine réputation.
D'abord collaborateur au Courrier français , puis fon-
dateur de la Revue républicaine et de la Revue du Pro-
grès, il plaida aussi d'importantes causes politiques qui le
mirent en lumière : celles, entre autres, de Fieschi, de
Barbes, de Blanqui. Nommé en 1848 sous-commissaire de
la République dans l'arr. de Jonzac, il fut élu représentant
de la Charente-Inférieure à la Constituante le 23 avr. et
prit place sur la Montagne. Non réélu à la Législative,
d'abord aux élections générales (13 mai 1849), puis à une
élection partielle dans son. département, il y fut envoyé
par l'Isère le 10 mars 1850. Membre de l'extrême gauche,
il combattit \ivement la politique de l'Elysée ; aussi fut-il
proscrit au coup d'Etat du Deux-Décembre. Il s'établit
d'abord en Angleterre, puis en Belgique et rentra en France
à l'amnistie de 1859. On a de lui : Fastes de la Révolu-
tion française, en collab. avec Marrast (Paris, 1834, in-8);
Réponse complète à ceux qui accusent le gouvernement
républicain de vouloir l'anarchie et le bouleversement
de la propriété (Clermont-Ferrand, 1834, in-12); Procès
de la Glaneuse (Paris, 1834, 2 vol. in-8); Des Finances
et de V avenir révolutionnaire de l Espagne (1834,
in-8); Manuel des sociétés coopératives anonymes à
capital et personnel variables (1872, in-16); Histoire
populaire des sociétés coopératives (1873,in-i8).
DUPONT DE l'Etang (Pierre-Antoine, comte), général
et homme politique français, né à Chabanais (Charente) le
4 juil. 1 765, mort à Paris le 7 mars \ 840. Il servit d'abord
en Hollande dans la légion de Maillebois, fut en 1791
aide de camp de Théobald Dillon à l'armée du Nord et,
blessé à la retraite de Tournai (1792), combattit brillam-
ment à Valmy. Promu général de brigade après la bataille
de Menin (1793) où il avait contraint un régiment de
grenadiers autrichiens à se rendre, il fut nommé par Carnot
directeur du dépôt de la guerre et promu général de divi-
sion le 18 fructidor. Partisan décidé du coup d'Etat du
18 brumaire, il fut nommé chef d'état-major de l'arniée
de réserve des Alpes, se distingua à Marengo et devint
gouverneur du Piémont. Il se couvrit de gloire en culbu-
tant les iVutrichiens au passage du Mincio. En 1805, il
battait Mêlas à Ulm et coopérait activement à la victoire
de Friedland (1807). Créé comte de l'Empire (4 juil. 1808),
il fut envoyé en Espagne où il ternit d'un coup son brillant
passé en signant la désastreuse capitulation de Baylen
(23 juil. 1808). Traduit devant une commission militaire
(1812), il fut destitué de tous ses grades, privé de ses
décorations, de son titre de comte, etc., et condamné à la
prison d'Etat. Délivré par la chute de Napoléon, il fut
nommé commissaire au département de la guerre par le
gouvernement provisoire. Le 3 avr. 1814, Louis XVIIÎ
confirmait cette nomination. Le général Dupont se montra
si malhabile que son portefeuille lui fut enlevé le 3 déc. de
la même année. Il fut alors nommé gouverneur de la
22^ division militaire. Destitué au retour de Napoléon, il
reprit son poste après Waterloo et entra au conseil privé.
Le 22 août 1815, il fut élu député de la Charente qui le
réélut jusqu'en 1830, date à laquelle il échoua. Peu après
(1832), il prit sa retraite et rentra dans la vie privée. Il a
laissé quelques écrits : la Liberté, poème (Paris, 1799,
in-8); Opinion sur le nouveau mode de recrutement
(1818, in-8) ; Lettre sur l'Espagne en 1808 (1823,
in-8); Lettre sur la campagne d Autriche (1826, in-8);
Observations sur l'Histoire de France de Montgaillard
(1827, in-8); Odes d'Horace traduites en vers français
(1836, in-8); l'Art de la guerre, poème en dix chants
(1838, in-8); enfin des Mémoires qu'il se disposait à pu-
blier au moment de sa mort.
DUPONT DE l'Eure (Jacques-Charles), homme poli-
tique français, né au Neubourg (Eure) le 27 févr. 1767,
mort à Rouge-Perriers (Eure) le 2 mars 1855. Avocat au
parlement de Normandie en 1789, il remplit diverses fonc-
tions municipales et judiciaires soit au Neubourg, soit à
Louviers, et en l'an VI il était accusateur public près le
tribunal criminel de l'Eure. La même année, ce départe-
ment l'envoyait au conseil des Cinq-Cents, où il appuya le
coup d'Etat du 18 brumaire. Nommé en l'an VIII conseil-
ler au tribunal d'appel de Rouen et promu presque aussitôt
après président du tribunal criminel d'Evreux, il témoigna
dans l'administration de la justice d'une impartiaUté et
d'une indépendance qui lui valurent l'admiration et le res-
pect de ses compatriotes. Conseiller à la cour impériale de
Rouen (1811), président de chambre au même siège (1812),
député de l'Eure au Corps législatif (1813), membre et
vice-président de la Chambre de 1814, réélule 9 mai 1815,
il fit adopter le 4 juil. la fameuse déclaration « que la
France ne reconnaîtrait d'autre gouvernement que celui
qui lui garantirait, par des institutions librement consen-
ties, l'égalité devant la loi, la liberté individuelle, la hberté
de la presse et des cultes, le jury, l'abolition de toute no-
blesse héréditaire, l'inviolabilité des domaines nationaux et
tous les grands résultats de la Révolution », et le 8 juil.
il attendit sur son siège la dissolution de l'Assemblée. Non
réélu à la Chambre introuvable, il fut nommé le 20 sept.
1817 député de l'Eure qu'il représenta constamment jus-
qu'en 1848. Il siégea dans l'opposition et fit une guerre
souvent heureuse à la Restauration, qui l'en punit en lui
retirant brutalement ses fonctions de président à la cour
de Rouen sans l'admettre à la pension. Mais ses électeurs
le vengèrent en lui offrant par souscription nationale le
domaine du Hom (près de Beaumont-le-Roger). Il joua un
rôle considérable dans les événements de juil. 1830, et
reçut le portefeuille de la justice dans le premier cabinet
de Louis-Philippe. Il ne demeura pas longtemps au pou-
voir où le gouvernement le voyait avec méfiance. Ses ten-
dances étaient trop libérales pour se plier au système
d'une monarchie même constitutionnelle. Aussi lorsqu'il vit
qu'on éUminait Lafayette, il démissionna comme lui (17
oct. 1830). Il reprit sa place dans les rangs de l'opposition
et fut un des plus actifs meneurs de la campagne des ban-
quets de 1847. C'était la personnalité républicaine la plus
en vue et la plus respectée. Aussi, dès la proclamation de
la République, fut-il nommé membre du gouvernement
provisoire et président provisoire du conseil des ministres.
Le 23 avr. 1848, il était élu représentant à la Consti-
tuante à la fois par la Seine et par l'Eure pour laquelle il
opta. Mais son âge avancé ne lui permit pas de siéger sou-
vent. Il combattit pourtant assez vivement la politique de
Louis-Napoléon. Non réélu à la Législative aux élections
générales du 13 mai 1849, il éprouva une série d'échecs
le 8 juil. : à la fois dans les Bouches-du-Rhône, dans le
Calvados et dans la Charente-Inférieure. Il se tint alors
dans la vie privée. On a de Dupont de l'Eure quelques dis-
cours imprimés séparément; il a collaboré avec Etienne,
Manuel et autres, aux Fastes de la France. Sa statue a
été inaugurée en 1881 au Neubourg par Gambetta.
- 89
DUPONT DE Nemours (Pierre-Samuel), économiste et
homme politique français, né à Paris le 14 sept. 1739,
mort à Eleutherian Mills (Etats-Unis) le 6 août 1817. Il
étudia d'abord la médecine, puis se tourna avec passion
vers l'économie politique et fut introduit par Sénac de Meil-
han dans la société de Malesherbes, de Turgot et de Con-
dorcet. Il publia et analysa avec un commentaire les œuvres
de son maître Quesnay sous le titre de Physiocratie (Paris,
1768, 2 vol. in-8) et vulgarisa les idées des physiocrates,
dans le Journal de l'agriculture et dans les Éphémé-
rides du citoyen. Le roi de Pologne, Stanislas, lui offrit
et il accepta les fonctions de secrétaire du conseil d'ins-
truction publique dans ses Etats. Il revint en France quand
Turgot fut ministre et, après la chute de Turgot, se retira
près de Nemours. M. de Vergennes l'employa pour préparer
les bases de la reconnaissance des Etats-Unis et le traité
de commerce avec l'Angleterre. Galonné le nomma conseiller
d'Etat et commissaire général du commerce. Il fut membre
et secrétaire de l'assemblée des notables. Député aux Etats
généraux par le tiers état du bailliage de Nemours, il fut
un des commissaires nommés pour préparer la conciliation
entre les trois ordres, et, à la Constituante, fit partie du
comité des subsistances, puis du comité d'aliénation. Il par-
ticipa, dans le sens de ses principes, à tous les débats finan-
ciers de l'Assemblée et, en particulier, combattit l'émission
des assignats (15 avr. 1790). Le 16 oct. suivant, il fut
élu président de l'Assemblée. Son opinion en faveur des
deux Chambres et son accord avec les feuillants l'avaient
rendu impopulaire et, dès 1791, les jacobins le traitaient
ouvertement de contre-révolutionnaire. Le l^^juil. 1792,
il fut un des pétitionnaires qui se présentèrent à la barre
de la Législative pour demander des poursuites contre les
auteurs du mouvement du 20 juin. Dans la journée du
10 août, il fut un des défenseurs des Tuileries. Il se cacha
ensuite, sans cesser d'écrire, puisqu'il rédigea avec Suard,
Lacretelle et Morellet, le journal les Nouvelles politiques,
nationales et étrangères, qui commença à paraître le
d5 nov. 1792. Il fut arrêté en 1794, à une date que nous
n'avons pu retrouver, et rendu à la liberté après le 9 ther-
midor. Député du Loiret au conseil des Anciens, il y siégea
parmi les plus modérés et combattit la politique du Direc-
toire dans son journal V Historien, qui parut de frimaire
an IV à fructidor an V. Après le 18 fructidor, il donna sa
démission et passa aux Etats-Unis. Rentré en France en
1802, il resta dans la vie privée. A la création de l'Institut,
il avait été nommé membre de ce corps, pour la classe des
sciences morales et politiques, section d'économie politique.
En 1814, il fut secrétaire du gouvernement provisoire.
Louis XVIII le nomma conseiller d'Etat. Aux Cent-Jours,
il quitta de nouveau la France et alla finir sa vie aux
Etats-Unis. Les publications de Dupont de Nemours sont
fort nombreuses. Voici les principales : De l'Exportation
et de V importation des grains (Soissons, 1764, in-8) ;
De V Origine et des progrès d'une science nouvelle
(Londres et Paris, 1768, in-8); Observations sur les
effets de la liberté du commerce des grains (s. 1., 1770,
in-8) ; Mémoires sur la vie et les ouvrages de Turgot
(Philadelphie, 1782, in-8) ; Philosophie de l'univers (Pa-
ris, 1796, in-8) ; Sur la Banque de France (Paris, 1806,
in-8) ; Sur l'Education nationale dans les Etats-Unis
d'Amérique (Paris, 1812, 2« éd., in-8), etc., etc. Ses
OEuvres forment le tome II de la Collection des écono-
mistes, publiée en 1846. F.-A. A.
DU PONT-Vernon (Henri), acteur français, né à Puiseaux
(Loire) le 8 avr. 1844. Après avoir fait quelques études
de droit, il abandonna le barreau pour le théâtre, passa
par le Conservatoire, et joua au théâtre des Nations et
au Théâtre-Italien. Ses succès dans le répertoire clas-
sique le firent entrer à la Comédie-Française en 1873.
Très habile professeur de déclamation, il a obtenu en 1888
une chaire de déclamation au Conservatoire. Il a écrit
quelques ouvrages spéciaux : Quelques Réflexions sur
Vart de bien dire (Paris, 1879, in-8); Principes de
DUPONT — DU PORT
diction (1882, in-18); VArt de bien dire, principes et
applications (1888, in-12).
DUPONT-White (Charles Brook), économiste français,
né à Rouen le 17 déc. 1807, mort à Paris le 10 déc. 1878.
Il fut avocat aux conseils du roi et à la cour de cassation
de 1836 à d843; puis, en 1848, secrétaire général au
ministère de la justice; enfin, il fut membre, en 1870, de
la commission de décentralisation, instituée sous la prési-
dence d'Odilon Barrot. C'était un esprit original et très
indépendant. Libéral, il n'en affirmait pas moins les avan-
tages de l'intervention de l'Etat, dans beaucoup de cas oti
les doctrinaires l'écartent. Nous citerons parmi ses nom-
breux écrits : Relations du travail avec le capital (1846,
in-8) ; Suppression de l'impôt du sel et de l'octroi
(1847, in-8) ; l'Individu et l'Etat (1858-65, in-8 et
in-12) ; la Centralisation (1860-61, in-8 et in-12); la
Liberté politique (1864, in-8) ; le Rôle et la liberté de
la Presse (1866, in-8) ; De l'Equilibre en Europe (1867,
in-8) ; le Progrès politique en France (1868, in-8) ; la
République conservatrice et le suffrage universel (1872,
in-8) ; Réflexions d'un optimiste (1873, in-8) ; Politique
actuelle (iSl^, in-12); plusieurs traductions d'ouvrages
anglais, notamment le Gouvernement représentatif et la
Liberté de Stuart Mill ; de nombreux articles de revues, etc.
Sa fille a épousé M. Carnot, président de la République
française. C. St-A.
DU PORT (Jean-Pierre), violoncelliste français, né à
Paris le 27 nov. 1741, mort à Berlin le 31 déc. 1818. Il
travailla avec Berthault et remporta jeune (1761) de grands
succès à Paris. Il parcourut l'Angleterre, l'Espagne et la
Prusse, où il se fixa. Il fut surintendant des concerts de
la cour de Berlin de 1787 à 1806. Il écrivit quelques com-
positions pour son instrument. Frère du célèbre violoncel-
liste Jean-Louis Duport, il ne peut lui être comparé comme
virtuose.
DUPORT (Jean-Louis), célèbre violoncelliste français,
né à Paris le 4 oct. 1749, mort à Paris le 7 sept. 1819. En
1789, Duport émigra, se rendit en Prusse et fut placé dans
la musique de la cour. Après de grands succès à Berlin, il
revint en France en 1806. En 1813, il entra à la chapelle
de l'empereur, puis au Conservatoire comme professeur. Il
a composé de nombreuses œuvres pour violoncelle.
DU PORT (Adrien-Jean-François), homme politique
français, né à Paris le 5 févr. 1759, mort à Appenzell
(Suisse) le 15 août 1798. Conseiller au Parlement en la
chambre des requêtes, il fut un des magistrats les plus
ardents à lutter contre le « despotisme ministériel ». Il re-
cevait chez lui plusieurs des futurs révolutionnaires, pré-
voyant et appelant la Révolution. Député de la noblesse de
Paris aux Etats généraux, il fut un des quarante-six
nobles qui se réunirent au tiers état, et, à la Constituante,
siégea sur les bancs extrêmes de la gauche, à côté de Bar-
nave et d'Alexandre de Lameth, avec lesquels on l'accusait
de former un triumvirat. Son nom est mêlé à presque
toutes les créations de l'Assemblée constituante, et il fut le
plus grand peut-être des juristes qui préparèrent l'orga-
nisation de la France nouvelle. Parmi tant de rapports et
de discours d'Adrien du Port (dont on trouvera l'énumé-
ration dans la Table générale qui forme le tome XXXIII
des Archives parlementaires), signalons surtout son rap-
port du 29 mars 1790 sur l'organisation de la magistrature
et ses diverses opinions sur l'etabHssement du jury, si re-
marquables par la profondeur et la justesse des idées. Il fut
un des trois commissaires chargés de recueillir les^ décla-
rations du roi à son retour de Varennes. Il s'acquitta de
sa mission avec une indulgence qui était l'indice d'un chan-
gement d'attitude. En effet, à partir de ce moment, il devint
un des conseillers intimes de Louis XVI. Parmi les discours
qu'il prononça sur d'autres questions que les matières con-
stitutionnelles, il faut citer celui du 17 mai 1791, où il
combattit Robespierre et la motion relative à la non-rééligi-
bilité des constituants. Il y annonça en prophète les luttes
futures, la Terreur, et, après la guerre civile, l'avènement
DU PORT — DUPOTET
- 90 —
du despotisme : « Partout, dit-il, on se battrait (si la po- i
li tique extrême prévalait) pour un homme ou pour un autre,
et tel qui se dévoue aujourd'hui au noble métier de payer
des libelles et de réduire en système la calomnie, serait
tout à coup l'effroi et le tyran de ses concitoyens. Enfin,
après de longs et inutiles essais, le despotisme viendrait se
présenter, comme un asile favorable, à toutes les âmes
épuisées et fatiguées, et ne voyant plus de bonheur que dans
le repos. » On admira aussi son discours du 31 mai 1794
contre la peine de mort : « Une société qui se fait léga-
lement meurtrière, n'enseigne-t-elle pas le meurtre ? » Et,
prévoyant l'échafaud poUtique : « Depuis qu'un changement
continu dans les hommes a rendu presque nécessaire un
changement dans les choses, faisons au moins que les
scènes révolutionnaires soient les moins tragiques... Ren-
dons l'homme respectable à l'homme. » Du Port avait pré-
sidé la Constituante du 15 au 27 févr. 1791, Après la
session, il fut élu président du tribunal criminel de Paris.
Au lendemain du 10 août, il s'enfuit, fut arrêté près de
Nemours et, sur l'humaine et habile intervention de Danton
et en dépit des attaques de Marat, mis en liberté par juge-
ment du tribunal du district de Melun du 17 sept. 1792
(V. Mortimer-Ternaux, Histoire de la Terreur, III, 347
à 359, et 557 à 559). Du Port passa en Angleterre, rentra
en France après le 9 thermidor, émigra de nouveau après
le 18 fructidor an V, se fixa en Suisse, à Appenzell, où il
passa la fin de sa vie dans la gène et l'obscurité. — Ses
contemporains imprimèrent presque toujours son nom en
un seul mot : Duport, mais il signait en deux mots et était
noble. F. -A. A.
DU PORT (Louis), danseur français, né vers 1775. Il
appartint d'abord à l'Ambigu, puis à la Gaîté, théâtres où
la danse était très cultivée et fort en honneur à cette
époque. De la Gaîté, où il était premier danseur, Duport
fut appelé à l'Opéra, où il débuta en 1800. Bien que son
physique ne fût pas fort agréable, c'était un danseur éton-
nant par sa légèreté, par la vigueur et la hardiesse de son
exécution, et il se fit rapidement une telle réputation à
l'Opéra qu'on osa l'opposer à Vestris, qui était déjà vieux,
et qu'il en résulta, entre les amateurs, une sorte de grande
querelle qu'on appela la guerre des nourissons de Ter-
psichore. Le poète Berchoux n'hésita pas à prendre parti
dans ce débat important, et il sacrifia résolument Yestris
à Duport dans son poème héroï-comique intitulé la Danse
ou les Dieux de V Opéra. C'était injuste, chacun des deux
rivaux ayant ses grandes et propres qualités. Les succès
de Duport furent très grands, non seulement dans divers
opéras, mais aussi dans divers ballets où il joignit le talent
du mime à celui du danseur : les Noces de Gamache,
Achille à Scyros^ Acis et Galathée^ et surtout Figaro,
qui fut son triomphe, et rHymen de Zéphyre, où sa
sœur, danseuse aussi fort distinguée, partagea avec lui les
faveurs du public. Duport, qui n'avait pu obtenir l'emploi
de maitre de ballet, qu'il ambitionnait malgré sa jeunesse,
profita d'offres très brillantes qui lui étaient faites en
Russie, et, abandonnant l'Opéra, quitta furtivement Paris
en 1808, au mépris de ses engagements, pour se rendre
à Saint-Pétersbourg. Il obtint 'en cette ville d'énormes
succès et y gagna beaucoup d'argent. Il ne revint à Paris
qu'en 1816. Duport est l'auteur des scénarios de trois des
ballets signalés plus haut : Figaro, Acis et Galathée, et
l'Hymen de Zéphire ou le Volage fixé. On croit qu'il en
a fait représenter quelques autres en Russie. A. P.
D U PO RT-DuTERTRE (François- Joachim) , littérateur fran-
çais, né à Saint-Malo en 1715, mort le 17 avr. 1759.
Entré dans la Compagnie de Jésus, il y enseigna les huma-
nités, puis, ne se sentant pas une vocation bien décidée,
abandonna l'ordre pour s'occuper de httérature. Il fut un
des fidèles collaborateurs de Fréron et de l'abbé de Laporte.
Citons de lui : Abrégé de r histoire d'Angleterre (1751,
3 vol. in-12) ; Almanach des beaux-arts (il^^, in-12) ;
Bibliothèque amusante et instructive (Paris, 1755-75,
5 vol. in-12) ; Projet utile pour le progrès de la litté-
rature (1756, in-12) ; avec Ripault-Désormeaux : His-
toire des conjurations, conspirations et révolutions
célèbres (Paris, 1754-60, 10 vol. in-12).
D U PO RT-DuTERTRE (Marguerite-Louis-François), homme
politique français, né à Pans le 6 mai 1754, mort à Paris
le 28 nov. 1793, fils du précédent. Il coopéra à la prise
de la Bastille (1789), fut nommé membre de la munici-
palité parisienne, puis substitut du procureur-syndic de la
Commune. Le 21 nov. 1790, il fut, grâce à La Fayette,
nommé ministre de la justice en remplacement de Champion
de Cicé, et conserva ce portefeuille dans le ministère dit
coîistitutionnel du l^^oct. 1791. Mais son administration
souleva de telles récriminations qu'il dut se retirer le
22 mars 1792. Décrété d'accusation le 14 août, interné à
Orléans, puis à Versailles, il fut traduit devant le tribunal
révolutionnaire, condamné à mort et exécuté avec Barnave.
Collaborateur m Journal des Deux Ponts, Duport-Dutertre
a laissé quelques écrits : Moyens d' exécution pour les jurés
au criminel et au civil (1790, in-8) ; Principes et^ plan
sur Rétablissement de Tordre judiciaire (1790, in-8),
et donné avec Kerveseau : Histoire de la Révolution fran-
çaise par deux amis delà Liberté (Paris, 1790 et suiv.,
20 vol. in-8).
DU PORTAI (Pierre-Jean-Louis-Armand), homme poli-
tique français, né à Toulouse le 17 févr. 1814, mort à
Toulouse le l'''^ févr. 1887. Il se lança fort jeune dans le
journahsme, collabora au Patriote de Juillet, au Gascon,
au Mécène, à la Revanche du Midi, devint en 1848 ré-
dacteur de V Emancipation où il pubha des articles à sen-
sation contrôle gouvernement du prince Louis-Napoléon, ce
qui lui valut plusieurs condamnations et l'envoi en Afrique
après le coup d'Etat du 2 déc. 1851. Autorisé à revenir en
France en 1852, il fut de nouveau emprisonné lors de l'at-
tentat d'Orsini, puis il dirigea à l'étranger diverses affaires
industrielles. En 1868, il reprit à Toulouse la publication
de VEmancipation et sa campagne contre l'Empire. De
nouveau emprisonné, il était encore à Sainte-Pélagie lorsque
la révolution du 4 sept. 1870 le délivra. Il fut nommé préfet
de la Haute-Garonne, mais son administration fantaisiste et
ultra-radicale ne tarda pas à indisposer le gouvernement.
Gambetta voulut le destituer, mais les Toulousains tinrent
à conserver leur préfet qui, bon gré mal gré, demeura à son
poste jusqu'au 25 mars 1871, date à laquelle il fut rem-
placé par M. de Kératry qui ne prit pas sans peine posses-
sion de sa préfecture. Duportal se remit à la tête de
VEmancipation qui en 1872 devint VEmancipateur et
continua à s'attirer des procès et des condamnations par la
violence de sa polémique. Il fut élu député de Toulouse le
5 mars 1 876, siégea à l'extrême gauche et, membre des 363,
fut réélu avec eux le 14 oct. 1877 et de nouveau en 1881
et en 1885. Il soutint ardemment la politique radicale, fut
un des adversaires les plus acharnés du gouvernement du
16 mai et un des ennemis les plus décidés du parti oppor-
tuniste contre lequel il soutint à la fois des polémiques de
presse et des combats de tribune. Il était devenu en 1877
rédacteur en chef du Mot d'Ordre, puis du Républicain
et, en 1877, directeur de la Marseillaise.
DUPOTET (Jean-Henri- Joseph), amiral français, né à
Changey (Côte-d'Or) le 17 sept. 1777, mort à Paris le
19 janv. 1852. Elève de l'Ecole militaire, il s'embarqua
sur la Junon comme novice, avança assez rapidement
grâce à son courage, fit campagne dans la Méditerranée,
puis à Saint-Domingue. Lieutenant de vaisseau (1803), il
se distingua à Tralalgar à bord du Redoutable et tenta
d'enlever à Tabordage le Victory. Il fut alors nommé aide
de camp du duc Decrès, ministre de la marine, puis capi-
taine de vaisseau et préposé au port de Flessingue.En 1 809,
il partit de Bordeaux avec le Niémen et força une frégate
anglaise, rAmethyst, à amener pavillon ; l'arrivée de VAi^e-
thiisa, seconde frégate anglaise, Fobhgeaà se rendre à son
tour après la plus vaillante résistance. Il resta cinq ans prison-
nier. Promu caphaine de vaisseau pendant sa captivité (1811),
il fut ensuite attaché à l'amiral Duperré auquel il succéda
- 94 -
DUPOTET — DUPRAT
à la tête cle la station des Antilles (1828). Il fut alors
nommé contre-amiral. En 1830, il était préfet maritime
de Brest et préparait l'expédition d'Alger. Gouverneur de
la Martinique où il réprima une insurrection, Dupotet com-
manda ensuite la station du Brésil et de la mer du Sud
(1835), bloqua les côtes argentines (1838) et devint vice-
amiral (1 841 ) ; en 1 845, il fut admis dans le cadre de réserve.
DUPOTET DE Sennevoy (le baron J.), publiciste fran-
çais, né à La Chapelle (Yonne) le 12 avr. 1796, mort à
Paris le l'^'' juil. \ 881 . Disciple de Mesmer, il s'est presque
uniquement occupé de l'étude du magnétisme sur lequel il
a écrit de nombreux traités. Il a fondé en 1827 une revue
spéciale, le Propagateur du magnétisme animal, à
laquelle a fait suite en 1845 le Journal du magnétisme
qui paraît encore aujourd'hui. Nous citerons du baron
Dupotet : Exposé des expériences sur le magnétisme
animal (Paris, 1821, in-8) ; Expériences publiques
sur le magnétisme faites à VHôtel-dieu de Paris
(1826, in-8) ; Cours de magnétisme (1834, in-8) ; le
Magnétisme opposé à la médecine (1840, in-8);
Essai sur renseignement philosophique du magné-
tisme (1845, in-8) ; Manuel de r étudiant magnétiseur
(1846, in-18) ; la Magie dévoilée (4852, in-4) ; Ihé-
rapeutique magnétique (1863, in-8).
DUPOTY (Michel-Auguste), publiciste français, né à
Versailles en 1797, mort à Paris le 28 juil. 1864. Fils
d'un menuisier, il fonda en 1830 à Versailles un organe
socialiste, le Vigilant de Seine-et-Oise, puis il entra dans
la rédaction du Réformateur de Raspail, concourut à la
fondation du Journal du Peuple dont il fut rédacteur en
chef. En cette qualité il fut en 1841, après l'attentat com-
mis par Quenisset sur le duc d'Aumale, traduit devant la
cour des pairs comme complice moral de l'accusé et con-
damné à cinq ans de détention. Ce procès de tendances et
la peine excessive qui en résulta excita dans toute la
France une grande indignation. Dupoty fut amnistié en
1844. Sorti de prison fort malade, il refusa en 1848 les
fonctions de commissaire du gouvernement. On a de lui :
Trente-sept Jours (Versailles, 1834, in-8) ; Discours
prononcé sur la tombe de Garnier Pages (1841, in-8);
Allocution devant la cour des pairs (1842, in-8) ;
Promenades au Muséum d'histoire naturelle (1851,
in-8) ; De la Réorganisation du Muséum (1858, in-8).
DU POU Y (Adolphe- Augustin), amiral français, né à
Lectoure en 1808, mort à Brest en 1868. Il sortit de l'Ecole
de marine d'Angoulême en 1826, fut nommé enseigne en
1831, lieutenant de vaisseau en 1837, capitame de fré-
gate en 1846, capitaine de vaisseau en 1852, contre-amiral
en 1859 et vice-amiral en 1864. Il étudia de très près
les machines à vapeur dès qu'on les introduisit dans la
marine et commanda le premier vaisseau à hélice, le Napo-
léon, pendant la guerre de Crimée. Il remplit les fonc-
tions de préfet maritime à Cherbourg et à Brest.
DUPOUY (Bernard-Eugène-Alexandre), homme politique
français, né à Bordeauxle 1^^ juil. 1825. Avocat à Bordeaux,
il se présenta sans succès aux élections législatives du 8 févr.
1871 dans la Gironde, fut élu par ce dép. à l'Assemblée
nationale le 27 avr. 1873 en remplacement de M. Journu,
démissionnaire, et siégea dans les rangs de l'Union répu-
blicaine. Vice-président du conseil général de la Gironde,
il eut en 1875 des démêlés retentissants avec le préfet réac-
tionnaire Pascal. Après avoir posé sans succès sa candida-
ture au Sénat, il fut élu député de Bordeaux le 20 févr.
1876, fit partie des 363 et fut réélu avec eux le 14 oct. 1877.
Enfin il fut nommé sénateur delà Gironde le 5 janv. 1879
et réélu le 5 janv. 1888. Il s'est prononcé contre le bou-
langisme.
DUPPA (Brian), évèquede Winchester, né à Lewisham
(Kent) en 1588, mort à Richmond en 1662. Après avoir
fait de brillantes études, qui lui valurent de grands honneurs
académiques, il entra dans la carrière ecclésiastique. Leduc
de Buckingham et l'archevêque Laud, tout-puissants sous
Charles P^ lui accordèrent leur faveur. En 1634, il fut
nommé, grâce à eux, précepteur du prince de Galles et du
duc de Gloucester, son frère. Quelques années après, il
fut promu au siège épiscopal de Chichester (1638) et, en
moins de trois ans, à celui de Salisbury. Pendant la guerre
civile, Duppa suivit le roi à Oxford et vécut dans son inti-
mité jusqu'à son exécution. Pendant que les républicains
étaient au pouvoir, Duppa vécut dans la retraite, dans le
comté de Surrey. De là, il entretenait une correspondance
active avec quelques membres du clergé dépossédé, discu-
tant les droits et les intérêts de l'épiscopat, A la restau-
ration, il fut nommé évêque de Winchester et conserva une
grande influence sur Charles II, son royal élève. Duppa est
l'auteur de sermons et d'ouvrages de piété, notamment
Holy Rules and helps to dévotion, traité posthume, qui
parut en 1674. G. Q.
BiBL. : Leslie Stephkn, Diction, of national biography.
DÙPPEL (Slesvig) (V. Dybbqel).
DUPRAT (Antoine), chancelier de France et cardinal,
seigneur de Nantouillet, né à Issoire le 17 janv. 1463,
mort à Nantouillet le 9 juil. 1535. Attaché dans sa jeu-
nesse à une abbaye de bénédictins, il termina son instruc-
tion sous la direction de son cousin Antoine Bohier, plus
tard archevêque de Bourges et cardinal. Grâce à sa pro-
tection, Duprat, qui avait suivi avec succès le barreau au
parlement de Paris, fut nommé lieutenant général au
baiUiage de Montferrand en 1490 ; il fut ensuite successi-
vement avocat au parlement de Toulouse en 1495, maître
des requêtes de l'hôtel de Louis XII en 1503, quatrième
président au parlement de Paris en 1506, et enfin premier
président en 1507. Duprat fut l'un des jurisconsultes
commis par Louis XII pour rédiger la coutume d'Auvergne.
Ce fut lui qui représenta au cardinal d'Amboise le danger
d'unir M""® Claude à Charles d'Autriche. Il s'était montré
très dévoué à Louise de Savoie et à son fils le comte d'An-
goulême; celui-ci, devenu le roi François P'', le créa chan-
ceUer de France, à la place d'Etienne Poncher, et principal
ministre (1515). .Duprat accompagna le roi en Italie. Il
fut chargé de traiter avec le pape Léon X, dans une con-
férence tenue à Bologne, de l'abrogation de la pragmatique
sanction. Les articles accordés dans cette conférence servi-
rent de base au concordat; Duprat rencontra beaucoup
d'opposition pour le faire accepter par le Parlement, et il
s'aliéna le clergé et l'université. En 1517, après la mort
de sa femme, Françoise Veini d'Arbouze, Duprat était entré
dans les ordres. Lors de l'entrevue du camp du Drap d'or,
en 1520, il fut employé à des négociations avec le cardinal
Wolsey. Pendant l'absence du roi qui tenait de nouveau
campagne en Italie, Duprat ne cessa d'être le conseil de la
régente Louise de Savoie. Ce fut lui qui la dirigea notam-
ment dans le procès qu'elle intenta au connétable pour la
succession de Suzanne de Bourbon. La régente lui avait
conféré l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire; ce fut l'ori-
gine d'un conflit avec les moines de Saint-Benoît qui en
appelèrent au Parlement. Le Parlement, qui avait déjà fait
une guerre très vive à Duprat, voulut informer contre lui,
mais François l^^ vint tenir un lit de justice au Parlement
le 25 juil. 1527 et déclara que tout ce qui avait été
attenté contre son chancelier pendant son absence était
nul. Duprat fut pourvu successivement de cinq évêchés,
puis fut créé archevêque de Sens en 1525, cardinal en
1527 et légat a latere en 1530. Le cardinal-ministre
obtint du roi un édit rigoureux contre les luthériens. Quel-
ques historiens ont raconté qu'à la mort du pape Clément VII,
il eut la pensée de lui succéder, mais que François l^^ n'ap-
prouva pas ce projet; le roi aurait fait saisir les biens de
Duprat, après cette parole du chancelier qu'il avait de quoi
pourvoir aux frais de l'élection. Le marquis Du Prat a
contesté ce récit. Ce qui est certain c'est que Duprat laissa
en mourant une grosse fortune que le roi fit saisir en
partie. Son cœur fut déposé dans la cathédrale de Meaux,
et son corps dans celle de Sens. Duprat s'était montré
grand homme d'Etat et habile diplomate. Ayant toujours
fait preuve d'autorité, il eut beaucoup d'ennemis; ses
DUPRAT — DUPRÉ
— 92 —
contemporains Font représenté comme dépravé et cupide.
En matière de finances, il a fondé la dette publique, mais
il dut recourir à certains procédés, comme la vénalité des
charges, qui lui ont valu la réprobation de la magistrature.
Gustave Regelsperger.
BiBL. : François Duchesne, Histoire des chanceliers et
gardes des sceaux de France; Paris, 1680, in-foL, p. 562.
— Le P. Akselme, Histoire généalogique et chronologique
de la maison royale de France^ 1730, t. VI, p. 452. —
Edouard Faye de Brys, Trois Magistrats français au
xyi" siècle; Paris, 1(S44, in-8. — Le marquis Du Prat, Vie
d'Antoine Du Prat; Paris, 1857, in-8.
DUPRAT (Pardoux) {Pardulphus Prateins), juriscon-
sulte, né à Aubusson (Creuse) vers 4520, mort vers 4570.
Il fit ses études de droit â l'université de Toulouse, où il
entendit entre autres professeurs le célèbre Coras, et obtint
le grade de docteur en droit. Revenu dans sa ville natale,
il y exerça la profession d'avocat, tout en donnant des
répétitions particulières de droit; il fut aussi juge d'une
seigneurie des environs, Redouillat. Plus tard, il se retira
à Lyon, et c'est là probablement qu'il mourut. Parmi ses
nombreuses publications, nous citerons : la première édi-
tion des OEuvres d'Alciat (Lyon, 4560, 4 vol. in-fol.);
un Commentaire sur Uordonnance de Moulins (Lyon,
4572); la Théorique et la pratique de l'art des no-
taires^ recueil qui a eu plusieurs éditions; le Train et
total règlement de practique civile et criminelle (Pa-
ris, 4577), etc. Ant. T.
DUPRAT (Jean), homme politique français, né à Avignon
le 22 déc. 4760, mort à Paris le 34 oct. 1793. Marchand
de soieries à Avignon, maire de cette ville, député des
Bouches-du-Rhône à la Convention, il opina, dans le procès
de Louis XVI, pour l'appel au peuple, pour la mort, contre
le sursis. Ami de Barbaroux, il suivit la fortune politique
des girondins et fut décrété d'accusation et guillotiné avec
eux. F. -A. A.
DUPRAT (Pierre-Louis), homme politique français, né à
Tartas (Landes) le 30 déc. 4 760, mort à Bordeaux le 34 août
4840. Avocat à Tartas, il fut élu par le département des
Landes député aux Cinq-Cents et y parla souvent sur des
questions juridiques. Considéré comme ennemi de la Révo-
lution, il fut enveloppé dans les proscriptions du 48 fruc-
tidor et rentra ensuite dans la vie privée. F. -A. A.
DUPRAT (Pascal), publiciste et homme politique fran-
çais, né à Hagetmau (Landes) le 24 mars 4845, mort le
17 août 4885. Professeur d'histoire à Alger, il abandonna
l'enseignement pour le journalisme, collabora à la Réforme^
à la Revue indépendante^ au Droite fonda avec Lamennais
le Peuple constituant^ et bientôt connu fut élu le 23 avr.
4848, représentant des Landes à la Constituante où il
combattit avec quelque vivacité le socialisme et la Mon-
tagne. C'est lui qui fit voler, le 23 juin, la mise en état
de siège de Paris. R(^élu à la Législative, il fut un des
opposants les plus actifs à la politique de l'Elysée et pro-
testa violemment contre le coup d'Etat du 2 décembre.
Exilé en Belgique, il y créa la revue la Libre Recherche,
puis il s'établit en Suisse, où il professa à l'académie de
Lausanne, et enfin en Itahe. Nommé, au 4 sept. 4870,
ministre plénipotentiaire à Athènes, il préféra se faire élire
député par les Landes. Après avoir échoué le 8févr. 4874,
il fut nommé représentant à l'Assemblée nationale le 2 juil.
Il appuya la poh tique de M. Thiers et fit voter le fameux
amendement qui accordait au Sénat le même mode de
nomination que la Chambre au suffrage universel (44févr.
4875). Cet amendement fut rapporté le 42 févr. Après
avoir échoué aux élections législatives du 20 févr. 4876,
dans l'arr. de Saint-Sever, Pascal Duprat fut élu par le
XVIP arrondissement de Paris le 30 avr., fit partie des
363 et fut réélu avec eux le 44 oct. 4877. En août 4884,
il échoua et fut nommé ministre plénipotentiaire au Chili.
C'est en retournant prendre possession de ce poste, en
4885, qu'il mourut en mer. On a de lui : Essai Histo-
rique sur les races anciennes et modernes, de V Afrique
septentrionale (Paris, 4845, in-8); Timon et sa logique
(4845, in-32) ; les Encyclopédistes^ leurs travaux, leurs
doctrines et leur influence (4865, in-42); les Tables
de proscription de Louis Bonaparte et ses complices
(Liège, 4852, 3 vol. in-8); De l'Etat, sa place et son
rôle dans la vie des sociétés (Bruxelles, 4852, in-42);
la Conjuration des petits Etats en Europe (4867 ,
in-8); les Révolutions (4869, in-42); Frédéric Bastiat
(Paris, 4878, in-42); V Esprit des révolutions (4879,
2 vol. in-12). 11 a encore fondé la Revue philosophique
et littéraire (4856), ï Economiste (4856), dirigé le
Peuple souverain (4870), le Nouveau Journal, etc.
DUPRAT (Hippolyte), compositeur français, né à Tou-
lon le 34 oct. 4824. M. Duprat est Fauteur d'un opéra,
Pétrarque, joué pour la première fois au grand-théâtre de
Marseille le 49 avr. 4873. Cette œuvre a eu un certain
succès sur les scènes du Midi, Toulouse, Avignon, Lyon et
Toulon.
DUPRATO (Jules- Laurent -Anacharsis), compositeur
français, né à Nîmes le 20 août 4827. Il vint à Paris,
entra au Conservatoire et y remporta le prix de Rome
(4848) par la cantate Damoclès.W séjourna à Rome, puis
en Allemagne. De retour en France, il se consacra au
théâtre et y fit représenter un grand nombre de petits
ouvrages qui eurent parfois quelque succès. La partition
du Sacripant fut couronnée en 4867, au concours des
Fantaisies-Parisiennes. M. Pougin {Bibl. Fétis, supplément)
donne la liste complète des ouvrages dramatiques de
M. Duprato. Nommé professeur agrégé d'harmonie au
Conservatoire en 4866, il devint titulaire d'une classe
d'harmonie et accompagnement pratique en 4874. M. Du-
prato a publié une partie de ses œuvres. Il a composé un
grand nombre de romances, qui eurent du succès à leur
heure. M. Duprato semble s'être voué complètement au
professorat.
DUPRAY (Henri-Louis), peintre français contemporain,
né à Sedan (Ardennes) le 3 nov. 4844. Elève de L.Cogniet
et de Pils, cet artiste commença par suivre la carrière mili-
taire, et ce fut à la suite d'une chute de cheval qu'il dut y
renoncer définitivement. Il peint exclusivement des scènes
miUtaires, et y apporte des qualités d'observation humoris-
tique et de finesse de touche qui lui donnent une place hono-
rable parmi les peintres de sa spécialité. On peut citer comme
ses meilleurs ouvrages, après ses débuts au Salon de 4863 :
la Revue des trois souverains dans la plaine de Long-
champ, le 6 juin 1861 (S. 4868) ; la Bataille de
Waterloo (S. 4870); Grand' Garde aux environs de
Paris, pendant le siège (S. 4872); Visite de V amiral
La Roncier e Le Noury et du général Ducroi aux
avant-postes, pendant le siège : les deux tableaux pré-
cédents sont de véritables documents sur le siège de Paris,
et reproduisent avec la plus grande vérité la physionomie
des environs de Paris en déc. 4874 ; F Arrivée à l'étape
(S. 4878); Un Capitaliste (S. 4879), petite scène dro-
latique rendue très populaire par la gravure. Depuis 4880,
les tableaux de cet artiste sont plus rares aux Salons
annuels ; le principal de ceux qui y ont figuré depuis cette
époque a excité une grande curiosité par son sujet même ;
il représente V Impératrice Eugénie quittant Paris in-
cognito, après la proclamation de la République.
Sept. 1870 (S. [SS4^). Ad. T.
DUPRÉ (Jean), poète français, mort dans la première
moitié du xvi® siècle. Il servit dans la compagnie du grand
écuyer de France et fut blessé à la bataille de Pavie. On
lui doit le Palais des nobles dames (s. l. n. d. [4534?],
in-8), poème assez curieux en ce qu'il constitue une sorte
degaleiiedes femmes célèbres anciennes et modernes.
DUPRÉ (Guillaume), sculpteur et célèbre médailleur
français, né à Sissonne, près de Laon, d'une famille pro-
testante, vers 4 574, mort le 8 juin 4647. On peut croire
qu'il eut pour maître son coreligionnaire, le sculpteur
Barthélémy Prieur, dont il épousa la fille, Madeleine, vers
4600 ou 4601. Il acquit dans la sculpture une réputation
qui nous est attestée par le témoignage de l'abbé de Ma-
93 —
DUPRÉ
rolles : « Dupré le bon sculpteur », et surtout par les charges
de sculpteur ordinaire du roi et de commissaire général
des fontes de l'artillerie dont il fut successivement pourvu.
Il ne nous reste d'ailleurs qu'un monument authentique de
son talent de sculpteur, un très beau buste en marbre de
Dominique de Vic^ vicomte d'Ermenonville, qui porte sa
signature et la date 1610 (musée du Louvre). Son œuvre de
médailleur est bien autrement considérable ; il nous a laissé
près de soixante médailles pour la plupart signées. Elles ont
été toutes fabriquées à l'aide du procédé de la fonte. La
première en date est de 1597. Elle représente, au droit,
Henri IV en Hercule, et, au revers, Gabrielle d'Estrées.
Pour les années 1600 et 1601, on peut citer plusieurs
médailles à l'effigie royale, les médailles de François de
Bonne de Lesdiguières, de Balthazar de Villars, de Claude
Expilly, d'Antoine Guiot, seigneur de Chauveau, et de
Hiéron de Villars, archevêque de Vienne. Les médailles de
l'union de Mars et de Pallas, fondues lors de la naissance
du dauphin, marquent l'apogée du maître. Elles obtinrent
un succès mérité qui valut à leur auteur les lettres patentes
du 28 juil. 1603 qui permettaient à Guillaume Dupré de
tenir publiquement des forges et des fourneaux, dans les
galeries du Louvre, pour fondre les exemplaires d'or et
d'argent, d'en faire seul pendant dix ans, ainsi que d'autres
pièces analogues, et de les vendre partout où bon lui sem-
blerait ; défense était faite aux orfèvres, mouleurs de sable
ou autres de les reproduire afin d'en faire leur profit. Les
gardes de l'orfèvrerie s'opposèrent à l'enregistrement de
ces lettres, mais un arrêt de la cour des Monnaies du
1^^ oct. les débouta en donnant raison à Guillaume Dupré.
Fort de ce privilège, le médailleur royal dut multiplier les
exemplaires de sa médaille de Mars et de Pallas ; le plus
remarquable par la grandeur du module (18o millim.) et
la beauté de l'exécution est sans contredit celui de 1605
(cab. des médailles). Cette même date de 1605 se retrouve
sur une médaille à l'effigie de Philippe de Nassau.
La charge de contrôleur général des effigies des monnaies
étant devenue vacante par la mort de Philippe II Danfrie,
Henri IV la donna d'abord à Jean Pilon, petit-fils de Ger-
main Pilon, puis revenant sur cette décision, il nomma à
cet office Guillaume Dupré, le 7 oct. 1604. Mais Jean Pilon
protesta énergiquement contre sa dépossession ; il réussit
à obtenir d'exercer l'office de son aïeul conjointement
avec Guillaume Dupré (1606). Dans l'exercice de leur
charge commune, Jean Pilon et Guillaume Dupré paraissent
avoir déployé peu d'activité. En effet, le 28 août 1607,
la cour des Monnaies dut leur enjoindre de fournir chacun
au graveur général, sous peine de privation de leurs
gages, une cire pour fabriquer les poinçons des monnaies.
A partir de cette époque Guillaume Dupré multiplia ses
productions. Parmi les nombreuses médailles qui nous sont
parvenues, il faut mentionner la médaille de J.-L.-iV. de
La Valette, duc d'Epernon (1607); celles aux bustes
accolés du jeune roi Louis XIII et de la régente, Marie
deMédicis (1611); du doge de Venise, Antonio Memmo,
du cardinal Maffeo Barberini, plus tard Urbain VIII
(1612), de Christine de Lorraine, duchesse de Toscane
(1613), de Pierre Jeannin de Castille (1618), de Louis XIH
(1623), de Marie de Médicis (1624). Le 23 mai 1639,
Guillaume Dupré résigna à son fils Abraham la charge
de contrôleur général des effigies, ce qui fut consacré par
la cour des Monnaies le 28 févr. 1641.
Par l'importance de son œuvre, parla variété de sa fac-
ture, par la valeur artistique de la plupart de ses médailles,
Guillaume Dupré mérite la première place parmi les médail-
leurs français. Il ne le céderait qu'à Germain Pilon si toutes
les médailles assignées à celui-ci étaient d'une attribution
indiscutable. Il est sans hésitation possible très au-dessus des
autres médailleurs français et, quoique inférieur aux maîtres
italiens du xv^ siècle, égal ou supérieur à ceux du xvi^.
— Des trois fils que Guillaume Dupré avait eus de Madeleine
Prieur, Abraham, né en 1604, mort le 8 juin 1647, fut
le seul qui suivit la carrière paternelle. Ses premiers tra-
vaux datent de 1624. Tout jeune encore, il fond la mé-
daille de J. Boiceau de La Barrauderie , intendant des
bâtiments, œuvre d'une facture si habile pour un débutant
qu'on peut soupçonner que Guillaume Dupré en surveilla
ou même en aida l'exécution. L'œuvre certaine d'Abraham
Dupré est fort restreinte. On peut à peine citer une dizaine
de médailles fondues bien inférieures à celles de son père,
parmi lesquelles se trouvent celles de Charles Delorme
(1626), de Victor-Amédée, duc de Savoie, et de sa femme
Christine de France (1636), de Louis XHI et de Riche-
lieu (1641). Abraham avait épousé Denise Truffault, dont
il avait eu un fils, Charles, sur lequel on n'a aucun ren-
seignement biographique. Jean Varin succéda à Abraham
Dupré dans le contrôle des effigies. F. Mazerolle.
BiBL. : Jal, Dictionnaire critique debiographie et d'his-
toire; Paris, 2« édit., 1872. — J. Guiffrey, Guillaume
Dupré, sculpteur et médailliste, dans Nouv. Arch. de Vart
français, 1872, pp. 178-179 ; Guillaume Dupré, sculpteur et
graveur en médailles, et Jean Pilon {ih., 1876, t. IV, pp. 172
et suiv.). — Ed. Fi.eury, Guillaume Dupré de Sissonne,
statuaire et graveur en médailles; Laon, 1883.
DUPRÉ (Augustin), graveur en monnaies et médailleur
français, né à Saint-Etienne le 6 oct. 1748, mort à Ar-
mentières, près de Meaux, le 30 janv. 1833. Il fut nommé
graveur général des Monnaies le II juil. 1791, par décret
de l'Assemblée nationale. Il succédait à Benjamin Duvivier.
C'est lui qui créa le type du génie pour les espèces d'or et
d'argent, type repris pour For depuis 1870. Augustin
Dupré grava quelques médailles et quelques jetons d'un
très joli style. Il fut révoqué de sa charge par décret du
premier consul le 12 mars 1803. F. M.
BiBL. : A. Barre, Graveurs généraux et particuliers
des Monnaies de France, dans Annuaire de la Société fran-
çaise de numismatique et d'archéologie, 1867, t. II, pp. 154.
— SuDRE, Concours ouvert en 1191 pour le type des mon-
naies françaises et la place de graveur général des mon-
naies; môme recueil, 1885, t. IX, pp. 218 et suiv.
DUPRE (Louis), peintre français, né à Versailles le
9 janv. 1789, mort à Paris le 12 6ct. 1837. H fut élève
de L. David et il est surtout connu par ses portraits et par
des tableaux de genre et des paysages dont les motifs ont
été empruntés à Fhistoire ou à la nature de la Grèce.
DUPRÉ (x\thanase), mathématicien et physicien fran-
çais, né en 1808, mort le 10 août 1869. Il fut reçu à
l'Ecole normale supérieure à l'âge de dix-huit ans, puis
trois ans après remporta le premier rang au concours de
l'agrégation des sciences. Il fut ensuite successivement
professeur de mathématiques et de physique au collège
royal de Bennes. Il appartint ensuite ^à la Faculté des
sciences de Bennes, dont il fut doyen en 1853, comme
professeur de mathématiques pures et appliquées. Comme
mathématicien, il a laissé quelques mémoires assez esti-
més; comme physicien, ses travaux sont presque tous
relatifs à des sujets de physique mathématique ; la théorie
mécanique de la chaleur a surtout fait l'objet de ses
recherches théoriques et de ses expériences. Voici le titre
de ses principaux mémoires : Sur la Déviation au sud
des corps qui^ tombent {Comptes rendus de VAcad. des
sciences, L, 588) ; Sur la Mesure des densités des va-
peurs saturées (id., LIV, 972); Sur la Loi des ten-
sions des vapeurs (id., LVIII, 806) ; Sur la Condensation
des vapeurs pendant la détente ou la compression
(id.,Lyi, 960) ; Expériences sur les variations de tem-
pératures produites dans une masse d'air par un chan-
gement de volume (Annales de chimie et de physique
(3), LXVII, 359) ; Sur les Lois de compressihilité et de
dilatation de gaz (Comptes rendus, LIX, 490) ; Sur la
Vitesse d'écoulement des gaz (id., LVII, p. 1004);
Théorie des gaz {id., V\, p. 905); Sur r Attraction
au contact (id., LVIII, 163, LXIV, 741), et de nombreux
mémoires Sur la Théorie mécanique de la chaleur, pu-
bliés dans les Annales de chimie et de physique (¥ série,
t. II à VII, IX, XI, XIV). Il a résumé ses études sur ce
sujet dans un Traité de la théorie mécanique de la cha-
leur où l'attraction au contact est très développée et fait
l'objet d'un grand nombre d'expériences. A. Joaninis.
DUPRE
— 94 —
DU PRÉ (Germain), homme politique français, né à Ar-
gelès-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées) le 40 janv. 4811. Doc-
teur en médecine, professeur de clinique à la Faculté de
Montpellier, il se présenta sans succès aux élections séna-
toriales du 30 janv. d 876 dans les Hautes-Pyrénées, avec
un programme républicain, et fut élu le 8 janv. 1882. H
siégea parmi les modérés et ne se prononça pas dans la
question du boulangisme. H n'a pas été réélu aux élections
du 4 janv. 1891. Membre correspondant de l'Académie de
médecine, il a écrit : Considérations cliniques sur les
fluxions de poitrine de nature catarrhale (Montpellier,
1860, in-8) ; De la Liberté de renseignement médical
(Paris, 1865, in-8).
DU PRÉ (Jules), paysagiste de l'école française contem-
poraine, né à Nantes le 5 avr. 1811, mort à L'Isle-Adam
le 6 oct. 1889. Son père, originaire de L'Isle-Adam, s'était
d'abord livré à la pemture avant d'exploiter une fabrique
de porcelaine installée à Parmain et que, dans sa pensée,
son fils devait reprendre après lui. Celui-ci, après un court
apprentissage, était déjà employé à décorer des assiettes,
quand son père fut appelé à diriger une autre fabrique
dans le Limousin où il le suivit. Plusieurs de ses études
faites d'après nature dans les environs attirèrent l'attention
de quelques personnes qui les acquirent pour un prix très
modique. Ce fut là pour le jeune homme un encourage-
ment à se livrer à la peinture. Ce qu'il put voir des pre-
miers essais de Cabat, de Paul Huet, de Fiers et de Rous-
seau, associés de plus près que lui aux débuts de notre
école paysagiste, l'enhardit dans la voie où il s'était engagé,
et, comme ces artistes dont il devenait bientôt l'émule, il
demanda résolument à la nature ses enseignements. Dès
1831, il exposait avec un Intérieur de forêt dans la
Haute-Vienne, une Vue de VIsle-Adam eim Intérieur
de cour qui attirèrent sur lui l'attention. En 1833,
l'Heure de la soupe, les Environs de Paris et la Vallée
de Montmorency confirmèrent ce premier succès. Sociable,
affectueux, Dupré recherchait la compagnie de ses con-
frères et, à la suite du Salon de 1833, il était allé s'instal-
ler dans le Berry pour y faire quelques études avec son
frère, avec Jules André et Troyon qui avait commencé
comme lui par peindre sur porcelaine. Il rapporta de cette
campagne les éléments des tableaux qu'il envoya au Salon
de 1834. Il avait également trouvé dans Cabat un compa-
gnon de travail, et tous deux installés dans un coin pitto-
resque de l'Indre, à Tendu, s'étaient casés chez un auber-
giste qui, pour la somme aujourd'hui invraisemblable de
4 fr. 50 par jour, leur fournissait une chambre propre^ et
une nourriture frugale, mais suffisamment abondante. C'est
là que Jules Dupré fit les études pour cet Intérieur de
ferme qui, vendu d'abord 260 fr., atteignit le prix de
20,000 fr. à la vente Faure. Entre temps, il avait aussi
parcouru l'Angleterre où un amateur anglais, lord Graves,
qui avait acheté un de ses premiers tableaux, l'avait engagé
à le visiter. La nature de ce pays l'avait vivement frappé,
et les paysagistes anglais, Constable notamment, dont il
avait pu voir des œuvres dans les musées, devaient exercer
sur le développement de son talent une influence considé-
rable. Par la variété et l'éclat des ouvrages qu'il y avait
envoyés, le Salon de 1835 mit le comble à sa réputation.
Outre un Bois daris la Creuse, on y remarquait, en effet,
les Environs de Southampton et le Pacage limousin
qu'on a pu revoir récemment à TExposition universelle de
1889. Dans ces deux tableaux, on pouvait admirer une
impression rendue saisissante par la puissance du coloris
et la force des contrastes. Le premier surtout, popularisé
par la lithographie et la gravure, est devenu justement
célèbre. Avec son cours d'eau coulant à pleins bords au
milieu de prairies d'une verdure opulente et ces chevaux
tout frémissants sous les approches de l'orage, cette toile
est comme animée d'un souffle lyrique. Dans le Pacage du
Limousin, peut-être supérieur encore, Dupré avait rendu
ave^. une singuUère poésie la richesse d'aspect et la sève
débordante d'une chaude journée d'été et, malgré l'extrême
hardiesse de la donnée, il avait su tirer un parti magni-
fique de l'opposition que lui offraient les ombrages épais
d'arbres immenses avec un ciel d'un bleu violent dans
lequel roulent de gros nuages blanchâtres.
Les expositions suivantes ne firent que consacrer la
renommée du peintre. Très modeste lui-même, il était
plein d'admiration pour le talent de ses confrères, et
il ne cessait pas de les prôner autour de lui. Lié alors
avec Rousseau dont les œuvres lui avaient causé un véri-
table enthousiasme, il cherchait à procurer des acheteurs
à son ami, bien que sa propre situation ne fût pas alors très
brillante. Plus tard, il devait s'employer avec une généro-
sité pareille à vanter les mérites de Millet dont il appréciait
la peinture d'un mot piquant et juste en disant que «c'était
la tragédie du travail ». La conduite de Dupré était
d'autant plus méritoire que lui-même resta longtemps
dans une position assez difficile. Etranger [à toute coterie,
il laissait, comme il disait, « ses tableaux faire leur
chemin tout seuls, chose difficile à une époque où tout
s'obtient par les relations ». Il avait été décoré en 1849 ;
mais, à partir de l'année 1852 où il avait envoyé au Salon
un Coucher de soleil, un Pacage, et une Entrée de
hameau dans les Landes, tableau éclatant de lumière, il
se retira des expositions annuelles. Au lieu de chercher,
comme tant d'autres de ses confrères, à occuper le public
de sa personne, il se sentait un goût toujours plus marqué
pour la retraite et il alla s'installer à L'Isle-Adam. Ce n'était
pas le moven d'avancer ses aff'aires; mais, au prix d'une
vie plus difficile encore, il avait besoin du calme de la cam-
pagne. « J'aurai peut-être un morceau de pain quand je
n'aurai plus de dents », disait-il en souriant. Il goûtait
pleinement du moins le charme de cette retraite qui lui per-
mettait d'étudier de plus près la nature et en toute saison.
« La campagne devient charmante, écrivait-il quelques
années après, au printemps de 1857 ; les feuilles poussent,
les oiseaux chantent et se disent même beaucoup de choses.
On voit bien que ces heureux enfants de la feuillée ne crai-
gnent pas les échéances. » Loin des importuns, il pouvait
désormais se hvrer tout entier à son art et renouveler
incessamment ses impressions. Doué d'une sensibiUté très
vive, il exprimait avec chaleur ses admirations pour un
beau ciel, pour un de ces eff'ets saisissants dont il guettait
l'apparition et dont la vue le remplissait d'enthousiasme.
La lumière était sa principale préoccupation ; aussi Claude
Lorrain était-il son peintre préféré et il ne pouvait soufi^rir
que devant lui on hasardât quelques critiques sur son
œuvre. Dans une courte notice sur Dupré, qui était son
cousin, M. Jules Claretie parlant de l'importance qu'il atta-
chait surtout à la lumière, cite de lui le propos suivant :
« Le ciel est devant un arbre, dans un arbre, derrière un
arbre, il est partout. Le ciel, c'est l'air dans un paysage. »
Malheureusement, pour arriver à rendre ces effets lumi-
neux, l'artiste avait eu de bonne heure recours à des em-
pâtements parfois excessifs. Avec le temps, il en vint à
accumuler sur ses toiles ces épaisseurs de matière qui
donnent à un certain nombre de ses tableaux une rudesse
d'aspect et une monotonie regrettable d'exécution. A l'Ex-
position universelle de 1867, Dupré reparut avec une Forêt
de Compiègne, la Gorge des Eaux-Chaudes, un Pacage
du Berry et deux autres des Landes et de la Sologne.
Cette apparence un peu lourde de sa facture et peut-être
plus encore l'isolement où le peintre avait vécu nuisirent à
son succès et, lors de la distribution des récompenses, son
nom n'arriva qu'à un rang assez reculé. Bien que froissé
par un classement que ses confrères du jury auraient pu
sans doute lui éviter en prenant un peu plus chaleureuse-
ment en main la cause de l'absent, il n'en témoigna aucune
aigreur et continua avec la même vaillance et la même
dignité sa vie de travail. De temps à autre, d'ailleurs, la
presse et ses amis lui apportaient l'écho des succès qu'il
obtenait dans des expositions particulières, notamment dans
celle de la collection Marmontel (mai 1868) qui comptait
quelques-uns de ses meilleurs tableaux et entre autres une
— 95 —
DUPRE
clairière avec des vaches et des troncs d'arbres abattus au
premier plan, peinture très puissante et comme pénétrée
du soleil.
Enfermé à Cayeux-sur-Mer pendant toute la durée delà
guerre de 1870, Dupré trouvait au milieu de cette contrée
déserte et misérable une nature qui répondait aux tristesses
dont son âme était remplie. Il s'attachait surtout à en
reproduire les aspects les plus désolés. Les marines qu'il
peignit pendant ce lugubre hiver sont saisissantes et jamais
il n'avait traduit avec cette éloquence les impressions qui
s'agitaient en lui. Parfois encore, dans ses Clairs de lune,
un pâle rayon perçant les nuages assombris vient se jouer
et se perdre parmi les flots, mais le plus souvent dans ces
ciels mornes, dans ces menaces de la mer et de la tempête
conjurées contre les humbles cabanes des pêcheurs, on sent
comme une image fidèle de son désespoir et de son acca-
blement. Après la guerre, Dupré avait retrouvé avec bon-
heur son cher village et repris courageusement ses pinceaux.
Peu à peu les rangs s'éclaircissaient autour de lui : Paul
Huet, Rousseau, Corot, avaient successivement disparu et
il était maintenant un des rares survivants de ces vaillants
ouvriers de la première heure. Son talent, la dignité de
son caractère étaient de plus en plus appréciés à leur
valeur, et les amateurs recherchaient ses œuvres. A la
vente Wilson, les Environs de Soidhampton qui lui
avaient été autrefois achetés 500 fr. par le sculpteur Fra-
tin, atteignaient le prix de 48,000 fr. aux enchères pu-
bliques. Les marchands avaient appris le chemin de son
atelier et l'aisance était entrée peu à peu dans son intérieur.
En 4872, il avait pu acheter à L'Isle-Adam une maison assez
spacieuse qu'il avait fait approprier. Aimant la nature, pas-
sionné pour son art, il se plaisait à s'entretenir avec ses
amis, à leur communiquer les idées qu'il s'était faites sur
les sujets qui lui tenaient le plus au cœur, et dans la viva-
cité de ces entretiens familiers il donnait à ses pensées une
expression à la fois chaleureuse et originale. C'était sa con-
viction que « toute œuvre d'art doit partir des sens pour
arriver à la pensée, comme un arbre qui a sa cime en plein
ciel et ses racines en pleine terre ». Il avait pris part à
l'Exposition universelle de 1889 et ses admirateurs avaient
pu y voir, à côté de quelques-uns de ses ouvrages les plus
renommés, d'autres tableaux ignorés jusque-là^ empruntés
à des collections privées : Une Allée dans le parc de
Stors ; l'Orage en mer, les Barques échouées au clair
de lune ; le Marais, Un Ravin. La mort devait le sur-
prendre en plein succès, avant la fin de cette Exposition ;
le 6 oct. 1889 il était emporté par une congestion pulmo-
naire, après avoir subi au mois d'avril de cette année l'opé-
ration de la pierre dont, avec sa vigoureuse constitution,
il semblait s'être complètement remis. Un de ses derniers
tableaux, terminé à la veille même de sa mort, fut acheté
20,000 fr. par le duc d'Aumale, à la vente de son atelier
qui eut lieu le 30 janv. 1890 et qui, avec les œuvres d'art
qui formaient sa collection particulière, atteignit le chiffre
total de 208,760 fr. Dans les dessins de Jules Dupré qui
figurèrent en assez grand nombre à cette vente, l'effet est
très largement indiqué. Ils sont d'habitude exécutés sur
papier teinté aux crayons noir et blanc; en quelques traits,
l'artiste y indique avec autant de sûreté que de justesse les
formes principales et les relations des valeurs entre elles.
Dupré a aussi collaboré avec Eugène Lami au tableau de
la Bataille d'Hondschoote, aujourd'hui au musée de Lille.
Emile Michel.
BiBL. : Bellier de La Ciiavignerie, Dictionnaire des
artistes de VEcole française. — J. Claretie, VArt et les
Artistes français contemporains, in-12. — A. Hustin,
Jules Dupré, dans le journal VArt, n»» du 15 oct. 1889 et du
15 juin 18U0.
DUPRÉ (Marie-Jules), amiral français, né à Strasbourg
le 13 nov. 1813, mort àParis le 8 fév. 1881 . Il était aspirant
de marine en 1831, capitaine de frégate en 1854, capitaine
de vaisseau en 1858, contre-amiral en 1867, et vice-amiral
en 1875.11 commandaitla batterie flottante la Tonnante,
au bombardement de Kinburn, conclut un traité de com-
merce avec Radama, roi de Madagascar, et exerça succes-
sivement les fonctions de gouverneur de la Réunion et de
la Cochinchine. Il occupait ce dernier poste au moment
de la première expédition du Tonkin, oti Francis Garnier
perdit la vie.
DUPRÉ (Giovanni), sculpteur italien, né à Sienne le
1^^^ mars 1817, mort à Florence le 10 janv. 1882. Fils
d'un sculpteur sur bois, il travailla d'abord avec son
père, puis vint à Florence où il suivit les leçons et subit
l'influence de Bartolini. Son début (une figure terre),
Abel mort, fut d'abord refusé à l'exposition publique
de l'Académie ; le jury des professeurs l'accusait d'être
un moulage sur nature. Rartolini intervint dans la dis-
cussion, fit venir le modèle, constata que ses mesures
ne correspondaient pas exactement à celle de la statue, et
l'admission fut votée (palais Pitti, bronze). Le Caïn qui
suivit (1845), acheté par l'archiduchesse, obtint moins de
succès. Vinrent ensuite Giotto et Saint Antoine (\]ffm),
et Pie H pour l'église San Domenico de Sienne. Un voyage
à Rome oti il s'éprit de Canova (monument de Pie VI)
modifia sa manière. Il s'adonna à l'allégorie. De cette
période datent Sapfio mourante, le monument de la com-
tesse Ferrari Corbelli à San Lorenzo (1 859), h Bacchante
lassée, Bacchus enfant, etc. Peu après il exécutait pour la
lunette du portail de l'église Santa Croce de Florence un
grand reUef allégorique symbolisant le Triomphe de la
Croix. En 1865, Dupré achevait pour le cimetière de la
Misericordia de Sienne une Pieta qui est peut-être son
œuvre la plus parfaite. A l'Exposition universelle de Paris,
en 1867, Jean Dupré obtint un grand succès. On lui décerna
une des médailles d'honneur de la sculpture. Il exposait la
Base de la coupe égyptienne, rapportée d'Egypte par les
Romains, conservée à Rome, donnée par Clément VU aux
Médicis et envoyée à Florence. Dupré tut chargé d'orner de
bas-reliefs le socle qui supporte cette coupe colossale ; il y
symboHsa en quatre groupes, composés chacun d'une femme
et d'un génie : Piome païenne, Piome chrétienne, VEtrurie
et Alexandrie. A la même Exposition figuraient la Dépo-
sition de croix et le Triomphe de la croix. On y admi-
rait surtout une extrême habileté à travailler le marbre.
Mais on n'y relevait pas encore les défauts oti l'école ita-
lienne est tombée de plus en plus pour en arriver enfin
jusqu'à la puérilité dans la dextérité et les tours de force
de l'outil. En 1878, il exposait deux bustes pleins de vie
et même un peu grimaçants, mais qui, au milieu du débor-
dement de la jeune école ultramontaine, passaient pour « les
derniers représentants de l'art sévère ». Son œuvre la plus
célèbre est le Monument de Cavour, à Turin, achevé
en 1872. Le ministre relevant l'Italie est entouré de dix
grandes figures allégoriques dont plusieurs sont d'un réa-
lisme puissant. On a vivement reproché à ce sculpteur
l'abus de l'allégorie et la tendance à sacrifier la vérité
naturelle et la beauté sculpturale à l'expression et aux
idées abstraites. Il a écrit Pensieri suWarte e ricordi
autobiografici. A. Michel.
DUPRE (Julien), peintre d'animaux et de scènes cham-
pêtres de l'école française contemporaine, né à Paris le
18 mars 1851. Elève de Pils, de Langée et de Henri Leh-
mann, il a envoyé depuis 1876 aux diverses expositions des
tableaux inspirés par les travaux de la campagne et qui
ont été remarqués pour l'éclat de leur couleur, générale-
ment brillante et gaie, tels que : les Faucheurs de seigle
en Picardie (1877); les Lieurs de gerbes (1878) ;/<^
Regain et les Glaneuses (iS19) et une Fenaison (1881).
Depuis cette époque, il s'est plus particulièrement consacré
à la peinture d'animaux, des vaches surtout qu'il peint
avec beaucoup de vérité. Le musée du Luxembourg possède
deux de ses tableaux: les Faucheurs de luzerne (1880)
et la Vache enragée.
DUPRÉ DE Saint -Maur (Nicolas - François) , écono-
miste français, né à Paris vers 1695, mort le 1^^ déc.
1774. Maître des comptes, il entra en 1733 à l'Académie
française comme auteur d'une traduction du Paradis
DUPRÉ — DUPUIS — ^6
perdu de Milton qui n'était peut-être pas de lui. Il est
plus connu par ses ouvrages économiques : Essai sur les
monnaies ou Réflexions^sur le rapport entre Vargent et
les denrées (Paris, 4746, in4), et Recherches sur la
valeur des monnaies et sur le prix des grains avant
et après le concile de Francfort (1762, in-42). Il est
aussi Fauteur des Tables de mortalité insérées dans
l'Histoire naturelle de l'homme de Buifon.
DUPRÉ DE Saint-Maur (Jean -Pierre-Emile), littéra-
teur et homme politique fiançais, petit-fils du précédent,
né à CarcassonneleiO juin d772,mortàPerreux (\onnc)
le 22 juil. 4854. Conseiller au parlement de Pans en
4789, il entra ensuite dans l'aimée, et devint aide de camp
du général d'Hargenvilliers à l'armée des Pyrénées orien-
tales. En 4805, il fut nommé secrétaire des commande-
ments de la princesse Borghèse, fut désigné le 47 févr.
4807 comme député de l'Aude au Corps législatif par le
Sénat conservateur et siégea jusqu'en 4844. En 4843, il
devint sous-préfet de Beaune. 11 disparut de la scène poli-
tique après les Cent-Jours et voyagea en Russie. On a de
lui : Essais sur les relations commerciales du dépar-
tement deV Aude avec les échelles du Levant, V Espagne
et le Portugal (4808, in-8) ; la Jeunesse de Prévilleou
les Comédiens de campagne (Paris, 4809, in-8), comé-
die en un acte jouée sur le théâtre de la rue de Chartres
en 4805 ; Anthologie russe (4823) ; VBermiteen Russie
(Paris, 4829, 3 vol. in-42); Hier et aujourd'hui, sa-
tires (4848, in-8).— Son père, intendant de Guyenne de
4776 à 4785, directeur de l'Académie de Bordeaux, a écrit :
Essai sur les avantages du rétablissement de la cul-
ture du tabac dans la Guyenne (Bordeaux, 4784, in-4);
Lettre relativement aux corvées (4784, in-4) ; Mé-
moire sur l'administration des corvées en Guyenne
(4784, in-4) ; Mémoire relatif à quelques projets inté-
ressants pour la ville de Bordeaux (4782, in-4) ; Mé-
moire sur la décadence du commerce de Rayonne et
de Saint-Jean-de-Luz (4782, in-4).
DU PRÉAU (Gabriel), Prateolus, docteur en théologie,
professeur au collège de Navarre, né en 4544 à Marcoussis,
mort à Péronne le 49 avr. 4 588. Ses œuvres comprennent des
traductions, des travaux sur la grammaire et la philologie,
sur la théologie et sur l'histoire. Les dernières, contempo-
raines des guerres de religion, reflètent les passions de l'é-
poque oii l'auteur vécut. Les principales sont : Commentarii
ex prœstantissimis grammaticis desumpti, majorique
ex parie in gallicum sermonem conversi (Paris, in-8) ;
Flores et Sententiœ scribendique formulœ ex Ciceronis
epistolis familiaribus desumptœ (Paris, in-4 6) ; Haran-
gue sur les causes de la guerre entreprise contre les
rebelles et séditieux qui, en forme d'hostilité, ont pris
les armes contre le roy et son royaume (Paris, 4562,
in-8) ; Autorité du concile, avec les signes pour sa-
voir discerner l'Eglise de Jésus-Christ d'avec la syna-
gogue de l'Antéchrist (Paris, 4564) ; Déclaration des
abus et subtilités des faux prophètes (Pans, 4564,
4578, in-8); Arrêt au profit des catholiques par les
propres témoignages de vingt-quatre ministres (Paris,
4567); De ViÛis, sectis et dogmatibus omnium hœre-
ticorum qui ab orbe condito ad nostra usque tempora
proditi sunt Elenchus (Cologne, 4569, in-foL); Histoire
de l'état et succès de l'Eglise, en forme de chronologie
générale et universelle (Paris, 4585, 2 vol. in-fol.) ;
traductions de la Guerre sainte de Guillaume de Tyr (Pans,
4573, in-fol.), et du Mercure Trismégiste. E.-H. V.
BiBL. iPossEYiN, Apparatus sacer ; Cologne, 1607, 2 vol.
in-fol. -De Launoy, Regii Navarrœ gymnash pansiensis
historia; Paris, lb77, in-4.
DUPREZ (Edouard), auteur dramatique français, né à
Paris en 4 804, mort à Paris le 34 oct. 4879, frère deGilbert-
Louis (V. ci-après). Il iut acteur comique au théâtre de Mont-
martre et joua sur les scènes de Bruxelles. On lui doit les
livrets suivants : le Pirate (Paris, 4835, in-8), drame
lyrique en trois actes, musique de BelHni ; Joanita (4852,
in-8), opéra en trois actes, musique de son frère ; le Bal
masqué (4863, in-42), opéra en cinq actes, musique de
Verdi ; Riqoletto (4 864, in-4 2), trad. de l'opéra de Verdi;
Violetta (1 865, in-4 2), trad.de /a Tra^fa^a, du même.
DUPREZ (Gilbert-Louis), chanteur dramatique français,
né à Paris le 6 déc. 4806. Il était le douzième fils d'un
père qui eut dix-huit enfants, et le goût très vif qu'il
montra de bonne heure le fit placer tout jeune à l'école de
musique religieuse, dirigée par Choron. Le 4^^^ déc. 4825,
il débuta à fOdéon, alors théâtre semi-lyrique, dans le
rôle d'Almaviva du Barbier de Séville. Sa voix était
encore à peine formée, et, bien qu'il fît preuve de réelles
qualités, nul ne pouvait prévoir la célébrité qu'il acquerrait
un jour. L'Odéon ayant renoncé en 4828 au genre lyrique,
Duprez fit une apparition de quelques semaines à peine
à rOpéra-Comique, oii, entre autres rôles, il joua Georges
Brovvn de la Dame blanche, puis il partit pour l'Italie
en compagnie de sa femme, Alexandrine Duperron, qui
allait pendant huit ans partager ses succès hors de France.
Tous deux arrivèrent à Milan en 4829, et c'est au théâtre
Careano, de cette ville, que Duprez allait commencer
cette carrière italienne qui devint pour lui si brillante et
pendant laquelle il devait acquérir l'admirable talent qui
en fit le premier chanteur dramatique que la France eût
jamais produit. De Milan il alla à Varèse, à Novare, à
Venise, à Gênes, à Bergame, à Turin, à Lucques et à
Florence. C'est surtout au théâtre de la Pergola, de cette
dernière ville, que ses succès devinrent retentissants. Il
abandonna alors l'emploi de ténor de mezzo carattere
pour celui de grand ténor dramatique. Après Florence,
Duprez se fit entendre dans différentes villes, et enfin
au théâtre San Carlo de Naples, où son succès prit^des
proportions triomphales. Il revint alors à Paris (4836),
précédé d'une immense renommée, et le 47 avr. 4837 il
débuta à l'Opéra, daus Guillaume Tell : il excita un véri-
table enthousiasme. Nourrit, jaloux de son succès, quitta
alors l'Opéra et laissa le champ libre au nouveau venu,
qui pendant dix ans allait fournir à l'Opéra une carrière
étonnamment brillante.
Il reprit quelques-uns des grands rôles du répertoire,
dans les Huguenots, la Muette, Robert le Diable, etc.,
puis se vit chargé d'un grand nombre de créations, dans
Guido et Ginevra, Benvenuto Cellini, la Favorite,
Charles VI, Othello, Lucie de Lammermoor qu'il avait
créés en Itahe, etc. L'affaiblissement de sa voix et de sa
santé lui fit, en 4848, abandonner la scène pour se con-
sacrer au professorat : il était, depuis 4 842, professeur au
Conservatoire; en 4850, il fonda lui-même une école de
chant, sous le nom d'école Duprez, où il forma de bril-
lants élèves et dont il céda la direction à son fils, M. Léon
Duprez, chanteur fort distingué, mais à qui la faiblesse de
sa voix n'a pas permis de se maintenir à la scène après
l'essai qu'il fit naguère au Théâtre-Lyrique. Duprez a voulu
se produire aussi comme compositeur, mais il ne fut pas
très heureux sous ce rapport. Citons quelques-uns de ses
ouvrages dramatiques : VAbime de la Maladetta (4854),
Joanita ou la Fille des boucaniers (4852), Jeanne d'Arc
(4865), etc. Duprez a composé aussi une grand'messe de
la Pentecôte, une messe de Requiem, et il a publié, outre
un certain nombre de romances, une méthode intitulée
l'Art du chant, et un second ouvrage didactique, la Mé-
lodie, études complémentaires vocales et dramatiques de
l'Art du chant. Il a aussi mis au jour ses mémoires,
Souvenirs d'un chanteur (Paris, 4880). Arthur Pougin.
DUPUIS ou DUPUY (Pierre), peintre français, né à
Montfort-l'Amaury le 3 mars 4640, mort à Paris le 4 8 févr.
4682. Peintre de fleurs et de fruits, cet artiste fut reçu à
l'Académie en 4663. Il exposa ensuite, en 4673, un grand
tableau représentant Un Tapis et un Singe. Son portrait,
par Mignard d'Avignon, a été gravé par A. Masson, l'an-
née même de sa réception à l'Académie ; le dessin original,
sur parchemin, fait partie des collections du Louvre. Ad. T.
DUPUIS (Charles), graveur, né à Paris en 4685, mort à
— 97 —
DUPUIS
Paris le 3 mars 1742. Elève de Gaspard Duchange, il fut reçu
académicien le 3 mars 1742 sur les portraits gravés de
Coustou et de Largillière, d'après Legros et Geuslain (à la
Chalcographie du Louvre). Il a fait plusieurs voyages en
Angleterre pour y graver des tableaux de maîtres italiens
et il a travaillé pour le Recueil de la galerie de Ver-
sailles, sur les dessins de Massé, d'après Le Brun.
DUPUIS (Nicolas-Gabriel) , frère du précédent, né à Paris
en 1698, mort à Paris le 26 mars 1771. Reçu académicien
le 28 juin 17,^4, sur le portrait gravé de M. Lenormand de
Tournehem, d'après Tocqué (à la Chalcographie du Louvre),
il fut un des artistes chargés de graver la Galerie de Dresde,
et, comme son frère, travailla en Angleterre d'après les
maîtres italiens. Comme son frère aussi, il a gravé plusieurs
pièces pour le Recueil de la galerie de Versailles et a
laissé, en outre, des portraits parmi lesquels on cite ceux de
Gérard Audran, Gaspard Duchange, Louis XV k cheval,
Nicolas Poussin, etc. Nicolas Dupuis a aussi gravé le
Monument élevé à Rennes par les Etats de Bretagne,
au sujet de la convalescence du roi, exécuté en bronze
par J.-B. Lemoine. F. Courboin.
BiDL. : Bellier de La Chavignerie et Auvray, Dic-
tionnaire des artistes de VEcole française.
DUPUIS (Charles-François) , érudit, philosophe et homme
politique français, né à Trye-Château (Oise) le 26 oct.
1742, mort à Is-sur-Tille (Côte-d'Or) le 29 sept. 1809.
Fils d'un instituteur, élevé au collège d'Harcourt grâce à
la protection du duc de La Rochefoucauld, il se fit recevoir
licencié en théologie et professa la rhétorique au collège de
Lisieux. En 1770, il quitta la soutane, se fit recevoir avocat
et se maria en 1775. Fixé à Paris, il suivit le cours d'as-
tronomie de Lalande et conçut l'idée de son système de
philosophie de l'histoire, dans lequel il essaye de rattacher
toutes les religions à une source commune et trouve l'ex-
plication de toutes les croyances humaines dans l'astronomie.
Il est impossible, dans la limite de cette notice, de donner
une idée complète de ce système, en partie chimérique et
aussi compliqué que hardi ; il faut renvoyer le lecteur aux
mémoires que Dupuis publia dans h Journal des savants
de 1779 et de 1780, et surtout à son grand et célèbre
ouvrage, V Origine de tous les cultes ou la Religioii uni-
verselle (Paris, an 111, 4 vol. in--4, y compris un atlas,
ou 10 vol. in-8 et atlas in-4 ; nouv. éd., avec une notice
par Auguis, Paris, 1822, 7 vol. in-8 et atlas). La Con-
vention en accepta l'hommage le 21 fructidor an III.
Le grand Frédéric avait ofiért à Dupuis une chaire de
littérature à Berlin ; il entra à l'Académie des inscriptions
et belles -lettres en 1788 et fut professeur d'éloquence
latine au Collège de France (il n'y figura en titre qu'à
partir de 1791 sur les Almanachs royaux). En 1790,
le directoire du département de Paris le nomma commis-
saire de l'instruction publique. Député de Paris à la Con-
vention, il ne joua qu'un rôle effacé. Le 21 germinal
an III, il fut un des cinq commissaires envoyés par la
Convention dans les départements pour assurer l'exécution
des lois relatives à l'instruction publique. Membre du conseil
des Cinq-Cents, il fit partie de l'Institut (classe de Httérature
et beaux-arts, section d'antiquités et monuments) dès la
création de ce corps. Favorable à Bonaparte, il entra au corps
législatif sous le Consulat. Outre son Origine de tous les
cultes, dont il publia un Abrégé (Paris, an VI, in-8),
on a de lui : Laudatio funebris Mariœ Theresiœ Aus-
triacœ (s. 1., 1781, in-4) ; Mémoire sur l'origine des
constellations et sur l'explication de la Fable par le
moyen de l'astronomie (Paris, 1781, in-4) ; Mémoire
explicatif du zodiaque chronologique et mythologique
(Paris, 1806, in-4), et un grand nombre de mémoires
dans- divers recueils savants. F. -A. A.
BiBL. : Notice historique sur la vie littéraire et poli-
tique de Dupuis, par sa veuve; Paris, 1813, in-8.
DUPUIS (Antoinette-Nicole, dite Adèle), actrice fran-
çaise, née à Paris le 6 déc. 1780 , morte à Paris le
1 6 mai 1847. Elle commença sa carrière au théâtre Mareux,
situé rue Saint-Antoine, l'une des nombreuses petites
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
scènes qui, nées de l'époque révolutionnaire, disparurent
aux premières années de l'Empire. Lorsque ce théâtre fut
fermé, elle fut engagée à l'Ambigu pour y jouer les jeunes
premières de mélodrame, héroïnes infortunées et persé-
cutées pendant quatre actes, qui tout à coup trouvaie nt
au dénouement le bonheur et la tranquillité. Jolie, décente,
distinguée, douée d'une physionomie expressive et d'un
organe plein de sensibilité, W^ Adèle Dupuis donnait les
preuves d'un talent très sérieux qui l'avait fait surnom-
mer « la Mars des boulevards », et qui était certaine-
men supérieur au genre qu'elle était chargée d'interpréter.
Ses succès furent grands à l'Ambigu, notamment dans ces
vieux drames, l'Enfant de l'amour, Elvérine de Wer-
theim, Amélabis, la Mendiante, Pharamond, Irza,
les Amis du Mogol, etc. De l'Ambigu, elle passa en
1817 à la Gaîté, où le succès la suivit, et oîi beaucoup de
mauvaises pièces durent à son talent et à ses rares qualités
une vogue que sans elle elles n'auraient pas obtenue.
C'est là qu'elle joua Bouton de rose, la Fille de l'exilé,
Pascal Paoli, le Château de Lochleven, Polder ou le
Bourreau d'Amsterdam, l'Aigle des Pyrénées, la Tête
de mort, etc. M^^^ Adèle Dupuis fut en réalité une actrice
fort distinguée, qui pendant plus de vingt ans fut, on peut
le dire, l'idole du public parisien. Elle prit sa retraite
au commencement de 1830, dans toute la force de l'âge
et du talent. A. P.
DUPUIS (Rose-Gabrielle-Désirée), actrice française, née
à Poissy le 7 mars 1791. Dès 1805, cette artiste fine et
charmante se faisait remarquer au gentil théâtre des
Jeunes-Elèves de la rue de Thion ville (Dauphine), et, deux
ans après, ce théâtre ayant été supprimé avec bien d'autre-,
elle était appelée, à la suite d'une courte apparition à la
Porte-Saint-Martin, à débuter à la Comédie-Française.
C'est Dazincourt, dont elle avait pris des leçons, qui lui en
avait ouvert le chemin. Sa beauté, sa grâce, son élégance,
une diction pure et nette, un organe séduisant, un jeu
simple et naturel lui valurent un vif succès lorsqu'elle fit
son premier début, le 16 févr. 1808, dans Andromaque
et VEcole des Maris. Reçue aussitôt pensionnaire pour
l'emploi des jeunes premières de comédie et des grandes
confidentes de tragédie, elle devint sociétaire en 1812,
fournit une carrière brillante et fit les délices d'un public
alors plus difficile qu'aujourd'hui. Pendant cette longue
carrière, M^^® Rose Dupuis, tout en se montrant incessam-
ment dans le grand répertoire tragique et comique, fit plus
de cinquante créations dans des ouvrages nouveaux, qui
pour la plupart lui furent extrêmement favorables. M^^<^ Rose
Dupuis prit sa retraite en 1833, et se retira k Nemours,
la grande colonie des comédiens. A. P.
DUPUIS (Adolphe), acteur français, né en 1824, mor
en nov. 1891. Fils de l'excellente comédienne Rose Dupuis,
il eut de bonne heure le goût du théâtre, et abandonna l'étude
de l'architecture pour entrer au Conservatoire, dans la classe
de Samson. Il en sortit pour entrer à la Comédie-Française,
oti il débuta en 1 845 dans les Femmes savantes, le Jeune
Mari, le Menteur et le Barbier de Séville. Peu encouragé
de ce côté, il accepta en 1847 un engagement pour le
théâtre français qui existait alors à Berlin, d'où il fut
chassé par la révolution du 18 mars 1848. Il entra l'année
suivante au Gymnase, où il commença sa réputation à côté
de ces excellents artistes qui s'appelaient Dressant, Numa,
Geoff*roy, Lafontaine, Lesueur, M"^^ Rose Chéri, etc. Dans
l'espace de dix années, il fit à ce théâtre un grand nombre
de créations qui révélèrent chez lui un talent plein de
grâce, de naturel et de variété ; il faut surtout citer : la
Dot de Marie, Manon Lescaut, Mercadet, le Démon du
foyer, le Mariage de Victorine, le Pressoir, Phili-
berte, le Gendre de M. Poirier, Diane de Lys, le Demi-
Monde, Françoise, la Question d'argent, la Crise, le
Fils naturel, le Père prodigue, l'Invitation à la valse,
le Pour et le Contre, Un Beau Mariage, Rosalinde,
le Cheveu blanc, etc. Malgré ses succès à Paris, Dupuis
accepta en 1860, un engagement pour le théâtre français
7
DUPUÎS — DUPUIT
— 98
de Saint-Pétersbourg, d'où il ne revint qu'au bout de dix-
sept ans. Il entra alors au Vaudeville et fournit, dans
l'emploi des pères nobles et des premiers rôles marqués,
une nouvelle carrière, aussi brillante que l'avait été celle
de sa jeunesse. Après avoir repris dans Montjoye le rôle
créé par Lafont, il fit toute une série d'excellentes créa-
tions dans le Nabab, le i5^ Hussards, le Voyage (T agré-
ment, Georgette, puis reprit le Père prodigue, les
Lionnes pauvres et quelques autres ouvrages. A. P.
DUPUIS (Jean), explorateur français, né à Saint-Just-
la-Pendue (Loire) en 1829. Négociant de profession, il se
rendit en Chine dès 1860 et s'établit à Han-kéou où il
séjourna une dizaine d'années. Il voulut ouvrir l'accès aux
provinces de la Chine méridionale par le fleuve Rouge qui
arrose le Tonkin et le Yunnan ; d'accord avec le maréchal
chinois Ma, il explora cette route. Il vint alors en France
demander l'appui du gouvernement. Ses querelles avec les
autorités annamites provoquèrent le coup de main de Fran-
cis Garnier et furent la cause initiale de la conquête du
Tonkin par la France. J. Dupuis a écrit VOuverture du
fleuve Rouge au commerce et les événements du Tonkin
(1872-1873) et ua Journal de voyage (1879, in-4). ^
DUPUIS (José), acteur français, né à Liège vers 1830.
Il commença par être musicien d'orchestre, puis se fit
comédien. Venu à Paris, il parut d'abord sur le petit
théâtre du Luxembourg, aujourd'hui détruit, et de là fut
engagé aux Folies-Nouvelles, où l'on jouait exclusivement
l'opérette et la pantomime avant que ce théâtre prît le
nom de Déjazet. C'est là que M. Dupuis commença sa répu-
tation, en jouant avec originalité et en chantant avec goût
un grand nombre d'opérettes : Toinette et son carabinier,
Trois Dragons, le Loup-Garou, Vile de Calypso, Achille
à Scyros, etc. Il se fit tout à fait remarquer, ensuite, dans
une des premières pièces de M. SdiYàou, Monsieiir Garât,
ce qui amena son engagement au théâtre des Variétés, dont
il est devenu l'un des artistes les plus renommés et qu'il
n'a pas quitté depuis plus de vingt-cinq ans. Dans l'emploi
des amoureux comiques, puis des comiques proprement dits,
M. Dupuis s'est montré certainement l'un des comédiens
les plus fins et les plus originaux de Paris. Doué dans sa
jeunesse d'une voix un peu mince, mais fort agréable, avec
cela excellent musicien, il a été pendant vingt ans le ténor
à la mode dans le genre de l'opérette, ce qui ne l'empêchait
pas d'obtenir dans le vaudeville des succès aussi francs et
aussi brillants. Il a fait aux Variétés un nombre incalculable
de créations, parmi lesquelles il faut surtout citer : Un Mari
dans du coton, Deux Chiens de faïence, l'Infortunée
Caroline, la Belle Hélène, la Grande - Duchesse de
Gérolstein, le Trône d'Ecosse, Madame Barbe-Bleue, les
Brigands, la Veuve du Malabar, les Braconniers, les
Sonnettes, les Merveilleuses, etc., etc. M. Dupuis n'a
pas cessé, jusqu'à ce jour, d'être un des acteurs favoris
du public parisien. ^\^\,
DUPUIS (Daniel-Jean-Baptiste), graveur en médailles
et sculpteur français, né à Blois (Loir-et-Cher) le 15 févr.
1849. Elève de Farochon et Cavelier, il remporta le grand
prix de Rome pour la gravure en médailles, en 1872. Cet
artiste expose au Salon depuis 1869. Au nombre de ses
œuvres les plus importantes, il faut citer : la médaille du
Génie des arts couronnant la France ; la médaille de la
France faisant appel à toutes les nations pour VEx-
position de iSlS ; la médaille type de la Ville de Paris ;
la médaille du Concours des chevaux de trait ; la médaille
commémorative de VExposition universelle de i889 ;
les médaillons du P. Lacordaire, de Floquet, de Durier,
du D'^ Laboulbène, etc. M. D. S.
DU PU IS-DELcouRT,publiciste français, né à Berru, près
de Reims, en 1802, mort en 1864. Il s'occupa d'aérostation
et fit adopter l'hydrogène pour les ballons. Il a écrit : Bal-
lons dans les fêtes publiques (1836); De l'Art aérosta-
tique appliqué aux transports (i^^l) et, sous le pseu-
donyme d'Octo, Odette ou la Petite Reine et un mélodrame,
Han d'Islande (en collaboration avec Ratier et Saint-Yves).
DUPUIS DE ToRCY (Pierre-Louis), né en 1770, mort
à Cayenne en 1803. Elève de l'Ecole des ponts et chaussées
de 1786 à 1790, il entra à l'Ecole polytechnique à la
création et y devint immédiatement l'un des vingt-cinq
chefs de brigades, choisis pour commencer l'instruction de
la première promotion. Collaborateur de Brisson (V. ce nom,
t. Vlll, p. 64), il rédigea avec lui le célèbre mémoire sur
le tracé des canaux présenté à l'Institut en 1801 . Malgré ses
succès scientifiques, Dupuis de Torcy fut réduit à accepter
en 1802 une place d'ingénieur à Cayenne, où des travaux
de dessèchement étaient projetés par le ministère de la ma-
rine. A peine arrivé, il fut victime du climat. M.-C. L.
DUPUIT ( Arsène- Jules-Emile-Juvénal), né à Fossano
(Piémont) le 18 mai 1804, mort à Paris le 5 sept. 1866.
Ingénieur français, il appartenait au corps des ponts et
chaussées, dont il a peut-être été, dans ce siècle, la per-
sonnalité la plus éminente après Vicat. Pour la facilité des
recherches, nous diviserons cette notice en deux parties :
Dupuit ingénieur et Dupuit économiste.
I. Au sortir de l'Ecole des ponts et chaussées, en 1828,
Dupuit fut attaché au service du dép. de la Sarthe ; il n'avait
guère à s'y occuper que d'entretien de routes, mais il montra
bien qu'il n'y a pas de petites occupations pour un grand
esprit. En 1837, il publia son premier ouvrage, fruitd'études
provoquées par ses occupations oflicielles, Essai sur le
tirage des voitures et le frottement de roulement. Cet
ouvrage, ainsi que le succès des méthodes d'entretien
appliquées dans la Sarthe par l'ingénieur en chef et ses colla-
borateurs, déterminèrent l'administration à appeler Dupuit
à Paris, en 1839, pour l'associer aux travaux de la com-
mission chargée de préparer un projet de loi sur le roulage
et diriger en même temps la réfection de la chaussée d'em-
pierrement des Champs-Elysées, dont le mauvais état sem-
blait irrémédiable. C'est alorsque Dupuit rédigea l'instruction
du 26 avr. 1839, point de départ d'immenses progrès dans
l'entretien des routes. Appelé, en 1840, à remplir les
fonctions d'ingénieur en chef dans le dép. de la Marne, il
y a rendu des services éminents. Il reconnut que la per-
fection de la main-d'œuvre ne constituait qu'un des élé-
ments de l'entretien des routes et qu'elle ne dispensait pas
de rendre annuellement aux chaussées une quantité de
matériaux proportionnelle à la fréquentation. Ces consi-
dérations ont été habilement développées par M. Dupuit
dans son beau mémoire sur les frais d'entretien des routes
[Annales, 1842), où se trouvaient posés pour la première
fois des principes exacts sur cette question alors si contro-
versée. L'administration reconnut qu'il était impossible
de rétablir les chaussées avec les anciens crédits, qui furent
immédiatement doublés ; Dupuit put alors opérer une trans-
formation complète, facilitée par un meilleur choix des
matériaux d'entretien. — Outre les ouvrages déjà cités, nous
devons mentionner : Mémoire sur le tirage des voitures
et le frottement de roulement, complément de VEssai
de 1837 ; De la Nature de l'utilité des travaux publics,
et plus tard, lorsque Dupuit était devenu ingénieur en chef
de Maine-et-Loire : Etudes théoriques et pratiques sur
le mouvement des eaux courantes ; Des Inondations et
des moyens proposés pour en prévenir le retour.
Comme travaux d'art, on doit à Dupuit, pendant la période
de 1844 à 1850, la restauration complète et l'élargisse-
ment du pont du Centre, sur la Maine, à Angers, et la
reconstruction des Ponts-de-Cé, sur la Loire. Appelé à
Paris comme secrétaire de la nouvelle commission de rou-
lage, Dupuit écrivit un rapport concluant à la liberté ; les
idées de la commission étaient opposées aux siennes, mais
ce sont celles-ci qui l'ont emporté (décret de 1851). On
lui doit donc la déroute définitive des idées anciennes, qui
avaient donné lieu à des mesures restrictives très exagé-
rées, souvent modifiées, et particuUèrement à l'installation
de ces ponts à bascule dont la disparition a été une véri-
table délivrance pour le roulage. Après quarante-cinq ans
de ce vieux système, il nous a été donné de voir que la
quasi-liberté actuelle est dépourvue de tout inconvénient
notable pour les chaussées de nos routes. En 1850, Dupuit
devint ingénieur en chef directeur du service municipal de
Paris ; il étudia à fond la distribution des eaux et la cons-
truction des égouts, et la littérature des sciences appliquées
ne tarda pas à s'enrichir de son beau Jraité de la dis-
tribution des eaux, qui, avec le livre de Darcy sur les
Eaux de Dijon, a servi de guide à tous les ingénieurs
jusqu'à la publication de la Distribution des eaux de
Bechmann (1889). Le Traité de Dupuit, paru en 1854, a
eu une seconde édition en 1865. Dans les dernières années
de sa vie, de 1855 à 1866, Dupuit a exercé les fonctions
. d'inspecteur général des ponts et chaussées. Outre les ou-
vrages déjà cités, on lui doit : Du Mouvement des wagons
dans les courbes (Annales des ponts et chaussées,
1838) ; De l'Influence des péages sur l'utilité des voies
de communication (ibid,, 1849) ; Rapport sur la chute
du pont suspendu de la Basse-Chaîne d'' Angers [ibid.,
1 850) ; Réponse à Vicat au sujet de r oxydation des
fers dans les constructions (ibid., 1854); Examen
critique du système des rechargements périodiques
(ibid., 1855) ; Réponse à Beaudemoulin au sujet du
décintrement des ponts {ibid,, 1858). Dupuit terminait
au moment de sa mort son Traité de r équilibre des voûtes
et de la construction des ponts en maçonnerie, Tarbé
résume ainsi la biographie de Dupuit qu'il a donnée dans
ses Notices {Encyclopédie des travaux publics) : « Polé-
miste ardent et toujours plein de ressources, souvent fron-
deur vis-à-vis de ses égaux, mais toujours affable et indul-
gent pour ses subordonnés, Dupuit a laissé des souvenirs
ineffaçables chez ceux qui ont eu le bonheur de l'approcher,
et son nom doit être inscrit, au premier rang, parmi ceux
des ingénieurs qui ont jeté le plus d'éclat sur le corps des
ponts et chaussées vers le milieu de ce siècle, »
II. Dupuit a donné des articles nombreux au Diction-
naire de l'économie politique, notamment : Eau, péages,
routes et chemins, voies de communication. Sur la
question de propriété, Dupuit soutenait que le mode d'ap-
propriation de la propriété ne dépend que du seul légis-
lateur, lequel doit avoir pour objectif d'assurer au pubHc
la plus grande somme de produits possible ; ce point de
vue est très original, bien qu'il paraisse avoir été admis
par MM. Courcelle-Seneuil et Cherbuliez, car dans l'opinion
courante le droit de propriété dérive de l'idée de justice,
qui concorde, il est vrai, avec celle de l'utilité, si l'ap-
propriation individuelle est le mode assurant le mieux la
production. L'idée de Dupuit ne fut pas acceptée par le
Journal des économistes, qui n'inséra son article sur
le Prhicipe de la propriété qu'en l'accompagnant de
réserves. La liberté du commerce, laissez faire, laissez
passer, avait toutes les sympathies de Dupuit. Il paraît
que son petit volume, la Liberté commerciale, son
principe et ses conséquences, fut publié à l'instigation
de M. Rouher. « Ses vues, qu'il exposait le plus souvent
dans le Journal des économistes ou au cours des séances
de la Société d'économie politique, soulevaient parfois des
protestations et des controverses; notamment ses idées sur
la propriété et la violente antipathie qu'il manifestait pour
la création des sociétés industrielles et l'exploitation des
chemins de fer par les grandes compagnies, ont suscité de
véritables polémiques. Ne pourrait -on s'étonner encore
aujourd'hui de son scepticisme à l'égard du droit de coali-
tion et des tentatives de coopération, ainsi que de son
aversion pour la liberté de tester?... Dupuit était autre
chose de plus qu'un excellent fonctionnaire. Outre qu'il
laisse un nom dans l'histoire des travaux publics, il n'a
manqué à ce défricheur d'idées, ainsi que l'appelle si
heureusement M. Lamé-Fleury, que le loisir de coordonner
son œuvre et d'en revoir toutes les parties pour figurer au
nombre des maîtres de l'économie poHtique. » {Dict,
d'écon. polit.) Outre les ouvrages que nous avons cités,
on doit indiquer encore : De la Législation actuelle des
voies de transport; Nécessité d'une réforme basée sur
des principes rationnels; De r Utilité et de sa mesure;
99 — DUPUIT — DUPUY
De l'Utilité publique ; les Principes de la propriété
et de la population ; Des Crises alimentaires et des
moyens employés pour y remédier; Effets de la liberté
du commerce, M.-C. Lechalas.
BiBL. : Tarbé de Saint-Hardouin, Notices bioara-
phiques ; Paris, 1884, gr. in-8.
DUPUY (Bernard), poète français, né en Béarn vers
1520, mort vers 1580. Il est l'auteur des Louanges de
Antoine et Hefiri de Navarre et de Jeanne d'Albret (Tou-
louse, 1554, in-8); de VOde du Gave (1551, in-8); De
Collegio Auxitano Carmen (1552, in-8) et des traduc-
tions de VAnteros de Fulgose, du dialogue de Platina
Contre les folles amours, de la Médecine des chevaux de
Végèce, etc.
DUPUY (Claude), jurisconsulte français, né à Paris en
1545, mort à Paris le l^'* déc. 1594. Il étudia les lettres
avec Turnèbe, Lambin et Dorât, et le droit avec Cujas. Il
voyagea ensuite en Italie où il se ha avec Fulvio Orsini,
Paul Manuce, Sigonius et PinelH. Nommé conseiller au
parlement de Paris, le 7 févr. 1576, il fit preuve dans
l'exercice de ses fonctions d'un jugement sûr et d'une pro-
fonde connaissance du droit. Il était l'ami des meilleurs
érudits de son temps. Les éloges dont il fut l'objet, après sa
mort, de la part de Joseph Scahger, Etienne Pasquier,
Casaubon, Savaron, Passerat, etc., etc., ont été réunis, par
Paul de Reneaulme, dans un volume intitulé Amplissimi
viri Claudii Puteani tumulus (Paris, 1607, in-4), et
publiés ensuite dans la Vie de Pierre Dupuy, son fils.
DUPUY (Christophe), chartreux, fils aîné du précédent,
né à Paris en 1579, mort à Rome le 28 juin 1654. Il
suivit à Rome le cardinal de Joyeuse, en qualité de proto-
notaire. Il y était encore, lorsque la congrégation de l'Index
s'occupa de la première partie de VHistoire de son ami le
président de Thou, et il obtint qu'elle ne fùtpas condamnée.
Rentré en France, il se fit chartreux à Bourg-Fontaine, Il
dut à l'estime que le cardinal Barberini avait pour lui
d'être nommé procureur général de l'ordre et appelé à Rome.
Il est l'auteur d'un recueil intitulé Perroniana qu'il avait
composé pendant qu'il était aumônier du roi, mais qui ne
fut imprimé qu*après sa mort (Paris, 1669, in-12) par les
soins de Daillé fils. C. C.
DUPUY (Pierre), historien français, garde de la Biblio-
thèque du roi, né à Agen le 27 nov. 1582, mort à Paris le
14 déc. 1651 . Frère du précédent, il montra de bonne heure
un goût très vif pour les lettres et s'occupa particuUèrement
de droit et d'histoire. Il accompagna en Hollande l'ambassa-
deur de France, Thumeri de Boissise, et continua, avec les
savants de ce pays, les relations de son père. En 1615, le
procureur général au parlement, Mathieu Mole, qui avait le
Trésor des chartes dans ses attributions, par suite de la réu-
nion à sa charge, en 1582, de celle de trésorier-garde des
chartes du roi, le choisit avec Théodore Godefroy pour
rédiger un inventaire de « tous les tiltres et Chartres » qui
s'y trouvaient conservés. Son choix fut ratifié par arrêt du
conseil du 21 mai. Ils se mirent tous les deux à l'œuvre,
mais c'est à Pierre Dupuy qu'est due la partie la plus
importante du travail, ifne lui fallut pas moins de
onze ans pour la mènera bonne fin. Le classement qu'il
établit dans les layettes du Trésor des chartes n'a pas été
modifié ; aussi peut-on toujours se servir de son Inventaire,
La minute et l'original de cet Inventaire sont aujourd'hui
à la Bibliothèque nationale (collection Dupuy, vol. 162-169,
et fonds français 21096-21103). Il en a été fait de nom-
breuses copies. Pierre Dupuy fut employé avec Le Bret et
de Lorme à la recherche des titres qui pouvaient servir à
justifier les droits du roi sur les trois évêchés de Metz,
Toul et Verdun, et à combattre les usurpations des ducs de
Lorraine. Il s'occupa avec son frère Jacques et son ami
Nicolas Rigault des éditions de VHistoire àç^ de Thou qui
furent publiées en 1620 et 1626. li est en outre Fauteur
des Mémoires et instructions pour servir à justifier
l'innocence de messire François ^Auguste de Thou.
En 1645, Pierre Dupuy et son frère Jacques acquirent de
DUPUY
- 100 —
Nicolas Rigault la charge de garde de la Bibliothèque du
roi. Ils s'occupèrent d'abord des manuscrits et en redi-
sèrent le catalogue, l'année même de leur entrée en fonc-
tions. Deux exemplaires de ce catalogue sont aujourd hui
conservés dans le fonds latin, sous les numéros 9352-93d4
et 10366-10367. Voici quels sont ses principaux ou-
vrages : Traité des droits et des libertés de l Eglise
qaÛicane avec les preuves (Paris, 1639,3 vol. in-fol.);
Histoire de l'ordre militaire des Templiers depuis son
établissement jusqu'à sa suppression, impnmée, en
1654 par Jacques Dupuy, dans le recueil intitule Traite
contenant l'histoire de France (in-4), et rééditée plu-
sieurs fois à part ; Histoire générale du schisme qui a
été dans l'Eglise depuis 1378 jusqu'en im, imprimée
dans le recueil précédent et à part; Histoire du différend
entre le pape Boni face VIU et le roi Philippe le Bel
(Paris, 1655, in-fol.) ; Traité des régences et des majo-
rités des rois de France (Paris, 1655, in-4); Instruc-
tions et missives des rois de France et de leurs ambas-
sadeurs au concile de Trente (Paris, 1608, in-8) ; Recueil
des droits du roi (Paris, 1655, in-foL); Histoire des phis
illustres favoris anciens et modernes (Leyde, IboJ,
in-4). La vie de Pierre Dupuy a été écrite par Nicolas
Rieault, dans ses Vitœ selectœ aliquot virorum (Londres,
1681, in-4). C. Couderc.
DUPUY (Jacques), érudit français, garde de la Bibho-
thèque du roi, frère du précédent, né en 1586, mort a
Paris le 17 nov. 1656. Il prit, comme on a pu le voir dans
la notice qui précède, une large part aux travaux de son
frère. Il publia ou réédita plusieurs de ses ouvrages. Les
quelques manuscrits que leur père leur avait laissés servi-
rent de noyau à la collection de deux cent soixante manus-
crits anciens qu'ils réussirent à former. Jacques Dupuy qui
en fut, comme dernier survivant, le dernier possesseur, les
lé^^ua au roi avec toute sa bibliothèque, par son testament
en date du 25 mai 1652. Il ne comprit pas dans cette
donation une énorme quantité de pièces juridiques, litté-
raires et historiques que son frère et lui avaient recueillies.
Il légua cette collection à de Thou qui la vendit, en
1680, au président Charron de Ménars. Elle passa ensuite
au procureur général Joly de Fleury qui la céda à la
Bibliothèque du roi, le 10 juil. 1754. Elle comprend neuf
cent quarante et un volumes. M. L. Delisle en a P"blie un
Inventaire sommaire dans le Cabinet historique (1882,
t. XXVIII, pp. 527-555). On a de Jacques Dupuy un
Index de tous les noms latinisés contenus dans VHis-
toiredede T/iow (Genève, 1614, in-4), qui a été réimprime
sous le titre de Resolutio omnium difficultatum (Ratis-
bonne, 1696, in-4). Il a en outre rédigé avec son frère le
catalogue de la bibliothèque de de Thou, Catalogus biblio-
thecœ Thuanœ (Paris, 1679, in-8). ^ C. C.
DUPUY, écrivain français du xviii® siècle, secrétaire au
congrès de Ryswick. On peut citer de lui : Caractères,
sentiments et entretiens de deux personnes dont l'une
parle mal et écrit bien et Vautre parle bien et écrit
mal (1693, in-12): Dialogue sur les plaisirs, sur les
passions et sur le mérite des femmes (1717, in-12) ;
Essai hebdomadaire sur plusieurs sujets intéressants
(Paris, 1730, in-12); Instructions d'un père à son fils
sur la manière de se conduire dans le monde (1731,
in-12); Réflexioîis sur l'amitié (1728, in-12); Mytho-
logie (1731, 2 vol. in-12); Instructions d'un père à sa
fille (MU, in-il), . , .,
DUPUY (Louis), érudit français, ne Chazey-sur-Am le
23 nov. 1709, mort le 10 avr. 1795. Professeur de phi-
losophie dans les collèges des jésuites à Paris et philologue
distingué, il entra à l'Académie des inscriptions et belles-
lettres en 1756 et en devint secrétaire perpétuel en 1773.
Il dirigea pendant trente ans la publication du Journal des
Savants, pubUa les tomes XXXVI à XL du Recueil de
l'Académie des inscriptions auquel il donna une foule de
mémoires intéressants. On lui doit aussi un certainnombre
d'éloges d'académiciens, entre autres ceux de Fontenelle,
de Chesterfield, de Turgot. On peut encore citer de lui des
Réflexions critiques sur la méthode de l'abbé de Ville-
froy pour Vexplication de VEcriture sainte (Paris,
1755, in-4 2) et une traduction du Théâtre de Sophocle
('^^62).
DUPUY (André-Julien, comte), homme politique fran-
çais, né à Brioude le 13 juin 1753, mort à Paris le 6 janv.
1832. Conseiller au Châtelet à Paris, il fut nommé en 1790
intendant général de l'Inde française, fut employé en 1802
aux négociations de la paix d'Amiens et le 9 vendémiaire
an XII entra au conseil d'Etat. Le 28 mars 1806, il était
nommé sénateur et créé comte de l'Empire le 26 avr. 1808.
La Restauration, à laquelle il se rallia, lui donna la pairie
(4 juin 1814). Il occupa encore les fonctions de gouverneur
général des Indes de 1816 à 1826 et siégea à la Chambre
des pairs jusqu'à sa mort.
DU PUY (Alexis-Casimir), vétérinaire français, ne à
Breteuil (Picardie) le 27 sept. 1774, mort à Paris le
24 sept. 1849.11 fut nommé professeur de botanique et de
matière médicale à l'école d'Alfort en 1798 et élu membre
de l'Académie de médecine en '1821.11a écrit sur la morve
(1817, 1827), sur tarage (1830-34), et sur diverses épi-
zooties. ^^ L. Hn.
DUPUY (Jean-Baptiste-Edouard-Louis-Camille), musi-
cien et compositeur, né à Corselles, près de Neuchâtel
(Suisse), en 1775, mort à Stockholm le 3 avr. 1822.
A seize ans, il était déjà maître de concerts du prince
Henri de Prusse à Rheinberg. En 1793, après avoir
parcouru l'Allemagne, il fut engagé comme chanteur à
l'opéra de Stockholm. En 1799, il gagna Copenhague,
où il se distingua non seulement comme musicien, mais
comme mihtaire; engagé volontaire dans le corps de dé-
fense de la place, alors assiégée et bombardée par les
Anglais (1801), il fut nommé lieutenant et déploya un
grand courage. En 1810, il retourna à Stockholm, après
avoir visité Paris ; en 1812, il y fut nommé maître de cha-
pelle de la cour. Il composa" trois opéras : Une Folie ;
Félicie et Bjorn Jarnsida, opéra suédois qui eut du
succès, et de nombreuses pièces diverses.
DUPUY (Charles-Hyacinthe), homme politique français,
né à Carpentras le 11 sept. 1801, mort le l«'févr.l876.
Chef d'institution, il se lança dans le journalisme, collabora
au Progrès du Midi, au Censeur de Lyon, fonda VAmi
des instituteurs et des élèves, le Semeur républicain,
le Suffrage universel, la Feuille de Jean-Pierre André,
qui obtint un vif succès dans la Vaucluse et les départe-
ments environnants. H fut élu le 2 juil. 1871 représentant
de Vaucluse à l'Assemblée nationale où il fit partie de
l'union répubhcaine et combattit le ministère de Broglie.
On a de lui : Grammaire latine élémentaire comparée
avec la grammaire française (Paris, 1841, in-12);
Grammaire latine raisonnée (Lyon, 1841, in-8).
DUPUY (Jean-Charles-Pierre), ingénieur français, ne a
Saumur le 4 juin 1826. 11 appartient au corps des ponts et
chaussées avec le grade d'inspecteur général. Il a construit
un grand nombre de chemins de fer dans l'ouest de la
France, et est l'inventeur d'un instrument destiné à mesurer
le travail du fer dans les ponts métalliques (Annales des
ponts et chaussées de 1877). On cite son viaduc de
l'Erdre, magnifique ouvrage sur lequel il a donné un mé-
moire aux Annales de 1879. V. aussi dans le même
recueil, année 1880, sa note Sur le Raccordement des
courbes avec les alignements droits dans le tracé des
chemins de fer ; c'est un travail du plus haut intérêt
pratique. , M;"^- ^\
DUPUY (Paul), médecin philosophe, ne à Lamonzie-
Saint-Martin (Dordogne) en 1827, d'une vieille famdle
protestante. Fils, petit-fils et arrière-petit-fils de médecins,
il fut reçu interne des hôpitaux de Pans en 1853, obtint
la médaille d'or (1856), et se fixa à Bordeaux en 1859 pour
Y exercer la médecine. Mais il préféra bientôt l'enseigne-
ment, et professa dès 1864 la pathologie mterne comme
suppléant dans la même chaire dont il est resté titulaire
- 401 —
DUPUY
lors de la transformation de l'école de médecine de Bor-
deaux en faculté (1878). De 1874 à 1888, il a été conseil-
ler municipal de Bordeaux, particulièrement occupé des
questions d'hygiène, de police sanitaire, d'assistance pu-
blique, auxquelles il a consacré d'importantes études. Les
autres travaux de M. P. Dupuy, très nombreux, se rap-
portent les uns à la philosophie scientifique, les autres à
la philosophie pure et à la sociologie. Il débuta en 1862
par un Essai de philosophie médicale et un examen
critique de la Métaphysique et la science de Vacherot,
. dans la Revue théologique de Strasbourg. De 1862 à
1870, il donna dans la Gazette médicale de Paris une
série d'études sur le mouvement musculaire et la question
de la thermo-dynamique animale : contre la théorie alors
en faveur, bien qu'aujourd'hui un peu abandonnée, il sou-
tenait que la loi de l'équivalence des forces, de la transfor-
mation de la chaleur en mouvement et vice versa, ne rend
pas compte des rapports de la contraction musculaire
avec la chaleur animale. Dans le Journal de médecine de
Bordeaux, il a écrit notamment sur la Méthode expéri-
mentale d'après Cl. Bernard et sur le Sommeil^ étude
psycho-physiologique dans laquelle l'automatisme mental
est mis en relief, mais « la loi d'invariable séquence » est
combattue comme trop absolue, des idées apparaissant
parfois subitement dans la conscience sans aucun Hen avec
celles qui les précèdent. Les écrits purement philosophiques
et sociaux de M. Dupuy sont: De la Nécessité des études
métaphysiques ; Du Rôle de la méthode métaphysique
dans les connaissances humaines; Essai sur les caté-
gories; Cause, force et loi: le tout dans les Actes de
VAcadémiede Bordeaux; Du Libre Arbitre (Paris, 1870,
in-8), où il soutient que l'impression est la condition, mais
non la cause du phénomène moteur, même du pur réflexe,
que l'idée à plus forte raison soUicite une activité qu'elle
ne produit point et qu'il n'y a par conséquent ni détermi-
nisme rigoureux dans les vivants, ni déterminations morales
exactement nécessaires. L'intérêt de ces études est dans
l'appui apporté par un médecin aussi savant qu'indépen-
dant à une philosophie peu en crédit en général parmi les
savants et les médecins. Mentionnons encore : De V Ensei-
gnement supérieur en France; Des Universités régio-
nales; Etudes politiques (Paris, 1874, in-8); le Vrai
Péril social {ibid., 1878) ; De la Question sociale en
France (Bordeaux); De la Démocratie en France (Paris,
1882, in-8). H. M.
DUPUY (Charles-Ernest), universitaire et écrivain con-
temporain, né à Lectoure (Gers) le 20févr. 1849. Il fit ses
études au lycée Saint-Louis et entra à l'Ecole normale en
1869, Agrégé en 1873, il enseigna la rhétorique dans
divers lycées de province et en dernier lieu à Bordeaux,
d'où il fut appelé à Paris. Il était professeur au lycée
Henri IV quand il fut choisi comme candidat au conseil
supérieur de l'instruction publique par les agrégés des
lettres animés de l'esprit de réformes; mais la tendance
inverse l'emportait alors et il échoua. M. Lockroy, ministre
de l'instruction publique, le prit peu après pour son chef
de cabinet (juin 1888). Il ne reçut pas en cette qualité la
croix de chevalier de la Légion d'honneur, préférant faire
attribuer à un professeur celle qu'on lui offrait ; il ne fut
décoré qu'après avoir repris sa chaire à Henri IV. M. Du-
puy est inspecteur de l'académie de Paris depuis 1889.
Il a pubhé : les Parques, poème (Paris, 1884, in-I2);
les Grands Maîtres de la littérature russe (iùid., 1885,
in-12) ; Victor Hugo, l'homme et le poète [ibid., 1887,
in-12; 2« éd. augmentée, 1890). H. M.
DUPUY (Charles- Alexandre), universitaire et homme
politique, né au Puy le 5 nov. 1851. Il achevait au lycée
Charlemagne ses études commencées au Puy, quand éclata
la guerre de 1870, qu'il fit comme engagé volontaire au
7® d'artillerie. Il fut maître répétiteur au lycée du Puy,
d'avr. 1871 à nov. 1872, bien qu'il eût pris sa licence
es lettres à Lyon dès nov. 1871. Nommé successivement
professeur aux collèges de Nantua et d'Aurillac, puis chargé
de cours de philosophie au lycée d'Auch, il revint en cette
qualité au lycée du Puy (avr. 1875), qu'il quitta pour celui
de Saint-Etienne en 1879, après son succès à l'agrégation
de philosophie. Passant ensuite dans l'administration, il fut
inspecteur d'académie à Mende (sept. 1880 à avr. 1881),
puis à Caen (avr. 1881 à nov. 1883), et enfin vice-recteur
à Ajaccio, jusqu'aux élections d'oct. 1885. Elu député de
la Haute-Loire le premier de la liste, au deuxième tour de
scrutin, il fut, à la Chambre, membre de la commission
permanente de l'enseignement, et prit une part active à la
préparation et à la discussion de la loi organique de l'en-
seignement primaire et de la loi sur le traitement des ins-
tituteurs. Il parla aussi dans la discussion de la loi mili-
taire, dans celle des budgets de l'instruction publique, de
la marine et des colonies. Le 22 sept. 1889, il fut réélu
député par la première circonscription du Puy, avec 2,753
voix de majorité sur son concurrent clérical, M. de La Bâtie.
Membre de la commission de l'armée et de celle du budget,
celle-ci le nomma rapporteur du budget de l'instruction
publique pour 1891 et de nouveau pour 1892. H. M.
DUPUY DE LôME (Stanislas - Charles - Henri - Laurent),
ingénieur de la marine française, né dans la propriété de
Soye, près de Plœmeur (Morbihan), le 15 oct. 1816, mort à
Paris le 2 févr. 1885. Il fit faire des pas de géant à l'archi-
tecture navale, et l'on peut dire que trois faits mémorables
dominent sa carrière si bien remplie : 1^ la construction du
Napoléon; 2'* la construction de la Gloire; 3<* la direction
des aérostats. Entré à l'Ecole polytechnique en 1835, il en
sortit dans le génie maritime et parcourut rapidement les
divers degrés de la hiérarchie. En 1842, il reçoit la mission
d'aller étudier en Angleterre les procédés en usage pour la
construction des bâtiments en fer. M. Lavid, de Liverpool,
premier constructeur de cette époque, essaya vainement
de se l'attacher en lui faisant des propositions brillantes.
A sa rentrée en France, il exposa (1845), dans un mémoire
resté célèbre, les procédés anglais, passant en revue les
avantages et les inconvénients des constructions navales
en fer, la sécurité que donnait l'emploi de ce métal,
l'hygiène à adopter à bord de cette classe de bâtiments et
l'influence de ces masses de fer sur les compas. Puis
il mit sur les chantiers le Caton et VAriel, premiers
bâtiments en fer de la flotte. Ce dernier, lancé en 1849,
filait 11 nœuds 1/2. C'était le plus rapide des navires de
cette taille. On peut donc dire que Dupuy de Lôme eut une
très grande part à l'exécution en France des premiers
bâtiments en fer.
Lors{]ue la vapeur eut acquis droit de cité, les Anglais
entreprirent la transformation de leurs vaisseaux à voiles
en vaisseaux à vapeur à petite vitesse. Dupuy de Lôme
résolut de faire mieux et de construire des bâtiments assez
rapides pour atteindre les paquebots ; en d'autres termes il
se proposa d'allier à une grande vitesse à la vapeur, toute
la puissance (en ce qui concerne le combat) que possédaient
les anciens vaisseaux. A trente ans, en avr. 1847, il pré-
senta les plans d'un bâtiment conçu dans cet ordre d'idées,
le Napoléon, vaisseau à hélice, rapide, armé de quatre-
vingt-dix canons. Dans ce type, resté l'un des spécimens
les plus parfaits de l'art naval, le jeune ingénieur réduisait
la voile au rôle de simple auxiliaire de la vapeur. Le Napo-
léon marquait donc une transformation complète, aussi
bien du matériel que des conditions de la guerre navale :
une escadre composée de vaisseaux de l'espèce, vraiment
maîtresse de la mer, pourrait bloquer effectivement une
côte et faire réussir des opérations que l'on n'eût pas même
osé tenter au temps de la marine à voiles. « Je suis con-
vaincu, disait M. Dupuy de Lôme dans son rapport, que,
en adoptant de plus grandes longueurs que celles de nos vais-
seaux à voiles, en affinant les lignes de l'avant, en appropriant
les formes de l'arrière à l'emploi des hélices, on peut cons-
truire des vaisseaux éprouvant moins de résistance à la
marche, avec beaucoup plus de déplacement que les anciens.
Je crois que ces bâtiments, portant le même équipage et la
même artillerie, fileront au moins 11 nœuds et porteront
DUPUY
402 —
sept jours de combustibles à toute vitesse, et vingt-huit
ou trente jours à vitesse réduite. »
Malgré l'opposition des conseils, le Napoléon M mis en
chantier à Toulon en 1848 et lancé le 16 mai 1850. Ses
essais justifièrent pleinement les prévisions de l'ingénieur :
on obtint la vitesse de 13 nœuds 86, sur le parcours de
Marseille à Toulon. Le vice-amiral de La Susse, comman-
dant en chef de l'escadre, disait de ce nouveau navire :
« Le Napoléon est aujourd'hui le premier vaisseau à
vapeur de l'Europe. » L'Académie des sciences décerna, en
févr. 1854, à M. Dupuy de Lôme, le prix fondé pour le
« travail ou mémoire qui ferait faire le plus grand progrès
à l'application de la vapeur à la navigation et à la force
navale ». Le Napoléon ne tarda pas à faire ses preuves en
remorquant la Ville-de-Paris dans les Dardanelles, malgré le
vent, la mer, le courant, tandis que la flotte anglaise atten-
dait dans la baie de Bésika le retour du beau temps pour
remonter à son tour. Plus tard, on vit encore le Napoléon
remonter les Dardanelles en remorquant quatorze grands
navires chargés de troupes et de munitions. Le nom de
Dupuy de Lôme devint célèbre. Tous les ports mirent des
Napoléons sur les chantiers, et l'auteur proposa de trans-
former en bâtiments à vapeur les vaisseaux à voiles en
chantier. Son procédé était des plus simples : après avoir
coupé le navire en deux, il faisait glisser l'arrière sur la
cale de la quantité nécessaire pour loger la machine et les
chaudières ; puis il reliait ensemble les deux fractions. Le
résultat fut excellent. Les premières batteries flottantes
firent leur apparition pendant la guerre de Crimée. Dans
la journée du 18 oct. 1835, la Lave, la Tonnante et la
Dévastation démantelèrent en quelques heures le fort de
Kinburn, sans avoir souffert elles-mêmes aucun dommage.
Mais ces batteries, entièrement dépourvues de qualités nau-
tiques, n'avaient qu'une vitesse très médiocre. M. Dupuy
de Lôme songea à construire de véritables bâtiments de
mer protégés par une armure qui les mettrait à l'abri des
obus, et il dressa des plans dans ce sens. Sur ces entre-
faites, l'empereur, accompagné du ministre de la marine,
vint visiter Toulon, où M. Dupuy de Lôme exerçait les
fonctions d'ingénieur de 1^^ classe. Le ministre présenta à
Napoléon ïll les autorités du port et, quand vint le tour
de l'ingénieur éminent qui fait l'objet de cet article, il le
qualifia comme il &uit : « Directeur des constructions na-
vales, directeur du matériel au ministère de la marine. »
M. Dupuy de Lôme apprit ainsi, de la façon la plus inat-
tendue, sa double nomination. Il entra en fonctions à Paris,
le l^'' janv. 1857 : il avait quarante ans. On entreprit sans
tarder des expériences en vue de déterminer l'épaisseur
des plaques métalliques à adopter, leur mode de tenue sur
le matelas de bois et leur système de fabrication. Enfin, en
1858, on mit en chantier la Gloire, V Invincible et la
Normandie. En demandant les crédits nécessaires à ces
constructions, Dupuy de Lôme avait dit : « Un seul bâti-
ment de cette espèce, lancé au milieu d'une flotte entière
d'anciens vaisseaux, y serait comme un lion au miHeu d'un
troupeau de moutons. » L'avenir confirma pleinement cette
audacieuse prophétie, et l'apparition de ce premier type de
fréo^ate cuirassée provoqua une révolution universelle. La
Gloire, mise à l'eau le 24 nov. 1859, avait 6 m. de plus
q\ie\Q Napoléon; son tonnage était augmenté de 500 tonnes,
et, si la force de la machine restait la même, la surface
de voilure diminuait de 1,400 m. q. et l'équipage de
275 hommes ; enfin, le poids de la cuirasse atteignait 820
tonnes; elle filait 13 nœuds 1/2. Voici l'avis ae l'a-
miral Bouët-Willaumez sur les essais de cette première
frégate cuirassée : « Elle a parcouru pendant ses essais
1,100 lieues marines. Ce qui ressort évidemment de ces
expériences à la mer, c'est que d'abord la Gloire est un
bâtiment de mer comme un autre, supérieur même à bien
d'autres sous plus d'un rapport, ce qui fait tomber l'écha-
faudage de suppositions timorées qui s'était élevé contre ce
nouveau spécimen aussi hardi que pratique de notre future
flotte de combat. »
Notre seconde frégate cuirassée, la Normandie, iden-
tique à la Gloire, est allée au Mexique en 1862 : c'est la
première frégate cuirassée qui ait traversé l'Océan. On
remarquera que tous ces cuirassés étaient en bois, parce
que les carènes de fer se salissent rapidement et que nous
n'avions pas à cette époque des bassins de radoub dissé-
minés dans toutes les mers du globe. D'autres frégates du
même type suivirent et l'on constitua ainsi une flotte supé-
rieure à toutes les autres, par l'homogénéité, la vitesse et
la faculté d'évolution. Grâce à Dupuy de Lôme, qui s'est
avancé dans des voies non frayées, la marine cuirassée a
conquis sa place dans le monde. La France, la première,
a réuni en 1863 une escadre cuirassée qui a navigué
dans l'Océan, cherchant, pour faire des essais sérieux,
les plus mauvais temps d'octobre et de novembre. La
fièvre de la construction s'empara de toute l'Europe. Chaque
puissance s'eff'orça de regagner l'avance que notre ingé-
nieur venait de conquérir à notre matériel naval. Sur tous
les chantiers, on construisit des cuirassés sur les données
de la Gloire.
En 1870, comme membre du comité de la défense de
Paris, il rendit des services fort importants et, de concert
avec M. l'ingénieur Zédé , il fit faire, en 1872, le premier
pas à la direction des aérostats. Pendant le siège, il sortit de
Paris soixante-six ballons portant à nos départements quatre-
vingt-onze passagers et 9,000 kilogr. de dépêches. Cinquante
d'entre eux seulement réussirent à prendre terre dans les
départements français dégagés de l'ennemi. C'est là un
résultat considérable ; mais, quels eussent été les ser-
vices rendus par les ballons s'ils avaient été dirigeables !
M. Dupuy de Lôme porta donc ses investigations dans
cette voie. 11 savait que Joseph Montgolfier avait cherché
les moyens de donner aux aérostats une vitesse horizontale
qui leur fût propre, par rapport à l'air qui les porte. Mais,
jusqu'à lui, on se laissait aller à la merci des vents, et l'on
se disait comme cet aéronaute qui avait pris des passeports
pour tous les pays du monde : «Je ne sais où j'irai prendre
terre. » En vue de maintenir la direction de l'aérostat sen-
siblement en ligne droite, M. Dupuy de Lôme- adopta une
forme oblongue et, pour que le ballon restât gonflé malgré
les déperditions de gaz accidentelles ou voulues, il imagina
d'introduire de l'air atmosphérique dans un petit ballon
logé à l'intérieur du grand. La première ascension à laquelle
assistait M. Dupuy de Lôme eut lieu le 2 févr. 1872.
L'aérostat s'éleva à 1,020 m.; l'héUce, mue à bras par
huit hommes, imprimait à l'ensemble de l'appareil la vitesse
de 10 kil. 1/4, par rapport à l'air ambiant, et, quand l'hé-
lice fonctionnait, on maintenait le cap dans une direction
déterminée. En 1877, on reprit ses expériences. On de-
manda la force motrice à l'électricité ; on s'eff'orça de rendre
la machine légère. Mais il est impossible de ne pas recon-
naître que M." Dupuy de Lôme fit faire le premier pas à la
direction des ballons.
En 1869, Dupuy de Lôme avait été nommé député du
Morbihan par 20,617 voix sur 24,079 votants, et, le
10 mars 1877, il remplaça comme sénateur inamovible
le général Changarnier. En cette qualité, il défendit devant
la Chambre haute la situation de la marine marchande et
contribua au vote des primes en faveur de nos marins. Il fit
faire également les plus grands progrès à la construction
des paquebots. En ce qui concerne la flotte de guerre,
Dupuy de Lôme s'est montré un novateur hardi et plein
de clairvoyance. En créant la marine de l'avenir, en
obligeant toutes les puissances à prendre comme modèles
les types qu'il créait de toutes pièces, il a contribué à
grandir la patrie. Dupuy de Lôme restera une des gloires
de la France.
DUPUY-Demportes (Jean-Baptiste), littérateur français,
mort à Paris en 1770. On peut citer de cet écrivain très
fécond et qui a abordé un peu trop de genres pour se dis-
tinguer en aucun : Parallèle de la Sémiramis de Vol-
taire avec celle de Crébillon (Amsterdam, 1748, in-8) ;
le Souper poétique (1748, in-8); Histoire générale du
- 103
DUPUY — DUQUE
Pont-Neuf (Londres^ 1750, iiî-8); Histoire du minis-
tère de Robert W alpole (Amsterddm, 1764, 3 vol. in-12);
Iraité historique et moral du blason (1754, 2 vol.
iii-12); le Printemps (1747, in-12), comédie; Paral-
lèle de Catilina et de Rome sauvée (1752, m-12); des
traductions du Gentilhomme cultivateur de Haies (1761,
8 vol. in-4), du Gentilhomme maréchal de Barthelet
(1756, 2 vol. in-12), etc.
DUPUY DES IsLETS (Le chevalier), poète français, né à
Saint-Domingue vers 1770, mort en 1831. Chevau-Iéger
' dans la garde royale, il émigra en 1791 et servit dans
l'armée des princes, puis il s'établit en Angleterre. De
rétour en France sous le Directoire, il fut nommé en
1814 major de cavalerie. Il était parent de l'impéra-
trice Joséphine. Sans convictions politiques, il chanta tour
à tour Napoléon et les Bourbons. On peut citer de lui :
Examen critique du poème de la Pitié de J. Delille
(Paris , an XI , in-8) , de nombreuses poésies éparpil-
lées dans VAlmanach des Muses et autres recueils ana-
logues, un dithyrambe sur la naissance du roi de Rome,
des stances sur la naissance du duc de Bordeaux, etc.
Il collabora à V Observateur et rédigea dans la Gazette
de France un feuilleton dramatique. Il donna aussi les édi-
tions des Œuvres poétiques de Boileau, des Œuvres de
J.-J. Rousseau.
DUPUY-DuTEMPS (Ludovic), homme politique français,
né aux Cabannes (Tarn) le 5 janv. 1847. Avocat à Gail-
lac, maire de cette ville depuis 1 881 , conseiller général
du Tarn depuis 1883, il a été élu député de Gaillac au
deuxième tour de scrutin, le 6 oct. 1889, par 9,968 voix
contre 6,836 à M. de Montebello, boulangiste. Son pro-
gramme le classe parmi les radicaux.
DUPUYTREM (Raymond), homme politique français, né
le 9 sept. 1863. Grand propriétaire dans la Vienne, il a
été élu député de Poitiers, le 22 sept. 1889, avec un pro-
gramme monarchiste et révisionniste. Son élection fut
invalidée par la Chambre le 30 nov. 1889, mais il fut
réélu, le 12 janv. 1890, par 8,367 voix contre 8,008 à
son concurrent républicain Bazille.
DUPUYTREN (Guillaume), célèbre chirurgien français,
né à Pierre-Buffière (Haute-Vienne) le 6 oct. 1777, mort
à Paris le 8 févr. 1835. Il étudia à Paris, fut prosecteur à
dix-huit ans et chef des travaux anatomiques à vingt-
quatre ans (1801) ; en 1802, il fut nommé chirurgien se-
conda l'Hôtel-Dieu, en 1808 chirurgien en chef adjoint,
et en 1815 chirurgien en chef ; en 1812, il enleva au
concours la chaire de médecine opératoire. Après l'assas-
sinat du duc de Berry, Louis XVIII le choisit pour son
premier chirurgien. A trente ans, Dupuytren était déjà cé-
lèbre, mais il n'était pas encore populaire ; doué d'une
volonté implacable, d'un désir impétueux d'arriver au pre-
mier rang, il brisa sur son passage tous ceux qui lui faisaient
obstacle et se fit un grand nombre d'ennemis ; mais sa
supériorité était telle, il porta si haut la chirurgie française
que la popularité lui vint par surcroît, et qu'aujourd'hui
on a oublié ses erreurs et ses injustices ; quoique honni et
criblé d'épi grammes par ses victimes et ses ennemis, il
monta toujours davantage. C'est que Dupuytren fut un opé-
rateur hors de pair, qui ne laissa jamais voir la moindre
indécision, en même temps qu'il fut un professeur de cli-
nique incomparable. Sans laisser de grandes découvertes,
il a perfectionné toutes les parties de la chirurgie ; parlant
bien, écrivant mal, il a pendant trente ans tenu le sceptre
de l'enseignement chirurgical en France, mais n'a presque
pas laissé d'écrits ; en revanche, il a peuplé son pays de
praticiens habiles, instruits et prudents. Dupuytren fut le
plus grand chirurgien des temps modernes ; quant à ses
vices de caractère et à ses fautes, il les a expiés par une
vie de malheur ; nous n'insisterons pas. Ses élèves ont
publié ses Leçons orales de clinique chirurgicale (Vâris^
1832, 6 vol. in-8) ; Traité théorique et pratique des
blessures par armes de guerre (Paris, 1834, 2 vol.
in-8), etc. D^ L. Un.
Pilules de Dupuytren. — Préparation qui a pour base
le sublimé corrosif. Voici sa composition :
Sublimé pulvérisé 0,20
Extrait d'opium 0,40
Extrait de gaïac 0,80
On fait un mélange homogène qu'on divise en vingt pilules;
chacune d'elles renferme un centigr. de sublimé et deux
centigr. d'extrait d'opium. Ces pilules sont une imitation
des pilules majeures d'Hofmann^ qui contiennent du
sublimé et de la mie de pain. Par suite de la réduction
lente du chlorure mercurique au contact des matières orga-
niques, on ne doit faire ces préparations qu'au moment du
besoin. Ed. Bourgoin.
DUQUE CoRNEjo (Pedro), sculpteur espagnol, né à Séville
en 1677, mort à Cordoue en 1757. Elève du sculpteur Pedro
Roldan, il délaissa de bonne heure le style simple et sobre
de son maître pour adopter la manière tourmentée et le
goût des ornements baroques, propagés en Andalousie par
divers architectes. Quand, en 1706, Geronimo Barbas
(V. ce nom) construisit l'immense retable du Sagrario,
dans la cathédrale de Séville, et quand Luis de Vilches
refit les grandes orgues qui sont au-dessus du chœur, en
1724, c'est à Duque Cornejo que fut spécialement confiée
l'exécution de leur décoration sculpturale. L'artiste traita
avec soin certaines parties de ces reliefs : ses carnations
ont de la morbidesse et ses draperies de l'élégance ; mais
toutes ses figures aftectent des attitudes contournées, presque
violentes, qui s'accordent, du reste, avec l'extrême et bi-
zarre abondance de l'ornementation. Tout ce que le mau-
vais goût, abandonné à lui-même, peut inventer de plus
étrange, Duque Cornejo s'en fit, à partir de sa collabora-
tion avec Barbas et Vilches, le propagateur en sculpture
décorative. Dans les travaux qu'il exécuta, en 1725, à la
chartreuse du Paular, il donna libre carrière à son imagi-
nation exubérante et dévoyée ; mais ces excès faisaient
alors fureur dans toutes les branches de l'art, et Duque
Cornejo, en les mettant en pratique, s'acquit une véritable
célébrité. Aussi, quand Philippe V visita Séville, la reine,
enthousiasmée des ouvrages de l'artiste, le nomma son pre-
mier sculpteur. Il vint alors à Madrid avec la cour, y fit
quelques ouvrages, puis, n'ayant pas obtenu le titre de
sculpteur de camara qu'il sollicitait, il revint à Séville oti
l'appelaient de nombreux travaux, des constructions et des
décorations de retables pour diverses églises et communautés
religieuses, et, encore, commandes de groupes et de statues
de saints, en toutes matières, tantôt peintes au naturel,
tantôt destinées à être revêtues de costumes, lors des pro-
cessions. Appelé à Grenade, il y exécuta, pour la chapelle de
Notre-Dame des Angustias, les statues qui la décorent.
Peu après, il passa à Cordoue, où le chapitre de la cathé-
drale lui confia la décoration sculpturale des stalles du
chœur et des pupitres, tout en bois d'acajou. Après
avoir terminé ces ouvrages, ornés, ou plutôt surchargés
de médaillons et de motifs d'une trop grande richesse,
Duque Cornejo s'éteignit à Cordoue; le chapitre, recon-
naissant envers son sculpteur, lui fit de somptueuses funé-
railles et lui accorda d'être enterré, entre le chœur et la
chapelle principale, dans la cathédrale même ; une plaque
de marbre, relatant les mérites de l'artiste, marque l'en-
droit de sa sépulture. Dessinateur habile, fécond en inven-
tions décoratives, Duque Cornejo fit, pour les orfèvres, les
brodeurs, etc., une foule de modèles qu'il traçait à la plume
sur papier blanc, les rehaussant d'encre de Chine avec une
grande légèreté. Il est aussi l'auteur d'une eau-forte, re-
présentant saint Dominique de Silos, accompagné de divers
autres saints. P. Lefort.
DUQUE DE EsTRADA (Dicgo), écrivain et homme poli-
tique espagnol, né à Tolède en 1589, mort après 1647,
probablement en Sardaigne. Orphelin dès l'enfance, il reçut,
par les soins d'un tuteur, une brillante éducation et eut
une vie agitée, dont il nous a raconté lui-même les aven-
tures dans un très curieux Hvre demeuré longtemps iné-
dit ; il est intitulé Comentarios del desenganado de si
DUQUE ~ DUQUESNE
— 104 —
mismo, pmeba de todos estados, y elecciôn del mejor
de ellos et a été publié avec des notes de Gayangos dans
le Mémorial historico de la Academia de la historia
(Madrid, 1860, in-8). Nous savons par le témoignage de
Duque lui-même qu'il avait composé de nombreuses pièces
de vers et dix-sept comédies dont il donne les titres ; plu-
sieurs étaient la mise à la scène des aventures qu'il avait
eues. Il reste de lui, comme œuvres poétiques, un petit
recueil, Octavas rimas d la insigne Victoria que la
serenissima Altexa del principe Filiberto ha tenido,
conseguida por al excelentissimo senor marqués de
Santa Cm.t-... (Messine, 1624, in-4).
DUQUE Y Duque (Eugenio), sculpteur espagnol contem-
porain, né à Almonacid, province de Tolède. Elève de
Piquer et des cours de l'Académie de San Fernando, pen-
sionné par le conseil de sa province natale, il a commencé
d'exposer à Madrid en 1860. Ses principaux ouvrages
sont : la Mort de Caton ; les statues du Cardinal Cis-
neros et à' Alphonse le 5a^^; les bustes à'AdelinaPatti,
de Calderon de la Baica, de la Marquise de la Vega de
Armiio, du Roi Amédée et un projet de monument à
F. Luis de Léon.
DUQUESNE (Fort). Enceinte fortifiée où les Français
tinrent garnison en 17o3, au début de la guerre entre le
Canada et les colonies anglaises, au point où les rivières
Alleghany et Monongahela se réunissent pour former
rOhio (Etats-Unis). Les Anglais s'emparèrent de ce fort
en 1760 et lui donnèrent le nom de Pitt. Sur l'emplace-
ment du fort Duquesne s'éleva dès 1790 la ville de
Pittsburg (V. ce mot). Aug. M.
DUQUESNE. Village d'Algérie, dép. de Constantine,
arr. de Bougie, à 9 kil. au S. de Djidjeli, créé sur des
terres séquestrées des tribus révoltées en 1871 ; 2,527 hab.
dont 262 Français. Situé dans une région riche en oliviers
et chênes lièges, où le sol est fertile, il a prospéré rapi-
dement et est le ch.-lieu d'une commune de plein exer-
cice qui comprend les annexes de Chadia et M'radet
Moussa. E. Cat.
DUQUESNE (Abraham), amiral français, né à Dieppe
en 1610, mort à Paris le 2 févr. 1688. Il était fils d'Abra-
ham Duquesne, marin et marchand, et de Marthe de Caux ;
les Duquesne étaient protestants et Marthe de Caux avait
adopté la religion de son mari. Dès 1617, le jeune Abraham
fut lieutenant de son père sur le Petit Saint-André qui
servait d'éclaireur à la flotte française ; son i)ère, étant
tombé malade, il en prit le commandement, et enleva d'as-
saut un navire hollandais, le Berger, qu'il ramena à
Dieppe et qui lui fut adjugé par le Parlement. En 1635, il
commanda le Neptune dans la Méditerranée et fit partie
de l'armée navale qui, en 1636, opéra le recouvrement des
îles de Lérins sur les Espagnols. On retrouve Duquesne
devant Fontarabie en 1638, sur \e Saint- Jean, puis en
1639 à la prise de Laredo, en Biscaye. Il y commanda le
Maquedo, bâtiment espagnol pris à l'ennemi, sur lequel il
fut blessé. En 1641, avec un petit flibot, il dégagea une
barque française capturée par quatre galères espagnoles ;
la même année, sur les côtes de Catalogne, il fit subir de
rudes échecs aux bâtiments espagnols. Il se distingua le
9 août 1643 devant Barcelone, puis le 3 sept., sous le cap
de Gâta, où il fut blessé. En 1644, Abraham Duquesne ne
se trouvant pas employé par son pays, sollicita du cardi-
nal Mazarin la permission d'aller servir la Suède qui en-
trait en guerre avec le Danemark. Il fut admis dans la
marine suédoise en qualité de capitaine de vaisseau ; son
plus jeune frère, qui l'accompagnait, reçut aussi un grade.
A la suite des combats auxquels il prit part, Abraham
Duquesne obtint le 14 sept, suivant le brevet d'amiral-
major. Il se trouvait comme commandant du liegina à la
bataille navale de Femeren (13 oct. 1644), qui fut une
défaite pour la flotte danoise. Son frère Jacob, qui s'y était
distingué aussi, fut nommé capitaine de vaisseau. La paix
ayant été signée en 1645, Duquesne rentra en France. Il
fut nommé chef d'escadre et, en 1647, retourna en Suède
d'où il ramena des vaisseaux cédés par ce pays à la France.
Pendant la Fronde, il commanda quelques vaisseaux du
roi envoyés contre Bordeaux révolté. Vers 1650, Duquesne
épousa Gabrielle de Dernières.
Duquesne était depuis 1667 lieutenant général des ar-
mées de mer, lorsque, en 1672, la guerre fut déclarée à la
Hollande. Après une courte disgrâce, due à des difficultés
qu'il eut avec le comte d'Estrées, disgrâce qui l'empêcha
de servir sous cet amiral dans la Manche, il fut envoyé en
janv. 1675 dans les mers de Sicile sous les ordres du duc
de Vivonne. Il devait rencontrer là comme adversaire le
célèbre amiral hollandais Ruyter. Le 11 janv., un enga-
gement eut lieu près de Stromboli, et la flotte hollandaise
fut défaite. Le 17 août suivant, Duquesne montra égale-
ment une vigueur remarquable à la prise d'Agosta. Au
commencement de l'année suivante, les deux adversaires
se retrouvèrent en présence. La rencontre eut lieu le
8 janv. 1676 vers l'île de Salina, au N. de Lipari, non
loin des îles Alicudi et FiHcudi. La flotte hollandaise
fut mise en déroute après une résistance opiniâtre. Du-
quesne fut blessé à la jambe par un édlat de bois ; grâce à
cette victoire, il put opérer sa jonction avec l'escadre du
lieutenant général d'Alméras. Un peu plus tard, le duc de
Vivonne, bloqué devant Messine, céda le commandement de
l'armée navale à Duquesne. Celui-ci se retrouva le 22 avr.
en face des flottes espagnole et néerlandaise réunies devant
Syracuse, entre Catane^ et Agosta. Ce fut un combat furieux
d'où la flotte française sortit victorieuse. L'amiral Ruyter
y fut atteint par un boulet et mourut peu après. Duquesne
se porta ensuite vers la baie de Messine où un engagement
eut lieu le 2 juin. Après ces opérations, il fut envoyé à
Toulon par le duc de Vivonne pour chercher des troupes
de renfort. En 1681, Duquesne, ayant acheté de la mar-
quise de Clérembault la baronnie du Bouchet, près
d'Etampes, reçut, à cette occasion, une gratification du roi,
et la terre du Bouchet fut érigée en marquisat, mais à la
condition que ni Duquesne ni ses descendants n'y exerçassent
le culte calviniste. Sa qualité de protestant l'empêcha de
recevoir du roi tous les honneurs dont il était digne. En
1680 et 1681, Duquesne avait été envoyé dans la Médi-
terranée contre les corsaires de Tripoli ; en 1682, il bom-
barda Alger. En 1683, il commanda une nouvelle expédi-
tion contre Alger, et, en 1684, il bombarda Gênes qui dut
subir des conditions humiliantes. Ce fut cette année que
finit la carrière active de Duquesne : il mourut en 1688
d'une attaque d'apoplexie. Gustave Regelsperger.
BiBL. : Jal, Abraham Duquesne et la marine de son
temps ; Paris, 1873, 2 vol. in-8.
DU QU ESN E (Henri, marquis), baron d'AuBONNE, mili-
taire et homme politique genevois, né en 1652, mort à
Genève le 14 nov. 1722. Fils aîné du précédent, il entrait
à quatorze ans comme enseigne dans la marine française.
A vingt-trois ans, il était déjà capitaine de vaisseau et en
cette qualité il se distingua contre les flottes espagnoles et
hollandaises. Au combat de Catane, il prit un vaisseau à
l'ennemi et fut grièvement blessé. En 1683 il se distingua
au bombardement d'Alger. Les persécutions contre ses
coreligionnaires, les réformés, le décidèrent à quitter le
royaume avec l'autorisation de Louis XIV. Il vint habiter
le pays de Vaud et acheta, en 1685, la baronnie d'Aubonne.
Après la révocation de l'édit de Nantes il voulut fonder
dans l'île Bourbon une république de réfugiés sous la
suzeraineté hollandaise. Dix vaisseaux furent équipés dans
ce but. Tout était prêt lorsqu'il apprit que les vaisseaux
français s'opposeraient au débarquement. Il renonça alors
à son projet pour ne pas porter les armes contre sa patrie.
Revenu à Aubonne, il offrit plus tard ses services aux
Bernois contre le duc de Savoie et commanda même une
flottille de guerre sur le lac Léman : c'est lui qui fit
creuser le port de Morges. Ayant vendu Aubonne, il se
retira à Genève dont il devint bourgeois le 6 mai 1704.
Il s'y occupa d'écrits dogmatiques et du soulagement de
ses coreligionnaires chassés de France. E. K.
— 105 —
DUQUESNE — DUQUESNOY
D U QU ES N E (Arnaud -Bernard d'Icârd) , docteur en
Sorbonne, vicaire général de Soissons, aumônier de la
Bastille, né à Paris en 1732, mort à Paris le 20 mars 1791.
Il est l'auteur de plusieurs livres de dévotion qui ont été
souvent réimprimés et qui sont encore lus aujourd'hui :
Retraite spirituelle ou ejitretiens familiers, selon V es-
prit de saint François de Sales et de sainte Chantai
(Paris, 1772, in-12) ; Evangile médité et distribué pour
tous les jours de l'année (Paris, 1773, 12 vol. in-12);
le plan et la matière de ce livre appartiennent au P. Girau-
deau, jésuite; Année apostolique ou Méditations pour
tous les jours de r année tirées des actes des Apôtres, des
Epîtres et de l'Apocalypse (Paris, 1791, 12 vol. in-12) ;
les Grandeurs de Marie (Paris, 1791, 2 vol. in-12).
DUQUESNEL (Amédée), littérateur français, né à Lo-
rient en 1802. Bibliothécaire de Saint-Malo. Outre des
poèmes : Chants français (1823), Napoléon au mont
Thabor (1825), il a pubhé : Histoire des lettres (Paris,
1836-1844, 7 vol. in-8), cours de littérature qui comprend
depuis Moïse jusqu'à la naissance de Jésus-Christ, les cinq
premiers siècles du christianisme, le moyen âge et les xv^,
xvi^, xvii^ et XVIII® siècles ; Du Travail intellectuel en
France depuis 181 5 jusqu'à 1837 (Paris, 1839, 2 vol.
in-8); Eliza de Rhodes (^841, 2 vol. in-8).
DUQUESNEL, administrateur français et directeur de
théâtre, né vers 1835. Possesseur d'une fortune^ consi-
dérable et ayant le goût des choses du théâtre, il s'associa
avec de Chilly, vers 1865, lorsque celui-ci, après avoir
quitté la direction de l' Ambigu-Comique, prit celle de
rOdéon. M. Duquesnel avait alors pour spécialité de
s'occuper des questions administratives proprement dites ;
mais c'est pendant ce temps qu'il fit son apprentissage,
surtout de metteur en scène, grâce aux exemples que
lui donnait de Chilly, particulièrement expert en cette
matière. A la mort de ce dernier, M. Duquesnel de-
meura seul directeur de l'Odéon, et on lui reprocha pré-
cisément de sacrifier un peu la littérature au prestige de la
décoration et de la mise en scène. Parmi les pièces qu'il
produisit au cours de sa direction, il faut citer : les Da-
nicheff, de M. Pierre Cor vin; la Jeunesse de Louis XIV
et Joseph Balsamo, d'Alexandre Dumas ; le Trésor, de
M, François Coppée ; Déidamia, de Théodore de Banville ;
les Noces d'Attila, de M. Henri de Bornier ; le Grand
Frère, de M. Pierre Elzéar ; la Maîtresse légitime, de
Louis Davyl ; Un Drame sous Philippe II, de M. de
Porto-Riche ; VHetman, de M. Paul Déroulède, etc. En
juin 1880, M. Duquesnel quitta l'Odéon et prit une part
dans la direction du Châtelet, dont le titulaire était
M. Emile Rochard. Mais cette association fut de courte durée
et, après un certain temps d'inaction, M. Duquesnel devint,
en 1884, directeur de la Porte-Saint-Martin, où il appela
à lui M^« Sarah Bernhardt, qui venait de quitter bruyam-
ment la Comédie-Française. C'est avec l'aide du talent
de cette artiste qu'il monta deux grandes pièces de
M. Victorien Sardou : Théodora et la losca, et qu'il fit
une reprise brillante de la Dame aux camélias; il
monta aussi le Crocodile, de M. Sardou, et la Grande
Marnière, puis reprit tour à tour Marion Delorme, les
Beaux Messieurs de Bois-Doré, le Chevalier de Mai-
son-Rouge, la Closerie des genêts, Robert Macaire, etc.
En 1891, M. Duquesnel a quitté la Porte-Saint-Martin,
dont le bail a été acquis par M. Emile Rochard.
DUQUESNOIS (Julien), grammairien français, né à
Rennes en 1797,mort en 1865. Compositeur d'imprimerie,
il s'adonna à l'enseignement, dirigea la salle Molière et
devint professeur d'éloquence à Saint-Louis, puis à Louis-
le-Grand. On a de lui : Manuel de F orateur et du lec-
teur (Paris, 1841, in-8), qui a eu de nombreuses éditions
et porte, à partir de la treizième, le titre de Méthode de
prononciation et de lecture; Fables choisies de La
Fontaine notées et ornées de 400 gravures pour la
récitation (1845, in-l8); Nouvelle Prosodie française
(1849, in-12).
DUQUESNOY (François), sculpteur flamand, plus connu
en France sous le nom de François Flamand, et en Italie
sous celui de Francesco Flamingo, né à Bruxelles en 1594,
mort à Livourne le 12 juil. 1642. Son père, Henri Duques-
noy ou Quesnoy, lui enseigna les premières notions de son
art. Rubens, avec lequel iffut lié intimement, comme l'at-
teste leur correspondance, le recommanda à l'archiduc Albert.
Celui-ci, après avoir vu un Saint Sébastien en ivoire du
jeune sculpteur, lui fit, en 1619, une pension pour lui
permettre d'aller étudier en Italie, et cet artiste partit
aussitôt pour Rome. L'archiduc étant mort en 1621, la
pension lui fut supprimée ; il fut alors employé par un nommé
Claude Lorenese. Un marchand flamand du nom de Pescator
lui commanda un groupe en marbre de Vénus et l'Amour,
qui commença sa réputation. Il logeait avec son ami Nie.
Poussin, et les deux artistes profitèrent de ces relations.
Le marquis Vincenzo Giustiniani prit François Duquesnoy
sous sa protection ; il lui commanda pour sa célèbre galerie
une statue de la Vierge, en marbre, plus grande que
nature, et deux statues en bronze, Apollon et Mercure,
Peu après, Duquesnoy eut à faire le buste du cardinal
Maurice de Savoie. Il exécuta pour le cardinal François
Barberino, un bas-relief représentant des Enfants jouant
avec une chèvre, et pour le célèbre amateur d'Amsterdam,
Van Ulfen, un Amour adolescent en marbre, s'efforçant
à tendre un arc; en 1637, cette statue fut offerte à la
princesse d'Orange. « Bientôt après, a écrit Ph. Baert,
Duquesnoy fit la statue de Sainte Suzanne, placée actuel-
lement dans l'église Notre-Dame de Lorette, près de la co-
lonne Trajane. Ce morceau étonna les plus habiles sculpteurs
et suscita l'envie. Sandrart et Bellori rapportent les intrigues
et les tracasseries qu'on excita contre lui, pendant son sé-
jour à Rome ; elles fatiguèrent tellement cet artiste que sa
santé en souffrit. » Le pape Urbain VHI, ayant formé en
1630 le projet d'orner avec des statues colossales en
marbre les quatre énormes pieds-droits qui soutiennent la
coupole de Saint-Pierre, François Duquesnoy fut chargé de
celle de Saint André, statue haute de quinze pieds ; elle
lui coûta sept années du travail le plus assidu. Cet artiste
est surtout célèbre par la perfection avec laquelle il repré-
sentait les petits enfants. Bellori le regardait comme le plus
parfait de tous les sculpteurs, pour rendre, avec toutes les
grâces possibles, la déhcatesse des formes et contours des
bambini. — On cite encore parmi ses œuvres les plus
importantes la décoration du baldaquin de Saint-Pierre
de Rome ; l'épitaphe en marbre de N. Van Ulfen, composée
d'un voile funèbre soutenu par deux génies, dans l'église de
Sainte-Marie, dite V Anima; l'épitaphe d'Adrien Vryburg,
composée dans un goût analogue et placée dans la même
église; le monument de Jacques de Hase, peintre d'Anvers,
dans l'église Sainte-Marie du Campo Santo ; celui de
Bernard Gabrieh, dans l'église Saint-Laurent-hors-les-Murs.
A Naples, Duquesnoy orna d'un buste et de deux génies la
sépulture de Gaspard de Vischer, dans l'église de VA7îima
et fit pour la famille desFilomarini, dans l'église des Saints-
Apôtres, un grand bas-relief en marbre, représentant un
Concert de chérubins. Au palais royal de Madrid on voyait,
de cet artiste, deux bas-reliefs en marbre : Jeu d'enfants
et Hercule au berceau; au palais électoral deMannheim,
un Christ à la colonne et un Saiîit Sébastien en ivoire :
à Vienne, chez le prince de Lichtenstein, un grand crucifix
en ivoire. Il faut ajouter à cette liste des œuvres de François
Duquesnoy les bustes en marbre de Sophocle et de Xéno-
phon , et les fameux bas-reliefs de Silène endormi et de
l'A mour divin, vainqueur de l'Amour profane. Le célèbre
amateur Crozat duChâtel possédait dans soncabinet,en 1750,
une statue en marbre de Bacchus par François Duquesnoy.
Cet habile artiste ne fut jamais heureux ; il mourut au mo-
ment où le cardinal de Richelieu, conseillé par le Poussin,
l'appelait à Paris pour fonder une école de sculpture.
S'étant mis en route pour la France, la maladie de langueur
qui le minait l'obligea de s'arrêter à Livourne, où il expira ;
son corps fut inhumé dans l'église des Cordeliers de cette
DUQUESNOY - DURAN — 106 —
ville. Quelques historiens ont accusé son frère, Jérôme, de
l'avoir empoisonné ; d'autres historiens l'ont confondu avec
ce même Jérôme, qui termina sa vie d'une façon encore plus
tragique. Le portrait de François Duquesnoy a été gravé par
P. Van Bleech en 1751. Maurice Du Seigneur.
BiBL. : Mariette, Abecedario^ t. II, pp. 131 et suiv-
— Félibien, Entretiens sur les vies et les ouvrages des
peintres; Trévoux, 1725, in-12, t. IV, p. 12. — Abbé de
FoisTENAi, Dictionnaire des artistes^ 1776, in-8. — Ph. Baert,
Mémoires sur les sculpteurs et architectes des Pays-Bas,
dans Bulletin de la commission royale d'histoire^ in-8,
t. XIV. — B'ÉTis, Notice sur Duquesnoy ; Bruxelles, 1856.
DUQUESNOY (Jérôme), sculpteur flamand, né en 1612,
exécuté à Gand en 1654. Il était frère de François Du-
quesnoy, qu'il accompagna en Italie. En 1645, Philippe IV,
roi d'Espagne, le manda à Madrid et le nomma son sculpteur
et son architecte. De retour dans son pays, il sculpta pour
l'église Saint-Bavon de Gand les figures du beau mausolée
de l'évêque Triest. Ses autres œuvres sont : à Anvers, les
statues en albâtre des Saints Mathias, Thadée et Simon,
placées dans la grande nef de l'église de l'abbaye Saint-
Michel; à Bruxelles, les quatre statues en pierre des
Saints Paul, Thomas, Barthélémy et Mathias, dans la
grande nef de Sainte-Gudule ; une statue de Saint Mathieu
à Notre-Dame de La Chapelle; une Sainte Ursule en
marbre à Notre-Dame du Sablon ; un groupe en marbre de
la Vierge et sainte Anne, dans l'église des Jésuites. Il y
avait encore de cet artiste un tombeau orné d'un buste et de
deux génies, dans l'éghse des Bécollets, et une statue en
marbre de Bellone, dans l'hôtel du prince de La Tour.
Jérôme Duquesnoy est l'auteur de la médaille de l'archiduc
Léopold d'Autriche; il aurait aussi sculpté, vers 1648, la
fameuse petite statue du Manneken-pis, dont le bronze
orne la fontaine de la rue de l'Etuve à Bruxelles. Il fut
condamné, le 28 sept. 1654, à mort pour le crime de
sodomie commis avec un enfant de chœur, dans l'église de
Saint-Bavon.
BiBL. : Mariette, Abecedario, t. II, pp. 131 et suiv. —
Ph. Baert, Mémoires sur les sculpteurs et architectes des
Pays-Bas^ dans Bulletin de la Commission royale d'his-
toire, in-S.t. XIV, p. IQ.
DUQUESNOY (Ernest- Dominique -François -Joseph),
homme politique français, né à Bouvigny-Boyeffles (Pas-
de-Calais) en 1748, mort à Paris le 16 juin 1795. Ex-
moine, cultivateur à Boyeffles, il fut député du Pas-de-
Calais à la Législative, puis à la Convention, où il siégea
parmi les. plus exaltés montagnards, et émit, dans le procès
de Louis XVI, les votes les plus rigoureux. Envoyé en
mission à l'armée du Nord par décrets des 30 sept. 1792,
4, 12 et 30 avr. 1793, il s'y fit remarquer par son énergie
et, à Wattignies, marcha avec Carnot en tête des troupes
répubhcaines. Compromis dans les événements de prairial
an III, il fut condamné à mort par la commission miUtaire
avec les derniers montagnards et se tua d'un coup de
couteau. F.-A. A.
DUQUESNOY (Adrien-Cyprien) , homme politique fran-
çais, né à Briey (Meurthe-et-Moselle) le 26 sept. 1759,
mort à Bouen le 3 mars 1808. Avocat et publiciste, syndic
provincial de Lorraine et Barrois, il fut député aux Etats
généraux par le tiers état du bailliage de Bar-le-Duc. Il
siégea et opina avec les constitutionnels. Mais, au commen-
cement de 1791, il essaya d'enrayer la Bévolution, se rap-
procha de la cour et fut en butte aux attaques des jacobins,
à cause de son journal ultra-modéré, l'Ami des patriotes,
qui passait pour payé par la liste civile. A la fin de 1791, il
fut nommé directeur des postes à Nancy et se fit élire maire
de cette ville le 17 févr. 1792. Compromis dans les papiers
de l'armoire de fer, il fut arrêté, traduit devant le tribunal
révolutionnaire et acquitté le 18 vendémiaire an III. Après
le 18 brumaire, il devint chef de bureau au ministère de
l'intérieur, puis maire du X^ arrondissement. C'est en cette
qualité qu'il inscrivit sur ses registres le mariage de Lucien
Napoléon avec M^^ Jouberthon. Disgracié par Napoléon et
ayant perdu sa fortune par la ruine d'une grande filature
qu'il avait fondée près de Bouen, il se donna la mort en
se jetant dans la Seine. On a de lui divers mémoires sur des
questions d'agriculture et d'économie politique (V. la France
littéraire de Quèrâvà) . F.-A. A.
DURyEUS (V. DuRY [Jean]).
DU RAM EAU (Louis-Jacques), peintre français, né à
Paris en 1733, mort à Versailles le 4 sept. 1796. Cet artiste
obtint le grand prix deBome en 1757. Les principales œuvres
qu'il exécuta furent : le Triomphe de la Justice (S.
1767; Palais du parlement de Bouen); le Martyre de
saint Cyr et de sainte Juliette; la Mort de saint Fran-
çois de Sales (même Salon ; église de Saint-Cyr) ; por-
trait du sculpteur Bridan; l'Eté, plafond pour la galerie
d'Apollon au Louvre, et qui fut le morceau de réception
de l'auteur à l'Académie (1774). Cet artiste fut peintre de
la chambre du roi et garde de ses tableaux à Versailles.
Plusieurs de ses œuvres sont aux musées d'Alençon et de
Besançon ; d'autres ont été gravées par Levasseur. On y
remarque un talent facile et aimable, d'un caractère déco-
ratif très prononcé, mais sans fermeté de dessin. Ad. T.
DU RAM EN (V. Bois [Botanique]).
DURAN. Cora. du dép. du Gers, arr. et cant. (N.) d'Auch ;
192 hab.
DU RAN (Diego) , historien hispano-mexicain, n-é à Mexico
vers 1538, mort en 1588. Fils d'un Espagnol et d'une
indigène, il entra dans l'ordre de Saint-Dominique en 1556
et fut desservant dansl'Anahuac. Il écrivit d'après les pein-
tures et les traditions mexicaines et les récits des premiers
conquistadores : Antiguallas (mythologie, rituel et calen-
drier) et Historia de los Mexicanos, achevées celles-là
en 1579, celle-ci en 1581, et publiées ensemble d'après
l'unique manuscrit (conservé à Madrid et où l'ordre des
matières est interverti) sous le titre délusoire de Historia
de las Indias de Nueva Espana y islas de Tierra-Firme
(Mexico, 1867, in-4, t. I, par les soins de J.-F. Bamirez;
ibid., 1880, t. II, par Gumesindo Mendoza, avec 50 pi.,
reproduisant d'anciennes peintures et un Appendice d'A.
Chavero). Ces deux ouvrages, fondés sur une intime con-
naissance du sujet, sont aussi précieux que ceux de Saha-
gun et de Torquemada. Dâvila Padilla en fit un élégant ré-
sumé et le P. J. Tobar s'en servit pour composer un
abrégé que J. d'Acosta utilisa dans son Histoire naturelle
et morale des Indes. Bamirez, détenteur du manuscrit de
Tobar, s'était imaginé que cet abrégé, peu estimé de Tor-
quemada, était l'original des deux volumes du P. Duran,
opinion partagée par les savants du Mexique, à l'exception
de J.-G. Icazbalceta, mais dont la fausseté a été démontrée
par E. Beauvois dans les Antiquités mexicaines du
P. D. Duran comparées aux abrégés des PP. J. Tobar
et J. d'Acosta [Revue des questions historiques, juil.
1885). — Beristain suppose qu'il était fils de Juanote
Duran dont la Geografia de la Nueva Espana, composée
avant 1554 et accompagnée de dix-huit cartes, est la plus
ancienne qui traite amplement du Mexique.
DURAN (Augustin), poète et critique espagnol, né à
Madrid le 14 oct. 1789, mort à Madrid le l^"" déc. 1862.
Il fut directeur de la bibliothèque royale et membre de
l'Académie espagnole. Son Discurso sobre el influjo que
ha tenido la critica moderna en la decadéncia del
teatro antiguo espanol (Madrid, 1828, in-8) contribua à
l'émancipation du théâtre national. Son œuvre la plus mé-
ritoire est la publication du Romancero complet (1828-
1832, 5 vol. pet. in-8; éd. refondue, 1849-1851, 2 vol.
gr. in-8) avec des notes savantes. Il eut aussi part à la
Colecciôn gênerai de comedias escogidas del teatro an-
tiguo espanol, donna une édition de Saynètes de Bamôn
de la Cruz (1843), etc. Parmi ses poésies, on remarque un
poème chevaleresque sur don Florès de Trébizonde, dans
le langage du xv*^ siècle : Leyenda de las très toronjas
del ver gel de amor (1856). G. P-i.
DURAN (Charles-Auguste-Emile, dit Carolus), peintre
français, né à Lille le 4 juil. 1837. Elève de Souchon, il
fut d'abord pensionnaire de la ville de Lille à Paris, puis
de la Société des sciences et arts à Bome. Il s'hnposa.
- 107 -
DURAN — DURANCY
dès le début, à Tattention du public, avec un tableau dra-
matique et saisissant, V Assassiné, scène de la campagne
romaine. Cette composition, peinte à Rome en 1865, appar-
tient aujourd'hui au musée de Lille ; elle fut exposée en
1866. M. Carolus Duran, peu de temps après ce succès,
partit pour l'Espagne où il étudia avec amour Velasquez. Le
portrait de M. Edouard jR., et celui de la Dame au
gant (M"»® Carolus Duran) contribuèrent à le faire placer
parmi nos plus brillants portraitistes. La Dame au gant
(musée du Luxembourg) est une œuvre élégante, souple et
moelleuse; le modèle, tout en noir, se détache avec vigueur
sur un fond blanc. Le portrait de M^« Feydeau est aussi
une peinture de premier ordre ; l'artiste a représenté une
femme, grande et belle, en robe violette ornée de dentelles,
s'enlevant sur un fond vert sombre. Des portraits d'enfants,
des portraits de dames du monde se succédèrent à nos
Salons et à nos expositions des Cercles, témoignant des
tentatives les plus diverses, des recherches les plus curieuses
sur des variations de tons et de couleurs ; au Salon de
1870, il envoya la Dame au chien (musée de Lille) ; à
celui de 1872, il exposa deux excellents portraits, remplis
de vie et d'une expression supérieure. En 1873, il peignit
sous ce titre. Au bord de la mer, M^^^ Croizette — sa
belle-sœur — montée sur un cheval bai, en costume d'ama-
zone. On se souvient aussi des portraits de ses enfants,
Marie-Anne et Sabine. Au Salon de 1879, il obtenait la
médaille d'honneur, classé hors ligne , grâce au portrait
magistral de M°*« la Comtesse de VandaL Ce portrait est
peint avec une remarquable richesse de coloris. Grande,
blonde, puissante, la figure est en pleine lumière, sur un
fond neutre et pourtant assez fortement coloré. Le costume
est d'un grand luxe : le satin blanc y déploie de charmants
effets sur une jupe de damas d'une blancheur moins légère
et un peu plus sèche. Sur ce costume, qui a son harmonie
élégante, est posé un épais manteau de fourrure ; la main
gauche du personnage l'écarté, tandis que la main droite
effeuille une fleur. On peut citer parmi les personnes repré-
sentées tour à tour par le pinceau de M. Carolus Duran,
M^« Cahen d'Anvers, M«^^ de Pourtalès, W^ Lloyd de
la Comédie-Française, M^^ Maurice Richard, M°^« Gold-
schmidt; M. Emile de Girardin, le maître d'armes
Vigeant, M. Dauphin, sénateur, M. Philippe Burty, etc.
Au nombre des œuvres difîérentes où s'est manifesté le
talent de l'artiste, il nous appartient de mentionner encore
Dans la rosée. Fin d'été, une peinture religieuse, la Mise
au tombeau, etc. On sent chez M. Carolus Duran une ad-
mirable abondance, une virtuosité heureuse, un sentiment
profond de la vie moderne. Il se complaît à tremper son
pinceau dans une couleur large, onctueuse, matérielle.
C'est une nature ardente, attirée par la richesse des étoffes
et la somptuosité du décor ; il aime tout ce qui chante et
tout ce qui vibre. On peut relever dans son œuvre de
peintre une infinité de beaux morceaux, exécutés avec un
brio vraiment surprenant. Il faut remarquer toutefois qu'il
a été souvent inégal, à travers les hardiesses et les caprices
par lesquels il s'est laissé séduire. On lui a aussi reproché
d'être commun dans le rendu de certaines physionomies :
c'est un défaut qui, au reste, semble s'être atténué avec le
temps et qui se montre moins dans ses derniers tableaux.
Une de ses compositions les plus importantes est le plafond,
placé au musée du Louvre, Gloria Mariœ Medici. C'est une
sorte de triomphe, d'apothéose éclatante de la reine de
France, qui fut immortalisée par les allégories de Rubens.
Cette œuvre a été vivement discutée ; on en a blâmé l'ordon-
nance. On y sent, en effet, des défauts d'harmonie qu'on ne
signale pas dans des tableaux moins ambitieux où l'artiste
est demeuré plus personnel. Ant. Valâbrègue.
DU RANGE. Rivière de France dont le cours est sou-
mis au régime des torrents, mais l'étendue de son bassin la
classe parmi les grandes rivières. Elle a sa source dans le
dép. des Hautes- Alpes, au mont Genèvre, à quelques kilo-
mètres à peine de la frontière italienne. Elle reçoit tout
aussitôt, à 8 kil., un torrent considérable, la Clairée, des-
cendant de la belle vallée de laNévache;passeàRriançon,
à une ait. de 1,250 m.; grossie de la Guisane, de la Cer-
veyrette et de la Gyronde, elle se dirige vers le S., arro-
sant L'Argentière, se heurtant au mont Dauphin ; elle
oblique légèrement à l'O., arrose Embrun, Savines, le
Sauze, en aval duquel elle reçoit l'Ubaye ; passe ensuite à
Rochebrune, la Saulce, Le Poët; sortant du dép. des
Hautes-Alpes par 700 m. d'alt., elle rencontre, dans le
dép. des Rasses-Alpes, la Sasse, puis le Ruech, baigne Sis-
teron, Volonne, Peyruis , Les Mées ; reçoit l'Asse, puis le
Verdon au point extrême des Rasses-Alpes. La Durance sert
ensuite de limite entre les dép. de Vaucluse et des Rouches-
du-Rhône. Son cours se relève vers le N.-O., arrose
Mirabeau, PeyroUes, Pertuis, Lauris, Orgon, Cheval-Rlanc,
Cavaillon, reçoit le Calavon, passe en dernier lieu à Caumont
et va se jeter dans le Rhône à environ 5 kil. au S. d'Avi-
gnon, par 13 m. d'alt. La Durance est flottable sur la
plus grande partie de son cours, malgré l'énorme volume
d'eau que lui enlèvent de nombreux canaux, notamment
ceux de Marseille, de Craponne et de Carpentras. Le cours
de la Durance est de 380 kil.; son bassin embrasse
1,340,000 hect.; son débit minimum ne va guère au delà
de 40 m. c. par seconde ; à l'étiage ordinaire, il est de 90
à 100; de 3 à 400 à l'étiage moyen et atteint souvent
4,000 m. c. par seconde dans les fortes crues. La rivière
sort alors de son lit, ravageant les terres sur une étendue
de plusieurs kilomètres. Si la Durance peut être considérée
comme le plus important et le plus terrible torrent de
France, elle est aussi un de ceux qui offrent le plus de
pittoresque. Dans les Hautes-Alpes, elle roule au fond de
gorges profondes, traverse de magnifiques vallées dans les
Rasses-Alpes et s'épanouit sur de vastes grèves. Dans le
Vaucluse, elle coule, non moins fougueuse que dans les
plus hautes altitudes dans un ht souvent profond et dont
la largeur dépasse çà et là un millier de mètres. Au sujet
de cette rivière et de son bassin. V. les art. consacrés
aux dép. des Alpes (Basses-) et Alpes (Hautes-), Rouches-
du-Rhône, Drôme et Vaucluse. G. Faliès.
DURANCE. Com. du dép. de Lot-et-Garonne, cant. de
Houeillès, arr. deNérac ; 623 hab. — La ville de Durance,
située dans la rase lande, fut, au moyen âge, un chef-lieu
de bailliage de la sénéchaussée d'Agenais. On a conservé
quelques documents sur son occupation par les Anglais, au
XIV® et au XV® siècle. Réunie à la couronne de France, elle
fut cédée par Charles VI à Amanieu d'Albret, dont les
descendants possédèrent cette seigneurie jusqu'en 1651,
année où elle fut donnée en échange au duc de Rouillon.
Henri de Navarre, qui devait être Henri IV, a séjourné
souvent à Durance, où il se livrait au plaisir de la chasse.
Il existe encore quelques restes de son château et aussi
deux tours carrées et quelques portions des courtines de la
ville, du XIV® siècle. Près du village se trouve uii ancien
prieuré de préoiontrés, dit la Grange. Cette construction,
du XIII® siècle, est bien conservée : on admire surtout la
chapelle décorée de peintures du moyen âge et recouverte
de voûtes d'une rare élégance. G. Tholin.
BiBL.: J.-Fr. Samazeuilh, Diction, de l'arr. de Nérac;
Nérac, 1881, in-8. — Abbé Léopold Dardy, le Prieuré de
la Grange de Durance ; Bordeaux, 1860, in-8, de 99 pp.
DURANCY (Céleste), cantatrice dramatique française,
née en 1746, morte à Paris le 28 déc. 1780. Fille de
comédiens de province extrêmement distingués, elle avait à
peine six ou sept ans, lorsqu'à Rruxelles, où son père était
directeur de théâtre, elle montrait déjà elle-même les plus
rares dispositions et se faisait applaudir du public. Elle
n'avait pas encore treize ans lorsqu'elle vint débuter à la
Comédie-Française, le 19 juil. 1759, dans le rôle si im-
portant de Dorine de Tartufe. Comme alors sa voix se
développait et qu'elle devenait fort belle, elle quitta la
Comédie pour aller, le 19 juin 1762., débutera l'Opéra, où
elle restait quatre années; elle retournait ensuite à la
Comédie-Française, le 13 oct. 1766, et enfin, le 23 oct.
1767, revenait à l'Opéra, où elle demeura jusqu'à ses
DURANCY — DURAND
108 -
derniers jours. Elle obtint surtout d'éclatants succès à ce
théâtre dans Hippoly te et Aride, dans la Haine d'Orp/ié^'^,
dans Méduse de Persée^ et surtout dans VErnelinde de
Philidor, où elle était admirable. Elle était laide, et sa
voix, quoique belle, était simplement suffisante ; mais son
âme ardente, la passion brûlante qui l'animait, un senti-
ment pathétique qui allait jusqu'au sublime, en firent une
des cantatrices dramatiques les plus puissamment émou-
vantes qu'on eût jamais entendues sur notre grande scène
lyrique.
DURAND (Guillaume), évêque de Mende, célèbre sur-
tout par ses écrits sur le droit canonique et la liturgie,
né à Puimisson, près de Béziers, en 4237, d'une famille
noble du Languedoc, mort à Rome le 4^^* nov. 4296.
Quelques-uns de ses biographes l'ont appelé à tort Durant!
ou Durantis : lui-même se nomme, dans ses ouvrages,
Guillelmus Durandus ou Guillelmus Durandi (filius),
et Duranli n'est que la forme italianisée de son nom. Il
alla étudier le droit civil et le droit ecclésiastique à l'uni-
versité de Bologne, oti il eut pour principal maître Bernard
de Parme, et oti il s'exerçait encore à la pratique judiciaire
en 4264 ; il professa quelque temps le droit canonique à
Modène vers 4264, et servit d'assesseur à Henri de Suze,
cardinal d'Ostie, légat du pape en Lombardie. Il était déjà
estimé pour son mérite et ses travaux juridiques, lorsque,
en 4265, son compatriote. Gui Foucauld, archevêque de
Narbonne et cardinal-évêque de Sabine, étant devenu
pape sous le nom de Clément IV, l'appela à la cour ponti-
ficale en la double qualité de chapelain et d'auditeur géné-
ral des causes du palais, puis lui conféra à titre de béné-
fices deux canonicats, l'un à Beauvais, l'autre à Narbonne.
Ces fonctions et ces dignités lui furent confirmées par
Grégoire X, qui Temmena au concile de Lyon (4274) et le
chargea, avec quelques autres prélats, de rédiger les con-
stitutions promulguées dans cette assemblée. Peu après,
G. Durand, qui jusque-là s'était occupé surtout de travaux
sur le droit canonique et de pratique judiciaire, fut investi
par la confiance des papes de hautes fonctions politiques.
Choisi, en 4278, par Nicolas III, comme administrateur
temporel et spirituel du domaine de Saint -Pierre, il fut
chargé, en cette qualité, de recevoir l'hommage de la ville
de Bologne et des autres cités de la Romagne à la suzerai-
neté desquelles avait renoncé l'empereur Rodolphe, et reçut
à titre de récompense le doyenné de l'église de Chartres,
indépendamment de ses autres bénéfices. Nommé par Mar-
tin IV vicaire spirituel (4281-4282), puis comte et gou-
verneur de la Romagne et de la Marche d'Ancône (4283),
il sut, au milieu de la lutte des Guelfes et des Gibelins,
déployer autant d'énergie que d'habileté pour défendre par la
diplomatie, quelquefois même par les armes, l'intégrité des
domaines pontificaux.En 4 286 , il fut élu évêque parle chapitre
de Mende; mais ses occupations le retinrent en ItaUe jusque
vers 4294, époque où il prit eff'ectivement possession de
son siège épiscopal. Il refusa, en 4295, l'archevêché de
Ravenne que lui off'rait Boniface VIII ; mais, sur les ins-
tances de ce pape, consentit à retourner en Italie comme
gouverneur de la Romagne, pour pacifier cette province que
le parti gibelin cherchait à enlever au saint-siège ; cette
mission remplie, il se rendit /à Rome (juin 4296) et mou-
rut dans cette ville quelques mois après. Un tombeau mo-
numental lui fut érigé dans l'éghse des Dominicains, Santa
Maria sopra Minerva : toutefois, ni cette circonstance, ni
les autres raisons alléguées par le P. Echard (dans sa
bibliographie des Frères prêcheurs) ne suffisent pour éta-
bhr que l'évêque de Mende appartenait à cet ordre.
Dans le cours d'une vie si remplie et si souvent mêlée
aux affaires publiques, G. Durand trouva le temps de com-
poser des ouvrages considérables, dont les plus célèbres
sont le Spéculum judiciale et le Rationale divinorum
offîciorum. Le Spéculum, rédigé une première fois vers
4274, puis refait de 4286 à 4294, est un traité où il
a exposé, suivant la méthode des glossateurs (V. ce mot),
l'ensemble des règles de la procédure civile et criminelle,
de la procédure canonique et accessoirement des contrats.
Dans cette vaste synthèse des lois romaines et des lois ec-
clésiastiques, qu'aucun juriste n'avait encore tentée avant
lui, il ne s'est pas borné à assembler tous les éléments que
les textes législatifs, la jurisprudence et les commentaires
de ses devanciers pouvaient lui fournir : sa personnalité y
est marquée par l'ordre, la mesure, la clarté, le sens pra-
tique qui régnent dans l'œuvre entière et révèlent non seu-
lement le docte théoricien, mais aussi le magistrat expéri-
menté, l'administrateur rompu à la pratique des affaires.
Sous ce rapport, on a pu comparer à juste titre le traité
de G. Durand avec celui que composa vers la même époque
Ph. de Beaumanoir (V. ce nom) sous le nom de Cou-
tumes de Beauvoisis : ce sont certainement les deux
œuvres juridiques les plus remarquables qu'ait laissées le
moyen âge. Le Spéculum jouit, dès son apparition, d'une
grande et durable renommée : dans les écoles comme devant
les tribunaux, G. Durand ne fut longtemps cité que sous le
nom d' « auteur du Spéculum » [Speculator) ; son texte
fut enrichi de commentaires et de notices historiques par
Jean André, Balde, Alexandre de Nevo, et complété par un
répertoire alphabétique (inventarium) que rédigea, en
4306, le cardinal Bérenger, ancien évêque de Béziers. Le
Spéculum nous est parvenu par un grand nombre de ma-
nuscrits et surtout d'éditions imprimées, dont quatorze
datent du xv^ siècle (Strasbourg, 4473 ; Rome, 4474...);
on en trouvera l'énumération dans les ouvrages cités
ci-dessous de Savigny, V. Leclerc et Schulte. Les éditions
les plus fréquemment employées sont celle de Paris (4522-
23), et celle de Turin (4578, 2 vol. in-fol.) qui contient
toutes les additions et les tables.
Le Rationale divinorum offîciorum est une somme
liturgique que G. Durand composa pendant son séjour en
Italie, avant son épiscopat, pour expliquer aux clercs l'ori-
gine et le sens symbolique des rites chrétiens. A l'aide des
auteurs qui l'ont précédé et dont il résume les doctrines
en les complétant par ses propres observations, il expose
magistralement l'ensemble de la hturgie observée au
XIII® siècle dans l'Eglise d'Occident ; il l'étudié non seule-
ment dans ses formes, mais dans ses sources traditionnelles
et dans ses rapports avec les édifices et les objets mobi-
liers qui servent au culte. Cette œuvre, bien supérieure
par l'exactitude, la méthode et les proportions générales
aux compilations analogues léguées par le moyen âge, eut
peut-être encore plus de vogue que le Spéculum judi-
ciale : ce fut l'un des premiers livres imprimés (Mayence,
4459), et, après les Livres saints, il n'y en a pas qui aient
eu plus d'éditions au xv*^ et au xvi® siècle (V. la liste dans
la notice de V. Leclerc) ; les plus usitées sont celles de
Lyon (4605 et 4672), d'Anvers (4644). Une trad. fran-
çaise en a été publiée au xvi® siècle par J. Goulain(4503)
et de nos jours par Ch. Barthélémy (4854, 5 vol. in-8).
Le Rationale, que l'on peut considérer comme « le der-
nier mot du moyen âge sur la mystique du culte divin »,
est resté, avec le grand ouvrage de Martène {de Antiquis
Ecclesice ritibus, 4700), le principal livre à consulter
pour l'histoire de la liturgie occidentale. Quelques-unes de
ses parties, notamment le premier livre où sont exposées
les idées symboliques du xiii*^ siècle sur la construction des
églises, sur la destination de leurs différentes parties, sur
leur décoration par la peinture et l'imagerie, contiennent
de précieux détails pour l'histoire de l'art chrétien : toute-
fois, il faut remarquer que l'évêque de Mende, qui avait
passé presque toute sa vie en Italie et dans les provinces
méridionales de la France, ne connaissait guère que l'art
italien et l'art roman du Midi ; il semble ignorer les grandes
écoles d'architecture et de sculpture qui florissaient de son
temps dans l'Ile-de-France, la Picardie, la Champagne et
la Bourgogne, et partage, au point de vue des représenta-
tions iconographiques, les idées étroites que l'influence
byzantine inspirait alors aux évêques italiens.
" Outre ces deux grands ouvrages, G. Durand a laissé : un
Repertorium juris canonici, encore appelé Breviarium
— 109 —
DURAND
aureiim, qui est un recueil de citations des canonistes sur
des questions controversées, rangées dans l'ordre des Dé-
crétales de Grégoire IX (Rome, 1474 ; Venise, 1496 ;
Paris, 1513, 1519, et à la suite de plusieurs éd. du Spé-
culum) ; — un Commentarius in sacros. Lugdun. conci-
lium (Fano, 1569) : cette interprétation des constitutions
qui furent promulguées au concile de Lyon par Grégoire X
(1274) et insérées par Boniface VIII dans le Sexle,
est d'autant plus précieuse que l'auteur lui-même avait
pris part à leur rédaction. Il avait aussi composé un Pon-
tificale, des gloses sur les Décrétales de Grégoire IX et
sur le Décret de Gratien, un commentaire de la constitu-
tion Cupientes de Nicolas III (c. 16, De Elect,, in VI, I, 6) ;
mais ces ouvrages ne sont point parvenus jusqu'à nous.
On ne doit pas confondre G. Durand avec son neveu,
Guillaume Durand le Jeune qui fut son successeur sur le
siège épiscopal de Mende, de 1296 à 1328. Ce dernier
avait été d'abord archidiacre dans le même diocèse, et pro-
bablement recteur de l'université de Toulouse ; car c'est à
lui plutôt qu'à son oncle qu'on peut rapporter la mention
des statuts de 1324 qui citent un GuiUelmus Durandi
comme ayant été précédemment revêtu de cette dignité. Il
écrivit aussi sur le droit canonique, et publia en 131 1, à
l'occasion du concile de Vienne, un traité De Modo celé-
brandi concilii et corruptelis in Ecclesia reformandis
(Lyon, 1531; Paris, 1545 et 1571), qui jouit, au moyen
âge, d'une assez grande autorité pour avoir été pendant
longtemps attribué au célèbre auteur du Spéculum,
Il faut également distinguer G. Durand du dominicain
Guillaume Durand de Saint -Pourçain (V. ci -dessous) et
d'un autre dominicain, Durand d'Aurillac, mort vers 1380,
qui défendit saint Thomas contre les attaques de Durand
de Saint-Pourçain (Quétif et Echard, I, 587-88 ; II, 819-
820). Ch. MoRTET.
BiBL. : V.Leclerc, Notice sur Guillaume Duranti, dans
Hist. Uttér. de la France, 1842, t. XX, pp. 411 à 497. — Von
Savigny, Geschichte des rômischen Rechts im Mittelal-
fer,1850, 2° Ausg., t. V, pp. 571-602.— Von Bethmann-Holl-
WEG, Der Civilprozess des gemeinen Rechls^ 1874, t. VI,
pp. 203-225. — Von Schulte, Gesch. der Quellen des cano-
nischen Rechts, 1877, t. II, pp. 144-156, 195-196. — Ul. Cheva-
lier, Répertoire des sources historiques du moyen âge,
1883 ; av. supplément, 1888, v° G. Durand. — Ad. Tardif,
Histoire des soU7'ces du droit canonique, 1887, p. 315; Hist.
des sources du droit français, origines romaines, 1890,
p. 405. — ViOLLET-LE-Duc, Dictiounaire d'architecture,
1854, t. VIII, v Symbole. — Dom Guéranger, Institutions
liturgiques, 1878, t. I, p. 341.
DURAND (Guillaume), évêque de Meaux, docteur sco-
lastique samommé Doctor resolutissimus et canoniste, né
à Saint-Pourçain, mort vers 1333. Il était entré dans
l'ordre des dominicains, dès sa première jeunesse, à Cler-
mont en Auvergne ; en 1313, il fut reçu docteur à Paris,
où il enseigna pendant quelque temps; de là, il se rendit
à Avignon et y continua son enseignement près de la cour
du pape. En 1318, Jean XXII le nomma évêque d'Annecy ; en
1326, évêque de Meaux, oii il mourut. (Euvres principales :
un commentaire sur P. Lombard, In Senteyitiastheologicas
Pétri Lombardi commentariorum librilV (Paris, 1508
et 1515; Venise, 1571, in-fol.). D'après Oudin, Durand
aurait composé deux commentaires sur P. Lombard, le pre-
mier alors qu'il n'était encore que dominicain, le second
quand il était évêque. Ce serait le dernier qui a été imprimé.
De Origine jurisdictionum quibus populus regitur,
sive de juridictione ecclesiasticœ et de legibus (Paris,
1506, in-fol.) ; De Statu animarum post separatio-
nem a corpore. Ce traité (libellus episcopi Meldensis),
dirigé contre une opinion émise par Jean XXJI sur la béa-
titude des âmes saintes avant le jugement dernier, attira
à Durand des poursuites, dont les conséquences furent dé-
tournées par la protection du roi de France ou, suivant
certains témoignages, par une rétractation adressée au pape
(Raynaldi, Annales ecclesiastici.anno 1333). — Durand
a fortement contribué à accélérer la décadence de la sco-
lastigue. Abandonnant le réalisme, qui fournissait de si
précieuses ressources pour la démonstration des dogmes.
il suscita le réveil du nominalisme, dont il devint l'un
des docteurs les plus résolus au xiv« siècle. La scolastique
du xiii« siècle, sauf de rares exceptions, promettait de ré-
pondre aux besoins des penseurs qui voulaient s'assimiler
par la raison les données de la tradition dogmatique ; elle
prétendait mettre le dogme à la portée de la raison, en
prouver la rationalité, la nécessité rationnelle, et établir
amsi l'accord entre la foi et l'intelligence. Quoique domi-
nicain, Durand finit par repousser la maxime de Thomas
d'Aquin, que les dogmes ne peuvent rien contenir de con-
traire à la raison, et par conséquent qu'il est possible de
les démontrer indubitablement ; il contesta même à la
théologie le titre de science, et demanda la certitude, non
plus à la conviction, mais à l'obéissance, à la soumission
à l'autorité de l'Eglise représentée par le siège apostolique,
seul juge infaillible et régulateur de la foi. Dans le détail
de sa doctrine, on a relevé plusieurs points qui s'éloignent
de l'orthodoxie ; il semble pencher vers l'adoptianisme, il
n'admet la transsubstantiation qu'avec de fortes réserves,
et il n'attribue au mariage le caractère de sacrement, que
d'une manière très relative. E.-H. Vollet.
T. ^.^^^-LÏ'^F^Ff.^' ^f^stoire de la philosophie scolastique:
Pans, 1872, 2» edit., 3 vol. in-8. - V^erner, Die nachscoti-
tische Scholaslik ; Vienne, 1883, in-8. — Ch. Sghmidt His-
toire de VEglise d'Occident au moyen âge; Paris, 1885, in-8.
DURAND (Nicolas), sieur de Villegagnon ou Villegai-
gnon, vice-amiral français, né à Provins vers 1510, mort
le 9 janv. 1571 . Neveu de l'illustre Villiers de L'Isle-Adam,
Durand devint chevaher de Malte dès 1531. Il prit part en
cette qualité à l'expédition de Charles-Quint contre Alger
en 1541. En 1548, il enleva par un hardi coup de main
Marie Stuart à Dunbarton (Ecosse) et la débarqua à Brest.
Peu après, des affaires de son ordre le conduisirent à Tri-
poli. Henri II le nomma vers cette époque vice-amiral de
Bretagne. Comme tel, Durand eut quelques différends avec
le gouverneur de Brest ; irrité de ne pas obtenir gain de
cause, il conçut le projet de fonder une colonie française
dans l'Amérique du Sud. Il gagna l'appui de Coligny en
insinuant que cette colonie pourrait servir de refuge '^ aux
protestants persécutés. De cette façon, il obtint deux navires
et arriva, en 1555, à l'embouchure de la rivière Ganabara,
appelée rio de Janeiro par les Portugais. A peine arrivé,
Durand, qui parlait déjà d'une « France antarctique »,
demanda des renforts à Cohgny; il s'adressa en même
temps à Calvin, le priant de lui envoyer des ministres « pour
le mieux réformer, lui et ses gens, et même pour attirer
les sauvages à la connaissance de leur salut ». Dès avant
1540, Durand avait subi l'influence des idées nouvelles du
xvi^^ siècle dans l'entourage de Guillaume du Bellay. Un
neveu de Durand, Bois-le-Comte, commanda la nouvelle
expédition qui fut envoyée en Amérique ; elle était compo-
sée de trois navires munis d'artillerie et de munitions. Ils
arrivèrent, en mars 1557, au fort Coligny que l'on avait
construit sur une île de la baie de Janeiro. Bientôt des
disputes théologiques, où Durand montra une indigne du-
plicité, mirent la discorde entre les colons ; plusieurs
huguenots quittèrent, dès 1558, le pays avec les deux
pasteurs venus de Genève; peu après, quatre colons réfor-
més furent condamnés à mort par Durand et jetés à la mer
pour crime d'hérésie. La même année le fort Coligny
tomba aux mains des Portugais, et Durand « fol et per-
clus du cerveau », dit un témoin oculaire, revint en
France. Il continua de se mêler de controverses théologiques.
En 1567, il était gouverneur de Sens. Il mourut dans sa
commanderie de Beauvais. — Le plus intéressant de ses
écrits est son récit intitulé Caroli V imper atoris expedi-
tio in Africam ad Arginam (Paris, 1542), réimprimé
et annoté par H.-D. de Grammont (Paris, 1874, grand in-8).
Parmi ses traités de controverse, assez nombreux mais de
peu d'importance, on peut citer comme caractéristique : Ad
Articulos Caluinia?iœ de sacramento eucharistiœ tra-
ditionisresponsiones (Paris, 1560, in-4). F.-IL Kruger.
BiBL.: Histoire des choses mémorables advenues en la
terre de Brésil, etc., 1576, s. i. — Jean de Léry, Histoire
DURAND
110 -
d'un voyage faict en la terre de Brdsii, etc., 1578 s. 1.;
> M., Paris, 1611; réédité par P. Gatîarel Paris 1880 -
Jean Crespin, Histoire des martyrs, t. III, pp. 448-465 et
pp. 506-619 (éd. de D. Benoît et M. Lelièvre) ; Toulouse,
1885-1889, in-4.
DURAND (Jacques-Honoré), mathématicien belge, ne à
Bruxelles vers 4598, mort à Gratz (Styrie) le 28 août
1644. Il entra à dix-huit ans dans la Compagnie de Jésus
et, après d'excellentes étudesà Louvain, fut envoyé en 1627
à Gratz, où il enseigna les mathématiques et la philoso-
phie. Outre une édition latine, avec notes et commentaires,
des six premiers livres de la Géométrie d'Euclide (Gratz,
1636, in-12), on lui doit : Problema matliemaiicum
(Gratz, 4636, in-4) ; Machina mathematice et physice
demonstrata, ouvrage resté inachevé. L. S.
DURAND (Joseph), jurisconsulte français, né à Chalon-
sur-Saône en 1643, mort à Dijon en 1710. Avocat général
et conseiller au parlement de Bourgogne, il a publié divers
mémoires et plaidoyers, des conclusions, les Instituts du
droit coutumier du duché de Bourgogne (Dijon, 1697,
1705 et n35, in-12) et laissé en msimsmt m Recueil
d'arrêts du parlement de Dijon de 1681 à 1710. L-x.
DURAND (David), ministre protestant, né à Saint-
Pargoire (Hérault) vers 1680, mort à Londres le 16 janv.
1763. Reçu ministre à Bàle, où il avait fait ses études
théologiques, il fut chapelain dans un régiment de réfugiés
au service de la Hollande et fait prisonnier en Espagne.
Remis en Hberté, il s'établit à Genève, puis à Rotterdam
et enfin à Londres, où il fut nommé ministre de l'église
de Martin's Lane. Il a laissé les ouvrages suivants : Ser-
mons choisis (Rotterdam, 4711, in-8); la Religion des
Mahométans (La Haye, 1724, in-42); Histoire de la
peinture ancienne extraite de VHistoire naturelle de
Pline (Londres, 4725, in-foL); Histoire du xvi« siècle
(Londres, 4725-1729, 6 vol. in-8), augmentée en 1732
d'un septième volume qui contient la biographie de Thou;
Sermons choisis de divers auteurs (1726, in-8) ; His-
toire naturelle de Vor et de V argent extraite de Pline
(1729, in-fol.); Vie de J. -F. 05^^rM;a/d (Londres, 1778,
in-8), sans compter des éditions dePHne, des Académiques
de Cicéron, des Aventures de Télémaque, une continua-
tion de Rapin de Thoyras, etc. R. S.
DURAND (Jacques), peintre français, né à Nancy en
1699, mort à Nancy en 1767. Elève de Claude Charles et
deNattier, il se rendit en Italie vers 1749, pensionné par
le duc Léopold de Lorraine. Revenu en 1721 , il conquit une
excellente réputation à Nancy et fut chargé en 1743 de
décorer la coupole de la chapelle funéraire des ducs, et, en
1747, il décora aussi l'église des Jésuites à Pont-à Mousson.
Au témoignage de ses contemporains, son dessin était ferme
jusqu'à l'âpreté, et sa couleur puissante. Ad. T.
DURAND (François-Jacob), théologien suisse, né à
Semalé, près d'Alençon, en 1727, mort à Lausanne le
17 avr. 1846. Elevé catholique et destiné à la prêtrise, il
fit de bonnes études dans les séminaires de Rouen et de
Paris. De bonne heure entraîné du côté de la Réforme, il
l'embrassa publiquement en 1754 peu après son arrivée à
Lausanne. Il fit des études théologiques à l'Académie de
cette ville, fut nommé ministre en 1760 et s'acquit vite
du renom comme prédicateur. H passa les années 1768 à
1776 à Berne comme pasteur français et directeur du sémi-
naire de la jeune noblesse, puis revint à Lausanne où il
acquit la bourgeoisie et devint, à l'Académie, professeur de
morale chrétienne et de statistique. Outre quatorze volumes
de Sermons dont la plupart ont eu plusieurs éditions,
Durand a laissé un. Abrégé des sciences et des arts
(Lausanne, 1762), VEsprit de Saurin (1767, 2 vol. in-12),
un ouvrage sur la Statistique de la Suisse (1795, 4 vol.
in-12) et une Histoire de ce pays restée inédite. E. K.
DURAND (Nicolas), architecte français, né à Chàlons-
sur-Marne en 1739, mort à Châlons le 23 févr. 1830.
D'abord architecte de la ville de Châlons, puis de la pro-
vince de Champagne, Nicolas Durand fit construire à
Châlons, de 1759 à 1765, l'hôtel de l'Intendance, com-
mencé sur les plans de Legendre, ingénieur des ponts et
chaussées de la généralité de Reims, et depuis agrandi en
1846 ; le pont de Vaux (1767), la porte Sainte-Croix
(4770), arc de triomphe resté inachevé; la salle de spec-
tacle (1771), l'hôtel de ville (1772), et une caserne d'in-
fanterie près de la porte Saint-Jacques (1 784) . On doit encore
à cet architecte le portail de l'église de Juvigny (1777),
l'ancien théâtre de Reims (aujourd'hui démoli), des plans
pour la reconstruction du vieux palais de Vitry-le-François
abattu en 1783, ainsi que pour la reconstruction de l'hôtel
de ville de Langres, dont les travaux furent conduits par
Huet; enfin les casernes de Chaumont-cn-Bassigny (1786)
et l'église de Verzenay (1786 à 1789). Charles Lucas.
DURAND (Jean-Baptiste-Léonard), voyageur français,
né à Uzerche (Limousin) en déc. 1742, mort en Espagne
en nov. 1812. Successivement avocat au parlement de Bor-
deaux, consul de France à Cagliari, employé au ministère
de la marine, il fut envoyé au Sénégal par une compagnie
commerciale en 1785. H se rendit de Saint-Louis àPodor,
traita a\ec les chefs du pays, fit étudier par son agent
Rubault la route de terre pour éviter les détours du fleuve
inférieur. Ses pactes avec les Maures assurèrent aux Fran-
çais le commerce de la gomme qui fut enlevé au comptoir
anglais de Portendick (1788). Il a pubhé Voyage au
Sénégal (Paris, 1802, 2 vol. avec atlas in-4).
DURAND (Jean-Nicolas-Louis), architecte et professeur
d'architecture français, né à Paris le 18 sept. 1760, mort
à Thiais (Seine) le 30 déc. 1834. Elève de BouUée et de
l'Académie, Durand obtint deux fois le second grand prix
d'architecture, en 1779, sur un Muséum des arts, et, en
1780, sur un collège dans un terrain triangulaire. H rem-
porta de plus, en collaboration avec Thibault, le premier
prix dans quatre des concours d'architecture ouverts par la
Convention nationale. Durand qui, dès 1776, avait ouvert
un cours de dessin architectural, fut appelé en 1795, lors
de la création de l'Ecole polytechnique, à préparer les don-
nées du cours d'architecture de cette école et professa ce
cours pendant trente-neuf ans. Il a laissé les ouvrages sui-
vants : Recueil et parallèle des édifices de tous geiires,
anciens et modernes, etc. (Paris, 1800, in-fol., 92 pi.);
Précis des leçons d'architecture données àVEcolepoly-
technique (diyec une partie graphique) (Paris, 1802, 4805,
4821, 4825, 3 vol. in-4, 98 pi.). Charles Lucas.
BiBL. : A. Rondelet. Notice hist. sur J.-N.-L. Durand ;
Paris, 1835, in-8.
DU RAN D (Charles-Etienne), architecte et ingénieur fran-
çais, né à Montpellier le 29 nov. 1762, mort à Nîmes le
26 août 1840. Il fut professeur d'architecture pour les
Etats du Languedoc et inspecteur des travaux de la pro-
vince en 1788. Il fut nommé ingénieur de l""^ classe en
1805. Ses principaux travaux sont : le pont de Ners, sur
le Gardon ; la chaussée du miheu du Rhône, entre Beaucaire
et Tarascon; plusieurs églises et temples, ceux de Vauvert
et de Calvisson, entre autres. Il a fait quelques restau-
rations aux Arènes de Nîmes et à la Maison carrée. H a
publié un grand in-folio, Description des monuments
antiques du midi de la France, orné de 43 pi. grav.,
(Paris, 1849) ; les ingénieurs Grangent et Simon Durant ont
été ses collaborateurs pour cet ouvrage. M. D. S.
DURAND ou DURANOWSKI (Auguste-Frédéric), vir-
tuose sur le violon, né à Varsovie en 1770. Il a acquis
une grande réputation dans ses voyages en Russie, en Alle-
magne, en France, en ItaHe. Il exerça une grande influence
sur Paganini.
DURAND (Asher-Brown), graveur et peintre américain,
né le 21 août 1796. On cite de lui une excellente gra-
vure pour le frontispice de V Atlantic Souvenir (1828),
une autre d'après Leslie sur un sujet tiré de Shakespeare,
une Ariane, d'après Vanderlyn, etc.
DURAND (Hippolyte Baudel-), homme politique français,
né à Versailles le 31 oct. 1805, mort à Nevers le 18 juil.
4864. Un des fondateurs du Vigilant de Seine-et-Oise,
il s'établit comme avoué à Nevers et y collabora au jour-
- 141 -
DURAND
nal r Association de la Nièvre, Venu ensuite à Paris, il
collabora au Répertoire de jurisprudence de Dalloz et
devint professeur de législation comparée à V Athénée. Com-
missaire de la République en Seine-et-Oise (1848), il fut
élu le 23 avr. représentant de ce département à la Cons-
tituante. Il siégea à la gauche modérée. Il a écrit : le
Général Hocke^ souvenirs et correspondances (Paris,
1832, in-8) ; De la Nécessité de reviser la loi sur les
ventes judiciaires des bieîis immeubles (Ne vers, 184o,
in-8) ; ' Commentaire de la loi de i848 sur la con-
trainte par corps (Paris, 1850, in-8) ; Mémoire sur r or-
ganisation du Crédit foncier en France {l>ley ers, 1856,
in-8).
DU RAN D (Paul), archéologue français, né en 1 806, mort
à Paris le 27 déc. 1882. Il eut l'occasion, dans plusieurs
voyages en Orient, d'amasser de nombreux documents sur
l'histoire de l'art byzantin ; il accompagna en particulier
Didron en 1839 dans ce voyage en Grèce et à l'Athos oti fut
découvert le précieux manuscrit du Guide de la Peinture
byzantin; Paul Durand se chargea de le traduire, et l'ou-
vrage parut en 1845 sous le titre de Manuel d'icono-
graphie chrétienne. Parmi les nombreux dessins faits
par Paul Durand et reproduisant des peintures byzantines,
plusieurs ont servi d'illustrations aux Annales air héo lo-
giques ;hea.\icoup d'autres demeurent inédits : Paul Durand,
trop exigeant pour lui-même, n'a pas publié la plupart des
travaux qu'il avait préparés ; mais ses papiers demeurent
une mine de matériaux fort précieuse. C'est à lui qu'appar-
tient aussi l'honneur d'avoir restauré la crypte de la cathé-
drale de Chartres. Parmi ses travaux on peut citer une
étude sur la Chapelle de la sainte Vierge en l'église de
Saint-Père à Chartres , son Etude sur l'Etimacia
(Paris, 1868), et la Monographie de Notre-Dame de
Chartres, publiée dans la collection des documents inédits
sur l'histoire de France (1881). Ch. Diehl.
DURAND (Juhen), archéologue français, né en 1812,
mort à Mortagne (Orne) le 21 oct. 1890. Il a publié dans
diverses revues savantes, dans les Annales archéologiques,
dans le Bulletin monumental, plusieurs travaux d'éru-
dition, relatifs pour la plupart à l'histoire de l'art byzantin.
On peut citer parmi les principaux : les études sur l'Art
byzantin a Saint-Marc de Venise, sur V Iconographie
de Saint-Marc, surtout sur le Trésor de Saint-Marc
(1862); des recherches sur la Dalmatique impériale, sur
la Légende d'Alexandre le Grand, sur plusieurs tableaux
byzantins (1879) ; des articles sur Vlcoiiographie de la
cathédrale de Parme, sur l'Icoîiographie du dôme de
Sienne, etc. Ch. Diehl.
DURAND (SirHenry-Marion), général anglais du génie,
né en 1812, mort en 1 871 . Il se distingua dans l'Inde et dans
la campagne d'Afghanistan de 1838. Secrétaire de lord
Ellenborough, gouverneur général de l'Inde en 1841, com-
missaire dans le Tenasserim en 1844, sa fortune s'an-
nonçait comme prompte et brillante ; mais son honnêteté et
sa raideur lui firent des ennemis, sans compter qu'il par-
tagea l'impopularité de lord Ellenborough. Résident à Gwa-
lior, puis à Bhopal, il se fatigua de ses fonctions médiocres
et retourna en Angleterre (1854). Là, il retrouva un pro-
tecteur en la personne de lord Canning, nouveau gouver-
neur général, qui lui confia en 1857 l'un des principaux
postes de la hiérarchie civile de l'Inde. Pendant la grande
rébellion, il contribua grandement à sauver l'influence
anglaise dans l'Inde centrale. Il parcourut ensuite tous les
degrés de ladite hiérarchie jusqu'au poste de lieutenant
gouverneur du Pendjab, où il mourut accidentellement.
C'était un homme fort reUgieux, courtois, mais suscep-
tible et amer. Ch.-V. L.
DURAND (Louis), pasteur suisse, né à Veveyen 1817,
mort à Lausanne en 1890. Il fit ses études à Lausanne
avec Vinet et en Allemagne avec Neander. Consacré
en 1840, il resta pasteur à Béguins jusqu'en 1845 où ayant
refusé de lire une proclamation du gouvernement provisoire,
il fut suspendu. Pasteur en France jusqu'en 1859, il fut
alors nommé à Vevey. En 1869, il fut choisi à Lausanne
comme professeur de théologie systématique : ses cours
étaient remarquables par la beauté de la forme et le sé-
rieux du fond. Durand, qui se rattachait à la fraction
évangélique indépendante, a laissé un manuel d'Histoire
biblique adopté par l'Eglise vaudoise, des travaux relatifs
au chant patriotique et religieux (Chants du soldat) et
de nombreux articles de polémique relatifs à la liberté des
cultes. E. K.
DU RAN D (Henri), poète suisse, frère du précédent, né à
Vevey le 27 août 1818, mort le 13 févr. 1842. Il fit ses
études de théologie à Lausanne, puis à Erlangen ; de retour
à Lausanne, il se préparait pour la licence et pour des
concours académiques lorsqu'il succomba aux suites d'une
fièvre nerveuse. Les Poésies qu'il a laissées et qui ont été
publiées par ses camarades ont eu cinq éditions : elles sont
précédées d'une notice de Vinet. D'une inspiration limpide
et fraîche, d'une grâce mélancolique, elles constituaient un
début plein de promesses. E. K.
DURAND (Marie-Auguste), compositeur et éditeur de
musique, né à Paris le 18 juil. 1830. Il travailla au Con-
servatoire avec Bazin et Savard et fut l'élève de Benoist
pour l'orgue. Il fut successivement organiste des églises :
Saint- Ambroise (1849) ; Sainte-Geneviève (1853) ; Saint-
Roch (1857) et Saint-Vincent-de-Paul (1862-d874). Il
s'éprit du nouvel instrument dit orgue-harmonium et le
vulgarisa tant par ses propres compositions que par des
exécutions en France et à l'étranger. En 1870, s'étant as-
socié à M. Schœnewerk pour acquérir la maison de
M. Flaxland, il se livra dès lors à l'édition musicale et
fit prendre à cette branche de notre commerce national un
grand essor. M. Durand a publié environ quatre-vingts
compositions, musique religieuse et musique de genre.
Plusieurs de ces dernières eurent une grande vogue, "^telles
que chacone, gavottes, etc.
DURAND (Charles Amând-), héliograveur et éditeur
français contemporain, né à Cheny (Yonne) le 3 août 1831.
Inventeur d'un procédé perfectionné d'héliogravure, il a
rendu d'inappréciables services à l'iconographie, par ses
excellentes reproductions des chefs-d'œuvre du burin et
de la pointe des maîtres d'autrefois. Il a débuté par une
grande publication périodique. Eaux-fortes et gravures
des maîtres anciens (1869 et suiv. , 400 pi. formant
10 vol. gr. in-fol.). Puis il édita successivement des
Œuvres complètes ou partielles de Van Dyck (1875), d'Al-
bert Durer (1876), de Paul Potter (1877), de Claude Lor-
rain (1878), de Mantegna (1879), deRuysdael (1880), de
Martin Schongauer (1881), de Lucas de Leyde (1882), de
Rembrandt (1883). Tous ces recueils sont accompagnés d'un
texte par M. Georges Duplessis. On lui doit encore les repro-
ductions des Etudes et Croquis de Th. Rousseau (1878),
des Notes et Croquis de Raffet (1879), et de plusieurs
Livres à dentelles et dessins d'ornements, des xvi® et
xvu^ siècles, intéressants par leurs quahtés d'art et n'exis-
tant parfois qu'à l'état d'exemplaires uniques (5 vol. in-8).
Cette dernière publication a été faite sous la direction de
M. Emm. Bocher. G. Pawlowski.
DURAND (Ludovic-Eugène), sculpteur français, né à
Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord) le 11 févr. 1832. Elève de
A. Toussaint, il expose au Salon depuis 1855. Ses œuvres
principales sont : la Malaria, groupe marbre; le fronton
du théâtre de Bade ; Aréthuse, statue marbre ; Mercure,
statue marbre ; Libre, statue marbre ; la Caresse, groupe
marbre ; les bustes de Méry, Adelina Patti, D'' Legrand
du Saulle, Daubigny. Son œuvre la plus importante est le
groupe en bronze de Philippe Pinel, enlevant les fers
aux aliénés, exposé en 1881 et placé ensuite devant l'hos-
pice de la Salpêtrière à Paris.
DURAND (Eugène-François-Joseph), jurisconsulte et
homme politique français, né à Tinténiac (lUe-et-Vilaine)
le 13 avr. 1838. Avocat à Rennes (1859), il fut chargé
du cours de droit romain à la faculté de cette ville en 1864
et devint titulaire de la chaire de code civil le 13 avr.
DURAND
— 142
1868. Conseiller général d'Ille-et-Vilaine depuis 1870, il
fut élu député de Saint-Malo le 6 mai 1877, avec un pro-
gramme républicain. Membre des 363 il fut réélu avec eux
le 28 oct. 1877, et de nouveau en 1881 et en 1885. Il ap-
puya la politique des cabinets Dufaure et J. Ferry et de-
vint sous-secrétaire d'Etat au ministère de l'instruction
publique le 28 févr. 1883. Il occupa ces fonctions jusqu'au
30 mars 1885. Il ne se représenta pas aux élections légis-
latives de 1889, et fut nommé le 28 nov. consedler à la
cour de cassation. Outre ses thèses de doctorat : Des
Sociétés vectigalium et des Sociétés en commandite
par action (1863, in- 8), il a publié : Des Offices con-
sidérés au point de vue des transactions privées et
des intérêts de VEtat (Paris, 1863, in-8) ; Du Service
personnel dans V armée et des devoirs de VEtat envers
les blessés (1882, in-8) ; Des Donations déguisées
(1874, in-8), etc. . ,
DURAND (Jean-Baptiste), homme politique français, ne
à Moirax (Lot-et-Garonne) le 22 déc. 1843. Maire d'Agen,
conseiller général du Lot-et-Garonne, il fut élu sénateur
de ce dép. le 5 janv. 1888. Il siégea à gauche et se pro-
nonça contre le boulangisme.
DURAND (Simon), peintre suisse contemporain, ne
à Genève. Elève de Barthélémy Menn, cet artiste cultive
la peinture de genre; les sujets qu'il traite sont pleins
d'originalité et d'humour, et rendus avec une finesse d'ob-
servation remarquable. Les principaux sont: Après V exer-
cice, sujet militaire (1872); Une Noce à la mairie (1875);
Une Société fermée, types de propriétaires villageois
(1876). . Ad. T.
D U RAN D-Brâger (Jean-Baptiste-Henri), peintre français,
né à Dol (Ille-et-Yilaine) le 21 mai 1814, mort à Paris le
25 avr. 1879. Engagé d'abord dans la marine, il fit en
même temps ses premières études artistiques avec Gudin ;
après plusieurs voyages, il se mit sous la direction d'Eu-
gène Isabey. Mais l'atelier ne pouvait le retenir longtemps,
et l'on peut dire que ce fut pendant ses campagnes de
marin aux quatre coins du monde, que Durand-Brager
étudia et pratiqua la peinture. Noter par le menu ses diffé-
rents voyages et leurs incidents serait impossible. En 1840,
il assista à l'exhumation des restes de Napoléon P^ à
Sainte-Hélène, et il publia en 1844, sur cette cérémonie,
un grand ouvrage in-foL, texte et planches. En 1840
également, il avait débuté au Salon avec un Bombardement
d'Alger par Duqiiesne ; en 1844, il exposa le Combat
de la frégate française Niémen contre les frégates
anglaises Amethyst et Arethusa (musée de Bordeaux).
Différents tableaux, qui lui furent commandés ensuite, ont
péri dans les incendies du Palais-Royal, des Tuileries et
du château de Neuilly en 1848 : le Bombardement et la
prise de Mogador (1845); six tableaux panoramiques de
la Rade de Rio de Janeiro ; plusieurs Vues du Brésil et
les Combats de Tanger et de Saint- Jean d'Ulloa, Pen-
dant la guerre d'Orient (1855, il envoya aux journaux la
Patrie, le Monde illustré et V Illustration, d'intéres-
santes correspondances et de très nombreux dessins. Le
musée de Versailles contient vingt et un tableaux pano-
ramiques, où il a représenté la ville et les environs de
Sébastopol, ainsi que les opérations d'attaque de cette
place. Il accompagna, quelques années après, l'empereur
Napoléon liï dans son voyage en Bretagne et en Normandie,
et peignit une suite de vingt petits tableaux représentant
les épisodes officiels de ce petit voyage. H peignit aussi
une suite semblable pendant le voyage d'Algérie, dont il
fit encore partie; ces dernières toiles sont actuellement à
l'Elysée. En 1857, il avait peint pour l'empereur de Russie
une grande toile panoramique, le Combat de Sinope. En
1867, il exécuta, pour l'empereur d'Autriche, deux pano-
ramas de la Bataille de Lissa. En 1869, il fit pour Ver-
sailles le Combat naval de Simonosaki, 4 sept, 1864.
Outre les œuvres précédemment citées, on connaît encore
de lui : Grand Navire échoué à marée basse (musée de
Laval), et une Vue d'Eupatoria (musée de Nantes). La
grande quantité de vastes compositions qui ont été peintes par
Durand-Brager, le caractère officiel des commandes qui lui
étaient faites, n'étaient guère favorables au développement de
réelles qualités artistiques ; aussi, tout en rendant justice au
dessin savant, ferme, bien en perspective, au coloris juste
et lumineux de ses grandes scènes maritimes, il faut recon-
naître que leur ensemble présente toute la sécheresse et la
froideur d'un compte rendu, plutôt fait pour des archives
ministérielles que pour un musée. Plusieurs relations de
ses voyages, des anecdotes recueiUies pendant les cam-
pagnes auxquelles il a assisté, ont été publiées par lui-
même ; il faut y ajouter de nombreux ouvrages illustrés ,
entre autres : la Marine française (in-fol. , 36 pi.);
la Marine du Commerce (in-fol., 36 pK); Physiologie
des armées européennes, et surtout un Voyage autour
du monde. Ad. Thiers.
DURAND-Clâye (Charles-Léon), ingénieur français, né
à Paris le 7 mai 1830. Inspecteur général des ponts et chaus-
sées (1891). Après quelques années passées dans des ser-
vices départementaux et en Espagne dans une compagnie
de chemins de fer, Léon Durand-Claye a été attaché à
l'Ecole des ponts et chaussées, où il professe actuellement
(1892) la chimie appliquée à l'art de l'ingénieur, la cons-
truction et l'entretien des routes, en même temps qu'il
dirige le laboratoire d'essais, auquel tant d'ingénieurs et
d'industriels ont recours pour l'analyse des pierres à chaux,
des ciments, etc. Léon Durand-Claye est l'un des princi-
paux collaborateurs de V Encyclopédie des travaux pu-
blics; il a donné à cette grande collection spéciale : Chi-
mie appliquée (1885) ; Routes (dans Routes et chemins
vicinaux, 1885), par L. Marx et L. Durand-Claye ; L^f^T
des plans et nivellement, en collaboration avec les ingé-
nieurs des mines Pelletanet Lallemand (i887). Dans tous
ses ouvrages, Durand-Claye fait preuve de beaucoup de
talent et d'un soin minutieux pour être complet dans tous
les sujets qu'il aborde. On cite particulièrement son cha-
pitre sur les mortiers d la mer, dans le premier des
ouvrages que nous venons de citer ; on évitera tout mé-
compte dans les travaux de ports en se pénétrant des prin-
cipes et des faits dont on trouve l'exposé dans l'œuvre de
Durand-Claye. M.-C. L.
DURAND-Clâye (Alfred-Augustin), ingénieur français,
frère du précédent, né à Paris le 10 juil. 1841, mort à
Paris le 27 avr. 1888. H appartenait au corps des ponts
et chaussées et occupait en dernier lieu les fonctions d'in-
génieur en chef de l'assainissement de Paris. Il était aussi
professeur d'hydraulique agricole à l'Ecole nationale des
ponts et chaussées et professeur à l'Ecole des beaux-arts.
Durand-Claye est surtout connu du grand public par son
remarquable talent de parole mis au service, avec une
ardeur infatigable, de la thèse qu'il a soutenue pendant
tant d'années pour l'extension de l'emploi des eaux
d'égout, thèse qui a définitivement triomphé après sa mort,
n était le successeur de M. Mille, inspecteur général des
ponts et chaussées, savant modeste, qui s'était effacé de-
vant son jeune émule, après avoir été le premier cham-
pion de la cause qu'ils ont servie en commun. On a de
Durand-Claye, outre de nombreuses brochures sur la salu-
brité de Paris : Stabilité des voûtes en maçonnerie {An-
nales des ponts et chaussées, 1867), travail important qui
est resté et qui n'a pas tardé à entrer dans l'enseignement
des écoles d'ingénieurs, en France et à l'étranger ; Stabi-
lité des arcs métalliques {Annales, 1868) ; Assainisse-
ment de Bruxelles {ibid.,iS10) ; Voûtes biaises {ibid.,
1872) ; Hydraulique, Affouillements {ibid., 1873);
Pompes centrifuges {ibid., 1873); Lac Fucino {ibid.,
1878), supplément à son mémoire sur la Stabilité des
voûtes (1880). Le cours d'Hydraulique agricole, auto-
graphié à l'Ecole des ponts et chaussées du vivant de
l'auteur, a été imprimé en 1890, après revision discrète
par M. Launay, ingénieur des ponts et chaussées; c'est un
ouvrage (Paris, 2 vol. in-8) qu'on consultera encore long-
temps avec fruit. On doit aussi à Durand-Claye, en colla-
413 -
DURAND
boration avec son frère Léon, un mémoire sur les Gise-
ments actuels de guano au Pérou, paru en 4876 dans
les Annales des ponts et chaussées. Son œuvre maîtresse
est l'irrigation par les eaux d'égout dans la presqu'île de
Gennevilliers, premier essai du système qui sera déve-
loppé à Tart. Egout).
DURAND DE Champagne [Campanus), franciscain, con-
fesseur de Jeanne de Navarre, femme de Philippe le Bel.
Il écrivit une Somme des confesseurs, très étendue, et un
Miroir des dames {Spéculum Dominarum). C'est à tort,
comme l'a prouvé M. Delisle, qu'on lui a attribué un Di-
rectorium con f essor um.
BiBL. : DupiN, Nouv. Bibl. des auteurs ecclésiastiques,
1701, XIV, 255. — Fabricius, Bibliotheca lat. med. et inf.
tBb/is,1734, 11,203.— OuDiN, Commentarius de scriptoribus
eccl. antiquis^ 1722, III, 956 ; Supplementum de script,
eccl. a Bellarmino omissis, 1728, 487. — Sbaraglia, Sup-
plementum ad scriptores trium, ordinum, S. Francisci a
Waddinqo aliisve descriptos, 1806, 225. — L. Delisle,
dans Hist. lilt. de la France, XXX, 302-333.
DURAND deDistroff (François-Marie), diplomate fran-
çais, né à Thionville le 49 mai 4744, mort au Ban-Saint-
Martin, près de Metz, le 5 août 4778. D'une famille de
conseillers au parlement de Metz, Durand de Distroff,
après avoir étudié à l'université de Pont-à-Mousson, suc-
céda à son père dans sa charge en 4740. Il débuta dans
la diplomatie aux conférences d'Aix-la-Chapelle en 4748.
Il fut ensuite chargé d'affaires à Londres (4749), puis en
Hollande (4754). En 4754, il fut envoyé en Pologne pen-
dant l'absence du comte de Broglie et il revint dans ce
pays après le départ définitif de ce dernier en 4758. Il y
resta jusqu'en 4760, fut nommé garde du dépôt des ar-
chives en 4762 et partit presque aussitôt pour Londres
avec le duc de Nivernais. Il resta dans cette ville jusqu'en
avril 4763 et revint à cette date diriger les archives des
affaires étrangères jusqu'au 8 juin 4 766. Il remplit même une
nouvelle mission à Londres jusqu'en novembre de la même
année et fit encore l'intérim entre l'ambassade de Grouchv
et celle de Du Châtelet dans cette ville, en 4767-68. Il fut
envoyé ensuite à Vienne comme ministre plénipotentiaire
de 4770 à '177^2, et en juillet de la même année alla rem-
plir les mêmes fonctions à Pétersbourg jusqu'en 4775. Ce
fut sa dernière mission diplomatique. Diplomate très avisé,
d'une science et d'une expérience consommées, Durand de
Distrofi est le modèle de ces diplomates de l'ancien régime
qui, sans remplir jamais des missions d'éclat, surent ga-
rantir une partie au moins du patrimoine national des
fautes et des défaillances de l'ancien régime. L. Farges.
Bibl. : L. de Lamas, Eloge de Durand de Distroff;
Metz, 1869, in-8. — A. Baschet, Hist. du dépôt des
affaires étrangères; Paris, 1875, in-8. — Boutaric, Co7'r.
secrète de Louis XV ; Paris, in-8. — Duc de Broglie,
le Secret du roi; Paris, in-8. — A. Sorel, Instructions
aux ambassadeurs de France en Autriche ; Paris, 1883,
in-8. — L. P'arges, Instructions aux ambassadeurs de
France en Pologne; Paris, 1888, in-8. — A. Rambaud,
Instructions aux ambassadeurs de France en Russie;
Paris, 1890, in-8.
DURAND de Maillane (Pierre-Toussaint), jurisconsulte
et homme politique français, né à Saint-Remi (Provence)
le 4«^nov. 47*^9, mort à Aix le 45 août 4844. Il était
avocat au parlement d'Aix, lorsque le tiers état de la séné-
chaussée d'Arles l'envoya siéger aux Etats généraux de
4789. Il fut l'un des premiers à demander que le mariage
devienne un contrat civil, ce qui lui valut les attaques des
ecclésiastiques qui siégeaient à droite de l'assemblée. Il prit
une part active aux travaux et aux discussions d'où sortit
la constitution civile du clergé, système qu'il défendit dans
son Histoire apologétique du comité ecclésiastique de
l'Assemblée nationale (4791, in-8). Il fut envoyé à la
Convention par les électeurs des Bouches-du-Rhône et s'y
montra toujours modéré. Il fut ensuite membre du conseil
des Anciens jusqu'en 4797. Après le 48 fructidor an V, il
fut accusé d'avoir favorisé la rentrée des émigrés et empri-
sonné au Temple ; il fut mis en liberté en 4798. Après le
48 brumaire, il fut président du tribunal civil de Tarascon,
puis juge au tribunal d'appel d'Aix et fut mis à la retraite
grande encyclopédte. — XV,
en 1809. Ses principaux ouvrages sont: Dictionnaire de
droit canonique (Avignon, 4764, 2 vol. in-4 ; Lyon, 4770,
4 vol. in-4 ; ibid., 4776, 5 vol. in-4 ; ibid.,^ 4787, 6 vol.
in-8) ; Histoire du droit canonique (4769, in-4 2); Insti-
tutes du droit canonique (Lyon, 4770, 3 vol. in-4 2) ; les
Libertés de V Eglise gallicane (Lyon, 1774, 5 vol. in-4) ;
le Parfait Notaire apostolique par L.-J. Brunet, nouv.
édit. augmentée (Lyon, 4775, 2 vol.) ; Plan de code
civil et uniforme pour toute la République française,
imprimé par ordre du comité de législation (Paris, Impr.
nat., 4793, in-8) ; Histoire de la Convention (4825,
in-8). G. Regelsperger.
Bibl. : Notice biographique en tête de YHistoire de la
Convention.
DURAND-Desormeaux (Fernand), écrivain fran(:ais, né
à Saint-Jullien (Yonne) en 1840, mort à Brienon (Yonne)
le 30 juil. 4884. Substitut à Bar-sur-Seine en 4867, juge
au tribunal de Rambouillet en 4872, il démissionna en
4876. Devenu chef de cabinet de M. Méline au sous-secré-
tariat de la justice, il fut nommé le 7 févr. 4879 directeur
du personnel au même ministère, démissionna en 4880 et
fut nommé conseiller d'Etat. Il a laissé deux ouvrages re-
marquables : Etudes philosophiques (Paris, 4884, 2 vol.
in-8); Réflexions et Pensées (4884, in-8).
DURAND-Gréville (Emile-Alix), littérateur et érudit
français, né à Montpellier le 43 avril 4838. Il habita
longtemps la Russie et il professa la langue française à
l'Ecole de droit de Saint-Pétersbourg, et la littérature
française au Cours pédagogique (école normale supé-
rieure des filles). Il rentra à Paris en 4872. Depuis
plus de vingt ans, M. Durand-Gréville a publié dans le
Journal de Saint-Pétersbourg de nombreux articles d'art,
de littérature et de science. Il a donné au journal français
le Temps la traduction des principales œuvres d'Yvan
Tourguénef, entre autres Terres vierges, roman qui
fut de nouveau publié en 4884, sans le nom du tra-
ducteur. Il a fourni aussi au même journal, en 4886,
une longue étude sur la Correspondance de Tourgué-
nef; plus tard, en 4889, nous trouvons sous sa signa-
ture, dans la Bibliothèque universelle, une remarquable
analyse de l'œuvre du célèbre romancier russe, et un vo-
lume, les Chefs-d'œuvre dramatiques d' Ostrowsky ,
traduits du russe et précédés d'une étude sur l'auteur
(Paris, 4889). Versé dans la connaissance du petit-rus-
sien, il donna en 4876, à la Revue des Deux Mondes,
sous la signature Emile Durand, une étude sur Chevtchenko,
le poète national de la Petite Russie. M. Durand-Gréville
est, par les travaux que nous venons d'énumérer, l'un des
hommes qui ont le plus contribué à faire connaître et ap-
précier en France la littérature russe contemporaine. —
Comme critique d'art, il a fourni de nombreux articles à
la Gazette des beaux-arts, à VArt, à V Artiste, au Bul-
letin des musées, kh Nouvelle Revue, à la Revue bleue,
et il fut chargé en 4885-86, par le gouvernement fran-
çais, d'une mission d'art en Amérique. Signalons encore
une'mtéressante brochure, la Galerie française de V Aca-
démie des beaux-arts de Saint-Pétersbourg (Saint-
Pétersbourg, 4874). Les recherches sur les procédés
techniques des peintres de l'école hollandaise, et en parti-
culier de Rembrandt, l'amenèrent à étudier les couleurs,
leur application et leurs altérations à travers les âges. De
là sont nées d'importantes publications sur la couleur du
décor des vases grecs, insérées dans la Revue archéolo-
gique (4891) et qui ont provoqué l'attention des chimistes
aussi bien que des archéologues. On doit encore à M. Du-
rand-Gréville des Recherches étymologicfues (Saint-
Pétersbourg, 4866) et des études de mathématiques, de
physique et de météorologie publiées dans la Nouvelle
Revue (astronomie physique), dans la Bibliothèque uni-
verselle (météorologie), dans la Nature et dans la Revue
scientifique. Collaborateur de la Grande Encyclopédie,
M. Durand-Gréville y est chargé particulièrement de la
météorologie. ^' t)-
8
DURAND — DURANDO
- lU -
DURAND-Gréville (Alice Fleury, femme), épouse du
précédent, connue sous le pseudonyme d'Henry Gréville,
romancière française, née à Paris le 12 oct. 184^2. Fille du
professeur Jean Fleury (V. ce nom), elle le suivit à Saint-
Pétersbourg (18o7) où elle se maria. Elle revint à Pans en
1872. Depuis 1876, elle a fait paraître un grand nombre
de romans ; ils ont obtenu un vif succès ; la description
des mœurs de la société russe, l'élégante simplicité du
style, les qualités d'observation de l'auteur, l'élévation de
son idéal moral, l'intérêt de ses récits y ont également
contribué. Voici la liste de ces nouvelles et romans qui
ont eu généralement plusieurs éditions : A travers champs
(1872); Dosia (1876, in-18); l'Expiation de Savéli
(1876, in-8) ; la Koumiassine (1877, 2 vol. in-18) ;
la Princesse 0^/ié?'ro/*(1877,in-18) ; Sonia(iSll,iïi-\S) ;
Stéphane Makarief (1877, in-18) ; Autour d'un phare
(1877, in-18) ; Suzanne Normis (1877, in-18); Nou-
velles russes, les Epreuves de Raïssa (1877, in-18);
■ la Maison de Maurèze (1877, in-12) ; rAmie (1878,
in-12) ; Marier sa fille (1878, in-12) ; Ariadne (1878,
in-12); la Niama (1878, in-12); Bonne Marie (1878,
in-12) ; Lucie Rodey (1879, in-12) ; les Mariages de
Philomène (1879, in-12); Un Violon russe (1879,
in-12^; Croquis (1880, in-12); Cité Ménard (ISSO,
in-12) ; l'Héritage de Xénie (1880, in-12) ; le Moulin
Frappier (1880, in-12) ; les Degrés de l'échelle (1881,
in-12); Madame de Dreux (1881, in-12); Perdue
(1881, in-12); le Fiancé de Sylvie (1882, in-12) ;
Rose Rozier (1882, 2 vol. in-12); le Vœu de Nadia
(1882, in-12); Une Trahison (1882, in-12); Louis
Br^m/ (1883, in-12); l'Ingénue (1883, in-12); An-
gèle (1883, in-12); Un Crime (1884, in-12) ; Folle
Avoine (1884, in-12) ; le Mors aux dents (1885, m-12) ;
les Ormes (1885, in-12) ; Claire fontaine (1885, in-12) ;
Idylles (1885, in-12); Cléopâtre (1886, in-12); le
Comte Xavier (1887, in-12) ; la Fille de Dosia (1887,
in-12); Frankley (1887, in-12) ; Mkanor (1887, in-12) ;
Comédies de paravent (1888, in-12) ; la Seconde Mère
(1888, in-12) ; Chant de Noces (1889, in-18), etc.
Un drame en cinq actes, l'Expiation de Savéli, a été
joué à Lille (1888). Henry Gréville a publié en 1882 un
Manuel d'instruction civique et morale des ieunes
filles,
DURAND-MoLARD (Martin), publiciste français, né à
Chàtillon-les-Dombes en 1771, mort à Nantes en 1831. Il
se lança au moment de la Révolution dans la presse roya-
liste, collabora aux Nouvelles politiques, au Courrier
républicain, au Courrier français, sut échapper aux
poursuites dirigées contre lui et, condamné à mort par
contumace par un conseil militaire en 1795, put rentrer
en France en 1797 sans être inquiété. Il dirigea alors
l'Europe politique et littéraire, mais il fut inscrit sur
les listes de proscription du 18 fructidor et dut quitter
Paris. Il y revint après le 18 brumaire, fut nommé en
1802 secrétaire général de la Martinique où il demeura
jusqu'en 1807. Il occupa de nouveau ce poste sous la Res-
tauration (1814-1827). On a de lui quelques opuscules :
Antidote à la proclamation du Directoire (Lyon, 1799) ;
Essai sur l'administration intérieure des colonies
(Paris, 1814). Il a aussi publié le Code de la Martinique
(1807).
DU RAN D-Savovat (Napoléon), homme politique français,
né à Izeaux (Isère) le 24 oct. 1800, mort à Cornillon-en-
Trièves (Isère) le 25 avr. 1859. Elève de la fameuse école
d'agriculture de Roville, il cultiva en grand ses propriétés
de l'Isère. RépubUcain convaincu, il dirigea en 1830 le
Dauphinois et fut élu en 1 848 représentant de l'Isère à
la Constituante où il combattit vivement la politique de
Louis-Napoléon. Réélu à la Législative, il fit partie du
comité de résistance au coup d'Etat du 2 déc. et demeura
ensuite dans la vie privée. — Son neveu, Léonce^Emile
Durand-Savoyat, né à Monestier-de-Clermont (Isère) le
14 févr. 1847, avocat à Grenoble, fut élu conseiller gé-
néral de l'Isère, puis député de ce département en 1885.
A la Chambre, il appuya la politique opportuniste et com-
battit le boulangisme.il ne se représenta pas aux élections
générales de 1889 et fut nommé sénateur de l'Isère le
15 févr. 1891.— James Durand-Savoyat,fils de Napoléon,
né à Mens en 1849, commerçant et agriculteur, a été élu
député de Grenoble aux élections du 22 sept. 1889 par
5,111 voix contre 4,548 à M. Louis Guillot, député sor-
tant. Son programme le classe parmi les opportunistes.
DURANDO (Giovanni), général piémontais, né à Mon-
dovi le 23 juin 1804, mort à Florence le 27 mai 1869.
Lieutenant au régiment de Cuneo, il fut impliqué avec son
frère dans une conspiration libérale, en 1831, destitué et
obligé de s'exiler. Il se rendit d'abord en Belgique, puis
en Portugal (1832), où il servit dans l'armée constitution-
nelle, et enfin en Espagne (1835), où il combattit aussi
pour la liberté et parvint au grade de général. Rentré en
Piémont, il fut appelé à Rome en 1848 et reçut le com-
mandement des troupes qui devaient coopérer à la guerre
de l'indépendance nationale. Il les conduisit en Vénétie et
dirigea l'admirable défense de Vicence (21 mai-11 juin).
Réintégré dans l'armée sarde, il commanda une division
dans la campagne de Novare, où il éprouva un grave échec
à Mortara (1849), dans l'expédition de Crimée (1855), et
à Solferino, où il soutint efficacement le maréchal Bara-
guey-d'Hilliers (1859). Nommé général d'armée en 1860,
il exerça de grands commandements en Toscane, sur la
rive droite du P6, à Naples (1861), en Lombardie, où
il se trouvait lors de l'affaire de Sarnico (1862). Dans la
campagne de 1866, il eut sous ses ordres le premier
corps et fut grièvement blessé à Custoza. Député en 1848
et 1849, ilsiégea à droite. Il était sénateur depuis le
29 févr. 1860.
DURANDO (Giacomo), frère du précédent, général et
homme politique piémontais, né à Mondovi en 1807. Fils
d'un procureur, il fit son droit à Turin. Compromis avec
Brofferio dans une conspiration (1831), il passa en Bel-
gique, s'engagea dans la légion étrangère, et, après la
dissolution de celle-ci, alla avec son frère combattre en
Portugal pour la cause constitutionnelle (1832), puis en
Espagne avec la légion italienne des chasseurs d'Oporto, et
devint colonel en 1838. Après la capitulation deSaragosse,
il se retira à Marseille (1844), où il publia en français un
opuscule intitulé : De la Réunion de la Péninsule ibé^
rique par une alliance entre les dynasties d'Espagne
et de Portugal. Rentré en Piémont (1845), il écrivit son
livre de La Nazionalità italiana, qu'il vint faire imprimer
à Paris (juil. 1846). Il y soutenait une seule monarchie
nationale, une constitution, et l'aboHtion du pouvoir tem-
porel de la papauté. Cette publication, qui produisit une
impression très vive, l'obligea à rester en exil jusqu'en
1847. Revenu dans sa patrie au moment des réformes, il
fonda à Turin l'Opinione, et fut, avec Cavour, Pietro di
Santarosa et Brofferio, des premiers à réclamer une cons-
titution. En 1848, le gouvernement provisoire de Lom-
bardie lui donna, avec le grade de général, le commande-
ment des volontaires lombards, qui défendirent la frontière
du Tirol (V. Caffaro). Après l'armistice de Salasco, il
ramena, par une marche hardie, toute sa troupe sur le
territoire piémontais. On l'envoya comme commissaire royal
à Gênes pour y calmer l'agitation. Député de Mondovi, il
fut vice-président de la Chambre. Aide de camp du roi
Charles-Albert, il l'accompagna à Novare et assista à son
abdication (23 mars 1 8 49) . Dévoué à la politique de Cavour,
le général Giacomo Durando contribua beaucoup à faire
voter le traité d'alliance avec les puissances occidentales.
Il remplaça La Marmora comme ministre de la guerre pen-
dant l'expédition de Crimée (1855). Il entra alors au
Sénat. Il fut ensuite ambassadeur à Constantinople (1856-
1861). En juil. 1861, il conclut un traité avantageux avec
la Porte, qui reconnut le royaume d'Italie. Rattazzi lui
confia le ministère des affaires étrangères (31 mars 1862).
Au lendemain d'Aspromonte, il adressa aux puissances
— 118 —
DURANDO — DURANTI
une note qui démontrait la nécessité d'une solution des
questions de Rome et de Venise (40 sept.). Il tomba du
pouvoir avec Rattazzi (8 déc.). Tous les partis, depuis
lors, se sont plu à entourer le général Giacomo Durando
de leur vénération. F. H.
DURANGO. Ville d'Espagne, ch.-l. de district de la
prov. de Biscaye, sur la rivière du même nom, située dans
une plaine couronnée de hautes montagnes ; 4,276 hab. Le
pays produit surtout des fruits ; le commerce est assez
actif ; il y a plusieurs moulins, des usines métallurgiques
et quelques manufactures de tissus. E. Cat.
DURANGO. Etat du Mexique, borné à l'O. par la
Sinaloa, à FE. par la Coahuila et le Zacatecas, au S. par
le Jalisco, au N. par le Chihuahua, 110,170 kil. q.;
200,000 hab. environ. Il est entièrement formé par la
sierra Madré et touche au N. au Bolson de Mapimi, auquel
il envoie le rio Nazas. C'est donc une région élevée,
froide en hiver, sans chaleurs excessives en été et peu
humide. On y cultive par suite le coton, le blé, le maïs.
L'Etat renferme de nombreuses mines, notamment d'or,
d'argent et de cuivre; mais les moyens de transport, la
sécurité et les bras manquent pour les exploiter. C'est le
moins peuplé des Etats du centre. — La capitale est
Durango^ fondée au xvi® siècle, mais embellie à la fin du
xviii® siècle par le mineur Zambrano; c'est aujourd'hui
une des plus belles villes du Mexique; 12,500 hab.
DURÂNIS (Dourânis). Dynastie afghane qui a régné
dans le Khorassan, à Péchâver et dans le Pendjab de
1747 à 1842. Elle se compose de dix princes dont le pre-
mier est Ahmed-châh et le dernier iVltâf-Djang. Ils tiraient
leur nom du pays de Durân au S.-O. de Kandahar, dont
cette famille était originaire. Il existe de très belles mon-
naies d'or des Durânis, frappées à l'imitation de celles des
grands mogols de l'Inde. E. Dr.
BiBL. : LoNGwoRTH, Coiiis of the Durânis^ clans le
Numism, chronicle^ 1888.
DURANT, DURANTI OU DURANTIS (Guillaume), évêque
de Mende (V. Durand [Guillaume]).
DURANT (Gilles), sieur de La Bergerie, poète français,
né à Clermont (Auvergne) vers 1550, mort en 1615.
Avocat au parlement de Paris. On peut citer de lui : A
Mademoiselle ma commère sur le trépas de son âne,
curieux pamphlet contre la Ligue qui se trouve d'ordinaire
annexé à h Satyre Ménippée ; Imitations tirées du latin
de J. Bonne fons avec autres gaietés amoureuses de
Vinvention de Vauteur (Paris,^ 1587, in-12; plusieurs
éditions); les Œuvres poétiques (Paris, 1594, in-12).
DURANT (Miss Susan), sculpteur, née dans le Devon-
shire en 1830, morte à Paris le 1^"^ janv. 1873. Elève de
Triqueti, elle a commencé à exposer en 1847. Ses prin-
cipaux envois sont : Une Jeune Fz7/^ (statue ; S. 1850);
Hobin Hood (S. 1856) ; la Bergère fidèle (statue
1866), etc. Miss Durant a fait de nombreux portraits,
bustes ou médaillons, celui de la princesse Louise^ son
élève, de M^^ Beecher-Stowe, le monument funèbre du
Roi Léopold, dans la chapelle Saint-George à Windsor,
une série de bas-reliefs sur le mythe d'Achille et de Thétis
chez sir Goldsmid. F. Courboin.
DURANT DE Breval (John) (V. Breval).
DURANTE, poète italien du commencement du xiv^ siè-
cle. Tout ce qu'on sait de lui, c'est qu'il était Toscan, qu'il
exerçait la profession de notaire et qu'il composa une série
de deux cent trente-deux sonnets dont l'ensemble forme
un poème qui peut être cojnsidéré comme une imitation très
libre du célèbre poème français du Roman de la Rose. Le
poème italien, auquel le premier éditeur a donné le nom de
Il Fiore, parce que le mot rose y est remplacé par le terme
plus vague de fleur ^ ne nous est parvenu que dans un seul
manuscrit conservé dans la bibliothèque de la Faculté de
médecine de Montpellier. M. Castets l'a publié pour la pre-
mière fois en 1881 ; une édition meilleure a été donnée
tout récemment par M. Mazzatinti ; elle se trouve, précédée
d'une longue introduction de M. Gorra, dans le recueil
intitulé Inventario dei manoscritti italiani délie bibl.
di Francia (Rome, 1888, t. III, pp. 419-730). Ant. T.
DURANTE (Francesco), célèbre compositeur napolitain,
chef d'une école renommée, né à Frattamaggiore (royaume
de Naples) le 15 mars 1684, mort le 13 "août 1755. Il
fit ses études au conservatoire de Naples dit Dei poveri
di Giesii Christo et travailla avec Greco et Scarlatti.
Homme bourru, timide de caractère, froid par tempérament,
mais très religieux. Sans avoir la richesse harmonique de
l'école romaine, son œuvre religieuse, déjà plus mélodique,
a des qualités de premier ordre, tant par l'abondance des
développements que par la sûreté des tonalités. Son har-
monie est savante, souvent déUcate, et l'écriture des parties,
toujours chantantes et faciles, a une souplesse, un peu
mièvre peut-être, que l'on ne rencontre pas dans la rude
et puissante école romaine. Durante n'a rien écrit pour le
théâtre, quoiqu'il ait formé nombre d'élèves qui ont excellé
dans cet art et oublié, pour les succès faciles de l'opéra,
la composition religieuse qui restera toujours le plus beau
fleuron de la vieille école italienne. En l'année 1742, Du-
rante fut nommé maître du conservatoire de Loreto et c'est
là qu'il forma nombre de ses célèbres élèves. Il laissa un
œuvre considérable composé de soixante-deux numéros. La
collection complète en a été apportée en France et est
devenue la propriété de la bibliothèque du Conservatoire.
Elle se compose de treize messes ou fragments de messe ;
quinze psaumes ; six antiennes ; trois hymnes ; dix-neuf
motets ; des cantates et sonates. Ch, Bordes.
Bibl. : Fétis, Biog7'aphie des musiciens. — Marquis dd
ViLLADORA, Mémoires sur les musiciens napolitains.
DURANTHON (Antoine), homme politique français, né
à Mussidan (Dordogne) en 1736, mort à Bordeaux le 20 déc*
1793. Avocat à Bordeaux, procureur-général-syndic du
dép. de la Gironde, il fut nommé ministre de la justice à
la place de Duport-Dutertre (13 avr.-3 juil. 1792). Il fut
en butte aux suspicions du côté gauche de la Législative à
cause de sa mollesse et de son impéritie à l'occasion des
troubles religieux. Le compte qu'il rendit à ce sujet le
24 juin 1792 fut déclaré insuffisant, et il démissionna le
3 juil. suivant. Retiré dans sa famille à Bordeaux, il fut
arrêté à la fin de 1793 et condamné à mort par la com-
mission militaire établie dans cette ville pour juger leâ
fédérahstes. F.-A. A.
^ DURANTI (Jean-Etienne), de son vrai nom Durant, ma*
gistrat français, né à Toulouse en 1534, mort assassiné
à Toulouse le 11 févr. 1589. Duranti était fils d'un con-
seiller au parlement de Toulouse, et débuta avec succès
au barreau de cette ville. Il fut élu capitoul en 1563
et, en cette qualité, harangua Charles IX, lorsque ce roi
vint à Toulouse. Il fut nommé ensuite avocat général^
puis, en 1581, premier président, toujours au même parle-
ment. Ce dernier poste fut fatal pour lui. Toulouse prit
parti pour la Ligue. Dans une assemblée des capitouls, la
question de la déchéance du roi Henri III avait été posée,
après les paroles véhémentes d'un avocat toulousain,
Tournier ; Duranti, fidèle au pouvoir royal, prononça la
dissolution de l'assemblée. Le 24 janv. 1589, il convoqua
le parlement devant lequel les attaques contre le roi se
renouvelèrent. Des bandes armées envahirent la salle ; le
président Duranti ne put regagner de suite sa demeure et
se réfugia chez les capitouls. Rentré plus tard chez lui, il
s'y tint plusieurs jours enfermé; mais l'émeute progressait^
et les Dix-huit, qui étaient les chefs du mouvement,
firent arrêter Duranti. Il fut conduit à l'hôtel de ville, puis
au couvent des Jacobins que la foule envahit, accusant
Duranti de conspirer du fond de sa prison. Le premier
président essaya de haranguer ses persécuteurs, mais il
tomba bientôt frappé d'un coup d'arquebuse. Le peuple se
jeta sur lui, le perça de coups et traîna son cadavre dans
les rues ; on l'attacha au pilori, avec le portrait de Henri III
placardé au dos. Il fut enterré secrètement le lendemain
dans l'église des Cordeliers. Son beau-frère, Jacques Daffis,
avocat général, subit le même sort que lui. Henri IV, par
DURANTI — DURAS
146 —
redit de Folembray, dul^^ janv. 1596, donna à la ville de
Toulouse des lettres d'abolition des meurtres de Duranti et
de Daflis. Duranti a écrit De Ritibus Ecclesiœ catholicce
libri m (Rome, 1581, in-fol. et in-8 ; Lyon, 1594 ; Paris,
1624). G. Regelsperger.
BiBL. : Narratio fidelis de morte D. D. Joa. Stepk. Du-
ranti; Paris, 1600. — Garren, Eloge de Jean-Etienne
Duranti; Toulouse, 1771. — Cour royale de Toulouse;
audience solennelle de rentrée du 6 nov. 1844. Discours de
M. l'avocat général Lafiteau, Duranti ; Toulouse, 1844.—
De Thou, Histoire. — Histoire générale du Languedoc,
par un religieux bénédictin de la Congrégation de Saint-
Maur (Dom Vaisséte); Paris, 1730-1745, t. V.
DURANTI (Durante, comte), poète et orateur italien,
né à Brescia en 1718, mort à Palazzolo le 24 nov. 1780.
Appartenant à un siècle rigoureusement dénué de toute
originalité poétique, il se borna, comme ses contemporains,
à imiter Pétrarque, Bembo, l'Arioste, les tragiques fran-
çais, ce qui lui attira l'estime générale et même de l'ad-
miration. Il passait également pour un orateur très distin-
gué : il composa du moins quelques discours qui ont été
imprimés : Orazione in morte del savio ed onorato
cavalière il signor Paolo Uggieri, Bresciano (Brescia,
1757) ; Orazione in morte del cardinale Angelo-Maria
Quirini, vescovo di Brescia (Brescia, 1757) ; Orazione
delta nel pieno gênerai Consiglio délia città di Brescia
a favore délia supplica de' miserabili abitanti di Bra-
golino (Brescia, 1780). Ses poésies se composent d'un
recueil d'épîtres, odes, canzones, etc., intitulé Rime (Bres-
cia, 1755), d'un petit poème, ÏUso, dans le genre du
Mattino de Parini, et de deux tragédies : Virginia (Bres-
cia, 1764); Attilius Regulus (Turin, 1771). R. G.
DURANTI DE BoNREGUEiL (Joseph), théologien français,
né à Aixle 8 juil. 1662, mort à Paris le 10 mai 1756.
Prêtre de l'Oratoire. On peut citer de lui : V Esprit de
V Eglise dans la récitation des compiles (Paris, 1734,
in-12), la traduction des Panégyriques des martyrs et
des Lettres de saint Jean Chrysostome, celle des Lettres
de saint Ambroise et de ses OEuvres sur la Virginité
avec une Dissertation sur les vierges (Paris, 1729), la
traduction des P5awm^5 de David, etc.
DURANTIN (Aimé-Adrien- Armand), auteur dramatique,
né à Sentis le 4 avr. 1818, mort en janv. 1892. Il débuta
à l'Odéon en 1843 par un acte écrit en collaboration avec
M. de Rieux, Un Tour de roulette. Il donna ensuite un
certain nombre de pièces Inédiocres parmi lesquelles :
l'Oncle à succession (Gymnase) ; la Mort de Strafford
(cinq actes en vers, Odéon, 1849) ; les Comédies de salon,
avec Anicet-Bourgeois ; la Femme d'un grand homme.
Il avait fourni à M. Alexandre Dumas fils le canevas
(entièrement retouché) d'Héloïse Paranquet, comédie
représentée sans nom d'auteur (Gymnase, 20 janv. 1866).
Une autre pièce en trois actes, Thérèse Humbert, échoua
au Gymnase en 1868. Le silence s'est alors fait autour de
cet auteur qui a donné quelques romans et a collaboré à
diverses publications littéraires en tête desquelles il con-
vient de citer les Français peints par eux-mêmes.
DURANTON (Alexandre), jurisconsulte, né à Cusset
(Allier) le 25 janv. 1782, mort en 1866. Inscrit au barreau
de Paris en 1810, il publia en 1 819 un Traité des Contrats
et des obligations en général (4 vol. in-8), très estimé.
Professeur de procédure civile à la Faculté de droit de
Paris après la mort de Pigeau (1820), il permuta en 1822
avec un de ses collègues pour prendre une chaire de code
civil. Ce fut alors qu'il écrivit son grand ouvrage, Cours
de droit civil français suivant le Code civil (Paris,
1825-1837, 21 vol. in-8; 4« édit., Paris, 1844, 22 vol.
in-8). Il prit sa retraite en 1856. Quoiqu'il ne plaidât pas,
il n'avait jamais voulu quitter le barreau ; il assistait aux
réunions d'avocats et aimait à y suivre et à encourager les
débuts de ses anciens élèves. — Son fils, Antoine-Jean-
Baptiste-Frédéric Duranton, né à Paris en 1818, lui
succéda dans sa chaire, après lui avoir servi de suppléant
depuis 1840.
DU RANTY (Louis-Emile-Edmond), littérateur français,
né à Paris le 5 juin 1833, mort à Paris le 10 avr. 1880.
Fils naturel, dit-on, de Prosper Mérimée, il débuta en
1856 dans les lettres en créant, avec J. Assézat et M. le
D^ Thulié, un journal intitulé /i^a//sm^, destiné à défendre
les théories de Champfleury et qui n'eut que six numéros.
Son premierroman, le Malheur d'Henriette Géra7'd(iS6\ ,
in-18, eaux-fortes d'Alph. Legros), fut suivi de la Cause
du beau Guillaume (1862, in-18) ; des Combats de
Françoise Duquesnoy (1878, in-18) et de trois recueils
de nouvelles : les Séductions du chevalier Navoni(iSl 6,
m-'\S);lesSix Baronsde Sept-Fontaines (1878, in-18) ;
le Pays des ar^5(1881, in-18). En 1862, il réunit sous
le titre de Théâtre des marionnettes du jardin des Tui-
leries (1862, gr. in-8) les saynètes dont il avait égale-
ment composé les illustrations. Défenseur convaincu d'ar-
tistes dont il n'a pu voir le triomphe, Duranty a écrit en
leur faveur de très nombreux articles qui n'ont point été
recueillis, à l'exception de la Nouvelle Peinture (1876,
in-8). Un travail important sur la Caricature étrangère
pendant la guerre de iSlO-li, inséré dans la Gazette
des beaux-arts, n'a pas été réimprimé, non plus que
d'autres études fournies au même recueil. M. Tx.
DURANUS. Com. du dép. des Alpes-Maritimes, arr. de
Nice, cant. de Levens; 182 hab.
DURANVILLE. Com. du dép. de l'Eure, arr. de Bernay,
cant. de Thiberville ; 285 hab. Fabrique de rubans. Eglise
avec un curieux portail roman du xi<^ siècle.
DURÀO (Antonio Figueira), poète latin portugais, né
à Lisbonne vers 1617, mort en 1642. Elève de l'Université
de Coïmbre, il devint de bonne heure un latiniste brillant, et
vers l'âge de dix-huit ans il acquit presque une célébrité par
son poème sur saint Ignace de Loyola : Ignatiados, qui ne
fut cependant imprimé que plus d'un siècle plus tard (Cor-
pus illustrium Poetaru m Lusitanorum ; Lisbonne, 1 747,
7 vol. in-4, t. V). A l'occasion de son doctorat en droit,
il improvisa devant ses juges un poème: Templum œterni-
tatis. Envoyé à San Luizde Maranham, au Brésil, en qua-
lité à'ouvidor, poste de haute magistrature, il y mourut au
bout de peu de temps. On lui doit encore des églogues
et des élégies qui sont supérieures à ses compositions
épiques. G. P-i.
DURAO (José de Santa Rita), poète épique brésilien,
né à Cata Prêta, près de Marianna, en 1737, mort à
Lisbonne le 24 janv. 1784. Elève du collège des jésuites
à Rio de Janeiro, il se fit recevoir docteur en théologie à
l'Université de Coïmbre le 24 déc. 1756 et entra dans
l'ordre des Ermites de Saint-Augustin à Leiria. S'étant
trouvé en conflit avec ses supérieurs, il quitta le Portugal,
fut longtemps retenu prisonnier en Espagne et passa douze
ans à Rome. Vers 1778, il emporta au concours une
chaire de théologie à Coïmbre, puis il devint prieur de son
ordre. N'oubliant point son origine brésilienne, il voulut
honorer sa patrie par un poème, et il prit pour sujet l'his-
toire fabuleuse de la découverte et de la colonisation de
Bahia par Diogo Alvares Corrêa, dit Caramurû (V. ce
nom). S'il ne brille pas par la composition, ce poème est
original dans les détails et captivant par la beauté de la
langue et l'harmonie de la versification. Durâo est l'un des
précurseurs immédiats des véritables épiques brésiliens. Le
Caramurû, publié à Lisbonne en 1781, a été réédité bien
des fois et fut traduit en français par Eug. Garay de Mon-
glave (Paris, 1829, 3 vol. in-12). G. Pawlowski.
BiBL. ; A. DE Varnhagen, Epicos brazileiros, 1845. —
Du môme, Florilegio da Poesia brazileira, 1850, t. I. —
J. Fr. DA SiLVA, Diccion. bibliogr. portug., t. V. —
F. WoLFF, le By^ésil littéraire, 1863.
DURAS. Ch.-l. de cant. du dép. de Lot-et-Garonne,
arr. de Marmande ; 1,612 hab. — La juridiction seigneu-
riale de Duras, qui devait être érigée en duché (1689) par
Louis XIV, et en duché-pairie, en 1755, appartenait, durant
lexiii^ siècle, à la puissante famille de Goth. Marquésiede
Goth, nièce du pape Clément V, l'apporta en dot à Arnaud
de Durfort, dont les descendants l'ont possédée jusqu'à la
Révolution. L'histoire de ces grands seigneurs, très mêlés à
— 147
DURAS — DUHBEC
tous les événements, est plus connue que celle de la ville
dont ils ont porté le nom. Rappelons seulement que Duras
fut pris par les Anglais en 1345 et 1424 et assiégé, en
1377, par le duc d'Anjou et Duguesclin. Pendant les guerres
de religion du xvi^ siècle, Montluc et Burie s'en emparèrent
en 1562. — La ville de Duras, dans une position forte, est
construite sur un plan assez régulier. Une porte, défendue
par une tour carrée, subsiste encore à l'E. ; à l'O., sur
un promontoire escarpé, s'élève le château, sorte de bas-
tille, au plan rectangulaire, flanquée de six tours rondes.
Ce château, du commencement du xv^ siècle, en a remplacé
un autre, rasé en 1389. Il a été remanié au xvi® et au
xviii^ siècle. A cette dernière époque, il se rattachait à un
parc superbe, qui s'étendait jusqu'au Drot. On cite : trois
tumulus dans les environs de Duras, à Baleyssagues, La-
mothe, Cocussote ; un cimetière antique, à Peyrecave ; un
cimetière carolingien, autour des substructions de la vieille
église de Saint-Ayrard. G. Tholin.
BiBL. : J. Favre, Précis historique sur la famille de
Durfort-Duras ; Marmande, 1858, in-8.
DURAS (Famille de) (V. Durfort).
DURAVEL. Com. diidép. du Lot, arr. de Cahors, cant.
de Puy-l'Evêque ; 1,532 hab. Hauts fourneaux et fonde-
ries. — Ancien camp romain. Eglise romane avec crypte.
Duravel est l'ancien Diolindum^ sur la voie romaine de
Cahors à Bordeaux. Place très forte au moyen âge ; la gar-
nison de Cahors désespérant de pouvoir défendre contre les
Anglais la vaste enceinte de cette place, sous le règne de
Charles V, se retira à Duravel et y brava avec succès
tous les efforts de Robert Knowles, capitaine anglais.
DURAZ NO. Ville de l'Uruguay, ch.-l. du département
ou même nom, sur leYi, traversé par un pont de 625 m. Elle
a 2,000 hab. — Le département, compris entre le Rio Negro
etl'Yi, a lB,252 kil. q. et 20,645 hab. (en 1884). L'éle-
vage du bétail est la principale ressource (V. Uruguay).
'DURAZZO. Ville d'Albanie, à 80 kil. de Janina. C'était
autrefois la ville grecque à'Epidamne, colonie des Cor-
cyréens, dont les Romains changèrent le nom (de mauvais
augure pour eux) en celui de Dyrrachium. Cette ville
était le point de débarquement des armées romaines :
la via Ëgnatia^ traversant toute la péninsule, conduisait
de Dyrrachium à Thessalonique. Séparée du continent
par de vastes lagunes, elle n'était abordable que par deux
étroits défilés ; Pompée en fit sa place d'armes ; César
vint l'y investir dans son camp; mais, après des tra-
vaux immenses, il renonça à bloquer l'armée pompéienne
qui avait l'avantage d'être maîtresse de la mer. Sous la
domination romaine, Dyrrachium avait le titre de cité
libre. — Robert Guiscard, en 1081, battit Alexis Comnène
devant Durazzo et s'empara delà ville après quelques jours
de siège. Lors de la conquête de Constantinople par les
Latins, elle échut aux Vénitiens. Le despote d'Epire, Théo-
dore-Ange Comnène, s'empara de la ville qui fut vaine-
ment assiégée par l'empereur Pierre de Courtenay (1220).
Durazzo fut apportée en dot par Hélène, fille du despote
d'Epire, à Manfred, roi de Naples ; Charles d'Anjou s'en
empara (1268). Durazzo fut érigé en duché en faveur de
son petit-fils Jean (1294), dont la postérité conserva cette
ville jusqu'en 1373 ; le duc Charles la vendit alors aux
Balsa qui possédaient la plus grande partie de l'Epire. Ba-
jazet II en fit la conquête. Le port de Durazzo est médiocre ;
mais la situation de cette ville lui donne et lui donnera
surtout quelque importance au point de vue des commu-
nications ; c'est le point d'atterrissement du câble de Brin-
disi. Le commerce est peu considérable (V. Albanie). C'est
le siège d'un archevêque grec et d'un évêque catholique-
latin. L. Del.
BiBL. : L. Heuzey, les Opérations mililaires de Jules
César étudiées sur le terrain par la Mission archéologique
de Macédoine (plan de la bataille de Dyrrachium) ; Paris,
1886. — A.nne Comnène, VAlexiade.
DURAZZO. Noble famille génoise, alliée aux Grimaldi,
qui fournit à la république plusieurs doges : Giacomo
(1573-75), Pietro (1619-1621), Cesare (1665-67), Pie-
tro (1685-87), Vincente (1709-1711), Marcelhno (1767-
69). C'est ce dernier qui signa le traité abandonnant la
Corse au gouvernement français.
DURAZZO (le comte Jacopo), ambassadeur de l'empe-
reur d'Autriche près la république de Venise, né à Gênes
en 1718, mort en 1795. Amateur éclairé et passionné des
beaux-arts, il fut chargé en 1774 par le prince Albert de
Saxe-Teschen, gouverneur des Pays-Bas, de compléter sa
collection d'estampes anciennes, et ce fut lui qui forma le
noyau de la fameuse collection Albertine de Vienne. Cette
tâche achevée en deux ans, le comte Durazzo entreprit de
former pour lui-même un^ collection d'estampes et y con-
sacra sa vie entière. La collection Durazzo, mise en vente
à Stuttgart en 1872 et 1873, se composait d'environ sept
mille pièces, presque toutes de premier choix, entre autres
d'une série de nielles de toute beauté. Une grande partie
des bonnes pièces de cette collection est passée dans celle
du baron Edm. de Rothschild.
DURBAN. Com. du dép. de l'Ariège, arr. de Foix, cant.
de La Bastide-de-Sérou ; 1,019 hab.
DURBAN. Ch.-l. de cant. du dép. de l'Aude, arr. de
Narbonne; 929 hab. Mine de houille peu importante. Cette
localité, située dans les montagnes qui séparent le bassin de
l'Aude de celui de l'Agly, est assez ancienne. La famille
seigneuriale de Durban, vassale des vicomtes de Narbonne,
est citée dès l'an 1023. Au xviii® siècle, la baronnie de
Durban et Gléon était une des principales du diocèse de
Narbonne. Parmi les possessions de lafamille au xiv^ siècle,
il faut compter Leucate, que PhiHppe le Bel acquit de
Raimond et de Gaubert de Durban (1309), en leur don-
nant en échange les Heux d'Olonzac et de Villegly.
DURBAN. Com. du dép. du Gers, arr. et cant. (S.)
d'Auch ; 355 hab.
DURBAN. Ville d'Afrique, colonie du Natal, ch.-l. du
comté de Durban, à 80 kil. E.-S.-E. de Pieter-Maritzburg,
sur la rive N. du bassin de Port-Natal. La ville de Dur-
ban a été fondée en 1846 et occupe l'emplacement d'un
fourré que parcouraient les éléphants. Son nom lui a été
donné en l'honneur du gouverneur du Cap, d'Urban (1834).
Elle se compose, en réalité, de deux villes distinctes, reliées
par un chemin de fer : le quartier marin, Port-Natal, à
l'entrée de la baie, avec ses appontements, ses magasins,
ses entrepôts, ses brise-lames; le quartier bourgeois ou
Durban proprement dit, sur la colline, avec ses rues larges
et régulières, plantées d'arbres, et ses jardins à végétation
tropicale, son jardin botanique, entre autres. A l'O. de la
ville est la colline boisée de Berea, parsemée de villas où
résident les riches marchands. Par sa population, Durban
est la première ville de la Natalie et l'emporte sur la ca-
pitale; au 31 juil. 1887, on comptait 16,943 hab. ; en
1885, 17,127 hab., se décomposant en 8,895 Européens,
4,521 indigènes, 3,711 Hindous, Arabes et Chinois. L'île
de Salisbury, dans la rade, renferme plus de 2,000 Hin-
dous adonnés à la pêche, dont ils fournissent le marché
de Durban; un aqueduc apporte de 13 kil. plus de
1,100,000 lit. d'eau potable par jour. Par ses chemins de
fer et par son port, Durban est le centre du commerce de
toute la NataHe et reçoit, en outre, une grande part du
trafic des républiques hollandaises (V. Natal). Le mouve-
ment de la navigation dans Port-Natal a été, en 1885 :
624 navires, jaugeant 444,850 tonneaux, dont 308 ba-
teaux à vapeur, jaugeant 329,400 tonneaux. C. Del.
BiBL. : The Statesman's year-book for ihe year 1890.
DURBAN S. Com. du dép. du Lot, arr. de Figeac, cant.
de Livernon ; 507 hab.
DURBEC (Ornith.). Le genre Durbec (CorythusCimer,
Règne anim., 1817, p. 397, 1 "^ édit., ou Pmz^o/a Vieillot,
Oiseaux de l'Amérique septentrionale, 1807, p. iv) ne
renferme qu'une seule espèce de Fringillidés (V. ce mot)
qui habite les régions septentrionales de l'ancien et du
nouveau monde et qui, comme son nom même l'indique, a
le bec très robuste. Dans cette espèce qui porte le nom
de Corythus enucleator L., la mandibule supérieure est
DURBFX — BUREAU
— 118 -
un peu arquée, avec l'arête arrondie, et dépasse un peu à la
pointe la mandibule inférieure ; les narines sont cachées
sous les plumes du front ; les ailes sont bien développées
et pointues ; la queue, longue et souple, est un peu échancrée
en arrière ; les pattes sont fortes, les doigts allongés et
munis d'ongles recourbés et le plumage, d'un brun grisâtre,
est fortement nuancé de rouge carmin chez le mâle, de jaune
Durbec vulgaire.
Isabelle chez la femelle. — Les Durbecs ne se montrent
qu'accidentellement en France, mais sont communs en Scan-
dinavie, dans le nord de la Russie et au Canada. Ils se
tiennent dans les forêts de pins et de sapins et dévorent les
graines de ces arbres résineux. Leurs nids, placés sur des
buissons ou sur des arbres de moyenne grandeur, sont
construits, comme ceux des Bouvreuils, avec des brindilles
et des racines entrelacées et renferment, au mois de juin, trois
ou quatre œufs verdâtres, tachés de brun. E. Oust.
BiBL. : Brisson, Ovnith., 1760, t. III, p. 250, et pi. 412,
fig. 1. — BuFFON, îlist. nat. des Oiseaux^ 1775, t. III, p. 57.
— Vieillot, Ois. Amer, sept., 1807, t. I, p. IV, pi. 1, fig.
13. — J. GouLD, Birds of Europa, 1837, t. III, pi. 201. —
R.-B. Sharpe, Cat. B. Brit. Mus., 1888, t. XII, p. 459.
DURBUY. Ville de Belgique, province du Luxembourg,
arr. de Marche, sur l'Ourthe, à l'entrée des plaines stériles
del'Ardenne; 400 hab. Centre d'un commerce agricole im-
portant. Les fortifications de Durbuy furent détruites par
les Français en 1683. Les armoiries de la ville sont :
d'argent, à cinq triangles d'azur^ au lion de gueules
brochant sur le tout, reçu timbré d'une couronne d'or,
DURCET. Com. du dép. de l'Orne, arr. de Domfront,
cant. d'Athis; 515 hab.
DURCISSEMENT. L Métallurgie (V. Dureté).
IL Chimie industrielle. — durcissement des pierres
(V. Pierre).
DU RCK (Friedrich), peintre de genre et portraitiste alle-
mand, né à Leipzig en 1809, mort à Munich le 25 oct.
1884. Elève du portraitiste Stieler et de l'Académie de
Munich. En 1849, il fut invité par le roi Oscar à faire
les portraits de la famille royale de Suède. En 1853,
il peignit le portrait de la princesse Elisabeth de Bavière,
fiancée à l'empereur d'Autriche. La « Galerie des Beautés »
de Munich et la galerie du roi de Wurtemberg possèdent
d'autres de ses portraits. Les tableaux de genre de Dûrck
sont peu nombreux ; on en voit au Kensington Palace à
Londres.
DURDAT-Larequille. Com. du dép. de l'Allier, arr. de
Montluçon, cant. de Marcillat; 2,195 hab.
DUR DENT. Fleuve côtier de France (V.Seine-Infé-
rieure [Dép. de la]).
DURDENT (René-Jean), littérateur français, né à Rouen
en 1776, mort à Paris le 30 juin 1819. Elève de David, il
fit un voyage à Rome pour achever ses études de peinture,
mais il abandonna la carrière pour laquelle il s'était cru
une vocation et consacra sa plume aux sujets les plus va-
riés. On a de lui des poèmes et des dithyrambes en l'hon-
neur de Napoléon (Austerlitz, 1806, in-8, et Sésostris
époux et père, 1811, in-4) ; des descriptions se ratta-
chant à l'histoire de Paris et méritant ainsi d'être parfois
consultées, telles que : Promenades de Paris ou Collec-
tion de vues pittoresques et de jardins publics (1812,
in-4^, 1^^ (et unique) livraison); Vues et descriptions du
jardin du Palais-Royal (1813, in-4 oblong) ; des comptes
rendus de Salons : Galerie des peintres français ou
Salon de 1Bi^(\Wl, in-8) ; V Ecole française en i8i4
(1814, in-8) ; des compilations ou abrégés historiques et
des pamphlets de circonstance; une Histoire de Louis XVI
(1816, in-8); une Histoire de la Convention nationale
de France (1817, 2 vol. in-12) ; une Histoire litté-
raire et philosophique de Voltaire (iS\ S, in-i^); des
romans oubliés, des traductions de l'anglais ou de l'alle-
mand, etc. Durdent fut aussi l'un des collaborateurs de la
Biographie universelle. M. Tx.
DURDIK (Joseph), écrivain tchèque contemporain, né à
Horice en 1837. Il est devenu professeur de philosophie à
l'Université de Prague en 1854, et député à la diète de
Bohême. Il a publié en tchèque un grand nombre d'ouvrages
d'esthétique et de philosophie : Psychologie classique
(3^ éd.) ; Esthétique (1875); Dissertations philoso-
phiques (1876); Poétique (1881); la Monadologie de
Leibniz (1884); Histoire de la philosophie moderne
(1887), etc. Les Tchèques le considèrent comme le premier
écrivain philosophique. — Son frère, le docteur Aloïs
Durdik, a été médecin en Russie et aux Indes néerlan-
daises, et a publié en tchèque d'intéressantes études sur
la littérature et la société russe et sur les indigènes des
colonies hollandaises. — Un autre frère, Pierre Durdik, a
écrit plusieurs ouvrages de pédagogie. L. L.
DUREAU DE La Malle (Jean-Baptiste-Joseph-René),
né à Saint-Domingue le 21 nov. 1742, mort à Langis
(Orne) le 19 sept. 1807, petit-fils d'un gouverneur de
Saint-Domingue. Membre de l'Académie française, il fut lié
avec la plupart des littérateurs du siècle dernier : Laharpe,
Delisle, d'Alembert, Marmontel, Champfort, Suard. On
doitàDureau de La Malle une traduction de Tacite (1790),
une autre de Salluste et une de Tite-Live, publiée après
sa mort. Dureau de La Malle faillit périr le 13 ven-
démiaire. Il fut proscrit et dut se cacher. Il devint en 1802
membre du Corps législatif.
DUREAU DE La Malle (Adolphe-Jules-César-Auguste) ,
fils du précédent, né à Paris le 2 mars 1777, mort en 1857.
En rapport avec Delisle, grâce à son père, il débuta par la
poésie, d'abord quelques essais, puis une traduction de l'épi-
sode de Françoise de Rimini du Dante (1811), et enfin
un véritable poème de dix mille vers, Bayard ou la Con-
quête du Milanais (1823). En 1811, il publia, en 2 vol.
in-8, avec notes, la traduction de VArgonautique de Va-
lerius Flaccus,qui eut un grand succès et qui lui prépara
un siège à l'Académie des inscriptions où il entra en 1818.
Depuis, il fit paraître : Introduction du chameau en
Afrique {\S^2'^) ; Recherches sur la patrie et V origine
des animaux domestiques et des plantes usuelles (1825);
Patrie du chat (1825) ; dans les sphères de l'histoire et
de la géographie : Géographie physique de la mer Noire,
de la Méditerranée et de l'intérieur de l'Afrique (1807) ;
Poliorcétique des anciens (1818) ; Du Luxe chez les
Romains (1825) ; Etendue et population de Rome
(1825); r Agriculture romaine depuis Caton jusqu'à
Columelle(iS^l) ; Poids et mesures des Romains {iSkl);
les Lois agraires (1828) ; l'Administration romaine
pendant les premiers siècles de V Empire (1828) ; In-
térêt de V argent chez les Romains (1828); Finances
de la République et de l'Empire (1835). Il fut, à ce
titre, appelé à publier : Recherches sur l'histoire de
l'Afrique septentrionale (1837); Histoire de Carthage
jusqu'à la seconde guerre punique (1847). — Les
meilleurs travaux de Dureau de La Malle, insérés dans le
Recueil de l'Académie des inscriptions, ont été par lui
réunis et publiés sous le titre de Economie politique
des Romains (1840, 2 vol.). L'ouvrage comprend quatre
livres : Système métrique, métaux précieux, cens et
cadastre; Population; Agriculture ; Administration,
finance et impôts, E. Fournier de Flaix.
DUREAU de Vaulcomte (Guillaume -Albert -Charles),
homme politique français, né à Saint-Denis (Réunion) le
o avr. 1836. Elu député de la Réunion le 2o sept, 1881,
il soutint à la Chambre la politique opportuniste et, réélu
le 11 oct. 1885, combattit le traité signé avec la reine de
Madagascar. Il ne se représenta pas aux élections générales
de 1889.
D U R EG E (Heinrich) , mathématicien allemand, né à Dan-
zig le 13 juil. 1821. Successivement professeur de mathé-
matiques à Zurich et à l'Université de Prague, il a publié,
outre de nombreux mémoires d'analyse et de géométrie
parus dans les Archiv de Grunert, dans le Journal de
Crelle, dans la Schlômilch'sZeitschrift fur Mathematik,
dans les recueils de l'Académie des sciences de Vienne, etc. :
Théorie der elliptischen Funktionen (Leipzig, 1861,
in-8; 4« éd., 1887); Elemente der Théorie der Func-
tionen einer complexen verânder lichen Grosse (Leipzig,
1864, in-8; 3^ éd., 1882); Die ebenen Curven dritter
Ordnung (Leipzig, 1871, in-8). Il a aussi écrit une notice
biographique sur Bessel, BessePs Leben und Werken
(Zurich, 1861). L. S.
DU REI L. Com. du dép. de la Sarthe, arr. de La Flèche,
cant. de Malicorne; 169 hab.
DU BEL (John), théologien anglican, né à Jersey en
1623, mort en 1683. La guerre civile ayant interrompu
les études qu'il faisait à Oxford, il se rendit à Caen en
1644 et y soutint ses thèses sur des questions de morale
et de philosophie, Theoremata philosophiœ. Il passa
ensuite quelque temps à l'Université protestante de Saumur
et s'initia à la théologie des Eghses réformées de France.
Pendant toute la durée de la lutte entre le Parlement et
le roi, il vécut en exil. A la restauration des Stuarts, il
revint dans son pays. Nommé chapelain de Charles II, il
commença la série des ouvrages qui l'ont illustré, par
la publication d'un traité où il s'efforça de démontrer la
conformité des dogmes de l'Eglise anglicane avec ceux des
réformés du continent : A View of the government and
publick worship of God in the reformed chiirches
(Londres, 1662). Les non-conformistes attaquèrent ses
conclusions avec beaucoup d'aigreur et commencèrent
contre lui une polémique très vive . Afin d'étendre l'influence
de l'Eglise anglicane, Durel fonda à Londres la Savoy
chapel, oii le culte se célèbre en langue française d'après
le Prayer Book dont il fit lui-même la traduction : la
Liturgie, c.-à-d. le formulaire des prières publiques, etc.
(Londres, 1 667). L'usage en fut, en même temps, prescrit aux
fidèles des îles de la Manche. La défense de l'Eglise anglicane
inspira à Durel son principal ouvrage : Sanctœ Ecclesiœ
anglicanœ.,, vindiciœ (Londres, 1669). C'est une jus-
tification des principes et du rôle de l'anglicanisme, établie
sur les témoignages à la fois théologiques et historiques
ordinaires. L'activité de Durel fut consacrée. Tannée sui-
vante, à mettre la dernière main à la traduction latine du
Prayer Book «îommencée par Earle et Dolben : Litiirgia
seu liber precum communium et administrationis sa-
cramentorum, Durel obtint de grands honneurs ecclésias-
tiques. Il fut nommé doyen de Windsor en 1677. G. Q,
BiBL. : Leslie Stephen, A Diction, of nat. biography.
DURELL ou DuRÉEL (Magnus), diplomate suédois, né à
Norrkœping en 1617, mort le 26 sept. 1677. Après avoir
étudié et beaucoup voyagé à l'étranger, notamment avec le
fils du grand chancelier Oxenstierna (1644-1645), il Jut
agent (1646) puis résident en Danemark jusqu'en 1637.
Son rapport sur la situation de ce pays en 1652 (extrait
dans Samlinger de Suhm, t. II) est regardé comme un
chef-d'œuvre de profondeur et de perspicacité politique. Un
recueil de Lettres adressées par lui à Charles X Gustave
et à P. Brahe a paru dans Samlinger til Danmarks
Historié under K. Frederik III éditées par P. W. Becker
(Copenhague, 1847-57), et sa Correspondance avec
Gust. Horn (1656-37) a été publiée dans Nya svenska
bibliotheket de Gjœrvell (Stockholm, 1762, fasc. 1-3).
Après l'annexion des provinces skaniennes, il fut l'un des
commissaires chargés de la liquidation, de l'organisation
et de la déhmitation. Etant juge en Halland depuis 1654,
— 119 — DURE AU — DCRER
il devint vice-président de la cour de Gœta (1666), curateur
de la nouvelle Université de Lund et gouverneur du Bleking
(1669). B-s.
DURE-MÈRE (V. Méninges).
DUREN. Ville d'Allemagne, roy. de Prusse, district
d'Aix-la-Chapelle (province Rhénane) ; 17,368 hab. Fila-
tures et tissages de lin et de laine, fonderies, fabriques de
machines, d'aiguilles, etc. ; commerce de céréales. Belle
église gothique (Sainte-Anne).— Duren remonte à l'époque
romaine; connue sous le nom de Marcodurum, elle fut
bâtie par M. Vipsanius Agrippa. En 69 ap. J.-C, Civihs
y massacra plusieurs cohortes des Ubiens. A l'époque caro-
lingienne, Dura ou Duria fut une des principales villas
royales ; l'assemblée générale du peuple franc y fut réunie
en 765, 775 et 779. En 881, les Normands la dévas-
tèrent. Dès l'an 1000, Otton III reconnaît Duren ville
impériale; en 1125, elle se fortifie; en 1241, elle est en-
gagée au comte de Juliers par Frédéric II et perd l'immé-
diateté. En 1543, elle s'insurgea contre Charles-Quint et
fut prise d'assaut. Elle fut encore prise en 1614 par les
Espagnols (Spinola), en 1642 par les Hessois, en 1794
par les Français (Marceau). Elle fit partie du dép. de la
Roer et fut rétrocédée en 1814 à la Prusse. L'essor de l'in-
dustrie de Duren est l'œuvre de la famille Schœller.
BiBL. : LiNDE et A. de Bruyn, Reschreibung \und Ge-
schichte der Stadt Duren ; Aix-la-Chapelle, 1823.
DU RENQU E. Com. du dép. de FAveyron, arr. de Rodez,
cant. de Requista ; 1,000 hab.
DURER (Albert), peintre -graveur allemand, né à
Nuremberg le 21 mai 1471, mort le 6 avr. 1528. Sa
famille était originaire d'Eytas en Hongrie où ses . ancêtres
avaient vécu en paysans éleveurs ou pasteurs de bœufs et
de chevaux. Son grand-père Antoine était allé s'établir à
Gyula, ville voisine, et s'était mis en apprentissage chez un
orfèvre; son père, Albert Diirer le Vieux, avait suivi la
même vocation et, après avoir travaillé de son état chez
plusieurs maîtres des Pays-Bas, il était venu, en 1455,
s'établir à Nuremberg, l'un des foyers les plus intenses
de l'art allemand à cette époque, et l'orfèvre Jérôme Holper,
personnage important dans sa corporation, n'avait pas tardé
à l'employer. En 1467, Albert avait épousé, à l'âge de qua-
rante ans, Barbara, la fille de son patron, qui n'en avait
que quinze; c'est de ce mariage que naquit celui qui
devait être le plus grand et le plus profond artiste de
l'Allemagne. Il était le troisième enfant du ménage (qui
en eut dix-huit) et fut élevé, comme il le rapporte dans
la chronique de famille qu'il nous a laissée, dans les prin-
cipes de la plus austère piété. « Sa recommandation quo-
tidienne, écrit-il de son père, était pour nous exhorter à
aimer Dieu et à nous conduire loyalement envers notre
prochain. » Le petit Albert suivit les cours de l'école, puis
il entra dans l'atelier paternel pour y apprendre le métier
d'orfèvre ; mais une incHnation précoce et irrésistible le
poussait vers la peinture. Nous avons des témoignages
singulièrement éloquents de cette vocation. €'est d'abord
son propre portrait dessiné par lui-même à la pointe d'ar-
gent, conservé à l'Albertine de Vienne et qui porte cette
inscription de sa main : « J'ai fait ce portrait d'après moi-
même, en me regardant dans un miroir, l'année 1484,
quand j'étais encore un enfant. » C'est une œuvre extra-
ordinaire et l'on peut dire miraculeuse, si l'on pense à l'âge
de l'auteur. C'est ensuite un dessin à la plume de 1485
appartenant aujourd'hui au Cabinet des estampes et dessins
du musée de Berlin et qui représente la Vierge assise sur
un trône, tenant l'enfant nu contre sa poitrine et entourée
de deux anges musiciens. Le dessin de quelques parties
trahit encore une inexpérience juvénile ; les influences des
écoles rhénanes et des Pays-Bays y sont très sensibles,
mais les anges sont délicieux et tout est pénétr-é de ferveur
et de grâce.
Son père avait d'abord résisté au désir du jeune artiste ;
il lui accorda enfin l'autorisation souhaitée et, le 30 nov.
1486, Albert Diirer entrait en apprentissage chez Michel
DURER
120 —
Wolgemuth, qui habitait une maison toute voisine du n" 493
de la rue Unter der Verten où logeait la famille Durer,
et qui travaillait comme graveur pour le célèbre impri-
meur Antoine Koburger, parrain du petit Albert. L'élève
ne demandait qu'à profiter des leçons de son mallre, et il
apprit de lui tout ce que le brave artiste pouvait lui trans-
mettre de son métier de peintre et de graveur. Un dessin
à la plume de 1489 représentant un cortège de cavaliers
dans un grand paysage (musée de Brème) et un autre
dessin du cabinet de Berlin (trois lansquenets appuyés sur
leurs lances et parlant avec animation) montrent l'influence
exercée par Wolgemuth pendant ces années d'apprentissage.
Mais, à cette date, l'apprentissage allait prendre fin; Diirer
était sur le point d'entreprendre de lointains voyages ; il
conserva du moins de fidèles relations avec son vieux maître,
et deux portraits qu'il fit de lui, l'un à la pierre noire
d'une vivacité saisissante d'expression (1516), à la collec-
tion Albertine, l'autre peint (Pinacothèque de Munich)
avec une inscription disant que Michel Wolgemuth mourut
le 30 nov. 1519 avant le coucher du soleil, témoignent de
sa reconnaissance et de sa vénération. — « Quand j'eus
fini mon apprentissage, mon père me fit voyager; mon
absence dura quatre ans, jusqu'à ce que mon père me
rappelât. Je partis après Pâques en 1490 ; je revins après
laPentecôte en 1494 », a écrit Durer dans son journal. Avant
son départ, il avait peint le portrait de son père (galerie
des Offices à Florence), de forme encore anguleuse et dans
la manière de Wolgemuth, mais très vivant d'expression. Il
paraît certain que le but de son voyage avait été Colmar où
pouvait l'attirer la grande renommée de Martin Schongauer ;
mais il ne devait phis l'y trouver vivant. Il voyageait, s'ar-
rètant de ville en ville, travaillant dans les ateliers des
maîtres; il passa vraisemblablement par Augsbourg, célèbre
par ses ateliers de peinture, la magnificence de ses bour-
geois et ses relations avec Venise. La pensée lui vint-elle
de pousser jusqu'à Venise même par Innsbruck et Trente ?
On est fondé à le penser d'après certains indices et allusions
de Durer lui-même à ce premier voyage, et aussi d'après
deux dessins à la plume de l'Albertine où l'influence de
Mantegna et de Bellini est évidente. Il ne fit en tout cas
qu'y toucher, et reprit sa route vers l'Allemagne et Colmar.
Il travailla vraisemblablement à Colmar, à Bâie et à Stras-
bourg, chez les frères de Martin Schongauer; en 1494,
quelque temps avant son retour à Nuremberg, on constate
sa présence à Strasbourg ; dans la seconde quinzaine de
mai 1494, il était rentré au logis paternel.
Deux mois après il se mariait. « Et quand je fus de
retour, écrit-il, Hans Frey entra en pourparlers avec mon
père et me donna sa fille nommée Agnès qui reçut une dot
de 200 florins ; le mariage eut lieu le 1 4 juil. de l'an 1 494. »
C'est probablement pendant les pourparlers qui précédèrent
le mariage que Diirer peignit, pour être envoyé à sa fiancée,
le portrait où il s'est représenté en costume élégant, tenant
à la main un érynge à fleurs bleues (appelé en allemand
Mannstreue « fidélité du mari ») avec cette inscription :
Minn Sach die gat als esohenschtat (mes affaires suivent
le cours qui leur est assigné là-haut). Ce portrait, dont
Goethe a décrit avec admiration une copie aujourd'hui au
musée de Leipzig, se trouve dans une collection particu-
lière également à Leipzig, malheureusement très restauré.
Un passage souvent cité d'une lettre de Pirkheimer a
donné naissance à une légende, abondamment exploitée,
en vertu de laquelle la femme de Durer aurait été une
sorte de Xantippe et, par son avarice et son caractère
acariâtre, aurait fail; le malheur du grand artiste. M. Thau-
sing a voulu réhabiliter sa mémoire, et sans pouvoir le
suivre ici dans son enquête, il faut au moins en enregistrer
les très plausibles conclusions ; Agnès Frey (Frau Dûrerin)
paraît donc avoir été une fidèle compagne : et le réquisi-
toire posthume que Pirkheimer a lancé contre elle doit être
considéré comme un monument de partialité et de rancune
que tous les actes connus de sa biographie s'accordent à
démentir. Mais comme le thème prête beaucoup à la litté-
rature, il est probable que l'histoire n'aura pas de sitôt
raison de la légende. — Durer a laissé plusieurs portraits
de sa femme : nous citerons un dessin sommaire à la plume
(à l'Albertine) avec cette mention : Mei7i Agnes ; un mire
à la pointe d'argent d'une admirable simplicité (musée de
Brème); une aq'uarelle de 1500 (à l'Ambrosienne) où elle
est représentée en riche bourgeoise de qualité ; enfin un
dessin à la pointe d'argent, d'exécution très précieuse,
avec cette inscription : Albrech Durerin (1504) (collec-
tion du D'^ Blasius à Brunswick). Il faut convenir que
l'expression dominante de ce dernier portrait n'est pas
précisément une inaltérable douceur.
Parmi les œuvres de jeunesse de Durer, il faut encore
citer un Christ enfant kh détrempe sur parchemin (1493);
des copies des gravures de Msintegm [Combats de Tritons
et Bacchanale) (à l'Albertine), et une Mort d'Orphée
(musée de Hambourg), dessinée sans doute d'après quelque
maître italien (1494), mais marquée au coin de sa forte
originalité; enfin un Enfant Jésus couché (d'après un
autre maître italien, peut-être Lorenzo di Credi; collection
du baron Schickler). — Deux maîtres surtout excitaient
alors son attention, son étude, son admiration : Mantegna
et Schongauer dont il rassembla et garda pieusement les
dessins. Il n'avait pu rencontrer l'un m l'autre à son premier
voyage, Schongauer étant mort et Mantegna fixé à Mantoue,
et quand, en 1506, Durer projetait d'aller le voir, la mort
subite du vieux peintre mit à néant cette espérance. Il
avait en eff'et au plus haut degré le respect des maîtres ; il
professait que « pour devenir un grand peintre, un éminent
artiste, il faut copier assidûment les œuvres des bons
maîtres jusqu'à ce que l'on ait acquis une complète liberté
de main ». Mais, par-dessus tout, il avaitle respect et l'amour
de la nature. A plusieurs reprises, il recommande de repro-
duire « soigneusement les caractères que le Créateur a don-
nés à la nature», de « ne rien retrancher dans les données
fournies par elle et de ne rien y ajouter qui soit incompa-
tible avec ses enseignements ». Il a accumulé les études
de nu (Bain de femmes, 1496; musée de Brème, dessin
à la plume) ; études à la plume du British Muséum sur les
proportions du corps humain (1500) ; études d'animaux,
chevaux, chiens, cerfs, etc., aux Uffizi,àrAmbroisienne, à
Bàle,à Londres, à l'Albertine, à Paris; paysages, croquis de
voyage, vues de villes, demoulins, d'arbres, de plantes, etc.,
à Londres, collection Malcolm et British Muséum, à Brème,
à l'Albertine, au Cabinet des estampes de Berlin, au
Louvre, à la Bibliothèque nationale, etc. «Regarde, atten-
tivement la nature, écrit-il encore, dirige-toi d'après elle
et ne t'en écarte pas, t'imaginant que tu trouveras mieux
par toi-même. Ce serait une illusion ; l'art est vraiment
caché dans la nature ; celui qui peut l'en tirer le possédera.
Plus la forme de ton œuvre est semblable à la forme
vivante, plus ton œuvre paraît bonne. Cela est certain.
N'aie donc jamais la pensée de faire quelque chose de
meilleur que ce que Dieu a fait, car ta puissance est un
pur néant en face de l'activité créatrice de Dieu... Aucun
homme ne peut exécuter une belle figure en ne consultant
que son imagination, à moins qu'il n'ait peuplé sa mémoire
d'une multitude de souvenirs. L'art cesse d'être unique-
ment le produit du sentiment individuel ; transmis et appris,
il se féconde lui-même. Le mystérieux trésor amassé au
fond du cœur se répand alors* au moyen des œuvres , au
moyen de la nouvelle créature que l'on tire de son sein en
lui donnant une forme sensible... » Toute son esthétique est
enfermée dans ces lignes. Il a voulu à certaines heures
agrandir et élargir le domaine de l'art allemand en lui
annexant la beauté que les maîtres italiens avaient remise
en honneur ; mais il était trop de son pays et de sa race
pour que son intransigeant naturalisme et sa rude sincérité
pussent s'assouplir aux belles manières ultramontaines.
C'est quand il a regardé directement de son œil profond et
clair la nature vivante, que, fort de sa science laborieuse-
ment et consciencieusement acquise, maître de tous ses
moyens, il a donné la mesure de son génie et répandu
— 121 —
DURER
dans ses œuvres, avec le sentiment intense de la vie, tout
le « trésor mystérieux » de son imagination puissante et
féconde, de sa pensée noblement inquiète, de son cœur
sincère et loyal.
Il est impossible d'énumérer ici et encore moins d'étudier
cette œuvre immense : peintures , gravures sur bois ,
estampes au burin et à l'eau-forte, dessins. Nous mention-
nerons les plus importantes et, autant que possible, dans
l'ordre chronologique. — Un de ses premiers grands
, tableaux (sur toile à la détrempe) est le triptyque du musée
de Dresde (n*^ 1869), la Vierge avec Venfant, Saint
Sébastien et Saint Antoine, exécuté sous l'influence de
Mantegna. C'est aussi sous cette influence qu'il peignait,
en loOO, Hercule tuant les oiseaux du lac Stymphale
du Musée germanique de Nuremberg (n° 184), dont le
musée de Darmstadt possède une esquisse ; ce sont des
œuvres fortes et curieuses, mais plus étranges que belles,
où son originalité ne s'est pas encore complètement dégagée.
On en trouve, à cette date, la manifestation beaucoup plus
significative dans la suite de gravures sur bois V Apocalypse,
composée de quinze pièces (Bartsch, 60-75), publiées pour
la première fois en 1498, mais auxquelles il travaillait
dès 1495. Il en publia en même temps une édition alle-
mande (Die heimliche Offenbarung Johannis) et une
latine (Apocalipsis cum flguris). Le texte de l'édition
allemande était emprunté à la bible de Koburger et se ter-
mine ainsi : Fin du livre contenant les mystérieuses
révélations de saint Jean, apôtre et évangéliste,
imprimé à Nuremberg par Albert Durer, peintre, Van
MCCCCXCVIII après la naissance du Christ, Dans
les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse par exemple, qui
sont la quatrième estampe de la série, on trouve déjà toute
la profondeur d'invention, toute l'énergie d'expression des
plus belles œuvres du maitre. — Comme peintre, son origi-
nalité se manifesta dès 1500 dans V Ensevelissement du
Christ (n^ 238 de la Pinacothèque de Munich), dont il fit
deux ans plus tard une variante, connue sous le nom de
tableau d'iui^/ des Holzschuer (n<> 18 du Musée germanique
de Nuremberg) ; dans le triptyque (n^^ 240-242 de la
Pinacothèque de Munich) représentant la Nativité avec,
sur les volets, les portraits des donateurs, Etienne et Lucas
Baumgartner, en cavaliers revêtus de l'armure, admirables
portraits (célèbre sous le nom de V Autel des Baum-
gartner), provenant de l'église Sainte Catherine de Nurem-
berg et qui date de 1503. -— Pour la force dramatique de
la composition, la Mise au tombeau de Munich est surtout
caractéristique et tout à fait dans les traditions pathé-
tiques du vieil art allemand. Dans V Autel Baumgartner
pour lequel il fit un grand nombre d'études et d'esquisses,
il exprima pour la première fois avec un charme pénétrant
le type de la Vierge, douce fille allemande, auquel il devait
si souvent revenir et dont la beauté, tout intérieure et
morale, se trahit plus par le reflet d'une âme pure et
tendre que par la régularité ou l'élégance des traits. C'est
de cette époque que datent également quelques portraits
de grand prix : celui à'Oswalt Krell, 1499 {n^ 236 de la
Pinacothèque de Munich); son propre portrait de 1498
au musée de Madrid et celui de 1500 (n° 239 de la
Pinacothèque de Munich) avec cette inscription : Albertus
Durerus Noricus ipsum me propriis sic ejfingebam
coloribus œtatis anno xxvni, signé du monogramme qu'il
avait adopté depuis 1497, et oti il s'est représenté de face,
des longs cheveux retombant eu boucles soyeuses sur ses
épaules, la main droite (cette main dont Camerarius écri-
vait qu'on ne pouvait rien voir de plus beau !) posée sur la
poitrine, les doigts longs et nerveux jouant dans la fourrure
de son manteau ; le portrait d'un inconnu (n° 237 de
Munich), celui d'une femme (Augsbourg) ; le second por-
trait de son père (collection du duc de Northumberland,
copies à Munich et à Francfort) ; celui d'un homme de
qualité, où l'on a proposé de reconnaître le grand-électeur
Frédéric de Saxe (n^ 557 C du musée de Berlin) et les
portraits au crayon des cabinets de Berlin, des collections
Dumesnil, Mitchel, Haussmann, à Paris, Londres et Bruns-
wick.— La Vierge allaitant son enfant (1503), n<* 1525
de la galerie du Belvédère à Vienne, trahit une nouvelle
influence, celle du graveur Jacopo de Barbari que Durer
avait sans doute connu lors de son premier passage à Venise
et qui venait de s'établir à Nuremberg ; on en trouverait
encore les traces dans r Adoration des mages (1504) du
musée des Offices, comme dans la série des douze dessins
de l'Albertine, appelée la Passion verte (1504) (à cause
de la couleur du papier), dans le Salvator mundi de la col-
lection Eugène Félix de Leipzig, et dans les figures des volets
de Saint Onuphre et Saint Jean-Baptiste de la galerie
de Brème. Il travaillait dès lors aux planches de la Grande
Passion qui ne devait paraître qu'en 1511, et il exécutait
en 1504-1505 la suite célèbre de gravures sur bois,
connue sous le nom de la Vie de la Vierge (Bartsch, 67-
95), dont plusieurs dessins préparatoires remontent à une
époque antérieure. — Sur les vingt bois de la Vie de la
Vierge, il y en avait seize d'imprimés et d'achevés, quand
Durer, dans la seconde moitié de l'année 1505, se mit
pour la seconde fois en route pour Venise. C'est de là qu'il
écrivait le 6 janv. 1506 à son ami Pirkheimer qu'il avait
entrepris de peindre pour l'autel de la petite église Saint-
Barthélémy, construite près du nouveau comptoir des
Allemands (Fondaco dei Tedeschi), un tableau qui ^ était
achevé le 23 sept, de la même année. Il représentait V Ado-
ration de Marie pour la fête du Rosaire ; on y voyait la
Vierge entourée de saints au milieu d'un paysage, tenant
l'enfant sur ses genoux ; elle couronne de roses Pempereur
Maximilien, tandis que le petit Jésus pose une couronne
pareille sur la tête du pape Jules II. Parmi les assistants,
Dominique Grimani (couronné par saint Dominique),
Antonio Surani, l'architecte du Fondaco, enfin Durer lui-
même portant un cartouche où est écrit l'inscription sui-
vante : Exegit quinquemestris spatio Albertus Durer
Germanus. MDVI, et le monogramme^A . Ce précieux
tableau, porté à Prague par l'empereur Rodolphe II, a subi
de cruelles restaurations et n'est plus guère aujourd'hui
qu'une ruine vénérable. Durer y avait mis toute son appli-
cation et tout sou génie; il semble qu'il eût voulu, en pré-
sence des artistes italiens, montrer ce dont était capable
un artiste allemand, et le mot de Germanus qu'il ajouta
fièrement à sa signature, souligne et confirme cette inten-
tion. Les Italiens, et le vieux (jiovanni Bellini à leur tête,
ne furent pas du reste avares de leur admiration pour ce
chef-d'œuvre qui resta toujours celui de tous ses ouvrages
pour lequel Durer témoigna la plus grande prédilection.
Du même séjour et de la même année, datent le Christ
parmi les docteurs de la galerie Barberini, et l'émouvant
et exquis chef-d'œuvre (n°"l870 delà galerie de Dresde),
le Christ en croix, avec cette inscription : Pater, I.
manus. tuas. Comendo Spiritù. Meû, le monogramme
et la date 1506. — Le tableau ne mesure que 20 centim.
sur 16 ; il n'en est pas moins au nombre des plus grandes
œuvres de maître. La Bibliothèque nationale en possède des
dessins et des études préparatoires. — C'est également à
Venise qu'il peignit plusieurs portraits, parmi lesquels le buste
de jeune homme de la galerie Brignole-Sale à Gênes, et
celui d'un homme (n° 1531 du Belvédère de Vienne).
Durer veillait avec une activité jalouse sur ses droits de
propriété. C'était surtout ses bois, plus faciles à imiter que
tout le reste, qu'il avait sans cesse à défendre contre les
copistes et les contrefacteurs ; le conseil de Nuremberg le
protégea par plusieurs arrêts. Les artistes italiens ne
s'étaient pas fait faute non plus de le copier, et c'est à eux
que s'adressait Durer quand il écrivait en 1506 : « Beau-
coup me sont hostiles et cherchent à copier mes œuvres
dans les églises et partout où ils peuvent les rencontrer, »
et il ajoutait : « Après cela, ils les dénigrent et disent
qu'elles ne valent rien parce qu'elles ne sont pas conformes
au style antique. » On sait que parmi les copistes, avec
lesquels il eut de vifs démêlés, il faut ranger Marc-Antoine
DORER
— 122 —
lui-même, qui avait reproduit sur cuivre la Vie de la
Vierge et contre lequel il porta plainte devant la seigneu-
rie. Elle décida que Marc-Antoine pouvait librement
copier les estampes de Diirer à condition de ne pas mettre
sur les copies le monogramme de celui-ci ; et en effet les
planches dans lesquelles Marc-Antoine reproduisit plus tard
la Petite Passion, grayée sur bois, ne portent pas, comme
les copies de la Vie de la Vierge, le monogramme de Diirer,
mais seulement la petite tablette vide dont Marc-Antoine se
servit souvent dès lors pour remplacer son propre mono-
gramme.
En 1507, avant le mois de juin, Diirer était de retour à
Nuremberg et il y achevait son Adam et Eve, dont il avait
commencé les études (le British Muséum en possède trois)
à Venise, où il disposait de plus beaux modèles et de
facilités exceptionnelles pour ses études de nu. Déjà en 1504
il avait fait sur le même sujet une estampe qui au point de
vue technique est un chef-d'œuvre ; les musées de Mayence,
Florence (palais Pitti) et Madrid conservent également un
Adam et Eve et chacun prétend posséder l'original, qui
à peu près sûrement se trouve à Madrid. — Les années
suivantes virent se produire plusieurs tableaux importants :
c'est en 1508, pour le grand-électeur Frédéric le Sage, le
Martyre des dix mille vierges de la galerie impériale
de Vienne; en 1509, V Assomption de la Vierge, trip-
tyque, communément appelé l'iii^^/ deHeller, malheureu-
sement détruit dans un incendie, que lui avait commandé le
riche marchand drapier Jacob Heller de Francfort, et
dont le musée de Francfort possède une copie excellente;
en 1509 également, il achève la délicieuse Madone avec
Venfant sur les genoux, entourée d'anges musiciens et
de saint Joseph modestement relégué à l'écart (aquarelle)
au musée de Bâle; en 1511, le célèbre tableau de la Trinité
avec tous les saints (dont le musée du duc d'Aumale à
Chantilly possède une esquisse) qui se trouve au Belvédère
de Vienne ; c'est le mieux conservé peut-être de tous les
tableaux d'Albert Diirer. On y lit cette inscription sur un
cartouche que le peintre lui-même tient, dans un coin du
tableau, à droite, derrière l'assemblée des papes, des em-
pereurs et des personnages qui contemplent la trinité res-
plendissant au haut du ciel au milieu des saints , des
patriarches et des élus : Albertiis Durer Noricus facie-
bat anno a Virginis partu i5ii ; en 1512, il peignait
la charmante petite Vierge au lis de la galerie et celle non
moins charmante du Belvédère (n° 1526), connue sous
le nom de la Vierge à la poire (la peinture en est extra-
ordinairement limpide, douce et harmonieuse) ; en 1510, il
avait peint en grisaille, avec une admirable finesse et une
rare vigueur, un diptyque dont un volet, Samson terrassant
les Philistins, est aujourd'hui au musée de Berlin, et de
1510 à 151 2 les deux portraits colossaux de Charlemagne
et de Sigismond (pour le château de Nuremberg) que l'on
peut voir aujourd'hui au Musée germanique. C'est pour ces
deux tableaux qu'il entreprit une série d'études détaillées
(dessins à la plume, à l'encre bleue et lavis de différentes
couleurs) d'après les joyaux de l'Empire.
Depuis 1512, Diirer, qui n'avait pas trouvé dans la pein-
ture les profits ni la renommée qu'il croyait avoir mérités,
ralentit sensiblement cette active production; les rares
tableaux qu'il exécuta jusqu'en 1520 ne sont compa-
rables pour la dimension ni la valeur à ceux que nous
venons d'énumérer. « A' une gamme de couleurs claires
et brillantes, dit Thausing, succède un coloris sec et terne.
L'emploi large et sommaire des couleurs à l'huile ne permet
plus guère au peintre d'obtenir les tons fondus des an-
ciennes couleurs a tempera. » C'est seulement après
1520, quand il a vu, dans le voyage qu'il fit avec sa
femme, de juil. 1520 à 1521 dans les Pays-Bas, les chefs-
d'œuvre des maîtres flamands, qu'il se reprendra à peindre ;
mais, pendant ces années intermédiaires, il laissa inachevés
plusieurs projets de grands tableaux dont ses dessins ont
conservé la première pensée (comme la Chute des anges
du British Muséum) ; il termina en 1518 la Lucrèce (n*^244
de la Pinacothèque de Munich) pour laquelle il avait, dès
1508, déjà fait plusieurs études et dessins. (Albertine);
en 151 6, il avait peint le portrait de Michel Wolgemuth
{n^ 243 de la Pinacothèque) dont les esquisses sont éga-
lement antérieures.
C'est en 1512 qu'il commença à travailler pour l'empe-
reur Maximilien dont il fut l'artiste de prédilection, qui le
combla d'égards, prit plaisir à venir le voir travailler,
et alla jusqu'à demander pour son peintre au conseil
de Nuremberg une exemption d'impôts de cent florins. C'est
pour l'empereur poète et artiste, si naïvement sensible au
plaisir d'assister à sa propre glorification, que Diirer entre-
prit les importants travaux du Triomphe. On le divisa en
deux parties : VArc triomphal (Ehrenpforte) dont le dessin
fut confié à Diirer en 1512 et dont Johannes Stabius rédigea
les inscriptions, et le Cortège triomphal. VArc triom-
phal, terminé en 1515 (Bartsch, 138), se compose de
quatre-vingt-douze planches qui, jointes ensemble, ont 3^409
de haut, sur 2^^922 de large. Il est disposé, comme dit
l'inscription, « à la façon des arcs de triomphe érigés en
l'honneur des empereurs de l'ancienne Rome ». Jamais on
n'avait conçu ni exécuté de gravure sur bois de cette dimen-
sion. Diirer traça à la plume et au pinceau les dessins sur
les planches ; Hieronymus Andrese exécuta les tailles avec
une surprenante précision. La seconde partie, comprenant
le Cortège triomphal (improprement appelé le Char triom-
phal), fut confiée à plusieurs mains. Hans Burgkmair en
eut la plus grande partie. Le Cortège ne fut d'ailleurs jamais
terminé, Maximihen étant mort trop tôt. — Mais cette œuvre
gigantesque ne saurait être comparée aux dessins à la plume
que Diirer composa pour le Livre de prières de Maximi-
lien (bibliothèque royale de Munich). La fantaisie la plus
libre et souvent la plus profonde, les ornements inattendus
et les plus gracieux dans leur bizarrerie, le sentiment le plus
intense de la nature, les intuitions les plus saisissantes de
l'imagination la plus germanique y sont prodigués à chaque
page ; on y voit revivre quelque chose du mystère de l'an
cienne ornementation des peuples septentrionaux, telle qu'on
la trouve d'une part dans les bijoux Scandinaves, et de l'autre
dans les entrelacs des manuscrits irlandais. — Mais c'est
peut-être le burin à la main que Diirer fut le plus vraiment
lui-même, et manifesta, avec la plus farouche énergie, la
liberté la plus grande et la subtilité la plus profonde, sa pensée
et son génie. Au point de vue technique, pour la souplesse
du modelé, la finesse et la vigueur des contours, la douceur
harmonieuse des planches creusées d'un nombre infini de
tailles et jamais fatiguées, il est un buriniste incomparable;
il faut ajouter que, sous ce rapport, il dut beaucoup à son
maître Wolgemuth et s'inspira longtemps de ses travaux.
Nous avons cité déjà Adam et Eve de 1504 ; il faut, sans
vouloir tout mentionner, y ajouter le Grand Cheval (1505);
la Vierge et l'enfant Jésus de 1507 ; V Enfant prodigue ;
la Petite Fortune et la Grande Fortune ou Némésis,
Saint Eustache, les suites de la Passion (Bartsch, 3-18) ;
le Chevalier, la Mort et le diable. Saint George, la
Nativité, Jésus sur la croix, plusieurs Vierges (vierges
aux cheveux longs, aux cheveux courts, à la couronne
d'étoile, couronnée par deux anges, etc.) ; le Cheval de la
mort, Saint Jérôme, la Mélancolie (1514); les Deux
Amants en promenade, le Paysan au marché, etc. ;
parmi les gravures à l'eau- forte et à la pointe sèche, Jésus
au jardin des Oliviers, Sainte Famille à la muraille,
rtlomme de douleurs (assis et aux mains liées), la Face
de Jésus tenue par un ange, le Ravissement d'une
femme, etc., et plusieurs portraits.
Le voyage dans les Pays-Bas qu'il fit en 1520 fut pour
Diirer l'occasion d'un long triomphe. Le récit détaillé nous
en a été conservé dans le journal du maître, document à
tous les points de vue infiniment précieux. Il fut reçu avec
de grands honneurs et il a noté, avec une joie naïve, tous
les témoignages de déférence et d'admiration qu'il recueillit
à Anvers et ailleurs. C'est pendant ce voyage qu'il fit la
connaissance d'Erasme, dont il dessina plus d'une fois le
— 123 —
DURER - DURET
portrait; de Nicolas Kretzer à qui il donna ses Imagines
Cœli, du peintre paysagiste Joachim Patinier dont il fit le
portrait, etc. C'est aussi pendant ce voyage qu'il assista à
l'entrée solennelle de Charles-Quint à Anvers ; il la décri-
vait à Melanchthon en avouant que, comme peintre, il ne
s'était pas fait faute de regarder aliquamtulum invere-
cundius les jeunes filles presque nues qui figuraient dans
le cortège. Enfin, c'est également pendant ce voyage que,
sur un bruit qui s'était répandu que Luther avait été em-
prisonné, il écrivit une véritable profession de foi où il
' témoignait de sa haute admiration pour le réformateur et
s'écriait : « 0 Seigneur, si Luther est mort, qui nous expli-
quera désormais le saint évangile avec la même netteté ! »
Au retour de ce voyage et établi de nouveau à Nurem-
berg, il fut bientôt atteint de la maladie chronique qui
devait l'emporter et dont il avait pris le germe dans son
voyage des Pays-Bas. Peu de temps après son retour, il avait
fait un dessin à la plume où il s'était représenté nu jusqu'à
la ceinture et montrant sur son flanc gauche une petite
tache jaune avec cette inscription : « Là où est la tache
jaune, à l'endroit désigné par le doigt, c'est là que je souffre »
(musée de Brème). C'est dans ces dernières années que se
placent le Portrait de vieillard du Louvre, le Portrait
de Kleberger (Vienne), le célèbre et admirable portrait du
vieux Holzschuher (Berhn) et enfin, les Quatre Apôtres
ou les Quatre Tempéraments qu'il offrit le 6 oct. 1526 au
conseil de Nuremberg (n°^ 247-248 de la Pinacothèque
de Munich). Depuis plusieurs années, il s'occupait de ces
études d'apôtres ; l'Albertine, le Louvre, le British Muséum
possèdent des études de draperie, de mains, de têtes; ces
panneaux finirent par absorber toute son attention et ses
longues méditations. Le choix des quatre personnages, la pré-
férence donnée à saint Paul sur saint Pierre, le premier rang
donné à saint Jean l'Evangéliste cher au cœur de Luther, le
sentiment dans lequel les figures sont traitées indiquent clai-
rement le point de vue protestant auquel Durer se plaça. Il
en fit précéder le don d'une sorte d'exhortation aux auto-
rités publiques. On peut dire que ce fut là son testament
comme homme, comme patriote, comme artiste et comme
penseur. Il mourut subitement, durant la semaine sainte,
quarante-quatre jours avant d'avoir atteint sa cinquante-
septième année. Il fut enterré dans le tombeau de la famille
Frey, au cimetière Saint-Jean, et on lit encore sur la pierre
tumulaire, gravée sur une plaque de bronze, celte inscrip-
tion composée par Pirkheimer : Me. al. dv, Quiqcquid Al-
BERTI DURERI MORTALE FUIT, SUE HOC CONDITUR TUMULO. EmI-
GRAviT VIII idus Aprilis MDxxviii. Apprenant cette mort,
qui excita une universelle émotion, Melanchthon écrivait :
Doleo tali et viro et arteftce Germaniam orbatam esse.
Pendant les dernières années de sa vie. Durer s'était consacré
à la recherche des « principes de l'art » qui l'avaient tou-
jours préoccupé. « Un homme ignorant ressemble à un
miroir non poli », disait-il, à Melanchthon. Il publia VArt
de mesurer ; instruction sur la manière de mesurer a
Vaide du compas et de réquerre les lignes, les plans et
les solides, composé par Albert Durer , destiné à tous les
amateurs de l'art et imprimé en 1525. En 1527, il publia
un Traité de la fortification des villes, des châteaux et
des bourgs; enfin le Traité des proportions [ici se
trouvent réunis quatre livres sur les proportions hu-
maines ; ils ont été composés par Albert Durer de
Nuremberg, et imprimés à V usage de ceux qui aiment
cet art, MDXXVIII). Le premier des quatre livres était seul
imprimé, quand il mourut. André Michel.
BiBL.: Thausing, Durer, Geschichte seines Lebens und
seiner Kunst; Leipzig, 1884, 2« édit. (une traduction fran-
çaise de la première édition, par M. G. Gruyer, a paru
en 1878, grand in-8). — Ch. Ephrussi, les Dessins d'Al-
bert Durer; Paris, 1828, in-8.— H. Janitscheck, Die Malerei,
dans la Geschichte der deutschen Kunst, pp. 319-370. —
Œuvre d'Albert Durer, reproduit et publié par Armand
Durand, texte par George Duplessis; Paris, 1877, in-fol.—
Bartsch, le Peintre-graveur, t. VU, pp. 1-197.— Schmidt,
Biographie, dans leà Kunst und Kûnstler de Dohme. —
WoERMANN, Geschichte der Malerei; Leipzig, 1884, t. Il,
pp. 370-418, in-4.
DURET (Louis), médecin français, né à Bâgé-la-Ville
(Ain) en 1527, mort à Paris le 22 juin 1586. Connais-
sant à fond le grec et l'arabe, il fut chargé de l'éduca-
tion d'Achille de Harlay ; reçu docteur en médecine en
1552, il commença immédiatement des leçons de médecine,
puis, en 1568, fut nommé professeur au Collège royal. En
même temps il fut attaché au service de santé de Charles IX
et de Henri III. Ennemi de la polypharmacie, il fut le pre-
mier médecin de son temps à abandonner les Arabes et à
reprendre la tradition hippocratique. On a de lui : Hippo-
cratis Magni Coacœ prœnotiones (Paris, 1588, 1621,
in-fol., et autres éditions) ; In magni Hippocratis libri de
humoribus purgantibus (Paris, 1631, in-8), etc.
DURET (Jean), jurisconsulte français, né à Moulins
vers 1540, mort au commencement du xvii® siècle. Il fut
avocat du roi au présidial. On a de lui : Paraphrase sur
le style de la sénéchaussée du pays du Bourbonnais
(Lyon, 1571, in-8) ; Traité despeiiies et amendes (Lyon,
1572, 1573, 1583, 1588, 1606, 1610, in-8); Harmo-
nie et conférences des magistrats romains avec les
officiers français, tant laiz qu'ecclésiastiques (Lyon,
1574, in-8) ; Commentaires aux coutumes du duché
de Bourbonnais (Lyon, 1584, in-fol.).
DURET (Noèl), astronome français, né à Montbrison en
1590, mort en 1650. Professeur de mathématiques à
Paris, il obtint une pension de Richelieu et le titre de cos-
mographe du roi. On a de lui : Nouvelle Théorie des
planètes (Paris, 1635) ; Primi Mobilis doctrina (i6^S) ;
Tables Richeliennes (1639), avec un supplémeîit {Lon-
dres, 1647); Ephémérides Richeliennes (1641); Traité
de la géométrie et des fortifications (1643).
DURET (Cécile d'HERBEz, dite Saint-Aubin, épouse),
cantatrice scénique française, née à Lyon au mois d'oct.
1785, morte à Paris le 29 nov. 1862. Fille des deux excel-
lents artistes qui avaient nom M. et M^^ Saint-Aubin et
qui firent les beaux jours del'Opéra-Comique, elle dut à sa
mère son excellente éducation scénique, et, comme chan-
teuse, fut élève d'abord du compositeur Tarchi, puis, au
Conservatoire, de l'admirable chanteur Garât. Elle débuta
à rOpéra-Comique, le 24 mai 1804, dans le Concert inter-
rompu de Berton, et, malgré son très grand succès, elle
quittait brusquement ce théâtre au bout de quatre ou cinq
mois, pour n'y reparaître que le 2 avr. 1808, après avoir
épousé le violoniste Marcel Duret, artiste fort distingué.
Elle était alors une cantatrice véritablement consommée et
beaucoup plus remarquable sous ce rapport qu'en ce qui
concerne les quahtés scéniques. Mais sa jolie voix et l'ha-
bileté avec laquelle elle savait la gouverner enchantaient
littéralement le public. Le récent souvenir de sa mère ne
laissait pas d'ailleurs que de lui être profitable, ainsi qu'à
sa sœur, W^ Alexandrine Saint-Aubin, qui était venue la
rejoindre sur la scène de l'Opéra -Comique. Bientôt,
jyjrae D^YQi devint l'interprète favorite du compositeur
Nicolo Isouard, qui écrivit expressément pour elle quelques-
uns des rôles de ses meilleurs ouvrages. M"^^ Duret avait
été reçue sociétaire en 1811. Un ébranlement survenu dans
sa santé et le chagrin causé par la perte d'un fils unique
l'obligèrent à une retraite prématurée. Elle fit ses adieux
au public vers la fin de 1820.
DURET (Francisque-Joseph), sculpteur français, né à
Paris le 19 oct. 1804, mort à Paris le 26 mai 1865. Le
prénom de Francisque fut adopté par lui au lieu de celui
de François, inscrit sur les registres de l'état civil, afin de
se distinguer de son père, François-Joseph Duret, sculpteur
et ornemaniste, né à Valenciennes en 1732, mort à Paris
le 7 août 1816. Elève d'Antoine Gillis, membre de l'Aca-
démie de Saint-Luc, sculpteur du comte de Provence, le
père de Francisque Duret exposa aux Salons de 1791 , 1793,
1800, 1806, 1812 ; on lui doit, à Paris, le fronton de
l'église Saint-Philippe du Roule, représentant la Religion
entourée de ses attributs; la statue d'Epaminondas, au
palais du Luxembourg; les sculptures en bois de l'orgue,
à l'église Saint-Sulpice. Le musée de Valenciennes possède
DURET — DUREY
— iU
de cet artiste une statue de Diogène^ exposée en 1791 ; ce
fut sous sa direction et celle du baron Bosio que se fit
l'éducation artistique de son fils. Le premier grand prix de
sculpture fut remporté en 1823, par Francisque Duret, sur
un bas-relief représentant la Douleur d'Evandre, Il exposa
pour la première fois en 1 831 , avec la statue en marbre de Mer-
cure inventant la lyre, placée au Palais-Royal et détruite
lors du pillage de ce palais en 1848. L'œuvre qui caractérise
le mieux le talent de Duret et lui assura sa réputation,
c'est le Jeune Pêcheur napolitain dansant la tarentelle,
statue en bronze fondue d'un seul jet, exposée au Salon de
1833. Duret créa un pendant à cette statue en 1838; le
bronze n'en fut exécuté qu'en 1854. Le Chactas en médi-
tation, statue bronze (1836); le Vendangeur improvi-
sant, statue bronze (1839), doivent être classées parmi ses
statues les plus remarquables. Paris possède de nombreuses
œuvres de Duret ; nous citerons, dans les églises : Saint
Jean VEvangéliste à Notre-Dame de Bonne-Nouvelle ; les
fonts baptismaux à Notre-Dame de Lorette; sept stations
du Chemin de croix ^ bas-reliefs marbre, à Sainte-Clotilde ;
le Christ, statue marbre, à Saint- Vincent de Paul ; le
Christ se révélant au monde, statue marbre, et Saint
Gabriel, statue pierre, à l'église de la Madeleine ; les caria-
tides en bronze de l'entrée du tombeau de l'empereur, aux
Invalides. Au nouveau Louvre, il fit le fronton du pavillon
Richelieu, représentant la France protégeant ses enfants
et les quatre groupes de cariatides qui soutiennent ce fron-
ton. Citons encore : la Victoire d'Italie, statue marbre, au
Sénat ; Casimir Perier, statue marbre, à la Chambre des
députés ; la Loi, statue pierre, au Palais de justice ; la Jus-
tice, statue pierre, au palais de la Bourse; Molière, statue
marbre, à l'Institut ; le groupe en bronze de Saint Michel
vainqueur de Satan, à la fontaine Saint-Michel ; Vénus
au hain, statue bronze, à l'une des tontaines des Champs-
Elysées ; les bas-reliefs du cirque des Champs-Elysées ; les
statues en marbre de la Tragédie et de la Comédie, au
Théâtre-Français. Le musée de Versailles possède de Duret :
Philippe de France, statue marbre ; Dunois, statue plâtre ;
Chateaubriand^ statue marbre ; Richelieu, statue marbre.
On doit encore à cet artiste les statues en bronze de l'avocat
Paillet, à Soissons, et du vice-amiral Comte de Brueys,
à Uzès. Francisque Duret fut nommé membre de l'Institut
le 30 sept. 1843, en remplacement du sculpteur Cortot.
Maurice Du Seigneur.
DURET (Théodore), publiciste français, né à Saintes le
19 janv. 1838. Il se présenta sans succès aux élections
législatives à Saintes en 1863, fonda en 1868 le journal
républicain la Tribune, fut maire du IX® arrondissement
de Paris pendant le siège, et fit en 1871-1872, avec Cer-
nuschi, un grand voyage en Orient dont il a écrit la rela-
tion. Nous citerons de lui : Lettres sur les élections
(Paris, 1863, in-8) ; les Peintres français en iS61
(1867, in-12); Voyage en Asie, Le Japon. La Chine.
La Mongolie . Java. Ceylan. VInde (1874, in-12); His-
toire de quatre ans. iSlO-iSlS (1876-1881, 3 vol.
in-12); les Peintres impressionnistes (1878, in-12);
Critique d' avant-garde (1885, in-12).
DURETÉ (Métail.). La dureté des métaux correspond à
leur degré de résistance lorsqu'on les soumet à des effets
déterminés, choc, compression, etc., mais cette locution
s'applique plus particulièrement lorsqu'on compare la ré-
sistance de fils métalliques de même diamètre pour le pas-
sage à travers un même trou de filière. Le terme de compa-
raison choisi est l'acier. On a établi les données suivantes ;
la dureté de l'acier déjà étiré étant 100, la dureté des
autres métaux sont : acier recuit, 65 ; fer déjà étiré, 88 ; fer
recuit, 42 ; laiton déjà étiré, 77 ; laiton recuit, 46 ; or recuit
(à 0,875), 73; or recuit fin, 37; cuivre déjà étiré, 58; cuivre
recuit, 38; argent recuit (à 0,750), 58; argent recuit (à
0,875), 54 ; argent recuit fin, 37 ; platine recuit, 38 ; zinc,
34 ; étain, 11 ; plomb, 4. La dureté est la propriété caractéris-
tique de l'acier tel qu'on l'obtenait par les anciens procé-
dés. Elle est due à l'action du carbone et se traduit par une
diflQculté de déformation sous l'effort, sans retour rapide à
la forme primitive, par le jeu de l'élasticité. Quand le
métal ne renferme pas d'autre matière que le fer et le
carbone, la dureté est proportionnelle à la proportion de
carbone. Lorsque cette proportion dépasse 1 °/o, elle est
accompagnée d'une certaine fragilité ; au-dessous de cette
proportion, sa dureté n'exclut pas la résistance. Depuis que
de nouveaux procédés se sont introduits pour l'affmage de
la fonte et sa transformation en acier, on produit des aciers
chargés de matières étrangères, et la dureté tend à se con-
fondre avec l'aigreur. L'aigreur est une dureté qui est
accompagnée de fragilité. Les études de l'influence du phos-
phore, du silicium' et du manganèse sur la qualité des
aciers ont permis de formuler les lois que nous allons
résumer ici : Les éléments étrangers tels que le phosphore
et le silicium n'influent sur la dureté de l'acier qu'autant
que celui-ci renferme une proportion notable de carbone ;
lorsque le carbone est à une dose supérieure à quelques
millièmes, le phosphore et le silicium sont un élément
d'aigreur, c.-à-d. que la dureté est accompagnée de fragi-
lité, sans que l'acier soit plus apte à la trempe pour cela. Il
n'en est pas de môme du manganèse qui facilite la trempe
et ne communique de la fragilité que lorsque la propor-
tion est élevée. En résumé, la dureté de l'acier doit être
obtenue par le carbone seul ou accompagné d'un peu de
manganèse. L. Knab.
DU RETTE. Com. du dép. du Rhône, arr. de Villefranche,
cant. de Beaujeu-sur-l'Ardière ; 218 hab. Petit village
qui relevait avant la Révolution du château de la Pierre,
anciennement Tour-Bourdon , qui résista , dit-on, victo-
rieusement au baron des Adrets. G. G.
DUREY DE Meinières (Jeau-Baptiste-François) , ma-
gistrat et publiciste français, neveu de Durey d'Har-
noncourt, né à Paris le 21 avr. 1705, mort à Paris le
27 sept. 1785. Président de la seconde chambre des re-
quêtes jusqu'en 1758 et beau-frère de René Hérault, lieu-
tenant de police, il épousa en 1764 W^ Belot (V. ce
nom), traductrice de Hume. Durey de Meinières a pris
une part active aux luttes provoquées par les réformes de
Maupeou ; il avait rassemblé une immense collection de do-
cuments juridiques, historiques et littéraires qui, mise
une première fois en vente en 1792, ne fut définitive-
ment morcelée qu'en 1806. Une très faible partie de ces
documents fut acquise par la Bibliothèque impériale;
d'autres entrèrent dans celle du Sénat; mais la trace du
plus grand nombre de ces recueils est aujourd'hui perdue.
Outre une collaboration sinon prouvée, du moins très
vraisemblable, aux nouvelles rédigées dans le salon de
W^^ Doublet, sa tante, et publiées sous le titre de Mé-
moires secrets, Durey de Meinières a fait imprimer une
Indication sommaire des principes et des faits qui
prouvent la compétence de la puissance séculière pour
punir les évoques coupables de crimes publics (en
France, 1655 \sic: 1755] in-12) et, avec Le Paige, une
Histoire de la détention du cardinal de Pistz (1755,
in-12). On a aussi de lui deux Conversations avec
M'''^^ de Pompadour (1757), intercalées d'abord par Sou-
lavie dans ses Mémoires de Richelieu et réimprimées sur
un meilleur texte par M. J. Pichon dans les Mélanges de
la Société des bibliophiles français, pour 1856, puis
par Poulet-Malassis, dans la Correspondance de ili*^** de
Pompadour (1878, in-8). Diderot, qui tenait le prési-
dent pour l'homme de France « le plus doux et le plus
honnête », conte, dans une lettre à W^^ Volland (21 juil.
1765), une anecdote montrant qu'à cette douceur il savait
unir la fermeté. M. Tx. ^
DUREY deMorsan (Joseph-Marie), littérateur français,
fils de Durey d'Harnoncourt, né en 1717, mort à Genève
en 1795. Après avoir dépensé une fortune considérable en
prodigalités de toutes sortes et avancé pour l'expédition du
prince Charles-Edouard en Ecosse (1745) une somme de
300,000 livres qui ne lui fut jamais remboursée, il vint
échouer à Ferney où Voltaire le recueillit, lui prodigua
- 125 —
DUREY — DURFORT
les marques d'intérêt et obtint, non sans peine, de sa
famille qu'elle lui \înt en aide. Des divers écrits attribués
ou appartenant à Durey de Morsan, le plus important est
le Testament politique du cardinal A Iberoni (Lmsdinne^
1753, in-12), revu et publié par Maubert de Gouvest. Le
voyageur suédois Bjœrnstahl, qui visita la Suisse en 1777,
le dit auteur, sous le titre d'Anecdotes pour servir à
rhistoire de V Europe (1757, in-8), d'une relation de
l'expédition d'Ecosse qui, selon Barbier, serait intitulée His-
toire duprétendant et daléede 1756 (in-12, 96 p.)- M- Tx.
BiBL. : Voltaire, Correspondance générale. — G.Des-
NoiRESTERREs, Voltaire et Genève.
DUREY DE NoiNviLLE (Jacques-Bernard), magistrat et
érudit français, né à Dijon le 3 déc. 1683, mort à Paris le
20juil. 1768. Conseiller au parlement de Metz (1726),
il fut nommé président du grand conseil en 1731 (charge
supprimée en 1738) et en 1733 associé libre de l'Académie
des inscriptions à laquelle il constitua une rente de 400
livres destinée à rémunérer, sous la forme d'une médaille
d'or, les meilleurs mémoires sur l'état des sciences, des arts
et des lettres, aux différentes époques de la monarchie. On
cite parmi les lauréats les abbés Lebeuf, Goujet, Fenel,
Guasco, Carlier et Venuti. Durey de Noinville a laissé un
certain nombre de travaux que leur sujet, plus encore que
leur valeur intrinsèque, recommande aux érudits : Histoire
du théâtre de F Académie royale de musique en France
depuis son établissement jusqu'à présent (1753, in-8;
nouv. éd. augm.,1757, 2 part, in-8), avec Louis Travenol ;
Recherches sur les fleurs de lis et sur les villes^ mai-
sons et familles qui portent des fleurs de lis dans leurs
armes (1755, in-12); Dissertation sur les bibliothèques
et Table alphabétique des dictionnaires en toutes sortes
de langues (1758, 2 part, in-12) publiées séparément,
mais qu'on trouve toujours réunies ; Almanach nouveau
pour fan i762 (1762, in-16), avec une dissertation sur
l'origine des calendriers et une table alphabétique des
calendriers. Durey de Noinville a fourni aux Mémoires de
l'Académie des inscriptions une Histoire du conseil et
des maîtres des requêtes de l'hôtel du Roi (1753) et
rédigé un travail sur les traités et ambassades près de la
Porte ottomane conservé aux archives des affaires étran-
gères. M. Tx.
DUREY DE Sauroy du Terrail (Joseph), littérateur
français, neveu de Durey de Noinville, né en 1712, mort
le 12 juin 1770. Il entra de bonne heure dans la carrière
des armes et obtint le grade de maréchal de camp; il fut
en cette qualité lieutenant général du Verdunois. On cite
de lui une tragédie non représentée, Lagus^ roi d'Egypte
(1754, in-12), et deux romans anonymes : le Masque ou
Anecdotes particulières du chevalier de^^'^ (Amsterdam,
1751, in-12); la Princesse de Gonxague (1756, in-12),
à la suite de laquelle on trouve le Déguisement de l'Amour,
comédie en un acte et en vers. M. Tx.
DUREY d'Harnoncourt (Pierre), frère de Durey de
Noinville, mort le 27 juin 1765. Receveur général des
finances, il publia sous les initiales D. D. des Mélanges de
maximes, de réflexions et de caractères, avec une tra-
duction des Conclusione d'Amore de Scipion Maff'ei
(1755, in-12) et une Dissertation sur l'usage de boire
à la glace (1763, in-12), qu'il préconisait, dit-on, par
l'exemple et en toute saison. M. Tx.
DURFEE (William-Franklin), ingénieur américain, né à
New-Bedford (Massachusets) le 15 nov. 1833. Il fit de
bonnes études scientifiques, occupa pendant cinq années un
emploi administratif dans sa ville natale et fut élu député
en 1861. Nommé secrétaire de la commission de l'armée,
il se signala dans ces fonctions par une intelligente activité.
Il inventa même un nouveau canon pour la marine. Depuis
un certain nombre d'années, il s'est consacré plus particu-
lièrement à la recherche des meilleurs moyens de produc-
tion du fer et de l'acier et a fait réaliser d'importants pro-
grès à cette branche de la métallurgie. On lui doit divers
articles intéressants publiés dans des revues américaines.
D'URFEY ou DURFEY (Thomas), poète et auteur drama-
tique anglais, né à Exeter, probablement en 1653, mort à
Londres le 26 févr. 1723. Son grand-père, huguenot de La
Rochelle, vint en Angleterre en 1628. Il avait pour oncle
Honoré d'Urfé, Tauteur ôeVAstrée. 11 abandonna très jeune
l'étude du droit pour la poésie et donna, à partir de 1676,
un très grand nombre de pièces de théâtre. En même temps
il écrivait, pour ses amis ou ses protecteurs à la cour,
quantité de poésies légères, odes, élégies, épithalames, pro-
logues, épilogues, qui attestent la facilité merveilleuse de ce
brillant esprit. Protestant zélé, il n'avait rien du puritain,
et ses pièces se ressentent de la liberté de langage et de la
licence de mœurs mises à la mode par la Restauration. La
plupart de ses chansons et poésies légères se trouvent dans
l'édition de 1719-20, en 6 vol., intitulée An Antidote
against Melancholy, made up in Pills; à quoi il faut
ajouter Taies, Tragical and Comical (1704), Taies, Mo-
ral and Comical (1706) et New Opéras and Comical
Stories andPoems (1721). La seule de ses comédies qui
ait été quelquefois reprise avec succès depuis sa mort a
pour titre The Plotting Sisters. Ses chansons ont eu une
fortune meilleure, et beaucoup sont passées, en Ecosse sur-
tout, à l'état de chansons populaires, qu'on se transmet de
génération en génération, sans en connaître l'auteur. D'Ur-
fey, presque oubhé de son vivant, mourut, semble-t-il,
dans un état voisin de la misère. Le comte de Dorset fit les
frais de ses funérailles. Il repose dans l'église de Saint-
James (Piccadilly). B.-H. G.
DURFORT. Com. du dép. du Tarn, arr. de Castres,
cant. de Dourgne ; 414 hab. Filatures de laine et usine
métallurgique importante dans la pittoresque vallée du
Sor, affluent de l'Agoùt, dont les eaux détournées par
Riquet servent aujourd'hui en partie à alimenter le bas-
sin de Saint-Ferréol. On a peu de renseignements sur
l'histoire ancienne de cette localité. La seigneurie paraît
avoir appartenu autrefois aux seigneurs de Dourgne, vas-
saux des vicomtes d'Albi. Auprès du village, restes du
château de Roquefort, mentionné assez fréquemment au
moyen âge et démantelé, dit-on, sous Charles VII. On a
placé aussi près de Durfort le heu de Puivert, occupé en
1210 par Simon de Montfort ; mais c'est une erreur : il
s'agit ici du lieu de Puivert dans l'Aude.
DURFORT. Com. du dép. de Tarn-et-Garonne, arr. de
Moissac, cant. de Lauzerte ; 1,194 hab.
D U R FO RT-et-Saint-Martin-de-Saussenac. Com . du
dép. du Gard, arr. du Vigan, cant. de Sauve ; 757 hab.
Composé de deux communes réunies par décret en 1862.
— Le nom de Durfort n'apparaît qu'au xiii*' siècle ; cette
localité, peu importante durant tout le moyen âge, faisait
partie de la vi^uerie de Sommières ; plus tard, elle fut rat-
tachée au bailliage de Sauve. Le château a été détruit pen-
dant la Révolution. — Saint-Martin-de-Saussenac paraît
plus ancien ; les textes le nomment dès le xi*^ siècle ; au
xvii^, ce lieu dépendait de la baronnie de Vibrac. L'église
fut brûlée par les Camisards. — Sur le territoire de la
commune, ruines romaines et grottes curieuses.
DURFORT (Famille de). Famille de Guyenne, originaire
de l'Agénois, connue dès 1063. Elle prétend descendre des
comtes de Foix. La filiation suivie remonte à Arnaud de
Durfort, chevalier en 1305, qui acquit la terre de Duras
par son mariage avec une nièce de Clément V. Gaillard
de Durfort s'étant déclaré pour le roi d'Angleterre, se retira
à Londres en 1453 ; il fut gouverneur de Calais et cheva-
lier delà Jarretière. L'un de ses fils, Georges, fut gouver-
neur d'Henri d'Albret, plus tard roi de Navarre. Sympho-
rien, mort en 1563, embrassa la religion protestante.
Jacques (1547-1626) fut fait marquis de Duras en 1609,
comte de Rozan en 1625. Son fils, Guy-Aldonce (1605-
1665), maréchal de camp, épousa Elisabeth de La Tour
d'Auvergne, sœur du maréchal de Turenne et du duc de
Bouillon, protestants fervents, qui refusa obstinément d'ab-
jurer, malgré l'exemple que lui donnèrent ses deux fils
aînés. De ce mariage naquirent les maréchaux de Duras et
DURFORT - 426 -
de Lorge, le comte deFeversham, la marquise de Boiirbon-
Malauze et la comtesse de La Rochefoucauld-Roye (le
mari de celle-ci émigra en Danemark, puis en Angleterre;
tous deux restèrent protestants). Jacques- Henri, comte de
Duras, né le 9 oct. 1625, mort le 42 oct. 4704, Jut
capitaine d'une compagnie des gardes du corps en 4671,
gouverneur de la Franche-Comté en 1674, après avœr
ffris une grande part à la conquête de cette province, ma-
réchal de France le 30 juil. 4673, chevalier des ordres du
roi en 4688; « il était sur le pied d'une considération et
d'une liberté de dire au roi tout ce qu'il lui plaisait ».
(Saint-Simon.) Comme chef d'armée, on lui reprochait trop
de prudence. Il devint le doyen des maréchaux de France
le 5 déc. 4694. De son mariage avec M^^^ de Levis-Ven-
tadour, le maréchal de Duras eut : 4^ Jacques-Henri,
comte de Duras, duc en 4689 par cession de son père,
mort en 4697 à vingt-sept ans, étant brigadier ; marié en
1689 à la fille du comte Eschallard de LaMarck, fort riche,
mais ayant neuf ans de plus que lui, qui lui donna deux
mes;'lUean'Baptiste, comte, puis duc (4 697) de Duras,
né le 28 janv. 4684, mort le 8 juil. 4770, lieutenant
général en 4720, maréchal de France en 4744, chevalier
des ordres en 4754 ; il avait pris de sa propre main un
drapeau à Nimègue ; il fit construire en 4748 l'hôtel qui a
donné son nom à une rue du Faubourg-Saint-Honoré. En
4724, sa femme et lui conduisirent à Bayonne la fille du
régent qu'ils remirent aux envoyés d'Espagne et qui épousa
don Louis. En 4733, il céda son duché à son fils et obtint
le titre, par brevet, de duc de Durfort. — Son fils, Emma-
nuel-Félicité^duG de Duras, né le 49 déc. 4745, mort le
6 sept. 4789, premier gentilhomme de la chambre, chevalier
des ordres du roi et de la Toison d'or, reçut de sa mère je
titre de prince de Bournonville; il fut fait pair en 1757,
prit part à toutes les guerres du règne de Louis XV et
devint maréchal le 24 mars 4775 ; il fut ambassadeur en
Espagne en 4752 et commandant en Bretagne après l'affaire
de La Chalotais. Son fils, Emmanuel-Céleste- Augustin,
duc de Durfort (par brevet) en 4759, duc de Duras en 4789,
né le 28 août 4741, mort le 20 mars 1800, maréchal de
camp, premier gentilhomme de la chambre, fut élu en 4790
commandant en chef des gardes nationales de Guyenne ; il
émigra en 4790. Son fils, Amédée-Bretagne-Malo, mur-
quis, puis duc de Duras, né le 5 avr. 4774, mort le
l^f août 1838, fut envoyé par le comte de Provence à
Léopold II, en 1791 ; il fut nommé premier gentilhomme
de la chambre par Louis XVIII pendant Fémigralion, en
prit les fonctions en 1844, et fut nommé pair de France
(4844), maréchal de camp et chevalier du Saint-Esprit; il
est surtout connu comme mari de Claire-Louise-Rose-
Bonne de Coëtnempren de Kersaint, née à Brest le 22 févr.
4778, morte à Nice le 46 janv. 4828, dont le salon litté-
raire tint une si grande place dans la société de la Res-
tauration et qui a publié deux romans célèbres, Ourika et
Edouard; ils n'ont plus de lecteurs aujourd'hui, mais ils
ont eu, le premier surtout, une grande réputation en rai-
son de la délicatesse des sentiments qui y sont exprimés
et malgré la bizarrerie de la fable ; elle avait passé sa
jeunesse à la Martinique après la mort tragique de son
père le conventionnel, guillotiné en 4793 ; elle rentra en
France en 4800. Le duc et la duchesse de Duras ont
laissé deux filles, mariées, l'une au prince de Talmont
puis au comte de La Rochejacquelein ; la seconde, au comte
Henri-Louis de Chastellux (1785-1863), titré par ordon-
nance royale du 1^^ sept. 1819 marquis de Duras-Chas-
tellux et duc de Rauzan, substitué par ordonnance du
21 déc. 1822 à la pairie de son beau-père ; de ce mariage
un fils, marquis de Duras-Chastellux et duc de Rauzan.
Louis, marquis de Blanquefort, devenu en 1676 comte de
Feversham par son mariage avec l'héritière de ce titre,
mort le 19 avr. 1709, frère du premier maréchal de Duras,
passa en Angleterre en 1663 et fut fait lord Duras, puis
baron de Holdenby (1673). En 1672, il commanda les
troupes anglaises mises au service de Louis XIV ; il fut
chargé de missions diplomatiques à Bruxelles (1678), à Pa-
ris (1682) ; en 1685, il défit le duc de Monmouth révolté
contre Jacques II et fut fait chevalier de la Jarretière et capi-
taine des gardes ; on croit que, devenu veuf, il épousa la veuve
du roi Charles II, Catherine de Bragance. Guy- A Idonce, frère
du maréchal de Duras et du comte de Feversham, comte de
Lorge, duc de Quintin en 1691, né le 22 août 1630,
mort le 22 oct. 1702; il dirigea avec habileté la retraite de
l'armée après la mort de Turenne, son oncle, et fut nommé
le 21 févr. 1676 maréchal de France et le 12 juin suivant
capitaine d'une des compagnies des gardes du corps ; en
1688 il fut fait chevalier des ordres. Il eut le commande-
ment de l'armée d'Allemagne de 1690 à 1695; il prit Hei-
dell)erg (1693); on l'accusa d'avoir perdu plusieurs occa-
sions de succès par son irrésolution, résultat peut-être de
sa mauvaise santé. Son caractère était très estimé; il vivait
dans une union intime avec son frère; n'ayant aucun bien,
il épousa Geneviève de Frémont, fille d'un très riche finan-
cier, « élevée comme devant être un jour une grande dame »
(M^^^ de Sévigné) ; il en eut les duchesses de Saint-Simon
et de Lauzun et Guy-Nicolas (1683-1758), duc de Quin-
tin, qui échangea ce titre par des lettres patentes du 7 déc.
1706 contre celui de duc de Lorges sous lequel son père et
lui avaient été connus ; de Geneviève Chamillart, fille du
célèbre ministre, avec laquelle il avait vécu dans une
étroite union, il eut : Guy-Michel, duc de Durfort, puis
duc de Randon en 1733, né le 26 août 1706, mort le
6 juin 1773 ; il céda le titre de Lorges à son frère cadet,
mais en gardant le bénéfice de l'érection de 1691 ; il fut
chevalier des ordres du roi (2 févr. 1745) ; en 1768, il fut
fait maréchal de France; il ne laissa pas d'enfants. Il s'était
distingué pendant les campagnes d'Allemagne (1742-48 et
1757-59).— Son frère Louù, duc de Lorges (1714-1770),
lieutenant général en 1748, fit la campagne d'Italie (4733),
ne laissa que des filles, dont l'une épousa son cousin de Dur-
fort-Civrac.
La branche de Durfort-Civrac, séparée de la tige prin-
cipale depuis le xvi« siècle, avait produit Jacques, fait
marquis de Civrac en 4647; son arrière-petit-fils, Aimeric-
Joseph (né le 49 mars 4746, mort le 8 avr. 1787), colonel
du régiment Royal-vaisseaux, ambassadeur à Parme, à
Naples, puis à Vienne (sept. 4766, mai 4770), marquis de
Durfort-Civrac, duc par brevet du 24 nov. 4774 et fait
chevalier des ordres en 4776 ; son fils Jean-Laurent,
marquis de Civrac, né le 7 juin 4746, mort le 4 oct. 4826,
reçut le titre de comte de Lorges lors de son mariage avec
la fille du duc, son cousin ; fut fait duc de Lorges le
25 mars 4773, maréchal de camp en 4787 ; il émigra
en 4791 et fit les campagnes de l'armée de Condé; en
1795, il accompagna le comte d'Artois à l'Ile-Dieu ; en
1814, il fut fait pair et lieutenant général, puis chevalier
du Saint-Esprit. Son fils, Guy-Emeric-Anne , duc de
Civrac en 1815, puis duc de Lorges, né le 25 juin 1767,
mort le 6 oct. 1837, maréchal de camp en 1814, pair
en 1826, refusa de prêter serment en 1830; c'est la tige
de la branche ducale actuellement existante. Le marquis
Henri de Durfort-Civrac, né en 1812, mort en 1884
(V. ci-dessous) était petit-fils de Jean-Laurent.
Les branches deDurfort-Boissières et de Deyme (éteintes),
séparées des Duras dès le xv® siècle, ont produit le comte
Louis de Deyme, maréchal de camp en 1762 et grand'croix
de Saint -Louis, et le comte Alphoîise de Boissières
(1753-1822) (V. ci-dessous). L. Delavaud.
BiBL. : Le P. Anselme, Histoire des grands officiers de
la couronne, t. V et t. IX, 2« part, (suite par P. de
Courcy), 1881. — Pinard, Chronologie militaire. — Bo-
REL d'Hauterive, Annuairc de la noblesse., 1846. — Le
P. Griffet, Recueil de lettres pour servir à l'histoire 7ni-
litaire de Louis XIV. — Saint-Simon, Mé^noires (appen-
dice III du t. II, éd. de M. de Boislile, t. II, p. 262; et ap-
pendice XXII du t. III).— Marquis de SAiNT-HiLAiRE,Mé-
moires (ces trois derniers ouvrages se rapportent aux
maréchaux Duras et de Lorges). — A. Sorel, Recueil des
instructions aux ambassadeurs de France en Autriche.—
C. NisARD, Un Valet mi7iistre et secrétaire d'Etat, Guil-
laume de Tillot {ces deux ouvrages contiennent des pièces
— 127 —
DURFORT - DURICH
relatives aux missions du duc de Durfort-Civrac à Parme
et à Vienne).
D U R FO RT-BoissiÈRES (Sarrain-Alphonse-Marc-Armand-
Emmanuel-Louis, comte de), général français, né le
19 janv. 1753, mort près de Nogent-le-Rotrou le 28 août
182"i. Officier au régiment de Chartres-cavalerie, colonel
de chasseurs à cheval, il était maréchal de camp lorsqu'il
fut chargé en 1791 par le roi d'une mission auprès de
l'empereur d'Autriche. Il devait, par l'intermédiaire du
comte d'Artois qu'il rencontra à Mantoue, lui faire connaître
la situation dans laquelle se trouvait la royauté en France et
' obtenir des secours contre la Révolution. Favori de Marie-
Antoinette, il fut encore chargé par elle d'aviser la gou-
vernante des Pays-Bas de la fuite de Varennes. Il émigra,
servit dans l'armée des Princes et fut promu lieutenant
général le 22 juin 1814. Il suivit Louis XVIII à Gand et
fut mis à la retraite en 1815.
DURFORT DE CrvRAC (Marie-Henri-Louis, comte),
homme politique français, né à Beaupréau (Maine-et-Loire)
le 26 juil. 1812, mort à Paris le 21 févr. 1884. Elu
député de Maine-et-Loire au Corps législatif en 1852 comme
candidat légitimiste, il éprouva ensuite deux échecs en
1857 et 1863 et ne rentra dans l'Assemblée qu'en 1869.
Il appartint au tiers-parti et vota contre la guerre franco-
allemande. Elu représentant de Maine-et-Loire à l'Assemblée
nationale le 8 févr. 1871, il siégea à droite, mais fit acte
d'indépendance en combattant le ministère Broglie sur la
loi des maires. Député de Cholet le 20 févr. 1876, il fut,
grâce à l'appui des gauches, élu vice-président de la
Chambre. Réélu en 1877 et en 1881, il continua à être
choisi pour vice-président .
DURGEON. Riv. de France (V. Saône [Haute-]).
DURHAM (Zootechn.) (V. Races bovines).
DURHAM. I. Ville. — Géographie. Ville d'Angleterre,
ch.-l. du comté de ce nom, dans une boucle de la Wear;
14,932 hab. La situation de la ville est très pittoresque;
elle est dominée par deux collines boisées dont l'une porte
la cathédrale et le château et l'autre l'observatoire. La
cathédrale (Saint-Cuthbert) est un des édifices les plus
remarquables de l'Angleterre ; commencée en style roman
en 1093, elle fut achevée en 1320 en style normand.
Jusque vers 1500, on continua d'y faire des additions et
elle a été complètement restaurée au xviii® siècle. Elle a
la forme d'une croix latine, un clocher de 70 m., deux
tours de plus de 40 m. Elle renferme les reliques de saint
Cuthbert, la tombe de Bede, etc. Le dortoir du monastère
contigu à la cathédrale (aujourd'hui bibliothèque) est très
beau. Le château, où résidaient les anciens évêques, a été
construit par Guillaume le Conquérant (1072); il est affecté
à l'université. L'hôtel de ville a été bâti en 1555. Une
partie des anciens remparts subsistent. Deux des ponts de
la Wear remontent au xiii^ siècle. Ils conduisent au faubourg
à'Eluet où se trouve une vaste prison. Les principales
industries de Durham sont la fabrication de tapis, de papier,
d'objets en fer.
Histoire. La prospérité de Durham remonte à l'évêque
Aldune qui y apporta les reliques de saint Cuthbert en 995
et bâtit une église pour les abriter. Guillaume le Conqué-
rant fit du château de Durham un centre de résistance
contre les Ecossais. Ceux-ci l'attaquèrent souvent et c'est
aux environs que le roi David Bruce fut vaincu et pris (à
Nevilles Cross) le 20 oct. 1346. Le cardinal Wolsey fut
évêque de Durham.
Université. En 1290, le prieur du couvent de Durham
fonda un collège; aboli au moment de la Réforme de Henri VIII,
ses biens furent affectés au doyen et au chapitre. Cromwell
rétablit (1657) un collège auquel il attribua les revenus
du doyen et du chapitre. Il fut supprimé à la Restauration.
En 1833, une université fut créée. Elle comprend deux
collèges (University Collège et Bishop Hatfields Hall) ; on y
rattache les collèges de médecine et des sciences physiques
de Newcastle. Elle n'a que peu d'élèves (moins de cent),
malgré ses belles collections et sa riche bibliothèque.
II. Comté palatin. — Comté maritime de l'Angle-
terre. De forme triangulaire, il s'étend sur la côte de la
mer du Nord depuis la Tyne, qui le sépare du Northum-
berland, jusqu'à la Tees, qui le sépare du comté d'York. A
l'intérieur, il confine au N. au Northumberland, à l'O. au
Cumberland et au Westmoreland, au S. au comté d'York.
Sa superficie est de 2,620 kil. q. La région occidentale du
comté est occupée par des contreforts de la chaîne Pennine,
par conséquent désolée, aride, sillonnée de torrents ; ce
sont les Moorlands, dont le point culminant s'élève à 669 m.
La région de l'Est est formée de terrasses ondulées et de
vallées fertiles. La seule rivière considérable est la Wear,
qui traverse le district houiller. La Tyne limite le comté
au N., la Tees au S. Le comté de Durham est principale-
ment un pays de mines, surtout de houille (35,000,000 de
tonnes anglaises par an) ; il y a aussi des mines de fer,
de plomb argentifère et de belles carrières. En 1881, les
mines et carrières occupaient 72,000 ouvriers, la prépara-
tion du fer 17,500, la construction des machines 11,200,
les constructions navales 10,000. Mais l'agriculture n'est
pas négligée, bien qu'elle n'occupe que 16,200 personnes;
28 % de la superficie totale sont occupés par les terres
labourées, 37 % par les prairies, 3 ^jo par les bois. On
comptait, en 1884, environ 17,000 chevaux, 64,000 bœufs,
186,000 moutons, 13,000 porcs. Les moutons à longue
laine de l'O. sont appréciés; la race des bestiaux du
Durham compte parmi les plus renommées (V. Races
bovines). La population s'élevait au recensement de 1881 à
867,586 hab. Elle s'accroît rapidement, car en 1801 elle
n'était que de 149,384 hab. et en 1861 de 508,666. Les
villes principales sont Durham, Hartlepool, Barnard Castle,
Bishop Auckland, Darlington, Sunderland, Stockton, Ga-
teshead, South Shields. — Après la conquête normande, le pays
de Durham fut constitué en comté palatin, formant marche
contre les Ecossais, au profit de l'évêque de Durham, qui a
gardé des privilèges temporels exorbitants jusqu'en 1836.
Son revenu actuel est de 8,000 livres sterling. Ch.-V. L.
BiBL. : SuRTEES, Histovy and anliquities ofthe County
of Durham, 4 vol. in-fol. — W. Fordyce, Histovy and
antiquities of the County of Durham, 1857, 2 vol. in-fol. —
Il existe une Surtees Society, très active, qui se consacre
à la publication de documents relatifs à Thistoire locale
du comté de Durham.
DURHAM (Comtes de) (V. Lambton).
DURHAM (Sir Philipp-Charles Henderson Calderwood).
amiral anglais, né en 1763, mort en 1845. H prit part,
entre autres faits de guerre, à l'expédition de la baie de Qui-
beron (juil. 1795) et à la bataille de Trafalgar. En 1811,
il commanda l'escadre de la mer du Nord; en juin et août
1815, il reçut la soumission de la Guadeloupe et de la
Martinique. De 1836 à 1839, il commanda en chef le port
de Portsmouth.
DURHAM (Joseph), sculpteur anglais, né à Londres en
1821, mort à Londres le 27 oct. 1877. Elève de Tornema-
niste John Francis, puis de l'académicien E.-H. Bailey, il
attira l'attention sur lui par le beau buste de Je7iny Lind
exposé en 1848 à l'Académie royale, buste dont il fit des
centaines de répliques. Plus de valeur encore a celui de
la Reine Victoria (1856), conservé au Mansion House, où
se trouve également l'une de ses meilleures œuvres clas-
siques, Eermione et Alastor. On lui doit aussi la statue
de Palmerston au Guildhall, celles de Milton, de Ben-
tham, de Newton et de Harvey qui ornent le portique
de l'Université et celle à.\iPrince Albert au Jardin botanique.
Durham, qui était associé de l'Académie depuis 1867, est
devenu populaire par ses charmants groupes di' Enfants
louants. G. P-i.
DURHAMS. Village des Etats-Unis, Caroline du Nord,
à 33 kil. N.-O. de Raleigh; le général confédéré J. John-
son y mit bas les armes le 25 avr. 1865. La population
est d'environ 2,040 hab.
DURICH (Vacslav- Michel), philologue tchèque, né à
Turnov en 1732, mort à Turnov en 1802. Il appar-
tenait à l'ordre des pauliciens. En 1778, Tarchevêque de
DURICH - DiJRINGSFELD
128 '-^
Prague lui confia le soin de reviser le texte tchèque de la
Bible. Son principal ouvrage, malheureusement inachevé,
est intitulé Bibltotheca Slavica antiquissimœ dialecti
commu^riis et ecclesiasticœ universœ Slavorum gentis
(Vienne, 1795). Dans la pensée de l'auteur, ce devait être
une véritable encyclopédie d'archéologie slave. Durich a
écrit en outre quelques dissertations sur des points de phi-
lologie hébraïque.
DU RIE (Lord Alexander) (V. Gibson).
DURIER (Louis-Emile), avocat français, né à Pans le
49 déc. 1828, mort le 24 déc. 1890. Après de brillantes
études au collège Bourbon, il suivit les cours de l'Ecole de
droit de Paris,'dont il fut un des lauréats au concours de
1850. Inscrit la même année au barreau de la capitale, il
ne tarda pas à se faire remarquer dans plusieurs affaires
poUtiques, où il eut l'occasion d'affirmer ses convictions
libérales et républicaines. Il plaida notamment quelques
procès de sociétés secrètes et un grand nombre de procès
de presse, pour le National, pour le Nain Jaune et sur-
tout pour le Siècle, auquel il collabora un certain temps.
Il plaida également pour plusieurs écrivains, notamment
pour M. Ranc, pour M. Castagnary, pour M. Bazire. Après
avoir ainsi défendu les victimes de l'arbitraire gouverne-
mental, il fut lui-même impliqué, en 1864, à côté de
MM. Garnier-Pagès, Carnot père, Dréo, Clamageran, Flo-
quet, Jules Ferry, Jozon, Corbon, Melsheim et Bory, dans
le fameux procès connu sous le nom de procès des Treize.
Condamné comme ses coaccusés, M^Durier en vit accroître
sa réputation, et, lors des élections législatives de 1869,
il posa sa candidature à Paris contre M. Emile Olhvier ;
mais il se désista en faveur de M. Bancel. Pendant les
premières années de la troisième République, M. Durier
occupa différentes fonctions publiques. Il fut successive-
ment adjoint au maire de Paris en 1870 ; secrétaire adjoint
du gouvernement de la Défense nationale pendant le siège
de Paris ; secrétaire général du ministère de la justice, en
1871, avec M. Dufaure, qui l'avait défendu dans le procès
des Treize, et enfin conseiller d'Etat en service extraordi-
naire en 1872. Après le 24 mai 1873, M'' Durier reprit
sa place au barreau. En 1876, il fut élu membre du con-
seil de l'ordre. En 1887, il fut élevé au bâtonnat; c'était
le premier bâtonnier républicain depuis Jules Favre. On ne
peut pas dire pourtant que M« Durier dut sa nomination
aux sympathies politiques de ses confrères : il fut, au con-
traire, élu par une majorité composée en grande partie
d'adversaires politiques, qui voulurent honorer en lui,
outre le talent, la fidélité aux convictions personnelles et
la tolérance pour celles des autres. Les principales affaires
plaidées par M« Durier, en dehors des procès poli-
tiques par lesquels il inaugura sa carrière, sont : l'affaire
du Catalogue officiel de l'Exposition universelle de 1867 ;
l'affaire de la duchesse de Chaulnes ; l'affaire de l'incendie
de l'Opéra-Comique ; l'affaire Chambige ; l'affaire Erckmann-
Chatrian et l'affaire des nihilistes russes. Le talent de
M^ Durier était celui d'un dialecticien consommé, sachant
cacher l'habileté de son argumentation sous une parole
pleine de bonhomie, toujours spirituelle, souvent ironique,
jamais malveillante ; car son talent n'avait d'égal que sa
modestie et son extrême affabilité, et Féminent avocat ne
comptait que des admirateurs et des amis, non seulement
dans ce grand barreau parisien dont il était une des illus-
trations, mais encore dans le monde des lettres et des arts,
oii il était très répandu et très apprécié pour la sûreté de
son goût et la distinction de son esprit. Georges Lagrésille.
DURIER (Charles-Henri), publiciste français, né à Paris
le 15 déc. 1830, frère du précédent, chef de division au
ministère de la justice. Collaborateur au Siècle où il a donné
des études littéraires et des nouvelles, il est connu surtout
par la part qu'il a prise à la formation du Club alpin de
Paris (pour lequel il fait des conféiences pleines d'esprit
et de charme) dont il est vice-président, et par son ouvrage,
le Mont Blanc (Paris, 1877, gr. in-8), devenu classique
dans le monde spécial des alpinistes.
DU Ri EU (Jean -Louis -Marie -Eu gène), administrateur
français, né à Nîmes en 1800, mort en 1874. Avocat à
Paris, il y fonda en 1824 un recueil spécial qui obtint un
certain succès et paraît encore aujourd'hui, le Mémorial
des percepteurs. Chef de la section administrative des
communes au ministère de l'intérieur, il devint en 1847
inspecteur général des hospices et en 1848 directeur gé-
néral des cultes. Il rentra dans la vie privée en 1849. On
a de lui : Code de V administration et de la comptabi-
lité des revenus des établissements publics (Paris,
1823, in-12); Législation des conseils municipaux
(1826, in-8); Poursuites en matière de contributions
directes (Paris, 1838-1839, 2 vol. in-8); Formulaire
de la comptabilité des percepteurs et des receveurs des
communes, des hospices et des bureaux de bienfaisance
(1842, in-8); Répertoire de r administration et de la
comptabilité des établissements de bienfaisance (1841-
1843, 2 vol. in-8), en collaboration avec Germain Roche;
Code des perceptions municipales de la ville de Paris
(1844, in-8).— Son fils, A.-Muriel Durieu, rédacteur en
chef du Journal des percepteurs, a écrit : Traité sous
forme de règ lement des poursuites en matière d'amendes
et condamnations pécuniaires (Paris, 1876, in-8).
DURILLON (Méd.). Par son mode de formation, le du-
rillon se rapproche du cor, mais est généralement moins
nettement délimité que lui et siège moins fréquemment près
des articulations. Quant au traitement, il est le même, et
l'on peut dire qu'aucun durillon ne résiste à l'application
circonspecte des caustiques (bichromate de potasse, acide
acétique, caustique de Vienne, etc.) (V. Cor). D"^ L. Hn.
DÛRINGSFELD (Ida von), ou Ida, baronne de Reins-
BERG-DùRiNGSFELD, écrivain allemand, née à Militsch, en
Silésie, le 12 nov. 1815, morte à Stuttgart le 25 oct.
1876. Son père étant officier, elle changea souvent de ré-
sidence, et sa première éducation en souffrit. Mais elle cor-
rigea plus tard ce défaut et profita de toutes les occasions
pour étendre ses connaissances ; elle apprit le français et
l'italien, et étudia même les dialectes germaniques et
slaves. Ayant épousé, en 1845, le baron Otto de Reins-
berg, elle voyagea avec lui en Autriche, en Italie, en Bel-
gique, en France, et ils demeurèrent successivement à
Prague, à Leipzig et à Stuttgart. Le talent poétique d'Ida
de Duringsfeld se déclara de bonne heure. Elle-même nous
apprend qu'elle fit des vers avant de savoir écrire. A qua-
torze ans, elle envoya à V Abendzeitung de Dresde quel-
ques poésies qui furent favorablement accueillies. Elle
publia son premier recueil sous le pseudonyme de Thekla
{Gedichte von Thekla; Dresde, 1835). Un second volume
parut en 1850, intitulé Pour loi (Fur Dich, Leipzig,
1865, 2« édit.). Dans l'intervalle, elle avait fait paraître
plusieurs romans anonymes : Schloss Gocxin (Breslau,
1841) ; Magdalena (Breslau, 1844) ; Graf Chala (Bres-
lau, 1845). Après son mariage, elle signa ses ouvrages de
son nom de Reinsberg-Diiringsfeld. Elle aborda, en 1847,
le roman historique avec Margaretha von Valois, qui fut
snWi ô.' Aîitonio Foscarini (Stuttgart, 1850). Dans Fine
Pension am Genfersee (Breslau, 1851, 2 vol.), elle
essaya de peindre la vie pohtique et sociale de la Suisse
romande. Puis, revenant à son premier genre, c.-à-d. au
roman de mœurs et au roman passionné, elle donna encore :
Klotilde (Breslau, 1855), Die Literaten (Vienne, 1863,
3 vol.), Niko Veliki (Leipzig, 1864). Tous ces romans,
et nous ne citons que les principaux, sont des compositions
hâtives et irrégulières, qui ressemblent plutôt à des con-
versations de salon qu'à des œuvres d'art. La baronne de
Reinsberg-Duringsfeld n'a plus jamais retrouvé la grâce
simple et naturelle qui caractérise ses premiers essais
poétiques ; c'est par ceux-ci qu'elle vivra dans la littéra-
ture. Ses relations de voyage [Reiseskizzen, Leipzig, 1851-
1868, 7 vol.; Von der Schelde bis zur Maas, Leipzig,
1861, 3 vol.) contiennent des pages intéressantes. On
peut encore considérer comme un résultat de ces voyages
les traductions parfois heureuses qu'elle donna des chan-
— d29
DURÏNGSFELD - DUROC
sons populaires des pays étrangers (Bôhmische Bosen,
Breslau, 1851; Lieder aus Toskana, Dresde, d855;
2« édit., Prague, 1859), et les deux ouvrages qu'elle écri-
vit en commun avec son mari : Hochzeitsbuch (Leipzig,
1871), une comparaison des cérémonies du mariage dans
les différents pays, et Sprichivôrter der germanischen
und romanischen Sprachen{Leïp7Âg, 1872-1875, 2 vol.).
— Le baron de Reinsberg se tua le lendemain de la mort
d'Ida de Diiringsfeld. A. B.
DU RIO (Durio L.) (Bot.). Genre de Malvacées, du
groupe des Bombacées. L'unique espèce, D. Zibethimis L.,
est un grand arbre à feuilles simples, épaisses, couvertes
de poils écailleux. Ses fleurs, entourées à la base d'un
inwlucre gamophylle, ont un périanthe double, pentamère
et un nombre indéfini d'étamines monadelphes à la base et
partagées plus haut en cinq faisceaux. Son fruit, appelé
vulgairement Durion, Durian, Hérisson d'arbre, ne se
développe que sur le tronc ou les grosses branches. C'est
une baie volumineuse qui renferme, sous un péricarpe
ligneux, une pulpe blanche, charnue, dans laquelle sont
plongées les graines. — Le D. 7Âbethinus est répandu
dans la Malaisie et les îles de l'Archipel indien. La pulpe
de son fruit a une saveur alliacée désagréable qui la fait
paraître d'abord fétide et repoussante; mais il paraît qu'on
s'y habitue graduellement et qu'on finit par la trouver
exquise. Cette pulpe est réputée aphrodisiaque. Les graines,
de la grosseur d'une fève, se mangent grillées; elles ont,
paraît-il, le goût des châtaignes. Ed. Lef.
DU RIS DE Samos, historien grec, et, suivant Athénée,
tyran de cette ville. Il descendait d'Alcibiade (Plut., Alcib,,
32) et vivait du temps de Ptolémée Philadelphe. Il com-
posa divers ouvrages, dont le principal était une histoire
grecque qtii commençait à la mort de Jason et d'Amyntas
de Macédoine (Diod., XV, 60). Il en reste des fragments
réunis en grande partie par Droysen dans son histoire des
successeurs d'Alexandre. Duris ne jouit pas d'une très
grande estime auprès des anciens, bien que Cicéron le nomme
homo in historia diligens {Ad AU., VI, i). Il inspire
une médiocre confiance à Plutarque {Démost., 19 ; Alcib.,
32), et Denys d'HaUcarnasse fait peu de cas de sa valeur
littéraire (De Comp. verb., 4).
DU RIVAL (Nicolas), historien lorrain, né à Commercy
en 1723, mort à iïeillecourt en 1795. Il remplit à Nancy
difiérentes fonctions administratives et écrivit plusieurs
ouvrages sur l'histoire, l'administration intérieure et la sta-
tistique de la Lorraine. Les principaux sont : Table alpha-
bétique des villes, bourgs, villages et hameaux de la
Lorraine et du Barrois (Nancy, 1748) ; Mémoire sur la
Lorraine et le Barrois (Nancy, 1753) ; Mémoire sur la
clôture des héritages, le vain pâturage et le parcours
en Lorraine (Nancy, 1763) ; Description de la Lorraine
et du Barrois (Nancy, 1778-1783, 4 vol.).
DURKHEIWI, philosophe français, né dans les Vosges le
15 avr. 1858. Sorti de l'Ecole normale supérieure, il fut
chargé d'une mission en Allemagne, d'où il rapporta des
études remarquées sur l'état de la morale et de la sociologie
en ce pays. Chargé en 1887, à la Faculté des lettres de
Bordeaux, du premier cours de sociologie institué dans
l'enseignement supérieur en France, il a pleinement justifié
cette fondation par ses efforts très personnels pour séparer
la sociologie positive de la psychologie, étudiant les faits
sociaux en eux-mêmes et n'en cherchant l'explication que
dans d'autres faits sociaux. On a surtout remarqué ses
cours sur le suicide (encore inédits). M. Durkheim a été
membre du jury de l'agrégation de philosophie en 1891.
Il a publié : les Etudes récentes de science sociale
{Bévue philosophique, t. XXII, p. 61) et la Science
positive de la morale en Allemagne : les Economistes,
les Socioloqîstes, les Juristes, les Moralistes {Bev.phil.,
1887, t. XXIV, pp. 33-58, 113-142, 275-284). H. M.
D U R KH El M-an-der-Hâardt. Ville d'Allemagne, royaume
de Bavière, Palatinat rhénan, sur l'Isenach, au pied du
Haardt; 6,089 hab. Papeterie, fabrication de couleurs,
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
salines (Philipshalle), marché agricole pour les céréales et
le vin abondant dans la région ; sa foire {Michaelis ou
Wurstmarkt) existe depuis le xv« siècle. — Aux environs
sont les ruines des châteaux de 5c/i/oss(?cA; et Hartenburg, de
l'abbaye de Limburg (fondée en 1030). — Durkheim est
l'ancienne Turincheim possédée par les ducs saUens de Fran-
conie, puis par les abbés de Limburg, les comtes de Leiningen
qui la fortifièrent au xiv® siècle. ^EUe fut dévastée par les
Français en 1689 ; le château, résidence jusqu'à la Révolu-
tion les comtes de Leiningen-Hartenburg, fut démoHenl794,
Eaux minérales. — Les eaux chlorurées sodiques fortes
(5 à 13 °/oo selon lès sources), bromo-iodurées, sont comme
celles de Kreutznach et de Nauheim (V. ces mots) fort
utiles dans toutes les manifestations du lymphatisme et de
la scrofule.
BiBL. : Mehlis, Durkheimund Umgebung ; Durkeim, 1884.
DURLACH. Ville d'Allemagne, grand-duché de Bade,
cercle de Carlsruhe, sur la Pfinz ; 7,474 hab. Etablisse-
ments métallurgiques ; fabriques de machines, d'aiguilles à
coudre, de chicorée; horticulture. Château bâti en 1565,
transformé en caserne, vieil hôtel de ville. — C'était le chef-
lieu du margraviat de Baden-Durlach (1515-1771) (V. Bade,
t. IV, p. 1128) ; c'est en 1220 que l'empereur Frédéric II la
céda au margrave de Bade, en 1576 que le margrave
Charles II y transféra sa résidence (de Pforzheim). Elle
fut détruite par les Français en 1689 et ne se releva pas,
la résidence ayant été transférée à Karlsruhe (V. ce mot).
DURME (La). Rivière de Belgique, qui prend sa source
à Wynckel-Saint-Eloi, dans la Flandre, forme la conti-
nuation du canal de Moervoart, passe à Lokeren et se jette
dans l'Escaut à Thielrode, après un parcours de 48 kil.
DURMIGNAT. Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr. de
Riom, cant. de Montaigut, sur la Bouble ; 657 hab.
DURMITOR (V. Dormitor).
DURNANT. Gorges de Suisse, situées au S. de Martigny
(Valais), sur la rive gauche de la Drave, au N.-O. du mont
Catogne (2,579 m.) ; elles ressemblent à celles de la Diosaz
(V. ce mot); quatorze cascades et 800 m. de longueur,
avec passerelle d'accès. Le volume d'eau y est considérable.
DURNES. Com. du dép. du Doubs, arr. de Besançon,
cant. d'Ornans ; 245 hab.
DURNFORD (Anthony-WiUiam), officier anglais, né dans
le comté de Leitrim (Irlande) le 24 mai 1830, mort dans
le Zoulouland le 22 janv. 1879. Elève de Woolwich, il
entra en 1848 dans le corps du génie, servit à Ceylan
(1851-1855), à Malte (1856-58), et revint en Angleterre
en 1858 avec le grade de capitaine. Envoyé au Cap en
1871, il fut chargé d'assister au couronnement de Cetti-
wayo, et, en 1873, dut remplir la difficile mission d'assu-
rer avec des troupes peu aguerries les passes du Draken-
berg. En 1877, il fut nommé membre de la commission
d'enquête qui devait examiner les plaintes des Zoulous contre
le gouvernement colonial et arranger pacifiquement ces dif-
férends. Mais, en 1878, on se décida à déclarer la guerre à
Cettiwayo. Durnford, qui avait été promu colonel le 11 déc.
de cette année, reçut le commandement d'une colonne diri-
gée contre les Zoulous. Il se trouva le 22 janv. 1879 au
camp d'Isandhlwana en présence de forces de beaucoup
supérieures à celles dont il disposait, et il y périt en assu-
rant avec une poignée d'hommes la retraite de ses troupes.
D U R N ST E I N (anciennement Tyrnstein) . Village de l'Au-
triche, dans le cercle de Krems (Basse-Autriche). Il possède
les ruines du château où Richard Cœur de Lion fut enfermé
par Hadmar II de Kuenring durant trois mois (1192-93),
et qui fut détruit par les Suédois en 1645. Le 11 nov.
1805, un combat y fut livré entre les Français (Mortier)
et les Russes et les Autrichiens (Koutousov et Schmidt)
réunis.
DUROC (Giraud- Christophe -Michel), duc de Frioul,
général français, né à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle)
îe 25 oct. 1772, mort à Mackersdorf (Saxe) le 23 mai
'1813. Elève lieutenant d'artillerie en 1792, il fit les pre-
mières campagnes de la Révolution à l'armée d'Italie où,
9
DUROC — DtJRR
- 430 -
parvenu au gracie de capitaine et devenu aide de camp du
général Lespinasse, il attira, par sa bravoure et ses qualités
d'esprit, l'attention de Bonaparte, qui se l'attacha lui-même
comme aide de camp et que, dès lors, il ne quitta plus.
Duroc se distingua encore par son intrépidité en Egypte
(1798-1799), d'où il revint pour prendre une part active
au coup d'Etat du 18 brumaire. Nommé général de brigade
et gouverneur des Tuileries, il remplit une mission de
contiance à la cour de Berlin, où il fut bien accueilli, revint
trouver le premier consul qu'il assista à Marengo, fut en-
core envoyé, après la paix d'Amiens, comme agent diplo-
matique à Saint-Pétersbourg, à Stockholm, à Copenhague,
devint général de division (1803), grand officier de la Lé-
gion d'honneur et grand maréchal du palais peu après la
création de l'Empire. Vivant dans l'intimité de Napoléon
qui lui témoignait une grande confiance, il veillait avec la
sollicitude la plus attentive à la sûreté de son souverain et
dirigeait mystérieusement une des trois ou quatre pohces
dont l'empereur avait tenu à s'entourer. Il n'avait point
pour cela renoncé au métier des armes. C'est ainsi qu'on
le vit pendant la campagne de 1805 commander une des
divisions de la garde. Mais c'était surtout comme négocia-
teur que Napoléon aimait à l'employer et qu'il le servit,
notamment en Allemagne en 1806, à Fontainebleau en
1807, à Bayonne en 1808. Il suivit en Espagne l'empe-
reur, qui venait de le faire duc de Frioul (1808) et raccom-
pagna aussi en Autriche, où il prit une part honorable à la
bataille d'EssHng (22 mai 1809). On le retrouve près de
Napoléon du commencement à la fin de la campagne de 1812,
après laquelle il fut nommé sénateur et chargé de la réor-
ganisation de la garde impériale, et pendant les premières
semaines de la campagne de 1813, dont il ne vit pas la fin.
A la suite de la bataille de Wurtzen, Napoléon reconnaissait
les positions de l'ennemi, lorsque Duroc, qu'il venait de
quitter depuis quelques minutes à peine, fut frappé mor-
tellement, près du village de Mackersdorf, d'un boulet
dans le bas-ventre. Il témoigna une vive douleur de
la perte de ce serviteur fidèle, dont le dévouement ne s'était
jamais démenti, et voulut que sa fille unique (morte depuis
en 1829, sans mariage) eût en héritage la dotation et le
titre de duchesse de Frioul. A. Debidour.
DUROCASSES. Peuple gaulois de la Celtique, dont le
nom ne figure que sur la Table de Peutinger et Vltiné-
raire d'Antonin; il y désigne une station des Aulerci
Eburovices sur la voie de Rouen au Mans par Evreux,
qu'on a identifiée avec la ville de Dreux (Eure-et-Loir)
(V. Dreux).
DUROCHER (Joseph-Marie-Elisabeth) , géologue et ingé-
nieur français, né à Rennes le 31 mai 1817, mort à Rennes
en 1858. Sorti de l'Ecole polytechnique, il entra à l'Ecole
des mines de Paris en 1837. En 1839, il fut adjoint à
la commission scientifique d'exploration des mers du Nord
et prit part à la campagne de 1835-1840. En 1845, il fit
personnellement et isolément un nouveau voyage dans les
parties méridionale et centrale de la Suède et de la Nor-
vège. Les observations qu'il recueillit sur la géologie, la
minéralogie et les industries minières et minéralogiques de
ces régions devaient servir d'éléments principaux aux pu-
blications ultérieures de Durocher. En 1 841 , il fut chargé
du service des mines dans le dép. de TAriège ; il en profita
pour étudier le terrain de transition dans toute l'étendue
de la chaîne des Pyrénées, et recueillit ainsi les éléments
de ses principaux mémoires publiés en 1844 sur la con-
stitution géologique de cette région. A la fin de cette même
année 1844, il fut chargé du service des mines à la rési-
dence de Rennes et de la chaire de géologie et de minéra-
logie de cette ville. Durocher a publié, à partir de 1841,
de nombreux mémoires dans les Annales des mines ^ le
Bulletin de la Société géologique, les Comptes rendus
de l'Académie des sciences. Il a abordé un des premiers
l'étude de la composition et de la genèse des roches ignées.
La controverse qu'il soutint en 1847 avec Scheern, de
Puiberg, sur l'origine du granité, et qui se retrouve dans la
Publication de la Société géologique, fit beaucoup de
bruit.
DUROL (Chim.) (V. Méthylbenzine) .
pUROSNEL (Antoine-Jean- Auguste), général et homme
politique français, né à Paris le 9 nov. 1771, mort à
Paris le 5 févr. 1849. Entré jeune dans l'armée, aide de
camp du général d'Arville, il fit la campagne d'Allemagne
(1800) et gagna sur le champ de bataille d'Austerlitz son
grade de général de brigade. 11 prit part encore à la bataille
d'iéna (1807), à la campagne de Pologne et combattit
vaillamment à Glottau. Créé comte en 1808, il fut aide
de camp de Napoléon, fit la campagne d'Espagne, puis celle
d'Autriche en 1809. Il fut blessé et fait prisonnier à Ess-
ling. Remis en liberté, il fit la campagne de Russie et, en
1813, devint gouverneur de Dresde. Il avait été promu
général de division le 16 avr. 1809. Pendant les Cent-
Jours, il fut nommé commandant de la garde nationale de
Paris et entra à la Chambre des pairs le 2 juin 1815. Mis
en non-activité par la Restauration, il fut élu député de
Seine-et-Marne le 27 nov. 1830 et, réélu en 1831 et 1834,
siégea au centre et appuya le gouvernement. Il devint aide
de camp de Louis-Phihppe et pair de France le 3 oct. 1837.
DUROSOY (Barnabe Farmiande Rosoy, dit) (V. Rosoy).
DU ROURE (V. RouRE).
DU ROY (Jean-Michel), homme politique français, né à
Bernay (Eure) le 22 déc. 1753, mort à Paris le 16 juin
1795. Avocat, juge au tribunal du district de Bernay, sup-
pléant à la Législative, député de l'Eure à la Convention,
il y siégea à la Montagne et, dans le procès de Louis XVI,
émit les votes les plus rigoureux. Le 9 mars 1793, il fut
envoyé en mission avec Bonnet dans l'Eure et le Calvados
pour la levée des 300,000 hommes, puisa l'armée du Rhin
(30 avr .-13 juin 1793). Il parla souvent contre les giron-
dins. Compromis dans les événements de prairial an III, il
fut condamné à mort avec les derniers montagnards et
essaya vainement de se tuer. On le mena sanglant à la
guillotine. F. -A. A.
DUROZOIR (Charles), publiciste français, né à Paris
le 15 déc. 1790, mort à Paris le 11 sept. 1844. Secré-
taire de Lacretelle , il collabora sous ses auspices à la
Gazette de France et, royaliste ardent, provoqua le mou-
vement insurrectionnel du 31 mars 1814. Rédacteur au
Journal général de France, il y donna des comptes
rendus parlementaires qui lui attirèrent de violentes ini-
mitiés même chez les membres de son parti qui ne parlaient
de rien moins que de le faire exiler. A partir de 1817, il
écrivit encore dans le Messager des Chambres^ dans les
Annales politiques, dans le Journal des maires, dans
le Bon Finançais, dans V Etoile, de nouveau dans la Ga-
zette de France à partir de 1823 et enfin dans le
Moniteur à partir de 1825. De 1817 à 1819, il avait
rempU les fonctions d'examinateur des livres à la direction
de la librairie. Il fut nommé professeur d'histoire à Louis-
le-Grand (1819) et suppléa Lacretelle dans sa chaire de la
FacuUé des lettres. On a de lui : Tableau chronologique
et historique des rois de France (Paris, 1820, in-fol.) ;
le Dauphin, fils de Louis XV (1815,in-12) ; Description
géographique, historique et routière de l'Espagne
(1823, in-8) ; Eloge historique et religieux de Pie VI
(1825, in-8) ; Histoire ancienne (1 826, in-8) ; Louis XVIII
à ses derniers moments (1824, in-12) ; Notice sur les
historiens de Flandre (1828, in-8) ; Précis de l'his-
toire romaine (1828, in-8) ; Belation historique du
voyage de Charles X dans le Nord (1828, in-fol.) ;
l'Abbé de La Salle (1842, in-18); Abrégé de Vhistoire
de Carthage (1843, in-12), sans compter sa collaboration
active à la Biographie Michaud, au Dictionnaire de la
conversation, à la Bibliothèque latine deVânckoucke, etc.
DÛRR (Wilhelm), peintre d'histoire, né à Villingen
(grand-duché de Bade) le 9 mai 1815. Après avoir fait de
sérieuses études à l'Académie de Vienne et dans l'atelier de
Kuppelwieser, il séjourna quelque temps à Munich, à Ve-
nise, à Bologne, et vint se fixer à Rome où il fit partie du
— 431 -
DORR - DURTAL
cercle d'artistes allemands qui comptait parmi ses membres :
Overbeck, Thorwaldsen, Wagner, Reinhard, Riedel, Deger,
Millier, Ittenbach. Forcé de revenir en 1843 dans son
pays natal, pour échapper aux fièvres paludéennes, il y
peignit une quantité de tableaux religieux : le Sermon sur
la^montagne, le Christ bénissant les enfants, dans
régiise d'Alt-Breisach; V Ascension et les Quatre Euan-
gélistes, dans l'église de Fribourg en Bnsgau ; Saint
Laurent, à Kensingen ; le Christ bénissant les enfants,
à Yillingen ; la Prédication de saint Gall, au musée de
Cologne, etc. Le Cabinet des estampes du grand-duc à
Karlsruhe possède une collection des compositions humo-
ristiques de W. Diirr. F. Courboin.
DURRANDE (Antoine, dit Henri), mathématicien fran-
çais, né à Marmande (Lot-et-Garonne) le 17 nov. 1831.
Elève de l'enseignement primaire supérieur, il ne commença
ses études classiques qu'en 1847, fut admis à l'Ecole nor-
male en 1851 et fit, de 1854 à 1869, des suppléances et
des cours dans plusieurs lycées de province. Reçu doc-
teur en 1864 avec deux thèses sur les Propriétés des
surfaces analogues à la surface des ondes et sur le Dé-
veloppeme7it de la fonction perturbatrice, il obtint, en
1871, la chaire de mathématiques appliquées de la Faculté
des'sciences de Rennes et, en 1877, celle de mécanique de
la Faculté des sciences de Poitiers. Il est doyen de cette
dernière depuis 1886. Géomètre distingué,!. Henri Dur-
rande a publié depuis 1861 une dizaine de très intéres-
sants mémoires dans les Nouvelles Annales de mathé-
matiques, les Annales scientifiques de V Ecole normale
et les Comptes rendus de V Académie des sciences de
Paris, n a en outre fait paraître à part : Cinématique
(Paris, 1874, in-4, autogr.) ; Leçons de mécanique expé-
rimentale (Paris, 1875, in-4, autogr.). On lui doit enfin
des notices biographiques sur Deparcieux, A. Lallemand et
F. Isambert. — Un de ses parents, Jean-Baptiste Durrande,
géomètre précoce, mort en 1825 à vingt-sept ans, fut
l'élève et le collaborateur de Gergonne et publia, dans les
Annales de ce dernier, huit mémoires remarquables de
géométrie : le premier est de 1816. L. S.
BiBL. -. V. la liste des mémoires précités dans le Cata-
logue o[ scientific papers of ihe Roy sel Society ; Londres,
1868, t. 11, in-4.
DURRENBERG. Village d'Allemagne, roy. de ^Prusse,
district de Mersebourg, sur la Saale; saline d'où l'on
extrait 250,000 quintaux par an.
DURRHEIM. Village d'Allemagne, grand -duché de
Rade, cercle de ViUingen; salines importantes (140,000
quintaux par an).
DURRIEU (Antoine-Simon, baron), général français,
né à Grenade (Landes) le 20 juil. 1775, mort à Saint-
Sever le 7 avr. 1862. Enrôlé dans le 6° bataillon de volon-
taires des Landes, il fut élu capitaine le 8 janv. 1794, fit
avec ce grade toutes les campagnes de la République et
s'embarqua pour l'Egypte le 17 floréal an VL II était à bord
de varient qui sauta, comme on le sait, à la bataille
d'Aboukir, et Durrieu sauva sa vie par miracle. Mais il ne
tarda pas à être atteint d'une ophtalmie qui le rendit presque
aveugle et le força à donner sa démission (mars 1799) et
à rentrer en France. Quelques mois après, il put reprendre
du service avec son grade, fut aide de camp du général
Digonet aux armées d'ItaUe et de Naples, jusqu'en 1807,
où il obtint enfin le grade de chef de bataillon, et fut placé
à l'état-major de l'armée de Naples. En 1809, le général
Lamarque le prit pour aide de camp et le fit nommer la même
année adjudant-commandant. Passé à l'état-major du 4^ corps
de la grande armée, en avr. 1812, il fit la campagne de Russie
comme chef d'état-major du général Desselles. Le 12 févr.
1813, il fut appelé au commandement de la garnison de
Glogau, et c'est pour sa brillante conduite dans cette place
queVempereur le nomma général de brigade le 3 juin de la
même année. Le 10 janv. 1814, il fut fait prisonnier dans
Torgau par les Prussiens et ne rentra de captivité que le
l^^^uin. Louis XVIII le créa baron le 17 janv. 1815, et
bientôt après il fut mis à la tête du personnel au ministère
de la guerre. Napoléon le nomma à son tour chef d'état-
major du 6® corps (Lobau) et c'est en cette qualité que
Durrieu assista à la bataille de Waterloo. Chef d'état-major
du marquis de Maison dans la campagne de Morée, il fut
nommé général de division le 22 févr. 1829. Louis-Philippe
lui conféra la dignité de grand officier de la Légion d'honneur
en 1834 et la pairie en 1845. Durrieu avait été élu député
de Saint-Sever en 1834 et admis dans le cadre de réserve
le 9 août 1840.
DURRIEU (Jean-Jacques-Pauhn Offroy), homme poli-
tique français, né à Mauriac le 19 févr. 1812, mort à
Paris le 15 juin 1885. Avocat à Mauriac, il fut nommé en
1848 sous-commissaire de la République au même siège,
et fut élu le 23 avr. représentant du Cantal à la Consti-
tuante. Républicain décidé, il fut réélu à la Législative le
13 mai 1849 et reprit ses occupations d'avocat après le
coup d'Etat du 2 décembre. Le 8 févr. 1871, il fut élu
député du Cantal à l'Assemblée nationale où il siégea à
Textrême gauche. H échoua aux élections législatives du
30 janv. 1876, mais fut élu député de Mauriac le 5 mars
de la même année, fit partie des 363 et fut réélu avec eux
le 14 oct. 1877 et de nouveau le 21 août 1881. Il rap-
porta en 1877 la proposition de loi Parent, relative aux
officiers ministériels, et présida en 1881 la commission qui
proposa l'adoption des crédits de début pour l'expédition
du Tonkin.
DURRIEU (Xavier), publiciste et homme politique fran-
çais, né à Castillon (Ariège) le 22 déc. 1814, mort à Rar-
celone le 6 févr. 1868. Collaborateur du Siècle en 1839,
rédacteur en chef du Jemps en 1841, il donna encore des
articles à la Revue de Paris et à la Revue des Deux
Mondes. En 1 848, il fondait avec Auguste Blanqui la Société
centrale républicaine et le 23 avr. il était élu représentant
de l'Ariège à la Constituante où il siégea sur la Mon-
tagne. On a de lui le Coup d'Etat de Louis Bonaparte
(Londres, 1852, in-8).
DURSY (Emil), anatomiste allemand, né à Grunstadt
(Palatinat) le 5 avr. 1828, mort à Tubingue le 16 mars
1878. Il était professeur extraordinaire à Tubingue. H a
laissé des ouvrages remarquables sur Fanatomie et l'em-
bryologie ; citons seulement : Die Muskellehre, etc. (Tu-
bingue, 1860, in-4, 60 pi.) ; Anat. Atlas, 1 Abth.
(Lahr, 1861, gr. in-4, 16 pi.); Der Primitifstreif des
Hiihnchens (Lahr, 1867, 3 pi.) ; Zur Entwickelung des
Kopjfes, etc. (Tubingue, 1869, in-4, 9 pL), etc. D^ L. Hn.
dUHTk\l(Du7istalliîim). Vieux manoir ruiné près
de Saint-Rom ain-de-Lerp (Ardèche), siège d'une ba-
ronnie qui comprenait les communes modernes de Saint-
Romain-de-Lerp ( Saint-Rom ain-de-F Air des listes offi-
cielles) et de Cornas, et partie de celles de Glun, de Châ-
teaubourg et de Saint-Péray. L'amiral de Coligny logea
à Durtail quand il traversa le Vivarais en 1570. Le
château fut détruit dans les années qui suivirent, où les
guerres religieuses firent tant de ruines dans cette pro-
vince. La seigneurie de Durtail appartenait, au xiv« siècle,
à Arnaud de Cristo. Plus tard, elle passa aux barons de
Tournon et enfin à la famille de Coston, représentée au-
jourd'hui par le baron de Coston, de Montélimar, l'auteur
de nombreuses publications historiques sur le Dauphiné.
BiDL. : Garnodier, Recherches archéologiques sur
Saint-Romain-de-Lerp et ses environs ; Valence, 1860. —
D^ Francus, Voyage autour de Crussol; Privas, 1888.^
DURTAL. Ch.-l. de cant. du dép. de Maine-et-Loire,
arr. de Baugé, sur le Loir ; 3,220 hab. Stat. du chemin de
fer d'Orléans, ligne d'Angers à La Flèche. Fabrique de po-
teries et de tuyaux de drainage. Papeterie au hameau de
Qouy. — Cette localité doit son origine à un château élevé au
xi^ siècle par le comte d'Anjou, Geoffroy Martel. Ce châ-
teau, qui se dresse sur de hauts soubassements et domine
la ville et la vallée, est, dans son état actuel, une construc-
tion des XV® et xvi® siècles, aménagée postérieurement et
remaniée pour l'installation d'un hospice et du pTesbytère.
DURTAL — DURUY
— 132 —
11 subsiste toutefois deux superbes tours crénelées. Quelques
restes des anciennes fortifications qui entouraient la ville,
notamment la porte Véron se sont conservés. L'église
Notre-Dame a été reconstruite en style gothique du xiii® siècle,
mais on a conservé l'ancien clocher roman.
DURTOL. Corn, du dép. du Puy-de-Dôme, arr. et cant.
(N.) de Clermont ; 405 hab. Roche branlante du Rei
de la Pi/a. Eglise gothique (parties du xiv® siècle). Château
de la fin du xvii^^ siècle. — Les Escot furent seigneurs de
Durtol aux xiii*^ et xiv® siècles. L. F.
DU RU (Henri-Alfred), auteur dramatique français, né
à Paris en 1829, mort en 1889. Ami de pension de Henri
Chivot (V. ce nom), il a donné avec lui une foule de vau-
devilles dont on trouvera l'énumération dans notre biogra-
phie de Chivot. Il a écrit en collaboration avec Labiche
plusieurs comédies, entre autres : Doit-on le dire?
Madame est trop belle ^ les Samedis de Madame^ la Clé;
avec Clair ville, l'opérette les Cent Ff(?r</^s; avec Bu snach,
le Bas de Laine; avec Cholet, la Boîte à Bibi; avec Ray-
mond, la Fille du clown; avec Chabrillat,/é'5 Mirlitons ^ç^Xc.
Seul, il a publié deux pièces : les Deux Noces de Bois-
joli (1872, in-d2), vaudeville en trois actes, et r Homme
du Lapin Blanc (1875, in-12, comédie-vaudeville en trois
actes.
DURUFLÉ (Louis-Robert-Parfait), poète français, né à
Elbeuf le 28 avr. 1742, mort près de Rouen en 1793.
Avocat, il devint historiographe de Monsieur, et posa sans
succès sa candidature à l'Académie française en 1773.
Outre sa collaboration au Journal encyclopédique^ il a
donné : Servilie à Brutus après la mort de César, hé-
roïde (Paris, 1767, in-8) ; le Triomphe de VEglise sur
l'hérésie^ ode (1770, in-8) ; le Siège de Marseille (1774,
in-8) ; Epître à un ami malheureux (1773, in-8) ; le
Messie, ode (1776, in-8) ; Sentiments dun cœur péni-
tent, stances (1776, in-8).
DU RU 0 F (Jules), aéronaute français (V. Dufour).
DU RUTTE (Jean-François, comte), général français, né à
Douai le 14 juil. i 767, mort à Ypres le 1 8 août 1827. Enrôlé
volontaire en 1792, il fit avec la plus grande distinction
les campagnes de la Révolution, d'abord à l'armée du Nord,
puis à l'armée du Rhin, devint général de brigade en 1799,
général de division en 1803, et eût pu espérer une plus
haute fortune si son amitié pour Moreau ne lui eût valu,
comme à beaucoup d'autres, la défaveur de Napoléon. Em-
ployé obscurément à l'intérieur, Durutte ne reparut devant
l'ennemi qu'en 1809, époque où, à la tête d'une division de
l'armée d'Italie, il concourut puissamment aux victoires de
Raab et de Wagram. Ces brillants services ne lui valurent
que le titre de baron. Chargé ensuite du gouvernement
d'Amsterdam, puis du commandement de la 32^ division
militaire, il servit avec éclat en Russie (1812), sous Victor,
puis sous Augereau, et en Allemagne (1813), sous le
prince Eugène, conquit sur les champs de bataille de Lutzen
et de Bautzen le titre de comte, sauva l'armée par sa fer-
meté à Dennevitz (6 sept.) et, après Leipzig, alla défendre
Metz qui, grâce à lui, résista jusqu'à la fin de la guerre
et n'ouvrit pas ses portes à l'ennemi (1814). Assez bien
traité par Louis XVIII, il ne crut pas devoir pendant les
Cent-Jours refuser son concours à Napoléon contre l'étran-
ger, et il combattit vaillamment à Waterloo, oti il reçut
deux blessures. Aussi fut-il mis d'office à la retraite après
la seconde Restauration, et le gouvernement royal lui tint
rigueur jusqu'à sa mort. A. Debidour.
DURUTTE ( François-Camille- Antoine , comte), fils du
précédent, compositeur de musique et théoricien français,
né à Ypres (Flandre) le 15 oct. 1803. Ancien élève de
l'Ecole polytechnique, officier d'artillerie, il donna sa dé-
mission pour se consacrer entièrement à la musique. Ses
théories l'ont fait connaître plus que ses compositions.
Partant du système de Barbereau, son maître, sur la série
des quintes /a, ut, sol, ré, la, mi, si, genèse de la gamme
diatonique, et de l'échelle chromatique de Wrouski, M. Du-
rutte s'est proposé d'arriver à la loi génératrice de tous
les accords, consonants, dissonants et altérés, ainsi qu'à
la loi de leur enchaînement, et par suite à la loi tonale. II
prétend que tous les éléments diatoniques, chromatiques,
enharmoniques, sont contenus dans sa progression des
quintes poussée jusqu'au trente et unième terme. L'exposé
de cette doctrine, pleine de vues hardies, se trouve dans
un grand ouvrage : Esthétique musicale. Technie ou
Lois générales du système harmonique (Paris, 1855).
Ce traité a été plus tard résumé et complété par l'auteur :
Résumé élémentaii^e de la Technie harmonique et com-
plément de cette Technie, suivi de l'Exposé de la loi
de l'Enchaînement dans la mélodie, dans l'harmonie
et dans leur concours (Paris, 1876). On trouvera dans
la Biographie des Musiciens, de Fétis, une longue réfu-
tation de ce système. M. Durutte a composé une sympho-
nie, deux messes, des œuvres de musique de chambre,
enfin plusieurs ouvrages dramatiques dont un seul, le Vio-
lon de Crémone y a été représenté à Metz, le 10 mars 1865.
DURUY (Victor), historien et homme d'Etat français, né
à Paris le 11 sept. 1811. Il était d'une famille pauvre et
obscure (son père était ouvrier à la manufacture des Gobe-
lins) qui le destina d'abord à une profession manuelle. H
ne commença qu'assez tard ses études classiques et n'en
fut pas moins admis dès l'âge de dix-neuf ans (1830) à
l'Ecole normale supérieure. 11 en sortit en 1833, fut en-
voyé comme professeur d'histoire au collège de Reims et
rappelé fort peu après à Paris où, durant plus d'un quart
de siècle, il occupa avec distinction une chaire au collège
(depuis lycée) Henri IV. S'inspirant surtout de Michelet, il
se fit de bonne heure remarquer par un enseignement
imagé, vivant et, grâce aux nombreux ouvrages qui vulga-
risèrent sa méthode, ne tarda pas à devenir populaire. Après
avoir collaboré, comme anonyme, à divers ouvrages élé-
mentaires, il publia sous son nom, en •1838, sa Géogra-
phie politique de la république et de l'empire romain ;
en 4839, sa Géographie historique du moyen âge; en
-1841, son Atlas de la géographie universelle ; en 1844,
son Histoire des liomains et des peuples soumis à leur
domi7iation (2 vol. in-8) ; en 1845, ^on Histoire sainte
d'après la Bible _(in-8). Dès lors il ne cessa d'écrire et, se
consacrant principalement à l'éducation historique de la
jeunesse, produisit coup sur coup de nombreux ouvrages
classiques dont le succès n'est pas encore épuisé de nos jours.
M. Duruy, docteur es lettres depuis 1853, n'avait pas
pour cela renoncé à l'enseignement secondaire. Il ne sortit
du lycée Henri IV qu'en 1861 , pour exercer les fonctions
d'inspecteur de l'académie de Paris. Nommé un peu plus
tard maître de conférences à l'Ecole normale supérieure,
puis inspecteur général de l'instruction publique et pro-
fesseur à l'Ecole polytechnique (1862), il fut tout à coup,
le 23 juin 1863, appelé au poste de ministre de l'instruc-
tion pubhque par Napoléon III, qu'il avait aidé personnel-
lement dans ses recherches sur la Vie de César et dont il
avait rapidement gagné la confiance et l'amitié. Dans les
conseils de l'Empire, où il demeura six années, M. Duruy
représenta constamment l'élément Kbéral, démocratique et
anticlérical, et eut à lutter sans relâche contre l'esprit au-
toritaire des hommes de 1852, et surtout contre l'exclusi-
visme jaloux du clergé cathohque. L'empereur eut souvent
fort à faire pour le défendre contre son entourage. Il n'y
a peut-être pas eu de ministre de l'instruction publique plus
laborieux, plus hardi, moins effrayé que lui par les inno-
vations. Si son œuvre est restée incomplète, si son admi-
nistration n'a pas porté de meilleurs fruits, ce n'est assu-
rément pas sa faute. Dès son entrée au gouvernement, il
voulut donner une garantie au corps enseignant des lycées,
en instituant une commission chargée de statuer sur la ré-
vocation des professeurs. Dans le même temps, il rétablis-
sait l'agrégation et la classe de philosophie, reculait d'une
année la bifurcation scolaire établie par son prédécesseur
Fortoul et n'hésitait pas, malgré bien des clameurs, à in-
troduire dans les lycées et dans les collèges l'enseignement
de l'histoire contemporaine.
133
DURUY - DURY
Peu après, on le voit donner ses soins à la réorganisa-
tion de l'enseignement professionnel, mettre en vigueur la
loi qui crée etrègulaivisQV eîiseignement spécial, mstiiuer^
pour lui fournir des maîtres, l'Ecole normale de Cluny,
réformer profondément les programmes du baccalauréat es
lettres et du baccalauréat es sciences, diriger à l'occasion
de l'Exposition universelle de grandes enquêtes sur l'état
de l'instruction publique en France et à l'étranger, encou-
rager dans les principales villes de France les cours libres
et les conférences publiques, créeret soutenir (4867-1868),
malgré les menaces, les injures et les anathèmes de l'Eglise,
un enseignement secondaire laïque, donné aux jeunes filles
par les professeurs les plus distingués de l'Université. Son
activité s'applique aussi à l'enseignement supérieur : il
réorganise par exemple le Muséum d'histoire naturelle et
il crée de toutes pièces l'Ecole des hautes études. Mais sa
sollicitude s'attache principalement à l'instruction primaire.
Il la voudrait gratuite et obligatoire ; il propose résolument
cette innovation dans un rapport célèbre qui paraît au Mo-
niteur, mais que l'empereur, violenté par son entourage,
a bientôt la faiblesse de désavouer. Il obtient du moins le
vote de Futile loi du 40 avril 4867 sur les écoles de ha-
meau'sur les écoles de tilles et sur la gratuité, C'était un
premier pas dans la voie oîi il voulait entraîner son gou-
vernement, et il espérait bien obtenir plus tard pleinement
gain de cause.
Mais l'Empire, vicié dans son principe, était atteint déjà
d'un mal incurable. Les élections de 4869 déterminèrent
Napoléon III à renouveler complètement son ministère.
M. Duruy dut résigner son portefeuille (47 juil. 4869)
et fut nommé sénateur. La révolution du 4 sept. 4870 le
fit rentrer dans la vie privée. Il eut quelques velléités d'en
sortir et, resté fidèle à la cause de l'Empire, se présenta
sans succès, du reste, le 30 janv. 4876, comme candidat
de l'appel au peuple aux électeurs sénatoriaux du dép. de
Seine-et-Oise. Ce fut sa dernière incursion dans la poli-
tique. Depuis quinze ans, il ne paraît plus avoir eu d'autre
préoccupation que ses études historiques, qu'il a reprises
avec une énergie et une ardeur toutes juvéniles. Après
s'être fait connaître dans sa jeunesse comme vulgarisateur,
il a voulu, au déclin de sa vie, se faire une place dans le
monde de la science pure et de l'érudition. Il y a réussi
grâce à son Histoire des Romains qui, entièrement refon-
due, est devenue, par suite des plus patientes recherches, un
ouvrage magistral et de premier ordre (Paris, 4879-4885,
7 vol. gr. in-8) ; il en est de même pour son Histoire des
Grecs (4886-1894, 3 vol. gr. in-8). Aussi ses travaux
lui ont-ils ouvert, à plusieurs reprises, les portes de l'Ins-
titut. Elu membre libre de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres, le 14 nov. 4873, il est entré à l'ilcadémie
des sciences morales et politiques le 4^^' févr. 4879. Enfin,
le 4 déc. 4884, l'Académie française l'a admis dans ses
rangs en remplacement de Mignet.
Outre les travaux indiqués au cours de cet article, il faut
citer parmi les ouvrages de M. Duruy: Etat du monde ro-
main vers la fondation de V Empire (4853, in-8) ; His-
toire romaine (1848, in-42) ; Histoire grecque (4854,
in-42) ; Histoire de France (4852, 2 vol. in-42) ; His-
toire delà Grèce ancienne (4862, 2 vol. in-8) ; Histoire
moderne (4863, in-48) ; Histoire populaire de la France
(4863, in-4, illustrée) ; Histoire populaire contempo-
raine (4864, in-4, illustrée); Introduction générale à
rhistoire de France (4865, in-8). Il faut signaler aussi
certains des rapports et circulaires publiés par M. Duruy
pendant son ministère. Rappelons enfin que cet historien
dirige depuis plus de quarante ans la publication, entre-
prise par la maison Hachette, d'une Histoire imiver selle
par une société de professeurs et de savants. A. D.
DURUY (Albert), pubhciste français, fils du précédent,
né à Paris le 3 janv. 4 844, mort à Villeneuve-Saint-
Georges le 42 août 4887. Elève de l'Ecole normale dès
l'âge de dix-neuf ans, il fut attaché presque aussitôt au
cabinet de son père. Collaborateur du Peuple français
(4869), sous le pseudonyme ^'Albert Villeneuve, et delà
Liberté, sous son véritable nom, il s'engagea, lors de la
guerre de 4870, dans le 3° régiment de tirailleurs algé-
riens, reçut la médaille militaire pour sa brillante conduite
à Reischoffen et à Gravelotte et partagea la captivité de
ses compagnons d'armes à Bonn, puis à Mayence et à
Ehrenbreitstein. Rendu à la vie civile par la paix de Franc-
fort, il collabora aux journaux bonapartistes, publia une
brochure qui fit quelque bruit : Comment les Empires
reviennent (4875, in-8), et fonda la Nation (4876) qui
ne tarda pas à fusionner avec V Ordre. A la mort du prince
impérial, il renonça aux luttes politiques et se consacra
aux études historiques. V Instruction publique et la Re»
volution (4882, in-8) est, en dépit des protestations d'in-
partialité de l'auteur, un réquisitoire contre les institutions
mêmes décrétées par la Constituante et la Convention.
Albert Duruy avait entrepris sur l'histoire militaire de la
même époque un grand ouvrage dont quelques fragments
ont paru dans la Revue des Deux Mondes, et auquel il
avait préludé par une biographie populaire de Hoche et
Marceau (4885, in-42), mais la mort ne lui permit d'a-
chever que la première partie de cet ensemble, l'Armée
royale en 1189 (4888, in-42), livre posthume, précédé
d'une touchante notice de M. Georges Duruy (V. ci-après)
qui a été tirée à part. D'autres épisodes ont paru sous le titre
d'Etudes d'histoire militaire sur la Révolution et
l'Empire (4888, in-42). M. Tx.
DURUY (Georges), frère du précédent, né à Paris en
4853. Elève de l'Ecole normale et membre de l'Ecole
française de Rome, il fut d'abord professeur d'histoire au
lycée d'Alger, puis au lycée Henri IV à Paris. Outre un
certain nombre de livres élémentaires : Histoire som-
maire de la France (4880-4884, 2 vol. in-42) ; Histoire
de Turenne (4880, in-42). Pour la France, Patrio-
tisme, Esprit militaire (4884, in-I2), il a publié une
thèse de doctorat couronnée par l'Académie française: le
Cardinal Carlo Car a fa, étude sur le pontificat de
Paul IV (4883, in-8), et plusieurs romans très remarqués:
Andrée (4884, in-42); le Garde du corps (1885, in-42);
rUnisson (1887, in-42); Victoire d'âme (4888, in-12),
recueil de nouvelles; Fin de rêve (4889, in-42), roman
politique qui a fait du bruit ; enfin une pièce non représentée :
Ni Dieu ni Maître (4890, in-48), et une notice sur son
frère Albert (V. ci-dessus). Allié par son mariage aux
familles Jubinal et de Saint-Albin , M. Georges Duruy se
propose, dit-on, de publier les Mémoires inédits de Barras
dont il a en main les manuscrits originaux. M. Tx.
DURVILLEA (Bot.). Algues de l'ordre des Phéophycées,
famille des Fucacées et tribu des Myriodesmées, dioïques,
conceptacles répartis uniformément sur toute la surface du
thalle qui est homogène, comprimé, plan ; à spores en-
tourées d'une couche mucilagineuse souvent abondante et
naissante d'un périspore hyalin, pariétal, de forme ovoïde.
Deux espèces : D. utilis et D. Harveyi. Habitat : mers
australes de préférence. H. F.
DURY. Com. du dép. de FAisne, arr. de Saint-Quentin,
cant. de Saint-Simon; 374 hab.
DURY. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. d'Arras,
cant. de Vitry ; 504 hab.
DURY {Duriacum), Com. du dép. de la Somme, arr.
d'Amiens, cant. de Boves, dans une plaine ; 669 hab.
Hospice départemental d'aliénés. Un combat v eut lieu le
27 nov. 4870.
DURY ou DU RIE (John), Durœus, théologien, né à
Edimbourg en 4595 ou 4596, mort à Cassel en 4680. Son
père, pasteur presbytérien, banni avec d'autres pasteurs
pour résistance à la politique ecclésiastique du roi Jacques,
avait du se retirer à Leyde. Après avoir achevé ses études
à Oxford, Dury commença à l'étranger l'exercice de son
ministère. En 4625, il était pasteur des réfugiés anglais à
Elbing, alors sous la domination des Suédois. C'est là vrai-
semblablement qu'il conçut le projet de réunir en un seul
corps les diverses fractions de l'Eglise protestante. Rentre
DURY - DUSAULX
134 —
en Angleterre, il se rallia à l'Eglise épiscopale et lut en-
couragé à poursuivre la réalisation de son projet par Abbot,
archevêque de Canterbury (V. Abbot), Bidell, évêque de
Kilmore, et Hall, évêque d'Exeter. Dès 1634, il se mit a
l'œuvre, et après avoir assisté à l'assemblée de Francfort,
il entra en négociations avec les théologiens de Hollande,
de Suisse, de France, de Suède et de Danemark, les univer-
sités d'Allemagne et les églises de Transylvanie. Pendant la
révolution d'Angleterre, il retournaà l'Eglise presbytérienne,
et il entreprit, sous le patronage de Cromwell, un nouveau
voyage sur le continent (1654-1657). Après la mort du
Protecteur, il quitta définitivement l'Angleterre et se hxa
à Cassel, oîi il trouva une généreuse assistance. En Ibbi,
il alla à Metz conférer avec le pasteur Ferry, qui parta-
geait ses vues. L'insuccès de ses longs efforts auprès des
protestants ne paraît point l'avoir découragé. Vers la hn
de sa vie, il crut avoir trouvé dans l'Apocalypse le moyen,
non seulement de les rassembler tous dans une même Eglise,
mais de leur adjoindre les catholiques. En conséquence, il
publia en français et dédia à la princesse Sophie, régente
de l'électorat de Hesse, une Manière cV expliquer l Apo-
calypse, par lui-même, comme il convient d'expliquer
toute l'Ecriture, pour en avoir Vintelligence (Franc-
fort, 1674). — Toutes les œuvres de Dury se rapportent
à l'espérance qui illumina toute sa vie : Aliquot theolo-
gorum Galliœ et trium Ecclesice Anglicanœ episcopo-
rum Sententiœ de pacis rationibus inter Evangelicos
usurpandis (Oxford, 1634); Hypomnemata de studio
pacis ecclesiasticœ (Amsterdam, 1636); Consultatio
theologica super negotia pacis ecclesiasticœ (Londres,
1641, in-4); A Summary Discorse concerning the
tvorck ofpeace ecclesiastical (Cambridge, 1641, in-4);
Pétition to the House of Gommons for the préservation
of the true religion (Londres, 164"^) ; Irenicorum Trac-
tatuum prodromus (Amsterdam, 1660). E.-H. Yollet.
BiBL.: Bayle, Dictionnaire historique, art. Dureus. —
Chalmers, General biographical Dictionary; Londres,
1812-1817, 32 vol. in-8. - Henke, art. Duraus, dans la Real
Encyclopadie de Herzog; Stuttgart et Hambourg, 1854-
1868, 22 vol. in-8. ^. ,,-,.. /c *
DU RYER (André), orientaliste, ne a Marcigny (Saone-
et-Loire) vers 1580, mort vers 1660. Il fut consul géné-
ral de France en Egvpte. Il a laissé, en latm, des Rudi-
menta grammaticis linguœ turcicœ (Pans, 1630,
1633, in-4), et des traductions françaises du Gulistan de
Saadi (Paris, 1634, in-8) et du Coran (Paris, 1647, in-4).
On a encore de lui un Dictionnaire turc-latin, manuscrit
à la Bibliothèque nationale de Paris.
DU RYER (Isaac), poète français, né dans la deuxième
partie du xvi^ siècle, mort vers 1631 . Il pubha des pastorales
et autres pièces dans le goût du temps.
DU RYER (Pierre), poète français, fils du précédent, ne
à Paris en 1606, mort à Paris le 6 nov. 1658. Il a laissé de
nombreuses pièces de vers qu'il composait pour les hbraires
dans un but purement mercantile et qui n'ont aucune valeur.
Par contre, il écrivit dix-sept tragédies dont plusieurs, et
surtout Alcyonée (1639) et Scevola (1647), eurent beau-
coup de succès, ainsi que la comédie les Vendanges ^ de
Suresnes (1636); nous croyons inutile de donner ici le
titre de ses autres pièces. Pierre Du Ryer a donné, en outre,
un grand nombre de traductions qui, faites pour la plupart
sans soin et pour gagner le pain quotidien, n'ont aucun
mérite. La moins mauvaise est celle de Cicéron (1652,
10 vol. in-4 2); quant à celles qu'il laissa de Sénèque
(1667), d'Hérodote (1645), de Tite-Live (1659), d'Ovide
(1660), etc., il vaut mieux n'en pas parler. C. St-A.
BiBL. : Frères Parfaigt, Histoire du Théâtre français,
t. IV, VI, VII. — Baillet, Jugement des savants, I . —
NiCERON, Mémoires, XXII.
DUSART (Corneille), peintre et graveur à 1 eau-torte,
au burin et à la manière noire, né à Haarlem le 24 avr.
1665, mon le 1^^ oct. 1704. Il était élève d'Adrien
Van Ostade et a gravé, en alourdissant un peu la manière
de son maître, toute une série de sujets de mœurs ; parmi
les pièces les plus importantes de son œuvre, entièrement
décrit par Bartsch, on peut citer : la Fête de village, les
Chanteurs, le Chirurgien, la Ventouse, le Cordonnier
renommé, les Douze Mois et une suite intitulée la Joie
publique à l'occasion de la prise deNamur. Ses tableaux
sont rares et recherchés. On en trouve aux musées d'Ams-
terdam, de Dresde, de Vienne, etc. J. Gole a gravé, à la
manière noire, d'après Corneille Dusart, les sujets de genre
aussi bien exécutes que les pièces originales de l'artiste.
BiBL. : Bartsch, le Peintre-Graveur, t. V, p. 486.
DUSAULCHOY de Bergemont (Joseph-François-Nicolas),
littérateur français, né à Tout le 21 févr. 1761, mort le
25 juil. 1835. Après avoir rédigé en Hollande la Gazette
d'Amsterdam, il revint à Paris où il trouva une place
dans les bureaux de la guerre. Mais journahste dans
l'âme, il collabora au Courrier national, fonda le Répu-
blicain, fournit des articles aux Révolutions de France
et de Brabant qu'il continua sous le titre de la Semaine
politique et littéraire. Poursuivi à diverses reprises pour
faits de presse, il fut emprisonné sous la Terreur. Déhvre
au 9 thermidor, il fonda en 1795 le Batave, eut de nou-
veaux démêlés avec le gouvernement à propos d'un pam-
phlet assez vif : Donnez-nous nos myriagrammes et
foutez le camp (Paris, 1796, in-8), et finalement entra
dans les bureaux de la pohce (surveillance des journaux).
Destitué en 1802 pour s'être montré trop tolérant envers
la presse, il participa à la fondation dn Journal des Arts,
des Sciences et de la Littérature, collabora au Courrier
de l'Europe et au Journal de Paris et rentra tout à fait
dans la vie privée en 1815. On a de cet auteur fécond :
Etrennes aux uns et aux autres (Paris, 1789, in-8);
Almanach dupeuple (1792,in-18); Mon Agonie à Saint-
Lazare sous la tyrannie de Robespierre (il9^,'m-^);
le Triomphe des armées françaises (1801, in-8);_ifis-
toire du couronnement de Napoléon P^ (1805, iQ-8);
le Rappel des Dieux (1811, in-8); le Censeur (1817,
2 vol. in-12); les Soirées de famille (1817, 3 vol. in-12),
en collaboration avec Charrin; la Romance et le Portrait
ou la Fausse Soubrette, comédie (Paris, 1817, in-8);
Mosaïque historique, politique et littéraire (1818,2 vol.
in-'12); Mahomet II ou les Captifs vénitiens (1820,
in-18), mélodrame joué à la Porte-Saint-Martin; le Pro-
tégé de tout le monde (1822, in-8), comédie; les Nuits
poétiques (1825, in-18), etc., etc.
DUSAULX (Jean- Joseph), littérateur ethomme pohtique
français, né à Chartres le 28 déc. 1728, moit à Paris le
31 mars 1799. Avocat, puis commissaire de la gendar-
merie à Nancy, il fut protégé par le roi Stanislas qui le fit
admettre dans son Académie et présida lui-même la séance
de réception. Dusaulx suivit son corps en Allemagne, à
Cassel, puis vendit sa charge, revint à Paris et se consacra
aux lettres. Il était joueur, réussit à se corriger de sa pas-
sion et publia en 1775 des Lettres et réflexions sur la
fureur du jeu qui amenèrent la fermeture des maisons de
jeu de Paris et lui valurent la place de secrétaire du duc
d'Orléans. Il fut nommé, en 1776, à l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres. Il connut Piron, Voltaire et Jean-
Jacques Rousseau (V. son ouvrage, De mes Rapports avec
J.-J. Rousseau et de notre correspondance active ; Paris,
1798, in-8). Il fit quelques voyages et pubha en 1796 le
récit de ses excursions dans les Pyrénées. Un des électeurs
de Paris en 1789 (il fit aussi partie des assemblées élec-
torales de 1790, de 1791 et de 1792), Dusaulx participa
aux événements du 14 juil., qu'il raconta dans un ouvrage
célèbre et souvent réimprimé : De llnsurrection pari-
sienne et de la prise de la Bastille, discours historique
prononcé par extrait dans l'Assemblée nationale (Paris,
1790, in-8). C'est dans la séance du 10 tévr. 1790 qu'il
avait prononcé ce discours historique, au nom de la Com-
mune de Paris et du comité de la Bastille. En l'imprimant,
il plaça en tète une introduction ou récit préalable intitulé
rOEuvre des sept jours. Député suppléant de Paris à la
Législative, il y siégea à partir du 6 juin 1792 et fut un
des commissaires envoyés par l'Assemblée pour tâcher
435 -
DCfSAULX — DU SEIGNEUR
d'arrêter les massacres de septembre. Elu par Paris à la
Convention, il y siégea parmi les modérés, et, dans le pro-
cès de Louis XVI, vota pour la détention. Ami des giron-
dins, il fut inscrit sur la liste de proscription du 2 juin ;
mais Marat Ten fit rayer comme radoteur et inoff(3nsif.
Toutefois, ayant protesté, il fut décrété d'arrestation et ne
rentra à la Convention que le 18 frimaire an III. Membre
du conseil des Anciens, dont il devint président, il fut au
nombre des proscrits de fructidor, mais on ne le déporta
pas et il devint bibliothécaire à l'Arsenal. Il était membre
de l'Institut depuis la création, pour la classe de littérature
et beaux-arts, section des langues anciennes. — Sa veuve
imprima d'insignifiants Mémoires sur la vie de J. Dusaulx
(Paris, an IX, in-8 de 447 p.). F.-A. A.
DUSAUSOIR (Jean-François), poète français, né à Paris le
30 janv. 4737, mort à Paris le 4«^ janv. 4823. Membre de
V Athénée des Arts, collaborateur zélé de VAlmanach des
Muses et ûa Nouvel A Imanach des Muses, il a donné un cer-
tain nombre de poésies légères et de pièces de circonstance
sans grande saveur et sans importance. Nous citerons : le
Bois de Boulogne (Paris, an VIII, in-8); Epître aux dé-
tracteurs des femmes (4799, in-42) ; Lettres amoureuses
d'Emilie et de Sainval (4802, in-42); Olympie à Byrène
(4844, in-8); Parallèle de Sylla et de Bonaparte (s. d.,
in-8); Poème sur le luxe (4848, in-8); le Sérail de
7Mdir (4844, in-8); le Sultan indécis (4794, in-8), etc.
DU se H (Johann-Jakob), écrivain allemand, né à Celle
le 42 févr. 4725, mort à Altona le 48 déc. 4787. Ses
poésies didactiques sont médiocres, médiocres aussi ses
poèmes héroï-comiques imités de Pope qu'il a traduit
(Altona, 4758-4763, 5 vol.); on apprécie plus ses Mora-
iischen Briefe (Leipzig, 1759, 2 vol.) et ses Briefe zur
Bildimg der Geschmacks (Leipzig, 4764-4773). Citons
aussi ses romans : Gesch, Karls Ferdiners (Breslau,
4776-4780, 3 vol.); Die Pupille (Altona, 4798). •
DU se H (Alexander von), homme d'Etat allemand, né à
Neustadt-an-der-Haardt le 27 janv. 4789, mort à Heidel-
berg le 27 oct. 4876. Il entra dans l'administration ba-
doise, représenta le grand-duché à Berne et Munich (4834),
à la diète de Francfort (4838), en Belgique (4840), devint
ministre des affaires étrangères en 4843 ; il se retira en
4849. Ses opinions étaient libérales. Il a écrit : Zur P an-
thologie der Bevolutionen (4852); Bas Beich Gottes
und Staat und Kirche (4854).
DUSCHEK (François), homme d'Etat hongrois, né à
Radowesnic, près de Bilin (Bohême), le 28 août 4797, mort
à Csornkovvecz le 47 oct. 4873. Il était vice-président de
la chambre des finances au moment de la révolution de
4849; Kossuth le décida à prendre le sous-secrétariat des
finances du gouvernement révolutionnaire. Il se retira avec
lui à Debreczin, devint ministre des finances dans le ca-
binet Szemere, se retira à Szeged en juil. 4849 et, après la
capitulation de Vilagos, remit sa caisse au commandant
autrichien.
DUSE-Checchi (Eleonora), actrice italienne, née à Vige-
vano le 3 oct. 4859. Elle aborda dès l'enfance la carrière
du théâtre, mais ce n'est qu'à l'âge de vingt-deux ans en-
viron qu'elle commença à s'y faire remarquer, dans l'em-
ploi des jeunes premières, puis dans celui des premiers
rôles. Sa réputation grandit alors rapidement, et, depuis,
elle est devenue l'actrice la plus renommée de son pays,
où on l'appelle volontiers la Sarah Bernhardt italienne,
bien qu'il y ait peu d'analogie entre le talent des deux ar-
tistes. M'^^ Duse est une comédienne de sentiment, d'im-
pression, plus que d'étude et de profondeur ; mais c'est
une comédienne très émouvante, parce qu'elle est très
émue, et qui, en dépit de sa petite taille et de son physique
un peu grêle, rend avec une rare puissance les élans de la
passion la plus intense. A part une ou deux comédies de
Goldoni, telles que Pamela et La Locadiera , une comé-
die de M. Praga, La Moglie idéale, à part un drame du
grand écrivain espagnol Echegaray, // Gran Galeotto^ le
répertoire de M^^ Duse se compose presque uniquement de
pièces françaises modernes, et principalement de celles de
MM. Alexandre Dumas fils et Sardou. C'est ainsi qu'elle
a remporté ses plus grands succès dans la Dame aux
camélias, Denise, Francillon, Odette, la Femme de
Claude, la Priîicesse de Bagdad, Fernande, Fédora,
Cléopâtre, Divorçons, etc. Ses triomphes éclatants
ne se sont pas bornés à son seul pays, elle ne s'est pas
fait applaudir seulement à Rome, à Turin, à Milan, à
Naples et dans toute l'Italie ; elle a fait aussi de brillants et
fructueux voyages à l'étranger et s'est fait acclamer tour à
tour en Espagne, en Egypte, en Russie, aux Etats-Unis et
dans l'Amérique du Sud, exerçant partout une sorte de fas-
cination, grâce à un jeu tout ensemble plein de charme,
de passion et parfois de grandeur. M^^® Duse a épousé un
comédien nommé Tebaldo Checchi, son compatriote, qui
est devenu, il y a quelques années, l'un des fonctionnaires
supérieurs du ministère des affaires étrangères à Buenos
Aires, d'où il a envoyé à divers journaux italiens des cor-
respondances intéressantes. Arthur Pougin.
DU SEIGNEUR (Jean-Bernard) , sculpteur français, né à
Paris le 23 juin 4808, mort à Paris le 6 mars 4866. Cet ar-
tiste, qui figura au premier rang dans la pléiade romantique
de 4830, eut pour professeurs "Bosio, Dupaty et Cortot. Il
ne tarda pas à secouer la tradition académique, et le Boland
furieux qu'il exposa au Salon de 4834 produisit une im-
pression comparable à celle de la préface de Cromwell en
littérature. Cette œuvre puissante, aussi hardie dans sa
conception que savante d'exécution, fut coulée en bronze,
bien des années après, et figura ainsi au Salon de 4867;
elle orne aujourd'hui le jardin du Luxembourg. A la même
époque, il modela les médaillons ou les bustes des princi-
paux littérateurs de la nouvelle génération : Victor Hugo
(S. 4833); Pétrus Borel, Gérard de Nerval, Théophile
Gautier, le Bibliophile Jacob, etc. Au Salon de 4833,
il envoya aussi un groupe inspiré par Notre-Dame de
Paris de V. Hugo, Une Larme pour une goutte d'eau;
et à celui de 4834, un groupe colossal, l'Archange
saint Michel vainqueur de Satan. Les trois groupes que
nous venons de citer, pleins de jeunesse, d'enthousiasme
et de talent, bien dignes de cette renaissance moderne
dont le mouvement romantique est le point initial, fon-
dèrent la réputation de Jean Du Seigneur et lui assurent
toujours, malgré les changements d'orientation esthétique
fréquents de notre époque, une place distinguée dans l'his-
toire de la sculpture française. Ces succès valurent à
l'artiste de nombreux travaux ; voici les principaux qu'il
exposa : Saint Augustin, statue (S. 4835); DagobertL^^
statue (S. 4836; à Versailles); divers bustes de person-
nages historiques et deux bas-reliefs : la Mort de Desaix
Qi le Passage du mont Saint-Bernard (S. 4839; égale-
ment pour Versailles) ; Sainte Agnès, statue (à l'église de
la Madeleine); un buste de Louis-Philippe (S. 4840) ;
Saint Pierre, statue (S. I84I; éghse N.-D. des Victoires).
A partir de 4842, l'art religieux absorba presque exclusive-
ment Jean Du Seigneur; pendant six années il travailla aux
bas-reliefs de la chapelle N.-D. de Bon-Secours, près de
Rouen, et exécuta entre temps une quantité d'ouvrages
pour différentes églises dans ce genre mystique dont Over-
beck venait de se faire le rénovateur en peinture, et qui
tenait encore au romantisme par le retour des formules
artistiques du moyen âge. En 4856, il commença pour
l'église de Saint-Roch, à Paris, le grand Crucifiement qui
restera une de ses œuvres les plus importantes dans la
statuaire religieuse; terminée en 4862, cette composition
présente huit figures plus grandes que nature, en ronde
bosse, groupées d'une manière dramatique et expressive,
dans le genre de celles qui illustrent certains grands Cal-
vaires bretons, ou l'abbaye de Solesmes en Touraine. Cet
artiste infatigable qui mourut, on peut le dire, le ciseau à la
main, est aussi Fauteur de nombreux écrits spéciaux, parmi
lesquels on peut citer : V Histoire de la sculpture depuis le
iv^ siècle, publiée dans le Moyen âge et la Benaissance,
du bibliophile Jacob ; les Observations pour servir de cam*
DU SEIGNEUR - DUSSAULT
— 186
plément a V Histoire de la sculpture française d'Emeric
David; une Notice sur Coysevox, et de très nombreux
matériaux recueillis pour une Histoire des sculpteurs,
destinée à faire suite à ['Histoire des peintres de Ch. Blanc,
ouvrage que la mort l'empêcha d'écrire. Ad. T.
BiBL. : Le Bibliophile Jacob et Marsusi de Aguirre,
Jean Du Seigneur, statuaire, notice extraite de la Remie
universelle des arts; Paris, 1866, in-8.
DU SEIGNEUR (Maurice), littérateur et architecte con-
temporain, fils du précédent, né à Paris le 29 juil. 1845.
Après avoir débuté par l'étude et la pratique de l'architec-
ture (il a élevé entre autres le monument de la Comtesse
Dash au cimetière Montmartre) , M, Du Seigneur se consacra
bientôt plus spécialement à la littérature et principalement
à l'histoire de l'art, à la critique d'art et à l'histoire du
vieux Paris. Ses principales publications sont Marcelle,
poème parisien (Paris, 1877); F Art et les Artistes au
Salon de 1880, avec une introduction sur les Salons depuis
leur origine (Paris, 1880 ; publications analogues pour les
Salons de 1881 et de 1882) ; le Salon de Paris illustré de
i885 (Paris, 1885) ; Liste des principaux Monuments
de Paris, avec l'historique de leur construction, les noms
de leurs architectes et les dates auxquelles ils ont été cons-
truits (1888), rédigée pour le Comité municipal des ins-
criptions parisiennes; Paris, voici Paris! (Paris, 1889).
M. Du Seigneur a collaboré à un grand nombre de jour-
naux et revues, entre autres à la Vie littéraire, au Livre,
à V Artiste, à l'Indépendance belge (où il a publié les
Salons de 1883 et 1884), au Journal des Arts, à la
Construction moderne, à l'Encyclopédie de l'Arctii-
tecture et de la Construction et à la Grande Encyclo-
pédie. Il s'est consacré très activement aux travaux de
découverte et de conservation des Arènes de Lutèce.
D U S E V E L ( François - Hyacinthe - Guy ) , archéologue
français, né à Doullens le 12 sept. 1796, mort à Senar-
pont le 5 avr. 1881. Avoué à la cour d'appel d'Amiens,
un des fondateurs de la Société des antiquaires de Picar-
die, inspecteur des monuments historiques du dép. de la
Somme, membre du Comité des travaux historiques, érudit
et historien picard, il a laissé de nombreux ouvrages sur
l'histoire de la Picardie, dont nous ne pouvons énumérer
ici que les plus importants : Lettres sur le département
de la 6'om77i^ (Amiens, 1827, in-12; 2® édit., Amiens, 1840,
in-8) ; Monuments anciens et modernes de la ville
d'Amiens (kmiens, 1827-1843, in-^); Notice historique
et descriptive de l'église cathédrale d'Amiens (Amiens,
1830, in-8; 2«édit., Amiens, 1839, in-8) ; Histoire de la
ville d'Amiens, depuis les Gaulois jusqu'en i830
(Amiens, 1832, in-8 ; 2*^ édit., Amiens, 1848, in-8) ; Des-
cription historique et pittoresque du département de la
Somme (Amiens, 1834-1836, 2 vol. in-8) ; Biographie
des hommes célèbres, des savants, des artistes et des
littérateurs du département de la Somme (Amiens,
1835-1837, 2 vol. in-8) ; Archives de Picardie (Amiens,
1841-1842, 2 vol. in-8); plusieurs notices dans les £^/z5^5,
châteaux, beffrois et hôtels de ville de la Picardie et
de l'Artois (Amiens, 1846-1849, 2 vol. in-8) ; le Dépar-
tement de la Somme, ses monuments anciens et mo-
dernes, ses grands hommes et ses souvenirs historiques
(Amiens, 1849-1858, in-8).
BiBL. : F. PouY, Notice sur H. Dusevel ; Amiens, 1881,
in-8. — F. PouY, Etude sur les œuvres inédites et la cor-
respondance de H. Dusevel; Amiens, 1882, in-8.
DUS! (Cosroe), peintre italien du xix^ s., né à Venise.
Membre de l'Académie des beaux-arts de Venise, il a peint
des scènes de l'histoire religieuse et profane. La Prise de
voile de sainte Gertrude (1836) obtint un grand succès,
grâce à la simplicité de l'exécution et à l'harmonie du coloris.
DUSOLIER (Thomas), homme politique français, né à
Nontron le 15 mars 1799, mort à Nontronle 19 sept. 1877.
Avocat à Nontron, il fut élu député de la Dordogne le
2 mars 1839, et siégea dans les rangs de la gauche consti-
tutionnelle. Après un échec en 1842, il fut réélu le l^*" août
1846. Il fut un des partisans les plus convaincus de la
réforme électorale pour laquelle il fit une propagande ac-
tive et signa la proposition de mise en accusation du cabi-
net Guizot. En 1848, il fut nommé commissaire général
dans la Dordogne et bientôt destitué à la suite de dissi-
dences avec Ledru-Rollin. Elu membre de la Constituante
le 23 avr. 1848, il continua à représenter la Dordogne au
Corps législatif de 1852 à 1863.
DUSOLIER (Alcide), homme politique français, né à
Nontron le 21 sept. 1836, fils du précédent. Après avoir
achevé à Paris ses études de droit, il donna aux journaux
littéraires et artistiques, le Figaro, la Vie Parisienne,
l'Artiste, le Nain Jaune, le Courrier français, etc., des
articles qui attirèrent l'attention de l'élite des lettrés.
M. Dusolier, nommé sous-préfet de Nontron le 4 sept. 1870,
devint quelques jours après (17 sept.) secrétaire de Gam-
betta, ministre de la guerre. Après deux échecs dans la
Dordogne, aux élections législatives de 1871 et de 1877,
il fut élu député de Nontron le 21 août 1881, s'occupa
activement à la Chambre des questions scolaires et reli-
gieuses, de la politique coloniale dont il était partisan et
rapporta notamment le projet de loi concernant les mani-
festations séditieuses sur la voie publique (1884). Il fut
élu sénateur de la Dordogne le 25 janv. 1885, fut un des
fondateurs de l'association de propagande républicaine et
combattit le boulangisme. M. Dusolier, collaborateur actif
de la République française, a publié un certain nombre
d'ouvrages, parmi lesquels nous citerons : Ceci n'est pas
un livre (Paris, 1860, in-18); Barbey d'Aurevilly
(1862, in-18); Nos Gens de lettres, leur caractère et
leurs œuvres (1864, in-18); Propos littéraires et pit-
toresques de Jean de La Martrille (1867, in-18); Ce
que j'ai vu du 8 août i870 au i'^^ févr. 1811 : l'Ago-
nie de l'Empire, le A Septembre, le Dictateur Gam-
betta (1874, in-18); les Spéculateurs et la mutila-
tion du Luxembourg (1866, in-8) ; Politique pour tous
(1869, in-18); et sous le pseudonyme de Etienne Maurice :
Décentralisation et Décentralisateurs (1859, in-8);
Mémoires et révélations d'un valet de chambre aux
cheveux roux (1864, in-32).
DU SOMMERARD (V. Sommerard).
DUSSAC. Com. du dép. de la Dordogne, arr. de Non-
tron, cant. de Lanouaille; 1,043 hab.
DUSSARD (Hippolyte), économiste français, né à Mo-
rez (Jura) le 4 sept. 1798, mort à Nyer (Pyrénées-Orien-
tales) le 22 sept. 1876. Très hbéral, il signa en 1830 la
fameuse protestation contre les ordonnances, fut rédacteur
en chef du Journal des économistes de 1843 à 1846,
devint directeur de l'exploitation du chemin de fer de
Paris à Rouen et fut nommé, en 1848, préfet de la Seine-
Inférieure. Il supprima, en cette qualité, les ateliers na-
tionaux dans son département et organisa, au moment des
journées de Juin, l'intervention de la province dans les
événements de Paris. Il fut élu en 1849 conseiller d'Etat
et, en 1851, fut chargé d'une mission en Angleterre où
il étudia l'organisation de l'assistance et le fonctionnement
des établissements charitables. Collaborateur à la Revue
encyclopédique, au Bulletin de Férussac, au Temps, au
Journal des Economistes, il a donné : Répertoire de l'in-
dustrie étrangère (Paris, 1839, in-8), en collaboration
avec Perpigna et autres ; De l'Etat financier de l'Angle-
terre et des mesures proposées par les ivhigs et les tories
(1842, in-8). Il a publié avec Eug. Daire les Œuvres de
Turgot dans la Collection des principaux économistes,
et trad. de l'anglais, avecCourcelle-Seneuil, les Principes
d'économie politique de Stuart Mill.
DUSSAULT (Jean-Joseph), publiciste français, né à
Paris le l®'^ juil. 1769, mort à Paris le 14 juil. 1824.
Professeur au collège Sainte-Barbe, puis au collège Du
Plessis, il collabora à l'Orateur du Peuple, d^Véridique,
et fut condamné à la déportation pour opposition au gou-
vernement directorial. Il échappa à la peine et, en 1800,
entra dans la rédaction du Journal des Débats. Il y écri-
vit des articles relatifs aux séances de l'Athénée, puis des
- 187 -
DUSSAULT — DUSSIEUX
articles de critique qui ont été réunis sous le titre d'An-
nales littéraires (Paris, 4818-1824, 5 vol. in-8). En
1S20, il devint conservateur de la bibliothèque Sainte-
(Geneviève. Nous citerons encore de lui : Fragments pour
servir à Hiistoire de la Convention nationale (s. 1.
n. d.) ; Lettre au citoyen Louvet (1793) ; Lettre au
citoyen Rœderer sur la Religion (1793, in-8). Il a
publié en outre les Oraisons funèbres de Bossiiet, de
Fléchier, Mascaron, etc. (1820-1826, 4 vol. in-8) ; une
édition de Quintilien (Bibl, classique Lemaire) , les
Mémoires de M^^^ Dumesnil, etc.
DUSSAULX (Jean-Joseph) (V. Dusaulx).
DUSSAUSSOY (Paul- Antoine-François), homme poli-
tique français, né à Toulouse le 6 sept. 1820, mort le
12 oct. 1887. Industriel dans le Nord, il fut élu représen-
tant du Pas-de-Calais à l'Assemblée nationale le 8 févr.
4871. Il fit partie du groupe bonapartiste et combattit la
politique de M. Thiers. Elu député de Boulogne-sur-Mer
le 3 mars 1876, il appuya le gouvernement du 16 mai
et fut réélu le 14 oct. 1877. Mais son élection fut inva-
lidée par la Chambre le 10 févr. 1878 et il fut battu le
7 avr. suivant par M. Ribot. Le 4 oct. 1883, il rentra à
la Chambre comme député conservateur du Pas-de-Calais.
DUSSEK (Famille des). Jean-Joseph, organiste et com-
positeur de musique religieuse, né à Wlazowicz (Bohême)
en 1739, mort àCzaslau en 181 i . Il se distingua de bonne
heure. Il fut instituteur primaire agrégé à l'âge de seize
ans et ne cessa jamais ses fonctions de maître d'école tout en
s'adonnant avec passion à la musique. En 1739, il fut nommé
professeur de musique et organiste de collégiale de Czaslau
et premier instituteur de la ville. Il épousa en 1760 Vé-
ronique Stebeta et eut d'elle trois enfants qui devinrent
des artistes célèbres. Epris des œuvres des grands musi-
ciens allemands, il fut un maître excellent pour ses enfants
et devint lui-même un organiste de premier ordre. Il laissa
quelques compositions inédites. —J(?an-Lom5, fils du pré-
cédent, célèbre pianiste-compositeur, né à Czaslau (Bohême)
le 9 févr. 1761, mort à Paris le 20 mars 1812. Il fit des
études scientifiques et philosophiques brillantes tout en se
consacrant à la musique. Le comte de Mœner, protecteur de
Dussek, l'emmena avec lui en Belgique et le fit nommer or-
ganiste de l'église Saint-Rom haut à Matines. Il alla ensuite en
Hollande, à Berg-op-Zoom, à Amsterdam et enfin à La
Haye où le prince stathouder le fit professeur de ses
enfants. Sa réputation comme pianiste était déjà célèbre.
A vingt-deux ans (1783), il gagna l'Allemagne, Hambourg,
Berlin, où il remporta d'éclatants succès ; puis la Russie.
Il séjourna quelque temps en Lithuanie, à la solde du
prince de Radzivill. Vers la fin de 1786, il vint à Paris,
où la reine Marie-Antoinette ne put le retenir, malgré
d'avantageuses offres. H visita l'Italie, revint en France,
où la Révolution le força à gagner Londres où il se maria
et s'établit en 1792. Il fonda un commerce de musique
qui ne prospéra point. Poursuivi par ses créanciers, il
s'enfuit à Hambourg en 1800, où une princesse du Nord,
éprise de lui, l'enleva et vécut cachée avec lui sur les
frontières du Danemark pendant près de deux ans.
Attaché quelque temps à la personne du prince Louis-
Ferdinand de Prusse et à celle du prince d'Ysenbourg, il
vint se fixer définitivement à Paris en 1808 et devint
maître des concerts du prince de Talleyrand. Gomme pia-
niste, il était hors de pair et sa réputation fut immense.
C'est lui qui le premier fit admettre le piano comme instru-
ment de concert, et ses triomphes furent nombreux. Il com-
posa plus de soixante-seize œuvres dont quelques-unes
sont restées classiques. La maison Breitkopf et Hœrtel de
Leipzig a publié une édition complète de Dussek. Il est
l'auteur d'une célèbre méthode de piano écrite en anglais
et traduite en allemand et en français. Il composa égale-
ment deux opéras anglais qui n'eurent pas de succès et de
la musique religieuse. — François-Benoît, second fils de
Jean- Joseph, né à Czaslau le 13 mars 1766. Compositeur
et virtuose, il fut en premier lieu élève de son père, et
étudia ensuite à Prague où il fut organiste. La comtesse
de Lùtzow se l'attacha et l'emmena en Italie, à Venise et
à Milan, où il séjourna et fit représenter avec succès huit
opéras. Vers 1790, il s'établit à Laybach et y vécut quel-
ques années. En 1808, il fut nommé maître de chapelle en
Autriche et retourna à Venise où il fit représenter ses trois
derniers opéras. On ne sait ce qu'il devint à partir de 1816.
n composa en outre un oratorio, Gerusaleme distrutta,
un trio, une sonate, des duos et canzoni, etc. — Véro-
nique, née à Czaslau en 1779, travailla le piano avec son
père et fit de rapides progrès. Appelée à Londres par son
frère, elle s'y créa une grande situation comme pianiste-
professeur et composa même quelques pièces. Elle épousa
M. Cianchettini et eut un fils, célèbre pianiste prodige,
Pio Cianchettini (V. ce mot). — Miss Corri, femme de
Louis Dussek, née à Edimbourg en 1773, fut une chan-
teuse et pianiste anglaise célèbre. En 1792, elle épousa
Dussek. Veuve en 1812, elle se remaria avec M. Moralt;
elle se fixa à Paddington, où elle fonda une académie de
musique. — Olivia, fille de la précédente et de Louis
Dussek, acquit une réputation comme pianiste en Angle-
Xqyyq, Ch. Bordes.
DUSSELDORF. Ville d'Allemagne, royaume de Prusse,
ch.-l. du district du même nom (prov. Rhénane), sur la
rive droite du Rhin, au confluent de la Dussel ; 110,000 hab.
(en 1884). Au centre, en face du pont sur le Rhin, est la
vieille ville (Altstadt) avec ses ruelles étroites et obscures
et sa place du Vieux-Marché; au S.-E. de ce quartier,
entre le champ d'exercices et les pièces d'eau qui occupent
les anciens fossés, est la Karlstadt ; à l'E. de la vieille
ville et au delà des fossés, la Kœnigstadt, vaste quartier
dont les rues rayonnent autour de la place Royale et de la
rue de l'Est (Oststrasse) ; au N. de celle-ci et après le
Dussel et ses jardins, s'étend le quartier de Pempelfort
où résident les artistes; au S., la Friedrichstadt et la
Neustadt, celle-ci riveraine du fleuve. Plus loin sont les
faubourgs de Hingern et Ober Brek. — Dusseldorf est
une grande cité industrielle dont la population a passe de
8,000 hab. en 1780 à 110,000 en 4884. Au premier rang
est l'industrie du fer; les laminages, fonderies, aciéries, cons-
tructions de machines, locomotives, aiguilles, occupent près
de 6,000 ouvriers, 3,000 chevaux-vapeur ; viennent ensuite
les filatures et tissages de coton, imprimeries de foulards,
teintureries en bleu, rouge, etc., les papeteries, savonne-
ries, huileries, brasseries, chocolateries, fabriques de pro-
duits chimiques, de liqueurs, de couleurs, de meubles, etc.
Dusseldorf doit sa fortune à sa situation sur le Rhm, dans
un district où se sont développées en ce siècle tant d'autres
grandes villes industrielles : Elberfeld, Barmen, Dort-
mund, Essen, Solingen, Crefeld. Son port sur le Rhm et
ses chemins de fer ont un mouvement considérable. — La
ville doit surtout sa réputation à son Académie de dessin,
peinture et sculpture, fondée par l'électeur palatin Charles-
Théodore. C'est là que Cornélius, Schadow et Bendemann
fondèrent une école qui fut longtemps la première d'Alle-
magne. La galerie de tableaux a été presque entièrement
transférée à Munich en 1803, la ville indemnisée en 4871
aux dépens de l'indemnité de guerre payée par la France.
Histoire. — Dusseldorf fut élevée à la quahté de ville
en 1288, devint en 1383 la résidence des ducs de Berg,
passa aux comtes palatins de Neubourg qui rhabitèrent,
puis aux électeurs palatins. Elle dut à ceux-ci (Jean-Guil-
laume et Charles-Théodore) sa prospérité ; fortifiée en 1732,
prise par les Français en 1737 et 1793, rendue à la Ba-
vière et démantelée en 1801, capitale du grand-duché de
Berg en 1806, elle fut cédée en 1813 à la Prusse.
Bibl. : Thomas. Fûhrer durch Dusseldorf ; Dusseldorf,
1885.
DUSSIEUX (Louis -Etienne), géographe et historien
français, né à Lyon le 3 avr. 1813. Répétiteur d'histoire
et de géographie militaires à Saint-Cyr (1842), professeur
d'histoire à la même école (1830), il a pris sa retraite avec
le titre de professeur honoraire. Collaborateur de VEncy-
DUSSIEUX - DUTENS - 138 -
clopédie nouvelle, du Magasin pittoresque^ des Annales
archéologiques, des Mémoires de F ancienne Académie
de peinture, de la Revue indépendante, etc., éditeur des
Mémoires du marquis de Dangeau, des Mémoires du
duc de Luynes, des Lettres intimes de Heiiri IV, il a
écrit : l'Art considéré comme le symbole de l'état so-
cial (Paris, 1888, in-8); Essai historique sur les inva-
sions des Hongrois en Europe (1839, in-8); Essai sur
l'histoire de la peinture sur émail (1839, iii-8); Essai
sur l'histoire de l'érudition orientale (1842, in-12);
Géographie historique de la France (1844, in-8) ; Cours
de géographie physique et politique (1846, in-8); Atlas
général de géographie physique et politique (1846,
in-fol.): Force et faiblesse de la Russie au point de
vue militaire (1854, in~8) ; les Artistes français à
l'étranger (1856, gr. in-8); le Canada sous la domi-
nation française (1855, in-8); Cours classique de géo-
graphie (1859-1865, 6 vol. in-12) ; Nouvelles Recherches
sur la vie et les ouvrages d'Eustache Lesueur (1852,
in-8) ; l'Histoire de France racontée par les contem-
porai7îs (iS60-6^, 4 vol. in-8); Géographie générale
(1866, in-8); Généalogie de la maison de Bourbon
(1869, in-8) ; Histoire générale de la guerre de 1810-
i87i (1872, in-12); les Volontaires de i 792 et le Ser-
vice militaire obligatoire (1872, in-12); le Château
de Versailles (1881, 2 vol. in-8); les Grands Faits de
l'histoire de France racontés par les contemporains
(1878-1880, 8 vol. in-12); les Grands Faits de l'his-
toire de la géographie (1882-1884, 5 vol. in-12);
Histoire ancienne (1877, 3 vol. in-12); le Siège de
Belfort (1882, m-i6); le Cardinal de Richelieu (1885,
in-8); l'Armée en France (1884, 3 vol. in-12), etc. La
plupart de ces ouvrages ont eu plusieurs éditions.
DUSSON (Les) (V. Bonnac [Marquis de]).
DUSSON (François) (V. Bonrepaus).
DUSSUMIERIA (Ichtyol.) . Petit groupe de Poissons osseux
(Téléostéens), de l'ordre des Physostomes et de la famille
des Clapeidœ, voisins des Megalops, des Chanos, etc.
dont ils se distinguent par la bouche dirigée en avant et
un abdomen arrondi. Rochbr.
BiBL. : GuNTHER, Sludy of Fishes.
DUTAILLY (Didier-Edme-Rodolphe-Gustave), homme
politique français, né à Meuvry (Haule-Marne) le 2 août
1846. Docteur es sciences, il fut nommé en 1879 chargé
de cours de botanique à la Faculté des sciences de Lyon
et devint professeur titulaire en 1880. Elu député de
Chaumont le 4 sept. 1881, avec un p-rogramme radical, il
combattit la politique opportuniste et s'éleva notamment
contre Texpédition du Tonkin. Réélu député de la Haute-
Marne le 4 oct. 1885, il combattit le boulangisme et fut
battu à Chaumont aux élections de 1889 par M. Bourlon
de Rouvre, royaliste qui obtint 10,107 voix contre 8,295.
On a de lui divers mémoires scientifiques, entre autres :
Sur quelques Phénomènes déterminés par l'apparition
d'éléments nouveaux dans les tiges et les racines des
dicotylédones (Paris, 1880, in-8).
D UTE (Métrol.) . Petite monnaie hollandaise de 0 fr. 01 25.
DUTEI L (Jean-Philippe, baron), général français, né dans
le Dauphiné en 1 722, mort à Lyon le 22 févr. 1794. Après
des services distingués dans la guerre de la succession
d'Autriche et dans la guerre de Sept ans, il était devenu
colonel d'infanterie (17^7 6), puis maréchal de camp (1784),
et avait commandé l'école d'artillerie d'Auxonne (où il pro-
tégea Bonaparte, qui s'en souvint plus tard en rédigeant
son testament), lorsque éclata la Révolution. Très dévoué au
parti de la cour, il fut nommé heutenant général en 1791,
envoya ses quatre fils à l'armée de Condé et ne tarda pas
à se retirer du service. Ses agissements contre-révolution-
naireslui valurent, après la révolte de Lyon, d'être arrêté
dans cette ville et condamné à la peine^ capitale par une
commission miHtaire. A. Debidour.
DUTEI L (Jean), général français, frère du précédent,
né dans le Dauphiné en 1738, mort à Ancy-sur-Moselle le
25avr. 1820. Après avoir longtemps servi dans l'artil-
lerie et avoir publié sur les perfectionnements de cette
arme, ainsi que sur les manœuvres d'infanterie, des ou-
vrages dignes d'estime, il parvint au grade de maréchal de
camp en 1790 et à celui de général de division en 1793.
Il commanda quelque temps l'artillerie au siège de Toulon
et fut ensuite envoyé sur les Alpes, puis en Vendée. Ecarté
de l'armée comme^ noble pendant la Terreur, il y rentra
sous le Consulat, commanda la place de Lille, puis celle
de Metz, et prit sa retraite en 1813, A. Debidour.
DUTEMS (Jean-François Hugues, connu sous le nom
de) (V. Hugues).
DUTENS (Louis), littérateur français, né à Tours le
45 janv. 1730, mort à Londres le 23 mai 1812. Appar-
tenant à une famille protestante, il pensa que ses opinions
religieuses lui interdiraient de faire une carrière brillante
en France, et il résolut de s'établir en Angleterre. Il vint
donc à Londres où l'un de ses oncles était orfèvre. Il fut
d'abord précepteur de quelques jeunes gens de grande
famille qu'il accompagna, comme d'usage, sur le continent.
En 1758, ayant pris les ordres, il fut nommé chapelain
de l'ambassade d'Angleterre à Turin, puis il occupa dans
la même ville le poste de chargé d'affaires. En 1762, il
revint à Londres, fut de nouveau envoyé à Turin l'année
suivante, et en 1764 fut pourvu de la cure d'Elsdon. Le
duc de Northumberland le prit en amitié et lui confia son
second fils, lord Algernon Percy, avec lequel il parcourut la
Suisse, l'Itahe, l'Autrithe et l'Allemagne, visitant Voltaire
à Genève, Frédéric II àPotsdam, Gustave III à Brunswick
et d'autres célébrités européennes. Ce voyage achevé, il
retourna en Angleterre, puis, après de nouvelles courses en
France et en Allemagne, accompagna Stuart Mackenzie,
envoyé extraordinaire à Turin. Il passa ensuite à Bologne,
à Florence et à Rome, séjourna à Paris en 1783, à Londres
en 1784, où il vécut tantôt avec le duc de Northumberland,
tantôt avec lord Bute, à Spa en 1789, où il se lia avec
beaucoup d'émigrés français, et se fixa enfin en 1791 à
Londres, où il passa le reste de sa vie, très répandu dans
le monde httéraire. Dutens, qui avait été nommé historio-
graphe du roi et élu membre associé de l'Académie des
inscriptions, a écrit : Caprices poétiques (s. L, 1750,
in-16); Recherches sur l'origine des découvertes attri-'
buées aux modernes (s. L, 1766, in-8), où il entreprit de
prouver que les progrès des modernes en fait de sciences
n'étaient qu'une illusion et que les anciens connaissaient
la plupart des prétendues découvertes modernes ; cette thèse
souleva une polémique extrêmement vive oùCondorcet se dis-
tingua particuhèrement en maltraitant Dutens ; Institutions
leibnitziennes ou Précis de la monadologie, attribué
aussi à l'abbé Sigorgne (Lyon, 1767); Poésies diverses
(s. L, 1767, in-i2) ; le Tocsin (Paris, 1769, in-8 ; réé-
dité sous le titre à' Appel au bon sens, 1717, in-12),
pamphlet contre les pbilosophes dans lequel Voltaire et
Rousseau sont assez maltraités ; la Logique ou l'Art de
raisonner (Paris, 1773, in-12); Explication de quelques
médailles de peuples, de rois et de villes grecques et
phéniciennes (Londres, 1773, in-4) ; Du Miroir ardent
d'Archimède (s. L, 1775, in-8); Itinéraire des routes
les plus fréquentées ou Journal d'un voyage aux prin-
cipales villes de l'Europe en 1168-1111 (Paris, 1775,
in-8) ; Des Pierres précieuses et des pierres fines (Paris,
1776, in-8); Lettres de M. Debure sur la réfutation
du livre de l'Esprit par J.-J, Rousseau (Paris, 1779,
in-12); De l'Eglise, du Pape, de quelques points de
controverse et des moyens de réunion entre toutes les
Eglises chrétiennes (Genève, 1781, in-8); Œuvres mê-
lées (Genève, 1784, in-8) ; /'imi des étrangers qui
voyagent en Angleterre (Londres; 1787, in-12) ; His-
toire de ce qui s'est passé pour rétablissement d'une
régence en Angleterre (Londres et Paris, 1789, in-8);
Table généalogique des héros des romans (Londres,
1796, 2® éd., in-4); Recherches sur le temps le plus
reculé de l'usage des voûtes chez les anciens (Londres,
— 189 —
DUTENS — DUTILLEUL
-1795, in-4); Mémoires d'un voyageur qui se repose
(Paris, 1803, 3 vol. in-8), autobiographie moins intéres-
sante qu'on le pourrait supposer, suivie d'un recueil d'anec-
dotes intitulé Dutensiana. La plupart de ces ouvrages ont
été traduits en anglais. On doit encore à Dutens une édi-
tion des OEuures^àe Leibniz (Genève, 1768, 6 vol. m-4)
qui est peut-être son principal titre à la postérité; une
édition de la traduction d'Epiclète de Dacier(Paris, 1775),
une édition de Longus (Pans, 1776). R. S.
DUTENS (Joseph-Michel), ingénieur français, né à
Tours le 15 oct. 1765, mort le 6 août 1848. Elève de
l'ancienne école des ponts et chaussées (1783), ingénieur
en Lorraine jusqu'en 1793, puis dans l'Eure pendant près
de dix ans, appelé au canal de l'Ourcq sous les ordres de
Girard en 1802. Ingénieur en chef du dép. du Léman en
1805, il prit part aux travaux de la route du Simplon.
Passé ensuite au service des canaux dans le centre de la
France, il rédigea les projets du canal du Berry. Mais c'est
surtout à ses pubhcations que Dutens doit la grande noto-
riété attachée à son nom. On lui doit : Analijse raisonnée
des progrès de l'économie politique (iSO^^-, 2« édit. en
1835); Eloge de Montaigne (1811; mention honorable
de l'Académie française) ; Mémoires sur les travaux
publics de V Angleterre (1819; ouvrage important) ; His-
toire de la navigation intérieure de la France {{m'a ;
ouvrage qu'on cite encore aujourd'hui) ; Philosophie de
V économie politique (1835) ; Formation et distribu-
tion du revenu de la France (18421, dans le Journal
des Economistes) ; Défense de la doctrine des anciens
économistes (dernier ouvrage de Dutens ; il y soutient
que l'agriculture est la seule source des richesses et que
l'industrie ne donne pas de produit réel) . En 1841, Dutens
avait été élu membre libre de l'Académie des sciences
morales et politiques. ^^ ,.^^*"^-.^*
BiBL. : Tarbé de Saint-Hardouin, Notices biogra-
phiques ; Paris, 1884, gr. in-8.
DUTERT (Charles-Louis-Ferdinand), architecte français,
né à Douai (Nord) le 21 oct. 1845. Il fut élève des archi-
tectes Lebas et Ginain, et remporta le premier grand prix
en 1869. Dutert a été nommé successivement inspecteur
des travaux de reconstruction de l'Hôtel de ville de Paris,
directeur de l'enseignement au ministère des beaux-arts.
Ce fut sur ses dessins que les ingénieurs Contamin (V. ce
nom), Pierron et Charton élevèrent le Palais des machmes
de l'Exposition universelle de 1889. Dutert a publie la
restauration du Forum romain, exécutée par lui pendant
son séjour à l'Académie de France à Rome. — Son frère,
Arthur- Victor-Fleur y (1839-1868), prix de Rome, mourut
à la Villa Médicis, laissant inachevée une Restauration du
palais des Césars. M. D. S.
DUTERTRE (Jean-Baptiste), dominicainet missionnaire,
né à Calais en 1610, mort en 1687. A la suite d'un long
séjour aux Antilles, il a publié une Histoire des Antilles
habitéespar les Français (1667-1671, 4 vol. in-4).
DUTERTRE (Le Père), de la Compagnie de Jésus, phi-
losophe et théologien français, mort à Paris en 1762. Il
enseigna d'abord' au collège de La Flèche les doctrines de
Malebranche, si contraires à l'esprit et aux traditions
de son ordre. Cela lui valut la censure et le retrait de sa
chaire. Sous le coup de cette disgrâce et « en vertu de la
sainte obédience », comme dit malicieusement le P. André,
il découvrit bien vite que les causes occasionnelles sont
une hypothèse chimérique, la vision en Dieu une théorie
« absurde et impie », et que toutes nos idées ont leur
origine dans la sensation et la réflexion. Pour mieux
marquer sa soumission et achever de rentrer en grâce
auprès de ses supérieurs, il composa précipitamment une
Réfutation d'un nouveau système de métaphysique
proposé par le P. Malebranche, auteur de la Recherche
de la vérité (Paris, 1715, 3 vol. in-12), dans laquelle il
critiquait et ridiculisait ses convictions premières. L'année
suivante il fit paraître à Bruxelles un ouvrage dirigé contre
Boursier, et intitulé le Philosophe extravagant dans le
Traité de V action de Dieu sur les créatures. Outre ces
écrits de pure polémique, le P. Dutertre a publié en 3 yoL
in-12 des Entretiens sur la Religion. Sa conversion,
aussi fervente que peu spontanée, dénote un caractère
faible ; on s'accorda, même parmi ses confrères, à recon-
naître qu'il avait un peu manqué de dignité en cette occa-
sion. Toutefois c'était un esprit ingénieux ; ses critiques
sont souvent justes et presque toujours exprimées avec
agrément. L. Bélugou.
BiBL. : Cousin, Infrod. aux Œuvres phil. du P. André,
1813 — Damiron, Comptes rendus de l Acadénnie des
sciekces morales et poi^iques, t IV pp. 291 et suiy. --
BouiLLiER, Hisi. de la Phil. caW.,18b8, t-11, pp. 392 et suiv.
DUTGEN (MétroL). Monnaie danoise valant 20 cent.;
n'a plus cours.
DUTHÉ (Rosalie), célèbre courtisane française, née à
Paris en 1752, morte en 1820. Elle entra au corps de
ballet de l'Opéra, fut distinguée par le duc de Durfort qui
la mit à la mode; elle passa ensuite au marquis de Genlis,
fut choisie pour déniaiser le duc de Chartres ; aimée du
duc d'Artois (plus tard Charles X), elle devint la courtisane
des princes du sang, éblouit Paris de son luxe, fit en An-
gleterre une lucrative excursion de 1777 à 1782, s y
retira au moment de la Révolution et rentra à Pans en
1816. Elle était vêtue exclusivement de rose, linge, robes
et coiffures. Il existe d'elle un beau portrait par Vanloo.
DUTHILLŒUL (Hippolyte-Romain-Joseph), bibliographe
et littérateur français, né à Douai le 8 nov. 1788, mort
en mars 1862. Commissaire des guerres du roi Joseph
en Espagne, officier supérieur d'administration en 1814,
juge de paix à Douai en 1830, bibliothécaire municipal
depuis 1834. Auteur de quelques travaux de bibliogra-
phie et d'histoire sur sa ville natale : Bibliographie douai-
sienne (Douai, 1835; nouv. éd., 1842); Catalogue des
manuscrits de la bibliothèque de Douai (1846); Galerie
dmaisienne (1845-1864, 2 vol. avec portr.); Douai et
Lille au xiii« siècle (1850); Douai ancien et moderne
(1860); Histoire ecclésiastique de Douai (1862); Bio-
graphie des maires de Douai, mO-i86I (1862). On
lui doit encore des études sur plusieurs artistes locaux,
une édition des Œuvres de Buôbn, etc. G. P-i.
DUTHOIT (Edmond-Clément-Marie), architecte et archéo-
logue français, né à Amiens en 1837, mort à Amiens
en 1889. Elève de Viollet-le-Duc, attaché longtemps à
la commission des monuments historiques et chargé de mis-
sions successives en Asie Mineure et en Afrique, M. Duthoit
collabora au remarquable ouvrage du marquis de Vogue sur
l'Architecture civile et religieuse du \^' au vii*^ siècle
en Syrie et étudia les fouilles faites vers 186o a Assos
(Mysie), ainsi que celles qui se poursuivent depuis 1854
à Lambèse et à Timgad (Algérie) ; il exposa aussi, de 18bd
à 1879, à de nombreux Salons annuels des dessins des
édifices suivants : l'église et le couvent de Samt-Simeon le
Stylite à Kala'at-Semân (Svrie), le château de Roquetail-
lades (xiv« siècle), le Mihrab de la grande mosquée de
Tlemcen, des fragments d'architecture musulmane, etc. On
doit à M. Duthoit d'importants travaux de restauration
d'églises et de châteaux du moyen âge et delà Renaissance,
la construction des églises de Beyrouth (Syrie) et de ^otre-
Dame de Brébières (Somme), et la partie archi tectonique
des tombeaux de M^^ Affreingue, à Boulogne-sur-Mer, et
de Daniel Stern (M^^ d'Agoult), au cimetière du Sud, a
p^pig^ Charles Lucas.
BiBL. : Remie générale de V architecture; Paris, in-4, pi.
DU TILLET(V. Tillet).
DUTILLEUL (François-Ernest), homme politique fran-
çais, né à Paris le 7 mars 1825. Inspecteur des finances,
directeur général des fonds au ministère des finances, il se
distingua lors des formidables opérations nécessitées par
les emprunts pour la libération du territoire et fut élu
député de Compiègne en 1876. Il siégea au centre et s'oc-
cupa surtout de questions financières. Après un^échec aux
élections du 14 oct. 1877, il fut nommé le^23 nov. mmistre
DUTILLEUL ^ DUTRUY
— 140 —
des finances dans l'éphémère cabinet Rochebouët. Il rentra
ensuite dans la vie privée.
DUTILLEUL (Jules-Florentin), homme politique fran-
çais, né à Lille le 45 mars 1837, mort à Lille le 17 août
1883. Brasseur à Lille, conseiller général du" Nord, con-
seiller municipal et maire de Lille, il fut élu le 5 janv.
1879 sénateur du Nord. Il siégea au centre gauche et
soutint la politique opportuniste. On a de lui quelques
brochures économiques et des poésies.
DUTILLEUX (Adolphe), publiciste français, né à Meaux
en 1829. Chef de division à la préfecture de Seine-et-Oise,
correspondant du ministère de l'instruction publique, il a
écrit un certain nombre d'ouvrages parmi lesquels nous
citerons : Cathédrale d'Amiens (Amiens, 1853, in-8);
Topographie ecclésiastique du dép. de Seine-et-Oise
(Versailles, 1875, in-8); F Abbaye de Maubuisson (Pon-
toise, 1883, in-4) ; le Dép, de Seine-et-Oise à l'Exposi-
tion de 1S18 (Versailles, 1879, in-8); Notes et recher-
ches pour servir à V histoire de la Picardie {kmiens,
1871, m-8); Recherches sur les races anciennes dans
le dép, de Seine-et-Oise (Versailles, 1881, in-8); Opus-
cules en prose et en vers (Amiens, 1855, in-12); les
Sociétés de secours mutuels (Paris, 1880, in-4); Re-
cherches sur les routes anciennes dans le dép. de
Seine-et-Oise (1881, in-8); l'Asile départemental de
l enfance et l'abbaye de N.-D, des Anges à Saint-Cvr
(Versailles, 1884, in-4). ^
pUTOT, économiste français du xviii« siècle. Il a été,
à l époque de Law, l'un des caissiers de la Compagnie des
Indes. Voltaire, s'occupant du livre de Melon, ancien secré-
taire de Régent et de Law, Essai politique sur le com-
merce (1731), cite Dutot avec faveur. La lecture du livre
de Melon inspira à Dutot l'idée de lui répondre. Melon a
vu de plus près que Dutot, sinon les faits, du moins les
hommes du système. Il ne leur semble pas favorable. Melon
continue la tradition économique de Vauban et de Bois-
guillebert. Au contraire, Dutot a principalement en vue la
défense des idées de Law et de leur application (Réflexions
politiques sur les finances et le commerce (La Haye
[Paris], 1738, 2 vol. in-12; réimpr. avec une notice sur
l auteur dans les Economistes financiers du x\m^ siècle;
Pans, 1843, gr. in-8). Toutefois, à propos de celte défense'
il est amené à traiter diverses questions d'économie poli-
tique, surtout le caractère des monnaies et le change. Tout
le chapitre second y est consacré. On trouve dans ce chapitre
de précieux détails sur les revenus de l'Etat, depuis Louis XII
jusqu'à Louis XV, ainsi que sur la valeur comparée et les
altérations des monnaies.
DUTOUQU ET (Louis), architecte français, né à Hasnon
(Nord) le 6 sept. 1821. Elève des Ecoles académiques
de Valenciennes, M. Dutouquet vint à Paris vers 1841,
étudia l'architecture dans l'atelier Lebas, entra à l'Ecole
des beaux-arts en 1842 et fut'reçu en loges en 1846. Fixé
à Valenciennes depuis 1848, M. Dutouquet a fait ériger
de nombreux édifices publics et privés, civils ou religieux,
à Valenciennes, à Lille et dans tout le nord de la France,
édifices parmi lesquels il faut citer plusieurs mairies, plus
de quarante écoles maternelles ou primaires, communales
ou libres ; l'abattoir de Denain, l'hospice avec chambres
particulières de Condé, et la maison des petites sœurs des
pauvres de Valenciennes ; vingt églises , dont celle de
Saint- Waast du Sacré-Cœur, à Armentières, et trois pres-
bytères ; le monastère des Carmélites à Lille ; le collège
communal de Condé, et cinq collèges diocésains d'ensei-
gnement secondaire, dont celui de Valenciennes ; plusieurs
établissements agricoles, dont une ferme modèle, des dis-
tilleries, brasseries, potasseries, filatures et mouhns à
farine ; enfin des châteaux, hôtels, maisons particulières
et plusieurs tombeaux de famille. Mais l'œuvre capitale de
M. Dutouquet est l'Université catholique de Lille, le plus
complet et le plus important des établissements de ce
genre élevés en France et comprenant : 1» facultés des
lettres, de droit et de théologie avec bibliothèque et ser-
vices d'administration ; 2° faculté des sciences ; 3° école
de médecine, dispensaire, maternité et jardin botanique,
groupe d'édifices d'une grande simplicité de construction
mais d'un remarquable agencement général. M. Dutouquet
appartient depuis 1868, comme membre fondateur, à la
Société régionale des architectes du nord de la France.
OUTRE! L (Jules-Bernard) (V. Bernard-Dutreil).*
DUTRIEUX (Pierre), médecin et voyageur beke, né à
Tournai le i 9 juil. 1848. Il fut appelé au Caire en 1874 par
le khédive Ismaïl qui venait d'instituer une école de méde-
cine. Dutrieux y professa l'ophtalmologie. En 1877, il
accompagna les officiers belges chargés par le roi Léopold
d'explorer les bords du Tanganyka. Il revint ensuite au
Caire. Il a publié plusieurs ouvrages de mérite, dont voici
les principaux : r Ophtalmologie égyptienne (Le Caire,
1877, in-8) ; la Question africaine au point de vue
commercial (Bruxelles, 1880, in-8); le Choléra dans la
basse Egypte en 188S (Le Caire, 1884); Souvenirs
d'une exploration médicale dans V Afrique intertro-
picale (Le Caire, 1885, in-8) ; Aperçu de la pathologie
des Européens dans l'Afrique inter tropicale (Le Caire,
1885, in-8).
DUTROCHET ( René - Joachim - Henri ) , physiolooiste
français, né au château de Néon (Indre) le 14 nov. 1776,
mort à Paris le 4 févr. 1847. Il partit en 1808 à l'armée
d'Espagne et fut nommé par le roi Joseph médecin en
chef de l'hôpital militaire de Burgos ; atteint du typhus, il
rentra en France l'année suivante et se retira à Château-
Renault. Là il se livra exclusivement à l'étude de la nature,
à ses intéressantes expériences de physiologie animale et
végétale, à ses travaux sur l'endosmose, sur la physique
en général, etc. ; il écrivit une foule de mémoires dont il
adressait bon nombre à l'Institut ; en 1831, il vint se fixer
à Paris et devint membre résident de l'Institut. Ouvrages
principaux : Recherches sur l'accroissement et la repro-
duction des végétaux {Mém. Mus. d'hist. nat., 1821 ;
cour, par ITnstitut) ; Nouvelles Recherches sur l'endos-
mose et Vexosmose, etc. (Paris et Londres, 1828, in-8,
2 pi.) ; Mémoire pour servira l'histoire anatomique et
physiologique des végétaux et des animaux (Paris,
1837, 2 vol. in-18, avec atl. de 30 pi.), etc. D'^L. Hn.
DUTRONCHET (Etienne), écrivain français, né vers
1510, mort à Rome vers 1585. Il fut successivement se-
crétaire du gouverneur de Lyon, trésorier du domaine et
des forêts, secrétaire de la reine mère et enfin secrétaire
du baron de Ferais, ambassadeur de France à Rome. On
peut citer de lui : Lettres missives et familières (Paris,
1569, in-4); Finances et trésor de la plume française
(1570, in-8); Lettres amoureuses avec soixante-dix
sonnets traduits de Pétrarque (1575, in-16); Discours
académiques florentins appropriés à la langue fran-
çaise (1576, in-8), etc. On trouve encore un certain
nombre de poésies de lui dans le Parnasse français et on
lui attribue le Formulaire de Bredin le Cocu (Lvon,
1594, in-16). ^ ^ '
DUTROULEAU (Auguste-Frédéric), médecin français,
né à Brest en 1807, mort à Dieppe le 28 janv. 1872. Il
résida comme médecin aux Antilles, mais revint en France
en 1862 avec une constitution délabrée et fut nommé mé-
decin-inspecteur des bains de mer de Dieppe. Son chef-
d'œuvre est le Traité des maladies des Européens dans
les pays chauds (Paris, 1865, 1868, in-8), traité qui a
fait autorité dans la science jusqu'à ce jour. D^ L. Un.
DUTRUY (Le baron Jacques), général'suisse, né àGenève
en \ 762, mort vers 1832. Issu d'une famille vaudoise, il fit
dans sa jeunesse un apprentissage d'émailleur , puis à vingt ans
entra comme grenadier au régiment de Bourgogne. Il gagna
promptement ses épaulettes et le 13 juin 1793 il devint
général de brigade. Sa conduite en Vendée et en Italie lui
valut en 1804 la croix de commandeur de la Légion d'hon-
neur et bientôt le titre de baron. En 1806, il cessa le ser-
vice actif pour, en 1815, reprendre le commandement d'une
brigade de gardes nationales mobilisées avec le grade de
— 141 —
maréchal de camp. A la seconde Restauration, il quitta défi-
nitivement le service et vint finir ses jours à Genève. Il a
laissé, entre autres écrits : Du Crédit et de la force en
France, selon la monarchie et la charte (d847) ; Quel-
ques Réflexions sur la pehie de m^r^(1826). E. K.
DUTTENHOFER (Christian-Friedrich) , graveur allemand,
né dans le Wurtemherg en 1 780, mort à Heilbronn en 1846.
D'abord élève de Kleingel à Dresde, il étudia ensuite à l'Aca-
démie de Vienne. En 1803, Wille lui procura du travail dans
le Musée Napoléon. Duttenhofer est surtout connu pour ses
gravures de paysages, parmi lesquelles on cite une planche
importante, d'après le tableau de Claude Lorrain, connu
sous le nom de Bain de Diane, des Vues d'Innsbruck, du
Tirol, etc. Il a laissé aussi d'excellentes planches d'archi-
tecture. F. COURBOTN.
DUTUIT (Eugène), collectionneur et iconographe
français, né à Marseille le 7 avr. 1807, mort à Rouen
le 25 juin 1886. Il forma, avec le concours de son frère,
un véritable musée oti toutes les branches des beaux-arts
et des arts décoratifs sont représentées de la manière la
plus brillante. Il en a libéralement fait profiter le public
aux différentes expositions rétrospectives de Paris, et il a
publié un catalogue illustré de ce qu'il a prêté pour celle
de 1868 (Souvenir de l'exp, de i 868 ; Vâris, \869,
in-4). Plus particulièrement iconophile, il fit paraître
'OEuvre complet de Rembrandt (Paris, 1883-1885,
3 vol. gr. in-4, avec héliogr.) et il avait entrepris en
même temps un nouveau Manuel de Vamaieur d'es-
tampes dont il publia une partie (1881-1884, 4 vol.
in-8). Ce grand ouvrage est continué par son collabora-
teur, le signataire du présent article, qui a mis au jour
un nouveau volume (Nielles, 1888), précédé d'une notice
sur l'éminent collectionneur. G. Pawlowski.
DUUMYIR (Ant.rom.). On désignait sous ce nom les ma-
gistrats qui setrouvaientàla têtedes municipes (V. ce mot).
Ils étaient, comme l'indique leur nom, au nombre de deux,
élus pour un an et rééligibles après un intervalle qui, dans
certaines villes, allait jusqu'à cinq ans. Leurs attributions
étaient assez nombreuses. C'était à eux qu'il appartenait de
convoquer l'assemblée du peuple et le sénat et de présider à
leurs délibérations. L'administration de la cité et de son
territoire leur appartenait, et c'est en cette qualité d'admi-
nistrateurs qu'ils pouvaient contracter au nom de la ville,
affermer par adjudication ou à forfait les travaux publics,
et, le cas échéant, ester pour elle en justice par l'in-
termédiaire d'un 5?/7i(izcw5 nommé par le sénat. Les éman-
cipations, les adoptions et les affranchissements s'accom-
plissaient devant eux ; la délatation de la tutelle, lorsqu'elle
devait émaner du magistrat, était également de leur res-
sort. Ils avaient enfin entre les mains l'administration
de la justice, et c'est pour cela qu'on les appelait duum-
viri jure dicundo. Il leur était défendu de s'absenter,
ne fut-ce qu'un jour, sans se donner un suppléant prœ-
feclus. p. N.
BiBL. : Lex Rubria de Gallia Cisalpina, Lex de Sal-
pensa, Lex Julia Municipales^ dans Girard, Textes de
droit romain, pp. 63, 70 et 97, — Maynz, Cours de droit
romain, I, p. 204,4» édit.— Duruy, Histoire des Romains,
t. V, pp. 373 et suiv., édition illustrée.
DU VAIR (Guillaume) (V. Vair).
DU VAL (Etienne), sieur de Mondrain ville, célèbre négo-
ciant à Caen, né vers 1507, mort le 19 janv. 1578. Il
trafiqua en Europe, en Barbarie et dans presque toutes les
contrées du nouveau monde, et acquit des richesses consi-
dérables. Use chargea d'approvisionner la ville de Metz de
vivres de toute sorte, très peu de temps avant que Charles-
Quint ne l'assiégeât. Henri II le récompensa de ses services
en lui conférant, au mois de mars 1548, des lettres de
noblesse. En 1572, il fut nommé par le roi receveur géné-
ral des Etats de Normandie.
BiBL. : J. DE Cahaignes, Eloges des citoyens de la ville
de Caen, n° 31. — Boisard, les Hommes du Calvados. —
VAUQUELiN DE La Fresnaye, Epltaphcs, p. 875. — Con-
sulter surtout le manuscrit 113 de la bibliothèque de Caen
et 1 Etude manuscrite de M. G. Dupont.
DUTRUY - DUVAL
D UVAL. Famille genevoise originaire de Rouen. Elle
remonte a Etienne Duval qui émigra à Genève pour cause
de religion et y fut reçu bourgeois le 17 mai 1555 pour
<< vingt ecus, unseillot et un mousquet ». Une branche de la
tamille passa de Genève en Angleterre au siècle dernier •
elle y donna des officiers de marine qui se sont distingués
dans les guerres du premier Empire. - Une autre se fixa en
Russie en la personne de Louis-David Duval qui devint
joaillier de la couronne sous Catherine 11.^ Son ms,Jacob'
David, joaillier de Paul P^ rentra à Genève en 1803. — Le
hls de ce dernier, Jacob-Louis, y de\mt procureur sénéral
et professeur de droit à l'Académie. Petit-neveu du publi-
ciste Etienne Dumont, ce fut lui qui puWia en 1832 les 6'ow-
l'^mn- sur Mirabeau : il les accompai^na d'une notice et de
pièces justificatives.— Un autre fils de Louis-David, Jean-
françois-André(ill6-iSU),resl3ikmersbourgiusqu'en
181/, et reumt à Genève une importante collection de
tableaux vendue en 1845 au comte de Morny. — Son
fils, Louis-Etienne, né en 1824, est un peintre de talent
qui a fait sa spécialité des paysages des bords du Nil. —
André-Jacob (fils de Jacob-Louis), né en 1828, mort le
b nov. 1887. Il fit ses études à Paris et y fut reçu docteur
en médecine. Dès 1853, il fit partie de la Société médicale
de Genève : il en devint bibliothécaire et dressa le catalogue.
Ses recherches dans cette bibliothèque pendant vinot-cinq
ans ont donné lieu à une histoire complète des médewns et
de la médecine à Genève qui sera achevée par le D^ L. Gau-
tier. Hygiéniste et philanthrope distingué, ardent apôtre de
la tempérance, Duval a fondé en 1 872 la maison des Enfants
malades qui rend de grands services. — David-Jacob Duval-
Plantamour, né en 1814, mort en 1890, a fait don en 1885
a la ville de Genève d'une remarquable collection de mon-
naies russes rassemblée pendant le long séjour fait en Russie
par sa famille. Cette collection, faite sous la direction de
numismates russes, compte trois mille quatre cents pièces
en or, platme, argent, cuivre et cuir : elle passe pour la
plus importante qu'il y ait sur la Russie en dehors de ce
pays. Une médaille d'or commémorative de ce don a été
frappée et off'erte à la famille. E. K.
..PP^n"" (P^^^^?)' ®^'^q"<^ de Sées, mort à Vincennes en
lob4. On a de lui : le PsaUne de la puissance, sapience
et bonté de Dieu (Paris, 1559), et la Grandeur de Dieu et
de la cogîioissance qu 'on peut avoir de lui par ses œuvres
(Pans, 1568). Viollet-le-Duc, dans sa Bibliothèque poé-
tique, lui attribue encore un recueil très curieux : le Puu
du souverain amour, tenu par la déesse Dallas, avec
l ordre du nuptial banquet faict à l'honneur d'un des
siens enfans, mis en ordre par celui qui porte en son
nom tourné le Vrai Perdu, ou Vrai Prélude (Rouen,
1543). Mais il n'y a dans ce recueil qu'un seul dizain qui
soit signé Pierre Duval.
BiBL.: Ed. Frère, Manuel du bibliographe normand.
- ViOLLET-LE-Duc, Bibliothèque poétique
DUVAL (Guillaume), érudit français, né à Pontoise vers
1d/2, mort à Paris le 22 sept. 1646. Professeur de phi-
losophie au collège de Calvi en 1594, il occupa la même
chaire au Collège royal en 1606, se fit recevoir docteur en
médecine en 1612 et devint médecin ordinaire du roi. On
peut citer de lui : Historia monogramma (Paris, 1643,
in-4); le Collège royal de France (1644, in-4) et une
édition des Œuvres d'Aristote (1619, 4 vol. in-4).
Aaîa"^^^' (^®^"^' P°^^^ français, mort à Paris le 12 déc.
1680, moine et prédicateur. On a de lui : les Triolets du
temps (Pans, 1649, in-4); le Parlement burlesque de
Pmtoise (1652, in-4) ; le Calvaire profané ou le Mont
Valénen usurpé par les Jacobins réformés de la
rue Saint-Honoré (1664, in-4); la Sorbonne au Roi
sur de nouvelles thèses contraires à la vérité (s. d.,
in-4).
DUVAL (Valentin Jameray), numismatiste et érudit fran-
çais, né à Arthonnay (Champagne) le i 2 janv. 1695, mort à
Vienne (Autriche) le 3 nov. 1775. Fils d'un pauvre laboureur,
Duval fut dès sa plus tendre enfance gardeur de dindons.
DUVAL
— 142 —
Son premier maître fut un ermite Les princes de Lorraine
qui le trouvèrent dans la forêt de Samte-Anne étudiant
une carte de géographie, le firent entrer au collège des
^suitTs de Po'ntXMousson Le duc Uopo d de Lor^^^^^^^
emmena Duval à Paris avec lui en i K 8. A la tin de 1719,
il le nomma son bibliothécaiie, et fonda pour lui une
chaire d'histoire et d'antiquités à FAcademie de Luneville.
Duval suivit à Florence, avec le titre de bibliothécaire le
fils de son protecteur Léopold, François de Lorraine, de-
; nu Vandlduc de Toscane. Le grand-duc, e ant monte
sur le trône d'Autriche en 174d, chargea Duval, en 1748
de la bibliothèque et du cabinet d'antiquités et de médailles
qu'il créait à Yknne. On a de Duval des ouvrages de numis-
matique et OEuvres de Duval, précédées des Mémoires sur
7a2, par le chevalier Koch (Strasbourg, l'84^2^vol.
'""bL. : Albrecht-Christoph Kayser Leben des herm
Annuaire statistique du dep. de l Yonne, 18 lU, p. fOL
DUVAL (M^i^), chanteuse irançaise et compositeur du
xvm^ siècle, morte en 1769. Elle est l'auteur d'un opéra
en quatre actes et un prologue, intitulé les Génies, ([ui
ut r présenté à l'Opéra le 18 oct. 1736 et dont les deux
rôles principaux étaient tenus par deux artistes célèbre ,
Chasse et Mii« Fel. M^^^ Duval était professeur de chant,
et peut-être elle se produisait dans les concerts puis-
qu'elle pubha, en 1741, une « méthode agréable et utde
pour apprendre facilement à chanter juste et avec goût ».
DUVAL (Charles-François-Marie), homme politique fran-
çais, né à Rennes le 2 févr. 1750, mort à Huy (Belgique)
le 25 août 18i9. Conseiller du roi, assesseur de la mare-
chaussée à Rennes, il fut élu en 1791 juge au tribunal du
district de La Guerche. Député d'IUe-et-Vilame a la Législa-
tive et à la Convention, il émit, dans le procès de Louis \Vl,
les votes les plus rigoureux. Il rédigea le Journal des
hommes libres. Membre du conseï des Cinq-Cents, il en
sortit en 1797. De 1804 à 1814, il fut chef de bureau de
l'administration des contributions indirectes. Proscrit en
1816 comme régicide, il se retira en Belgique, a Huy, et
se fit inscrire au barreau de Liège. i^'-A- A-
BiBL Charles Vatel, Charlotte de^ Corday et les Gi-
rondins ; Paris, 1864-1872, in-4, pp. 53o a 549. ^ ^ ^
DUVAL (Jean-Pierre), homme politique français, ne a
Rouen le 20 févr. 1754, mort à Paris le 15 août 1817.
Greffier du bureau central des juges de paix a Rouen, il
fut élu à la Convention par la Seme-Inferieure. Dans le
procès de Louis XVI, il vota pour la réclusion. Ami des
girondins, il fut déclaré démissionnaire le 15 juil. 179o
et rentra en l'an HL R fut ministre de la pohce générale
du 8 brumaire au 5 messidor an YH Membre du Corps
législatif (1800-1803), commissaire de police a Mutes
(lf04 préfet des Basses-Alpes (1805-1815), préfet de
la Charente puis de l'Eure pendant lesCent-Jours, il rentra
dans la vie privée lors de la seconde Restauration. 1^ .-A . A.
DUVAL (Charles - Alexandre -Amaury Pineux-), dit
Amaury Duval. érudit et littérateur français ne à Rennes
le 28 ianv. 1760, mort à Pans le 12 nov. 1838. D abord
avocat au parlement de Bretagne où il plaida avec succès
des causes importantes, puis secrétaire d ambassade a Naples
et à Rome, il faillit périr en 1792, lors de l'émeute ou fut
massacré Huson de Bassville. Nommé secrétaire délégation
^ Malte il ne put prendre possession de son poste, parce
que le srand maître de l'ordre refusait de reconnaître un
agent de la République française. Revenu à Pans, Amaury
Duval fonda en floréal an II, avec Chamfort, Gmguene,
J -B Say etc., la Décade philosophique, importante revue
à'iaquelle il fournit de nombreux articles sous son nom et
sous le pseudonyme àePolyscope, et remplit pendant plu-
sieurs années lès fonctions de chef de bureau des sciences
et des beaux-arts au ministère de l'\f ^neur. Nomnie
membre de la 3^ classe de l'Institut le 13 dec. 1811, il fît
partie, lors de la réorganisation de 181 6, de 1 Académie des
inscriptions. Outre des poésies fugitives insérées dans 1 Al-
manach des Muses et diverses plaidoiries, on connaît
d' Amaury Duval les ouvrages suivants : Relation de Vin-
surrection de Rome et de la mort de Bassville (^ai^\es,
1793, in-4); Observations sur les théâtres (1196, m-S);
Des Sépultures (1801, in-8); Paris et ses monuments,
gravés par Baltard, avec leur histoire et leur exphcation
(1803, t. I et unique, 96 pi.); les Fontaines de Pans
anciennes et nouvelles (1813, in-foL, 60 pi.); le Nouvel
Elysée ou Projet d'un monument à la mémoire de
Louis XVI (1844, in-8); Notice sur la comtesse Orlofj
(18^^4 in-8); de nombreux articles i\d.w^ V Athenœum
1806); le Mercure (1807-1816), \q Mercure étranger
1813-1816) dont il fut le fondateur, la Revue encyclo-
pédique, etc.; une traduction du Voyage dans les Deux-
Siciles de Spallanzani (1800); des notices dans r//2S^ozr^
littéraire de France commencée par les benedictms, etc.
M. Tx.
DUVAL (Alexandre-Vincent Pineux, dit Alexandre),
auteur dramatique français, né à Rennes le 6 avr. 1767,
mort à Montmartre (Seine) le 1^"^ sept. 1842. Tour a tour
marin, architecte, dessinateur, volontaire en 1792, acteur,
directeur de théâtre, il aborda les genres dramatiques les
plus divers. En 1812, il fut élu membre de l'Académie
française, en remplacement de Legouvé, et maintenu lors de
la réorganisation de 1816. Parmi ses pièces dontle nombre
dépasse soixante et dont aucune d'ailleurs ne s est main-
tenue jusqu'à nos jours au répertoire, on peut citer : le
Défenseur officieux (1795); la Manie d'être .quelque
chose ou le Voyage à Paris (1795); le Souper imprévu
ou le Chanoine de Milan (1796); les Héritiers ou le
Naufrage (1796); laJeunesse de Richelieu ou le Love"
lace français (1796); le Prisonnier ou la Ressemblance,
opéra-comique en un acte ; Maison à vendre, opéra-comique,
musique de Dalayrac (1800); Edouard en Ecosse ou la
Nuit d'un proscrit, ôrsime en trois actes (1802), interdit
après la seconde représentation et qui valut à l'auteur une
persécution à laquelle il n'échappa que par un exil de plus
d'une année; Guillaume le Conquérant, drame en cinq
actes avec prologue (1803), composé au moment du projet
de descente en Angleterre et qui ne fut joué aussi qu une
seule fois ; le Tyran domestique ou l'Intérieur d une
famille, comédie en cinq actes et en vers; le Menuisier
de Livonie ou les Illustres Voyageurs, comédie en trois
actes et en prose (1 805) ; la Jeunesse de Henri V, comédie
en trois actes et en prose (1806); Joseph, drame en trois
actes, musique de Méhul (1807); le Retour d'un croise
ou le Portrait mystérieux, grand mélodrame en un petit
acte, parodie d'un genre alors fort en vogue (1810); la
Manie des grandeurs, comédie en cmq actes et en vers
(1817); /a Fi//^d'/ionnmr, comédie en cmq actes (1818);
le Faux Bonhomme, comédie en cinq actes (1821); le
Jeune Homme en loterie, comédie en un acte et en prose
(1821); la Princesse des Ursins ou les Courtisans,
comédie en trois actes et en prose (1826). Dans l'édition
des OEuvres complètes de l'auteur donnée par lui-même
(1822-1829, 9 vol. in-8) figurent en outre un certain
nombre de pièces non représentées, et toutes sont accompa-
gnées de notices intéressantes pour l'histoire littéraire de
la première partie du siècle. Alexandre Duval a encore
écrit un roman, le Misanthrope du Marais ou la Jeune
Bretonne (1832, in-8), des plaidoyers en verset en prose,
l'un entre autres contre Picard, alors directeur de l'Odéon,
et deux pamphlets contre les nouvelles tendances de l'art :
De la Littérature dramatique (1833, in-8), lettre à
Victor Hugo et le Théâtre-Français depuis cinquante
ans (1H38, in-8), lettre à M. de Montalivet. M. Tx.
DUVAL (Henri-Charles Pineux, dit Henri), frère des
précédents, né à Rennes en juil. 1770, mort à Pans en
1847. Secrétaire de Ginguené lors de son ambassade a
Tunis, puis sous-chef du bureau des sciences et des beaux-
arts au ministère de l'intérieur, il y fut spécialement
chargé des théâtres, passa en 1812 au bureau des hos-
pices et établissements de bienfaisance et fut réforme en
1816. Gendre du célèbre statuaire Houdon, il devint ainsi
— 143 —
DUVAL
le beau-frère de Raoul Rochette. Collaborateur d'Amaury
Duval à la Décade et à VAthenœum^ ainsi que pour
ses publications sur les monuments de Paris, il a écrit quel-
ques romans : Melval et Adèle (1819, 3 vol. in-i2); Mes
Contes et ceux de ma gouvernante (1820, 3 vol. in-12) ;
Monsieur Grassinet ou Qu'est-il donc (1823, 4 vol.
in-12) ; Gamhadoro ou le Jeime Aventurier (isk^, Ayol.
in-12) ; un Essai sur la critique (1807, in-8) ; un Eloge
de Duplessis-Mornay (1809, in-8) ; des mémoires couron-
nés par diverses sociétés littéraires, etc. Henri Duval a laissé
un Dictionîiaire des ouvrages dramatiques depuis Jo-
délie jusqu'à nos jours, dont le manuscrit est conservé à
la Bibliothèque nationale (Fr. 15048-13064). M. Tx.
DUVAL (Georges-Louis-Jacques), auteur dramatique
français, né à Valognes le 26 oct. 1772, mort à Paris
le 11 mai 1853. D'abord clerc de notaire, puis rédacteur
et sous-chef au ministère de l'intérieur, il a donné, avec
Goutfé, Rochefort, Dumersan, Vieillard, Barrière et autres,
une infinité de pièces de théâtre, dont la seule énumération
nous entraînerait trop loin. On la trouvera d'ailleurs dans
Ouérard {France littéraire, t. Il, p. 746). Nous citerons
seulement en dehors de sa manière habituelle : Souvenirs
de la Terreur (Paris, 1841-42, 4 vol. in-8); Souvenirs
thermidoriens (1843, 2 vol. in-8) ; Dictionîiaire abrégé
de toutes les mythologies (Paris, s. d., in-8). Georges
Duval s'appelait en réalité George Labiche.
DUVAL (Henri-Louis-Nicolas), littérateur français, né à
Paris le 1^^ nov. f783, mort en 1854. H servit tour à tour
dans la marine et dans la garde impériale, et quitta l'armée en
1814. On a de lui : Pensées et Maximes de Fénelon (1821 ,
2 vol. in-18) ; Manuel de la jeune femme (1825, in-18) ;
Manuel de l'enfance (-:829, in-18); les Anglais aux
Baiignolles (1831 , in-18) ; Abrégé de grammaire simple
et facile sur un nouveau plan \iS'd'^, in-18); Histoire
de France à Vusage de la jeunesse (1832, in-18);
Mélancolies poétiques et religieuses (1833, in-18);
Muséum pittoresque (1835, in-4) ; Atlas universel des
sciences (1837, in-fol.). On l'a parfois confondu avec
Henri-Charles Pineux Duval (V. ci-dessus).
DUVAL (Charles), architecte français, né à Beauvais
(Oise) en 1800, mort à Paris en 1876. Il fut chargé en
1831 par le financier Jacques Laffittedes constructions du
parc de Maisons ; il construisit ensuite le château de la
Jonchère près de Brie-Comte-Robert. Il a bâti à Paris de
nombreuses maisons, manèges, cafés et cafés-concerts ; nous
citerons l'hôtel Van Eeckout, l'hôtel Meuron, aux Champs-
Elysées, l'hôtel de la tragédienne Rachel, rue Trudon, le
manège de la Chaussée d'Antin, le Grand Café parisien, le
café du Delta, l'Alcazar, le Casino, l'Eldorado et Bataclan.
Il fit aussi l'Alcazar du Havre, l'Alcazar de Bruxelles et
divers projets pour l'Opéra, les Halles centrales, une Bourse
du travail, une caserne camp-abrité, etc. En 1852, il avait
exécuté pour le vice-roi d'Egypte un kiosque destiné à être
placé à Alexandrie. " M. D. S.
DUVAL (Charles-Edmond-Raoul), magistrat et homme
politique français, né à Amiens le 6 mars 1807. Substitut
du procureur du roi à Laon en 1830, il devint procureur
général à Nantes en 1846. Révoqué en 1848, il fut nommé,
le 6 janv. 1849, procureur général à Dijon. Membre de
la commission mixte de la Côte-d'Or après le coup d'Etat
du 2 déc, il devenait premier président à la cour de Bor-
deaux en 1861. Révoqué par Crémieux (20 janv. 1871),
il fut réintégré à son poste par l'Assemblée nationale. Le
30 janv. 1876, il fut élu sénateur de la Gironde, siégea
dans le groupe bonapartiste et appuya la politique du gou-
vernement du iQ mai. H ne se présenta pas aux élec-
tions du 5 janv. 1879 et demeura depuis lors dans la vie
privée.
DUVAL (Eugène-Emanuel-Amaury), peintre français
(V. Amaury-Duval).
DUVAL (Edmond), musicien belge, né à Enghien (Hai-
naut) le 22 août 1809. Célèbre surtout par la part active
qu'il prit à la composition des Livres liturgiques gra-
duels et antiphonaires^d'âpvès le système de l'abbé Jans-
sen, qui soulevèrent tant de polémiques quand ils furent
publiés à l'usage du diocèse de Mahnes, en 1848. Fétis
consacre un long article à ce sujet dans la Biographie des
musiciens,
DUVAL (AHne), actrice française, née à Paris en 1823.
Fille d'un ouvrier plombier, elle entra, en 1834, au petit
théâtre Comte, y resta quelques années, puis fit une appa-
rition au Panthéon, d'où elle fut engagée au Palais-Royal,
où elle se fit une réputation de gaieté et de bonne huineur
dans l'emploi des soubrettes délurées. Elle débuta à ce
théâtre en 1842, dans Francine la gantière, et dans
l'espace de dix-huit ans y créa un assez grand nombre de
rôles, dans Tambour battant, le Voyage sentimental,
les Folies dramatiques, la Femme aux œufs d'or, les
Dragons de la reine, Edgard et sa bonne, la Perle de
la Cannebière, Si jaînais j'te pince, la Veuve aux
camélias, etc. Du Palais-Royal, M^^« Aline Duval passa
aux Variétés, où elle demeura une quinzaine d'années, se
faisant remarquer dans les Domestiques, Barbe-Bleue,
Niniche, les Chambres de bonnes. Elle aiia ensuite créer
le Petit Ludovic au théâtre des Menus-Plaisirs, Pot^
Bouille à l'Ambigu, puis se retira définitivement et fit ses
adieux au public.
DUVAL (Ferdinand), administrateur français, né à Paris
en nov. 1827. Avocat au barreau de Paris, secrétaire de
Dufaure, il collabora en même temps au Courrier du
Dimanche. Capitaine d'état-major de la garde nationale
en 1870, il fut nommé en 1871 préfet de la Gironde et le
24 mai 1873 préfet de la Seine. H occupa ces fonctions
importantes jusqu'en 1879 et fit preuve de beaucoup d'ha-
bileté, au milieu d'incessants démêlés avec le conseil muni-
cipal qui lui reprochait surtout ses anciennes opinions
orléanistes. Il fut remplacé par M. Herold. Actuellement
(1892), il représente au conseil municipal de Paris le
quartier Saint-Thomas-d'Aquin (VIP arrond.).
DUVAL (Edgard-Raoul), homme politique français, né
à Laon le 9 avr. 1832, mort à Monte-Carlo le 10 févr.
1887, fils de Ch.-E.-Raoul Duval (V. ci-dessus). Substitut
à Nantes en 1853, il était avocatgénéral à Rouen en 1870
lorsqu'il démissionna et se fit inscrire au barreau de cette
ville. Après un échec aux élections du 8 févr. 1871, il fut
élu représentant de Seine-Inférieure à l'Assemblée nationale
le2juil. suivant et siégea dans le groupe bonapartiste. H ne
tarda pas à prendre une grande influence sur la droite de
l'assemblée, se fit remarquer parmi les interpellaleurs les
plus redoutés du pouvoir et poursuivit particulièrement de
sa haine tous les membres du gouvernement de la Défense
nationale. H contribua à la chute de M. Thiers. Les orléa-
nistes prétendirent s'attacher un leader aussi redoutable,
mais Raoul Duval rompit publiquement avec eux et les
combattit avec assez de vivacité. En 1876, il fut élu député
de Louviers, après avoir échoué dans le VHP arrondisse-
ment de Paris. Rapporteur du budget de la marine en 1876,
il ne soutint pas le gouvernement du 16 mai et aux élec-
tions de 1877 échoua à Louviers. Après un nouvel échec
en 1881, il rentra à la Chambre le 25 mai 1884 comme
député de Bernay, fut réélu député de l'Eure en 1885 et
il préparait avec ardeur l'organisation d'une droite répu-
blicaine, — projet qui eut beaucoup de retentissement, —
lorsqu'il mourut, enlevé en très peu de jours par un refroi-
dissement. On peut citer certains de ses discours de
rentrée fort intéressants et originaux : Etude historique
des lois sur les céréales. Monsieur de Martignac, De
Vlnftuence de Voltaire sur nos mœurs judiciaires. Il
avait fondé en 1876 la Nation avec Albert Duruy pour
rédacteur en chef.
DUVAL (Rubens), orientahste français, né à Paris en
1839. Après avoir étudié les langues sémitiques sous
Ewald, à l'Université de Gœttingue, en 1867 et 1868, il
s'est livré plus particulièrement à l'étude des langues ara-
méennes. Il a publié, en 1881, un Traité de grammaire
DUVAL
— 144 —
syriaque (Paris, in-8); en 4883, ks Dialectes néo-ara-
méens de Salamas (Paris, iii-8 , autogr.), le Lexicon
Syriacum d'Hassan Bar Bahloul, in4, dont deux fasci-
cules ont paru, et différents articles de bibliographie et
d'épigraphie dans le Journal asiatique et dans la Revue
critique. M. Duval est un des collaborateurs, pour la partie
aratnéenne, du Corpus inscript. semitic, que publie en
ce moment (1892) l'Académie des inscriptions. E. Drouin.
DUVAL (Emile- Victor, dit le général), un des chefs mi-
litaires de la Commune, né à Paris en 1844, fusillé au
Petit-Bicêtre le 4 avr. 4874. Ouvrier fondeur à Pans, il
acquit une certaine instruction et s'associa de bonne heure
aux revendications du parti socialiste. Il fut, vers la fin de
l'Empire, un des agents les plus actifs de l'Internationale
et fut condamné comme tel à deux mois de prison (9 juil.
4870). Après le 4 sept., il devint colonel de la 43^ légion
de la garde nationale de Paris, et prit une part importante
aux mouvements insurrectionnels du 34 oct. 4870 et du
48 mars 4874. Elu, à la suite de ce dernier, membre delà
Commune (26 mars), il fut, à titre de général de la garde
nationale, chargé le 3 avr. de marcher contre Versadles.
C'est en exécutant cet ordre, le 4 avr., qu'il fut cerné et
pris par les troupes du général Vinoy, qui le fit aussitôt
passer par les armes. A. Debidour.
DUVAL (César), homme politique français, né à Saint-
Julien (Haute-Savoie) le 20 janv. 4844. Pharmacien, maire
de Saint-Julien, il fut élu député de la Haute-Savoie le
6 mai 4883, siégea d'abord à la gauche radicale, pjiis fit
partie du groupe opportuniste. Réélu le 4 oct. 488o et le
22 sept. 4889, il a rapporté en 4884 la proposition Bastid,
relative à la réforme des bureaux de préfecture, a pris
part aux discussions sur le budget et sur la loi militaire
et combattu le boulangisme. On a de lui : Tcrnier et
Saint-Julien, Essai historique sur les anciens hail-
liaqes de Ternier-le-Gaillard et le district révolution-
naire de Carouge (Paris, 4879, in-8) ; les Terres de
Saint-Victor et chapitre dans l'ancien bailliage de
Ternier (Genève, 4880, in-8); V Administration mu-
nicipale de la commune et du canton de Viry, de
Van I à l'an VII de la République française (Saint-
Julien, 4883, in-8) ; Procès de sorciers à Viry de i534
à 1548 (Genève, 4884, in-8) ; Un Curé de Collonge-
sous-Salève il y a cent ans (4874, in-8) ; la Famille
Paget (4884), etc. . . , . .
DUVAL (Mathias), médecin et physiologiste irançais,
fils de Joseph Duval-Jouve, né à Grasse (Alpes-Mari-
times) le 40 févr. 4844. Il a fait ses études médicales
à Strasbourg. Reçu docteur en médecine en 4869, il
dirigea les ambulances de cette ville pendant le siège de
4870 et après la capitulation suivit comme médecin-ma-
jor l'armée de Bourbaki. Agrégé d'anatomie et de phy-
siologie à la Faculté de Paris (4873), professeur d'anatomie
à l'Ecole des beaux-arts, directeur du laboratoire d'anthro-
poloi^ie de l'Ecole des hautes études (4880), membre de
l'Académie de médecine (4884), professeur d'histologie
(4887). Les travaux de M. Duval sont considérables et
la plupart sont classiques; ainsi son Cours de physio-
logie, d'après renseignement de Kuss, a eu cinq éditions;
uii Précis de technique microscopique ou histologique
(4878); un Manuel du microscope en collaboration avec
M. Lereboullet (4873); un Manuel de Vanatomiste, en
collaboration avec M. Morel; un Précis d'anatomie à
V usage des artistes (4884); un Atlas d'embryologie
(4889, in-fol. avec pi.). M. Duval est devenu, après
la mort de Gavarret, le directeur de l'Ecole d'anthropo-
Xq^q, D^ a. Dureau.
DUVAL (Georges), publiciste français, né à Paris le
2 févr. 4847. De bonne heure, il se lança dans le journa-
lisme et collabora, avec talent, à un grand nombre de jour-
naux, entre autres : le Gaulois, le Figaro,^ rEvénement.
Auteur dramatique et romancier fécond, il a fait repré-
senter à l'Odéon, Voltaire chez Iloudon (23 févr. 4880) ;
à la Renaissance, les Voltigeurs de la 32' (7 janv. 4880) ;
à Cluny, Faublas (2o oct. 4884). Parmi ses ouvrages,
nous citerons : V Année théâtrale (4875 etsuiv., in-42);
Terpsichore, petit guide à l'usage des amateurs de bal-
lets (4875, in-32) ; le Carnaval parisien (4885, in-42) ;
Chasteté (4877, in-42); Virginie Déjazet (4876, in-12);
Un Amour sous la Révolution (4884, in-42); Artistes
et Cabotins (4878, in-42) ; Frederick Lemaître et son
temps (1876, in-l2) ; Histoire de la littérature révo-
lutionnaire (4879, in-42); le Miracle de l'abbé Dulac
(4882, in-12); Laurette (1885, in-8); les Orphelins
d'Amsterdam (4884, in-4) ; les Petites Abraham
(4880, in-42) ; le Premier Amant (4883, in-42); l'au-
luisantet Bouleau (4884, in-42); Vieille Histoire
(1884, in-42), etc., etc.
DUVAL DE Leyrit (V. Leyrit).
DUVAL d'Epréménil (V. Epréménil).
DUVAL -Jouve (Joseph), naturahste et philosophe
français, né à Boissy-Lamberville (Eure) le 7 août 4840,
mort à Montpellier le 25 août 4883. Après avoir remph
les fonctions de professeur aux collèges de Castellane et de
Grasse, il passa en 4852 à Alger comme inspecteur d'aca-
démie et peu après à Strasbourg avec le même titre ; il fut
nommé à Montpellier en 4868 et prit sa retraite en 4877.
L'année suivante, il devint membre correspondant de l'Aca-
démie des sciences. Duval-Jouve a publié en 4844 un tra-
vail sur les Bélemnites, en 1864 sur le genre Equisetum;
c'est lui qui a découvert le mode de germination des Equi--
sétacées ; enfin, en 4870, sur les espèces végétales. On lui
doit en outre un Traité de logique (Pans, 4843, 48dd,
in-8), très remarquable, et des travaux histonques sur
Montpellier (4876, 4884). D'-L.Hn.
DUVAL Le Camus (Pierre), peintre français, néàLisieux
(Calvados) le 44 févr. 4790, mort à Saint-Cloud le 29 juil.
4854. Elève de David, cet artiste peignit de nombreux por-
traits, la plupart de personnages connus, et des tableaux dans
le genre sentimental ; le dessin en est correct, mais la cou-
leur sèche, froide, la touche dépourvue de verve, avec
lesquelles ils sont exécutés, leur enlèvent tout intérêt. Les
principales de ses œuvres sont ; Un Baptême; la Partie
de piquet de deux invalides (S. 4849); Départ pour la
chasse au traqué; le Dimanche matin ou la distri-
bution du pain bénii (S. 4827); le Retour des champs
(S. 4834 ; musée d'Orléans); Portrait de Dupin aîné,
dans son cabinet, a la Chambre des députés (S. 4833).
On peut encore citer de lui, au musée de Cherbourg : Une
Dame assise au milieu d'un salon, occupée à répondre
à la lettre que vient d'apporter un petit valet ; ^^u
musée de Lisieux : Portrait de M. Leroy-Baulieu , ancien
maire; Pêcheurs de la plage de Trouville; au musée de
Bordeaux : Vue d'intérieur. Ad. T._
DUVAL Le Camus (Jules- Alexandre), peintre français,
né à Paris le 5 août 4844, mort à Paris en 4877. Fils du
précédent, il reçut de lui les premières notions artistiques
et fut placé ensuite sous la direction de P. Delaroche et de
Drolling. Ses premières œuvres froidement académiques
accusent encore l'influence paternelle, par ex. : Tobie et
l'Ange; J.-J. Rousseau composant la Nouvelle Héloïse
(1845). Il se dégagea de cette influence et acquit une note
plus personnelle dans Macbeth et les sorcières (S. 4855).
Mais, gêné peut-être par ses études premières, il^ ne put
jamais arriver à peindre des scènes réellement vivantes;
le poncif académique pesa sur lui pendant toute sa
carrière. On peut s'en convaincre en voyant son Poste
avancé de routiers (S. 4859), qui passe pour un de ses
meilleurs tableaux. Citons encore de lui Sainte Elisabeth
de Hongrie distribuant ses aumônes (S. 4863) et la
décoration de l'église de Saint-Cloud, composée de sept pan-
neaux dont cinq sont consacrés aux principaux épisodes de
la vie du saint fils de Clodomir. , Ad. T.
DUVAL Le RoY (Nicolas-Claude), mathématicien fran-
çais, né vers 4739 à Sainte-Honorine-des-Pertes (Calvados),
mort le 6 déc. 4840 à Brest. Professeur de mathématiques
à l'Ecole de Brest en 4764, il fut, à partir de 4769, se-
145
DUVAL — DUVERDIER
crétaire de l'Académie royale de la marine, dont le tome
unique des Mémoires (Brest, 1773) renferme de lui plu-
sieurs travaux intéressant l'analyse et l'astronomie. Il a
donné en outre une traduction "^de V Optique de Smith
(Brest, 1767) avec supplément (1783), une Instruction
sur les baromètres marins (n84), des Eléments de
navigation (1802) et écrit tous les articles mathématiques
concernant la marine àscnsV Encyclopédie méthodique. En
1789 et 1790, il publia quelques écrits de circonstance.
DUVAUCEL (Charles), astronome français, né à Paris
le o avr. 1734, mort à Evreux en 1820. Élève de La-
lande, il donna en 1768 (Mém. savants étrangers, V) le
calcul de toutes les éclipses visibles à Paris de 1767 à
1900, calcul qu'il prolongea jusqu'à l'an 2000 pour l'édi-
tion de 1783 à^VArt de vérifier les dates. Correspondant
de l'Académie des sciences (24 mars 1776), il collabora
pendant longtemps à la Connaissance des temps.
DUVAUCEL (Alfred), naturaliste et voyageur français,
né vers 1793, mort à Madras à la fin d'août 1824. Il dé-
barqua en 1818 à Calcutta où il trouva le naturaliste Diard.
Ils s'installèrent ensemble à Chandernagor où ils réunirent
d'importantes collections et d'où ils firent de riches envois
au Muséum de Paris. A la fin de déc. 1818, ils partirent
pour les îles de la Sonde. Duvaucel revint à Chandernagor
en 1820. Il s'embarqua le 22 juil. 1821 pour aller ex-
plorer le Sylhet. Il visita ce pays, ainsi que les montagnes
de Cossya et de Gentya, mais il arriva à Calcutta malade de
la fièvre et il alla mourir bientôt à Madras. G. R.
BiBL. : Revue encyclopédique, 1821, t. X, p. 473; 1824,
t. XXI, p. 257; 1825, t. XXVI, p. 274.
DUVAUCHEL (Léon), poète français, né à Paris en
1850. Collaborateur de plusieurs journaux et revues litté-
raires, entre autres V Artiste., la Revue générale^ le
Paris illustré^ la Vie littéraire., il s'est fait connaître par
des poésies aimables et finement ciselées. Nous citerons :
la Clef des champs (Paris, 1881, in-12); le Médaillon
(1875, in-12) ; le Petit Soldat, poème, suivi de Jo-
seph Bara, son histoire et sa légende (1881, in-12) ;
Rouget de Liste à Choisy-le-Roi (1882, in-12), etc.
On peut aussi mentionner un roman qui obtint un cer-
tain succès, la Moussière (1886, in-12) et une comédie
en un acte, en vers, le Chapeau bleu, jouée à Cluny le
11 janv. 1880.
DU VAUX (Jules-Antoine), peintre et graveur français,
né à Bordeaux (Gironde) en 1818, mort à Paris en juil.
1884. Il obtint son premier succès au Salon de 1848,
avec un épisode de la bataille de Waterloo, le Combat
de la Haie-Sainte. Il a peint un grand nombre de
tableaux militaires et a fourni aux divers journaux et
recueils illustrés, quantité de dessins, eaux-fortes et litho-
graphies.
D UVAUX (Jules-Yves-Antoine), homme politique fran-
çais, né à Nancy le 21 mai 1827. Elève de l'Ecole nor-
male (promotion de 1849), il fut successivement professeur
au collège de Saintes, aux lycées de Montpellier et de
Nancy. Membre du conseil municipal de Nancy, puis du
conseil général de Meurthe-et-Moselle, il fut révoqué par
M. de Fourtou à cause de ses opinions républicaines. Il
fut élu le 20 févr. 1876 député de Nancy, siégea à gauche
de la Chambre, fit partie des 363 et, réélu avec eux le
14 oct. 1877, le fut encore le 21 août 1881 et le 4 oct.
1885. Il s'occupa beaucoup des questions d'enseignement
et devint le 2 févr. 1882 sous-secrétaire d'Etat à l'ins-
truction publique. Il succéda à ce ministère à M. Jules
Ferry, le 7 août 1882 (cabinet Duclerc) et conserva son
portefeuille dans le cabinet Fallières jusqu'au 21 févr. 1883.
Il continua à soutenir les ministères opportunistes, combattit
le boulangisme et ne se représenta pas aux élections géné-
rales de 1889. Il a donné quelques éditions classiques :
ddkvow^De Senectute, De Signis, De Suppliciis ;Y\Yg\\e^
OEuvres complètes.
DU VEAU (Louis-Jean-Noël), peintre français, né à
Saint-Malo le 26 mai 1818, mort à Paris le 25 déc. 1867.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
Elève de L. Cogniet, cet artiste s'est attaché surtout à repro-
duire les sites et les types de sa Bretagne natale, et il y a
trouvé ses meilleurs sujets d'inspiration. Sacouleur est sobre
et vigoureuse, son dessin puissant. On peut citer comme ses
principales œuvres : Saint Malo préchant au peuple
d'Aleth (S. 1845; cathédrale de Saint-Malo); le Lende-
main d'une tempête dans la baied'Audierne (S. 1846) ;
Emigrants arrêtés en Bretagne par des républi-
cains (S. 1848) ; la Peste d'Elliant (S. 1849 ; musée de
Blois); Ene Messe en mer (S. 1864; musée de Rennes);
Persée délivrant Andromède (S. 1865; musée de Lille).
On lui doit encore : la décoration de l'église de Saint-Servan
(Ille-et-Vilaine) ; celle de la chapelle des fonts baptismaux,
à l'église Saint-Roch de Paris, et le rideau d'entr'acte du
théâtre de la Gaîté, représentant les personnages célèbres
de l'ancien répertoire. Ad. T.
DUVERDIER (Antoine), poète et bibliographe français,
né à Montbrison le 11 mars 1544, mort à Duerne, près de
Lyon, le 25 sept. 1600. Maître d'une grande fortune, il
occupa d'abord à la cour les fonctions de conseiller du roi
et la charge de gentilhomme ordinaire de la chambre. Il
possédait une belle bibliothèque riche en manuscrits pré-
cieux d'ouvrages grecs et latins qu'il ouvrait libéralement
à tous les savants de son temps. Il parvint à exercer ainsi
une influence littéraire assez active, s'adonnant lui-même
à la poésie, mais sans succès. Il publia successivement la
tragédie de Philoxène (Lyon, 1567, in-8) ; Mysopolème
(1568, in-4); une satire, les Omonymes (Lyon, 1572,
in-4). Il donna en 1573 un premier recueil de biographies,
la Prosopographie, description de personnes insignes
(Lyon, in-4); en 1577, les Diverses Leçons d'Ant. du
Verdier... extraites des auteurs grecs et latins (Lyon,
in-8). Il publia ensuite plusieurs traductions, un Recueil
de traits facétieux (Lyon, 1584, in-16) ; une Nouvelle
Prososographie ou biographie des rois de France jusqu'il
Henri ÏIU et enfin son grand ouvrage, celui qui a préservé
son nom de l'oubli : la Bibliographie d'Ant. du Verdier
contenant le catalogue de tous ceux qui ont écrit ou
traduit en français avec un discours sur les bonnes
lettres, servant de préface et à la fin un supplément
de Vépitome de Gesner (Lyon, 1585, in-fol.). Ce livre
souvent cité, même de nos jours, parut presque en même
temps que le recueil analogue de La Croix du Maine. Les
deux ouvrages se corrigeaient et se complétaient sur un
certain nombre de points. Rigolet de Juvigny les a réunis
dans l'édition de 1772 (6 vol. in-4). A. Lefranc.
BiBL. : NicÉRON, Mémoires pour servir à l'histoire des
hommes illustres, t. XXIV.
DUVERDIER (Claude), littérateur français, né à Lyon
vers 1566, mort en i649, fils du précédent. On peut citer
de lui : Perij^etasis epigrammatum viarorum, etc.
(Paris, 1581, in-8); Discours contre ceux qui par les
grandes conjonctions des planètes qui se doivent faire
ont voulu prédire la fin du monde devoir lors ad-
venir (Lyon, 1583, in-8); Claudii Verdii in autores
censiones et correctiones (Lyon, 1586).
DUVERDIER (Gilbert Saulnier), écrivain français, né
vers le commencement du xvii® siècle, mort en 1686.
Historiographe de France. Il a donné : le Temple des
sacrifices (1620, in-8); la Bergère amoureuse (162^1,
in-8); l'Amour aventureux (1623, in-8); la ISymphe
solitaire (1624, in-8) ; la Diane française (1624, in-8) ;
la Parthénice de la Cour (1624, in-8) ; la Floride
(1625, in-8); le Roman des romans où on verra la
suite et la conclusion de D. Belianis de Grèce du che-
valier du Soleil et d'Amadis (Paris, 1626-1629,
7 vol. in-8); les Amours et les armes des princes de
Grèce (1628, in-8); les Esclaves ou V histoire de Perse
(1628, in-8); les Amants jaloux (1631, in-8); le Che-
valier hypocondriaque (1632, in-8); la Sibylle de Perse
(1632, in-8); Suite de Rosalinde (1648, in-8); Abrégé
de rhis'oire de Finance (1651, 2 vol. in-8); Lettres
choisies (1655, 2 vol. in-12); le Vrai Etat de France
10
DUVERDIER - DU VERGIER - 146 -
(4656 in-42); Abrégé de Thistoire des Ottomans (iQ^,
in-12); Abrégé de l'histoire d'Espagne (4663, 2 vol.
in-42); Abrégé de l'histoire sainte (4664, in-42);
Abréqé de Vhistoire d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande
(4667, 3 Yol. in-42); Abrégé chronologique de l'his-
toire romaine (4670, 8 vol. in-42); V Histoire entière
d'Alexandre le Grand (4674, in-42), etc.
DUVER6ER (Louis-Théodore Véron-), ingénieur fran-
çais, néà Dunkerque le 4^^ mai 4844. Il appartient au corps
des ponts et chaussées, dans lequel il a joué un grand rôle, et
est aujourd'hui (4892) en retraite. Après une vie d'ingénieur
très active, Duverger est devenu directeur des chemins de
fer, position qu'il a occupée avec honneur pendant plusieurs
années, lors de la mise en œuvre du programme Freycmet.
Duverger a contribué pour une bonne part à diminuer les
exagérations de classement, exagérations qu'une tendance
naturelle des membres du Parlement risquait de faire dé-
passer toutes bornes.
DUVERGER (Alexandre-Jacques Véron-), né à Paris le
48 avr. 4848. Suppléant à la Faculté de droit de Paris le
24 juil. 4847. Par arrêté ministériel du 30 oct. 4854,
M. Duverger fut chargé du cours de droit constitutionnel
français et il devait ouvrir son enseignement le jour même
du coup d'Etat du 2 déc. Le cours n'eut pas lieu et ne
fut jamais fait. On lui confia ensuite le cours d'introduc-
tion générale à l'étude du droit (4855), puis la chaire de
code civil (4857) qu'il a occupée jusqu'au 26 juil. 4888.
Pendant cette longue carrière, M. Duverger a toujours
attiré un très nombreux auditoire autour de sa chaire par
la clarté et la méthode de son enseignement et aussi par
la richesse et l'érudition de sa science. On doit aussi à
M. Duverger plusieurs ouvrages ou mémoires importants :
Be l'Effet de la transcription relativement au droit
du vendeur (Paris, 4865, broch. in-8); Etude de juris-
'prudence et de législation, observations sur le mémoire
de M. Batbie intitulé Revision du code Napoléon (Paris,
4867, in-8) ; De la Condition politique et civile des
femmes (Paris, 1872, broch. in-8); le Code civil et la
Paix sociale (Paris, 4880, broch. in-8) ; l'Athéisme et
le Code civil (Paris, 4888, in-42).
DUVERGER (Théophile-Emmanuel), peintre français
contemporain, né à Bordeaux le 7 sept. 4824. Cet artiste
commença par cultiver la peinture décorative ; ses facultés
de fine observation le portèrent ensuite à s'essayer dans de
petites toiles de genre, et il trouva bientôt le succès. Ses
compositions humoristiques, bien disposées, peintes avec
une touche fine et grasse en même temps, d'une gracieuse
harmonie, n'ont pas cessé depuis ses débuts dans ce genre,
au Salon de 4853, défigurer chaque année au palais de
l'Industrie; le goût en paraît cependant parfois un peu
vieillot. Les meilleurs de ses tableaux sont : la Visite de
la nourrice (S. 4859) ; la Gamelle du grand-papa ; les
Dames de charité [^. 4864); les Derniers Sacrements;
les Bohémiens; la Recette de l'aveugle (S. 4863);
Cache-cache (S. 1864); le Laboureur et ses Enfants
(S. 4865; au musée du Luxembourg); la Fille repen-
tante; Bourg de Batz (S. 4866) ; la Fête de la grand'-
înaman (S. 4879) ; la Veille du marché (S, 4884); Lunch
àEcouen(S. 4889). Ad. T.
DU VERGER DE Chabannes (Marquis) (V. Cha bannes).
DU VERGER de Hauranne (V. Du Vergier de Hau-
ranne) .
DUVERGIER (Jean-Baptiste), jurisconsulte, né à Bor-
deaux le 25 août 4792, mort à Bordeaux le 2 nov.
4877. Inscrit au barreau de Paris en 4824, bâtonnier en
4844 et 4845, il a été pendant quelque temps directeur
des afiaires civiles au ministère de la justice et est entré
au conseil d'Etat le 7 mars 4855, où il devint président
de section en 4866. Il fut garde des sceaux du 47 juil.
4869 au 2 janv. 1870, et entra ensuite au Sénat. Dès son
arrivée à Paris, il avait entrepris la Collection des cons-
titutions, chartes et lois fondamentales des peuples de
l'Europe et des deux Amériques (4824-4823, 6 vol.
in-8). En 4824, il commença sa Collection des lois, dé-
crets, ordonnances, règlements et avis du conseil
d'Etat depuis il8S jusqu'à i824, classés par ordre
chronologique (4824-1828, 24 vol. in-8); 2<^ édition con-
tinuée jusqu'en 4830 (4834-4838, 30 vol. in-8). Depuis
4830 la collection s'augmente d'un volume par année. Ce
recueil est un des plus complets qui existent. Deux vo-
lumes de tables ont paru en 4834-4838, et quatre autres
en 4890. M. Du vergier a en outre publié divers travaux
de droit, dont le principal est la continuation de l'ouvrage
de Touiller sur le code civil; cette continuation est elle-
même restée inachevée; elle va de l'art. 4582 à l'art. 4963
(6 vol.).
DU VERGIER ou DU VERGER DE Hauranne (Jean), abbé
de Saint-Cyran ou Saint-Siran (Sigirannus), né àBayonne
en 4584, de famille noble, mort le 44 oct. 4643. Après
avoir fait en France ses humanités et sa philosophie, il alla
étudier la théologie à Louvain, où la doctrine de Baius
(V. ce nom), momentanément comprimée, avait repris
vigueur à l'occasion des controverses provoquées par le
molinisme (V. ce mot). Il y forma un commerce fort in-
time d'amitié et d'étude pieuse avec un étudiant un peu plus
jeune que lui, mais qui se distinguait déjà par de brillants
succès scolaires, Cornélius Jansénius (V. ce nom). Ses
cours terminés, il revint à Paris et parvint à y amener son
ami, à qui il procura un emploi de précepteur dans la fa-
mille d'un conseiller. En 4609, il publia un écrit intitulé
Question roïale oit il est monstre en quelle extrémité,
principalement en temps de paix, le sujet pourrait
estre obligé de conserver la vie du prince aux dépens
de la sienne (Paris, in-8). Dans ce livre, qui avait pour
objet de résoudre un cas de conscience posé par le roi
Henri IV, Du Vergier indique plusieurs occasions où un
homme peut se donner la mort sans être homicide de soi-
même, et il en conclut qu'à plus forte raison le sujet doit
conserver la vie du prince aux dépens de la sienne. Dans
les premières Réponses aux lettres provinciales, Pascal
fut formellement sommé de se prononcer sur cette doctrine ;
il s'abstint prudemment de répondre. Vers 4644, Du Ver-
gier et Jansénius allèrent à Bayonne ; ils y étudièrent en-
semble les Pères et particulièrement saint Augustin, avec
une appUcation qui mit en péril la santé de Jansénius,
obligé de se partager entre cette étude et la direction d'un
collège nouvellement fondé, dont l'évèque de Bayonne,
Bertrand d'Eschaux, l'avait établi principal. Cet évêque
avait aussi nommé Du Vergier chanoine de sa cathédrale.
Ayant été promu à l'archevêché de Tours, devenu vacant
par la démission de Sébastien Galigaï, parent du maréchal
d'Ancre, il fit en sorte que Du Vergier allât à Paris. Jan-
sénius n'étant point assuré de la faveur du nouvel évêque
de Bayonne, s'en retourna à Louvain (4647) où on le fit
principal du collège de Sainte-Pulchérie. Mais il résigna
cet emploi, qui l'empêchait de se livrer à ses études préfé-
rées, et, stimulé par les lettres de son ami, il poursuivit
les longs travaux qui aboutirent à la composition de son
Augiistinus.
Après un séjour assez court à Paris, Du Vergier se ren-
dit auprès de M. de La Rocheposay, évêque de Poitiers,
qui avait pris les armes pour expulser les protestants. Il
avait écrit, afin d'innocenter ce procédé, une xipologie
pour maître H.-L, Chasteignier de La Rocheposay,
évêque de Poitiers, contre ceux qui disent qu'il n'est
pas permis aux ecclésiastiques d'avoir recours aux
armes en cas de nécessité (4645, in-8). Il reçut de cet
évêque un canonicat, dont il se démit pour le prieuré de
Bonneville. En 4620, il résigna ce prieuré en faveur d'un de
ses neveux, Martin de Barcos (V. ce nom). La même année,
l'évèque de Poitiers le pourvut de l'abbaye de Saint-Cyran
en Touraine, qui lui appartenait. Dès lors. Du Vergier ne
fut plus guère désigné que sous le nom de Saint-Cyran.
Il réduisit son abbaye à la stricte observance de la règle
et revint à Paris. C est vers cette époque qu'il entra en
— 147 —
DU VERGIEH
relations avec Arnauld d'Andilly. — C'est en ce temps-là
aussi que les adversaires du jansénisme placent ce qu'ils
appellent le Projet de Bourg -Fontaine. Dans le chap. ii
d'un livre publié par ordre de la reine (Réfutation juri-
dique de ce qui s'est passé à Poitiers touchant la nou-
velle doctrine des jansénistes ; Poitiers, 1654, in-8),
Filleau dit qu'un ecclésiastique de mérite, passant par Poi-
tiers, s'adressa à lui, en sa qualité d'avocat du roi, et lui
déclara qu'en 1621 il avait assisté, à Bourg-Fontaine,
chartreuse près de Villers-Cotterets, à une assemblée com-
posée de six personnes attachées à la nouvelle doctrine. Il
s'y était agi de remplacer la religion chrétienne par le
déisme; mais à cause des dangers d'une pareille entreprise,
directement poursuivie, il avait été convenu que l'on com-
mencerait par discréditer les sacrements de la Pénitence et
de l'Eucharistie. Filleau ne donnait que les initiales des
noms des assistants, mais on nomma Saint-Cyran ; Jansé-
nius; Cospéan, évêque de Langres, puis de Lisieux ; Camus,
évêque de Belley ; Arnauld d'Andilly; S. Viguier, conseil-
ler au Parlement. Dans sa XVI^ lettre à un provincial,
Pascal a cru devoir réfuter cette déposition, qu'une mani-
feste invraisemblance suffisait amplement à démentir. Il fal-
lait plus que l'aveuglement produit par la passion religieuse
pour attribuer un complot en faveur du déisme à des
évèques vivant largement de l'autel et aux jansénistes de
la première génération, tant épris de saint Augustin et tant
crédules aux miracles. Néanmoins, l'accusation fut reprise
plus tard par le P. Sauvage, jésuite lorrain {Réalité du
projet de Bourg -Fontaine démontrée par r exécution ;^
Paris, 1755, 2 vol. in-12). D. Clémencet, bénédictin, lui
répondit (la Vérité et Vinnocence victorieuse de la ca-
lomnie ou huit lettres sur le projet de Bourg-Fon-
taine; Paris, 1758, 2 vol. in-8).
En 1622, Saint-Cyran se fixa définitivement à Paris ; en
1623, il fit un voyage à Péronne, pour y rencontrer Jan-
sénius et conférer avec lui sur l'ouvrage que celui-ci médi-
tait. Lui-même continuait à compulser les conciles et les
Pères. Il saisit l'occasion de faire valoir son érudition sur
ces matières, en attaquant un livre du P. Garasse (5omm<?
théologique des Vérités capitales de la Religion Chrcs-
tienne; Paris, 1625, in-fol.). Cette critique, publiée sous
le nom d'Alexandre de l'Exclusc, a pour titre : Somme
des Fautes et Faussetés contenues en la Somme Théo-
logique du P. Garasse (Paris, 1626, in-4). Elle est dé-
diée au cardinal de RicheHeu ; dans l'épitre dédicatoire,
l'auteur déclare qu'il honore la Société des jésuites « comme
une des plus fortes compagnies de l'armée du Fils de Dieu
et qui surpasse en courage aux occasions, et l'escadron
invincible de la Macédoine, et la bande inséparable des
amoureux qui mouraient ensemble pour le bien public en
Lacédémone ». La même année, Saint-Cyran publia deux
autres livres sur le même sujet : Avis de tous les savants
et amateurs de la vérité touchant la réfutation de la
Somme du P. Gaross^ (Paris, 1626, in-4); Réfutation
de l'abus prétendu et découvert de la véritable igno-
rance du P. Garasse (Paris, 1626, in-4). Malgré tous
les efforts des jésuites, la Somme du P. Garasse fut cen-
surée par la Sorbonne. Les jansénistes prétendent que cette
condamnation fut la cause de la haine que les jésuites
vouèrent à Saint-Cyran. — Il est vrai que Saint-Cyran ne
négligeait aucune occasion de prendre parti contre les
jésuites. Des conflits de juridiction survenus entre eux et
l'évêque de Chalcédoine, vicaire apostolique en Angleterre,
avaient vivement ému tous ceux qui s'intéressaient au res-
pect de l'autorité épiscopale ; et des écrits, publiés parles
jésuites pour justifier leurs prétentions, avaient été con-
damnés par plusieurs évêques et parla Sorbonne. En 1631,
parut un gros livre, intitulé Pétri Aurelii theologi opéra
(Paris, in-fol. ), exposant la hiérarchie ecclésiastique et
défendant les évêques contre les usurpations des ordres
religieux. Petrus Aurelius étant complètement inconnu,
on attribua le livre à Saint-Cyran, qui n'en avait guère
été que l'inspirateur, la plus grande partie, sinon la tota-
lité de l'ouvrage, ayant été composée par M. de Barcos,
son neveu. L'assemblée du clergé en approuva la doctrine
et le fit réimprimer plusieurs fois à ses frais (1636, 1641,
1646). La troisième de ces éditions contenait un bel éloge
de l'auteur par Godeau, évêque de Grasse et de Vence.
Plus tard, le même clergé décréta la défense de faire l'éloge
de Saint-Cyran.
Les premiers rapports entre Saint-Cyran et la M. Angé-
hque Arnauld et la maison du Port-Royal eurent heu vers
1623. Ayant appris que la M. Angélique avait amené à
Port-Royal trente filles pauvres de l'abbaye deMaubuisson,
Saint-Cyran lui écrivit pour la féliciter de la grâce qui lui
avait fait pratiquer d'une manière parfaite le désintéresse-
ment prescrit aux maisons religieuses. Il s'établit entre
eux un commerce de lettres ; mais il n'y eut alors aucun
rapport pour la direction de conscience. Dès 1626, la Mère
s'était soumise à la direction de Zamet, évêque de Langres ;
les pères de l'Oratoire furent introduits à Port-Royal et
devinrent les directeurs des religieuses. Saint-Cyran ne
venait guère que pour quelques conférences ou lorsqu'il
était appelé par la Mère, dans les occasions où elle se
trouvait sans ressources pour le temporel et où elle avait
besoin soit de consolations, soit de secours en argent, qu'il
lui faisait trouver. Il y alla aussi pour constater un des
miracles qui furent si nombreux dans ce milieu. Ce fut
seulement en 1633 que Saint-Cyran commença à supplanter
Zamet. On venait d'installer rue Coquillière VInstitut du
Saint-Sacrement dont la fondation avait été conçue par
Zamet et par la duchesse de Longueville, mais dont les pre-
mières religieuses avaient été tirées de la maison de Port-
Royal et dont la direction avait été confiée à la M. Angéhque.
L'archevêque de Sens, qui n'aimait pas l'évêque de Langres,
voulant discréditer l'esprit de la dévotion pratiquée dans le
nouvel institut, suscita une affaire qui tient une large place
dans l'histoire des querelles religieuses de ce temps-là,
l'affaire du Chapelet secret du Saint- Sacrement. Ce
qu'on appelait ainsi était un petit écrit composé par la
M. Agnès, sœur de la M. Angélique. Il avait pour objet de
célébrer avec amour les attributs de Jésus-Christ dans l'Eu-
charistie. L'auteur en comptait seize : sainteté, vérité,
liberté, existence, suffisance, satiété, plénitude, émi-
nence, possession, règne,^ inaccessibilité, incompréhen-
sibilité, indépendance, incommunicabilité, illumina-
tion, inapplication, et elle produisait pour chacun d'eux
ses sentiments d'amour et d'admiration dans un style où
la pensée et l'expression devançaient la Httérature de
W^^ de Scudéri. L'archevêque de Sens prétendit que ce
Chapelet était plein d'illusions et il le mit entre les mains
du docteur Duval, supérieur des Carmélites, qui en fit une
censure signée de sept autres docteurs avec lui. La M.An-
gélique l'envoya à Saint-Cyran qui déclara qu'il ne conte-
nait rien de contraire à la foi catholique. L'évêque de Lan-
gres s'estima engagé d'honneur à soutenir le Chapelet; à
la décision des huit docteurs de Paris, il opposa celle de deux
docteurs de Louvain, Jansénius et Fromondus. Ils opinaient
« que le Chapelet était à l'abri de tout reproche et qu'il
ne présentait que les innocents transports d'une âme eni-
vrée de Dieu et heureusement transformée en Jésus-Christ,
comme en jugeraient tous ceux qui s'entendaient en lan-
gage d'amour divin ». Plusieurs docteurs de Sorbonne se
joignirent à cette approbation. Saint-Cyran écrivit une
Réponse aux remarques contre le Chapelet secret du
Saint- Sacrement (Paris, 1634) et une Réfutation de
V examen de la doctrine du Chapelet secret du Saint-
Sacrement (Paris, 1634). Naturellement, les jésuites
prirent parti pour la censure et, afin de donner plus de
force à l'accusation, ils publièrent que le Chapelet reflétait
les doctrines de Genève. La vérité est qu'il ne se rapproche
nullement du calvinisme, mais beaucoup du quiétisme. La
cause fut portée à Rome où le Saint-Père jugea, avec dex-
térité, que le Chapelet ne devait être ni censuré ni mis à
V index, mais supprimé, de peur que les personnes simples
n'en abusassent. En partant pour son diocèse, Zamet en-
DU VERGIER - ^^^ —
eaf^ea Saint-Cyran à rendre service à ses filles pendant son
ablence, à leur faire des conférences, à les conduire par
ses conseils et même à les confesser. Lorsqu'il revint à
Paris, il put constater que Saint-Cyran était en possession
de la suprême autorité sur la conscience de la M. Angélique
et de la plupart des religieuses. Le 16 févr. 1636, la
M. An^^élique, avec l'autorisation de l'archevêque de Paris,
quitta ^l'institut, s'y fit remplacer par l'abbesse de Port-
Royal, qui lui était entièrement soumise, et se retira elle-
même à Port-Royal. Peu de temps après, Saint-Cyran céda
ses fonctions de confesseur du Saint-Sacrement à l'abbé
Singlin, son disciple, qui depuis quelque temps déjà con-
fessait à Port-Royal. Le 19 mai 1638, l'établissement de
la rue Coquillière fut complètement abandonné et les reli-
gieuses revinrent à Port-Royal. Bien avant leur retour, on
avait évincé péremptoirement l'évêque de Langres de cette
maison.
Depuis longtemps déjà, Saint-Cyran jouissait d'un grand
crédit parmi tous les adversaires, toujours si nombeux, des
jésuites. Son incontestable austérité, sa longue étude de
saint Augustin, son opiniâtre rigidité avaient aussi dû lui
attirer la confiance de beaucoup de consciences en quête de
discipline sévère. La conquête de la M. Angélique et de
Port-Royal décupla ses moyens d'action ; non seulement
elle lui assurait le champ le mieux préparé pour recevoir
la doctrine qu'il méditait depuis tant d'années avec Jansé-
nius sur la grâce, la pénitence et la parfaite contrition ;
mais, au dehors, elle lui assurait la nombreuse clientèle pos-
sédée par la famille Arnauld et par la maison du Port-Royal;
surtout, elle le faisait participer à l'autorité et au prestige
exercés par la M. Angélique. On dit et il est vraisemblable
que des évèques, des ministres d'Etat, des magistrats, des
monastères de religieuses, des personnages du plus haut
rana et de la plus éminente piété demandaient ses directions
avec respect et les suivaient avec docilité. — En 1637, les
effets de cette puissance apparurent de la manière la plus
manifeste et, à plusieurs points de vue, de la manière la
plus inquiétante, dans la résolution prise par Antoine Le
Maistre, avocat au parlement de Paris, petit-fils d'Antoine
Arnauld par sa mère. Quoiqu'il ne fût âgé que de vingt-
neuf ans, il était déjà célèbre par ses plaidoiries ; le chan-
celier Séguier lui offrit l'office d'avocat général au parlement
de Metz et le brevet de conseiller. Touché par un discours
de Saint-Cyran, il quitta tout ce qu'il avait déjà acquis et il
renonça à tout ce qu'il pouvait espérer dans le monde pour
se vouer à la retraite et à la pénitence, et il prit Saint-
Cyran pour directeur de sa conscience. Sa mère, qui demeu-
rait à Port-Royal de Paris, avec sa vieille mère et treize
sœurs ou nièces religieuses, lui fit bâtir une petite maison
près du couvent. Un de ses frères se joignit à lui. Ils vi-
vaient en solitaires, logeant et mangeant dans des chambres
séparées, n'ayant d'entretien qu'avec Dieu et avec Saint-
Cyran, qui les visitait tous les jours. D'autres solitaires
étaient déjà venus près d'eux, lorsque Saint-Cyran fut
arrêté, par ordre de Richelieu, et conduit au donjon de
Yincennes (14 mai 1638).
On a attribué cette arrestation à plusieurs motifs : les
rancunes personnelles de Richelieu, les instances desjésuites,
les dénonciations de Zamet, évêque de Langres, et du cé-
lèbre capucin, le P. Joseph, fondateur des Filles du Cal-
vaire. Tous deux avaient connu intimement Saint-Cyran et
lui avaient confié leurs religieuses; mais, après expérience
de sa direction et de sa doctrine, ils étaient devenus ses
ennemis et ses accusateurs. Tous ces motifs peuvent avoir
concouru à la décision de Richelieu, mais il nous semble
qu'il convient d'y ajouter, comme causes prochaines et
déterminantes, la mort récente de Jansénius, le désir soit
d'empêcher la publication de VAiigiistinus annoncé et
prôné depuis si longtemps, soit de découvrir dans les
papiers de Saint-Cyran quelque chose qui pût en compro-
mettre l'effet; enfin, et suivant nous, l'inquiétude pro-
duite par la retraite d'Ant. Le Maistre et la première
institution des Solitaires. Ces derniers faits n'alarmaient
pas seulement les familles, fort nombreuses alors, qui
désiraient assurer à leurs enfants les biens de la terre avec
ceux du ciel; ils indiquaient, à côté des ordres religieux,
la formation d'un cénobitisme laïque, recrutant une élite
d'hommes cultivés, ardents, austères, par conséquent indé-
pendants, annonçant le dessein d'entreprendre l'éducation
des enfants des hautes familles : en un mot : une nouveauté
dans l'Eglise et peut-être un péril pour l'Etat. Peu de temps
après la détention de Saint-Cyran, l'archevêque de Paris
signifia aux solitaires, de la part de la cour, l'ordre de
déloger du voisinage du Port-Royal de Paris. Ils étaient
déjà une douzaine, parmi lesquels les trois frères de Le
Maistre et Lancelot. Ils avaient avec eux quelques enfants
qu'ils élevaient. Ils allèrent à Port-Royal-des-Champs,
abandonné par les religieuses depuis 1626. Deux mois
après, le lieutenant civil, Laubardemont, les en fit sor-
tir. Le Maistre, ses frères et Lancelot se retirèrent à La
Ferté-Milon, chez un ami, où ils vécurent pendant quinze
mois dans une entière solitude ; puis ils revinrent à Port-
Royal-des-Cliamps; en 1643, ils y ouvrirent leurs écoles
pour les petits messieurs, Richelieu était mort et Saint-
Cyran, mis en liberté, put saluer et bénir les débuts d'une
entreprise qu'il avait instamment recommandée à ses dis-
ciples.
Les papiers de Saint-Cyran furent saisis après son ar-
restation. Une partie, peut-être la plus compromettante,
avait été enlevée par M. de Barcos. Il en restait de quoi
former trente-deux gros volumes in-folio ; ils contenaient
des projets de livres,' des notes, des extraits des Pères, etc.
L'information fut d'abord confiée à Laubardemont, à qui
Saint-Cyran refusa de répondre parce qu'il n'était pas
théologien ; ensuite à Lescot, docteur en Sorbonne, depuis
évêque de Chartres. Elle n'aboutit pas à une poursuite for-
melle, soit qu'elle n'eût point fourni les preuves nécessaires
à une condamnation, soit que Richelieu eût reculé devant
une mesure extrême, estimant qu'il suffisait de retenir
Saint-Cyran à Yincennes pour le rendre inoffensif. Il ou-
bliait que la persécution exalte ceux qu'elle n'écrase point.
Saint-Cyran y gagna l'auréole du martyre, aux yeux de
ses partisans, et, dans le monde, les sympathies de tous
les ennemis du ministre redouté et abhorré. Sa captivité,
d'abord fort rigoureuse, se relâcha peu à peu, au point
qu'il put recevoir les communications de ses amis et leur
faire parvenir de nombreuses lettres. Ce fut alors que An-
toine Arnauld, celui que ses contemporains appelèrent le
Grand Arnauld, se mit sous sa direction et écrivit sous son
inspiration le livre De la Fréquente Communion (im-
primé à Paris en août 1643, muni de l'approbation de
vingt-quatre docteurs en Sorbonne et de seize prélats). —
Après la mort de Jansénius (1638), ses disciples avaient
fait commencer à Louvain l'impression de son Augustinus.
Les jésuites s'efforcèrent de le faire supprimer avant son
apparition ; ils corrompirent un des ouvriers de l'impri-
meur Zeghers et se procurèrent les feuilles à mesure
qu'elles étaient composées; ils les envoyèrent à Rome pour
obtenir la condamnation de l'ouvrage. Mais ce vol n'eut
pas d'autre résultat que de rendre manifestes leurs prin--
cipes et leurs procédés en matière de probité. L'université
de Louvain soutint les partisans de Jansénius et l'ouvrage
parut à Louvain, en 1640 ; à Paris, en 1641. Le nouveau-
né, si longtemps attendu et si péniblement mis au monde,
trouvait en France, à Port-Royal et à l'entour, préparés
par Saint-Cyran, un berceau soUde, des marraines ardentes,
des parrains opiniâtres et des protecteurs dévoués. Le
6 mars i6i'2, Urbain Vlll édicta une bulle ordonnant la
suppression du livre comme contenant des erreurs déjà
condamnées ; mais cette bulle ne fut publiée que le 11 déc.
1643, deux mois après la mort de Saint-Cyran.
Saint-Cyran avait été mis en liberté le 6 févr. 1643,
deux mois après la mort de Richelieu, sur l'ordre de Cha-
vigny, ministre d'Etat, à la demande de Mole, premier pré-
sident, et de Bignon, avocat général. La M. Angélique
s'empressa d'annoncer cette délivrance aux religieuses de
— 149 -
DUVERGIER
Port-Royal ; elles étaient alors au réfectoire ; afin de ne
point rompre le silence réglementaire, la mère dénoua sa
ceinture. Toutes comprirent que les liens du martyr avaient
été brisés, et la joie se répandit sur tous les visages. Ra-
mené de Vincennes par d'Andilly, il leur rendit visite le
même jour, avant de se rendre en sa propre maison. Il
mourut huit mois après, frappé d'apoplexie (M oct. 1643).
Ses disciples lui attribuèrent des miracles ; ses adversaires
l'accusèrent d'avoir refusé les sacrements de l'Eglise. De
Caumartin, évêque d'Amiens, officia à ses funérailles,
assisté de six évêques. A l'instigation de la M. Angélique,
son corps fut dépecé en reliques. Le cœur, donné d'abord à
Arnauld d'Andilly, fut ensuite conservé à Port-Royal-des-
Champs ; les entrailles, portées à Port-Royal de Paris ; les
mains, coupées, remises à la M. Angélique. Son épitaphe,
placée près du maître-autel en l'église Saint-Jacques-
du-Haut-Pas, commence par ces deux devises significa-
tives : Vous n'aurez point de livre nouveau | Vous
n'aurez point de vérité nouvelle. Après avoir constaté
la haute science et la profonde humilité de Saint-Cyran ;
son zèle ardent pour l'unité de l'Eglise, pour la tradition
des Pères et la doctrine de l'antiquité ; ses combats contre
les hérétiques contemporains, pour la défense de l'EgHse
catholique, à laquelle il était uniquement attaché, cette épi-
taphe constate que Saint-Cyran est mort regretté de tout le
clergé de France et de tous les gens de bien.
Plus encore que celle de plusieurs autres, fort vantés
dans le cénacle de Port-Royal, la lecture des livres de
Saint-Cyran produit une singulière impression d'étonne-
ment et de déception. Il semble que l'admiration qu'ils ont
excitée ne peut être attribuée qu'à un miracle de la grâce
irrésistible. Dans tous les cas, il faut chercher à l'incon-
testable succès qui fit de Saint-Cyran l'instituteur du jan-
sénisme en France, d'autres causes que sa valeur comme
penseur et comme écrivain. Il est lourd et long, bizarre et
même baroque, diffus et confus, obscur à ce point que
parfois on se demande s'il se comprenait lui-même. — Prin-
cipaux ouvrages, outre ceux qui ont été précédemment
mentionnés : ^Théologie familière ou hriève explication
des principaux mystères de la foi (Paris, 164^2) ;
Lettres chrétiennes et spirituelles (Paris, 1645, 2 vol.
in-4; Lyon, 1647, 2 vol. in-8; 1648, 2 vol. in-12) ;
Lettres spirituelles et chrétiennes qui n'ont point été
publiées jusqu'à ce jour (Paris, 1744, in-12). D'autres
lettres, saisies après l'arrestation de Saint-Cyran, ont été
publiées par les jésuites ; mais les jansénistes prétendent
qu'elles ont été tronquées et falsifiées. Vie de la Sainte
Vierge ou Considérations sur ses fêtes et autres mys-
tères, sous le pseudonyme de Granval (Paris, 1664, in-12) ;
Considérations chrétiennes sur les dimanches et fêtes
de la Vierge et des Saints (Paris, 1670, 1671, 1688,
2 vol. in-8). E.-H. Vollet.
BiBL. : Lancelot, Mémoires touchant l'abbé de Saint-
Cyran; Cologne (Utrecht), 1738, 2 vol. in-12. — Du Fossé,
Mémoires pour servir à V histoire de Port-Royal; Utrecht,
1739, in-12. — Besoignk, Histoire de Vabhaye royale de
Port-Royal ; Cologne, 1752, 6 vol. in-12.— D. Clemencet,
Histoire générale de Port-Royal ; Paris, 1755, 1756, 10 vol.
in-12. — Arnauld d'Andilly, Mémoires au sujet de Mes-
sire Jean Du Verger de Hauranne dans les Vies intéres-
santes et édifiantes des religieuses de Port-Royal; 1751.—
Sainte-Beuve, Port-Royal; Paris, 1860, 8 vol. in-18.
DUVERGIER de Hauranne (Jean-Marie), homme poli-
tique et publiciste français, né à Rouen le 21 mars 1771,
mort à Paris le 23 août 1831. Il était depuis longtemps
négociant dans sa ville natale, quand les électeurs de la
Seine-Inférieure l'envoyèrent à la Chambre des députés
(1 81 5) , où il fit preuve d'un entier dévouement à la royauté,
mais lutta énergiquement contre la politique haineuse et
réactionnaire du parti ultrâ-royaliste. Réélu après l'ordon-
nance du 5 sept. 1816, il soutint de toutes ses forces les
ministères Richelieu et Desselle et prit fréquemment la pa-
role dans les discussions relatives au droit constitutionnel,
aux finances et aux douanes. Ecarté du Parlement en 1819,
il y rentra à la fin de 1820 comme député ministériel.
mais se rapprocha sensiblement de l'opposition libérale
après l'avènement du cabinet Villèle (déc. 1821) qui, pour
le punir de ses discours en faveur de la liberté de la presse
(1822) et contre l'expédition d'Espagne (1823), empêcha
sa réélection après la dissolution de 1824. Dès lors Du-
vergier de Hauranne dut se contenter d'écrire. Sans
parler de ses discours, on a de lui plusieurs ouvrages im-
portants, parmi lesquels nous citerons : Coup d'œil sur
l'Espagne (1824, in-8); De T Egalité et du droit d'aînesse
(1826, iii-8) ; De l'Ordre légal en France (1825-1828,
2 vol. in-8) ; Du Jury anglais et du jury français
(1827, in-8) ; Lettres sur les élections anglaises et sur
la situation de l'Irlande (1828, in-8). A. Debibour.
DUVERGIER DE Hauranne (Prosper), homme politique
et écrivain français, fils du précédent, né à Rouen le 3 août
1798, mort au château d'Herry, près de Sancergues (Cher),
le 19 mai 1881. Après de sérieuses études poHtiques,
il collabora non sans éclat, avec Guizot et Rossi, au Globe
(1824), puis à la Revue française, et devint, jeune encore,
un des chefs les plus influents du parti doctrinaire. En-
voyé à la Chambre des députés en 1831 par les électeurs
de Sancerre, il soutint d'abord résolument la politique mi-
nistérielle de conservation et de répression qui prédomina
sous les cabinets du 13 mars 1831 et du 11 oct. 1832.
Ses idées, on ne sait trop pour quelle cause (peut-être par
suite de quelques déceptions personnelles), subirent une
évolution sensible après l'avènement du ministère du 1 o avr.
1837. Duvergier de Hauranne se jeta dans l'opposition de
gauche, publia sur les Principes du gouvernement re-
présentatif et leur application (1838, in-8) un livre
qui n'était que le développement de la fameuse maxime :
Le roi règne et ne gouverne f)as, et fut un des promo-
teurs et des meneurs de la coalition parlementaire qui ren-
versa Mole en 1839. Ami et partisan de Thiers, dont il
devint dès lors le principal lieutenant, il fut, après la chute
de ce ministre (29 oct. 1840), un des plus redoutables
adversaires de la politique de résistance dont Guizot était
la plus puissante personnification.
Son infatigable activité, son talent d'écrivain, son apti-
tude parfaite aux combinaisons et aux intrigues parlemen-
taires, lui permirent déjouer un rôle considérable dans les
dernières années du règne de Louis-Philippe. Après avoir
faitabohr le scrutin secret (1845), illança, en 1846, un
écrit retentissant sur la Fié forme parlementaire et la
réforme électorale, et organisa cette campagne des ban-
quets dont le résultat devait être le renversement d'un
régime dont il ne souhaitait que l'amélioration. Reconnais-
sant trop tard son imprudence, il se rallia, dans l'Assem-
blée constituante de 1848, où il fut envoyé parledép. du
Cher, à la politique antirépubhcaine de la droite. Aussi
ne fut--il pas réélu en 1849 à l'Assemblée législative, où il
ne parvint à entrer qu'en déc. 1850, par suite d'une élec-
tion partielle. Il y combattit, avec les orléanistes ses amis,
la politique de l'Elysée, fut arrêté le 2 déc. 1851, avec un
grand nombre de ses collègues, à la mairie du X^ arron-
dissement et, après cinq semaines de détention, exilé de
France, où il ne put rentrer que le 7 août 1852. Con-
damné pour longtemps à la vie privée, il consacra ses
loisirs à un important ouvrage intitulé Histoire du gou-
vernement parlementaire en France de i8I4à 1848^
qui a paru en 10 vol. in-8, de 1857 à 1873. Elu membre
de l'Académie française le 19 mai 1870, il affirma avec
éclat ses vieilles convictions libérales dans son discours de
réception (29 févr. 1872). Il alla plus loin et se rallia hau-
tement à la République conservatrice inaugurée par son ami
Thiers. Il échoua pourtant aux élections sénatoriales du
Cher (30 janv. 1876). Ayant perdu son fils l'année sui-
vante, il renonça pour toujours à jouer un rôle pohtique. —
On a de lui, outre les ouvrages cités plus haut, et quelques
vaudevilles, œuvres de sa jeunesse, beaucoup de discours
et de rapports, publiés en brochures, et de remarquables
articles écrits à diverses époques dans la Revue des Deux
Mondes. A. Debidour.
DUVERGIER - DUVERNOY
150
DUVERGIER de Hauranne (Louis -Prosper- Ernest),
homme politique et publiciste français, fils du précédent, né
à Paris le 7 mars 1843, mort à Trouville le 12 août 1877.
Après de brillantes études et un voyage aux Etats-Unis
qu'il raconta sous le titre de Huit Mois en Amérique
(1866, 2 vol. in-18), il prit part aux luttes de l'opposi-
tion libérale contre l'Empire et se signala par deux écrits
remarqués: 1^ le Gouvernement personnel {Ï'^Q^ ^
in-32) ; 2<^ la Coalition libérale (1869, in-8). Capitaine
de mobiles pendant la guerre de 1870, blessé à Beaune-
la-Rolande, il fut, le 8 févr. 1871, envoyé comme député
parle dép. du Cher à l'Assemblée nationale, où il prononça
d'importants discours et se déclara sans réserve en faveur
de la République. Après avoir soutenu jusqu'au bout le
gouvernement de Thiers, il combattit l'Ordre moral (1873-
1874) et contribua au vote des nouvelles lois constitution-
nelles en 1875. Envoyé à la Chambre par les électeurs de
Sancerre le 20 févr. 1876, il fut, après le 16 mai 1877,
au nombre des 363 députés républicains qui se prononcèrent
contre le ministère de BrogUe. Il eût été sans doute réélu
sans peine, si la maladie qui le minait depuis longtemps ne
l'eût prématurément emporté quelques semaines avant les
élections du 14 oct. A. DEBmouR.
DUVERGIER de La Rochejaquelein (V. La Rogheja-
ÛUELEiN [Duvergier de]).
DUVERNAY (Marie-Louise), danseuse française, née
vers 1810, débuta vers 1830 à l'Opéra. Elève de Coulon,
artiste de ce théâtre, elle était extrêmement jolie, et sa
grâce charmante, jointe à un véritable talent d'exécution,
la faisait surtout remarquer dans la pantomime, qu'elle
jouait avec ha])ileté. Elle fit sensation dans le rôle de
Miranda, qu'elle créa dans un opéra-ballet d'Halévy,
la Tentation, Elle quitta l'Opéra vers 1840, pour aller
se fixer à Londres, où elle avait obtenu de très grands
succès. Elle épousa en Angleterre M. Lyne Stephens, qui,
en mourant, lui laissa toute sa fortune. Cette fortune
devait être colossale si l'on en juge par ce fait que
M"^® Duvernay-Stephens contribua pour 100,000 liv. st.,
soit deux millions et demi, à l'érection de l'église catho-
lique de Cambridge, consacrée, en 1890, par l'évêque de
Northampton.
DU VER NET (L'abbé Théophile Lmarigeon), littérateur
français, né à Ambert en 1734, mort à Paris en 1796.
Très lié avec les encyclopédistes, il devint principal du
collège de Vienne, puis du collège de Clermont et entra
en relations avec Voltaire qui lui témoigna beaucoup
d'amitié et ne craignit pas de lui attribuer deux ou trois ou-
vrages dont il ne se souciait pas qu'on le soupçonnât l'au-
teur. Très caustique, l'abbé Duvernet s'attira lanimosité
d'Amelot, d'Espréménil, de Linguet, de Sabatier, qui le
firent enfermer à la Bastille, à plusieurs reprises, et fina-
lement exiler en Auvergne pour des pamphlets comme
M. Guillaume ou le Disputeur (Amsterdam, 1781,
in-8) ; les Dîners de M, Guillaume avec l'histoire de
son enterrement (1788, in-12). On a de lui : la Vie de
M. de Voltaire (Genève, 1786, in-8) ; cette biographie,
composée à la Bastille, fit beaucoup de bruit ; Réflexions
critiques et politiques sur la tragédie (Paris, 1773,
in-8) ; V Intolérance religieuse (1782, in-8) ; Histoire
de la Sorbonne (1790, 2 vol. in-8) ; les Dévotions de
W^^ de Bethzamoot et les Pieuses Facéties de M. de
Saint-Ognon (Paris, 1789, in-8) ; la Retraite, les
Tentations et les Confessions de M^^ la marquise de
Montcornillon (1790, in-8). Il a encore édité les Lettres
de Voltaire à l'abbé Moussinot (1781, in-8) avec de
scandaleuses interpolations que M. Comtat a signalées en
éditant les véritables lettres, d'après les originaux con-
servés à la BibUothèque nationale (Paris, 1875, in-8).
DU VERNEY (Guichard-Joseph) , anatomiste français,
né à Feurs (Loire) le 7 août 1648, mort à Paris le 18 sept.
1730. Il inaugura à Paris des leçons d'anatomie qui eurent
un tel succès que l'enceinte de Saint-Côme devint trop
étroite pour son nombreux auditoire; en 1674, il fut élu
membre de l'Académie royale des sciences, puis en 1679
obtint la chaire d'anatomie au Jardin du roi ; il releva la
science anatomique du discrédit oîi elle était tombée depuis
Riolan. Ouvrages principaux : Traité de l'organe de Vouïe
(Paris, 1683,'in-8 ; 1718, in-12, et autres édit.) ; on y
trouve la première description exacte des relations de l'o-
reille moyenne avec l'oreille interne et en physiologie des
aperçus qui permettent de désigner Du Verney comme
le précurseur de Helmholtz ; Traité des maladies des os
(Paris, 1751, 2 vol. in-8) ; OEuvres anatomiques (Paris,
1761, 2 vol. in-8), et de nombreux articles dans les Mé-
moires de r Académie des sciences. D^L. Hn.
DUVERNOIS (Clément), homme politique français, né à
Paris le 6 avr. 1836, mort à Paris le 8 juil. 1879. Il
débuta fort jeune dans le journalisme, collabora à la Colo-
nisation d'Alger, à h Presse de Girardin, fonda Pi /^é/m
nouvelle, donna des articles au Temps, au Courrier du
Dimanche, à la Liberté dont il fut un moment rédacteur
en chef, au Courrier de Paris et à V Epoque qu'il dirigea.
Il se fit remarquer par la verve et l'âpreté de sa polémique
qui lui attira mainte condamnation et un duel retentissant
avec Francisque Sarcey (1866). En 1869, il fondait, avec
les subsides du cabinet de l'empereur, le Peuple auquel
Napoléon III collabora, fut bientôt nommé député au Corps
législatif par les Hautes-Alpes (24 mai 1869) avec l'appui
du gouvernement, et joua un rôle prépondérant dans la
formation de l'Empire libéral en obtenant l'adhésion d'Emile
OUivier à la politique nouvelle. Il essaya vainement d'en-
trer dans le cabinet Ollivier dont il causa la chute le 9 août
1870 en présentant le fameux ordre du jour : « La Chambre,
décidée à soutenir un cabinet capable de pourvoir à la
défense du pays, passe à l'ordre du jour » qui fut adopté
par le Corps législatif, malgré les ministres. Clément
Duvernois eut alors le portefeuille de l'agriculture et du
commerce dans le cabinet Palikao (9 août 1870). Il témoigna
de grands talents d'administrateur et fit ce qu'il put pour
approvisionner Paris. Après le 4 sept., il s'établit en
Angleterre. De retour en France en sept. 1871,11 fonda
VOrdre, puis devint directeur de la Banque territoriale
d'Espagne dont la déconfiture lui causa une condamnation
à deux ans de prison. Clément Duvernois collabora depuis
au Figaro, mais d'une manière fort intermittente, et on
n'entendit plus guère parler de lui. Il a écrit : la Réorga-
nisation de l'Algérie (Paris, 1858, in-18); Pourquoi des
douanes en Algérie (1858, in-8); les Chemins de fer
algériens (1858, in-8); l'Akbar et les novateurs témé-
raires (1858, in-18); l'Algérie, ce qu'elle est, ce qu'elle
doit être (1858, in-12); la Lieutenance de l'Empire
(1859, in-18); la Réaction (1859, in-18); Progrès ou
Réaction (1860, in-18); la Liberté de discussion (iS60,
in-18); l'Esprit et la lettre (1860, in-18); le Couron-
nement de l'édifice (1860, in-8); En Suicide politique
(1861, in-8); l'Orléanisme et la Révolutio7i (1861,
in-8); l'Algérie pittoresque (1863, in-12); la Vérité en
matière d'assurances sur la vie (1871, in-18); l'Union
conservatrice (1872, in-8); la Légalité rouge (1873,
in-8); le Gâchis rose (1873, in-16).
DUVERNOY (Jean-Georges) , anatomiste et botaniste
allemand, né à Montbéliard en 1691 , mort à Amstadt
(Wurttemberg) en 1759. D'abord professeur d'anatomie à
Tubingue, il se rendit en 1725 à Pétersbourg comme
membre de l'Académie des sciences ; là il disséqua des ani-
maux et des cadavres humains et reconnut que les os trouvés
en Sibérie et décrits jusqu'alors comme provenant d'élé-
phants avaient appartenu à des mammouths. Il revint en
Allemagne en 1 741 . La plupart de ses travaux sont insérés
dans les Actes de l'Académie de Saint-Pétersbourg {i. II
à XIV). D^L. Hn.
DUVERNOY ou plutôt DUVERNOIS. Cette famille de
musiciens ou virtuoses célèbres comprend :
1° Frédéric, né à Montbéliard le 16 oct. 1765 d'après
les registres de l'Opéra (car certains le font naître le
15 oct. 1771), mort à Paris le 9 juil. 1838. Corniste
— loi —
DUVERNOY — DUVERT
célèbre, il exécuta un solo de cor au concert spirituel
le 6 août 1788. La même année, il entra à l'orchestre de
la Comédie-Italienne. En 1797, il entrait à l'Opéra; en
1801, il y tenait l'emploi de soliste; en 1816, ilobtmt sa
retraite. 11 fit partie de la musique particulière de l'empe-
reur, fut professeur au Conservatoire depuis sa fondation
jusqu'en 1815. Duvernoy avait une qualité de son très
remarquable; mais les notes dont il faisait usage et qui
participaient du premier et du second cor, appelés par
Dauprat cor alto et cor basse, étaient d'un nombre res-
treint et présentaient à l'audition une monotonie réelle qui
nuisit au réel talent de l'artiste. Il écrivit une Méthode
pour l'étude particulière de son instrument qu'il nommait
cor mixte. Il composa aussi des morceaux pour cor,
fantaisies et concertos qui n'ont aucune valeur et sont
oubliés de nos jours.
2o Charles, frère du précédent, né à Montbéliard en
1766. Clarinettiste d'un certain talent, professeur au
Conservatoire depuis sa fondation jusqu'en 1802, il fut
attaché au théâtre Feydeau pendant vingt-cinq ans et
s'est retiré en 1824 avec la pension de vétérance. Son
jeu était brillant, d'une belle qualité de son, mais il
manquait d'élégance. Charles Duvernoy mourut à Pans le
28 févr. 1845, laissant plusieurs compositions pour son
instrument. , - . i^ •
30 Henri'Loiiis-Charles, fils du précèdent, ne a Pans
le 16 nov. 1820, fut un professeur renommé. Après
avoir fait les plus brillantes études au Conservatoire
où il remporta tous les prix, jusqu'à celui de f prix de
Rome (1848), il y entra comme professeur adjoint de sol-
fège. Il fut nommé professeur titulaire en 1848. Il composa
pour ses élèves divers solfèges excellents. Son Solfège à
changements de clefs (1857) fut admis dans les écoles de
l'Etat. Il composa aussi un Solfège artistique (Pans,
1860) et un- Solfège des chanteurs (Paris, 1855) en col-
laboration avec Georges Kuhn, son oncle. Organiste de
plusieurs temples protestants de la capitale, il fut chargé
par le consistoire de iMontbéliard de la réforme du chant
des psaumes et cantiques à l'usage du culte réformé.
Il publia deux recueils de chants liturgiques, le premier en
collaboration avec Kuhn et le second avec Duprato. Il com-
posa aussi un grand nombre de pièces légères publiées à
Paris et des ouvrages théoriques estimés (V. le complément
de la Biographie Fétis) . C. Bordes.
DUVERNOY (Charles-Léopold-Eberard), érudit français,
né à Montbéliard le l^'" nov. 1774, mort à Besançon le
d9 nov. 1850. Tout en occupant la fonction déjuge de paix
du cant. d'Audincourt, il eut mission de classer les immenses
archives de l'ancienne principauté de Montbéliard, et de les
répartir entre l'Etat et les dép. du Doubs, de la Haute-
Saône et du Haut-Rhin. Il en tira les éléments de notices
sur la plupart des localités du pays de Montbéliard, qu'il
publia dans V Annuaire du Doubs, à partir de 1834. Nombre
de pièces, faisant plus ou moins double emploi, lui servirent
à composer une soixantaine de porteleuilles qui, achetés
après sa mort par la Bibliothèque de la ville de Besançon,
forment dans cet établissement la Collection Duvernoy.
Là se trouve un exemplaire remanié des Ephémérides du
comté de Montbéliard, ouvrage publié par lui en 1832.
C'est l'époque oti il fut appelé à Besançon pour diriger la
transcription des Papiers d'Etat du cardinal de Gran-
velle, dont neuf volumes, préparés par ses soins, ont
paru, avec une Introduction de Ch. Weiss, dans la col-
lection des Documents inédits sur l'histoire de France
(1841-1852). Duvernoy a pris également une grande part
à la confection des trois premiers volumes de la collection
des Documents inédits publies par l'Académie de Besan-
çon (1835-1844) ; il a enfin doté d'annotations savantes
la réimpression, faite en 1846, des Mémoires de Louis
Gollut, le premier en date des historiens de la Franche-
Comté. Auguste Castan.
BiBL. : G. GoGUEL, Hommes connus^ m'S ou élevés à
Montbéliard^ 1864, sixième étude.
DUVERNOY (Georges-Louis), anatomiste et zoologiste
français, parent de^G. Cuvier, né à Montbéliard le
6 août 1777, mort à Paris le 1«^ mars 1855. Reçu
docteur en médecine à Paris en 1801, il collabora aux
travaux d'anatomie comparée de Cuvier et publia plu-
sieurs mémoires d'anatomie et de physiologie. Il fit ensuite
un long séjour à Montbéhard et y exerça la médecine;
en 1827, il accepta une chaire d'histoire naturelle à
Strasbourg et y devint doyen de la Faculté des sciences
en 1832. Il fut en 1837 appelé à la chaire d'histoire natu-
relle du Collège de France et il continua son enseignement
jusqu'en 1850, où il passa à la chaire d'anatomie comparée
laissée vacante par la mort de de Blainville. Les travaux
publiés par Duvernoy sont très nombreux ; nous ne citerons
que : Leçons sur l'histoire naturelle des corps orga-
nisés (Paris, 1839, 1842, in-8) ; Notice historique sur
la vie et sur les ouvrages de Cuvier (Strasbourg et
Paris, 1833, in-8), etc. D^. Hn.
DUVERNOY (Charles-François), chanteur et professeur
français, né à Paris le 16 oct. 1796, mort à Paris au
mois de nov. 1872. D'abord attaché, comme instrumen-
tiste, à l'orchestre de divers théâtres, il débuta comme
chanteur à l'Opéra-Comiçiue en 1830, n'y resta que peu de
temps, alla tenir l'emploi des premiers ténors à Toulouse,
au Havre, à La Haye, et fut directeur des théâtres de ces
deux dernières villes. Il rentra à l'Opéra-Comiqueen 1843,
et durant environ vingt années y remplit avec distinction
un emploi assez mal défini, mais fort utile, en même temps
qu'il occupait les fonctions de directeur de la scène. En
d851, il était nommé professeur d'une des classes d'opéra-
comique au Conservatoire, et, en 1856, chef du pensionnat,
aujourd'hui supprimé, des élèves chanteurs de cet^étabHs-
sement. Duvernoy quitta l'Opéra-Comique vers 1865. —Le
second fils de cet artiste, M. Edmond Duvernoy, pianiste
fort distingué et l'un des plus brillants élèves du Conser-
vatoire, s'est ensuite adonné au chant, et pendant plu-
sieurs années a tenu l'emploi de baryton à l'Opéra-Co-
mique, où il a fait, entre autres, une création intéressante
dans Piccolino de M. Ernest Guiraud, en 1876. H est
aujourd'hui professeur d'une classe de chant au Conser-
vatoire.
DUVERNOY (Victor- Alphonse), pianiste et compositeur,
né à Paris le 20 août 1842. Elève de M. Marmontel, il
remporta au Conservatoire de Paris le premier prix de
piano en 1855. En 1869, il fonda une société de musique
de chambre avec MM. Léonard, Stichle, Trombetta et Jac-
quard. En 1881, il obtint le prix de la Ville de Paris avec
la Tempête, symphonie dramatique pour soli, chœurs et
orchestre, exécutée aux concerts du Châtelet. En 1884, il
donnait aux concerts du Château-d'Eau, dirigés par M. La-
moureux, un Sardanapale qui eut un succès honorable.
Depuis, il a été nommé professeur de piano au Conserva-
toire. Il a composé pour le piano de nombreuses pièces,
un concert-stuck et plusieurs œuvres de musique de
chambre.
DUVERT (Féhx-Auguste), vaudevilliste français, né à
Paris le 13 janv. 1795, mort à Paris le 29 oct. 1876.
Engagé volontaire en 181d, il fut licencié en 1816 comme
maréchal des logis chef de dragons. Sa première pièce, reçue
sur la recommandation de Viennet, le Frère de lait
(Gymnase, 8 févr. 1823), fut suivie de près de cent cin-
quante autres, écrites à peu près exclusivement avec la
collaboration de Saintine (Xavier), Dumersan, Luneu,
Varin, Varner et surtout de Lauzanne dont le nom est
devenu inséparable du sien et qui, d'ailleurs, épousa sa
fille. Parmi ses pièces, au succès desquelles l'interprétation
d'Arnal contribua pour une large part, on peut surtout
rappeler les suivantes : Heur et Malheur (1831); les
Cabinets particuliers (1832) ; Prosper et Vincent
(1833); Un Scandale (\^U)', Renaudin deCaen (1836);
la Laitière et les Deux Chasseurs (1837); le Mari de la
dame de chœurs (\S3iy, le Plastron (iS^); la Famille
du fumiste (1840); l'Omelette fantastique (1842);
DUVERT — DUVET
- 152
r Homme blasé (1843); Riche cV amour (1845); Ce que
femme veut (1847); la Clef clans le dos (1848); le
Supplice de Tantale (\S^0); Une Queue rouge (1852);
le Puits mitoyen (1852); Riche de cœur (1856); En
Revenant de Pondichéry (]S^^); Ketty ou le Retour
en Suisse (1860), etc. Une édition du Théâtre choisi de
Ouvert a été publiée avec une notice par M. Francisque
Sarcey (1876-1878, 6 vol. in-18). M. Tx.
DUVET. On donne le nom de duvet à trois produits qui
ont entre eux une grande ressemblance, mais proviennent
de trois origines différentes ; Tun est recueilli sur cer-
tains oiseaux, l'autre sur certains animaux, le troisième
enfin est fourni par la bourre de plantes ou graines spé-
ciales.
Le duvet des oiseaux ne doit pas être confondu avec
les plumes avec lesquelles il offre cependant certains points
de comparaison. Tandis que dans la plume des oiseaux on
trouve toujours une partie rigide, une tige flexible, mais
douée cependant d'une certaine force même dans les plumes
les plus fines et les plus ténues, tige à laquelle sont fixées
des barbes, le duvet n'a aucune partie résistante : le duvet
est en quelque sorte un diminutif de la plume. C'est le
nom donné auxpremièresplumesdes oiseaux, qui recouvrent
leur corps à la sortie de l'œuf et qui chez certains oiseaux,
les oiseaux aquatiques surtout, ne disparaît jamais com-
plètement. 11 couvre généralement, chez ces oiseaux, la
tête, le cou, la gorge et la poitrine; il forme une
masse cotonneuse entre les mille interstices de laquelle
s'emmagasine l'air. On sait que ce gaz, quand il n'est pas
en mouvement, est très mauvais conducteur delà chaleur. ^
De là vient sa propriété d'accumuler la chaleur sur les corps '
qu'il revêt, ce qui en fait le meilleur préservatif contrôle
froid. Aussi emploie-t-on le duvet dans l'industrie pour en
faire des couvre-pieds, manchons, pelisses, et même, parfois,
pour en garnir les vêtements. Le duvet des oiseaux est gé-
néralement récolté sur l'animal vivant : il est alors de
qualité supérieure et plus vigoureux que le duvet prove-
nant d'animaux tués à la chasse ou morts de leur mort
naturelle. Aussi dans certains pays pratique-t-on l'élevage
de certains oiseaux produisant le duvet dont on fait une
récolte annuelle. Cette sorte de déplumage de l'animal
vivant, loin de nuire à la santé de l'oiseau, le rend au con-
traire plus robuste, et activant les fonctions de la peau pro-
cure à l'éleveur un rendement plus considérable de sa
marchandise. On ne dédaigne pas non plus le duvet des
animaux morts, ni le duvet dont certains oiseaux tapissent
leur nid ; mais sa qualité est alors inférieure. Chez les
animaux morts, il faut avoir soin de recueillir le duvet
immédiatement après la mort, sans quoi le sang de l'ani-
mal s'infiltre dans la tige et le corrompt rapidement. Le
duvet est toujours vendu au poids et à un prix qui semble
assez élevé, mais qu'expliquent et justifient cependant les
difficultés de la récolte, de l'emmagasinage, de la prépara-
tion et du transport. D'ailleurs, les prix et qualités va-
rient selon les animaux qui le fournissent. Ce sonjt, avons-
nous dit, en général, des oiseaux aquatiques : l'eider, le
canard sauvage, le canard ordinaire, l'oie, le cygne. On en
récolte aussi sur Tautruche.
Duvet de l'eider. Le duvet d'oiseau le plus recherché
et par conséquent le plus cher est le duvet de l'eider, qui
porte le nom d'édredon. 11 est de beaucoup le plus fin et
le plus moelleux. En Norvège et en Islande, les habitants des
bords de la mer cherchent à attirer ces oiseaux dans d'im-
menses basses-cours où on les apprivoise pour les dépouiller
une fois par an de leur précieuse fourrure. Certains éleveurs
arrivent à récolter ainsi environ 50 kilogr. de duvet par
an. Dans ces contrées, l'eider jouit d'une grande sécurité :
on se garde de le tuer, et des lois spéciales édictent même
des peines contre ceux qui les détruisent. Dans l'Amérique
du Nord, au contraire, on les chasse, et leurs peaux sont
envoyées en Chine pour y être préparées. On a tenté d'ac-
climater l'eider dans l'Europe centrale, mais ces essais
sont restés sans résultat.
Duvet du canard tadorne. Le duvet du canard tadorne
est très doux, presque aussi recherché que celui de l'eider ;
mais il est plus gras, ce qui rend sa préparation plus
difficile.
Duvet du canard commun. Le duvet du canard
commun est de beaucoup inférieur à celui de l'eider et du
canard tadorne, et même à celui du cygne et de l'oie.
Néanmoins, on le recueille avec soin en France sur tous
ces animaux destinés à la consommation. Le duvet des
autres espèces de canards, telles que sarcelles, macreuses,
gairots, etc., est encore inférieur. Certains commerçants
peu consciencieux le mélangent frauduleusement aux autres
duvets.
Duvet de Voie. Le duvet de l'oie que l'on recueille
toujours après avoir tué l'animal pour la consommation,
est employé à toutes les destinations dont le duvet d'oiseau
est susceptible. Certaines villes, Strasbourg, Toulouse,
Vienne, en font un grand commerce.
Duvet du cygne. Le duvet du cygne est très cher;
l'élévation de son prix provient autant de sa rareté
que de sa blancheur incomparable. Il est employé exclusi-
vement comme fourrure et sert à garnir les vêtements de
luxe ou de santé. On en fait des pèlerines, des manchons,
des boas. Pour recueillir le duvet du cygne, au lieu de
plumer l'animal, on l'écorche, de façon que le duvet reste
adhérent à la peau.
Duvet de l'autruche. C'est le duvet le moins précieux
et le moins cher. Il est plus long, plus gros et plus diffi-
cile à dégraisser que les précédents. Il est gris ou blanc ;
on s'en sert pour fabriquer des chapeaux, tels que tricornes
et bicornes ; il est encore employé dans l'industrie de la fila-
ture pour servir de lisière aux draps fins. — Le duvet des
oiseaux, avant d'être employé dans le commerce, subit une
préparation généralement assez simple. Le duvet est d'abord
soumis à la chaleur de Tétuve qui le sèche et le débarrasse
de la vermine qui s'y trouve toujours. Puis, si besoin est,
il est dégraissé à l'aide de procédés chimiques et ensuite
empaqueté en balles enveloppées de grosses toiles, par
masses de 25 et quelquefois 50 kilogr.
Duvet des quadrupèdes. Le seul dont nous ayons à
parler ici est le duvet de Cachemire provenant des chèvres
du Tibet, de Lhassa et des chèvres kirghiz. Le duvet des
premières est beaucoup plus estimé. C'est une bourre
longue et douce qui sert à la fabrication du tissu appelé
cachemire (V. ce mot).
Duvet végétal. Le seul duvet végétal qui soit d'un
usage constant est le coton (V. ce mot).
La moyenne des importations est : duvet d'eider dans
ces dix dernières années : 3,140 kilogr. dont la plus
grande quantité provient de l'Allemagne ; duvet de cygne
où canard : 15,360 kilogr. qui se décomposent comme
suit : Allemagne. 6,500, Russie, 5,324; Suisse, 2,125.
Divers : 1,411. Autres duvets : 76,462, provenant pour
la plus grande partie d'Allemagne. D'autre part, il a été
exporté ': 6,827 kilogr. de duvet d'oie, cygne, canard,
Kvrés à l'Allemagne, Suisse, Italie; 300 kilogr. hvrés à
la Suisse, Espagne et Portugal. Lucien Saint.
DUVET (Jean Drouot, dit), orfèvre et graveur français,
né à Langres en 1485, vivait encore en 1562. Il est sur-
tout connu comme graveur. On lui donne le surnom de
Maître à la licorne, à cause de la présence de cet animal
dans certaines de ses compositions. Cet artiste a interprété,
souvent d'une façon très remarquable, des modèles italiens.
Il semble s'être, de préférence, inspiré de Mantegna, dont
il reproduisit plusieurs sujets. Dans ses paysages, on peut
voir quelques parties traitées à la manière de Léonard de
Vinci. Dans le Mariage d'Adam et d'Eve, Jean Duvet a
mis la figure d'Adam "du Péché originel, d'Albert Durer.
La Lucrèce de Raphaël, gravée par Marc-Antoine, a été
transformée en vierge. La gravure le Poison et le Contre-
Poison est presque la contre-partie d'un dessin de Léonard
de Vinci dont l'original est conservé au Brilish Muséum.
L'allégorie la Majesté royale et le portrait en pied de
— d53 -
DUVET — DUVIQUET
Henri II au milieu d'un entourage peuvent être consi-
dérés comme des compositions de réelle valeur. La prin-
cipale œuvre de Jean Duvet est la Suite de l'Apocalypse
(1546-1555) pour la publication de laquelle il obtint en
1556 un privilège royal. Cet habile graveur, à côté de
grandes qualités de dessin, pèche souvent par la maigreur
excessive de ses sujets et par l'exécution trop minutieuse
des détails. Ses compositions ont parfois un caractère confus
et tourmenté. Il n'a été conservé aucune des pièces d'or-
fèvrerie que Jean Duvet fut chargé d'exécuter. Nous savons
qu'il fit, en 1524, un reliquaire pour la cathédrale de
Langres. Il travailla aux présents d'orfèvrerie que la
ville offrit au roi François P^ lorsqu'il vint à Langres en
1521 et 1534. Il dirigea aussi l'organisation des fêtes qui
furent données au souverain. De 1534 à 1544, il semble
avoir séjourné en Italie. Jean Duvet fut peut-être le maître
du graveur langrois Jacques Prévôt. F. Mazerolle.
BiBL. : E. JuLLiEN DU BouLLAY, Etude sur la vie e^
V œuvre de Jean Duvet^ dit le Maître à la licoime; Paris
1876.
DUVEYRIER (Honoré-Marie-Nicolas, baron), homme
politique et magistrat français, né à Pignans (Var) le 6 déc.
1753, mort à Mafïïiers (Seine-et-Oise) le 25 mai 1839.
Avocat, député suppléant de Paris aux États généraux, élec-
teur de Paris en 1789 et en 1790, commissaire du roi à
Nancy avec Cahier de Gerville en 1790, membre du club des
Jacobins, il occupa les fonctions de secrétaire général du
ministère de la justice sous Duport-Dutertre. Un instant
incarcéré sur la dénonciation de Robespierre, en août 1792,
il fut un des commissaires envoyés par le conseil exécutif
en 1793 dans les villes hanséatiques, le Danemark et la
Suède, pour des achats de grains. Après le 18 brumaire, il
entra au Tribunal. Sous l'Empire, il fut premier président
de la cour de Montpellier et créé baron de l'Empire le 6 oct.
1810. Destitué sous la Restauration, il rentra dans la vie
privée. Il rédigea avec Bailly le Procès-verbal de l'as-
semblée générale des électeurs de Paris en il 89 (Paris,
1790, 3 vol. in-8). F.-A. A.
DUVEYRIER (Anne-Honoré- Joseph), auteur dramatique
français, né à Paris le 13 nov. 1787, mort à Paris en nov.
1865. Fils du précédent, il fut reçu avocat en 1809 près la
cour de Montpellier et remplit ensuite les fonctions de substi-
tut et de procureur général, mais il donna sa démission en
1 814 pour se consacrer exclusivement au théâtre. Le nombre
total des pièces qu'il a fait représenter, sous le pseudonyme
de Mélesville, soit seul, soit en collaboration avec Scribe,
Càrmouche, Bayard, Merle, etc., dépasse trois cents et l'on
ne peut ici que rappeler les titres de quelques-unes d'entre
elles: V Oncle rival (1811) ; Mémoires d'un colonel de
hussards (1822) ; la Chatte métamorphosée en femme
(1827); Zampa (1831); le Chalet (1834); Michel
Perrin (1834) ; la Fille de Figaro (1843) ; le Fruit
défendu (1848) ; les Rêves de Matheus (1852) ; Mon-
sieur Beauminet (1854) ; les Dames capitaines
(1857), etc. M. Tx.
DUVEYRIER (Charles), auteur dramatique français, né
à Paris le 12 avr. 1803, mort en nov. 1866, frère du pré-
cédent. Il aida son père dans la rédaction de son Histoire
des électeurs de Paris, s'afTdia au saint-simonisme et
devint un des plus zélés propagateurs de la nouvelle doc-
trine. C'est ainsi qu'il parcourut la Belgique où il fonda
V Organisateur belge, et l'Angleterre pour y faire de la
propagande, et qu'il collabora activement à V Organisateur
et au Globe. Un article sur la Femme, qu'il y inséra en
1832, le fit condamner à un an de prison. Il acquit une
certaine notoriété comme auteur dramatique. Citons de lui :
le Monomane (Paris, 1835, in-8), drame en cinq actes ;
r Ingénieur ou la Mine de charbon (1836, in-8), mélo-
drame en trois actes ; Faute de s'entendre (1838, in-8),
comédie en un acte; le Comité de bienfaisance (1839, in-8),
comédie en collaboration avec Jules de Wailly ; Lady Sey-
mour (1845, in-8), drame en cinq actes, etc. Il a aussi
collaboré à plusieurs des pièces de son frère et donné avec
Scribe les livrets de Polichinelle (1839), des Vêpres
siciliennes (1855) et la comédie Oscar ou le Mari qui
trompe sa femme (1842). Après la dispersion des saint-
sinioniens, Duveyrier devint directeur de la Société géné-
rale d'annonces et il fonda, en 1848, uu journal finan-
cier, le Crédit. Il avait encore collaboré à V Artiste, au
livre des Cent et un, au Monde et écrit quelques ouvrages
politiques : V Autriche dans les principautés danu-
biennes (Paris, 1858, in-8) ; l'Avenir et les Bonaparte
(1864, in-8) ; la Civilisation, les conditions de son
eMfantement et de ses progrès (1865, in-8) ; la Civili-
sation et la démocratie française (1865, in-8); l'Fm-
pereur François-Joseph P'^ et l'Europe (1860, in-8)^;
Nécessité d'un congrès pour pacifier l'Europe (1855,
in-8) ; la Pairie dans ses rapports avec la situation
politique (iS^!^, in-8), etc.
DUVEYRIER (Henri), orientaliste, voyageur et géo-
graphe français, né à Paris le 28 févr. 1840. Il reçut sa
première éducation dans des institutions particulières à
Vaugirard et à Auteuil et partit ensuite à Leipzig, où il
étudia l'arabe chez Fleischer. Il avait déjà la résolution bien
arrêtée d'entreprendre des voyages scientifiques en Afrique,
Il revint à Paris où il continua l'étude de l'arabe. Il fit un
premier voyage à Laghouat en 1857, et, le 8 mai 1859
il partit pour son grand voyage d'exploration dans le
Sahara, qui se prolongea jusqu'en oct. 1861. A son retour
à Alger, il tomba gravement malade, ce qui retarda la
publication de ses récits de voyage. On édita cependant
de bonne heure ses remarquables cartes du Sahara. Les
travaux de Duveyrier sont contenus en majeure partie dans
des revues spéciales : le Bulletin de la Société de géogra-
phie, les Annales des voyages, la Revue algérienne et
coloniale. Son principal ouvrage est intitulé l'Exploration
du Sahara (1®'' vol. : les Touaregs du Nord; Paris,
1864), avec carte. Outre ses ouvrages et ses nombreux
articles, il publie le Bulletin amiuet de la Société de
géographie, et a rédigé quelque temps l'Armée géogra-
phique, en collaboration avec M. Maunoir. Il collabore au
Dictionnaire de géographie universelle de Vivien de
Saint-Martin.
DU VI EU 6 ET, poète français du xvii^ siècle. On cite de
lui: Diversités poétiques (Paris, 1632, in-8).
DUVILLARD DE Durand (Emmanuel-Etienne), statisti-
cien et économiste français, né à Genève le 2 avr. 1755,
mort à Paris le 11 avr. 1832. D'une famille de protestants
français réfugiés en Suisse lors de la révocation de l'édit
de Nantes, il vint à Paris en 1773 et fut attaché à la
trésorerie générale sous le ministère Turgot. Ses travaux
et ses publications économiques lui valurent en 1796 le
titre de membre associé de l'Académie des sciences morales
et politiques; après la réorganisation de l'Institut, il fut
correspondant de la classe d'histoire et littérature, puis de
l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Membre du
Corps législatif de 1799 à 1802, il eut, à partir de 1805 et
jusqu'en 1815, la direction de la statistique de la popula-
tion au ministère de l'intérieur. Il vécut ensuite dans la
retraite à Montmorency. Outre de nombreux ouvrages de-
meurés manuscrits sur la statistique, l'astronomie, les
finances, etc., il a écrit : Recherches sur les rentes^ les
emprunts et les remboursements (Paris, 1787, in-4) ;
Plan d'une association de prévoyance (Paris, 1790,
in-4); Formule nouvelle pour trouver la hauteur des
lieux par celles du baromètre et du thermomètre (Paris,
1825, in-8); Analyse ou Tableau de l'influence de la
petite vérole sur la mortalité à chaque âge, etc. (Paris,
1806, in-4). C'est dans ce dernier Hvre que se trouve la
table connue sous le nom de Table de mortalité de Duvil-
lard (V. Mortalité). Elle a été longtemps employée en
France, concurremment avec celle de Deparcieux, par les
compagnies d'assurances sur la vie ; mais elle accuse une
mortalité trop rapide dans la jeunesse et trop lente dans la
vieillesse. L. S.
DUVIQUET (Pierre), homme politique et littérateur
DUVIQUET - DUVY
— 454
français, né à Clamecy (Nièvre) le 30 oct. 4765, mort à
Paris le 30 août 4835. Avocat en 4790 et membre du
directoire du dép. de la Nièvre, il fut arrêté comme suspect,
relaxé par la protection de Fouché, puis nommé secrétaire
de la commission de surveillance de Lyon et accusateur
public à Grenoble, député au conseil des Cinq-Cents par
le dép. de la Nièvre (4798), il devint, après le 48 bru-
maire, commissaire du gouvernement près le tribunal de
Clamecy et avocat au tribunal de cassation. Démissionnaire
pour des raisons d'ordre privé, il était professeur au lycée
Napoléon lorsqu'il succéda, en 4814, à Geoffroy comme
critique dramatique du Journal des Débats. Partisan de
la littérature classique, il apporta dans ses jugements plus
de modération et d'équité que son prédécesseur et vécut
assez pour se voir supplanter par Jules Janin. Les articles
de Duviquet n'ont pas été réimprimés ; il n'a publié, en
dehors de sa collaboration aux Débats, que deux pièces de
vers sur V Education publique et sur la Paix (4784),
une édition latine à'Horace (4825, 4 vol. in-42), une
édition des OEuvres de Marivaux (4827-4830, 40 vol.
in-8), une traduction du Coup d'œil sur les causes et les
conséquences de la guerre avec la France d'Erskine
(4797) et une notice biographique sur Boulard (V. ce
nom) en tête du catalogue de cet amateur. M. Tx.
DU VIVIER. Village d'Algérie, dép. de Constantine,
arr. de Bône; 778 hab. dont 209 Français et 83 Euro-
péens, ch.-lieu d'une commune de plein exercice qui com-
prend Medjez-Sfa et Aïn-Tahamimine et compte en tout
4,439 hab. Stat. du ch. de fer de Bône à Constantine. Ce
village porte le nom d'un général qui commanda longtemps
la division de Bône. Il a été créé en 4857 au lieu dit Bou-
Chagouf, au milieu d'une région riche en oliviers, et a rapi-
dement prospéré ; commerce de grains , de bestiaux et de
laine. E. Cat.
DU VIVIER (Les), graveurs-médailleurs français. Jean,
né à Liège le 7 févr. 4687, naturalisé Français, devint
membre de l'Académie de peinture et de sculpture en 4748,
et mourut le 30 avr. 4764. — Son fils, Pierre-Simon-
Benjamin, né à Paris le 5 nov. 4730, fut de 4774 à 4794
graveur général des monnaies, membre de l'Académie de
peinture et de sculpture en 4776, membre de l'Institut en
4806. Il mourut le 44 juil. 4849.
BiBL. : Bellier de La Chavignerie et Auvray, Dict.
des artistes de Vécote jrançaise.
DU VIVIER (Jean-Bernard), peintre-graveur français
d'origine flamande, né à Bruges en 4762, mort à Paris le
24 nov. 4837. Elève de l'Académie de Bruges et de son
directeur P. de Cockq, il vint ensuite à Paris, et entra
dans l'atelier de Suvée en 4783. Il se consacra à la pein-
ture d'histoire et au portrait. En 4790, il partit pour l'Italie
et y séjourna six années; il se fixa ensuite à Paris. La
plupart des tableaux qu'il a peints sont restés en France ;
on y remarque une bonne composition, un dessin large et
ferme, un coloris brillant. Les principaux sont : les Funé-
railles d'Hector, la Charité, le Vœu de sainte Clotilde,
Saint Jean-Baptiste enfant. Plusieurs de ses compositions
ont été gravées par lui-même. Ad. T.
DUVIVIER, médecin, né à Beauvais en 4773. Chirur-
gien militaire, il fut chargé d'importantes missions pendant
les guerres du premier Empire, entre autres de l'installa-
tion d'une école spéciale de santé, créée en 4843. Il fut
jusqu'en 4830 chirurgien en chef et professeur au Val-de-
Grâce. Il a publié : Dissertation sur la fièvre miliaire
(4842, in-8) ; De la Médecine, considérée comme science
et comme art (4828, in-8) ; Traité des maladies épi-
démiques causées par les aliments sophistiqués; Elé-
ments de médecine pratique (4842, in-8), etc.
DUVIVIER (Franciade-Fleurus), général français, né à
Rouen le 47 avr. 4794, mort à Paris le 8 juil. 4848.
Elève de Polytechnique, lieutenant d'artillerie en 4844,
capitaine du génie en 4847, il devint, en 4825, instruc-
teur militaire du bey de Tunis, prit part à l'expédition
d'Algérie de 4828 et se signala à Médéa et à Boufarik.
Nommé commandant supérieur de Bougie en 4833, il dé-
missionna à la suite d'un conflit violent avec l'autorité
civile (4835). Il participa à l'expédition de Constantine
(4836), fut nommé commandant supérieur du camp de
Guelma et promu maréchal de camp en 4839. Général de
division en 4848, il fut élu le 23 avril représentant de la
Seine à la Constituante, fut chargé de l'organisation des
gardes mobiles et fut blessé mortellement en réprimant
l'insurrection de juin. On a de lui : Essai sur la défense
des Etats par les fortifications (Paris, 4826, in-8) ;
Observations sur la guerre de la succession d'Espagne
(4830, 2 vol. in-8) ; Recherches et note sur la portion
de l'Algérie au sud de Guelma (4844, in-4) ; Solution
de la question de l'Algérie (48 H, in-8) ; Algérie ou
Observations sur le dernier mémoire du général Bur-
geaud (4842, in-8) ; Abolition de l'esclavage, civilisa-
tion du centre de l'Afrique, projet pour y parvenir
(484^, in-8); les Inscriptions phéniciennes, puniques,,
nnmidiques expliquées par une méthode incontestable
(4846, in-8) ; Lettre sur l'application de l'armée aux
travaux publics (4845, in-8), etc.
DUVIVIER (Marthe-Louise-Ernestine), cantatrice dra-
matique française, née à Paris le 27 avril 4850. Premier
prix de chant au Conservatoire (4874), elle commença en
province sa carrière théâtrale, puis fut engagée au théâtre
de la Monnaie, de Bruxelles, où elle obtint de brillants
succès. C'est là qu'elle créa, de la façon la plus heureuse,
le rôle principal à'Hérodiade de M. Massenet. Appelée
à l'Opéra de Paris (juin 4884), elle joua le rôle de Valen-
tine des Huguenots et Sélika de l'Africaine. Cepen-
dant elle ne resta pas plus d'une année à ce théâtre, et
depuis lors elle a continué sa carrière sur les grandes
scènes de la province et de l'étranger.
DU VOISIN (Jean-Baptiste), évêque de Nantes, con-
seiller d'Etat et baron sous l'Empire, né à Langres le
46 oct. 4744, mort à Nantes le 9 juil. 4843. Il fut suc-
cessivement professeur à la Sorbonne, promoteur à l'offi-
cialité de Paris, censeur royal, chanoine d'Auxerre. Il était
grand vicaire du diocèse de Laon lorsqu'il fut déporté comme
réfractaire à la constitution civile du clergé (sept. 4792). Il
se réfugia d'abord en Angleterre, puis en Belgique, enfin à
Brunswick, où il trouva la protection du duc Guillaume. Il y
professa les sciences et les belles-lettres jusqu'en 4804.
Peu de temps après le rétablissement des cultes, il fut
nommé évêque de Nantes. Il fut un des quatre évêques com-
mis par Napoléon pour résider auprès de Pie VU pendant
sa captivité à Savone et à Fontainebleau. S'il faut en croire
une déclaration testamentaire faite par lui, dans les der-
niers instants de sa vie, il aurait plusieurs fois représenté
à l'empereur les inconvénients de la captivité prolongée du
pape. Dans le Mémorial de Sainte-Hélène, Napoléon dit
de lui : « C'était mon oracle, mon flambeau ; il avait ma
confiance aveugle sur les matières refigieuses. » — OEuvres
principales : Dissertation critique sur la vision de Con-
stantin (Paris, 4774, in-42) ; Essai sur la religion na-
turelle (Paris, 4780, in-42) ; De Vera Religione ad
usum theologiœ candidatorum (Paris, 4785, 2 vol.
in-42); Défense de l'ordre social contre les principes
de la Révolution française (Londres, 4798 ; Paris, 4829,
in-8) ; Démonstration évangélique (Brunswick, 4800 ;
Paris, 4802, 4805, 4824, 4826, in-8). A la quatrième
édition est ajouté un Essai sur la tolérance, dans lequel
Du Voisin blâme théoriquement l'emploi de la contrainte
en matière de religion, mais professe qu'une tolérance uni-
verselle et illimitée mènerait à l'extinction de toute religion.
Traduction des Voyages de Mongo Park (Hambourg et
Brunswick, 4799, 2 vol. in-8). E.-H. V.
DUVY. Corn, du dép. de l'Oise, arr. de Senlis, cant.
de Crépy-en-Valois ; 447 hab. Stat. du chem. de fer du
Nord. Eglise des xii^ et xni® siècles. Bestes d'un hôtel
seigneurial du xv^ siècle. Hameaux : Bazoches, siège
d'une importante seigneurie, et Bou ville qui posséda une
maison royale jusqu'au xii^ siècle.
155 —
DUX — DWERNICKI
DUX. Ville de T Autriche-Hongrie, située en Bohême dans
le cercle de Teplitz; 7,400 hab. Elle possède une école,
des mines, de nombreuses fabriques et un château appar-
tenant à la famille Waldstein, qui renferme une belle biblio-
thèque et d'intéressantes collections. Casanova y passa les
dernières années de sa vie. On exploite aux environs d'im-
portantes mines de charbon. Les chemins de fer mettent
Dux en communication avec Teplitz, Bodenbach, Pilsen et
Prague.
DUX (Adolphe), littérateur hongrois, né à Presbourg le
25 oct. 4822, mort à Budapest le 20 nov. 4881. Il a tra-
duit en allemand les œuvres de Petœfi, Katona, Eœtvoes, etc.
Il a aussi pubUé des œuvres originales sur la Hongrie :
Deutsch-Ungarisches (Vienne, 4871), recueil de nouvelles,
et Aus [/n^am(Leipzig,4884), études littéraires et histo-
riques. On lui doit aussi de nombreux travaux en hongrois.
D U XB U R Y. Village des Etats-Unis, Etat de Massachusetts,
comté de Plymouth ; point d'attache du câble transatlan-
tique posé en 4869 entre Brest et l'Amérique.
DUYCKINCK (Everte-Augustus), homme de lettres
américain, né à New- York en 4846, mort à New-York
le 43 août 4878. Associé de son frère George-Long
Duyckinck dans la pubhcation (en 4855) delà Cyclopœ-
dia of American Literahire,
DUYSE (Prudent Van), poète flamand, né à Termonde
le 47 sept. 4804, mort à Gand le 43 nov. 4859. H
aborda successivement les genres lyrique, épique et dra-
matique, consacra tous ses soins à la réhabilitation de la
littérature nationale et fut un des créateurs de l'institu-
tion périodique des congrès flamands. Il y déploya une
activité remarquable servie par une vaste mémoire et une
rare facilité d'élocution. Devenu archiviste de la ville de
Gand, il se tourna vers les études historiques, commença
Vlnventaire analytique du dépôt dont il avait la direc-
tion, et fit paraître dans le Messager des sciences histo-
riques plusieurs dissertations intéressantes sur la Pacifi-
cation de Gand, La liste complète des œuvres de Van
Duyse a été publiée à Gand par F. de Potter en 4864 ;
elle ne comprend pas moins de 68 p. in-8. Les plus remar-
quables sont : Poésies nationales (Gand, 4840, 3 vol.
in-8) ; Poèmes enfantins (ibid., 4849); Jacques Van
Artevelde, poème épique en huit chants {ibid., 4859,
in-8) ; Charles-Quint ou le Revers de la médaille (ibid.,
4845) ; De Vhifluence de Cats sur la littérature fla-
mande (Bruxelles, 4859, in-8) ; les Chambres de rhé-
torique et leur influence sur le mouvement littéraire
(ibid., 4859, in-8). Tous ces ouvrages sont écrits en
flamand.
DUZERVILLE. Village d'Algérie, dép. de Constantine,
arr. de Bône; ch.-heu d'une commune de plein exercice,
qui comprend l'annexe d'El-Hadjar; 3,074 hab. dont 457
Français et Ai'^ Européens étrangers. Il a été ainsi appelé
en souvenir d'un général qui commanda longtemps à Bône,
Monk d'Uzer. Il est au milieu d'une région riche en vignes,
céréales, tabac, et sur la voie ferrée de Bône à Constantine.
DUZEY. Com. du dép. de la Meuse, arr. deMontmédy,
cant. de Spincourt; 78 hab.
DVARKA. Ville de l'Inde occidentale, à l'extrémité de
la presqu'île de Kattiavar (Goudjerat). C'est un lieu de
pèlerinage très fréquenté des brahmanes qui prétendent
que le dieu Krichna est mort en cet endroit. Le temple
principal dédié à ce dieu est surmonté d'une flèche de
50 m. de haut. La ville est habitée exclusivement par des
prêtres desservant les nombreux temples ou vivant dans
les couvents. Plusieurs milliers de pèlerins s'y succèdent
dans le cours de l'année. M. d'E.
DVIGOUBSKY (Ivan-Alexievitch), savant russe, né en
4774, mort en 4839. En 4802, il prit le titre de docteur
en médecine à Moscou ; après avoir visité une partie de
l'Europe et de la Russie, il revint à Moscou et fut profes-
seur de sciences naturelles à l'Université. Outre un certain
nombre de traductions ou de compilations, il a publié
quelques ouvrages originaux : Primitiœ florœ mosquen-
sis (Moscou, 1802), des traités de botanique, de physique
qui ont été longtemps classiques, une description des
quadrupèdes de l'empire de Russie (Moscou, 4846);
des Eléments d'histoire naturelle (Moscou, 4823); une
Flore moscovite (Moscou, 4828), m Dictionnaire d'éco-
nomie domestique et rurale (Moscou, 4836-39), etc.
DVINA ou DUNA septentrionale. Fleuve de la Russie
d'Europe, formé de la réunion de la Soukhona et du
loug (dans le gouvernement de Vologda). Il coule d'abord
vers le N.-E. Après avoir reçu la Vytchegda, il se dirige
vers le N.-E. et va se jeter dans la mer Blanche. La lon-
gueur de la Dvina proprement dite est d'environ 700 kil.
Avec la Soukhona, elle est de 4,200 kil. Sa largeur dépasse
parfois 5 kil. ; sa profondeur varie de 6 à 45 m. Elle arrose
les gouvernements de Vologda et d'Arkhangelsk. Elle est
navigable sur tout son parcours ; elle est libre de glaces
pendant cent quatre-vingt-neuf jours. Elle forme, à 40 kil.
de son embouchure, un delta qui se divise en un grand
nombre d'îles. Pendant l'été, la navigation est souvent
gênée par des bancs de sable. Elle est très poissonneuse.
On y remarque une espèce particulière, le Gaduscolliœria.
Ses principaux affluents sont : sur la rive droite, la Vy-
chegda et la Pinega (tous également navigables); à gauche,
la Vaga. Le canal du Duc-Alexandre met la Dvma en com-
munication avec la Volga.
DVONA (V. Dhouna).
DVORSKY (François), écrivain tchèque contemporam,
né en 4839. Il est attaché aux archives du royaume de
Bohême. Il a publié (en tchèque) '.Documents historiques
sur Waldstein (Prague, 4867); Documents relatifs aux
femmes en Rohême (4872); Diètes de Bohême depuis
i526 (4877 et suiv.), des nouvelles historiques, etc.
DVORZAK (Antonin), compositeur tchèque contempo-
rain, né prèsdeKralup le 8 sept. 1844. H fit ses études mu-
sicales à Prague où il devint organiste. H fit jouer en 4874
son premier opéra, le Roi et le charbonnier; il a donné
depuis au théâtre : Wanda(i^lQ); le Paysan malin
(4877); Dmitri (4880), etc., et publié en outre un grand
nombre de morceaux pour orchestre, de musique religieuse,
de symphonies, tantôt originales, tantôt sur des thèmes
slaves ou tchèques. Son œuvre total comprend une cen-
taine de numéros; ses Danses slaves et ses Rhapsodies
slaves sont particulièrement populaires. Il a été appelé à
diverses reprises à donner des concerts à Londres et a été
nommé docteur en musique de l'Université de Cambridge.
DWARRIS (Sir Fortunatus-William-Lilley) , juriscon-
sulte anglais, né à la Jamaïque le 23 oct. 4786, mort à
Londres le 20 mai 4860. Il fit ses études à Oxford, fut
inscrit au barreau de Londres en 4844, fut nommé en
4822 membre de la commission d'enquête sur la légis-
lation des colonies des Indes orientales, devint maître du
banc de la reine, et exerça beaucoup d'autres fonctions
officielles. Il a publié: Substance of three reports of
the commissioner of inquiry into the administration
of civil and criminal justice in the Westindies (Londres,
4827) ; The West India question plainlystated(iS^S)]
A General Treatise of statutes (4830-4834, 2 vol.), plu-
sieurs fois réédité en Angleterre et en Amérique ; Alberic
consul ofRoma{;i^?>^), drame historique en cinq actes;
Railivay results or the Gange deliverance (4845) ;
Some New Facts and a suggested new theory as to the
authorship ofjunius (4850), dans lequel il soutient que
les fameuses Lettres deJunius ont été écrites par diff*érents
auteurs, dont le principal serait sir Philip Francis, etc. U
a de plus collaboré à plusieurs revues de jurisprudence et
d'archéologie. ï^* S.
DWERNICKI (Joseph), général polonais, né àVarsoviele
44 mars 4779, mort à Lopatyn (Galicie) en déc. 4857. H
servit d'abord dans la légion polonaise organisée au ser-
vice de la France, puis en 4809 sous les ordres de Poma-
towski et prit part à la campagne de Russie. Lors du siège
de Paris (4844), il était colonel. H rentra en 4845 en
Pologne et devint général de brigade. Lors de la révolution
DWERNICKI — DYBVAD
— 156 -
polonaise de 4830, il se signala particulièrement au com-
bat de Stoczek (14 févr. 1831) et fut nommé général de
division ; en mai 1831 , il dut se replier en Galicie. Interné
en Autriche, il vint demeurer à Paris et à Londres. En
1848, il se retira définitivement en Galicie; les insurgés
lombards lui offrirent le commandement de leurs troupes,
mais il le refusa. Il a publié de son vivant quelques écrits
militaires. Ses Mémoires ont été édités en 1870 à Lwow,
par les soins de M. Plagowski.
BiBL. : Notice biographique sur la vie et les travaux mili-
taires de M. le général Dwernicki; Paris, 1844.
DWIGHT (Teniothy), théologien et savant américain, né
à Northampton (Massachusetts) en 1752, mort en 1817.
Dwight, qui remplit, à différentes époques de sa vie, les
fonctions de répétiteur (tiitor) à Yale Collège (1771-1777),
d'aumônier militaire à West-Point et de représentant de la
ville de Northampton à la législature de Massachusetts
(1781-1786), se signala partout par son souci des inté-
rêts spirituels de ses semblables. A l'armée notamment, il
s'efforça de propager les idées de dévouement et de sacrifice
par des exhortations patriotiques et la composition de
chants guerriers rempHs d'enthousiasme. Rentré dans la
vie civile, il fut pasteur congrégationaliste à Greenfield
Hill. Au milieu des soins de sa charge et des soucis de ses
fonctions législatives, il trouva le temps de cultiver les
lettres et publia, en 1785, un poème religieux, The Con-
quest of Canaan. Dix ans plus tard, ses succès oratoires
et sa réputation de théologien et de littérateur lui valurent
l'honneur d'être nommé président de Yale Collège. Il
y enseigna la théologie et les belles-lettres. Doué d'un
remarquable talent de prédicateur, il exposait en outre le
résultat de ses méditations religieuses dans des sermons
aux étudiants. Ces discours furent remaniés plus tard et
formèrent le noyau de son principal ouvrage qui ne parut
qu'après sa mort : Theology explained and defended
(1818, 5 vol.). On doit, en outre, à Dwight, des récits de
voyage, Travelsin New England and Neiv-York (1822,
4 vol.) et un sermonnaire. Sermons on miscellaneous sub-
jects (1828, 2 vol.). Ces ouvrages sont posthumes. G. Q.
DYAERE (Jehan), peintre ornemaniste français du xv®
au xvi^ siècle. Cet artiste a travaillé à Rouen et au château
de Gaillon.
DYBBŒL (en allemand Dûppel). Paroisse du Slesvig qui
confine à l'O. l'entrée méridionale du détroit d'Als. Ses
hauteurs (72 m.) dominent les pontons de Sœnderborg qui
est située de l'autre côté du détroit. Pendant les deux
dernières guerres avec l'Allemagne, les Danois, qui avaient
la supériorité sur mer, avaient fait de l'ile d'Als une
de leurs bases d'opération ; de là la nécessité de pos-
séder la tête de pont appuyée sur la péninsule deSundeved
dans la partie continentale du Slesvig ; pour communiquer
avec celle-ci il était nécessaire d'avoir un passage hbre à
travers le détroit d'Als et de le protéger au moyen d'ou-
vrages élevés sur les hauteurs de Dybbœl. Le 28 mai 1848,
faisant un retour offensif dans le Sundeved, ils délogèrent
de Dybbœl les Hanovriens et les Hessois et repoussèrent
ensuite deux fois les attaques des Allemands (5 juin 1848,
9,000 Danois contre 17,000 assaillants, et 13 avr. 1849).
En 1861, on fortifia la position et, malgré le peu d'impor-
tance des travaux, l'armée danoise qui s'y était retranchée
après l'évacuation du Danevirke (5-6 févr. 1864) put y
soutenir un siège en règle, du 22 févr. au 18 avr., et elle
ne se replia sur l'ile d'Als, au bout de cinquante-six jours
d'investiture et de vingt-deux jours de tranchée ouverte,
qu'après que son artillerie eut été réduite au silence et
les parapets rasés ; encore conserva-t-elle la tête des pon-
tons qu'elle détruisit peu après. Les fortifications élevées
par les Prussiens, après la conquête, autour de Dybbœl et
de Sœnderborg, sont maintenant abandonnées. Beau vois.
DYBECK (Richard), archéologue et démomathe suédois,
né à Odensvi (Vestmanland) le 1^^ sept. 1811, mort à
Sœdertelje le 28 juil. 1877. Il quitta la carrière judiciaire
pour se livrer à ses études de prédilection et passa une
cinquantaine d'années à faire des voyages et des recherches
archéologiques, dessinant les monuments et les antiquités,
observant les mœurs, recueillant les contes, les traditions,
les proverbes, annotant les chants et les airs populaires,
qu'il jouait ensuite avec succès dans la capitale. Il a publié:
Jiima (1842-1850 et 1865-1876); Ranz suédois et airs
de trompes pastorales (1846) ; Chansons suédoises
(1847-1848) ; Monuments suédois (1851) ; Antiquités
suédoises (1853-1855) ; Mélodies populaires suédoises
(1853-1856) ; Monuments runiques suédois (1855-
1859 et 1860-1876) ; les Iles du Malar (1861). B-s.
DYBOWSKI (Benedikt), naturaliste polonais contempo-
rain, né dans le gouvernement de Minsk en 1834. Il fit
ses éludes à Dorpat, à Breslau et à Berlin où il prit le titre
de docteur. Après avoir professé quelque temps à Varsovie,
il partit pour la Sibérie et étudia particulièrement la faune
des monts lablonovoï et du lac Baïkal. Il découvrit de nom-
breuses espèces et réussit notamment à se procurer un
exemplaire vivant du Camephorus Baïkalensis. Il résida
en Sibérie jusqu'en 1884, époque oti il devint professeur
à l'université polonaise de Lwow (Lemberg). Il a publié de
nombreux travaux en russe, en allemand et en polonais.
DYBOWSKI (Jean), agronome et explorateur français,
issu d'une ancienne famille polonaise réfugiée en France,
né vers 1855. Ancien élève de l'Ecole nationale d'agricul-
ture de Grignon, il y fut nommé répétiteur du cours de
botanique, et il y devint plus tard maître de conférences
d'horticulture. Il a été pendant plusieurs années secrétaire
de la Société nationale d'horticulture. Il s'est adonné sur-
tout à l'étude de la production des légumes, et on lui doit,
outre de nombreuses études dans les pubhcations pério-
diques, un excellent Iraité de culture potagère (1886).
Il a été l'un des collaborateurs du Dictionnaire d'agri-
culture. Il fut chargé, à la fin de 1889, par les ministres
de l'agriculture et de l'instruction publique, d'une explo-
ration scientifique dans le Sahara du Sud algérien, au delà
d'El-Goléah, et a rapporté de cette mission de nombreux
documents sur la botanique et la zoologie de cette région
dont l'histoire naturelle était encore ignorée. En 1891, il
a été chargé, par le Comité de l'Afrique française, d'une
mission d'exploration pour rejoindre Crampel dans les
régions qui séparent le Congo français du lac Tchad ; son
expédition remplace actuellement (1892) celle du premier
explorateur dont la mort paraît certaine. La Grande
Encyclopédie com^ieM. Dybowskiau nombre de ses colla-
borateurs.
DYBVAD (Jœrgen-Christoffersen) , théologien^ danois,
mort le 30 oct. 1612. Après avoir étudié à Wittenberg
(1568) et à Leipzig (1575) d'où il retourna en Danemark
avec une recommandation de l'électeur de Saxe, il fut
nommé professeur en mathématiques à l'Université de Co-
penhague (1578), puis en théologie (1590). Frondeur
inconsidéré, il ne se borna pas à critiquer ses élèves et ses
collègues, il osa aussi censurer dans ses thèses plusieurs
mesures du gouvernement, comme l'unification des mesures
de capacité (1605) ; aussi fut-il traduit devant le consis-
toire de l'Université et destitué (1607). Il avait publié dix
savantes thèses de mathématiques et d'histoire naturelle,
et vingt-quatre de théologie et de morale. — Son fils, Chris-
toffer.nè à Copenhague en 1577 ou 1578, mort en 1622,
avait hérité de son intempérance de langage aussi bien que
de ses goûts studieux ; aussi malgré la réputation de savant
qu'il rapporta de son séjour aux universités étrangères,
notamment à Caen où il ifut reçu docteur (1601), à Leyde
où il publia Decarithmia (1602) ou système décimal avec
terminologie danoise, ne put-il obtenir de fonctions dans
sa patrie qu'en 1618 où il fut nommé mathématicien
(c.-à-d. astrologue) royal avec canonicatà Lund. Dès 1615
il avait adressé au roi des observations politiques en faveur
de l'absolutisme et de l'hérédité du trône. Il continua de
déclamer contre l'aristocratie, prétendant qu'il fallait la
saigner pour rendre au monarque les sept prérogatives
royales. Etant ainsi en avance d'un demi-siècle sur la
157 —
DYBVAD — DYCK
majorité de ses compatriotes, il fut arrêté, déféré à une
commission de professeurs et condamné, pour impiété,
crime de lèse-majesté et de lèse-constitution, à la perte de
ses titres et à la détention perpétuelle (1620). On ne sait si
c'est par imprudence ou à dessein qu il s'asphyxia dans sa
prison avec du charbon de terre. H. F. Rœrdam a donné
dans Danske Magazin (4^ sér., t. II et V) une notice sur
ces deux infortunés censeurs. Beauvois.
DYCE (Alexander), érudit anglais, né à Edimbourg le
30 juin 1798, mort à Londres le 15 mai 1869. Il fit de fortes
études à Edimbourg et à Oxford, entra dans les ordres, et,
après avoir desservi deux cures (1822-1827), se consacra
uniquement à des travaux littéraires. Il a conquis une très
solide réputation en publiant d'excellentes éditions cri-
tiques des principaux écrivains anglais : CoUins, Pope,
Bentley, Middleton, Beaumont et Fletcher, Marlowe, etc.
Son chef-d'œuvre en ce genre est l'édition qu'il a donnée
des œuvres de Shakespeare (Londres, 1853-58, 9 vol. in-8)
avec un savant glossaire : elle est considérée en Angleterre
comme la meilleure de toutes (3^ édit., 1875-76). R. S.
DYCE (William), peintre d'histoire anglais, né à Aber-
deen (Ecosse) le 19 sept. 1806, mortà Streatham le 15 févr.
1864. Petit-fils par sa mère de James Chalmers, il fit ses
premières études au Mareschal Collège d'Aberdeen et fut
poussé d'abord par son père vers la théologie et les sciences
mathématiques. Le président de la Royal Academy d'Edim-
bourg, ayant vu les esquisses de W. Dyce, parvint à vaincre
les résistances de son père, et le jeune homme put partir à
Rome en 1825 en compagnie d'Alex. Day. Il y étudia par-
ticulièrement les tableaux de Titien et du Poussin et c'est
sous leur impression que, de retour à Aberdeen, il peignit
en 1827 Bacchus nourri par les nymphes^ tableau
exposé à la Royal Academy. (Quelque temps après, il revint
à Rome, y fréquenta la colonie des artistes allemands,
s'éprit des peintres du xiv® siècle et devint l'un des précur-
seurs du mouvement préraphaélite en Angleterre. Revenu
à Edimbourg, il fut nommé, en 1832, membre de la Royal
Society of Edimbourg; en 1835, membre de la Royal
Scottish Academy; en 1845, professeur au King's Collège
à Londres, associé et, en 1848, membre de la Royal Aca-
demy, Il a peint : lAge d'or ; Hercule enfant ; la Mort
du Christ ; la Vierge et V Enfant (1846) ; Jessica (1843) ;
Entrevue de Jacob et de Rachel (1850) ; le Roi Lear
(1851) ; Christabel (1855) ; George-Herbert à Berner-
ton (1861) ; Eleazar (1863). Il a exécuté aussi des
fresques : entre autres (après un concours au Westminster
Hall en 1843), la Consécration de V archevêque Parker
au Lambeth Palace ; le Baptême d'Ethelbert, à la Cham-
bre des lords ; Neptune donnant Vempire de la mer à
Britannia, pour l'appartement de la reine à la chambre
des lords, etc. Dyce était excellent musicien et a fondé
et dirigé une réunion d'artistes exécutant spécialement la
musique classique. F. Courboin.
DYCK (Floris), peintre hollandais, né en 1577 (?), mort
vers 1652, nommé en 1610 membre de la confrérie des
peintres de Harlem, qu'il présida en 1637. Il a peint des
tableaux de fleurs, de fruits et d'animaux et, paraît-il, quel-
ques tableaux d'histoire.
DYCK (Antoine Van), un des grands maîtres de l'art, le
plus illustre peintre de l'école flamande après Rubens,
né à Anvers le 22 mars 1599, mort à Londres le 9 déc.
1641. Son père était un négociant très aisé, qui n'eut
pas moins de douze enfants; Antoine fut le septième.
Après avoir passé quelque temps chez Van Balen, où il
entra comme apprenti à l'âge de dix ans. Van Dyck fut
reçu par Rubens en qualité d'élève et prit part aux nom-
breux travaux que le maître faisait exécuter dans son
atelier. A l'âge de dix-neuf ans, le jeune artiste de-
manda son admission dans la gilde de Saint -Luc. Il
débuta publiquement et sous son nom, par un Portement
de Croix, pour l'église des Dominicains d'Anvers, œuvre
médiocre, dont les contemporains n'ont point parlé. Cette
peinture, qui témoignait d'une certaine pratique de métier,
exécutée, Rubens associa Van Dyck à la décoration colos-
sale de l'église des Jésuites. Le traité, passé le 29 mars
1620, entre le maître et le supérieur de la maison professe
de la Société de Jésus, fait mention de la collaboration de
l'élève, dans deux articles où il est dit qu'il devra prendre
la plus large part à l'exécution des peintures, sous la
direction et d'après les esquisses de Rubens. Dès cette
époque, intervient dans la vie de Van Dyck un iUustre
amateur anglais, le comte d'Arundel, qui aura sur le
développement de sa carrière une influence considérable.
Devinant le premier le génie du peintre, il le pressa
instamment de se rendre à la cour de Charles P^. Il y
réussit et Van Dyck, à la fin de l'année 1620, partit pour
Londres, avec une pension de cent livres par an. On
croit qu'à ce premier voyage il fit le portrait du roi, qui se
trouve dans la grande galerie du château de Windsor. Au
mois de mars 1621 , Van Dyck était de retour à Anvers. Pen-
dant cette période, il exécuta pour Ferdinand de Bouschot,
nommé récemment baron de Saventheim, un Saint Martin,
inspiré d'une œuvre de Rubens, et il noua dans ce village
ce gracieux roman de la vingtième année, qui a donné Heu,
chez quelques-uns de ses biographes, à des récits d'une si
étrange fantaisie. Il devint amoureux d'une jeune fille de
bonne maison, Isabelle Van Ophem ; mais le père refusa de
la lui donner en mariage. Econduit, le jeune homme cher-
cha dans les voyages un dérivatif à sa douleur. La passion
qu'il avait pour Isabelle était partagée par la jeune fille.
Elle ne se maria point, et, toute sa vie, garda à son fiancé
un souvenir de tendresse et d'admiration.
Au mois d'octobre. Van Dyck partit pour l'Italie, en
compagnie du chevaher Vanni, que Rubens lui avait
donné pour mentor. Avant de quitter son maître. Van Dyck
lui fit gracieusement hommage du portrait à'Isabelle
Brandt et reçut en échange un cheval blanc pour faire
le voyage. Il s'arrêta à Gènes, y noua avec les frères de
Wael, artistes flamands, une amitié qui dura longtemps et
qu'il témoigna par plusieurs portraits très origmaux de
ses compatriotes. Il exécuta dans cette ville quelques ta-
bleaux et portraits de personnages appartenant aux grandes
familles de la ville. De là, il gagna Rome par Civittà Vec-
chia. Van Dyck s'y lia avec le sculpteur flamand François
Duquesnoy, dont il a fait un très beau portrait, et avec
Paul Bril, qui initiait l'école romaine à l'art du paysage
interprété comme genre spécial, et commençait cette géné-
ration de grands paysagistes, Claude Lorrain, Poussin,
qui ont immortahsé l'art du xvii^ siècle et produit tant
de chefs-d'œuvre. Après avoir étudié dans la ville éternelle
les œuvres des grands maîtres, le peintre partit pour Flo-
rence, où il passa plusieurs semaines, occupées par la
visite des précieuses galeries d'art. Il y peignit Laurent
de Médicis, régent et tuteur du souverain, le prince Fer-
dinand II, âgé de douze ans. L'école vénitienne, dont il
avait admiré, chez Rubens et à Gênes, des œuvres superbes
de coloris, l'attirait vivement. Passant par Bologne,
dont l'école emphatique lui plut médiocrement, il se rendit
à Venise et y employa un assez long temps à étudier
les magistrales compositions du Titien, de Véronèse, de
Palma, de Giorgione, etc. Les historiens du maître qui
ont analysé son œuvre, M. Guiff'rey entre autres, déclarent
que ce séjour à Venise apporta dans sa manière une modi-
fication complète. « Là, il apprit l'art d'élever une phy-
sionomie individuelle à la hauteur d'un type, en accusant
ses caractères dominants, ses traits distinctifs. » Titien lui
révéla le secret des puissantes colorations, des contrastes
énergiques, des draperies luxueuses et des chairs éclatantes.
Rubens, reconnaissant de la protection des Gonzague, avait
conseillé à son cher élève de s'arrêter à Mantoue. Vincent
était mort en 16 1 2, mais son second fils, Fernand, continuait
brillamment les traditions de mécénisme de la famille. Il
fit à Van Dyck un excellent accueil et lui commanda son
portrait. Au commencement de 1620, Van Dyck était de
retour à Rome ; il y resta huit mois, fort recherché des
grands amateurs, des personnages de la cour pontificale et
DYGK
- 158 -
des nobles étrangers. Sa distinction, son élégance et sa
courtoisie lui valurent, dès le premier jour, le surnom
gracieux et flatteur d7/ pittore cavaheresco. Sa pro-
duction, pendant cette période, fut considérable. Deux de
ses plus belles œuvres, le portrait du Cardinal Bar-
berini et celui du Cardinal Guido Bentivoglio, du
palais Pitti, en sont datées. Au mois d'octobre, Van Dyck
quitta Rome pour se rendre à Gênes, où l'appelaient les
nombreux amis qu'il s'v était faits. En route, il rencontra
la femme de son premier protecteur, lady Arundel, qui
l'emmena à Milan et à Turin. Dans cette dernière vil e,
il peint le duc de Savoie, Charles-Emmanuel, ses tils,
Victor-Amédée et Thomas de Carignan, plusieurs petits
princes et princesses. Le deuxième séjour de Van Dyck
à Gênes fut de six mois, plus fécond encore que le
premier. Une invitation du roi de Sicde, Emmanuel Phi-
libert de Savoie, grand prieur de Gastille, 1 appela à
Palerme ; il y resta peu, chassé par une épidémie de peste,
dont une des jpremières victimes fut le vice-roi, et d regagna
en toute hâte Gênes, qu'on peut considérer comme son
port d'attache pendant celte campagne de quatre années
de vovaee en Italie. Les trois séjours de Van Dyck à Gènes
ont fait des ealeries de cette ville les plus riches en
œuvres du maître. A ces années 4622, 4624 et 162o,
appartiennent en effet les beaux portraits d Antome-Jules
deBrignole et de sa femme Pauline Adorno, àe h mar-
quise Jeronima de Brignole, du T^emire Jean Van de Wael
et de sa femme, des deux de Wael réunis, de la Famille
Lomellini, d'Antonio de Zuniga, du Marquis Agostmo
Spinola, de la Marquise avec sa petite fille, de Don
Livio Odescalchi, la Vierge à la Grenade, Octavieaux
pieds de Coriolan, le hune Tobie, le Christ en Croix
du Palazzo Reale, la Mère entre ses deux fils du palais
Durazzo, la Vierge de la Confrérie du Rosaire de Pa-
lerme, l'Education de Bacchus, etc.
Au mois de janv. 1626, Van Dyck était de retour a An-
vers, après s'être arrêté quelques semaines à Aix en Pro-
vence où il fit pour son maître le portrait de Peiresc, et à
Paris' où il visita la galerie du palais du Luxembourg.
Ce long voyage, l'étude sévère des grands maîtres, le
succès avaient fortifié le tempérament génial du jeune
maître et lui avaient donné confiance en lui-même. Il avait
l'ambition justifiée de faire consacrer son talent par ses
compatriotes et d'entrer en concurrence avec Rubens par
des travaux importants. A peine arrivé, û entreprend pour
les Dominicaines d'Anvers le Christ en croix entre sainte
Catherine et saint Dominique, en témoignage de reconnais-
sance filiale pour les bons soins donnés à son père par les
relimeuses, pendant sa dernière maladie. En 162o, ÎNicolas
Rockox, premier bourgmestre d'Anvers, lui commande
son portrait. On attribue à cette période la Vierge et
VEnfant Jésus avec la Madeleine, le Roi David et saint
Baptiste, du Louvre, le Martyre de saint Sébastien de
la Pinacothèque de Munich, la Crucifixion de 1 eghse de
Termonde. En 1626, l'archiduchesse Isabelle, gouver-
nante des Pays-Ras, veuve de l'archiduc Albert, lui fait
faire son portrait, qui rend l'artiste populaire a la
cour, et la ville de Rruxelles lui commande un grand
tableau représentant le Conseil échevinal et ne comptant
pas moins de vingt figures, pour faire pendant, dans
l'hôtel de ville, au Jugement de Cambyse de Rubens. Ces
tableaux ont été détruits dans l'incendie de 1695.
Vers la fin de 1627, Van Dyck, n'obtenant pas dans son
pavs toutes les commandes qu'il désire et ne s'étant pas
fait la situation à laquelle il aspirait, se décide à répondre
aux nouvelles instances du comte d' Arundel et se rend en
Andeterre. Il peint les portraits de son protecteur et ob-
tient des commandes de divers amateurs. Il veut être pré-
senté au roi, mais les approches de la cour sont gardées
avec soin par les deux peintres en titre de Charles P^
Après quelques mois de démarches inutiles, en dépit des
efforts de ses amis, le jeune maître n'a pu arriver à ses
fins • il se décourage et retourne à Anvers. On croit qu a ce
moment, avant de regagner sa ville natale, il fit le voyage
de Paris, pour tâcher d'obtenir la commande de la déco-
ration de la grande galerie de Louvre et qu'il échoua devant
la résistance" opposée par les peintres français, qui^ s 'étaient
coalisés pour ne pas laisser renouveler au profit d'un autre
artiste étranger l'incident de la galerie du palais du Luxem-
bourg. De 1628 à 1632, Van Dyck exécuta d'importantes
œuvres : le Saint Augustin en extase de l'église de ce
nom, à Anvers ; le Crucifiement de Saint-Michel de Gand
et celui de la cathédrale de Malines; le Mariage mystique
de sainte Rosalie avec la Vierge, du musée du Relvé-
dère, la Suzanne et le Christ mort de la Pinacothèque
de Munich ; la célèbre Erection de croix de la cathédrale
de Courtrai. La plupart des Saintes Familles, des Christ en
croix, àesPietà appartiennent à cette époque très féconde.
Les grands portraits sont également très nombreux : ceux
de Charles Scribanius (Relvédère), duCom^^ Palatin du
Rhin et de Neuburg, du Duc de Croy et de sa femme
Geneviève d'Urfé; le célèbre portrait d'Homme inconnu,
de la Pinacothèque de Munich ; les deux merveilleux por-
traits en pied de Philippe Le Roy, seigneur de Ravels, et
de sa femme ; le portrait équestre de François de Mon-
cade, marquis d'Aytona. La réputation de Van Dyck
comme portraitiste franchit les frontières de Flandre. Le
stathouder Frédéric-Henri de Nassau, prince d'Orange,
l'appela à La Haye en 1630, pour le peindre, lui et sa
femme ; le prince lui commanda en même temps un tajjleau,
le Jardin d'amour, tiré du Pastor Fido de Guarini.
Au commencement de 1632, Van Dyck est à Londres,
attaché à la maison royale. Il a réalisé son rêve d'ambition.
Ses amis dévoués ont ardemment plaidé pour lui auprès de
Charles Ps doué d'un goût très vif pour les arts. Le tableau
les Amours de Renaud et d'Armide que le roi avait
commandé au peintre flamand en 1629, par l'intermédiaire
de sir Endymion Porter, lui avait beaucoup plu, et le por-
trait de mcolas Lanière, peintre et musicien de la cour,
exécuté à la fin de l'année 1631, n'avait point modifie cette
excellente impression. Van Dyck est nommé principal peintre
de Leurs Majestés, avec une pension de 200 livres ; \\
est logé pendant l'hiver à Rlackfriars, dans une maison
princière, où il reçoit dans son atelier et à sa table toute
la cour et toute la ville. Le roi l'y visite souvent, prenant
un vif plaisir à le voir travailler et à causer avec lui. L'été,
il habite une dépendance du château royal d'Elthom, dans
le comté de Kew. Il est nommé chevalier le 5 juil. 1632
et reçoit une chaîne d'or.
La famille royale ne cessa d'employer le jeune maître.
D'après le catalogue de l'œuvre de Van Dyck, dressé par
M. Guiffrey, il li'a pas été peint moins de vingt-trois por-
traits authentiques de Charles P^ à cheval, à pied, à mi-
corps, seul ou avec sa femme et ses enfants ; vingt portraits
de la reine, de toutes formes; huit ou dix de leurs enfants,
réunis au fur et à mesure de leur naissance. Les grandes
familles se le disputent : on connaît dix portraits de Straf-
ford, sept du comte d'Arundel, quatre du duc et de la
duchesse de Richmond, sept du comte et de la comtesse de
Pembroke. D'après Waagen {Treasures of art in Great
Britain), les châteaux et les collections de l'Angleterre
contiennent trois cent cinquante toiles attribuées à Van
Dyck. Dans ce nombre, il y a évidemment beaucoup de
portraits exécutés en répétition, ou d'après des esquisses,
par ses nombreux élèves, à l'imitation de l'atelier de Ru-
bens; mais le nombre des œuvres d'une authenticité incon-
testable est assez considérable pour que Van Dyck soit
tenu, sans réserve, pour un des génies artistiques les plus
féconds. , ,
Au cours de l'année 1634, Van Dyck fit dans son pays
natal un voyage qui fut un vrai triomphe. Le 18 oct., la
corporation^anversoise de Saint-Luc le nomme, par accla-
mation, son doyen. La reine mère, Marie de Médicis, le
visite dans son atelier. Les commandes princières l'as-
saillent : il fait les portraits de Gaston d'Orléans, de sa
femme, de la sœur de celle-ci, Henriette de Lorraine^
veuve du prince de Phalsbourg et Lixen, de Thomas de
Carignan, frère du duc de Savoie, gouverneur intérimaire
des Pays-Bas, du Cardinal infant don Fernande frère
cadet de Philippe IV, de César-Alexandre Scaglia^ etc.
Il peint, entre temps, pour les Récollets d'Anvers, le
Christ pleuré par les anges.
Van Dyck est de retour en Angleterre au commence-
ment de l'année 1633 et reprend avec plus d'acharne-
ment encore sa vie de travail et de plaisir. Vers 1639, il
épouse Marie Ruthven, qui descendait des Stuarts par son
aïeule, Dorothée Methven, petite-fille de Jean Stuart, comte
d'Athol. La jeune fille est sans fortune, mais elle lui ap-
porte une superbe beauté et une alliance avec l'aristocratie
du royaume. L'insuccès d'un projet de décoration pour
W^hitehall, les événements politiques qui menacent la
royauté, son mauvais état de santé, décident Van Dyck à
entreprendre un voyage sur le continent; d'ailleurs il veut
montrer à sa jeune femme les Flandres et la Hollande.
Espérait-il en outre trouver des travaux à la cour de
Louis XIIÏ ? Ce nouveau voyage dura près d'un an. Quand
le maître revint à Londres, il était fort malade de la poi-
trine. Le roi promit 300 livres sterling à qui prolongerait
la vie de son peintre favori. Le 4 du même mois. Van
Dyck faisait son testament et, le 9, il mourait, âgé seule-
ment de quarante-deux ans, dans sa maison de Blackfriars.
Le roi ordonna qu'il lui fût fait des funérailles solen-
nelles ; on l'inhuma dans le chœur de la cathédrale, près
du tombeau de Jean de Gand. Le monument qu'on lui
éleva a été détruit dans le grand incendie de Londres.
La descendance de Van Dyck se bornait à une fille, née
huit jours avant sa mort et dont la descendance s'est
éteinte en 1825, et à une autre, nommée Marie-Thérèse,
dont la mère est restée inconnue et qui était en âge de se
marier en 1631.
Van Dyck est un des plus grands portraitistes qui aient
existé et peut prendre place à côté de Raphaël, de Titien,
d'Holbein, de Rembrandt, de Franz Hais et de Velasquez.
L'école anglaise moderne procède entièrement de lui. Il eut
pour élèves anglais Guillaume Dobson, qui mourut à trente-
six ans , très célèbre dans son pays ; George Jameson ,
dit le Van Dyck écossais ; Edward Pierce et Henry Stone.
George Kneller, le peintre de Guillaume III et de la reine
Anne, et Pierre Lely, l'ont imité et copié ; Josuah Reynolds
et Gainsborough l'ont reconnu publiquement pour maître ;
Lawrence s'en est inspiré constamment.
L'œuvre peint de Van Dyck comprend, d'après le cata-
logue de Smith, huit cent quarante-quatre tableaux ;
d'après celui qu'a dressé tout récemment M. Guiffrey,
quinze cents. Le musée du Louvre possède de Van Dyck,
comme tableaux : la Vierge et V Enfant Jésus, la Vierge
aux donateurs, le Christ pleuré par la Vierge et les
anges. Saint Sébastien secouru par les anges, Vénus
demandant à Vulcain des armes pour Enée, Renaud
et Armide, le portrait de Charles P^, roi d'Angleterre,
les portraits des Enfants de Charles 7^^, les portraits de
Charles-Louis, duc de Bavière, et de Robert, duc de
Cumberland, le portrait dî' Isabelle-Claire-Eugénie d'Au-
triche, souveraine des Pays-Bas, le portrait de François
de Moncade, marquis d'Aytona, le portrait en buste
du même personnage, les portraits de Jean Grusset Ri-
chardot et de son fils, le portrait du Duc de Richmond,
le portrait du peintre, les portraits d'un homme et d'un
enfant, d'une dame et sa fille, et trois portraits d'homme.
Comme Rembrandt, Van Dyck est un des maîtres de la
gravure. Son Iconographie, dont la première édition fut
publiée, sans titre et sans date, à Anvers, de 1632 à 1641,
en trois séries, et la seconde, en 1645, avec le titre Icônes
principum, constitue un des monuments les plus précieux
de cet art. Marius Vachon.
BiBL. : Carpenter, Memoîr of sir A. v. D., with a des-
criptive catalogue of his etchings; Londres, 1844. — Alfred
MicHiELS, Van Dyck et ses élèves ; Paris, 1881, — Guif-
fREY, Van Dyck; Paris, 1885.
DYCK (Daniel Van den), peintre et graveur, hollandais
159 — DYCK — DYER
suivant les uns, français suivant les autres, qui travaillait
à Venise et à Mantoue en 1658. H a gravé : Suzanne au
bain; Diane et Endymion ; Une Bacchante; la Déifi-
cation d'Enêe, etc.
DYCK (Philippe Van) , peintre, né à Amsterdam en
1679, mort en 1752. Ses contemporains l'avaient sur-
nommé le petit Van Dyck; il a peint dans la manière de
Boonen, son maître, de petits tableaux d'histoire, des
scènes d'intérieur et quelques portraits. Sa peinture,
travaillée et maniérée, est poussée au noir. Massard a
gravé d'après lui Sara présentant Agar à Abraham et
le Renvoi d'Agar.
DYCK (Hermann), peintre allemand, né à Wurtzbourg
en 1812, mort à Munich le 25 mars 1874. Peintre d'ar-
chitecture et de genre, il a été très goûté pour le soin et
l'élégance de son exécution. Parmi ses tableaux nous cite-
rons : die Befestigung von Kehlheim, an der Stadt-
mauer zu Erding (1857); ein Kassenvorzimmer
(iS^S) ; die Schreîbstube (1860), auf dem Speicher,
im Atelier (iSQi), Innereseiner Klosterkirche (1863),
die Deputation (1864), Heimkehr des Burgermeisters
(1868). Il a été le dessinateur le plus spirituel des Flie-
gende Blœtter (V. Caricature); il publia Deutsche
Sprichîvœrter und Reime in Bildern (Dusseldorf,
1839-40, 2 hvr.); il rendit de grands services à l'art
industriel comme directeur de l'école spéciale de Munich.
DYCKMANS (Joseph-Laurent), peintre belge, né à Lier
le 9 août 1811. Elève de Thielmans et de Wappers. On
l'a surnommé le Gérard Dou de la Belgique à cause de
l'analogie que ses sujets et sa technique oftrent avec ceux
de ce célèbre artiste.
DYÉ {Diacum). Com. du dép. de l'Yonne, arr. de Ton-
nerre, cant. de Flogny, sur une colline dominant un
affluent de l'Armançon ; 403 hab. Traces d une voie ro-
maine. Eglise, autrefois prieuré de bénédictins, sous le
vocable de Saint-Pierre, à une nef, des xii^ et xvi® siècles ;
autel du xvii® siècle ; bénitier de cuivre du xvi® siècle ;
retable en bois Renaissance. M. P.
DYER (Sir Edward), poète anglais, mort en 1607.
Après avoir fait ses études à l'université d'Oxford, il voyagea
sur le continent et débuta en 1566 à la cour d'Elizabeth,
où il ne tarda pas à briller au premier rang. Il s'y maintint
longtemps en faveur, fut chargé de missions diplomatiques
aux Pays-Bas (1584), en Danemark (1589), fut comblé de
biens et nommé en 1596 chanceHer de l'ordre de la Jarre-
tière. Dyer a joui comme poète d'une renommée considé-
rable à la fin du xvi« siècle ; malheureusement une bonne
partie de ses poésies a été perdue. Le D^ Grosart (Writ-
ings of sir Edward Dyer, 1872) a réussi à réunir un
certain nombre de pièces disséminées de côté et d'autre.
DYER (John), poète anglais, né à Llandilo, comté de
Carmarthen (Galles), en 1700, mort à Kirkby-on-Bane le
24 juil. 1758. Fils d'un avoué, destiné au barreau, il aban-
donna l'étude des lois à la mort de son père pour se livrer à
un goût inné pour le dessin, parcourut le sud de Galles,
reproduisant ses merveilleux paysages sur son album et dans
ses vers. Le résultat de ce voyage, Grongar Hill, fit sa répu-
tation comme poète (1727). Pour se perfectionner dans
son art de prédilection, il parcourut l'Italie, et revint avec
de nombreux dessins et un poème descriptif, The Ruins of
Rome (1740), qui seul eut du succès. H se fit pasteur,
épousa une petite nièce de Shakespeare, et se livra paisible-
ment à ses goûts artistiques et littéraires. Son dernier
ouvrage, The Fleece, publié en 1757, est un poème didac-
tique, imitation des Géorgiques de Virgile, long, froid et
ennuyeux. Néanmoins, Dyer occupe une place honorable
parmi les poètes de son temps. Il a le sentiment de la vraie
poésie, et ses descriptions sont vives et bien ordonnées. Il
est un des précurseurs de l'école dite des lakists. Ses poèmes
ont été réunis ea un volume (1770) et ses poésies légères
font partie de la collection Johnson. Willmot les a réédités
en 1853, et Gilfillan en 1858. Hector France.
DYER (Gilbert), écrivain et libraire anglais, né à Dun-
DYER — DYMOND
— 160 —
stone (Devonshire) en 4743, mort à Exeter le 19 oct. 1820.
Fils d'un chef d'institution, il dirigea lui-même une école
à Exeter. En 1788, il s'établit libraire et ne tarda pas à
gagner une réputation considérable par la science de ses
catalogues et l'importance de la bibliothèque qu'il réunit.
Il écjivit divers ouvrages parmi lesquels nous citerons : The
Principles ofAtheism proved to be conformided from
the nature of Man (1796) ; A Restoration of the an-
cient modes of bestowing names on the rivers, hills...
of Britain (1805) ; Vulgar Errors ancient and mo-
dem inuestigating the origin and uses of letters
(1816). ^ R;S.
DYER (George), écrivain anglais, né à Londres le
15 mars 1755, mort à Londres le 2 mars 1841. D'une très
humble origine, il fut élevé par des personnes charitables,
put faire de bonnes études à Oxford, et, venu à Londres
en 1792, collabora au Neiu ]\]onthly et au Gentleman's
Magazine, et travailla pour divers éditeurs, corrigeantdes
épreuves et faisant des tables. C'est ainsi qu'il revisa les
cent quarante et un volumes de l'édition des classiques de
Valpy (1809-1831), mais il y perdit la vue. Parmi ses
œuvres on peut citer : Poems (Londres, 1792) ; Ihe Com-
plainte ofthe poorPeopleofEngland (1793) ; Account
of new South Wales and state of the convicts (1794) ;
Dissertation on theory and practice of Benevolence
(1795) ; Poems and critical essays (1801-1802) ; Poe-
tics (1812) ; History of the university and collège of
Cambridge (1814,2 vol.), Memoirsof lifeandivritings
of Robert Robinson (1796), etc. 11 fut très lié avec
Charles Lamb. R* S.
DYER (R.-H.), graveur anglais du xix® siècle. Cet
artiste excelle dans le pointillé. On cite notamment ses
gravures pour les Illustrations of modem sculpture,
parT.-K. Hervey (Londres, 1832).
DYER (Thomas-Henry), historien anglais, né à Londres
le 4 mai 1804, mort en 1888. Il abandonna de bonne heure
le commerce pour les lettres. Il s'occupa d'abord de littéra-
ture ancienne, Te7itaminaEschylea(iSM); puis de Calvin
le rëïormdiieur, Life of Calvin (1850). Son History ofthe
city of Rome (1865) est un ouvrage de vulgarisation, en
opposition complète avec les vues de Niebuhr. En 1867, il
publia : Pompeii, ils history, buildings and antiquities,
et en 1873: Ancient Athens, ils history, topography
and remains. Ce sont des livres médiocres. La meilleure
partie de son bagage est constituée par les cinq volumes de
son History of modem Europe (1877, 2*^ éd.) (depuis
la chute de Constantinople jusqu'en 1871), vaste compi-
lation de faits. Dyer manque de critique, d'érudition et de
profondeur.
DYGASINSKI (Adolphe), littérateur polonais duxix^s.,
né à Niegostawice, gouv. de Kielce (Pologne russe) en
1839. Auteur de nombreuses nouvelles, réunies en par-
tie sous ce titre : Z Ogniw zycia (Des Chaînons de la vie ;
Varsovie, 1882, 2 vol. in-8), et dont certaines ont été
traduites en allemand, en anglais, en russe, etc. On lui
doit encore des écrits pédagogiques, des traductions des
ouvrages de Tyndall, Mill, etc., et des Lettres sur le Bré-
sil (1891).
DYHERNN (Georg, baron de), poète et romancier alle-
mand, né à Glogau le 1^^' janv. 1848, mort à Rothenburg
(Silésie) le 27déc. 1878; parmi ses poésies nous cite-
rons : In stiller Stund (Berlin, 1870) ; Tang und Algen,
Ans der Elut des Lebens gesammelt (Leipzig, 1876) ;
Aufhoher Elut (Breslau, 1880); Aus klarem Born
(Fribourg, 1882) ; parmi ses romans, Hœhen und Tiefen
(Fribourg, 1881, 2 vol.). On a publié ses œuvres com-
plètes (Fribourg, 1879-82, 6 vol.).
DYHRN (Konrad-Adolf, comte de), homme pohtique
prussien, né à Reesewitz, près CEls (Silésie), mort le
2 déc. 1869. Envoyé au Landtag prussien par les posses-
seurs de majorats silésiens, il s'y raUia au parti libéral, au-
quel il resta fidèle ; spirituel et instruit, le « gros Dyhrn »
était très populaire.
DYKE (Géol.). Toutes les fois que les filons d'une roche
éruptive filonienne se détachent en saillie au-dessus des ter-
rains encaissants, sous la forme d'une sorte de mur irrégulier,
dressé sur la surface du sol ou bien en avant d'un escar-
pement, cette disposition prend le nom de dyke. Par
extension, cette même expression est apphquée aux poin-
tements des roches éruptives qui, n'ayant pas vu le jour,
restent en profondeur, où ils dérangent souvent la conti-
nuité des couches sédimentaires. Ch. Vélain.
DYLE (La). Rivière de Belgique, qui prend sa source à
Houtain-le-Mont en Brabant, passe à Wavre, Louvain,
Werchter, où elle reçoit le Demer et devient navigable, à
Mahnes où elle reçoit la Senne, et se joint à la Nèthe à
Rumpst pour former le Rupel. Son cours a une longueur
de 85 kil., sa largeur varie de 12 m. (Wavre) à 50 et
sa profondeur de'l (Wavre) à 4. La marée s'y fait sentir
jusqu'à Mahnes.
DYLE (Département de la). Un des neuf départements
que forma la Belgique quand elle fut réunie à la France
par décret de la Convention du 1'^'' oct. 1795. Il avait
pour chef-lieu Bruxelles. Il était borné au N. par les
dép. de la Meuse-Inférieure, des Deux-Nèthes et de l'Es-
caut ; à TE., par ceux des Deux-Nèthes et de l'Ourthe ;
au S., par ceux de l'Ourthe, de Sambre-et-Meuse et de
Jemappes; à l'O., par ceux de Jemappes et de l'Escaut.
Il fut divisé en cantons, conformément à la constitution de
l'an III et à l'instar des autres départements français. Sous
le Consulat, il fut divisé en 3 arrondisssements : Bruxelles,
Louvain, Nivelles, en 27 cantons et 396 communes,
avec 30 justices de paix. En 1802, sa population était de
396,789 hab. Les habitants de Bruxelles avaient voté, lors
de la première invasion, leur réunion à la France, qui avait
été acceptée par décret du 2 mars 1793. Mais, par suite de
la retraite de Dumouriez, cette annexion ne fut effectuée
qu'en 1795. Le dép. delà Dyle fit partie de la France jus-
qu'en 1814. F.-A. A.
DYMAS (Myth. gr.). Ancêtre mythique d'une des trois
tribus doriennes, celle des Dymanes (V. Doriens), fils
d'JEgimius, frère de Pamphylus etHyllus, c'est comme ces
Héraclides un personnage sans réalité historique.
DYME (Géogr. anc). Ville de l'ancienne Grèce, dans
FAchaïe, la plus occidentale des douze cités de la confédé-
ration achéenne; elle était située sur la côte à 6 kil. en-
viron delà frontière de l'Elide formée par le Larisus. Elle
s'était appelée anciennement Strates ou Paleia. C'est elle
qui avec Patras releva en 280 av. J.-C. la ligue achéenne;
accrue par la fusion avec les habitants d'Olenus qui vin-
rent s'y établir, elle fut souvent attaquée par les Eléens.
Elle prit parti pour les Macédoniens dans la guerre de Phi-
hppe contre les Romains et fut saccagée par ceux-ci. Elle
ne se releva pas. Pompée essaya d'y fonder une colonie de
pirates ciHciens transplantés en Achaïe; ils n'y restèrent
pas. Dyme fut subordonnée à Patras au temps de l'empire
romain. Sur son territoire étaient la forteresse de Teichos
avec ses remparts hauts de 30 coudées, et Hécatombœon
où Aratus fut vaincu par Cléomène. Les ruines de Dyme
se trouvent près. du village moderne de Karavostasis.
DYMOND (Jonathan), philanthrope anglais, né à Exeter
en 1796, mort en 1828. Dymond appartenait à la secte
des quakers. Elevé dans les affaires], il suivit la carrière
du commerce et tint un magasin de nouveautés. Mais ce
commerçant avait conçu les réformes sociales les plus
hardies. Partisan de la paix universelle, il s'imposa comme
mission de prouver, l'évangile à la main, que la guerre est
contraire à la volonté divine. Son premier traité parut sans
nom d'auteur : An Inquiry into the accordancy of war
with the principles of Christianity (Londres, 1823).
Prenant pour seule base de la morale les enseignements de
chanté et d'amour qui sont l'essence même de l'évangile,
il combat la politique égoïste et utilitaire qui maintient
l'état de guerre en permanence entre les peuples. En 1825,
il développa sa thèse par un nouveau traité : Observations
on the applicability of the pacifie principles of the
New Testament to the condiid o( states and on the
limitations which those principlcs impose on the right
of self defence, Dymond, non content d'avoir dévelopj3é
ses idées dans ces deux ouvrages, en composa un troi-
sième qui ne parut qu'après sa mort : Essay on the prin-
ciples of morality and on the private and political
rights and obligations of mankind. Ce livre a eu de
nombreuses éditions en Angleterre et en Amérique. Comme
Fauteur poursuit un but essentiellement pratique, ses
réflexions ont plutôt le caractère d'une conviction ardente
que celui d'uue discussion de principes. G. Q.
BiBL. : Leslie Stepiiex, A Dictionary of national bio-
graphy ; Londres, 1890.
DYNAMENA (ZooL). Genre fondé par Lamouroux pour
des Hydraires Sertulaires, répartis maintenant dans les
genres Diphasia et Sertnlaria.
DYN AMÈNE (Astron.) (V. Astéroïdes).
DYNAMENE (Dynamena Leach) (Malac). Genre de
Crustacés Isopodes ; ces animaux ont l'apparence de petits
Sphéromes (V. ce mot), mais on les distingue facilement
des espèces de ce genre par la profonde entaille du dernier
segment du corps; leur corps est lisse et, lorsqu'il se met
en boule, les appendices latéraux du pléon restent à décou-
vert; ils se distinguent des Cymodocés, dont ils sont éga-
lement très voisins, par l'absence d'une dent centrale à
l'extrémité de la queue; le corps est dépourvu des soies
si marquées chez ces derniers animaux. Les Dynamenes
ont les habitudes des Sphéromes; plusieurs espèces se
trouvent communément sur nos côtes. K. Mz.
DYN AM ETRE le Râmsden (Opt.). C'est un instrument
destiné à mesurer le grossissement des lunettes ; il se com-
pose de trois petits tubes rentrant l'un dans l'autre ; le plus
étroit porte une loupe, le second porto sur un verre dépoli une
division gravée en dizièmes de millimètre ; le troisième est
appuyé contre l'oculaire de la lunette ; pour s'en servir,
on règle d'abord la lunette de façon à viser un objet très
éloigné , le soleil , par exem})le ; puis , dirigeant la lunette
vers un autre point du ciel, on avance plus ou moins le
verre dépoli du dynamètre à l'aide du troisième tube, de
façon à obtenir sur ce verre un cercle lumineux à contour
net. Lorsque ce résultat est atteint, on a obtenu une image
de l'objectif, si la lunette ne possède pas de diaphragme,
ou de la partie utiHsie de l'objectif, si la lunette est dia-
phragmée, donnée par l'oculaire, A l'aide de la loupe et
du micromètre, on mesure le diamètre du cercle lumineux
ainsi obtenu et, à l'aide d'un compas, le diamètre de l'ob-
jectif ; le rapport de ces deux nombres donne le grossisse-
ment si la lunette n'est pas diaphragmée. Dans le cas
contraire, on promène sur la surface de l'objectif les
pointes du compas, tandis que l'œil regarde dans le dyna-
mètre ; l'œil aperçoit les images des pointes du compas ; on
écarte ces dernières jusqu'à ce que leurs images se peignent
sur les bords du petit cercle lumineux vu dans le dynamètre ;
la distance des pointes du compas donne alors le diamètre
de la partie utiHsée de l'objectif; c'est cette partie que l'on
fait alors entrer dans la formule du grossissement au lieu
du diamètre total de l'objectif (V. Lunette). A. Joannis.
DYN AMIE (Mécan.). Nom employé pour désigner l'unité
de travail. C'est le travail effectué par l'unité de force par-
courant l'unité de longueur. Autrement, force que nécessite
le transport de i kilogr. à une distance de 1 m. en hauteur.
On lui donne aussi le nom de kilogrammètre. On voit que,
dans cette définition, le temps n'intervient pas; aussi lors-
qu'il s'agit de comparer les quantités de travail produites
par deux machines, faut-il rapporter le nombre de kilo-
grammètres produit par chacune d'elles à l'unité de temps :
la seconde. F. G.
DYNAMIQUE (Mécan.). La dynamique est cette partie de
la mécanique qui s'occupe à la fois des forces et des mouve-
nients qu'elles produisent. Si l'on met de côté la cinématique
qui s'occupe du mouvement des corps, abstraction faite des
causes de mouvement que Ton appelle des forces, la méca-
nique se compose de deux parties qui sont la statique et la
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
— 161 — DYMOND — DYNAMIQUE
dynamique. La statique étudie surtout l'action des forces
pendant le repos, la dynamique étudie l'action des forces
pendant le mouvement. — On a beaucoup discuté pour
savoir s'il fallait commencer l'étude de la mécanique par la
statique ou par la dynamique, et, si cette discussion est en-
core pendante aujourd'hui, c'est que les partisans de l'une
et de l'autre méthode se placent sur des terrains différents.
Sans nous prononcer, exposons les faits.
On appelle force toute cause qui tend à mettre en mouve-
ment, un point matériel qui est en repos ou à arrêter le
mouvement d'un point ; du moins c'est ainsi que les anciens
concevaient la force ; nous modifierons un peu cette défini-
tion tout à l'heure. Lagrange et d'autres géomètres trou-
vent étonnant qu'ayant défini la force une cause de mou-
vement, on édifie toute une partie de la science des forces,
toute la statique, sans faire intervenir le mouvement. Au
fond ils ont raison, et dans un cours de mécanique un peu
élevé et bien fait, il convient d'étudier les forces par le
mouvement qu'elles produisent et qui est leur effet immé-
diat. Mais en réalité on procède autrement, et cela pour
plusieurs raisons. La statique, découverte il y a plus de
deux mille ans par Archimède, a précédé la dynamique
qui a été créée par Galilée en 1638. La simphcité des mé-
thodes employées en statique permet de renseigner à des
esprits relativement peu cultivés ; enfin toute la statique
peut être exposée à l'aide d'un petit nombre de principes
expérimentaux^ si faciles à vérifier que cette science
est assise presque aussi solidement que la géométrie pure.
11 en est tout autrement de la dynamique qui repose non
plus sur des résultats d'expériences concluantes, mais sur
des principes que l'on n'a pas pu jusqu'ici soumettre au
contrôle du raisonnement ou de l'expérience directe. Ces
principes sont donc restés à l'état d'hypothèses, mais d'hy-
pothèses tellement plausibles que l'on peut les placer dans
le domaine des faits les mieux acquis à la science. Or, une
des raisons qui nous font admettre ces principes, c'est
que, précisément en les soumettant à l'analyse mathéma-
tique, on en déduit, sans avoir recours à l'expérience, les
faits découverts en statique par les anciennes méthodes
expérimentales. En réaHté, on étudie deux fois la statique
et par des méthodes qui reposent sur des principes abso-
lument différents ; et c'est l'accord des résultats qui prouve
de la façon la plus éclatante l'excellence des principes
fondamentaux de la dynamique, par laquelle on peut évi-
demment commencer l'étude de la mécanique, si l'on a sim-
plement pour but d'étudier les conséquences de certains
principes considérés comme hypothèses, sauf à vérifier plus
tard ces conséquences par l'expérience.
Il est temps d'arriver aux principes dont nous avons
parlé; le premier, énoncé par Galilée, porte le nom de prin-
cipe de l'inertie; il contient une définition plus complète de
la force que celle qui a été donnée par les anciens, mais
qui n'est pas en contradiction avec elle ; il s'énonce ainsi :
Un point matériel ne peut modifier de lui-même son état
de repos ou de mouvement, c.-à-d. que s'il est en repos
ou en état de mouvement rectiligne et uniforme^ il y
restera tant qu'une cause ou force ne viendra pas agir sur
lui. Nous résumerons ce principe en disant simplement :
« Quand un point matériel n'est pas en repos ou en mou-
vement rectiligne et uniforme, on dit qu'il est sollicité par
une force. » Ainsi, au fond, le principe de l'inertie est moins
un principe qu'une définition. C'est dans l'ouvrage intitulé
Discorsi e dimostrazioni matematiche intorno a due
fiuove scienze i6S8^ que Galilée a fait connaître son
principe et les premières notions de dynamique. Le second
principe de la dynamique entrevu par Galilée a subi depuis
bien des transformations dans son énoncé ; voici celui que
nous adopterons, parce qu'il nous paraît plus facilement
accessible à l'analyse mathématique : « Si l'on considère
un point en mouvement à l'époque t et soumis à l'influence
de plusieurs forces que nous appellerons F, F^, F'''',... pour
avoir la position de ce corps à l'époque t + dt, il suffit de
composer : i^ h chemin que parcourrait le corps dans le
11
DYNAMIQUE
- 46S -
temps dt qui suit l'époque t si, aucune force n agissant
sur lui il obéissait simplement à la vitesse qu il possède a
l'époaue ^; 2Me chemin qu'il parcourrait si, partant du
reoos il était soumis à l'action de la seule torce l , dans
le même temps dt; 3« le chemin qu'il parcourrait sous
l'influence de la force F^ toujours dans le même temps dt
et en partant du repos, etc. On énonce ce principe d une
façon plus concise, mais moins claire pour des esprits encore
peu cultivés, en disant que « les effets des forces et de la
vitesse acquise par un point matériel en mouvemen
s'ajoutent géométriquement pendant un temps mfimment
petit ». Au fond, le premier principe de Galilée est une
définition de la force, le second est une tonne du prin-
cipe de continuité étendu au monde matériel; le troisième
principe, énoncé par Newton, est plus hardi, c est le prin-
cipe de l'action et de la réaction, il consiste à admettre que :
« Si un point matériel A est soumis à l'action d une torce,
cette force émane d'un autre point matériel B ; a son tour
le point B est alors soumis à l'action d une force qui émane
de A. Si Ton appelle action la force émanant de B, et reac-
tion la force émanant de A, l'action est égale à la reaction,
Faction est dirigée soit de A vers B, soit de B vers A ; mais
en tout cas ces deux forces sont de sens contraires, >>
Pour bien comprendre ce dernier principe qui a lui seul
suffirait à immortahser le nom de Newton, il est indispen-
sable de savoir ce que l'on appelle direction et grandeur
d'une force. La concision qui nous est imposée nous oblige
à nous borner aux simples définitions suivantes en nous
empêchant de montrer comment elles ont été amenées.
Le point d'application d'une force est le point dont elle
modifie l'état de repos ou de mouvement rectiligne et uni-
forme. Sa direction à l'époque t est celle de la tangente a
la trajectoire que suivrait son point d'application à l époque
t s'il partait à cette époque du repos, soumis a la seule
influence de la force. Enfin pour définir la force comme
grandeur, on convient : 1° de dire que deux forces sont
égales (en intensité) quand appKquées à un même point
naturel pris au repos elles lui commumquent des accéléra-
tions éoales; 2° d'appeler somme de deux forces, la force
qui pro'duit le même effet que l'ensemble de ces deux forces
appliquées dans la même direction au même point. Cet
eff'et (on le démontre en Tappuyant sur le second principe
de Galilée) est la production d'une accélération égale a a
somme des accélérations dues aux deux forces dont elle
est la somme, ce qui a permis de mesurer les forces par
les accélérations qu'elles communiquent à un même point
pris au repos. , . i r *
Toute la dynamique, toute la science des forces est
fondée sur ces trois principes fondamentaux ; leur démons-
tration repose, comme nous l'avons dit, d'abord sur ce
fait qu'ils permettent par la seule force du raisonnement
de retrouver toute la statique des anciens, et ensuite sur cet
autre fait qu'ils ont permis de prédire avec une précision
remarquable les phénomènes célestes les mieux constates
tels que les mouvements des planètes et de leurs satellites.
Jusqu'en 1743, l'application directe de ces trois prin-
cipes était le seul moyen employé par les géomètres
pour découvrir les vérités de la dynamique, lorsque d Alem-
bert énonça son fameux théorème qui permettait de ra-
mener toute question de dynamique à une question de sta-
tique. Ce théorème, qui aujourd'hui est presque devenu une
naïveté, peut s'énoncer ainsi : « 11 y aurait equi ibre a
chaque instant entre les forces qui agissent réellement
sur un système de points matériels en mouvement, et les
forces d'inertie des divers points de ce système, si ces
forces d'inertie venaient à agir. » Enfin en 1788 parut 1 im-
mortel ouvrage de Lagrange intitulé Mécanique analytique
qui contenait une formule résumant toutes les questions
de mécanique en les ramenant toutes, et d'une manière
uniforme, à un simple problème de calcul difi'érentiel ou
de calcul intégral. Depuis la découverte de Lagrange, on
peut dire qu'il n'ex.iste plus un seul problème de mécanique
que l'on ne puisse résoudre, quand on connaît exactement
les forces qui entrent en jeu dans ce problème. La méthode
inaugurée par Lagrange a permis de retrouver, pour ainsi
dire en se jouant, une foule de propositions péniblement
découvertes par les savants qui l'ont précédé, et un grand
nombre d^autres (V. Force vive, Aire, Quantitç de mou-
vement. Centre de gravité, Impulsion, Moment).
Il y a actuellement en dynamique, on peut même dire
en mécanique rationnelle, deux parties bien tranchées;
l'une est assise sur des bases inébranlables : c'est une science
dont les théorèmes s'enchaînent avec une rigueur et une
élégance que l'on ne retrouve que dans les sciences les
plus pures ; l'autre est basée sur ce que l'on pourrait appeler
la théorie des liaisons : elle repose sur des hypothèses que
rien ne vient justifier, si ce n'est qu'elles peuvent fournir à
l'occasion de jolies questions de calcul intégral. Il y a
peut-être des inconvénients à maintenir dans renseigne-
ment officiel cette partie de la mécanique ; elle jette du dis-
crédit sur la science et les savants ; elle fait souvent dire
aux praticiens qui n'ont pas fait une étude suffisamment
approfondie de la science, que les choses sont vraies en
théorie, mais fausses en pratique.
Equations de la dynamique. — On a donné le nom
d'équations de la dvnamique aux formules données par
Lagrange, dont nous avons parlé tout à l'heure et qui per-
mettent d'écrire immédiatement les équations du mouve-
ment d'un corps quand on connaît bien exactement les
forces qui agissent sur lui. Soient x, y, z les coordonnées
rectangulaires prises par rapport à trois axes fixes d un
point quelconque d'un système en mouvement, X, Y, Zles
projections sur les axes de la résultante de toutes les forces
qui sollicitent ce point, m sa masse, t le temps ; en écri-
vant qu'il y a équilibre entre toutes les forces réellement
agissantes X, Y, Z et les forces d'inertie — w^,
- m
d'y
dH
(l)
__ m ^-T^ , on a la formule de Lagrange
dt- dt-
.[(x-»4>+(v-»,s>,
_l_ (Z — m-T— iù:^ 1= 0.
■(-»S)^=
hx, Bî/, U désignent dans cette formule des déplacements
virtuels donnés au point x, y, %. Si le système est libre,
^x, Sî/, %% sont arbitraires et cette équation revient a
autant de groupes de la forme
d^x ^ dhj ^ ^dH__ ^
qu'il y a de points dans le système considéré, et les con-
séquences de ces formules seront toujours absolument
exactes et vérifiées par Texpérience.
Si le système en mouvement est un système à liaisons
et si l'on ne veut pas tenir compte dans Févaluation de
X, Y, Z des forces, souvent inconnues, développées par
les liaisons, on ne peut plus considérer les 8^, hy.Zz
comme arbitraires; ils doivent être considérés comme liés
par des équations linéaires
(2) S(A8x-hB82/ + C^=:0,
S (A^8^ -H B% + C'Zz) = 0, etc. ,
obtenues en différenciant les équations de liaison ; en éli-
minant autant de variations 8^, 8z/, ^z qu'il y a d'équa-
tions de liaison entre (1) et (2), on obtient une équation
hnéaire et homogène entre les variations non éliminées qui
alors sont arbitraires ; en égalant les coefficients de ces va-
riations restantes à zéro, on obtient des équations qui,
jointes aux équations de liaison, sont en nombre égal à
celui des variables x, y, z, et permettent de les calculer, si
l'on peut toutefois les intégrer. En tout cas, on est ramené
à une difficulté d'analyse pure. Disons que le plus souvent
l'élimination des variations se fait par la méthode des
multiplicateurs. Je n'ai, pour ma part, aucune confiance
dans les résultats fournis par cette méthode, parce qu elle
repose sur le théorème des vitesses virtuelles, qui dans le
~ 163 ~
DYNAMIQUE — DYNAMISME
cas où il existe des liaisons no me paraît nullement dé-
montré, et quand je dis que ce principe ne me parait pas
démontré ; je ne veux pas simplement dire que les démons-
trations que l'on en donne ne sont pas tout à fait rigou-
reuses, je soutiens que les hypothèses faites pour démon-
trer le principe ne sont presque jamais réalisées, pas
même approximativement, excepté dans des cas très rares.
Lagrange a donné, dans sa Mécanique analytique,
d'autres formules du mouvement; ces formules, qui con-
tiennent les précédentes comme cas particuHers et qui s'en
déduisent, ont pour but de faire connaître les équations
du mouvement avec des coordonnées quelconques. — Soient
?i» (Izy ••• ^k d^s coordonnées propres à déterminer la po-
sition d'un corps quelconque à un moment donné t, sup-
posons que l'on ait évalué en fonction de q^, q.^^ ... le
travail virtuel des forces qui sollicitent ce corps et qu'on
Tait trouvé égal à Qi^^yi + %^■^-^ ••• + Qk^^/kî dési-
gnons par 2T la force vive du système qui, en coordon-
nées rectangulaires, a pour expression
avec les notations employées tout à l'heure, l'équation qui
déterminera à chaque instant les valeurs de q.^, q.^ ... q^^
sera, d'après Lagrange,
où q^ :=: -jj-. Si les q sont des variables indépendantes,
cette équation se décomposera en k autres de la forme
^^ dtdq' dq~^'
(V. Equations canoniques au mot Canonique). Pour mon-
trer une application de ces formules, nous ferons, en con-
sidérant un seul point,
^ in r sin 8 cos cj^, z/ =z r sin 6 cos <];, :irr:rcosO,
ce qui revient à prendre des coordonnées polaires ; nous
aurons alors :
_ m dr^ + rhlù^ + r^sin^Q^/f-
~ 2 dt'
et si nous désignons le travail par Pi or -{- 0 ô 6 + ^F 5 ^,
les équations (1) prendront la forme
dr'' /d,^Y . ,Jd'iY 1,
d/ . . .,dj>Y_,,,
dt\
^(,.^sin4J)^=.,^
dt\ "'" ^dt,
Telles sont les équations du mouvement d'un point en
coordonnées polaires. H. Laurent.
BiBL. : Lagraxge, Mécanique analytique (contient un
historique détaillé des théories de la mécanique). — Jacobi,
Vorlesungen ueber Dynamick. — En général tous les
traités de mécanique rationnelle.
DYNAMISME (Philos.). Ce mot vient du grec 8uva[j.t^ qui
signifie, proprement, puissance ; le verbe ouvajxai a le sens
de pouvoir et l'adjectif Buvaidv celui de possible. Dans la
langue d'Aristote, la puissance s'oppose à Pacte ; la matière,
par exemple, est la puissance nue, car si elle ne devient rien
par elle-même, grâce à l'intervention d'une cause motrice,
elle peut tout devenir. Dans le langage philosophique cou-
rant, le terme dyiiamisme a une signification qu'il n'est
pas impossible de rattacher au sens du mot dont il dérive,
mais qui ne laisse pas d'être sensiblement ditïérente. En
effet, la puissance du péripatétisme est une sorte d'impuis-
sance, car ce qui peut tout recevoir, la matière par exemple,
ne peut se rien donner. La puissance dont le terme dyna-
misme évoque chez nous la notion, en est presque l'op-
posé ; elle implique l'effort et la tendance vers l'acte. Il
n'y a donc plus entre cette puissance et l'acte une diffé-
rence de nature, nécessitant pour l'actuation de cette puis-
sance, l'action d'une cause motrice externe : partout où la
puissance se rencontre, cette puissance agit. La puissance
et la cause agissante ne sont plus deux principes distincts,
comme le soutenait le fondateur de l'école péripatéticienne ;
ces deux expressions de puissance et (['acte ne représen-
tent plus que deux aspects ou, si l'on préfère, deux
moments d'une même réalité. Par suite, on comprendra la
parenté, pour ne pas dire l'identité des deux notions de
puissance (telle que nous venons de la définir), et ^q force.
Et en effet l'épithète dynamiste paraît devoir convenir à
toutes les doctrines de philosophie dans lesquelles une
place est faite à la notion de force.
On considère avec raison Leibniz comme le réforma-
teur de la notion de puissance, et l'on peut aller jusqu'à
dire qu'il a opéré la fusion des deux principes qu'Aristote
avait maintenus séparés, la puissance et l'acte. Mais de
ce que Leibniz a réformé un concept par l'enrichissement
de son contenu, ce serait se tromper gravement que de
refuser à ce concept ainsi entendu une action, latente sans
doute, mais indiscutable, sur les philosophes antérieurs,
non pas seulement à Leibniz, mais à Aristote lui-même.
En effet, le problème cosmogonique, qui ne fait pour ainsi
dire qu'un avec le problème ontolooique, ne consiste-t-il
pas à se demander à quelles conditions le monde, tel que
Pexpérience nous le livre, a pu parvenir à son état actuel ?
Et alors il est aisé do se répondre (ce qui a l'air d'un pur
truisme, mais n'en a peut-être que l'apparence) que ce qui
est actuellement était, dans l'origine et de tout temps, des-
tiné à devenir à un moment précis de son histoire, tel que
l'expérience nous le fait connaître. Bref, l'état actuel du
monde serait Peffet d'une cause perpétuellement agissante,
agissant conformément à sa loi, loi dont la formule est
éternelle et immuable.
Mais ce n'est pas assez dire. Et même si l'on ne disait rien
de plus, bien loin de pouvoir rendre compte de la possibi-
lité des explications dynamistes, on se rendrait la tâche
impraticable. Effectivement, si la cause dont nous parlons
est extérieure au monde, c'est en cotte cause que se concentre
l'énergie manifestée par le développement cosmique ; et cette
cause agit sur les éléments du monde à la manière d'un
mécanicien. Le dieu de Descartes n'agit pas différemment ;
aussi le système de Descartes est-il l'extrême opposé des
doctrines dynamistes. La physique de Descartes est une
physique rigoureusement mécaniste. Comment modifier
une doctrine cosmogonique mécaiiiste, de façon à en méta-
morphoser Pessence? En déplaçant le siège de l'énergie qui
fait mouvoir le monde et en la transposant au cœur même
de l'univers. Croire à une âme de l'univers, c'était déjà un
dynamiste sans le savoir.
Cette idée de l'âme du monde ne peut s'être dégagée dès
les premiers efforts de la spéculation grecque, car elle est
nécessairement postérieure à l'apparition du concept d'âme
humaine qui, on le sait, est historiquement postérieur à
celui de matière. Mais, sans définir au moyen du terme
âme le principe des mouvements cosmiques, on peut expli-
quer ces mouvements par l'action d'un principe déterminé
ou indéterminé, imaginé sur l'un des types perceptibles
du genre matière (air, eau, feu), et donner à ce prin-
cipe les attributions d'une véritable force organisatrice.
Tel est le feu d'Heraclite; tel était, avant Heraclite, Pair
d'Anaximène, Peau de Thaïes. Au sujet de Vinfïni d'Anaxi-
mandre, une discussion s'est élevée entre les historiens
modernes de la philosophie grecque ; il nous paraît utile
de nous en souvenir, ne serait-ce que pour marquer, avec
quelque précision, ce qu'étaient, dès l'antiquité, les doc-
trines dynamistes. Anaximandre, selon la tradition,
enseignait que le monde résulte d'une séparation d'élé-
ments autrefois mélangés dans un chaos préexistant au
cosmos. Cela étant, certains historiens ont fait remarquer
que le cosmos provenait d'un changement de situation dans
les éléments, mais non d'un devenir de ces éléments mêmes
et qu'alors il fallait distinguer, parmi les premiers philo-
sophes, ceux qui attribuent l'ordre actuel du monde à un
simple déplacement et ceux qui l'expliquent d'une façon
— 164 —
DYNAMISME — DYNAMITE
plus primitive, plus poétique aussi, sans doute, par
un véritable changement survenu dans la nature même
de la matière. Ces derniers s'opposeraient aux pre-
miers ; on appellerait les premiers mécanistes, les autres
dynamistes. C'est ainsi par exemple que Ton parle cou-
ramment du mécanisme de Démocrite et du méccmisme
d'Anaxagore. Anaxagore est partisan d'un démiurge, les
atomistes sont athées. Mais la ditférence entre les méca-
nistes et les dynamistes — dans la philosophie grecque —
ne porte pas sur la question de savoir s'il y a ou non un
démiurge; elle porte sur la question de savoir si la matière
trouve en elle-même le principe de ses métamorphoses. Or,
si les atomistes pensent que les changements qualitatifs
de la matière n'existent que pour nos sens, qu'ils se rédui-
sent à des modifications dans les rapports de positions de
éléments, cela suffit : ils sont mécanistes. Et de même
Anaxagore pourra faire intervenir l'action de l'Esprit pour
expliquer ces changements de situation. Du moment où il
ramènera le changement au déplacement, le nom de
mécanisme conviendra à sa doctrine.
Tant qu'il ne s'agit que de philosophie ancienne, et encore
de première philosophie grecque, dynamisme est syno-
nyme àliyUnoïsme (V. ce mot) et par conséquent s'oppose
au mécanisme. Quand il s'agit de philosophie moderne, il
n'y a plus opposition, mais superposition. Depuis Descartes,
il est impossible de nier l'origine, on oserait presque dire,
l'essence mécanique des modes de la matière. Mais tandis
([ue certains philosophes anciens ont tenté de réduire au
mouvement les qualités dites secondes de la matière
(lumière, chaleur, etc.), les modernes, et au premier
rang Leibniz, sont allés au delà. Le mouvement, peut-on
le dire, est un déplacement dans l'espace ; or, qu'est-ce
que l'espace ? Les anciens croyaient à sa réalité. Depuis
Kant, cette réalité est plus que compromise. Il va de soi,
dès lors, que, si l'espace descend à la condition d'apparence,
pareil sort est inévitablement réservé au mouvement. Tou-
tefois, si le mouvement perd la réalité objective dont il ne
paraît pas que chez les Grecs on ait jamais songé à le
dépouiller, il n'en reste pas moins que le mouvement
a l'air d'être, qu'il nous apparaît et qu'on n'a pas tout dit
en concédant — ce dont le contraire est à jamais impos-
sible — qu'il est objet d'apparence universelle. Comment
expliquer cette apparence ? Ou l'on renoncera à en rendre
compte, ou, ce nous semble, il faudra, bon gré mal gré,
recourir aux notions à'effort et de force. On ne dira plus
que le mécanisme est faux, mais on le réduira à ne repré-
senter que la phénoménalité des choses ; on continuera d'ac
cepter les explications mécaniques ; mais, si l'on persiste à
douter de la réalité de l'espace, on cherchera les explica-
tions de ces exphcations et beaucoup iront les demander
au dynamisme. Aussi n'opposera-t-on peut-être pas l'esprit
leibnitien à l'esprit cartésien; mais, de ce point de vue,
on sera conduit à penser que Leibniz, loin de contredire
Descartes, le complète.
En somme, l'histoire du dynanisme se confond avec
l'histoire de l'élaboration du concept de force, concept dont
l'action latente a précédé la distinction consciente, et cela
depuis bien des siècles. Ce sera l'éternel honneur de la phi-
losophie stoïcienne d'avoir compris le rôle de la tension, du
Tovoç, et d'avoir cherché à tout expliquer par l'action de ce
Tovoç dont la fonction est de maintenir, tantôt concentrés,
tantôt relâchés, les éléments des choses. Notons à ce propos
que le xovo; n'est pas le dieu des stoïciens, mais qu'il est
l'attribut principal de ce dieu immanent aux choses ;
notons enfin, et ceci importe, que ce tovo; produit tantôt
des rapprochements, tantôt des dilatations. C'est assez dire
qu'il agit mécaniquement. Il doit donc se trouver déjà dans
l'antiquité une philosophie dynamiste, oîi le dynanisme,
loin de s'opposer à son contraire apparent, s'y superpose,
je me trompe, s'y juxtapose ; car c'est bien de juxtaposi-
tion qu'il faut ici parler. Le mécanisme n'est pas — ce
qu'il sera chez les philosophes modernes — une apparence
dont le dynamisme est la réalité, mais le moyen à l'aide
duquel le principe dynamique inhérent à l'essence de l'uni-
vers, se manifeste.
On a dit avec raison du stoïcisme que c'était un pan-
théisme ; on l'appellerait aujourd'hui un monisme et avec
une égale raison. La doctrine contemporaine d'Herbert
Spencer, puissante restauration du stoïcisme et par là
même dep'héraclitéisme ancien, est aussi un monisme dyna-
miste: la force Q^i l'un des noms que Spencer donne à son
Inconnaissable. Le dynamisme s'accommode donc aussi bien
du monisme que du monadisme ; c'est qu'en effet le dyna-
misme ne préjuge rien quant à l'unité ou à la muUiplicité
des principes d'énergie de l'univers. Pour être dynamiste,
il suffit d'attribuer le mouvement à l'action d'une ou de
plusieurs sources d'énergie immanentes aux choses qui se
meuvent; par où l'on voit, ce qu'atteste d'ailleurs l'histoire
des doctrines, que l'épithête de dynamiste, si elle peut
caractériser un système, ne suffit pas à le définir. Et
il en est ainsi de l'épithête mécaniste. Car si le méca-
nisme s'allie au matérialisme, il s'allie également bien au
théisme. Tous les philosophes dynamistes sont exclus par
Lan^e de la galerie des matérialistes dont il nous fait
l'histoire. En revanche, le pur matérialiste exclut le dyna-
nisme et l'alliance du dvnanisme avec le théisme est aussi
rare que fragile : — le dieu de Leibniz a été jugé par maint
historien, un dieu dont la réalité complique inutilement le
système—. Mais cette alliance n'est pas impossible : on peut
être dynamiste en cosmogonie et théiste en morale, ainsi
que Gœthe se vantait de l'être, et cela sans se contredire,
puisque, s'il niait et affirmait en même temps, il n'affirmait
ni ne niait au même point de vue. Pour les raisons qui vien-
nent d'être données, il paraît impossible de faire une his-
toire des théories dynamistes, non plus d'ailleurs que des
théories mécanistes en tant que telles, j'entends une his-
toire qui ne soit point rhapsodique. Nous n'avons donc pas
d'ouvrage spécial à signaler sur la matière, si ce n'est à
titre d'éclaircissements, une histoire inachevée, œuvre pos-
thume de Fernand Papillon : De la Philosophie moderne
dans ses rapports avec le développement des Sciences
de la Nature (Paris, 1875, in-8) (V. Mécanisme).
Lionel Dauriac.
DYNAMITE. I. Chimie. — On donne le nom de dyna-
mite à des mélanges de nitroglycérine avec certaines sub-
stances poreuses capables de l'absorber. En 1866, une série
d'accidents survenus par suite d'explosions de nitroglycérine
à Stockholm, Hambourg, Aspinwall, San Francisco, avaient
vivement ému le public et allaient faire renoncer à l'emploi
de cette dangereuse substance, quand M. Nobel eut l'idée,
pour en atténuer la sensibilité, de recourir à un artifice bien
connu dans le cas de la poudre ordinaire et qui consiste à
mélanger l'explosif avec une certaine quantité de substance
inerte. H additionna d'abord la nitroglycérine d'alcool mé-
thylique, puis cet expédient n'étant pas suffisant, il la mêla
avec de la silice amorphe et donna au mélange le nom de
dvnamite. Il reconnut bientôt, — et ce fut là le point ori-
ginal de sa découverte, — que la sensibilité au choc de
l'explosif est extrêmement diminuée et que la détonation
exige l'emploi d'amorces spéciales au fulminate de mer-
cure (V. Détonateur) et acquiert dans ces conditions
une violence extrême. Depuis on a étendu le nom de dyna-
mite à un certain nombre de mélanges à base de nitrogly-
cérine. Leur caractère commun est de ne détoner m par
inflammation, ni par choc faible, ni par friction modérée,
et d'exiger l'emploi de détonateurs. Les dynamites sont
définies par leur dosage en nitroglycérine et l'indication
de la matière absorbante. On nomme dynamite à 50, 60,
70 «/o des mélanges contenant 50, 60, 70 parties en poids
de nitroglycérine pour 100 de dynamite.
On partage les dynamites en deux grandes classes :
1« les dynamites à base inerte dans lesquelles la nitro-
glycérine est associée avec la silice, l'alumine, le carbonate
de magnésie, l'alun calciné, la brique pilée, le sable, etc.,
en un mot avec des substances dont la composition
chimique n'intervient pas, et qui n'agissent que par leur
— 165
DYNAMITE
constitution physique et leur proportion relative ; elles en-
travent la propagation des chocs moléculaires dont la suc-
cession concordante donne naissance à l'onde explosive;
2° les dynamites à base active dans lesquelles la matière
associée à la nitroglycérine peut se décomposer en produi-
sant un dégagement de gaz qui s'ajoutent à ceux provenant
de la nitroglyf'érine et augmentent les effets de l'explosion.
Les dynamites à base active peuvent être divisées en trois
groupes : dynamites à base active simultanée, résultant
de l'association de la nitroglycérine avec une substance
explosive (azotate d'ammoniaque, chlorate de potasse) qui
détone en même temps sans que les éléments de l'une inter-
viennent chimiquement dans la décomposition de l'autre ;
dynamites à base combustible simple, fondées sur cette
remarque que la détonation de la nitroglycérine met en
liberté une petite dose d'oxygène (3,5 ^/o) surpassant celle
qui est nécessaire pour changer tout le carbone en acide
carbonique et tout l'hydrogène en eau ; on ajoute alors à
la nitroglycérine une certaine masse d'un corps combustible
(charbon, sciure de bois, paille, son, soufre, blanc de ba-
leine) destiné à utiliser cet excès d'oxygène ; dynamites
à base mixte : comme la dose d'oxygène est trop faible
pour que la proportion correspondante de matière combus-
tible (1 centième de charbon ou de blanc de baleine, ou
bien 2 centièmes de sciure de bois, ou bien 3,5 centièmes
de soufre) suffise à absorber la totalité de la nitroglycé-
rine on emploie un grand excès de substance complémen-
taire. Ainsi la dynamite noire est un mélange de charbon et
de sable qui peut absorber 45 centièmes de nitroglycérine.
D'ailleurs, on peut encore préparer les dynamites à base
combustible explosive en employant pour compléter la
combustion un composé explosif par lui-même, qui ne
contient pas assez d'oxygène pour éprouver la combustion
totale. Tels sont le coton-poudre, les diverses variétés de
cellulose nitrique, l'acide picrique, etc. On peut rattacher
ces dynamites à deux grands groupes : 1° les dynamites
a base d'azotates : dynamite à base de poudre noire ; dy-
namite à base de poudre de mine ; dynamite à base de sal-
pêtre et de charbon ; dynamite à base d'azotate de baryte et
de résine, ou de charbon, avec ou sans addition de soufre ;
dynamites formées de nitroglycérine, de salpêtre et de sciure
de bois, ou d'amidon ou de cellulose, etc.; 2« \q^ dynamites
a base de pyroxyle; telles sont la dynamite de Trauzl,
formée de nitroglycérine et de coton-poudre en pâte ; la
glyoxyline d'Abel formée des mêmes substances avec ad-
dition de salpêtre ; les dynamites à base de ligneux nitrifié
(pâte de papier ou de bois) ; la dynamite gomme ou géla-
tine explosive, constituée par l'association de 93 à 95 par-
ties de nitroglycérine et de 5 à 7 parties de collodion,etc.
On peut d'ailleurs associer les matières inertes, les matières
combustibles simples et les matières combustibles explosives
dans des proportions variées, ce qui constitue de nouvelles
dynamites à base mixte très variées, qui se multiplient
tous les jours et reçoivent des inventeurs les noms les
plus pompeux : poudre d'Hercule, poudre de Yulcain,
poudre géante, etc.
Avant de donner l'examen détaillé de deux ou trois dyna-
mites que nous prendrons comme types, nous examinerons
d'abord quelques-unes des propriétés communes aux diverses
dynamites : telles que la sensibilité au choc, la stabilité du
mélange, l'action de la chaleur, de l'humidité, etc.
La dynamite détone sous l'action des chocs, mais beaucoup
plus difficilement que la nitroglycérine pure, ce qui la rend
moins dangereuse que cette dernière. C'est là une circonstance
essentielle, surtout dans les applications militaires. Il importe
en effet de mettre entre les mains des soldats une subs-
tance qui ne détone pas sous l'action delà balle. La dyna-
mite ordinaire ne remplissant pas cette condition, on lui a
souvent préféré la poudre-coton comprimée, qui offre pour-
tant aussi certains dangers à ce point de vue. Pour remé-
dier à ce péril on a incorporé des substances étrangères aux
dynamites ; par exemple, quelques centièmes de camphre.
Mais l'efficacité de cette modification est douteuse. Au
contraire , le mélange de nitroglycérine et de collodion
qui constitue la variété appelée dynamite-gomme paraît
résoudre la difficulté. En revanche, la matière détonant plus
difficilement exige alors des capsules spéciales et une dose
de fulminate trop considérable. On obvie à cet inconvénient
par l'emploi d'une cartouche intermédiaire en coton-poudre
comprimé, amorcée elle-même au fulminate : mais c'est là
une complication fâcheuse et qui n'assure même pas toujours
la détonation de la dynamite-gomme. L'explosion de la
dynamite est produite par l'action d'un corps fulminant ou
bien par celle de la nhroglycérine ou d'une autre charge
de dynamite détonant au contact ou dans le voisinage. Pour
éviter les explosions par influence, il faut donc avoir soin
de tenir soigneusement les amorces éloignées des provisions
de dynamite dans les magasins et dans les transports :
l'oubli de cette précaution fondamentale a amené nombre
d'accidents.
L'homogénéité et la stabilité du mélange exigent une atten-
tion toute particulière. Il est nécessaire en effet que la nitro-
glycérine soit entièrement absorbée par la substance qui lui
est associée, et que ce mélange se conserve uniforme malgré
les secousses du transport ou les changements de la tempé-
rature. Si la dynamite en effet laissait exsuder la nitroglycé-
rine qu'elle contient, l'explosion accidentelle d'une goutte de
nitroglycérine amènerait la détonation de la masse entière, et
l'on retomberait dans tous les inconvénients de la nitroglycé-
rine. Il faut donc que la structure de la matière absorbante
ne permette pas la séparation de la nitroglycérine. Cette
condition entraîne le rejet des dynamites à base de sable
ordinaire, de brique pilée, de coke en poudre. Cette ten-
dance à la séparation est encore accrue par une propriété
spéciale de la nitroglycérine : celle-ci se solidifie à i'i". Or,
en se solidifiant l'explosif se sépare en partie de son absor-
bant et forme un système nouveau doué de propriétés dif-
férentes. La nitroglycérine solide, en effet, est moins sen-
sible aux chocs et surtout à leur transmission de proche en
proche. Aussi doit-on recourir à des dispositions spéciales
pour provoquer l'explosion à basse température; il faut
employer une charge plus forte de fulminate ou provoquer
l'explosion par l'intermédiaire d'une charge d'amorce dége-
lée. On est amené aussi à réchauffer les cartouches pour
les liquéfier et reconstituer la dynamite primitive : opéra-
tion qui a causé d'innombrables accidents dans les mines.
Lorsqu'on est obligé de faire dégeler la dynamite, l'opéra-
tion doit être faite au bain-marie ; on *peut aussi dégeler
une cartouche de dynamite en la tenant quelque temps
dans la poche. Il faut surtout proscrire sévèrement l'emploi
du feu : c'est l'inobservation de cette règle qui occasionne
le plus grand nombre de catastrophes. C'est ainsi qu'à
Parme, en 4878, un lieutenant de cavalerie ayant posé sur
un brasier un bidon contenant i kilogr. de dynamite, il se
produisit aussitôt une explosion qui tua ou blessa quatre-
vingts personnes. D'autï'e part, la congélation de la dyna-
mite peut faire exsuder en partie la nitroglycérine : celle-ci
est ensuite difficilement absorbée de nouveau, surtout si
l'absorbant n'est pas de bonne qualité. C'est pourquoi la
dynamite qui a été gelée offre toujours certains dangers de
maniement. On doit éviter de bourrer de la dynamite gelée
avec un corps dur ou même d'y percer un trou pour l'amorce.
La sensibilité des dynamites à l'action des chocs dépend
non seulement de leur teneur en nitroglycérine, mais encore
de la nature de la matière absorbante. C'est ainsi que des
dynamites, au dosage de 55 <^/o, mais faites avec une subs-
tance pouvant absorber 75 % de nitroglycérine sans la
laisser exsuder, exigent 8 décigr. de fulminate de mercure
pour détoner; tandis que des dynamites à 40 %, mais
faites avec une substance ne pouvant pas absorber plus de
45 ^lo de nitroglycérine sans la laisser exsuder, détonent
avec 3 décigr. de fulminate. L'explosion de la dynamite
est donc d'autant plus facile que celle-ci est plus voisine
de son point de saturation en nitroglycérine.
Au reste la présence d'un excès de nitroglycérine peut
diminuer la puissance d'une dynamite au lieu de l'augmenter,
DYNAMITE
— 166 -
en raison de la différence du mode de propagation de
l'onde explosive dans le liquide et dans un mélange poreux.
Ainsi l'écrasement d'un bloc de plomb est plus prononcé
avec une dynamite à 75 centièmes qu'avec une dynamite
plus riche et même avec de la nitroglycérine pure. Le
voisinage du point de saturation peut jouer également un
rôle dans la grandeur des effets produits par une charge
donnée. Ainsi, à l'air libre, des dynamites qui à 40 %
se trouvaient très voisines de leur point de saturation
ont produit des effets plus considérables que d'autres à
o5 o/o, faits avec une matière pouvant absorber jusqu'à
75 °/o de nitroglycérine; en vase clos, par contre, les
résultats dépendent de la teneur en nitroglycérme . Il y a
donc dans certains cas une limite supérieure qui dépend
des résultats cherchés. Il y a de même une limite infé-
rieure. Les additions de substance étrangère ont pour effet
de diminuer la dose de nitroglycérine, de ralentir la décom-
position et de transformer fagent briseur en agent pro-
pulsiL Mais si le ralentissement est trop considérable , on
rentre dans les poudres lentes et on perd les avantages dus
à la présence de la nitroglycérine.
L'action de la chaleur sur la dynamite varie avec la
température. Soumise à une douce chaleur, la dynamite
n'éprouve aucun changement : maintenue pendant une
heure à 100°, elle reste inaltérée. Si on l'échauffé rapide-
ment, elle s'enflamme vers 220° comme la nitroglycérine. Au
contact d'un corps en combustion elle s'enflamme. Quelques
dynamites faites avec des matières absorbant très bien la
nitroglycérine brûlent de diverses manières suivant le
mode d'inflammation. Si on les touche avec un corps en
ignition, mais sans flamme, avec un charbon rouge par
exemple, elles fusent sans produire aucune flamme ; mais
si on approche un corps qui flambe, elles s'allument et
brûlent avec flamme, mais sans explosion. Mais quand la
dynamite est enfermée dans un vase hermétique et à parois
résistantes, elle détone sous l'influence de réchauffement.
Cet accident se produit également si la masse de dynamite
est considérable, 1 kilogr. par exemple, par suite de réchauf-
fement progressif des parties intérieures qui amène toute
la masse à Ta température de la décomposition explosive. Du
reste, la dynamite devient plus sensible aux chocs à mesure
qu'elle atteint une température plus voisine de la décom-
position. La lumière solaire la décompose lentement comme
tous les composés nitrés. Des courants électriques, même
intenses, sont sans'influence, mais les étincelles électriques
l'enflamment sans la faire détoner.
La présence des acides entraîne la décomposition de la
dynamite et peut en amener l'explosion ; aussi la conser-
vation n'est-elle possible que si la nitroglycérine utilisée
a été complètement débarrassée de toute trace d'acidité.
Le contact du fer et de l'humidité altère à la longue la
dynamite, et une fois qu'elle a éprouvé un commencement
d'altération elle devient acide et susceptible d'explosions
spontanées, surtout si elle est contenue dans des enve-
loppes résistantes. L'eau, mise en contact avec la dynamite,
s'empare lentement de la silice et déplace la nitroglycérine
qui se sépare et vient se réunir au fond du vase sous
forme d'un liquide huileux ; c'est pour cette raison qu'il
faut éviter de faire des dynamites avec des matières hygro-
métriques, parce que l'humidité absorbée par les temps
humides pourrait mettre en liberté quelques gouttes de
nitroglycérine. Les dynamites ordinaires n'absorbent
pourtant que très peu la vapeur d'eau et sont peu sensibles
à l'état hygrométrique de l'air. Les dynamites à sciure de
bois peuvent être mouillées, puis desséchées sans altération
notable. La dynamite à base de cellulose peut être addi-
tionnée de 15 à 20 centièmes d'eau, ce qui la rend insen-
sible au choc de la balle, sans lui enlever la propriété do
détoner par une forte amorce.
Examen cVune dynamite. Il convient d'observer les
points suivants : vérifier que la nitroglycérine n'exsude
pas ; que la dynamite n'est pas acide ; déterminer le dosage
en nitroglycérine. On s'assure que la nitroglycérine
n'exsude pas par un examen attentif de la dynamite, en
la pressant légèrement entre les doigts, et en plaçant une
petite portion entre deux feuilles de papier buvard et en
la soumettant à une légère pression. La plus faible exsu-
dation se révèle par une tache huileuse sur le papier. On
vérifie la neutralité en plaçant la dynamite en contact avec
le papier de tournesol bleu. La vérification est plus précise
si on lave avec soin à l'eau distillée une petite quantité de
la dynamite et si l'on fait bouillir ensuite l'eau de lavage
dans un petit ballon à long col, à l'orifice duquel est sus-
pendue une bande de papier tournesol. On constate ainsi
le moindre commencement de décomposition de la dyna-
mite, car ce phénomène produit des acides nitreux qui,
dissous par l'eau distillée et mis en Hbertépar l'ébullition,
viennent rougir le papier de tournesol. On vérifie le dosage
en nitroglycérine de diverses manières. La plus simple
consiste à placer un poids déterminé de substance sur une
plaque métalKque ou sur une plaque de verre et à l'en-
flammer de manière à produire la combustion de la nitro-
glycérine. Du poids du résidu on déduit, par différence, le
poids de la nitroglycérine. Mais ce procédé n'est pas très
exact, car lors de la combustion il arrive souvent que de
petites portions sont projetées. D'ailleurs, il est inappli-
cable si la matière absorbante est combustible ou mélangée
de matières combustibles. On peut aussi doser directement
la nitroglycérine en la précipitant par l'eau de la dissolu-
tion, en retirant la majeure partie de l'eau par décantation
et en la desséchant complètement, puis en la pesant. Mais
on perd un peu de nitroglycérine par décantation, et dans
les transvasements du hquide huileux il en reste des
gouttelettes adhérentes aux vases. On peut encore mélanger
avec de l'éther, de l'alcool méthylique ou de la benzine,
un poids déterminé de dynamite, de manière à faire dis-
soudre la nitroglycérine. Le mélange est ensuite versé sur
un filtre séché et pesé et la matière est arrosée avec le
dissolvant employé. On sèche le filtre puis on le pèse. On
retranche du poids obtenu celui du filtre vide, ce qui
donne le poids de la matière absorbante et par différence
celui de la nitroglycérine. Ces notions générales étant
établies, nous allons décrire à titre d'exemple trois dyna-
mites intéressantes : la dynamite ordinaire, la dynamite à
base d'azotate d'ammoniaque et la dynamite-gomme.
Dynamite proprement dite. A l'origine, M. Nobel
fabriqua la dynamite en employant comme matière absor-
bante une terre siliceuse, d'un brun rouge, qu'on trouve
à Oberlohe en Hanovre, où elle est connue sous le nom
de Kieselguhr. L'examen microscopique montre qu'elle
est formée d'une multitude de carapaces siliceuses de dia-
tomées. Depuis on a trouvé en divers heux des silices
naturelles, telles que la randanite d'Auvergne qui peuvent
jouer le même rôle. On regarda d'abord la structure spé-
ciale et l'origine organique de ces variétés de silice comme
indispensables à la fabrication de la dynamite ; mais il a
été reconnu que la silice amorphe, préparée par voie
chimique, jouit exactement des mêmes propriétés. On dis-
tingue les dynamites d'après leur origine : dynamites
Nobel, dynamites Iboz, dynamites de la poudrerie de
Vonges, etc., et d'après leur dosage : dynamite \\^ 1 à
75 °/o de nitroglycérine ; dynamite n<^ 2 à 50 7^ ; dyna-
mite n° 3 à 30 7o. Pour préparer la dynamite on com-
mence par pulvériser et tamiser la silice ; puis on la des-
sèche dans des fours pendant cinq à six heures ; on pèse
le mélange absorbant dans une terrine en fer-blanc, on y
ajoute le poids correspondant de nitroglycérine et l'on
mélange grossièrement avec une spatule en bois. Puis la
matière est étalée sur une table en bois recouverte de
plomb ; on la triture à l'aide d'un rouleau en bois terminé
par des poignées et manœuvré par un ouvrier dont les
mains sont protégées contre le contact de la dynamite par
une plaque de cuir ; cet ouvrier relève à plusieurs reprises
la matière en tas et l'étend à nouveau un certain nombre
de fois jusqu'à ce qu'il ait obtenu un mélange parfaitement
homogène. On ajoute souvent à la matière quelques cen-
— 167 -
DYNAMITE
tièmes de carbonate de chaux, de magnésie, ou de bicar-
bonate de soude afin d'empêcher le mélange de devenir
acide, transformation qui précède sa décomposition spon-
tanée. La dynamite est ensuite introduite, s'il y a heu,
dans des cartouches préparées à l'avance où on la tasse
avec des mandrins en bois. Pour fermer les cartouches en
papier du commerce, on replie simplement le papier sur
la malière ; pour les cartouches métalliques de guerre, on
colle après leur remplissage une feuille de papier moyen-
nement fort sur le pourtour et une rondelle de même
papier sur chaque fond, en ayant soin de placer préala-
blement sur le fond qui porte la douille d'amorce un ruban
de fil qui dépasse et qui sert à décoiffer le canal d'amorce.
La dynamite ainsi fabriquée est une substance grise,
brune ou rougeâtre (suivant la matière absorbante em-
ployée), un peu plus grasse au toucher, formant une masse
pâteuse'. Sa densité absolue est un peu supérieure à 4,60,
sa densité relative, déterminée par la méthode gravimé-
trique, est 1,50 pour la dynamite à 75 centièmes. Lors de
la fabrication de la dynamite on observe une contraction
apparente des constituants ; c.-à-d. que la nitroglycérine
occupe un volume moindre que l'air interposé dans la silice.
La nitroglycérine pouvant se congeler à 12», la dynamite
se transforme vers cette température ou un peu au-dessous
en une masse dure, en se dilatant. Ses propriétés géné-
rales, en ce qui concerne l'influence delà chaleur, de l'hu-
midité, du choc, ont été décrites précédemment. La dyna-
mite ordinaire fait explosion par le choc de fer sur fer ou
de fer sur pierre, mais non par celui de bois sur bois. Lors-
qu'on la frappe avec un marteau la partie directement
choquée détone seule, les portions ambiantes étant direc-
tement dispersées. Elle détone sous le choc de la balle, k
50 m. et plus loin : inconvénient très grave dans les appli-
cations militaires.
La détonation de la dynamite se propage dans des tubes
entièrement remplis de cette substance avec une vitesse de
5,000 m. par seconde. Son explosion franche ne produit
pas de gaz nuisibles, tels que ceux de la poudre. Mais
lorsqu'elle brûle par inflammation simple (ratés de déto-
nation), il se produit du bioxyde d'azote, de l'oxyde de
carbone et de la vapeur nitreuse, qui sont délétères. La
chaleur dégagée par la décomposition brusque de la dyna-
mite est la même que la chaleur de combustion totale et
elle est proportionnelle au poids de la nitroglycérine con-
tenue dans la dynamite. Or la détonation de la nitroglycé-
rine est représentée par l'équation très simple :
C^H^ (Az06H)3 = 30^0^ + 5H0 + 3Az + 0
et la chaleur mise en jeu est, si Ton suppose l'eau liquide
356^^15 à pression constante, 358c^io à volume constant ;
et si l'eau est gazeuse 331^^4 à pression constante, SSS^^^^^e
à volume constant. Le volume des gaz permanents pour 1
équivalent à la température de t degrés est 106 lit.
U 4, ^ l'eau étant liquide; 1611^^8 (i + ^Y
l'eau étant gazeuse. On calcule facilement au moyen de ces
nombres la chaleur dégagée par une dynamite, ainsi que
le volume des gaz produits dans l'explosion, en tenant
compte de la silice.
Les considérations suivantes dues à M. Berthelot mon-
trent que la théorie thermochimique rend compte des avan-
tages de la dynamite. La dynamite est moins brisante que
la nitroglycérine parce que la chaleur dégagée se partage
entre les produits de l'explosion et la masse inerte. Par
suite, la température s'élève moins ce qui diminue d'autant
les pressions initiales. Ainsi la silice et l'alumine anhydres
qui peuvent êtres mélangées avec la nitroglycérine ont à
peu près la même chaleur spécifique (0,19) que les pro-
duits gazeux de l'explosion de la nitroglycérine ; à volume
constant, à poids égaux et dans une capacité entièrement
remplie, elles abaisseront à moitié la température et par
suite la pression initiale. Pour un même poids de nitro-
glycérine, les propriétés brisantes seront donc atténuées
proportionnellement au poids de la matière inerte mélan-
gée, tandis que le travail maximum restera le même, étant
toujours proportionnel au poids de la nitroglycérine. Les
mêmes particularités s'opposent à la propagation de l'in-
flammation simple d'une petite portion de la masse dans les
parties voisines : celles-ci en effet détonent seulement
lorsqu'elles sont portées d'une manière brusque au voisi--
nage de 200"^. La détonation produite par une amorce exi-
gera donc une commotion initiale plus forte pour se pro-
duire. Si la déflagration est produite par le choc d'un corps
dur ou d'une fusée fulminante, les particules solides inter"
posées dans le liquide répartissent la force vive du choc
entre la matière inerte et la matière explosive, dans un
rapport qui dépend de la proportion de la matière inerte,
La loi de l'explosion se trouve modifiée par là, lapropaga-
tion de Fonde explosive est empêchée jusqu'à un certain
degré et il en résulte une extrême variété dans les phéno-
mènes comme l'ont montré les expériences réalisées par
MM. Nobel, Girard, Millot, Vogt sur la nitroglycérine mé--
langée avec la silice, l'alumine, l'éthal ou le sucre.
A côté de la dynamite ordinaire à base de silice, il existe
d'autres dynamites se rattachant au mênie type. C'est ainsi
qu'au moment du siège de Paris, la silice faisant défaut,
on la remplaça par diverses matières inertes, telles que
l'alumine ou la cendre de boghead. Les expériences aux-
quelles procéda le comité scientifique de défense, présidé
par M. Berthelot, aux carrières d'Amérique et au polygone
de Vincennes, montrèrent que cette dynamite se prêtait
parfaitement à tous les usages qu'on en attendait : bris de
rails, dislocation de murs, éclatement des pièces de canon.
Elle fut employée pour dégager la flottille des canonnières,
prise dans les glaces de la Seine vers Charenton. Les
moyens ordinaires avaient été reconnus d'un emploi trop
long et trop coûteux pour déblayer le lit de la Seine, en-
combré sur une longueur de plus de 1 kil. par des glaçons
empilés et soudés depuis la surface jusqu'au fond de la
rivière, sur une hauteur de 3 à 4 m. Mais le résultat fut
atteint en quelques jours, avec une dépense minime, par
l'emploi de dynamite posée à la surface des glaces. Son
explosion disloquait la masse et disjoignait les piles de
glaçons sur de grandes étendues ; il était facile de les dé-
blayer ensuite en les faisant écrouler dans le courant au
moyen de la proue d'un bateau à vapeur, c'était là une
apphcation fort élégante des propriétés de la dynamite. La
destruction des glaces du Rhône à Lyon en 1871, celle de
l'embâcle de la Loire à Saumur en 1880, embâcle de 9 kil.
de long pressée en amont par 26 kil. de glace de nouvelle
formation, furent également effectuées au moyen de la
dynamite.
Dynamite a hase d'azotate d'ammoniaque. Cette
dynamite mérite une mention spéciale à cause de sa grande
énergie qui provient à la fois de la nitroglycérine et de
l'azotate d'ammoniaque. Elle a été proposée à diverses
reprises par les inventeurs avec des variantes plus ou
moins secondaires, dues à l'adjonction de corps combus-
tibles complémentaires (charbon, cellulose), destinés à la
fois à utiliser l'excès d'oxygène fourni par la nitroglycé-
rine et l'azotate d'ammoniaque et à compléter les proprié-
tés absorbantes de la matière. Mais cette dynamite offre de
graves inconvénients pratiques, car l'azotate d'ammoniaque
absorbe l'eau, principalement dans une atmosphère saturée
d'humidité. De plus, l'eau en sépare immédiatement la ni-
troglycérine. La théorie montre la puissance qu'a cette
variété de dynamite ; et les essais pratiques confirment les
résultats du calcul et conduisent à rapprocher la dynamite
à 60 centièmes et le mélange formé de 18 p. de nitrogly-
cérine, 75 p. d'azotate d'ammoniaque, 3 p. de charbon et
4 p. de paraffine.
Dynamites à base de cellulose azotique, Trauzl pro-
posa en 4868 l'association de la nitroglycérine au coton-
poudre ; ce produit fut alors jugé d'une fabrication trop
dangereuse. On revient pourtant aujourd'hui à des dyna-
mites analogues (V. Duâlines). — Plus récemment, Nobel
DYNAMITE
- 468 —
a fabriqué un composé d'ordre différent en dissolvant le
collodion dans la nitroglycérine dans la proportion de 93
parties de nitroglycérine pour 7 de collodion. Il obtint
ainsi la gomme explosive, ou gélatine explosive, ou dyna-
mite-gomme. C'est un composé gélatineux, élastique, trans-
lucide, jaune clair, plus stable que la dynamite au point
de vue physique, car il ne donne lieu à aucune exsudation
même par la pression. Il est inaltérable par l'eau, plus
puissant que la dynamite siliceuse et comparable sous ce
rapport à la nitroglycérine elle-même.
On peut rendre^ la dynamite-gomme insensible aux
actions mécaniques qui déterminent l'explosion de la dyna-
mite ordinaire même (frottements, choc de balle à faible
distance, etc.). Il suffit de l'additionner d'une faible pro-
portion de camphre (de 1 à 4 centièmes). Sa puissance
n'est guère affaiblie par ce mélange, mais elle n'entre en
action que sous l'influerfûc de très fortes doses de fulminate
ou d'amorces spéciales à la nitrocellulose, la nitroglycérine
et l'hydrocellulose azotique, excitées elles-mêmes par une
faible dose de fulminate. On constate que le choc initial néces-
saire pour faire détoner la dynamite-gomme est environ six
fois celui qu'exigerait la dynamite ordinaire : différence qui
tient sans doute à la cohésion de la matière. La dynamite-
gomme est beaucoup moins sensible que la dynamite pro-
prement dite aux explosions par influence. Ces circons-
tances paraissent très favorables à son emploi comme
explosif de guerre. Mais la difficulté d'une fabrication
régulière, la'nécessité d'amorces spéciales, l'incertitude qui
subsiste malgré cela pour la faire détoner ont empêché
son usage de devenir aussi général qu'on pouvait le penser.
Voici ses propriétés physiques les plus caractéristiques.
Elle n'absorbe pas l'eau ; elle blanchit seulement à la sur-
face par suite de la dissolution de la nitroglycérine contenue
dans la couche superficielle. Mais le collodion séparé par
l'eau dans cette première couche étant insoluble dans ce
dissolvant forme une pellicule protectrice, et l'explosif de-
meure inaltéré après un séjour de quarante-huit heures
sous l'eau courante. La densité de la dynamite- gomme est
égale à 1,6, c.-à-d. très voisine de celle de la nitroglycé-
rine, comme il est naturel par suite de sa structure homo-
gène et non poreuse. Elle brûle à l'air sans faire explosion.
Maintenue huit jours à 70^, elle ne se décompose pas ; main-
tenue deux mois entre 40« et 45°, elle perd seulement un
peu de camphre et de nitroglycérine ; chauffée lentement,
elle détone vers 204<^. Si elle contient 10 centièmes de
camphre, elle ne détone plus, mais fuse. Sa force peut être
évaluée d'après les méthodes données par M. Berthelot pour
définir l'énergie des matières explosives. Soit une dynamite-
gomme formée de 91 ,6 p. de nitroglycérine et 8,4 p. de col-
lodion : proportions qui répondent à une combustion totale.
Une telle dynamite offre les rapports
Son poids équivalent est 12,630 gr. La détonation produit
177CW + 143H-0^ + 81Az^. La chaleur dégagée par sa
détonation (eau gazeuse) est 19,381 cal., le volume réduit
de gaz est 8,930 lit. (eau gazeuse). La pression théorique
est à très peu près la même que celle de la nitroglycérine.
Il résulte de là que la dynamite-gomme surpasse la dyna-
mite ordinaire dans le rapport 19 : 14. Des essais pratiques
faits par M. Hess sur la rupture de fortes pièces de bois
lui ont donné le rapport 78 : 56 , qui concorde d'une manière
satisfaisante avec le précédent. Une matière analogue ren-
fermant de la nitroglycérine entre dans la composition de
la poudre sans fumée allemande.
Usages, La dynamite est employée dans les mines, dans
le creusement des tunnels, pour disloquer les roches dures,
pour les travaux des ports dans les terrains aquifères. On
y a recours pour rompre les blocs de pierre, les masses de
fontes, les bancs de silex, les amas de glace, pour défoncer
les sols destinés à la culture de la vigne, etc. — Elle
joue aussi un grand rôle dans la guerre (torpilles, mines,
destruction de palissades, abatis d'arbres, de bâtiments,
de ponts ; destruction de rails, de voies ferrées, de ca-
ilus loin des détails sur ces
nous, etc.). On trouvera
applications militaires.
Parmi les grands travaux exécutés à l'aide de la dynamite,
nous citerons à titre d'exemple la destruction du récif
d'Hallets-Point qui barrait sur 12,140 m. une des passes
menant à New-York. Il fut percé de dix galeries de 80 m.
de long réunies par huit autres galeries transversales. On y
creusa 5,000 fourneaux où l'on mit 13,600 cartouches
contenant 13,000 kilogr. de dynamite et 24,000 kilogr. de
substances explosives diverses. L'explosion désagrégea
48,000 m. c. de roches qu'on mit dix ans à extraire du
fond de la mer. Enfin on sait que la dynamite a été parfois
utilisée dans un but criminel. Les explosions qui eurent
lieu à Londres en 1883, 1884 et 1885 dans les principaux
édifices publics et notamment à la gare de Victoria Station,
au palais du Parlement, à la Tour de Londres, jetèrent une
véritable terreur en Angleterre. On les attribua aux fenians
irlandais.
La dynamite s'emploie habituellement en cartouches
dont les dispositions varient suivant la nature de l'effet
que l'on cherche à produire. La plupart du temps les car-
touches sont isolées ou accolées sur l'obstacle à détruire :
ce n'est qu'exceptionnellement qu'on en réunit une grande
quantité dans une caisse (destruction d'un pont ou d'un
gros ouvrage en maçonnerie). A moins que les cartouches
ne soient distantes de plus de 30 centim., il suffit d'en
amorcer une seule pour que toute la charge détone simul-
tanément par influence. Pour provoquer la détonation de
la cartouche choisie on a recours soit à des capsules ful-
minantes enflammées au moyen d'une mèche de sûreté, soit
à des amorces fulminantes électriques. Après avoir mis le
feu à la mèche on se retire aussi loin que possible derrière
un arbre ou un obstacle quelconque. Dans le cas d'un raté,
après avoir suivi sur une montre la durée de combustion
de la mèche, on s'approche avec précaution pour voir de
loin si la dynamite est enflammée. Dans ce cas, on attend
qu'elle ait fini de brûler.
Législation. — Fabrication de la dynamite. Après
la guerre de 1870 on se demanda si les lois réservant en
France à l'Etat le privilège de fabriquer la poudre s'appli-
quaient à la dynamite. La question fut résolue affirmative-
ment, et le gouvernement, pour répondre aux demandes de
l'industrie privée, entreprit la fabrication de la dynamite à
la poudrerie de Vonges. Le 7 janv. 1873, on soumit à
l'Assemblée un projet de loi consacrant le monopole de
l'Etat et réglant les prix de vente des dynamites. Ces prix
fixés provisoirement par décret du 21 déc. 1872 à 11 fr.25
le kilogr. pour la dynamite n« 1 , à 7 fr. 50 pour la dyna-
mite n° 2, à 4 fr. 50 pour la dynamite n^ 3 furent abais-
sés ensuite à 9 fr. 50, 6 fr. 50 et 4 fr. 50 (D. du 31 mai
1873), mais le 14 déc. 1874, le gouvernement retira le
projet de loi du 7 janv. 1873 et soumit un nouveau pro-
jet d'après lequel la fabrication et la vente de la dynamite
seraient cédées à un concessionnaire. Mais la commission
se prononça à la fois contre le monopole de l'Etat et le
système de la concession, et proposa d'abandonner à l'in-
dustrie privée la fabrication et la vente de la dynamite.
Ce système fut adopté le 8 mars 1875 par l'Assemblée.
La dynamite et les explosifs à base de nitroglycérine peu-
vent donc être fabriqués dans les établissements privés
moyennant un impôt de 2 fr. par kilogr. Les dynamites
exportées sont exemptes de cet impôt . Aucune fabrique ou
magasin ne peut être établi sans l'autorisation du gouver-
nement. Cette autorisation est aussi nécessaire pour l'im-
portation des dynamites étrangères qui sont assujetties à
un droit de 2 fr. 50 par kilogr.
Il n'existe actuellement en France que deux fabriques
privées de dvnamite autorisées : l'une est celle de Paulilles
(Pyrénées-Orientales), que M. Barbe, concessionnaire des
brevets Nobel, avait obtenu l'autorisation d'établir pendant
la guerre de 1870; l'autre est celle d'Ablon (Calvados),
dirigée par M. Iboz, qui employa le premier la randanite du
Puy-de-Dôme pour la confection de la dynamite. Enfin,
— 469 —
DYNAMITE
l'Etat fabrique sa dynamite à la poudrerie de Vonges.
La consommation de la dynamite en France a suivi pen-
dant les premières années qui ont suivi la loi de 1873 une
progression réeulière. Les quantités soumises à l'impôt
étaient : enl876, de 101 ,687 kilogr. ; en 1877, de 160,100;
en 1878, de 196,^247 ; en 1879; de 283,504; en 1880,
de 489,963; en 1881, de 718,750; en 1882, de 879,442.
A partir de ce moment, le contre-coup de la crise indus-
trielle a amené un abaissement dans les ventes : elles
étaient, en 1883, de 765,705; en 1884, de 643,785; en
1888, de 521,234 kilogr. L'exportation des dynamites
françaises était en 1887 de 360,790 kilogr. ; l'importation
de 83,768 kilogr.
La fabrication de la dynamite a pris dans certains pays
étrangers un développement très supérieur à celui de la
France. C'est ainsi qu'en 1882, les usines qui emploient
les procédés Nobel avaient fabriqué à elles seules en Alle-
magne et en Autriche, 3,100,000 kilogr. ; en Angleterre,
1,200,000 kilogr. ; en Espagne et en Portugal, un million
100,000 kilogr. ; en Italie et en Suisse, 600,000 kilogr. ;
en Suède et en Norvège, 400,000 kilogr. ; aux Etats-
Unis, 4,000,000 de kilogr. La compagnie Nobel pos-
sède les usines suivantes : en Suède, Vinterudken près de
Stockholm, fondée en 1865; en Norvège, Christiania (1866);
en Allemagne, Krummel près de Hambourg (1865) et Sclile-
buch près de Cologne (1872) ; en Autriche, Zamky près de
Prague (1868) ; en Hongrie, Presbourg (1874) ; en Suisse,
Islet^en, près d'Uri (1872) ; en Italie, Avigliano près de
Turin (1872); en Espagne, Galdacano près de Bilbao
(1873) ; en Portugal, Trafaria près de Lisbonne (1873) ;
en Ecosse, Ardeer près de Glasgow (1871) ; en France,
Paulille près de Port-Vendres (1871); en Amérique,
San Francisco et New- York.
Conservation de la dynamite. En France, les dépôts
particuliers destinés à recevoir la dynamite sont assimilés
aux établissements dangereux et insalubres de première,
deuxième et troisième catégorie, selon qu'ils doivent rece-
voir plus de 50 kilogr. de dynamite, de 5 à 50 kilogr., ou
moins de 5 kilogr. La zone regardée comme dangereuse
s'étend à 2 kil. pour les dépôts delà première catégorie, à
500 m. pour ceux de la seconde, à 200 m. pour ceux de
la troisième. La dynamite ne peut circuler que renfermée
dans des cartouches recouvertes de papier parchemin ou
d'une autre enveloppe imperméable, non amorcées. On em-
balle les cartouches dans des enveloppes de bois, de carton
ou de caoutchouc à parois non résistantes. On remplit les
vides avec du sable fin, de la sciure de bois, du papier
découpé ou des étoupes. Le tout est renfermé dans un ba-
ril en bois consolidé au moyen de cerceaux ou chevilles en
bois et pourvus de poignées non métalliques. Aucune caisse
ne doit peser plus de 25 kilogr. On doit écrire en carac-
tères Ksibles sur toutes les faces : Dynamite, matière ex-
plosive. Chaque cartouche doit être revêtue d'une étiquette
semblable.
Emmagasinage. L'emmagasinage et la conservation de
la dynamite dans les places sont soumis aux précautions
suivantes. Les magasins à dynamite doivent être éloignés
des habitations, entourés d'un fossé, d'un remblai en terre.
On y évite toute source constante de chaleur (poêles, che-
minées traversant les murs). Dans les pays chauds, surtout
hors d'Europe, il y a lieu d'empêcher la chaleur solaire de
s'accumuler dans les magasins en y réalisant une venti-
lation active. On s'assujettit pour Féclairage artificiel aux
mêmes précautions que dans les magasins à poudre ordi-
naires. Les magasins doivent avoir une capacité au moins
décuple de leur contenance en dynamite et présenter de
nombreuses ouvertures. Chacun d'eux doit être séparé en
deux compartiments par un mur plein, afin qu'un accident
fortuit ne se propage pas de l'un dans l'autre. On ne doit
emmagasiner que la dynamite en cartouches ; les caisses
sont conservées ouvertes, c,-à-d. les couvercles dévissés.
On les place sur des étagères facilement accessibles et dont
chaque rayon ne porte qu'une rangée de caisses. On n'exé-
cute dans les magasins aucune manipulation de dynamite.
Les amorces fulminantes ne sont jamais logées dans le
même magasin que la dynamite, ni même trop près. Tout
nouvel arrivage de dynamite est vérifié cartouche par car-
touche. On s'assure qu'il n'y a pas d'exsudation et on place
dans chaque boîte un papier bleu de tournesol légèrement
humecté. Si l'on constate ainsi un commencement d'alté-
ration par exsudation ou par dégénérescence acide, on trans-
porte les caisses suspectes dans un endroit écarté où on les
met en observation. S'il y a lieu, on les détruit par le feu.
Tous les six mois, à la fin de l'hiver et à la fin de l'été, on fait
une visite détaillée des magasins, en examinant les boîtes et
les cartouches comme s'il s'agissait d'un nouvel arrivage.
Transport. Le transport de la dynamite par chemin de
fer est soumis à certaines prescriptions. Les récipients doi-
vent être disposés comme il a été indiqué plus haut et
doivent porter extérieurement une estampille indiquant le
nom du fabricant et la date de l'emballage. Les dynamites
ayant plus d'un an d'emballage ne sont pas admises au
transport. Les récipients sont placés couchés dans les wa-
gons et maintenus de façon à éviter le moindre choc. Ils
ne doivent jamais être recouverts par d'autres coHs, même
de même matière. Les précautions pour le choix et la ma-
nœuvre des wagons, pour la surveillance dans les gares, etc.,
sont les mêmes que pour la poudre ordinaire. Les dyna-
mites expédiées par les administrations de la guerre et de
la marine peuvent être, par exception, chargées sur des
wagons plats quand elles sont contenues dans des voitures
des modèles réglementaires affectées au transport de la
dynamite pour des usages réglementaires. Le transport sur
les rivières, les canaux et les routes est fait en se confor-
mant aux règlements en vigueur pour les autres poudres.
D. B.
II. Art militaire. — La dynamite employée pour
les opérations militaires est à base inerte. Sa composition
et son mode d'emploi sont définis par le règlement du
27 nov. 1880. Elle est formée de 75 parties de nitrogly-
cérine et de 25 parties de randanite. Elle a Faspect d'une
pâte grisâtre et détone sous l'action d'un choc violent.
Bien qu'elle agisse par simple application contre l'obstacle
à détruire, il y a toujours avantage à la recouvrir d'un
bourrage : quelques pelletées de terre, une claie, une fas-
cine, un bout de planche posés sur la charge augmentent
considérablement l'effet de l'explosion.
Pétard de cavalerie. — Description, hdi dynamite est
généralement renfermée dans une enveloppe prismatique en
fer-blanc, portant le nom de pétard et contenant une
charge de 100 gr. Sur chacun des fonds est soudé un
petit tube formant sailhe à l'intérieur et destiné à recevoir
la capsule ; son orifice est recouvert par un ruban de fil. Le
tout est enveloppé de papier. Il existe également un pétard
de 25 gr. ; il est cyhndrique et porte un seul tube. Dans ce
qui suit, il ne sera question que du pétard de 100 gr.
Amorçage et mise de feu. L'amorce se compose d'une
capsule renfermant '] 2^50 de fulminate de mercure, dans
laquelle on engage Textrémité d'un cordeau Bickford.
Après avoir arraché le ruban de fil d'un des fonds du pé-
tard, on introduit l'amorce dans le petit tube et on met le
feu à l'extrémité libre du cordeau au moyen d'un morceau
d'amadou. La vitesse de combustion du cordeau est d'en-
viron 1 m. en 90 secondes. On s'éloigne dès qu'on a en-
tendu le sifflement produit par la combustion. Au lieu du
cordeau Bickford, on peut employer la fusée instantanée,
qui brûle avec une vitesse de 100 m. par seconde. Quand
plusieurs pétards sont réunis et se touchent, il suffit d'en
amorcer un pour les faire détoner tous.
Usages. — Destruction des voies ferrées. Lorsqu'on
veut mettre hors de service une voie ferrée, on peut bri-
ser des rails ou des traverses, ou bien détruire un des
ouvrages d'art qui supportent la voie. — Pour la rupture
simple d'un rail, placer deux pétards l'un sur Fautre en
les appliquant contre l'âme du rail et sur le patin. La
brèche produite est d'environ 40 centim. ; elle ne suffit pas
DYNAMITE — DYNAMOMÈTRE
170 —
en général pour provoquer un déraillement ; aussi opère-
t-on toujours au moins une rupture double. Pour cela,
appliquer deux charges, de deux pétards chacune, à droite
et à gauche d'une traverse, de part et d'autre du rail, en
les amorçant au moyen de deux cordeaux Bickford de
même longueur pour avoir deux détonations simultanées.
On obtient ainsi une interruption de voie de 1^60 à 1^80.
Si l'on craint la non-simultanéité d'explosion des deux
charges, les placer du même côté du rail ; introduire dans
une des charges une capsule seule, dans l'autre une cap-
sule avec cordeau : la détonation de la seconde entraîne,
par influence, celle de la première. — On peut aussi bri-
ser deux traverses non consécutives ; pour cela placer sur
chacune d'elles, contrôle côté intérieur du rail, une charge
de cinq pétai^ds. La rupture fournit une brèche de ^'^Ai).
— La rupture des ouvrages d'art exige des charges très
fortes qui sont placées à l'extrados sur la clef de voûte.
Ces charges varient suivant qu'elles sont encastrées ou non
dans la maçonnerie.
Destruction des murs. Pour pratiquer dans un mur
de 0°"50 d'épaisseur une ouverture de 1°^15, considérée
comme une bonne brèche, disposer au pied du mur une
charge concentrée, c.-à-d. en paquet, de 1^800 avec bour-
rage'. Si l'on se sert de charges allongées, c.-à-d. de pétards
fixes bout à bout avec de la ficelle le long d'une baguette,
il faut compter 2^300 par mètre courant de mur à détruire.
Abatage des arbres et des poteaux télégraphiques.
Entourer l'arbre d'un cordon de pétards attachés avec
une ficelle et se touchant, ou bien pratiquer un forage sui-
vant un rayon de l'arbre et y introduire la charge. Dans
les deux cas il sufiit d'amorcer un seul des pétards. Pour
un arbre de 0^^30 de diamètre, le cordon doit comprendre
dix pétards, le forage trois.
Mise hors de service d'une bouche a feu. Cinq pé-
tards introduits dans l'âme d'une pièce de campagne la
mettent complètement hors de service. Il est bon de fermer
la bouche avec un tampon en argile ou quelques gazons.
Destruction des projectiles chargés. Pour détruire un
projectile chargé qui a été tiré et qui n'a pas éclaté, pla-
cer dessus un pétard avec un léger bourrage.
Transports. — L'artillerie transporte les approvision-
nements de pétards qui sont nécessaires pour son service
et pour le ravitaillement des troupes de cavalerie ; celles-ci
emportent avec elles les pétards qui lui sont distribués
par les soins de l'artillerie. Les pétards sont placés dans
des chariots de batterie à raison de dix caisses par chariot,
soit 1,500 pétards. Un chariot de batterie est attaché à
une des trois batteries à cheval qui accompagnent chaque
division de cavalerie indépendante; deux chariots de bat-
terie chargés de pétards sont attachés à chaque parc de
corps d'armée.
III. Thérapeutique (V. Nitroglycérine).
BiBL. : Chimie.— Fritsch, la Nitroglycérine et les Dyna-
mites AS12. — Manuel de pyrotechnie à l'usage de l'ar-
tillerie de marine, 1879. — Désortiaux, Traité de la
poudre, etc., 1878.— Roux, Conférence faite à lExposition
d'Amsterdam, 1883. — Berthelot, la Force des matières
explosives, \è%Z. .
DYNAMIUS, né à Arles en 551, mort en 601. Origi-
naire d'une famille noble, il eut de bonne heure des fonc-
tions importantes ; on le trouve à trente ans patrice et
gouverneur de Marseille et de la Provence austrasienne
sous Childebert ; il profita de la rivalité de Childebert et
de Contran, possesseur chacun d'une moitié de Marseille,
pour s'y rendre presque indépendant, gouverner en des-
pote, faisant par exemple élire successivement à l'évêché
d'Uzès, malgré Childebert, deux de ses candidats, après la
mort de saint Ferréol en 581, expulsant deux fois l'évêque
Théodore de Marseille. Puis sa conduite changea brus-
quement ; il devint un sujet d'édification, entra en corres-
pondance avec le pape Grégoire le Grand, lui demanda des
avis et des livres, se chargea de la direction des patri-
moines de Saint-Pierre en Provence de 593 à 597. Gré-
goire lui envoya en cadeau une croix avec de la limaille
des chaînes de saint Pierre et des morceaux du gril
de saint Laurent. Dynamius se réfugia ensuite dans la
retraite, composa des vies de saints et mourut à cinquante
ans. Il fut enterré à Saint-Hippolyte de Marseille auprès
de son épouse Euchéria dont il avait eu au moins deux fils.
On a l'épitaphe de Dynamius et d'Euchéria écrite par leur
petit-fils. Nous avons de Dynamius : la Vie de saint Marius,
abbé de Bodane (diocèse de Sisteron), dont il ne reste qu'un
abrégé fait postérieurement ; la Vie de Maxime de Riez, et
deux lettres. Il avait en outre écrit des poésies, dont plu-
sieurs adressées à Fortunat ; nous avons deux poèmes que
lui adresse Fortunat. Ch. Lécrivain.
BiBL. : Hist. littér. de la France, t. III, pp. 457-464. —Du
Chesne, Hist. Franc., I, p. 519. — Mig^je, Patrol. latin,,
LXXX, pp. 26-40.
DYNAMO (Mach.) (V. Electricité).
DYNAMOGÉNIE (V. Inhibition).
DYNAMOIVIÈTRE (Mécan.). On donne le nom de dynamo-
mètres aux appareils qui permettent la mesure des forces au
moyen de l'élasticité des corps solides. Ils se composent
essentiellement d'un ressort dont on note la flexion. L'ins-
trument est gradué préalablement avec des poids connus.
Si la force appliquée produit la même flexion qu'un poids
de 5 kilogr., 10 kilogr., etc., on dit qu'elle vaut 5 kilogr.,
40 kilogr., etc. Le" nombre de dynamomètres employés
par l'industrie dans les divers pays d'Europe ou en Amé-
rique est très considérable. On peut les rattacher à trois
types : dynamomètres de traction, dynamomètres de
rotation, dynamomètres pour r évaluation des charges.
I. Dynamomètres de traction. — Le dynamomètre le plus
simple est le peson du commerce (fig. 1). Il se compose d'un
ressort en forme de V dont chaque branche porte un arc
de cercle métallique qui lui est fixé et qui traverse l'autre
Fig. 1. — Peson du
commerce.
Fig. 2.— Dynamo-
mètre Leroy.
branche. L'extrémité de l'un des arcs porte un crochet
auquel on peut suspendre un poids ou appliquer une force
quelconque ; l'extrémité du second arc porte un anneau qui
sert à suspendre l'instrument. Sur ce second arc est tracée
une graduation. Un autre dynamomètre ulihse un ressort à
boudin disposé dans un tube fermé à ses deux bouts (fig. 2).
Le ressort s'appuie d'une part contre la base supérieure du
tube, d'autre part contre un piston mobile, dont la tige est
graduée et se termine au dehors par un anneau servant à
iixer l'appareil. A la partie inférieure du tube est un
crochet auquel on applique la force à mesurer. Celle-ci
471
DYNAMOMÈTRE
tire la base supérieure du tube vers le piston et fait sortir
du cylindre une portion de la tige d'autant plus longue
que la force est plus intense. Le dynamomètre de Régnier
(fig. 3) convient pour la mesure de forces plus intenses.
Il se compose d'un ressort à deux branches réunies par
Fig. 3. — Dynamomètre de Régnier.
leurs extrémités AB. Le milieu D de l'une des branches est
fixe ; c'est au miheu G de la seconde que l'on apphque la
force à mesurer sous forme de pression, en orientant la
ligne des miheux suivant la direction de la pression. Les
branches se rapprochent et ce mouvement est rendu visible
par le déplacement d'une aiguille Om sur un cadran. Cet
appareil peut s'employer d'une autre manière si l'on a
affaire à des forces plus considérables. On fixe l'une des
extrémités et on applique la force à l'autre sous forme de
traction. Le système s'aplatit encore et une pointe intérieure
de l'aiguille n mesure la force sur un second arc concen-
trique au premier. Ce second mode de mesure convient
pour des forces plus intenses, telles que la force muscu-
laire d'un cheval.
Ces divers appareils présentent tous un même inconvé-
nient : la sensibilité diminue dès que la force devient con-
sidérable; le déplacement de l'indicateur pour un même
accroissement de la force est d'autant plus faible que la
déformation du ressort est plus grande. Poncelet a évité
ce défaut dans son dynamomètre. Celui-ci est formé de
deux lames d'acier égales et parallèles, articulées à leurs
^ -_,
Fig. 4. — Dynamomètre de traction.
extrémités. Le milieu de l'une d'elles est fixe; au miHeu
de l'autre, on applique la force, et la déformation se
lit sur une règle divisée devant laquelle glisse un index
fixé à l'autre lame. Quand les forces sont considérables,
on peut tailler les lames suivant la forme parabolique :
on sait en effet que cette forme jouit de la propriété de
donner à la résistance de la lame à la rupture la même
valeur sur toute sa longueur; de plus, la flexion est double
pour un même effort. Morin a constaté qu'il y a propor-
tionnalité entre la force agissante et la flexion jusqu'à une
flexion égale au dixième de la longueur des lames.
On peut enregistrer les flexions du ressort du dynamo-
mètre à chaque instant. Il suffit d'adapter au ressort un
style appuyant sur une bande de papier qui se déroule
d'un mouvement continu. Un second style trace sur le
papier une ligne qui correspond à un effort nul. L'ordonnée
de la courbe tracée par le style mobile fait connaître à
chaque instant l'effort exercé. Si les indications du dyna-
momètre sont proportionnelles aux forces, et le mou-
vement du papier au déplacement du véhicule, l'aire de la
courbe tracée mesure le travail effectué : donnée capitale
en mécanique. Aussi le nom de dynamomètres enregis-
treurs sous lequel ces instruments sont connus n'indique-
t-il pas d'une manière assez explicite les services qu'ils
peuvent rendre. L'aire peut être évaluée par les procédés
ordinaires de quadrature ou par l'emploi d'un planimètre.
On peut, plus simplement encore, comme l'a proposé
Morin, se servir d'un papier homogène, le découper suivant
la droite fixe et la courbe et peser la bande obtenue. Le
poids est proportionnel à la surface.
Comme exemple de dynamomètre de traction, nous décri-
rons celui qui est employé le plus souvent dans les expé-
riences relatives au tirage des voitures, des charrues, des
bateaux, etc. Il se compose (fig. 4) de deux lames égales,
d'environ 68 centim. de long, planes à leur face interne,
paraboliques à leur face externe et articulées à leurs
extrémités. Elles sont saisies en leur milieu par deux
griffes : l'une se fixe au véhicule en expérience, l'autre
porte un petit anneau auquel s'accroche la volée ou la
corde sur laquelle le moteur doit agir. Pour empêcher les
lames d'être forcées, on fixe à la lame postérieure deux
brides d'arrêt, l'une au-dessous, l'autre au-dessus des
lames : celle de dessus est seule visible sur la figure où
elle affecte la forme d'une fourchette à deux branches. A
la griffe antérieure est fixé un pinceau, au-dessous duquel
se déroule une bande de papier animée d'un mouvement
proportionnel à celui du véhicule, mais dans une direction
perpendiculaire. Ce mouvement est emprunté à l'une des
roues de la voiture par un système de poulies, de cordes
sans fin et de vis de renvoi. Un second pinceau fixé à
l'une des brides d'arrêt trace sur le papier la ligne droite
qui sert de terme de comparaison.
Dans la catégorie des dynamomètres de traction se ran-
gent encore les divers dynamomètres employés sur les
lignes de chemins de fer. Tel est le wagon dynamométrique
des chemins de fer de FOuest. Sous la plate-forme de ce
wagon sont deux groupes de ressorts, dont l'un s'attache
au crochet d'attelage du wagon et permet de connaître la
résistance du véhicule à la traction, et dont l'autre se relie
aux tiges des tampons et entre en jeu quand le wagon, au
heu d'être tiré, est refoulé. Chacun de ces groupes de res-
sorts est d'ailleurs muni d'un style enregistreur qui inscrit
sur une bande de papier la courbe des résistances. Le
dynamomètre Dudley, employé en Amérique, fonctionne
d'après un mécanisme un peu différent. La traction et la
poussée sont transmises au piston d'un cylindre rempli
d'huile et relié à un second cylindre dont le piston met en
mouvement le crayon enregistreur. Des dispositions méca-
niques assez compliquées permettent d'enregistrer diverses
autres données, telles que la quantité d'eau empruntée au
tender, le nombre de pelletées jetées dans le foyer, les
distances parcourues, les dénivellations de la voie, etc. Les
dynamomètres précédents ne permettent de connaître que
la résistance des wagons remorqués sans donner aucun
renseignement sur celle de la locomotive et du tender, qui
peut être très supérieure à la première dans les trains
rapides, par suite de la résistance de l'air. Le dynamo-
mètre Desdouits permet de connaître toutes ces résistances
en enregistrant les secousses du départ, de l'arrêt, etc. Il
se compose d'un segment de cercle oscillant dans une boîte
placée sur le plancher du wagon. Il enregistre le démar-
rage, le patinage, l'action des freins, etc.
IL Dynamomètres de rotation. — Les dynamomètres
décrits précédemment ne s'appliquent qu'aux appareils qui
sont déplacés (voitures, charrues, bateaux, etc.) ; mais,
dans les ateliers, le travail mécanique est toujours trans-
mis par des systèmes animés d'un mouvement circulaire
DYNAMOMÈTRE — DYNAMOSCOPE
— 172
continu. On l'évalue au moyen de dynamomètres d'un type
différent, dit de rotation, et qui permettent de mesurer la
portion du travail transmise à une machine par un arbre
moteur qui en dessert plusieurs autres. Ils se divisent en
dynamomètres de transmission et dynamomètres d'ab-
sorption.
1° Les dynamomètres de transmission se composent
essentiellement d'un organe moteur et d'un organe de ré-
sistance, poulie ou autre ; un mécanisme quelconque trans-
met la rotation de l'un à l'autre. On peut les subdiviser
en deux groupes: dynamomètres a flexion, dans lesquels
la poulie folle est reliée à la poulie fixe par des ressorts
calés sur l'arbre; la flexion des ressorts, proportionnelle
à la résistance, est transmise à une aiguille indicatrice :
le type en est le dynamomètre Morin ; dynamomètres à
engrenages, dans lesquels la roue motrice s'engrène sur
un pignon mobile : le type en est fourni par le dynamo-
mètre Bourdon.
Le dynamomètre de Morin se compose, en principe, de
deux poulies montées sur un même arbre. La première, fixe
sur l'arbre, reçoit par une courroie le mouvement de rotation
de l'arbre moteur ; la seconde est folle sur l'arbre, mais lui
est reliée par un couple de lames élastiques, dirigées, a l'état
de repos, parallèlement au rayon moyen intermédiaire et en-
castrées dans l'arbre. L'autre extrémité de chacune des lames
est engagée entre deux couteaux d'acier que porte la poulie B
près de sa circonférence. Cette poulie transmet par une cour-
roie le mouvement à la machine dont on veut mesurer le
travail résistant utile. Un crayon ou un pinceau, placé au
milieu du système des lames élastiques, dessine une courbe
sur une bande de papier dont le mouvement est propor-
tionnel à celui de l'arbre. L'ordonnée de la courbe, par
rapport à la droite qui serait tracée dans l'état naturel de
l'appareil, est proportionnelle à l'effort développé, et l'aire
est proportionnelle au travail transmis.
Le dynamomètre Bourdon se compose de deux arbres
parallèles sur lesquels sont montées deux pouHes. La
première reçoit par une courroie le mouvement de ro-
tation de l'arbre moteur ; elle communique ce mouvement
à la seconde par l'intermédiaire d'un engrenage sans frot-
tement et transmet ce travail, au moyen d'une cour-
xoie, à la machine dont on veut mesurer le travail résistant
utile. Les poulies et les roues dentées ont le même dia-
mètre. L'un des arbres a la faculté de ghsser dans ses
coussinets et vient buter contre le sommet d'une lame
élastique boulonnée à ses deux extrémités à un support
fixe. La flexion de la lame est indiquée par une aiguille
articulée à une pièce fixée en son miheu. Le dynamomètre
Brown fournit un autre exemple de dynamomètre à engre-
nage. Il se compose d'une roue motrice dentée qui engrène
un pignon mobile de même diamètre ; celui-ci entraîne la
roue de résistance, qui enveloppe les deux pignons au
moyen d'une denture intérieure. L'arbre mobile du second
pignon est relié à un fléau dont on charge de poids l'extré-
mité libre pour amener le pignon mobile à son zéro.
Les dynamomètres de transmission précédents (Morin,
Bourdon, Brown) sont séparés des machines dont ils enre-
gistrent le travail. D'autres dynamomètres, dits directs,
font partie intégrante de la machine. Ils ne sont pas très
répandus dans 'l'industrie. Le dynamomètre de Taurines
est en usage dans la marine française. On sait que dans
les navires à hélice l'arbre des manivelles des machines à
vapeur est dans le prolongement de l'arbre de l'hélice
auquel il est Ué par un manchon ou par tout autre pro-
cédé ; le dynamomètre Taurines se place au point d'inter-
ruption des deux arbres. Les efforts entre les deux arbres
sont tidusmis par des ressorts dont l'axe est perpendicu-
laire à l'axe de l'arbre. Ces ressorts travaillent dans le
sen« de leur longueur; leurs déformations sont propor-
tiji.noies aux efforts transmis et leur élasticité se conserve
indéfiniment. Ce dynamomètre permet d'évaluer des tra-
vaux de plusieurs milliers de chevaux. Le pandynamomètre
11 rn mesure l'effort transmis par un arbre moteur par la
torsion qu'il subit entre la poulie motrice et la poulie
résistante.
2« Les dynamomètres d'absorption permettent de
connaître le travail en l'absorbant et non pas en le trans-
mettant. Le plus simple et le plus ancien est le frein de
Prony qui permet de savoir le travail produit par un mo-
teur et transmis par un arbre. Il sera décrit, avec les per-
fectionnements qu'on y a apportés de nos jours, au mot
Frein. D'autres dynamomètres d'absorption sont fondés
sur l'inertie. Le dynamomètre Fronde se compose de deux
turbines montées sur un même axe et enfermées dans une
enveloppe dont l'extérieur porte un levier et dont l'inté-
rieur est garni de lames comme celles des turbines. L'en-
veloppe est remplie d'eau et quand l'appareil tourne, la
projection de l'eau sur les parois tend à entraîner l'enve-
loppe avec une force mesurée par les poids que l'on place
à l'extrémité du levier. Le dynamomètre à courroie Fronde
se compose d'une courroie passant sur une poulie de grand
diamètre, puis sur une poulie de plus faible diamètre. Les
deux brins de la courroie sont rendus parallèles au moyen
de pouUes mobiles aux chapes desquelles on accroche deux
poids qui maintiennent ces pouHes au même niveau et
équilibrent par suite la tension de la courroie. On compare
la tension du brin moteur à celle du brin résistant et on
en déduit l'effort absorbé par la résistance. Dans les dyna-
momètres à courroie Hefner von Alteneck, Elihu Thomp-
son, on ne mesure plus la différence de tension de deux
brins, mais leur différence de rigidité.
III. Dynamomètres pour l'évaluation des charges. —
Enfin, il convient de mentionner un autre dynamomètre
dans lequel la déformation élastique des solides est obser-
vée d'une manière toute différente, grâce à un procédé
optique. Les dynamomètres décrits jusqu'ici ne permettent
pas la mesure des pressions qui s'exercent entre deux
corps solides sans chemin appréciable parcouru, cas inté-
ressant pourtant quand il s'agit d'évaluer les résistances
statiques mises en jeu par les presses, étaux, balanciers,
l'évaluation des charges supportées par les matériaux de
construction, la déformation des métaux, etc. Fresnel a
démontré qu'un corps solide transparent et homogène, s'il
est tiré ou pressé suivant une seule direction, acquiert la
double réfraction et par suite fait apparaître des couleurs
en lumière polarisée. Wertheim a utilisé cette action dans
son dynamomètre. Celui-ci se compose d'une plaque de
verre, parfaitement transparente et assez épaisse pour pou-
voir supporter des pressions très considérables. Cette plaque
est placée entre deux plateaux en fonte suffisamment épais.
Une plaque de porcelaine blanche, bien éclairée, donne une
image lumineuse, qui, après avoir passé par un nicol, tra-
verse la plaque de verre et est reçue par l'œil. La couleur
de l'image permet d'évaluer l'effet produit. La principale
difficulté de l'expérience, c'est d'éviter que le verre ne
subisse une flexion transversale qui ferait apparaître des
bandes colorées et s'opposerait à toute détermination. On
y arrive en donnant à la plaque une épaisseur de 2 à
3 centim.
Un autre dynamomètre pour l'évaluation des charges
a été construit d'après des principes différents par le
D^ Frankel. On peut l'employer pour mesurer la déforma-
tion que le passage d'un train fait subir aux poutres <^\\\\
pont métaUique. On le fixe sur la pièce à observe- a
moyen de vis de pression et il inscrit sur une bande de
papier mobile les variations d'écartement des deux extré-
mités de la poutre. Connaissant la longueur dont une
bande de fer s'allonge sous l'influence d'une pression de
i kilogr., on déduit Immédiatement de l'allongement enre-
gistré la charge subie. Des systèmes de leviers convena-
blement placés permettent d'amplifier les déformations qui
sont très petites. D. B.
DYNAMOSCOPE (Médec). Le dynamoscope est un ins-
trument qui sert à ausculter certams bruits du corps qui
paraissent dus à la contraction fibrillaire des muscles. Le
dynamoscope, imaginé par le D"^ Collongues, se compose
— 173 —
DYNAMOSCOPE - DYSAULES
d'une lige métallique de 10 à 15 cent, de longueur dont l'une
des extrémités amincie doit être introduite dans l'oreille de
l'observateur, dont l'autre extrémité, creusée en dé, peut
recevoir la dernière phalange de l'un des doigts du malade.
Lorsqu'on se sert de cet instrument sur un sujet normal,
l'oreille perçoit un bruit continu, sorte de bourdonnement
qui rappelle le roulement d'une voiture pesamment chargée,
bourdonnement entremêlé de petits grésillements on pé-
tillements. Tous ces bruits peuvent bien se percevoir si
on introduit dans l'oreille le doigt du sujet examiné, mais
ils sont bien moins nets que lorsqu'on se sert du dynamo-
scope. Ce qui prouve en tous cas qu'il s'agit là d'un bruit
qui provient bien réellement du doigt en observation et
non de l'observateur, c'est que si on écoute, avec ou sans
l'instrument, le doigt d'un cadavre, on n'entend ni bour-
donnement ni grésillement. Les bruits perçus par le dyna-
moscope varient suivant l'état de maladie. D'une façon
générale, on peut dire que le bourdonnement s'accélère
dans les états fébriles, diminuant, au contraire, ou même
disparaissant totalement dans les paralysies complètes.
D'après Collongues qui a étudié les diverses variatioas
d'intensité et de rythme du bourdonnement, lorsque celui-
ci est simplement plus fort et plus rapide, mais continu,
c'est le signe d'un état morbide sans gravité. Le bourdon-
nement devient-il tremblotant ? c'est au contraire l'indice
d'une affection sérieuse. Si le bourdonnement est inter-
mittent, on a lieu de craindre une maladie très grave.
L'absence de bourdonnement à l'extrémité des doigts est,
enfin, l'indice d'une mort prochaine. Il faut cependant savoir
que le bourdonnement cesse dans les paralysies complètes
et qu'il peut s'interrompre momentanément dans cer-
tains états morbides tels que la syncope, l'épilepsie, l'apo-
plexie, etc. On a proposé de se servir du dynamoscope pour
s'assurer de la réalité de la mort, mais comme l'absence
du bourdonnement peut se rencontrer dans divers états
morbides, comme ce signe n'est pas des plus faciles à
apprécier, il est préférable de se fier à des indices plus
certains (auscultation des bruits cardiaques en particulier).
Le dynamoscope peut, par contre, être utilement consulté
pour la diagnose des paralysies simulées : c'est là un mode
d'exploration commode qui mériterait d'être plus employé.
D'^ Alphândéry.
DYNANT (V. Dînant).
DYNASTES [Dynastes Kirby) (Entom.). Genre de
Coléoptères, de la famille des Scarabéides {Lamallicornes
de Latreille), qui a donné son nom au groupe des Dynas-
tites. Les représentants sont nettement caractérisés autant
par l'existence, derrière les hanches antérieures, d'une
saiUie en forme de cône allongé et très velue, que par la
présence, chez les mâles, d'une grande corne arquée et den-
tée, implantée sur le vertex, et d'une autre corne horizontale
plus ou moins longue, densément velue en dessous , fixée
sur le prothorax, dont elle forme le prolongement. Les cinq
espèces qui composent ce genre sont exclusivement améri-
caines. La plus connue est le T). Herculesh., ou Scarabée
Hercule. Le mâle est remarquable par sa grande taille et sa
forme bizarre. Il mesure 127 millim. Ses deux cornes, dont
celle du prothorax est très allongée, sont d'un noir profond
comme le reste du corps, à l'exception des élytres qui sont
lisses, d'un vert olive clair et ornées çà et là de quelques
petites taches noires. La femelle, dépourvue de cornes,
est d'un brun noirâtre et uniformément recouverte, tant en
dessus qu'en dessous, de poils bruns très courts mais très
serrés. Ce remarquable insecte est commun aux Antilles et
en Colombie. On le trouve sur le tronc des vieux arbres,
dans l'intérieur desquels ont vécu ses larves. Ed. Lef.
DYNE. C'est l'unité de force adoptée dans le système
C. G. S. C'est la force qui, agissant sur la masse de 1 gr.,
lui imprime une accélération égale à 1 centim. par seconde.
DY NO MENE (Malac). Ce nom qui a beaucoup trop
de ressemblance avec Bijnaynene (genre d'Isopodes) a
été donné par Latreille à des Crustacés très voisins des
Dromies, qui diffèrent surtout de ce dernier ge^îre parce
que la dernière paire de pattes seulement est relevéejsur
le dos. — Type : 1). hispida, de l'île de France. R. Mz.
D Y NIER (Edmond de), historien belge, né à Dynter,
près de Bois-le-Duc, vers 1375, mort à Bruxelles en 1448. Il
devint secrétaire d'Antoine de Bourgogne, duc de Brabant,
et, après la mort de ce prince, il conserva la même charge
auprès de ses deux fils et successeurs, Jean IV et Phihppe
de Saint-Pol. Il laissa un manuscrit d'intérêt capital pour
l'histoire de la Belgique au moyen âge; c'est hClu^onique
des ducs de Brabant, De Dynter était avantageusement
placé pour observer de près les événements et, d'autre
part, il avait accès aux archives de ducs et des couvents.
Il a intercalé dans sa chronique la copie d'une grande
quantité de documents dont les originaux sont aujourd'hui
perdus. Cet ouvrage si précieux n'a été publié qu'en 1854
par les soins de Deram. E. H.
BiBL. : FoppENS, Bibliotheca belgica; Malines, 1739,
2 vol. in-8. — Paquot, Mémoires pour servir à l'histoire
littéraire des Pays-Bas; Louvain, 1765-1770,3 vol. in-fol.
— Henné et Wauters, Histoire de la ville de Bruxelles ;
Bruxelles, 1840, 3 vol. in-8.
DYO (Diocum), Com. du dép. de Saône-et-Loire, arr. de
Charolles, cant. de La Clayette, sur la rivière de Couche
ou de la Baize et le ruisseau de la Côte ; 891 hab. Car-
rières. Moulins, huilerie, poterie. Ruines d'un château qui
fut le berceau de l'importante famille de Dyo et de Dyo-
Montperroux. La seigneurie, qui appartint longtemps aux
de Damas d'Anlezy, était qualifiée comté-palatinat ; ses
possesseurs prenaient le titre de comtes palatins et coïn-
tesses palatines. L-x.
DYONYSOS (V. Dionysos).
DYOTT (William), général anglais, né en 1761, mort
en 1847. Ami personnel de Guillaume IV, il servit obscu-
rément aux Indes, en Egypte, et prit part à l'expédition de
Walcheren.
DYRRACHIUM (V. Durâzzo).
DYRSKJŒT (Peder-Larsen), paléographe danois, né à
Aagaard, paroisse d'CErum (Jutland), le 10 avr. 1630,
mort à Knserœ (paroisse de Jerslev) le 13 oct. 1707. Fils
d'un paysan tué (1644) à l'âge de quatre-vingt-quatre ans,
à la tête d'une bande qu'il conduisait contre les envahis-
seurs suédois, il fut une trentaine d'années employé dans
des bureaux où il prit goût à la lecture des anciens docu-
ments. Aussi, quoiqu'il n'eût pas plus fréquenté les écoles
que son contemporain, le paysan islandais Bjœrn Jénsson
de Skardsâ, recueillit-il comme lui nombre de vieux papiers,
manuscrits ou imprimés, des chansons et des documents
de toute sorte. Les nobles et les ecclésiastiques facihtaient
ses recherches et consultaient cet humble scribe qui, après
son mariage, redevint un simple travailleur des champs.
D légua ses grandes et précieuses collections à l'évêque
d'Aalborg, Bircherod ; elles ont en grande partie passé à
la bibliotlièque royale de Copenhague et aux archives pri-
vées, où l'on consulte encore avec fruit ses copies qui
remplacent beaucoup d'originaux perdus. Beauvois.
DYSASTER (Paléont.). Genre d'Oursins fossiles, consti-
tuant avec quelques genres voisins une sous-famille des
Holasteridœ (V. Holaster), remarquable par un appareil
apical très allongé et consolidé par des plaquettes surnu-
méraires. Il en résulte que les trois ambulacres antérieurs
(Trivium) sont très éloignés des deux postérieurs (Biviurn).
Il n'y a pas de fascioles. — Les Dysasterinœ peuvent être
considérés comme la forme primitive des Holasteridœ et
des Spatangidœ. Tous sont du jurassique et du crétacé,
commençant dans le bajocien (Jura moyen) avec le genre
Collyrites (Desmoulins). Nous citerons C. elliptica de
l'oolithede Mamers (Sarthe). Dysaster est du jurassique
supérieur (D. granulosus) et du crétacé. Grasia est du
corallien de l'Yonne et de l'Isère, et Metaporhinus est
très commun, surtout dans l'étage tithonique des Alpes et
le crétacé inférieur. E. Trt.
DYSAULES (Mylh. gr.). Père de Triptolème, frère de
Celée ; d'après une légende de Phlionte, il aurait été chassé
DYSAULES — DYSMÉNORRHÉE
— 174 — *
d'Eleusis par Ion et aurait apporté aux Phiiasiens les mys-
tères éleusiniens; on montrait son tombeau à Celeœ.
DYSCHROWIATOPSIE (V. Achromatopsie).
DYSCRASE (Discrase, argent antimonial) (Miner.),
Antimoniure d'argent, isomorphe de la chalcosine. Ortho-
rhombique.a : b : crr=0,578 : 1 : 0,672; mm rr: 11 9° 59^
b^l^b^r = 1320 42^ Formes principales : m,g^,p. b^jo,
e^l^. Clivages e^ et p faciles, m imparfaits. Densité: 9,4 à
9,82 ; blanc d'argent ou blanc d'étain. Cassure inégale.
Ce minéral n'a pas une composition constante, la teneur en
argent oscille de 72 à 84,7 «/q. Au chalumeau, fond en
donnant un globule d'argent et les réactions de l'anti-
moine ; soluble dans l'acide azotique en laissant un résidu
d'oxyde d'antimoine. Le dyscrase se trouve à Wolfbach
(Baden), Wittichen (Souabe), Andreasberg (Hartz), Aile-
mont (Isère), etc. A. Lacroix.
DYSCRASIE (Méd.). Dans l'ancienne médecine, compo-
sition vicieuse des humeurs, caractéristique d'un mauvais
tempérament. Aujourd'hui on n'entend plus par ce mot
qu'une altération du sang et des humeurs en général résul-
tant de la maladie, d'une dialhèse (cancéreuse, scrofuleuse,
syphihtique, etc.). D^L. Hn.
DYSENTERIE (Méd.). La dysenterie, dyssenterie ou
colite ulcéreuse, est une affection intestinale, épidémique,
caractérisée par une diarrhée liquide et sanguinolente avec
ténesme, par un état général plus ou moins grave et une
grande tendance aux récidives. La dysenterie s'observe aussi
souvent chez les enfants que chez les grandes personnes.
Dans le jeune âge, elle paraît frapper avec la même fré-
quence les enfants de l'un ou l'autre sexe; plus tard, elle se
rencontre plus souvent chez l'homme, sans doute parce que
le genre de vie de celui-ci l'expose plus facilement aux
atteintes de la maladie. Parmi les causes qui paraissent
favoriser l'apparition de la dysenterie, il faut noter les cha-
grins, la crainte, la nostalgie, le surmenage intellectuel ou
physique, et d'une façon générale toutes les affections anté-
rieures qui ont pu être une cause de débilitation pour l'or-
ganisme. Les variations atmosphériques brusques, une nour-
riture vicieuse, l'encombrement jouent le rôle de causes
déterminantes. On a beaucoup discuté sur la question de
savoir si la dysenterie était ou non contagieuse ; en réalité
la question n'est pas encore complètement résolue. La dysen-
terie est endémique dans certains pays chauds oti elle
règne constamment; dans nos climats elle peut être spora-
dique, c.-à-d. ne frapper qu'une personne ou quelques
individus isolés, ou bien épidémique, c.-à-d. atteindre en
même temps et dans le même lieu un grand nombre de per-
sonnes. La dysenterie débute ordinairement d'une façon
brusque, excepté dans les cas très intenses où elle est pré-
cédée d'une courte période de malaise. Le sujet sent de
vives douleurs dans le flanc gauche, douleurs qu'exaspère
la pression et qui s'irradient parfois dans tout l'abdomen ;
il éprouve le besoin d'aller du corps, et les évacuations
qu'il produit péniblement, à des intervalles de plus en plus
rapprochés, s'accompagnent de ténesme rectal et quelque-
fois vésical. L'état des garde-robes, qui varie suivant la
période de la maladie, est tout à fait caractéristique. Au
début, le malade rend des matières glaireuses, d'une odeur
fade, rappelant assez bien l'aspect du frai de grenouille; on
y voit déjà par,fois quelques filets de sang. Plus tard, la
couleur des matières devient rougeâtre, et le liquide séro-
purulent ou même constitué par du sang pur qui les entoure
contient des pellicules blanchâtres, formées par des lam-
beaux de la muqueuse intestinale. L'affection est-elle plus
grave ? les matières sont encore plus sanguinolentes ; leur
apparence devient comparable à des fraises ou des fram-
boises écrasées; elles sont même parfois mêlées à des
cylindres noirâtres constitués par des lambeaux gangrenés
du tube digestif. Le nombre des évacuations est variable.
Dans les dysenteries légères le malade va de dix à douze
fois du corps sans trop souffrir; dans les formes mortelles
le besoin d'évacuer est incessant, et on a vu certains sujets
aller à la garde-robe jusqu'à deux cents fois dans l'espace
de quelques heures. Les symptômes généraux qui accom-
pagnent les troubles précédents sont en rapport avec Tin-
tensité de la maladie. La dysenterie est-elle légère? il n'y
a pas de fièvre; tout au plus y a-t-il une diminution légère
de l'appétit avec une sensation de malaise, de faiblesse plus
ou moins marquée. S'agit-il d'une forme plus intense? la
fièvre parait, la soif devient vive, la figure se grippe, le
malade a envie de vomir ou même vomit. Dans les cas
tout à fait graves la fièvre s'élève ; la peau devient sèche
et terreuse ; les yeux sont caves, les lèvres sèches et noires ;
l'expression du visage est profondément altérée, la pros-
tration des forces arrive au dernier point. On conçoit que
la marche de la maladie doit être singulièrement influencée
suivant que l'on a affaire à telle ou telle des formes décrites.
La dysenterie de nos pays ne dure ordinairement que
quelques jours, et la guérison est la règle surtout dans les
cas sporadiques. Lorsque l'affection revêt la forme épidé-
mique, le pronostic est déjà plus sérieux, les cas^ de
mort n'étant pas rares. Le sujet meurt alors soit de l'in-
tensité du mal, soit d'un abcès du foie, soit d'un érysipèle
gangreneux, soit encore d'une pneumonie ou d'une affec-
tion tuberculeuse intercurrente. Quelquefois le malade
parait se remettre; les symptômes généraux et locaux
s'amendent ; l'affection revêt une forme chronique, mais la
terminaison fatale ne s'en produit pas moins soit à la suite
d'un marasme progressif, soit du fait d'une recrudescence
aiguë. La dysenterie chronique peut cependant guérir, mais
alors sa durée est longue, et il est habituel que le malade
s'en ressente fort longtemps. La dysenterie des pays chaudâ
est la plus grave comme pronostic. Les cas de mort sont ici
fréquents soit à la suite de la forme aiguë, soit à la suite
de la forme chronique ; elle frappe cruellement les Euro-
péens qui viennent s'établir dans les pays chauds.
C'est une maladie contre laquelle on peut se prémunir
jusqu'à un certain point en observant une hygiène sévère
dans les pays où cette affection est endémique, ainsi que
dans les moments où elle règne d'une façon épidémique.
C'est ainsi par exemple que l'on doit éviter toute cause de
débilitation, quelle qu'elle soit, s'abstenir soigneusement de
toute eau impure non bouillie, se prémunir contre les varia-
tions de température, et traiter sévèrement dès le début
tout dérangement intestinal. Lorsque la dysenterie est décla-
rée, les purgatifs salins, les lavements d'amidon laudanisés,
les applications émoflientes sur le ventre, la diète, le repos
suffisent dans les cas légers. Dans les formes plus graves
on emploie avec avantage les purgatifs, les astringents, les
opiacés, et surtout l'ipéca qui justifie pleinement son nom
de racine antidysentérique. L'association^ de l'ipéca aux
opiacés est particulièrement avantageuse : l'opium fait en
effet mieux supporter l'ipéca, et il ajoute son action propre
à celle de ce médicament. Dans les formes chroniques, les
lavements astringents ou cathérétiques ont surtout leur
indication, mais sans détriment du traitement précédent.
Dans tous les cas, le malade doit soutenir ses forces par
des toniques et une alimentation réparatrice dont le lait et
la viande crue constituent la base. Pendant la convalescence,
il est bon de surveiller attentivement le régime du malade
qui doit suivre une hygiène rigoureuse pour éviter toute
récidive. ^^ Alphandéry.
DYSMÉNORRHÉE (Méd.). La dysménorrhée est un état
pathologique caractérisé par l'écoulement difficile et doulou-
reux du sang menstruel. Cette affection peut résulter de
diverses causes qui ont permis de grouper les diverses dys-
ménorrhées en quatre groupes principaux. La première,^ la
dysménorrhée mécanique ou chirurgicale, résulte d'un
obstacle au cours du sang; elle provient d'un rétrécissement
de la vulve, du vagin, de Vutérus ou des trompes de Fal-
lope, que la sténose soit produite par une tumeur, une
rétraction cicatricielle, ou bien une disposition congénitale.
La dysménorrhée nerveuse s'observe surtout chez les jeunes
filles chloro-anémiques ; elle se rencontre particulièrement
chez les hystériques; elle est ordinairement sinon guérie,
du moins notablement améliorée par le mariage. La dys-
— 175
DYSMÉNORRHÉE — DYSPEPSIE
ménorrhée congestive est due à l'exagération de l'afflux
sanguin vers les parties profondes de l'appareil génital. On
la remarque surtout chez les sujets robustes, bien qu'elle
puisse se produire cependant chez des femmes d'une appa-
rence grêle à la suite d'abus de coït ou comme phénomène
concomitant d'une aifection utérine. La dysménorrhée mem-
braneuse garde une physionomie un peu à part à côté des
trois premiers groupes. Elle mérite d'être détachée des pré-
cédentes formes ; aussi sera-t-elle étudiée plus loin après
celles-ci. Les symptômes qui se produisent dans la dysmé-
norrhée sont à peu de chose près les mêmes, quel que soit
le point de départ de l'affection. Un peu avant le moment
où les règles vont apparaître, la femme éprouve d'abord
une sensation de malaise, de pesanteur plus ou moins accen-
tuée du côté du rein et du bas-ventre. Ces symptômes vont
ensuite en s'aggravant : le ventre devient dur, tendu, dou-
loureux; des tiraillements douloureux se produisent du
côté des reins. L'utérus devient le siège de coliques très
pénibles. Les urines sont émises plus fréquemment, quoique
plus rares et plus foncées. Il y a en outre, suivant les sujets,
diarrhée ou constipation avec besoins fréquents d'aller à h
selle. En même temps que ces troubles locaux ou de voi-
sinage s'observent des symptômes généraux dont l'inten-
sité est susceptible de présenter les plus grandes variations.
Le plus souvent la malade devient triste, irritable, riant
ou pleurant pour les causes les plus futiles ; parfois elle est
atteinte de véritables crises de nerfs. Du côté du tube
digestif, on observe une diminution de l'appétit coïncidant
avec un état saburral plus ou moins marqué. On a vu qu'il
y avait ordinairement soit diarrhée, soit constipation; il
peut y avoir également envies de vomir ou même vomisse-
ments dans les formes les plus intenses. Ces phénomènes
s'amendent généralement dès que les règles apparaissent,
surtout dans les formes congestive et nerveuse. Dans la
dysménorrhée chirurgicale, le sang ne peut que s'écouler
péniblement à cause de l'obstacle mécanique ; aussi les phé-
nomènes douloureux persistent-ils durant quelques jours.
Les règles terminées, phénomènes locaux comme phéno-
mènes généraux disparaissent, et la santé est habituelle-
ment bonne dans l'intervalle des crises. — La dysménorrhée
membraneuse est caractérisée par l'expulsion d'une partie
ou de la totalité de la muqueuse de l'utérus. Il se produit
dans ce cas, par suite d'un état morbide, un fait identique
à celui qui s'accomplit dans l'accouchement où cette mu-
queuse sort avec le fœtus. L'état sous lequel se présente la
muqueuse dans la dysménorrhée est variable. Exception-
nellement elle sort en entier sous l'apparence d'un petit sac
triangulaire présentant à chacun de ses angles un orifice ;
plus fréquemment elle s'échappe au contraire par lambeaux
plus ou moins étendus ; dans les deux cas son apparence
est elle-même sujette à varier suivant que la muqueuse a
été expulsée de l'utérus sitôt après son décollement ou
qu'elle y est restée un certain temps. Les symptômes de la
dysménorrhée membraneuse sont à peu près les mômes
que dans les autres dysménorrhées ; seulement, comme cette
affection est presque toujours accompagnée d'autres altéra-
tions de l'utérus, les symptômes qui résultent des diverses
lésions viennent ajouter leur nuance propre au tableau chi-
mique. Le traitement de la dysménorrhée dépend de la cause
qui la détermine. Dans la dysménorrhée mécanique, on
pratique la dilatation s'il s'agit d'un rétrécissement d'une
des parties du canal génital, l'excision si l'obstacle à l'écoule-
ment menstruel est une tumeur. Contre la dysménorrhée
nerveuse^ on a recours aux calmants et au repos au moment
des règles ; dans l'intervalle on prescrit les toniques et les
sédatifs. La dysménorrhée congestive est combattue de la
même façon au moment des règles; dans l'intervalle, on
emploie les saignées locales, les purgatifs répétés, les alca-
lins, quelquefois même les emménagogues (particulièrement
dans les congestions passives). La dysménorrhée membra-
neuse étant une affection symptomatique, son traitement
est celui de l'affection déterminante. D^ Alphandéry.
DYSMORPHOSA (Dysmorphosa Philippi) (ZooL).
Dysmorphosa carnea Hœck. et
Podocoryne carnea Sars.
Genre d'Anthoméduses (Hydroïdes) de la famille des Mar-
gellides, constitué par de très petites Méduses, d'une colo-
ration rougeâtre ou brunâtre, généralement restreinte aux
parois stomacales, aux glandes sexuelles et aux ocelles,
possédant des tentacules simples, disposés en une seule
rangée, dont quatre sont perradiaux et plus longs et quatre
interradiaux plus courts. La bouche est entourée de huit
appendices non ramifiés ; l'estomac est cylindro-quadran-
gulaire et les canaux radiaires qui en partent sont étroits.
Ce genre comprend quatre espèces. Le D. carnea (Sars)
Hseck. , type du genre,
se trouve sur les côtes
européennes et n'est
autre que la Méduse
libre d'un Polype hy-
draire gymnoblasti-
que, le Podocoryne
carnea Sars. Ce Po-
lype, couleur de chair ,
de 4 à 6 miUim. de
hauteur, possédant
ordinairement douze
tentacules, est fixé
au sol par une mince
membrane recouverte
de petites pointes
obtuses. Cette sorte de racine membraniforme porte un
nombre variable d'individus. Parmi ceux-ci, il en est, dont
le rôle est de produire des bourgeons sexuels, qui sont
plus petits, ne mesurent que de 2 à 4 millim. de haut et
ont seulement de deux à quatre tentacules. Ce sont là les
nourrices des Méduses blanches ou couleur de chair, qui
se forment sur la face libre de leur corps, au-dessous des
tentacules, et qui s'en séparent pour constituer les êtres
décrits plus haut. On connaît quatre espèces de Podoco-
rynes, nourrices de Méduses de la famille des Margellides,
habitant la mer du Nord, la mer Baltique, sur des coquilles de
Gastéropodes, principalement sur celles de la Nassa reticu-
lata, la mer Adriatique, etc. Le genre Lizusa Hœck. diffère
du précédent en ce que ses tentacules buccaux sont disposés
en quatre groupes. C'est là, probablement, la Méduse de
VEiidendrium ramosum. Van Beneden. J. Kunstler.
DYSODES (Ornith.). La famille des Dysodes que La-
treille [Familles natur, du règne animal, 4825) pla-
çait en tête des Passerigalles, dans le voisinage des Hoccos
et des Pigeons (V. ces mots), ne renfermait qu'une seule
espèce, l'Opisthocome hoazin (V. Hoazin) qui pour MM. Scla-
ter et Salvin constitue le type d'un ordre particulier
(Opisthocomi). E. Oustalet.
DYSODYLE (Miner.). Le dysodyle de Cordier (houille
papyracée, merda di Diavolo) est un lignite schisteux,
riche en matières terreuses. Il est formé de feuillets minces,
papy racés, se séparant facilement les uns des autres, et
renfermant parfois des empreintes de poissons ou de plantes.
Flexible et un peu élastique. Densité, 1,14 à l,2o. A l'air
humide, le dysodyle se boursoufle et tombe en morceaux.
Il brûle avec une flamme vive en répandant une fumée à
odeur désagréable, rappelant celle de Vasa fœtida. Il laisse
un résidu de silice, oxyde de fer et d'alumine. Le dysodyle
se trouve en Sicile, aux environs de Giessen et dans divers
gisements de lignite.
DYSOPES (Zool.) (V. Molosse).
DYSOXYLUM (Dysoxylum Bl.) (Bot.). Genre de
Méliacées, qui ne forme plus aujourd'hui qu'une simple
section du genre Epicharis BL, caractérisé par le calice
imbriqué et univalvaire (V. Epicharis). Ed. Lef.
DYSPEPSIE (Méd.), Le mot dyspepsie (de Sùç, diffici-
lement, et tA^i^, digestion) signifie digestion difficile^
digestion lente, laborieuse, pénible, douloureuse. D'après
cette définition, l'indigestion la plus légère serait une dys-
pepsie. Mais il s'agit ici surtout d'un état fréquent, du-
rable, le plus souvent chronique, et non d'une indisposition
passagère, accidentelle. La dyspepsie est caractérisée par
DYSPEPSIE
176 —
un ensemble de symptômes qui peuvent se présenter indé-
pendamment d'un état morbide bien caractérisé avec lequel
ils pourraient se trouver dans une relation pathogénique ;
c'est la dyspepsie simple, la dyspepsie idiopathique des au-
teurs. Plus souvent le syndrome de la dyspepsie est conco-
mitant avec d'autres affections, ou bien les suit, parfois les
annonce, comme cela peut arriver dans le cancer de l'esto-
mac. Ici la dyspepsie est purement symptomatique et ses
formes sont aussi variables que les maladies qu'elle com-
plique.
Pathogénie. Les classifications des variétés de dyspepsie
proposées depuis Galien jusqu'à nos jours sont innombra-
bles et se relient à autant de théories pathogéniques ; il
nous est impossible de donner ici môme un aperçu de ces
classifications. Nous devons nous borner à rechercher en
quoi consiste d'une manière générale le trouble dyspeptique,
quelle en est la nature, quel en est le mode de production.
Envisagée au point de vue strictement physiologique, la
dyspepsie se réduit à deux facteurs, l'un mécanique (mou-
vements), l'autre chimique (sécrétions). Le moindre trouble
de l'une ou de l'autre de ces fonctions détermine de la
dyspepsie. Si la tunique musculeuse de l'estomac, par
exemple, a perdu de sa contractilité par suite d'une phleg-
masie locale, d'une affection adynamique ou cachectique
générale, par parésie, par atonie, etc., ou d'une distension
exagérée due à l'introduction d'un excès d'aliments solides
ou liquides, il se produit une stagnation des aliments qui
fermentent et ne peuvent plus être transformés en matières
assimilables par les sécrétions; cette variété se rapproche
plus ou moins de la dilatation de V estomac (V. ce mot) ;
si, au contraire, il y a exagération dans les contractions, la
dyspepsie est caractérisée par des spasmes, des contrac-
tions, des vomissements; enfin, il peut y avoir perversion
des mouvements péristaltiques de l'estomac : c'est alors la
rumination ou le mérycUme (Y. ce mot).
Quoi qu'il en soit, dans les dyspepsies stomacales, c'est le
chimisme qui joue le rôle le plus important. Le suc gastrique
est naturellement acide et cette acidité n'est pas due exclu-
sivement à l'acide chlorhydrique libre, comme on le croyait,
car l'acidité totale, évaluée par les procédés si exacts de
Hayem, n'en dépend que pour une faible proportion, et même
dans les conditions les plus normales l'acide libre peut faire
défaut ; c'est le chlore combiné qui est le facteur le plus
sérieux de l'acidité totale. Il n'y a donc pas lieu de con-
server les dyspepsies avec hyperacidité ou hypoacidité
des auteurs allemands, pas plus que les hyperchlorhydries
et les anachlorhydries (Sée, A. Robin) des auteurs fran-
çais, parce que toutes ont trait à l'acide chlorhydrique libre,
ou du moins à une acidité dont la nature n'est pas suffi-
samment déterminée. Pour plus de précision, Hayem a in-
troduit dans la science les termes &' hyperpepsie [digestion
exagérée), désignant une sorte d'irritation fonctionnelle de
l'estomac avec exagération de l'acidité (sécrétions trop
riches en chlorures) 'et exagération de la sécrétion gastrique
(qui n'entraine pas nécessairement une suractivité de la
digestion) ; à'hypopepsie, caractérisée par un affaibUsse-
ment des opérations chimiques stomacales, et aboutissant
à Vapepsie si le travail chimique se trouve totalement sup-
primé. Les variétés de dyspepsie qui rentrent dans ces
deux catégories sont très nombreuses ; la classe des hypo-
pepsies en particulier comprend la plupart des dyspepsies
symptomatiques. Dans Vapepsie, ce sont probablement les
glandes gastriques qui se trouvent atrophiées, et alors la
digestion stomacale se réduit à une fermentation anormale
des aliments. Du reste, des fermentations, en général acides,
accompagnent presque toujours l'hypopepsie et souvent
l'hyperpepsie ; nous y reviendrons plus bas.
« Dans toute dyspepsie, dit Hayem, on trouve des
altérations chimiques, des troubles mécaniques, des trou-
bles nerveux. Ceux-ci peuvent varier avec un même genre
d'altération chimique en raison de particularités qui nous
échappent ou peut-être simplement à cause d'une impres-
sionnabilité spéciale du système nerveux. Mais les névro-
pathes sont loin de pouvoir être reconnus, grâce à l'absence
de modifications dans le chimisme stomacal, car on observe
au contraire assez souvent de grandes modifications de ce
chimisme chez des névropathes ne se plaignant pas de
mauvaises digestions. » Il est donc bien certain que les
névroses stomacales peuvent entraîner des modifications du
chimisme stomacal. Peut-il exister une névrose stomacale
(dyspepsie nerveuse de Leube et autres), sans altération
du suc gastrique, dans laquelle les phénomènes gastriques,
pesanteurs, vomissements, etc., ne dépendent que de mou-
vements antipéristaltiques et de contractions anormales de
la musculeuse, la pneumatose d'air avalé, etc.? Les expé-
riences de Hayem ne sont pas favorables à cette opinion
qui trouve cependant en Sée un défenseur autorisé. H y a
lieu, en tout cas, d'admettre une dyspepsie simple, dans
laquelle les troubles mécaniques et nerveux sont prédomi-
nants et où le chimisme n'est que faiblement altéré.
Un mot au sujet des fermentations anormales dont l'es-
tomac peut être le siège. Ce sont généralement des acides
de la série grasse qui se produisent, acides lactique, acé-
tique ou fo unique, butyrique, et de plus des gaz variés,
entre autres des éthers composés, dont l'existence semble se
révéler par l'odeur de l'haleine, et même des produits am-
moniacaux (Hayem). C'est la fermentation acide qui domine
et dans Thyperpepsie et dans l'hypopepsie. La paresse de
la musculeuse favorise les fermentations ainsi que la dila-
tation de l'estomac dont la dyspepsie est une complication
inévitable (Y. Estomac). Dans l'hypopepsie et dans l'apep-
sie, la digestion intestinale supplée généralement à la diges-
tion stomacale. Si l'intestin est pris à son tour, aucun autre
organe ne peut le remplacer, et la guérison devient impos-
sible (Sée) . Il est rare que la dyspepsie stomacale, quelle qu'en
soit l'origine ou la nature, pour peu qu'elle dure un certain
temps, ne s'accompagne pas de dyspepsie intestinale (dys-
pepsie gastro-intestinale de G. Sée). La dyspepsie intesti-
nale se manifeste rarement, au contraire, seule et d'emblée;
en pareil cas, elle peut résulter soit d'une parésie de la
musculature, soit de l'insutfisance ou de l'altération des
sécrétions biliaire, pancréatique, etc., ou d'un antago-
nisme des hquides digestifs. La dyspepsie intestinale (dys-
pepsie iléo-c«cale), suivant Bachelet, serait au contraire plus
fréquente que la dyspepsie gastrique, l'estomac ne jouant,
selon lui, dans la digestion qu'un rôle purement mécanique.
Les travaux modernes n'ont pas justifié cette opinion.
Quant aux causes prochaines de la dyspepsie, elles sont
innombrables; bornons-nous donc à quelques généralités
et à des exemples. Dans la production des hyperpepsies,
l'excitation directe de la muqueuse gastrique (condiments
irritants, alcool, etc.) joue un rôle prépondérant ; le sur-
menage intellectuel est également cité comme une cause de
ce genre de dyspepsies. Les dyspepsies par hypopepsie sont
plus souvent que les précédentes secondaires ou symptoma-
tiques et se rencontrent dans certaines maladies de l'esto-
mac, dans celles d'organes plus ou moins éloignés de l'ap-
pareil digestif, dans les maladies générales, diathésiques,
dyscrasiques, etc. ; dans les formes graves, les troubles
vont jusqu'à l'apepsie, et alors la pepsine manque égale-
ment ; le chimisme physiologique n'a plus lieu et l'estomac
n'est plus que le siège de fermentations anormales. Parmi
les causes d'hypopepsie, on signale la gastrite et le cancer
de l'estomac, puis les maladies de l'utérus, de la vessie,
des reins, du cœur, etc., enfin des affections telles que
l'anémie, le diabète, l'urémie, la maladie d'Addison, les
pyrexies graves ou légères, etc. Dans les maladies des voies
urinaires, par exemple, l'état fébrile, si léger soit-il, peut
suffire pour provoquer la dyspepsie ; d'autres fois, on ne
peut trouver d'autre explication que le retentissement
sympathique. Cette explication est souvent aussi la seule
plausible dans les affections de l'utérus ; elle est indéniable
pour la dyspepsie de la grossesse. Passons au cas des ma-
ladies générales et diathésiques. Dans la fièvre typhoïde,
par exemple, la dyspepsie s'expHque par l'asthénie de la
tunique musculeuse, reflet de l'adynamie générale, et par
— 177 —
DYSPEPSIE — DYSPHAGIE
les déterminations gastriques (lésions inflammatoires mul-
tiples, altérations vasculaires par stase et thrombose, dégé-
nérescence granulo-graisseuse des glandes stomacales) (A.
Chauffard). Il est plus difficile d'expliquer le mode de genèse
de la dyspepsie, par exemple chez les tuberculeux et les
goutteux, les herpétiques. La dyspepsie des tuberculeux,
souvent très précoce, peut apparaître avant les autres
symptômes de la maladie et faire croire à une dyspepsie
d'origine anémique. Celle des goutteux, tantôt précède et
annonce l'accès, tantôt persiste en dehors de toute manifes-
tation articulaire. Chez les herpétiques, on la voit alterner
avec des éruptions cutanées. Dans tous ces cas le mode de
production de la dyspepsie reste plus ou moins mystérieux.
Que dire des dyspepsies qui précèdent, accompagnent ou
suivent les névroses, la gastralgie, l'hystérie, l'hypocon-
drie, etc. ? Tantôt c'est une dyspepsie vraie, fonctionnelle,
tantôt c'est un trouble qui paraît résulter simplement d'une
sensibilité exagérée des nerfs de l'estomac. Nous avons vu
plus haut que cette variété est considérée par nombre d'au-
teurs comme une névrose de l'estomac, comme une dys-
pepsie nerveuse essentielle ; nous nous sommes expliqué sur
cette question et avons vu que chez les névropathes le chi-
misme stomacal est troublé même quand ils digèrent bien
en apparence. On voit qu'il ne saurait être question d'une
classification rationnelle des dyspepsies ; à côté de dyspepsies
simples, protopathiques, accompagnées ou non de troubles
nerveux, c'est un nombre infini de variétés symptomatiques
dont l'étiologie n'est pas aisée à établir, quelquefois même
ne peut être établie dans l'état actuel de la science.
Symptômes. Ils sont variables selon la cause prochaine
de la dyspepsie et le mode de réaction des sujets. Parfois
la dyspepsie ne donne pas lieu à des sensations particulières
et se révèle seulement par un défaut de nutrition, l'assi-
milation se trouvant entravée. Ailleurs ce sont des symp-
tômes très disparates, qui font de la dyspepsie une maladie
protéiforme. Le plus souvent, elle est accompagnée d'inap-
pétence ; le malade même à jeun a une sensation de pléni-
tude de l'estomac et parfois des crampes d'estomac ; cepen-
dant l'appétit lui vient en mangeant, mais il laisse de côté
les aliments (gras ou féculents ou légumes) qu'il sait par
expérience lui être contraires. La digestion est lente et
laborieuse, parfois accompagnée de ballonnement à l'épi-
gastre, de douleur, d'éructations, de vomissements. Le
matin, au réveil, la bouche est sèche, amère, la langue
pâteuse, l'épigastre sensible; la constipation est la règle;
cependant, dans certaines déterminations intestinales, elle
est remplacée par de la diarrhée ou par une alternance de
constipation et de diarrhée ; dans la dyspepsie purement
intestinale, les symptômes caractéristiques se manifestent
plus tard que dans la dyspepsie gastrique, et les douleurs,
au lieu de siéger à l'épigastre, occupent les hypocondres ;
en même temps on perçoit des borborygmes avec disten-
sion des anses intestinales , coliques , puis diarrhée. La
dyspepsie , du reste gastro-intestinale dans la pluralité
des cas, retentit souvent sur toute l'économie ; il se produit
de la céphalalgie, de la migraine, des vertiges, de l'inapti-
tude au travail ; à la longue, comme l'a si bien fait remar-
quer Beau, surviennent de l'anémie, de l'amaigrissement,
de l'hypocondrie, ou des symptômes plus graves encore,
palpitations , dyspnée , albuminurie ; la peau prend un
aspect terreux et l'émaciation devient extrême, et l'on est
tenté de songer à un cancer de l'estomac. Souvent les
symptômes dyspeptiques sont accompagnés d'un abondant
dégagement de gaz dans l'estomac et Tintestin qui se bal-
lonnent considérablement (dyspepsie flatu lente) ; ces gaz
sont dus à la décomposition des féculents et, paraît-il, à
une vraie sécrétion gazeuse analogue à celle qu'on observe
dans l'hystérie ; il paraîtrait aussi que les gaz formés dans
rintestin puissent être refoulés dans l'estomac par des
mouvements antipéristaltiques de l'intestin (Leven). Dans
d'autres cas, la dyspepsie acide, les éructations et les vo-
mituritions sont acides ; en même temps le malade ressent
une sensation de brûlure {pyrosis) qui remonte de l'estomac
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
à la gorge. Enfin, dans les formes nerveuses de dyspepsie,
chez les névropathes, les hystériques, les gastralgiques, etc.,
le manque d'appétit est parfois remplacé par de la boulimie;
c'est une sensation continifelle de vide de l'estomac avec
faim persistante ; dans cette forme la diarrhée est la règle.
Les symptômes de la dyspepsie se rapprochent dans un
grand nombre de cas de ceux du catarrhe stomacal (V. Es-
tomac). En général, cependant, le diagnostic dyspepsie
est facile à établir, mais celui de la cause offre de sérieuses
difficultés, surtout dans les cas où les troubles dyspep-
tiques ne sont ni fonctionnels, ni ne peuvent être rattachés
à une aifection concomitante d'un organe éloigné, mais
sont simplement l'avant-coureur d'un ulcère ou d'un cancer
de l'estomac.
Traitement. Il est évident que le traitement varie sui-
vant la cause. Quel qu'il soit, l'hygiène et le régime jouent
un grand rôle : choix des aliments et des boissons, régu-
larité dans l'heure des repas, exercice, etc. Dans les formes
les plus simples et dans la dyspepsie des goutteux, les alca-
lins, les eaux de Vichy, de Vais, de Pougues, de Carlsbad,
sont particulièrement indiquées ; de légères purgations
sont nécessaires de loin en loin. — Dans la dyspepsie fla-
tulente, avec éructations acides, les alcalins sont également
indiqués, mais doivent être remplacés après quelques jours
par les amers (quassia amara et quassine, Colombo, noix
vomique, etc.), et par la strychnine à très petite dose; on
y associera les eaux de Plombières, de Luxeuil, d'Aix-les-
Bains, de Hombourg, etc. Dans la dyspepsie anémique, ce
sont les eaux de Bussang, d'Orezza, de Forges, de Riper-
villé, Spa, qui rendent le plus de services.
Il ne faudrait pas croire que les alcalins conviennent
dans toutes les formes de dyspepsie ; dans celles où l'action
du suc gastrique est entravée, puis dans l'apepsie et les
dyspepsies par fermentation, on se trouve mieux de l'usage
des acides associés aux eupeptiques ; on administre une
ou deux gouttes d'acide chlorhydrique dilué dans de l'eau,
au début des repas (Trousseau). Enfin, dans les dyspepsies
avec brûlure et diarrhée, l'opium et le laudanum sont parti-
culièrement indiqués. Dans les dyspepsies nerveuses, en
général, les bains de mer, les cures d'eau froide, le séjour
dans les montagnes, l'arsenic, la galvanisation de l'estomac,
l'électricité appliquée au système nerveux central, les bains
électriques sont éminemment utiles. Certaines dyspepsies
sont particulièrement douloureuses; le condurango et le
chanvre indien rendent de grands services dans ce cas,
de même que les analgésiques antithermiques, antipy-
rine, exalgine, etc.
Nous devrions encore examiner ici les indications des
ferments digestifs dans la dyspepsie, de la pepsine, de la
papaïne, de la pancréatine, des diastases telles que lamal-
tine ; mais l'espace nous manque et il vaut mieux renvoyer
aux articles spéciaux consacrés à ces agents. — Mention-
nons enfin le lavage de Vestomac, dont l'utilité est si
grande dans la dyspepsie en général, mais surtout dans
celle qui accompagne la dilatation de l'estomac (V. Estomac) .
— Dans la dyspepsie purement intestinale, l'antisepsie joue
le rôle le plus important (salicylate de phénol, salol, sali-
cylate de bismuth, etc.). D'^ L. Hahn.
'Biul.: Beau, Traité de la, dyspepsie; Paris, 1857. —
Trousseau, Cliniq. méd.., t. III. — Sée, Des Dyspepsies
gastro-intestinales ; Paris, 1881. — Damaschino, Leçons
sur les maladies des voies digestives ; Paris, 1880. — Bache-
LET, Rech.sur la dyspepsie iléo-coecale ; Paris, 1888, in-18,
3» édit.— Leven, Traité des maladies de l'estomac ; Paris,
1879. — Leube, Zeitsch. f. klin. Medicin, VI, 1883. — Cou-
TARET, Dyspepsie ; Paris, 1880, in-8. — Hallopeau, Traité
depathol. générale; Paris, 1890, 3" édit. — A. Robin, dans
Hallopeau. — Hayem, Bullet. et mém. de la Soc. méd. des
/ïopif., 24 juil. 1890; Bullet. A cad. méd., 29 iuil. 1890. — Sée,
Bullet. Acad. de méd., 29 juil. 1890. — Hayem et Winter,
Du Chimisme stomacal, etc. ; Paris, 1891, in-18. — Dujar-
din-Beaumetz, Leçons de clinique thérapeutique; Paris,
1891, t. I, in-8. — Bouveret et Devic, la dyspepsie par
hypersécrétion ; Paris, 1892, in-8.
DYSPHAGIE (Méd.). C'est la difficulté d'avaler. L'obs-
tacle peut siéger dans la bouche, à l'isthme du gosier,
dans le pharynx ou dans l'œsophage, d'où quatre variétés
12
DYSPHAGIE - DYSTER
178 —
de dYsphasie. La dysphagie buccale peut résulter dune
tumeur de la langue ou de la mâchoire, dune paralysie
des muscles lingual ou buccaux, d'une contracture muscu-
laire, comme dans le trismus,d'Vine glossitc, d'une solution
de continuité de la voûte du palais, d'un detaut de sécré-
tion de la salive, même d'une névralgie. La dijsptiagie
vhaninciienne (isthme du gosier et pharynx) est souvent
mécanique (rétrécissements scrofuleux ou syphi itiques,
angines tumeurs, paralysie du voile du paiais et du pha-
rynx, pertbralion du voile du palais) ; la paralysie s observe
surtout dans les affections cérébrales ou bulbaires ou des
nerfs qui émanent du bulbe, ainsi que dans les hevres. La
dyspha-ie pharyngienne peut avoir pour conséquence le
passade des aliments dans les fosses nasales (lésions du
voile) ou dans le larynx, d'où obstruction et asphyxie
rapide (diphtérie); cette variété de dysphagie s'observe
encore dans l'atrophie musculaire progressive, dans 1 epi-
lepsie l'hystérie, le tétanos, l'hydrophobie rabique, etc.
Enfin,' la dysphagie œsophagienne est mécanique (rétré-
cissement cicatriciel ou syphilitique, tumeur de voisinage)
ou fonctionnelle (paralysie, spasme dans Thysterie ou par
paralysie du pneumogastrique) ou réflexe par lésion superh-
cielle de la muqueuse. La dysphagie prolongée a naturelle-
ment pour conséquence Vinanition (V. ce mot) . D L. m.
DYSPNÉE (Méd.). La dypsnée, comme 1 indique 1 ety-
molooie du mot, est la difficulté de respirer. Elle consiste
dansî'augmentation morbide de l'intensité ou de la fréquence
des mouvements respiratoires, accompagnée d'une sensation
pénible d'étouffement, de manque d'air, même angoissante.
Nous ne dirons rien ici de V asthme dans lequel la dyspnée
présente des caractères particuliers décrits ailleurs (\.
Asthme). Phvsiologiquement, la respiration dépend dcl exci-
tation qu'exerce sur le centre respiratoire du bulbe le sang
chargé d'un excès d'acide carbonique, et dans une certaine
mesure des excitations centripètes transmises par le nert
pneumogastrique et d'autres nerfs sensitifs. Il y a dypsnee
dès que l'hématose est troublée, dès que la proportion
d'oxveène dans le sang tombe au-dessous de la norma e,
et queUe que soit du reste la cause de ce trouble, qu elle
soit purement mécanique ou de nature hématique ou enhn
due à une influence nerveuse. ^
10 Dyspnée de cause mécanique. Elle peut être due
à un obstacle siégeant dans les voies aériennes et s'oppo-
sant cà l'entrée de l'air : affections variées et tumeurs des
fosses nasales, du pharynx, du larynx, des bronches des
alvéoles, etc. ; diphtérie, œdème laryngé, spasme de la
dotte, bronchites généralisées, compression du paren-
chyme pulmonaire par des épanchements pleurétiques, par
l'hydrothorax, le pneumothorax, etc. D'autres fois cest le
diaphragme qui est gêné dans son fonctionnement par une
tumeur libdominale, un épanchement péritonéal, etc., par
les douleurs vives, que les mouvements respiratoires exaspè-
rent (péritonite, pleurésie, etc.). Lorsque les muscles ins-
pirateurs sont paralysés (cachexie, maladies adynamiques)
ou atrophiés, etc., il en résulte également de la gène i;es~
piratoire ; voilà pour l'inspiration. Dans d'autres cas, c est
l'expiration qui est gênée ; dans l'emphysème pulmonaire,
par exemple, l'air reste dans les alvéoles et la retractilite
du poumon est diminuée, et il en résulte que 1 inspiration
à son tour est incomplète ; de plus, les capillaires s atro-
phient et constituent une nouvelle cause de dyspnée, il en
est de même quand les alvéoles sont remplies d un exsudât
quelconque ou d'un produit néoplasique (tubercule, can-
cer etc.) ou que les bronches sont encombrées de mucus.
Enfin, la contracture du diaphragme, maintenant l'inspi-
ration forcée, empêche la rétraction pulmonaire. -- Aux
dvspnées de cause mécanique, on peut rattacher celles qui
accompagnent les maladies du cœur ; le sang n afflue pas
bien. . ^ + if- -
2° Dyspnée de cause hématique. Le sang est altère
dans sa composition dans les anémies graves, la chlorose,
les affections cachectiques et dyscrasiques, la convalescence
des maladies adynamiques, etc. Les globules ne peuvent
plus fixer l'oxygène nécessaire à la revivification du sang.
Il en est de même dans certaines intoxications, par exemple
dans l'empoisonnement par l'oxyde de carbone ; l'hémoglo-
bine contracte avec ce gaz une combinaison stable qui en-
trave toute absorption ultérieure d'oxygène. La respiration
dans un air confiné, chargé d'un excès d'acide carbonique,
ou dans un air trop raréfié (mal de montagne), produit de
la dyspnée par défaut d'oxygène absorbable. Lorsque les
combustions organiques se tiouvent augmentées, dans les
fièvres, par exemple, le défaut d'oxygène se fait sentir et
la respiration s'active et devient dyspnéique ; mais, dans
ce cas, la dyspnée reconnaît encore un autre facteur, comme
nous allons le voir. .
30 Dyspnée de cause nerveuse. La température fébrile
agit directement sur le centre respiratoire qu'elle excite ;
ce fait a été mis hors de doute par Gh. Richet. Les encé-
phalopathies, de cause urémique, apoplectique (hémorragie
cérébrale), hystérique, etc., paraissent également provo-
quer de la dyspnée par une excitation directe de ce centre.
Dans la sclérose et l'atrophie du bulbe (paralysie labio-
glosso-laryngée), dans les lésions de la moelle, dans les
myélites aiguës ou chroniques qui occupent primitivement
ou envahissent secondairement la région cervico-dorsale,
on observe de la dyspnée ; c'est cette dyspnée qui, avec la
toux, sa compagne ordinaire, constitue assez souvent
l'avant-coureur de la paraplégie (Charcot). Dans certains
cas, il peut y avoir paralysie du pneumogastrique ; c'est
même ainsi que certains auteurs expliquent les dyspnées
hystérique, asthmatique, etc.
La dyspnée, quelle qu'en soit la cause, présente des
degrés d'intensité très différents. Chez un grand nombre
de' personnes, convalescents , cachectiques, vieux catar-
rheux, etc., l'hématose peut suffire à la condition que les
dépenses soient minimes ; dès que celles-ci augmentent,
par une marche intempestive, l'ascension d'un escalier, un
exercice musculaire disproportionné, un effort quelconque,
l'essoufflement se produit. Les caractères varient souvent
suivant la cause. Ainsi, dans les dyspnées de cause encé-
phalique, la respiration est souvent profonde et ralentie ;
dans les dyspnées de cause abdominale, la péritonite aiguë,
par exemple, elle est superficielle et très accélérée. Enfin,
arrivée à son degré d'intensité le plus élevé, elle prend le
caractère de Vorthopnée ; les malades se redressent, met-
tent en jeu toutes les puissances inspiratrices et cherchent
des points d'appui pour faciliter l'action des muscles. Dans
le croup (V. ce mot), la dyspnée [tirage) est excessive-
ment pénible et angoissante. Vapnée est la suspension
complète de la respiration ; elle ne saurait se prolonger
longtemps sans danger ; elle peut durer cependant de dix-
huit à vingt secondées dans le phénomène respiratoire de
Cheyne-Stokes (V. ce mot).
La dyspnée étant un symptôme commun à un grand
nombre"^ de maladies, il n'y a pas de traitement spécial à
lui opposer; elle fournit cependant quelques indications;
ainsi, dans le cas de dyspnée mécanique, on s'adressera
aux expectorants et aux vomitifs, à l'iodure de potassium
et au chlorhydrate d'ammoniaque, aux stimulants, etc. ;
dans certains" cas, la trachéotomie (croup, tumeurs du
larynx, etc.), la ponction (pleurésie, ascite), le cathété-
risme rectal (pneumatose), etc., sont nécessaires. La dysp-
née cardiaque sera combattue, selon les cas, par la digitale,
le café, les diurétiques, les émissions sanguines, les révul-
sifs, etc. Dans la plupart des autres cas, le traitement est
celui de la maladie et nous n'y insisterons pas. On n'ou-
bliera pas les moyens hygiéniques : air fréquemment renou-
velé, pieds chauds, pas d'efforts inutiles, ni d'émotions ;
aliments reconstituants sous un petit volume ; les féculents,
les léfiumes, les eaux gazeuses artificielles sont exclus.
^ D^ L. Hahn.
BiBL. : Heciit, Art. Dyspnée, dans Dict. encycL se.
méd., 1885. — Hallopeau, Paihol. gén., 1890. — Mck,
Wilrzburg. Verhandl, 1871. — Richet, Mém. boe. de
5io^,1889.
DYSTER (Benjamin), aventurier finno-suedois, ne a
— 479 —
DYSTER — DZANSKAR
Lappvesi (Finlande) , mort à l'asile d'aliénés de Danvik le
29 août 1730. Après avoir gagné le grade d'officier dans
l'armée de Charles XII, il fut licencié" et il travaillait de
son métier d'orfèvre, lorsqu'il se rendit à Stockholm (1724),
où il se donna pour ce héros regretté, dont certains
paysans attendaient encore la réapparition en d808. Mal-
gré quelques traits de ressemblance avec le monarque qui
avait succombé six ans auparavant, l'imposteur fut de suite
démasqué, arrêté et condamné à mort avec ses complices
qui en furent quittes pour un châtiment corporel. Sa propre
sentence fut commuée en internement dans une maison
de fous, après exposition au pilori (not. par J.-R. As-
pelin, dans Kuukauslehti ; Helsingfors, 1 869). C-s.
DYSTOCIE (Obstétr.). La dystocie est cette partie des
sciences médicales qui traite des accouchements vicieux ou
difficiles. Le mot de dystocie est également pris comme
synonyme d'accouchement laborieux. Les causes de dystocie
peuvent provenir de la mère ou bien de l'enfant, d'où deux
catégories d'accouchements vicieux qu'il est d'usage d'étu-
dier séparément. Les causes de dystocie maternelle sont
assez nombreuses; signalons parmi les principales : l'inertie
primitive de l'utérus ; les contractions irrégulières ou trop
fortes de cet ori>ane; la rigidité du col, son oblitération
partielle ou incomplète, sa contraction ; la résistance de la
vulve ou du périnée; les tumeurs de lutérus; les ruptures
de l'utérus ou du vagin; les vices de conformation de l'uté-
rus, du vagin ou de la vulve; le trop d'ampleur ou l'étroi-
tesse du bassin ; la déchirure du périnée ; l'éclampsie, les
hémorragies graves, etc. Dans les causes de la deuxième
catégorie se rangent : les adhérences de fœtus multiples ;
les maladies du fœtus avec augmentation de volimie (hydro-
céphalie, ascite, rétention d'urine, tumeurs, etc.); les pré-
sentations vicieuses du fœtus ; la brièveté ou la procidence
du cordon, etc. Il serait difficile de faire ici une étude d'en-
semble des causes de dystocie ; nous renvoyons donc aux
mots suivants où l'on trouvera de plus amples détails sur
ce sujet: Accouchement, Bassin (t. V, p. 647), Céphalo-
TRiPsiE, Cordon, Craniotomie, Détroncâtion, Eclampsie,
Embryotomie, Fœtus, Hydrocéphalie, Périnée, Utérus,
Vulve, etc. D^ Alphandéry.
DYSURIE (Méd.). Miction lente, laborieuse et doulou-
reuse. La miction est lente physiologiquement au moment
du réveil, puis dans les cas d'hypertrophie de la prostate,
de rétrécissement de l'urèthre (V. Prostate et Urèthre) et
chez les individus qui habituellement retiennent longtemps
leurs urines. La miction douloureuse s'observe surtout dans
les affections inflammatoires de l'urèthre et de la vessie
(blennorrhagie, uréthrite simple, cystite du col, cystite cal-
culeuse, etc.) (V. Blennorrhagie, Vessie, etc.). D^ L. Hn.
DYTIQU E. I. Entomologie. — (Dyticus L.). Genre de Co-
léoptères, qui a donné son nom à la famille des Dyticides ou
Hydrocanthares, placées entre les Haliplides et les Gvrinides
dans la grande division des Carnivores. Ce sont des insectes
d'assez grande taille, vivant les uns dans les mares et les
étangs, les autres dans les rivières. Leur corps est oblong,
assez convexe, de couleur noire ou d'un vert olivâtre, avec
le prothorax et les élytres bordés de jaune et une fascie
nébuleuse vers l'extrémité des élytres. Ils ont, comme les
Carabiques, six palpes, des antennes fdiformes et des tarses
de cinq articles; mais leurs pattes postérieures allongées,
aplaties et fortement ciliées, sont propres à la natation.
Quand on les saisit, ils répandent, par les articulations
antérieures et postérieures du prothorax, un liquide lai-
teux, d'une odeur désagréable. Les mâles se distinguent à
leurs élytres lisses et surtout à leurs tarses antérieurs
dilatés, dont les trois premiers articles forment une large
palette, ciliée sur les bords et garnie en dessous de petites
papilles serrées, au milieu desquelles sont placées deux
grosses cupules sessiles, de dimensions inégales. Quant
aux femelles, elles sont faciles à reconnaître, en général,
à leurs élytres profondément canaliculées ou striées dans
leur moitié ou leur tiers antérieurs. Toutefois, il existe
bon nombre de femelles qui ont les élytres lisses comme
Dyticus latissimus femelle.
celles des mâles, et cela aussi bien dans une seule et même
espèce que dans des espèces différentes. Ces deux formes
de^ femelles (à élytres lisses ou à élytres sillonnées) co-
existent ordinairement dans m\ même milieu, mais il y
a souvent prédominance de l'une d'elles, tantôt l'une,
tantôt l'autre, suivant les espèces ou suivant les régions
(V. Preudhomme de Borre, /1/zn. Soc. entom. de^ Bel-
gique, XII, p. 407).
Les Dytiques habitent l'Europe et les pays hmitrophes,
le nord de l'Asie et l'Amérique boréale." Leurs mœurs
et leurs métamorphoses ont été décrites depuis longtemps
(V. Chapuis et Candèze, Cat. des larves, pi. I, fig. 5 ;
Schiodte, Nat. Tids., 1864, III, p. \n ; Altum, Stettin
Zeit., 1865, p. 400). Mais c'est seulement depuis 1875
que l'on connaît la manière
dont s'effectue la ponte. Les
femelles insèrent leurs œufs,
sur les tiges des plantes
aquatiques, dans une inci-
sion qu'elles pratiquent au
moyen de leur tarière cor-
née (V. D. Régimbart, ^l/z/z.
Soc. ent. de France, 1875,
p. 201, pi. IV). Parmi les
espèces françaises, la plus
répandue est le Dyticus
marginalis L. ou Dytique
bordé, que l'on trouve très
communément en automne
dans les mares et les étangs.
Le B. latissimus L., dont
nous figurons la femelle,
est une espèce de l'Europe septentrionale, commune en
Prusse et dans le nord de l'Allemagne. Elle affectionne
plus particulièrement les grands étangs et les rivières.
On l'a rencontrée également en Lorraine, dans les Vosges,
et dans quelques localités des dép. de l'Eure, de la Marne
et du Loiret. ^.à. Lef.
IL Paléontologie. — - La famille des Dyticidœ date du
lias où le genre LaccopJiUus est représente. Dyticus et
Hydroporus se montrent dans le jurassique supérieur
(Solenhofen) et à Purbeck. Ces genres et la plupart des
genres vivants sont représentés dans le tertiaire : les espèces
sont cependant distinctes. Nous citerons D. Lauateri (Heer)
du miocène d'OEningen. E. Trt.
DYVEKE, favorite du roi de Danemark Christian II,
née vers 1490, morte en 1517. Fille de la Hollandaise
Sigbritjillumsdatter qui tenait une auberge à Bergen, elle
plut (1507 ou 1509) au prince Christian, alors vice-roi de
Norvège, qui l'emmena avec sa mère à Oslo, puis en Da-
nemark après son avènement (1513). Leurs relations con-
tinuèrent même après qu'il eut épousé (1515) la princesse
Isabelle d'Autriche ; aussi le frère de celle-ci, le futur
Charles-Quint, fit-il demander par des ambassadeurs (1516)
que la mère et la fille fussent renvoyées dans les Pays-
Bas. Le greffier du château de Copenhague, Ilans Faaborg,
qui avait accusé son patron Torben Oxe de relations illi-
cites avec la belle favorite, fut lui-même soupçonné et
pendu comme concussionnaire. Dyveke étant peu après morte
subitement, T. Oxe, accusé de l'avoir empoisonnée, fut dé-
capité. Sigbrit, qui était une femme de tête, continua d'être
l'impopulaire, mais habile conseillère de Christian IL B-s.
DZAIZAN NoR ou ZAÏZAN (Lac noble). Lac de l'Asie
russe, entre le grand Altaï et le Tarbagataï, dans le gou-
vernement de Semipalatinsk. Il est alimenté principale-
ment au S. par le Kara Irtych (Irtych noir), près duquel
se trouve la ville de Zaïzan. et par l'Irtych qui en ressort
au N.-E. Sa direction générale est N.-O., S.-E.; sa lon-
gueur d'environ 120 kil. et sa profondeur de 7 à 12 m. Il
est très poissonneux. h. C.
DZANSKAR (Zanskar). District et rivière deLadakh.Le
district lui-même, arrosé par la rivière du nom, ne fait pas
pohtiquement partie du Ladàkh (V. ce mot). La chaîne
DZANSKAR — DZOUNGARIE
— 180 —
élevée, dépendance des Himalaya, d'où sort le Dzanskar, est
remarquable par son aspect et sa hauteur ; de son versant
nord sortent deux cours d'eau torrentueux qui forment le
Dzanskar, affluent delà rive droite de l'Indus. H. G.
DZIALYNSKI.Grande famille comtale polonaise. Elle tire
son nom du village de Dzialyn, dans le gouvernement de
Plock. Ses représentants les plus remarquables ont été, au
xvi^ siècle, /m/^Dzialynski, palatin de Ciielmno; auxxvii^
et xviii*^ siècles, Thomas Dzialynski, palatin de Chelmno. Ce
dernier soutint d'abord l'élection du prince de Conti, puis
passa au service du candidat saxon. Il fut chargé d'une mis-
sion auprès de Pierre le Grand (4704), mission par suite de
laquelle les Russes mirent pour la première fois les pieds
sur le territoire polonais. Il mourut en 1714. — Igjiace
Dzialynski, né en 1754, mort en 1797, prit part à la consti-
tution du 3 mai et aux luttes de Kosciuszko pour l'indépen-
dance nationale. — François- Xavier Dzialynski, né en
1756, mort en 1819, remplit des missions diplomatiques
et fit partie de la commission gouvernementale du grand-
duché de Varsovie.— ick//^r/^»5 Dzialynski, né en 1795,
mort le 12 avr. 1861, fils du précédent, a rendu de grands
services à l'histoire et à rarcliéologie de la Pologne. Lié
avec Czacki, Albertrandy, Niemcewicz, il entreprit de
recueillir et de publier les monuments de l'histoire nationale.
Il réunit dans son château de Kornik (Poznanie) une quan-
tité considérable de manuscrits et de livres. Il publia à ses
frais un grand nombre d'ouvrages, notamment : Mémoires
de Jean Kilinski (Brieg, 1828); Recueil de lois lithua-
niennes de iS80 à 15W (Poznan, 1841); Acta Tomi-
ciana (zfl., 1852-1860, 8 vol.) ; Mémoires d'Orzelski {id.,
1854) ; Lites ac liegestœ inter Polonos, ordinemque
Cruciferorum, de Dlugosz (1855-1856, 5 vol.) ; Sources
pour servira V histoire de l'union de la Lithuanie et de
la Poloqne iid., 1856); Armoiries du pays et de la
noblesse (id., 1857), etc. — Jean Dzialynski, fils du pré-
cédent, né en 1832, mort à Kornik le 30 mars 1880.
Marié en 1857 à la princesse Isabelle Czartoryska. il est
devenu en 1862 député au Parlement prussien. En 1863,
il fut poursuivi et condamné à mort par contumace. Am-
nistié depuis, il a contribué à accroître l'importante biblio-
thèque de Kornik et a publié à ses frais un certain nombre
d'ouvrages scientifiques. L. Léger.
DZIEDUSZYCKl. Famille polonaise. Ses principaux re-
présentants ont été : Thaddé cDzleduszycki, mort en 1777,
grand cchanson delà couronne; il prit une part importante
à la diète de 1764; il lutta contre la Confédération de
Bar, mais, abandonné par ses troupes, il dut se réfugier en
Yalachie. — Maurice Dzieduszycki, historien, né enGalicie
en 1813, mort à Lwow (Lemberg) en 1871. 11 servit dans
l'administration de la Galicie, fut chambellan de l'empereur
d'Autriche. En 1851, il fut directeur de Tlnstitut Osso-
linski. Outre un grand nombre d'articles dans les journaux
scientifiques, il a publié en polonais d'importants ouvrages :
Histoire des Lisoivczy ki (h\\o\\, 1843-1844, 4 vol.);
Pierre Skarga et son temps (Cracovie, 1868, 2® éd.);
Zbigniew Olesnicki (Cracovie, 1854, 2 vol.) ; Chro-
nique de la famille Dzieduszycki (Lwow, 1856) ;
la Patrie {id., 1857) ; Piécits des anciens temps {id..,
1868). Quelques-uns de ses ouvrages ont paru sous le
pseudonyme de Rychlicki. — Albert Dzieduszycki, député
à la diète de Galicie, a publié quelques travaux d'esthétique
et d'archéologie. — Vladimir Dzieduszycki, député au
Reichsrath de Vienne, a constitué à Lwow^une bibhothèque
et d(îs collections fort importantes. Il a publié à ses frais
un certain nombre d'ouvrages scientifiques. L. Léger.
Bi]]L. : EsTREiciiER, Bihliocjv. polonaise du xix^ siècle.
DZIEKONSKl (Thomas),littérateur polonais, né àLomza
en 1790, mort à Varsovie en 1875. Il fut professeur et
directeur du gymnase. Il a publié en polonais un grand
nombre d'ouvrages d'histoire et de géographie traduits ou
imités du français ou de l'allemand et quelques travaux
pédagogiques. — Son fils, Jean-Bogdan, né à Kalisz en
1816, mort à Paris en 1853, a écrit entre autres un roman,
Sendziwoj (Varsovie, 1845); Rêves et souvenirs (id.,
1848, 2 vol.), etc.
BriJL. : EsTiiEiciiER, Diblioc/r. polonaise du xix^ siècle.
DZIERZANOWSKI (Michel), aventurier polonais du
xvm« siècle. On ne sait pas où il est né. Il servit aux
Indes sous les ordres de Lally, puis se fit corsaire : pour-
suivi par les Anglais, il se serait réfugié à Madagascar et
serait devenu roi de quelque tribu. 11 se serait ensuite
enfui à Sainte -Hélène, puis à Londres. Revenu dans
sa patrie, il fut bien accueilli par Stanislas-Auguste qui le
nomma son chambellan. Il organisa à lui tout seul une
confédération, mais il ne réussit pas et dut s'enfuir en
Hongrie. Après le premier partage de la Pologne, il se re-
tira à Vienne où il s'occupa d'alchimie et mourut en 1808.
Ce personnage bizarre rappelle par plus d'un côté son
congénère l'aventurier Beniowski.
BiiJL. ; RuLHiKRE, Histoire de l'anarchie de Pologne:
DZIERZKOWSKI (Joseph), écrivain polonais, néàXawe-
row (Galicie) en 1806, mort à Lwow le 13 janv. 1865. Il
servit en 1831 sous Dwernicki. Rentré en Galicie, il se con-
sacra entièrement à la littérature. Il est considéré comme l'un
des premiers nouvellistes polonais. H se plaît surtout à décrire
les types et les mœurs populaires. Les plus remarquables
de ses œuvres, généralement publiées en Galicie, sont :
Pour la dot (1847); le Salon et la Rue (1847); l'En-
fant trouvée (1854); les Deux Jumeaux (1854); le Roi
des ancêtres (1855); Tout nest pas or (1859); VEcole
du mo7ide (1862). On lui doit en outre une comédie, C Etin-
celle de la vie; un drame, VOïïense et la Revanche
(1865), etc.
BiJJL. : EsTREiciiER; Biblio(jv. polonaise du xix» siècle.
DZIERZON (Johann), apiculteur allemand, d'origine
polonaise, né à Lobkowitz (Haute-Silcsie) le 11 janv.
1811. Il étudia la théologie à Breslau, fut chapelain à
Sclialkowitz^en 1834, curé à Karlsmarkt, près de Brieg,
depuis 1835; il s'occupa avec passion d'apiculture, au
point que ses supérieurs ecclésiastiques provoquèrent sa
mise à la retraite. Depuis plus de cinquante ans, Dzierzon
écrit sur son sujet favori; c'est à lui qu'est due la connais-
sance de la parthénogenèse, ce fait si intéressant pour la
physiologie générale ; c'est lui qui a, paraît-il, imaginé les
ruches à rayons ou cadres mobiles; en 1853, il introdui-
sit en Allemagne l'abeille dite italienne. Principaux ou-
vrages : Théorie und Praxis des neuen Bienenfreundes
(Berlin, 1848, in-8; Nachtrag, Nordlingue, 1852) ; Ra--
tionelle Bienenzucht {Wieg,\m\, in-8); depuis 1854,
il publie Der Bienenfreund ans Schlesien. D^ L. Hn.
DZONDI (Karl-Heinrich), médecin allemand, né à Ober-
winkel (Saxe) le 25 sept. 1770, mort à Halle le 1^^ juin
1836. Il dirigea en 1806-1807 l'hôpital français de Wit-
tenberg, devint en 1811 professeur ordinaire de chirurgie
et directeur de la clinique chirurgicale, puis en 1817 fut
destitué pour avoir manifesté de prétendues sympathies
pour la France. Il fonda alors une clinique particulière à
Halle, qui eut un immense succès. On doit à Dzondi une foule
d'écrits, parmi lesquels : Lehrbuch der Chirurgie, etc.
(Halle, 1824, in-8) ; Neue zuverl. Heilartder Lustseu-
che, etc. (Halle, 1826, 1832, in-S) ; Die Functionen des
weichen Gaumens, etc. (Halle, 1831, in-4) ; Die Au-
genheilkunde, etc. (Halle, 1835, in-8, fîg.). D"^ L. Hn.
DZOU (V. Dou).
DZOUNGARIE. Pays de l'Asie centrale. Cette contrée a
eu des limites extrêmement vastes ; à la fin du xvii« et au
xviii« siècle, elle s'étendait sur les deux versants des Tien-
chan ; d'une part, jusqu'au lac Balkach, de l'autre jusqu'à
Hami. Aujourd'hui, on est généralement d'accord pour dé-
signer sous le nom de Dzoungarie la partie septentrionale
des Tien-chan, que les Chinois appellent Tien-chan Pe-lou
et qui comprend principalement les vallées des rivières
Tekes et Kounges qui forment l'Ili et Kach. Il en résulte
que la partie occidentale du pays appartient à la Russie, et
la partie orientale, y compris Kouldja, à la Chine. D'après
les termes mêmes du traité du 12 févr. 1881, art. 7, « la
- 184 -
DZOUNGARIE
frontière entre les possessions de la Russie et la pro-
vince chinoise d'IU suivra, en partant des montagnes Béd-
jin-taou, le cours de la rivière Khorgos, jusqu'à l'endroit
où celle-ci se jette dans la rivière Ili et, traversant cette
dernière, se dirigera au S., vers les montagnes Ouzounta,
en laissant à l'O. le village de Koldjat. A partir de ce
point elle suivra, en se dirigeant au S., le tracé fixé par
le protocole signé à Tchougoutchak en '1864 ».
En réalité, le nom même ne marque ni un pays ni ses
habitants, Dzoungares. Le mot dzoungare veut dire aile
gauche, main gauche. Les Dzoungares, que les Chinois nom-
ment Djun-ga-rh, formaient l'un des quatre oirats mon-
gols. Les quatre oirats étaient : les Tchoros, dans l'Ili,
qui sont les Dzoungares ; les Dourbet, sur l'Irtych ; les
Tourgoutes, dans le Targabataï, et les Kochots, dans le
pays d'Ouroumtsi. Les Oirats, Eleuthes (V. ce mot) sont
la vraie dénomination du peuple désigné sous le nom de
Kalmouks, qui formèrent à la hn du xvii« et au commen-
cement du xviii'' siècle un empire extrêmement puissant,
qui ne fut définitivement conquis qu'en 47S9 par l'empe-
reur chinois Kien-loung. L'administration actuelle du ter-
ritoire chinois dlli a un gouverneur qui porte le titre à'Ili
Tsiang Kiln, dont le premier titulaire fut créé en 1864.
Ces notes montrent que ces Dzoungares, qui sont en réalité
des Tchoros, ont été fortement mélangés ; à la fin du règne
de Kien-loung, il y eut dans la Dzoungarie une grande émigra-
tion de Chinois, venus du Chen-si et du Kan-sou. M. Radlotf
fait rentrer le groupe dzoungare dans l'un des trois principaux
des dialectes turcs de Sibérie (Dzoungar, Altaïque, Saïansk),
et il le subdivise en Kirghiz, Kara-Kirghiz et Tourantchi
(Ouïffours) (V.Asie, Eleuthes, Ili). Henri Cordier.
BiBL. : S. Julien, Journ. asiat, 1846, VIII, pp. 228,
385. — Radloff, Année géographique, 1865, IV, p. 205.
— Bretschneider, Mediœval Researches, II, pp. 159,
171-172.
LA
GRANDE ENCYCLOPÉDIE
4. Ms. du vii« siècle. Bibl. nat., lat. 2706.
2. Ms. du vii° siècle. Ibid.
3. Ms. visigothique du \iii^ siècle. Sacramen taire de
Gellone.
4. Ms. visigothique du \'iii® siècle. Ibid,
5. Ms. visigothique du viii® siècle. Ibid.
6. Ms. du ix^ siècle. Sacramentaire de Metz.
7. Ms. anglais du xiii® siècle. Musée britannique.
8. Testament du roi Charles V. 1374. Arch. nat., J 404.
9. Testament du roi Charles VI. 1391. Ibid,
10. Ms. anglais de Tite-Live. Musée britannique.
11. Gothique des livres de chœur du xvi^ siècle. Ms. du
Mont-Cassin.
12. Bible de Wittenberg (xvi® siècle).
LA GRANDE ENCYCLOPÉDIE
E
E. I. Linguistique.— La place que cette voyelle occupe
dans les alphabets indo-européens à la suite de l'a semble
indiquer que, dès Tantiquité, on avait le sentiment que celle-
là dérive de celle-ci. En sanscrit, en grec, en latin, etc., la
voyelle e est longue (ê) ou brève [ë). Le rapport de ê avec
a, à titre de son'modifié ou affaibli, est surtout indiqué par
les phénomènes que présente le dialecte dorien eu égard
aux autres dialectes grecs ; en général, Vê dans ces dialectes
remplace un a du "dorien comme dans l'airiixt (ionien,
attique, etc.) auprès de laïa^jn (dorien). La comparaison
de ce verbe avec le correspondant sanscrit tisthâmi et le
correspondant radical latin stâ, dans stâre, fournit d'ail-
leurs la preuve sûre qu'en pareils cas l'a dorien est l'an-
técédent de Yê des autres dialectes de la Grèce. En sanscrit,
les faits qui tendent à la même conclusion sont nombreux.
Qu'il nous suffise de citer les formes des parfaits non re-
doublés comme sêdima auprès de sasâda, etc. De même,
en latin, tout indique que ïê du parfait fêci et des ana-
logues est le résultat de l'affaiblissement d'un ancien a. En
français, on sait que Vè de mère, par exemple, représente
l'ancien â du latin mater, etc. Vê est absent du sanscrit
où Vï parfois en tient lieu. En revanche, le zend le pos-
sède et dans des cas où il occupe visiblement la place d'un
ancien a, comme dans le suffect ent (pour et auprès de
ant) du participe présent actif. En général, dans les autres
langues indo-européennes, ê est dans un rapport semblable
avec à à celui qui existe entre ê et a. En ce qui concerne
le grec, on le voit surtout par la relation de piyaç avec
(xaxpoç et le latin magnus; par celle de xscpaXr) avec le
latin câpnt, de 7][X£pa auprès de T^piap, etc. Dans le latin
même, les mots composés tels que puerpêra auprès de
pàrio, iners auprès de ars, confectus auprès de fàcio., etc.,
montrent que la loi du changement de à en è s'y est
surtout exercée quand les formes où figure l'a primitif
se sont élargies (cf. le rapport de r^ixap et de f][j.£pa
en grec) .
Les mêmes transformations s'accusent en français dans
une infinité de cas. Exemples : cher auprès du latin
carus, père auprès du latin pater, c/i^^z/ auprès de cap-
tivus, etc. En allemand, a s'est changé surtout en e (a)
dans les formes du pluriel jadis élargies eu égard à celles
du singulier (comparer ce qui s'est passé en grec et en latin
dans de semblables circonstances). En anglais, la pronon-
ciation e appliquée au son a dans des cas si fréquents
est la preuve la plus évidente d'une évolution phonétique
du même genre : le son a changé, mais l'ancienne ortho-
graphe s'est conservée et témoigne avec éloquence du sens
de l'écart qui s'est produit entre celui-là et celle-ci.
Cet ensemble de preuves ne permet pas de doutes sur
la véritable nature du changement qui s'est manifesté entre
le sanscrit d'une part et le grec et le latin (et les langues
slaves) de l'autre dans des racines comme ad, manger
(sansc), et sB, êd, même sens (gr. et lat.). Dans ces deux
dernières langues, l'a primitif s'est affaibU simultanément
en ë par l'eflet d'une loi qui s'exerce partout, nous l'avons
vu, dans le domaine des idiomes indo-européens. L'expli-
cation donnée de tels faits par les néo-grammairiens et
d'après laquelle l'a sanscrit représenterait, en pareils cas,
un ancien ë, est donc contraire à toutes les analogies et par
là absolument inacceptable.
En grec et en latin Vë, surtout auprès des liquides
et des nasales, a souvent disparu sous l'influence d'une
contraction subie par les formes dans lesquelles il se ren-
contre. C'est ainsi que axpo; est pour àxsp-o; (cf. lat.
acer) ; ;:ot(j.vr] pour Tcoipisv-r] (cf. r.ov^t]^) ; lat. patrem
pour pater-em (cf. pater); alumnus pour alumenus
(cf. les participes grecs en [j.£voç), etc. Il y a tout lieu
de croire que, dans les exemples de ce gerre, Frétait
préalablement descendu à la valeur réduite de notre e muet.
En français, on distingue trois sortes à'e, Yè (ouvert),
Yë (fermé) et Ye (muet), qui dérivent tous, d'après des
lois et dans des conditions qu'il serait trop long d'examiner
en détail, des voyelles latines â et â,ê et ë. Bornons-nous
à constater que Ye muet représente généralement ces voyelles
dans les syllabes qui correspondent aux parties atones des
antécédents latins. Vè ouvert apparaît le plus souvent à la
pénultième des mots dont la syllabe finale contient un e
muet et leurs dérivés : père, mère, extrême, extrême-
ment, dernière, dernièrement, etc. Par un effet remar-
quable de compensation ou d'équilibre phonique, Yè ouvert
devient muet quand la syllabe qui le suit est sonore (ou
accentuée) au lieu d'être muette. Exemples : je sème, je
sèmerai, mais, nous semons, je semais, etc. Vé fermé
s'emploie à l'intérieur des mots devant une syllabe sonore :
téméraire, mérite, héros, fétu, etc. ; ou à la fin des mots
terminés par une syllabe sonore : témérité, persé-
cuté, etc. Paul Regnaud.
II. Paléographie. — Le signe qui représente le son E
est le même dans les alphabets grecs et latins ; il procède
d'un hiérogramme égyptien dérivé lui-même d'un signe
hiéroglyphique ayant la signification de fenêtre. Emprunté
à l'Egypte par les Phéniciens, il a été introduit par eux
486 -
dans les écritures de Tantiquité, mais c'est seulement en
passant des Phéniciens aux Grecs qu'il a changé de valeur
et est devenu une véritable voyelle. Les Phéniciens tra-
çaient ce signe en plaçant les barres transversales à gauche
de la barre verticale 3 . Il est figuré exactement de la même
manière dans les inscriptions cadméennes dont l'écriture va
i. ORIGINE ET DERIVATION DE L'E LATIN
ScjupVmt
Jven'iÔMv
Qt£c Cûutmk'n
Ocïc'CBûUcn.
m
1 ^
^^
j^n
£■
un
de droite à gauche, mais on le voit retourné et déjà très
semblable à notre E dans les textes où l'écriture a été tracée
de gauche à droite, suivant la direction qui finit par pré-
valoir en Grèce. On le retrouve dans les autres écritures
grecques et notamment dans la plus ancienne, l'écriture éolo-
dorienne, tout à fait redressé et devenu exactement notre E.
2. ÉCRITURES DE LA PREMIÈRE PÉRIODE DU MOYEN AGE
y
Écritures anti-
ques
V® siècle
VP siècle
VII® siècle.
VHP siècle. . . .
IX« siècle.
X® siècle .
XI® siècle.
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ni
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tt
â-'^
e t-
e c
e er
Ce sont les colonies chalcidiennes du sud de l'Italie qui
ont transmis ce caractère, comme la plupart des autres
lettres de l'alphabet, à l'écriture latine, où on le retrouve.
dans les inscriptions les plus archaïques, avec la forme
que nous lui connaissons. Mais on y rencontre en même
temps une autre forme très différente composée de deux
— 187 —
traits verticaux parallèles ||. Cette forme caractéristique
provient de la tendance de l'alphabet latin à détacher les
différents traits des lettres et à les tracer de bas en haut ;
elle n'a du reste pas persisté. Le tableau n^ 1 donne ces
différentes formes de TE et en rend sensible la déri-
vation.
De l'E capital des textes lapidaires latins, que reproduit
exactement l'E capital de l'imprimerie moderne, dérivent
toutes les formes de cette lettre en usage chez les divers
peuples de l'Europe occidentale. La forme ||, particulière
à l'écriture latine, s'est maintenue assez longtemps dans les
inscriptions et on la retrouve même dans celles qui ont été
tracées légèrement à la pointe, ou graffiti. Mais de très
bonne heure, la nécessité d'écrire rapidement a fait incurver
la barre verticale, lorsqu'on voulait la tracer d'un seul
trait avec les deux barres, supérieure et inférieure ; un
3. ÉCRITURES GOTHIQUES
XIP siècle.
XII1« siècle
XIV^ siècle
XV^ siècle.
0)iaiudciu£
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OTCmué>ctAic^
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Cu^f^wc-
C c
V ♦=-
ér ^
^
second trait y ajoutait la barre du milieu. Cela produisit la
forme dite onciale ; on la trouve indiquée déjà assez nette-
ment dans les graffiti et dans les papyrus d'Herculanum
et de Pompéi, tandis que les tablettes de cire semblent
avoir préféré la forme ancienne 1 1 .
De la forme onciale est naturellement sortie la lettre
minuscule; il a suffi que la barre médiane fût reliée au
trait supérieur infléchi à droite et forme avec lui une
panse, pour que ce caractère ressemble fort a IV minuscule
de la typographie. On rencontre ce caractère dès le vi® siècle
dans l'écriture à laquelle le mélange des formes onciales et
minuscules a fait donner le nom de semi-onciale. Depuis
lors cette barre médiane s'est plus ou moins rapprochée
du sommet de la lettre, et la panse formée par elle a été
plus ou moins vaste ; mais la forme générale du caractère
n'en a été que peu modifiée, et les formes minuscules n'en
4. ECRITURES MODERNES
^(^Kjotttcjae
u\xnMm>wL'
vtûuicfue^
Oc/tÀXunJi/
Jé^fXoKB^
ec
e
e
S
,^ ^
diffèrent guère que par les dimensions. Il n'en est pas de
même de la cursive : les ligatures des lettres voisines l'ont
souvent transformée à ce point qu'il est difficile de recon-
naître la forme de cette lettre, au moins dans les premiers
siècles du moyen âge et surtout dans les écritures de chan-
cellerie. Assez souvent Ve cursif, d'assez grande dimension,
semble dériver de l'E capital qu'on aurait voulu tracer
tout entier d'un seul trait de plume et former de deux
panses ouvertes à droite et superposées. Cette forme s'est
conservée jusqu'à nous, et c'est à peu près celle des majus-
cules de l'écriture courante moderne. Parfois aussi Ve
ainsi formé a été de très petite dimension et ressemble à
l's grec. D'autres fois enfin s'est ajoutée à la lettre une barre
transversale que l'on a tracée, soit dans le haut de la
panse supérieure (écriture mérovingienne et Caroline), soit
entre les deux panses. Cette disposition est caractéristique
dans plusieurs des écritures dites nationales et particu-
lièrement dans la cursive et la minuscule dites lombardi-
ques. Certains caractères cursifs, notamment dans les lettres
apostoliques du viii® au xi® siècle, ont à peu près la forme
d'un 8 dont la panse supérieure très petite serait séparée
par un trait de la panse inférieure. C'est, du reste, comme
on peut le voir par notre tableau 5, à peu près la seule
particularité de ces écritures.
E — EADIE
— 188
L'E capital romain est longtemps demeuré en usage dans
les inscriptions. On y trouve cependant aussi assez tôt une
forme qui se rapproche de l'onciale, témoin la fameuse ins-
cription de Maktar qui remonte pour le moins au vi® siècle.
D'abord très rare, cette forme est devenue fréquente à
partir du x® siècle.
Pendant la seconde partie du moyen âge (xii®-xv« siècle),
on retrouve encore dans les majuscules initiales, les ins-
criptions lapidaires et les légendes des sceaux, l'E capital
romain, mais la forme la plus ordinaire est dérivée de
l'onciale dont elle diffère cependant en ce que presque
toujours la lettre est fermée à droite par un trait vertical
5. ECRITURES DITES NATIONALES
Mérovingienne. . .
Lombarde ,
Visigothique.
Irlandaise .
Anglo-Saxonne . ,
Cxpitoie
0
CAAKèW^
^wMécuXe^
}
e
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t e
H
c
û
Ct
1£
e
£
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ï
e
i
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î
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Z
e
(V. tableau 3). Les écritures gothiques y ont ajouté, sur-
tout dans les lettrines, des fioritures et des enjolivements.
A partir du xiv^ siècle, on rencontre assez souvent dans les
inscriptions lapidaires et dans les légendes des sceaux la
forme minuscule, qui y est employée à peu près seule au
siècle suivant et qui est caractéristique des inscriptions
gothiques de ce temps. Il y a peu de choses à dire des
formes minuscules et cursives ; les unes sont devenues de
plus en plus anguleuses, surtout dans les lettres dites de
forme, les autres d'abord assez semblables aux minuscules,
ont été plus tard formées souvent de deux traits légère-
ment concaves superposés et sans liaison entre eux. Cette
forme s'est perpétuée dans les écritures modernes ; on la
retrouve dans les bulles et jusque dans la bâtarde des xvii®
et xviii® siècles.
Notre frontispice donne une idée du parti décoratif qu'ont
su tirer de la lettre E les calligraphes et les enlumineurs
du moyen âge. '^'^'^
III. Logique. — En logique, la lettre E employée dans le
corps des mots qui désignent les différents modes du syllo-
gisme (V. ce mot) signifie que la proposition qui lui cor-
respond est une proposition négative universelle. Ainsi
dans cEsarE^ la majeure et la conclusion sont des né-
gatives universelles, dans camEstrEs, la mineure et la
conclusion.
IV. Musique. — Dans l'alphabet de la notation dite
Boétienne par lettre, l'E représente la note mi naturel.
V. Mathématiques. — On a désigné par la lettre e la base
des logarithmes népériens. Ce nombre est la limite vers la-
^ m
quelle tend (1 H — ) quand m croît indéfiniment en passant
par des valeurs positives ou négatives. On trouve :
114 1
^ ^ 1^1.2 ^ 1.2.3 ^"' ^ 1.2.3.. .m^" *
r= 2,718281828459045...
On a prouvé que ce nombre est incommensurable, et
même dans ces derniers temps, M. Hermite a prouvé qu'il
ne saurait être racine d'une équation algébrique à coefii-
cients entiers. On rencontre le nombre e dans une foule
de questions d'analyse. En général, on a
^, , X x^ x"^
^^=1+- + — --^... + -— ~ h...
1 1.2 1.2. 3. ..71
EACHARD (John), théologien anglais, fameux par sa
science et son esprit, né en 1636, mort le 7 juil. 1697. Il
est surtout connu par une satire mordante dirigée contre
le clergé, dont il feint de chercher à expliquer le discrédit,
The Grounds and occasions of the contempt of the
clergy (1670). Quelques années plus tard, il dirigea contre
Hobbes ses Deux Dialogues sur l'état de nature. Vive-
ment attaqué à son tour par ses adversaires, il sut les
désarmer en mêlant l'humour aux arguments sérieux. En
1675, il fut nommé principal de Catharine Hall, à Cam-
bridge, où il avait fait ses études. Il dirigea cet établisse-
ment pendant près de vingt-deux ans. G. Q.
EACHARD (Laurence) (V. Echard).
EACIDES (Myth.). 1° Descendants à'Eaque(Y. ce nom).
2<^ Roi des Molosses (V. JEacides).
EADIE (John), théologien écossais, né en 1810, mort en
^876. Il avait vingt-cinq ans quand il fut appelé à Glasgow
comme pasteur de la congrégation sécessioniste de cette
ville. Quelques années après (1843), il y remplit les fonc-
— 189 —
EADIE — ÉAQUE
lions de professeur de théologie, au nom du grand parti
des séparatistes qui avaient fondé avec Erskine IMssoda^^
Presbytery, près d'un siècle auparavant. Parmi les travaux
scientifiques de Eadie, on cite son History ofthe english
Bible (1876) et ses études sur le texte des Epîtres de samt
Paul aux Ephésiens, aux Colossiens, aux Philippiens et
aux Galates. Il est aussi connu par ses sermons et. des
ouvrages de vulgarisation. G. Q.
EADMER, historien anglais, mort vers 1124. A la hn
du XI® siècle et au commencement du xu^, Eadmer occupa
une situation prépondérante dans l'église métropolitaine de
Canterbury; sur l'esprit de saint Anselme et de son suc-
cesseur, l'archevêque Ralph, il fut tout-puissant. Il était
si célèbre par la vigueur de son esprit que le roi Alexandre
d'Ecosse l'appela en 1 120 au siège archiépiscopal de Saint-
Andrews, mais Eadmer refusa d'être consacré par un
autre prélat que le métropolitain de Canterbury, dont les
Ecossais repoussaient la juridiction, et il dut renoncer à
l'épiscopat. Il mourut dans la dignité de precentor de la
cathédrale de Canterbury. — C'était un homme de talent :
il a écrit en fort bon style des biographies de saint An-
selme, de saint Dunstan, de saint Oswald, etc. Mais son
principal titre littéraire est son Historia Novorum, qui
va de la conquête normande à l'année 1122; l'auteur s'y
montre peu crédule, pourvu d'une bonne méthode, et par-
tisan décidé des libertés de l'Eghse anglaise. Cet ouvrage
a été imprimé dès 1551 à Anvers; la dernière édition, à
laquelle on a joint la Vie de saint Anselme, a paru dans
les Rolls Séries, en 1884, par les soins de M. Martin
Rule. — C'est bien à tort que les anciens bibliographes
Leland, Baie et Pits ont confondu Eadmer de Canterbury
avec un autre Eadmer, abbé de Saint-Albans,morten980.
EAGLE. Monnaie (V. Aigle).
EAGLEHAWK. Ville d'Australie, colonie de Victoria,
au N.-E. de Melbourne et au N. du Dividing Range;
7,642 hab. (en 1881); elle doit sa prospérité à sa situa-
tion dans un district aurifère ; elle est reliée à Melbourne
par un chemin de fer.
EAGLE PASS. Petite localité des Etats-Unis (Etat du
Texas), sur le Rio Grande; 3,000 hab. en 1880. Près de
là est le fort Duncan. Une ligne de chemin de fer, reliant
Brackettsville (Texas) , station du Southern Pacific, non loin
de la source du Nueces, à Torreon (Mexique), station du
Central Mexicain, franchit le Rio Grande à Eagle Pass.
EAGLES (John), artiste et écrivain anglais, né à Bristol
en 1783, mort le 8 nov. 1855. De goûts assez changeants,
il manifesta d'abord l'intention de se faire peintre de
paysages et voyagea dans ce but en Italie, où il se pas-
sionna surtout pour le Poussin et Salvator Rosa. Après
avoir donné quelques esquisses, il résolut de prendre les
ordres et occupa diverses cures, entre autres celle d'Hal-
berton dans le Devonshire. Enfin, il fut un collaborateur
zélé du Blackwood's Magazine, où il publia une série
d'études artistiques. On peut citer de lui : The Sketcher
(Edimbourg, 1856, in-8); Essays (Londres, 1857, in-8) ;
Félix Farley Rhymes (Bristol, 1856, in-8) ; Sonnets
(Edimbourg, 1858, in-8). R. S.
EALING'. Ville d'Angleterre, comté de Middlesex, fau-
bourg de Londres, à 10 kil. à l'O. de Hyde Park;
15,766 hab. (en 1881). Contiguë à Brentford, elle com-
prend Gunnersbury Park, résidence du baron de Roths-
child, des hôpitaux, orphelinats, etc.
EAMES (John), érudit anglais, né à Londres, mort en
1744. Bien que laïque, il remplit, depuis 1734 jusqu'à sa
mort, les fonctions de maître de conférences de théologie
dans une institution de dissidents, la Fund Academy,
L'amitié de Newton le fit recevoir membre de la Royal
Society. Il rédigea, avec John Martyn, un abrégé des
travaux de cette société savante, The Philosophical
Transactions from i7i9 to 11SS abridged (2 vol. in-4),
complété par un Index général (1735, in-4). On lui doit
aussi une édition de The Knowledge of the Heavens and
Earth made easy, par Isaac Watts (1726, in-8).
EAMES (M^^^ Emma), cantatrice dramatique, née en
Australie vers 1865. Elle vint faire ses études vocales à
Paris, sous la direction de l'excellent professeur M'^" Mar-
ches!, et, son éducation terminée, fut engagée à l'Opéra,
où elle débuta avec succès, le 13 mars 1889, dans Roméo
et Juliette, après quoi elle se montra dans Faust. Douée
d'une beauté séduisante, M^^® Eames est en possession
d'une voix charmante, qu'elle conduit avec goût et que
vient aider un sentiment scénique fort intelligent. Après
s'être affirmée dans le répertoire, elle a créé d'une façon
très heureuse le rôle de Colombe d'Éstourville dans Ascanio^
de M. Saint-Saëns, et celui de Zaïre dans Zaïre, de M. Vé-
ronge de la Nux. Engagée à Londres, au théâtre de Covent
Garden, en 1891, W^^ Eames y a obtenu de grands succès,
principalement dans Eisa, de Lohengrin.
EANCÉ. Com. du dép. d'ille-et- Vilaine, arr. de Vitré,
cant. de La Guerche ; 1,023 hab.
EANES ou EANNES ou encore AN NES. Nom commun
à divers architectes portugais dont les plus marquants furent
Affbnso, Gonçalo et Rodrigo Eanes, tous trois frères,
et qui sont cités dans des documents de la première moitié
du xv^ siècle comme ayant été des plus fameux dans leur
art. C'est en effet vers cette même époque que le conné-
table Pereira leur confia la construction du couvent du
Carme à Lisbonne, travaux dont Affonso prit plus particu-
lièrement la direction. — Un autre architecte, Jacques
Eanes, construisait, vers 1556, les tours de l'éghse de
Caminha. — Ce nom a encore été porté par un statuaire,
Gil Eanes, qui travaillait en 1465 à Batalha. P. L.
EANNES DE AzuRARA (Gomez), historien portugais du
XV® siècle (V. Azur ara).
EAP ou YAP. La principale île du groupe occidental des
Carolines (V. ce mot) ; 200 kil. q. ; 2 à 3,000 hab. Dé-
couverte en 1625.
ÉAQUE (Al'a/oç) (Myth. gr.). Héros grec légendaire,
fils de Zeus et d'Egine (fille du dieu fluvial Asopus). Il na-
quit dans l'île d'(Enopia, plus tard appelée Egine, où son
père avait assuré un refuge à sa mère. Une autre version
lui donne pour mère Europe. Au moment de sa naissance,
l'île d'Egine était inhabitée ou bien elle fut dépeuplée par la
vengeance d'Héra; pour donner des sujets à son fils, Zeus
métamorphosa en hommes les fourmis ([xuppLrixe;) et Eaque
régna sur les Myrmidons. Ces légendes sont l'expression
mythique du fait de la colonisation d'Egine dont la vieille
population pélasgique fut remplacée par des immigrants
venus des bords del'Asopus (Phlionte et Corinthie) et de la
Phthiotide, le pays des Myrmidons. Eaque resta dans le sou-
venir des Grecs un type de roi pieux et juste, parfois pris
pour arbitre par les dieux eux-mêmes ; on lui attribuait la
cessation de fléaux ; on disait qu'il avait élevé le temple de
Zeus Panhellénien sur le mont Panhellenium (V. Egine), et
les Eginètes avaient dans leur île un sanctuaire appelé
Eaceum où était, disaient-ils, le tombeau du héros. Une
légende rapportée par Pindare contait que Eaque aida
Apollon et Poséidon à bâtir les remparts de Troie ; l'œuvre
achevée, trois dragons l'assaillirent et seul celui qui esca-
ladait le mur bâti par Eaque réussit à entrer dans la ville;
Apollon prophétisa que Troie tomberait sous les coups des
Eacides. — Eaque eut de sa première femme, Endeis, deux
fils, Télamon et Pelée; de la seconde, Psamathe, un seul,
Phocus ; ce dernier, préféré par son père, fut tué par ses frères
qui s'enfuirent de l'île. — Après sa mort, Eaque devint un
des trois juges des Enfers (avec Minos et Radamanthe) ; on
le représente tenant le sceptre et les clefs du royaume sou-
terrain. On lui rendait un culte à Egine dont il était le pa-
tron et à Athènes.
Le nom à'Eacides fut donné aux descendants d'Eaque,
formant deux branches : fils de Pelée et fils de Télamon ;
dans la première, Achille, dans la seconde, Ajax, sont les plus
illustres des héros qui assiégèrent Troie. Le nom fut parti-
culièrement appliqué à la vieille dynastie épirote, descen-
dant de Pyrrhus, fils d'Achille, à laquelle se rattachèrent
plus tard les rois de Macédoine.
EARINUS - EASTLAKE - 490 -
EARINUS. Surnom romain, d'origine grecque, dont le
sens est printanier. Il se trouve dans plusieurs inscrip-
tions (Corp, inscr. M., 5, 5526; 7, 1331). C'est dans
Sénèque {Ep., 83, 3) le nom d'un enfant, dans Martial
(9, 12, 13, 14) et dans Stace [Silv., 3, 4) le nom d'un
affranchi de Domitien.
EARLE (John), écrivain et évêque anglais, né à York
en 1601, mort à Londres le 17 nov. 1665. Fils d'un secré-
taire de l'archevêché d'York, il fit ses études à l'université
d'Oxford, reçut les ordres et publia anonymement en 1628
Microcosmographia, livre plein d'esprit et d'humour sur
la société d'alors. Hallam considère Earle comme l'égal de
La Bruyère dans l'art de peindre les caractères. Trois
éditions s'épuisèrent coup sur coup et d'autres suivirent
presque d'année en année jusqu'en 1669. Réimprimé plu-
sieurs fois depuis, la meilleure édition est celle du D'' Bliss
(1811). Charles P^ avait chargé Earle de l'éducation de son
fils auquel il resta profondément attaché. Il le suivit dans
son exil en France et, à la restauration des Stuarts, fut
fait doyen de Westminster, puis évêque de Worcester et
en dernier lieu de Salisbury. On lui doit encore une tra-
duction latine de VEikon Basilikè, sous le titre : Imago
régis Caroli (La Haye, 1649). Hector France.
EARLE (Giles), homme politique anglais, né vers 1678,
mort le 20 août 1758. H entra jeune dans l'armée et par-
vint au grade de colonel. Très hé avec le duc d'Argyll qu'il
abandonna par la suite, il se lança dans la politique et
représenta Chippenham au Parlement de 1715 à 1722. En
1722, il fut élu par Malmesbury qu'il représenta jusqu'en
1747. De 1718 à 1720, il fit partie de la maison du
prince de Galles, entra en 1720 dans la maison du roi et,
en 1728, fut nommé commissaire des revenus d'Irlande. Il
remplaça, en 1737, sir George Oxenden au Trésor et garda
cette situation jusqu'en 1742. Il occupa encore de 1727 à
1741 les importantes fonctions de président de la commis-
sion des privilèges et élections. La versatilité de ses con-
victions politiques, son physique disgracieux et la vulgarité
de ses plaisanteries lui avaient valu une espèce de célébrité.
EARLE (William), général anglais, né à Liverpool le
18 mai 1833, mort à Kirbekan (Egypte) le 10 févr. 1885.
Entré dans l'armée en 1851, il fit la campagne de Crimée,
prit part aux batailles de l'Aima et d'Inkermann, fut, de
1859 à 1860, secrétaire du général Codrington, gouverneur
de Gibraltar, servit à la Nouvelle-Ecosse en 1862 et dans
l'Amérique du Nord de 1865 à 1872. H avait été promu
colonel en 1868. De 1872 à 1876, il occupa les fonctions
de secrétaire militaire de lord Northbrook aux Indes, fut
nommé major général des grenadiers de la garde le 31 oct.
1880 et fut envoyé en Egypte en 1882. H commanda la
place d'Alexandrie jusqu'à la fin de 1884 et accompagna
alors lord Wolseley dans l'expédition envoyée au secours
de Gordon à Kharfoum. Il fut tué en enlevant les positions
des Arabes à Kirbekan. Une statue lui a été élevée à Li-
verpool. R. S.
EARLOM (Richard), graveur anglais, né à Londres en
1743, mort à Londres le 9 oct. 1822. Honoré, à l'âge de
quatorze ans, d'une récompense par la Société des arts, il
devint élève de Cipriani et finit par se placer au premier
rang des graveurs en manière noire. Ses chefs-d'œuvre à
cet égard sont les deux estampes : les Fleurs et les Fruits,
d'après les tableaux de la galerie Huysum, et Bethsabée
amenant Abisag à David, d'après Adrien Van der Werff.
Il a gravé nombre de planches à l'eau-forte, au burin et
au pointillé, d'après des maîtres, surtout pour des recueils
de l'éditeur Boydell, et une série d'excellents portraits,
parmi lesquels on remarque : celui du Duc (TArenberg,
à cheval, d'après Van Dyck ; Bubens et sa femme reve-
nant de la chasse, d'après ce maître ; Rembrandt et la
Femme de Bembrandt, d'après celui-ci, etc. H est sur-
tout connu aujourd'hui pour avoir reproduit en fac-similé
les deux cents dessins de Claude Lorrain, de la collection
du duc de Devonshire (Liber Veritatis; 1777, 2 vol.
in-fol.), où il se permit néanmoins d'irrévérencieuses modi-
fications. Un catalogue critique de son œuvre a été publié
par Wessely (Hambourg, 1889, in-8). G. P-i.
EARLY (Jubal), général américain, né en Virginie vers
1815. Elève de l'école mifitaire de West-Point, il servit
dans l'artillerie, démissionna bientôt et étudia le droit. Au
moment de la guerre avec le Mexique, il s'engagea dans
un corps de volontaires virginiens, et au début de la guerre
de Sécession servit dans l'armée des confédérés. Il se dis-
tingua en de nombreuses occasions, notamment aux lignes
de Fredericksburg (1863), à Gettysburg et dans la vallée
du Shenandoah, où il fut mis en pleine déroute par Sheri-
dan en 1864. Il se réfugia en Europe après la guerre du-
rant laquelle il était parvenu au grade de général, puis il
revint à Richmond où il exerça comme avocat. Plus tard,
il devint directeur de la loterie de la Louisiane à la Nou-
velle-Orléans. On a de lui : Memoirs of the last year of
the war (1867) ; Jackson campaign against Pope in
186'2 (1883).
EARN (Loch). Lac d'Ecosse, comté de Perth, situé
au pied du Ben Voirlich, long de 9 kil., large de 2 kil.,
entouré de collines boisées ; il renferme les ruines d'un
château dans une île. — Il donne naissance à la rivière
Earn qui se jette dans l'estuaire du Tay, après un cours
sinueux de 70 kil. La vallée de Strathearn, très pittoresque,
est souvent visitée.
EARNSLAW (Mont). Montagne de la Nouvelle-Zélande,
île méridionale, près d'Otago ; 2,793 m. d'alt.
EASDALE. Ile des côtes occidentales d'Ecosse, comté
d'Argyll, sur le détroit de Lorn ; ardoisières considé-
rables.
EAST (Sir Edward-Hyde), magistrat anglais, né à la
Jamaïque le 9 sept. 1764,mortàLondresle8 janv. 1847.
Inscrit au barreau de Londres en 1786, il fut élu membre
delà Chambre des communes par Great Bedwin en 1792,
appuya la politique de Pitt et en 1813 fut nommé chief
justice de la cour suprême du Bengale en remplacement
de sir Henry Russell. Il occupa ces fonctions jusqu'en 1822
et fut créé baronnet le 25 avr.. 1823. Il représenta Win-
chester au Parlement de 1823 à 1830 et entra au conseil
privé. On a de lui : Beports of cases in the court of
King'sBench from. 1185 to 1800 (Londres, 1817,
5 vol. in-8), en collaboration avec C. Durnford et qu'il
continua seul jusqu'à l'année 1812 ; Pleas of the Crown
(Londres, 1803, 2 vol.) ; A Beport of the cases of sir
F. Burdet against Ch. Abbott (Londres, 1811).
EASTBOURNE. Ville maritime d'Angleterre, comté de
Sussex, près du cap Beachy Head; 21,977 hab. Source
minérale de Holywell. C'est une grande station balnéaire
qui se développe rapidement. Le fort Langley la défend.
EASTHOPE (Sir John), homme politique anglais, né à
Tewkesbury le 29 oct. 1784, mort près de Weybridge
(Surrey) le 11 déc. 1865. D'abord employé de banque, il
devint assez rapidement un des plus riches commerçants et
spéculateurs de la cité de Londres et présida les conseils
d'administration de plusieurs importantes sociétés indus-
trielles. Après s'être présenté sans succès aux élections
législalives à Saint-Albans en 1821, il représenta ce bourg
au Parlement de 1826 à 1830. Il fut élu par Banbury en
1831, échoua à Lewes en 1837 et représenta Leicester de
1837 à 1847. Orateur facile et très écouté, il s'occupa
seulement des questions d'affaires et surtout des lois sur les
céréales. En 1834, il acheta la propriété du Morning
Chronicle et fut créé baronnet le 24 août 1841. Il appar-
tenait au parti libéral. R. S,
EAST INDIA (Compagnie) (V. Inde).
EASTLAKE (Sir Charles Lock), peintre et écrivain d'art
anglais, né à Plymouth le 17 nov. 1793, mort à Pise le
23 déc. 1865. Il vint à Londres étudier la peinture sous
la direction de Fuseli, et son premier tableau exposé, la
Fille de Jaïre (1814), lui valut d'être envoyé à Paris pour
y faire des copies de maîtres. En 1817, il partit pour
l'Italie et y demeura quatorze années pendant lesquelles il
ne fit que deux apparitions en Angleterre : la première en
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EASTLAKE — EASTWICK
1820, la seconde en 1828 k l'occasion de son élection à
la Royal Academy.Enl819, il avait fait une courte excur-
sion en Grèce en compagnie de Tarchitecte Berry. Les pre-
miers tableaux d'Eastlake représentent des scènes de ban-
dits italiens ou de paysans de la campagne romaine : la
Femme d'un brigand défendant son mari (1823) ;
Jeime Fille d'Albano conduisant une femme aveugle à
l'église; Pèlerins en vue de la Ville sainte (1828);
Famille de paysans tombée au pouvoir des bandits
(1 830) ; Grecque en costume national, Grecs fugitifs
(1833), etc. Mais ceux qui lui valurent le plus de succès
sont des tableaux bibliques ou religieux : Agar et Ismaël
(1838); le Christ bénissant les petits enfants (1839),
et surtout le Christ pleurant sur Jérusalem (1841). En
1835, Eastlake envoya à l'E-xposition universelle de Paris
quatre toiles : les Pèlerins ; le Spartiate Isadas s' élan-
çant au combat (tableau datant de 1827); la Sveglia-
rina; François de Carrare s' échappant de Milan avec
sa femme, A partir de ce moment, il abandonna de plus
en plus la peinture pour s'occuper exclusivement de ses
fonctions de directeur de la National Gallery ; son amitié
avec le prince Albert lui permit d'avoir la plus heureuse
influence sur tout ce qui touchait aux beaux-arts en Angle-
terre; il enrichit les musées anglais de cent trente-neuf
tableaux de maîtres, et c'est au cours d'un voyage entre-
pris pour acquérir des tableaux qu'il mourut. Eastlake,
nommé bibliothécaire de la Royal Academy en 1842, pré-
sident en 1830, directeur de la National Gallery en 1835,
a laissé sur les beaux-arts divers ouvrages, entre autres :
une traduction de la Théorie des couleurs, de Gœthe
(1840) ; un traité : Materials for a history of oil Paint-
ing (1847-1869, 2 vol.); Contributions to the litera-
ture of fine Arts (1848, 1 vol, ; nouv. édit., augm., 1870,
2 vol.), etc. F. CouRBOiN.
BiBL. : Leslie Stephen, National Biography.
EASTLAKE (Elizabeth Rigby, lady), née en 1815, fille
d'un médecin de Norwich. Elle était déjà connue comme
femme de lettres quand, en 1849, elle épousa sir Charles
Lock Eastlake, le célèbre peintre (V. ci-dessus). Ses Letters
from the Shores oftheBaltic (1841) eurent un très grand
succès ; les mœurs des Esthoniens y sont décrites avec un
réel talent. Ce premier ouvrage fut suivi de la Juive
(1843), et des Livonian Taies (1846). Les récits de miss
Rigby se distinguent par une très grande simpHcité et un
charme qui naît du naturel. Elle fit paraître dans la London
Quarterly Review (juin 1845) une sorte de monographie
des voyageuses sous le titre de Lady Travellers. A partir
de 1849, elle se voua à l'étude des beaux-arts : elle tra-
duisit de l'allemand le Manuel de la peinture en_ Italie,
de Kugler, pour lequel son mari fit d'intéressantes anno-
tations (1831); elle acheva l'excellente iconographie de
Jésus-Christ de M"^^ Jameson {History ofOur Lord, 1864,
2 vol.); elle publia V Autobiographie du sculpteur John
Gibson (1869), et, après la mort de son mari, une vie
d'Eastlake, substantielle et courte, vrai modèle du genre,
qui a paru en tête de la seconde série des Contributions
to the liter attire offine arts, œuvre posthume de l'artiste
(1870); enfin Five great Painters (1883, 2 vol.), et
d'autres travaux de moindre importance.
Casimir Stryienskt.
EAST LIVERPOOL. Ville des Etats-Unis, Etat de l'Ohio;
5,568 hab. en 1880. Poteries de grès.
EAST LONDON. Ville de l'Afrique centrale, ch.-l. de
comté de la colonie du Cap, à l'embouchure de la rivière
Ruffalo, à 900 kil. E. du Cap; 2,500 hab. Port d'un accès
difficile, marqué par de fréquents sinistres ; le Buffalo y
forme une barre, avec un tirant d'eau de 2 m. et demi. En
1886, le mouvement maritime d'East London a été de
1,033,000 tonnes et la valeur du commerce de 30 millions
de francs. L'exportation des laines s'est élevée à 7,088,500
kilogr.
EASTMAN (Charles Gamage), journaliste et poète amé-
ricain, né en 1816, mort en 1861. lia publié, entre autres
ouvrages, un volume de vers où il décrit, avec charme et
vérité, la vie des champs dans la Nouvelle-Angleterre (Mont-
pelier, Vermont, 1848, in-18).
EASTMAN (Mary Henderson, femme), romancière amé-
ricaine, née à Warrenton (Virginie) en 1817, fille du
D^ Thomas Henderson. Elle excelle à retracer les mœurs
et la vie dos Indiens d'aujourd'hui, que ses longs séjours
sur les limites des territoires réservés lui ont permis d'étu-
dier de près. On peut citer d'elle : Dahcotah ou Vie et
légendes des Sioux (New-York, 1849,in-'I2) ; Romance
of Indian Life (Philadelphie, 1852, in-8); American
Aboriginal Portfolio, avec des illustrations par son mari,
le capitaine S. Eastman (1853, in-4) ; Chicora, and other
Régions of the Conquerors and Conquered (1854, pet.
in-4), et une sorte cle contre-partie à la Case de l'oncle
Tom, intitulée Aunt Phillis's Cabin (1852). B.-H. G.
EASTON. Ville des Etats-Unis, Etat de Pennsylvanie,
comté de Northampton, au confluent de la rivière Lehigh
et du Delaware; 12,000 hab. (1880). Ville bien bâtie,
commerçante et industrielle; fonderies, moulins, distille-
ries. Collège Lafayette. Le faubourg de South Easton a
5,000 hab. Aug. M.
EASTON I A (Malac). Genre de Mollusques Lamelli-
branches, de l'ordre des Vénéracés, établi par J.-E. Gray en
i853 pour une coquille oblongue, arrondie aux extrémités,
équivalve, équilatérale, ornée extérieurement de côtes
rayonnantes. Charnière composée d'une dent cardinale
comprimée, de dents latérales non écartées, l'intérieure
verticale, la postérieure oblique; le cuilleron large et
triangulaire ; ligament marginal, presque externe. Type :
Eastonia rugasa Gmelin. Les espèces de ce genre vivent
dans le sable à des profondeurs variables; elles habitent
l'océan Atlantique et la Méditerranée, sur les côtes du
Portugal et de l'Algérie, l'océan Pacifique, côtes de Cali-
fornie, etc. J. Mab.
EASTPORT. Ville de l'extrême pointe de la frontière
N.-E. des Etats-Unis, Etat du Maine, sur l'île Moose, au S.
de la baie de Passama (Juoddy ; 5,000 hab. Port excellent,
défendu par le fort SulHvan. Pêcheries ; commerce de bois.
EAST PROVIDENCE. Ville des Etats-Unis, Etat de
Rhode Island ; 6,816 hab. en 1885.
EAST RIVER. Bras de mer de 30 kil. environ de lon-
gueur, qui joint le port de New- York et le détroit de Long
Island, et sépare le côté oriental de New- York de la ville
de Brooklyn. En 1885, le Ht de la rivière de l'Est a été
débarrassé, par de grands travaux, des rochers qui l'obs-
truaient et formaient le passage dangereux connu sous le
nom de Hellgate. Le pont de Brooklyn franchit la rivière
de l'Est, dont le passage est également desservi par de nom-
breux ferrys ou bacs à vapeur.
EAST SAGINAW. Ville des Etats-Unis, Etat de Mi-
chigan, sur la rive droite de la rivière Saginaw qui se
jette dans la baie de même nom (lac Huron) ; 29,000 hab.
en 1884. Ville industrielle.
EAST SAINT-LOUIS. Faubourg de Saint-Louis (Etats-
Unis); 9,200 hab. en 1885. Tandis que Saint-Louis est
situé sur la rive droite du Mississipi, East Saint-Louis
l'est sur la rive gauche et appartient à l'Etat d'Illinois. Un
grand pont en fer, œuvre remarquable du génie civil,
traverse le Mississipi et réunit les deux villes. East Saint-
Louis est le point de réunion d'un grand nombre de lignes
ferrées tenant du N., du N-E., de l'E. et du S.-E. des
Etats-Unis. Aug. M.
EASTWICK (Edward Backhouse), orientaliste et diplo-
mate anglais, né à Narfield (Berkshire) le 13 mars 1814,
mort en 1883. Appartenant à une famille qui avait joué
un rôle notable dans l'histoire de la Compagnie des Indes
(son père en fut directeur), il débuta comme cadet dans
l'infanterie de Bombay ; mais il entra bientôt dans l'ad-
ministration civile, où sa parfaite connaissance des dialectes
du pays le mettait à même de rendre de grands services.
Il professa pendant un temps l'hindoustani, au collège de
Hailesbury, puis fut nommé secrétaire politique adjoint à
EASTWICK — EAU
49^2 —
VIndia Office (1859). Il remplit plus tard des missions
diplomatiques et financières en Perse et au Venezuela, devint
secrétaire d'Etat pour l'Inde et représenta, de 1868 à 1874,
Penryn et Falmouth au Parlement. Parmi ses nombreux
ouvrages, il faut citer une Concise Grammar of Hindus-
tani (1847), un journal de ses trois années de résidence
en Perse (Journal of diplomatist ; 1864, 2 vol.), Vene-
zuela or Sketches ofLife in a South American Republic
(1868), des traductions comme celles du Jardin des
Roses ou Gulistan de Sadi, de la grammaire comparée
de Bopp et de la Révolte des Pays-Bas de Schiller, et
deux luxueux volumes publiés à l'occasion de l'érection des
Indes anglaises en empire sous le titre de Kaisar-nama-i
Hind ou Lay of the Empress (1882). B.-H. G.
EATON (Theophilus), administrateur anglais, né àStony
Stratford (comté de Buckingham) en 1590, mort à New
Haven le 7 janv. 1658. Fils d'un pasteur, il préféra le
commerce à l'Eglise à laquelle son père le destinait. Très
intelligent, il fit" une carrière brillante au service de VEast
Land Company, pour laquelle il voyagea dans le nord de
l'Europe. Charles P'^ le choisit pour agent à la cour de Da-
nemark. Eaton prit un intérêt considérable à l'émigration
en Amérique, partit lui-même pour Boston en 1637 et
fonda, sur la baie de (Juinnipiack, un établissement qui
reçut le nom de New Haven. Le 25 oct. 1639, il fut choisi
pour gouverneur de New Haven et exerça ces fondions
jusqu'à sa mort. Il dota la nouvelle colonie d'un code qu'il
rédigea avec l'aide de Davenport et qui fut imprimé à
Londres en 1656 sous le titre de iY^if Haven' s settling
in New England and some lawes for government pu-
blished for the use of that colony (Hartford, 1858, in-4,
nouv. éd.).n eut d'incessants démêlés avec les Hollandais;
mais, grâce à sa prudence et à son habileté, ils ne dégéné-
rèrent pas en hostilités déclarées. B. S.
EAU.I. Histoire de la science. —L'eau était regardée
par les anciens comme un élément et même comme l'un des
quatre éléments dont l'assemblage constituait, à leurs yeux,
tous les corps de la nature. — Ce mot, d'ailleurs, n'était
pas appliqué seulement d'une façon spécifique à Peau pro-
prement dite ; il avait un sens générique plus compréhensif,
car on le donnait à toute matière naturellement liquide, ce
qui comprenait aussi le vin, le miel, le vinaigre, etc., et on
rétendait à toute matière fusible par l'action de la chaleur,
telle que l'or, l'argent, le cuivre, le plomb, les métaux.
Le mercure spécialement était désigné sous le nom d'eau-
argent (uSpapYupoç). Cette signification du mot eau est
déjà exposée dans le Timée de Platon et elle a subsisté
pendant tout le moyen âge. Le mot eau signifiait aussi
l'élément liquide, la matière ou princioe de la liquidité en
général, matière ou principe que l'on croyait pouvoir retirer
à un corps donné, ou y ajouter par divers procédés.— Mais
le mot eau désignait d'une manière plus spéciale la matière
particuUère, actuellement liquide ou Hquéfiable, telle que
l'eau ordinaire, le vin, etc., spécifiée par un adjectif. A ces
deux sens purement matériels, on doit en joindre deux
autres, si l'on veut comprendre les conceptions des anciens
et du moyen âge, lesquelles s'étendaient aussi aux modifica-
tions de la maltière, envisagées en elles-mêmes, telle que
la fusion ou acte dynamique de la liquéfaction, et l'état
statique de la matière fondue. Ces notions subtiles ont été
continuellement agitées au moyen âge et elles se trouvent
sous d'autres formes dans la physique actuelle.
L'eau élémentaire n'était pas envisagée comme indécom-
posable, mais elle était susceptible de se transformer dans
les autres éléments ; par Faction de la chaleur, elle se chan-
geait en vapeur, c.-à-d. en air; par l'action du froid, elle
devenait solide, c.-à-d. terre. Les notions de la physique
moderne sur les états des corps étaient ainsi appliquées par
les anciens aux éléments eux-mêmes, envisagés comme con-
stitués au fond par les arrangements différents d'une matière
première identique, groupée' suivant les principes de la géo-
métrie ; les pythagoriciens et Platon à leur suite assignaient
même les formes caractéristiques de chaque élément. Telle
fut la doctrine des savants pendant Fantiquité et pendant
tout le moyen âge. Elle continuait à régner avec des va-
riantes diverses au xviii^ siècle, l'eau étant envisagée comme
un élément fondamental des corps, homogène et non réso-
luble en d'autres corps du même ordre qu'elle-même. Mais
à cette époque, un grand changement commença à s'effec-
tuer dans les idées," par suite des progrès de la chimie et
de la découverte des gaz.
Tandis que la notion vague de l'élément terre faisait
place à la connaissance même d'une multitude de matières
diverses, oxydes irréductibles, en dérivés métalliques les uns
dans les autres, la connaissance de la composition de l'air
permit à Lavoisier d'expliquer les phénomènes de la com-
bustion, ainsi que la formation des oxydes et des acides, et
la respiration, d'après les idées que nous enseigons aujour-
d'hui. Cependant elles n'avaient pas porté la conviction
dans l'esprit de ses contemporains ; de grands doutes sub-
sistèrent pendant quelque temps en raison de l'ignorance
où l'on était alors de la composition de l'eau. C'est Fintel-
ligence exacte de cette composition qui jeta un jour définitif
sur la théorie.
Tant que l'hydrogène demeura inconnu, la question de
la composition de l'eau ne pouvait pas être posée, ni la so-
lution entrevue. La découverte même de l'hydrogène faite
par Cavendish, en 1767, ne suffisait pas. Dix ans après,
en 1778, Macquer disait encore : « L'eau paraît une sub-
stance inaltérable et indestructible, du moins jusqu'à pré-
sent ; il n'y a aucune expérience connue, de laquelle on
puisse conclure que l'eau peut être décomposée. » L'eau
continuait donc à être regardée, conformément à la tradi-
tion de tous les siècles et de toutes les écoles, comme un
élément. La formation de l'air inflammable, c.-à-d. de
notre hydrogène, demeurait inexphcable. En effet, les con-
ditions de sa production, par la réaction des acides sur les
métaux, semblaient conduire à cette conséquence néces-
saire : que l'hydrogène était le vrai principe inflammable
des métaux, ce principe si longtemps cherché, désigné au-
trefois sous le nom de sulfuréitë, c.-à-d. principe sulfu-
reux, ou plutôt principe de la volatilité, principe qui était
celui dont Lavoisier contestait l'existence réelle.
L'hydrogène apparaît en effet dès qu'on traite les métaux,
tels que le fer ou le zinc, par la plupart des acides. H apparaît
également lorsque le fer est attaqué par la vapeur d'eau,
et même par Feau liquide. Si donc Feau est un élément
indécomposable, il paraît nécessaire d'admettre que l'hydro-
gène résulte de la décomposition du métal, une chaux mé-
tallique étant formée simultanément : que cette chaux
demeure libre, comme dans la réaction directe du fer sur
l'eau, ou qu'elle se combine à l'acide pour engendrer un
sel, comme dans la réaction des acides. Nous retournons
ainsi à la théorie du phlogistique.
La force de ces raisons était telle qu'à la suite de la dé-
couverte de l'hydrogène la plupart des chimistes le regar-
dèrent comme représentant le principe combustible par
excellence, le phlogistique lui-même, ou plutôt comme l'une
des formes et la plus pure de cet être subtil, que l'on sup-
posait contenu dans les métaux. Telle était l'opinion de
Cavendish, qui avait découvert l'hydrogène.
Cependant Feau, véritable produit de la combustion de
l'hydrogène, avait déjà été observée, sans que l'on comprît
l'importance de son apparition. Macquer avait vu, dès 1775,
que la combustion de l'air inflammable laisse déposer des
gouttelettes d'eau sur une soucoupe, sans donner lieu à
aucune matière fuligineuse. Mais on avait regardé cette
eau comme préexistante à l'état de vapeur, ou, comme on
disait alors, de dissolution dans le gaz, et étrangère à sa
constitution ; elle relevait, pensait-on, de l'hygrométrie,
qui était alors même l'objet des recherches des physiciens :
le gaz, qui lui servait de "support, étant détruit par la com-
bustion, l'eau se condensait. On n'avait donc point attaché
d'importance à sa manifestation.
Cavendish répéta à son tour Fexpérience en 1783 et
constata que le poids des corps mis en expérience ne change
— 193 —
EAU
pas dans la combustion de l'air inflammable. On ne pou-
vait donc pas invoquer la fixation ou le départ de la matière
du feu. Gavendish vit en même temps, et c'était le nœud
de la question, que la proportion de l'eau ainsi formée était
trop considérable pour être expliquée par la simple présence
de la vapeur d'eau préexistante dans les gaz. Il eut donc,
dans la découverte des faits relatifs à la composition de
l'eau, l'initiative principale. Toutefois, préoccupé par la
formation constante d'un peu d'acide nitrique dans cette
combustion, ainsi que par les expériences faites à la même
époque par Priestley sur le prétendu changement intégral
de l'eau en gaz sous l'influence de la chaleur rouge, O-
vendish hésita tout d'abord à tirer les conclusions de sa
belle expérience, et même à en faire l'objet d'une publi-
cation quelconque. Il ne la présenta pas avant le 19 janv.
1784 à la Société royale de Londres, avec laquelle il était
pourtant en rapports quotidiens, et il l'exposa même en
admettant, comme une alternative possible, cette opinion
que le gaz inflammable (hydrogène) pourrait être de l'eau
unie au phlogistique : alternative d'après laquelle l'eau
demeurait un élément.
A ce moment, le problème avait été complètement éclairci
par Lavoisier. En effet, la notoriété des essais de Gaven-
dish s'était répandue dans le monde scientifique pendant le
printemps de 1783 : il ne pouvait en être autrement à une
époque où tous les esprits étaient tenus en éveil par la dis-
cussion des théories soulevées par Lavoisier et oii les lettres
et les communications verbales donnaient lieu à un échange
incessant des connaissances positives et des idées contro-
versées. Lavoisier, toujours en éveil sur la nature des
produits de la combustion de l'hydrogène, se trouvait à ce
point où la moindre ouverture devait lui en faire com-
prendre la nature véritable. Il se hâta de reprendre ses
essais, comme il en avait le droit, n'ayant jamais cessé de
s'occuper d'une question qui touchait au cœur même de
son système. Ge fut lui qui donna le premier d'une façon
formelle la signification réelle et complète des phénomènes.
Il conclut, de ses expériences, que l'eau n'est pas un élé-
ment, mais qu'elle est composée d'air vital et d'air inflam-
mable, c.-à-d. d'oxygène et d'hydrogène. Il ne donna pas
dès le début la démonstration expérimentale complète,
celle de la permanence du poids des deux composants dans
le composé.
G'est à Monge qu'est due cette démonstration, commu-
niquée en son nom quelques jours après par Vandermonde
à l'Académie. Mais il regardait comme une hypothèse tout
aussi probable que celle de Lavoisier l'opinion que l'hydro-
gène et l'oxygène sont des combinaisons de l'eau avec des
fluides élastiques différents, lesquels par la combustion se
changeraient dans le fluide du feu, et s'échapperaient sous
forme de chaleur et de lumière. Gette opinion, congénère
de celle du phlogistique et qui rappelle les anciennes idées
des physiciens sur les deux fluides électriques adhérents à
la surface des corps, maintenait toujours l'eau comme un
élément indécomposable. Watt pensait également, à cette
époque, que l'eau pouvait être changée en air, si on la
chauffe assez fortement pour que toute sa chaleur latente
se dégage sous forme de chaleur hbre ou sensible, puis il
émit dans des lettres privées, qu'il refusa d'ailleurs de
laisser publier, des opinions plus conformes à la réalité,
mais sans exécuter lui-même aucune expérience et sans
oser prendre la responsabilité de ses conjectures.
En résumé, dans la découverte fondamentale de la com-
position de l'eau, si Lavoisier n'a pas eu la pleine initia-
tive des faits, si Gavendish l'a précédé à cet égard, si Monge
et Priestley ont participé à leur étude progressive, ce qu'on
ne saurait contester à Lavoisier, c'est qu'il ait eu d'abord
la claire vue de la théorie, théorie que ses travaux anté-
rieurs sur le rôle de l'oxygène dans la formation des oxydes
et des acides devaient faire pressentir à tous les chimistes
éclairés de l'époque : il osa le premier proclamer claire-
ment et publiquement la composition de l'eau, vérité qui
est devenue Tune des pierres angulaires de la science
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
chimique. S'il l'a fait tout d'abord et hardiment, alors que
les autres savants hésitaient encore sur l'interprétation des
faits, c'est parce que son esprit était libre des entraves de
cette hypothèse du phlogistique, qui troublait à la fois le
langage et la pensée de ses contemporains. Gette conclu-
sion extraordinaire pour eux venait se placer tout natu-
rellement dans le cadre de sa nouvelle doctrine : il sut en
tirer aussitôt les applications les plus diverses aux points
essentiels de la science, tels que la formation de l'eau dans
la réduction des oxydes métalliques par l'hydrogène, la dé-
composhion inverse de l'eau par les métaux, seule ou avec
le concours des acides, la production de l'eau dans la com-
bustion de l'alcool et des matières organiques, etc. G'est
ainsi que la découverte de la composition de l'eau a joué
un rôle capital dans la constitution définitive de la chimie
moderne. M. Berthelot.
II. Chimie. — On démontre facilement que l'eau est
formée d'oxygène et d'hydrogène : 1^ en enflammant un
jet d'hydrogène sous une cloche ; on dessèche le gaz au
préalable, afin de rendre la démonstration plus probante ;
2"* en faisant arriver un globule de potassium sous une
éprouvette remplie de mercure et contenant à son sommet
une petite quantité d'eau : il ne se dégage que de l'hydro-
gène pur; 3° en décomposant l'eau en vapeur, à une tem-
pérature élevée, dans un tube contenant du fer chauffé au
rouge, comme dans l'expérience de Lavoisier. Dans quel
rapport de poids et de volume se combinent l'oxygène et
l'hydrogène pour engendrer l'eau ? Gette question, ébau-
chée par Lavoisier, a été résolue par les belles recherches
de Gay-Lussac et Humboldt, de Berzélius et Dulong, puis
de Dumas.
Guy-Lussac a démontré qu'en faisant détoner dans un
eudiomètre 2 vol. d'hydrogène et 1 vol. d'oxygène, les
deux gaz disparaissaient pour donner 2 vol. de vapeur
d'eau. Berzélius et Dulong ont établi synthétiquement la
composition de l'eau en réduisant par l'hydrogène un poids
connu d'oxyde de cuivre, cette composition se déduisant
de la perte de poids de l'oxygène de l'oxyde et du poids
de l'eau formée pendant l'opération. Ils ont trouvé par cette
méthode que la composition centésimale était la suivante :
Hydrogène 11,09
Oxygène 88,91,
soit 1 p. d'hydrogène pour 8,017 d'oxygène. Depuis les
recherches classiques de Dumas reposant sur la méthode
précédente perfectionnée, on admet que 9 p. d'eau en poids
contiennent 1 p. d'hydrogène et 8 p. d'oxygène, soit
pour 100 :
Hvdrogène 11,112
Oiygène 88,888.
En résumé :i°en équivalent, l'eau est formée de 1 équiv.
d'hydrogène pris pour unité de poids et de 1 équiv. d'oxy-
gène représenté par 8, ou, si l'on veut, 9 gr. d'eau con-
tiennent exactement 1 gr. d'hydrogène et 8 gr. d'oxygène ;
2*^ en volume, elle contient exactement 2 vol. d'hydro-
gène et 1 vol. d'oxygène qui s'unissent pour former 2 vol.
de vapeur d'eau. L'équivalent de l'eau est donc représenté
par HO ; mais, comme la plus petite quantité d'eau qui
prend naissance dans les réactions chimiques n'est jamais
inférieure à 2 équiv., on admet que le poids moléculaire
est RW :
H^-02zz=18.
Dans la théorie atomique, le volume représentant l'atome,
on dit, sous autre forme, que l'eau est formée de deux
atomes d'hydrogène et d'un atome d'oxygène, la formule
atomique de l'eau étant alors H^O.
Propriétés physiques. A la surface du globe, l'eau
existe toujours sous trois états physiques : elle est solide,
liquide ou gazeuse. A l'état solide, bien qu'elle soit d'une
admirable transparence, elle est cristallisée, ou plutôt
formée d'une multitude de cristaux empâtés dans une masse
amorphe. En faisant passer à travers un morceau de glace
un rayon lumineux, on met ces cristaux en évidence, sous
13
EAU
— d94 —
forme de rosaces, qui ont été décrites parTyndall sous le
nom de fleurs de glace.
L'eau cristallise dans le système rhomboedrique, tantôt
sous forme d'un dodécaèdre de 120% tantôt sous celle
d'un dodécaèdre isocèle : c'est ce qui explique es belles
cristallisations pennées qu'on observe partoissur les vitres
peniiant riiiver. La neige elle-même est formeed un assem-
blable d'une multitude de petits cristaux simulant des
étoiles à six rayons, de manière à présenter des angles de
60° En se liquéfiant, sous l'influence de la chaleur, 1 eau
diminue de volume; en effet, la densité de l'eau étant
prise pour unité, celle de la glace est seulement de U,Jlb
Brunner) ; en outre, il y a absorption de chaleur : la
chaleur latente de fusion de la glace est égale a TU^^^io.
Ainsi, lorsqu'on met dans un vase 1 kilogr. de glace a
zéro, puis 1 kdogr. d'eau à 79% on obtient après la tusion
2 kilogr. d'eau à 0« environ. Réciproquement, en passant
de l'état liquide à l'état solide, l'eau augmente de volume ;
et chose remarquable, le maximum de densité est situe,
non à zéro, mais à 4« (Despretz), ce qui semble indiquer
qu'à partir de 4« les molécules commencent à s orienter,
d'oii résulte une expansion de volume qui atteint son
maximum au point de congélation. Ces changements de
volume expUquent une foule de phénomènes quetout le
monde peut observer pendant l'hiver, tels que les suivants :
la présence de la glace à la surface des lacs et des rivières;
la rupture des pierres, dites gélives, et même des tissus
végétaux, des corps les plus résistants, comme les métaux
et les alliages, etc. Tout le monde sait qu'on peut briser
des canons de bronze en les remplissant d'eau et_ en les
exposant ensuite, après une fermeture hermétique, a
l'action d'une basse température. Comme la plupart des
autres corps, l'eau peut être en surfusion, c.-à-d. être
encore liquide au-dessous de zéro, et alors on peut la
comparer à une dissolution sursaturée ; ce phénomène
s'observe : i*^ lorsqu'elle tient en dissolution certains sels,
notamment le sulfate de soude; 2^ lorsqu'elle est contenue
dans des tubes capillaires et qu'elle mouille les parois ;
30 lorsqu'on l'abandonne à un refroidissement très lent.
Dans ce dernier cas, la température peut descendre à
— 20° ; mais la solidification a lieu immédiatement et la
température remonte à zéro sous l'influence du momdre
mouvement vibratoire et par l'introduction d'une parcelle
de glace, ce qui est une autre preuve de la structure cris-
talline de cette dernière .
A l'état liquide, l'eau pure est inodore et incolore ;
toutefois, vue en masse, elle présente une légère teinte
verdâtre. A partir de 4% elle augmente graduellement de
volume jusqu'au point d'ébuUition (Despretz). Elle dissout
un srand nombre de corps, solides, liquides ou gazeux :
les alcalis, les matières sucrées, gommeuses et mucilagi-
neuses ; un grand nombre de principes immédiats, d'ori-
oine végétale ou animale ; une foule de sels, comme les
formiates et les acétates; la plupart des azotates, des chlo-
rures, des sulfates, des oxalates, etc. ; en général, es
corps très oxygénés sont solubles dans l'eau, tandis que les
corps riches en carbone et en hydrogène sont de préférence
solubles dans l'alcool et dans l'éther. Contrairement à ce
qui a lieu d'ordinaire pour les liquides et les solides, les
gaz sont d'autant plus solubles dans l'eau que la tempe-
rature est plus basse.
L'eau existe constamment à 1 état de gaz dans l atmo-
sphère; à la surface de la terre, elle émet continuellement
des vapeurs, même aux températures les plus basses. Comme
les liquides volatils, elle se vaporise immédiatement dans le
vide et acquiert dans des temps très courts la tension
maxima qui répond à la température de l'expérience. En
se vaporisant, elle augmente environ de dix-sept cents fois
son volume ; elle est alors sous forme d'un fluide élastique,
incolore, inodore, plus léger que l'air, car sa densité,
rapportée à ce dernier, est égale à 0,622. Dans les con-
ditions normales dépression, c.-à-d. àïOO^^^S on ditqu el le
bout à 100° ; en augmentant la pression, on élevé graduel-
lement le point d'ébuUition, principe sur lequel repose la
marmite de Papin; réciproquement, à mesure que la pression
diminue, le point d'ébuUition s'abaisse, à tel point qu'on peut
provoquer l'ébullition au voisinage de zéro en faisant le
vide à la surface du liquide. Pour se transformer en vapeur,
elle exi^e environ cinq fois et demie plus de chaleur que
pour élever sa température de zéro à 100°; en d'autres
termes, 1 kilogr. de vapeur d'eau à 100°, reçu dans
5^s500 d'eau à zéro, donne e^'SoOO d'eau à 400°,
L'eau n'est pas un électrolyte. Lorsqu'on l'acidule, le
courant décompose l'acide, ce qui fournit 2 vol. d'hydro-
gène au pôle négatif pour 1 vol. d'oxygène au pôle positif.
Soit de l'eau additionnée d'un peu d'acide sulfurique,
S0%3H0 ; on a, sous l'influence du courant électrique :
S03,3H0 = 3H + (S0'^ + 0^);
au pôle positif :
(S03 + 0^^) + 3H0=:30 + S03,3H0.
Ainsi, au contact de l'eau, l'acide anhydre SO^ ou S'-O^
reproduit l'acide sulfurique et voilà pourquoi ce dernier se
retrouve non altéré à la fln de l'expérience (Bourgoin).
Propriétés chimiciiies. L'eau intervient dans la plupart
de nos réactions de laboratoire et dans presque tous les
phénomènes qui se passent à la surface de la terre ; lors-
que cette dernière était à l'état incandescent, l'eau ne
pouvait exister qu'à l'état de vapeur, et, dès que la con-
densation est devenue possible, sa température étant très
élevée, son pouvoir dissolvant était considérable ; amsi
s'explique la formation des couches géologiques stratifiées.
Dès que la vie est devenue possible sur notre planète, l'eau
a joué un rôle prépondérant dans la formation des végétaux
et des animaux; elle est indispensable pour assurer la série
des combinaisons et des décompositions chimiques qui
s'effectuent dans les tissus. Après la mort, elle est égale-
ment nécessaire pour désorganiser les matières organiques
et restituer leurs éléments à la nature. C'est sous son
influence que se produisent la plupart de ces doubles décom-
positions, que les chimistes effectuent journellement, et
son influence est capitale dans une foule de réactions.
Tantôt elle n'agit qu'à titre de dissolvant ;^ tantôt elle
fournit seulement l'un de ses deux éléments, l'oxygène ou
l'hydrogène, aux corps qui réagissent les uns sur les autres ;
tantôt, enfin, elle entre intégralement en combinaison pour
engendrer de nouveaux composés ; parfois elle détermine
des dédoublements, sans entrer en réaction, du moins en
apparence. En résumé, trois cas principaux peuvent se
présenter : 1° l'eau est décomposée et l'oxygène entre en
combinaison, l'hydrogène étant mis en liberté ; 2° l'hydro-
gène est fixé, tandis ({ue l'oxygène est éliminé ; 3° les deux
éléments, oxygène et hydrogène, sont fixés simultanément.
C'est en s'appuyant sur l'action de l'eau que Thénard a
établi sa classification des métaux : les trois premières sec-
tions renferment les métaux qui décomposent l'eau à une
température plus ou moins élevée ; cette décomposition est
due à ce que l'hydrogène est un métal et qu'il peut être
remplacé par un^utre métal, soit à froid, soit à chaud.
Le rôle de l'eau en chimie organique est d'une impor-
tance capitale : on la voit à chaque instant entrer en com-
binaison ou prendre naissance, par suite de la réaction
interne des éléments qui constituent la molécule organique.
Un fait digne de remarque, c'est que la quantité d'eau qui
se forme dans une réaction quelconque ne peut pas être
inférieure à deux équivalents. Exemple :
Action de la potasse sur les hydracides ou sur les oxacides :
KH02 + HC1=:H20^^ + KC1,
lilW + AzHO« zzz H^O^ -4- AzO^K.
Oxvdation de l'alcool et formation de l'éther sulfurique :
C^H'^O^ + 0" = IPO^ -+- C^lî 'O'^
2C^*H«02 = H^O^ + C^H4(C4F0^) .
C'est pour cette raison qu'on adopte la formule H^O^
pour représenter une molécule d'eau. Ed. Bourgoin.
Analyse. — Les méthodes suivies pour l'analyse des
eaux varient suivant leur destination ; ainsi pour l'alimen-
— im —
EAU
tation des chaudières à vapeur se borne-t-on généralement
aux données fournies par la méthode hydrotimétrique,
tandis que, pour les eaux destinées à la consommation,
eaux présumées potables, il est de rigueur, avant d'en faire
usage, de constater l'absence de souillure, soit d'origine
végétale, soit et surtout d'origine cmz'ma/^ provenant des
résidus de la vie. Pour les eaux minérales, une analyse
complète, destinée à en faire connaître les propriétés, est
absolument indispensable. Une eau potable doit être
fraîche et hmpide, incolore sous une faible épaisseur, ou
légèrement bleue en masse, d'une température inférieure à
45° centigrades ; ne pas contenir de matières organiques
capables d'entrer en putréfaction, ni une trop forte pro-
portion de sels en dissolution, bien cuire les légumes et ne
pas coaguler le savon. Toute eau dégageant une odeur
sulfureuse doit être rejetée, car elle contient des matières
organiques en putréfaction sous l'action des ferments, et
pourrait amener des désordres dans l'économie. Ces carac-
tères ne sont cependant pas suffisants pour juger une
eau, car remphssant ces conditions, elle peut néanmoins
contenir, comme il est parfaitement démontré aujour-
d'hui, des bactéries, germes de maladies infectieuses.
L'analyse complète d'une eau d'alimentation comprend :
1° l'analyse chimique proprement dite, c.-à-d.la recherche
et le dosage des éléments dissous, normaux et anormaux ;
2*^ l'examen bactériologique, c.-à-d. la culture, la numé-
ration et la détermination des êtres microscopiques qui la
peuplent.
Prise de Véchaîitillon. La prise d'échantillon d'une
eau destinée à l'analyse est très délicate, car c'est de cette
prise que découle, naturellement, l'appréciation analytique.
Pour les cours d'eaux, fleuves ou rivières, les étangs, etc.,
la prise doit être faite au milieu de la tranche liquide,
éviter de prendre aux bords, au fond ou à la surface, afin
de ne pas rencontrer de vase, argile, gravier, ou des
matières organiques, débris de plantes ou d'animaux qui
peuvent surnager. Dans l'examen de l'eau distribuée à une
ville, la prise se fait au robinet d'un immeuble situé à peu
près au centre de la distribution ; il faut avoir soin de pur-
ger au préalable la conduite en laissant couler dix mi-
nutes environ, car on s'exposerait à prélever un échantil-
lon contenant du plomb provenant des tuyaux de canalisa-
tion. On recueille l'eau dans des vases de verre, bouchés
à l'émeri (ne pas faire usage de bouteilles de grès, qui
peuvent en modifier la dureté), très propres, que l'on aura
stérilisés par un lavage au permanganate de potasse légè-
rement acidulé à l'acide sulfurique, puis passés trois ou
quatre fois à l'eau distillée bouillie; de cette façon on a
des fioles entièrement privées de microorganismes; on les
remplit d'eau à examiner après un rinçage à cette même
eau, et on les tient au frais et à l'obscurité. C'est dire que
toutes les précautions possibles doivent être prises pour
éviter l'introduction de bactéries étrangères, qui viendraient
donner des résultats erronés. L'analyse sera commencée
aussitôt la prise faite, car non seulement la quantité des
colonies, mais aussi l'acide carbonique hbre, l'oxygène
dissous, etc., varient avec le temps.
Examen préliminaire. Il importe de noter la couleur
de l'eau, les eaux bleues étant des eaux généralement
pures ; cet examen se fait dans un tube de laiton fermé à
ses extrémités par des obturateurs en verre, comparati-
vement à un tube témoin de même longueur rempli d'eau
distillée. Une saveur d'eau croupie indique une eau conte-
tenant de grandes quantités de matières organiques ; la sa-
veur terreuse est propre à l'eau chargée de sels calcaires.
Quant à l'odeur, elle se développe au bain-marie après
agitation de la fiole contenant l'eau. Sur le tournesol,
l'eau doit avoir des réactions très faiblement acides ou
alcalines.
Analyse chimique. Les corps que l'on peut rencontrer
dans une eau douce sont : 1^ résidus minéraux : silice, fer,
alumine, chaux, magnésie, soude, potasse, chlore, acide
sulfurique; 2*^ résidus delà vie : acides azoteux, azotique.
phosphorique, hydrogène sulfuré, ammoniaque salin, ammo-
niaque albuminoïde, matières organiques, scatol. Lorsqu'on
a affaire à une eau trouble, il convient d'opérer tous les
dosages sur l'eau filtrée ; on peut tenir compte des ma-
tières en suspension, argile ou matières organiques, en fil-
trant une assez grande quantité d'eau, huit ou dix litres
environ, sur un Berzelius séché et taré, et séchant à nou-
veau jusqu'à poids constant.
Résidu d'évaporation. Le comité consultatif d'hygiène
de France recommande d'évaporer lentement un litre ï'eau,
chauffer encore quatre heures après dessiccation et peser.
Certains auteurs et le Laboratoire municipal de Paris pré-
fèrent, après évaporation complète, porter àl'étuve à 180^
ou 200° pendant deux heures environ, jusqu'à poids cons-
tant ; les sels composant le résidu sont alors tous à l'état
anhydre; on laisse refroidir sous l'exsiccateur à acide
sulfurique et on pèse rapidement, car le résidu est très
hygrométrique. On a ainsi la somme des éléments dissous
dans l'eau ; il s'ensuit qu'en additionnant les chiffres obte-
nus dans les dosages des matières organiques, du fer, de
l'alumine, de la chaux, de la magnésie, de la potasse, de
la soude, du chlore, des acides sulfurique, azoteux, azo-
tique, carbonique des carbonates neutres, en déduisant du
total l'oxygène correspondant au chlore, on doit sensible-
ment trouver le poids du résidu à j 80°.
Perte au rouge. La perte au rouge porte sur les ma-
tières organiques, les carbonates et les chlorures en partie
ou en totalité; pour la déterminer, le résidu à 180° pré-
cédemment obtenu est maintenu au petit rouge pendant
une heure sur la flamme d'un bec Bunsen m dans un
moufle à gaz ; on laisse refroidir sous l'exsiccateur et on
pèse ; le résultat obtenu varie avec l'intensité de la tem-
pérature et, comme il est fort difficile sinon impossible
d'obtenir une température constante, ce résultat ne pré-
sente pas grande valeur.
Dosage de la silice. Un litre d'eau additionnée de 2 ou
3centim. c. d'acide chlorhydrique pur est évaporé très
lentement en évitant l'ébullition ; on reprend par un peu
d'eau distillée aiguisée d'acide chlorhydrique; on filtre sur
du papier BerzéHus; après lavage, on sèche et on calcine :
le poids indique la quantité de silice.
Dosages du fer et de ralumine. La liqueur filtrée
séparée de la silice est précipitée par l'ammoniaque ou
par le sulfhydrate d'ammoniaque; si l'eau est très calcaire,
pour éviter la précipitation d'une partie de la chaux, on fait
bouillir pour chasser l'excès d'alcali ou de sulfhydrate, on
filtre, on lave, sèche et calcine ; le poids donne le ses-
quioxyde de fer et l'alumine ; souvent la quantité de fer
est négligeable , la plupart des eaux de fleuve et de
rivière n'en contenant que des traces; on fait alors
ordinairement figurer ensemble le fer et l'alumine dans
le Hbellé de l'analyse. Cependant si la quantité de fer est
notable, on le dose en opérant de la manière suivante : le
précipité de sesquioxyde de fer et d'alumine étant pesé est
redissous à chaud dans l'acide chlorhydrique additionné de
quelques gouttes d'acide sulfurique ; on chasse l'excès d'acide
chlorhydrique par la chaleur; on étend d'eau distillée à
100 centim. c. environ ; on réduit le fer à l'état de sel de
protoxyde par le zinc ; on décante la liqueur ; on lave le
zinc et on dose le fer au permanganate normal centime
N
r-r^ (à 08''316 de sel cristallisé par litre) : 1 centim. c.
de cette solution — 0,000,800 de sesquioxyde de fer. Le
poids du fer et de l'alumine étant connu, le fer étant dosé
à l'état de sesquioxyde, la différence donne l'alumine.
Dosage de la chaux. La liqueur séparée du fer et de
l'alumine est additionnée d'ammoniaque et précipitée par
l'oxalate d'ammoniaque ; on attend douze heures que le
précipité soit rassemblé et on filtre à 60° centigr. pour
éviter que le précipité passe à travers le filtre ; parfois une
partie de l'oxalate de chaux adhère aux parois du vase où
s'est faite la précipitation. Dans ce cas, on Ive le vase à
EAU
— 196 —
reau aii^uisce cUacide chlorhydrique et reprecipite a nou-
veau par raminoniaque. On lave à Feau chaude, sèche et
calcine • il se forme, suivant Tintensité de la tempera ure,
soit du 'carbonate de chaux avec dégagement d oxyde de
carbone, soit un mélange de carbonate et de chaux x-ive;
aussi dans ce produit complexe, il faut convertir toute la
chaux en un composé fixe. Pour cela on laisse retroidir
la capsule; on mouille le précipité à l'acide sulturique
étendu; on dessèche avec précaution; on calcine a nou-
veau et on pèse ; on a toute la chaux à l'état de^suhate
dont le poids multiplié par 0,411 donne la chaux (UU).
Dosaqe de la magnésie. La magnésie se précipite dans
le liquide filtré provenant de la séparation de la chaux par
addition d'ammoniaque et de phosphate de soude; on aisse
reooser vinet-quatre heures; le précipité se formant lente-
ment, surtout s'il n'y a que des traces de magnésie il se
dépose du phosphate ammoniaco-magnésien grenu et cris-
tallin adhérent aux parois du vase. On filtre, lave a l eau
ammoniacale, sèche, calcine et pèse. Le phosphate ammo-
niaco-maenésien se convertit en pyrophosphate de ma-
gnésie ; le multiplicateur pour obtenir la magnésie
^^ofaqe'des alcalis {potasse et soude). Ce dosage se fait
sur une nouvelle quantité d'eau, en se débarrassant de toutes
les autres bases, par la précipitation en bloc. Ce procède est
dû à M Peliffot. On évapore à siccité deux litres d eau très
légèrement acidulée à l'acide sulfurique; on reprend par un
excès d'eau de baryte; on filtre pour séparei le sul tate de
baryte formé; on lave bien le filtre, et on précipite 1 excès
de baryte par un courant d'acide carbonique ; on tait
bouillir pour chasser Vacide carbonique dissous qui retien-
drait un peu de carbonate de baryte en dissolution ; on
filtre à nouveau la liqueur; on acidulé à l acide chlor-
hydrique et on évapore à sec ; on calcine légèrement et
le résidu est formé des chlorures de potassium et de
sodium • on laisse refroidir à Texsiccaleur et on pesé. Un
dissout 'le résidu dans un peu d'eau disliUee; on ajoute
un lé^er excès de bichlorui e de platine ; \\ se terme un
précipité jaune serin de chloroplatinate de potasse ; on éva-
pore à sec au bain-marie et on reprend par l alcool (le
chloroplatinate étant un peu soluble dans l'eau); on verse
sur un filtre séché et taré; on lave à 1 alcool jusqu a ce
qu'il passe incolore et n'entraîne plus rien ; on sèche le
filtre à 110° jusqu'à poids constant; on a ainsi la potasse
à l'état de chloroplatinate (PtCl^ KCl) dont le poids mul-
tiphé par 0,192 donne la potasse (KO), et par 0 304 la
potasse à l'état de chlorure; la soude s'obtient alors par
différence, le poids des deux chlorures étant connu ; le chlo-
rure de sodium multiplié par 0,5299 donne la soude (NaO)
PtCl2,KCl X 0,192 m KO.
PtCl^KCl X 0,304 = KCl.
NaCl X 0,530 == NaO.
dosaqe de Vammoniaque salin. Le dosage de l am-
moniaque dans les eaux par le procédé Boussmgault est
très délicat; il donne de bons résultats entre des mains
expérimentées ; il est encore employé par quelques chi-
mistes. Aujourd'hui dans la plupart des laboratoires on
dose l'ammoniaque avec le réactif de Nessler. La méthode
de Nessler est fort ingénieuse et permet de déceler des
traces infinitésimales d'ammoniaque. Il faut pour faire ce
dosase : 1« des tubes de verre dits de Nessler, exactement
de même calibre, de 17 cenlim. de hauteur et de 4 centim.
de diamètre, à fond régulièrement arrondi et portant un
traitdejaugeàoOcentim.c; 2^ une pipette de 2 centim. c;
3« deux liqueurs titrées de chlorhydrate d'ammoniaque;
une à 3S'-15 de ce sel par litre d'eau très pure (distillée
sur du permanganate dépotasse, puis sur du sulfate d'alu-
mine); c'est la solution forte ; 1 centim. c. de cette liqueur
z=: 1 milligr. d'ammoniaque ; une seconde, cent fois plus
faible, obtenue en étendant à un litre 10 centim. c. de la
première ; c'est la solution faible ; elle correspond à O^g'-Ol
d'ammoniaque par centim. c; 4« le réactif de Nessler qui
est une dissolution alcaline potassique ou sodique d'iodure
de potassium, saturée de biodure de mercure. Pour le pré-
parer, on dissout à chaud 62S''5 d'iodure de potassium dans
environ 2o0 centim. c. d'eau; on y ajoute une solution sa-
turée à chaud de bichlorure de mercure, jusqu'à ce que le
précipité d'iodure de mercure ne se redissolve plus ; on
filtre et on verse dans la liqueur loO gr. de potasse caus-
tique en solution concentrée. On additionne alors le réactif
de4 à 5 centim. c. de la solution saturée de bichlorure de
mercure pour en augmenter la sensibilité.
Ceci dit, pour procéder à un dosage, on opère de la ma-
nière suivante : on se débarrasse des sels de chaux, de fer,
et de l'argile contenus dans l'eau en soumettant 500 cen-
tim. c. de cette eau légèrement alcalinisée au carbonate
de soude pur; à la distillation, on recueille trois ou quatre
portions de 50 centim. c. ; le liquide distillé ne doit plus
accuser d'ammoniaque. On mélange toutes ces portions; on
verse 50 centim. c. de ce mélange dans un tube Nessler et
on y ajoute 2 centim. c. de réactif; il se développe en pré-
sence d'ammoniaque une coloration brun rouge; s'il y avait
précipité, on devrait étendre le produit de la distillation
(l'eau contenant une grande quantité d'ammoniaque, plus
de 5 milligr.). Dans un tube identique, on met 50 centim. c.
d'eau distillée bien pure, 2 centim. c. de réactif et à l'aide
d'une burette Gay-Lussac divisée en dixièmes de centim. c.
on verse goutte à goutte de la liqueur faible de chlorhydrate
d'ammoniaque, jusqu'à ce que les deux tubes étant placés
sur une feuille de papier blanc, on observe egahte de
teinte; dans cet essai, le chlorhydrate versé après le
Nessler détermine dans le tube témoin un louche qui masque
en partie la fin de l'opération; aussi doit-on contrôler en
recommençant une ou plusieurs fois l'essai, mais en versant
d'un seul coup dans le tube témoin et avant le réactif de
Nessler la quantité de chlorhydrate fixée par l'essai pré-
cédent. Le titre de la solution faible de chlorhydrate étant
0"^s^01 d'ammoniaque par centimètre cube, le nombre de
centimètres cubes employé, multiplié par 3 ou 4, suivant
que l'on a recueilli trois ou quatre portions de 50 centim. c,
donne en centièmes de milligramme la quantité d'ammo-
niaque salin contenue dans les 500 centim. c. d'eau.
L'urée, les diamines et les alcaloïdes sont sans action sur le
réactif de Nessler.
Dosage de lammoniaque albuminoïde. Le procédé
généralement employé consiste à brûler les matières albu-
minoïdes par le permanganate de potasse en solution
alcaline; il n'est pas encore prouvé que l'oxydation soit
complète, mais on ne possède point encore de méthode
certaine. Ce procédé est dû à MM. Wanklyn et Chapmann.
On ajoute au résidu de la distillation opérée pour le dosage
de l'ammoniaque salin, et contenant l'ammoniaque albu-
minoïde, 50 centim. c. d'une dissolution de permanganate
alcalin ; on distille et on reçoit dans un volume connu
d'acide sulfurique titré comme cela se fait à Montsouris ;
il ne reste plus qu'à titrer l'excès d'acide, ou bien on
recueille trois ou quatre portions de 50 centim. c. et on
dose au réactif Nessler comme pour l'ammoniaque salm.
La solution alcahne de permanganate s'obtient en dissol-
vant 8 gr. de permanganate cristallisé; on ajoute 200 gr.
de potasse caustique ; on fait bouillir un quart d'heure pour
chasser toute trace d'ammoniaque, et après refroidissement
on complète le litre avec de l'eau distillée sur du perman-
o;anate de potasse, puis sur du sulfate d'alumine.
Dosage des nitrates. Tous les procédés proposés pour
déterminer l'acide nitrique contenu dans les eaux agissent
sur les nitrites; il faut donc tenir compte de cette erreur.
Nous décrirons successivement : l*' le procédé Boussmgault,
basé sur l'action de l'acide nitrique sur le sulfate d'mdigo ;
20 le procédé Grandval et Lajoux (formation de picrate
d'ammoniaque).
Procédé Boussingault. Le procédé de Boussmgault est
fondé sur la décoloration du sulfate d'indigo par l'acide
nitrique. On prépare deux dissolutions : 1" l'une très diluée
de sulfate d'indigo, appelée liqueur normale, en versant
dans 100 centim. c. d'eau distillée vingt gouttes de sul-
— 197 —
EAU
fate d'indigo (acide sulfurique Nordhausen, 50 à 60 cen-
tim. c. ; indigotine pure, 5 gr.) ; 2° l'autre d'azotate de
potasse titrée à Os^^OOl de ce sel pour 2 centim. c. On
détermine le titre de la solution bleue de la manière sui-
vante. On verse 2 centim. c. de la solution d'azotate dans
un tube à essai avec ij'll centim. c. d'acide chlorhydrique
exempt de clilore et de produits nitreux ; on fait bouilhr,
puis on ajoute goutte à goutte avec une burette Gay-
Lussac la solution de sulfate d'indigo tant que la couleur
bleue de la liqueur disparaît ; on concentre ensuite la liqueur;
on ajoute de temps en temps de l'acide chlorliydrique et on
verse à nouveau du sulfate d'indigo jusqu'à coloration ver-
dâtre persistant à l'ébullition et à l'addition de nouvelles
quantités d'acide chlorhydrique. Un essai identique fait
.avecl'eau à examiner donne la proportion de nitrates qui
y est contenue. Lorsque l'eau contient des matières orga-
niques, on les brûle en distillant en présence d'acide sulfu-
rique (1 gr.) et de bichromate de potasse ou de bioxyde
de manganèse lavé (1 gr.) et on dose l'acide nitrique dans
le produit de la distillation.
Procédé Grandval et Lajoiix. Ce procédé consiste à
transformer l'acide nitrique en trinitrophénol, puis en picrate
d'ammoniaque, ensuite à comparer à l'aide du colorimètre
de Duboscq l'intensité de la solution obtenue avec une
solution type de picrate. Il réussit même en présence des
chlorures ; cependant, si la quantité en est un peu forte, on
élimine l'acide chlorhydrique au moyen de l'oxyde d'argent
hydraté. Ce procédé nécessite l'emploi d'une solution d'acide
sulfophénique et d'une liqueur titrée de nitrate de potasse.
Réactif sulfophénique.
Acide phénique pur cristallisé 3 gr.
Acide sulfurique monohydraté 37 —
Total 40 gr.
La Uqueur titrée de nitrate contient 0-^936 de ce sel
par litre et correspond à Os^oO d'acide azotique (AzO^) ou
à 0SM29 d'azote (Az). Pour préparer la solution type de
picrate d'ammoniaque, on évapore à sec au bain-marie
dans une capsule de porcelaine 10 centim. c. de la solu-
tion de nitrate; on laisse refroidir, puis on ajoute dix gouttes
de réactif sulfophénique que Ton promène sur les parois
de la capsule à l'aide d'un agitateur, afin que tout le résidu
en soit imprégné; on étend d'un peu d'eau distillée, puis on
verse un excès d'ammoniaque ; il se développe une belle
coloration jaune et on complète 1,000 centim. c. de liqueur.
Le dosage des nitrates dans une eau se fait, comme ci-
dessus, en prenant 10 centim. c, de l'eau à essayer (ou
moins si elle est très chargée d'acide nitrique, afin d'éviter
le dégagement de vapeurs nitreuses et par suite les pertes
qui pourraient en résulter) , évaporant à sec au bain-marie,
traitant le résidu par dix gouttes de réactif sulfophénique,
puis amenant au volume de 25 centim. c. ou 50-100-
200 centim. c. suivant l'intensité de la coloration, par
addition d'eau et d'un excès d'ammoniaque. Il ne reste
plus qu'à examiner comparativement la coloration de la
liqueur obtenue avec celle de la solution type de picrate,
au moyen du colorimètre de Duboscq, avec interposition
de verres bleus. Cette méthode, très simple et très rapide,
donne de bons résultats.
Dosage des nitrites. On dose généralement les nitrites
par les procédés suivants : 1« méthode de Trommsdorff ;
2« méthode de Tiemann et Preusse.
Méthode de Trommsdorff. Le dosage des nitrites par
cette méthode se fait ainsi : on soumet à l'ébullition pen-
dant plusieurs heures 5 gr. d'amidon ou de fécule avec
20 gr. de chlorure de zmc dans 100 centim. c. d'eau
distillée, en remplaçant l'eau au fur et à mesure qu'elle s'éva-
pore; quand la dissolution est complète on ajoute 2 gr. d'io-
dure de zinc; on étend à un litre et on filtre; on conserve
le flacon bien bouché et à l'abri de la lumière : c'est le réactif
de Tronirnsderfi*. On prépare ensuite une liqueur titrée de
nitrite de potasse; pour cela on dissout 2 gr., 3 gr. de
nitrite de potasse dans un litre d'eau, et dans 5 centim. c.
on détermine au permanganate la quantité réelle d'acide
azoteux contenu ; on s'arrange alors de façon que la liqueur
titre O-'' 001 d'acide azoteux par centimètre cube. On la
conserve à l'abri de la lumière ; comme elle s'altère facile-
ment, il est bon de la retitrer chaque fois que l'on s'en sert.
Pour faire un dosage, on prend dans un tube de verre
calibré, un tube deNessler par exemple, 50 centim. c. de
l'eau à essayer ; on verse 1 centim. c. d'acide sulfurique
dilué (1 à 3) et 1 centim. c. du réactif de Trommsdorlf.
Si au bout de trente à quarante secondes le liquide se
colore, on étend l'eau, car la coloration doit apparaître
lentement, deux minutes environ après l'addition du réactif.
On opère dans les mêmes conditions en employant 1 cen-
tim. c. de la solution titrée de nitrite que l'on étend à
50 centim. c. On compare les deux teintes sur une feuille
de papier blanc ; si au bout de quinze minutes environ
les teintes bleues sont d'égale intensité, l'essai est achevé.
Ce dosage peut être entaché d'erreur par la présence de
matières oxydantes, les sels ferriques, par exemple.
Méthode de Tiemann et Preusse. Le procédé de Tiemann
et Preusse est d'une grande délicatesse, et c'est le seul
réellement pratique, car il ne porte que sur les nitrites. On
prépare : 1^ une solution d'une partie d'acide sulfurique
dans deux parties d'eau; 2^ une liqueur d'azotitede soude à
O-'-OOOl d'acide azoteux anhydre (AzO'^) par centimètre
cube; pour cela, il convient de dissoudre 0?''-406 d'azotite
d'argent cristallisé dans l'eau bouillante, précipiter par un
léger excès de chlorure de sodium pur, ajouter de l'eau dis-
tillée à concurrence d'un litre ; laisser déposer le chlorure
d'argent formé et décanter ; 3« une solution de 5 gr. de
métaphénylène diamine dans un litre d'eau distillée addi-
tionnée de quelques gouttes d'acide sulfurique ou chlorhy-
drique pur, qui donnent de la stabilité à cette solution.
On conserve à l'obscurité. Pour faire un dosage on opère
dans des éprouvettes graduées de môme dimension. Dans
une on met 1 à 10 centim. c. de liqueur titrée d'azotite
que l'on amène à 100 centim. c. avec de l'eau distillée;
dans l'autre, 100 centim. c. de l'eau à examiner. Ces deux
essais sont additionnés de 1 centim. c. de solution de
métaphénylène diamine et 1 centim. c. d'acide dilué. On
attend vingt minutes ; la réaction est alors nette et consi-
dérée comme complète. On compare l'intensité des deux
liqueurs colorimétriquement ou par dilution : le rapport
donne la quantité de nitrites. Si l'eau donnait de suite une
coloration rouge, il faudrait, au préalable, l'étendre d'un
volume connu d'eau distillée.
Dosage de l'hydrogène sulfuré. Un ou plusieurs litres
d'eau sont acidulés et soumis à la distillation ; on recueille
le produit distillé dans une solution d'acétate de plomb
légèrement acétique ; il se forme du sulfure de plomb ; on
fiftre, lave le sulfure formé, et transforme par l'acide
nitrique en sulfate que l'on calcine et l'on pèse. Le multi-
plicateur est 0,112.
PbO, S03 X 0,112 = HS.
Le procédé volumétrique suivant à l'iode est presque exclu-
sivement employé dans les laboratoires. Dans 100 centim. c.
d'eau additionnée de carbonate d'ammoniaque et d'un peu
d'empois d'amidon,on verse goutte à goutte avec une burette
graduée en dixièmes une solution normale centime d'iode
/ J!L igr27 d'iode par litre j jusqu'à coloration très légè-
rement bleue ; on lit le nombre de centimètres cubes
employés; 1 centim. c. de la solution =2 O^" 00127 iode
(I) et == 0, 000017 HS. Pour préparer l'empois d'amidon
on délave une partie d'amidon dans 100 p. d'eau et
on porte à l'ébullition en agitant constamment ; on laisse
refroidir et on décante. La solution normale centime d'iode
s'obtient en dissolvant 18^27 d'iode dans l'eau au moyen
d'environ 2 gr. d'iodure de potassium pur; on complète le
htre à l'eau distillée et on vérifie le titre avec une solution
titrée d'hyposulfite de soude normale centime ^j^J- Les
EAU
- 198 —
liqueurs, d'iode et d'hyposulfite, doivent être conservées
dans des flacons à Fémeri toujours remplis et à l'obscurité;
malgré ces précautions les titres de ces solutions varient
facilement; aussi faut-il les vérifier chaque fois que l'on en
fait usage. . . ,
Dosage des phosphates. On évapore à siccite, en pré-
sence d'un peu d'acide azotique pur, un ou plusieurs litres
d'eau; la silice étant devenue insoluble, on reprend par
l'eau aiguisée du même acide et après filtration on précipite
par la solution molybdique; après un repos de douze heures
dans un endroit chaud, on filtre à nouveau, lave légèrement
et dissout le précipité dans l'ammoniaque. La dissolution
est étendue et additionnée de chlorure de magnésium ; on
attend vingt-quatre heures que la précipitation soit com-
plète; on filtre, lave à l'eau ammoniacale, sèche, calcine et
pèse ; on a tout l'acide phosphorique à l'état de pyrophos-
phate de magnésie qui, multiplié par 0,639, donne l'acide
phosphorique anhydre (PhO^).
PhOS 2 (MgO) X 0,639 = PhO^
La solution molybdique s'obtient en dissolvant une partie
d'acide molybdique dans 4 p. d'ammoniaque, d'une den-
sité de 0,960; après filtration, on verse la liqueur qui
passe, en remuant constamment dans 45 p. d'acide azo-
tique d'une densité de 4,20. Conserver à l'abri de la
lumière. On décante avant de s'en servir.
Dosage des matières organiques. Les méthodes pro-
posées jusqu'à ce jour pour doser les matières organiques
contenues dans les eaux ne permettent pas de déterminer
leur nature ; elles se trouvent, en effet, sous divers états
et proviennent soit de la décomposition des matières végé-
tales, soit des matières animales. Les deux seuls procédés
généralement en usage basés sur l'oxydation par le per-
manganate de potasse sont : 4« dosage en Uqueur acide ;
2° dosage en liqueur alcaline.
Dosage en liqueur acide. Ce procédé, dû à Mounier, a
été modifié par Kubel. Dans un ballon de 500 centim. c,
on verse 250 centim. c. d'eau et 25 centim. c. d'acide
sulfurique dilué au tiers; on ajoute goutte à goutte avec
une burette graduée en commençant à froid et portant à
rébullition, la solution titrée de permanganate de potasse
normale centime jusqu'à coloration rose permanente, même
après une ébullition de dix minutes environ. Quand l'eau
est très chargée, on n'opère que sur 50 centim. c. ou
400 centim. c. que l'on étend à 250 avec de l'eau dis-
tillée. 4 centim. c. de permanganate employé ==: 0-^00063
d'acide oxalique et Os^OOOOB d'oxygène cédé par le per-
manganate. La solution de permanganate perdant de Foxy-
gène par ébullition en liqueur acide, même sans qu'il y
ait de matière organique, il s'ensuit que, pour avoir des
résultats comparatifs, il faut opérer rapidement et toujours
dans les mêmes conditions.
Dosage en liqueur alcaline. Le procédé suivi au Labo-
ratoire municipal de Paris est celui décrit dans le Formu-
laire des hôpitaux de 4884.
On soumet 250 centim. c. d'eau pendant vingt minutes
à l'ébullition avec 2 centim. c. de potasse caustique pure
à 45<> Baume et 40 centim. c. de permanganate centime ;
au bout de ce temps, les matières organiques sont brûlées ;
on laisse refroidir à 60-80'', on ajoute 40 centim. c. d'acide
sulfurique étendu de son volume d'eau et 40 centim. c.
d'acide oxalique centime ; l'acide oxalique à cette dilution
s'oxydant rapidement à l'air et à la lumière, on emploie
souvent une solution de sulfate de protoxyde de fer équi-
valente dans Feau bouillie ; on titre l'excès au permanganate
centime. Si Feau contenait une assez grande proportion de
matières organiques, il conviendrait de l'étendre au préa-
lable d'eau distillée. Il est à noter qu'au nombre trouvé,
il faut faire subir une correction, correction due à la quan-
tité de permanganate réduit en opérant dans les mêmes
conditions avec de Feau distillée. L'urée n'est pas attaquée
lorsque l'on opère en liqueur alcaline, tandis qu'elle réduit
le permanganate en Hqueur acide. Dans les dosages de
matières organiques, lorsque l'on a affaire à une eau sen-
tant l'hydrogène sulfuré, on doit tenir compte de la quan-
tité de ce gaz dissous, car l'acide sulfhydrique réduit le
permaneçana'te suivant la formule :
4(lè,Mn20^) + 5(HS) + 7(S0MI0) =4(K0,S03)
+ 8(Mii0,S0'^) -4- 42(110).
La matière organique est ordinairement exprimée en acide
oxalique ou en oxygène emprunté au permanganate
(dans ce cas le nombre est -^= 7,875 moins fort).
Quelques auteurs notent les milligr. de permanganate
employé ; les Allemands midtiphent la quantité d'oxygène
absorbé par 5 ; on voit donc que, pour juger de la valeur
d'une eau, il est avant tout indispensable de connaître
la base adoptée pour le calcul de la matière organique.
Dosage de l'oxygène dissous. La quantité d'oxygène
dissous dans une eau peut fournir d'utiles renseignements
sur sa potabilité ; le dosage doit être commencé aussitôt
l'arrivée de l'échantillon au laboratoire et préférablement,
s'il y a moyen, sur place, au moment même de la prise.
Au Laboratoire municipal, on opère de la manière sui-
vante : dans un flacon d'un litre on met 500 centim. c.
de Feau à essayer et 40 centim. c. d'une solution de sul-
fate de protoxyde de fer de titre connu ; le bouchon porte
un tube à entonnoir et robinet jaugé à 40 centim. c. plon-
geant au fond du flacon ; un second tube, muni d'un petit
barboteur à eau (indiquant le passage du courant gazeux),
modèle A. Dupré, plonge à moitié du flacon ; il est relié à
un appareil à acide carbonique. On fait passer un courant
d'acide carbonique ; au bout d'un quart d'heure environ, tout
l'air est chassé ; alors à l'aide du petit entonnoir on introduit
10 centim. c. de potasse caustique à 45'^ Baume ; on agite,
il se précipite un mélange de protoxyde et de sesquioxyde
de fer par suite de l'absorption de l'oxygène dissous dans
Feau ; on redissout ces oxydes en ajoutant 40 centim. c.
d'acide sulfurique pur dilué au tiers, il ne reste plus qu'à
déterminer au permanganate normal décime -jrr. le sulfate
de protoxyde de fer en excès. La solution de sulfate de
protoxyde se prépare en dissolvant 20 gr. de sulfate fer-
reux dans un peu d'eau distillée bouillie ; on ajoute 40 gr.
d'acide sulfurique pur et on complète le litre à l'eau dis-
tillée bouillie. Cette solution se conserve sous une couche
de pétrole ; on doit la retitrer chaque fois que l'on s'en
sert ; pour cela on en prend le titre au permanganate dé-
cime en opérant sur 500 centim. c. d'eau distillée bouilhe,
10 centim. c. de chacune des liqueurs potassique et sul-
furique et 10 centim. c. de solution ferreuse.
Dosage du chlore. Le dosage du chlore peut se faire
soit volumétriquement, soit par la méthode pondérale. Pour
doser le chlore volumétriquement, on concentre un litre
d'eau à 100 ou 200 centim. c; on laisse refroidir, puis
on verse goutte à goutte à l'aide de la burette en dixièmes
après avoir additionné la liqueur de 2 ou 3 gouttes de
chromate neutre de potasse, une solution normale décime
d'azotate d'argent (^ j (17 gr. d'azotate par litre) jus-
qu'à coloration très légèrement rouge de la liqueur indi-
quant la fin de l'opération par formation de chromate
d'argent. 1 centim. c. d'azotate d'argent décime ( ^ j =
0-^0033 chlore (Cl) et 0-^006 chlorure de sodium (NaCl).
Par la méthode pondérale, on évapore 500 centim. c. ou
un Htre d'eau à 100 ou 200 centim. c. environ; on aci-
dulé à l'acide azotique pur et on précipite par l'azotate
d'argent ; il se forme un précipité blanc cailleboté de chlo-
rure d'argent, on met le tout à Fétuve à 60^ pour ras-
sembler le précipité ; on filtre sur un Berzéhus séché à
110« et taré. On lave, sèche à nouveau à IIO'' jusqu'à
poids constant ; le poids trouvé multiplié par 0,2474 donne
le chlore (Cl).
Dosage de l'acide sulfurique. On évapore à un petit
volume 500 centim. c. ou 1 litre d'eau acidulée à Facide
- 199 -
EAU
chlorhydrique pur; on ajoute un peu de chlorhydrate
d'ammoniaque et on précipite par le chlorure de baryum
l'acide sult'urique à l'état de sulfate de baryte; on fait
bouillir une vingtaine de minutes pour agréger le préci-
pité et éviter qu'il ne passe à travers le filtre ; on tiltre,
lave soigneusement à l'eau bouillante, sèche et calcine ; à
cette incinération le charbon du filtre réduit un peu de
sulfate en sulfure ; aussi on laisse refroidir la capsule,
mouille la substance d'une goutte ou deux d'acide sulfu-
rique pur étendu, dessèche à nouveau, calcine et pèse. Le
multiplicateur est 0,3433 pour l'acide sulfurique anhydre
(S03).
Détermination de P acide carbonique par le calcul.
Toutes les bases et tous les acides étant dosés, l'acide car-
bonique des carbonates neutres peut se déterminer facile-
ment par le calcul. On suppose d'abord toutes les bases à
l'état de sulfates; on calcule donc la quantité d'acide sul-
furique anhydre qu'il faudrait aux poids trouvés de :
Fer pour former Fe^O^, 3(S03)
Alumine - APO^ 3(S03)
Chaux - CaO,SO-^.
Masnésie -- MgO, SO^.
Soude - NaO,S03.
Potasse — KO, SO^.
On additionne, et du total trouvé d'acide sulfurique on
déduit l'acide sulfurique existant réellement dans l'eau,
augmenté des quantités d'acide sulfurique correspondant
aux chlore, acides nitreux, nitrique, phosphorique, etc.,
s'il y en a ; la différence exprime l'acide sulfurique cor-
respondant à l'acide carbonique des carbonates, que l'on
détermine par le calcul sachant que :
40gr so^ = n^' co\
La silice n'entre pas ici en ligne de compte; elle est
toujours supposée à l'état hbre.
Dosage de l'acide carbonique total. Dans une fiole
de 750 centim. c. environ contenant 450 centim. c. de
chlorure de baryum ammoniacal bien limpide, on verse
500 centim. c. d'eau; on bouche, on agite et on laisse
reposer douze heures ; il se précipite du carbonate et du
sulfate de baryte ; on filtre et lave à l'eau distillée bouil-
lante ; on arrose le précipité avec de l'acide chlorhydrique
étendu ; le sulfate de baryte reste insoluble ; la liqueur
contenant la baryte provenant des carbonates est préci-
pitée par l'acide sulfurique et on dose à l'état de sulfate
en prenant les précautions voulues. On a alors :
1468^5 BaO,S03= 228^002.
L'acide carbonique des carbonates neutres étant déter-
miné par le calcul comme précédemment, on peut donc
avoir par différence l'acide libre et des bicarbonates. Le
chlorure de baryum ammoniacal s'obtient en additionnant
une solution de chlorure de baryum au dixième de son
volume d'ammoniaque à S^'^ Baume et filtrant.
Dosages de l'acide carbonique libre et combiné. ^ On
peut, sur un même volume d'eau et d'une seule opération,
doser l'acide carbonique des carbonates neutres, des bicar-
bonates et libre. Dans un ballon de 2 litres, muni d'un
tube de sûreté et d'un tube à dégagement se rendant dans
une fiole contenant 250 centim. c. de chlorure de baryum
ammoniacal, on soumet à l'ébullition un litre d'eau; tout
l'acide carbonique libre et la moitié de celui qui entre dans
la constitution des bicarbonates est chassé ; il se forme
dans le flacon à chlorure un précipité de carbonate de
baryte ; quand il ne se dégage plus que de la vapeur d'eau,
on retire le flacon et alors on le remplace par un autre,
en additionnant l'eau par le tube de sûreté d'acide chlor-
hydrique et maintenant l'ébullition ; l'acide des carbonates
est déplacé et donne un nouveau précipité de carbonate de
baryte. Ces précipités sont recueillis sur un fdtre, lavés,
dissous dans l'acide chlorhydrique étendu et transformés
en sulfate de baryte par addition d'acide sulfurique ; on
filtre, lave, sèche,"^etc., comme il a été dit précédemment.
Si on a affaire à une eau très gazeuse, une eau minérale,
par exemple, pour avoir la quantité réelle d'acide carbo-
nique, il convient de faire la prise à la source même dans
une fiole jaugée pouvant supporter une température ^ de
400° et bien bouchée au liège. De retour au laboratoire,
on recueille l'acide carbonique hbre dans le chlorure de
baryum ammoniacal, en faisant usage d'un tire-bouchon-
siphon creux à robinst, la fiole étant portée à la tempé-
rature de 400*^ au bain-marie. Quant au dosage de l'acide
carbonique combiné, on opère comme il a été dit.
Du calcul des analyses. Il est d'usage, dans le calcul
des analyses, de suivre les règles suivantes. Le chlore est
uni au potassium et au sodium et, s'il en reste, ce qui est
rare, on l'unit au calcium. L'acide sulfurique à la chaux,
l'acide azotique à l'ammoniaque et, s'il reste de cet acide,
on les combine à la chaux, si toute cette base n'est pas
saturée par le chlore, auquel cas on prend la magnésie.
On laisse la silice libre et Ton transforme le reste de la
chaux et la magnésie en carbonate et en général en carbonate
neutre. Il ne faut pas oublier que les données de l'analyse
qualitative nécessitent quelquefois une autre manière de
calculer les résultats. « Si, par exemple, l'eau évaporée a
une réaction alcaline, c'est qu'il y a du carbonate de
soude, ordinairement avec du sulfate de soude et du chlo-
rure de sodium, parfois aussi avec de l'azotate de soude.
La chaux et la magnésie sont alors complètement à l'état
de carbonates. » (Fresenius.)
Dosage des gaz dissous dans Veau. Le dosage des gaz
dissous dans l'eau se fait très rarement. Nous décrirons
une disposition ingénieuse imaginée par M. A. Gautier
pour faire cette opération. L'appareil se compose d'un
ballon à col étiré, de volume exactement connu, un litre
par exemple, relié par un tube de caoutchouc muni d'une
pince de Mohr, à une boule de 300 à 400 centim. à
laquelle est adapté un tube à dégagement se rendant sur
une cuve à mercure ; la hauteur totale du tube à dégage-
ment doit évidemment être de plus de 76 centim. On opère
de la manière suivante : le ballon étant rempli exactement
de l'eau à examiner, on met un peu d'eau distillée dans
la boule, que l'on porte à l'ébullition; la pince de Mohr
étant serrée, la vapeur d'eau formée balaye l'air de l'appa-
reil ; lorsqu'il est complètement chassé, on desserre la
pince et on fait bouillir l'eau du ballon, une partie est
projetée soit par la dilatation, soit par l'ébullition, dans la
boule ; aussi on a soin d'y maintenir une légère ébullition.
On recueille les gaz sous une éprouvette pleine de mercure ;
on mesure le volume recueiUi, puis on opère les sépara-
tions comme il est d'usage, en absorbant l'acide carbo-
nique par la potasse, l'oxygène par l'acide pyrogallique
et la potasse : on a l'azote comme résidu.
Hydrotimétrie. L'hydrotimétrie permet d'apprécier la
valeur d'une eau, mais ne peut être envisagée comme une
méthode rigoureuse d'analyse ; on ne peut en effet songer
à doser les sels terreux d'une eau avec une simple
liqueur de savon; elle n'est bonne qu'en ce sens, c'est
qu'elle est rapide et donne des résultats comparatifs. Ce pro-
cédé, établi par Clarke, modifié par Boutron et Boudet, est
basé sur la combinaison des sels terreux avec le savon ; dans
l'eau distillée bouillie, quelques gouttes de solution alcoolique
de savon rendent l'eau mousseuse par agitation, tandis qu'avec
les eaux de fleuve, de rivière ou de puits, il faudra pour
arriver à la mousse persistante d'autant plus de savon qu'il
y aura en dissolution de sels terreux. On emploie pour ces
dosages : 4° un flacon bouché à l'émeri divisé en 40-20-
30-40 centim. c. ; 2° une burette graduée en dixièmes
de centim. c. et dont la graduation ne commence qu'à
la seconde division, le dixième supplémentaire servant
de correction ; c'est la quantité de solution de savon qu'il
faudrait ajouter pour produire dans 40 centim. c. d'eau
pure une mousse persistante; 3*^ une solution d'oxalate
d'ammoniaque au soixantième; ¥ une solution de chlo-
rure de baryum cristallisé BaCl2H0 à 08^55 par litre ;
MM. Boutron et Boudet ont établi leur méthode en faisanj
usage d'une solution de chlorure de calcium fondu à Os^'25
par litre; mais, vu l'hygrométrie de ce sel et la difliculté
EAU
^200 —
qu'on a à l'obtenir pur, on ne l'emploie plus; 4° une
solution de 100 gr. de savon blanc de Marseille dans
4,600 gr. d'alcool à 90»; les impuretés sont séparées par
filtration et on ajoute à la liqueur filtrée 1 litre d'eau distillée;
cette solution doit être préparée longtemps d'avance, car
elle laisse déposer lentement des bistéarates. Avant de se
servir de la liqueur de savon, il est indispensable de la
titrer, en opérant (comme s'il s'agissait d'un essai d'eau)
avec 40 centim. c. de la solution de cblorure de baryum ;
on doit employer 2, 3 centim. c, ce qui est égal à vingt-deux
divisions ou degrés hydrotimétriques pour obtenir une
mousse persistante. — Essai d'une eau : à 40 centim. c. d'eau
à examiner (l'eau doit toujours être préalablement étendue
de deux ou quatre fois son volume d'eau distillée si elle est
très calcaire) contenus dans le petit flacon émeri, on verse
goutte à goutte, à l'aide de la burette graduée, la solution
savonneuse jusqu'à ce que l'on ait obtenu par agitation une
mousse d'au moins un 4/2 cent, et persistant une dizaine
de minutes; le degré est alors indiqué directement par la
numération de la burette.
Dans Fessai hydrotimétrique complet d'une eau, on dé-
termine : A, le degré de l'eau naturelle; on a ainsi la
totalité des éléments dissous : acide carbonique, carbonate
de chaux, sels de chaux autres que le carbonate, sels de
magnésie ; — B, le degré de l'eau additionnée de 4 centim. c.
de solution d'oxalate pour 400 centim. c. d'eau et filtration
après repos d'une heure; toute la chaux est éliminée, il
ne reste que l'acide carbonique et les sels de magnésie; —
C, le degré de l'eau soumise à une ébullition d'une demi-
heure ; on ramène au volume primitif avec de l'eau distillée ;
on agite et on filtre ; l'acide carbonique est chassé, le carbo-
nate de chaux est précipité (la portion restée en dissolution
est évaluée à 3« qu'il convient de retrancher du nombre
trouvé) ; on a ainsi le sulfate de chaux et les sels de ma-
gnésie; — D, le degré de l'eau soumise à l'ébuUition, puis
précipitée dans l'oxalate. 50 centim. c. de l'eau soumise à
l'ébuUition (C) sont additionnés de 2 centim. c. d'oxalate;
après repos d'une heure, on filtre et on titre ; il ne reste
plus que les sels de magnésie. Les mousses obtenues avec
les essais additionnés d'oxalate d'ammoniaque (B et D) ne
sont pas ténues et sont peu persistantes ; il faut une très
grande habitude pour saisir la fin de l'opération et, déplus,
le résultat obtenu pour les sels de magnésie est toujours
erroné avec les eaux très chargées de sels calcaires.
Le calcul se fait ainsi : sels de magnésie = résultat du
quatrième titrage ; sels de chaux autres que le carbo-
nate = résultat du troisième titrage dont on déduit la cor-
rection 3<> et le résultat du quatrième tirage; acide carbo-
nique = résultat du second titrage moins le résultat du
quatrième ; carbonate de chaux = la différence existant
entre le degré total (premier titrage) et la somme des
degrés correspondants aux sels de magnésie, aux sels de
chaux autres que le carbonate et à l'acide carbonique.
Le degré hydrotimétrique total indique approximativement
en centigrammes l'extrait ou résidu sec d'une eau; la
quantité de savon qu'une eau rend insoluble est de 0=^4
par degré et par litre.
MM. Boutron et Boudet classent d'après leur méthode
les eaux en trois classes : 4° de 0^ à 30'', bonnes pour la
boisson, la cuisson des légumes et le blanchissage; 2^ de
30° à 60^*, impropres aux usages domestiques, peuvent
à peine servir aux générateurs à vapeur ; 3<^ au-dessus de
60^, impropres à tous usages. Il est bon de noter que la
valeur du degré hydrotimétrique varie suivant le pays.
Ainsi un degré français correspond à 0,56 degré allemand
ou à 0,70 degré anglais (Clarke).
TABLEAU HYDROTIMÉTRIQUE
Valeurs en grammes pour i litre cVeaii de i^ des
corps suivants :
Chaux 0,0057
Chlorure de calcium 0,0444
Carbonate de chaux • . . . 0,0103
Sulfate de chaux 0,0440
Magnésie 0,0042
Chlorure de magnésium 0,0092
Carbonate de magnésie 0,0088
Sulfate de magnésie 0,0425
Chlorure de sodium 0,0420
Sulfate de soude 0,0446
Acide sulfurique anhvdre 0,0082
Chlore " 0,0073
Savon à 50 % d'eau 0,1064
, . , , . i 0,01 00 ou
Acide carbonique gazeux 'm - ^
MetJwde d'analyse des eaux destinées à ralimenta-
tion publique adoptée par le comité d'hygiène publique
de France, Afin de rendre uniformes et comparables les
analyses d'eaux destinées à l'alimentation publique, le
comité consultatif d'hygiène publique de France a, sur le
rapport de M. le docteur G. Pouchet, dans sa séance du
40 août 4885, adopté la marche suivante: 1*^ Evaporer au
moins un litre d'eau au bain-marie, chauffer encore quatre
heures après dessiccation, peser au milligramme près et sur
le résidu rechercher les nitrates, au réactif Desbassyns de
Richemond, dont on mentionnera la présence. — 2<> Eva-
porer la même quantité d'eau ; le poids du résidu sec ser-
vira de contrôle à l'opération précédente. Ce résidu est
chauffé peu à peu au rouge sombre et pesé au milligramme;
la différence avec le premier nombre est comptée comme
matière organique et produits volatils. Dans le résidu,
doser l'acide sulfurique en poids. — 3^ Déterminer les
quatre degrés hydrotimétriques ; le bulletin portera la men-
tion du degré avant et après l'ébuUition et des éléments
calculés comme il est dit. — 4° Concentrer à 50 centim. c.
un litre d'eau, doser le chlore volumétriquement et calculer
en chlorure de sodium. — 5° Faire bouillir pendant juste
dix minutes iOO centim. c. d'eau avec 3 centim. c. de
solution à 1 0 ^/o de bicarbonate de soude pur et 1 0 cen-
tim. c. de permanganate titré à 0°''50 par litre (si le rose
disparaît, rajouter du permanganate), laisser refroidir,
ajouter 2 centim. c. d'acide sulfurique pur et 5 centim. c.
d'une solution titrée de 20 gr. de sulfate ferreux et 10 gr.
d'acide sulfurique pur par litre et ramener au rose par le
permanganate. On recommencera ensuite exactement l'essai
avec des quantités doubles et on calculera en oxygène con-
sommé par litre. — 6^ S'il est possible, l'examen bactério-
logique.
Pour les villes de plus de 5,000 hab. , le comité désire l'ana-
lyse complète de l'eau. Le comité fixe les limites suivantes :
SUBSTANCES
Chlore
Acide sulfuri(|ue
Matière organique en oxygène
Matière organique et produits volatils.
Degré hydrotim. (total)
— après ébullition
EAU PURE
< 0.015
0.002 — 0.005
< 0.001
< 0.015
5 — 15
2 — 5
EAU PGTAIÎLE
< 0.040
0.005 — 0.030
< 0.002
< 0.040
15 — 20
5 — 12
EAU SUSPECTE
0.050 — 0.100
> 0.030
0.003 — 0.004
0.040 — 0.070
> 30
12 — 18
EAU MAUVAISE
> 0.100
> 0.050
> 0.004
> 0.100
> 100
> 20
Le signe <^ signifie moins de; le signe ^ signifie plus de
Il est aujourd'hui parfaitement démontré que cer- | taines épidémies, fièvre typhoïde, choléra, charbon, etc.,
201
EAU
étaient dues à ringestion d'eaux contaminées. A Paris et
dans la plupart des grandes \illes, les boulangers (il en
est de môme des brasseurs) se servent d'eaux de puits
pour la préparation de leurs produits, eaux le plus sou-
vent et même toujours chargées d'infdtrations de fosses
d'aisances ; or on sait que, pendant la cuisson, le milieu
du pain ou la mie n'atteint jamais 100« (Gliantemesse), et
par suite que tous les microbes (il y en a qui résistent
à 120°) ne sont pas détruits. Aussitôt le fait reconnu,
l'administration fait fermer les puits, et les boulangers,
du moins à Paris, sont mis en demeure de faire usage
d'eau de source fournie par la ville (Vanne ou Dhuis).
C'est pour la même raison que l'ingestion d'eau bouillie
n'épargne pas absolument de la contamination; de plus,
elle est lourde et indigeste par suite de la perte des gaz
et d'une grande partie des sels qu'elle tenait en dissolu-
tion. L'examen bactériologique permet aussi de suivre
l'infection des cours d'eaux traversant des centres popu-
leux, infection reconnue par des cultures faites avec de
l'eau prise en amont, au centre et en aval de la ville tra-
versée, en suivant dans la prise les précautions données
au commencement de cet article. Il est donc de toute utilité
de compléter l'analyse chimique d'une eau par l'analyse
bactériologique à laquelle la plupart des hygiénistes (Brouar-
del, Pasteur, Cornil, Chantemesse, etc.) attachent une très
grande importance dans la transmission des maladies,
quoique cette étude ne date à peine que de quelques années.
Dans Texamen bactériologique complet d'une eau, on dis-
tingue : 1° la numération des colonies, c.-à-d. la détermi-
nation du nombre de bactéries initiales contenues dans un
petit volume d'eau à examiner, en comptant le nombre de
colonies auxquelles elles ont donné naissance dans un milieu
de culture convenable, bouillons ou gélatines nutritives
d'après la méthode de Smith ou de Koch ; 2° la détermination
des colonies pathogènes, par isolement et cultures spéciales,
et leur numération par l'emploi du microscope.
Méthode suivie au Laboratoire municipal de Paris
pour r analyse bactériologique des eaux (V. Bactérie,
t. IV, pp. 1099-1112, en particulier p. 1107).
Examen microscopique des dépôts des eaux. Non
seulement la culture bactériologique est de la plus grande
importance, mais il est souvent indispensable d'examiner
au microscope les dépôts formés par les eaux afin d'être
fixé sur la nature des liquides déversés dans les cours
d'eau par les usines riveraines. Pour cela, on laisse reposer
l'eau vingt-quatre heures, on décante et avec le dépôt on
monte plusieurs préparations. L'examen se fait avec un
simple grossissement de 300 à 600 diamètres. Gh. Girard.
III. Chimie industrielle.— Eau distillée. — L'eau
de condensation des moteurs à vapeur est fréquemment
employée dans Tindustrie pour l'alimentation des chau-
dières ; car non seulement c'est de l'eau à peu près pure
ne contenant que des traces de matières grasses, mais elle
garde une partie de son calorique, d'où économie notable
de combustible. L'alimentation des chaudières à l'eau de
condensation n'est pas sans présenter quelques dangers ;
en effet, ne contenant que peu d'air en dissolution, l'ébul-
lition se trouve retardée et a lieu avec soubresauts ; aussi
avant d'ahmenter a-t-on toujours soin de la mélanger avec
de l'eau ordinaire aérée. Quelques industries s[)éciales
emploient l'eau distillée : ce sont les parfumeurs et les
teinturiers-apprêteurs, ces derniers pour les teintures en
nuances claires dites nuances lumières; lorsque les crues
ne leur permettent pas de faire usage d'eau de rivière,
ils disposent alors de l'eau de condensation provenant des
vannes et métiers d'apprêt qui, ordinairement, sont
exemptes de corps gras. Ch. Girard.
IV. Pharmacie. — L'eau employée en pharmacie, pour
les préparations magistrales, doit être de l'eau filtrée, de
bonne qualité, notamment de l'eau de rivière ou de l'eau de
source. On doit éviter l'emploi des eaux de puits, ordinai-
rement plus ou moins séléniteuses, ainsi que les eaux con-
tenant des matières organiques. Pour la confection de la
plupart des médicaments officinaux, tisanes, sirops, extraits,
limonades, mucilages, pâtes, solutés, etc., le codex de
1884 prescrit l'emploi de l'eau distillée. Pour préparer l'eau
distillée, on distille dans un alambic de l'eau de rivière
ou de l'eau de source, en maintenant une ébuUition mo-
dérée ; on essaye de temps en temps l'eau condensée avec
les réactifs ci-dessous et on ne commence à la recueillir
qu'à partir du moment où elle est sans action sur eux. On
arrête l'opération lorsqu'il ne reste plus dans fa cucurbite que
le quart environ de la quantité d'eau qui y a été introduite.
L'eau distillée ne doit pas modifier la couleur des réactifs
colorés, notamment celle du papier rouge ou bleu de tour-
nesol. Les solutions d'azotate d'argent, d'azotate de baryum,
d'oxalate d'ammoniaque et de sublimé corrosif ne doivent
y produire aucun trouble, ce qui exclut la présence de
l'ammoniaque, des acides, des chlorures, des sulfates, des
carbonates, des sels de chaux et des matières organiques.
Pour plus de sûreté, il est bon d'additionner préalable-
ment l'eau à distiller d'un peu de sulfate d'alumine et de
ne pas recueillir les premiers litres afin d'éviter la présence
de l'ammoniaque. Il arrive parfois qu'une eau distillée,
répondant aux caractères ci-dessus, se trouble sensiblement
à l'ébullition. Cela tient à ce que l'eau distillée est alors un
produit secondaire provenant de la condensation de vapeurs
industrielles : ces eaux renferment alors une très petite
quantité de zinc, sans doute à l'état de carbonate. Il suffit de
les faire bouilhr et de les filtrer pour enlever cette impureté.
En Amérique, aux Etats-Unis, par exemple, on remplace
souvent l'eau distillée par de l'eau provenant de la fonte des
glaces ; mais elle n'est jamais aussi pure que l'eau distillée
préparée d'après les prescriptions du codex. Ed. Bourgoin.
V. Parfumerie (V. Teinture).
VI. Travaux publics. — Conduites d'eau. — Les
conduites qui servent à l'écoulement de l'eau peuvent être
ou non soumises à une pression intérieure ; on distingue,
en conséquence, les conduites libres et les conduites
forcées. Les aqueducs qui amènent l'eau potable dans les
villes, les tuyaux qui servent à l'évacuation des eaux plu-
viales et des eaux ménagères, les égouts qui en assurent
l'écoulement sous les rues sont, en général, des conduites
libres. Les canalisations, qui servent à distribuer l'eau sur
la voie pubHque et dans les maisons, sont nécessairement
formées de conduites forcées. Les conduites fibres peuvent
recevoir une section intérieure de forme quelconque et
s'exécuter en matériaux de diverses natures : la maçon-
nerie, le béton, les poteries, la fonte mince, le plomb, sont
employés suivant les cas. Pour les conduites forcées, c'est
la forme circulaire qui est presque seule employée, et les
métaux, résistant bien à l'extension, conviennent particu-
lièrement à la fabrication des tuyaux qui servent à les
établir.
Les lois de l'écoulement de l'eau dans les conduites
ont été l'objet d'études nombreuses, parmi lesquelles il
convient de signaler les travaux de Prony, Dupuit, Darcy
et Bazin, qui ont donné lieu à l'établissement de for-
mules pratiques dont quelques-unes ont été citées au
mot Canalisation. Nous citerons ici celle de MM. Darcy
et Bazin :
RI =: b^iC^
très employée aujourd'hui et qui s'applique également bien
aux conduites libres et aux conduites forcées. R est le
rayon moyen ou le rapport — entre la section Q et le
L
périmètre mouillé x- I la pente par mètre, u la vitesse
moyenne, et b^ un coefficient numérique qui prend les
valeurs suivantes :
Pour les conduites libres.
A parois très unies (ciment lissé, / 0,03^
bois raboté, etc.) 0,00015 y + 1^^
A parois unies (pierre de taille, / 0,07 \
briques, etc.) 0,00019 ^ + "IT/
EAU
— 202 —
A parois peu unies (maçonnerie / 0,2d\
de moellons) 0,00024 y ^ — r" j
A parois en terre 0,00028 (i + ^^
Pour les conduites forcées»
Neuves en verre ou en tôle. 0,000169 -f
Neuves en fonte ou en fer forgé. 0,0002535 -f
0,00000216
R
0,00000323
Depuis longtemps en service . 0,000507 4-
R
0,00000646
R
Des tables, dressées d'après les formules de Prony et de
Darcy et Razin, se trouvent dans divers recueils et faci-
litent singulièrement les tâtonnements et les calculs (V. les
Distributions d'eau, par Rechmann ; Paris, 1889, gr. in-8).
On a employé, à diverses époques et dans divers pays,
des conduites d'eau en bois, en sapin surtout ; les bouts
dont elles se composent sont emboîtés ou juxtaposés, par-
fois cerclés de fer; on en cite une de 1"^20 de diamètre à
Toronto (Canada) ; il y en a encore 400 milles à Londres.
L'emploi de tuyaux en pierre a été aussi tenté quelquefois.
Sans remonter à l'antiquité, on en trouve des exemples à
Dresde, à Prague, etc. La maçonnerie sert à la confection des
grandes conduites libres, des aqueducs, des égouts (V. ces
mots). Elles reçoivent de préférence la forme circulaire, qui
a le double avantage d'oftrir la plus grande section d'écou-
lement pour un périmètre donné et de réduire au minimum
la poussée exercée sur les terres ambiantes, La forme
ovoïde, fort employée également, est motivée par les faci-
lités qu'elle présente pour la circulation. Le béton s'applique
avantageusement à l'établissement des conduites, soit qu'on
les forme de bouts de tuyaux moulés d'avance et assemblés
au moyen d'un bourrelet de mortier, soit qu'on les exécute
dans la tranchée même sur des tambours en bois ou mieux
en tôle qu'on fait avancer au fur et à mesure du travail, de
manière à obtenir un ouvrage monolithe. L'épaisseur peut
être réduite à 5 et même à 4 centim. lorsque l'eau y doit
couler sans pression, mais elle augmente rapidement pour
les conduites forcées avec la pression qu'elles sont appelées
à supporter. La poterie ordinaire, malgré sa faible résis-
tance, se prête à l'établissement de conduites sans pression
dont le grand avantage est le bon marché relatif. D'autre
part, on fabrique aujourd'hui des grès vernissés, qui sup-
portent au besoin des pressions de plusieurs atmosphères,
et qui, sous forme de tuyaux à emboîtement ou de tuyaux
droits manchonnés avec joints en ciment, se ré{)andent de
plus en plus pour l'établissement des canalisations servant
à l'évacuation des eaux sales ou acides. On a exécuté des
tuyaux en verre, en asphalte ou en papier bitumé. Mais
les conduites les plus répandues sont en fonte, en plomb
et en fer.
Les tuyaux de fonte s'obtiennent généralement en
deuxième fusion et avec des épaisseurs très régulières
quand du cubilot le métal est dirigé à l'état liquide vers
des moules disposés verticalement dans des fosses pro-
fondes. On fabrique couramment des tuyaux de 0^03 à
1^^30 de diamètre intérieur sur des longueurs utiles de
2 à 4 m. Les épaisseurs e sont le plus souvent calculées
en France pour les conduites forcées au moyen de la for-
mule : ^z::=K -1-0, 0001 6DII, où K représente une cons-
tante, D le diamètre, H la pression d'épreuve en mètres
d'eau, et qui est devenue, au service des eaux de Paris,
e = 0,008 +0,0160. A l'étranger, on admet d'ordinaire
des épaisseurs plus grandes; il en est de même en France
pour les pièces de raccord qui sont coulées, d'après l'an-
cien procédé, dans dos moules horizontaux. Outre les
essais aux usines destinés à reconnaître la bonne qualité
de la fonte, on soumet presque toujours les tuyaux à
l'épreuve pratique au moyen de la presse en les emplis-
sant d'eau sous une pression détermmée, après quoi, et
pour les conserver à l'abri de la rouille, on les enduit à
chaud de goudron ou de coaltar. Les assemblages des tuyaux
de fonte sont de divers types ; le seul connu autrefois
était le joint à brides encore exclusivement appliqué aux
conduites à très haute pression ; le plus répandu aujourd'hui
est le joint à emboîtement et cordon formé de deux bouts
mâle et femelle se pénétrant de 0™08 en laissant un
intervalle qu'on remplit de corde goudronnée et de plomb
coulé et maté ; on emploie aussi le joint à bague et au
plomb. Divers joints au caoutchouc, parmi lesquels nous
citerons les joints Lavril, Petit, Delperdange, Gibault, s 'exé-
cutant à froid et, se démontant aisément, n'exigent pas
des ouvriers spéciaux et habiles, et rendent par là des ser-
vices dans des cas particuliers. Ren est de même des joints
flexibles ou articulés de divers types. Les pièces de raccord
les plus employées sont les manchons, les bouts d'extré-
mité, les cônes de réduction, les bagues et les manchons
biais, les coudes au quart, au huitième, au seizième de
cercle, les pièces à tubulures.
Le plomb a été longtemps le seul métal employé à la
confection des conduites d'eau ; il est encore le plus répandu
pour l'étabhssement de celles de petit diamètre, des bran-
chements d'appareils pubKcs, des canalisations intérieures
des maisons, à cause de la facilité avec laquelle il épouse
les contours les plus sinueux. On le trouve dans le com-
merce en tuyaux continus, en couronnes, obtenus à froid
ou à chaud par voie d'étirage ou de compression. L'assem-
blage se fait à chaud par soudure ou à froid au moyen
de brides et d'un cuir gras interposé entre deux collets
battus. On reproche au plomb de se laisser attaquer par
les eaux très pures en produisant des sels toxiques ; mais,
en fait, il est, dans la plupart des cas, sans inconvénient,
parce qu'il n'est pas attaqué par les eaux lé^^èrement cal-
caires et que le moindre dépôt y forme un enduit protec-
teur. Aussi les tentatives de vulgarisation des tuyaux en
plomb étamé n'ont-elles guère réussi. Le fer ou la tôle
permet la confection de conduites de très grand diamètre
qu'on n'oserait aborder avec la fonte. On emploie beaucoup
en France des tuyaux de tous diamètres, en tôle plombée à
rintérieur et bitumée à l'extérieur, assemblés au moyen
d'un court emboîtement garni de métal fusible et de filasse
et appelés tuyaux Chameroy. Les tuyaux en fer étiré avec
assemblage à vis sont assez répandus pour les petits dia-
mètres ; ils ont le défaut de s'oxyder vite ; on y remédie
par la galvanisation ; on a proposé aussi de les rendre
inoxydables en les recouvrant d'une couche noire d'oxyde
magnétique, d'un émail, d'un enduit de ciment, ou par un
étamage. Les conduites se posent presque toujours sous
les voies publiques et enterre, dans une tranchée de 0"^60
de largeur au moins, et à une profondeur de 0"^80 à
1"^20 suffisante dans nos climats pour les préserver de la
gelée. Dans quelques cas relativement rares, à Paris notam-
ment, où l'on disposait d'un réseau d'égouts à grande sec-
tion, on les a posées en galerie en les accrochant aux
parois au moyen de consoles ou d'agrafes ou les supportant
au moyen de colonnettes ou de tasseaux.
Dans l'un et l'autre cas, les conduites sont peu exposées
aux variations de température ; les effets de dilatation y sont
'négligeables; pour peu que l'eau y ait de la vitesse, elle
conserve à très peu de chose près sa température initiale,
même après de longs parcours. Lorsque la pression est un
peu élevée, il faut buter les extrémités et les coudes des
conduites de manière à résister aux poussées, et, après la
pose, procéder à un essai au moyen de la pompe de com-
pression. Dans l'intérieur des habitations et en élévation,
les conduites sont fixées au moyen de crochets. Aux points
bas, on doit ménager le moyen de vider les conduites, éta-
blir une décharge. Aux points hauts, des ventouses sont
nécessaires pour éviter les accumulations d'air. Des dispo-
sitions spéciales doivent être prises aussi pour éviter les
effets redoutables des coups de bélier, résultant de ma-
nœuvres brutales. Toutes les conduites d'eau sont exposées
à des dépôts, tantôt boueux, tantôt adhérents. Les dépôts
calcaires sont parfois assez abondants ; on a vu dans
203
EAU
quelques cas se former des tubercules ferrugineux qui se
développaient au point d'obstruer complètement les con-
duites. D'ordinaire, des chasses suffisent pour entraîner
les boues ; quelquefois on a recours à des appareils de
nettoyage que la pression même de l'eau fait progresser
dans les tuyaux. G. Bechmann.
VII. Administration. — Eaux et Forêts. —Faisait
autrefois l'objet d'une juridiction particulière confiée aux
officiers des eaux et forêts. Les matières spéciales qu'elle
concernait étaient régies par des lois anciennes; de ce
nombre était la législation forestière éparse dans l'ordon-
nance de 1669, la loi du 29 sept. 1791 et une foule de
règlements de dispositions différentes. Cette législation a
été refondue dans le code forestier (V. Forêt). Pour l'his-
torique, V. Domaine, t. XIV, p. 843.
Chambre de ré formation des eaux et forêts (Y. Cham-
bre).
VIII. Droit civil et administratif. — Comme
toutes les choses matérielles, l'eau peut faire l'objet d'un
droit, du droit d'usage ou même du droit de propriété, si
bien que Pothier déclare coupable de vol celui qui s'empare
de l'eau qu'une personne a recueillie dans un vase. A ce
point de vue, il n'y a pas lieu de s'en occuper davantage,
pas plus qu'on ne s'occupe spécialement de la terre, de la
pierre ou du bois. Mais l'eau se présente sous des formes
différentes: tantôt elle provient directement de la pluie;
tantôt ces pluies se rassemblant dans les fissures du sol
donnent naissance à des sources, à des ruisseaux ou à des
rivières ; tantôt enfin la main de l'homme creuse à ces eaux
un lit artificiel. De là un grand nombre de questions dont le
législateur a dû s'occuper : ainsi, il doit déterminer jusqu'à
quel point et sous quelles conditions le propriétaire du
fonds inférieur peut être obligé de recevoir les eaux qui
proviennent du fonds supérieur ; il faut délimiter les droits
des riverains d'un cours d'eau, ceux des usiniers établis
le long d'une même rivière, ceux du propriétaire de l'héri-
tage dans lequel il existe une source , etc. D'autre part,
les fleuves et rivières étant, selon l'expression de Pascal,
des chemins qui marchent^ intéressent au plus haut
point le commerce, et comme ils peuvent de plus servir à
l'irrigation et à la fertilisation du sol, il a fallu déterminer
les concessions que l'intérêt privé devait faire à l'intérêt
général, et les obligations qu'on devait lui imposer pour la
conservation et l'entretien de ces voies naturelles de circu-
lation. Ces questions sont traitées dans une série d'articles
spéciaux auxquels nous renvoyons le lecteur.
Eaux de pluie. En ce qui concerne les eaux pluviales,
nous rappellerons simplement le principe posé par l'art. 640
du C. civ. : « Les fonds inférieurs sont assujettis, envers
ceux qui sont plus élevés, à recevoir les eaux qui en dé-
coulent naturellement, sans que la main de l'homme y ait
contribué ; le propriétaire inférieur ne peut pas élever de
digue qui empêche cet écoulement. Le propriétaire supé-
rieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds
inférieur. » Cette obligation pour le fonds inférieur de re-
cevoir les eaux pluviales que le fonds supérieur lui envoie
par l'effet de la pente naturelle du terrain sera plus spé-
cialement étudiée au mot Egout des toits. Bien entendu, le
propriétaire du fonds supérieur est aussi propriétaire de
l'eau de pluie qui y tombe, et il peut en faire tel usage qui
lui semble bon, à moins qu'il ne préfère user de la faculté
que lui donne l'art. 640 de la laisser couler sur le fonds
voisin; celui-ci ne saurait se plaindre si, à un moment
donné, le propriétaire supérieur empêchait l'eau de pluie
de suivre la pente comme elle l'avait fait jusque-là. Il en
résulte que l'administration est propriétaire de l'eau de
pluie qui tombe sur les routes et chemins, et que l'Etat, le
département ou la commune à qui appartiennent ceux-ci
peuvent recueillir ces eaux chargées de fumier et les
vendre à tel ou tel des propriétaires riverains. Mais l'obli-
gation pour les fonds inférieurs de recevoir l'eau qui coule
naturellement des fonds supérieurs ne s'applique qu'aux
eaux pluviales et non aux eaux ménagères, car la main de
l'homme contribue à l'écoulement de celles-ci : la jurispru-
dence n'admet même pas que la servitude ai' évier soit con-
tinue, et par conséquent elle décide que le propriétaire
d'un héritage ne peut jamais prescrire le droit de faire
couler ses eaux ménagères sur le fonds de son voisin ;
celui-ci, alors même qu'il a supporté l'écoulement pendant
trente ans, est réputé ne recevoir les eaux que par simple
tolérance.
Sources (V. Source et Servitude, Rivières et Canaux).
Rivières navigables et flottables (V. Cours d'eau,
t. XIIÏ, p. 135, et Domaine, t. XIV, p. 830).
Canaux (V. ce mot).
Etangs, marais, lacs, etc. (V. ces mots).
Mer (V. ce mot et Domaine, t. XIV, p. 831).
Les règles qui concernent les eaux sont éparsesdans
quelques rares articles du code civil et dans des lois spéciales.
Il résulte de ce morcellement d'une même matière un défaut
général d'ordre et d'homogénéité; de plus, les textes sont
loin de prévoir toutes les questions qui touchent à la pro-
priété et à la jouissance des eaux. Aussi, depuis longtemps,
on avait compris la nécessité de codifier cette matière et de
réunir en une seule toutes les lois qui l'ont successivement
réglée. Les Chambres sont actuellement saisies, depuis 1880,
d'un projet de loi sur le régime des eaux. Il comprend
cent quatre-vingt-six articles répartis en sept titres, sous
les rubriques suivantes : Titre P^ Eaux pluvialeset sources.
Titre IL Cours d'eau non navigables et non flottables.
Titre III. Des rivières flottables à bûches perdues. Titre IV.
Des fleuves, rivières navigables ou flottables. Titre V. Tra-
vaux de défense contre les fleuves, cours d'eau navigables
ou non navigables et contre la mer. Titre VI. Eaux utiles.
Titre VIL Eaux nuisibles.
IX. Hygiène. — L'importance de l'eau dans les ques-
tions d'hygiène est primordiale, et on peut dire, presque
sans exagérer : donnez de la bonne eau en quantité et on
fera de la bonne hygiène. L'eau en effet joue un double
rôle, sous forme d'eau d'utihsation et sous forme d'eau
d'ahmentation. Bien qu'à la rigueur on puisse admettre que
l'eau d'utilisation, c.-à-d. celle qui est utilisée pour les
lavages soit du corps, soit des maisons, du linge, des
rues, etc., puisse être d'un degré de pureté inférieur à
l'eau destinée à pénétrer dans l'organisme, on doit tou-
jours tendre au degré de pureté rigoureux, parce qu'on n'est
jamais sûr que cette eau destinée aux usages externes ne
servira pas accidentellement ou involontairement à l'usage
interne, et enfin parce qu'il n'est pas indifférent qu'une eau
de lavage puisse renfermer des souillures quelconques.
Les notions acquises désormais sur la spécificité d'un
grand nombre d'affections ne permettent pas d'admettre
qu'une eau riche en matières organiques non conta-
minée puisse engendrer d'elle-même une de ces maladies
caractéristiques, mais il faut toutefois reconnaître que l'ab-
sorption d'eau sale constitue une condition défectueuse,^ une
préparation locale et générale de l'économie à recevoir les
maladies infectieuses, spécialement celles qui pénètrent par
la voie digestive (Arnould). En outre de son action nuisible
sur la muqueuse digestive, on peut volontiers admettre que
l'eau chargée de matières organiques constitue un excellent
terrain de culture pour les microbes pathogènes et par
suite qu'elle doit toujours être considérée comme suspecte,
et son emploi rejeté.
Les organismes vivants que peut renfermer l'eau sont
autrement importants. Dans un premier groupe, nous pou-
vons ranger les grands parasites, tels que la Bilharzia
Jiœmatobia si fréquente dans les eaux d'Egypte, et qui dé-
termine une hématurie grave pouvant entraîner la mort ;
V Ankylostoma duodenale et les ascarides voisins auxquels
on attribue l'anémie des mineurs ; l^Eilaria medinensis que
l'on trouve sur la côte ouest de l'Afrique; les anguillules de
Cochinchine qui seraient la cause, discutée, il est vrai, de la
diarrhée chronique de ce pays ; les sangsues de cheval (Hce-
mophys sangiiisug a), nombreuses dans les eaux d'Algérie.
Les entomostracés, les infusoires fréquents dans les eaux
EAU
-- 204
stagnantes n'ont pas d'influence délétère par eux-mêmes.
L'eau renferme toujours des microorganismes au moment
où elle est utilisée. En admettant en effet, comme l'a montré
Pasteur, que l'eau de source au moment où elle sourd de
terre est privée de germe, il est impossible, quelles que
soient les précautions apportées à la captation et par suite
des manipulations diverses auxquelles elle est soumise pour
les usages domestiques, qu'elle ne reçoive pas un certain
nombre de germes. Les cliiff'res suivants empruntés aux
recherches de P. Miquel montrent les écarts énormes que
peuvent présenter les différentes eaux. Nombre de micro-
organismes par centimètre cube : eau de pluie, 4 ; des
drains de Gennevilliers, 42 ; de la Vanne, 120 ; de la
Seine àChoisy, 300; à Saint-Denis, 200,000; d'essan-
geage des lavoirs de Paris, 26,000,000. Mais le nombre
des microbes est moins important que leur nature, et il y
a lieu, au point de vue de l'hygiène, de distinguer les mi-
crobes pathogènes et les microbes non pathogènes ou indif-
férents. Les microbes indifférents peuvent exister en nombre
sans présenter de dangers pour la santé publique ; un cer-
tain nombre d'entre eux paraissent avoir l'eau pour habitat,
tel le Bacillus subtilis, le Bacillus ulna, Saprogenus, etc.
C'est principalement contre les microbes pathogènes con-
tenus dans l'eau que l'hygiéniste doit lutter. La présence
de quelques-uns est désormais formellement étabhe. Le
transport de certaines maladies par l'eau était soupçonné
depuis longtemps, quand Budd, en Angleterre, établit claire-
ment le rôle de l'eau dans la propagation de la fièvre
tvphoïde. Depuis, les faits sont de plus en nombreux et de
plus en plus probants. En 1881, Gaff'ky, à Berlin, trouvait
dans l'eau de la Panke la bactéridie'^de la septicémie du
lapin ; en 1884, Koch, à Calcutta, reconnaissait laprésence
du bacille du choléra dans l'eau des marais de l'Inde ; en
1885, Mors signalait le bacille typhique. A rencontre
d'un certain nombre de microorganismes indifférents, les
bacilles pathogènes ne paraissent pas devoir se multiplier
dans les eaux. Les recherches de Kraus,de Munich, sont
particulièrement intéressantes à cet égard, quoique en con-
tradiction avec les recherches d'autres anteurs. Dans l'eau
qui sert à l'alimentation de Munich, le bacille de Koch dis-
paraîtrait en vingt-quatre heures, le bacille du charbon en
trois jours, le bacille typhique en six. Les organismes in-
diff*érents, algues, saprophytes, etc., qui se trouvent dans
leur milieu favorable, attaquent et détruisent les microbes
pathogènes. Gabriel Pouchet a montré également que le ba-
cille typhique se conserve plus longtemps dans une eau pure
que dans une eau sale, c.-à-d. riche en organismes. Con-
sidérant le rôle de l'eau comme véhicule de certaines aff"ec-
tions contagieuses, notamment de la fièvre typhoïde, par-
faitement établi aujourd'hui (V. Contagion, Choléra,
Epidémie, Fièvre typhoïde), la nécessité d'une eau bio-
logiquement pure, c.-à-d. privée de tout germe au moins
pathogène, s'impose nécessairement. Dans les petites loca-
lités, l'eau de pluie recueillie dans des citernes étanches, à
l'abri absolu de toute infiltration suspecte, les puits placés dans
des conditions de protection analogues suffisent générale-
ment ; mais, pour les grandes agglomérations urbaines, il est
indispensable d'assurer le service d'eau par une prise d'eau
considérable et une canalisation irréprochable. Autant que
possible l'eau doit être captée à la source même ; c'est le
seul moyen d'avoir une eau rigoureusement privée de
germes ; malheureusement, il est difficile d'assurer par la
prise à la source l'approvisionnement total d'une ville, et
l'on a dû recourir à des procédés de filtration qui tous,
nous n'hésitons pas à l'écrire, ne sont que des paUiatifs
presque toujours insuffisants. On peut essayer la filtration
périphérique constituée par une série de filtres placés chez
chaque particulier au robinet d'arrivée, procédé illusoire,
parce que l'on ne peut jamais être sûr et de la bonne vo-
lonté individuelle et de la valeur des filtres utilisés.
Le filtrage central est employé dans un grand nombre
de villes : Londres, Berlin, etc. On cherche à imiter la fil-
tration naturelle en faisant passer l'eau très lentement à
travers des lits de graviers et de sable. A Anvers et dans
quelques villes anglaises, l'épuration chimique est obtenue
au moyen du système Andersen, fondé sur ce principe que
le fer à l'état spongieux, brassé énergiquement avec l'eau,
lui enlève toutes ces impuretés, microorganismes compris.
Dans les villes où l'on dispose d'une certaine quantité
d'eau de source, on a préconisé également l'emploi de deux
distributions d'eau dans toutes les maisons, l'eau pure de-
vant être réservée pour l'alimentation seule. L'organisa-
tion d'une double colonne montante représente des frais
considérables, et ici encore, comme pourla filtration péri-
phérique, il faudrait compter sur l'observation intelligente
de l'unanimité de la population.
Dans les cas où l'eau est suspecte, une ébullition pro-
longée est une bonne précaution à prendre, quoique peut-être
insuffisante, les bacilles pathogènes pouvant résister à cette
température, si elle n'est pas prolongée un temps suffisant.
Un appareil très ingénieux de Geneste et Herscher permet de
porter rapidement et avec une grande économie de combus-
tible une quantité d'eau considérable à 115« pendant un
quart d'heure. Cette eau surchauffée à l'autoclave n'a, par
suite, subi aucune modification dans sa composition : gaz et
sels, et elle présente toutes les garanties de pureté possible.
Cet appareil est appelé à rendre de grands services dans les
agglomérations, les armées en campagne. Connu plus tôt,
if aurait évité les si dispendieuses et si insuffisantes instal-
lations des filtres Chamberland dans les casernes.
Quantité d'eau nécessaire. — Nous n'avons eu jus-
qu'ici en vue que les quahtés nécessaires à une eau potable ;
mais l'eau ne sert pas seulement à l'alimentation : elle est
encore indispensable pour tous les usages domestiques et
pubhcs. Il y a en effet les besoins de la maison, de la rue
et du groupe d'habitations, enfin de l'industrie. Parkes éva-
lue à 112 litres par jour l'eau utilisée par un individu
adulte en vingt-quatre heures : boissons, cuisson des ali-
ments, toilette, bain, lessivage du linge, entretien de la
maison, water-closets, gaspillage inévitable ; en ajou-
tant 22 litres pour les animaux et autant pour l'industrie,
on arrive au chiff're de 157 litres par tête, chiffre que
nous considérons comme insuffisant pour assurer tous
les besoins publics, et notamment le lavage des êgouts
(V. ce mot) avec de puissants appareils de chasse. Quelques
chiff'res montreront que cette appréciation n'a rien d'exa-
géré. Paris a 260 htres par tête; les villes américaines de3à
400 litres; Lyon, grâce à la dérivation de l'Ain, 400 ; Mar-
seille tient le premier rang en France avec 800 litres, mais
elle sera bientôt dépassée par New-York qui disposera
d'un mètre cube par habitant. « Il faut trop d'eau pour qu'il
y en ait assez », a dit avec raison Foucherde Careil, mais
il faut surtout que cette eausoitpure.Surles400,000m. c.
qui sont déversés dans Paris, 114,000 seulement peuvent
être déclarés potables; pour assurer aux 2,500,000 hab. de
Paris 100 litres d'eau de source pour les besoins indivi-
duels, il faut encore, en tenant compte du développement
graduel de la population, 200,000 m. c. La dérivation des
eaux de l'Avre assurera cette quantité. D^ P. Langlois.
BiBL. : Hygiène. — Budd, Typhoid, févr. 1873. —
Blanchard, les Parasites introduits par l'eau, dans Re-
vue d'hygiène, 1890. — Arnould, l'Eau et les bactéries,
dans Revue d'hygiène, 1887.
EAU AUX JAMBES. Aff'ection particulière aux sohpèdes,
siégeant au-dessous du genou ou du jarret, sur les parties
inférieures des membres, autour de la couronne, du patu-
ron et du boulet, caractérisée à ses débuts par une érup-
tion vésiculeuse, par une sécrétion continue de liquide
jaunâtre et fétide, par le hérissement et la chute des poils,
puis par une altération profonde de la peau qui se recouvre
d'excroissances verruqueuses disposées en forme de grappe.
Les eaux aux jambes sont beaucoup moins fréquentes au-
jourd'hui qu'autrefois. Une meilleure nourriture des ani-
maux, un meilleur entretien des chemins, des routes et des
rues des grandes villes, une hygiène mieux comprise, des
écuries mieux aménagées etmieux entretenues, ont presque
fait partout disparaître cette grave maladie très répandue
— 205 —
EAU
autrefois et qui maintenant ne se rencontre plus qu'excep-
tionnellement. A l'état aigu, les eaux aux jambes débu-
tent généralement par un engorgement chaud et doulou-
reux'de la région du boulet et du paturon. Si la maladie
débute à froid, elle se manifeste sans que les animaux
cessent leur service. Les poils se hérissent; au lieu d'être
imbriqués les uns sur les autres, ils sont piqués, humectés
par un liquide blanchâtre, séreux et odorant. Des vési-
cules existent sur la surface cutanée, se crèvent et se
transforment en excoriations superficielles lesquelles par
leur réunion ne tardent pas à former une vaste surface
rougeâtre, saignante, chagrinée et fétide. Plus tard, des
ulcérations apparaissent formant une plaie bourgeonnante
et colorée ; puis à cet état inflammatoire succède une sorte
d'accalmie pendant laquelle la peau malade se transforme
et revêt des caractères particuliers. La matière sécrétée
devient bleuâtre, sanieuse, très acre, très irritante et
d'une intolérable fétidité ; des fies, verrues ou grappes,
tantôt isolés, le plus souvent agglomérés, s'élèvent sur la
trame cutanée ; des sillons profonds les séparent desquels
s'écoule une matière sanieuse, grisâtre ou sanguinolente ;
les animaux ont la fièvre ; ils souffrent et boitent considé-
rablement. Ces végétations sont fixées par un pédoncule, au
chorion de la peau ; leur extrémité libre est arrondie et
sphéroïdale, souvent saignante et irritée. A la longue, la dé-
formation de la peau et du membre s'accentue, le sabot
lui-même ou du moins les parties vivantes qu'il renferme
s'enflamment à leur tour ; l'animal cesse d'être utilisable
et on est obligé de le livrer à l'équarrisseur. Le traitement
des eaux aux jambes est préventif et curatif. Il est préven-
tif par une bonne nourriture et une excellente hy-
giène. Comme traitement curatif : essayer d'arrêter, au
début, l'inflammation par des bains astringents; si le mal
progresse, et si des fies ou verrues apparaissent, on les
excisera, et on les cautérisera. L. Garnier.
EAU BÉNITE. L*eau tient une grande place dans la plu-
part des religions. Les païens s'en servaient pour leurs
ablutions solennelles et leurs lustrations expiatoires ; les
Israélites pour la purification sacerdotale (Exode, XXX,
18-21). Mêlée à la cendre de la vache rousse, elle puri-
fiait du péché {Nombres, XIX, 9). Conformément à un
symbolisme instinctif qu'on retrouve communément ailleurs,
les premiers chrétiens se lavaient les mains avant de prier ;
c'est pourquoi des vases, des cuves et des fontaines furent
placés à l'entrée de leurs lieux de culte (V. Bénitier). Mais
ce qui, principalement, les induisit à attribuer à l'eau une
dignité propre et une vertu mystérieuse, c'est qu'elle est un
des éléments essentiels du baptême. Tertullien (De Baptis-
mo) fait remonter jusqu'à la création l'énumération des faits
qui sont les indices de cette dignité : Au commencement.
Dieu créa les cieux et la terre. La terre était informe et
vide ; les ténèbres étaient sur l'abîme et l'esprit de Dieu
était porté sur les eaux... Par un privilège refusé aux
autres éléments, l'eau était le siège de l'Esprit divin...
L'eau, la seule eau, matière toujours parfaite, toujours
excellente, toujours pure, servait de trône à l'esprit de
Dieu (111). Or ce qui était saint ne pouvait être porté que
par une chose sainte, ou bien ce qui portait empruntait la
sainteté de ce qui était porté (IV). C'est dans l'eau que
Dieu a fait naître les premières créatures terrestres ; c'est
du limon, c.-à-d. de la terre pénétrée d'eau, qu'il a formé
le corps du premier homme (III). Dans le baptême, le saint
Esprit, descendant sur les eaux et s'y arrêtant, les sanc-
tifie par sa présence, et les eaux ainsi sanctifiées deviennent
douées de la vertu de sanctifier (IV). Dans le Nouveau
Testament {Ev. saint Jean, V), il relève les guérisons mi-
raculeuses accomplies dans la piscine de Béthesda (V). Après
lui et dans le même ordre d'idées, d'autres théologiens
considérèrent l'eau comme un élément universellement con-
sacré par l'attouchement du corps de Jésus-Christ, lors de
son baptême dans le Jourdain. Néanmoins, malgré sa di-
gnité originelle, l'eau n'est point restée intégralement pure ;
des esprits immondes, imitant par jalousie l'esprit de Dieu,
s'y sont répandus (De Bapt.,\). Aussi trouve-t-on établi
de temps immémorial l'usage de bénir l'eau destinée à un
emploi rehgieux. Celui de l'exorciser paraît plus récent.
Des documents se rapportant au iv^ siècle constatent la
croyance à des miracles, guérisons de maladies, renverse-
ments d'enchantements, délivrances de démons, opérés par
l'eau et particulièrement par l'eau préparée pour le bap-
tême. En conséquence, les chrétiens se mirent à recueillir
et à emporter dans leurs maisons l'eau qui avait servi à
baptiser. Saint Jean Ctirysostome affirme qu'elle est mira-
culeusement incorruptible (De Bapt. Christi, 2). Deux
siècles plus tard, à Rome, on voit qu'il leur était permis
de prendre l'eau bénite la veille de Pâques pour le baptême
solennel, mais avant ce baptême ; ils s'en servaient pour
asperger leurs maisons, leurs vignes, leurs champs, leurs
fruits (Orclo Bomanus, I, 42). — Enfin, on bénit l'eau
directement et indépendamment de tout rapport avec le
baptême. Les premières mentions certaines de cet usage,
que Baronius et la plupart des théologiens catholiques rap-
portent aux Apôtres, ne se trouvent, pour les Orientaux,
que dans les Constitutions apostoliques (V. ce mot), par
suite d'une addition faite vraisemblablement au v^ siècle,
et pour les Occidentaux, seulement dans une fausse decré-
tale (ix® siècle) attribuée à Alexandre P^ (109), pour prê-
ter à un rite relativement récent une origine ancienne.
Cette fausse décrétale, reproduite par Gratien, fait partie
du corps de droit canon ; elle indique comme concourant à
la bénédiction de l'eau l'emploi du sel, symbole de la pru-
dence, comme l'eau, de la pureté. Ce mélange du sel et de
l'eau représente aussi l'union des deux natures en Jésus-
Christ. Malgré cette interprétation allégorique, les Grecs le
réprouvent. — L'eau rituellement bénite, avec adjonction
de sel, par un prêtre, est classée parmi les sacramentaux
(V. ce mot) ; elle a sept effets principaux : 1° elle contri-
bue à la guérison des maladies de l'âme et du corps ;
2^ elle préserve ou délivre des illusions, des embûches,
des infestations du démon et de ses ministres ; S'^ elle calme
les agitations de l'esprit ; 4*^ elle dispose à la prière et aux
sacrements ; 5^ elle rend les terres fertiles ; 6° elle chasse
la peste, dissipe le tonnerre, les orages, etc. ; T'^ elle remet
les péchés véniels. — Si l'on ajoute à de Peau bénite de
l'eau non bénite, toute l'eau sera censée bénite, quelle que
soit la quantité ajoutée. — A ce que nous avons dit sur
les droits honorifiques (V. ces mots), nous devons ajou-
ter, pour ce qui concerne l'eau bénite, qu'un règlement de
rassemblée du clergé (16o5) dit que les curés, après avoir
aspergé l'autel et les ecclésiastiques, donneront Peau bénite,
par aspersion, aux seigneurs et aux dames des lieux, en
leurs bancs ordinaires. Mais ce règlement ne pouvait faire
cesser le privilège de beaucoup de seigneurs en possession
de recevoir l'eau bénite par la présentation du goupillon à
la main. — Les litiirgistes appellent eau grégorienneVQ^w.
avec laquelle on purifie les églises polluées. On y mêle des
cendres et du vin. L'évêque seul peut la bénir.
E.-II. Vollet.
BiBL ; Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétien-
nes; Paris, 1877, in-8. — W.-E. Scudamore, art. Holy
Water, dans le Dictionary of Christian antiqiiities de
W. Smith et S. Cheetham ; Londres, 1875, 2 vol. in-8.
EAU céleste (Techn. agric). On donne ce nom à un
liquide formé de sulfate de cuivre et d'ammoniaque, pré-
conisé il y a quelques années pour la destruction des ma-
ladies cryptogamiques de la vigne, notamment du mildeiv
(V. ce mot). Elle est également employée pour combattre
la maladie de la pomme de terre. C'est vers le mois de mai
qu'on projette, au moyen d'un pulvérisateur, l'eau céleste
sur les parties aériennes des vignes ; elle donne générale-
ment de très bons résultats. L'eau céleste se prépare de la
manière suivante : 1 kilogr. de sulfate de cuivre ou vitriol
bleu est dissous dans 3 litres d'eau tiède ; après la dis-
solution et le refroidissement, on ajoute 1 litre d'ammo-
niaque. On a ainsi 4 litres d'une eau d'un beau bleu qu'il
suffit, au moment de s'en servir, de verser dans 200 à
250 litres d'eau pour avoir un liquide d'un bleu pâle, bon
EAU
— 206 —
à employer. Cette quantité est à peu près celle qu'exige
le traitement de chaque hectare de yigne, de pommes de
terre ou de tomates. Alb- L.
EAU d'Ange (Archéol.). Eau de senteur composée
d'iris de Florence, de storax, de bois de rose, de santal
citrin, d'eau de rose, de fleur d'oranger, de benjom, de
musc, d'ambre, de canelle et de girofle, dont on faisait
usaL^e au moyen âge. . . ^ ,
BiBL. : Gay, Glossaire. — Dictionnaire de Trévoux. ^
EAU DE Cologne. Jean-Paul Féminis, qui habitait la
ville de Cologne vers le milieu du xvii^ siècle, est l'inven-
teur de cette eau dont la vogue fut très grande à un
moment; avant sa mort il confia sa recette à Jean-
Maria Farina dont le petit-fils vint en 1 806 s'établir à Pans.
Aujourd'hui le nom de J.-M. Farina couvre de sa protec-
tion tous les flacons vendus dans Funivers ; rien qu'a Co-
logne, on compte une quarantaine de maisons qui usurpent
ce nom et en font leur raison sociale. Selon l'inventeur,
l'eau de Cologne avait des propriétés merveilleuses ; on ne
lui reconnaît plus guère que la qualité d'être tonique et
on l'emploie uniquement pour Faromate et pour la toilette
(V. Alcoolat, t. II, p. 47). Les recettes pour la fabrica-
tion de l'eau de Cologne sont nombreuses ; nous donnerons
les plus connues : Formule de J,-M. Farina. A 11 htres
d'alcool de Montpelher, on ajoute : essence de romarin, de
petit-grain, de lavande, de cédrat, de citron, 31 gr. de
chaque ; essence de Portugal, 628^^ ; de bergamote, 43 gr. ;
de néroli bigarade, U gr. ; eau de fleur d'oranger, bOOgr.
On filtre au bout de vingt-quatre heures. -- ^'oi^.^iulede
Piesse. Première qualité : alcool de vm, 27 ht. ibU ;
essence de néroli bigarade, 87 gr. ; de romarin, 56 gr. ;
d'orano;e, 141 gr.; de citron, 141 gr.; de bergamote, ob gr.
Deuxième quahté : alcool d'industrie, 27 lit. 260;^ essence
de néroli bigarade, 14 gr. ; de romarin, 56 gr. ; d'orange,
113 gr. ; de' citron, 113 gr, ; de bergamote, 113 gr ; de
petit-grain, 56 gr. ; on mêle les essences citrmes a 1 alcool,
on distille au bain-marie la presque totahté, puis on ajoute
le romarin et le néroli. — Formule du codex. A 6 kilogr.
d'alcool à 850, on ajoute : essence de bergamote, de citron,
de limette, 60 gr. de chaque ; essence d'orange, de petit-
grain, de romarin, 30 gr. de chaque; essence de lavande,
de fleur d'oranger, 15 gr. de chaque ; essence de cannelle,
12 gr. ; esprit de romarin, 250 gr. ; eau de mélisse com-
posée, 1^500 ; on distille presque à siccité au bam-marie et
on ajoute : eau de bouquet, 500 gr.— Formule bon mar-
ché. A 1^^500 d'alcool à 90°, on ajoute 4 gr. de chacune
des essences de romarin, néroU, cédrat, citron, bergamote.
L. Knab.
EAU DE Javel (V. Chlorure décolorant).
EAU d'égout (V. Egoct).
EAU DE MER. I. Chimie. — L'eau de mer diflcre essen-
tiellement des eaux de source, qui servent à notre ali-
mentation, par la nature et la quantité des sels quelle
tient en dissolution (30 à 40 gr. par litre de chlorures de
sodium et de magnésium) ; aussi n'est-elle pas potable. On
prétend que Pierre le Grand ayant décrété que les enfants
de ses matelots ne devaient boire que de l'eau de mer,
afin d'en faire de sohdes marins, la plupart périrent de la
soif. De plus, elle ne dissout pas le savon et est impropre
aux usages domestiques. On a de tout temps cherché à bord
des navires de rendre Feau de mer potable, afin d'éviter
d'embarquer l'eau douce nécessaire aux besoins de l'équi-
page , chargements toujours considérables et d'aucun rap-
Préparation d'eau potable par la distillation de
l'eau de mer. C'est J,-B. Porta qui le premier démontra
que Feau de mer était susceptible de fournir de l'eau douce
par distillation. Le capitaine Freycinet, dans son voyage
autour du monde à bord de VUranie, alimenta l'équipage
avec de Feau de mer distihée au moyen d'un appareil dû
à Clément ; le litre d'eau potable revenait ainsi à environ
1 cent. Depuis les appareils distillatoires ont été notable-
ment modifiés par Herauden, Davier, Rocher ; c'est ce der-
nier modèle qui est adopté par la plupart des armateurs.
Dans cet appareil on utilise la chaleur perdue des cuisines ;
l'alimentation du vase distillatoire et la réfrigération du
serpentin se font directement à l'eau de mer, des ouver-
tures étant ménagées dans la coque du navire (V. fig.) ; il
Serpentin refroidi directement par Peau de mer.
s'ensuit que des courants s'établissent par suite de l'inégale
densité de l'eau du réfrigérant, à la condition que le ser-
pentin soit placé au-dessous de la hgne de flottaison du
navire. L'eau distillée recueilhe peut dès lors servir aux
usages domestiques ; mais, si elle est destinée à servir de
boisson, on Fabandonne quinze à vingt jours au contact de
l'air ou on la soumet pendant plusieurs heures à un bat-
tage énergique, après l'avoir, au préalable, additionnée
d'une petite quantité de carbonate de chaux et de chlorure
de sodium; elle perd ainsi son goût insipide, devient d'une
digestion plus facile, se rapprochant comme composition
des eaux douces naturelles. L'appareil Rocher disposé pour
l'alimentation d'un équipage de deux cent trente hommes
consommant environ 685 litres d'eau, peut fournir en un
jour 720 litres d'eau potable avec une dépense de
75 kilogr. de houille, soit 1 fr. 50 ; le litre d'eau ne re-
vient donc qu'à deux dixièmes de centime.
Panification à l'eau de mer. La panification à Feau
de mer, entreprise depuis plusieurs années par un indus-
triel de Paris, n'a pas pris d'extension. Les propriétés
thérapeutiques du pain à l'eau de mer sont fort douteuses,
et jusqu'à ce jour les données nous manquent pour nous
prononcer.
Ch. Girard.
Fxtraction du sel marin (V. Chlorure de sodium).
IL Contributions indirectes (V. Sel).
III. Physiologie et Thérapeutique (V. Bain, t. V, p. 20).
EAU DENTIFRICE (V. DeNTIFRICE).
EAU DE SENTEUR (Contr. ind.) (V. Consommation [Droit
de], Dénaturation, Entrée [Droit d']).
EAU-DE- VIE. I. Viticulture. — Les eaux-de-vie sont
des boissons alcooliques formées d'alcool et d'eau avec des
essences aromatiques qui varient selon l'origine. Ce qui les
différencie essentiellement des esprits, c'est qu'elles ren-
ferment moins de 70 «^/o d'alcool. C'est Arnaud de Ville-
neuve, alchimiste français, qui le premier parle de Feau-
de-vie au xm*" siècle. Elle fut tout d'abord tirée du vin.
« Cette eau de vin, dit-il, est appelée par quelques-uns
eau-de-uie, et ce nom lui convient, puisque c'est une
véritable eau àHmmortalité . Déjà on commence à connaître
ses vertus; elle prolonge les jours, dissipe les humeurs
peccantes ou superflues, ranime le cœur et entretient la jeu-
nesse ; seule ou jointe à quelques autres remèdes, elle guérit
la colique, Fhydropisie, la paralysie, fond la pierre, etc. »
Ce nom d'eau-de-vie est parfaitement justifié, en ce sens
que le liquide auquel il est fait allusion ranime la vie chez
les personnes affaiblies (V. Alcool [Thérapeutique]).
Classification des eaux-de-vie. Les eaux-de-vie véri-
tables renferment 55 à 58 ^/o d'alcool; elles sont obtenues
- "207
EAU
par la distillation du vin ; naturellement, elles sont inco-
lores ; mais comme on les conserve dans des barils de
bois de chêne, elles prennent une coloration jaune ambrée.
C'est dans les dép. de la Charente et de la Charente-Infé-
rieure qu'on produit les meilleures eaux-de-vie du monde
entier : on les désigne sous le nom de cognacs; a[)rès vien-
nent les eaux-de-vie dites armagnacs qu'on produit dans
les dép. de Lot-et-Garonne, du Gers et des Landes. D'ail-
leurs, les eaux-de-vie véritables peuvent être divisées en
trois classes : 1^ les eaux-de-vie de Cognac ; 2° les eaux-
de-vie d'Armagnac ; 3° les eaux-de-vie de Montpellier. Les
eaux-de-vie de Cognac, lisons-nous dans le Dictionnaire
de L'industrie de 0. Lami, les plus parfaites, les plus es-
timées, sont produites dans la Charente ; on en distingue
plusieurs sortes différentes, suivant les zones dont elles
proviennent : les fines champagnes ou grandes champagnes ;
les petites champagnes ; les borderies ou fins bois ou pre-
miers bois ; les bois ordinaires ; les deuxièmes bois. Le
nom de Champagne est donné dans l'Angoumois aux plaines
dont le terrain rappelle le sol de la Champagne de l'Est
de la France. Les eaux-de-vie de fine Champagne sont ré-
coltées dans l'arr. de Cognac. La petite Champagne entoure
le territoire de la grande Champagne. Les eaux-de-vie des
borderies ou fins bois sont situées dans le cant. de Cognac,
corn, de Saint-x4ndré, Cherves, Crouin, Javrezac, Louzac,
Richement et Saint-Sulpice. Enfin, les bois ordinaires et
les deuxièmes bois sont récoltés sur l'emplacement d'an-
ciens bois qui ont été successivement défrichés. Les eaux-
de-vie récoltées au delà de Saint-Jean-d'Angely, à Surgères,
à Mauzé, à Aigrefeuiile et à l'île d'Oléron, portent encore
le nom de cognacs de Saintonge, mais leur arôme un peu
rude les sépare des cognacs et les fait classer après les ar-
magnacs. Bien que les armagnacs soient classés après les
cognacs, ce sont encore des eaux-de-vie excellentes. Elles
sont récoltées dans l'arr. de Condom (Gers) et dans quel-
ques com. du Gers et des Landes. On en distingue trois
variétés, qui sont, par ordre de mérite : les bas armagnacs,
les tenarèzes et les hauts armagnacs. Les bas armagnacs pro-
viennent des cant. de Cazaubon et de Nogaro, dans le Gers,
et d'une partie du cant. de Gabaret. Les tenarèzes, des
cant. d'Eauze et de Montréal et d'une partie du dép. du
Lot-et-Garonne. Les hauts armagnacs commencent à la par-
tie E. du cant. de Montréal et s'étendent à Condom, Va-
lence, Yic-Fezensac, Jegun et Montesquieu. Quant aux eaux-
de-vie de Montpellier, il faut faire remarquer que le dép.
de l'Hérault produisait autrefois des alcools de vin rectifiés
et à haut titre (des trois-six à 86*^, des trois-cinq à 78^).
Les alcools dits « preuve de Hollande », c.-à-d. à M^^
constituent d'excellentes eaux-de-vie. L'industrie de ces
hquides a considérablement diminué d'importance dans
la région. Enfin dans un quatrième groupe on pourrait
ranger des eaux-de-vie de moins bonne qualité que les
précédentes : telles sont les eaux -de -vie de marc, les
eaux-de-vie de cidre, les eaux-de-vie de grain, le ge-
nièvre, les eaux-de-vie de merises ou kirsch dont il est
parlé plus bas.
Le vin fut a seule source des eaux-de-vie jusqu'en 1850.
Dans le sud-ouest de la France, plus de 2 millions d'hectol.
de vins étaient annuellement distillés dans ce but. Depuis
l'invasion du phylloxéra, les choses se sont bien modifiées ;
les eaux-de-vie de vin, c.-à-d. les eaux-de-vie véritables,
sont devenues très rares et on les a remplacées par des
eaux-de-vie fabriquées. Ainsi dans la Charente, par exemple,
de 2 millions d'hectol. de vin distillé, on est tombé à
320,000 hectol. en 1879 et à 50,000 en 1881. Mais, pen-
dant la même période, la demande des eaux-de-vie ne
diminuait pas, bien au contraire; aussi a-t-il fallu avoir
recours aux alcools d'industrie bien rectifiés et additionnés
d'eau (mouillage), puis aromatisés et colorés. Une indus-
trie nouvelle, celle delà fabrication des eaux-de-vie à l'aide
des alcools, s'est donc créée à côté de celle des eaux-de-vie
vraies, et, tandis que la première va tous les jours en aug-
mentant, la seconde diminue de plus en plus, par suite de
la rareté du vin, due au phylloxéra et aux autres maladies
de la vigne. Nous ferons tout d'abord observer qu'il n'est
pas facile de reconnaître ces deux sortes de produits et de
les distinguer.
Caractères d'une bonne eau-de-vie. Une bonne eau-
de-vic doit être claire, brillante, d'un degré alcoofique
pas trop fort, ni trop faible non plus, soit environ 50° C; sa
couleur doit être d'autant plus foncée qu'elle est plus
vieille, et comme le bon vin la qualité doit augmenter avec
le vieilhssement. La saveur sera suave, éthérée, exempte
de goût de feu, de terroir. Le vrai cognac a toujours une
réaction acide au tournesol; l'imitation ne la présente pas ;
de plus, les faux cognacs donnent, avec une solution très
faible de chlorure de fer, un précipité de couleur dou-
teuse après quelques instants de repos, tandis que le vrai
cognac prend une coloration noire caractéristique. Les
eaux-de-vie vraies renferment de Falcool ordinaire ou éthy-
lique, uni à un peu d'alcool amylique ; mais les eaux-de-
vie industrielles sont bien plus riches en alcool amylique
et aussi en alcool butylique. Elles sont donc, non seule-
ment moins agréables au goût, mais encore plus funestes
à la santé. Nous allons étudier successivement la prépara-
tion de ces deux sortes d'eaux-de-vie.
Extraction de Veau-de-vie de vin. Les vraies eaux-
de-vie sont préparées en général par les petits cultivateurs
appelés bouilleurs de cru. Le vin destiné à être distillé est
l'objet de soins non moins assidus que s'il devait être con-
sommé en nature. La distillation se fait en hiver, dans un
alambic simple, chauffé à feu nu, d'une contenance de 300
à 400 Htres. Le premier liquide qui passe est appelé « pre-
mier brouillis », puis on remplit la chaudière avec le
liquide déjà échauffé du chauffe-vin ; après avoir évacué la
vinasse, on remplit avec du vin neuf et on obtient ainsi un
deuxième, puis un troisième brouillis. Après celui-ci, on in-
troduit dans la chaudière les trois premiers brouillis et on
en recueille un quatrième. A ce moment, on vide la chau-
dière, on y fait écouler les trois brouillis du chauffe-vin et
on distille après avoir rempli le chauffe-vin de vin frais.
Les trois premiers litres qui distillent sont mis à part et
versés dans le brouillis à distiller plus tard. La distillation
est continuée tant que le liquide qui passe est « à la
preuve ». Celle-ci consiste à remplir aux deux tiers avec
le liquide à essayer une petite bouteille étroite à parois
épaisses; on agite d'un coup sec en bouchant avec le pouce
et, suivant le n^ombre, la persistance et la grosseur des
bulles, on juge la force de Feau-de-vie. Les bouilleurs de
la Charente préfèrent de beaucoup cette preuve à l'emploi
de l'alcoomètre, qui donnerait alors 60 à 68°. Par le vieiF
hssemcnt et l'évaporation dans les fûts, ce titre descend à
50 ou 55°. Les soins d'ouiilage et de décantage qu'on donne
au vin sont inutiles ici. On sait que Fouillage a pour but
de tenir la barrique pleine, afin (|ue le vin ne soit pas en
contact avec Fair ; Feau-de-vie n'étant pas un milieu favo-
rable aux microorganismes, cette précaution est superflue.
Les décantages sont également sans utilité, car un liquide
produit par distillation ne peut pas tenir en suspension des
molécules solides qui puissent se précipiter. Immédiate-
ment après la distihation, fait remarquer M. Alibert, les
eaux-de-vie de la fine Champagne, de la petite Champagne
et des bois n'ont rien qui permette de les différencier.
L'arôme spécial du cognac n'est pas encore développé.
Toutes ces eaux-de-vie se ressemblent, et, quelle que soit
la déhcatesse du palais du dégustateur, il n'est pas pos-
sible de distinguer d'abord leur provenance. Quand le
commerce les acbète, il procède par voie de confiance ; il
compte plus sur l'honorabilité du vendeur que sur ses pro-
pres appréciations. L'eau-de-vie jeune a un goût d'alambic,
dû à des huiles empyreumatiques créées par la distillation,
qui masquent complètement Farome futur du cognac, mais
les quahtés que l'avenir devra mettre en lumière sont à
l'état latent; il n'est aucun moyen de les apprécier encore.
Dans l'Armagnac, la méthode charentaise que nous venons
de décrire n'est pas suivie. La nature des vins permet ici
EAU
— 208
une distillation rapide à l'aide d'alambics perfectionnes
semblables à ceux qu'on emploie pour les alcools d industrie
(V. Distillerie). Les vins employés pour 1 extraction te
co^cssont produits avec divers cépages ; mais le plus
Généralement adopté est la folle jaune ou folle blanche,
ainsi que le colornbat et le saint-émilioii.U folle jaune
occupe le plus souvent les neuf dixièmes du vignoble. Le
rendement moyen est de 21 hectol. à l'hectare.
Eau-de-vie de marc. Pour les eaux-de_-yie de marc
on emploie indistinctememt le marc des raisins blancs et
celui des raisins rouges ; néanmoins ce dernier est beau-
coup plus riche en alcool parce qu'il a ete p us longtemps
en contact avec le moût. Les marcs sont d ailleurs d au-
tant plus riches qu'ils proviennent de raisins de meilleure
Qualité. Il va sans dire que la richesse en alcool des marcs
varie avec les années, qu'elle s'élève dans les années chaudes
et qu'elle diminue dans les années froides et pluvieuses.
Le prix des marcs est également très variable; il oscille
entre 2 fr et 6 fr. pour une quantité de marc ayant pro-
duit 456 litres de vin. C'est surtout en Bourgogne quon
produit l'eau-de-vie de marc. La provision de matière pre-
mière étant faite, on entasse celle-ci dans des fosses ou des
cuviers en désagrégeant le marc avec des pioches a dents
puis on le tasse fortement pour éviter accès de 1 air et
par suite la fermentation. Dans ces conditions lemarc se
conserve aisément toute l'année. Pour la distd lation, on se
sert d'un alambic ordinaire, dont on charge la chaudière
de marc jusqu'à 2o centim. du rebord. Lue fois la chau-
dière pleine, on allume le feu avec du bois sec, et, pen-
dant que le feu prend, on place le chapiteau et on le lute
avec de la terre glaise. Le feu doit être règle ; s il était
trop vif il y aurait perte par évaporation, et l alcool contrac-
terait ce qu'on appelle un goût d'échauffé. Le liquide qui
distille pendant cette opération constitue la « petite eau » :
c'est de l'eau-de-vie à 15 ou 20oqmcoiie pendant six
heures environ. Lorsqu'on suppose qu il n y a plus guère
d'alcool dans la petite eau (ce dont on s assure en en jetant
un verre sur le brasier du fourneau et qu elle ne s allume
pas), on met la petite eau recueillie jusqu à ce moment dans
un fût, puis on décharge l'alambic. D après M. P. Joi-
aneaux, le marc de 684 litres de vm rejid, en petite eau,
de 15 à 20«C.: marc de bon vin rouge, 4ô a t)0 litres ; marc
de gamais, 35 à 40 ; marc de vin blanc 2d a 30 La rec-
tification ou repasse a pour but d'élever la force de la pe-
tite eau-de-vie jusqu'à 54°, c.-à-d. un peu a^-^e^^^^^^
chiffre exigé par le commerce qui veut que cette eau-de-xie
marque â^ à la température de4- 15^0. Les deux degrés
en plus sont donnés en vue de la perte par évaporation. On
met le marc dans la chaudière, puis on verse dessus la
petite eau-de-vie jusqu'à ce que le marc en soit recouvert
et on allume. Pour recevoir le filet d'eau-de-vie qui tombe
du serpentin, on se sert d'un vase capab e de contenir tout
le produit de la rectification, autrement dit toute la repasse.
Au moven de l'alcoomètre ons'assure du degré vouki. Les
marcs de Bourgogne rendent en eau-de-vie rectifi^ee : pour
le marc de 228 litres de vin rouge (pmot), 5 litres /^ ,
pour celui de 228 litres de vin rouge gamais), 4 htres;
pour celui de 228 litres de vin blanc, 3 litres. Le marc qui
a subi la distillation, et qui est appelé marc brûle ou genne
brûlée, n'est pas sans valeur. Il est employé comme en-
crrais et se vend à raison de 30 à 40 cent, l hectolitre.
"^ Eau-de-vie de cidre. L'eau-de-vie obtenue en distil-
lant le cidre ou le poiré est très appréciée en Normandie.
Lorsqu'elle est bien fabriquée elle a un exce lent goût ; de
même que l'eau-de-vie de vin est inimitable dans sa pureté,
qu'elle porte un cachet indélébile de terroir et de truit, de
même l'eau-de-vie de cidre. On se sert, pour distiller le
cidre d'appareils distillatoires continus ou discontinus qui
varient beaucoup ; les cidres et poirés donnent en eau-ce-
vie à 55« de 6 à iO'lo ; mais le rendement se rapproche
Dins de 7 à 8 '/ . H varie selon la pureté des cidres, leur
fabrication, leur âge, les essences des fruits d;aù ils sor-
tent, les crus qui les produisent, le mode de distillation et
le bouilleur. Comme pour le vin, le moment de distiller le
cidre et le poiré est venu, fait remarquer M. E. Pelletier,
quand la saveur de la boisson n'est plus sucrée ; quand ils
sont parés, c.-à-d. lorsque le principe saccharin s'est alcoo-
lisé. Suivant les natures de cidre, ce phénomène arrive de
deux à quatre mois après leur fabrication. Les cidres gâ-
tés, à mauvais goût, donnent des eaux-de-vie qui conser-
vent toutes ces qualités défectueuses et surtout le mauvais
goût. Il faut donc soigner les futailles si l'on veut des eaux-
de-vie de bonne nature et nettes de goût. Le bouilleur,
après avoir versé 250 litres de cidre ou poiré dans la chau-
dière, la couvre de son chapiteau, ajoute le tube qui la
relie au serpentin et lute avec soin toutes les jointures
avec de la colle composée de farine délayée. Il s'agit
alors d'ébaucher, c.-à-d. de retirer la petite eau qui, étant
repassée par le même procédé, donnera l'eau-de-vie au
degré voulu. Le chauffage doit être conduit avec précaution ;
on^évitera surtout un feu trop vif. L'ébauchage étant fini,
il s'agit de procéder au repassage. Préalablement, la chau-
dière et ses accessoires sont nettoyés, puis le bouilleur verse
250 litres de petite eau dans la chaudière et lute avec
soin. La bouillée d'ébauchage dure quatre ou cinq heures,
celle de repassage se prolonge pendant neuf heures. Dans
ce dernier cas, l'eau doit être prodiguée sur le réfrigérant,
de manière à ce qu'elle sorte à peine tiède par le trop-plein
et surtout à ce que l'eau-de-vie arrive froide au serpentin.
Chaque bouillée de 250 litres donne en moyenne 50 litres
de petite eau de 5 à 53*^ C. et ces 50 litres fournissent au
repassage 18 litres d'eau-de-vie de 33 à 77<^ C. de
l'alcoomètre de Gav-Lussac, ce qui la réduit à 68°, ou 25
un quart de l'aréomètre Cartier. Le cidre ou le poiré de
bonne quaUté donne donc ainsi environ un treizième de
bonne eau-de-vie. L'eau-de-vie de poiré perd prompte-
ment son odeur et sa saveur originelles, et mieux encore
que celle de cidre elle se rapproche en vieillissant des
bonnes eaux-de-vie de vin. Cependant, à nos yeux, elle
n'est pas pour cela supérieure à l'eau-de-vie de pomme :
celle-ci offre plus de douceur, et son arôme, gage de sa
pureté, n'offre rien de désagréable. Comme celui de l'eau-
de-vie de poiré, il tend aussi à s'effacer en vieillissant.
Eau-de-vie de mélasses de canne à sucre ou rhum.
L'eau-de-vie provenant de la distillation des mélasses des
colonies est appelée rhum. C'est, avec l'eau-de-vie devin, celle
qui est la plus estimée. C'est un produit coloré en brun
plus ou moins foncé; son goût est fort, rappelant celui du
cuir (goût de savate). La consommation tend à prendre un
assez grand développement en Europe. Ainsi notre colonie
de la Martinique à elle seule exporte près de 20 millions
de litres de rhum ; la Guadeloupe en envoie 5 millions de
litres. On obtient le rhum en mélangeant 52 p. de mélasse
avec 24 p. d'eau ; on brasse le tout et on laisse fermenter ;
après dix ou douze jours, on ajoute au hquide 64 p. de
résidus de distillations précédentes (vinasses) et on passe
à l'alambic. Autrefois on employait des alambics simples
chauffés à feu nu; aujourd'hui on préfère les alambics
perfectionnés qui permettent d'obtenir régulièrement 3,500
litres de rhum par jour. L'opération est continue; le
liquide distillé porte 'le nom de tafia; il est incolore et
marque de 56 à 75^; on le met dans des fûts en attendant
qu'on les transforme en rhum. Cependant le tafia est
assez estimé des créoles et des marins. Les tafias sont
réduits d'abord au degré commercial voulu (56«) , remontés
en couleur avec du caramel, puis on les laisse vieillir. Tous
les rhums consommés actuellement n'ont pas cette origine;
on en fabrique également d'artificiels avec des alcools d'in-
dustrie ; mais il est facile de les distinguer ; il suffit de
mélanger à 10 centim. c. de rhum, 3 centim. c. d'acide
sulfurique. On agite et on laisse reposer vingt-quatre
heures dans un tube à essai. Les rhums vrais ne perdent
pas leur odeur par l'action de l'acide, tandis que les
rhums artificiels perdent leur odeur bien avant ce temps.
Eau-de-vie de merises ou kirschenwasser . L'eau-de-
vie de cerises, le kirschenwasser des Allemands, ou plus
— ^209 -
EAU
simplement le kirsch, est un liquide incolore, marquant de
50 à 52*^ C. et présentant une saveur spéciale qui rappelle
celle du noyau, due à la présence d'une faible quantité
d'acide cyanhydrique (WOO'2 ^/oo). La fabrication de cette
eau-de-vie se fait en grand dans la Forêt-Noire, où l'on pro-
duit la meilleure. En France, c'est dans les dép. des Vosges,
de la Haute-Saône, du Doubs et de Meurthe-et-Moselle ;
mais le centre du commerce qui en résulte est sans contre-
dit à Fougerolles (Haute-Saône). En moyenne, 400 kilogr.
de merises écrasées fournissent à la distillation de 7 à
8 litres de kirsch. Lorsque les cerises sont mûres, on les
jette pêle-mêle dans des tonneaux défoncés; là, on les
écrase, le jus qui s'en écoule est mis dans des cuves où se
fera la fermentation. On y ajoute une certaine quantité de
noyaux écrasés, et on laisse la fermentation se déclarer.
Lorsque celle-ci est terminée, on jette le tout dans un
alambic et on distille.
Conservation et amélioration des eaux-de-vie, H est
à remarquer que les négociants ne hvrent pas au commerce
les eaux-de-vie telles qu'ils les reçoivent des producteurs ;
outre les coupages, ils leur font subir certaines manipula-
tions destinées à les amener à l'état marchand. Les eaux-
de-vie fines sont mouillées avec de l'eau distillée. L'eau-de-
vie, au sortir de l'alambic, est incolore ; c'est dans les fûts
en chêne, où on la conserve, qu'elle acquiert la teinte brune
qu'on lui connaît . Pour donner aux eaux-de-vie jeunes la
teinte voulue, on emploie le caramel. On y ajoute quelquefois
1 à 2 °/o de rhum vrai pour compléter la saveur et adoucir
le goût. La dernière opération est la filtration qui s'effectue
le plus souvent dans des poches en flanelle garnies de papier
délayé. Enfin, comme le fait remarquer M. 0. Lami,à part
certaines maisons qui ont des marques spéciales vendues à
des prix très élevés, on voit depuis quelque temps aug-
menter de jour en jour le nombre d'industriels qui, sous le
nom de coupages, additionnent les eaux-de-vie vraies avec
des alcools d'industrie; ce qui n'était que l'exception est
devenu la règle générale. D'autre part, le vigneron lui-
même a acquis certaines connaissances qu'il met en pratique
pour accroître son profit; il sait qu'il peut augmenter la
richesse alcoolique du vin en ajoutant du sucre à la ven-
dange; il sait aussi qu'en additionnant d'alcool le vin avant
la distillation, il retirera beaucoup plus d'eau-de-vie et qu'il
sera difficile de distinguer cette eau-de-vie de celle qui aurait
été produite sans mélange. En somme, entre les grandes
eaux-de-vie et les eaux-de-vie préparées exclusivement avec
des alcools d'industrie, on trouve dans le commerce une
série de produits intermédiaires qui contiennent des pro-
portions variables d'eau-de-vie vraie. Si ces produits laissent
à désirer à certains points de vue, il faut reconnaître qu'ils
donnent satisfaction aux exigences de la majorité des con-
sommateurs.
Fabrication des eaux-de-vie artificielles avec les
alcools d'industrie. Les alcools d'industrie obtenus avec
les pommes de terre, les betteraves, les grains, quoique
rectifiés, ne renferment pas seulement de l'alcool éthylique,
ils contiennent encore d'autres produits que la rectification
n'élimine que très imparfaitement et qui caractérisent pour
ainsi dire ces alcools (V. Alcool, t. II, p. 35). Ce sont ces
liquides qui servent à préparer les eaux-de-vie communes
à bas prix. Quelquefois on les fabrique simplement par
affinage, c.-à-d. en coupant ou en mélangeant simplement
de ces alcools d'industrie de provenances diverses, préala-
blement mouillés; alors ils se corrigent l'un l'autre. Mais
le plus souvent la fabrication de ces eaux-de-vie est plus
complexe et comprend les opérations suivantes : prépara-
lion des substances aromatiques dites bonifiantes, prépara-
tion du colorant, épuration et préparation de l'eau de
mouillage, enfin clarification et filtration des eaux-de-vie.
Le mouillage doit se faire avec des eaux de pluie ou de
l'eau distillée. Cette opération a pour objet d'abaisser le
degré des alcools d'industrie pour les amener au degré de
concentration que doivent avoir les eaux-de-vie qu'on se
propose de confectionner. Mais jamais on ne doit employer
GRANDE encyclopédie:. — W.
des eaux calcaires ou chargées de matières organiques.
Avec les premières, la clarification devient difficile, avec
les secondes les eaux-de-vie ont un mauvais goût et des
colorations louches. Lorsqu'on n'a que de l'eau de source
ou de rivière à sa disposition, il faut la purifier; mais l'eau
de mouillage, quelle qu'elle soit, n'est pas employée telle
quelle; on l'additionne de 45 à 20 7o d'alcool, et on la
laisse séjourner pendant plusieurs mois dans des fûts con-
tenant des copeaux de chêne du Limousin. Pour donner de la
saveur, on emploie des infusions de bois de sassafras, de fleur
de tilleul, de thé noir, de bois de réglisse, etc. Ces infusions
se préparent en versant les plantes dans un fût défoncé et
en ajoutant de l'eau bouillante; deux heures après, on
soutire et on exprime les plantes infusées. Pour 400 litres
d'eau, on emploie le plus souvent 200 gr. de thé noir,
500 gr. de fleur de tilleul, 4 kilogr. de bois de réghsse et
60 gr. de bois de sassafras. Mais ces infusions ne sont pas
suffisantes. Pour donner le complément de saveur, on em-
ploie des infusions alcooliques de raisins secs de Malaga,
de pruneaux d'Agen et de figues sèches. Pour 400 litres
d'eau-de-vie à 50°, on met 5 kilogr. de raisin, 5 de figues
et 4 de pruneaux ; quinze jours après, l'infusion peut être
employée, à la dose d'environ 40 litres par hectolitre d'eau-
de-vie à fabriquer. Enfin, on sucre avec du sirop de sucre
candi ou de mélasse. La coloration est obtenue avec du
caramel bien pur pour ne pas obtenir de difficultés dans la
clarification; 200 à 250 gr. de caramel suffisent pour
4 hectol. Enfin, pour donner du parfum, on ajoute encore
par hectolitre 400 gr. d'eau-de-vie vraie de bonne qualité.
Cependant, les proportions relatives de ces divers ingrédients :
alcool, infusion aqueuse, petites eaux, infusion alcoolique,
colorant, etc., varient avec le degré de finesse de l'eau-de-vie
qu'on veut obtenir et le prix de revient que l'on s'est fixé.
La préparation même s'eftectue de la manière suivante :
l'alcool étant introduit dans un récipient de capacité con-
venable, on y incorpore tout d'abord l'eau-de-vie vraie et
4 ^Iq de rhum, puis le sirop de sucre délayé dans une petite
quantité de Uquide en préparation ; après quoi on ajoute
les infusions dans lesquelles on a fait dissoudre le caramel.
Après avoir brassé énergiquement le mélange, on le laisse
reposer pendant quelques semaines. Nous donnons, dans
le tableau ci-dessous, d'après M. Pezeyre, la formule de
préparation de 400 litres d'eau-de-vie à 50^ de quatre qua-
lités différentes : A, eau-de-vie commune à bon marché ;
B, eau-de-vie bonne ordinaire; C, eau-de-vie demi-fine;
D, eau-de-vie supérieure.
SUBSTANCES
Alcool à 95°
Infusion de réglisse
— de thé
— de capillaire
Petites eaux alcoolisées à20°
Esprit de fruits sucrés
Eau-de-vie vraie nouvelle
(armagnac)
Eau-de-vie vraie nouvelle
(cognac) à 60"
Essence de cognac.
Mélasse de sucre de canne.
Sirop de sucre candi
Rhum
Caramel .
lit.
18
53
150
100
lit.
33
60
15
gr-
100
150
»
lit.
1
■gr.
100
lit.
39
26
15
10
10
gr.
150
100
300
lit.
1
gi'.
100
Ht.
27
40
10
20
gi-.
150
lit.
1
gr-
100
Toutes les eaux-de-vie de vin vraies ont un bouquet parti-
culier qui les distingue ; les trois-six d'industrie n'ont qu'un
arôme plus ou moiiis désagréable. Le producteur et le com-
merçant doivent donc, chacun en ce qui le concerne, s'atta-
cher à développer le premier et à masquer ou à détruire le
second. Pour que le bouquet des eaux-de-vie se développe,
er M. Lebœuf, il faut qu'elles soient réduites
fait remarquer '.
44
EAU
- 210
à 48 ou 50°, qu'elles soient logées dans des vases propres
où elles puissent séjourner sans être exposées à en extraire
des matières, des principes, tels que ceux provenant de la
gomme, de la résine, etc., contenus dans les bois de la
futaille ; de là la nécessité d'employer des vases en châ-
taignier et en chêne, préparés à l'eau bouillante, car ces
matières extractives sont puissamment dissoutes, absorbées
par l'eau-de-vie et combinées avec elle. Enfin, la clarification
se fait en ajoutant de la colle de poisson, ou de la gélatine
ou du blanc d'œuf ; le dépôt est assez rapide; puis on filtre,
soit sur des grands filtres verticaux formés d'étofi'e, soit
niême sur du papier lorsqu'on opère sur de petites quantités.
Amélioration des eaux-de-vie. Que l'on ait affaire à
des eaux-de-vie vraies ou à des eaux-de-vie fabriquées, on
se trouve quelquefois dans la nécessité de les améhorer,
soit pour en accentuer le goût, soit pour cacher ou dissi-
muler une saveur peu agréable. Pour cela, on peut em-
ployer une des formules suivantes :
1^ Essence de cognac. Pour 4 hectol. d'eau-de-vie à amé-
liorer, prendre :
Cachou pulvérisé. » 80 gr.
Baume de Tolu pulvérisé 8 —
Sassafras râpé 42 —
Vanille S —
Essence d'amandes amêres 4 —
Esprit de vin à 85« 41itre.
Toutes ces substances sont introduites dans F alcool après
avoir trituré la vanille avec 400 gr. de sucre, et on laisse
infuser huit jours. Puis le mélange est introduit dans l'eau-
de-vie à améliorer, et on brasse pendant cinq minutes.
2<^Cachou , 60 gr.
Baume de Tolu 40 —
Ammoniaque 20 —
Eau-de-vie à 60« 41itre.
On dissout les deux premières substances dans l'eau-de-
vie; on laisse reposer^un jour et on décante, puis on ajoute
l'ammoniaque. Les deux améliorations qui précèdent s'ap-
pliquent à 4 hectol. Mais, comme on le voit, ces bonifica-
teurs sont d'une préparation, longue et difficile et tout le
monde ne peut pas s'en occuper. C'est pourquoi le commerce
les livre tout préparés ou tout au moins des produits qui
s'en rapprochent quelque peu; sous ce rapport, quelques
parfums cognac jouissent d'une certaine renommée ; il en
est de même des parfums fine Champagne, rhum, etc.
Fabrication du rhum et du kirsch avec des alcools
d'industrie. Mais il n'y a pas que les eaux-de-vie de cognac,
de fine Champagne et d'armagnac que l'on fabrique de
toute pièce avec les alcools d'industrie. La consommation
des eaux-de-vie et boissons alcooliques de toutes sortes a
tellement progressé depuis quelques années que l'on a dû
songer à préparer des rhums et des kirschs, la production
naturelle de ces spiritueux étant devenue insuffisante, et
leur prix par cela même trop élevé. Il convient de faire
remarquer que le problème, malgré son apparente difficulté,
a été parfaitement résolu. Aussi les consommateurs trouvent-
ils aujourd'hui dans le commerce du rhum et du kirsch à
des prix très peu élevés qui, sans valoir bien entendu les
produits naturels, leur donnent néanmoins entière satisfac-
tion. Voyons d'abord le rhum. En Allemagne, on fabrique
du rhum en distillant de l'alcool avec de l'acide sulfurique
et du bioxyde de manganèse, puis on ajoute au produit rec-
tifié des proportions convenables d'étherstannique, butylique
et acétique, un peu de teinture d'huile de bouleau et on ajoute
du caramel pour donner la coloration. Les rhums à bas prix
se préparent sans distillation, en versant l'essence dont la
formule suit dans 42 litres d'alcool trois-six réduit à 50° :
Essence de rhum 30 gr.
Sirop fine Champagne 2 litres.
Caramel. 20 gr.
Tafia 5 litres.
Eau 4 —
Après agitation convenable, on clarifie avec de la colle de
poisson. Quant au kirsch, il se prépare en mélangeant
parties égales d'alcool à 85'' avec de l'eau distillée de
laurier-cerise ou de marasque qui est préparée avec les
noyaux de certains cerisiers. Quelquefois même on ajoute
les deux. On prépare aussi du kirsch en versant dans
75 htres de trois-six le mélange suivant :
Kirsch vrai 25 litres.
Essence de kirsch 30 gr.
Sucre 2 kilogr.
Eau 4 litre.
On prépare encore du kirsch factice par distillation en
prenant :
Alcool d'industrie rectifié à 50'^. . 400 litres.
Feuilles de pêcher 4 kilogr.
— • laurier-cerise 750 gr.
Noyaux de cerises pulvérisés .... 4 kilogr.
— d'abricots — .... 4 —
Myrrhe 40 gr.
On met le tout en infusion pendant quarante-huit heures
et on ajoute 60 litres d'eau au moment de distiller. A la
distillation, on retire 95 litres de bon produit à 50° qu'on
laisse reposer pendant huit jours ; après quoi, on ajoute :
Essence de kirsch 30 gr.
Sucre candi 500 —
Eau 2 litres.
Eau-de-vie de genièvre. Une eau-de-vie très répandue
dans le nord de la France, en Belgique, en Hollande et
aussi en Angleterre est le genièvre, ou gin des Anglais,
qui se fabrique avec le malt de seigle et d'orge distillé sur
des baies de genévriers. Dans la seule petite ville de
Schiedam, près de Rotterdam, il y a plus de deux cents
distilleries qui ne font que cette eau-de-vie. Mais très sou-
vent aussi les genièvres communs à bas prix ne sont qu'un
mélange d'alcool de grains et d'essence de genévrier, ou
même un mélange de malt, seigle, orge, cassonade, aro-
matisé avec du coriandre, du carvi, des écorces d'oranges
et de la réghsse.
Comme on le voit, les eaux-de-vie factices sont très
nombreuses et très répandues aujourd'hui. Autant qu'elles
sont fabriquées suivant les procédés qui ont été indiqués
plus haut, il n'y a guère à se plaindre, car le commerce est
bien forcé de fournir à la demande. Malheureusement, la
fraude vient souvent modifier la composition et les pro-
priétés de ces liquides. Aussi devons-nous nous occuper,
au moins sommairement, des falsifications les plus faciles
à mettre en évidence.
Falsifications des eaux-de-vie. Nous avons déjà vu
comment on pouvait différencier un cognac vrai d'un
cognac fabriqué; nous avons vu comment on pouvait
distinguer le rhum véritable du rhum factice. Il nous reste,
avant d'aborder les falsifications proprement dites, à voir
comment on peut distinguer un kirsch véritable d'un kirsch
fabriqué. Pour cela, il faut doser la proportion d'acide
cyanhydrique, qui est toujours plus forte dans les kirschs
fabriqués que dans les kirschs naturels. M. Buignet opère
avec une dissolution titrée de sulfate de cuivre contenant
23ê''09 de sel cristallisé pour 4,000 centim. c. On verse
400 centim. c. de l'eau-de-vie à analyser dans un ballon
en verre à fond plat; on y ajoute 40 centim. c. d'ammo-
niaque et on y verse la liqueur titrée à l'aide d'une burette
divisée en dixièmes de centimètre, en agitant continuelle-
ment jusqu'à ce que la liqueur de cuivre cesse de se déco-
lorer. Le nombre de divisions de la burette indique en milli-
grammes la quantité d'acide cyanhydrique existant dans
l'eau-de-vie. Dans la plupart des eaux-de-vie fabriquées avec
des alcools de grains et surtout de pommes déterre, on trouve
de l'huile de pomme de terre ou fuselol. Cette huile est la
cause principale qui s'oppose à ce que les alcools de grains
et de pommes de terre, malgré les moyens perfectionnés
mis en œuvre pour les purifier et leur donner le bon goût,
puissent remplacer pour tous les usages l'alcool de vin.
Pour rechercher l'huile de pomme de terre, on ajoute
- 211 —
EAU
quelques gouttes d'une solution d'azotate d'argent et un peu
d'ammoniaque, puis on expose ce mélange à l'action de la
lumière solaire. Dans une eau-de-vie tout à fait pure, il
n'y a alors aucun changement sensible à l'œil, tandis que
l'eau- de -\ie renfermant de l'huile de pomme de terre
se trouble promptement et prend une coloration rougeâtre
ou noirâtre. On peut encore, et ce procédé est plus simple,
mélanger l'eau-de-vie à essayer avec son volume d'éther et
ajouter un volume d*eau égal au volume du mélange ; l'éther
dissout l'huile de pomme de terre et se sépare de celle-ci ;
si maintenant on laisse évaporer l'éther dans une capsule
de porcelaine, il reste un résidu qui offre l'odeur caracté-
ristique de l'huile de pomme de terre (alcool amylique).
D'après Cabasse, on reconnaîtra une eau-de-vie préparée
avec de l'alcool de betteraves en prenant 3 p. du liquide •
auxquelles on ajoute 1 p. d'acide sulfurique; il doit se
produire une coloration rouge rose persistante. On ajoute
quelquefois aux eaux-de-vie une petite quantité d'acide sul-
furique afin de lui donner l'odeur agréable que, lorsqu'elles
sont pures, elles acquièrent en vieillissant ; pour rechercher
cet acide, on évapore à une très douce chaleur et, lorsqu'il
reste le cinquième du volume primitif, on plonge un papier
de tournesol qui rougit fortement s'il y a de l'acide. De
plus, en étendant le résidu avec un peu d'eau et en ajou-
tant du chlorure de baryum, on a un précipité blanc. Quel-
quefois on ajoute aux eaux- de- vie à bas prix de l'esprit de
bois ou alcool méthylique. Pour la déceler, Reynold dis-
tille dans une cornue une petite quantité du liquide à essayer
en recueillant le produit dans une éprouvette maintenue
froide ; au liquide distillé, il ajoute deux ou trois gouttes
d'une solution très étendue de bichlorure de mercure, puis
une lessive de potasse en excès; après agitation convenable,
on observe si le bioxyde de mercwe qui s'est précipité se
dissout à chaud. Si cela n'est pas, il n'y a pas d'esprit de
bois; si la solution est complète, on divise le mélange
chauffé en deux parties, et à l'une on ajoute de l'acide acé-
tique, qui doit produire un précipité blanc jaunâtre flocon-
neux ; on chauffe l'autre partie à l'ébullition et on reconnaît
également la présence de l'esprit de bois à la formation
d'un précipité. Quelquefois aussi on ajoute au rhum, pour
accentuer son goût, de l'éther butylique ou de l'acide acé-
tique ; pour découvrir ce dernier, on mélange le liquide
avec de la soude caustique, on évapore et on décompose le
résidu salin par l'acide sulfurique, qui met alors l'acide
acétique en liberté. On le reconnaît à son odeur ; s'il y a
de l'éther butylique, son odeur le trahit également par le
même procédé. Enfin, lorsque les droits d'octroi à payer
doivent être plus élevés pour une eau-de-vie plus forte
que pour une autre plus faible, on ajoute quelquefois,
dans le but de rendre inexact l'essai aréométrique, une
certaine quantité de chlorure de calcium, qui a pour résultat
d'augmenter le poids spécifique du liquide. Ce sel se trouve
dans le résidu de l'évaporation d'une petite quantité de
l'eau-de-vie. L'oxalate de potasse donne dans le résidu étendu
un abondant précipité.
Commerce des eaux-de-vie. Les eaux-de-vie de diverses
sortes qui viennent d'être étudiées sont l'objet d'un com-
merce très actif qui, en présence de l'accroissement tou-
jours constant des l3oissons alcooliques, va toujours en
s'accentuant davantage. Nous donnons ci-joint le tableau
des importations appliqué aux années 1887, 1888 et 1889
et le tableau des exportations pendant les mêmes années î
IMPORTATIONS
EAUX- DE -VIE
De vin
Dp mAlflssP ( Guadeloupe
Totaux —
Autres que de vin et de mélasse
COMMERCE SPECIAL
QUANTITÉS LIVRÉES A LA CONSOMMATION
1887
lie«tol.
6.191
20.418
101.000
14.042
135.360
8.539
1888
hectol.
21.632
19.774
80.342
9.741
109.857
9.124
1889
hectol.
11.588
16.480
80.938
4.812
VALEURS ACTUELLES
1887
fr.
990.57
12.868.705
102.230
10.327
3.952
1888
fr.
3.461.155
9.887.113
456.217
1889
fr.
1.854.074
9.200.744
516.356
EXPORTATIONS
EAUX-DE-VIE
COMMERCE SPÉCIAL
MARCHA
0
1887
NDISES FRANÇAISES
U FRANCISÉES
VALEURS ACTUELLES
1888
1889
1887
1888
1889
f Angleterre
\ Etats-Unis
hectol.
68.627
3 896
1.855
2.474
60.683
hectol.
70.976
4.119
1.591
2.358
48.444
hectol.
73.776
3.237
1.859
3.007
48.486
fr.
40.642.552
\
18.067,219
952.335
3.177.922
fr.
39.177.381
17.344.779
695.585
3.389.686
fr.
40.636.147
18.207.535
692.924
3.421.494
De vin en fûts.] République Argentine . . .
/ Algérie
\ Autres pays
Totaux
137.535
29.933
1.992
7.135
195
23.303
127.488
30.169
2.234
3.880
222
21.863
132.365
33.247
2.242
4.884
197
20.735
/ Ano"leterre.
°UTes^.?.'?r; Sp'Argentine:::
[ Autres pays
Totaux
62.558
10.025
42.372
58.368
7.729
45.196
61.305
7.699
45.660
Autres que de vin, de cerises et de mé-
lasse ■ *. . •••••. ••••t.. ••••>•
EAU
— 212 —
Comme on peut le voir en effectuant les totaux, et pour
ne prendre que Tannée 4889, nous avons comme eaux-de-
vie importées : 112,557 hectol. représentant une valeur
totale de 11,571,474 fr., tandis que les exportations se
chiffrent pour la même année par 247,029 hectol., soit
une valeur de 62,961,100 fr. Il est à remarquer aussi
que les eaux-de-vie que nous importons sont, à part les
rhums et quelques eaux-de-vie spéciales (telles que le
kirschenwasser de la Forêt-Noire, le schiedam de Hol-
lande, etc.), des produits de qualité intérieure, tandis que
la plupart des eaux-de-vie que nous envoyons à l'étranger
sont des produits vrais, des cognacs, fine Champagne, etc.,
que nos voisins nous payent un prix élevé. Cependant il ne
faudrait pas croire que nous n'exportons pas d'eaux-de-vie
fabriquées. Il est même certain que sur les 247,029 hectol.
qui sortent, il y en a plus d'une benne moitié dans ce cas,
mais ces produits sont fabriqués chez nous avec beau-
coup de soin par des industriels habiles et consciencieux
pour la plupart. D'ailleurs, ces eaux-de-vie portent des
marques françaises, et à l'étranger, surtout aux Etats-Unis
et dans l'Amérique du Sud, on n'apprécie guère que ces
dernières. Albert Larbalétrier.
IL Industrie (V. Alcool, t. II, p. 35).
lïl. Pharmacie (V. Alcool, t. II, p. 43).
IV. Physiologie et thérapeutique (V. Alcool, t. Il,
pp. 38 et suiv.).
V. Contributions indirectes (V. Alcool, Consommation
rDroit del, Dénaturation, Distillerie, Entrée [Droit d']).
Rtml • V -F Lebeuf, Manuel complet de l'amélioration
desliauides; Paris, 1887, in-18. - O. L ami, Dictionnaire
de Vindustrie; Paris, 1885, in-8. - A. Larbalétrier,
ri icooi Paris, 1888, in-18.- Cli. Laboulaye, Dictionnaire
te aris elmanuraciures ; Paris 1890, in-8. - A. Boi.lev
Manuel d'essais et de recherches chimiques ; Pâvis, 1877,
in-16 - P. Joigneaux, le Livre de la terme; Pans, 1887,
^""'eAU divine (Alch.). L'eau divine joue un grand rôle chez
les alchimistes grecs. Elle est la même que l'eau de soufre,
le même mot Oaîov signifiant à la fois soufre etdivm, et les
vieux auteurs jouant sans cesse sur ce double sens. L'eau
divine est une expression générique applicable à tout liquide
préparé en vue de la teinture des métaux, c.-à-d. de la
pierre philosophale. Le mot se trouve déjà dans le papyrus
égyptien de Leyde, où il signifie une solution de polysul-
fui-e de calcium; et on retrouve des compositions analogues
à base de sulfoarsénites chez les alchimistes latins du
xiv« siècle sous le nom de aqiia sulfurea. Mais le nom
d'eau divine a été aussi appliqué à toute liqueur ou matière
obtenue par sublimation, et même au mercure métallique,
non seulement parce que ces matières étaient employées
pour colorer les métaux, mais parce que le soufre était
réputé l'élément essentiel de la volatilité dans les corps.
EAU-FORTE. I. Chimie (V. Azotique [Acide]).
IL Gravure. — La gravure à l'eau-forte consiste essen-
tiellement à tracer sur une plaque de métal recouverte
d'un enduit inattaquable aux acides un dessin dont chaque
trait met le métal à nu, et à soumettre la plaque ainsi traitée
■i l'action d'un acide qui creuse toutes les parties non proté-
gées par l'enduit. Ce procédé, employé anciennement par les
armuriers pour la décoration des lames, n'a guère ete
appliqué à la gravure des estampes que dans les premières
années du xvi^^ siècle, et l'on ne sait si l'honneur en revient
au Parmesan ou à Albert Durer, dont le Saint Jérôme en
prière qui porte le millésime de 1512 est la plus ancienne
estampe à l'eau-forte datée. Le terme d'eau-forte s'apphque
actuellement et au procédé de gravure que nous allons
décrire et aux estampes obtenues par ce procède. Le métal
le plus employé pour la gravure à l'eau-forte est le cuivre
rouée bien martelé, plané et poli (V. Cuivre, Gravure) ;
l'acier est de plus en plus abandonné, et les anciennes
planches de fer et d'étain citées dans quelques catalogues
ne sont que des curiosités archéologiques; quelques gra-
veurs se servent de planches de zinc, de bronze ou de laiton,
mais ces différents métaux résistent peu à l'action de la
presse ou sont attaqués par l'acide d'une façon très irregu-
lière, et leur emploi peut passer pour exceptionnel. Les
opérations successives de la gravure à l'eau-forte sont : le
vernissage, le tracé, la morsure, et, s'il y a lieu, les correc-
tions et la remorsure.
Vernissage. Il existe un grand nombre de formules de
vernis pour l'eau-forte ; on les trouvera dans l'excellent
Manuel du graveur de Roret; celle du vernis le plus em-
ployé actuellement est la suivante : cire vierge, 90 gr. ;
bitume de Judée, 60 gr. ; poix blanche, 60 gr. On vend
ce vernis en petites boules, que les graveurs enveloppent
dans un tissu de soie bien serré, de façon que les impuretés
qui pourraient s'y trouver ne puissent se déposer à la sur-
face du cuivre. Pour l'appliquer, on promène la boule sur
la planche maintenue par un étau et chauffée suffisamment
pour déterminer par son contact la fusion du vernis, qu'on
étale en couche aussi égale que possible à l'aide d'un tam-
pon de coton enveloppé dans une peau fine ou dans un
morceau de taffetas ; puis , avant que la planche ne soit
refroidie, on promène la surface vernie au-dessus de la
flamme d'un flambeau de cire, dont la fumée, en s'incor-
porant au vernis lui donne une belle couleur d'un noir
mat sur lequel le travail du graveur se détache nettement.
Tracé. Une fois la planche vernie et refroidie , le gra-
veur établit la mise en place de son sujet (qui doit être
gravé en sens inverse de celui du dessin) à l'aide d'un
calque tracé avec une pointe d'acier bien aiguisée sur une
mince feuille de gélatine dite papier - glace ; les traits
obtenus sur la gélatine sont remplis de mine de plomb ou
de sanguine en poudre et se reportent à contre-sens sur la
surface vernie à l'aide d'une pression régulière et prudente.
Une fois ce travail fait, le graveur commence son tracé à
l'aide de pointes d'acier qui ressemblent à un crayon dont
la mine serait remplacée par une aiguille. Il faut, pour que
l'action de l'acide se produise, que le vernis soit bien tra-
versé par la pointe et que le cuivre et l'eau-forte se trouvent
en contact direct. Dans le cas d'accidents à la surface du
vernis ou de traits manques, l'artiste a la ressource de
couvrir les parties qu'il ne veut pas faire mordre d'un vernis
composé d'essence de térébenthine, de cire vierge et de
bitume de Judée. Ce vernis s'applique au pinceau et se
nomme, en termes de métier, petit vernis.
Morsure. La gravure une fois tracée, il faut, avant de
faire mordre la planche , en protéger le dos et les biseaux
à l'aide d'une couche de vernis au pinceau. C'est alors seu-
lement qu'intervient l'action del'eau-forte, ou acide azotique,
que le graveur emploie en solution étendue d'eau et mar-
quant au pèse-acide de 15 à 30° suivant que sa planche
lui paraît devoir comporter une morsure lente ou brusque.
Le cuivre placé au fond d'une cuvette doit être recouvert
d'une couche d'acide d'au moins un centimètre d'épais-
seur; il se forme, aussitôt que l'eau-forte commence à agir,
une quantité de petites bulles d'acide hypoazotique qui se
dégagent en bouillonnant et que le graveur doit détacher
du cuivre à l'aide d'une plume douce; sans cette précaution,
le bouillonnement empêche l'acide d'agir également sur tous
les points de la gravure et fait sauter de petites parcelles
de vernis, ce qui élargit les traits et produit les accidents
appelés crevés. Quand l'artiste juge que les parties les plus
claires de la planche sont suffisamment creusées, il la retire
du bain, la lave, la sèche et couvre de vernis au pinceau
tout ce qui ne doit pas mordre davantage, puis il replonge
le cuivre dans l'acide et répète la morsure et la couverture
autant de fois qu'il a de valeurs différentes à obtenir. Dès
qu'il juge la morsure terminée, il nettoie la planche avec un
peu d'essence de térébenthine et peut la faire imprimer. La
morsure est une opération des plus délicates, soumise aux
influences de la température et de l'atmosphère, et c'est
l'expérience seule qui enseigne aux graveurs à en tirer des
résultats réguliers. Au Heu de mettre la planche dans une
cuvette, on'fait souvent sur la planche même une sorte
d'enceinte autour de la partie de gravure à mordre, dont
les murailles, de hauteur convenable, sont faites avec des
bandes de cire jaune rendue pâteuse par son mélange avec
— ^213
EAU
de la poix de Bourgogne et du saindoux. La planche elle-
même forme le fond de cette cuvette.
Corrections. Il est rare qu'une planche gravée soit ter-
minée d'un coup; pour la reprise des travaux, on recom-
mence la série des opérations précédentes, mais en se servant
d'un vernis transparent fait de cire et de mastic en larmes,
qu'on appelle vernis blanc. Les parties trop mordues sont
atténuées, soit à l'aide d'un brunissoir d'acier avec lequel
on aplatit le cuivre , ce qui resserre un peu la taille et en
diminue la profondeur, soit avec un grattoir avec lequel on
baisse le relief du cuivre , soit avec un charbon de bois à
grain serré dont on se sert pour poncer.
Remorsure. Si la planche n'est pas assez mordue, le
graveur a la ressource de lui donner plus d'intensité sans
la surcharger de travaux à l'aide d'un vernis à remordre qui
se compose de cire, de bitume de Judée et de poix blanche
dissous dans l'essence de lavande à la consistance d'une
pommade ; ce vernis s'applique sur le cuivre gravé au moyen
d'un rouleau de cuir très régulier et très uni, ou de géla-
tine, qui ne couvre que les parties en relief et laisse nues
et prêtes à subir une nouvelle action de l'acide toutes celles
qui se trouvent au-dessous du niveau de la planche. Cette
opération, très délicate, ne peut être faite que par des pra-
ticiens habiles.
Telles sont sommairement les opérations nécessaires pour
graver une planche à l'eau-forte. Il est bon de rappeler que
la gravure à l'eau-forte est employée à la préparation des
planches gravées au burin et que, dans ce cas, elle com-
porte des conditions de régularité et de sobriété auxquelles
n'est point soumise l'eau-forte dite des peintres qui ne relève
que de la fantaisie de l'artiste et doit son plus grand charme
à la liberté de l'exécution. La plupart des grands peintres
ont été tentés par le charme de ce procédé, qui laisse en
relief toute la personnalité d'un maître. On peut citer,
parmi les principaux : en Italie, le Parmesan, le Guide,
les Carrache, Castiglione, Stefano délia Bella, Salvator
Rosa, Tiepolo, Canaletti; en Allemagne, Albert Diirer
et son école, Dietrich, Louter bourg , Ridinger ; en
Flandre, Van Dyck; en Hollande, Rembrandt, Bol,
Lievens, Paul Potter, Karl Dujardin, Berghem, Van
Ostade, Ruysdaël;en Angleterre, Hollar, Hogarth, Wil-
kie, Turner ; en Espagne, Ribera et Goya; en France
enfin, Callot, Abraham Bosse, Cl. Lefèvre, Cl. Gillot,
Cl. Lorrain^ Boucher, Fragonard et tant d'autres. En
France également nombre de graveurs se sont surtout servis
de l'eau-forte. Citons parmi les principaux : /. Morin,
G. Audran, Lepautre, Bérain, Cars, Lebas, les maîtres
du xvin^ siècle, Cochin, les Saint- Aubin, Choffardy
Moreau le Jeune, sans parler des amateurs tels que le
comte de Caylus, Wattelet, M^^ de Pompadour et Vabbé
de Saint-Non. L'eau-forte a eu comme une renaissance
française dans la seconde moitié de ce siècle ; elle est
devenue le procédé favori des graveurs, et il est peu de
peintres contemporains qui ne s'y soient essayés ; citons :
Ingres, Eug. Delacroix, Th. Chassériau, Decamps,
Daubigny, Millet, Ch. Jacque, Ch. Chaplin, Ribot,
Th. Rousseau, M^mowz^r parmi les peintres; CélestinNan-
teuil, Méryon, Legros, Bracquemond, F. Buhot, Des-
boutins parmi les graveurs oris^inaux ; et, parmi les graveurs
reproducteurs, /. Jacquemart, Léop. Flameng, Rajon,
Waltner, Courtry, Lalauze, etc. Une étude plus détaillée
de l'eau-forte contemporaine entraînerait un développement
trop volumineux ; il suffira de consulter à cet égard, outre
les livrets des Salons, les publications de la Société des
aquafortistes, les Catalogues des expositions de blanc
et noir, des expositions des peintres-graveurs, et le
Dictionnaire des graveurs du xix® siècle par H. Beraldi.
F. COURBOIN.
BiBL. : Abraham Bosse, Traité des manières de graver
en taille-douce sur l'airain par le moyen des eaux-fortes ;
Paris, 1645. — Max. Lalanne, Traité de gravure à l'eau-
forte. — Martial, Traité de gravure à Veau-forte. —
G. IIamerton, Etchings and Et'chers.
EAU GAZEUSE ARTIFICIELLE (ludustr.). L'iudustrie des
eaux gazeuses artificielles a pris naissance vers le
xvii^ siècle, époque à laquelle on commença à vouloir
imiter les eaux minérales naturelles ; mais ce n'est réelle-
Fig. 1.
• Appareil Briet.
ment que vers 1800 que la fabrication des eaux gazeuses
prit une certaine extension. En 1788, deux pharmaciens
de Genève, Paul et Gasse, livraient déjà au commerce
annuellement environ quarante mille bouteilles, et, après
plusieurs tentatives de perfectionnement de l'appareil de
Genève, nous voyons surgir les machines de Savaresse,
d'Ozouf, de Brahma et enfin de MondoUot, que nous allons
décrire.
Fabrication des eaux et boissons gazeuses. Nous
dirons un mot en passant du gazogène Briet, petit appa-
reil que nous rencontrons journellement sur nos tables et
qui ne convient qu'aux usages domestiques. Il se compose
de deux carafes de cristal, à pied, de forme ovoïde et d'iné-
gale capacité, entourées d'un filet de rotin ou de fil métal-
lique afin de prévenir les accidents en cas de rupture de
l'appareil sous l'effort de la pression intérieure ; les deux
récipients superposés sont mis en communication au moyen
d'une garniture métallique traversée par un tube en étain
et séparés par une plaque percée d'une infinité d'ouver-
tures capillaires ; un robinet permet de soutirer le liquide
gazéifié (fig. 1). La mise en marche de ce petit appareil
est fort simple : la grande carafe est incomplètement rem-
plie de l'eau ou de la boisson, vin, bière, cidre, etc., à
gazéifier ; on met dans la carafe inférieure le mélange des-
tiné à produire le gaz acide carbonique, c.-à-d. 18 gr.
d'acide tartrique et'Sl gr. de bicarbonate de soude; on
place le tube, et l'appareil ainsi monté est retourné de
façon à ce qu'une partie du liquide de la carafe supérieure
EAU
— 214 —
passe par le tube en étaindans la carafe inférieure et dé-
termine la réaction ; le gaz carbonique se dégage, est tamisé
par les trous capillaires de la garniture métallique et
\ient se dissoudre peu à peu dans l'eau de la carafe supé-
YÏmre, ^, ,, ^ ^ i ,
Appareil Savaresse. L'appareil Savaresse est tort
simple; il se compose : 4° d'un producteur de gaz en
cuivre garni intérieurement de plomb, muni d'un agi-
tateur à manivelle et d'un robinet de vidange; 2<^^ de
deux laveurs étamés remplis de braise humectée d'une
solution de bicarbonate de soude; 3° du saturateur con-
tenant Teau gazeuse ; un robinet permet le tirage. Le
courant de gaz est produit par l'action de l'acide sulfurique
sur la craie ; les traces d'acide entraîné sont arrêtées
par le bicarbonate des laveurs ; l'acide carbonique passe
dans le saturateur, et on en facilite la dissolution en im-
primant à celui-ci un mouvement de rotation autour de
ses tourillons. Cet appareil encore en usage dans quelques
maisons donne de bons résultats. Nous passerons sous
silence les appareils Greffier et François, qui ne sont que
des copies du modèle de Savaresse.
Appareil Ozouf. Dans l'appareil Ozouf (fig. 2), le satu-
rateur surmonte le producteur; des agitateurs en bronze
facilitent le mélange de l'acide et de la craie, ainsi que la
2. _ Appareil Ozouf.
dissolution du gaz dans l'eau du saturateur.Letoutesten
cuivre rouge étamé. Le perfectionnement notable apporté
dans cet appareil est l'adjonction d'une pompe permettant
d'alimenter à volonté d'eau le saturateur, et, par suite,
d'obtenir de plus forts rendements qu'avec les appareils
précédents.
Appareil Brahma. Les appareds Brahma et Mon-
dollot sont des appareils dits continus, c.-à-d. qu'ici la
pompe est le principal organe et qu'elle sert à refouler
simultanément l'eau et le gaz dans le saturateur. Nous ne
citons le premier que pour mémoire, étant complètement
remplacé aujourd'hui par les appareils MondoUot.
Appareils MondoUot. Différents modèles ont été cons-
truits à grand débit et à petit débit, le producteur étant
ou non séparé du saturateur. Ils se composent de tous les
organes des appareils précédemment décrits, dont ils ne
sont que le perfectionnement; dans l'appareil à grand
débit, type n« 3, les producteurs sont au nombre de deux
et marchent alternativement ; un laveur en verre placé sur
le côté de l'appareil permet d'en suivre le fonctionnement.
L'appareil MondoUot, type n" 3, grand débit, donne en dix
heures de travail deux mille quatre cents siphons, soit
quatre mille huit cents bouteilles.
Tirage. La boisson gazeuse préparée est mise en si-
phons ou en bouteilles pour être livrée au commerce. Les
appareils de tirage ne présentent rien de particulier; l'eau
de seltz arrive par un tube en étain fin et est distribuée
au moyen d'un robinet à vis ou à boisseau, ou à levier.
Nous citerons comme nouveauté le bouchage à bille ; dans
ce système une bille de verre enfermée dans le goulot de
la bouteille la ferme hermétiquement, maintenue par la
pression intérieure.
Marche des appareils. La préparation des boissons
gazeuses doit être faite lentement, afin de permettre au
gaz carbonique de se dissoudre aussi complètement que
possible ; les siphons qui se vident incomplètement pro-
viennent simplement d'une fabrication précipitée.
Eau azotée. Quelques médecins ont vanté dans ces der-
nières années l'usage de l'eau saturée d'azote dans cer-
taines maladies telles que les maladies de poitrine , et de
vastes étabhssements ont été installés. L'azote est préparé
par la combustion du phosphore dans un récipient remph
d'air, le gaz est bien lavé et refoulé au moyen de pompe
dans un saturateur ordinaire.
Eau saturée d'oxygène. L'eau saturée d'oxygène, appe-
lée improprement eau oxygénée, est aujourd'hui très em-
ployée dans le traitement des maladies des voies respira-
toires. Sa consommation a pris une assez grande extension
vu son prix modique, grâce aux perfectionnements appor-
tés dans sa fabrication par MM. Brin frères. Dans l'établis-
sement de MM. Brin frères, à Passy, l'oxygène est produit
par la calcination du bioxyde de baryum, et l'eau saturée
d'une pression de douze atmosphères est livrée soit en
siphons soit en bouteilles forme Champagne. Cette eau,
abandonnée à elle-même dans un verre à la pression ordi-
naire, renferme encore sept fois plus d'oxygène que l'eau
ordinaire, d'après les analyses faites au Laboratoire muni-
cipal de Paris; elle est donc sursaturée. Ch. Girard.
EAU GRÉGORIENNE (V. EaU BÉNITE).
EAU MÉDICINALE. Lcs caux médicinales comprennent :
1« les eaux aromatiques médicamenteuses ; 2« les eaux
distillées (V. Hydrolat) ; 3° les solutés simples ou com-
posés ; 4° les préparations diverses qui ne se trouvent pla-
cées dans ce groupe qu'en raison de leur dénomination
consacrée par l'usage : eau d'Alibour, eau d'alun composée,
eau d'arquebusade, eau céleste, eaux balsamiques, eaux
antiputrides, eau camphrée, eau de goudron, eau de Gou-
lard, eaux hémostatiques, etc. Citons, comme exemple, les
eaux albumineuse, camphrée et de chaux :
Eau albumineuse :
Blancs d'œufs ^
Eau distillée i,000 gr.
Eau distillée de fleur d'oranger. ... '^^. 7" ,
Délayez les blancs d'œufs dans une petite quantité d'eau,
ajoutez le reste du hquide, passez à travers une étamine
et aromatisez avec de l'eau de fleur d'oranger. La propriété
que possède l'albumine de précipiter un grand nombre de
solutions métalliques a fait considérer cette substance comme
le contrepoison chimique par excellence des sels métal-
Hques vénéneux, notamment ceux de cuivre et de mercure.
Aussi l'usage s'en est-il vulgarisé depuis les travaux d'Or-
fila. Il ne faut pas oublier que le précipité peut se redis-
soudre dans un excès de réactif; toutefois, sous forme
d'albuminate, le métal cesse d'être un irritant local. Il
convient donc d'administrer l'eau albumineuse dans les
empoisonnements métaUiques, à la condition d'administrer
en même temps des purgatifs ou même des vomitifs au
début ou dans l'intervalle.
Eau camphrée :
Camphre du Japon iO gr.
Eau distillée 1,000 —
On pulvérise le camphre à l'aide d'un peu d'alcool ; on ajoute
l'eau, et on abandonne le mélange à lui-même pendant deux
- 215 —
EAU
jours, en agitant de temps en temps ; on filtre et on con-
serve dans un flacon bien bouché. Un litre d'eau ne con-
tient guère qu'un gramme de camphre dissous. On a pro-
posé divers moyens pour avoir une eau plus chargée, comme
de chaufter le mélange, de se servir d'une eau gazeuse, de
triturer le camphre avec des sels, etc. Il est préférable de
recourir au procédé de Planche. On prend :
Camphre du Japon 8 gr.
Ether rectifié 25 —
Eau distillée 475 —
En dissolvant d'abord le camphre dans l'éther et en ajou-
tant l'eau, le tout reste limpide.
Eau de chaux. L'eau de chaux, eau de chaux se-
conde ou soluté de chaux se prépare avec de la chaux
hydratée, récemment préparée, qu'on traite d'abord par
trente-cinq à quarante fois son poids d'eau filtrée, afin
d'enlever les sels de potasse qu'elle peut contenir. Après
avoir abandonné le tout au repos, on rejette l'eau décantée
et on la remplace par une quantité d'eau cent fois plus
grande que celle de la chaux. Après quelques heures de
contact, en ayant soin d'agiter de temps en temps, on
filtre et on conserve dans des flacons bouchés, afin d'éviter
l'action de l'acide carbonique de l'air. Chaque litre, à la
température de 45°, contient 4»''285 de chaux caustique.
Pour avoir un soluté toujours saturé, il convient de le con-
server sur un excès de chaux non dissoute, d'agiter et de
filtrer au moment du besoin. L'eau de chaux s'administre
à l'intérieur à la dose de 15 à 25 gr., ordinairement mé-
langée à du lait, dans le pyrosis, dans les vomissements
acides et incoercibles, dans la diarrhée séreuse et dans l'en-
térite chronique. A l'extérieur, elle est utilisée avec succès
contre les brûlures au premier et au second degré ; on
l'additionne alors d'un huitième de son poids d'huile
d'amandes douces, ce qui constitue le Uniment oléo-cal-
caire. On s'en sert en lotions ou en fomentations sur les
éruptions cutanées, comme l'eczéma prurigineux, les ulcères
douloureux, etc. Ed. Bourgoin.
EAU MÈRE. I. Chimie et thérapeutique. — Liquide siru-
peux, jaunâtre, résultant deFévaporation des eaux chlorurées
fortes des salines ou de la mer, desquelles on a retiré le sel
marin du commerce, par évaporation spontanée (tables, bâti-
ments de graduation) ou artificielle (ébullition). Les côtes
de France fournissent en abondance les eaux mères ; elles
sont également très exploitées à Salins du Jura et à Salies-
de-Béarn ; à l'étranger les centres d'exploitation les plus im-
portants sont Bex (Suisse), Kreuznach, Mannheim, Kissin-
gen, Elmen et Sassendorf (Allemagne). L'élément dominant
dans les eaux mères est le chlorure de sodium, le chlorure
de calcium ou le chlorure de magnésium ; viennent ensuite
d'autres chlorures, des sulfates, des carbonates, du fer, du
brome, de l'iode, du soufre, etc. Dans la thérapeutique bal-
néaire, les eaux mères sont mélangées aux eaux trop faible-
ment minéralisées ; leurs propriétés sont résolutives, alté-
rantes et névrosthéniques ; elles s'adressent principalement
aux affections qui dérivent du lymphatisme ou de la diathèse
scrofuleuse et sont très utiles dans les engorgements vis-
céraux, périarticulaires et péri-utérins, le fibrome de l'uté-
rus, les plaies osseuses, etc. D** L. Hn.
II. Contributions indirectes. — Se dit, dans les fabriques
de sucre, de toutes les eaux qui contiennent un peu de sucre
et, dans les salins, de celles qui servent à obtenir le sel
par l'évaporation.
EAU MINÉRALE. I. Physiologie et Thérapeutique.
— On désigne sous ce nom toute eau qui, à sa sortie de
terre, possède des propriétés physiologiques spéciales et
par suite thérapeutiques applicables à l'homme malade.
L'action de certaines sources est connue de toute anti-
quité; souvent l'instinct des animaux en avait fait décou-
vrir les vertus curatives. Longtemps on ne sut expliquer
les propriétés des eaux minérales; l'analyse chimique
dissipa ce qu'il y avait de merveilleux dans leur action.
Cependant certains effets physiologiques que la composi-
tion des eaux ne permettait pas de prévoir restèrent une
énigme jusqu'à ce que les procédés d'analyse, perfectionnés,
permissent de déceler de nouveaux principes, passés ina-
perçus jusqu'alors, l'arsenic, le mercure, la lithine, etc., et
jusqu'à ce qu'on accordât l'importance qu'elles méritent
aux propriétés électriques que ces eaux acquièrent dans
les profondeurs du sol (modification de l'état moléculaire
et état vibratoire particulier acquis sous l'influence de la
chaleur associée à une forte pression). — Il ne faut pas
perdre de vue, dans l'étude du malade soumis à une cure
d'eau minérale, que le changement d'air, le climat, la
tranquillité d'esprit exercent une action adjuvante très
sérieuse. Dans le choix d'une station, il faut, du reste,
tenir grand compte des conditions climatériques, de la situa-
tion, de l'altitude, etc., sans parler de l'état général du
malade. Une altitude trop grande fait suffoquer les emphy-
sémateux. Quant à l'état général, on s'assurera tout d'abord
dans laquelle des deux catégories, des excités et des dépri-
més, rentre le malade. Aux excités, névrosés, névro-
pathes, etc., conviennent les eaux sédatives, les climats
doux ; aux déprimés, les eaux excitantes et fortifiantes.
Action. — Les eaux minérales agissent : 1° par leur
thermalité; 2° par les sels, les gaz qu'elles contiennent,
l'électricité qu'elles dégagent; 3*^ par des facteurs encore
inconnus. Voici comment Aronssohn a rangé les effets des
eaux minérales ; il les distingue en quatre classes :
Action dynamique stimulante : sur l'organe cutané, par
la thermalité, les sels alcalins, le gaz hydrogène sulfuré;
sur le système nerveux en général et sur l'axe cérébro-
spinal en particulier, par la chaleur, l'acide carbonique et
l'impulsion des douches ; sur l'organe central de la circu-
lation, par la chaleur et le fer; sur l'estomac, par les car-
bonates sodiques et ferreux; sur l'utérus, par le fer et
l'impulsion des douches ascendantes. — Action dynamique
sédative du système nerveux et de l'organe cutané par les
eaux moins chargées de principes salins et contenant un
principe azoté. — Les propriétés électriques de certaines
eaux, peu minéralisées du reste, expliquent les effets remar-
quables produits sur te système nerveux; malgré leur
refroidissement et leur décomposition, ces eaux conservent
assez longtemps ces propriétés particulières.
Action altérante^ modifiant la composition des liquides,
soit en diluant les principes qui s'y trouvent en solution,
soit en augmentant certains d'entre eux ou bien en en
introduisant de nouveaux; delà Vsictïoïi diluante du sang,
de la bile, des urines par l'introduction de l'eau dans le
système circulatoire ; reconstituante du sang par le fer ;
spécifique sur le système glanduleux par l'iode, le brome
et les chlorures alcalins ; sur l'organe cutané par l'hydro-
gène sulfuré et l'acide arsénieux.
Action éliminante, en expulsant les principes nui-
sibles de nos humeurs par les émonctoires naturels sui-
vants : l'organe cutané, par l'eau et la chaleur; les intes-
tins, par le sulfate de magnésie et le chlorure de sodium ;
les reins, par l'eau et les carbonates de soude et de chaux.
Action révulsive, en agissant d'une manière active sur
un organe éloigné du siège de la maladie, sur les intestins
par exemple, dans les affections du cerveau et du foie.
Une fois l'utilité d'une cure d'eau minérale reconnue,
quelques précautions sont à observer. Il ne faut pas com-
mencer brusquement la cure, mais quitter ses occupa-
tions graduellement, et dans certains cas même se sou-
mettre auparavant à un traitement médical. La durée de la
cure est généralement de vingt et un jours avec des inter-
ruptions souvent forcées (menstruation, par exemple). Il ne
faut jamais entreprendre une cure sans direction médicale;
on s'exposerait à^ des accidents souvent redoutables. Au
cours de la cure, il peut être utile de diminuer le nombre
de verres, de bains, etc., si par exemple la fièvre thermale
ou la poussée sont trop vives, ou s'il survient de la diar-
rhée ; dans ce dernier cas, on peut du reste recourir à un
astringent. Après la cure, on ne doit reprendre ses occupa-
tions que graduellement ; le mieux serait de faire un petit
voyage avant de rentrer. Puis, au bout de cinq à six semaines,
EAU
— ^216 —
il serait utile de reprendre à domicile l'usage modéré des
eaux (Nachcur des Allemands).
Mode d'emploi. — Les eaux minérales s'emploient en
boisson, bains, bains de vapeurs, inhalations, boues et
eaux mères.
Boisson. Il n'est pas possible d'exposer en détail toutes
les précautions à prendre dans l'administration des eaux
minérales en boisson ; ces précautions diffèrent selon l'âge
et le tempérament des personnes, la nature et le degré de
thermalité de l'eau, les influences météorologiques, etc.
Au début, la prudence est la règle; on augmente lentement
le nombre de verres, en se maintenant pendant quatre à
cinq jours au maximum, puis, vers la fin du traitement, on
prend des précautions analogues.
Bains. Le traitement hydrominéral qui donne les résul-
tats les plus complets est celui qui réunit l'usage externe
des eaux (bains, douches, vapeurs, boues, eaux mères) à
l'usage interne. Il y a même des stations où le bain ther-
mal constitue le traitement tout entier (Néris, Aix-en-
Savoie, Aix-en-Provence) . La température des bains varie
généralement entre 28« et 36° C, ce qui oblige quelquefois
à abaisser ou à élever le degré calorique de l'eau. Le bain
est le plus actif et le plus énergique si l'eau se renouvelle
constamment ; si l'on veut une action moins énergique, on
renferme l'eau dans une baignoire, où elle perd de son
gaz, de son électricité, de ses sels, qui se déposent, etc.
Chez les femmes pâles, lymphatiques, scrofuleuses, il n'est
pas utile d'interrompre les bains au moment des règles.
Enfin, on se rappellera que le bain très chaud est excitant,
qu'il est sédatif à la température moyenne. Les eaux forte-
ment chargées d'acide carbonique (Royat, par exemple) sont
très excitantes et révulsives. Les bains de gaz, acide carbo-
nique (Vichy, Royat, Saint-Nectaire, etc.) produisent des
effets semblables. A toutes ces pratiques ajoutons les
douches, dont les effets diffèrent selon la thermalité et la
minéralisation de l'eau (V. Hydrothérapie), les irriga-
tions nasales, si utiles dans le coryza chronique et les pha-
ryngites, les inhalations et aspirations {\ .hiîXLATio^ et
Pulvérisation), les bains de boues, dont l'action résolu-
tive est si appréciée dans les affections rhumatismales
(V. Boue, t. VII, p. 618) , etc. Souvent on mélange aux
bains des eaux mères des salines, si efficaces dans la scro-
fule et le lymphatisme (V. Eau mère).
Origine et classification des eaux minérales. — Deux
bases on été données à la classification des eaux minérales :
l'une géologique, l'autre chimique. La première ne tient
compte que des terrains d'où elles émergent, de sorte que
Brongniart a été amené à partager les eaux minérales en sept
groupes, suivant qu'elles sortaient des terrains primitifs, de
transition, de sédiment inférieurs, moyens et supérieurs,
porphyriques et basaltiques, des roches volcaniques. Aujour-
d'hui l'origine véritable et la composition chimique des
eaux minérales sont mieux connues, et la classification de
Brongniart n'a plus de valeur. Les eaux minérales ne sont
autre chose que les eaux météoriques qui ont pénétré dans
les montagnes par les fentes et par les pores des roches,
puis viennent sourdre à leur pied ou dans la plaine. Elles
peuvent arriver en contact avec des couches ignées ou se
mélanger à de l'eau chaude provenant de courants souter-
rains, d'où les sources thermales des Pyrénées, du massif
central, du groupe du Jura, de la Haute-Saône et des
Vosges ; en raison de leur température, ces sources
sont riches en chlorures, en soufre et particulièrement en
soude, qu'elles peuvent dissoudre en abondance dans les
terrains qu'elles traversent. C'est grâce à l'acide carbo-
nique, dont l'eau se charge en traversant les couches super-
ficielles riches en détritus organiques, ou qui se forme
par la réaction de l'acide sulfurique produit dans la trans-
formation des pyrites de fer en oxyde de fer hydraté, ou
de l'acide chlorhydrique d'origine volcanique, sur la dolo-
mite ou les autres roches calcaires, qu'elle dissout la
chaux, l'un des éléments les plus répandus dans les eaux
froides, avec les carbonates; les alcalis, l'oxyde de fer sont
également dissous à la taveur de l'acide carbonique. L'eau
météorique n'entraîne pas seulement en dissolution de
l'acide carbonique, mais encore de l'oxygène et de l'azote,
et des substances organiques susceptibles de décomposer
les oxydes, d'où des réactions capables d'introduire dans
l'eau des composés nouveaux. Certaines substances se dis-
solvent directement (sel gemme, calcaire) ; d'autres, qui
résistent à Faction de l'eau, deviennent solubles par suite
d'une modification apportée à leur combinaison : change-
ment de la pyrite de fer en sulfate de fer, de l'anhydrite
en gypse, etc. Dans le groupe du Jura, de la Haute-Saône
et des Vosges, où plus de la moitié des sources sont chlo-
rurées, le principe minéralisateur vient de couches mar-
neuses renfermant du sel gemme. L'acide chlorhydrique et
l'acide sulfhydrique, éléments si essentiels des eaux pyré-
néennes, proviennent d'émanations volcaniques ; il en est
de même pour les eaux du massif central, avec cette diffé-
rence qu'ici ces gaz sont fournis par des roches ignées et
ailleurs par des roches plu toniques récemment disloquées.
Les terrains à stratification régulière (Ardennes, Bretagne)
ne fournissent d'eaux minérales que s'ils renferment à
de faibles profondeurs des principes aisément solubles; ce
sont en général des sources carbonatées froides, parfois
ferrugineuses.
La classification rationnelle des eaux minérales doit donc
se baser essentiellement sur leur composition chimique;
comme ce sont les principes minéralisateurs qui en déter-
minent la valeur thérapeutique, on s'est efforcé de rendre
cette classification à la fois chimique et thérapeutique, en
tenant compte de l'élément dominant de chaque groupe et
de son association avec les autres éléments. Voici la divi-
sion qui a été adoptée par les auteurs modernes.
Eaux acidulés gazeuses ou carbo-gazeuses, Condillac,
Châteldon, Soulzmatt, Schwalheim, Seltz, Saint-Galmier,
Renaison, Teyssières-les-Boulies , etc., etc.; il faut y
ajouter Carlsbad, quoique rangée dans les bicarbonatées sul-
fatées chlorurées (et par Rotureau dans ses polymétallites).
Excitantes de la nutrition, diurétiques, elles deviennent stu-
péfiantes par un usage prolongé (troubles de l'intelligence,
hallucinations) ; à dose convenable, elles font cesser la tor-
peur et calment l'éréthisme des organes, et l'élément gazeux,
l'acide carbonique, agit comme résolutif sur les systèmes glan-
dulaire et lymphatique, et sur les engorgements chroniques.
De là l'emploi de ces eaux gazeuses et de l'acide carbo-
nique sec dans les ulcérations et l'inflammation chronique
de la muqueuse respiratoire et digestive, dans la gastralgie,
la dyspepsie, contre les vomissements d'origine nerveuse,
les crises hépatiques et néphrétiques, les convulsions, etc.
Elles augmentent la sécrétion urinaire et arrêtent les sécré-
tions purulentes de la muqueuse vésicale. Extérieurement,
elles modifient avantageusement les ulcères atoniques ;
enfin, elles sont très utiles dans les névralgies, la leucor-
rhée, etc. Les poussées congestives et la grossesse sont
des contre-indications absolues.
Eaux sulfurées ou sulfureuse s. {^Sulfurées sodiques :
Améhe-les-Bains, Aix, Bagnols, Barèges, Cauterets, Eaux-
Chaudes, Escaldas, Guagno, Guetera, Luchon, Molitg,
Olette, Pietrapola, La Preste, Saint-Honoré, Le Vernet,
Saint-Sauveur, etc. Ces eaux laissent dégager de l'acide
sulfhydrique et sont riches en chlorure de sodium. Elles
offrent une action altérante, agissent efficacement sur les
affections chroniques des voies respiratoires et de la mu-
queuse génito-urinaire, dont elles font tarir les sécrétions ;
en gargarisme, elles font disparaître les granulations pha-
ryngées et les sécrétions des amygdales et du pharynx.
2° Sulfurées calciques : Enghien, Allevard, Cambo, Cau-
valat-lès-Le-Vigan , Digne, Guillon, Montmirail, Euzet,
Viterbe, Pierrefonds, Puzzichello, Castera-Verduzon, etc.
Ces eaux, moins riches en chlorure de sodium que les sul-
furées sodiques, renferment en même temps du sulfure de
sodium, parfois en quantité presque égale au sulfure de
calcium (Eaux-Bonnes, Saint-Gervais) . Elles rendent de
grands services chez les personnes débiles, lymphatiques,
217 —
EAU
scrofiileuses, avec manifestations sur la peau et les mu-
queuses, dans les maladies des voies respiratoires et cuta-
nées. On appelle eaux sulfureuses accidentelles des eaux
généralement sulfatées, oligométallites ou amétallites, qui
se décomposent à l'air avec production d'hydrogène sulturé.
Elles diminuent l'expectoration, augmentent souvent la
sécrétion intestinale, la diurèse, d'où leur utilité dans la
gravelle, excitent les fonctions génitales et provoquent par-
fois des éruptions variées.
Eaux chlorurées. 1« Chlorurées sodique s : Bade, Bams
(Vosges), Balaruc, Bourbon-rArchambault, Bourbon -
Lancy, Bourbonne, Châtel-Guyon, Durkheim, Hammam-
Meskoutin, Hombourg, Isch^lschia, Kreuznach, Kissin-
gen, Niederbronn, Nauheim, Salins, Salies, Wiesbaden,
Wildbad. 2° Chlorurées sodiques bicarbonatées : La
Bourboule, Saint-Nectaire, avec arsenic en proportion
notable. 3<> Chlorurées sodiques sulfatées : Baden (Argo-
vie), Brides, Cheltenham, Saint-Gervais, etc., devenant
quelquefois sulfureuses artificielles. 4« Chlorurées sodi-
ques sulfurées : Uriage, Aix-la-Chapelle, Challes, Grioulx.
Les eaux chlorurées sodiques exercent au début une action
excitante sur la circulation, augmentent les sécrétions,
fluidifient le sang, décongestionnent les viscères abdo-
minaux et le cerveau, etc. ; elles possèdent une action spé-
cifique sur la scrofule : lésions osseuses , altérations des
tissus, glandes, fistules, tumeurs blanches ; elles sont très
utiles dans le rhumatisme et les névroses des scrofuleux,
dans les affections chirurgicales, suites de fractures, luxa-
tions, entorses, etc., dans les hémiplégies, certaines der-
matoses, etc. ; les bicarbonatées sont précieuses contre la
dyspepsie.
Eaux bicarbonatées. Les eaux minérales de cette classe
sont surtout caractérisées par la présence d'un sel alcalin,
bicarbonate de soude, carbonate de chaux ou bicarbonate
de magnésie; l'acide carbonique qu'elles renferment en
excès s'échappe dès que la pression diminue, et les bicar-
bonates se transforment en carbonates neutres; ceux-ci,
ainsi que les autres sels tenus en dissolution à la faveur
de l'acide carbonique, se déposent. Ces eaux peuvent con-
tenir, outre les carbonates, des sulfates, des chlorures, des
phosphates, puis de la chaux, de la magnésie, du fer, de
l'arsenic et de lalithine. En général, dans l'économie, les
eaux bicarbonatées neutralisent les acides en excès, modi-
fient les sécrétions gastro-intestinales, fluidifient la bile, etc.
L'action spéciale est déterminée par la base. 1° Bicarbo-
natées sodiques : Chaudes-Aiguës, Hauterive, La Chal-
dette. Le Boulou, Salzbrunn, Soulzmatt, Vais, Vichy.
Ces eaux sont altérantes, résolutives, reconstituantes et
hyposthénisantes ; elles sont utiles dans les engorgements
des viscères sous-diaphragmatiques, la dyspepsie acide, la
gastralgie, la goutte, le rhumatisme et les diverses mani-
festations de l'arthritisme, l'entérite et la colite chroniques,
les coliques néphrétiques et hépatiques, la gravelle. 2« Bi-
carbonatées calciques : Aix-en-Provence, Alet, CondiUac,
Neuhaus, Fougues, Saint-Galmier, Saxon, etc., et l'on
pourrrait y ranger bon nombre d'eaux oligométalliques.
Ces eaux, peu minéralisées, sont diurétiques et quelquefois
laxatives, sédatives, réparatrices ; celles qui contiennent
du fer sont franchement reconstituantes (Alet, Foncaude,
Fougues). 3*' Bicarbonatées mixtes : Châteauneuf, Celles,
Castellammare, Brucknau, Mont-Dore, Fontgibaud, Renai-
son, Saint-Alban, Saint-xMyon, Sail-sous-Couzan, Rouzat, La
Malou, etc., et de plus on pourrait y placer un certain
nombre d'eaux oligométalliques. Ces eaux n'ont pas le
caractère excitant des bicarbonatées sodiques ; elles ren-
ferment des sels de chaux, de potasse, de magnésie, quelque-
fois du sulfate de soude, du chlorure de magnésium, du
fer, etc. Elles sont reconstituantes, antirhumatismales,
parfois laxatives. 4« Bicarbonatées chlorurées: Ems,
Royat, Saint-Nectaire, etc., et d'autres qui peuvent être
rangées également dans le groupe précédent. Le bicarbo-
nate prédomine ; les bases sont la soude, la potasse, la
chaux, la lithine. Dans ces eaux, Faction fluidifiante est
contre-balancée par l'action du chlorure de sodium et celle
du fer, qui sont des réparateurs par excellence; elles ren-
ferment en outre de l'arsenic. 5« Bicarbonatées sulfatées
di/orziré?^s;Châtel-Guyon,Carlsbad,Jeuzat,Marienbad,etc.
Nous retrouvons dans ce groupe l'eau carbo-gazeuse de
Carlsbad. A un autre point de vue, Rotureau en rapproche
l'eau de Saint-Nectaire, que nous avons placée dans le
groupe précédent.
Eaux sulfatées. 4« Sulfatées sodiques et sulfatées
magnésiennes .-Marienbad, Epsom,Miers, Friedrichshall,
Montmirail, Sedlitz , Seidschiitz , Birmenstorf, Fullna.
Ce sont des eaux purgatives. 2^^ Sulfatées calciques :
Bagnères-de-Bigorre, Audinac, Aulus, Capvern, Cambo,
Encausse, Saint-Amand, etc. Ces eaux sont laxatives et, à
haute dose, purgatives ; elles possèdent en outre des pro-
priétés sédatives; quelques-unes appartiennent en même
temps à la classe suivante.
Eaux ferrugineuses. Très nombreuses ; nous n'en indi-
querons que les principales : Auteuil, Barbotan, Bussang,
Cransac, Capvern, Cusset, Châteldon, Cambo, Châtel-
Guyon, Egger, Franzensbad, Forges-les-Eaux, Hambourg,
La Malou, Luxeuil, Marienbad, Meyrac, Orezza, Oriol,
Fassy, Frovins, Fyrmont, Fougues, Ripervillé, Rippoldsau,
Royat, Saint-Fardoux, Saint-Nectaire, Schwalbach, Spa,
Sulzbach, Sylvanes, Versailles, Vic-sur-Cère, Vichy, etc.
Un grand nombre d'eaux des autres classes doivent figurer
nécessairement dans celle-ci. Ces eaux renferment le fera
l'état de protoxyde combiné à l'acide carbonique, à l'acide
sulfurique, à l'acide crénique ou apocrénique; le plus sou-
vent il s'y trouve à l'état de carbonate tenu en solution à
la faveur de l'acide carbonique; quelquefois aussi on y
rencontre du manganèse, de l'arsenic, etc. Les eaux fer-
rugineuses excitent l'appétit, mais en général constipent ;
elfes sont sédatives, reconstituantes, éminemment utiles
dans la chloro-anémie, l'anémie traumatique, Fatonie géné-
rale et gastro-intestinale, celle des organes génito-uri-
naires (catarrhe vésical, leucorrhée, dysménorrhée), les
diarrhées chroniques, la dysenterie, la stérilité par atonie
ou acidité, etc., dans les affections nerveuses, l'hypocon-
drie, les fièvres intermittentes et les engorgements viscé-
raux, et dans tous les états de misère physiologique. Elles
sont contre-indiquées par la pléthore, la tendance aux con-
gestions ou à l'apoplexie, le cancer des voies digestives ou
urinaires.
Eaux oligométalliques ou amétallites : Néris, Flom-
bières, Luxeuil, Chaudesaigues, Saint-Laurent, Aix-en-
Frovence, Ussat, Dax, Schlangenbad, Gastein, Ffeffers,
Mont-Dore, Evaux, Saint-Christau , Bagnols-de-FOrne ,
Acqui, Evian. Ces eaux sont faiblement minérahsées. Celles
de Mont-Dore et de Flombières contiennent un peu d'arse-
nic; une des sources de Saint-Christau, un peu de sulfate
de cuivre. Quelques-unes sont hyperthermales (Chaude-
saigues, 88«; Flombières, 40 à 7Ô«; Néris, 52«), d'autres
thermales (Aix, 20 à 36°; Ussat, 31 à 36«), ou froides
(Evian, W); parfois elles produisent des éruptions (gqle
de Flombières). On les emploie en boisson et surtout en
bains. Ces eaux sont équilibrantes, sédatives, reconsti-
tuantes ; elles sont très utiles dans l'éréthisme nerveux et
les états dépressifs. Elles rendent de grands services dans
les névralgies des organes sous-diaphragmatiques, dans
les maladies nerveuses chroniques, la névropathie, l'hys-
térie, l'hypocondrie avec dyspepsie flatulente, l'éréthisme
avec chloro-anémie, les douleurs rhumatismales chroniques,
surtout localisées, la dyspnée et le catarrhe des vieillards,
les affections cutanées chroniques. En général, elles sont
un peu laxatives ; Evian constipe.
Eaux minérales transportées. Les eaux^ minérales
transportées perdent toujours une grande partie de leurs
propriétés; celles qui supportent le mieux le transport
sont les eaux froides non gazeuses (Alet, Evian, etc.) ; les
sources froides de Vichy et de Vais supportent mieux le
transport que les sources thermales (Hôpital, Grande-Grille,
de Vichy, par exemple) ; la même remarque s'applique aux
EAU
— 218 —
eaux bicarbonatées polymétallites ainsi qu'aux eaux chlo-
rurées sodiques pures et fortes ; souvent, par le transport,
les eaux acquièrent par décomposition de quelqu'un de
leurs éléments une odeur et un goût désagréables, d'hy-
drogène sulfuré par exemple (Bourbon-l'Archambault, etc.) ;
les eaux de Salies-de-Béarn s'exportent bien. Les eaux
sulfatées fortes étant toutes froides et à peine gazeuses
sont aisément transportabies (Sedlitz, Pullna, Hunyadi
Jànos, etc.). Nous n'insisterons pas. Quant à la cause de
cette altération des eaux transportées, elle n'est pas connue;
on peut supposer qu'il y a un dérangement des molé-
cules intimes coïncidant avec la perte de leur température
native. C'est tout ce qu'on peut dire dans l'état actuel do la
science. D^ L. Hn.
II. Chimie industrielle.— Par suite de leur prix rela-
tivement élevé ou dans un but de lucre de la part de
négociants peu scrupuleux, on a de tout temps cherché
à imiter les eaux minérales naturelles ; mais, malgré l'ha-
bileté apportée à cette imitation, l'analyse chimique per-
met toujours de la déceler. Il ne faudrait cependant
pas conclure à une falsification quand, à l'analyse, une
eau ne répond pas à sa composition normale, car les eaux
minérales, surtout les eaux gazeuses et ferrugineuses, con-
servées un certain temps en bouteille, perdent leur gaz car-
bonique, et une partie des éléments dissous se dépose ;
aussi doit-on toujours examiner avec soin le dépôt formé
dans les bouteilles. Nous donnons ci-dessous les formules
générales proposées par Soubeyran pour la fabrication des
eaux minérales artificielles :
Eau acidulé gazeuse, imitation des eauxdeRenaison^
Saint-Galmier, etc,
gr.
Chlorure de calcium 0,33
— de magnésium 0,27
— de sodium 1,10
Carbonate de soude cristallisé 0,90
Eau gazeuse 650,00
Eau alcaline gazeuse (Vais, Vichy)
gr.
3,12
0,23
0,35
0,08
Eau gazeuse 650,00
Carbonate de soude..
Carbonate de potasse .
Sulfate de magnésie.
Chlorure de sodium . .
Eau ferrugineuse
Tartrate ferrico-potassique.
Eau gazeuse
gr.
0,15
650,00
Eaux lithinées. Les eaux lithinées se préparent avec
le carbonate de lithine en présence des carbonates de soude
et de potasse ; les quantités à employer sont variables et
doivent être formulées par le médecin.
Eaux purgatives de Sedlitz
gr.
Sulfate de magnésie 30
Eau gazeuse 650
Ces eaux se préparent facilement à l'aide du gazogène
Briet (V. Eau gazeuse). Les imitations que l'on rencontre
fréquemment dans le commerce sont celles de Vais, de
Vichy et les eaux purgatives. Ch. Girard.
III. Droit administratif. — Le commerce des eaux
minérales, pouvant donner lieu à des fraudes et à des
abus , devait fatalement être réglementé. Cette régle-
mentation fut l'objet d'édits royaux, rendus par Henri IV,
Louis XIV, Louis XV et Louis XVI. Le Béarnais qui, né
dans les Pyrénées, avait bu de leurs eaux bienfaisantes,
nomma par lettres patentes de mai 1603 des surin-
tendants chargés d'inspecter les établissements thermaux.
Certains de ces établissements reçurent une législation
spéciale. C'est ainsi qu'un arrêt du conseil du roi,^ en date
du 6 mai 1732, remis en vigueur par le décret du
30 prairial an XII, vint imposer des servitudes et de véri-
tables prohibitions aux propriétaires des sources de Ba-
règes. Vers la fin du xvni® siècle, les décisions adminis-
tratives se succèdent à de brefs intervalles. Un arrêt du
conseil de 1772 crée une commission de médecins chargée
de la distribution des eaux minérales. A cet effet sont
établis des bureaux de distribution. D'autres arrêts,
datés des 1^^ avr. 1774 et 12 mai 1775, prescrivent
l'examen des eaux dans ces bureaux. Un autre , portant
la date du 5 mai 1781, est relatif à leur fonctionnement,
à la conservation des sources, à la découverte des eaux,
à leur analyse, à leur adjudication, à leur puisement, à
leur transport et à leur recensement. Depuis 1789, les
mesures administratives prises en vue de réglementer
l'usage des eaux thermales ont été plus nombreuses encore
que dans l'ancien droit. Il nous suffira de citer un décret
du 23 vendémiaire an VI (14 oct. 1797), qui chargea les
municipalités de leur surveillance et accorda aux indi-
gents leur usage gratuit ; l'arrêté du Directoire, qui, à
la date du 29 floréal an VII (18 mai 1799), renouvela
les prescriptions de l'arrêt du 5 mai 1781; l'arrêté des
consuls du 3 floréal an VIII (23 avril 1800), relatif à la
location et à l'administration des établissements ther-
maux; leur arrêté du 6 nivôse an XI (27 déc. 1802), com-
plétant le précédent; les décrets impériaux des 12 juin et
22 nov. 1811, concernant les eaux de Plombières, de Bour-
bonne et d'Aix-la-Chapelle; l'ordonnance royale des 18 juin
et 7 juil. 1823, l'un des textes fondamentaux en la matière ;
le décret du 8 mars 1848 ; la loi des 14-22 juil. 1856,
qui a complété et réformé l'ordonnance de 1823 sur plu-
sieurs points, les décrets des 8-20 sept. 1856 et des
28 janv. et 13 févr. 1860 ; la loi des 12-13 févr. 1883, com-
plétant celle de 1856, et le décret des 11-15 avr. 1888,
modifiant celui de 1856.
De l'ensemble de ces documents résulte la législation
actuelle. Elle a profondément modifié les principes du
droit civil apphcables à la question. Le propriétaire du
sol peut, en règle générale, disposer comme il lui plaît de
tous les produits de ce sol et notamment des eaux qui en
jaiUissent, à la condition de n'apporter aucune entrave à
l'exercice des servitudes acquises par ses voisins. C'est là
le jus abutendi que donne la propriété entière d'une chose.
Mais telle est l'importance des eaux minérales que le pos-
sesseur le plus légitime et le moins contesté d'une des
sources dont elles découlent ne saurait les vendre, ni
même les donner comme il l'entend. Tout d'abord, il doit,
pour « livrer ou administrer au public des eaux minérales
naturelles ou artificielles », demander au ministère de
l'intérieur une autorisation préalable, qui est délivrée
« sur l'avis des autorités locales, accompagné, pour les
eaux minérales naturelles, de leur analyse, et, pour les eaux
minérales artificielles, des formules de leur préparation
(art. l^'' de l'ordonnance du 7 juil. 1823) ». Cette auto-
risation peut être révoquée « en cas de résistance aux
règles prescrites par la présente ordonnance ou d'abus qui
seraient de nature à compromettre la santé publique ».
Tout établissement d'eau minérale est, en outre, sou-
mis à une inspection réglementée par l'ordonnance de
1823, la loi de 1856, le décretdel860 et la loi de 1883.
Autorisation et inspection sont évidemment requises dans
l'intérêt de la santé publique. Aussi les inspecteurs sont-
ils pris exclusivement parmi les docteurs en médecine
(art. 3 de l'ordonnance). Quoique leurs fonctions soient
entièrement gratuites (loi du 13 févr. 1883, art. 1^^), ils ne
peuvent exiger aucune rétribution des malades auxquels ils
ne donnent pas de conseils ou de soins. Ils doivent, en
outre, leur assistance aux indigents « admis à faire usage
des eaux minérales (décr. du 28 janv. 1860, art. 8) ». Les
établissements thermaux sont, de plus, soumis à la sur-
veillance des ingénieurs des mines (décr. de 1860, art. 13);
il en est de même de la recherche, de la conservation et
de l'aménagement des sources (circulaire du ministre de
l'agriculture du 15 oct. 1855 — D. P., 1856, III, p. 42).
— 219 —
EAU
Un arrêté ministériel de juin 1889 a supprimé les postes
d'inspecteurs de Cauterets, d'Eaux-Bonnes et de la plupart
des stations importantes. La surveillance de ces établisse-
ments balnéaires n'appartient donc plus qu'aux ingénieurs
des mines. Cette mesure a soulevé de nombreuses récla-
mations. Sans examiner leur bien fondé, nous croyons de
notre devoir de contester la valeur juridique d'une décision
ministérielle modifiant trois textes législatifs, l'ordonnance
del823,laloidel8r)6,laloidel883,etledécretdel860.
Si le propriétaire d'un établissement thermal veut lui
donner l'importance résultant d'une déclaration d'intérêt
public, il doit en adresser la demande au préfet de son dé-
partement dans les formes prescrites par le décret des 8 et
20 sept. 1836, art. 1, 2 et 9. Il est statué sur cette de-
mande, conformément aux art. 3 et 8 inclus, par un dé-
cret délibéré en conseil d'Etat.
Le principal efiet de la déclaration d'intérêt public d'un
établissement est de lui assurer un « périmètre de protec-
tion ». Sur une étendue déterminée du sol qui entoure la
source, il est interdit aux propriétaires du terrain de faire
sans autorisation aucun sondage ou travail souterram
(art. 3 delà loi des 14-22 juil. 1856). C'est là encore une
atteinte grave au droit de propriété, qui comporte l'usage,
même abusif, du sol et du sous-sol. Elle a été nécessitée par
des dommages causés à des sources déjà mises en exploi-
tation, notamment à Vichy et à Cauterets. Les formalités
à remplir pour obtenir la fixation du périmètre de protec-
tion sont prescrites par le titre 2 du décret de 1856
(art. 10 à 13). Pour avoir le droit d'exécuter des travaux
dans le sol du périmètre, il faut se conformer à celles du
titre III.
Une dérogation, peut-être plus excessive, aux prmcipes
du droit civil consiste dans la faculté donnée par l'art. 7 de
la loi des 14-22 juil. 1856 au propriétaire d'une source
déclarée d'intérêt public, de faire dans les terrains d'au-
trui (à l'exception des maisons d'habitation et des cours
attenantes) « tous les travaux de captage et d'aménagement
nécessaires pour la conservation, la conduite et la distribu-
tion de cette source, lorsque ces travaux ont été auto-
risés par un arrêté du ministre de l'agriculture ». Ces
servitudes si rigoureuses ne donnent droit à aucune in-
demnité ; elles sont d'utilité publique et comme telles doivent
être subies sans dédommagement (V. Proudhon, Domaine
/}w6/ic, 1. 1, n° 832,871; ùemohmbe. Servitudes, i-^0^;
Dalloz, Répertoire, Servitudes, n« 398 ; idem, Supplé-
ment, Eaux minérales, n° 29).
En pratique, cependant, elles causent des préjudices dont
il est dû réparation. La loi de 1856 elle-même en a prévu
quelques-uns. Elle accorde indemnité : 1« lorsque des tra-
vaux, entrepris dans le périmètre de protection avec une
autorisation préfectorale, viennent à être interdits par le
préfet, sur la demande du propriétaire de la source (art. 4);
2^* lorsque des travaux, commencés en dehors du périmètre,
sont interrompus par l'extension de ce périmètre, en vertu
de l'art. 5 de la loi de 1856; 3^^ lorsque le propriétaire
d'une source exécute sur le terrain d'autrui des travaux
de captage et d'aménagement (art. 7). Dans tous les cas,
les dommages sont à la charge de ce propriétaire, et les in-
demnités réglées à l'amiable ou devant les tribunaux
(art. 10) dans les limites fixées par l'art. 10, § 2.
« Lorsque l'occupation d'un terrain compris dans le péri-
mètre prive le propriétaire de la jouissance du revenu au
delà du temps d'une année ou lorsque, après les travaux,
le terrain n'est plus propre à l'usage auquel il était em-
ployé, le propriétaire dudit terrain peut exiger du proprié-
taire de la source l'acquisition du terrain occupé ou déna-
turé. Dans ce cas, l'indemnité est réglée par la loi^ du
3 mai 1841 (sur les expropriations). Dans aucun cas, l'ex-
propriation ne peut être provoquée par le propriétaire de
la source (art. 9). » Si une source d'intérêt public « est
exploitée d'une manière qui en compromette la conserva-
tion, ou si l'exploitation ne satisfait pas aux besoins de la
santé publique », un décret, rendu en conseil d'Etat, peut
autoriser l'expropriation de la source dans les formes de
la loi du 3 mai 1841 (art. 12). Les infractions aux dispo-
sitions qui précèdent sont réprimées par l'art. 13, qui les
frappe d'une amende de 50 à 500 fr. Elles sont consta-
tées « concurremment par les officiers de police judi-
ciaire, les ingénieurs des mines et les agents sous leurs
ordres ayant droit de verbaliser (art. 15) ». Des servitudes
spéciales ont, en outre, été établies au profit de plusieurs
établissements thermaux. Nous avons déjà cité à cet égard
l'arrêt du 6 mai 1732 relatif à Barèges. Il en est de plus
anciens, qui concernent les bains de Balaruc (arrêts des
29 janv. etl4déc.l715 etll mars 1783), de plus récents,
intervenus en faveur du Mont-Dore, les 13 mars 1810
et 18 mai 1813.
Aux termes du décret des 28 janv., 13 févr. 1860
(art. 15), « l'usage des eaux n'est subordonné à aucune
permission ni aucune ordonnance de médecin ». Il n'en
est pas de même de leur exportation; l'art. 16 de l'or-
donnance des 18 juin et 7 juil. 1823 porte : « Une peut
être fait d'expédition d'eaux minérales naturelles hors de
la commune où elles sont puisées que sous la surveillance
de l'inspecteur. Les envois doivent être accompagnés d'un
certificat d'origine, par lui délivré, constatant les quantités
expédiées, la 'date de l'expédition et la manière dont les
vases et bouteilles ont été scellés au moment même où
l'eau a été puisée à la source ». Et l'art. 17 ordonne aux
inspecteurs de vérifier, à l'arrivée des bouteilles d'eau à
leur destination, si « les précautions prescrites (par l'art,
précédent) ont été observées », et si elles peuvent être
livrées au public. Les mêmes mesures sont requises par
l'ordonnance pour les eaux minérales artificielles. En ce
qui concerne ces dernières, des formalités spéciales ont
été inscrites dans ce document législatif. L'art. 13 exige
des fabricants certaines garanties de capacité. L'art. 14
les oblige à se conformer strictement dans leurs prépara-
tions aux formules approuvées par le ministre de l'inté-
rieur, à moins que d'autres ne leur aient été délivrées par
des docteurs en médecine. L'art. J 5 place les dépôts d'eau
minérale naturelle ou artificielle autres que les pharma-
cies sous l'application des mêmes règles. Il reconnaît, tou-
tefois, le droit qu'a « tout particulier de faire venir des
eaux minérales pour son usage et celui de sa famille ».
Les infractions à l'ordonnance de 1823 sont punies des,
peines de simple police édictées par l'art. 471, § 15 du
C. pén. (Cass. cr. rejet, 22 juil. 1875, D. P., 1876, I,
p. 190). Une pénalité spéciale et toujours en vigueur est
prononcée par un arrêt du conseil du 5 mai 1781, qui
rend passible de 1,000 fr. d'amende quiconque aura, sans
permission, fait le commerce d'eaux minérales achetées aux
sources. Application de cet arrêt a été faite, le 16 fév. 1884,
par la cour d'Amiens (D. P., 1884, II, p. 230). A. Berlet.
BiBL. ; Physiologie et Thérapeutique. — Dict. ency'
clop. se. médic, Dict.de thérap. de Dujardin-Beaumetz,
et les traités de Duraxd-Fardel, etc.
EAU OXYGÉNÉE (Chim.). Form. jg^"^; ' * * * ' ; {{'JJ^
L'eau oxygénée a été découverte en 1818 par Thénard,
en attaquant' par les acides le bioxyde de baryum. Elle a
été étudiée par un grand nombre de chimistes, notamment
par Schœnbein, Brodie, Carius, Houzeau, Weltien, et
surtout par M. Berthelot, qui l'a soumise à un examen
approfondi. Elle est formée de volumes égaux d'oxygène et
d'hydrogène : c'est le corps le plus riche en oxygène que
l'on connaisse.
On la prépare en traitant l'acide chlorhydrique par le
bioxyde de baryum délayé dans de l'eau; en agitant
constamment, le peroxyde se dissout, et l'eaufoxygénée
prend naissance, mélangée à un grand excès d'eau, d'après
l'équation suivante :
2Ba02 + 2HC1 = 2BaCl + H^O^.
On précipite le chlorure métallique par un très léger excès
d'acide sulfurique, et on ajoute peu à peu une nouvelle
quantité de peroxyde, ce qui fournit une quantité d'eau
EAU
— 220 -
oxygénée égale à la première ; en répétant trois autres fois
cette opération, on obtient un liquide de plus en plus
chargé. Finalement, on précipite le baryum par l'acide
sulfurique, ce qui régénère l'acide chlorhydrique ; on en-
lève ce dernier par le sulfate d'argent, ce qui donne de
l'acide sulfurique, qu'on précipite par de l'eau de baryte.
Le liquide est alors seulement formé d'eau ordinaire et
d'eau oxygénée. On l'obtient industriellement en faisant
réagir, à basse température, l'acide chlorhydrique étendu
sur du bioxyde de baryum délayé dans de l'eau ; le liquide
contient ordinairement dix à douze fois son volume d'oxygène
et renferme de l'acide chlorhydrique libre qui ne nuit pas,
en général, à son emploi et rend sa conservation plus facile.
L'eau oxygénée est un liquide neutre, incolore, insipide,
inodore, ayant pour densité 1 ,452 ; elle traverse l'eau à la
manière d'un sirop, bien qu'elle y soit soluble en toutes
proportions ; elle reste encore liquide à — 30" ; elle est plus
soluble dans l'alcool que dans l'éther. Elle décolore beau-
coup de matières organiques, attaque l'épiderme et le
blanchit. Soumise à l'action de la chaleur, elle commence
à se décomposer vers 45<^ ; mais, si elle est étendue de douze
à quinze fois son volume d'eau, la décomposition résiste
jusqu'à oO°; les acides lui donnent de la stabilité; les
alcalis facilitent au contraire sa décomposition ; on peut la
distiller dans le vide à basse température. Plusieurs corps
la décomposent, même à froid : l'oxyde d'argent, plusieurs
oxydes et métaux lourds, la fibrine du sang, etc. D'après
M. Berthelot, avec l'oxyde d'argent, le volume d'oxygène
dégagé est égal à celui qu'elle peut fournir pour se trans-
former en eau ordinaire, bien que l'oxyde soit lui-même
décomposé, d'où résulte de l'argent métallique et du peroxyde
d'argent : 3AgO=:Ag-f Ag^O^. D'après le même auteur,
la chaleur absorbée au moment de sa formation est égale
à 10^^174, et, si l'oxyde d'argent la décompose, c'est
parce que le système peut dégager de la chaleur avec
formation de sesquioxyde ou peut-être de trioxyde d'argent.
Thénard a proposé l'emploi de l'eau oxygénée pour res-
taurer les anciens tableaux plus ou moins altérés par la
sulfuration des sels de plomb ; elle a servi aux chimistes à
obtenir des peroxydes nouveaux et à faire quelques syn-
thèses organiques. Actuellement, elle est emplovée dans
l'industrie comme agent décolorant ; on l'applique à la
décoloration de la soie, des plumes d'autruche, des fils de
" lin, des cheveux ; dans ce dernier cas, les cheveux noirs
sont blanchis et on peut même obtenir toutes les nuances
intermédiaires avec des solutions plus ou moins étendues.
Ed. BOURGOIN.
BiBL. : Barreswil, Ann. ch. et phys., 1847, t. XX, 364.
— BoussiNGAULT, id., 1880, t. XIX, 464. — Berthelot,
Rech. sur l'eau oxygénée, id., t. XXI, 146, 153, 157, 164,
172, 176, 181. — Brodie, zd., 1850, t. LXV, 59. — Favre et
SiLBERMANN, id., 1852, t. XXXVI, 22. — HOUZEAU, id
1868, t. XIV, 111, 305. — ScHŒNBEiN, îd., t. LVIIl, 4/9,
484 ; t. LIX, 102.- Thénard, id., 1818, t. VIIÎ, 306; t. IX,
55, 94; t. X, 114, 335; t. XI, 83, 208. — V^eltzien, id.,
1860, t. LIX, 105.
EAU RÉGALE (V. Azotique [Acide]).
EAU RÉsiDUAiRE (Analyse). La composition des eaux
résiduaires varie suivant le genre d'industrie d'où elles
proviennent ; c'est ainsi qu'aux environs des centres indus-
triels, les eaux sont souvent chargées de pétrole, d'huile
minérale, d'acides, de métaux, cuivre, zinc, de matières
fécales, de matières en putréfaction, etc., etc., décelés fa-
cilement par les procédés suivants d'analyse.
Recherche des métaux toxiques. — ■ Recherche et do-
sage du cuivre. Le résidu sec d'un certain volume d'eau
acidulée repris par l'eau distillée et additionnée d'ammo-
niaque, donne une Hqueur bleu céleste en présence du
cuivre. Pour le doser, on évapore à siccité plusieurs litres
d'eau acidulée à l'acide chlorhydrique, on sépare la silice,
comme il a été dit (V. Eau [Analyse]), et on précipite, à
tiède, par un excès de gaz sulfhydrique ; on filtre rapide-
ment, on lave constamment à feau chargée d'hydrogène
sulfuré pour éviter les pertes par sulfatisation, et on sèche
rapidement. Le précipité est mis dans un creuset de porce-
laine avec un peu de soufre en poudre ; on y joint les
cendres du filtre et on chaufPe fortement au rouge, dans un
courant d'hydrogène ; on obtient le protosulfure de cuivre
qui, multiplié par 0,7985, donne le cuivre métallique.
(V^SX 0,7985 = Cu.
Le dosage à l'état d'oxyde par calcination du sulfure au
contact de l'air n'est pas aussi juste.
Recherche et dosage du plomb. Un certain volume
d'eau légèrement acidifiée à l'acide nitrique est évaporé à
sec; on reprend par l'eau, on filtre; l'iodure de potassium
donnera dans la liqueur, s'il y a du plomb, un précipité
jaune d'iodure de plomb., soluble à chaud et cristallisant
en lamelles par le refroidissement. Le dosage se fait sur
2 litres d'eau ; on acidulé à l'acide chlorhydrique et on
évapore à siccité ; la siUce est séparée et on précipite par
l'hydrogène sulfuré. Il se précipite du sulfure de plomb
que l'on filtre ; on lave à l'eau bouillante et on convertit
en sulfate par l'acide nitrique ; on calcine et on pèse. Le
multiplicateur 0,736 donne l'oxyde de plomb :
PbO,S03x 0,736 =:PbO.
Recherche et dosage du zinc. Sur plusieurs htres d'eau,
on sépare la sihce, puis on ajoute un peu d'ammoniaque ;
l'oxyde de fer se dépose ; on fiUre; dans la liqueur on pré-
cipite le zinc par le sulfhydrate d'ammoniaque ; on jette
sur un filtre et on lave à l'eau distillée contenant du
sulfhydrate d'ammoniaque. Le sulfure est ensuite desséché
et placé dans un creuset de porcelaine pesé d'avance ; on
ajoute les cendres du filtre ; on recouvre le tout de soufre
en poudre ; on chauffe d'abord doucement, puis au rouge
vif, dans un courant lent d'hydrogène : on a ainsi le sul-
fure dont le poids, multiplié par 0',835, donne l'oxyde :
ZnSX 0,835 ==ZnO.
On peut aussi doser à l'état d'oxyde de zinc en calcinant
fortement le sulfure.
Recherche et dosage de Varsenic (V. Arsenic, t. IIÏ,
p. 4137). Le procédé suivant de recherche et de dosage de
l'arsenic est très rigoureux ; on l'emploie fréquemment
dans les analyses d'eaux minérales. A iO litres d'eau, con-
tenue dans un grand flacon, on ajoute de l'acide chlorhy-
drique pur jusqu'à réaction acide, puis environ 40 centim. c.
d'une solution à 30° Baume de perehlorure de fer ; on agite
et on précipite par l'ammoniaque; tout l'arsenic est entraîné
par l'oxyde de fer ; on laisse déposer le précipité ; on décante
le plus possible de liquide et on filtre. Après lavage, le
précipité est mis dans une capsule et dissous à l'acide sul-
furique ; cette liqueur est essayée à l'appareil de Marsh.
S'il y a de l'arsenic, on peut le doser en dissolvant le pré-
cipité de fer dans l'acide chlorhydrique. On réduit par un
courant d'acide sulfureux ; on chasse l'excès de ce gaz par
la chaleur et on fait passer un courant d'hydrogène sulfuré ;
il se précipite du sulfure d'arsenic que l'on transforme par
l'acide azotique en acide arsénique ; le dosage se fait en-
suite à l'état d'arséniate ammoniaco-magnésien.
Recherche des infiltrations de fosses d'aisance. Er-
nest Baudrimont a proposé le procédé suivant : on traite
500 centim. c. par 200 centim. c. d'éther; on décante ce
dernier dans une soucoupe de porcelaine et on laisse éva-
porer à l'air libre ; les matières fécales communiquent au
résidu une odeur franche de scatol.
Recherche du pétrole. Les puits voisins des usines de
rectification de pétrole sont souvent infectés par les infil-
trations de ce liquide. Pour rechercher le pétrole, on
soumet un litre d'eau à la distillation; les 400 premiers
centim. c. qui passent sont agités avec 50 centim. c.
d'éther. On décante l'éther et on l'abandonne à l'évaporation
spontanée à l'air hbre; si le résidu contient du pétrole, on
le reconnaît facilement à l'odeur particulière de ce carbure.
Recherche des infiltrations de produits d'usine à
gaz. Les eaux souillées par les produits d'usine à gaz
possèdent une od£ur empyreumatique et contiennent des
sulfocyanures. On peut se rendre compte de cette altération
comme suit : le résidu de 200 centim. c. d'eau est repris par
un peu d'eau distillée et deux gouttes d'acide chlorhydrique
— 2^1 —
pur ; la liqueur filtrée donnera la coloration rouge des sul-
focyanures en présence de perchlorure de fer.
Recherche du tanin. Le tanin se rencontre très
rarement dans les eaux ; cependant on a quelquefois à le
rechercher lorsque des usines d'extrait de bois de châtaignier
ou de bois de teinture rejettent leurs eaux dans une rivière.
Pour le caractériser, on évapore à petit volume un litre
d'eau ; on filtre ; on s'assure que la liqueur est parfaitement
neutre et on verse une solution de gélatine ; il se forme un
précipité de tanate de gélatine; on le recueille; on le met
en suspension dans de l'eau acidulée à l'acide chlorhydrique
et on agite avec de l'éther qui dissout le tanin mis en
liberté. On peut alors le caractériser par les sels de fer. On
peut aussi faire directement la réaction des sels de fer sur
l'eau évaporée à un petit volume.
L'écoulement des eaux résiduaires aux égouts et cours
d'eau est réglementé par des ordonnances de police ; il
convient auparavant de leur faire subir diiférentes mani-
pulations physiques ou chimiques ayant pour but de les
débarrasser de la plus grande partie des impuretés en sus-
pension ou en dissolution ; aucun des procédés proposés
n'est parfait; cependant les traitements à la chaux, au sul-
fate de fer, au sulfate d'alumine, au mélange de charbon,
fer et alumine connu sous le nom de carfeml, paraissent
les meilleurs. Ch. Girard.
EAU SALÉE (Contrib.) (V. Sel).
EAU THERMALE (V. Eau MINÉRALe).
EAU (Abbaye de 1'), appelée aussi Pantoison, An-
cienne abbaye de femmes de l'ordre de Gîteaux, du diocèse
de Chartres, fondée en 4225 par Isabelle, comtesse de
Chartres; elle était située sur le territoire de la com. de
Ver-lès-Chartres (Eure-et-Loir) .
EAU DE Rouen (Vicomte de 1'). Recette et juridiction
étabhe au moyen âge dans la ville de Rouen. Les coutumes,
analogues aux droits modernes d'octroi, qui formaient un
des principaux revenus de la vicomte, remontent à une
antiquité fort reculée, mais le nom de la vicomte de l'Eau
ne date que de la première moitié du xiii« siècle. La vi-
comte était une espèce de prévôté (V. ce mot), à laquelle
le commerce actif de la Basse-Seine donnait une impor-
tance exceptionnelle. Dans l'origine, elle fut administrée
pour le compte du duc de Normandie. Mais, dès le milieu
du xu° siècle, on la donnait à ferme ; enfin les derniers
ducs confièrent l'exploitation de la vicomte au maire et
aux officiers de la com. de Rouen, usage très fréquent en
Angleterre au moyen âge. Les bourgeois gardèrent cette
exploitation jusqu'en 1204. A cette date, le roi de France,
conquérant de la Normandie, en prit le fardeau et les pro-
fits, et la bailla en garde ou en ferme à des particuliers.
La vicomte de l'Eau était ainsi affermée quand fut rédigé,
sous le règne de saint Louis, son Coutumier. Les fermiers
(il y en avait plusieurs) « faisaient conjointement la recette
des revenus et rendaient conjointement la justice » ; vicomtes
de l'Eau, ils devaient prêter serment au bailli royal et lui
présenter leurs comptes. Ce système était très vicieux, la
recette et la juridiction étant réunies entre les mains sus-
pectes des fermiers, qui n'avaient acquis leur dignité qu'en
qualité de derniers enchérisseurs. Dans les dernières
années du xiv® siècle, un magistrat distinct des fermiers de
la vicomte de l'Eau fut institué pour juger les questions
relatives à la perception des acquits, recevoir les serments
des sergents, etc. ; le titre de vicomte de l'Eau lui fut
réservé. Les adjudicataires de la ferme cessèrent même de
toucher immédiatement les deniers; la caisse de la vicomte
fut confiée à la garde d'un officier du roi ; au xv^ siècle, elle
était fermée de trois serrures, dont les fermiers ne détenaient
qu'une seule. — La vicomte de l'Eau se composait des
coutumes perçues sur les marchandises apportées à Rouen,
soit par la Seine, soit par l'une des sept portes de la ville,
surtout sur les vins; elle fut affermée en i;^>ll pour
6,000 livres par an ; mais les guerres du xiv^ et du
xv« siècle ruinèrent le commerce ; vers le milieu du
xv« siècle, la ferme était baillée ordinairement au prix de
EAU — EAUNES
1,100 ou 1,200 livres par an. En 1627, on payait, au
contraire, pour l'avoir, jusqu'à 14,000 hvres; mais la
vicomte souffrit beaucoup de l'interdiction du commerce
de la Hollande et de Hambourg, faite en 1664. A la
suite d'un arrêt du conseil d'Etat du 28 sept. 1717, des
commissaires généraux adjugèrent, en 1717, au prince
de Condé et à ses frères et sœurs, à titre d'engage-
ment, avec faculté de rachat perpétuel et moyennant un
capital de 120,000 livres, tous les droits de la vicomte.
Ces droits restèrent dans la famille de Condé jusqu'à la
Révolution. — Comme juridiction, la vicomte, après avoir
été en décadence, à partir du xiv^ siècle, se releva en
vertu d'un édit du 22 mai 1554, qui attribua force de loi
à son Coutumier, Elle se fit dès lors assimiler, malgré de
fréquents conflits avec les tribunaux rivaux, à la prévôté
de Paris. Elle s'étendit sur la Seine normande et sur les
affluents de ce fleuve, embrassant dans sa compétence,
outre la police des quais, les faits relatifs aux péages, aux
bacs, au halage, au flottage, au voiturage par eau. — La
vicomte de l'Eau était installée dès le xm« siècle en face
de l'église Saint- Vincent jusqu'à la rue Herbière le long
de la rue dite « de la Vicomte » ; les anciennes caves
de son hôtel subsistent encore. — Le Coutumier de la
vicomte de l'Eau est une espèce de tarif des droits de
coutume ; il est intéressant à cause de sa date (xiii« siècle)
et à cause des usages juridiques qui s'y trouvent rap-
portés, n a été pubhé pour la première fois à Rouen,
en 1617, par Germain de La Tour. M. Ch. de Beau-
repaire en a donné une édition critique dans son excel-
lente monographie De la Vicomte de l'Eau de Rouen
(Evreux, 1856, in-8). Ch.-V. Langlois.
EAUBONNE. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr. de
Pontoise, cant. de Montmorency ; 1 ,4 30 hab. Ce pittoresque
vallon des environs de Montmorency dut au siècle dernier
une certaine vogue au séjour de Saint-Lambert, qui y écrivit
les Saisons, de Housseau et de M"^^ d'Houdetot ; on y
voit encore la maison de Saint-Lambert etvun chêne de la
Liberté planté par Franklin.
EAU-CLAIRE. Ville des Etats-Unis,, Etat de Visconsin,
sur la rivière Chippewa; 21,000 hab. en 1885. Nombreuses
scieries; plusieurs autres établissements industriels.
EAUCOURT (Abbaye d'). Ancienne abbaye d'augustins
du diocèse d'Arras, fondée vers 1100.
EAUCOURT-suR-SoMME. Com. du dép. de la Somme
arr. et cant. (S.) d'Abbeville; 342 hab.
EAULNE. Rivière de France (V. Seine-Inférieure
[Dep. de la]).
E/^UMEJ {Ulmetum), Abbaye du diocèse d'Arles, fon-
dee par les cisterciens en 1175, à qui l'abbesse de Saint-
Cesaire concéda l'église d'Eaumet. En 1194, Alphonse
d'Aragon donna aux moines le village de Silva Albaronis
ou Silva regalis (Sauveréal) où le monastère fut transféré.
L'abbé Jean prit en 1243 le titre d'abbé de Sauveréal au
heu de celui d'abbé d'Eaumet. Sous l'abbé Bernard IIÏ
(1299-1313), l'abbaye de Sauveréal s'unit avec celle de
Yalmagne (diocèse de Valence, Vallismagna) et Pons II
Maurin, abbé de Valmagne, est le dernier dans les actes
de qui on trouve encore le titre d'abbé de Sauveréal.
EAUNES (Ulnœ, Eunœ), Com. du dép. de la Haute-
Garonne, arr. et cant. de Muret, sur la rive droite de la
Garonne ; 531 hab. L'histoire de cette localité se confond
avec celle de l'abbaye, autour de laquelle elle s'est formée.
Leghse (moderne) de l'ancienne abbaye sert d'édise
paroissiale.
Abbaye d'Eaunes. — Ordre de Clteaux, dioc. de Tou-
louse. Fondée vers le milieu du xii« siècle, par les sei-
gneurs de Montant. L'histoire de cet établissement est assez
obscure. Après avoir végété pendant quatre siècles, il fut
détruit par les religionnaires ; l'église fut reconstruite en
IboS par 1 abbé François-Barthélemi de GrammonK
^r^'.tyV.^h'^-".^*'''''!- ^^\\}^^^^ (cartulaire du xiP siècle).
EAUX — ÉBARBAGE
— 222 —
EAUX AUX JAMBES (V. Eau aux jambes).
EAUX ET Forêts (V. Forêt et eau, § Administration).
EAUX-BONNES. Corn, dudép. des Basses-Pyrénées, arr.
d'Oloron, cant.de Laruns; 874 hab. Cette ville thermale
très fréquentée est à l'entrée de la gorge resserrée de la
Sourde ou Soûle, au-dessus du confluent de ce torrent et
de celui du Valentin. Elle est dominée du côté S. par le
Gourzy (1,839 m.) et au delà par le pic de Ger, au N.
par la Montagne Verte (1,106 m.). La station de chemin
de fer la plus rapprochée est Laruns, d'où l'on va à Pau.
Des chartes de 1356 mentionnent pour la première fois les
sources des Eaux-Bonnes. Gaston Phœbus fit de cette loca-
lité un rendez-vous de chasse. Henri d'Albret, après avoir
combattu à Pavie, y envoya ses compagnons d'armes, d'où
le nom que prirent alors les sources d'eaux d'arquebu-
sades. Montaigne les avait appelées eaux gramontaises,
en l'honneur d'un duc de Gramont. Les monuments des
Eaux-Bonnes sont l'établissement thermal, une éghse
moderne, et le casino, fondé en 1857. G. R.
Eaux minérales. — Les eaux de cette station sont sulfurées
sodiques ou calciques, avec chlorure de sodium abondant
et sulfate calcique et avec dégagement abondant d'azote. H
y a neuf sources dont la température varie de 13° à 32° G.
Les eaux servent principalement en boisson dans les catarrhes
delà muqueuse aérienne : angines et bronchites chroniques,
asthme avec catarrhe, pleurésie et pneumonie chroniques,
phtisie pulmonaire; les effets se manifestent très vite, surtout
chez les herpétiques, les lymphatiques et les ^scrofuleux ;
l'hémoptysie n'est pas une contre-indication. L'action exci-
tante de^ces eaux serait nuisible dans la phtisie aiguë non
circonscrite et dans les cas de complication cardiaque, de
diarrhée chronique, de fièvre hectique continue. Il n'est pas
prudent d'aller aux Eaux-Bonnes avant le 1^^ juin et après
le 30 sept. ^ ^ ^, ^^ L. Hn.
EAUX-CHAUDES. Ville thermale du dep. des Bass^es-
Pyrénées, arr. d'Oloron, cant. et com. de Laruns; 753
hab. Elle est située sur le gave d'Ossau, dans une gorge
resserrée, à 675 m. d'alt. et à 9 kil. des Eaux-Bonnes.
L'étroit défilé de Hourat conduit des Eaux-Bonnes aux
Eaux-Chaudes. Catherine de Bourbon, sœur de Henri IV, a
été aux Eaux-Chaudes en 1591 . Après avoir été fréquentées
sous Henri IV, les Eaux-Chaudes perdirent leur répu-
tation, et ce ne fut qu'en 1781 que les Etats du Béarn
purent déterminer la commune de Laruns à y faire des
travaux indispensables. L'établissement thermal actuel a ete
construit (1848-50) sur la rive droite du Gave. G. R.
Eaux minérales. — Les eaux, sulfurées sodiques faibles,
azotées, émergent non loin des Eaux-Bonnes et présentent
des propriétés analogues. Les sources, au nombre de sept,
présentent une température de 10 à 36« C. Ces eaux s em-
ploient en boisson et en bains et douches, mais 1 usage
externe en est prédominant. Moins excitantes que les Eaux-
Bonnes, elles sont utiles dans les affections des voies res-
piratoires, les manifestations rhumatismales et arthritiques,
un grand nombre de dermatoses, les affections utérines, les
ulcères, les ophtalmies chroniques, etc. D"* L. Hn.
EAUX-CLAIRES (Les). Rivière de France (V. Charente
[Dép. delà]). . „. r.
EAUX-PUISEAUX. Com. du dép. de l'Aube, arr. de
Troyes, cant. d'Ervy; 639 hab.
ÉAUX-VlVES. Faubourg oriental de Genève; 8,000 hab.
Cette commune n'a pris son véritable développement qu'après
la démolition des fortifications de Genève (1849). Elle n'avait
que 2,000 hab. en 1850. Son nom est probablement une
corruption d'Aquam viridem, eau verte, à cause du lac, sta-
gnant à cet endroit. Aujourd'hui les Eaux-Vives sont desser-
vies par quatre lignes de tramways à vapeur, et la gare de
Genève-Eaux-Vives (P.-L.-M.) est la tête de ligne des che-
mins de fer de la Haute-Savoie. E. K.
EAUZAN {Elesanus pagus). Ancien pays de la Gas-
cogne, compris, depuis la suppression du diocèse d'Eauze,
son chef-lieu, dans celui d'Auch. H avait pour limites au
N. le Gabardan, au S. et à l'E. l'Armagnac, à l'O. le Marsan.
EAUZE (Elusa). Ch.-l. de cant. du dép. du Gers, arr.
de Condom, sur une colline dominant la Gélise ; 4,225 hab.
Stat. du chem. de fer du Midi, embranchement de Nérac
à Eauze. Petit séminaire. Important marché des eaux-
de-vie de l'Armagnac. Fabrique d'alambics. — Ancienne
capitale des Elusates, la ville d'Eauze devint floris-
sante sous la domination romaine et fut au iv<^ siècle la
capitale de la Novempopulanie ou troisième Aquitaine.
Mais depuis cette époque elle ne cessa de déchoir. Sa déca-
dence avait déjà commencé lorsque, du vu® au x^ siècle,
elle fut successivement dévastée par les Vandales, les
Goths, les Sarrasins et les Normands. H n'y subsistait plus
que des ruines, et les habitants avaient été dispersés lors-
qu'au x^ siècle s'éleva, à quelque distance des ruines de l'an-
cienne ville, un monastère autour duquel se forma une
agglomération nouvelle qui est devenue la ville actuelle.
Fortifiée au moyen âge, elle joua un certain rôle dans les
guerres de religion. Henri IV, alors roi de Navarre, échoua
dans une tentative qu'il fit pour s'en emparer en 1596.
— L'emplacement de l'ancienne capitale de la Novempopu-
lanie est à 1 kil. environ à l'E. de la ville actuelle sur
un plateau cultivé; il est appelé dans le pays du nom
caractéristique de La Cieutat. H n'y reste plus aucun ves-
tige de la ville ancienne, mais des fouilles y ont amené à
diverses reprises la découverte de nombreuses antiquités.
L'église d'Eauze est un bel édifice gothique du xvi« siècle,
dû à Jean de La Marre. L'abside est flanqué d'une tour
octogonale. Il subsiste quelques débris des anciens rem-
parts. La source de Sainte-Rose, qui jaillit à 3 kil. de la
ville, près d'une chapelle, est le but d'un pèlerinage fré-
quenté.— Un siège épiscopal existait à Eauze au iii^ siècle.
La tradition en attribue l'établissement à saint Paterne.
On cite comme ses successeurs Luperculus, Mamertinus,
qui assista au concile d'Arles de 303, et Servandus. Saint
Taurin était évêque lors de l'invasion des Vandales, en
406. On cite après lui : Clarus, en 506; Leontius, en
511 ; Aspasius, de 533 à 549; Laban, de 573 à 585;
Didier, en 585; Senoch ou Sinoch, en 625, et enfin Pa-
terne, qui était évêque en 663. Après lui il y eut encore
d'autres évêques dont les noms ont été oubliés, puis, à la
suite des invasions, le siège épiscopal fut transféré à Auch.
BiBL. : Histoire générale de Languedoc, éd. Privât, t. IV
(1872), note d'E. Mabille, col. 365.
EBALIA (Zool.). Genre de Crustacés Décapodes bra-
chyures, de la famille des Leucosiadés, établi par Leach et
caractérisé par la carapace de forme rhomboïdale ou hexa-
gone, à front proéminent presque droit ; la première an-
tenne est placée obliquement sous le front, la seconde est
très courte ; les trois paires de pattes-mâchoires sont
presque semblables à celles des Ilia; les pattes portent des
pinces de longueur médiocre ; l'abdomen est de cinq an-
neaux. Type : E. Cranchii des côtes océaniques d'Europe
et de la Méditerranée. R» M.
ÉBARBAGE. I. Technologie. — L'ébarbage est une
opération qui consiste à enlever les barbes ou ébarbures
des objets fabriqués, c.-à-d. à faire disparaître les parties
superflues. L'opération diffère suivant les métiers, mais
le but est toujours le même (V. ci-dessous).
II. Fonderie. — Dans la fonderie de fonte, d'acier ou
d'alliages du cuivre, les pièces coulées présentent souvent
sous forme de bavures des parties étrangères, principale-
ment dans les endroits où les différentes parties du moule
se réunissent. L'ébarbage a pour but d'enlever ces parties,
en général assez minces, afin de rétablir la forme exacte.
Cette opération se fait à la main, au moyen d'un burin et
d'un marteau ; aujourd'hui, on emploie souvent dans le
même but les machines à fraiser ; enfin, dans le cas
exceptionnel d'une fonte blanche et très dure à attaquer
au ciseau, on fait usage de la meule. L. K.
III. Gravure. — Opération qui consiste à enlever, à
l'aide de l'ébarboir ou du grattoir, les aspérités que le
travail de la pointe sèche ou du burin détermine à la sur-
face du cuivre. On obtient ce résultat en faisant glisser
— 223
sur le cuivre une des faces de l'ébarboir, posé à plat, de
façon que le tranchant joue un rôle analogue à celui du
rasoir sur la peau. F. Courboin.
IV. Reliure (V. Reliure).
ÉBARBEUSE (Agric). Afin de rendre les grains d'orge
marchands et de les utiliser pour l'alimentation ou pour
la préparation du malt des distilleries et des brasseries, il
est nécessaire de leur enlever le prolongement filiforme,
raide et coriace qui persiste après l'opération du battage.
L'opération se fait soit en soumettant l'orge à un nouveau
battage ou mieux en le faisant passer dans une ébarbeuse.
Cette machine se compose, en principe, d'un arbre légère-
ment incliné de O-^SO de longueur, garni de lames d'acier
disposées suivant une hélice. Cet arbre, mis en mouve-
ment par un engrenage à manivelle, fait cent cinquante
tours par minute et tourne dans une enveloppe cannelée,
en fonte, de 0^15 de diamètre intérieur. Le grain est
jeté dans une trémie, d'où il passe dans l'enveloppe, et sort
à une extrémité complètement ébarbé ; un simple coup de
tarare suffit pour le séparer des barbes. Le rendement de
l'ébarbeuse est de 1,500 litres d'orge ébarbé par heure.
EBARBOIR (Grav.). Instrument d'acier bien trempé,
en forme de lame triangulaire ou quadrangulaire, servant
à Vébarbage (V. ce mot).
ÉBATY. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. et cant. (S.)
de Reaune ; 434 hab.
ÉBAUCHA6E. I. Métallurgie. — L'ébauchage est
I opération prélimmaire du laminage quand on veut arriver
à une forme profilée. L'ébauchage sert à transformer en
barres plates, faciles à paqueter, le fer puddlé obtenu dans
l affinage, tout en lui enlevant les scories dont il était
accompagné. L'opération est faite au moyen d'une série
de cannelures ogivales et rectangulaires. L'ébauchage, dans
le laminage proprement dit, se fait surtout avec des can-
nelures carrées ou rectangulaires (V. Laminage). L. K.
IL Céramique. — Le dégrossissement d'une pièce céra-
mique se fait soit au moulage, avec des balles de terre :
il est dit alors au ballon ; soit au tour, avec des bou-
dins de terre qu'on superpose les uns aux autres : il est
dit au colombin. — Il doit être exécuté à la main, pour
rendre la pâte bien homogène, la mélanger intimement et
faire adhérer tous les raccords de la terre. Cette opé-
ration a pour but de prévenir les fentes, les déchirures, qui
ne manqueraient pas de détériorer la pièce à la cuisson, si
la liaison de toutes les parties n'était pas absolue. Plus la
pâte est fusible, plus l'ébauchage doit se faire sous une
épaisseur considérable. F. M.
^ ÉBAUCHE (Beaux-Arts). Première phase de l'exécution
d'une œuvre d'art quelconque, tableau, statue, gravure, etc.
II faut distinguer très nettement V ébauche, telle que nous
venons delà définir, de Vesquisse (V. ce mot), qui n'est
pas un commencement d'exécution, mais bien un projet, de
dimensions généralement réduites, de l'œuvre d'art; trop
souvent ces deux appellations sont prises comme synonymes.
— L'ébauche d'un tableau peut se faire de différentes
manières, selon que l'enduit préparatoire dont est revêtu
le panneau ou la toile à peindre est blanc ou gris, que
l'artiste préfère attaquer son travail avec des valeurs et
des tons d'une gamme foncée et puissante, ou claire et
assourdie, qu'il lui convient de frotter sa toile avec des
couleurs légères et transparentes, ou de la couvrir de
touches grasses et fermes. Il y aurait nombre d'exemples
remarquables à citer pour chacun de ces procédés. Chaque
genre de peinture peut s'ébaucher d'une façon particu-
lière ; l'étude exécutée d'après nature, dans un laps de
temps plus ou moins limitée, ne saurait, on le comprend,
être ébauchée avec l'attention et la méthode que l'artiste
pourra consacrer, dans le calme de l'atelier, au tableau
fait d'après elle et pour lequel il aura tout le temps de
combiner les artifices du pinceau. Le dessin sur la toile est
une partie importante de l'ébauche ; il doit être fait spé-
cialement en vue de la peinture qui le recouvrira ensuite,
et dont il doit indiquer surtout les grands plans, en traits
ÉBARBAGE — EBBON
sobres et accentués. D'après les observations faites sur les
œuvres des écoles anciennes et surtout sur celles de notre
époque, si habile dans les procédés d'exécution de la pein-
ture, on peut conclure que la manière d'ébaucher la plus
généralement employée, celle qui laisse le plus de res-
sources pour la perfection finale d'un tableau est celle qui
consiste à peindre légèrement les ombres, avec des cou-
leurs transparentes, mais suffisamment siccatives, puis à
poser les clairs en touches grasses et solides, largement
fondues dans les demi-teintes, en prévoyant et en 'ména-
geant toujours l'effet que Ton se propose d'obtenir en
somme.^ Une ébauche bien faîte doit donner une juste
impression de l'ensemble d'une œuvre, quoique dans une
tonalité plus sourde.— L'ébauche d'une statue, d'un groupe
ou d'un bas-rehef peut être envisagée à deux points de vue
différents : c'est le commencement d'exécution, par l'ar-
tiste, d'un modèle en terre, destiné à être reproduit en-
suite en bronze ou en marbre ; ou celui de cette œuvre
elle-même, au moyen de la pierre ou du marbre, par des
ouvriers spéciaux et par des procédés mathématiques. La
seconde de ces opérations constitue la mise au point (V. ce
mot). Pour la première, l'artiste se sert généralement
d une maquette, esquisse réduite qui est la première idée
de son œuvre, et qu'il reproduit dans les dimensions défi-
nitives. Une connaissance approfondie de l'anatomie, des
dessins faits d'après nature, doivent lui permettre d'obte-
nir les attitudes justes et vraies, les proportions heureuses
et les attaches exactes d'une figure humaine, qualités pri-
mordiales d'une ébauche de sculpture, et dont la réunion
rend une œuvre vivante dès son début, malgré la rudesse
de l'ébauchoir. x^à. T.
ÉBAUCHOIR. I. Technologie. — Sorte de ciseau à deux
tranchants formant angle, à un ou deux biseaux, que les
charpentiers emploient pour ébaucher les mortaises, les
embrèvements, les pas de vis. Cet outil est en fer pour les
gros ouvrages, et en fer pourvu d'un manche en bois pour
les ouvrages plus délicats. On se sert aussi de l'ébauchoir
pour amorcer le fer sur le bois. L. K.
IL Sculpture. — Outil de sculpteur, de formes et* de
dimensions extrêmement variées, servant à terminer les
ouvrages en cire ou en terre. Destiné à suppléer à l'in-
suffisance et au manque de finesse des doigts de l'artiste
dans le travail des extrémités et des détails d'un mor-
ceau, l'ébauchoir est le plus souvent en fer, en buis
ou en ivoire, renflé au milieu pour le rendre plus aisé-
ment maniable. Ses bouts sont arrondis, courbés, aplatis
ou biseautés de diverses façons, selon l'emploi qu'on lui
destine.
EBBLINGHEM.Com.dudép. du Nord, arr. et cant. (N.)
d Hazebrouck ; 703 hab.
iT,!^?°'^'5^^^^^^"^ ^® ^^™s, né vers 773, mort à
Hildesheim le 20 mars 851. Frère de lait de Louis le
Débonnaire, il fut élevé avec ce prince, dont il devint le
secrétaire dans son royaume d'Aquitaine. Peu de temps
après l avènement de Louis à l'empire, Ebbon, promu par
celui-ci à l'archevêché de Reims (816) , devint un des
principaux personnages de cette époque. Ebbon fit preuve
de grandes qualités dans l'administration de son diocèse et
travailla activement à évangéliser les Saxons et même les
Danois (822). Il devint un des chefs du parti ecclésiastique.
Il prit part au concile de Paris (829), dont les décisions
turent une sorte de manifeste clérical (V. Louis le Débon-
naire). Lorsqu'éclata le conflit et que Lothaire se mit à la
tête des mécontents, le clergé s'abstint d'abord ; mais, trois
ans après, il se prononce contre le vieil empereur. En 833,
a 1 assemblée de Compiègne, Ebbon joue le rôle dirigeant
avec Agobard (V. ce nom) ; ils imposent à Louis la con-
fession publique de ses fautes et l'abdication solennelle.
Quand l empereur est restauré, Ebbon porte la peine de sa
conduite au synode de Thionville; il se déclare lui-même
indigne de sa fonction, est déposé et conduit au monastère
de Fulda, puis à celui de Fleury (835). Il en sort à la mort
de Louis le Débonnaire, et Lothaire le fait rétablir sur son
— 224 —
EBBON - EBELMEN
sièse par le concile d'Ingelheim (840). Il publie meApo-
loaieon il conteste la régularité de sa déposition. Mais le
Dane lui refuse une nouvelle institution canonique ; il tombe
en disgrâce auprès de Lothaire, qui lui ôte ses abbayes. Il
se retire auprès de Louis le Germanique, qui lui donne
l'évèché d'Hildesheim. Outre son Apologie nous avons de
lui une lettre à Halitgaire, évêque de .Cambrai, et des
Rèqlements édités à la suite de F lodoarcW .ce nom).
EBBW-Vale. Ville d'Angleterre, comte de Monmouth
(Pays de Galles), aux sources de l'Ebbw ; 45,519 hab.
Bassin bouiller et ferrugineux. . . u lu * ^f
EBE (Gustav), architecte allemand, ne a Halberstadt
le 1^^ nov 1834. Il étudia rarchitectiire et la construction
à Berlin, puis voyagea en France et en Itahe. Il prit
part à de nombreux concours, soit seul, soit en collabora-
tion avec M. 3. Benda, son compatriote et parmi ces con-
cours, ceux relatifs à l'hôtel de ville de Magdebourg e a
la cathédrale de Berlin ; à l'hôtel de ville de Vienne ou les
deux associés obtinrent un des quatre premiers prix d une
valeur de 10,000 fr. ; à une « Realschule » et à un gymnase
pour Magdebourg; aux théâtres à construire dans les
villes de Posen et de Breslau; à l'hôtel de ville de Ham-
bourcr et au palais du Parlement de Berlin. Gustav Ebe
obtint des médailles aux expositions de Vienne et de Mu-
nich, et fit construire de nombreuses résidences dont le
château de Miechowitz (Silésie supérieure) et les villas
Kauffmann et Bunsen, à Berlin. Charles Lucas.
EBED-Jésus, surnommé Bar Brika (fils du Beni), théo-
logien nestorien, né à Gozarta sur le Tigre, vers le milieu
du xiii« siècle, mort en nov. 1318. Remarque pour sa
riche culture, il fut nommé évêque de Smdjar et d Arabie,
puis vers 1287, métropolitain de Nisibis. Parmi ses nom-
breux écrits, plusieurs sont importants: le Livre de la
Vierre précieuse de la vérité de la foi, édite par le car-
dinal Mai dans Scriptoriim veterum nova collectw
(Rome, 1825-28, t. X, pp. 317-366); l'Epitome des
canons des conciles et Douze Traités sur toutes les
sciences, une sorte d'encyclopédie en vers; enfin, uncata-
loeue rimé, mais très important, d'environ deux cents écri-
vains syriaques, édité et expliqué par Assémam dans sa
Bibliothecaorientalis (Rome, 1719-1 /28, t. III, 1 , pp. 1-
362) r.-n. IV.
EBED-Jésus, fils de Jean, patriarche chaldéen du
xvi« siècle. Elu en 1554 évêque de Gozarta, il alla àRome
en 1562 pour faire confirmer son élection par le pape, et
mourut peu après son retour en Mésopotamie. On vante
son érudition et son ardeur à augmenter le nombre des
nestoriens unis à Rome.
EBEL (Johann-Gottfried) , médecin et géographe alle-
mand, né à Ziillichau le 6 oct. 1764, mort à Zurich le 8 oct.
1830. Reçu docteur à Vienne, ilexerçaàtranctortenl7yi,
puis en 1796 se rendit à Paris comme attaché d ambassade
et s'y ha avec Sieyès, dont il répandit les ouvrages en Alle-
magne ; en 1 801 ,* il passa en Suisse et y obtmt le droit de
cité- en 1810, il se fixa définitivement à Zurich. U s est
occupé du cerveau et de son développement (thèse inaug.,
1788), de crétinisme, d'ethnologie, de statistique. Ouvrages
les plus importants : Schilderung der Gebirgsvolker der
Schweiz (Tubingue, 1798-1802, 2 vol. in-8 ; Leipzig,
1802-1803 2voL in-8); Veber den Bau der Erde inden
Alpen-Gebirgen, etc. (Zurich, 1808 in-8); Ma/msc/i^
Reise durch... Graubilnden (Zurich, 1825). \)^ L. Hn.
EBEL (Johann-Wilhelm), chef delà secte religieuse des
Kaniqsberqer, né à Passenheim (Prusse orientale) en
1784, mort à Ludwigsburg (Wurttemberg) le 18 août
1861, Elève du théosophe Schœnherr, il devmt pasteur a
Kœnigsberg et réunit un certain nombre de disciples des
deux sexes; on les accusa d'immoralité et, à la suite d un
lone procès, il fut destitué, en 1839. Il se retira avec la
comtesse Ida de Grœben en Wurttemberg, et plus tard son
innocence fut prouvée (V. Muckeb).
Btbl • Kanitz, Aufklœrung und Altenquellen uber den
1835-m2 zu Kœnigsberg gefûrhten Religionsprozess ;
Baie et Ludwigsburg, 1862. — Hahnenfeld, Die religiœse
Bewegung in Kœnigsberg ; Braunsberg, 1858.
EBEL (Hermann), celtisant allemand, né à Berlin le
10 mai 1828, mort à Misdroy le 19 août 1875. Elève de
Bœckh, de Pott et de Bopp, professeur de français dans
divers gymnases, puis de sjrammaire comparée à l'université
de Berlin, où il succéda à Bopp, il a publié un grand nombre
d'articles dans la revue de Kuhn, Zeitschrift filr verglei-
chende SprachforschungMn^ les Beitrœge de Kuhn et
de Schleicher; il est un des promoteurs des études cel-
tiques avec Zeuss; son grand travail fut une refonte de la
GrammaticaCeltica de Zeuss(Berlin, 1871); il a collabore
à rindogermanische Chrestomathie de Schleicher (Wei-
mar, 1869) et préparé un dictionnaire de l'ancien irlan-
dais; parmi ses articles, nous citerons, outre le recueil
traduit en anglais des Celtic Studies (Londres, 1863) :
De Verbi Britannici futuro a conjunctivo (Schneide-
muhl, 1866).
EBEL (Fritz), paysagiste allemand contemporain, ne a
Lauterbach (Hesse) en 1835. Il étudia la peinture a
Darmstadt et à Karlsruhe, s'établit en 1861 à Diisseldort,
et compléta ses études par des voyages en Italie et en
France. Ses œuvres les plus remarquables sont : Paysage
du Rhin, Paysage du Tirol, Vallée de Vllse dans le
Harz, Lac d'Uklei en Holstein, etc.
EBELING (Johann-Georg), compositeur allemand, né à
Lunebourg vers 1620, mort à Stettin en 1676. Il fut direc-
teur de musique à Berlin, puis professeur à Stettin. Son
principal ouvrage est un recueil de cent vmgt cantiques
spirituels à quatre voix avec deux violons et basse sur les
poésies de Paul Gerhard. La première édition en fut publiée
à Berhn en 1666 sous le titre Pauli Gerhardi geisthche
Andachten. Le même Ebeling est l'auteur d'une disserta-
tion historique intitulée Archeologiœ orphicœ (lb7b), et
d'un concerto pour plusieurs instruments (1 662).
EBELING (Ernest), architecte et professeur d'architec-
ture allemand, né à Hanovre en 1804. Il fit ses e^tudes
à Hanovre, les continua à Karlsruhe et voyagea en Italie,
à Saint-Pétersbourg et en Russie. Revenu dans son pays
natal, il s'y livra à l'enseignement de son art et essaya
d'implanter en Hanovre le style de la renaissance floren-
tine et des diverses ères du gothique anglais. Parmi les
édifices qu'il fit construire, on doit citer l'Ecole polytech-
nique, l'Arsenal, l'Ecole militaire des cadets, la salle des
séances des Etats de la province et nombre de construc-
tions privées. Charles Lucas.
EBELING (Adolf), écrivain allemand, né à Hambourg
le 24 oct. 1827. H a voyagé au Brésil, vécu longtemps a
Paris (1851-1870) où il professa à l'Académie de commerce
à partir de 1862; il a ensuite professé à l'Ecole militaire
du Caire (1874-1878), puis s'est retiré à Cologne. H a
publié entre autres : Gedichte (1845); Bruchstilcke aus
der Beschreibung einer Reise nach Brasilien (Ham-
bourg, 1849); des romans, Je7iny (Hambourg, ^8^^) î
Eine Mutter in Irrenhaus (Brème, 1851); Ghasele
(Aix-la-Chapelle, 1868); Thûrine (Berlin, 1871); Ver-
mischte Schriften (Soest, 1867-1868, 2 vol.); ses cor-
respondances, réunies sous le titre de Lebenden Bilder
aus dem modernen Paris (Cologne, 1863-1867, 5 vol.)
ont eu du succès ; il a publié encore : Bilder aus tairo
(Stuttgart, 1878, 2 vol.); Eïirstin und Professor (Co-
logne, 1881), intéressant pour la biographie de Heine;
jslpoleon m und seinen Hof (1887); il a traduit les
mémoires de M^^ de Rémusat et de la générale Durand
(1884-1887). . „ , - ,
EBELL (Heinrich-Karl), compositeur allemand, ne a
Neu-Ruppin en 1775, mort à Breslau le 12 mars 1824. U
a fait représenter à Breslau plusieurs opéras, notamment
Der Nachtwachter et Anacreon ; il a écrit des cantates,
des symphonies, des quatuors, des chœurs, pour la plupart
restés en manuscrit, et a rédigé quelques dissertations
pour une société musicale qu'il avait fondée à Breslau.
EBELMEN (Jacques-Joseph), ingénieur et savant fran-
— 225
EBELMEN — ÉBÈNE
çais, né à Baume-les-Dames (Doubs) le 10 juil. 1844,
mort à Paris le 31 mars 1852. Il fut admis à l'Ecole
polytechnique en 1831, à peine âgé de dix-sept ans;
il en sortit dans les premiers rangs pour entrer dans le
corps des mines. Il quitta l'Ecole, en 1836, le premier
de sa promotion, et fut envoyé à Vesoul remplir les fonc-
tions d'ingénieur ordinaire. Ses travaux et ses recherches
au laboratoire administratif de cette ville le firent nommer,
au début de l'année scolaire 1840-1841, adjoint au pro-
fesseur de docimasie de l'Ecole des mines de Paris,
Berthier ; dès cette époque, il le suppléa dans sa chaire,
dont il fut nommé professeur titulaire en 1845. Quelques
mois auparavant, à la demande de Brongniart, Ebelmen
avait été nommé administrateur adjoint à la manufacture
de Sèvres; deux ans après, en 1847, à la mort de Bron-
gniart, il le remplaça comme administrateur. Son passage
à la direction de cet établissement fut margué par le déve-
loppement donné au procédé de coulage qui permit d'obte-
nir des pièces d'une grande légèreté, d'une pureté de forme
et d'une élégance irréprochables, dans des dimensions jus-
qu'alors réputées impossibles, et par la substitution com-
plète de la houille au bois dans la cuisson de la porcelaine
dure ; on lui doit aussi la rénovation de la fabrication de
la porcelaine tendre. Aux fonctions d'administrateur de
Sèvres et de professeur à l'Ecole des mines, Ebelmen avait
joint celles de professeur au Conservatoire des arts et
métiers, où son cours sur les arts céramiques avait excité
un vif intérêt. Il fut enlevé presque subitement, à peine
âgé de trente-huit ans, en pleine maturité de son génie.
Les travaux d'Ebelmen, qui l'ont ainsi fait juger avec
tant d'autorité et de justesse, ont consisté en études et
recherches sur la chimie proprement dite, sur la métallur-
gie chimique et enfin sur les roches et les minéraux. Tous
les travaux d'Ebelmen sur ces divers points ont été consi-
gnés dans des notes ou mémoires publiés, de d837 jusqu'à
sa mort, dans les Annales des mines ^ les Annales de
physique et de chimie et les Comptes rendus de l'Aca-
démie des sciences. En chimie proprement dite, Ebelmen
s'est spécialement occupé de docimasie ou de chimie ana-
lytique minérale, soit pour donner de nouvelles méthodes
d'analyse, soit pour faire connaître les résultats intéressants
auxquels ces méthodes l'avaient conduit. Il n'a fait qu'une
excursion dans la chimie organique, excursion féconde et
brillante, avec les Recherches sur les combinaisons des
acides borique et silicique avec les éthers et la décou-
verte de l'hydrophane artificielle qui en résulta. Dès ses
premiers travaux à Vesoul, Ebelmen avait commencé ses
recherches si originales, et qui devaient être si fécondes,
sur la chimie métallurgique avec les Expériences relatives
a remploi du bois en nature dans les hauts fourneaux.
Ses études sur la [Composition et remploi du gaz des
hauts fourneaux, puis, d'une façon plus générale, sur la
composition et l'emploi du gaz dans tous les foyers métal-
lurgiques et industriels, devaient l'occuper presque sans
discontinuité jusqu'à la fin de sa trop courte carrière. Ces
travaux devaient puissamment contribuer à faire passer la
métallurgie de l'état de métier à celui de science, en per-
mettant d'asseoir sur des bases rationnelles la théorie de
la combustion dans les foyers métallurgiques et plus spé-
cialement dans les hauts fourneaux, ainsi que dans les foyers
industriels. Les recherches d'Ebelmen dans le domaine de
la géologie et de la minéralogie sont de deux sortes. En
premier lieu se placent les études, restées classiques, sur
la décomposition des rochdl et particulièrement des silicates ;
ces études, publiées de 1845 à 1851, ont eu la plus haute
portée géogénique, particulièrement au point de vue de la
formation des kaolins et des argiles par la décomposition des
feldspaths. Les mémoires sur la reproduction des espèces
minérales qui, de 1847 à 1851, suivie nt les recherches
précitées produisirent dans le monde scientifique une sen-
sation encore plus profonde. Ebelmen venait, en effet, de
faire une découverte de premier ordre en imaginant une
méthode propre à obtenir par la voie sèche, à l'état de
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
cristaux parfaits, des compositions semblables aux miné-
raux qui constituent les gemmes. Cette méthode consistait
à obtenir la séparation ou l'évaporation de dissolvants
appropriés à des températures et par une continuité d'ac-
tion telles que celles données par les fours à porcelaine.
Ebelmen reproduisit ainsi, en premier lieu, les minéraux
de la famille des spinelles (R^Qs^MO) à symétrie cubique,
puis la cymophane (A1^03,G10) dont la symétrie est sim-
plement rhombique ; il obtint les premiers borates anhydres,
à base protoxyde, qui aient été encore complètement et cris-
tallographiquement décrits ; il avait commencé des études sur
la cristallisation des silicates infusibles à la température
de nos fourneaux, et il les étendait à un grand nombre
d'autres silicates lorsque la mort vint le surprendre sans
qu'il ait pu obtenir tous les résultats que ces méthodes
pouvaient donner et sans qu'il ait même pu utiliser les
matériaux déjà réunis par lui. M. Mallard {Annales des
mines, 1887, 8« série, t. XII, p. 887) a décrit, parmi les
préparations déposées à l'Ecole des mines, une série d'entre
elles d'un haut intérêt scientifique dont Ebelmen n'avait
pu faire mention de son vivant, telles que, en dehors de
divers borates, le chromite de glucine, la glucine, l'acide
niobique et l'acide tantalique. L. Aguillon.
ÉBÉNACÉES (Ebenacece Endl.) (Bot.). Famille de
végétaux Dicotylédones, dont les représentants sont des
arbres ou des arbustes, à bois dense, très dur, souvent noir,
à feuilles alternes, quelquefois opposées et verticillées par
trois, dépourvues de stipules. Les fleurs, insérées à l'ais-
selle des feuilles ou sur le bois des tiges ou des branches,
sont dioïques, plus rarement hermaphrodites ou polygames,
tétramères ou trimères, avec un calice gamosépale, une
corolle gamopétale et un androcée isostémone ou diplos-
témone. L'ovaire, supère, est divisé en un nombre variable
de loges renfermant chacune deux ovules anatropes pen-
dants ; mais chaque loge se trouve souvent subdivisée
par une fausse cloison en deux logettes uniovulées. Le
fruit est une baie, accompagnée généralement du calice
accrescent ; ces graines, solitaires ou peu nombreuses, ren-
ferment sous leurs téguments un gros albumen charnu,
entier ou ruminé, et un embryon axile, droit ou courbe, à
cotylédons foliacés. — Les Ébénacées sont placées entre
les Sapotacées et les Styracacées ; elles diffèrent des pre-
mières par leur diœcie, des secondes par leur hypogynie,
de toutes les deux par leurs loges ovariennes biovulées.
On en connaît environ deux cent cinquante espèces, répar-
ties dans les six genres : Royena L., Euclea L., Maba
Forst., Diospyros L., Tetraclis Hiern et Brachynema
Benth. Elles ont été étudiées monographiquement par
M. Hiern (dans Transact, Cambr. PhiL Soc, XII, avec
11 pL). Ed. Lef.
EBENALP. Montagne de Suisse, cant. d'Appenzell,
dans le groupe du Saentis; 1,640 m. d'alt. Ses grottes et
son point de vue lui attirent de nombreux visiteurs ; ces
grottes renferment des chapelles et des caves ; la principale
est Wildkirchlein, à 1,499 m. d'alt., où la chapelle fondée
par le curé Llmann le 29 sept. 1856 est un lieu de pèle-
rinage.
BiBL. : Eglis, Hœhlen der Ebenalp, 1865.
ÉBÈNE. I. Botanique. — Sous le nom de Bois d'Ebène,
on désigne différents bois dont le cœur, ou duramen,
prend, avec Tâge, une belle teinte noire, entremêlée
quelquefois de lignes blanches ou brunes. Ces bois, très
recherchés pour la confection des meubles de luxe, sont
fournis principalement par des Ebénacées du genre Dios-
pyros (V. ce mot). C'est ainsi que le Bois d'Ebène noir
ou B. d'Ebène vrai provient des Diospyros Ebenum
Retz, D. Ebenaster Retz et D. melanoxylon Roxb., des
Indes orientales; le B. d'Ebène marbré, du D. mela-
nidea Poir.; le B, d'Ebène à veines noires, du D. leu-
comelas Poir., des îles Mascareignes. — Le B. d'Ebène
vrai est également appelé dans le commerce B. d'Ebène
noir ou de Maurice; mais il ne faut pas le confondre
avec la véritable Ebène noire de ce pays, qui est fournie,
15
ÉBÈNE — EBER
226
dit-on, par le Diospyros tesselana Poir. — D un autre
côté VEbène noire du Brésil ou Ebène du Portugal
est attribuée au Melanoxylon Brauna Schott (Légumi-
neuses-Gaesalpiniées) ; VEbène blanche des îles Masca-
Teignes au Diospyros chrysophyllumUmk.;\Ebene
bâtarde au Diospyros reticulata Willd.; \Ebene du
Sénégal au Dalbergia melanoxylon Pers. (Légummeuses-
Papilionacées) ; VEbène verte soufrée de Cayenne au
Biqnonia leucoxylon L. (Bignoniacées) ; enfin VEbène
verte brune de Cayenne à VExcœcana glandulosa L.,
de la famille des Euphorbiacées. Ed. Lef.
IL Ameublement (V. Ébénisterie). , . ,
EBENEZER. Village de l'Afrique du Sud, colonie du
Cap, comté de Clanwilliam, à 25 kil. environ de Tembou-
chure de l'Olifant; 350 hab. Les missionnaires de la Société
rhénane y ont fondé un établissement.
EBENEZER. Village de Palestine, en Judée, près de
Mizpa, oii Samuel, vainqueur des Philistins, leur reprit
l'arche sainte ; il commémora cet événement par un monu-
ment (Sam., I, 7, 12). . . o K
EBENFURTH. Ville d'Autriche, province de Basse-Au-
triche, sur la Leitha; 2,227 hab. ; vieux château de tem-
pliers; jardin zoologique. Filature de coton, papeterie, etc.
ÉBÉNIER (Bot.f. Nom vulgaire du Diospyros Ebenum
Retz qui fournit une partie du véritable Bois d'Ebène du
commerce. — L'Ebénier de Crète est VAnthyllis Cretica
Willd. (Ebenus Creticus L.), de la famille des Légumi-
neuses-PapiUonacées; l'E. de montagne, le Bauhinia acu-
minata L., des Antilles (Légumineuses-Caisalpimées);
l'E. d'Orient, VAlbizzia Lebbek Willd. (Légumineuses-
Mimosées); le faux Ebénier ou E. des Alpes, le Cytisus
Laburnum L. (Légumineuses-Papilionacées). Ed. Lef.
ÉBÉNISTE (V. Ebénisterie).
ÉBÉNISTERIE. I. Histoire. — Vers le commencement
du xvii« siècle, ce terme servit à désigner la fabrication
des meubles de luxe, qui jusqu'alors avait été réservée aux
menuisiers-huchiers. A ce moment, la mode abandonna les
dressoirs et les armoires dont nos bois indigènes fournissaient
les éléments pour rechercher les essences rares provenant
des forêts de l'Asie et du nouveau monde. L'ébène étant,
de toutes les matières exotiques, celle qui se prêtait le
mieux à la sculpture en raison de son grain serre, les
ouvriers employés à ce travail spécial reçurent la dénomi-
nation d'ébénistes. Mais il leur fallut attendre jusqu'au
xviii^ siècle pour obtenir l'autorisation de former une nou-
velle communauté de maîtres menuisiers et ébénistes, en
se séparant de l'ancienne corporation des huchiers-menui-
siers. L'ébénisterie ne se bornait pas à employer l'ébène
et les bois des îles ; elle comptait également dans son sein
des marqueteurs, ainsi que des ouvriers pratiquant l'art de
l'incrustation de l'ivoire et de l'os dans le bois. On trouvera
au mot Ameublement l'historique de cette industrie.
IL Industrie. — L'ébénisterie est une industrie mul-
tiple ; elle ne comprend pas seulement un certain nombre
de parties distinctes (menuiserie, sculpture, moulure), mais
des subdivisions nombreuses tenant aux différentes espèces
de meubles (il y a les chaisiers, les menuisiers en fau-
teuils, en buffets, etc.) et aussi aux diverses opérations
auxquelles l'exécution donne lieu (débitage, préparation,
corroyage, dressage du bois, emboîtage des pièces, assem-
blase, ajustage, placage, ponçage et vernissage). Il faut dis-
tinguer l'ébénisterie ordinaire, où les ouvriers travaillent
suivant des données connues, d'après des mesures fixées
et à peu près invariables, et sans avoir besoin de recherche
ou d'imagination ; leur besogne consiste surtout à ajuster
les diverses parties d'un meuble, à coller les apphques,
moulures, etc., puis à plaquer et à vernir. Dans l'ébénis-
terie de luxe, au contraire, il s'agit d'exécuter des meubles
d'après des dessins ou des plans spéciaux ; il faut alors
allier la'science du constructeur à l'habileté manuelle du
menuisier, et, comme ceux qui ont ce double talent sont
rares, on s'explique le prix fort élevé qu'atteint le meuble
le plus simple, dès qu'il sort des formes et des proportions
communes (V. Meuble). C'est à Paris que l'ébénisterie
française a son principal centre ; là seulement se trouvent
réunies toutes les conditions nécessaires à sa perfection :
matières premières, ouvriers habiles, critiques et acheteurs.
Mais le prix élevé de la main-d'œuvre et la faciUté des
communications ont fait créer dans plusieurs villes de pro-
vince des ateliers qui tendent à décentraliser cette indus-
trie. Marseille, Toulouse, Bordeaux, Lyon, Dijon, Nantes,
Lille, Angers, possèdent des ateliers d'ébénisterie où l'on
aborde tous les genres, mais spécialement le meuble ordi-
naire. Lyon, la Savoie et le Midi ont accaparé à leur pro-
fit le commerce de l'ameublement avec l'Algérie, la Tunisie,
l'Egypte, etc. Les sièges en vieux chêne ont aujourd'hui leur
centre de fabrication dans les Vosges ; les articles dits d'or-
nement se font à Castres.
A Paris, on compte environ 18,000 ouvriers ébénistes,
dont un tiers est étranger. Ils se divisent ainsi : 4,000 pour
le style, les meubles de luxe et de fantaisie ; 7,000 pour
les meubles courants de commerce ; 7,000 pour les meubles
ordinaires. La journée de travail est de dix heures et la
moyenne des salaires de 8 fr. par jour. Dans les grandes
maisons, les ouvriers travaillent sous la direction de contre-
maîtres qui gagnent de 300 à 400 fr. par mois. Quelques
maisons emploient de 200 à 300 ouvriers ; beaucoup n'en
occupent que de 20 à 50, et un plus grand nombre encore
en ont moins de 40. Ces derniers sont presque toujours des
ouvriers patrons, travaillant chez eux, dans un local res-
treint qui peut contenir tout au plus quelques établis et les
outils indispensables. Ils sont donc de petits entrepreneurs,
qui n'ont besoin de capitaux importants que lorsque leurs
affaires prennent de l'extension. Citons aussi les irréguliers,
ceux qui travaillent pour la trôle, bâclent un meuble et le
vendent à vil prix sur les trottoirs du faubourg Saint-An-
toine. La corporation de l'ébénisterie est reliée, à Paris, à
la Chambre syndicale de l'ameublement (13, rue de la Ce-
risaie) fondée en 1860. Cette Chambre a fondé les cours
gratuits du « patronage des enfants de l'ébénisterie »
(5, passage des Chantiers), qui comprennent la géométrie
élémentaire, la géométrie descriptive, la perspective, le
dessin technique, le modelage et l'histoire de l'art. Ils ont
lieu tous les soirs et sont suivis par cent vingt-cinq élèves
environ. La Chambre syndicale ouvrière de l'ébénisterie
et du meuble sculpté a également créé des cours profes-
sionnels gratuits de dessin et de modelage (16, rue de Cha-
ronne). Tout récemment la ville de Paris a créé une école
spéciale, l'Ecole Boule. A Cherbourg existait déjà une école
de ce genre, fondée par MM. Noyon, fabricants de meubles
dans cette ville, et qui donne les meilleurs résultats.
EBENSEE. Village d'Autriche, prov. de la Haute-Au-
triche, au S. du lac de Gmunden; 1,053 hab. Il possède
des salines importantes (Langbath) à gauche de la Traun ;
on en retire près de 400,000 quintaux annuellement.
ÉBÉON.Com. du dép. de la Charente-Inférieure, arr.
de Saint-Jean-d'Angely, cant. de Saint-Hilaire ; 110 hab.
Il existe sur le territoire de cette commune une pile ro-
maine ou fanii7n.
BiBL. : A. -F. Lièvre, les Fana ou Vernemets du sud-
ouest de la Gaule ; Paris, 1888, in-8. — Revue poitevine et
saintongeaise, V° année, 1888-1889, p. 97. — Revue de Sain-
tonge et d'Aunis^ 1888, p. 388.
ÈBER (Paul), théologien et poète allemand, né à Ki-
tzingen, en Franconie, le 8 nov. 1511, mort à Wittenberg,
en Saxe, le 10 déc. 1569. Il avait douze ans quand son
père, un pauvre tailleur, lui ayant reconnu des facultés
exceptionnelles, l'envoya au gymnase d'Ansbach. Mais il
tomba malade et fut obligé de revenir à la maison pater-
nelle ; une chute de cheval ruina complètement sa santé ;
il resta petit et contrefait. Il continua néanmoins ses études
à Nuremberg, où il eut pour maître Camerarius. Son goût
l'entraîna d'abord vers l'histoire et les sciences naturelles ;
son premier ouvrage fut une Histoire du peuple juif de-
puis le retour de la captivité, en latin (Wittenberg,
1548) ; il composa aussi un calendrier sur lequel les noms
des saints étaient remplacés par des éphémérides histo-
— m —
EBER — EBERHARD
riques. Dans l'intervalle, il était arrivé à Wittenberg (1532),
et il était entré en relations intimes avec Luther et surtout
avec Melanchthon. Il fut nommé professeur de grammaire
latine en 1544, et pendant la guerre de Sma]kalde(lo46-
1547), quand l'université se dispersa, il resta dans la
ville. 11 devint prédicateur à l'église principale en 1557,
et l'année suivante il fut nommé inspecteur ecclésiastique
de l'électorat de Saxe. Dans les discussions qui s'élevèrent
au sein de l'Eglise nouvelle, Paul Eber chercha toujours
à concilier les opinions extrêmes, maintenant avec fermeté
les points essentiels de la doctrine et laissant les détails à
la libre appréciation de chacun ; il pensa qu'il fallait éviter
avant tout, comme il le dit dans un écrit sur la Sainte
Cène (Wittenberg, 1562), « les vaines subtilités et les
disputes où l'on ne cherche qu'à faire assaut d'esprit ».
Lui-même considérait comme sa tâche spéciale la revision
de la version latine de l'Ancien Testament, dont il avait
été chargé par l'électeur, l^ne partie de ses sermons furent
publiés après sa mort. Ce qui lui a le plus longtemps sur-
vécu, ce sont ses cantiques ; le plus célèbre commence par
ces mots : « Seigaeur Jésus-Christ, vrai homme et vrai
Dieu, tu souffris pour moi le martyre et l'outrage. » Un
choix de ses œuvres se trouve au 8^ vol. de la collection
intitulée Leben und ausgewœhlte Schriften der Vœter
und Begrûnder der reformirten Kirche. A. B.
BiBL. : SiXT, Dr. Paul Ehei\ der Schûler., Freund und
Amtsgenosse der Reformatoren ; Heidelberg, 1843. — Du
même, Paul Eber, ein Stûck Wittenberger Lebens aus den
Jahren 1532-1569 ; Ansbach, 1857.
EBERBACH. Ville d'Allemagne, grand-duché de Bade,
cercle de Mosbach, sur le Neckar, au pied du Katzenbuckel ;
4,830 hab. Commerce de bois et de vin. C'est une ancienne
ville impériale qui finit par tomber aux mains des électeurs
palatins.
BiBL. : WiRTH, Geschichte der Stadt Eberbach; Stutt-
gart, 1864.
EBERBACH. Ancienne abbaye cistercienne, située dans
le Rheingau (district de Wiesbaden, Prusse). Fondée en
1116, occupée par les cisterciens en 1131, elle fut sécu-
larisée en 1803 ; il subsiste son église, le réfectoire à trois
nefs, les tombeaux de plusieurs archevêques de Mayence et
comtes de Nassau. Ses caves et les bâtiments du cloître,
transformés en cellier, abritent les récoltes des meilleurs
crus du Rheingau.
BiBL. : Baer, Diplomatische Geschichte der Abtei Eber-
bach; Wiesbaden, 1851-58, 2 vol.— Rossel, Urkunden-
buch der Abtei Eberbach ; Wiesbaden, 1861-65, 2 vol. —
Du même, Die Abtei Eberbach., dans Denkmœlern aus
Nassau ; Wiesbaden, 1862.
EBERHARD, duc de Franconie, tué près d'Andernach
en 939. Frère et dévoué partisan du roi Conrad (V. ce
nom), il fut vaincu en 915 sur la Diemel par le duc Henri
de Saxe, détermina l'élection de celui-ci comme roi à
Fritzlar (avr. 919). Il entra en conflit avec Otton P^, se
souleva, d'accord avec le frère de celui-ci, Thankmar, en
938, et fit prisonnier un autre frère du roi, Henri. En 939,
il s'associa au duc Gislebert de Lorraine, ravagea la Saxe
et périt dans une embuscade tendue par ses cousins, Conrad
et Udo. Il mourut sans héritiers, et avec lui disparut la
puissance de la première maison de Franconie.
EBERHARD. Comtes et ducs de Wurttemberg (V. ce
mot, § Histoire),
EBERHARD (Philippe), mathématicien zurichois, né en
1563, mort en 1627. On connaît de lui et de son conci-
toyen Zubler un rapport paru à Zurich en 1602 sur un
nouvel instrument géométrique dû à leur invention, ainsi
qu'un traité De Triangiilo.
EBERHARD (Johann-Paul), architecte et professeur de
mathématiques, né à Altona le 25 janv. 1723, mort à
Gottingue en \1%. Nommé professeur d'architecture à
Gôttingue en 1754, Eberhard a laissé les ouvrages sui-
vants : Description d'une nouvelle méthode d'arpentage
(Halle, 1753); Essai sur r architecture militaire (Gôt-
tingue, 1757); De VUtilité des mathématiques (RaWe,
1769); Etude sur les dépôts d'artillerie (1771), et Des-
cription des environs de Gôttingue (1793). Ch. L.
EBERHARD (Johann-August), philosophe et vulgari-
sateur allemand, né à Halberstadt le 31 août 1739, mort
à Halle le 6 janv. 1809. Son père, maître de chant et pro-
fesseur à Halberstadt, était un savant homme et fut son
premier maître. Après avoir étudié quelques années au
gymnase d'Halberstadt , le jeune Eberhard vint, en 1756,
étudier la théologie à l'université de Halle. Vers la fin de
l'année 1759, il retourna dans sa ville natale et devint pré-
cepteur de l'aîné des fils du baron von der Horst, auprès
duquel il resta en Westphalie pendant toute la durée de la
guerre de Sept ans. En 1763, il revint à Halberstadt et fut
nommé recteur adjoint de l'école Saint-Martin et second
prédicateur de l'église de l'hôpital du Saint-Esprit. Mais il
renonça bientôt à ces fonctions pour suivre son protecteur
à Berlin, où il fut admis dans la meilleure société et entra
en relations avec Nicolaï et Mendelssohn. Nommé, en 1768,
chapelain à l'asile de Rerlin, il se remit avec ardeur à
l'étude de la théologie, de la philosophie et de l'histoire.
En 1786, Eberhard fut nommé membre de l'Académie
des sciences de Berlin; en 1805, il reçut le titre de con-
seiller intime et, en 1808, un an avant sa mort, celui
de docteur en théologie de la faculté de Halle. Enfin il
publia, en 1772, sa Ëeue Apologie des Sokrates (Berlin
et Stettin, 2 vol. plusieurs fois réimprimés), où il combat
la théorie ecclésiastique d'après laquelle tous les païens
sont damnés faute d'avoir eu la foi. Persécuté pour cet
ouvrage, il accepta la cure de Charlottenburg (1774) et
consacra les loisirs que lui laissaient ses fonctions à pré-
parer un second volume de son apologie, où il énonçait les
théories les plus libérales sur la tolérance reHgieuse et sur
la critique des textes sacrés. Sa situation dans l'Eglise deve-
nant de plus en plus difficile, il consentit, non sans regrets,
à occuper la chaire de philosophie à l'université de Halle
(1778). Il n'eut, comme professeur, qu'un succès médiocre ;
il maniait difficilement les termes abstraits, et son débit
manquait d'assurance. Mais de cet enseignement résultèrent
divers ouvrages philosophiques. Déjà, en 1776, avait paru :
Allgemeine Théorie des Denkens und Empfindens. Il
publia successivement : Sittenlehre der Vernunft (1781-
86) ; Théorie der schônen Kilnste und Wissensch.
(1783-86-90); Vorbereitung zurnatïlrl. Theol, (Halle,
ilSl);Allgem. Gesch. der Philos. (Halle, 1788-96). En
même temps il entamait contre Kant une longue polémique,
prétendant que la critique de la raison pure n'avait rien
détruit de la philosophie de Leibniz et de Wolff*. Il fonda,
pour soutenir cette polémique, deux journaux : Das philo-
sophische Magazin (1787-95), et Philosophisches Archiv
(1793-95). La réponse de Kant (Durch eine Entwicklwig
durch die aile Kritik der reinen Vernunft durch die
altère entbehrlich gemacht werden soll^ 1790) fut désas-
treuse pour Eberhard, qui consacra le reste de ses jours à
des travaux moins exclusivement philosophiques : Allgem,
Synonymik der sinnvenvandten Wôrterder hochdeuts-
chen Sprache (1795); un excellent manuel d'esthétique
(Handbuch der Msthetik; Halle, 1803-5, 4 vol.) ; Der
Geist des Urchristenthums {id., 1808), et un grand
nombre de monographies dans divers recueils. Th. Ruyssen.
Parmi les écrits d'Eberhard, plusieurs intéressent par-
ticulièrement les musiciens, et l'on y trouve diverses
dissertations sur le mélodrame et sur des questions relatives
aux instruments à vent. Cette dernière a été publiée dans
le BerL mus. Wochenblatt., en 1805, p. 97, sous le
titre de Fragmente einiger Gedonken zur Beautwor^
tung einer Frage ûber die Blasinstrumente. Dans son
Manuel d'esthétique (Handbuch des Aesthetik), Eberhard
combat la théorie de Kant. qui réduit les impressions pro-
duites par la musique à un jeu de pures sensations. Le
premier, il consacra à la musique un développement scien-
tifique et philosophique. Dans la troisième partie de son
ouvrage, il traite de la théorie du beau dans cet art (pp. 66
et 123). Son principe fondamental reconnaît à l'homme le
— 228
EBERHARD — EBERS
sentiment inné des éléments de la musique que Texpérience
développe. Ces éléments sont classés dans cet ordre :
rythme, mouvement, intonation, mélodie, harmonie.
BiBL. : NicoLAi, GedàchtniszsclirlftaiirEberhard; Ber-
lin 1810. - Sprengel, WielamVs Neues Merhur, n» 4,
p. 283.
EBERHARD(K onrad) , sculpteur et peintre al lemand , ne a
Hindelang le 25 nov. 1768, mort à Munich le 12 mars 18^39.
Il se fit connaître par la perfection des ouvrages de sam-
teté (crucifix, autels, images de saints), qu'il exécutait
avec ses frères Konrad et Franz, devint élève de Boos et
se rendit à Rome (1806). Il exécuta dans le style classique
une Muse, un Faune, une Leda, Endymion et Diane,
devint professeur à l'Académie de Munich (1810), exécuta
le tombeau de la princesse Caroline (Munich, église des
Théâtins, l82o), passa au style gothique, mais imitant les
romantiques italiens, par exemple dans ses tombeaux des
évêques Sailer et Wittmann (cathédrale de Ratisbonne). Il
est l'auteur de poésies et de compositions musicales reli-
gieuses. — Son frère, Franz, né à Hindelang en 1767
mort aveugle le 18 déc. 1836, a souvent aidé Konrad; seul
il a exécuté divers ornements religieux, petits bas-reliefs en
albâtre, etc., très appréciés pour la grâce de la composition,
l'expression des physionomies et la délicatesse de l'exécution.
EBERHARD (Christian-August-Gottlob), écrivain alle-
mand, né à Belzig en 1769, mort à Dresde le 13 mai 1845.
Il s'essaya dans la théologie, les beaux-arts, la hbrairie, le
journalisme, obtint de réels succès dans la poésie. Il se
rattache aux vieux maîtres du xviii« siècle ; on peut citer
Hannchen und die Kilchlein (Halle, 1822), idylle vingt-
cinq fois rééditée. Ses œuvres complètes forment vingt
volumes (Halle, 1830-31). H publia avec Lafontame la
revue mensuelle Satina (Halle, 1812-16, 8 vol.), reprit
à la mort de son père, celle du Jarhrbuch der hàuslîchen
Andacht, Citons encore Der erste Mensch und die Erde
(Halle, 1828; 2« édit. 1834) et Vermischte gedichte
(Halle,' 1833, 2 vol.).
EBERHARDT (J.), peintre d'histoire et de genre alle-
mand du xix« siècle. On signale parmi ses ouvrages :
Lénore (d'après la Ballade de Burger) ; la Victoire de
l'amiral Ruijter sur les flottes anglaise et française;
le Printemps,
EBERL (Anton), pianiste et compositeur autrichien, né
à Vienne le 13 juin 1765, mortà Vienne le 11 marsl807.
Son père était un officier important de la cour impé-
riale, et le destina d'abord au barreau. Mais, dès l'âge
de seize ans, il composa deux opéras-comiques. Il fut re-
marqué par Gluck et se lia peu après avec Mozart. Voici
la liste sommaire de ses œuvres les plus marquantes : une
sonate en ut mineur, gravée sous le nom de Mozart, op. 47,
et publiée par Pleyel sous le titre de Dernière grande
Sonate de Mozart; neuf sonates pour le piano à deux et
quatre mains, une pour piano avec violon, publiées sépa-
rément sous des titres divers ; des variations sur des airs
célèbres, <?ntre autres sur un air de la Flûte enchantée,
celles-là publiées sous le nom de Mozart ; une cantate, la
Gloria d'Imeneo ; des trios et quatuors pour piano et
cordes, un quintette, trois quatuors pour deux violons, alto
et basse, des fantaisies, polonaises, concertos, sérénades
(l'une de ces sérénades est pour deux ténors, deux basses
avec alto, violoncelle et clarinette); des opéras, les Bohé-
miens, la Marchande démodes, la Reinedes Iles noires,
la Sorcière, Baudouin, comte de Flandre; quatre sym-
phonies à grand orchestre. A. Ernst.
EBERLE (Adam), peintre d'histoire allemand, né à Aix-
la-Chapelle en 1805, mort à Rome le 18 avr. 1832. Elève
de CorneUus, il suivit son maître de Dusseldorf à Munich.
En 1829, il partit pour Rome, où il mourut à peine âgé
de vingt-sept ans. Ses plus remarquables œuvres sont : la
fresque du plafond de l'Odéon de Munich, représentant
Apollon et les Bergers, et deux dessins, les Apôtres
saint Paul et saint Pierre sur la route de Rome, et
Jérusalem captive.
EBERLE (Robert), peintre animalier allemand, né à
Meersburg (Bade) le 22 juil. 1815, mort à Ebersing, près
de Munich, le 19 sept. 1860. Cet artiste excellait prmcipa-
lement dans la peinture des brebis. Ses œuvres principales
sont : le Berger foudroyé a côté de ses brebis (1842) ;
Brebis chassées dans un précipice par un aigle (1858).
EBERLE (Adolf), peintre de genre allemand, né a
Munich en 1843. Elève de Piloty, il débuta, en 1861, par
la Saisie de la dernière vache, qui se distingue par l'ac-
cent de la vérité et par la simplicité. Il peignit dans la
suite des Scènes populaires de la Haute-Bavière, la
Leçon de cithare, la Danse de la fiancée, la Prière à
table, le Premier Chevreuil, etc.
EBERLEIN (Georg), architecte et peintre décorateur
allemand, né à Linden (Bavière, Franconie moyenne) le
13 avr. 1819, mort à Nuremberg le 8 juil. 1884. Elève de
Heideloff", il décora une église de Stuttgart, la grande salle
du château de Cobourg, travailla (1840-44) à décorer les
châteaux de Lichtenstein (Wurttemberg) et de Landsberg
(près de Meininger), à la reconstruction du château de
Hohenzollern, de'la cathédrale d'Erfurt, qu'il orna de mo-
saïques, à la construction de Saint-Emmeran de Nuremberg,
de la seconde église protestante de Munich, etc.
EBERLEIN (Gustav), sculpteur allemand, né à Spie-
kershausen (près deMinden) le 14 juil. 1847. Orfèvre, il
étudia à Nuremberg, devint élève de Begas à Berlin et
voyagea en Italie. Il a exécuté des statues de Léonard de
Vinci, Platon, Hippocrate , une Victoire couronnant
r empereur, une Joueuse de flûte grecque, et surtout la
grande frise de la façade du ministère des cultes, longue de
45 m. (en pierre); depuis, un bas-relief colossal, le Génie
de r Allemagne (1883), Jeune Fille sacrifiant des tour-
terelles, une Psyché, une Bacchante (1884), etc. Une
certaine perfection d'exécution ajoute au charme de ces
œuvres gracieuses et vivantes.
EBERLIN (Johann-Ernst), célèbre organiste et compo-
siteur de musique sacrée, né à Jettingen, près de Giinzbourg
(Bavière), le 27 mars 1702, mort à Salzbourg le 21 juin
1762. Son vrai nom était Eberle. Il fut maître de chapelle
de la cour de Farchevêque de Salzbourg. Il a écrit une
suite de drames latins pour les étudiants du couvent des
bénédictins de Salzbourg, de nombreuses messes, des
hymnes, des motets, dont on trouvera la longue liste dans
la Biographie des musiciens de Fétis. Ses /X Toccate e
fughe per Vorgano, publiées à Augsbourg en 1747,
obtinrent un grand succès auprès des musiciens de son
temps. Clementi les a insérées dans sa collection de musique
d'orgue et de clavecin, mais Mozart estimait surtout les
pièces à quatre voix. En 1777, il en copia treize pour son
instruction et cette copie existe encore. Le style vocal de
ces motets est très noble, et l'harmonie pleine de modula-
tions savantes.
EBERNBURG. Village d'Allemagne, royaume de Ba-
vière, cercle du Palatinat Rhénan, à l'embouchure de l'Al-
senz, sur la Nahe; 606 hab. Station du chem. de fer de
Bingen à Kaiserslautern. Ruines du château qui fut la
résidence de Franz de Sickingen (V. ce nom).
EBERS (Karl-Friedrich), compositeur, né à Cassel, dans
laHesse,le 25 mars 1770, mort à Berlin le 7 sept. 1836.
Après avoir appartenu au corps de l'artillerie prussienne,
il se fit maître de musique dans une troupe ambulante,
puis devint compositeur de la chambre du prince de Meck-
lembourg-Schwerin (1797). Marié, puis divorcé, il reprit
sa vie errante, fut directeur de musique à Pesth, à Mag-
debourg, et vécut enfin dans la misère, à Leigzig d'abord,
jusqu'en 1822, puis à BerHn. Ses ouvrages comprennent
des opéras, Bella et Fernando, l'Ermite de Formen-
tera, Der Blumeninsel, Der Liebescompass ; des chan-
sons avec accompagnement de piano ; des rondos, thèmes
variés, sonates, pièces à quatre mains, valses, écossaises,
variations, ouvertures, polonaises, danses diverses pour
le piano ; des trios et sonates pour piano et flûte, six
marches pour deux clarinettes, deux hautbois, deux cors
!229 —
EBERS — EBERSMONSTER
et deux bassons ; d* autres pièces pour instruments à vent,
cors, clarinettes, cors de basset, etc. ; des solos et airs
variés pour flûte ; une symphonie. A. Ernst.
EBERS (John), libraire anglais et directeur de théâtre,
né à Londres vers 1785, mort à Londres entre 1830 et
1835. D'abord libraire à Londres, puis marchand de billets,
il prit, en 1820, la direction du King's Théâtre, où il
releva l'opéra italien, qui était tombé en pleine décadence.
Il obtint d'abord des succès considérables avec la Gazza
Ladra et plusieurs opéras de Rossini, puis il fit faillite en
1827. Il reprit alors son commerce de librairie. On a de lui
Seven Years of the King's Théâtre (Londres, 1828),
ouvrage utile pour l'histoire de l'opéra italien en Angle-
terre. R. S.
EBERS (Emil), peintre de genre allemand, né à Breslau
le 14 déc. 1807. Elève de l'Académie de Dusseldorf, où
il s'établit en 1830, cet artiste s'est fait connaître par
des scènes de la vie des contrebandiers, des matelots, des
pêcheurs, etc.
EBERS (Georg-Moritz), égyptologue allemand, né à
Berlin le 1^^ mars 1837. Elève de Brugsch, Lepsius et
Bœckh, à l'université de Berlin, privât docent à celle
d'Iéna (1865), il entreprit un voyage en Egypte et Nubie
(1869-70), professa à l'université de Leipzig (1870-72),
repartit pour l'Egypte, où il fit plusieurs trouvailles, entre
autres celle dnPapyrus Ebers^ dans la nécropole de Thèbes.
Ses principaux travaux scientifiques sont : Disquisitiones
de dynastia vicesima sexta regum œgyptiorum (Ber-
lin, 1865); Aegypten und die Bûcher Mosis (Leipzig,
1868) ; Durch Gosenzum Sinai (Leipzig, 1872) ; l'édi-
tion de son Papyrus^ très intéressant pour l'étude de la
médecine des anciens Egyptiens (Leipzig, d875). Il a, en
outre, rédigé un ouvrage de luxe, Aegypten in Wort
und Bild (Suttgart, 1880, 2 vol., 2« éd.) ; un guide, Ci-
cérone durch das alte und neue Aegypten (Stuttgart,
1886, 2 vol.) ; une biographie de Richard Lepsius (Leip-
zig, 1885). Il a eu encore plus de succès comme roman-
cier que comme savant. Ses romans historiques, très bien
écrits, où l'intérêt archéologique est soutenu par une
psychologie et une mise en scène habiles, sont très popu-
laires en Allemagne. Le premier, Eine œgyptische Kœnig-
stochter (Stuttgart, 1864), était, en 1883, à sa onzième
édition ; non moindre fut le succès des suivants : Uarda
(Stuttgart, 1877, 3 vol.); Homo sum (Stuttgart, 1878);
Die Schwestern (Stuttgart, 1879); Der Kaiser (Stutt-
gart, d880, 2 voL); Serapis (Stuttgart, 1885) ; ils se
rapportent aux différentes périodes de l'histoire égyptienne
jusqu'au moment du triomphe du christianisme; Eine
Frage (Stuttgart, 1881) est une idylle dont la scène est
dans l'ancienne Grèce ; celle de deux autres romans est
dans les Pays-Bas et l'Allemagne du xvi® siècle : Die Frau
Burgemeisterin (Stuttgart, 1881); Ein Ifor^ (Stutt-
gart, 1882).
EBERS BAC H. Ville d'Allemagne, royaume de Saxe,
cercle de Bautzen ; 6,931 hab. On y fabrique surtout des
cotonnades multicolores pour l'Orient ; deux lignes ferrées
s'y croisent près de la frontière de Bohême.
EBERSBERG. Village d'Allemagne, royaume de Ba-
vière, province de Haute-Bavière; 1,584 hab. Ancien cou-
vent de bénédictins fondé en 990, célèbre au xi« siècle,
occupé par les jésuites de 1595 à 1773, grand prieuré jus-
qu'en 1803. C'est encore un lieu de pèlerinage.
EBERSBERG (Johann-Siegmund), écrivain autrichien,
né à Steinabrunn (Basse-Autriche) le 22 mars 1799, mort
à Bernais, près de Vienne, le 27 oct. 1854. Précepteur dans
des familles aristocratiques, il publia Feierstunden (1824),
puis OEsterreichischen Zuschauer (1831), revue pour
les enfants. Réactionnaire passit)nné, il dut suspendre sa
publication en 1848. On a réuni une partie de ses écrits
sous le titre : Erzœhlungen filr meine Sœhne (Vienne,
1835, 8 vol.). — Son fils aîné, Karl-Julius, né à Vienne
le 7 sept. 1831, mort à Vienne le 4 avr. 1876, profes-
seur à l'académie militaire de Wiener-Neustadt, a publié
plusieurs récits militaires : Aus dem Wanderbuch eines
Soldaten (Stuttgart, 1855) ; Am Wachtfeuer (1856);
Haus, Hof und Staatsgeschickten (1869, 3 vol.), etc.
— Son second fils, Ottokar-Franz (frère du précédent),
né à Vienne le 10 oct. 1833, mort aliéné le 16 janv.
1886, se fit connaître comme auteur dramatique sous le
pseudonyme d'O.-F. Berg, Il a écrit, à partir de 1854,
environ cent cinquante pièces, dont beaucoup ont eu jus-
qu'à cinquante et soixante représentations ; quelques-unes,
adaptées par Kalisch, ont eu à Berlin jusqu'à cent et deux
cent cinquante représentations {Ein Wiener Dienstbot^
transformé en Berlin^ voie es weint und lacht^ et Einer
von unsere Leut'). Citons encore : Die Pfairerskœchin,
Die alte Schachtel^ Verlassene Kinder, Die Probier-
mamsell, Der letzte Nationalgardist, Nemesis, Das
Mœd'l ohne Geld, Der deutsche Bruder, Ein Wort an
den Beichsrat, Der barmherzige Brader, Eine resolute
Person, Wiener und Franzos, etc. Ces comédies légères,
dont la plupart confinent à la farce, ont dû leur vogue
autant à l'esprit de l'auteur qu'à sa connaissance des goûts
et des travers des classes populaires et de la petite bour-
geoisie. On a comparé l'auteur à Goldoni. Il eut, d'ailleurs,
plusieurs collaborateurs, dont Bittner. Il a rédigé un grand
nombre d'articles de journaux, d'almanachs, publié des
revues satiriques, Tritsch-Tratsch (iSi^9),i^ms Kikeriki,
enfin créé, en 1872, Das illustrierte Extrablatt.
EBERSDORF. Bourg d'Allemagne, principauté de
Reuss (branche cadette) ; beau château; dans le voisinage,
le rocher de Heinrichstein, qui domine la Saale de
130 m., et le château de Bellevue. Ce fut une seigneurie
au profit d'une branche de la maison de Reuss, la branche
Reuss-Lobenstein s'étant divisée en trois en 1678. Le
prince de Reuss-Ebersdorf bâtit le château en 1690. Ses
descendants héritèrent des deux autres rameaux, Hirschfeld
et Lobenstein. En 1848, le prince Henri abdiqua au profit
de son beau-frère de la ligne de Schleiz (V. Reuss).
EBERSDORF. Village d'Allemagne, royaume de Saxe,
cercle de Zwickau ; belle église, ancien pèlerinage.
EBERSDORF ou Kaiser-Ebersdorf. Bourg de la Basse-
Autriche (cercle de Bruck), au confluent de la Schwechat
et du Danube; 2,560 hab. Il possède un port important
sur le Danube. Auprès est le grand cimetière de Vienne.
En 1809, Napoléon y tint son quartier général (au Thur-
nelhof) avant de faire passer son armée dans Tîle Lobau.
C'est l'ancienne Ala nova, résidence de la 14^ légion ro-
maine. Le château où résidèrent souvent les empereurs, à
partir de Maximilien, était placé au centre de leurs régions
de chasse. l\ fut agrandi par Ferdinand I*'* (1558-61).
Plus tard on l'affecta au logement des fiancées impériales.
Marie-Thérèse, ayant adopté Schœnnbrunn comme rési-
dence d'été, donna Ebersdorf aux pauvres, mais Joseph II
en fit une caserne.
EBERSHEIM {villa Ebrotheim, 725). Como de la
Basse-Alsace, arr. et cant. de Schlestadt, sur la ligne de
ch. de fer de Strasbourg à Bâle; 1,892 hab.; tissage de
coton ; malterie. — Antiquités gallo-romaines : l'ancienne
station d'Ehl (V. Benfeld) faisait autrefois partie du terri-
toire de cette commune. D'après la légende, Sigebert, fils de
Dagobert, vers l'an 675, aurait été blessé par un sanglier
{Eber), en chassant dans ces environs ; de là le nom d'Eber-
sheim (V. Arbogast, t. III, p. 567, col. 2). — A 2 kil. au
N.-E., s'élevait la célèbre abbaye d'Ebersmiinster (V. ce
nom). L. W.
BiBL. : Grandidier, Œuvres hist, inëd., V, pp. 362-365.
E B ERS M Ù N STE R {Ebersheimmûnster, Aprimonas-
terium). Com. de la Basse-Alsace, arr. et cant. de Schle-
stadt, sur rill; 668 hab. Eglise du xvm® siècle avec trois
clochers ; antiquités romaines ; tumuli ; possédait autre-
fois une célèbre abbaye de bénédictins que le duc Adalric
d'Alsace doit avoir fondée au vii<^ siècle dans une île formée
par deux bras de l'Ill, sur l'emplacement de l'ancien iVo-
viantum, où saint Materne aurait détruit un temple dédié
à Mercure (cf. sur le caractère légendaire de ces origines,
EBERSMiJNSTER - EBERT - ^30 -
Beatus Rhenanus, Rer. germ., lib. III, p. 148). L'abbaye,
mise sous la protection des évêques de Strasbourg en HbU,
céda à ces derniers au xii^ siècle le village d'Ebersmunster
qui, dès lors, fut compté au nombre des villes. En lb4U,
ses murs furent détruits et l'abbaye fut brûlée (cf. Zeiler,
Tomqraphia, p. 15). Sur les nombreux diplômes relatits
aux riches fondations de l'abbaye et attribués à des prmces
mérovingiens et carolingiens, V. Grandidier, Histoire de
VEqlise de Strasbourg, vol. I et IL ^ . ^' r^'
BiBL. : Chronicon Novientense «eu Ebersheimensis mo-
nasterii, commencé en 11.63, terminée en 1235 et p^Dlie
nar Grandidier (p èces justificatives du t. 11 de iHist.
8^ïfsace)- Grandidier, Hist. de l'Eglise de Strasbourg;
Strasbourg, 1777, I, pp. 367-376. T.P^.^'^^^^'^fJllf
inédites: Colmsir, 1865, V, pp. 365-368. — Eug. Muller,
Ebersmitnster ; Strasbourg, 1842 - Glo^ckler, Geschichte
des Bisthums von Strassburg, II, p. ^4d. , , . ,,
EBERSTADT. Ville d'Allemagne, grand-duche de Hesse,
prov. de Starkenburg, à 7 kil. S. de Darmstadt; 3,485 hab.
Non loin, les ruines de Frankenstein, , ^ ,
EBERSTEIN. Ancienne seigneurie de la Souabe, qui
ioua un certain rôle du xi^ au xiii« siècle. Dévoués aux
Hohenstaufen, les comtes d'Eberstein prirent part aux
guerres. Leur centre était le château d'Alt-Eberstem,
dans la Forêt-Noire, aux frontières de Bade et de Wurt-
temberg. Le comté, qui avait environ d6 kil. de long sur
4 de laree et comprenait la ville de Gernsbach, eut en-
suite pour chef- lieu le château de Neu-Eberstem,
au-dessus de la Murg. Le château passa aux margraves
de Bade dès lexiii^ siècle. Les comtes d'Eberstem, dont le
plus célèbre est Wolfgang, adversaire résolu des comtes de
Wurttemberg, se divisèrent en deux lignes, protestante et
catholique, et s'éteignirent en 1660. - Il y eut en Fran-
conie dans le Rhôn, un autre château et une autre tamille
d'Eberstein ; elle fut mêlée dès le xii« siècle aux allaires
de l'Allemagne du Nord et de la maison de Brunswick ;
elle eut des branches en Poméranie (éteinte en 1663), en
Saxe (éteinte au xv« siècle). Le plus connu àe #es comtes
est Ernst-Albreckt (1605-1676), qui se distingua dans la
cTuerre de Trente ans et devint lieutenant feld-marechal
impérial, puis entra au service des Danois et défit les
Suédois à Nyborg (1659) et enfin devint généralissime des
^Tb^. •TR"Ef;oN HocHEELDEN, Geschichte derGrafen
von Eberstein und ihrer Besitzungen; Arolsen, 183d.
EBERSTEIN (Wilhelm-Ludwig-Gottlob, baron von), phi-
losophe allemand, né à Mohrungen, près de Sangerhausen,
le 10 nov. 1762, mort à Mohrungen le 4 fevr. IbOi).
Esprit peu original, il ne s'est guère écarté, en philosophie,
du point de vue d'Eberhard. Mais, comme historien de la
philosophie, il a un réel mérite. Son principal ouvrage
Versuch einer Geschichte der Logik und Metaphysik
der Deutschen bis auf die gegenwârtige Zeit (Halle,
1794-1799, 2 part.), se distingue parla richesse de 1 éru-
dition et l'impartialité de l'exposition. Comme Eberhard, il a
soutenu contre Kant la philosophie de Leibniz simplifiée et
éclaircie par Wolff ; mais il a apporté dans cette polémique
plus de sens critique qu'Eberhard (cf. son opuscule, Ueber
meine Parteilichkeit vorzûglich einen Widerspruch
des Herrn Kant betreffend, 1800). Eberstein a encore
publié : Beschaffenheit der Logik und Metaphysik bei
denreinenPeripaietikern (1800) ; DieNatûrl. TheoL
der Scholastiker (1803), le meilleur livre que nous pos-
sédions sur ce sujet. ,'^^\ ,lSf^*o q
BiBL. : Intelliqenzbl. zur Leipz. Litterahirztg.,m5.n^9,
pp 139-144. - RosENKRANz, Gesch. d. Kantschen PhiL,
84Ô, p. 240. . , , . . , j .
EBERSTEIN (Carl-Christian) , écrivain suédois, ne a
Lund le 23 mars 1794, mort à Vestra-Krarup le 16 mars
1858. Fils d'un professeur de Lund, qui fut évêque de
Visby (1813-1838), et qui publia de nombreux ouvrages
de théologie, il futdocent (1812), adjoint en grec (1815)
à la même université et obtint, en 1821, le titre de pro-
fesseur ; mais, ayant été ordonné prêtre (1823), il devint
pasteur de Visseltofta (1824), puis de Vestra-Krarup
(1835). Outre six dissertations et des prêches, ainsi que
la première Matricule du diocèse de Visby (1836), il
publia divers volumes de poésies : Mes Passe-temps (Hel-
singborg (1826) ; Mes Fleurs d'automne (1853, 1860,
2 vol.); l'Evêque (1853), satire contre Tévêque Faxe;
le Moine bourru (1854), calendrier. B-s.
EBERSWALDE. Ville d'Allemagne, royaume de Prusse,
prov. de Brandebourg, à 45 kil. E. de Berlin, au confluent
du canal Finow et de la Schwsertze ; 11,524 hab. Com-
merce de bois, scieries, briqueteries, fabrication de ciment,
de tuiles, etc. Dans le voisinage, grandes papeteries de
Spechthausen et Wolfswi7ikel ; ancien couvent cistercien
de Chorin. Eberswalde est le siège de l'académie ou école
forestière prussienne. La ville reçut sa charte en 1257.
En 1747, elle fut agrandie par l'immigration des Thurin-
giens. Elle prit le nom de Neustadt, qu'elle garda jusqu'en
1877.
BiBL. : Bellermann, Beschreibung der Stadt Neustadt-
Eberswalde ; Berlin, 1829. — Danckelmann, Die Forst-
akademie Eberswalde; Berlin, 1880.
EBERT (Johann- Arnold), poète et traducteur allemand,
né à Hambourg le 8 févr. 1723, mort à Brunswick le
19 mars 1795. Il se lia, jeune encore, avec le poète Hage-
dorn. Il se destina d'abord à la théologie ; mais, une de ses
poésies lui ayant attiré un blâme de l'autorité ecclésias-
tique, il se tourna vers les lettres. Il fut un des collabo-
rateurs de la revue intitulée Bremer Beitrœge, oii débuta
Klopstock. Il fut chargé, en 1748, d'un cours d'anglais au
Carolinum de Brunswick, et nommé successivement pré-
cepteur du prince Charles-Guillaume-Ferdinand, professeur
titulaire et conseiller aulique. Ebert a publié un recueil de
ses poésies sous ce titre Episteln und vermischte Ge-
dichte (Hambourg, 1789; nouvelle éd. en 2 vol., avec
une biographie, par Eschenburg, 1795). Ses traductions des
Nuits d'Young et du Leonidas de Glover eurent un grand
succès.
EBERT (Friedrich-Adolf), bibliographe et littérateur
allemand, né à Taucha, près de Leipzig, le 9 juil. 1791,
mort à Dresde le 13 nov. 1834. Secrétaire de la biblio-
thèque royale de Dresde en 1814, bibliothécaire à celle
de Wolfenbuttel en 1823, il revint en la même quahté à
Dresde en 1825, et fut chargé de la direction de ce riche
dépôt en 1828. H débuta dans la bibliographie par celle des
éditions du Tasse, à la suite d'un essai sur ce poète,
d'après Ginguené (Leipzig, 1819). Puis il publia: DieBil-
dung des Bibliothekars (1820) ; Geschichte und Be-
schreibung der KônigL ôffentlichen Bibliothek zu Dres-
den (1822). Mais son ouvrage capital est une bibliographie
générale, sur le modèle du Manuel de Brunet, adaptée aux
besoins du public allemand (Allgemeines bibliographie
sches Lexicon; Leipzig, 1821-30, 2 vol. in-4). On lui
doit encore un bon travail sur la connaissance des manus-
crits : Zur Handschriftenkunde (1825-27, 2 vol. in-8),
et des ouvrages historiques, tels que : Leben Napoléon
Bonaparte' s (\S\1); Die Kulturperioden des obersdch-
sischen Mittelalters (DresAQ, 1825) ; Ueberlieferungen
zur Geschichte, Litteratur und Kunst der Vor- und
Mitwelt (Dresde, 1825-26, 2 vol.), etc. Il mourut des
suites d'une chute du haut d'une échelle à la bibliothèque
même dont il était le chef. ^' P-i»
EBERT (Karl-Egon, Ritter von), poète allemand, né à
Prague le 5 juin 1801, mort à Prague le 24 oct. 1882.
Son père était avocat et chargé de l'administration des do-
maines de la maison de Fiirstenberg. Ayant fait ses études
à Prague et à Vienne, Ebert devint bibliothécaire et
archiviste du prince Karl-Egon de Fiirstenberg. H résigna
ces fonctions en 1857, et ne s'occupa plus que de ses
travaux littéraires. Il fut élevé au rang de chevalier par
l'empereur d'Autriche, en 1871. Egon Ebert s'essaya d'abord
au théâtre, mais il fut surtout connu par ses œuvres lyriques
et épiques: Poésies (Prague, 1824); Poèmes (Prague,
1828, 2 vol.; 3'^ éd., 1845) ; Wlasta, épopée nationale
de la Bohême en trois livres (Prague, 1829) ; le Monas-
tère, idylle en cinq chants (Stuttgart, 1833). La pensée
231 —
EBERT - ÉBIOiNlTES
commune qui inspire ces ouvrages est la restauration des
vieilles légendes nationales et religieuses de la Bohême.
Les poésies dénotent un sentiment profond, avec un pen-
chant à la tristesse méditative. Les poèmes retracent de
préférence des aventures tragiques ; la philosophie qui s'en
dégage est la résignation aux arrêts du destin ; les carac-
tères sont empreints d'une sorte d'héroïsme violent et
sombre. Pour la forme, Egon Ebert se rapproche d'Uhland.
Parmi ses dernières productions dramatiques, il faut citer
surtout : Bretislaw et Jutta (1829) et le Vœu (1864). Il
a publié encore un recueil de poésies sous le titre de Pensées
pieuses d'un laïque (Leipzig, 1859), et un petit poème,
la Femme du magyare (Vienne, 1865) ; Poetische Werke
(Prague, 1877, 7 vol.) A. B.
EBERT (Adolf), philologue allemand, né à Cassel le
1^^ juin 1820, mort à Leipzig le 1^^ juil. 1890. Il étudia
d'abord au gymnase de Cassel ; puis il suivit, de 1840 à 1844,
les cours des universités de Marbourg, Leipzig, Gœttingue;
dès cette époque, il se consacra à l'étude des littératures ro-
manes. Ses thèses portèrent sur les littératures espagnole et
italienne. Appelé à l'université de Marbourg, il y professa
l'histoire des littératures romanes, de 1849 à 1862, date
à laquelle il passa à l'université de Leipzig. Ebert s'est
surtout attaché à l'étude des rapports des littératures ro-
manes avec les littératures germanique et latine du moyen
âge ; il s'est efforcé de rattacher ces littératures aux mœurs,
aux institutions, aux idées du temps. Il a écrit : Quellen-
jorschungen ans der Gesch. Spaniens (Cassel, 1849);
Handb, der ital. national Litteratur (Marbourg, 1854) ;
Entwickelungsgesch. der franzôs. Tragôdie (Gotha,
1856); et surtout Allgem. Gesch, der Litteratur des
Mittelalters im Abendl., ouvrage très estimé dont les
trois premiers volumes ont seuls paru, de 1874 à 1887,
et ont été traduits en français au fur et à mesure par
MM. Aymeric et Condamin. Il a fondé, en 1859, avec
M. F. Wolf, le Jarbruch fur romanische und englische
Litteratur, continué depuis (jusqu'en 1876) parLemcke,
et dont l'apparition fait date dans l'histoire de la philo-
sophie romane. Th. Ruyssen.
EBERT (Karl), paysagiste allemand, né à Stuttgart le
13 oct. 1822. Elève de l'Académie de Stuttgart et de Stein-
kopf, il quitta le style classique pour aborder une manière
plus réaUste. On cite parmi ses ouvrages ; Forêt de hêtres
à travers laquelle passe un troupeau de brebis (iSli) ;
l'Entrée de la forêt dans les montagnes (1874) ; In-
térieur de forêt (1874) ; Forêt de châtaigniers dans
le TiroL
EBERTÏ (Félix), écrivain allemand, né à Berlin le
26 janv. 1812, mort à Arnsdorf le 7 juil. 1884 ; profes-
seur à l'université de Breslau (1854). Parmi ses écrits
nous citerons : Die Gestirne und die Weltgeschichte
(Breslau, 1846; 3^ éd., 1874); des biographies de
W. Scott (Leipzig, 1860) ; de Byron (Leipzig, 1862) ; Ge--
schichte des preussischen Staats (Breslau, 1866-73,
7 vol.) ; Jugenderinnerungen eines alten Berliners
(Berlin, 1878).
EBERWEIN(Traugott-Maximilian), musicien allemand,
né à Weimar le 27 oct. 1775, mort à Rudolstadt le 2 déc.
1831. A sept ans, il figurait comme violoniste dans la
chapelle du prince ; il jouait d'ailleurs de presque tous les
instruments. En 1797, il était musicien auprès du prince
de Schwarzbourg-Rudolstadt; en 1803, il commença de
voyager en Allemagne et en Italie ; en 1809, il dirigea la
chapelle de Rudolstadt, et, en 4817, il reçut sa nomination
officielle à ce poste. Il voyagea beaucoup, contribua à l'ins-
titution des fêtes musicales en Allemagne, et s'occupa aussi
de philanthropie, de médecine, d'économie politique. Il a
beaucoup produit ; on lui doit des cantates et hymnes
pour la Pentecôte, la fête de la Moisson, la Trinité, la fête
de la Réformation ; une messe solennelle en la bémol ;
des Te Deum, des psaumes; des opéras et opérettes, Pe-
dro ed Elvira, Ferdusi, Claudine de Villabella, Jéru-
salem délivrée, la Foire annuelle de Plaudersweder,
le Tournoi, le Réseau d'or, le Nid de cigognes, la Prê-
teuse, la Lune, le Chêne creux ; une grande ouverture,
Macbeth ; des quatuors, variations, concertos, entr'actes,
une symphonie, des chansons, des canons, etc. A. Ernst.
EBERWEIN (Karl), musicien, frère du précédent, né à
Weimar le 10 nov. 1784, mort à Weimar le 2 mars 1868.
Il fut élève de son père et de son frère, se mit à composer et
devint également un virtuose très habile sur le violon. Ses
ouvrages pour le théâtre sont : Die Heerschau, Der Graf
von Gleichen, Léonore von Holtée, le Marchand d'orvié-
tan, le Fils du riche, une ouverture et de la musique
de scène pour le Faust de Gœthe ; une ouverture pour le
monodrame lyrique du même poète, Proserpine, des
entr'actes pour plusieurs autres pièces. On a aussi de lui
des cantates, des cantiques, un oratorio, le Jeune Homme
de Naïm, des quatuors, duos, concertos, chants divers, etc.
Sa femme s'est fait remarquer comme cantatrice, surtout
dans Fidelio et Don Juan. A. Ernst.
EBGAL. Tribu de l'Afrique orientale, peuplade des 5o-
malis Issa (V. ce mot).
EB6HIGH ou BEGHIGH. Petit village d'Egypte dans
la province du Fayyoum, à 3 kil. S.-O. de Medinet-el-
Fayyoum. Cette localité n'est connue qu'à cause de l'obé-
lisque de granit qui s'y trouve. Ce monolithe de 13 m. de
hauteur a été renversé et brisé ; il date de la xii® dynastie.
EBHARDT (Gotthilf-Friedrich), organiste allemand, né
à Hohenstein, dans la principauté de Schœnbourg, en 1771.
Il fut organiste à Greitz, puis en 1807 à Schleitz. Ses
compositions de musique sacrée sont nombreuses : chorals
d'orgue, cantates, messes et motets. On n'a édité qu'une
suite de Préludes pour V orgue (Leipzig). Il a publié
aussi trois traités de théorie musicale, dont on trouvera les
titres développés dans la Biographie des musiciens de
Fétis.
E B I N G E N . Ville d'Allemagne, royaume de Wurttemberg,
cercle de la Forêt-Noire, sur la Schmieche ; 5,555 hab.
Draps, velours de coton, etc.
EBIONITES. Au mot Christianisme (t. XI, pp. 273 et
suiv.), nous avons indiqué les dispositions de la plupart des
juifs qui crurent en Jésus-Christ, leur attachement à la loi et
au culte de leurs pères et leur répugnance à admettre des
incirconcis parmi eux. L'Evangile pour eux n'étant point
une religion nouvelle, mais le complément, l'accomplisse-
ment de l'ancienne, ils considéraient la circoncision comme
une condition nécessaire de la participation aux espérances
messianiques. Ces espérances mêmes avaient gardé chez
eux leur caractère national, et ils en attendaient la réali-
sation au retour prochain du Christ (V. Chiliasme). La
décision de la conférence de Jérusalem, qui dispensait les
gentils de la circoncision, tout en la laissant obligatoire
pour les Israélites, ne pouvait mettre fin ni à leurs préfé-
rences ni à leurs répugnances. Ceux qui tenaient la cir-
concision et les observances rituelles et légales comme
indispensables pour les juifs devaient tout naturellement
s'efforcer de les faire adopter par les gentils. Aussi les
voit-on entreprendre, dans ce but, une sorte de contre-
mission dans les contrées que Paul avait évangélisées ; et,
pendant plusieurs générations, on trouve des indices mani-
festes de cet antagonisme : vénération de la personne et
de l'œuvre de Pierre et de Jacques, réprobation haineuse
de la personne et de l'œuvre de Paul. — Primitivenient,
tous ceux qui croyaient en Jésus s'appelaient eux-mêmes
les frères, les disciples, les fidèles. Lorsque l'omissiop
de la circoncision, révélant une innovation radicale, induisit
le peuple d'Antioche à donner aux nouveaux croyants le
nom de chrétiens, les ïrères ({ni font l'objet de cette notice,
prétendant rester purs Israélites, n'acceptèrent point ce nom
grec, qui dénonçait la rupture de l'ancienne alliance. Il est
vraisemblable que ce fut pour se distinguer de ceux qui
sortaient de l'ordonnance d'Israël, qu'ils adoptèrent un nom
appartenant à leur langue. Ils s'appelèrent les ébionites,
ébiônim , c.-k-à. les' pauvres, nom vénéré dès avant
Jésus-Christ, parce qu'il était porté par toute une classe
ÉBIONITES - EBLES
^'d'I —
d^israélites pieux, épris de renoncement, d'humilité et de
résienation, attendant avec une ardente confiance la venue
du royaume de Dieu, mais fermement attachés aux tradi-
tions du judaïsme. C'était parmi eux que l'Evangile avait
trouvé dès le commencement ses auditeurs les plus sym-
pathiques.—Irénée est le premier des écrivains catholiques
qui mentionne ce nom. Hippolyte ou l'auteur, quel qu'il
soit, des Philosophoumena, Tertullien, Origène, Eusebe,
Epiphane, Jérôme l'ont reproduit après lui, en y attachant
des interprétations dédaigneuses ou bizarres. Suivant les uns,
les ébionites tiraient leur nom de la pauvreté de leur mtel-
lieence; suivant les autres, delà pauvreté de leurs concep-
tions concernant le Christ ; ou encore, suivant d'autres,
d'un hérésiarque nommé Ebion et disciple de Cérinthe.
Il est vraisemblable qu'au commencement la plus grande
partie, sinon la totalité des ébionites, se soumirent à la
décision de la conférence de Jérusalem qui avait exempte les
f^entils de la circoncision, tout en la laissant obligatoire
pour les juifs. Il est vraisemblable aussi que pour pourvoir
à l'accomplissement de cette obligation et pour garder en-
vers le culte d'Israël la fidélité dont les apôtres avaient
donné l'exemple, ils durent établir des synagogues exclu-
sivement composées de circoncis et répudiant tout ce qui
aurait pu impliquer un reniement des traditions fondamen-
tales du judaïsme. Ces congrégations se trouvèrent isolées
à l'égard des juifs qui persistaient à condamner Jésus et
son œuvre, et à l'égard des Eglises chrétiennes recrutées
parmi les gentils. Profondément pénétrées de l'idée juive
sur l'indivisible et incommutable unité de Dieu, étran-
gères au besoin de déification qui tourmentait les païens
et aux spéculations théologiques qu'il sollicitait, elles gar-
dèrent sur la personne de Jésus-Christ les conceptions
exprimées par saint Pierre dans les Actes des Apôtres ;
elles estimaient que toute la maison d'Israël devait re-
connaître comme Seigneur et Christ le Jésus qui avait ete
crucifié (il, 36) ; mais Jésus le Nazaréen n*était pour eux
qu'un homme approuvé de Dieu, par les effets de puissance,
par les merveilles et les miracles que Dieu avait faits par
lui (22); il avait reçu du Père le saint esprit promis (33);
il avait été livré par la volonté déterminée et la prescience
de Dieu (23); mais Dieu l'avait ressuscité (24). Et ils
attendaient son retour. Des conceptions analogues se trou-
vent dans le même livre (m, 13, 22; iv, 27, 28; vu, 37;
X, 38; XIII, 23; xvii, 31). Elles semblent bien être les
seules qui pussent se former dans les premières années de
l'ère chrétienne chez la plupart des juifs qm avaient connu
Jésus vivant parmi eux et soumis à toutes les conditions de
l'existence humaine.— On donne généralement à ces ébio-
nites le nom de Nazaréens. Demeurant fixés au point de
départ, ils se trouvèrent de plus en plus éloignés des Eglises
chrétiennes, à mesure que celles-ci s'éloignaient de la toi
et de la pratique des premiers jours. Saint Jérôme dit que
de son temps (331-420) ils formaient des synagogues que
les juifs considéraient comme hérétiques et dans lesquelles
on professait la foi en Jésus-Christ, fils de Dieu, ne de la
Vierge Marie, crucifié sous Ponce-Pilate et ressuscite; Sed
dum volunt et judœi esse et Christiani, nec judœi
sunt nec Chrisiiani (Epist. LXXXIX ad August.), Ils
se servaient d'un livre qui présentait disecV Evangile selon
sai nt Mathieu une ressemblance si grande que saint
Jérôme le prit pour le texte hébreu et original de cet
évangile. En ce temps-là, ils étaient répandus dans la région
de Bérée, la Célésyrie, la Décapole, la Batanée, la Moabi-
tide,etc. Leurs églises ou leurs synagogues se maintinrent
jusqu'au vii« siècle, époque où elles furent submergées par
l'invasion mahométane.
On réserve ordinairement le nom à' ébionites à une secte
qui paraît avoir eu la même origine que les Nazaréens et
qu'on retrouve dans les mêmes contrées, mais qui se dis-
tinguait par un attachement plus étroit au judaïsme. Pour
eux, la loi et les prophètes subsistaient avec une immuable
autorité. Ils n'admettaient nullement les incirconcis à la
participation des espérances messianiques. Jésus était le
fils de Joseph et de Marie, selon les conditions ordinaires
de toute génération humaine; le descendant de David, non
le fils de Dieu. Mais, à l'heure de son baptême, il avait été
l'objet d'une élection spéciale et d'une onction divine qui
avaient fait de lui le Christ. Le caractère le plus mamfeste
de sa vertu et la condition de sa puissance avaient été le
parfait accomplissement de la loi. Il avait dit qu'il était
venu, non pour aboUr la loi et les prophètes, mais pour les
accomplir ; il avait affirmé que, jusqu'à ce que la terre et le
ciel passent, il n'y aura rien dans la loi qui ne s accom-
pHsse, jusqu'à un seul iota et un seul trait de lettre (Ev,
s. Ma^teîi,v, 17-18); il avait recommandé à sesdiscipes
d'être ses imitateurs. Par conséquent, ses vrais disciples
étaient, suivant eux, les ébionites, qui obéissaient à cette
recommandation en observant tout ce que lui-même avait
observé.— Les ébionites avaient leur littérature propre,
comprenant des documents sur les premiers temps du
christianisme et des travaux importants de traduction et
d'interprétation des livres saints. La plupart des pertec-
tionnements apportés à la version des Septante sont dus a
la version ébionite de Symmaque. — Pour les ébionites
qui dérivèrent du côté de l'essénisme et du gnosticisme,
Y. ElKÉSÂÏTES. ^ E.-H. VOLLET.
RiBL • Lipsius, Die Quellen der altester Ketzerge-
<ichichiê 1875, in-8.- Schliemann, Die Clementinen.lhU.
- RiTScnL,Enesfehurig der all-katoUischen Kirche, 1857.
_ Renan, les Evangiles, 1877.
ÉBISELER (Menuis.). Taille en biseau que donnent
les ouvriers aux planches pour former certains assem-
blages et pour assurer la parfaite adhérence des pièces
dont se compose leur ouvrage. , , , «
ÉBLÉ (Jean-Baptiste, comte), gênerai français, ne a
Saint-Jean-de-Rohrbach (Moselle) le 21 déc. 1758, mort
àKœniesbere le 31 déc. 1812. Dès 1 enfance, il entra
comme canonnier au régiment d'Auxonne, où son père
servait comme officier. Devenu lieutenant en 1785, il tut
attaché pendant plusieurs années à la mission mihtaire de
M de Pommereul à Naples, rentra en France au commen-
cement de 1792, fut nommé capitaine et commanda avec
distinction l'artillerie de l'avant-garde dans 1 armée de Du-
mouriez. Les services signalés qu'il rendit à Hondschoote,
à Dunkerque et à Wattignies, lui valurent, des e i5 oct.
1793 le grade de général de division. Place a la tête de
l'artillerie dans l'armée du Nord (1794-1795), dans 1 ar-
mée de Rhin-et-Moselle (1795-1797), puis dans 1 armée
de Rome et de Naples (1798-1799), il montra partout le
même sans-froid, la même habileté. Après avoir puissam-
ment contribué aux succès de Moreau en Allemagne pendant
les campagnes de l'an VIII et de l'an IX il alla comman-
der l'artillerie de l'armée batave, puis celle de 1 armée de
Havovre (1803-1805), devint gouverneur de Magdebourg,
ministre de la guerre du royaume de Westphalie (1808),
passa ensuite à l'armée de Portugal dirigea l artillerie sous
Masséna aux sièges d'Almeida et de Ciudad-Rodrigo (1810),
enfin fit la campagne de Russie comme commandant en
chef des équipages de pont. On sait quelle fermeté il dé-
ploya au passage de la Bérésina et comment son héroïque
désobéissance aux ordres de l'empereur sauva, en cette
circonstance, une bonne partie de l'armée. Fort peu après,
il succédait à Lariboisière dans le commandement en chet
de l'artillerie. Napoléon, qui l'avait en très haute estime
et qui l'avait fait comte, le nomma premier inspecteur gênerai
de son arme (2 janv. 1813). Mais depuis deux jours Eble
avait succombé aux fatigues de sa dernière campagne.— Son
neveu, Charles Eblé, né en 1799, mort à Pans le 19 dec.
1870 gagna le grade de capitaine pendant 1 expédition
d'Alger (1830), fut précepteur militaire du duc de Montpen-
sier devint colonel directeur de l'artillerie à Metz et fut, à
titre de général de brigade, chargé du commandement de
l'Ecole polytechnique (déc. 1854). , A- P^^^^^^^^^
EBLES l^S abbé de Saint-Germam-des-Pres vers 88b,
frère de Rainulphe II , comte de Poitiers et duc d'Aquitame,
auquel il succéda en 893; mais il fut tué la même année
en combattant à Brillac contre le roi Eudes.
!233 —
EBLES - EBOULEMENT
EBLES II, dit Mauzer ou le Bâtard, fils du comte de
Poitiers Rainulphe II, succéda en 902, dans le comté de
Poitiers, à Aimar son parent, et en 926, dans le duché
d'Aquitaine et le comté d'Auvergne, à Acfred. Il fut dé-
pouillé de ces derniers fiefs par le roi Raoul en 932 et
mourut peu après.
EBLOUISSEMENT (V. Berlue et Obnubila^tion) .
EBNER (Jean-Paul), dit (Z'£sc/imôac/i, antiquaire alle-
mand, né à Nuremberg le 43 juil. 1611, mort à Altorf le
14 juil. 1691. Il accompagna le comte de Windischgraetz
dans ses diverses légations en Italie, et il eut par là l'occa-
sion de se former une riche collection de monnaies antiques.
Il fut sénateur et curateur de l'université d' Altorf. On a de
lui divers écrits : Zelus Galliœ; Sol Tyrolis oriens et
occidens ; Cenotaphium legionis francinicœ pedestris.
Ces ouvrages ne sont plus, aujourd'hui, que des curiosités
bibliographiques.
EB'NER-Eschenbach (Marie Dubsky, baronne d'), écri-
vain autrichien, né àZislawetz (Moravie) le 13 sept. 1830,
épousa en 1848 le baron d'Eschenbach. Elle a écrit des
drames en vers (Marie Stuart, iS60; Marie Roland,
1867) qui ont eu du succès ; des contes dramatiques, Dok-
tor Ritter (Vienne, 1871) ; Die Prinzessin von Bana-
lien (Vienne, 1872); Freifrau von Bozena (Vienne,
1876) ; une comédie, Die Veilchen (1878) ; des Apho-
rismes (Berlin, 1880) ; Zwei Comtessen (1885), etc.
ÉBO (Niger) (V. Abo).
EBOLI. Ville d'Italie, prov. de Salerne, sur une colline
qui domine la vallée du Sélé (ancien Silarus) ; 8,947 hab.
Belle <vue sur la mer et sur les temples de Pœstum.
EBOLI (Ana de Mendoza y LaCerda, princesse d'), dame
espagnole, fille unique de Diego Hurtado de Mendoza, comte
de Mélito, vice-roi du Pérou, et de Catalinade Silva, née à
Cifuentes (province de Guadalajara) en 1540, morte à Pas-
tranale2févr.l592. Elle fut fiancée, le 18 avr. 1553, à
Ruy Gomez de Silva, prince d'Eboli et conseiller d'Etat de
Philippe II, « fort favory du roi d'Espaigne s'il en fust onc,
et qui avoit esté nourry avecque luy dès sa jeunesse (Bran-
thôme) ». Elle ne l'épousa cependant que deux ans après.
Dix enfants naquirent de ce mariage en treize années. A la
mort de son mari (29 juil. 1573) et dans le premier moment
de douleur, la veuve de Ruy Gomez voulut prendre le
voile au couvent des carmélites de Pastrana , fondé par
sainte Thérèse. Incapable d'obéir à la règle, et bientôt
lasse d'un caprice dévot, elle en sortit avec tapage, au bout
de six mois, sans avoir prononcé ses vœux, brouillée avec
les religieuses et la pieuse fondatrice. Rentrée dans le monde,
Ana de Mendoza vint s'établir à Madrid, oîi devait com-
mencer sa fameuse liaison avec Antonio Perez, l'intrigant
secrétaire d'Etat. L'amour semble avoir eu peu de part à
cette affaire : libertinage chez la princesse, vanité et inté-
rêt chez Perez ; il faut ajouter qu'elle était loin d'être
jeune à cette époque, malgré la beauté dont parlent les
contemporains, et qu'elle était borgne, ayant perdu un
œil, crevé d'un coup de fleuret, en faisant de l'escrime.
(Quelques historiens modernes ont prétendu qu'elle n'était
que louche.) C'est vers ce temps-là qu'eut lieu le meurtre
d'Escovedo (1578), que Perez fit tuer, conseillé par sa
maîtresse et avec la complicité du roi lui-même (V. l'art.
EscovEDo). Philippe II, d'abord favorable aux accusés,
puis excité par Mateo Vazquez, se décida brusquement à
les faire arrêter, dans la nuit du 28 juil. 1579. Il avait
pris cette résolution après avoir communié et s'être entre-
tenu avec son confesseur, Diego de Chaves, et différents
ecclésiastiques. Il vint en personne assistera l'exécution de
cet ordre, prétend Perez, vers onze heures du soir, dissi-
mulé sous le porche de Sainte-Marie-Majeure, pendant que
D. Rodrigo Manuel de Villena, capitaine des gardes, saisis-
sait la princesse en sa maison et la faisait conduire à la
tour de Pinto. Dans les premiers jours de févr. 1580, elle
quittait cette prison pour SanTorcaz,où la sévérité royale
se détendit un peu ; les fils furent admis à visiter leur mère
et la surveillance devint moins rigoureuse, grâce au duc
de Medina-Sidonia, son gendre. Enfin, en mars 1581,
Philippe II consentit, sur la demande des médecins, à l'exi-
ler à Pastrana, avec défense de retourner à Madrid. La
princesse d'Eboli reprit aussitôt l'ancienne vie : gaspil-
lages, fêtes, processions de pénitents, intrigues, dévotions ;
trois spadassins l'accompagnaient partout ; l'un d'eux fut
congédié pour n'avoir tué qu'un seul homme en sa vie. Elle
ne tarda pas à renouer des rapports avec Perez. Le roi dut
intervenir de nouveau. Condamnée en même temps que Perez,
l'administration de ses biens et la tutelle de ses enfants lui
furent retirées, le séjour forcé de Pastrana changé en em-
prisonnement perpétuel, les fenêtres des appartements gril-
lées (commencement de mai 1590). Ualcaide D. Alonso del
Castillo, chargé de la garder, ne communiquait plus avec
la prisonnière qu'au moyen d'un greffier qui prenait acte des
moindres paroles, et dont le journal nous a été conservé
(Autos del escribano Torrontero), Ainsi se passèrent
les dernières années de cette femme, « en ce cachot de
mort, obscur et triste », ainsi qu'elle le dit elle-même,
sans que l'inflexibilité de celui qui l'y avait ensevelie se fût
relâchée un moment, même à l'heure suprême.
D'après l'opinion la plus commune, la princesse d'Eboli
aurait été la maîtresse de Philippe II, et le duc de Pastrana
passait pour le fils naturel du roi. Antonio Perez, dans les
Relaciones, écrites alors qu'il était réfugié à la cour de
Henri IV, l'insinue d'une façon déguisée et en phrases
mystérieuses. Il semble dire qu'il gagna l'amour d'Ana de
Mendoza et la haine d'un puissant rival, dont la jalousie le
persécuta et fut la cause de tous ses malheurs. De là seu-
lement viendrait l'acharnement de Philippe II contre le
secrétaire, qui passait pour jouir des faveurs réservées jadis
au maître seul ; de là, le long emprisonnement de celle qui
l'avait dédaigné. Cette version a été plus ou moins admise
par presque tous les historiens : d'Aubigné , Branthôme,
de Thon, Gregorio Leti, Watson, Mignet, Pidal, Canovas
del Castillo. D. Gaspar Muro l'a combattue et réfutée dans
son étude sur la princesse d'Eboli (chap. x et xi). Ce ro-
man n'aurait d'autre origine, suivant lui, que les bruits
malveillants répandus par Perez, autorité suspecte s'il en
fut, accueillis avec empressement par les nombreux enne-
mis du roi d'Espagne et dont l'écho a retenti jusqu'à nous.
Ranke et Lafuente se sont également prononcés pour la né-
gative. Quant à la princesse d'Eboli du i). Carlos de Schil-
ler, c'est un personnage de pure fantaisie. L. Dollfus.
BiBL. : Cabrera de Côrdoba, Historia de Felij)e II;
Madrid, 1619. — Antonio Perez, Obras y Relaciones ;
Genève, 1644. — Salazar y Castro, Historia de la casa
de Silva; Madrid, 1685, t. II. — Proceso criminal instruido
contra Antonio Perez ; Madrid, 1788. — Ranke, Fûrsten
und Vôlker von sud Europa; Berlin, 1837, 1. 1. — Salva-
dor Bermudez de Castro, Antonio Perez^ secretario de
Estado del Rey Felipe II; Madrid, 1841. — Mignet, An-
tonio Perez et Philippe II; Paris, 1846. — Gaspar Muro,
Vida de la princesa de Eboli ; Madrid, 1877.
EBON ou BOSTON. L'un des groupes des îles de l'ar-
chipel Marshall (V. ce mot).
ÉBONITE (Techn.) (V. Caoutchouc, t. IX, p. 143).
EBOSI ou mieux YEBOSI. Petite île du Japon, au large
de la province de Tsikou-zen, dans la partie du détroit de
Corée, qui sépare Iki-sima de Kiou-siou (Iki-no-Seto Gen-
kainada). Cet îlot surmonté d'un phare se trouve sur la
route des steamers qui vont de Nagasaki à Kobé par le
Suwo-nada. H. C^
ÉBOU AGE (Ponts et chaus.) (V. Balayage, t. V, p. 87,
et Boue, t. VII, p. 615).
ÉBOULEAU. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Laon,
cant. de Sissonne; 332 hab.
EBOULEMENT. I. Géologie. — Dans tous les massifs
montagneux, Pyrénées, Alpes et autres grandes chaînes,
il est peu de vallées où l'on ne voie, sur les flancs, des
entassements souvent prodigieux de rochers, déterminés
par l'éboulement subit d'une partie de la montagne. Nom-
breux sont alors les désastres occasionnés par de tels acci-
dents qui prennent trop souvent le caractère d'une véri-
table catastrophe ; des roches escarpées ou surplombantes
ÉBOULEMENT
— 234 —
qui restaient suspendues au-dessus des campagnes se
détachent tout d'un coup, glissent sur les pentes avec
une vitesse qui n'a d'égale que celle des avalanches, puis
s'écroulent avec un bruit sinistre, en venant ravager toutes
les cultures et même anéantir des villages entiers. Derrière
ce fait, qui frappe toujours par sa soudaineté, et peut lar-
gement contribuer à modifier le relief d'une contrée, se
cache une cause profonde, lente et graduelle, qui ne doit
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Fig. 1. — La vallée de Goldau après réboulement du Rossberg, d'après une photographie de M. Jackson.
qu'à la persistance de son action de pouvoir produire de tels
effets. Cette cause, en effet, réside tout entière dans le tra-
vail masqué d'érosion qu'exercent, dans leur circulation
souterraine, les eaux d'infiltration.
En pénétrant lentement dans le sous-sol, au travers des
roches fissurées, les eaux pluviales ou celles qui, abondantes.
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Fig. 2. — Carte montrant Tespace recouvert par l'éboule-
ment du Rossberg, dans la vallée de Goldau.
dans les régions montagneuses, résultent de la fonte des
neiges, viennent s'accumuler dans le dessous, par quantités
considérables, quand elles rencontrent une couche argileuse
imperméable qui fixe leur niveau. Dès lors, si elles ne peu-
vent trouver, sur les lignes d'affleurement, de point d'écou-
lement facile leur permettant de se traduire au dehors
sous la forme de sources, la pression hydrostatique qu'elles
acquièrent, en se concentrant à la jonction des deux sys-
tèmes de couches, a pour effet de délayer peu à peu la
masse argileuse. Or, quand cette dernière, réduite à l'état
de boue liquide, est devenue impuissante pour servir
de support efficace au massif de roches fissurées gui la
recouvrent, ces roches, manquant de point d'appui, glissent
et s'écroulent en détruisant tout sur leur passage. Ainsi se
produisent de gigantesques éboulements comme ceux dont
la Suisse a si souvent enregistré les désastres. Telle a été
par exemple la catastrophe du Rossberg en 4806. Cette
montagne, située au nord du Righi, est formée d'une sorte
de grès marneux rempli de galets (Nagelfhiie) disposé par
couches inchnées au-dessus de couches argileuses cons-
tamment délayées par les eaux d'infiltration. La saison qui
venait de s'écouler avait été pluvieuse ; l'argile s'étant gra-
duellement transformée en une masse boueuse, une partie
de la montagne, sur une étendue de plus d'une lieue, se
mit à glisser sur cette nappe semi-liquide ; puis, soudain, les
habitants de la vallée de Goldau entendirent un craquement
terrible : une masse énorme, détachée de la montagne avec
ses forêts, ses prairies, ses hameaux, se précipitait dans la
vallée avec un bruit de tonnerre, ensevelissant sous ses
débris cinq villages. Ainsi furent détruites pour jamais
les charmantes campagnes de Goldau (la vallée d'Or), et
le lac de Lowerz fut lui-même en partie comblé par un
entassement formidable de rochers (fig. 2). L'éboulement
n'avait pas moins de 4 ,500 m. de long sur 3!20 m. de largeur
moyenne avec une épaisseur de 32 m., ce qui représente une
masse de 45 miUions de m. c. En avant de cette débâcle, de
nombreux oiseaux, surpris dans leur vol par l'air mis en
mouvement, tombèrent inanimés, et le glissement fit naître
un tel développement de chaleur qu'on vit se produire des
projections de vapeur d'eau chargée de boue et de pierre.
Non moins considérable a été en i 884 l'éboulement du
Plattenberg, prèsd'Elm, en Suisse; le 44 nov., le versant
boisé de cette haute montagne, miné à sa base par une
exploitation de schistes ardoisiers, s'écroula en bloc. Une
masse rocheuse d'environ 40 millions de m. c. s'abattit
sur le village d'Unterthal et vint combler l'étroite vallée
235 —
ÉBOULEMENT
de Miisli, tandis qu'une partie de ces débris était projetée
avec violence sur le flanc opposé d'une montagne voisine,
celle du Diinbesg, où ils dessinent actuellement, à 400 m.
au-dessus de la vallée, une grande traînée. Ici encore on a pu
constater que l'air mis en mouvement par cette avalanche
de pierre fit tourbillonner, en avant de l'éboulis, les cha-
lets avec leurs habitants et les arbres déracinés. Il est
juste d'ajouter que l'imprévoyance humaine fut la cause du
désastre. Bien avant que cet écroulement se produisît, les
travaux, poussés sans relâche dans les escarpements d'ar-
doise, avaient déterminé de grandes crevasses, où s'en-
gouffraient les eaux, et c'est à la suite de pluies orageuses
que se fit, dans ce massif, une rupture qu'on aurait pu
facilement prévoir et, par suite, éviter. C'est par centaines
qu'on peut citer en Suisse ces grands éboulements de
rochers qui ont depuis les temps historiques singulièrement
contribué au démantèlement des Alpes; parmi les plus
célèbres figurent ceux qui, à deux reprises différentes (1714,
4749), ont fait écrouler les plus hauts pics des Diablerets,
en venant étaler, sur les pâturages avoisinants, une couche
de débris épaisse de 400 m. ; et surtout celui qui, en 4835,
fit descendre dans la vallée du Rhône une partie de la
Dent du Midi (Valais) : en amont de Saint-Maurice, on crut
un instant que le cours du fleuve allait être arrêté, et pen-
dant de longues semaines des escouades d'ouvriers durent,
nuit et jour, travailler au déblaiement.
Très fréquemment en effet, quand ces éboulements se pro-
duisent dans une vallée, le fleuve qui la draine, quelle que
soit son importance, peut être momentanément arrêté dans
son cours, en venant donner naissance, en arrière de ce bar-
rage, à un lac plus ou moins étendu, et c'est seulement, si
l'industrie humaine n'intervient pas pour rompre l'obstacle,
quand la pression des eaux de ce lac est devenue sufiisante
pour remplir cet office, que le barrage peut être emporté ;
dans ce cas, il en résulte une débâcle dont les effets méca-
niques peuvent devenir considérables. En 4841, par
Fig. 3. — Carte montrant les effets de Téboulement de Salazie (26 nov. 1875).
exemple, la plaine de l'Oisans, dans les iVlpes du Dauphiné,
ayant été soudainement fermée par un gigantesque éboule-
ment descendu des flancs de la Voudène, les eaux de la
Romanche, de l'OUe et du Venéon, s'accumulant en arrière
de l'obstacle, s'étalèrent en un lac de 40 kil. de longueur.
Des bourgades entières, de vastes campagnes, d'immenses
forêts disparurent sous cette nappe lacustre qui, par places,
pouvait atteindre 20 m. d'épaisseur ; l'industrie locale
devint celle de la pêche et cet état de choses dura trente-
huit années, au bout desquelles la digue cédant enfin sous
l'effort, ses eaux se répandirent en une inondation sans
égale, non seulement sur Grenoble, mais sur toutes les
villes et les campagnes du bord de l'Isère. Au début du
xvi^ siècle, ce bassin lacustre, qui avait reçu le nom de
lac Saint-Laurent, était complètement asséché, et ce
n'est pas là un fait unique. En 4844, le cours de l'Indus
fut arrêté par un éboulement survenu sur les flancs du
Nanga Parbat. La débâcle d'eau, de cailloux et de boue,
évaluée à 600 millions de m. c, produisit une vague de
40 m., qui rasa plusieurs villages et refoula le courant de
la rivière de Caboul jusqu'à plus de 32 kil. de son em-
bouchure (E. Reclus, rincle , p. 240). Assurément de
pareilles débâcles d'eau, en prenant une allure franche-
ment torrentielle, contribuent singulièrement à modifier le
profil des vallées parcourues, et ce phénomène, qui a dû
survenir à plusieurs reprises pendant leur période de
creusement, doit entrer en ligne de compte dans leur for-
mation. D'autres fois, — ce fait est plus rare, mais inté-
ressant à constater, — dans des vallées étroites, ces lacs,
établis en arrière des digues d'éboulements, deviennent
permanents. Tels sont, dans le cours du torrent de Lizerne,
les trois lacs de Derborence, qui se sont établis à la suite
des éboulements des Diablerets, mentionnés plus haut.
De pareils accidents ne sont pas rares dans les régions
volcaniques, où il existe toujours en profondeur des roches
chargées de feldspath et par suite d'un élément émi-
EBOULEMENT
— 286
nemment altérable, que les eaux réduisent promptement en
kaolin, c.-à-d. en une argile facilement délayable. Ces roches
sont de plus creusées de vastes cavités, où les eaux s'accu-
mulent en acquiérant une pression considérable, et la con-
séquence devient la rupture violente des parois suivant les
fentes du terrain, c.-à-d. suivant les lignes de moindre résis-
tance. Tel a été, par exemple, la cause de l'éboulement gigan-
tesque qui s'est produit, en 1875, au cirque de Salazie,
dans l'île essentiellement volcanique de la Réunion, sous
l'influence des pluies torrentielles de la région équatoriale,
et par la chute, toujours brusque, d'une portion très
étendue des remparts à pic qui circonscrivent cette grande
dépression des Salazes (fig. 3). Soixante-deux victimes, un
village, celui du Grand-Sable, tout entier enseveli sous les
débris, une superficie de plus de 120 hect. entièrement bou-
leversée et maintenant recouverte par un entassement de
blocs énormes sur des épaisseurs de 40 à 50 m.; des habi-
tations complètement démolies à grande distance par des
projections de blocs et de boue chargée de débris, tels furent
les principaux résultats de cette castatrophe, qu'il eût été
facile de prévoir, comme celle précédemment citée d'Elm.
Parmi les effets les plus saillants des grands éboulements
figurent ensuite des troubles très notables apportés dans
la stratification des points affectés par les glissements. Les
couches sédimentaires refoulées prennent une forte incli-
naison, parfois même se plient et se renversent en affec-
tant des (îontournements serrés, tout à fait comparables à
ceux qu'on observe dans les régions montagneuses où de
pareilles couches ont été soumises à de puissants efforts de
compression. Cette circonstance est surtout pleinement réa-
lisée quand ces accidents deviennent le résultat, non plus
de la seule action érosive des eaux d'infiltration, mais de
leur action chimique. L'eau, en se chargeant par dissolu-
tion de substances diverses, peut, en effet, non seulement
désagréger les roches qu'elle traverse, mais entraîner une
partie de leurs éléments constituants ; et des éboulements
très importants peuvent surtout se produire dans les ré-
gions où il existe, en profondeur, des roches solubles tels
que le sel gemme ou le gypse accessibles à cette action
des eaux souterraines. Pour le sel gemme, la dissolution
n'a pas de limite ; de son côté, le gypse se dissout aisément
dans 460 parties d'eau. On conçoit dès lors aisément qu'il
puisse se produire, même dans les amas gypseux, parle seul
fait de l'infiltration, d'importantes cavités dont les parois,
pressées par les assises encaissantes, s'écroulent en don-
nant naissance à de grands talus d'éboulement. Puis ce
phénomène, quand la portée de ces cavités est devenue
trop grande pour le poids qu'elles supportent, se complète
d'effondrements se traduisant à la surface par l'appari-
tion de gouftres inattendus. Dans le Jura salinois, ces acci-
dents ne sont pas rares, notamment aux environs de Lons-
le-Saunier, où la cause des effondrements qui, à diverses
reprises, dans cette région, ont été accompagnés de véri-
tables tremblements de terre, doit être cherchée dans un
grand nombre de sources séléniteuses et surtout salées,
qui, chaque année, entraînent du sous-sol des quantités con-
sidérables de gypse et de sel gemme. Un des traits parti-
culiers de ces effondrements, c'est qu'ils entraînent des
mouvements du sol assez accentués pour se traduire par
des tremblements de terre très localisés, sans doute,
mais souvent encore désastreux dans leurs effets à la sur-
face. C'est encore en Suisse qu'il faut chercher les meil-
leurs exemples de pareils faits. En particulier, de ce
nombre sont les secousses violentes que, pendant plus d'un
mois, la vallée de Visp en Valais ressentit en 1855, ébran-
lements qui devinrent assez accentués pour faire naître des
fentes dans les rochers et amener la destruction d'un grand
nombre d'habitations. Or, comme il existe dans cette ré-
gion plus de vingt sources séléniteuses j dont chacune
enlève au sol en une seule année plus de 500 m. c. de
gypse, on conçoit aisément qu'il faille chercher dans ce
gigantesque travail de dissolution la cause principale, non
seulement de ce tremblement de terre de 1855, mais aussi
de la majeure partie des mille dix-neuf ébranlements de
cette nature ressenties en Suisse de 1700 à 1854(Credner,
dans Lapparent, Traité de géologie, p. 325).
Mais les effondrements, avec les mouvements du sol et
les éboulements qui en sont la conséquence, ne sont pas
limités aux régions où se rencontrent des amas gypseux ou
salifères en profondeur ; les pays calcaires fissurés parcou-
rus par un réseau compliqué de grottes et de rivières sou-
terraines sont de même fréquemment soumis à de pareils
accidents. Aussi bien souvent, sur les grands plateaux for-
més de pareilles roches, on remarque, jalonnant au jour
la direction de ces cours d'eau cachés, une série de gouf-
fres ou de puits naturels, intimement liés à l'existence de
grottes souterraines et produits par leur effondrement,
gouffres qui, presque partout considérés comme des abîmes
sans fond, ou bien entourés de légendes mystérieuses,
restent toujours désignés sous des noms symboliques :
foibe, trichter ou dolinas en Carinthie, creux et empo-
deux dans le Jura, embues, gouilles, boit-tout, ansel-
moirs, scialets, tindouls, bétoires, ragagés, dans les
diverses régions calcaires de la France, etc. Tels sont, en
particuHer,"dans la curieuse région des Causses, les nom-
breux avens (abîmes) ouverts dans la masse même du cal-
caire à des ait. de 800 à 1 ,000 m. et dans lesquels viennent
se perdre les eaux de la surface pour se rendre aux rivières
souterraines qui circulent sous ces plateaux. Tels sont
aussi ceux de la Grèce (Katavothres), de l'Illyrie, et sur-
tout en Autriche ceux du pays de Karst, situé entre la
Carniole et l'Istrie, et qui devient la région la mieux par-
tagée à cet égard, à ce point qu'on désigne souvent sous le
nom de phénomènes du Karst l'ensemble de ces singuliers
accidents qui impriment à la topographie souterraine et
superficielle des pays calcaires un caractère si particulier.
Mais il est juste aussi d'ajouter, comme l'a fait si judi-
cieusement observer M. de Lapparent, qu'il serait excessif
de vouloir attribuer au seul travail des eaux courantes
tous les effondrements, en forme d'entonnoir, qu'on ren-
contre dans les régions calcaires. Il en est dont l'étroitesse
et surtout la régularité rendent impossible une pareille
attribution. Dans ce cas, on observe sur leurs parois ou
dans le fond une terre rouge caractéristique qui permet de
les rattacher à des phénomènes de nature chimique et de
considérer par suite ces cavités comme d'anciennes fentes
élargies et façonnées en forme de puits naturels par un
travail spécial de dissolution, tant il est vrai que les phé-
nomènes naturels sont souvent complexes et que pour en
trouver l'explication il est parfois dangereux de ne recourir
qu'à une seule catégorie d'agents. Ch. Vélain.
II. Mines. — C'est aux éboulements que revient la plus
grande part de la mortalité occasionnée par les accidents
dont les mines sont le théâtre. On peut à cet égard distin-
guer deux degrés de gravité, à savoir : l'éboulement cir-
conscrit d'un point en particuher ou l'effondrement total
d'une mine. Parfois, dans les tailles ou les galeries, le toit
mal soutenu s'éboule, ou des blocs se détachent de la voûte,
ou encore la paroi ébranlée d'un front d'attaque s'écroule
subitement. Il est assez rare qu'un éboulement important
se produise sans que les craquements des roches qui se fis-
surent, des étais qui fatiguent avant de se rompre, n'aient
averti les travailleurs. Si l'éboulement se produit dans un
puits, les suites peuvent être très graves ; les débris accu-
mulés forment voûte, en quelque endroit où ils s'arrêtent,
obstruant parfois le puits sur une grande hauteur, en com-
blant le fond et murant l'issue des galeries inférieures.
L'histoire a enregistré le souvenir de mémorables exemples
d'effondrement total d'une mine. En 1687, tous les tra-
vaux de la mine de Fahlun (Suède) éboulèrent à la fois.
La mine de Stahlberg (pays de Siegen) s'est entièrement
effondrée en 1740. En 1860, la mine de soufre de Lercara
(Sicile) a enseveli trente-sept mineurs et dix-neuf en 1871.
Le plus récent des désastres présentant un caractère géné-
ral est celui de la mine de sel de Varangéville (Meurthe-
et-Moselle) où est pratiquée la méthode de lavage du sel
Î237 —
EBOULEMENT - ÉBREUIL
gemme par l'eau. Les piliers massifs s'enfoncèrent tous à
la fois le 31 oct. 1873, et l'on vit dans l'espace de trente
secondes s'affaisser sur une hauteur de 3 m. une étendue
d'environ 350 m. sur 300 m. La véritable influence des
effets de l'éboulement sur la mortalité souterraine (100 tués
par an par les éboulements sur 236 décès totaux prove-
nant des accidents à l'intérieur et sur 100,000 mineurs)
provient beaucoup moins de ces événements essentiellement
rares que des accidents locaux trop fréquents, dans lesquels
un ou plusieurs hommes peuvent se trouver engagés. Les
moyens de préservation à cet égard se réduisent à la bonne
entente de la méthode d'exploitation et aux soins que l'on
doit apporter aux soutènements. Nous parlerons à leur
place des moyens employés pour sauver les mineurs pris
par un éboulement (V. Sauvetage). L. K.
BiBL. : GÉOLOGIE. — L'abbé Paramelle, VArt de dé'
couvrir les sources ; Paris, 1856, p. 118, in-8. — Desnoyers,
art. Grottes, du Dict. d'hist. nat. de d'Orbigny, 1868, t. VI,
2e édit. — Daubrée, les Eaux souterraines ; Paris, 1887,
2 vol. in-8. — De Lapparent, Traité de Géologie, 1885,
p. 145, 2« édit.
ÉB0UR6E0NNEMENT. L Horticulture et Sylvicul-
ture. — Chez les arbres fruitiers, l'ébourgeonnement con-
siste à supprimer par une simple cassure les bourgeons à bois
inutiles ou nuisibles à la formation de la charpente et une
partie des bourgeons à fleurs lorsque les arbres sont trop
chargés de productions fruitières. Cette opération est en
somme une taille prématurée, fort utile en ce sens que la sève
économisée sert uniquement au développement des bourgeons
conservés, qui acquièrent plus de vigueur et donnent de plus
beaux fruits. Pour en tirer tout le parti possible, on doit
naturellement l'appliquer de bonne heure, c.-à-d. avant
que les bourgeons à supprimer ne se développent en ra-
meaux. Dans les taillis sous futaie, il est aisé de remarquer
que le tronc des arbres réservés se couvre de bourgeons
après la coupe du sous-bois. Ces bourgeons attirent à eux
une bonne partie de la sève destinée à la flèche, dont l'allon-
gement se ralentit. Il est donc important de les supprimer
avant qu'ils ne deviennent des gourmands. L'opération
s'exécute dans le courant de rété,à partir du mois de juin,
à l'aide d'une raclette longuement emmanchée. On pratique
parfois l'ébourgeonnement sur les arbres résineux. Le but
est différent : les bourgeons servent en pharmacie à faire
des tisanes, et les jeunes pousses sont utilisées pour la fabri-
cation de la bière. G. Boyer.
IL Viticulture. — L'ébourgeonnement est toujours
pratiqué dans les vignobles des régions septentrionales
de la France et assez souvent dans les régions du Sud.
Cette opération consiste à supprimer, sur toutes les
vignes, les rameaux herbacés qui poussent sur le vieux
bois; dans le Nord, le Centre, l'Est ^et l'Ouest, on enlève
en outre, dans bien des cas, les rameaux qui ne sont pas
fructifères ou qui ne sont d'aucune utilité pour l'établisse-
ment de la taille de l'année suivante.
Les rameaux sont supprimés lorsqu'ils
ont une longueur maxima de 8 à 10
centim. et on les enlève à la main en
les séparant le plus près possible de
leur point d'insertion. P. Viâla.
ÉBRANCHAGE(Arboric.). L'ébran-
chage consiste à couper les branches
d'un arbre, soit que celles-ci soient trop
nombreuses, soit que leur direction
soit mauvaise, soit enfin qu'elles soient
mortes. L'ébranchage doit toujours être
fait avec ménagement pour ne pas trop
fatiguer ni blesser l'arbre , surtout en
ce qui concerne les grosses branches.
L'instrument dont on se sert pour pra-
tiquer cette opération consiste en une
lame affectant la forme d'une double
courbure; elle est affilée sur ses deux courbes et montée sur
un manche plus ou moins long. Cet outil, bien connu des
forestiers, porte le nom à'ébranchoir.
Ebranchoir.
ÉBRARD ou EVRARD deBéthune, vivait probablement
au commencement du xiii^ siècle. Il est connu par son
Grœcismus (d'où le surnom de Grœcista), manuel d'en-
viron deux mille vers latins qui exposent les règles de la
rhétorique, de la prosodie, de letymologie et de la syntaxe.
Ce livre fut d'un usage constant dans les écoles du moyen
âge jusqu'au début duxvi^ siècle. La première édition im-
primée est apparemment celle de Paris, par Pierre Levet,
en -1487, in-fol. Elle fut réimprimée à Lyon (1490 et 1493,
in-4). Ce même Ebrard a sans doute aussi rédigé le Liber
antihœresis contre les cathares, nombreux alors en Flandre;
ce document fournit quelques renseignements intéressants
sur la doctrine de ces sectaires. La première impression
fut signée par le jésuite Gretser sous le titre erronné de
Contra Valdenses dans Trias scriptorum adv. Vald.
sectam (Ingolstadt, 1614, in-4); réimp. dans Maxima
Biblioth. Patrum (Lyon, 1677, t. XXIV). F.-H. K.
EBRARD (Johann-Heinrich-August), théologien réformé
allemand, né à Erlangen (Bavière) le 18 janv. 1818, mort
le 23 juil. 1888. Depuis 1842, il professa la théologie à
Erlangen, sauf de 1844-47, où il fut professeur à Zurich,
et de 1853-61, où il gouverna l'Eglise du Palatinat, comme
conseiller consistorial à Spire. C'était un esprit d'une cul-
ture très variée, ayant autant de virtuosité en musique et
en littérature qu'en théologie. Ses principaux ouvrages
sont : Das Dogma vom heiligen Abendmahl und seine
Geschichte (1843-46) ; Christliche Dogmatik (1863,
2^ éd.) ; Praktische Théologie (18o6) ; Kirchen und
Dogmengeschichte (1865-67, 4 vol.) ; Apologetik (1880-
81 , 2^ éd.). Sous le pseudonyme de Gottfried Flammberg,
il a publié des romans et des productions poétiques. C. P.
ÉBRASEMENT ou EMBRASEMENT. Partie d'une em-
brasure comprise entre la feuillure servant à recevoir la
fermeture d'une baie (porte ou fenêtre) et le parement du
mur intérieur d'une salle. Afin de faciliter l'ouverture des
vantaux et aussi pour augmenter la quantité de lumière
introduite dans la salle, on élargit le plus souvent cette
partie de l'embrasure du dehors au dedans, suivant une
direction oblique à la perpendiculaire du tableau ; le fais-
ceau des rayons lumineux pénétrant normalement à l'in-
térieur forme ainsi, d'après la forme rectangulaire ou
circulaire de la baie, un tronc de pyramide ou un tronc de
cône au lieu d'un parallélépipède ou d'un cylindre. De nom-
breux édifices civils ou religieux du moyen âge présentent
des embrasures à double ébrasement, c.-à-d. dont les
tableaux et aussi les meneaux les divisant sont ébrasés à
l'extérieur comme à l'intérieur. — En menuiserie, on désigne
de ce même mot, ébrasement ou embrasement, le revête-
ment, assemblé à rainure et à languette, et raccordé avec
le lambris de la pièce, dont on couvre la partie inférieure de
l'ébrasement d'une baie (V. Embrasure). Charles Lucas.
ÉBRAY (Charles-Henri-Théophile), géologue d'origine
française, né à Bàle en 1823, mort au Petit-Saconnex,
près de Genève, le 5 févr. 1879. Elève de l'Ecole centrale de
Paris, il fut attaché successivement aux compagnies d'Or-
léans et de Paris-Lyon-Méditerranée et construisit une
partie de la ligne du Bourbonnais. En 1870, il fut appelé
à séjourner à Talloires, sur les bords du lac d'Annecy, et
plus tard se fixa à Genève. La géologie de la France, et
particulièrement celle du Jura et des Alpes, lui doit beaucoup.
Ses publications , très nombreuses , sont disséminées dans
les Annales de l' Académie de Lyon, les Annales de la
Société des sciences de Lyon, les Annales de la Société
de la carte géographique de France, et surtout le Bul-
letin de la Société géologique de France, D'^ L. Hn.
EBRE. Fleuve d'Espagne (V. Espagne [Géographie
physique]).
EBRÉON. Corn, du dép. de la Charente, arr. deRuffec,
cant. d'Aigre; 428 hab.
ÉBREUIL (Ebrogilum, Evrolocus, Ebrolium). Ch.-l.
de cant. du dép. de l'Allier, arr. de Gannat, situé sur la
rivière de Sioule ; 2,267 hab. Nombreux fours à chaux.
Mentionné dans une lettre de Sidoine Apollinaire (Epist. V
ÉBREUIL — EBROÏN
238 -
ad Hypathium), qui possédait, paraît-il, une maison de
campagne dans le voisinage, Ebreuil aurait été, un peu plus
tard, une des résidences des rois d'Aquitaine, et Louis le
Pieux y aurait séjourné. Il eut une abbaye dont la fonda-
tion, déclarée royale, a été attribuée tantôt à Charles le
Simple, tantôt à Lothaire, et fixée à l'année 901 ou à
l'année 96i . De fréquents démêlés se produisirent entre les
abbés d'Ebreuil et les seigneurs de Bourbon. Ceux-ci finirent,
devenus ducs d'Auvergne, par imposer leur suzeraineté
aux abbés. Pierre P^ avait donné le château d'Ebreuil et
des terres à Jean, bâtard de Bourbon. L'abbaye fut sup-
primée en 1768, et ses revenus donnés aux frères de la
Charité de Clermont, à la charge de fonder un hôpital à
Ebreuil. L'église abbatiale est classée comme monument
historique. La ville était ceinte de murailles ; elle députait
aux Etats de la basse Auvergne et possédait des armoiries
qui étaient à' argent, à une belette de gueules.
BiBL. : Boudant, Hist. de la ville, du château et de
l'abbaye d'Ebreuil ; Moulins, 1865, in-4.
ÉBRIÉ. Village et pays d'Afrique faisant partie des pos-
sessions françaises de la Côte d'Or (Guinée). Le pays
d'Ebrié occupe le bord septentrional de la lagune du même
nom, laquelle communique avec la mer par la rivière de
Grand-Bassam ou rivière Costa. Dabou est le seul point
occupé militairement par la France. Les objets d'échange
sont l'or, l'huile de palme. Des plantations de café ont
été essayées avec succès ; le coton est cultivé avec profit.
EBROICI (V. Eburovices).
EBROÏN, maire du palais de Neustrie, mort en 681.
C'est le principal personnage de l'histoiie franque dans la
période du vu® siècle, comprise entre la mort de Dagobert
et l'avènement de la famille carolingienne. Nous savons
peu de chose sur ses débuts, seulement qu'il était de mé-
diocre extraction et s'était élevé par ses talents personnels.
A la mort d'Erchinoald, Ebroïn fut choisi par les nobles
francs comme maire du palais des trois royaumes de Neus-
trie, Bourgogne et Austrasie (656). Depuis ce moment
jusqu'à sa'mort, pendant une vingtaine d'années, il est le
principal personnage de l'histoire des Francs. Nous sommes
assez mal renseignés sur ses actes et ses projets, d'autant
que son histoire a été écrite par les clercs, ses mortels en-
nemis. Il en ressort néanmoins qu'Ebroïn, dont ce titre de
maire du palais faisait le dernier représentant du pouvoir
général, à défaut des rois impuissants et annulés, lutta
avec une énergie désespérée pour restaurer le pouvoir cen-
- tral et l'autorfté monarchique. Il n'eut ni plus ni moins de
scrupules que ses adversaires, fut comme eux fourbe et
cruel, mais au nom d'une idée générale. Il fut donc l'en-
nemi résolu des grands, surtout de l'aristocratie ecclésias-
tique. Au début," il fut tempéré par la régente Bathilde, qui
était sous l'influence du clergé, notamment des évêques
Chrodobert de Paris, Audoin de Bouen et Léger (Leodegar)
d'Autun. Le roi nominal était Clotaire III. Dès 660, son
frère cadet, Childéric II, fut nommé roi d'Austrasie avec
un maire du palais distinct. Le pouvoir d'Ebroïn et de son
roi sont restreints à la Neustrie et la Bourgogne. Le con-
flit éclate entre le maire du palais et les évêques ; Bathilde
abdique et se retire à l'abbaye de Chelles (6^4:) ; malgré
elle, l'évêque Siegbrand avait été mis à mort. Peut-être
faut-il l'identifier avec un évêque de Lyon, Annemund, tué
par ordre d'Ebroïn. Celui-ci est seul maître sous le nom
de Clotaire III jusqu'en 670 où l'enfant royal meurt. Son
principal opposant fut Leodegar ou saint Léger, évêque
d'Autun, non moins énergique et non moins cruel. Une crise
grave eut lieu à la mort de Clotaire III. Ebroïn voulait lui
donner pour successeur Thierry ou Théodoric, son frère,
troisième fils de Clovis IL L'évêque d'Autun accourut,
réunit les grands hostiles au maire du palais. On repro-
chait à celui-ci sa cupidité, le sang qu'il avait versé, son
interdiction aux Bourguignons de venir à la cour sans au-
torisation. C'était donc en Bourgogne qu'était le plus vive
l'hostilité contre Ebroïn ; mais en Neustrie aussi, il comp-
tait bien des ennemis. Raguebert, Bodo et Guiscand com-
plotent de le tuer. Les grands de Bourgogne et les dissi-
dents de Neustrie proclament roi Childéric d' Austrasie,
l'imposent par le fer et le feu. Ebroïn, délaissé par la plu-
part de ses partisans, se soumit et demanda au roi de le
laisser se retirer dans un cloître ; ses biens furent pillés
par les vainqueurs. Lui-même eut la vie sauve et fut en-
voyé au monastère de Luxeuil ; son roi Théodoric fut tondu
et enfermé à Saint-Denis. Les grands firent décider plu-
sieurs mesures pour atténuer le pouvoir de la mairie du
palais ; elle dut être alternativement confiée aux principaux
entre les nobles ; le particularisme des trois royaumes reçut
satisfaction par plusieurs concessions. Wulfoald était seul
maire du palais et saint Léger gouvernait la Bourgogne, en
fait du moins, et naturellement au profit des grands. Tous
les adversaires d'Ebroïn furent replacés dans leurs hon-
neurs et leurs situations.
Cependant l'évêque d'Auvergne, saint Prœjectus, indigné
de voir le patrice de Provence, Hector, qui avait enlevé une
fille arverne et dépouillé l'Eglise, soutenu par son ami saint
Léger, attaqua celui-ci. Cité par l'évêque d'Autun devant
le tribunal, il fut appuyé par la reine; Prœjectus eut le
dessus; Hector fut exécuté, saint Léger s'enfuit, mais fut
pris et exilé au monastère de Luxeuil (673). Précipité par
l'influence de Wulfoald et des Austrasiens, l'évêque d'Autun
se réconcilia à Luxeuil avec Ebroïn contre l'ennemi commun .
La tyrannie de Childéric lui aliéna les grands, surtout ceux
de Neustrie et de Bourgogne. Un d'entre eux, Bodolen,
Tassassina avec sa femme. Wulfoald s'enfuit en Austrasie,
Ebroïn et saint Léger furent délivrés, et Leudesius, fils
d'Erchinoald, nommé maire du palais pour la Bourgogne.
Ebroïn fit route avec son ancien rival jusqu'à Autun, puis
s'échappa de nuit; son roi, Théodoric II, avait été reconnu
par Leudesius et saint Léger pour la Neustrie et la Bour-
gogne. Mais l'anarchie était générale ; tous les bannis étaient
revenus : partisans et victimes de saint Léger, de Wul-
foald, d'Ebroïn, se disputaient la prépondérance, chacun
pillant le plus possible. Ebroïn s'était rendu en Austrasie,
oti l'on avait pris pour roi un fils de Sigebert III retiré
dans un couvent d'Irlande, Dagobert II, à qui l'archevêque
d'York paya son voyage de retour. Un autre parti austra-
sien dirigé par Waimar, duc de Champagne, ralliant les
comtes et évêques du sud-ouest de l'Austrasie, acclama un
autre prince, fils réel ou prétendu de Clotaire III, qui reçut
le nom de Clovis IH. Ebroïn se rallia d'abord à ce troi-
sième parti, avec les évêques de Châlons et de Valence.
Il rassembla une armée, entra en Neustrie, força le passage
de l'Oise, écrasa l'armée de Leudesius près de Pont-Sainte-
Maxence, s'empara du trésor royal à la villa de Basiu,près
de Corbie. Le maire du palais et Théodoric furent atteints et
faits prisonniers à Crécy-en-Ponthieu. Ebroïn mit à mort
son rival, reprit la mairie du palais et se déclara sujet
dévoué de Théodoric, son ancienne créature, abandonnant
Clovis III, dès qu'il eut en son pouvoir un Mérovingien plus
authentique. Ses alliés Waimar et Dido (évêque de Châ-
lons) marchèrent sur Autun ; saint Léger y fut assiégé ;
ne pouvant résister, il donna ses richesses aux pauvres et
aux égUses et sortit à la tête d'une procession, reliques en
tète. H fut saisi et aveuglé ; Bobo, qui venait de perdre
l'évêché de Valence, devint évêque d'Autun. Lyon résista
ensuite, mais dut se soumettre (674). Ebroïn publia une
amnistie générale. Cependant les chefs du parti adverse
s'enfuirent chez les Vascons; c'était prudent, car Ebroïn
n'épargna pas ses ennemis. Des couvents de femmes furent
dépouillés. Saint Léger, etGairin, son frère, furent mis en
jugement pour le meurtre de Childéric II, condamnés,
celui-ci à la lapidation, l'évêque à la déposition ; on lui
coupa la langue et les lèvres et on finit par le décapiter
après l'avoir traîné dans plusieurs couvents (678). Rétabli
dans son autorité, Ebroïn se brouilla avec le groupe sur
qui il s'était appuyé pour sa restauration, le groupe des
partisans de Clovis III. L'évêque de Châlons fut excommunié
par le même synode qui déposa saint Léger et décapité.
Waimar, le duc de Champagne, devenu évêque de Troyes,
— 239 —
EBROÏN — ÉBULLITION
fut avec d'autres condamné au bannissement perpétuel.
11 est probable que les Champenois voulaient se rapprocher
de TAustrasie. Leur ami, le duc Adalric (de Provence), fut
également condamné pour infidélité et s'allia aux Austrasiens.
Ébroïn, qui avait rétabli son pouvoir et celui de son roi
ThéodoricII en Neustrie et en Bourgogne, écrasé les grands
champenois et bourguignons, se tourna alors contre l'Aus-
trasie pour achever sa tâche et réunir tout le royaume des
Francs. Dagobert II venait d'être assassiné par les grands
austrasiens qui l'accusaient de mépriser leurs avis. Wulfoald
disparaît avec lui. La guerre qui éclata alors (678) entre
la Neustrie et l'Austrasie fut soutenue contre Ebroïn par
la puissante famille des Arnulfings qui devait réunir tout
le royaume franc et fonder la monarchie carolingienne. Le
chef en était Pépin dit l'Ancien qui marchait d'accord avec
Martin, probablement son parent. Les ducs austrasiens
n'avaient pas de roi. Ils se portèrent à la rencontre d'Ebroïn
et de Théodoric III, mais furent complètement défaits au
voisinage de Laon. Pépin échappa; Martin, qui s'était en-
fermé dans la ville, fut attiré au dehors par les fallacieuses
assurances d'Ebroïn qui le massacra avec sa suite. Le maire
du palais ne put recueillir les fruits de sa victoire qui
semblait en faire le seul chef des Francs ; il fut assassiné
par le Franc Ermenfrid qu'il avait menacé de dépouiller
de ses biens (681). — Les appréciations varient sur cet
homme violent, mais on ne peut méconnaître la grandeur
de son rôle. Son échec assura la prédominance des Francs
d'Austrasie. Les principales sources pour son histoire et
celle de son ennemi, saint Léger, lui sont hostiles sans
mesure : ce sont les deux Vies de saint Léger (la seconde
moins partiale), les Gesta Francorum, le continuateur de
Frédégaire ; les Vies de saint Praejectus, de sainte Aus-
trude permettent de critiquer les documents précédents.
ÉBROUISSAGE (V. Teinturerie).
EBRUTA6E (V. Diamant, t. XIV, p. 436).
EBSTEIN (Wilhelm) , médecin allemand contemporain,
né à Jauer (Silésie) le 27 nov. 1836. Professeur de patho-
logie interne et directeur de la clinique à Gôttingue depuis
1874, il a publié des ouvrages très estimés sur les affections
des reins, l'obésité, la goutte, le diabète, diverses maladies
de l'estomac. D^ L. Hn.
EBSWORTH (Joseph), auteur dramatique, acteur et
musicien anglais, né à Londres en 1788, mort à Edim-
bourg en 1868. Il apprit d'abord le métier d'horloger et
y devint très habile ; mais son goût pour le théâtre le porta
bientôt à s'engager dans la troupe d'opéra de Covent Garden
et à devenir auteur. Il joua pendant quelque temps au
Théâtre royal, à Edimbourg, oti il s'étabht définitivement
comme professeur de musique et de chant. Il s'acquit ainsi
une grande réputation, encore rehaussée par ses connais-
sances de linguiste et par ses goûts de bibliophile. Outre
ses très nombreuses œuvres dramatiques, dont beaucoup
n'ont jamais été imprimées et parmi lesquelles nous ne
citerons qu'une curieuse version du Courrier' de Lyon
(The two Prisoners of Lyons, or the Duplicate Keys,
1824), il a laissé de nombreuses notes sur les hiéroglyphes
et sur l'astrologie. Sa collection d'œuvres musicales et de
traités sur la musique n'avait pas de rivale en Ecosse. En
1828, il avait fondé à Edimbourg une librairie dramatique
anglaise et étrangère, où il centralisait aussi les caricatures
et les publications périodiques. Ses compositions musicales
sont en très grand nombre et jouissent encore d'une cer-
taine popularité. Il avait épousé, en 1817, miss Mary-Emma
Fairbrother, née en 1794, et déjà connue comme traduc-
trice de romans français. Elle collabora à la plupart des
pièces de son mari, et écrivit seule plusieurs drames publiés
dans la collection de John Cumberland. Le plus célèbre a
pour titre The Sculptor of Florence, Elle monvut kWâl-
worth en 1881. B.-H. Gausseron.
EBULLIOSCOPE (Techn.). Instrument qui sert à
déterminer la richesse en alcool des boissons, d'après leur
point d'ébuUition. Les ébullioscopes sont basés sur ce fait
que, sous la pression normale, l'eau bout à 100% l'alcool
à 7 8°, 4 et les mélanges alcooliques à des températures
intermédiaires d'autant plus voisines de 78*^,4 que ces mé-
langes sont plus riches en alcool. On a construit divers
appareils basés sur ce principe; le plus répandu est
Ebullioscope Malligand.
l'ébullioscope de M. Malligand. L'appareil se compose
d'une chaudière F conique, qui sert à chauffer le vin et
qui est fixée sur un pied en fonte ; elle porte un petit
thermo-siphon S chauffé par une lampe à alcool L. La
chaudière est fermée par un bouchon à vis percé de deux
trous ; l'un de ces trous donne passage à un réfrigérant R
destiné à condenser les vapeurs lorsque le hquide est
porté à l'ébuUition et à faire retomber le liquide condensé
dans la chaudière. Le second trou est destiné à un thermo-
mètre à mercure T, dont la tige est recourbée horizonta-
lement à angle droit et fixée le long d'une règle en laiton
qui fait corps avec le couvercle à vis. Dans les transactions
commerciales pour les liquides, la richesse en alcool est
comprise entre 0° et 2o«* ; aussi le thermomètre a-t-il sa
graduation de O*' à 25<^ inscrite sur une règle métallique E
parallèle à la tige du thermomètre et appliquée à frotte-
ment contre la règle principale, disposition qui permet de
vérifier à chaque opération le point exact d'ébuUition de
l'eau sous la pression atmosphérique du moment. Un petit
curseur c mobile sur la réglette peut être amené au point
où le mercure s'arrête et marque sur la réglette le degré
alcoolique du liquide en ébullilion. Supposons que l'on
veuille titrer un vin ; on verse de l'eau distillée dans la
chaudière jusqu'à un trait de jauge marqué à l'intérieur ;
on visse le couvercle, on ajuste le réfrigérant, puis on
allume la lampe. Quand l'eau est en ébullition, on fait
glisser la réglette jusqu'à ce que son 0 coïncide avec le
point où s'arrête le mercure. On vide ensuite l'appareil et
on répète l'opération avec le vin à essayer sans toucher à
la réglette. Dès que le liquide bout, on lit à l'aide du cur-
seur le chiffre en face duquel s'est arrêté le mercure ; ce
chiffre indiquera en centièmes et en volume la richesse
alcoolique du vin. Sous le rapport de la sensibilité, l'ébul-
Hoscope permet d'apprécier des fractions de degré. L. K.
ÉBULLITION. L Physique. — La transformation d'un
liquide en vapeur peut se produire de plusieurs façons; le
phénomène peut avoir lieu uniquement à la surface libre du
liquide : il prend alors le nom d'évaporation ; lorsqu'il se
produit toute dans la masse, c'est l'ébuUition proprement dite .
ÉBULLITION
— 240
Les expériences très intéressantes de M. Gernez ont montré
le mécanisme de l'ébullition. Rappelons tout d'abord les faits
observés : lorsqu'on chauffe un liquide dans un vase ou-
vert à l'air libre, on constate en général que, lorsqu'on
atteint une certaine température, de grosses bulles gazeuses
se détachent des parois du vase chauffé et viennent crever
à la surface : le liquide bout. On constate que la tempéra-
ture à laquelle ce phénomène se produit est, pour chaque
liquide, justement celle à laquelle celui-ci possède une
tension maxima de vapeur égale à la pression atmosphé-
rique, c.-à-d. à la pression de l'atmosphère gazeuse que
supporte le liquide chauffé. Il en résulte que si, par un
artifice quelconque, on vient à diminuer ou à augmenter la
pression que supporte un liquide, la température à laquelle
celui-ci entrera en ébullition sera dans ces nouvelles cir-
constances plus basse dans le premier cas, plus haute dans
le second. C'est ainsi que, sur les sommets des montagnes
où la pression atmosphérique est notablement différente
de 760 millim. , la température d'ébullition de l'eau s'abaisse
au-dessous de 100°. Au sommet du mont Blanc (ait.,
4,845 m.), l'eau bout à 84<» en moyenne. Au contraire, dans
la chaudière d'une locomotive, quand la pression est de huit
atmosphères, l'ébullition ne se produit qu'à 1 72^. On montre
souvent, dans les cours, l'influence delà diminution ou de
l'augmentation de la pression sur la température d'ébullution
à l'aide du ballon de Franklin et de la marmite de Papin.
Le premier appareil se compose d'un ballon de verre à
moitié plein d'eau; on l'a fermé après avoir chassé l'air
par l'ébullition. Quand le ballon se refroidit, si l'on active
avec de l'eau le refroidissement de la partie où se trouve
la vapeur, celle-ci se condense, et le liquide, éprouvant une
pression moindre, entre en ébullition. Avec la marmite de
Papin, on montre que l'on peut élever la température de
l'eau au-dessus de 100°, à condition de la chauffer envase
clos, c.-à-d. en présence d'une pression supérieiire à la
pression atmosphérique. La température d'ébullition d'un
liquide dépend donc à la fois de la nature du liquide et de
la pression de l'atmosphère qu'il supporte ; on appelle tem-
pérature normale d'ébullition celle à laquelle l'ébullition
se produit sous la pression d'une colonne de mercure de
760 millim. à 0° et à la lat. 45o. D'autres circonstances
influent encore sur la température d'ébullition : on cons-
tate, en effet, que, lorsqu'on fait bouillir un liquide dans
un vase, surtout dans un vase de verre, l'ébullition
se produit par soubresauts, et peu à peu la température
d'ébullition dépasse sa valeur primitive. On a pu chauffer
de l'eau dans un tube de verre exposé à l'air libre jusque
vers 180^ sans que l'ébullition se produisît (Donny,
Dufour). M. Gernez a donné l'explication de ces curieux
phénomènes : introduisons dans un liquide à une tempéra-
ture t une petite bulle d'air ou de gaz sec de volume v.
La bulle augmentera de volume, parce qu'une partie du
liquide se vaporisera, de façon que la tension de la vapeur
dans la bulle d'air soit égale à sa tension maxim^a f à cette
température t. Soit v' le nouveau volume et h la pression
atmosphérique, on a, en appliquant la loi de Mariotte à la
bulle d'air sec :
hv — (h-^f)v\
ou
v~'h-f
Plus f est voisin de h, c.-à-d. plus on est près de la
température où la tension maxima de la vapeur est égale
à la pression atmosphérique, de la température normale
d'ébullition par conséquent, plus ce rapport est grand et
plus la bulle augmente de volume. Lorsque /'^/i,^ on
trouve qu'une bulle d'air sec très petite mise au sein d'un
liquide pour lequel f=ih peut prendre un volume infini-
ment grand ; de sorte qu'une trace d'air permet à un volume
illimité de vapeur de se former. C'est de cette façon que se
produit l'ébullition, car, si dans un liquide en ébullition
on recueille une bulle de vapeur et qu'on la condense en la
refroidissant, on trouve toujours une fine bulle d'air qui
ne disparaît pas, et inversement si par suite d'une longue
ébullition un liquide a été privé de l'air qu'il contenait
dissous, on constate que l'ébullition est très difficile, mais
qu'elle devient très abondante dès qu'on introduit dans son
intérieur une bulle d'air renfermée dans une petite cloche
en verre ou dans un corps poreux, comme une parcelle de
charbon. L'ébullition exige donc pour se produire une trace
d'un gaz quelconque ; les poussières attachées sur les parois
des vases jouent un grand rôle dans l'ébullition par suite
de l'air condensé qu'elles contiennent. Si on les détruit par
l'action d'acides très énergiques, comme l'acide sulfurique,
l'ébullition ne se produit plus que très difficilement et avec
une sorte d'explosion. L'expérience classique de Donny le
montre bien : dans un tube de verre entièrement clos et
lavé à l'acide sulfurique on a introduit de l'eau dont on a
enlevé l'air dissous par une longue ébullition. Lorsqu'on
chauffe ce tube au bain d'huile, on constate souvent que
l'on peut atteindre une température voisine de 140° sans
voir l'ébullition se produire, puis tout d'un coup elle a lieu
très violemment, en projetant l'eau vers les parois inférieures
du tube; celui-ci est parfois brisé par la violence du choc.
Dufour est allé plus loin : en chauffant au milieu d'une
masse d'huile, de densité égale à celle de l'eau chaude, une
grosse goutte de liquide, il a élevé la température jusqu'à
180° sans obtenir d'ébuUition.
La température normale d'ébullition d'un liquide varie
lorsque ce liquide contient en dissolution diverses subs-
tances. Dans le cas de deux liquides, la température d'ébulli-
tion du mélange est intermédiaire entre celles des deux
liquides purs. Dans le cas d'un liquide et d'un solide,
celui-ci abaisse d'autant plus la température d'ébullition
qu'il est en proportions plus considérables. Les expériences les
plus précises et les plus récentes faites sur ce sujet sont dues
à M. Raoult qui a montré que pour les dissolutions éten-
dues, une molécule d'une substance fixe, en se dissolvant
dans cent molécules d'un liquide quelconque, diminue la
tension de vapeur de ce liquide d'une fraction constante de
sa valeur égale à 0,0099. Cette loi est vérifiée pour un très
grand nombre de substances. Pour quelques autres, il faut
employer une constante différente en rapport simple avec la
première. A. Joannis.
II. Technologie. — On fait de nombreuses applica-
tions de l'ébullition dans l'industrie ; par exemple, dans
la production de la vapeur par l'ébullition de l'eau à di-
verses pressions, pour utiliser sa force élastique de mille
manières ; dans la distillation des pétroles pour en extraire
les diverses essences : ainsi, tant que le thermomètre reste
stationnaire à 60<» dans le liquide, c'est qu'il passe à la dis-
tillation une première essence ; quand celle-ci est épuisée,
le thermomètre monte à 80° et s'y arrête pendant tout le
temps qu'une autre essence moins volatile passe à la dis-
tillation, et ainsi de suite. La marmite de Papin et les
nombreux appareils qui en dérivent sont employés pour
extraire la gélatine des os ou dissoudre des substances sa-
lubres seulement au-dessus de 100<». Dans la formation du
sucre de betterave, on facilite la concentration des sirops
en déterminant l'ébullition et, par conséquent, la vapori-
sation rapide à une température peu élevée afin d'éviter
la détérioration partielle de la matière organique, au
moyen d'appareils pneumatiques. On sait que la fixité du
point d'ébullition d'un liquide est un indice de sa pureté.
Comme il existe des relations connues, d'une part, entre la
pression et l'ébullition de l'eau et, d'autre part, entre la
pression atmosphérique et la hauteur au-dessus du niveau
de la mer, on a été amené à construire des thermomètres
hypsométriques qui indiquent, par la température de l'ébul-
lition de l'eau sur une montagne, la hauteur de celle-ci;
Regnault a construit des tables à cet effet. L. K.
III. Art \ÉTÈn]}iAmE, — (Echauboulure, Feu d'herbe).
Maladie de la peau des animaux, et notamment du cheval,
consistant en une congestion du tissu cutané et particuliè-
rement du tissu vasculaire, congestion qui se manifeste
— 241 —
ÉBULLITION — ÉCAILLAGE
par des plaques, boulons ou tumeurs aplaties apparaissant
subitement. L'ébullition se montre surtout au printemps.
Les che\ aux jeunes et pléthoriques y sont plus particulière-
ment exposés, ainsi que les animaux soumis au régime du
vert ou qui passent subitement d'une alimentation mauvaise
ou épuisante à une alimentation riche, nutritive, abondante
et variée. Parfois elle n'est que partielle, se montrant sur
les côtes, la tête ou le dos; parfois elle est générale et en-
vahit la peau tout entière, et cela si soudainement qu'on
dirait que le sang s'est tout à coup porté en masse aux
extrémités du cercle qu'il parcourt. La surface tégumen-
taire apparaît alors bosselée, inégale et anfractueuse. La
terminaison la plus ordinaire de l'ébullition est la guéri-
son. Rarement cette maladie devient grave ; rarement
aussi les bosselures qui la caractérisent se terminent ou se
transforment en tumeurs ou boutons persistants et indurés.
C'est une affection sans gravité, qui, partielle, guérit tou-
jours spontanément, et qui, générale, ne résiste pas à un
traitement rationnel, à moins qu'elle ne se complique, ce
qui peut arriver quelquefois, de congestions sur la poi-
trine ou l'intestin, congestions qui sont la conséquence de
sa disparition trop subite et déterminent des accidents de
métastase d'une excessive gravité. Si l'ébullition est par-
tielle et n'attaque que quelques régions isolées du corps,
la diète, une saignée légère, quelques barbotages alca-
lins, rafraîchissants et légèrement purgatifs suffisent pour
la faire disparaître. Si elle est générale, il ne faut pas
hésiter à faire immédiatement une abondante saignée. Si
elle apparaît sur plusieurs animaux à la fois et se rattache
à l'usage de fourrages nouveaux, on donnera des barbo-
tages purgatifs aux malades ; on remplacera les fourrages
nouveaux par des fourrages anciens, ou, si on ne le peut,
on aura soin d'arroser les fourrages nouveaux avec de l'eau
salée, de bien les étendre au soleil, de manière à leur enlever
leurs propriétés excitantes et odorantes. L. Garnier.
ÉB URINE (Techn.). Produit industriel nouveau pour
lequel on utiHse les déchets d'os et d'ivoire au moyen de
procédés spéciaux. La composition de l'os est de 33,30 d'os-
séine et de 66,70 de phosphate de chaux, de magnésie et
de carbonate de chaux; celle de l'ivoire, ave^ les mêmes
matières, ne contient que 28,57 d'osséine. Fn soumettant
les déchets d'os et d'ivoire bien desséchés et réduits en
poudre impalpable dans des moules fermé? à une tempé-
rature de 100 à 120*^, l'osséine se ramollit, prend une
autre texture en empâtant le phosphate e^ le carbonate de
chaux et donne, par le refroidissement, une matière très
compacte et d'une grande solidité. Ar rès cette première
opération, les objets moulés passent à l 'atelier du polissage,
où l'on enlève les bavures, où l'on donne de la dépouille
aux parties qui en ont besoin, où l'on met les objets d'épais-
seur et de cahbre, et enfin où ils subissent un polissage
complet; ils vont ensuite à l'atelier de montage, où ils sont
terminés. On peut donner à l'éburine les couleurs les plus
variées; cette matière se prête à un grand nombre d'ap-
plications, à la fabrication de menus articles empreints de
ce goût particulier à l'industrie parisienne : encrier?, presse-
papiers, plumiers, flambeaux, cadres, couvertures de livres
de messe et d'albums, boîtes en tous genres, croix, béni-
tiers, bijouterie, etc. Par le mélange et la compression des
diverses couleurs, on obtient les marbres et les pierres
précieuses. L. K.
EBURNA (Malac). Genre de Mollusques Gastéropodes,
de l'ordre des Prosobranches-Pectinibranches, établi par
Lamarck en 1801 pour une coquille oblongue à spire assez
élevée, à tours bien développés, mais dont les sutures sont
comblées par un dépôt épais et brillant. Ouverture ovale
allongée ; columelle tordue plissée, avec une forte callosité
en arrière ; bord externe simple, aigu : un ombilic souvent
en partie recouvert. Type : Eburna glahrata Linné. Es-
pèces habitant l'océan Pacifique. J. Mab.
ÉBU BON ES. Peuple germanique de l'ancienne Belgique.
Vers l'an 55 av. J.-G., les Eburones passèrent le Rhin.
Laissant la majeure partie de leur population dans la cou-
grande ENCYCLOPÉDIE. — XV.
trée située entre ce fleuve et la Meuse (César, De Bello
GalL, V, 24), ils s'avancèrent jusqu'à TEscaut. Ce terri-
toire, couvert de marais et d'immenses forêts, confinait,
d'après M. Wauters, du côté du Rhin, aux Sicambres, qui
n'eurent qu'à passer le fleuve pour se répandre sur leur
territoire, et aux Ubiens, qui en repeuplèrent plus tard
toute la partie orientale, c.-à-d. la partie cisrhénane du
diocèse de Cologne. Dans la direction de la mer, les Ebu-
rones étaient les voisins des Menapii ; du côté de l'Ardenne,
ils étaient séparés des Treveri par les Segni et les Con-
drusi; à l'O., les Nervii les séparaient des Aduatici, aux-
quels ils payaient tribut (César, V, 27). Ils occupaient donc
les rives du Rhin, depuis Remagen jusque vers Dusseldorf,
celles de la Meuse, de Liège à Ruremonde et le pays inter-
médiaire ; quant à leurs frontières dans la contrée cis-
mosane, il est impossible de les déterminer. A peu près au
milieu de leur territoire, ils possédaient la ville à'Adua-
tuca (V. ce mot) qui, à en juger par le nom, doit avoir
été ou occupée quelque temps par les Aduatici ou fondée
par ce peuple pour maintenir dans la soumission les Ebu-
rones, lorsqu'ils étaient ses tributaires. On a beaucoup
discuté sur la position de cette forteresse; la plupart des
savants toutefois l'identifient avec Tongres (sur la question
d'Aduatuca, V. les nombreuses notices bibliographiques
dans Wauters, Nouvelles Etudes, pp. 133-135). Outre
Aduatuca, les Eburones avaient un autre oppidum que la
commission de la carte des Gaules a cru pouvoir fixer à
FaWise, près d'Huy, mais que d'autres savants placent
sur la colline où s'élève aujourd'hui la citadelle de Namur.
Sur la destinée à la fois éclatante et malheureuse de cette
nation, sur le rôle patriotique qu'elle joua dans l'histoire
de la lutte désespérée du Belgium et sur son extermination
par Jules César, V. Ambiorix et Cativulcus. Après que
César eût poussé la vengeance jusqu'à détruire le peuple
des Eburones, leurs débris, fondus aux restes des Aduatici,
formèrent plus tard une civitas unique. Comme le terri-
toire que les Eburones occupaient à l'époque de César com-
prenait au iv^ siècle, d'après les indications delà Notice des
provinces, la civitas Tungrorum et la partie septentrio-
nale de la civitas Agrippinensium,\\ est permis de sup-
poser que les Tungri étaient leurs descendants et héritiers.
Le nom des Eburones se trouve encore dans Strabon, mais
ne figure déjà plus dans Pline, où apparaît pour la pre-
mière fois celui des Tungri, qui avaient Aduatucum comme
ville principale. L. W.
BiBL. : J. CÉSAR, De Bello Gallico, II, 4; IV, 6; V, 24,
28-39,47; VI, 5, 31-35. — Baron J. de Witté, Monnaies
gauloises attribuées à Tournai et aux Eburons, dans Bul-
letin de V Académie roy. de Belgique, 1854, XXI. — Creuly
et Alex. Bertrand, Quelques Difficultés du l. II des Com-
mentaires étudiés sur le terrain, dansRev. archéoL, 1861,
IV, pp. 453-466, 2« sér. — A. Wauters, Nouvelles Etudes
sur la géographie ancienne de la Belgique ; Bruxelles,
1867, pp. 55-61. — Ern. Desjardins, Géogr. de la Gaule
romaine, II, passim. — A. Longnon, Atlas hist. de la
France, passim.
ÉBUROViCES. Peuple gaulois de la nation aulerque ;
il occupait le pays d'Evreux (V. Aulerci, t. IV, p. 672).
BiBL. : J. César, De Bello Gallico, III, 17; VII, 75. —
Ptolémée, II, VIII, 11. — J.-Th. BoNNiN, Antiquités gallo-
romaines des Eburoviques ; Paris, 1860.— H. Vallentin,
Bulletin épigraphique de la Gaide, 1882, II, pp. 10-11.
EÇA DE QuEiROS (José-Maria), romancier portugais con-
temporain, né à Povoa de Varzim le 2o nov. 1845. Elève
de l'université de Coimbre, puis rédacteur d'un journal
polhique àEvora, il fut nommé consul à La Havane, ensuite
à Newcastle, enfin à Bristol, et élu membre de l'Académie
des sciences de Lisbonne. Il est aujourd'hui le plus en vue
parmi les romanciers de son pays et est regardé comme le
chef de l'école réaliste. Ses meilleures œuvres sont : 0
Crime do Padre Amaro (1874 ; édition complètement
refondue, 1880) ; 0 Mandarim (1880) ; 0 Primo Basilio
(1883). Plusieurs de ses romans ont été traduits en espa-
gnol et en allemand. G. P-i.
ÉCAILLAGE. I. Céramique. — Défaut de la couverte
céramique, qui se détache par écailles, après la cuisson,
^16
ÉGAILLAGE -- ÉCANGUË - 24^2 -
de la pièce qu'elle recouvre, par suite de son manque
d'adhérence à la pâte. Cet accident provient de l'absence
d'affinité de la terre; on y remédie en ajoutant du calcaire
à la pâte céramique. F. de M.
II. Peinture. — Tableau, panneau ou fresque dont la
peinture se crevasse, se contracte et se détache par frag-
ments. L'écaillage tient le plus souvent à la grande vieillesse
d'une œuvre, à la vétusté d'une toile ou d'un panneau,
et surtout à la manière défectueuse dont les enduits sup-
portant la peinture ont été composés et appliqués. La
mauvaise préparation des dessous, de l'ébauche, faite avec
des couleurs trop peu siccatives, et la combinaison en
trop forte partie de ces mêmes couleurs avec les autres,
est aussi une cause d'écaillage. Les tableaux de notre école
française contemporaine où l'on a tant abusé du bitume,
surtout ceux de Géricault et de Granet, fournissent de
tristes exemples de ce dernier inconvénient. Les tableaux
détachés de leurs châssis et roulés sans beaucoup de soins
sont aussi fatalement voués à l'écaillage. Ad. T.
ÉCAILLE.I. Zoologie.— L'épiderme ou la peau forment à
la surface du corps des animaux des lamelles ou des plaques
de formes très variées ; rares chez les Mammifères (Pangolin,
Tatou, Rat, Castor, etc.) et surtout chez les Oiseaux
(plaques épidermiques des pattes), les écailles s'observent
chez la plupart des Reptiles ; la carapace des Chéloniens
n'est autre chose qu'un tégument écailleux. Les écailles sont
de nature et de forme très variables chez les Poissons et
fournissent souvent des caractères à leur classification ;
elles sont molles ou dures, petites ou grandes ; chez les
Coffres, par exemple, elles forment une véritable cuirasse ;
le Diodon et la Raie bouclée en présentent d'épineuses
(V. Poissons). Enfin, on donne aussi le nom d'écaillés aux
lamelles fines et diversement colorées qui recouvrent les
ailes des Papillons, des Charançons, etc. (V. Lépidoptères,
CURCULIONIDES, Ctc). D'' L. Hn.
IL Entomologie. — Nom donné par Geoffroy à plu-
sieurs Lépidoptères du genre Arctia Schrank [Chelonia
Latr.). L'E. couleur de rose est VA. Hebe L., TE. marbrée
VA. villica L., TE. martre ou hérisonne VA. caja L., l'E.
mouchetée l'i. viUica L. et l'Ecaillé pudique VEuprepia
piidica Esp. Ed. Lef.
III. Botanique. — Lames foliacées, de consistance
variable ; morphologiquement ce sont des feuilles, et elles
en remplissent souvent les fonctions. Les bourgeons sont
fréquemment couverts d'écaillés protectrices ; les bractées,
les sépales et les pétales sont susceptibles de se transformer
en écailles et sont alors remplacés par elles. D'^ L. Hn.
IV. Commerce et Industrie. — Sous le nom d'écaillé, on
désigne dans le commerce les plaques qui recouvrent le
corps de certaines espèces de tortues et les ongles de leurs
doigts. Les tortues recherchées spécialement pour cette
matière sont : la tortue franche (Chelonia niydas), que
l'on rencontre dans l'océan Atlantique et dans les mers
du Sud, et quelques espèces voisines telles que la tor-
tue à raie de la mer Rouge et la tortue tachetée de Ma-
labar, la caouane {Chelonia caouanea), qui vit dans
l'Atlantique et dans la Méditerranée, le caret {Chelonia
imbricata), que l'on trouve dans la mer des Indes, sur
les côtes de la Guinée, du Mexique et de l'Amérique du
Sud. Les écailles de ces reptiles, au nombre de treize,
sont classées dans le commerce en deux grandes feuilles,
deux petites feuilles, trois buses, deux ailerons, deux
pointes et deux carrés. Les principales sortes commerciales
sont : la grande écaille ou caret de llnde, en feuilles
épaisses, transparentes, peu fiexibles, noires tachées de
jaune pâle et de brun rougeâtre ou bien jaspées de jaune
clair. Vécaille jaspée de F Inde provient, comme la précé-
dente, du caret. Les plaques sont à fond brun nuancé de
rouge, taché de rouge brun et de jaune citron. Les parties
claires sont transparentes. La grande écaille d'Amérique
provient de la carapace de la tortue franche. Elle est verJâtre
en dehors, noirâtre intérieurement; sur les bords princi-
palement, on trouve des jaspures rougeâtres, noirâtres et
jaunes. La grande écaille de tortue franche est pro-
duite par une tortue d'une espèce voisine de celle de la
tortue franche, que l'on trouve dans les grandes mers.
L'écaillé est mince et flexible, jaune pâle marqué de noir et
de jaune rougeâtre. Les parties claires sont transparentes.
La grande écaille de caouane est peu é{)aisse, à fond brun,
rougeâtre et noirâtre, taché de plaques blanc sale trans-
parentes. V écaille caouane blonde est formée par une
des treize plaques dorsales de la tortue caouane. La cou-
leur est d'un jaune doré ; elle est demi-transparente, un
peu laiteuse. Le polissage lui donne de la souplesse et une
belle transparence. Cette espèce est très estimée. La petite
écaille noire d'Amérique semble être fournie par une
tortue terrestre.
Les ongles fournissent deux sortes commerciales d'écaillé :
Vonglon sain de Vlnde, fourni parles pattes du caret, est
composé de feuilles inégales : la grande est brune, l'autre
jaune. Vonglon galeux d'Amérique provient des pattes de
la tortue franche et de quelques autres espèces. H diffère du
précédent par les nombreuses aspérités qui se trouvent à la
surface. L'écaillé se travaille connue la corne ; la grande faci-
Hté qu'elle a de se ramollir à une douce chaleur et de se sou-
der, le rend facile. Les teuilles brutes livrées au commerce
ont besoin d'être redressées ; pour cela, on peut opérer de
deux manières : par voie sèche ou par voie humide. Le
dernier procédé est le meilleur ; on ne risque pas comme
avec l'autre de brûler la corne. Pour cette opération, les
feuilles sont plongées dans l'eau chaude, et, lorsqu'elles
sont devenues suffisamment souples, on les place sous une
presse, entre des plaques de tôle ou de cuivre. Toujours en
se fondant sur l'action de la chaleur, on peut mouler l'écaillé,
et les pièces obtenues de cette façon sont terminées à la
lime et au tour, puis soudées ensemble s'il est besoin. On
prépare de l'écaille factice au moyen de la colle de première
qualité que l'on colore. Ch. Girard.
V. Ornement. — Motif d'ornementation formée de
lamelles terminées en arc de cercle, à pans coupés ou en
pointes plus ou moins aiguës, imbriquées comme les
écailles d'un poisson , et servant à décorer le parement
d'une muraille inclinée, à simuler une toiture. Ce système
d'ornementation, très employé au moyen âge, paraît
inspiré par les couvertures en bardeaux de bois communes
alors en certains pays. On le remarque principalement
dans les édifices du xii« siècle; il revêt des rampants
de contreforts des flèches de pierre, des couronnements
de pinacles. Plus variées dans leurs formes aux siècles sui-
vants, les écailles furent conservées par les architectes de
la Renaissance pour donner de la légèreté et de l'élégance
aux dômes des campaniles. Ad, T.
VI. Ordres. — Ordre de rEcaille, Fondé en Castille,
en 4418, par le roi don Juan IL C'était une milice com-
posée de chevaliers qui, tous, promettaient de protéger la
religion catholique contre les attaques des Maures ; ils
portaient un manteau blanc sur lequel figurait une croix
formée d'écaillés de poisson; de là le nom d'ordre de la
Scuama ou de l'Ecaillé. Il faut supposer que cette insti-
tution ne rendit guère de services ; elle disparut peu de
temps après sa fondation. H. Gourdon de Genouillac.
ÉCAILLE (L'). Corn, du dép. des Ardennes, arr. de
Rethel, cant. d'Asfeld; 213 hab.
ÉCAILLON. Com. du dép. du Nord, arr. et cant. (S.) de
Douai, sur l'Ecaillon, affluent de l'Escaut; 611 hab. Eglise
moderne conservant des fonts baptismaux du xvi^ siècle
et un intéressant triptyque à panneaux peints de la même
époque.
ÉCAJEUL. Com. du dép. du Calvados, arr. de Lisieux,
cant. de Mézidon ; 331 hab.
ÉCALLES-Alix. Com. du dép, de la Seine-Inférieure,
arr. de Rouen, cant. de Pavilly; 431 hab.
ÉCANGUE (Indust.). Outil dont on fait usage pour le
teillage du lin ou du chanvre (V. Chanvre, t. X, p. 538,
et Teillage).
ÉCAQUELON. Gom. du dép. de l'Eure, arr. de Pont-
Audemer, cant. de Montfort-sur-Rille ; 572 hab.
ÉCARDENVILLE-la-Campagne. Corn, du dép. de l'Eure,
arr. de Bernay, cant. de Beaumont-le-Roger ; 447 hab.
ÉCARDENVlLLE-suR-EuRE. Corn, da dép. de l'Eure,
arr. de Louviers, cant. deGaillon; 298 hab.
ÉCARLATE (Chim. indust.). Les matières colorantes
artificielles dérivées de la houille et connues sous le nom
à'écarlates appartiennent pour la plupart à la classe
des colorants diazoïqiies (V. ce mot). On rencontre dans
le commerce les marques suivantes : Ecarlate de coche-
nille G ou azococcine G. Azobenzol a naphtohuonosulfo-
nate de soude (sel de Clèves), découvert parGaess en 1883.
— Ecarlate de cochenille G ou azococcine G (Gaess,
1883). Azobenzol a naphtolmonosulfonate de sodium (sel
de Clèves). ■— Ecarlate de cochenille 2 R (Gaess, 1883).
Azotoluidine a naphtolmonosulfonate de sodium (sel de
Clèves). — Ecarlate de cochenille 4 R (Gaess, 1883).
Azoxylidine a naphtolmonosulfonate de sodium (sel de
Clèves). — Ecarlate pour laines R (1884). Azoxylidine a
naphtoldisulfonate de sodium (sel de SchôllkolF). — Ecar-
late G R (Leveinstein, 1879). Azoxylidine p naphtoldisul-
fonate de sodium (sel de SchâfFer). — Ecarlate G(Meister
Lucius, 1878). Azoxylidine p naphtoldisulfonate de sodium
(sel R.). — Ecarlate double brillant G (Prinz, 1882).
Azo p naphtol p naphtylamine sulfonate de sodium (sel de
Brônner). — Ecarlate double extra S (Prinz, 1882),
obtenu par l'action du dérivé diazoté de l'acide p naphty-
lamine sulfureux de Bronner sur l'a naphtolsulfite N. W.
— Ecarlate solide ou de Riebrich (Nietzki, 1878). Ami-
doazobenzoldisulfonate de soude azo p naphtol. — Ecartâtes
de crocéine (V. Crocéine).
Les écarlates se présentent sous forme de poudre rouge
ou brun rouge, solubles à l'eau et à l'alcool, et donnant
en teinture des nuances variant du rouge orange au rouge
cerise ; ils résistent assez bien aux acides et aux alcalis
faibles. La préparation des écarlates est identique à la pré-
paration de tous les dérivés diazoïques ; il nous suffira donc
d'indiquer le procédé suivi pour l'obtention de l'un d'eux,
l'écarlate de Biebrich par exemple. On verse, peu à peu,
47 kilogr. de jaune d'aniline (chlorhydrate d'amidoazo-
benzol) dans 230 kilogr. d'acide Nordhausen à 14 ^/'^
d'anhydride, on chauffe à 60-70<^.On dissout et on neutra-
lise par la soude; on a ainsi l'acide disulfoconjugué de
l'amidoazobenzol ; on acidulé avec 50 kilogr. d'acide chlo-
rhydrique à 22^ B., et on diazote en maintenant à 4'' avec
une solution de 14 kilogr. de nitrite de soude dans 50 litres
d'eau. On ajoute une solution aqueuse de 29 kilogr. de p
naphtol et \^ kilogr. de soude; on laisse en contact six
heures environ et la matière colorante est précipitée parle sel.
Teinture de la soie. La soie se teint en bain acidifié
très légèrement à l'acide sulfurique et au bouillon, c.-à-d.
à 100^ environ, en présence de 25 à 30 litres de bain de
savon provenant du décreusage par 10 kilogr. de soie; la
teinture terminée, on rince, avive et sèche.
Teinture de la laine. Les écarlates se précipitent trop
vite sur la laine ; aussi est-il fort difficile de les appli-
quer sur cette fibre. Généralement on teint, en présence
d'acide sulfurique, 600-800 gr. par 10 kilogr. de laine ou
1 kilogr. de bisulfate de soude, en commençant à froid et
arrivant peu à peu en une heure environ à l'ébullition ; on
maintient cette température pendant une demi-heure afin
de parfaire Vunisson, puis on lave et on sèche.
Teinture du coton. On mordance préalablement le coton
de différentes façons. Par 10 kilogr. de fibre : 1^ avec
500 gr. de stannate de soude, 500 gr. d'alun, 100 gr. de
cristaux de soude; 2° avec 1 kilogr. d'alun, 100 gr. de cris-
taux de soude. Quel que soit le procédé de mordançage
employé, on tord le coton sans rincer et on teint à 40-
.50'^ C. dans un bain très concentré d' ecarlate. Les
marques dites coton peuvent se teindre directement en pré-
sence d'alun. Au sortir du bain de teinture, on lave et on sèche.
Enlevages sur écarlates. Les enlevages sur les tissus
— 243 — ÉCAQUELON — ÉCART
teints en écarlates s'obtiennent très facilement, comme pour
les ponceaux, par l'application d'une bouillie de bisulfite
de soude concentré et de poudre de zinc; après quelques
minutes de contact, la décoloration est complète ; il ne reste
plus qu'à laver. Ch. Girard.
Ecarlate d'éosine (V. Eosine).
Ecarlate de fuchsine (V. Fuchsine).
Ecarlate de cochenille (V. Cochenille, t. XI, p. 764).
ÉCART. I. Mathématiques.— Supposons que l'on fasse m
épreuves pour observer l'arrivée d'un certain événement;
soit p la probabilité de cet événement et (/zzl — p. Le
nombre d'arrivées le plus probable est, d'après un théo-
rème de Bernoulli, mp ; on appelle écart la différence
entre le nombre mp et le nombre de fois que l'événement
est réellement arrivé dans les m épreuves. L'écart est un
nombre qui est de l'ordre de la racine carrée de m.
II. Artillerie. — Lorsqu'on tire dans une même bouche
à feu, dans des conditions identiques de charge, d'angle
de tir, etc., et les conditions atmosphériques restant les
mêmes, un grand nombre de coups, les points de chute
sur le plan horizontal qui porte la bouche à feu ne se con-
fondent pas en un seul; ils sont dispersés sur une certaine
étendue. Cette dispersion tient à ce que, dans la pratique,
il est impossible de réaliser l'invariabilité absolue des con-
ditions du tir : quoi qu'on fasse, il existe toujours des
différences qui modifient, d'un coup à l'autre, soit la portée,
soit la dérivation (poids de la charge, propriétés balis-
tiques de la poudre, poids du projectile, pression atmo-
sphérique, etc.). En étudiant la dispersion des points de
chute, on reconnaît qu'il y a une région où les coups sont
en plus grand nombre, tandis qu'autour de cette région ils
sont disséminés d'autant
plus qu'ils en sont plus
éloignés. Si l'on prend la U
moyenne de toutes les N | , A
portées ainsi obtenues et
la moyenne de toutes les
dérivations, on détermine
dans le plan horizontal
un point appelé point 'T j j et'
moyen. La distance d'un |Ô M
point de chute quelconque
à ce point moyen se
nomme écart de disper-
sion. Il ne faut pas con-
fondre l'écart de disper-
sion avec l'é^'car^, distance
d'un point de chute au
but.
Menons par le point
moyen 0 (fig, 1) deux
y
Fig,
axes rectangulaires xx' et yif , le second passant par la
bouche à feu B. Les coordonnées d'un point de chute quel-
conque A par rapport à ces axes sont respectivement l'^'car^
de dispersion en portée
AM et {'écart de disper-
sion en direction AN.
La moitié des coups se
trouvent au delà de la ligne
xx\ l'autre moitié en deçà;
de même la moitié des points
de chute est à droite de ijy\
l'autre à gauche. Traçons
(fig. 2) deux parallèles à
xx^ : l'une, ab., séparant la
meilleure moitié des coups
(L
y
f
b
JC
25
%
0
ai
C
Z5
%
d
y
5
Fig. 2.
longs (soit 25 °/o des coups tirés), l'autre, cd^ isolant la
meilleure moitié des coups courts ; ces deux lignes sont à
égale distance de xx\ et l'une quelconque de ces distances
0/" ou 0^ est ce qu'on appelle X écart probable en por-
tée. L'écart probable en portée est donc la demi-largeur
d'une bande contenant la meilleure moitié des coups (la
bande étant orientée perpendiculairement à la direction du
ECART
244 —
y
h 5
%
7
%
1
1
16
%
1
I
: 1
1 J?
X
2.5
0^
JC'^
. ^
^-^ ^
25
%
1 ^
16
%
1 ^
1 I
V y
7
%
*»
i.5
%
V
Fi-
tir et le tir étant supposé indéfiniment prolongé). On peut
encore dire que l'écart probable en portée est tel qu'il y a
un à parier contre un qu'il ne sera pas dépassé. ]J écart
probable en direction se définit d'une manière analogue.
Si on relève les points de chute sur un plan vertical, on a
des écarts en hauteur; la définition de V écart probable
en hauteur est encore la même.
Supposons qu'on trace sur le sol, de chaque côté du
point moyen 0, des parallèles à xx' (ou à yi/) équidis-
tantes d'une longueur égale à l'écart probable en portée (ou
en direction), on
divisera le terrain
en bandes renfer-
mant chacune une
certaine propor-
tion de coups,
ainsi que l'indi-
que la fig. 3. En
pratique, on ad-
met que tous les
coups (99 Vo)
tombent dans une
bande de largeur
égale à huit fois
l'écart probable.
Cette répartition
des points de
chute est la
même, quelles
3 que soient la
bouche à feu et
la distance du tir : l'écart probable varie seul et dépend
à la fois de la bouche à feu et de la distance; il mesure donc
la précision de la bouche à feu à la distance considérée.
On se sert quelquefois, pour apprécier cette précision,
de deux autres écarts : Vécart moyen, qui est la moyenne
des écarts pris en valeur absolue, et Vécart quadratique
moyen, qui est la racine carrée de la moyenne arithmé-
tique des carrés des écarts. Ces écarts, que nous désigne-
rons par m et g, sont reliés à l'écart probable r par les
formules suivantes :
(1) r = 0,845 m,
(2) r = 0,674 q.
Dans l'établissement des tables de tir, qui donnent les
écarts probables en portée et en direction, on détermine direc-
tement l'écart
moyen m et l'on
en déduit, parla
formule (1), la
valeur de r.
Quant à l'écart
probable en hau-
teur, qui figure
également dans
les tables, on le
calcule en sup-
posant qu'aux
environs du
point de chute les trajectoires (fig. 4) sont des lignes droites
parallèles, faisant toutes, avec le plan horizontal, un angle w
égal à l'angle de chute de la trajectoire moyenne; autrement
dit, on applique la formule :
rj
dans laquelle
rj^ rzr écart probable en hauteur
et
r„ =z écart probable en portée.
Tout ce qui précède s'applique au cas du tir percutant.
Dans le tir fusant, la durée de combustion de la fusée est
un nouvel élément variable qui, combiné avec la dispersion
des trajectoires, fait que les projectiles n'éclatent pas à la
même hauteur. Les hauteurs d'éclatement sont soumises à
la loi des écarts. Leur écart probable est d'ailleurs plus
-Vg^»
grand que l'écart probable en hauteur dans le cas du tir
percutant (V. Probabilité et Tir).
III. Marine. — En matière de charpentage maritime,
on appelle ainsi la jonction, l'assemblage de deux pièces de
bois obtenu en ôtant, soit obliquement, soit par façons, soit
par excavations, du bois d'une face d'une pièce de cons-
truction ou de mâture et en travaillant ou taillant celle qui
doit s'assembler avec la première, de manière qu'elle
s'applique exactement contre elle. Pour certaines grosses
œuvres du navire, la quille, les mâts les plus gros, il est
impossible de trouver des pièces de bois de dimensions
suffisantes ; on assemble alors plusieurs pièces de dimen-
sions moindres et on les encarve, c.-à-d. qu'on les réunit
par des écarts dont la forme varie suivant l'usage qu'on
veut en faire, suivant l'eiFort présumé qu'elles auront à
soutenir. A ce point de vue, on distingue les écarts simples,
écarts car7'és ou en about, ceux des pièces simplement
juxtaposées; les écarts oti les pièces sont appliquées les
unes sur les autres : écarts plats ou à mi-bois où les bouts
sont coupés en biseau sur leur épaisseur ; écart double ou
flamand quand les pièces sont coupées en biseau sur leur
largeur. Enfin, il y a des ècdiVis saillants ou à croc quand,
au miheu de leur jonction, les bouts des pièces encarvées
portent une dent saillante ou rentrante. — Les pièces de
la quille sont réunies par des écarts doubles ; celles qui
composent les bans par des écarts à croc.
Les faces en contact des écarts sont toujours enduites de
goudron, qui est un préservatif en même temps qu'un agent
de cohésion; on y intercale parfois du feutre. Il faut aussi
avoir soin, quand on superpose plusieurs pièces à écarts,
que les écarts ne se correspondent pas pour ne pas s'affai-
blir mutuellement, c.-à-d. que les plans verticaux passant
par leurs milieux soient espacés le plus possible. — L'écart
a plus ou moins de longueur, suivant le degré de résistance
que doit présenter l'assemblage : ainsi les écarts des allonges
des mâts ont la moitié de la longueur totale des mâts,
tandis que l'écart de l'alonge d'une vergue a les deux tiers
de la longueur totale de la vergue. — Le mot écart est
aussi employé par les voiHers pour exprimer la jonction
des laizes de voile dans leur longueur.
IV. Art vétérinaire. — Encore appelé effort d'épaule,
l'écart est une boiterie qui a son siège au pourtour de l'arti-
culation scapulo-humérale du cheval et sa cause dans une dis-
tension ou entorse des liens ligamenteux ou musculaires qid
attachent le scapulum à l'humérus. Les mouvements de la
région de l'épaule sont ceux de flexion, d'extension, d'ab-
duction, d'adduction, de circumduction et de rotation ; que
ces mouvements, par suite d'un choc, d'une chute, ou
d'une course rapide, ou d'un saut excessif, viennent à dé-
passer les hmites normales, ils peuvent avoir pour effets
d'exercer des tiraillements extrêmes sur les muscles qui,
dans cette région, ont pour mission, à défaut d'un appa-
reil ligamenteux suffisamment solide, de maintenir les
rayons articulaires dans leurs rapports et d'assurer leur
solidité. Le diagnostic de l'écart est entouré de difficultés,
en raison de la difficulté d'exploration de l'épaule entourée
de muscles puissants et volumineux, en raison aussi de la
similitude des boiteries entre elles, quant à leur manifes-
tation. Si l'animal est tombé sur l'épaule, s'il a reçu un
coup à l'épaule, si cette région est douloureuse, engorgée,
pas de doute en ce cas : le mal a son siège à l'épaule ; mais,
si rien n'apparaît, si rien n'est visible sur le membre, en
ce cas, c'est par voie de déduction qu'on arrivera à dia-
gnostiquer le siège du mal. La première indication est
d'examiner le pied, de le faire déferrer, de s'assurer qu'au-
cune cause de boiterie n'y réside, qu'il n'y a ni bleimes,
ni seimes, ni foulures, ni kéraphyllocèle ; on s'assurera
ensuite s'il n'y a pas une forme, un suros, une cause
quelconque pouvant déterminer la boiterie, et c'est quand
on aura sévèrement examiné le membre boiteux et plu-
sieurs fois, et à différents jours d'intervalle, qu'on devra
à son tour sonder l'épaule et s'assurer si elle ne cause pas
la boiterie. Pour guérir l'écart récent, la première indication
- 245 —
ÉCART — ÉCARTÉ
à remplir est d'immobiliser le membre malade en le main-
tenant autant que possible dans son attitude physiologique,
et on y parviendra au moyen d'une entrave reliant l'un à
l'autre les deux membres antérieurs, et par une application
de vésicatoire sur la région malade ; si le vésicatoire est
impuissant, on recourra avec avantage à la cautérisation en
raies ou en pointes. L. Garnier.
ECARTE (Jeu). d° Règle. — L'écarté est un des jeux de
cartes les plus usités. C'est aussi l'un de ceux où l'habileté
assure le plus d'avantages. Nous indiquons les règles du jeu
et quelques-unes des méthodes, d'après l'ouvrage de M. Dor-
moy. L'écarté se joue entre deux personnes, avec un jeu de
trente-deux cartes. On l'a joué parfois à trois ou quatre,
mais cela est irrégulier. On se sert ordinairement de deux
jeux de couleurs différentes ; il est préférable de se servir de
trois jeux. Dans ce cas , le joueur qui a donné ramasse les
cartes après le coup et place le jeu à sa gauche; le joueur
qui donne prend le jeu qui est à sa droite. — Après chaque
coup, chaque joueur a le droit de demander des cartes neuves.
De la main. Chacun donne les cartes à son four. Pour
déterminer qui aura la main, c.-à-d. qui donnera le pre-
mier, chaque joueur mêle l'un des jeux et tire une carte dans
le jeu qui a été mêlé par son adversaire : c'est la carte la
plus forte qui donne. L'ordre de force des cartes est le sui-
vant : roi, dame, valet, as, dix, neuf, huit, sept. — Si, en
tirant la main, on découvre deux ou plusieurs cartes, c'est la
carte la plus basse qui compte. — La main est valablement
tirée, même si le jeu est reconnu faux. — Quand on joue en
partie liée, la main continue à alterner, même après chaque
partie.
De la coupe et de la donne. Celui qui a la main mêle le
jeu et le présente à coupera son adversaire. Celui-ci a le droit
de mêler une seconde fois. — La coupe doit être faite d'un
seul coup, et en laissant au moins deux cartes en dessus et
en dessous ; autrement, l'adversaire a le droit de faire couper
de nouveau, après avoir mêlé les cartes, s'il le juge à pro-
pos. — On donne les cartes en commençant par servir son
adversaire. On peut donner par trois et deux, ou par deux
et trois ou une par une. On donne ainsi cinq cartes à chacun ;
on retourne la onzième carte, qui forme l'atout. On place à
sa droite le paquet de cartes restant, qui s'appelle le talon.
■— Pendant toute la durée d'une partie, chaque joueur est
obligé de donner les cartes de la même manière qu'il les a
données à son premier coup, à moins qu'il ne prévienne son
adversaire avant que celui-ci ait coupé. A défaut de cet
avertissement, le joueur qui est le premier peut exiger ou que
la donne se fasse régulièrement, ou que le coup soit recom-
mencé. Mais il perd cette faculté dès que la retourne est
faite ou dès qu'il a regardé une carte de son jeu. Si un
joueur donne hors son tour, et qu'on s'en aperçoive avant
la retourne faite, le coup est recommencé. Si l'on s'en
aperçoit après la retourne faite, mais avant que le premier
ait engagé le coup, les jeux, tels qu'ils sont, sont mis de
côté pour le coup suivant. Mais, si la partie finit sans qu'il
y ait lieu déjouer le coup suivant, le coup mal donné est
définitivement annulé, même en partie liée. Si l'on ne s'aper-
çoit de la donne hors tour qu'après le coup engagé, le coup
est valable. Le coup est engagé quand un joueur a annoncé
le roi, ou joué sa première carte, ou proposé, accepté ou
refusé des cartes. — S'il y a une ou plusieurs cartes retour-
nées dans Je jeu, et qu'on s'en aperçoive avant d'avoir vu son
jeu, le coup est annulé, à moins que la carte retournée soit
la onzième ; dans ce cas, cette carte forme l'atout. Si l'on
ne s'en aperçoit qu'après écart, et que les cartes retour-
nées reviennent à celui qui donne, le coup est valable. Si,
au contraire, une carte retournée revient au premier, il peut,
à son choix , tenir le coup pour bon ou l'annuler. Dans ce
dernier cas,?le point du roi ne compte pas.— Si, en donnant,
soit d'emblée soit après écart, on retourne une carte, même
par suite d'un faux mouvement de son adversaire, le coup
est valable si cette carte revient à celui qui donne; si elle
revient à son adversaire, celui-ci a le droit de maintenir le
coup ou de l'annuler; mais, s'il a regardé tout ou partie des
cartes ainsi données, le coup reste valable. On procède de
même si la carte découverte fait partie du talon, et notam-
ment si l'on a retourné pour l'atout deux cartes au lieu
d'une ; dans ce dernier cas, c'est toujours la onzième carte
qui forme l'atout. — Si l'un des joueurs a moins de quatre
cartes ou plus de six, le coup est annulé. — Si l'un des
joueurs a quatre ou six cartes et qu'on s'en aperçoive avant
la retourne faite, on rectifie l'erreur en rétablissant , s'il
est possible, l'ordre normal de la distribution. — Si la re-
tourne a été faite, le premier en cartes, après avoir vu son
jeu, peut, à son choix, annuler le coup ou compléter son jeu
en prenant la première carte du talon s'il n'en a reçu que
quatre, ou réduire son jeu à cinq cartes en en jetant une à
son choix s'il en a reçu six ; l'atout retourné n'est pas
changé. Si c'est le joueur qui donne qui a quatre ou six
cartes, et qu'on s'en aperçoive avant qu'il n'ait engagé le
coup en ce qui le concerne, l'adversaire a le droit, ou d'an-
nuler le coup, ou de lui compléter son jeu, en lui donnant
la première carte du talon, ou de le réduire à cinq cartes en
en retirant une au hasard. — Quand un coup est annulé
par suite de maldonne, le premier en cartes a le droit de
prendre la main s'il le juge à propos. — Celui qui engage le
coup en ayant six cartes, soit avant soit après écart, perd
un point et le droit de marquer le roi.
Du roi, du point et de la vole. Chaque partie se joue
en cinq points. — Celui qui retourne le roi comme atout
marque un point. — Celui qui a dans son jeu le roi d'atout
marque un point; toutefois, il doit annoncer le roi avant
d'avoir jeté sa première carte, c.-à-d. avant que cette carte
ait touché le tapis, faute de quoi le roi ne compte pas.
Pour annoncer le roi, l'on doit dire : Le roi, ou : J'ai le roi,
ou : Je marque le roi; toute autre locution ne compte pas ;
on est dispensé d'annoncer le roi, tout en conservant le
droit de le marquer, si on le joue pour sa première carte,
que l'on soit premier ou second. — On n'est pas obligé
d'annoncer le roi quand on l'a dans son jeu, mais on perd
le droit de le marquer. — Lorsqu'un joueur a annoncé le
roi sans l'avoir, l'adversaire peut reprendre les cartes qu'il
a déjà jouées. — Le joueur qui fait trois ou quatre levées
marque un point ; celui qui fait les cinq levées, c.-à-d. la
vole, marque deux points.
Des cartes. Le premier en cartes, après avoir vu son
jeu, peut demander d'autres cartes, ce qu'il fait en disant :
J'écarte ou je propose ; cette proposition une fois faite, il
ne peut plus la retirer ; le joueur qui a donné peut accep-
ter ou refuser. S'il refuse, le coup se joue avec les cartes
primitivement données ; s'il accepte, il répond : Combien?
En cas d'acceptation, le joueur qui a proposé est obligé
d'écarter au moins une carte ; celui qui a donné lui dis-
tribue, en les prenant au-dessus du talon, autant de cartes
qu'il en demande ; il jette ensuite autant de cartes qu'il
veut de son propre jeu et en prend le même nombre, tou-
jours au-dessus du talon. S'il n'y a plus assez de cartes
pour satisfaire à une dernière demande d'écart, les cartes
restant au talon sont distribuées tant qu'il y en a, et le
joueur pour qui il n'y en a plus assez ne peut écarter plus de
cartes qu'il n'en reste au talon. — Si, dans l'un des écarts,
le premier s'aperçoit qu'il a reçu moins de cartes qu'il
n'en avait demandé, il se complète dans l'ordre naturel du
talon. Si cet ordre ne peut pas être rétabli ou si l'un des
joueurs a déjà regardé son jeu, il se complète en prenant
une carte au-dessous du talon. Si le premier s'aperçoit
qu'il a reçu plus de cartes qu'il n'en avait demandé, il
refuse les dernières, qui sont remises dans l'ordre naturel.
Mais, SI l'ordre naturel ne peut pas être rétabli ou si l'un
des joueurs a déjà regardé son jeu, il déclare qu'il a six
cartes et il en jette une à son choix ; si le premier de-
mande, par exemple, deux cartes et qu'il en jette trois, et
SI l'ordre naturel ne peut pas être rétabli, il prend la pre-
mière carte du talon. Si le premier demande, par exemple,
trois cartes et qu'il n'en jette que deux, et si l'ordre naturel
ne peut pas être rétabli, il jette une de ses six cartes à
son choix, mais il ne marque pas le point, s'il le fait, et
ÉCARTÉ
— 246
il ne marque qu'un point s'il en fait deux ; de plus, il perd
le droit de marquer le roi. -- On ne peut pas reprendre les
cartes que l'on a écartées, même avant d'avoir reçu les
cartes nouvelles. On n'a pas le droit de regarder tout ou
partie des cartes écartées, sous peine d'être obligé de jouer
à jeu découvert ; on peut cependant toucher les cartes
écartées afin de les compter. — Celui qui a joué d'autorité,
c.-à-d. sans demander de cartes, ou celui qui, étant
second, a refusé des cartes sur la première proposition de
son adversaire, perd deux points si l'adversaire fait trois,
quatre ou cinq levées ; on ne peut jamais faire plus de deux
points sur un coup sans le roi ni plus de trois si l'on a le
roi. — On peut regarder les levées que l'on a faites ; mais on
ne peut pas regarder celles de l'adversaire, sous peine de
iouer à jeu découvert. — On a le droit de montrer son jeu,
mais, si l'on jette ses cartes sur le tapis, on perd toutes les
levées qui restent à faire. , r - i
De la renonce et de la sous-force. On est oblige de
fournir une carte de la couleur jouée, si l'on en a, ou de
couper si l'on n'en a pas ; autrement on fait une renonce.
On est obligé de prendre la carte jouée si l'on en a une
plus forte de la même couleur : fournir une carte plus faible
s'appelle sous-forcer. La renonce ou la sous-force ne sont
accomplies que lorsque la première carte de la levée
suivante a été jouée soit par celui qui a fait la faute, soit
par son adversaire. — Quand il y a eu renonce ou sous-force,
chacun reprend toutes ses cartes et joue de nouveau, mais
celui qui a fait la faute ne marque pas le point, s'il le fait,
et ne marque qu'un point s'il en fait deux. — Si un jeu de
cartes est reconnu faux, le coup où l'on s'en aperçoit
avant que la retourne du coup suivant soit faite est annulé;
tous les coups précédents sont valables.— On perd le droit
de marquer les points que l'on vient de faire, ainsi que
tout droit de réclamation, dès que la retourne du coup sui-
vant est faite. -- Quand la dernière partie a été réglée, soit
en jetons, soit en argent, ou que les joueurs ont quitté la
table, aucune réclamation ne peut plus être admise.
Des paris. Celui qui parie pour un joueur ou qui est
intéressé dans son jeu, a le droit de le conseiller et de lui
faire remarquer les erreurs qui pourraient être commises.
Toutefois, le joueur qui fait la chouette, c.-à-d. qui joue
contre tous les autres, ne peut être conseillé ni aidé par
personne et nul ne doit regarder son jeu. — La galerie com-
posée des personnes qui ne sont pas intéressées dans le jeu,
ne peut ni conseiller ni rectifier de son chef aucune erreur ;
mais, si elle est consuhée, elle doit rétabUr la question de
fait. ^ iv 1 •
2« Conduite du jeu. — Pour une étude complète du jeu
de l'écarté on constate que la carte de retourne peut être l'une
des 32, soit 32 combinaisons différentes; les 31 autres
peuvent se combiner pour former le jeu du premier de
469,911 manières; le jeu du premier étant donné, les
26 cartes restantes peuvent fournir pour le jeu du second
65,780 combinaisons. Le total des combinaisons est donc de
357,655,858,560. On ne peut donc étudier isolément chaque
cas particulier. Si on supprime les cas équivalents, il reste
encore 53,051 jeux de premier de valeur différente et
42,003 jeux de second. La probabilité pour le premier
d'avoir dans son jeu un atout est de 44 °/o, deux atouts
25 «/o, trois 6 %, quatre 1/2 °/o et cinq 1/8000, enfin pas
d'atout 25 °/o. La probabilité que le roi tournera ou sera
dans un des deux jeux avant écart est de 13/32. Le pre-
mier joue d'autorité une fois sur trois, 34 fois sur 100 ; il
propose des cartes et le second accepte 55 fois sur 100; il
propose et le second refuse 11 fois sur 100. Si un joueur
jouait d'autorité toutes les fois qu'il est premier, son désa-
vantage serait de 8 <^/o; s'il refusait desj^artes à tous les
coupst ce désavantage approcherait de 25 %. Une partie
d'écarté dure en moyenne plus de 4 coups et un peu moins
de 5 (48 coups pour 10 parties).
L'avantage de la donne (possibilité de tourner le roi)
est à peu près équivalent à celui de la primauté (choix de
l'attaque) ; mais, quand on est 4 à 4, l'avantage est de
donner : il assure 54 chances contre 46. La valeur des
chances que chaque joueur a de gagner la partie dans toutes
les positions de la partie est donnée par le tableau sui-
vant :
POINTS
du JOUEUR A.
i
0
1
2
3
4
0
50
40
29
18
10
1
60
50
38
25
14
il
2
71
62
50
36
23
H
i\
3
82
75
64
50
35
4
90
86
77
65
46
ou
54
Il résulte de ce tableau que les différents points ont
pour chaque joueur une valeur très inégale selon la posi-
tion de la partie. Le premier point consistant à passer de
0 à 1 qui vaut 10 quand l'adversaire a 0 ou 1, ne vaut
que 9 s'il a deux points, 7 s'il en a trois, 4 s'il en a quatre ;
le quatrième point (passage de 3 à 4) vaut 8 quand l'ad-
versaire n'a pas de point, 15 s'il en a trois et 19 ou 11
(en premier ou en second) s'il en a quatre ; enfin le cin-
quième point finissant la partie vaut 10 quand l'adversaire
n'a pas de point, 35 quand il en a trois, 54 ou 46 quand il
en a quatre. En somme, dans tout le courant de la partie,
un point à faire a presque la même valeur pour l'un
et l'autre joueur, excepté quand l'un est à 4 points.
Les différentes questions à examiner pour un joueur
d'écarté sont les suivantes : Avec quels jeux doit-on en pre-
mier jouer d'autorité ou proposer des cartes? Avec quels
jeux le second doit-il accepter ou refuser les cartes propo-
sées? L'écart terminé, par quelle carte le premier doit-il
attaquer et continuer? Comment le second doit-il jouer
ayant repris la main ?
Celui qui joue d'autorité aune chance sur sept de faire la
vole; il joue donc 1 point plus 1/7 contre 2 points. Il faut tenir
compte de la valeur relative des points à chaque moment ;
s'il est par exemple 2 à 3, il joue 16 contre 36 ; il faut
aussi tenir compte de la possibiHté que l'adversaire ait le
roi; quand on est 3 à 3, on expose en jouant d'autorité
50 contre 20 ; mais 4 à 4 on n'expose que 46 contre 54.
Le détail des cas est indiqué par les traités spéciaux. En
somme, le premier doit avoir en moyenne 63 à 64 chances
sur 100 de faire le point pour jouer d'autorité ; mais,
quand il a 4 points ou quand son adversaire en a 4, il suf-
fit qu'il ait à peu près 60 chances pour lui; dans le cas de
4 à 4 où les deux présomptions se combinent, il devra
jouer en se contentant avec 46 chances ; le cas le plus dé-
favorable est celui de 3 à 3 où l'on ne doit jouer d'auto-
rité qu'avec 71 chances pour soi. Mais il faut faire inter-
venir ici la loi de groupement. Les raisonnements que
nous avons développés supposent que les cartes sont par-
faitement mêlées. Il n'en est pas ainsi en fait ; on brouille
avec négligence et les cartes de même couleur restent grou-
pées ensemble ; comme on les donne par deux et trois (ou
davantage à l'écart), cette considération est grave. Celui
qui donne, prenant les cartes qui touchent la retourne, a
plus de chance d'avoir des atouts, mais aussi plus d'en
donner à l'autre si l'on écarte; s'il a plus d'un atout, il
doit craindre d'en trouver chez l'adversaire plus que la
probabilité ne l'indique; de même, s'il a une couleur longue
- 247 —
ÉCARTÉ
ou me carte seconde ; les seuls jeux qui ne soient pas me-
nacés par la loi de groupement sont ceux qui tirent leur
force de cartes maîtresses isolées ou de cartes se suivant
(mariage, par exemple). L'on a donc d'autant plus d'in-
térêt à bien mêler les cartes qu'on est en avance sur l'ad-
versaire; ne jouer qu'avec réserve les jeux qui doivent leur
force à une longue couleur ou deux longues couleurs pas
tout à fait maîtresses. Enfin, en pratique, il est prudent
de ne jouer d'autorité que les jeux valant 67 à 68. Il est
vrai que la crainte de donner le roi (probabilité moyenne
14 ^lo contre 9 ^o de le prendre) à l'adversaire doit abais-
ser un peu cette moyenne, que M. Dormoy fixe à 65. On
voit que la complexité du problème posé à un joueur d'écarté
est extrême et exigerait dans chaque cas un calcul complet.
Pour s'en dispenser on a admis que le premier devra jouer
d'autorité si son jeu a une valeur d'au moins 65, des jeux
un peu plus forts (de 4 à 5 points) si son adversaire ou
lui-même est à 3 ; sensiblement plus forts (environ 73) au
point de 3 à 3, un peu moins forts s'il est à 4 ou que
son adversaire est à 4 ; enfin hardiment sur le point de
4 à 4.
Il nous faut maintenant voir quels sont les jeux qui ont
cette valeur moyenne de 65. Les jeux se répartissent en
six catégories selon le nombre d'atouts ; dans chacune, trois
groupes d'après le nombre de couleurs différentes qu'ils
contiennent en dehors de l'atout. On les subdivise en-
suite. Voici quelles sont les conclusions formulées par
M. Dormoy; nous renvoyons à son traité et particulièrement
à la note annexe pour la discussion. Sans atout, plus une
ou deux couleurs : on ne doit jamais jouer ; la valeur maxima
(tierce majeure et mariage) étant seulement de 41 ; avec
trois couleurs on peut jouer si on a : 1° dans chaque cou-
leur le roi ou le petit mariage (valet et dame) ; 2° les trois
rois et un as ; 'S^ deux fois roi et valet, plus une dame. —
Un petit atout, plus : 4° une couleur unique; il faut
qu'elle commence par roi et dame; 2° deux couleurs; on
peut jouer avec une carte troisième et une carte seule assez
forte pour servir de rentrée ; ou avec deux rois seconds
plus un as ; un roi second, une dame seconde, plus un va-
let, deux dames secondes, plus un valet et un as ; 3° trois
couleurs ; on peut jouer avec trois rois, deux rois dont un
par as, deux rois seuls plus huit et neuf dans la troisième
couleur ; s'il n'y a pas de roi, la limite minimum est la
même qu'avec deux atouts et trois couleurs. — Deux petits
atouts, plus: 1^ une couleur : se joue toujours; 2^ deux
couleurs ; il faut que le total des points fasse au moins 32
en comptant roi pour 18, dame pour 14, valet pour 12;
S° trois couleurs ; il faut avoir quatre cartes majeures,
atouts, rois ou dames; toutefois, deux valets comptent pour
une et trois valets pour deux cartes majeures. — Trois
petits atouts; on joue toujours pourvu que les deux cartes
isolées dépassent la force de deux huit (avec un huit et un
neuf on a 67 chances) ; cependant la loi de groupement
affaiblit plus ce jeu que les autres.
Dans quelles conditions le secoua peut-il refuser des
cartes? Uuand le premier propose, on doit supposer que son
jeu vaut moins de 65, laissant de côté l'hypothèse où il pro-
poserait pour chercher la vole ou assurer le point de refus.
La valeur moyenne du jeu peut donc être évaluée à 32 ^/g.
Le second, s'il refuse, expose deux points contre un ; il ne
doit donc refuser que si son jeu vaut au moins 65. Quand
l'un des joueurs et surtout quand les deux sont au point
de 3, il devra être plus réservé encore (valeur mini-
mum 70) ; au contraire, si l'un des joueurs est à 4, il
peut être plus hardi (valeur minimum 30); et surtout si
l'on est 4 à 4 et jouer un jeu valant 50. Quant au
piège tendu par le premier demandant des cartes avec
un beau jeu, il n'y a pas moyen de l'éviter; le cas est
d'ailleurs rare, et le joueur qui abuserait de cette ruse en
serait victime. — Voyons maintenant quels sont les jeux
avec lesquels on peut ou doit refuser des cartes en second.
Il ne faut pas oublier qu'un jeu composé des mêmes cartes
a moins de valeur entre les mains du second qu'entre celles
du premier ; en moyenne il vaut 1 5 % de moins ; mais
cette différence n'est pas constante : certains jeux perdent
20 et jusqu'à 50 Vo; d'autres ne perdent pas. Ainsi le jeu
sans atouts comportant une tierce majeure, un roi et une
dame vaut 64 pour le premier, 51 pour le second ; et le
jeu sans atouts formé de deux mariages et une dame, va-
lant 83 pour le premier, vaut encore 81 pour le second;
un jeu avec un petit atout et une quatrième majeure vaut
68 pour le premier et seulement 30 pour le second ; tan-
dis qu'un jeu formé d'un petit atout, un roi second par le
sept et dame seconde par le sept vaut 59 pour le premier
et 57 pour le second. Pour les jeux ayant deux atouts, la
diminution est moindre; pour ceux qui en ont trois, elle est
nulle.
Après un premier écart, quand doit-on en consentir un
deuxième? Rarement. En effet, le joueur qui n'a pas le roi
craint de le donner à l'adversaire ; celui qui a beau jeu
sans avoir le point sûr craint de le perdre ; celui qui a
mauvais jeu craint d'assurer la vole à son adversaire. Ce-
pendant chacun des joueurs peut y avoir intérêt : s'il a le
point sûr et la vole improbable ; s'il ne craint pas le roi ;
s'il a très mauvais jeu ou la dame d'atout seule avec de
très basses cartes. On ne doit pas écarter les rois la se-
conde fois plus que la première, d'autant que très souvent
un roi vaut mieux qu'un atout.
La manière de jouer pour le premier en cartes varie selon
les jeux. Il est impossible d'étudier ici tous les cas, et
nous renvoyons aux traités spéciaux. Les principes élé-
mentaires sont d'attendre avec les fourchettes, de ne pas
exposer les cartes secondes qui sont gardées, d'affranchir
les longues couleurs. Voici quelques exemples : avec un
jeu sans atout contenant deux couleurs, il faut débuter par
la couleur où les deux plus fortes cartes se suivent, ou le
plus souvent par la couleur longue ; avec un jeu contenant
trois couleurs, on débute par la carte isolée ou la plus
forte des deux cartes isolées; si on a un roi, on le joue
d'abord, à moins que le jeu ne soit très beau. — Avec un
jeu contenant un atout et une longue couleur maîtresse,
on ne doit débuter atout que si l'atout est le roi, mais, si
l'adversaire est à 4, il faut débuter atout avec la dame si on
est à 0, avec le valet si on esta 1, 2, ou 3. Si la couleur
maîtresse comprend quatre cartes, on doit débuter atout
avec la dame, étant 1 ou 2 à 4 avec le valet et étent 3 à 4
avec le dix. 4 à 4, on ne doit jamais débuter atout. Avec
un atout, un roi troisième et une carte seconde, on ne peut
débuter que par le roi d'atout. Avec deux rois seconds, on
débute par celui qui offre la fourchette la plus large. —
Avec un jeu contenant deux atouts et une seule couleur, on
doit débuter par cette couleur; on ne peut débuter atout
que si l'on a roi et dame à la fois en atout et dans l'autre
couleur, excepté si l'on est 3 à 4, auquel cas on peut jouer
plus hardiment. Avec roi second d'atout, un roi second et
une petite carte, on ne doit pas débuter atout. Si au con-
traire la cinquième carte est un roi, on doit jouer atout
d'entrée. Règle générale, avec deux atouts, une carte se-
conde et une carte isolée, le premier, s'il joue d'autorité et
qu'il n'a pas l'atout maître, débutera par sa carte se-
conde; s'il a l'atout maître, et dans les autres couleurs en
même temps le roi ou la dame, il débutera par un coup
d'atout. Sinon, non. Avec le même jeu, si on lui a refusé
des cartes, il jouera d'abord sa carte unique ou seulement
la carte seconde si c'est un roi. Mais après l'écart le pre-
mier ne débutera par sa carte seconde que s'il ne craint
pas la vole. — Avec deux atouts et trois couleurs, une
figure dans chaque couleur, on débutera par la figure la
plus forte, pour épuiser, si c'est possible, un des atouts de
l'adversaire. — Avec un jeu contenant trois atouts et une
couleur, on débute par atout avant l'écart, par la couleur
après l'écart. Avec trois atouts et deux couleurs, le pre-
mier doit jouer atout sauf dans trois cas : s'il a les trois
plus petits atouts et deux rois ; s'il ne joue que pour un
point et a le point sûr en ne jouant pas atout ; si l'adver-
saire ayant refusé ou écarté, ses cartes sont trop faibles
ÉCARTÉ - ECBATANE
— 248
pour espérer le point et qu'il puisse se garantir de la vole
en attendant à un fort atout gardé.
La manière de jouer la seconde ou la troisième carte est
assez simple. Quand on cherche la vole et qu'on débute
par une couleur autre qu'atout, il faut au second coup
changer la couleur, dans la crainte d'être coupé et ahn de
pouvoir jouer atout au troisième coup. Pour faire le point,
il est fréquemment bon de changer de couleur au second
coup, afin de faire les deux premières levées et de donner
la main à l'adversaire au troisième coup et de l'attendre
avec un atout second.
Le second en cartes a peu d'initiative. Un des cas con-
testés est celui de la carte anglaise ; ayant eu en mams
deux atouts et trois couleurs, perdu la première levée,
coupé la seconde, réussi le coup d'atout pour la troisième,
doit-il pour la quatrième levée jouer sa carte la plus taible
ou la plus forte? Il ne doit jamais jouer la plus faible ou
carte anglaise. La plus grande difficulté est de savoir si on
doit jouer atout à la troisième levée, et cela dépend unique-
ment de la nature du jeu. , ^ i * i.
L'écarté est un des jeux de cartes où la fraude est le
plus facile et le plus fréquente; nous étudierons les
moyens principaux dans l'article Jeu. Le plus simple est
de se donner ou de tourner le roi ; un des plus a^mgereux
est de tricher à la marque. , „ . ^/o"J?* ^'
BiBL. : DoRMOY, Traité de l'Ecarté; Pans, 1887.
ÉCARTELÉ (Art héraldique) (V. Blason).
ÉCARTÈLEMENT (Ane. dr. crim.). L'écartelement
était Tune des formes de la peine de mort, réservée aux
condamnés pour crimes de lèse-majesté humaine au premier
chef, et principalement aux régicides. Les membres du
condamné devaient être tirés en sens contraire par quatre
chevaux vigoureux. Damiens, qui avait tenté d'assassiner
Louis XV en 1757, subit la peine de l'écartèlement ;
Voltaire, dans son Histoire du 'Parlement de Paris,
décrit rhorrible supplice de ce régicide.
ÉCARTELURE (Blas.). Division d'un écu en quatre
écarts ou quartiers. Uécartelure est la réunion sur un
même écu des armes du possesseur avec celles d une ta-
mille alliée ou celles provenant de la multiplicité des fiels,
des dignités, de prétentions, de substitutions, de conces-
sions de patronage, de dévotion. On écartèle par recon-
naissance, par suite d'adoption. Une des écartelures qui
frappent le plus les regards est celle des rois d'Angleterre
qui, par suite de leurs prétentions sur le royaume de France,
écartelèrent à partir du xiv« siècle : aux i et 4, de
France, aux 2 et 3, d'Angleterre, c.-à-d. que dans leur
écartelure ils portaient les trois fleurs de lis et les trois
léopards. H. Gourdon de Genouillac.
ÉCARTEMENT (Menuis.). Terme employé pour désigner
la distance qui sépare les deux parties d'un meuble ou l'in-
tervalle de deux planchers. On calcule l'écartement des pieds
d'une table, de même que celui des deux bras d'un fauteuil.
ÉCARTEUR (V. Taureau [Courses]).
ÉCATISSAGE (Drap.). Lorsque, dans la fabrication du
drap, on a procédé au décatissage, qui a pour but d'enle-
ver au drap, au moyen de la vapeur, le lustre et le brillant
produits par le pressage à chaud, il arrive parfois que
rétofiPe s'est ramollie et a perdu complètement son brillant ;
il est indispensable alors de lui rendre sa main et son lustre
par un pressage à froid ; cette opération porte le nom
d'écatissase.
ÉCAUSSEVILLE. Com. du dép. de la Manche, arr. de
Valo^nes, cant. de Montebourg; 442 hab.
ÉCAUSSINES-d'Enghien. Com. de Belgique, prov. de
Hainaut, arr. de Soignies; 6,500 hab. Stat, du ch. de fer
de Bruxelles à Chimay. Nombreuses carrières de granit,
de pierres à chaux et de pavés.
ÉCAUVILLE. Com. du dép. de l'Eure, arr. de Louviers,
cant. du Neubourg; 94 hab.
ECBALLIUM (Ecballium A. Rich.). I. Botanique. —
Genre de plantes de la famille des Cucurbitacées, dont l'unique
espèce, E. Elaterium. A. Rich. (E. agresta Reichb. ;
Momordica Elaterium L.), est connue sous les noms
vulgaires de Concombre sauvage, C. d'âne, Cornichon
d'attrape, Giclet. C'est une herbe vivace,à racine épaisse,
charnue, blanchâtre, à tige couchée, ramifiée, couverte,
comme toutes les parties de la plante, de poils blancs et
raides et portant des feuilles alternes, longuement petio-
lées, dépourvues de vrilles, à limbe ovale-triangulaire,
fortement cordé à la base. Les fleurs, de couleur jaune,
sont monoïques ; les mâles en grappe, les femelles soli-
taires à l'aisselle des feuilles. Le fruit est oblong, charnu.
Ecballium Elaterium A. Rich (rameau fructifère),
aqueux à l'intérieur. A la maturité, il se détache brusque-
ment du sommet de son pédoncule et présente alors un
trou basilaire par lequel sont projetés, avec élasticité, les
sraines et le liquide qui les accompagne. — LE. Maie-
Hum croit en Orient et dans les lieux arides de la région
méditerranéenne. C'est le Cucumis asm^m^s des anciennes
pharmacopées. Le liquide contenu dans son fruit est doue
de propriétés drastiques énergiques. On en préparait au-
trefois un extrait qui a joui pendant longtemps d une cer-
taine réputation sous le nom à'élatérium, l^d. Lef.
II. Thérapeutique. - Le suc du fruit de 1 Ecballium
agreste jouit de propriétés purgatives énergiques dues a
la présence dans ce suc d'un principe particulier, l elate-
rine ; les autres parties de la plante, surtout la racine,^sont
également purgatives. La dose de la racine est de - o gr.
pour d,500 2r. d'eau qu'on réduit à moitié par l ebulhtion.
Autrefois on préparait avec le suc du fruit le produit connu
sous le nom à'élatérium ou de fécule d'élaténum qm est
tout simplement le dépôt formé dans le suc sèche ; 1 elate-
rium s'emploie à la dose de 5 à 25milligr., souvent associe
à la somme-^utte et à la jusquiame ; son admmistration
réclame de grandes précautions. Il rend de grands services
comme hydragogue et cathartique dans les hydropisies de-
pendant d'affections du cœur ou des rems. - L ^k^mn^,
principe cristallisable, insoluble dans l'eau, très soluble dans
l'alcool, peu dans l'éther, neutre aux réactifs, fusible a
200% exerce des effets purgatifs à la dose de 2 a 3 milligr.;
on l'emploiera avec prudence en granules àl nulligr., par
exemple, pris successivement. .M'^*, "^* ,
ECBATANE. Nom de ville, qui tire son origine d un mot
perse ancien, Hagmatana, littéralement congressus, réu-
nion, d'où les Grecs ont fait 'AY6àxava et Ex6aTava, en
latin Ecbatana. Ce nom fut porté par plusieurs villes de
Perse et de Médie. ^ . w .«.
1» Quatre villes de l'Orient ont seules conserve a travers
les siècles, sinon leur ancienne splendeur, au moins leur
grande importance et leur antique nom célèbre. Ce sont
Smvrne, Jérusalem, Damas et Ecbatane de Medie. Cette
ville, qui fut la capitale de l'empire de Médie,fut fondée par
le Touranien Déjocès dans un pays arien, et reçut le nom
Générique à'Hagmatana, qui s'est perpétué jusqu a nos
fours dans la yilhàe H amadan, pour son importance et le
— U9 —
ECBATANE — ECCHYMOSE
nombre de ses habitants la seconde ou la troisième grande
ville de la Perse actuelle. Elle est située près du mont
Elvend, l'antique Orontes, où Darius fit graver un texte
trilingue.
Le premier roi de la dynastie mède, Déjocès (V. ce nom)
fonda cette ville non loin du mont Elvend, non loin des
chaînes de montagnes qui séparent la Médie du bassin du
Tigre. La ville était située sur le versant d'une colline et
entourée de sept murs, qui furent tous visibles, s'élevant
en forme de gradins l'un sur l'autre ; chacune de ces cir-
convallations avait des créneaux d'une couleur différente.
Hérodote (1, 98) nous donne l'ordre suivant : noir, blanc,
écarlate, bleu, orange, argent et or, arrangé d'après un
certain ordre de classement des planètes auxquelles une
couleur était consacrée. L'enceinte extérieure, la plus basse,
avait 250 stades (48 kil. 5) en circonférence. La dernière
enceinte, la plus élevée, entourant la ville sacrée et royale,
renfermait le palais du souverain et un temple du Soleil ;
les édifices étaient bâtis en bois de cèdre et de cyprès; tous les
toits et tous les chapiteaux des colonnes étaient couverts
de plaques d'or et d'argent. Nous savons par les textes
babyloniens qu'Ecbatane était la capitale d'Astyage ; la ville
et le palais passèrent sous la domination des rois perses,
qui choisirent ces lieux montagneux et aérés pour leur ré-
sidence d'été. D'immenses trésors étaient accumulés dans
cette forteresse entourée de sept murs. Alexandre en en-
leva une partie en 331 ; Séleucus prit Ecbatane en 313 et
la pilla : mais telle fut la richesse des trésors qu'un siècle
plus tard Antiochus III put emporter encore pour 4,000 ta-
lents d'argent, c.-à-d. 26 millions de fr. Les rois parthes
l'enlevèrent aux Séleucides vers 170 av. J.-C, et choisirent
Ecbatane également pour leur résidence d'été; les Sas-
sanides semblent l'avoir délaissée, mais durant le moyen
âge elle conserva son importance sous le nom de Hama-
dan. La ville moderne étant bâtie sur le site de l'antique
capitale, les fouilles à Ecbatane sont devenues impossibles,
et beaucoup d'antiquités remarquables doivent encore être
recelées sous les constructions nouvelles. Quelques chapi-
teaux de colonnes, inscriptions cunéiformes et un lion en
pierre sont les seuls vestiges de l'antique splendeur. Les
Juits d'aujourd'hui , confondant Suse et Ecbatane , regar-
dent Hamadan comme représentant cette première ville et
le tombeau de Mardochée et d'Esther. Une grande quantité
de petits monuments, monnaies, pierres gravées des temps
postérieurs sont trouvés sur le site d'Ecbatane. Pour l'his-
toire de la ville moderne, V. Hamadan.
On a discuté souvent sur l'emplacement de la capitale
de Médie, qu'on a voulu reconnaître ailleurs que dans ce
pays ; mais la plupart des passages montrent (par exemple
Macch., H, 9, 8) qu'Ecbatane ne peut être que Hamadan.
Le nom d'Ecbatane se trouve aussi dans le texte d'Esdras
(VI, 2) sous la forme à'Akhmata; on y conservait les
archives de l'empire perse, et spécialement le décret de
Cyrus donnant la liberté aux Juifs.
2*^ Quelques auteurs distingués, surtout sir Henry Raw-
linson (Royal Asiatic Society^ vol. X, i, 494), ont voulu
admettre une ville d'Ecbatane en Atropatène ou l'Azer-
beidjan près des ruines sassanides de Takht-i-Suleimcm
à lat. N. 36« 28'; long. E. de Paris, 34«!48^ C'est l'an-
tique Gazaka ou Canzaka, lequel nous dénote en effet une
ville de trésors. Elle était florissante durant les temps du
kalifat, et fut saccagée par les Mongols au commencement
du xni® siècle. Des ruines très importantes, entourées d'une
circonvallation, dénotent la grande importance de la ville
qui, dans les écrits orientaux, s'appelle Shis. Il est dou-
teux que cette ville se soit jamais nommée Ecbatane.
30 Pline (Flist, nat., VI, 29) parle d'une Ecbatane des
Mages, aux confins orientaux de la Perside, qui, selon le
texte obscur de l'auteur latin, fut transportée par Darius
dans les montagnes.
¥ Le nom d'Ecbatane, avec la forme plus ancienne
et plus correcte d'Agbatane d'Hérodote, d'Eschyle et de
Ctésias,[est appliqué à une ville de Syrie. Hérodote (III, 64)
raconte que Cambyse avait évité la ville d'Ecbatane, parce
qu'un oracle de la ville de Buto lui avait prédit qu'il mour-
rait dans cette ville. Blessé en Syrie en revenant d'Egypte,
il demanda comment s'appelait la ville où il se trouvait.
On lui répondit que le nom en était Agbatane, et il aurait
conclu que sa fin était venue et qu'il s'était trompé sur le
compte de la capitale mède. Il est probable que cette ville
est la ville de Hamat, qui, prononcée Hâmatavec un h fort,
pouvait être prise pour Hagmatane, d'autant plus que les
Juifs, comme nous l'avons dit, nomment Ecbatane de Médie
Achmata, Ce conte, peut-être inventé, ne contient pour-
tant rien qui soit impossible. J. Oppert.
ECBERT, archevêque d'York (V. Egbert).
ECCARD (Johann), compositeur allemand, né à Muhl-
hausen (Thuringe) en 1553, mort à Berlin en 1611. Elève
de Joachim de Burgk, avec lequel il collabora, puis d'Orlando
Lasso à Munich, il visita l'Italie, entra au service de
Jakob Fugger à Augsbourg (1578), puis à celui du duc de
Prusse à Kœnigsberg (1583), où il fut adjoint puis succes-
seur (1599) du maître de chapelle Riccius. Pris avec ce
titre par l'électeur de Brandebourg, il vint à Berlin en 1608.
Il a encore la réputation d'un des plus illustres compo-
siteurs allemands de musique sacrée. Parmi ses œuvres on
remarque surtout : Geistliche Lieder, deux livres de chant
rehgieux à 5 voix sur des chorals (Kœnigsberg, 1597,
2 parties) et Pi^eussicke Festlieder à 5, 6, 7 et 8 voix
(Kœnigsberg, 1598, 2 parties) ; ces chants ont été réédités
par Stobaeus (Danzig, 1634-44) et par Teschner (Leipzig,
1858-60). C'est Eccard qui le premier dans ces œuvres
donna au choral luthérien le caractère de grand art.
L'Eghse réformée a conservé un grand nombre de petites
compositions d'Eccard, et, de nos jours, on en a remis en
lumière auxquelles le caractère de poésie populaire prête
un grand charme. Nous citerons parmi ses recueils : XX
Cantiones sacrœ Helmboldi (Muhlhausen,1574) ; Neuwe
teutsche Lieder mit vierund fûnf Stimmen ganz liehlich
zusingen (Muhlhausen, 1578) ; Crepundia sancti Helm-
boldi (Muhlhausen, 1596 ; Erfurt, 1608).
ECCHELLENSIS (Abraham), savant maronite, mort à
Rome en 1664. H fut élevé au collège des Maronites à
Rome, puis enseigna le syriaque et l'arabe à la Propagande.
En 1640, il passa un an à Paris pour collaborer à la Bible
polyglotte de Le Jay. Vers 1646, il fut nommé professeur
d'arabe et de syriaque au Collège de France, mais fut
rappelé à Rome en 1652 et y mourut très âgé. Parmi ses
ouvrages, assez superficiels, il suffit de citer une Gram-
maire syriaque (Rome, 1628); une édition des œuvres de
saint Antoine (Paris, 1641 et 1646) et sa polémique contre
J. Selden, dans Eutychius... vindicatus (Rome, 1661,
in-4). F.-H. K.
ECCHONDROSE (Pathol.). Tumeur de nature cartilagi-
neuse qui se développe sur les os, au niveau des cartilages
normaux ; c'est une hypertrophie (néoformation) partielle
et limitée de cartilages préexistant normalement. Il ne faut
pas confondre l'ecchondrose avec le chondrome ostéoïde,
qui est formé exclusivement de tissu ostéoïde ou spongoïde
sans mélange d'éléments cartilagineux. Ces deux sortes de
tumeurs se distinguent nettement des chondromes et des
enchondromes, dont l'étude est faite au mot Enchondrome.
ECCHYMOSE (Pathol.). On donne le nom d'ecchymose
à Textravasation sanguine qui se produit dans le tissu cel-
lulaire à la suite d'un coup, d'une ligature trop serrée ou
de toute autre cause susceptible de déterminer la rupture
des petits vaisseaux sanguins. L'aspect sous lequel se pré-
sente l'ecchymose varie suivant le moment où l'on l'observe
et suivant la place qu'elle occupe. Sur la peau, la tache
ecchymotique est d'abord bleuâtre, puis verdàtre ou plom-
bée, ensuite violacée, jaune en dernier lieu. Au niveau de
la conjonctive et, d'une façon générale, au-dessous de toutes
les muqueuses, l'ecchymose est de suite d'un rouge vif;
sa couleur va ensuite en s' atténuant insensiblement. La ri-
chesse vasculaire du tissu lésé, la nature du traumatisme,
la constitution du sujet, son âge et diverses autres circons-
ECCHYMOSE — ECCLÉSIASTE
- 250
tances peuvent influer sur la marche, l'aspect et la durée de
la lésion. On peut dire cependant d'une façon générale que
la coloration bleuâtre apparaît du deuxième au troisième
jour, lorsqu'il s'agit d'une contusion de la peau ; la cou-
leur verdâtre ou plombée apparaît dans ce cas vers le cin-
quième ou sixième jour; la teinte jaunâtre vers le septième
ou huitième jour. L'ecchymose sous-cutanée disparaît à peu
près complètement vers le douzième jour. S'agit-il d'une
violence ayant intéressé les parties profondes, ayant pro-
duit par exemple une rupture musculaire ou la fracture
d'un os, il se peut alors que la peau ne présente aucune
trace de traumatisme pendant plusieurs jours ; ce n'est guère
en effet que vers le cinquième ou sixième jour, quelquefois
même, lequinzième, que l'ecchymose commence à se montrer.
Dans ce cas, elle peut apparaître à une distance assez
éloignée de la lésion, le sang épanché dans les tissus profonds
ayant suivi une gaine musculaire ou gUssé le long d'une aponé-
vrose. — Le diagnostic et le pronostic des ecchymoses ont
une grande importance en médecine légale ; or, les difficultés
que rencontre l'expert sont plus sérieuses qu'il ne paraît
au premier abord. On a vu plus haut qu'une ecchymose
pouvait se produire une quinzaine de jours après le trau-
matisme; inversement, une extravasation sanguine très
étendue peut s'observer à la suite d'une contusion sans gra-
vité. Quelques sujets ont des ecchymoses pour les causes
les plus minimes; le fait s'observe même particulièrement
chez certaines femmes à la peau délicate dont le sein se
marbre d'ecchymoses consécutives à des pressions ou à des
pincements qu'on ne saurait cependant qualifier de vio-
lences. Des ecchymoses nombreuses et étendues peuvent
également être le fait d'un état morbide grave (affections
adynamiques, scorbut, etc.). Il n'est pas enfin jusqu'à cer-
taines taches congénitales ou encore certaines affections
cutanées qui ne peuvent parfois en imposer pour des ecchy-
moses. L'examen détaillé et complet du sujet, le siège, la
forme et le nombre des ecchymoses, leur marche, leur durée
ainsi que les diverses circonstances du cas observé per-
mettent d'établir le diagnostic. Fait important, il est im-
possible de produire une ecchymose sur un cadavre, en
dehors de quelques rares '.as bien spécifiés ; c'est donc là
un signe d'autant plus précieux pour le médecin-légiste, que
l'incision de la tache suspecte permet d'en reconnaître la
nature sans difficulté. Le traitement de l'ecchymose est celui
de la contusion (V. ce mot) si elle est la suite d'une violence.
L'ecchymose de cause interne, étant secondaire, nécessite le
traitement de l'affection dont elle dépend. D"^ Alphândéry.
ECCICA-SuARELLA. Com. du dép. de la Corse, arr.
d'Ajaccio, cant. de Bastelica; 705 hab.
ECCILIA (Bot.). Genre de Champignons de la famille des
Agaricinées, à chapeau submenibraneux, souvent ombiliqué,
à marge primitivement infléchie, à lamelles atténuées en
arrière et décurrentes, à spores roses, à stipe cartila-
gineux, continu avec le chapeau. Nombreuses espèces,
terrestres sauf une ou deux. H. F.
ECCLEFECHAN. Village d'Ecosse, comté de Dumfries,
dans l'Annandale ; patrie de Th. Carlyle.
ECOLES. Com. du dép. du Nord, arr. d'Avesnes, cant.
de Solre-le-Château ; 445 hab.
ECOLES. Ville d'Angleterre, comté de Lancastre, sur
rirwell, à 7 kil. 0. de Manchester; 21,758 hab., en y
comprenant les localités voisines de Barton, Winton, Mouton
et Patricroft. Dans cette dernière est la fonderie Bridgwater
illustrée par ISasmyth (V. ce nom).
ECCLESALL-BiERLOw. Faubourg de Sheffîeld; 53,280
hab. (V. Sheffîeld).
ECCLESFIELD. Ville d'Angleterre, comté d'York,
West-Riding, à7 kil. N. de Sheffîeld; 21,458 hab. Aciéries,
coutellerie.
ECCLESHALL. Ville d'Angleterre, comté de Stafford,
près du Sov^, affluent du Trent; 5,708 hab. Tannerie, cor-
donnerie. Dans son église se réfugia la reine Marguerite,
après la bataille de Bloreheath (1459).
ECCLESHILL. Ville d'Angleterre, comté d'York, près
de Bradfqrd ; 7,037 hab. Tannerie, cordonnerie.
ECCLÉSIARQUE. On appelait ainsi chez les Orientaux
un officier chargé du service général d'une éghse et de la
garde de ce qu'elle contenait. C'était lui qui convoquait le
peuple pour les services religieux. Les fonctionnaires infé-
rieurs de l'église étaient placés sous son autorité.
ECCLÉSIASTE. Livre appartenant à la troisième sec-
tion de la Bible hébraïque et qui se donne pour l'œuvre
du Qohéleth, c.-à-d. du prédicateur, « fils de David, roi
de Jérusalem ». Par là et par d'autres traits se trouve
désigné Salomon avec une suffisante clarté ; mais, comme
il ne peut pas être question de faire remonter au x^ siècle
avant notre ère un écrit dont la langue et les idées domi-
nantes trahissent l'origine relativement récente, il appa-
raît que l'écrivain a usé du pseudonymat, si volontiers em-
ployé par les docteurs juifs aux siècles qui avoisinent la
naissance du christianisme. M. Segond a donné de VEcclé-
siaste une analyse exacte et judicieuse dont nous reprodui-
rons les données essentielles.
VEcclésiaste est un ouvrage philosophico-didactique
dans lequel l'auteur, conversant avec lui-même, donne le
résultat de ses méditations et de ses expériences sur la
vanité des choses du monde. Le contenu du livre, malgré
les difficultés qu'il soulève, témoigne en faveur d'un seul
auteur et d'une certaine unité dans la tractation du sujet.
Mais, si l'on est conduit à reconnaître un seul auteur, cela
ne veut pas dire que tout lui appartienne en propre
comme création première. De même, par unité de compo-
sition, il ne faut pas entendre un tout bien coordonné, une
connexion étroite et logique entre les diverses parties. Au
contraire, on remarque des pensées qui se heurtent, des
incohérences et des contradictions, et l'on aperçoit clai-
rement les irrésolutions du philosophe. « Tout est vanité »,
telle est la thèse principale, développée dans une série
d'observations sur la vie humaine, ses misères et ses peines
comme aussi ses plaisirs et ses joies. Dans tout ce qui se
passe sous le soleil, il n'y a que « vanité et poursuite du
vent ». Les tourments qu'on se donne pour acquérir de la
richesse sont une gêne et une folie ; les plaisirs ne sont
pas un moyen sûr d'arriver au bonheur, le juste est sou-
vent malheureux, le méchant prospère ; la science accroît
les chagrins, la sagesse profite plus à autrui qu'à ceux qui
la possèdent : rien de mieux que de manger, boire et se
réjouir, de mener une vie gaie et exempte de soucis avant
que la vieillesse arrive avec ses infirmités. Et pourtant, si
ne pas jouir est un mal, la jouissance ne procure pas sa-
tisfaction complète. Rien de nouveau sous le soleil, et tout
ce qui arrive a son temps fixé par Dieu ; puisqu'il en est
ainsi, le mieux consiste à prendre les choses comme elles
sont, à s'accommoder d'un bien-être éventuel et relatif :
cela même est un don de Dieu. En résumé, l'auteur a re-
connu par expérience que tout est vanité, et il a examiné
la vie sous toutes ses faces pour rechercher le meilleur
parti à en tirer : c'est là son but. Il a, pour ainsi dire, con-
versé avec lui-même, approuvant et désapprouvant, exagé-
rant et s'adoucissant, attaquant, contredisant, affirmant,
puis se réfutant en quelque sorte. Lassé de la lutte, il con-
clut de nouveau que tout est vanité et, s'embarrassant peu
du lien logique, il déduit « la crainte de Dieu et l'obser-
vation de ses commandements » comme conséquence de
tout son discours. — Le contraste sensible que présente
VEcclésiaste comparé à l'ensemble des livres bibliques a
donné lieu parfois à des jugements excessifs. Ce curieux
traité est l'œuvre non d'un sceptique, mais d'un pessimiste ;
l'auteur, à la vue du triste spectacle que lui offre la société
contemporaine, a perdu, non les croyances de ses ancêtres,
mais leur enthousiasme et leur sainte confiance en un avenir
meilleur. Tout engage à placer la composition de l'œuvre
au n° siècle avant notre ère. M. Vernes.
BiBL. : Knobel, Commentar ueber das Buch Koheleth ;
Leipzig, 1836. — Hitzig, Der Prediger Salomo ; Leipzig,
1847; nouv. édit., par Nowack, Leipzig, 1883. — Hengsten-
BERG, Der Prediger Salomo ausgelegt; Berlin, 1859. —
254 —
ECCLÉSIASTE — ÉCHAFAUD
H. Graetz, Kohelet oder der Salomonische Prediger kn-
tisch erlâutert; Leipzig, 1871. — Delitzsch, Der Prediger
und das tiohe Lied; Leipzig, 1875. — Ed. Reuss, Pfnjoso-
pliie religieuse et morale des Hébreux ; Pans, 1878. —
L. Segond, Ecclésiaste, dans Encyclopédie des sciences
religieuses; Paris, 1878, t. IV. — J. Derenbourg, iVo^es
détachées sur VEcclésiaste, dans Revue des Etudes juives,
cahier d'oct.-déc. 1880.— C. Bruston, le Prétendu Epicu-
risme de VEcclésiaste, dans Revue théologique de Mon-
tauban, n» de oct.-déc. 1881. — E. Renan. VEcclésiaste,
traduit de Vhébreu avec une élude sur Vâge et le carac-
tère du livre; Paris, 1882. — M.Vernes, Bulletin critique
de la religion juive, dans Revue de Vhisloire des religions ;
Paris, 1882, t. VL — H. Bois, Essai sur les origines de la
philosophie judéo-alexandrine ; Paris, 1890.
ECCLÉSIASTIQUE. L'un des livres apocryphes ou deii-
térocanoniques de la Bible, composé originairement en hé-
breu, et dont nous ne possédons que la traduction grecque.
Le véritable titre de l'ouvrage est Sagesse de Jésus, fils
de Sirac, et, sous une forme abrégée, le Siracide. C'est un
Hvre de philosophie morale, sorte de recueil de préceptes
rappelant en quelque mesure le livre des Proverbes. Bien
que l'œuvre présente une incontestable unité d'auteur et
d'inspiration, « iln'y a pas lieu, remarque justement Reuss,
de parler d'un plan régulièrement conçu d'avance et dispo-
sant les différentes matières à traiter d'après un ordre naturel
et logique. Il n'y a pas la moindre trace d'une pareille pré-
occupation de la part de l'auteur. Il passe d'un sujet à
l'autre sans qu'on entrevoie le moins du monde ce qui a
pu en décider le choix, ou par quelle association d'idées des
éléments hétérogènes ont pu se trouver ensemble. » Nous
signalerons tout particulièrement l'éloge de la sagesse et
la récapitulation des héros de l'histoire d'Israël. Le livre,
composé en Palestine dans la première moitié du ii® siècle
avant notre ère, autant qu'il paraît, a été traduit en grec
une soixantaine d'années plus tard par les soins du petit-
fils de l'auteur, fixé en Egypte. C'est une œuvre distinguée
déforme et d'une inspiration morale soutenue, précieuse
pour nous faire connaître les croyances des Juifs palesti-
niens et l'état de la science religieuse et morale des doc-
teurs de la loi à l'époque qui précède immédiatement l'in-
surrection des Machabées. « L'auteur de V Ecclésiastique,
dit Michel Nicolas, ne connaît en aucune façon ni les
méthodes artificielles d'interprétation qui permirent aux
docteurs de la loi de découvrir dans les écrits mosaïques
des sens cachés et des mystères dont on ne s'était pas douté
jusqu'alors, ni la réglementation à outrance dans laquelle
la vie tout entière de risraéhte finit par être enfermée,
ni l'importance exagérée qu'on donna aux prescriptions
cérémonielles, ni les développements extraordinaires que
reçurent les anciennes espérances messianiques. » C'est,
en un mot, une œuvre saine, sobre et forte; Jésus, fils
de Sirac, s'y montre le digne disciple et continuateur
des écrivains prophétiques, dont il a profondément médité
les écrits. M. Vernes.
BiBL. : M. Nicolas, Des Doctrines religieuses des Juifs
pendant les deux siècles antérieurs à Vère chrétienne ;
Paris, 1860; 2« éd., 1866. — Ed. Reuss, Philosophie reli-
gieuse et morale des Hébreux; Paris, 1878.— II. Bois,
Essai sur les origines de la philosophie judéo-alexandrine;
Paris, 1890.
ECCLÉSIASTIQUE. Ce mot désigne en général les per-
sonnes et les choses qui appartiennent à l'Eglise. Les per-
sonnes ecclésiastiques sont aussi appelées cleirs. Dans
l'usage, les deux noms comprennent pareillement toutes les
personnes qui sont destinées au service de l'EgUse, depuis
le plus haut dignitaire jusqu'au simple tonsuré (V. Clerc
et Clergé).
ECCREfû00^HPUS{EccremocarpusK.BtV3i\.){BoL).
Genre de plantes de la famille des Bignoniacées et du
groupe des Jacarandées , composé de sous -arbrisseaux
grimpants, à feuilles opposées, pennées, avec les folioles
incisées et le pétiole terminé par une vrille simple ou
ramifiée. Les fleurs, de couleur jaune ou rouge, sont dis-
posées en grappes lâches ; la corolle ,^ tubuleuse, est
rétrécie au niveau de la gorge ; les étamines, au nombre
de quatre, sont didynames, et le fruit, capsulaire, s'ouvre
en deux valves pour laisser échapper des graines entourées
d'une aile transparente. L'espèce type, E. scaber R. et
Pav. (Calampelis scabra Don), est originmre du Chili. On
la cultive fréquemment dans les jardins comme ornemen-
tale; ses fleurs sont orangé. Ed. Lef.
ECDICIUS. Nom de deux seigneurs gaulois du v® siècle.
L Sozomène raconte qii'Ecdicius, le père de l'empereur
Avitus, seigneur gaulois originaire de Nîmes, tua, après le
siège d'Arles, en 411, son ami Ecdobic, général du tyran
Constantin, qui s'était réfugié auprès de lui, après avoir
été vaincu par Ulphilas et Constance, les généraux de
l'empereur Honorius. Constance, auquel le meurtrier pré-
senta la tête d'Ecdobic, lui défendit de rester dans son
camp, de peur que la présence d'un homme aussi misé-
rable n'y causât quelque malheur.
II. Ecdicius que Sirmond, d'après Jornandès, fait fils
d'Avitus et par conséquent petit-fils du précédent, était le
frère de Papianilla, la fille de cet empereur, mais proba-
blement le fils d'un autre père. Sous l'empereur Anthé-
mius, il commandait la cavalerie en Gaule lors de l'invasion
des Yisigoths sous Eurik ; mais il se distingua surtout en
474 pendant le siège de Clermont-Ferrand (V. ce mot).
L'empereur Jules Nepos le nomma patrice romain. Sidoine
Apollinaire, l'époux de sa sœur Papianilla, qui lui dédia
deux de ses épîtres, dit dans l'une d'elles qu'il reçut ce
titre tôt pour son âge, mais trop tard pour les services
qu il avait rendus. Ecdicius mourut à Rome, où il s'était
rendu après avoir été nommé patrice. D'après une légende,
rapportée par Grégoire de Tours, il aurait pourvu à la
subsistance de plus de quatre mille personnes pendant une
famine qui ravagea la Gaule. L. W.
BiBL. ■ I. Sozomène, Hist.,\. IL- Le Nain de Tillemont,
Hist. des empereurs', Bruxelles, 1710, V. — IL Sidonius
Apollinaris, EpisL, L 111, 3. - Grégoire de Tours,
Hist, des Francs, éd. Omont ; Pans, 188b, H, xvi {U).
— Le Nain de Tillemont, Hist. des emper,, VL — Le
Mercure de France, avr. 1761.
ECDOTIQUE (V. Critique des textes).
i Eauiv C^^H^^AzO^
ECGONINE (Chim ). Form. j ^^^^''\ Cm^'^AzO^
Base artificielle obtenue par Wœhler en chauffant en
tubes scellés à 100^ la cocaïne avec de l'acide chlorhy-
drique concentré : il y a fixation d'eau et production d'al-
cool méthylique, d'acide benzoïque et d'ecgonine (exyovoç,
fils), d'après l'équation suivante :
c^^r-^AzO^ + mwz=: cmw + c^^ii^o^ + ^L^è^
^^'^^^^^^ AlSoÏÏr Acide Ecgoiiine
oocaine niôth. benz. ^
L'ecgonine cristallise en prismes rhomboïdaux obliques,
incolores, brillants, avec une molécule d'eau de cristaUisa-
tion. Elle est très soluble dans l'eau, peu dans l'alcool con-
centré, insoluble dans l'éther; sa saveur est douceâtre, fai-
blement amère. Chauffée graduellement, elle se déshydrate,
puis fond à 198° en se décomposant. C'est une base faible,
sans action sur les réactifs colorés, donnant cependant un
chlorhydrate bien cristallisé. — Le chloroplatinate, qui
est rouge orangé, cristallise en prismes peu solubles dans
l'alcool, très solubles dans l'eau (Lossen). Ed. B.
BiBL. : LossEx, Rech. sur la cocaïne, Soc. ch., t. IV,
293. _ Wœhler, Action de Vacide chlorhydrique sur la
cocaïne, Ann. ch. et phys., t. LXV, 2'à'ô (3).
ÉCHAFAUD. I. Construction. — Ouvrage de charpente
provisoire, consistant en un ou plusieurs planchers et ser-
vant à l'exécution de travaux de construction. Les écha-
fauds peuvent être fixés à la construction même qu'ils servent
à élever ou seulement juxtaposés à cette construction et par-
fois portés sur des plates-formes mobiles, ou encore, et sur-
tout dans le cas de travaux de réparation, ils peuvent ne
consister qu'en parties de plancher maintenues enéquiUbre
ou en cages de bois ou de fer, ces dernières suspendues à
des cordages ou à des chaînes. Pour la construction des
édifices publics qui peut durer plusieurs années, on em-
ploie, dans les échafaudages formés d'une série continue
d'échafauds, des bois de charpente équarris, souvent assem-
blés, reliés à l'aide de boulons et de chevilles, avec plan-
chers soigneusement établis et auxquels on accède par de
ÉCHAFAUD — ECHAGUE — 252
véritables escaliers; mais, pour la construction de maisons
ordinaires, on se sert, le plus souvent, d'échafaudages plus
légers consistant en pièces de bois verticales (baliveaux ou
échasses) scellées à leur extrémité inférieure dans le sol,
et en pièces horizontales (boulins), perpendiculaires aux
premières et scellées à une extrémité dans le mur en cons-
truction, lesdites pièces, baliveaux et boulins, reliées entre
elles par des traverses parallèles au mur et toutes ces
pièces fixées solidement à leurs points de rencontre par
des nœuds de cordages. Dans les travaux de moindre im-
portance, telles que réparations à apporter à un étage
d'une maison existante, on installe souvent des échafau-
dages dits à bascule, pour la construction et l'équiHbre
desquels on se sert des appuis des fenêtres et des planchers
et des plafonds intérieurs de l'étage où Ton doit travailler. —
Les échafaudages ont, à toutes les époques, fait l'objet d'étu-
des spéciales de la part des constructeurs, et quelques-unes
de ces études sont venues jusqu'à nous. Dans l'antiquité ro-
Échafaudage ayant servi pour la construction de la colonnade du Louvre, d'après une gravure de Séb. Leclerc.
maine et au moyen âge, il est vrai, les échafauds étaient
souvent liés à la construction, faisaient corps et s'élevaient
avec elle, au fur et à mesure de ses besoins et, par suite,
avaient généralement moins d'importance que de nos jours ;
mais on a vu, depuis la Renaissance, certains échafaudages
faire grand honneur à l'imagination des maîtres d'œuvre
qui les ont conçus. C'est ainsi qu'un dessin du musée des
Offices nous a conservé la composition de l'échafaudage
imaginé par Brunellesco pour la construction de la lan-
terne de 26 m. de haut destinée à couronner le Dôme de
Florence (Eug. Mûntz, Hist. de l'art pendant la Pie-
naissance^ t. I, p. 447); qu'une gravure de Séb. Leclerc,
d'après Cl. Perrault, reproduit l'échafaudage imaginé par
cet archilecte et reproduit par Ponce Cliquet pour élever
les deux pierres formant la cimaise au-dessous du fronton
de couronnement de la partie centrale de la colonnade du
Louvre à Paris, et que, plus récemment, dans cette ville,
les travaux de restauration du dôme des Invalides, dirigés
par M. Crépinet et ceux de la façade de l'église Saint-
Gervais, dirigés par M, Calliat, ont donné lieu à des écha-
faudages intéressants, dont le dernier môme est gardé, à
l'état de modèle, au musée du Conservatoire des arts et
métiers. — Les échafaudages à élever sur la voie publique
sont soumis, à Paris, à la demande d'une permission et
au payement de droits de voirie, ainsi qu'à une régle-
mentation spéciale, cette dernière en partie relative aux
précautions à prendre pour assurer la sécurité des ouvriers,
prescriptions dont les principales sont contenues dans l'or-
donnance du préfet do police du 12 mai 1881. Charles Lucas.
II. Pêche. — On nomme ainsi le hangar en bois sur
lequel à Terre-Neuve on décharge et on prépare la morue.
m. Pénalogie (V. Guillotine et Exécuteur des hautes
oeuvres).
BiBL. : Construction. — P. Chabat, Dlct. de la Con-
struction ; Paris, 1881, 2« éd. in-8, t. II.
ÉCHAFAUDAGE. I. Construction (V. Echafaud).
II. Peinture. — Construction en bois servant aux
artistes qui ont à peindre de vastes surfaces murales;
très variée dans son architecture suivant les nécessités du
travail, elle se compose généralement d'un ou plusieurs
planchers, établis sur de solides charpentes et munis
d'escaliers. Lorsqu'il s'agit simplement d'un tableau de
grande dimension, le peintre se sert le plus souvent d'un
haut et massif marchepied à roulettes, muni d'un banc
mobile qui s'accroche aux marches, à la hauteur désirée.
ECHAGUE (Don Rafaël), général espagnol, né à Saint-
Sébastien le 13 févr. 1815, mort à Madrid en déc. 1887.
Il était issu d'une famille de noblesse basque. Capitaine en
1833, il se rallia aux cristinos et prit part à la longue
guerre contre les carlistes, d'abord comme aide de camp du
général O'Donnell, puis à la tête d'un régiment d'infanterie.
Passant ensuite dans les rangs des moderados^ il participa
253 —
EGHAGUE — ÉCHANGE
activement au soulèvement provoqué à Madrid par O'Don-
nell (28 juin 1854), puis à la victoire remportée par les
insurgés à Vicalvuro sur les troupes du gouvernement.
Promu général sous le ministère de son ancien chef, il se dis-
tingua dans la campagne du Maroc, notamment à la défense
de El Serallo (nov. 1839), et fut nommé capitaine général.
Il devint alors très populaire et joua un rôle important
dans le parti libéral, ce qui lui valut d'être emprisonné et
interné, avec Serrano et d'autres, sous le ministère de
Gonzalez-Bravo (7 juil. 1868). Il exerça encore des com-
mandements dans la dernière guerre contre les carlistes
(1873-1876), puis se retira de la vie active. G. P-i.
ÉCHAILLON (L'). Hameau de la com. de Veurey (Isère),
dans le massif montagneux du Villars-de~Lans. Carrières
de belles pierres calcaires d'une blancheur éclatante et de
marbre à teinte rosée. Source thermale sulfureuse dont les
propriétés sont analogues à celles d'AUevard et d'Uriage.
Un établissement de bains y a été fondé en 1853. Les
escarpements abrupts de l'extrémité N. du massif sont
nommés le Bec de l'Echaillon; on y jouit d'une vue fort
étendue sur la vallée de l'Isère.
ECHAILLY (V. Escharlis [Les]).
ECHAINE. Mot vieilli employé pour désigner la chaîne
d'arpenteur, qui, autrefois, était souvent faite en corde,
ordinairement goudronnée ou cirée, avec des nœuds.
ÉCHALAS. I. Sylviculture. — Brins ou pieux de bois
de 7 à 10 centim. de tour et de 1"'14 à 1°^56 de longueur,
suivant les localités, servant à soutenir les plantes grim-
pantes, la vigne principalement. Tous les arbres peuvent
donner des échalas, mais certaines essences forestières :
chêne, robinier, châtaignier, sont plus spécialement em-
ployées à leur fabrication et fournissent des produits excel-
lents, de longue durée. Les pins, les bois blancs : saule,
coudrier, etc., sont souvent utiHsés aussi; leurs échalas
sont légers, bon marché, mais ils s'usent vite. 11 est pos-
sible d'ailleurs d'en augmenter la durée en les immergeant
dans une solution de sulfate de cuivre, pendant une dizaine
de jours s'ils sont secs, et pendant deux ou trois jours s'ils
viennent d'être fabriqués; immersion nécessaire surtout
pour les échalas faits avec de jeunes rejets non refendus.
Le débit des échalas dits de fente se fait d'ordinaire en
forêt. On y consacre le plus souvent les grosses perches
des taillis, les jeunes arbres de 15 centim. à 25 centim. de
diamètre, que l'on scie à la longueur voulue. On fend ensuite
les billes à l'aide du contre^ sans rejeter l'aubier. Le dé-
chet est donc très faible ; mais les échalas qui contiennent
de l'aubier ont moins de valeur que ceux formés entière-
ment de bois parfait. D'un mètre cube de bois on tire
environ mille échalas. G. Boyer.
II. Viticulture (V. Viticulture).
ÉCHALAS. Com. du dép. du Rhône, arr. de Lyon, cant.
de Givors; 853 hab.
ÉCHALASSA6E (V. Echalas).
EC H ALLEN S (en allemand Tcherlitz). Bourg et district
du cant. de Vaud (Suisse). C'est le seul district du canton
où le catholicisme soit demeuré rehgion officielle à côté du
protestantisme : les catholiques y comptent 2,300 adhé-
rents sur 9,500 hab. Dans le bourg même (1,000 hab.),
les quatre cinquièmes de la population sont catholiques.
Le bourg, où se tiennent des foires importantes, est à
14 kil. au N. de Lausanne; un chemin de fer à voie étroite,
inauguré en 1873, l'unit au chef-lieu. Le château d'Echal-
lens, qui appartient aujourd'hui à la commune et sert à
l'administration, est mentionné pour la première fois en
1273. Au moyen âge, les seigneurs d'Echallens jouent dans
la contrée un certain rôle, qui cesse en 1476 lorsque les
Suisses s'emparèrent du pays. Dès lors, Echallens resta trois
siècles et plus sous la domination des villes de Fribourg et
de Berne, qui désignaient les baillis chacune à leur tour.
C'est grâce aux efforts de Fribourg que le culte catholique
fut maintenu. Les deux confessions recevaient à tour de
rôle un candidat à la naturalisation : Voltaire chercha à
obtenir la bourgeoisie d'Echallens, mais les catholiques, ne
le jugeant pas assez bon teint pour être un des leurs, repous-
sèrent sarequête. Jusqu'en 1865, les catholiques et les pro-
testants se servirent de la même église. E. K.
ÉC H ALLES (Arm.). Lanières de cidr reliant l'épée à la
ceinture.
ÉCHALLON. Com. du dép. de l'Ain, arr, de Nantua,
cant. d'Oyonnax; 1,091 hab.
ÉCHALOT. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Chàtillon-sur-Seine, cant. d'Aignay-le-Duc ; 269 hab.
ÉCHALOTE (Bot.). Nom vulgaire de VAllium Ascalo-
niciim L., plante de la famille des Liiiacées, que l'on cul-
tive depuis un temps immémorial dans les jardins potagers,
où elle fleurit assez rarement. Ce n'est peut-être qu'une
modification de VAllium Cepa L. (V. Oignon), car on ne
l'a pas encore trouvée sauvage d'une manière certaine
(V. de Candolle, De VOrigine des plantes cultivées,
1883, p. 55). Elle se reconnaît à son bulbe ovoïde-oblong
renfermant des bulbilles violets, à sa tige non renflée, à
ses feuilles subulées-cylindriques, fistuleuses, et à ses fleurs
blanches ou bleuâtres, souvent remplacées par des bulbilles.
— L'Echalote d'Espagne est VAllium scorodoprasumh,
(V. Rocambole) et la fausse Echalote, VA. schœnopra-
sum L. (V. Ciboulette). Ed. Lef.
ÉCHALOU. Com. du dép. de l'Orne, arr. de Domfront,
cant. de Messei; 545 hab.
ÉCHAMPISSAGE (Peint.). Imitation de bas-relief en
trompe-l'œil. Ce procédé décoratif, dont il existe de nom-
breux spécimens au Louvre et dans divers monuments,
diffère du camaïeu par sa vigueur, son apparence de réalité,
souvent remarquable lorsque la peinture est récente. On
dit aussi échampir, pour arrêter fermement les contours
d'une peinture, les détacher du fond, du champ. Ad. T.
ÉCHANCRURE (Mar.). Pour éviter que les voiles ne
portent sur les étais des mâts inférieurs, on donne aux
ralingues une forme de courbe rentrante. L'arc qui est
ainsi formé s'appelle échancrure. L'échancrure se calcule
d'après la position des étais des mâts inférieurs. Elle est
très considérable pour les perroquets, à cause de l'abaisse-
ment présumé des vergues de hune quand on prend des ris
aux huniers ; très considérable aussi pour la perruche, afin
de laisser libre passage aux vergues du perroquet : pour
ces voiles, la chute au mât n'est queles neuf dixièmes delà
chute au point. Pour les voiles basses, l'échancrure moyenne
s'obtient en multipliant la longueur de la chute au point
par 0,084. Déplus, les voiles carrées ont une échancrure
latérale, parce que, les voiles une fois gonflées, les ralingues
de chute ne supporteraient plus l'effort du vent, qui se por-
terait sur les toiles avoisinantes. Cette échancrure est très
grande aux perroquets de fougue, à cause du passage des
bras de la vergue du grand hunier. Les hunes, au contraire,
sont peu échancrées aux côtés de chute pour que leurs
rahngues en cette partie soient plus tendues.
ÉCHANDELY.Com.dudép. du Puy-de-Dôme, arr. d'Am-
bert, cant. de Saint-Germain-l'Herm ; 1,137 hab.
ÉCHAN FREIN (Mécan.). Opération qui consiste à rac-
courcir les dents d'une roue d'engrenage, ce qui revient à
couper les dents de la roue à échanfreiner par une cir-
conférence concentrique à cette roue. Le rayon de cette
circonférence se détermine par une épure de l'engrenage,
tracée de façon que deux dents successives soient toujours
en prise. Les distances du point de contact initial des deux
dents suivantes au centre des deux roues donne pour cha-
cune de ces roues le rayon du cercle de coupage. L. K.
ÉCHANGE. I. Droit romain. — L'échange, rerum
permutatio, suppose essentiellement une convention par
laquelle l'une des parties s'engage à transférer à l'autre la
propriété d'une chose, à charge par cette autre partie de lui
transférer la propriété d'une autre chose. A l'époque de la
pleine maturité du droit romain, l'échange figure au
nombre des contrats innomés, et il y fait partie de la
classe desnegotia do ut des. Aussi, la convention d'échange
ÉCHANGE
254
ne devient-elle obligatoire que lorsqu'un des coechangistes
a exécuté la prestation mise à sa charge. Alors, ^ mais
alors seulement, il peut exiger f , ^'^f «^^ ^«f /^^f,^^^^^^^^^
prestation promise par celui-ci, et, ^^^^^f ^'i est m esu
de l'action générale servant de sanction a tous les contra ^
innomés, l'Iction prœscriptis verbis (V. Contrat [Droit
romain! . Lui-même, d'ailleurs, est expose également a
cette action, bien qu'ayant exécuté la convention, lorsque
cette exécution n'a pas été de nature à donner pleine sa-
tisfaction à son cocontractant, notamment lorsque celui-ci
vient à être évincé de la chose qui lui a ete transférée.
Mais l'échange n'a pas toujours été considère comme un
contrat. Il aluivi à cet égard toutes les^ vicissitudes par
lesquelles a passé la théorie des contrats mnomes. Jamais,
dans les débuts comme d'ailleurs à la fin, on ne vit dans
la convention d'échange autre chose qu un simple pacte
dépourvu de force obligatoire. Les parties pouvaient sans
doute volontairement se transférer la propriété des choses
qu'elles s'étaient promises réciproquement en échange;
mais ce transfert, étant l'exécution de la convention, y met-
tait fin par là même, en sorte qu'après cette exécution,
pas plus qu'avant, il n^était question d'obligation entre
les parties. Plus tard commença à se faire jour 1 idée que
toute convention synallagmatique pouvait, lorsqu elle avait
été exécutée par l'une des parties, être considérée comme
un contrat et engendrer une action. L'échange e ait pré-
cisément dans ce cas. Mais restait la question de savoir
quelle action il convenait d'accorder au coechangiste qui,
ayant exécuté le premier, avait par làtranstorme la simple
convention en contrat. - ^i.. nn
Ici se produisit un conflit entre les deux écoles ou
sectes rivales des Sabiniens et des Proculiens. Les pre-
miers peu disposés à augmenter le nombre des contrats,
refusaient de voir dans l'échange un negotium navum
avant, avec une place à part, des caractères et des etiets a
lui propres. Aussi proposaient-ils d'assimiler la convention
d'échange au contrat avec lequel elle présentait le plus
d'analoeie, c.-à-d. à la vente. Ils faisaient remarquer en
effet que, dans l'ordre du développement économique,
réchaui^e a précédé la vente et que ces deux opérations de
droit sont reliées par des rapports de fihation incontestables.
Mais ce n'était point là, aux yeux des Proculiens, une rai-
son suffisante pour confondre l'échange avec la vente. Ce
qui caractérise essentiellement ce dermer contrat dans
l'état de développement auquel il était parvenu à 1 époque
où sursit ce conflit d'opinions, c'est que l'une des choses
promises est un prix, c.-à-d. une certame quantité de
monnaie. Or cette particularité avait suffi pour imprimer a
la vente un caractère à part et lui donner une organisation
telle que ses règles ne pouvaient en aucune façon convenir
à l'échange. Dans la vente, en effet, chacune des parties a des
oblioations différentes ; celles de l'acheteur, qui doit le prix,
ne ressemblent pas à celles du vendeur qui doit la chose.
Or si on veut confondre l'échange avec la vente, il devient
impossible de discerner quelle est celle des deux choses
échansées qui fait l'office de prix, quelle est celle qui
fait fonction de chose vendue, et par suite on ne sait
quelle est celle des parties à qui revient le rôle d acheteur,
quelle est celle qui devra être considérée comme vendeur.
Ces considérations devaient entraîner le rejet de la doc-
trine sabinienne qui, combattue avec vigueur par le juris-
consulte Paul, ne fut définitivement écartée qu à la fin de
l'époque classique. Depuis, et jusque dans le dernier état
du droit, l'échange fut envisagé sans conteste coinme faisant
partie du groupe des contrats mnomés. G. May.
II Droit civil. — Dans son acception économique,
laquelle est la plus large et la pluscompréhensive, échange
désigne toute opération, de quelque nature qu elle soit,
ayant pour objet et pour effet de faire réciproquement passer
d'une personne à une autre la propriété d'objets de na-
tures différentes, ayant entre eux une valeiir convention-
nelle égale (V. Commerce). L'acception juridique du mot
échange est beaucoup plus restreinte, aussi bien en droit
commercial qu'en droit civil ; elle ne concerne que le contrat
où la chose échangée par chacune des parties est la contre-
valeur plus ou moins complète, mais tout au moins prin-
cipale, de l'autre, en d'autres termes, où chacune des deux
choses est réciproquement le prix de l'autre, par opposition
à la vente où une seule chose, meuble ou immeuble , fait
l'objet du contrat, et dont le prix est toujours détermine
en argent.— L'échange est un contrat naturel et le droit
des gens : cette classifi'cation est justifiée parce qui précède.
Le code civil définit l'échange « un contrat par lequel
les parties se donnent respectivement une chose pour une
autre » art. 1702). Malgré ce que cette rédaction peut
sembler avoir de compréhensif, il faut se garder de croire
que l'on peut l'étendre à l'échange de prestations. La con-
vention par laquelle les parties se concèdent l'usage d une
chose, contre celui d'une autre, ou des services en retour
d'autres services ne constituerait pas un échange au sens
du code. Bien que théoriquement et au point de vue de la
philosophie du droit, ces contrats procèdent de l'idée pri-
mordiale d'échange, en droit positif ils rentrent dans la
catégorie des contrats innomés soumis aux règles générales
des conventions par l'art. 1107 duC. civ. Le contrat auquel
le code a attaché cette dénomination propre d'échange a
pour objet unique des choses corporelles, meubles ou
immeubles, ou des droits incorporels (créances, actions)^. 11
s'analvse en deux ventes corrélatives et concurrentes ; c est
pourquoi la loi le soumet aux règles ordinaires de la vente,
sauf quelques exceptions nécessitées par sa nature propre.
Ce qui a été dit relativement aux échanges commerciaux
a fait préjuger que l'échange, ramené à son sens juridique,
n'est pas exclusivement un contrat de droit civil; il peut
quelquefois aussi avoir le caractère commercial, et la cir-
constance qui lui donne ce caractère est celle-là même a
laquelle on reconnaît la commercialité d'un acte, c.-a-d.
le fait d'acquérir une chose avec l'intention de la revendre
ou de réaUser un bénéfice; acquérir par voie d échange
une marchandise avec l'intention de s'en défaire prochaine-
ment moyennant profit est un acte commercial identique a
l'achat de cette même marchandise moyennant argent.
Disons toutefois que les rapports commerciaux, en dehors
du troc, ne comportent l'échange que tout à fait exception-
nellement, sauf pourtant dans certains commerces comme
celui des bestiaux. Mais, lorsque deux marchands vendant
les mêmes produits recourent réciproquement l'un à 1 autre
pour se procurer les marchandises similaires qui leur
manquent accidentellement, il y a là deux opérations dis-
tinctes constituant deux ventes indépendantes lune de
l'autre, compliquées, quant au règlement des prix, d une
opération de compte courant. Quand il s'agit d un véritable
échange, on suit, comme pour l'échange civil,^ les règles
générales tracées par le code civd pour les Lontrats et
Obligations en général (art. Il 01 à ^369) et les reg es
spéciales du même code pour la Vente (art. lo8i a ITUl),
sauf les dispositions particulières de l'art. 109 du C. de com.
L'échange est le contrat commutatif par excellence ; il
est de plus consensuel comme tous les contrats de notre
droit, c.-à-d. parfait dès qu'il y a concours des deux vo-
lontés pour l'opérer et accord sur les objets respective-
ment échangés, sans que la livraison soit instantanément
effectuée. La promesse d'échange a donc la même force
obligatoire que l'échange actuellement réalise (art. 1/ Ud
du C. civ.). Toutes les choses qui peuvent être vendues
peuvent faire l'objet de l'échange. On peut échanger soit
une espèce contre une espèce (un tableau quelconque contre
un autre ; une ferme contre une ferme), soit des choses de
nature et d'espèces différentes, par exemple un objet mo-
bilier contre un immeuble, un objet d'art ou de curiosité
contre une maison à Paris, opération qui n'aurait rien de
surprenant à une époque où l'on voit les objets d art ou
de simple curiosité atteindre des prix à rendre jaloux les Ro-
mains. —La considération générale qui mflue sur les règles
spéciales à l'échange est que ce contrat a pour mobile des
convenances particulières à chacun des contractants. La
- 255 —
monnaie étant le moyen usuel de se procurer ce que l'on
désire, et l'objet non moins usuel que se propose tout pro-
priétaire qui cède la propriété de sa chose, il faut, pour
recourir à la voie de l'échange, que chacune des deux par-
ties désire spécialement la chose de l'autre. C'est donc
qu'elles attachent respectivement à la chose convoitée une
valeur de convenance, de fantaisie même qui leur est par-
ticulière et que la préoccupation de sa valeur vénale cou-
rante ne soit, dans leur pensée, que tout à fait secondaire.
C'est en partant de cette idée que l'on est arrivé à décider
qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération cette va-
leur vénale pour apprécier si l'un ou l'autre des contrac-
tants a fait un marché plus ou moins avantageux, c.-à-d.
s'il a subi une lésion, résultat d'une erreur ayant pu
influer sur son consentement. Il arrive souvent que c'est
le besoin d'argent qui obUge à vendre, et il n'est pas rare
non plus que la cupidité en abuse pour acheter à bas prix.
On a senti de tout temps la nécessité de protéger le ven-
deur contre des entraînements ou des défaillances. Rien de
semblable dans l'échange. Ce n'estjamais le besoin d'argent
qui en est le mobile. 11 y a une autre raison, qui est le
corollaire de celle-ci : dans la vente Faction en rescision
n'a pas lieu en faveur de l'acheteur, car, si l'on peut se
trouver obligé de céder sa propriété à vil prix sous le coup
de nécessités urgentes, jamais on ne l'est d'acheter trop
cher une chose que l'on désire vivement ; or dans l'échange
chaque copermutant est à la fois vendeur et acheteur : si
donc il a fait un mauvais marché, c'est autant au moins
parce qu'il a payé trop ■ cher ce qu'il a acheté que parce
qu'il a cédé à trop bas prix ce qu'il a vendu. C'est pour-
quoi on a pensé que ce contrat ne devait pas être soumis
à la même règle d'égalité relative que la vente, soit en
égard à la consistance de la chose échangée, à sa quantité,
à sa contenance ou à sa valeur. Si l'un des contractants
s'est trompé sur les qualités qu'il croyait rencontrer dans
la chose à lui cédée, il n'est pas admis à se plaindre, du
moment que son consentement a été hbrement donné d'après
l'opinion qu'il avait alors de cette chose. Aussi l'art. 4706
du C. civ. porte-t-il que « la rescision pour cause de lésion
n'a pas lieu dans le contrat d'échange ». Disons toutefois
qu'au cas où un litige surgirait, le juge devrait chercher avant
tout à se pénétrer de l'intention des parties, du but pour-
suivi par elles, même de leur mobile, contrairement, sur ce
dernier point, à ce qui a lieu en général dans les contrats.
Si en effet l'échange ne peut être rescindé pour cause de
lésion, il reste toujours attaquable pour cause de dol ou de
fraude caractérisés, car ce sont là des vices du consente-
ment qui font exception à toutes les règles ; mais ce sera
au plaignant à démontrer les manœuvres indélicates au
moyen desquelles son cocontractant lui a fait concevoir de la
chose qu'il lui livrait une opinion erronée. Même en l'absence
de ces manœuvres, le contrat pourra être rescindé pour erreur
sur la substance, par exemple, s'il s'agit d'un tableau pris
par l'acquéreur pour l'œuvre originale de tel maître, alors
qu'il n'est qu'une copie. — Il y a une règle de la vente d'après
laquelle ce qui est obscur ou ambigu dans le contrat s'in-
terprète contre le vendeur ; on considère que dans une
convention qui a pour objet la vente d'une chose, c'est le
vendeur qui stipule, c.-à-d. qui fait ses conditions ; ce n'est
à la vérité qu'une présomption fondée sur ce qui paraît
arriver le plus ordinairement, et que le juge n'applique d'ail-
leurs qu'autant qu'il lui est impossible de découvrir quelle
a été la véritable intention des parties. Quoi qu'il en soit,
l'art. 4602 dispose formellement que le vendeur est tenu
d'expliquer clairement à quoi il s'oblige, et que toute con-
dition obscure ou ambiguë s'interprète contre lui. Mais dans
l'échange le rôle de vendeur étant réciproquement rempli
la même raison que les frais de l'acte sont supportés par
les deux contractants, chacun par moitié, contrairement à la
règle édictée pour la vente, qui les met à la charge de
ÉCHANGE
l acheteur (C Cl V., art. 4593). — Enfin, l'échange étant un
acte translatif de propriété, tout contrat de ce genre ayant
pour objet des droits immobiliers doit être transcrit au
bureau des hypothèques, de façon que les tiers intéressés
soient mis à même de le connaître. A défaut de cette for-
mahte, il ne leur est pas opposable, et les droits qu'ils ont
acquis sur l'un ou l'autre des immeubles du chef du pré-
cèdent propriétaire, antérieurement à son accomplisse-
ment, prodmsent tous leurs effets nonobstant l'aliénation
(V. Transcription).
Lorsque les 'deux choses échangées sont acceptées res-
pectivement par les parties comme étant à leur gré de valeur
égale, elles se compensent d'une façon absolue ; on dit
alors dans la pratique que l'échange est fait but à but,
et dans les formulaires on ajoute les mots : sans soulte ni
retour. Ces derniers mots ont seuls une valeur juridique.
La soulte, ou retour, est le complément, le plus ordinai-
rement en argent, stipulé pour établir l'équilibre entre
deux objets en soi de valeur inégale (V. Soulte). La
soulte est donc simplement une différence, un appoint qui
ne modifie pas la nature de l'acte. Ce caractère de la soulte
permet de résoudre en principe les difficultés que peut faire
naître le pmnt de savoir quand un acte, se présentant
comme échange avec soulte, cesse d'être juridiquement un
échange pour devenir une vente. On a dit que le fait que
le contrat a pour objet l'échange de deux choses est ce qui doit
en caractériser la nature. Mais ily aune rè-le de droit d'après
laquelle il faut plutôt considérer la nature"^ de l'acte fait par
les parties que s'attacher au nom qu'elles lui ont donné.
C est pourquoi, en général, quand la soulte excède la moitié
de la valeur de l'objet qu'elle équilibre, il est difficile de
considérer l'opération comme un échange. La soulte, dans
ces conditions, a bien tout d'abord l'apparence d'un prix,
et l'objet donné par surcroît est lui-même l'équivalent d'un
prix ou d'une dation en payement, voire même d'une soulte
en nature. Mais, sous le bénéfice de cette règle, à la fois
de bon sens et de droit, nous ajouterons qu'il faut avant
tout chercher quelle a été la commune intention des parties
et qu'ici encore la difficulté est plus en fait qu'en droit. Il
faudrait se garder de croire que c'est là une pure discus-
sion de mots ou d'école ; l'intérêt pratique nous saisira si
nous nous rappelons les différences qui existent entre la
vente et l'échange, particulièrement en matière de rescision
pour lésion. Dans les conditions indiquées plus haut, le con-
trat sera rescindable si on le considère comme une vente;
il ne le sera pas, quelque importante que soit la soulte^
SI on le considère comme un échange. — Les art. 4704 et
4705 du C. civ. ne sont qu'une application à l'échange de
l une des règles de la vente, celle qui déclare nulle la vente
de la chose d'autrui. Il en résulte que, si l'un des échan-
gistes est menacé d'être évincé de la chose par celui qui en
est le véritable propriétaire, il est à sa discrétion de con-
sidérer le contrat comme nul, ou, s'il le préfère, de le tenir
pour existant et de demander des dommages-intérêts pour
l'inexécution. S'il a recula chose, il la restitue purement et
simplement et revendique la sienne, s'il l'a livrée ou la
conserve s'il ne l'a pas encore fait. S'il n'a pas reçu la
chose contre-échangée, il n'est pas obligé de la rece-
voir. Dans tous les cas, chacun des contractants n'avant
pas cessé d'être propriétaire de sa chose, elle reste à ses
risques et périls.
Rappelons que les opérations de change d'une place sur
une autre ne sont que des échanges de sommes d'argent
assortis d'ordinaire d'une soulte qui porte aussi le nom de
change {Y. ce mot). e. Dramard.
m. Droit commercial (V. ci-dessus et Commerce,
t. Ali, p. 38) .
IV. Droit international (V. Commerce et Economie poli-
tique, Libre-Echange).
V. Postes. — Echange vostal international (V.
Postes). ^
VI. Mathématiques. — Echange du paramètre et de
l argument. Soient ::(?,$0 et 7u(a,aO deux intégrales
ÉCHANGE - ÉGHANSONNERIE - ^^6
abéliennes normales de troisième espèce ayant respective-
ment pour infinis ^ et \' , a et a^ La relation
est connue sous le nom de théorème de l'échange du para-
mètre et de l'argument ; les limites des mtégrales sont les
arguments et les infinis sont les paramètres.
BiBL. : Droit romain. - Dig., BeRer pennuL, XIX,
4. — Cod. Just., De i^er. permwi., IV, 64 , 7, § 2. - Dig.,
De Pact , II, 14. - Gaius, III, Ul ; 1 pr., § 1 \ Dig , Ï^^Oon-
b'ih emi XVIIL 1 ; 5 § 1 ; Dig., De Pv^scv. verb,, XIX, 5,
S9 insT de Jus , Delmt. ei ^Jend., III, 23.- Accarias,
|>?éc^^ dedroirromam; Paris, 1891, t. II,no«603, 653, 2 vol.
in-8 4« éd - Da même, Théorie des contrats innomés;
Paris 1866, in-8.- Mainz, Coursde droit romain ; Bruxelles,
Î877 4e éd , 3 vol. in-8, t'. II, § 244 -G. May, Eléments de
droi^ roma^- Paris, 1889 1890 1- in-8, t. II,
nos 312. D. 112; 314, pp. 117, 330; 331, p. 17<i. ^
Droit civil. - J.-B. Say, Cours d'économie politique,
3e part., des Echanoes. - Boistel, Précis dii cours de droit
rnmmerciaL PP. 271 et suiv. -- Pothier, Du Contrat
dTchanqe {êJ^Bugnet^t. III, pp. 244 et suiv.).
ÉCHANGEABLE (Math.). Deux symboles opératoires
sont échangeables quand le résultat des opérations qu'ils
représentent, efiectuées successivement, est indépendant
de l'ordre dans lequel on effectue ces opérations.
ÉCHANGEA6E (Papet.). L'opération de l'échangeage
se pratique ordinairement dans la fabrication du papier à
la main. Le papier est pressé au moins une fois ou deux
après le collage ; après avoir subi la première pression, les
feuilles de papier sont enlevées de la pile et replacées dans
un ordre différent pour former une nouvelle pile qui est
pressée à son tour. C'est ce changement de position des
feuilles qui est appelé l'échangeage. Certains papiers soignes
subissent l'échangeage trois et quatre fois ; cette opération
augmente l'apprêt du papier et facihte la répartition plus
ésale de la colle à la surface de la feuille. On prend som,
pendant ce travail, de défaire les plis qui peuvent se tor-
mer, de remettre à plat les coins recourbes des feuilles et
de faire disparaître quelques autres défauts. Chaque fois
qu'on remet les feuilles de papier à la presse, on augmente
la durée de la pression. Cette durée varie de un quart
d'heure pour la première fois jusqu'à quatre heures pour
la dernière.
ÉCHANNAY. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Dijon, cant. de Sombernon; 204 hab.
ÉCHANSON (Grand). Officier de la couronne, qui avait
la haute direction de Véchansonnerie (V. ce mot) et qui
devint, à la fin du xv« siècle, l'un des premiers dignitaires
de la cour de France. Dès l'époque mérovmgienne, les
échansons du roi étaient soumis à l'autorité d un officier
du palais, appelé magister scancionum ou pnnceps
mncernarum, qui partageait avec le sénéchal et le conné-
table l'administration des villas du domame oii s approvi-
sionnait la cour du roi. Sous les Carolingiens, ce fonction-
naire reçut le titre de buticularius (bouteiller) ; son pou-
voir s'accrut notablement, et, sous les premiers Capétiens,
il devint l'un des cinq grands officiers de la couronne
(V Bouteiller). Mais sa haute situation politique et la
variété de ses attributions administratives ne lui permet-
taient plus de surveiller comme à l'erigine les officiers
subalternes préposés à la cave et à la table royale. Aussi
lorsque, au xiv- siècle, le personnel de la maison du roi
eut pris une grande extension, la direction effective de
l'échansonnerie fut-elle donnée, sous l'autorité du grand
bouteiller, à un officier spécial appelé tantôt j^rmt^r
échanson, tantôt maître échanson du roi (Pierre de
Chantemesse, 1325), tantôt grand êchamori de France
(Guy de Cousan, 4385; Charles de Savoisy, ^/,07-1413;
Jean de Craon, 1443-4445; Nicolas Mabry 4419; Phi-
lippe de Courcelles, 4424). Puis, quand la charge de
bouteiller fut supprimée en 4468, le grand échanson suc-
céda naturellement, sinon à son pouvoir_ politique et admi-
nistratif, du moins à ses droits lucratifs et a ses préro-
gatives honorifiques. Dans les circonstances solennelles,
notamment au festin du sacre, il devait remplir en per-
sonne les fonctions d'échanson. Il avait le droit d'ajouter
à ses armoiries deux flacons de vermeil portant les armes
du roi. Ses gages étaient de 600 livres. — La charge de
grand échanson subsista jusqu'à la fin de l'ancien régime;
en voici les titulaires connus : Jean du Fou , 4488 ;
Charles de Rohan, seigneur de Gié, 1498-4 546 ; François
Baraton, seigneur de Montgauger, 4546-4549 ; Adrien de
Hangest, seigneur de Genlis, 4520-4532 ; Louis de Bueil,
comte de Sancerre, 4533; Jean Vil de Bueil, comte de
Marans, +4638 ; Jean VIII de Bueil, f 1665 ; Pierre de
Perrien, marquis de Crenan,-J- 4670 ; Louis de Beaupoil de
Saint-Aulaire, marquis de Lanmary, +4702; Marc-Antoine
de Beaupoil de Sainte-Aulaire, 4703-4734 ; André de
Gironde, 4734-4756; E.-F. Chaspoux, marquis de Ver-
neuil, 4756-4790. — En 4845, la Restauration rétablit, en
faveur du comte de Rothe, la charge de premier échanson
de France, qui subsista jusqu'à la réorganisation delà Mai-
son du roi par l'ordon. du 4^^ nov. 4820 : depuis cette date
jusqu'en 4 830, les fonctions de premier échanson furent rem-
plies par l'un des quatre chambellans de l'hôtel. Ch. Mortet.
BiBL : Le P. Anselme, Hist. généal. et chronol. de la
maison de France, 1674, t. VIII, pp.513 à 603; avec suppl.
par Potier de Courcy, 1881, t. IX, 2« partie, p. 879.
ÉCHANSON NERIE. On appelait ainsi, à la cour du roi
et chez les grands seigneurs de l'ancienne France, l'en-
semble des officiers chargés de verser à boire à table et,
d'une manière plus générale, de veiller au service de la
cave. — L'habitude d'avoir dans les maisons riches des gens
spécialement employés à cet office remonte jusqu'à l'anti-
quité : on sait que, chez les Grecs et les Romains, de
jeunes esclaves appelés olvoy dot, pocillatores, pincernœ,
apportaient aux banquets le vin dans des cratères et y pui-
saient au moyen de vases spéciaux (xuaôo;, o'.yoxorî) pour
rempHr les coupes des convives. Le même usage existait chez
les chefs des tribus germaniques, et c'est dans les textes
bas-latins de l'époque franque qu'apparaît pour la première
fois le titre d'échanson, sous la forme scancio (gothique
skankian, allemand schenken, verser) ; mais les fonctions
domestiques qui y correspondaient étaient exercées par des
hommes Hbres, compagnons du chef. Les rois mérovingiens
et plus tard les Carolingiens avaient parmi les officiers de
leur palais un certain nombre de scanciones ou pincernœ,
qui faisaient le service de la table, approvisionnaient la cave
et percevaient les revenus des vignobles royaux, sous l'au-
torité d'un grand officier appelé magister scancionum,
princeps pincernarum, plus tard buticularius.
Au xiii® siècle, lorsque la maison des rois capétiens,
devenue considérable, reçut une organisation minutieuse
(ordonn. de 4264, 4285...), l'échansonnerie forma, avec
la paneterie, la cuisine et la fruiterie, l'un des quatre dé-
partements entre lesquels fut divisé le personnel chargé de
préparer les repas du souverain et de sa cour. En 4285,
elle se composait, sous la direction du grand bouteiller, de
4 échansons, à qui incombait le soin d'acheter du vin et
de percevoir dans le domaine la redevance de hauban
(payable d'abord en muids de vin, mais depuis 4204 en
argent) ; 2 barilliers, qui veillaient à la cave et aux ton-
neaux; 2 bouteillers, qui préparaient les boissons ; 4 po-
tier qui avait soin de la vaisselle ; 4 clerc de l'échansonnerie
qui tenait les comptes. La plupart de ces fonctions étaient
très recherchées et remphes par des nobles attachés à la
cour du roi. Dès la fin du xiv« siècle, le service de l'échan-
sonnerie avait pris, comme les autres, une grande exten-
sion ; il comptait en 4386 : 9 échansons, dont un premier,
4 clercs, 7 sommeliers, 3 barilliers, 3 garde-huches (pour
le soin de la vaisselle), 40 aides, 4 huissier et 4 voiturier.
Quand la maison civile du roi fut complètement constituée,
au xvii® siècle, l'échansonnerie fut divisée en deux ser-
vices distincts qui relevaient également du grand échan-
son : Véchansonnerie-bouche pour la table du roi, et
Véchansonnerie-commun pour celle de la cour. Le pre-
mier comprenait, suivant l'état officiel de 4742, 4 chef
ordinaire, 42 chefs par quartier, 4 aides, 4 aide ordi-
m
ECHANSONNERIE — ÉCHAPPEMENT
naire, 4 sommiers qui transportaient la vaisselle dans les
voyages du roi, 4 coureurs de vin et 2 conducteurs de
haquenée, qui suivaient le roi à la chasse avec des provi-
sions de bouche. Le second service comprenait : 20 chefs,
42 aides, 1 maître des caves, 4 sommiers de bouteilles,
2 sommiers de vaisselle et plusieurs garçons. La reine et
les princes du sang avaient un train de maison analogue.
Ce n'était pas seulement à la cour de France que le ser-
vice de l'échansonnerie était organisé avec ce soin luxueux,
mais aussi dans les grandes maisons féodales du moyen
âge, comme celles de Champagne, de Bourgogne ou de Bre-
tagne. Ainsi Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, avait,
suivant le témoignage d'Olivier de La Marche, 1 premier
échanson, 50 échansons ordinaires, 2 sommeliers, 2 garde-
huches et 2 barilliers.
Lorsque les échansons faisaient leur service à la table
du roi ou à celle d'un seigneur, ils observaient un certain
cérémonial. A la cour de Bourgogne, au xv® siècle, dès
que le duc était assis à table, l'échanson, un genou en
terre, lui offrait l'eau pour la bouche ; pendant le repas,
chaque fois que le duc demandait à boire par signe, l'échan-
son prenait le gobelet avec la soucoupe, et l'élevant au-
dessus de sa tête, allait, précédé de l'huissier, le faire
remplir au buffet par le sommelier, versait un peu de vin
dans la soucoupe du sommelier et dans la sienne pour en
faire l'essai, puis donnait le gobelet au duc, et, tandis que
celui-ci buvait, tenait la soucoupe sous son menton. A la
fin du repas, il lui présentait le bassin et l'eau pour se
laver les mains. A la cour de Louis XIV les formalités va-
riaient suivant que le roi dînait « au petit ou au grand
couvert ». Dans le premier cas, le contrôleur ordinaire de
la bouche avertissait le chef de l'échansonnerie chaque fois
que le roi demandait à boire : le chef allait prendre au
buffet un plateau sur lequel étaient préparés une carafe pleine
d'eau, une carafe de vin et un verre ; puis il s'avançait vers
le grand chambellan, précédé d'un aide de l'échansonnerie
qui portait Vessai, c.-à-d. une petite tasse dans laquelle
le chambellan versait un peu d'eau et de vin ; il y goûtait
devant le roi, puis lui présentait le plateau, et le roi se
servait lui-même. Dans le second cas, le cérémonial, réglé
par l'ordonnance de 1681, était encore plus compliqué.
— Supprimées à la fin de l'ancien régime, les fonctions
d'échanson ne furent pas rétablies à la cour de Napoléon P^ :
suivant l'étiquette impériale, c'était le premier préfet de
service qui versait à boire et le grand maréchal qui offrait
le verre au souverain. — Pendant la Restauration, l'échan-
sonnerie fut rétablie, de 1815 à 1820, sous la direction du
premier échanson de France ; de 1820 à 1830, elle fut confiée
à l'un des quatre chambellans de l'hôtel, sous l'autorité du
grand maître de France. Ch. Mortet.
BiBL. : Legrand d'Aussy, Histoire de la vie privée des
Français^ éd. Nodier, 1815, t. III, p. 349. — A. Franklin,
la Vie privée d'autrefois : la Cuisine^ 1888, pp. 56, 187 ;
Variétés gastronomiques^ 1891, p. 180. — Comptes de
l'hôtel des rois de France aux xiv« et xv« siècles, publiés
par DouET d'Arcq, 1865, introd. •— Juvénal des Ursins,
Hist. de Charles VI, éd. D. Godefroy (Wbd) -, Pièces justi-
ficatives, pp. 711 et 720. — Mémoires d'Ol. de La Marche,
éd. Beaune et d'Arbaumont, 1888, t. IV, p. 31. — Trabouil-
LET, Etat de la France pour 1712, t. I, pp. 98, 130.
ÉCHANTIGNOLE (Charp.) (V. Chantignole).
ÉCHANTILLON. I. ARcmTECTURE. — Forme et dimen-
sions de différentes espèces de matériaux déterminées par
des règlements que le constructeur doit toujours suivre
pendant toute la durée des travaux d'un édifice, afin d'as-
surer la bonne exécution de son oeuvre et la parfaite homo-
généité de toutes les parties de la construction.
II. Marine. — Les dimensions d'une pièce de bois, par
extension la force d'un navire, l'épaisseur de sa coque, c'est
ce qu'on appelle échantillon. « Les défauts les plus essentiels
qui se trouvent dans tous les vaisseaux bastis à Toulon, dont
il est fait mention en ce devis, consistent en ce qu'ils ne sont
pas assez forts à l'endroit où les membres se joignent et qu'ils
ne sont pas bastis de bois d'un assez gros échantillon à pro-
portion de la grandeur : il n'y a rien de plus important. »
GRANDE ENCYCT.OPÉDTE. — XV.
(Lettre de Seignelay à Duquesne du 12 févr. i6S0.)
Les navires construits spécialement en vue d'une grande
vitesse et, par conséquent, très légers, tels que les paque-
bots, les croiseurs, ont une coque mince et sont de faible
échantillon ; les cuirassés et les bâtiments de charge, cargo-
boat^ où une grande solidité est nécessaire, ont la coque
lourde et épaisse et sont des navires de gros échantillon.
III. Contributions indirectes. — Un laboratoire central
a été créé à Paris pour l'expertise des vins, liqueurs, alcools
dénaturés, huiles, sucres, sels dénaturés et toutes autres
substances imposables ou paraissant devoir être imposées.
Une circulaire du 3 janv. 1878 de l'administration des con-
tributions indirectes résume les instructions au sujet du
prélèvement d'échantillons et de leur envoi. L'importance
de chacun des échantillons, suivant qu'il s'agit de liquides
ou d'autres substances, sera, autant que possible, d'un
demi-Utre ou d'un litre, de 500 gr. ou d'un kilogr. En
aucun cas, on ne devra prélever moins de 30 centil. ou
de 300 gr. Le mode d'analyse en usage pour les huiles
essentielles exige qu'un litre au moins des produits de l'es-
pèce à examiner soit mis à la disposition de l'expérimen-
tateur. Les fioles, flacons, boîtes ou paquets contenant les
échantillons devront être hermétiquement bouchés ou fer-
més et, s'il y a lieu, revêtus du cachet de la régie et de
celui du redevable. Lorsque les employés de la régie, croyant
à une contravention, ont levé, dans les formes déterminées
par la loi, des échantillons de la boisson suspectée, l'ex-
pertise ordonnée par les juges doit porter sur ces échan-
tillons et non sur la boisson dont il a été donné mainlevée
au détenteur (arrêt de la cour de Nîmes du 11 janv. 1877).
IV. Droit commercial (V. Vente).
BiBL. : Contributions Ixndirectes. — Trescaze, Dic-
tionnaire général des contributions indirectes.
ÉCHANTILLONNAGE(Tissage). Il n'est jamais possible
de prévoir d'une manière certaine les effets que produiront,
après leur exécution, les combinaisons d'entrelacements de
fils ou d'associations de couleurs conçues en vue d'obte-
nir certains tissus. Avant de les réaliser en grand, on est
amené à tisser, soit dans des chaînes de largeurs restreintes,
soit dans les portions de la largeur de chaînes ordinaires
les dispositions que l'on se propose d'adopter, en faisant
en même temps varier successivement ces effets. On choi-
sit alors les parties de ces étoffes qui semblent répondre
le mieux au goût de la clientèle à laquelle on devra s'adres-
ser, et on les reproduit en dimensions plus grandes pour
composer les collections d'échantillons d'après lesquelles se
traitent les marchés. P. Goguel.
ECHAPPADE (Gravure). Accident occasionné par le
dérangement d'un outil employé à la gravure et qui glisse
à travers les travaux. Cet accident se produit quand on se
sert d'un burin dont la pointe est émoussée.
ÉCHAPPÉE (Peint.). Espace libre, ouverture, comprise
dans une vue d'intérieur, de sous-bois, par laquelle on
aperçoit un lointain. On dit aussi une échappée de
lumière pour désigner les rayons solaires qui, par un ciel
couvert, filtrent parfois entre deux nuages et viennent
illuminer vivement une scène ou un fragment de paysage.
ÉCHAPPEMENT. I. Mécanique. — C'est la période de
la distribution dans les machines à vapeur, pendant la-
quelle la vapeur, ayant rempli son rôle actif dans les
cylindres, se dégage dans l'atmosphère. L'échappement
joue un rôle considérable, surtout dans l'économie de la
locomotive ; la hauteur de la cheminée de ces machines est
beaucoup trop faible, en effet, pour déterminer un volume
d'air suffisant dans le foyer ; le tirage est dû uniquement
à l'entraînement par la vapeur dégagée dans l'atmosphère,
et cette disposition explique la vaporisation énorme de ces
chaudières, comparée à leur faible volume. Le courant de
vapeur agit à la fois par déplacement et par frottement,
c.-à-d. qu'il entraîne l'air, à la fois en faisant le vide dans
la cheminée comme un piston gazeux dans un corps de
pompe et en le frottant comme l'eau d'une rivière sur son
lit. Cette dernière action paraît de beaucoup la plus puis-
17
ÉCHAPPEMENT — ÉCHARD
- 258
santé et explique les essais entrepris par nombre d'inven-
teurs pour augmenter le tirage en multipliant les surfaces
de contact de l'air et de la vapeur. Un fait bien connu des
mécaniciens, c'est que, s'ils diminuent la section du tuyau
d'échappement, la vitesse du tirage va en augmentant.
C'est là le principe de l'échappement variable ; en serrant
l'échappement, les mécaniciens activent le feu, et ^ ils ne
négligent pas d'y avoir recours toutes les fois qu'ils ont
laisse tomber la pression pour une cause quelconque.
L'installation pratique du tuyau d'échappement exerce une
grande influence sur le tirage ; ce tuyau débouche, en gé-
néral, au bas de la cheminée ; il faut s'attacher à ce qu'il
soit toujours placé bien exactement dans l'axe de la che-
minée pour que le jet n'aille pas heurter les parois et
perdre ainsi inutilement sa force vive. L. K.
IL Horlogerie (V. Ancre).
[IL Travaux purlics. — Le barrage mobile a permis
de transformer beaucoup de rivières ordinaires en rivières
canalisées. Après l'invention de Vicat (chaux hydrauliques),
celle de Poirée et de ses émules. Chanoine, Louiche-Des-
fontaines, Girard, etc., est la plus importante de celles
qu'on doit à nos ingénieurs depuis un demi-siècle. Le bar-
rage mobile peut être établi bien plus haut que l'ancien
barrage fixe ; mais c'est à la condition d'être annihilé faci-
lement quand arrive une crue. Pour cela, on a recours à
des appareils dits échappements; il s'agit d'enlever la
quantité d'aiguilles nécessaire, tout le rideau même s'il le
faut, d'après les nouvelles qu'on reçoit d'amont ; enfin, si
l'on craint les corps flottants ou les glaçons, on fait tomber
successivement les fermettes en repliant la passerelle : la
rivière est libre. Pour abréger cette délicate opération, on
a r.ecours à l'un ou à l'autre des procédés suivants.
Procédé Poirée fils et MichaL Ces ingénieurs ont
adopté pour barre d'appui des aiguilles la première planche
de la passerelle qui repose sur la partie supérieure des
fermettes ; toutes les aiguilles sont réunies par une corde
entre elles et à leur planche d'appui, puis cette corde va se
fixer en aval à un câble attaché à la rive. Lorsqu'on veut
ouvrir la passe, on commence par enlever à la main les
premières aiguilles masquant le passage entre la^ culée
extrême et la fermette voisine, ainsi que toutes les liaisons
les rattachant l'une à l'autre. Ensuite on interpose entre
les fermettes 1 et 2 une gritfe à mâchoires qui assure
provisoirement leurs positions respectives, pendant que les
ouvriers enlèvent la passerelle et en général toutes les liai-
sons, à l'exception de la planche qui supporte les aiguilles.
Lorsque enfin on enlève la griffe à mâchoires, la première
fermette et la planche formant barre d'appui ne sont plus
adhérentes que par les frottements. Alors, avec un levier
de forme spéciale, on ébranle la fermette que l'on veut
abattre dans le sens du mouvement qu'elle doit prendre ;
ce premier déplacement met son taquet en contact avec la
portion arrondie de la planche-appui qui, chargée par la
pression des aiguilles, effectue sa rotation et pousse la fer-
mette vers le radier. Pendant ce temps, les aiguilles et la
planche elle-même sont emportées par le courant et de-
meurent flottantes au bout du cable, ou cincenelle.
Echappement Chanoine. Dans ce procédé, la barre
d'appui de chaque travée est percée d'un œil à une extré-
mité et armée d'un crochet à l'autre, comme certaines
barres de fer qui servent souvent à la campagne à fixer
un battant de porte, de l'intérieur ; dans le barrage, tou-
tefois, le mouvement de rotation de la barre est horizontal.
La rotation s'effectue sur la fermette qui doit rester en
place ; le crochet se fixe à celle qui doit tomber, et en tel
sens que la pression l'ouvre, c.-à-d. que la concavité du
crochet regarde l'amont. Dans cette position, pour maintenir
la barre, on soutient le crochet par un excentrique adhé-
rent à la fermette. Quand on veut faire disparaître la retenue,
on a encore recoui'S à une griffe à mâchoires ; elle va d'un
excentrique à l'autre, et on'la maintient en place jusqu'après
enlèvement de la passerelle. Alors on enlève la griffe et, de
la fermette qui va rester debout, on frappe l'excentrique de
celle qui doit tomber ; cet excentrique se déplace et laisse
la barre d'appui faire sa rotation. M.-C. L.
BiBL. : Travaux publics. — Guillermain, Rivières et
Canaux ; Paris, 1885, 2 vol. gr. in-8.
ÉCHARÇON. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr. et
cant. de Corbeil ; 306 hab.
ÉCHARD (Le père Jacques), célèbre érudit, né à Rouen
le 22 sept. 1644, mort à Paris le 15 mars 1724. Fils de
R. Echard, secrétaire du roi, il entra dans l'ordre des
dominicains le 15 nov. 1660. H s'y distingua par l'étendue
de son savoir, l'exactitude de ses recherches historiques,
la pénétration de son jugement ainsi que par la modestie
de son caractère. Son principal ouvrage est une savante
histoire des personnages de son ordre qui se sont signalés
par leurs écrits : Scriptores ordinis prœdicatonm
recensai notisque historicis et criticis illustrati
(Paris, 1719-1721, 2 vol. in-fol.). Elle avait été entre-
prise par le P. Jacques Quétif (1618-1698), qui fut
bibliothécaire de la maison des dominicains à Paris. Mais
celui-ci ne fit qu'une faible partie de ce recueil, tandis que
le P. Echard parvint à mener à bonne fin le vaste travail
dont il s'était chargé. Des notices disposées par ordre chro-
nologique font connaître la vie des frères prêcheurs ,^ la
nature de leurs travaux, la date et le lieu de publication
de leurs œuvres imprimées, les bibliothèques et les dépôts
d'archives où se trouvent celles qui sont restées manus-
crites. Les preuves qui accompagnent chaque assertion
donnent à l'ouvrage une grande autorité et en font l'une
des sources les plus sûres pour l'histoire ecclésiastique et
l'histoire littéraire. — Un autre écrit du P. Echard, bien
moins souvent consulté, mais non sans valeur, est un
mémoire sur Vincent de Beauvais. Il est intitulé Sancti
Thomœ summa suo auctori vindicata, sive de Vin-
centii Bellovacensis scriptis dissertatio, in qiia quid
de speculo morali sentiendum aperitur (Paris, 1708,
in_8). — On a encore de ce savant dominicain une lettre
en date du 9 déc. 1723, adressée à l'abbé Le Clerc, Sul-
picien, pour prouver que Jean Hennuyer, évêque de Lisieux
(1560-1578), n'a point été religieux de l'ordre de Saint-
Dominique. Elle a été insérée dans le t. V des Mémoires
d'histoire, de critique et de littérature de l'abbé d'Ar-
tigny (1749-56). Victor Mortet.
BiBL. : MoRERi, le Grand Dictionnaire historique (nouv.
éd., 1759), IV, art, Echard. —Richard et Giraud, Diction,
univ. des se. ecclës., 1760, II, art. Echard.— P.-H. De-
NiFLE, Qaellen zur Gelehrtengeschichte des Predigeror-
dens im 13 iind i4 Jahrhiindert, dans Archiv fur Litte-
raiur und Kirchengeschichte des MitLelalters^ 1886, vol. II,
pp. 165 et suiv.
ECHARD (Laurence), historien anglais, né à Barsham
(Suffolk) vers 1670, mort à Lincoln le 16 août 1730. Après
avoir étudié et pris ses grades à Cambridge, il entra dans
les ordres et devint chapelain de l'évêque de Lincoln et ar-
chidiacre de Stow. Il est connu surtout par son History
of England from the first entrance of Jiilius Cœsar
and the Romans to the establishment of king Wil-
liam and Mary (1707-1718, 3 vol. av. un appendice
en 1720), qui obtint beaucoup de succès, malgré sa
naïveté ou plutôt à cause d'elle. Nous citerons encore
d'Echard : An Exact Description of Ireland (1691,
in-12) ; A Description or Flanders or the Spanish Ne-
therlands (1691); A Most compleat Compendium of
geography gênerai and spécial (1691, in-12 ; 8'' éd.,
1713, in-12); The Gazeteer's or ISeivman's interpréter
(1695, 3^ éd. ; 1741, 15« éd. in-12); The Roman His-
tory from the building ofthe city to the removal of
the Impérial states by Constantine the great (1698-
99, 4^ éd., 2 vol. in-8); A General ecclesiastical His-
tory (1702, in-fol.; 1722, 6« éd., in-8); The History
of the révolution and the establishment of England in
the year i688 (1725, in-8), etc., et des traductions de
Piaule, de Térence, de Lucien, de VHistoire des révolu-
tions d'Angleterre du père d'Orléans, etc. R. S.
ÉCHARD (Charles), peintre français, né à Caen en 1748,
mort à Paris vers le commencement du xix^ siècle. Il fut
— 2o9 —
ECHARD — ÉGHARPE
élève de Descamps père ; agréé à l'Académie de peinture
en 1782, il fut exclu de cette compagnie pour n'avoir pas
fourni son morceau de réception. 11 passa quelques années
en Hollande, où il étudia les maîtres flamands et hollandais.
Echard a peint des marines et des paysages : en 1791,
Vue de Hollande^ Vue de Marseille^ Vue du port de
Harlem; er\ 1798, Vue du Mont-Blanc, Vue du glacier
et des bois de Chamouny. Les musées de Rouen et d'Alen-
çon possèdent des tableaux de cet artiste, qui a gravé
aussi plusieurs eaux-fortes.
ÉCHARDONNAGE (Industr.). L'échardonnage est une
préparation relativement récente que l'on fait subir aux
laines et qui a remplacé le triage à la main, lors de l'appa-
rition, sur le marché, des laines de Buenos-Aires. Les
toisons de l'Amérique du Sud sont, en effet, souillées de
graines de chardon ou plutôt de graines d'une espèce par-
ticulière de trèfle, et il eût été impossible de les employer
industriellement sans l'intervention des machines spéciales
dites échardonneuses ou égratteronneuses. Dès le principe,
l'échardonnage se pratiqua entièrement à la main par des
femmes ; chaque ouvrière devait chercher des yeux et des
doigts les gratterons ou chardons roulés dans la laine
étendue sur une claie devant elle ; elle prenait cette laine
mèche à mèche, pinçait entre les doigts d'une main le
gratteron trouvé et tirait les fibres avec l'autre main ; elle
jetait tous les gratterons ainsi retirés dans un panier
d'osier dit boutillon, ainsi nommé parce qu'il était placé
au bout de la claie, et elle mettait à part la laine épurée.
Lorsque la première machine à échardonner fut inventée,
il y eut grand émoi parmi les trieuses, chaque machine
pouvant suppléer au travail de trente femmes ; aussi ne
fût-ce seulement qu'à la longue que l'industrie lainière
put en faire emploi. Les premiers types d'échardonneuses
reposent sur la combinaison d'un battage énergique pour
ouvrir les filaments et d'un démêlage pour soumettre les
fibres étirées à l'action de cylindres à côtes saillantes tour-
nant à grande vitesse. Les chocs répétés des côtes sur les
mèches de laine détachent ou brisent les graines et les
pailles. L'inconvénient est précisément de briser les ma-
tières végétales et de subdiviser les graines qui se déve-
loppent à la manière de ressorts préalablement roulés en
spirales et armés de piquants. Vers 1870, vingt ans après
l'adoption de l'échardonnage mécanique, apparurent plu-
sieurs procédés d'échardonnage chimique. Sauf des va-
riantes de détail, les différentes méthodes consistent dans
le traitement de la matière textile par un liquide acide,
capable d'atlaquer les parties ligneuses sans altérer la
laine, puis, après lavage, dans la carbonisation à l'intérieur
d'une étuve des graines et pailles rendues ainsi friables-
L'écueil des procédés chimiques gît dans la difficulté de
limiter exactement l'effet de l'acide qui, parfois, occasionne
l'altération ultérieure de la fibre même et des teintures dont
elle est imprégnée. Aussi, depuis quelques années, revient-
on aux moyens mécaniques. Dans les échardonneuses, la
laine désuintée préalablement, étalée sur une toile sans
fin en couche régulière plus ou moins épaisse, est amenée
à des cylindres alimentaires sur lesquels la pression ne
doit jamais être assez considérable pour produire l'écrase-
ment des gratterons. Elle est ensuite reçue par un cylindre
dit batteur, alternativement muni de dents en forme de
couteau et de battes rectangulaires en fonte ; là les brins
sont désagrégés par les dents et secoués par les battes, ce
qui fait que tout ce qui est un peu adhèrent à la laine
tombe d'abord sous la machine. Le textile passe ensuite
entre un rouleau muni de brossettes et un cylindre-héris-
son garni de dents de cardes ; la brosse aide à l'alimentation
du hérisson, ce dernier ayant pour mission d'ouvrir la laine
et de la fournir en lame mince à un cylindre peigneur qui le
suit, animé d'un mouvement de rotation continue. La laine
est enlevée par un cylindre peigneur et elle est dépouillée de
ses chardons par deux rouleaux à côtes dits échardonneurs,
tournant en sens inverse, qui en détachent les ordures par
une succession de coups. Les gratterons sont reçus dans une
boîte et les mèches nettoyées sont retirées du cylindre par
une brosse qui les projette sur un plan incliné derrière la
machine. Un ventilateur débarrasse celle-ci des poussières
et les envoie dans une cheminée d'appel. L. Knab.
ÉCHARNA6E (Tann.) (V. Cuir).
ECHARPE. I. Archéologie. — Draperies attachées par
leurs deux extrémités et tombant au milieu de façon à pro-
duire une courbe gracieuse et dont les deux bouts, ter-
minés par un gland, retombent en queue d'écharpe. Cette
disposition de draperies fut surtout employée au commen-
cement de ce siècle.
II. Histoire. — L'usage d'attacher par-dessus ses
armes une pièce d'étoffé de couleur déterminée pour se
faire reconnaître est sans doute fort ancienne. Mais, au
moyen âge, on porta surtout dans ce but des voiles de
casque, des cottes d'armes, des dalmatiques, voire une
manche aux couleurs des chefs et des partis sous lesquels
on servait. Si l'écharpe apparaît, ce n'est que d'une façon
irrégulière. Au xiv« siècle, on porta des écharpes, déjà
signalées au xni^, et même par-dessus les vêtements. La
maison d'Anjou-Sicile se reconnaissait à ses écharpes de
couleur verte adoptées plus tard par celle de Lorraine, son
héritière, et qui devinrent ainsi, dans la suite, celles des
Guises et de la Ligue après leur mort. Au commencement
du xve siècle, les partisans du duc de Berry étaient dits
bandez, à cause d'une bande ou écharpe qu'ils portaient
pour se distinguer des autres. Mais c'est seulement au
xvi^ siècle et sous Henri H que l'écharpe devint une partie
du costume militaire. Les soldats la portaient par-dessus
le corps d'armure ou le collet de buffle, nouée sur la
hanche gauche, les cavaliers la nouant parfois sur l'épaule;
souvent on en portait deux croisées sur la poitrine, l'une
étant celle du parti, c.-à-d. la même pour toute l'armée,
l'autre variant de compagnie à compagnie et étant aux
couleurs des colonels, mestres de camp ou capitaines. H
en fut de même des écharpes qu'on attachait aux enseignes
et qui devinrent les cravates des drapeaux. L'écharpe
blanche fut d'abord portée, comme couleur de commande-
ment, par les officiers de haut grade qui la croisaient par-
dessus celle de leur parti ou celle à leurs couleurs propres
et qu'ils faisaient aussi porter à leurs gens. Ces confusions
ne firent que s'accroître pendant les 'guerres de religion,
où les moindres chefs de bandes prétendaient à l'indépen-
dance et à des couleurs personnelles. Mais une grande
division se fit qui permit aux deux partis de se reconnaître ;
les huguenots arborèrent des écharpes blanches par-dessus
leurs casaques blanches ; les catholiques usèrent d'écharpes
rouges. Puis, sous Henri III, apparaît une troisième couleur,
l'écharpe verte des Guises, celle des ligueurs. Au reste,
un moment les huguenots avaient porté, en 1369, les
écharpes jaunes et noires, aux couleurs du duc de Deux-
Ponts, en reconnaissance des forts secours que ce prince
leur avait amenés d'Allemagne. L'écharpe rouge des catho-
liques était celle que portaient les troupes espagnoles. En
1588, les ligueurs abandonnèrent les écharpes vertes et
en prirent de noires pour porter le deuil des Guises morts
par ordre de Henri III. Mais quand, quelques mois après, le
roi fut assiégé dans Tours par les ligueurs (1589), il
reçut à temps secours du roi de Navarre et de ses hugue-
nots et, en signe de gratitude, il prit et imposa à son
armée l'écharpe blanche, qui resta désormais celle de
l'armée royale. Ces écharpes portaient souvent des em-
blèmes brodés ; ainsi, la soie rouge de celles des catho-
liques était couverte de croix blanches, la soie blanche des
autres fut ornée plus tard de fleurs de lis d'or, etc. Henri IV,
après la paix de Vervins, délaissa personnellement Técharpe
blanche et^ en portait d'habitude une bleue, couleur de
France ancien, dans les cérémonies officielles. Et, dans la
vie courante, il préférait en avoir une aux couleurs de sa
favorite du jour. On continua à porter l'écharpe, à la ville
comme aux armées, sous le règne de Louis XIII ; mais, au
lieu de la mettre en sautoir, on s'en ceignit la taille, très
haut, jusqu'aux pectoraux, suivant cette mode alors en
ÉCHARPE - ÉCHASSES
— 260 -
voeue qui faisait remonter la ceinture des vêtements et des
cuirasses sous les épaules. Les gens de bel air affectèrent,
au contraire, sous Louis XIV, de la porter très lâche,
retombant sur les hanches; puis elle disparut de 1 armée,
car rétablissement d'uniformes détermmés en rendait
Tusase inutile. Mais, pendant le xvii« siècle, les champs
de bataille de l'Allemagne, de l'Italie et de la France
avaient vu toutes les écharpes de l'Europe se mêler, les
bleues des Savoyards et des Anglais, les blanches des
Français, les rouges des Espagnols, celles jaunes et noires
des Autrichiens,'qu'un moment Walenstein fit remplacer
par les couleurs de l'Espagne, les enseignes orange des
Hollandais, bien d'autres encore. Le souvenir des écharpes
se earda longtemps dans les couleurs diverses des larges
baudriers des épées et jusque sous la Révolution dans les
bandoulières des compagnies de gens d'armes et de chevau-
légers. En sept. 1791, on voit même la Convention donner
aux cantons des compagnies de vétérans dont la marque dis-
tinctive était une écharpe blanche, et les chefs des chouans
portaient aussi une large écharpe autour de la taille. Les
représentants du peuple auprès des armées étaient ceints
d'une écharpe tricolore, et cet insigne est encore aujourd hui
remblème de la loi, porté par les commissaires de police et
les officiers municipaux. Maurice Mâindron.
Les miniatures du moyen âge montrent des prix de tournoi
ou des bijoux portés par des dames et recouverts d écharpes
en soie dont les deux extrémités sontsoutenues par des pages.
— Dans certaines cérémonies religieuses et notamment
muTl'd Messe des Trois Maries, le prêtre se couvre les
épaules d'une écharpe de soie blanche dont les bouts lui
servent à soutenir le saint ciboire sans le toucher directe-
ment. Il en était de même pour l'ostensoir, lors des pro-
cessions de la Fête-Dieu. Les ministres du culte grec la
revêtent avant d'entrer dans le sanctuaire. Les juifs jettent
également une écharpe sur leurs vêtements quand ils sont
à la synagogue. .
Vers le commencement du xix« siècle, les dames se
mirent à porter des écharpes dont les extrémités retom-
baient des épaules et se nouaient en avant du corps. Cette
mode était venue à la suite de l'expédition d'Egypte, qui
avait fait connaître en France les châles cachemires de
l'Orient. On fit également des écharpes en dentelle, ^ en
gaze, en étoffe de soie brodée ; le mantelet actuel n est
qu'une transformation de ce vêtement.
L'usaee de l'écharpe s'est perpétué de nos jours dans
l'armée allemande, en Russie, en Angleterre et dans la
plupart des pays étrangers comme marque distmctive du
grade et de la durée du service, tant dans les troupes de
terre que dans les équipages de la marine. Il a ete aban-
donné en France, où le port de l'écharpe est reserve aux
seuls représentants de la puissance législative et de la de-
lésation judiciaire. Diverses corporations s'en revêtent dans
les réunions officielles et les commissaires ordonnateurs des
fêtes sont désignés par une écharpe que, le plus souvent,
ils portent au bras. ^ A. de Ch.
III Chirurgie. — L'écharpe est un bandage plem,
destiné à maintenir l'avant-bras fléchi sur le bras contre
la poitrine. Tout le monde connaît l'écharpe ordinaire cons-
tituée par une pièce de linge pliée de façon variable, et
dont les deux extrémités viennent se serrer en arrière du
cou. Ce bandage élémentaire est employé fort souvent dans
les plaies de minime importance, bien qu'il n'immobilise
que d'une façon très relative le membre supérieur. De beau-
coup préférables sont l'écharpe dite de Mayor et celle de
J -L. Petit, toutes deux plus solides, quoique cependant
d'une application plus délicate. L'écharpe de Mayor se com-
pose d'une pièce de linge carrée d'environ 1 m. de côte qu on
plie en deux suivant l'une des diagonales, avant de pro-
céder à son application. On place l'écharpe sur la poitrine,
la base du triangle en bas, et, pendant qu'un aide maintient
de chaque côté du cou les deux angles supérieurs, on re-
tourne sur le bras malade, replié devant l'écharpe, la base
du triangle. On constitue ainsi une sorte de gouttière qm
retient d'autant mieux l'avant-bras contre le tronc qu on
en réunit les deux extrémités en arrière par un nœud, ou
mieux encore par quelques points de couture. Pour les deux
angles supérieurs confiés à l'aide, on les rattache à leur
tour à la ceinture constituée parles deux bouts précédents,
soit directement, soit à l'aide de deux petites bretelles.
L'écharpe de J.-L. Petit se fait avec une grande serviette,
à peu près de même dimension que la précédente. On place
le plein de la pièce de linge sur la poitrme, et l'on applique
contre elle le bras malade, de telle sorte que l'angle droit
qu'elle forme corresponde au coude. On fait venir un des
angles aigus sur l'épaule saine, l'autre sur l'épaule du cote
malade, en la passant d'abord devant l'avant-bras, et on
les fixe en arrière du cou convenablement. Revenant alors
sur le plein de l'écharpe, on la dédouble, tirant l'un des
angles du côté delà main, l'autre du côté du coude, et cela
de façon à ce que l'avant-bras se trouve à peu près au
centre de la serviette. On termine enfin en faisant passer
l'un des deux angles en arrière du bras, l'autre en arrière
de la main, et en les fixant l'un à l'autre. D'^ A.
IV. Artillerie. — Un tir (V. ce mot) est dit d'^'c/iar/?^
lorsque sa direction est oblique par rapport au but a
* battre. Il est plus efficace que le tir direct parce que le
but s'offre à lui sous une plus grande profondeur. On dit
aussi batterie d' écharpe, coup d'écharpe. Les expressions
battre on prendre en écharpe sont également usitées.
V. Ordres (V. Bande [Ordre de la]).
VI. Construction. — On appelle écharpe, ou quelquefois
décharge, une pièce de bois posée obliquement dans un pan
de bois ou dans un cintre pour soulager les pièces verticales
d'une partie du poids qu'elles ont à supporter : les écharpes
atteignent ce but en s'opposant à la déformation des figures
rectangulaires suivant la diagonale desquelles elles sont
placées. La même dénomination s'applique à toute pièce
oblique ayant la même destination ; par exemple, dans une
porte d'écluse, l'écharpe est un tirant en fer fixe d un bout
à la partie supérieure d'un poteau-tourillon et de l autre au
bas du poteau busqué. Lorsque les écharpes agissent ainsi
par traction, il est souvent utile de disposer, soit au milieu
de leur longueur, soit sur leurs extrémités, des appareils
de serrage, tels que clavettes, écrous, etc., permettant d en
récrier la longueur et de relever la porte qui a commence
à le déformer en donnant du nez. Dans les mêmes portes
d'écluse, les écharpes en bois, disposées suivant 1 autre
diagonale, c.-à-d. appuyant la partie supérieure du poteau
busqué sur la base du poteau-tourillon portent le nom de
bracons. La dimension du tirant formant écharpe doit être
calculée de manière à ce que cette pièce soit sutiisante pour
porter le poids de la porte, sans tenir compte de la résis-
tance opposée à la déformation par les assemblages des
entretoises horizontales avec les poteaux montants, bi donc
P est le poids total de la porte que l'on peut supposer
réparti par moitié entre le pivot et l'écharpe, si a est la
lameur horizontale du vantail et h sa hauteur, letiort
auquel le tirant devra résister sera ^ V P*
ce même effort que devront être en état de surmonter les
appareils de serrage dont il vient d'être parle. Dans le ser-
vice des ponts et chaussées, on appelle écharpe une peti e
digue ou un petit caniveau qu'on établit obliquement sur la
surface des accotements d'une route pour amener les eaux
pluviales dans le fossé. Ces écharpes doivent être tracées
suivant la ligne de plus grande pente de la surface a tra-
vers laquelle elles établissent l'écoulement. A. 1^ .
ÉCHASSE. I. Ornithologie. — Les Échasses (Hzman-
topus Briss.) qui doivent leur nom français à la longueur et
à la gracilité de leurs pattes, dénudées bien au-dessus de
l'articulation tibio-tarsienne, se placent dans 1 ordre des
Échassiers tout à côté des A vocettes (V. ce mot et Echassiers)
dont elles diffèrent par la forme de leur bec et le développe-
ment de leurs ailes. Celles-ci, lorsqu'elles sont ployees,
dépassent en effet de 5 à 6 centim. l'extrémité de la queue,
— Wi —
ÉCHASSE — ECHASSIERS
et les mandibules, extrêmement grêles, ne se relèvent pas à
l'extrémité, mais s'avancent en ligne droite, sur une lon-
gueur égale à deux fois environ la longueur de la tête. Le
plumage est tantôt d'un noir pourpre uniforme, comme
chez l'Echasse de la Nouvelle-Zélande (Himantopus Novce
Zelandiœ Gould), tantôt blanc et noir comme chez TEchasse
blanche d'Europe {Himantopus candidus Bonnat.),
TEchasse à nuque noire {H. nigricollis V.) des Etats-Unis,
de la Colombie et du Brésil, et l'Echasse à tète blanche
(H. leucocephalus Gould) d'Australie et des Moluques.
Échasse.
Les Echasses vivent en petites troupes sur les côtes, au
bord des étangs et des marais salants dans les contrées
chaudes ou tempérées de l'Annam et du Nouveau Monde et
en Océanie ; elles se nourrissent de vers et de petits Mol-
lusques marins ou d'eau douce. Leur genre était déjà repré-
senté dans notre pays, .durant la période tertiaire, par une
espèce que M. A. Milne Edwards a nommé Himantopus
brevipes. E. Oustalet.
IL Technologie. — Nom que l'on donne à de longues
perches qui servent de supports verticaux dans les écha-
faudages (V. ce mot). Ces echasses, appelées aussi bali-
veaux ou écoperches, sont formées de bois de brin et ont
un diamètre minimum à la base de 0^12 àO^M5 sur une
hauteur qui atteint parfois 45 m. On donne aussi le nom
d'échasse à la règle de bois mince sur laquelle les appa-
reilleurs marquent la longueur, la hauteur et la largeur
des pierres à tailler, pour chercher dans le chantier les
blocs qui peuvent convenir. L. K.
On donne aussi le nom à'échasses à deux perches ou
bâtons de 1™50 à 2 m., munis d'une espèce d'étrier appelé
fourchon, placé à une certaine hauteur et sur lequel on
pose le pied. Elles sont serrées aux jambes, au-dessous du
genou, par des courroies. Les echasses des enfants ne res-
semblent pas, en général, aux autres : elles se prolongent
jusque sous les bras et offrent ainsi un double point d'ap-
pui, mais elles ont l'inconvénient de gêner la marche.
L'usage des echasses existe dans les foires, où Ton voit
assez souvent des bateleurs exécuter sur ce perchoir des
danses et des courses pour amuser la foule. Mais les
echasses sont surtout employées par les habitants du bas
Poitou et des Landes. Elles forment presque partie inté-
grante du Landais. Les Landes présentent de vastes marais
formés par la pluie et retenus par les dunes qui se forment
continuellement de l'O. au N.-O. : le lanusquet ou
coiisiot, perché sur ses longues echasses ou changuées,
traverse la plaine en quatre enjambées ; son agilité est pro-
digieuse; armé d'un long bâton, il franchit tous les obs-
tacles ; lorsqu'il garde son troupeau dans la plaine, il s'ap-
puie sur la longue perche qui lui sert de canne ; quand il
arrive près d'une maison ou d'une grange, il s'asseoit sur
la croisée ou sur le manteau de la cheminée et attache ses
echasses autour de ses jambes ; coiffé d'un béret de laine
brune qu'il tricote lui-même, vêtu d'un doliman de peau de
mouton sans manches, les jambes enveloppées d'une four-
rure appelée camao qu'il attache avec des jarretières rouges,
les pieds nus reposant sur l'appui des echasses, le Landais a
un aspect très original. Les Parisiens en ont vu un l'année
dernière (1891) partir de la place de la Concorde après avoir
annoncé à grand bruit dans les journaux qu'il allait faire
le voyage de Paris à Saint-Pétersbourg sur ses echasses.
On trouve des mentions assez anciennes des echasses.
C'était autrefois une coutume de Namur d'exécuter des
courses et des combats sur des echasses. Les grands per-
sonnages devant qui se donnaient ces jeux y prenaient grand
plaisir. Les combattants se divisaient en deux camps : les
Melans ou habitants nés dans l'enceinte de la vieille ville
(enceinte de 1064), et les Avresses ou habitants nés entre
la vieille enceinte et la nouvelle (celle de 1414). Les cou-
leurs des premiers étaient jaunes et noires, celles des
seconds rouges et blanches. Les jeunes gens, au nombre
de près de quinze cents, commandés par un capitaine, mon-
tés sur des echasses de 1™30 au moins, s'attaquaient : les
coups de coudes et les crocs-en-jambe étaient seuls permis
pour renverser les adversaires. Un des plus brillants de
ces combats fut celui de 1669, que le baron de Waief a
célébré en vers.
BiBL. : Ornithologie.— Vieillot, Galerie des Oiseaux^
1824, t. II, p. 85 et pi. 229. — F.-J. Auduson, Birds of Ame-
rica, 1843,t.VI,p. 31 et pi. 354. — J. Gould, Bi?'dso/'EMropa,
1838, pi. 289, et Birds of Australia, 1818,i[t. VI, pi. 25.—
Degland et Gerbe, Qrnith. europ.^ 1867, t. Il, p. 245.
ÉCHASSÉRIAUX (V. Eschassériaux).
ÉCHASSIÈRES (eccL de Eschasseriis). Com. du dép.
de l'Allier, arr. de Gannat, cant. d'Ebreuil ; 1,222 hab.
Mines de kaoHn appartenant à l'Etat et à M. Dubousset.
C'est dans cette commune qu'est situé le château de Beciîi-
voir, ancien chef-lieu d'une importante seigneurie. Bâti au
sommet d'une montagne qui domine toute la région, ce fut
pendant longtemps une puissante forteresse. Il appartint à
l'antique famille des Le Loup ou Loup, puis aux d'Alègre,
qui l'habitaient au xvii<^ siècle, et à M^" de Langonnet, et
enfin à M. de Tilly. Reconstruit à une époque relative-
ment récente, c'est aujourd'hui une vaste demeure qui n'a
plus rien de féodal.
ECHASSIERS (Ornith.). G. Cuvier réunissait dans un
ordre particuher, sous le nom d'Echassiers, tous les oiseaux
à longues pattes que Linné appelait Grallœ et que l'on
rencontre principalement sur le bord des étangs et des
cours d'eau et sur le rivage de la mer. « Les Echassiers,
disait Cuvier, tirent leur nom de leurs habitudes et de la
conformation qui les occasionne. On les reconnaît à la
nudité du bas de leurs jambes, et le plus souvent à la hau-
teur de leurs tarses, deux circonstances qui leur permet-
tent d'entrer dans l'eau jusqu'à une certaine profondeur,
sans se mouiller les plumes, d'y marcher à gué et d'y
pêcher au moyen de leur cou et de leur bec, dont la lon-
gueur est toujours proportionnée à celle des jambes. » Ces
caractères sont très accusés chez les Avocettes, les Echasses,
les Ibis, les Hérons, mais ils n'existent qu'en partie chez
les Autruches, les Nandous, les Casoars et les Emeus,
qui, tout en étant très haut montés, se distinguent net-
tement des oiseaux de rivage par la conformation de
leur bec, par l'atrophie presque complète de leurs ailes,
par leur régime et par leurs mœurs. Tout en reconnais-
ÉCHASSIERS
262 —
sant ces particularités de structure, Cuvier n'en ran-
geait pas moins les Autruches de TAncien et du Nouveau
Monde, les Casoars de l'Australie et de la Papouasie dans
son ordre des Echassiers et en formait une première famille
sous le nom de Brévipemies. Ensuite venaient les Pressi-
rostres, ainsi nommés à cause de la torme de leur bec et
comprenant les Vanneaux, les Pluviers, les Court- Vite, les
Cariamas, les OEdicnèmes et les Outardes, puis les Cultri-
rostres, oiseaux au bec robuste, souvent allongé, pointu
et tranchant sur les bords, parmi lesquels figuraient les
Grues, les Agamis, les Courlans, les Caurales, les Savacous,
les Hérons et les Cigognes, les Jabirus, les Ombrettes,
les Tantales et les Spatules. Les Longirostres, c.-à-d. les
Bécasses, les Ibis, les Barges, les Alouettes de mer, les
Tourne-Pierres, les Chevaliers, les Bécasseaux, les Echasses
et les Avocettes leur succédaient immédiatement et étaient
suivis à leur tour des Macrodactyles, c.-à-d. des Jacanas,
des Kamichis, des Râles, des Poules d'eau, des Poules-Sul-
tanes et des Foulques. Enfin l'ordre des Echassiers se ter-
minait par deux genres pour lesquels, G. Cuvier éprouvait
quelque incertitude, savoir le genre Glaréole (Glareola
Gm.) et le genre Flammant (Pliœnicopterus L.),
Dans son Traité, d'ornithologie, Lesson ne conserva pas
Tordre des Echassiers tel que Cuvier l'avait défini ; il le
diminua par la suppression du groupe des Brévipennes,
auquel il assigna avec raison une place plus impor-
tante, et il modifia la distribution intérieure, en éta-
blissant quatre groupes, quatre sous-ordres, Himanto-
galles, Echassiers macrodactyles, Vrais Echassiers et
Hétérorostres, d'après des caractères tirés exclusivement
de la conformation des pattes et des mandibules. A ces
caractères superficiels, qui avaient conduit Lesson à rap-
procher à tort les Ibis des Courlis, les Avocettes des Flam-
mants, Lherminier substitua des caractères tirés du ster-
num, mais à son tour il méconnut les affinités naturelles
de certains groupes en ne prenant en considération qu'une
seule pièce de la charpente osseuse. Le prince Ch.-L. Bo-
naparte, dans ses Tableaux paralléliques de l'ordre des
Echassiers, créa aux dépens de ce grand groupe deux
ordres distincts, savoir: 1° l'ordre des Herodiones,^ dans
lequel il fit rentrer non seulement les Hérons, mais les
Tantales, les Spatules, les Balœniceps, les Savacous, les
Cigognes, les Dromas, les Chaunas, les Petits Paons des
roses ou Heliornis, les Grues et même les Flammants qu'il
avait, dans son Conspectus avium, rangés, à l'exemple
de Gray, parmi les Palmipèdes ; 2« l'ordre des Grallœ
renfermant les Outardes, les Pluviers, les Glaréoles, les
Huîtriers, les Avocettes, les Echasses, les Bécasseaux, les
Chevaliers, les Barges, les Jacanas et les Râles. Ces deux
ordres des Herodiones et des Grallœ fut-ent maintenus
dans le Conspectus systematis ornithologiœ et dans les
Tableaux de L'ordre des Hérons publiés en 1854 et
4855 par le même auteur et se trouvèrent même éloignés
l'un de l'autre par l'intercalation, peu naturelle, de certains
Palmipèdes, tels que les Pélicans, les Frégates, les Anhin-
gas, les Pétrels, les Mouettes, les Pingouins et les Grèbes,
et de certains Gallinacés comme les Talégalles, les Pin-
tades, les Hoccos, les Paons, les Faisans, les Perdrix, etc.
Au contraire, feu G.-R. Gray , dans son Handlist of
the gênera and species of Birds, rétablit l'ancien ordre
des Grallœ ou Echassiers, dont il retira toutefois les
Autruches, les Casoars, les Aptéryx et même les Tina-
mous, et qu'il partagea en vingt-trois familles : Otididœ
(Outardes), Charadriidœ (OEdicnèmes et Pluviers), Gla-
reolidœ (Glaréoles etPluvians), Thinocoridœ (Thinocores),
Chionidœ (Becs-en-fourreau), Ilœmatopodidœ (Huîtriers
et Tourne-Pierres), Psophiidœ (Agamis), Cariamidœ
(Cariamas), Gruide (Grues), Eurypygidœ (Petits Paons
des roses), Rhinochetidœ (liau^oiis) , Ardeidœ (Hérons,
Savacous et Balœniceps), Ciconiidœ (Cigognes et Anas-
tomes) , Plataleidœ i^ Spatules) , Tantalidœ (Tantales et
Ibis), Dromadidœ (Dromas), Scolopacidœ (Bécasses,
Barges, Bécasseaux et Avocettes) , Phalaropidœ (Phala-
YO\>es),Rallidœ (Râles et Ocydromes), Gallinulidœ (Poules
d'eau), Heliornithidœ (Grébifoulques), Parnd^ (Jacanas)
et Palamedeidœ (Kamichis).
Toutefois, cette classification n'est plus guère en faveur
aujourd'hui en Angleterre, où M. Sclater et d'autres orni-
thologistes ont adopté un système dont les principes sont
empruntés au professeur Huxley et dans lequel les Echas-
siers sont répartis en trois ordres, savoir : 1° les Hero-
diones comprenant les Ardeidœ (Hérons, Savacous, etc.),
les Ciconiidœ (Cigognes, Marabouts, Jabirus, Tan-
tales, etc.), les Phœnicopteridœ (Flammants) ; 2° les
Geranomorphœ subdivisés eux-mêmes en deux tribus, les
Fulicariœ renfermant les Gruidœ (Grues), les Rallidœ
(Râles, Poules d'eau, Poules-Sultanes), les Heliorni-
thidœ et les Aramidœ (Râles de l'Amérique du Sud) et
les Alectorides composés des Eurypygidœ, des Caria-
midœ et des Psophiidœ ; 3° les Limicolœ embrassant les
familles des OEdicnemidœ, des Parridœ ou Jacanas, des
Charadriidœ ou Pluviers, des Chionididœ ou Becs-en-
fourreau, des Thinocoridœ et des Scolopacidœ. Toute-
fois, dans ce système, les grands groupes des Heriodones
ou Pelagomorphœ étant placés, à cause de la conforma-
tion de leur voûte palatine, dans une autre catégorie que
les Geranomorphœ, et les Limicolœ se trouvent sépa-
rés de ceux-ci par les Anseres (Oies et Canards), les
Colombœ (Pigeons), les GaZ/mce (Gallinacés typiques) et
les Opisthocomi (Hoazins).
Dans le volume du Standard ofNatural History con-
sacré aux Oiseaux et publié en 4885, le D^ Stejneger a
profondément modifié les classifications précédentes ; il
a notamment reporté les Heliornithidœ ou Podoas à
côté des Grèbes, et il a réparti les anciens Echassiers
en deux ordres : Grallœ et Herodii, entre lesquels il a
intercalé les Oies, les Canards et les Flammants. De son
côté, le professeur Max Fiirbringer a proposé en 1888 un
autre système dans lequel nous trouvons réunis, dans le
même ordre, les Flammants, les Cigognes, les Hérons, les
Oiseaux de proie diurnes et les Totipalmes sous le nom
général de Pelargornithes, tandis que les Pluviers, les
Jacanas, les Outardes, les OEdicnèmes, les Eurypyga, les
Grues, les Cariamas, les Râles, etc., constituent un autre
ordre, celui des Charadriornithes. Ce système repose en
partie sur des données fournies par la paléontologie, tandis
que celui de M. Seebohra, qui est de deux ans plus récent,
ne tient compte que des oiseaux de la faune actuelle. Dans
ce système, les Hérons, les Spatules et les Flammants se
trouvent associés sous le nom d' Anatiformes aux Palmi-
pèdes totipalmes des auteurs français, tandis que les petits
Echassiers de rivage, les Poules d'eau, les Râles, sont réu-
nis d'une part aux Mouettes, de l'autre aux Gallinacés
typiques pour constituer l'ordre des Gallo-Grallœ. Enfin,
dans un mémoire lu tout récemment devant le Congrès
ornithologique réuni à Budapest, au mois de mai 4891,
M. R. Bowdler Sharpe, après avoir exposé les différents
systèmes de classification proposés jusqu'ici, a indiqué
l'ordre qu'il compte suivre dans ses ouvrages, en s' inspi-
rant des travaux de MM. Stejneger, Seebohm et Furbringer.
M. Sharpe a séparé complètement les Bâles, les Poules
d'eau et les Podoas des autres Echassiers et les a placés,
sous le nom de Ralliformes, entre les Hoazins, les Po-
doas et les Grèbes, tandis qu'il a rangé les petits Echas-
siers de rivage, les Jacanas, les OEdicnèmes et les Outardes,
les Grues, les Agamis et les Kagous, les Hérons, les
Cigognes, les Ombrettes, les Spatules et les Ibis dans trois
oi'dres successifs, Charadrii formes, Gruiformes et
P élargi for mes, les premiers touchant aux Lariformes,
c.-à-d. aux Mouettes et aux Sternes, les derniers passant
aux Oiseaux d'eau par les Phœnicopteri formes ou Flam-
mants. M. Sharpe a reconnu du reste lui-même que cet
arrangement en série est forcément artificiel, qu'il rompt
les relations naturelles des groupes, dont les affinités ne
peuvent être démontrées que par des tableaux, tels que
ceux qui sont annexés à son mémoire, et oti les groupes
- 263 -
ÉCHASSIERS — ECHÂURI
d'oiseaux sont placés à la façon des constellations sur une
carte céleste. Il est certain en effet que les différentes
familles ornithologiques, aussi bien parmi les Echassiers
que parmi les Passereaux, les Gallinacés ou les Rapaces,
ne sont pas rigoureusement intermédiaires entre deux
autres familles, mais présentent des relations de parenté
avec trois, quatre groupes ou même davantage, et ce sont
précisément ces relations multiples qui ont jeté dans l'em-
barras les naturalistes s'occupant de systématique. Les
Râles, par exemple, qui se rattachent aux Grues par cer-
tains côtés, ont des affinités avec quelques Gallinacés, et les
petits Echassiers de rivage, comme M. A. Milne Edwards
l'a démontré, sont unis aux Hirondelles de mer par les
Glaréoles. Aucun système de classification en série continue
ne pouvant traduire ces connexions variées, il est peut-être
préférable, dans les ouvrages didactiques et dans les musées,
de conserver l'ancien ordre des Echassiers, en en retran-
chant seulement les Struthioniens ou Brévipennes et les Tina-
mous, et de les partager en plusieurs familles, Totanidés^
Otididés^ Gruidés, Ardéidés, etc. , renfermant les différents
types dont il a été question ci-dessus et qui font, dans VEn-
cyclopédie, l'objet d'articles spéciaux. E. Oustalet.
BiBL.: G. CuviER, Règne animal, 1817, l^e édit., 1. 1, p. 458
— Lheraiinier, Recherches sur l'appareil sternal des Oi-
seaux, dans Act. soc. linn. de Paris, 1828, t. VI. — Lesson,
Traité d'ornithologie, 1831, pp. xxx et 523. — Ch.-L. Bona-
parte, Conspectus systematis ornithologiœ, 1854, Ta-
bleaux de V ordre des Hérons, et Tableaux par alléliques de
l'ordre des Echassiers, dans C. R. Acad. Se, 1855 et 1856,
t. XL à XLIII. — Degland et Gerbe, Ornith. europ., 1867,
t. II, p. 93, 2« édit. — Huxley, On the Classif. of birds,
dans Proceed. zool. Soc. Lond., 1867, p. 415. — G.-A. Gray,
Handlist of the gênera and species of Birds, 1871, t. III,
p. 7. — Ph.-L. ScLATER, Remarks on the présent State of
sijstema Avium, Ibis, 1880, p. 340. — A. Newton, art.
Ornitholog., dans Encyclopœdia britannica, t. XVIIl. —
A. Keichenow, Sys^ Uebers. die Schreitvôgel {Gressores),
dans Journ. f. Ornith., 1877, p. 113.— L. Stejneger, Stan-
dard of Natural History. Birds, 1885. — Max Fûrbringer,
Unters. zur Morphologie und Systematik der Vôgel,
1888. — H. Sebohm, Classif. of Birds, 1890. — R.-B.
Sharpe, a Review of récent attempts to class. Birds;
Budapest, 1891.
ÉCHAUBOULURE (Art vétér.) (V. Ebullition).
ÉCHAUDAGE (V. Charcuterie, t. X, p. 609).
ÉCHAUDÉ (Pâtiss.). Sorte de gâteau non sucré que
l'on mange avec le thé ou le café et dont la préparation
exige des soins assez minutieux. La meilleure manière de
faire des échaudés consiste à pétrir pendant dix minutes
une pâte faite avec 500 gr. de farine, 10 gr. de sel fin,
200 gr. de beurre et 8 œufs. Quand cette pâte est devenue
souple et élastique, on la laisse reposer dix à douze heures
en un endroit frais, dans un linge saupoudré de farine, puis
on la divise en deux parties longues et égales qu'on roule
un peu en donnant à chacun de ces rouleaux 3 ou 4 centim,
de diamètre; on les coupe en autant de morceaux qu'on
veut avoir d'échaudés, et on les verse dans une grande
casserole d'eau bouillante en les écartant autant que pos-
sible les uns des autres. La pâte descend d'abord au fond
de l'eau, dont on doit agiter légèrement, avec une spatule,
les couches supérieures afin que les échaudés remontent à
la surface. Quand ils sont fermes, on les retire et on les
met dans l'eau froide, où on les laisse deux heures. Après
les avoir fait égoutter sur une serviette on les place sur des
feuilles minces de tôle, et on les fait cuire dans un four un
peu chaud pendant vingt minutes environ, en ayant soin
de ne pas ouvrir le four pendant la durée de la cuisson.
Une bonne manière de servir les échaudés, c'est, au mo-
ment où ils sortent du four, de les couper par le milieu,
de les saupoudrer légèrement d'une pincée de sel fin, de
les arroser d'une cuillère de beurre frais qu'on a fait tiédir,
et de réunir ensuite les deux parties. — Les échaudés ont
une origine très ancienne. En 1202, une charte de l'église
cathédrale de Paris fait déjà mention des panes qui dis-
cuntur eschaudati. Les échaudeurs ou fabricants d'échau-
dés avaient reçu de saint Louis permission de vendre leurs
produits tous les jours de la semaine. Ils étalaient le
samedi près de la rue de la Tonnellerie, aux Halles, ou
bien parcouraient les rues en criant : Galètes chaudes !
eschaudez!
ÉCHAUDOIR (V. Abattoir).
ÉCHAUFFE (Tann.) (V. Débourrage).
ÉCHAUFFEMENT (Bois). Commencement de pourriture
qui se reconnaît, quand le mal est assez avancé, à des
taches blanches, noires ou rouges, groupées çà et là, en
plus ou moins grand nombre, et à une odeur particulière
qui n'est pas celle du bois sain. On l'attribue à la fermen-
tation de la sève. Cette maladie est d'autant plus grave
qu'elle se propage rapidement dans toute l'étendue de la
pièce attaquée et que, en outre, elle se communique à celles
qui sont en contact avec elles. Le bois qui en est atteint est
quelquefois appelé par les ouvriers bois blanc, bois rouge,
bois pouilleux, suivant la couleur des taches. Le bois brûlé
n'est autre chose que du bois échauffé arrivé à un plus
haut degré d'altération. Les bois enfermés dans les ma-
çonneries sont très exposés à réchauffement, soit qu'on
les ait mis en place avant que leur dessiccation eût atteint
un degré convenable, soit parce que les portions de sève
qu'ils contenaient, au moment de l'emploi, se sont ramol-
hes et ont fermenté sous l'influence de l'humidité des
pierres et des mortiers. L. K.
ÉCHAUFFETTE (Archéol.) (V. Chaufferette).
ÉCHAUFFOiR (Archéol.). Vase ou récipient de meta
servant à faire chauffer l'eau. Ce terme, usité souvent au
moyen âge, n'est plus employé que rarement à notre époque.
ÉCHAUFFOUR. Com. du dép. de l'Orne, arr. d'Argen-
tan, cant. de Merlerault, sur un affluent de la Rille;
1,410 hab. Stat. du chem. de fer de l'Ouest, au point de
rencontre des deux lignes de Sainte-Gauburge à Bernay et
au Mesnil-Mauger. Centre d'élevage de chevaux. Chaux,
tourbes. Au hameau de Sainte-Colombe, tréfilerie et gan-
terie. Sur le territoire de la commune sont plusieurs mo-
numents mégalithiques et notamment deux dolmens appelés
les Croûtes.
ÉCHAUGUETTE. Nom donné anciennement à une sen-
tinelle ou garde, faisant le guet à la partie supérieure des
tours, courtines et autres ouvrages fortifiés, mais employé
généralement, pendant le moyen âge, pour désigner de
petites loges carrées ou cylindriques, le plus souvent
construites en encorbellement, munies de mâchicoulis et de
meurtrières et destinées aussi bien à abriter des, sentinelles
qu'à jeter des projectiles sur les assaillants. Les premières
échauguettes durent être de bois comme les hourds et pro-
visoires, c.-à-d. seulement posées en temps de guerre :
aussi n'en est-il resté aucune ; mais Viollet-le-Duc (Dict.
de r Architecture, passim) donne de nombreux exemples
d'échauguettes, construites en pierre ou en bois postérieu-
rement au xii^ siècle, en partie encore existantes de nos
jours et empruntées à des châteaux forts, des portes de
ville ou même des églises. Ces échauguettes, très diverses
quant à leur situation et à leur forme, reflètent assez
exactement en petit la physionomie des grands ouvrages
militaires de l'époque qui les a vu construire et donnèrent
leur nom, sous la Renaissance à de petites tourelles carrées,
rondes ou octogonales, servant de petits cabinets ou de vé-
randas à l'angle des grandes salles des demeures seigneu-
riales. De nos jours même, certains édifices, flèches d'hôtels
de ville ou clochers d'église, voient dans les régions du nord
de l'Europe, ménager dans leur construction des chambres
de guetteurs d'incendie rappelant assez bien les échau-
guettes des fortifications du moyen âge. Charles Lucas.
ECHÂURI. Vallée d'Espagne, située dans la province et
le partido judicial de Pampelune (ancienne Navarre), dominée
par des montagnes élevées au N. et au S., et traversée de
l'O. à l'E. par le rio Arga. Elle produit du blé, des céréales,
des légumes, un peu de vin, des fruits, particuhèrement des
cerises; la fraîcheur des sites et la qualité des eaux, dont
quelques-unes minérales, y attirent l'été un assez grand
nombre d'étrangers ; la vallée, qui formait autrefois une seule
commune, estdivisée aujourd'hui en plusieurs : Echâuri, Elio,
ÉCHÂURI — ÉCHÉANCE — ^264 —
Ciriza, Echarri, Vidaurreta, Belascoâin, Arrâiza, Zabalza,
Ubani et Otazu, qui ont ensemble un millier d'habitants.
ÉCHAVANNE. Com. du dép. de la Haute-Saône, arr. de
Lure, cant. de Champagney; 184 hab.
ECHAVARRIA (José-Ignacio), marquis de Fuentefiel,
général espagnol, né en 1848. Il se distingua dans la pre-
mière guerre contre les carlistes et devint général de brigade
en 1847. Lors du soulèvement organisé par O'Donnell en
1834, il faillit être victime de son loyalisme. Il fut ensuite
capitaine général de Cuba pendant cinq ans, puis chef de
l'état-major du général Concha. Lors de la révolution de
sept. 1868, il demeura fidèle à la reine, qu'il suivit en
exil après la défaite d'Alcolea. Rentré en Espagne dès
l'avènement d'Alphonse XII, il commanda un corps d'ar-
mée contre les carlistes et contribua puissamment à leur
échec final. Il eut ensuite une large part à la réorganisation
de l'armée, et fut ministre de la guerre dans le cabinet
Canovas del Castillo (9 déc. 1879), avec lequel il se retira
le 8févr. 1881. G. P-i.
ÉCHAY. Com. du dép. du Doubs, arr. de Besançon,
cant. de Quingey; 146 hab.
ECH-CH ERR. Chaîne de collines de Tunisie, entre Gafsa
et Gabès, sorte de falaise au N. des chotts Fedjedj et Djerid.
ECH-CH l ATI (Oued). Ravin de Tripolitaine (Fezzan)
qui se trouve au pied des escarpements de la Montagne-
Noire et forme comme un sillon fertile de l'O. à l'E ; une
couche d'humus recouvre le fond de cette ancienne rivière,
et les palmiers enfonçant leurs racines rencontrent à
quelques pieds un sable humide. Deux oasis principales
existent dans l'Ech-Chiati, Ederi à l'O. et Brak à l'E. On
pense, sans en être sûr, que la rivière coulait autrefois dans
ce sillon dans la direction de l'O. à l'E. E. Caï.
ÉCHÉANCE. D'une façon générale, l'échéance est la
date ou l'époque à laquelle une chose doit être faite, ou
celle qui fait prendre fin à un délai légalement accordé.
Mais, en matière commerciale, l'échéance est la date à la-
quelle une obligation de payer doit être remplie, et c'est
en ce sens qu'on dit aussi bien l'échéance d'un coupon que
l'échéance d'un effet de commerce. Pour les coupons ou
autres titres du même genre, l'échéance est indiquée à
l'avance, ou fixée par une décision de l'assemblée géné-
rale ; c'est, dans tous les cas, une date bien déterminée.
En matière d'effets de commerce, il n'en est pas de même,
et l'échéance peut être indiquée de diverses manières, à
vue, à date fixe ou à un certain délai de date ou de vue.
L'indication de l'échéance est obligatoire en matière de
lettres de change ; certains auteurs admettent qu'une lettre
de change dont l'échéance est omise doit être considérée
comme payable à présentation ; mais MM. Lyon-Caen et
Renault (Précis de droit commercial, n^ 1041) rejettent
ce système et n'admettent pas même que l'acceptation
puisse corriger ce vice de forme. Il est toutefois à remar-
quer que les législations belge et anglaise admettent que la
lettre de change dont l'échéance est omise est payable à
vue. Pour l'échéance à vue (ou à présentation), faculta-
tive pour la lettre de change mais obligatoire pour le
chèque, la date de la présentation est indéterminée, mais
elle doit avoir lieu dans les délais de cinq ou huit jours
de la date pour le chèque (V. ce mot), et pour la lettre de
change, dans les délais fixés par l'art. 160 du C. de comm.
et qui varient de trois mois à un an, suivant le lieu de
création. L'échéance à date fixe indique d'une façon précise
le jour où la lettre de change doit être présentée au paye-
ment ; lorsque l'échéance est fixée à un certain délai de la
date, les mois se comptent pour leur nombre exact de
jours si la lettre de change est tirée à tant de jours de
date ; si au contraire elle est tirée à tant de mois de date,
les mois se comptent de quantième en quantième, et si le
dernier mois n'a pas le quantième correspondant, l'échéance
est fixée au dernier jour du mois. C'est ainsi qu'une lettre
de change tirée le 31 déc. à deux mois de date sera payable
le 28 ou le 29 févr. suivant que l'année est ou non bis-
sextile. Si l'échéance est à un certain délai de vue, la
même règle est applicable, mais en partant, bien entendu,
du jour de l'acceptation ou du visa pour la supputation du
délai d'échéance, la présentation à l'acceptation devant
être faite dans les délais énoncés dans l'art. 160 duC. de
comm. Enfin, si la lettre de change est payable en foire,
l'échéance est fixée à la veille du jour de la clôture de la
foire, si celle-ci dure plusieurs jours, ou au jour même de
la foire, si elle ne dure qu'un jour. De quelque façon que
l'échéance ait été fixée, la présentation doit avoir lieu la
veille si le jour de l'échéance est un jour férié.
Prorogation des échéances. — Il arrive souvent que,
pour des raisons diverses, la date choisie pour le règlement
d'un marché, d'une facture, doit être modifiée et reportée
à une époque ultérieure ; ces arrangements entre particu-
liers ne demandent aucune explication. Mais il arrive aussi
que, par suite de troubles, de crises amenées par la guerre
ou par des événements politiques, toutes les échéances
commerciales doivent être modifiées. C'est une mesure de
ce genre que le Portugal a prise en mai 1891, par suite
d'une terrible crise financière. En France, des dispositions
semblables ont été prises à diverses époques. L'ancien ré-
gime avait eu recours à ce moyen, mais uniquement pour
retarder le payement des dettes du Trésor; au contraire,
les mesures prises dans le courant de ce siècle n'ont con-
cerné que les particuliers. En 1830 (31 juil.), un arrêté
de la commission municipale de la ville de Paris prorogeait
de dix jours l'échéance des effets payables depuis le
26 juil. jusqu'au 15 août inclusivement; pour donner
plus de force à cet arrêté, le tribunal de commerce de la
Seine intervint et ordonna que l'arrêté serait transcrit sur
le registre des délibérations ; cette décision fut prise le
jour même de l'arrêté. Le 26 févr. 1848, le gouverne-
ment provisoire décrète que les effets de commerce payables
à Paris, échus ou à échoir du 22 févr. au 15 mars, seront
prorogés de dix jours. Tous protêts et recours en garantie
seront également prorogés de dix jours. Le décret du
28 févr. étend la prorogation aux dép. de la Seine et de
la Seine-Inférieure, et celui du 3 mars à toute la France.
Le 19 mars, les tribunaux de commerce étaient autorisés
à accorder aux commerçants, sur requête et par jugement,
un sursis de trois mois contre les poursuites de leurs
créanciers ; le décret du 29 mars, rectifié par celui du
4 avr., prorogeait de quinze jours le délai accordé aux
porteurs d'effets de commerce pour exercer leur recours ;
enfin la loi du 26 juin, votée par l'Assemblée nationale,
prorogeait les effets payables à Paris et dans les départe-
ments du 23 juin au 5 juil. Les événements de 1870-71
obligèrent à prendre des mesures analogues. La loi du
13 août 1870 stipulait que les délais dans lesquels de-
vaient être faits les protêts et tous actes conservant le
recours étaient prorogés d'un mois pour toutes les valeurs
souscrites avant le 13 août ; le même délai était appli-
cable aux remboursements à demander aux endosseurs et
autres obligés. Tout citoyen appelé au service militaire
était dispensé de toute poursuite pendant la durée de la
guerre. Un décret du gouvernement de la Défense natio-
nale, des 10-13 sept. 1870, avait prorogé d'un mois les
délais accordés par la loi du 13 août, et déclaré ladite loi
applicable à l'Algérie et aux colonies. De nouvelles proro-
gations furent édictées parles décrets des 11 oct., 10 nov.,
14 déc. et 12 janv. 1871. Ce dernier décret prorogeait
bien d'un mois tous les délais à partir du 14 suivant,
mais la prorogation était augmentée de quinze jours pour
les effets souscrits postérieurement à la loi du 13 août et
aux décrets de prorogation qui l'avaient suivie. Les dé-
crets des 29 janv. et 9 févr. stipulèrent de nouvelles pro-
rogations, mais l'art. 2 de ce dernier décret portait que
les intérêts des effets continueraient à courir du jour de
l'échéance. Pendant toute cette période, la délégation de
Tours avait pris des mesures analogues (décrets des 3, 13
et 16 oct., 5 et 14 nov., 9 déc. et 8 janv. 1871), mais en
prorogeant les échéances elles-mêmes au lieu de proroger
les délais de poursuites. Afin de faire cesser toute anoma-
^265 —
ÉCHÉANCE — ÉCHECS
lie, le décret du 9 févr. stipula que toutes dispositions
contenues dans les décrets de Tours-Bordeaux étaient non
avenues, pour tout ce qui pouvait être contraire au prin-
cipe de la loi du 13 août 1870. La paix conclue avec l'Al-
lemagne, la situation devait être liquidée. La loi du
10 mars 1871 stipulait à cet effet que les effets de com-
merce échéant après le 12" avr. ne jouiraient d'aucune
prorogation ; pour les effets échus du 13 août au 12 nov.
1870, ils devaient être exigibles sept mois, date pour date,
après l'échéance inscrite aux titres avec les intérêts depuis le
jour de cette échéance; enfin les effets échus du 13 nov.
1870 au 12 avr. 1871 étaient exigibles, date par date, du
13 juin au 13 juil. ; ces dispositions étaient applicables
aux effets qui auraient déjà été protestés ou suivis de con-
damnation. En outre, les porteurs de traites ou lettres de
change à vue ou à délai de vue étaient déclarés relevés de
la déchéance prononcée par l'art. 160 du C. de comm.
pour défaut de présentation en temps utile, à charge d'exi-
ger le payement ou l'acceptation de ces effets dans le mois
qui suivrait la promulgation delà loi. Enfin, les tribunaux
étaient autorisés à accorder, pendant l'année 1871, des
délais modérés pour le payement des effets aux porteurs
domiciliés dans les départements occupés en tout ou partie
par les troupes étrangères. A peine promulguée, la loi du
10 mars était modifiée ; le 24 mars, une loi prorogeait au
24 avr. les effets échus du 13 au 24 mars et d'un mois
les effets échéant du 25 mars au 24 avr. L'insurrection
parisienne rendit de nouvelles mesures nécessaires ; la loi
suivante était votée le 26 avr. et promulguée le 6 mai 1871 :
« Art. 1^^. Les effets de commerce, quelle que soit la date
de leurs souscriptions, payables dans le dép. de la Seine,
échus ou à échoir à partir du 18 mars dernier jusqu'au
dixième jour qui suivra le rétablissement du service de la
poste entre Paris et les autres parties de la France, ne se-
ront exigibles qu'après ce terme. — Art. 2. Une déclaration
du gouvernement constatera la reprise de ce service et le
délai de dix jours courra de l'insertion de cette déclaration
dans le Journal officiel, — Art. 3. Les délais accordés par
les lois des 10 et 24 mars pourront, pendant l'année 1871,
être accordés par tous les tribunaux de commerce de
France, mais seulement aux souscripteurs, endosseurs et
autres coobligés résidant dans le dép. de la Seine et dans
les départements envahis. » Ces dispositions suffirent pour
régler le sort des échéances dans toute la France, sauf
dans le dép. de la Seine. La Commune vaincue, il fallut
permettre au commerce parisien de retrouver toutes ses
ressources ; aussi le gouvernement prit-il l'initiative d'un
projet de loi devenu la loi du 4 juil. 1871, stipulant que
le délai de sept mois accordé par l'art. 2 de la loi du
10 mars 1871 pour protester les effets de commerce échus
du 13 août 'au 12 nov. 1870 était prolongé de quatre
mois, ces effets devenant exigibles, date pour date, du
13 juil. au 12 oct. 1871 ; les effets échus du 13 nov. au
12 juil. 1871 étaient exigibles, date pour date, du 13 oct.
au 12 nov. Ces dispositions s'appliquaient aux. effets
payables dans le dép. de la Seine ou dans les communes
de Sèvres, Meudon et Saint-Cloud et créés antérieurement
au 31 mai. Pour les effets de création postérieure, échus
ou venant à échéance avant la promulgation de la loi, le
protêt devait être fait dans les cinq jours de la promulga-
tion. Par dérogation à l'art. 162 du C. de comm. et jus-
qu'au 30 nov. 1871, un délai de dix jours était accordé
aux porteurs pour faire protester. Enfin les porteurs tom-
bant sous le coup des déchéances prononcées par l'art. 160
du C. de comm. en étaient relevés, à charge de faire pré-
senter les effets dont ils étaient porteurs à l'acceptation ou
au payement dans le mois de la promulgation de la loi. La
Commune avait aussi pris des mesures relativement aux
échéances ; la loi suivante fut insérée au Journal officiel
de la Commune du 18 avr. 1871 : « Art. 1®^ Le rem-
boursement des dettes de toute nature souscrites jusqu'à ce
jour et portant échéance, billets à ordre, mandats, lettres
de change, factures réglées, dettes concordataires, etc.
sera effectué dans un délai de trois années à partir du
lo juil. prochain et sans que ces dettes portent intérêt. —
Art. 2. Le total des sommes dues sera divisé en douze
coupures égales, payables par trimestre, à partir de la
même date. — Art. 3. Les porteurs des créances ci-dessus
énoncées pourront, en conservant les tiires primitifs,
poursuivre le remboursement desdites créances par voie de
mandats, traites ou lettres de change mentionnant la na-
ture de la dette et de la garantie, conformément à l'art. 2.
— Art. 4. Les poursuites en cas de non-acceptation ou de
non-payement s'exerceront seulement sur la coupure qui y
donnera lieu. — Art. 5. Tout débiteur qui, profitant des dé-
lais accordés par le présent décret, aura pendant ces délais
détourné, aliéné ou anéanti son actif en fraude des droits
de son créancier, sera considéré, s'il est commerçant,
comme coupable de banqueroute frauduleuse, et, s'il n'est
pas commerçant, comme coupable d'escroquerie. Il pourra
être poursuivi comme tel, soit par son créancier, soit par
le ministère public. » G. François.
ÉCHEBRUNE. Com. du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. de Saintes, cant. de Pons ; 691 hab.
ÉCHEC LÈS, philosophe grec de l'école cynique. Nous
ne savons rien de lui, sinon qu'il naquit à Ephèse et fut
disciple de Théombrote et Cléomène, qui avaient eu eux-
mêmes pour maître Métroclès, disciple de Diogène le
Cynique. Echéclès était le contemporain de l'épicurien
Colotès.^ V. Br.
ÉCHÉCRATE, philosophe grec, de l'école pythagori-
cienne, né à Phlius, contemporain de Platon, qui le nomme
dans le Phédon, C'est à tort que Cicéron, dans le De Fini-
bus, fait de lui un Locrien. Nous ne savons rien de plus
sur ce personnage. Il est mentionné aussi par Diogène
Laerce (1. VHI). V. Br.
ÉCHECS. Historique. — On ne sait rien de précis sur
l'origine du jeu des échecs. Tout au plus est-il permis de
dire que les anciens avaient divers jeux de table dont les
règles ne nous sont pas parvenues : tels sont ceux qu'on
trouve figurés sur les monuments égyptiens. Tels sont en-
core le ludus latrunculorum ou le ludus calculorum
des Romains. Au moyen âge, alors que le latin était la
langue écrite de l'Europe, les auteurs qui avaient à parler
des échecs les désignaient sous le nom de ludus latrun-
culorum ; mais cette assimilation n'avait rien de rigou-
reux. Mentionnons la légende d'après laquelle Palamède
aurait inventé le jeu pendant le siège de Troie : d'où le
nom de Palamède donné au journal des joueurs d'échecs
du café de la Régence. Rappelons également que certains
auteurs font dériver le mot échec de l'arabe cheikh et
d'autres du persan chah. Laissant de côté la question des
origines, nous diviserons l'histoire des échecs en trois
périodes distinctes : la première est celle de l'ancien
jeu des Hindous, nommé chaturanga ; la seconde, qui
commence au vi® siècle de notre ère, est celle du shatranj
ou jeu du moyen âge ; la dernière période ou période mo-
derne commence au xvi® siècle.
Première période (le chaturanga des Hindous). L'échi-
quier se composait de soixante-quatre cases. Le jeu était
joué par quatre personnes, chacun ayant un roi, une tour,
un cavalier, un fou et quatre pions. Les deux joueurs
vis-à-vis (jaunes et rouges) étaient alliés contre les deux
autres (verts et noirs). Les points se décidaient en jetant
les dés. Les pièces se plaçaient dans l'ordre suivant :
dans le coin le fou, puis le cavaher, la tour et le roi.
Les quatre pions étaient devant les pièces, comme dans
le jeu actuel. Les pièces se mouvaient comme aujourd'hui,
sauf les pions, qui n'avançaient que d'un pas au premier
coup, et sauf les fous, qui sautaient diagonalement à chaque
troisième case, en passant par-dessus la case avoisinante,
sur laquelle ils n'avaient pas d'action. Il en résultait qu'ils
ne pouvaient atteindre que sept cases sur l'échiquier outre
celle qu'ils occupaient, et qu'aucun des quatre fous ne
pouvait attaquer aucune des cases des trois autres. Les
pions parvenus à la dernière ligne de l'échiquier se trans-
ÉCHECS
%6 —
formaient en tours ou en cavaliers. Un objet important
pour chaque joueur était de diriger avec adresse son roi
vers la case du roi allié. S'il réussissait à atteindre cette
case avant que son allié lui eût joué le même tour, il pre-
nait le commandement des deux armées. Après quoi son
objet essentiel était de prendre les rois ennemis, gagnant
ainsi le chaturaji, c.-à-d. remportant la victoire. Tel fut le
primitif jeu des échecs. La plupart des écrivains persans et
arabes en rapportent l'honneur à Sassa, fils de Dahir. Il
figure dans plusieurs légendes indiennes : l'on sait que
Yudhishthira perdit toutes ses possessions dans un hasar-
deux défi à ce jeu contre Shakuni. De l'Inde, il passa dans
la Perse. Firdousi rapporte dans fe Shahnama ou Livre des
Rois que le roi de Hind envoya au roi Kisra Naushirwan
un ambassadeur porteur d'un échiquier et s'engagea à se
reconnaître son tributaire s'il parvenait à trouver le secret
du jeu. Le premier conseiller du roi, Buzursmihr, après
avoir réfléchi un jour et une nuit sur la probabilité de la
marche des pièces, expliqua solennellement les règles
devant la cour et l'envoyé stupéfaits.
Seconde période (le chatranj du moyen âge). L'échiquier
et la marche des pièces restent les mêmes que dans le jeu
indien, mais les forces alliées sont réunies d'un même côté
et un des rois alliés se transforme en dame. La tour est
transportée au coin de l'échiquier, et le fou placé comme
aujourd'hui. La puissance des fous reste la même que dans
le jeu indien. Quant à la dame, elle atteint seulement la
case oblique la plus proche. Sa puissance s'étend lente-
ment sur les cases de sa couleur. Les deux dames étant
sur des cases de couleurs différentes ne peuvent entrer
en lutte. Quand un pion atteint le bord opposé de l'échi-
quier, il se transforme en dame et non en une autre
pièce. Dans ce jeu, la tour vaut environ deux fous,
autant que la dame et le fou; le cavalier a une valeur
intermédiaire. Il y avait deux manières de gagner la
partie; la première était de donner l'échec et mat; la
seconde consistait à prendre toutes les forces de son adver-
saire pourvu que l'on conservât soi-même une force, si
petite qu'elle fût. Les Arabes et les Persans distinguaient
les joueurs en cinq classes d'après les avantages qu'ils pou-
vaient s'accorder : le plus petit degré des avantages était
de céder à son adversaire le trait; le second, de lui donner
un demi-pion, c.-à-d. d'enlever le pion du cavalier de sa
ligne et de le placer sur la troisième de la ligne de la tour ;
le troisième degré était de rendre le pion de la tour ; le
quatrième, celui du cavalier, etc. Les plus forts joueurs
formaient la classe des Alujât ou des grandeurs. Il en exis-
tait rarement trois à la même époque. Ils pouvaient faire
aux joueurs de seconde classe l'avantage d'un pion ; à ceux
de troisième classe, l'avantage de la dame, à ceux de qua-
trième, l'avantage du cavalier; à ceux de cinquième, l'avan-
tage de la tour.
Jroisième période (période moderne). Le changement
apporté au jeu du moyen âge consiste dans l'extension de
puissance du fou et de la dame, dans le droit des pions
d'avancer d'un ou deux pas au premier coup, et dans la
faculté de roquer.
Le premier traité du jeu d'échecs en Europe remonte au
début du xiii^ siècle et est dû à Jacobus de Cœsolis; son
traité, divisé en vingt-quatre chapitres, paraît être une
compilation de divers manuscrits espagnols. Il est des plus
médiocres. Pour en trouver un meilleur, il faut descendre
à la fin du xv^ siècle , époque où parurent les traités de
Vincent et de Lucena; on trouve parmi les recomman-
dations de ce dernier des préceptes comme celui-ci : « Si
vous jouez le soir, à la chandelle, mettez-la du côté gauche ;
dans le jour, placez votre adversaire en face de la lumière,
pour que sa vue en soit gênée. » C'est dans ce traité
qu'apparaît la marche actuelle des pièces. En 1512, paraît
le traité de Damiano. Les six courts chapitres sur les débuts
sont fort intéressants. Ruy Lopez de Sigura publia en
I06I un traité in-4 de trois cents pages, rempli d'obser-
vations ingénieuses. Au début du xviii^ siècle apparut le
traité de Salvio ; il contient une histoire des échecs et ren-
ferme des parties très bien jouées : ce livre est à peine
inférieur aux productions modernes. Carrera donna, en
1617, une laborieuse compilation qui manque d'originalité
et parfois de correction. Le traité de Greco (1680) renferme
beaucoup de parties brillantes et intéressantes à étudier. Il
en existe plusieurs éditions françaises. Greco, dit le Cala-
brais, était de basse extraction et vivait de son talent aux
échecs. Le capitaine Bertin pubha, en \ 735, un in-8 de
soixante -dix -huit pages; Stamma vint ensuite (1735-
1745) ; sur ses cent « parties désespérées », il y en a une
vingtaine de fort belles, mais quelques-unes sont incor-
rectes. Nous touchons à la plus brillante période de la
littérature des échecs avant la période moderne. En 1749,
Philidor publia la première édition de son Analyse du jeu
des échecs : ce livre fut considéré alors comme le nec plus
ultra des traités et passe aujourd'hui encore comme con-
tenant tout l'essentiel du sujet aux yeux des gens peu
informés. Ses notes sont très instructives, et il contient de
très belles analyses des fins de parties. Philidor excellait à
faire manœuvrer les pions, et son système était fondé sur
eux : il les appelait l'âme du jeu des échecs. La Bourdon-
nais, au contraire, a inauguré la méthode moderne, plus
hardie, qui consiste à sacrifier pièces et pions pour obtenir
une forte attaque. Un an après l'apparition de V Analyse^
parut à Modène un traité anonyme que l'on sut plus tard
être d'Ercole del Rio. Lolli reprit cet ouvrage et le com-
menta en 1763 dans un traité excellent. En 1769, Pon-
ziani donne à Modène son Guioco incomparabile. Il traite
des ouvertures, des mats usuels, des positions des pions :
c'est un des meilleurs Hvres écrits sur la matière. Le
Traité des amateurs (Paris, 1775-1786) fut rédigé par
les plus forts joueurs du caté de la Régence : il contient
de bonnes notes. En 1795, Johann Allgaier de Vienne
donna un ouvrage sur les échecs : il se montra partisan
excessif de l'école de Philidor, défendant comme lui de faire
sortir le cavalier en avant des pions. En 1808, Sarratt,
joueur anglais, édita deux volumes où il donnait une mé-
thode systématique d'attaque et de défense. L'ouvrage
passa pour très nouveau dans son pays, mais il est copié
en grande partie dans Ponziani, Ercole del Rio, etc.
A partir de ce moment, la Uttérature des échecs se
développe de plus en plus. En Angleterre, Lewis, en 1831
et 183:2, étudie d'une manière originale une série d'ouver-
tures ; un peu plus tard, Walker, Slaunton y ajoutent de
grands développements, puis Kling et Horwitz publient à
Londres un ouvrage sur les fins de partie. Plus récemment
(1890-92), Stemltz a commencé à New-York la publi-
cation d'un grand traité intitulé The Modem Chess in-
structor. En France, de La Bourdonnais, le premier joueur
de son temps, donne en 1833 un bon traité; en 1837,
Alexandre pubha des tableaux synoptiques des ouvrages
tant anciens que modernes ; la Stratégie raisonnée des
ouvertures du jeu d'échecs par Durand, Metton et Preti
(2^ éd.) paraît en 1867-68. Depuis cette époque, il n'y a
rien à citer en France en dehors des ouvrages tout à fait
élémentaires, en sorte qu'il n'existe pas à l'heure actuelle
de traité d'échecs au courant de la science. En Allemagne,
Silberschmidt , von Heydebrand und der Lasa, Max
Lange, von Bilguer, font faire de grands progrès à la
théorie. L'ouvrage de Bilguer intitulé Handbuch des
Schachspiels (1843) est le meilleur traité d'échecs qui
existe. Les premières éditions ont été publiées et tenues
au courant par von Heydebrand und der Lasa. La septième
édition, qui a paru en 1891, est revue par Schallopp. En
Russie, Jœnisch publie en langue française (1842-43) une
analyse mathématique du jeu d'échecs qui est fort estimée.
Le jeu d'échecs a d'ailleurs fait de très grands progrès
par suite de l'apparition de journaux spéciaux en langue
française (le Palamède par La Bourdonnais, 1836, et
Saint-Amand, 1841; la Régence par Kieseritzky, 1848,
et Arnous de Rivière, 1856; la Nouvelle Régence par
Journoud, 1864; la Stratégie par Jean et Numa Preti
depuis 1867 jusqu'à nos jours), anglaise, allemande, hol-
landaise, danoise, italienne, espagnole et russe; en même
temps, de grands journaux périodiques tels que l'Illustra-
tion publiaient des problèmes et des parties.
Plus récemment encore les tournois internationaux ont
pris un grand développement et ont servi à mettre en
lumière les plus forts joueurs. De tous temps les forts
joueurs engagèrent des matchs entre eux : c'est ainsi que
les matchs de Le Breton et Deschapelles, de Cochrane et
La Bourdonnais, et surtout de La Bourdonnais et Mac Don-
nell sont restés célèbres. La Bourdonnais est regardé comme
le plus fort joueur qui ait encore paru en France. C'est
l'initiateur de la méthode moderne. Mac Donnell est égale-
ment considéré par les Anglais comme le plus fort joueur
qu'ils aient jamais eu. Dans ce beau tournoi, ce fut La Bour-
donnais qui gagna la grande majorité des parties. Des
matchs analogues ont eu lieu entre Staunton et Saint-Amant,
Harrwitz et Lôwenthal (1853), Steinitz et Anderssen d'un
côté, Blackburne et Zukertort de l'autre (1866, 1875,
1886), Zukertort d'un côté, Bosenthal et Blackburne de
l'autre (1880, 1881), Steinitz etTschigorin (1890). Quant
aux tournois internationaux, le premier fut tenu à Londres
(1851). Le joueur Anderssen, professeur d'allemand et de
mathématiques à Breslau (né en 1818, mort en 1879), y
remporta le prix. Il triompha de même au second tournois
de Londres (1862). Il était regardé comme le plus fort
joueur du monde quand vint en Europe l'avocat améri-
cain Paul Morphy, âgé de vingt et un ans, qui avait triom-
phé à New- York l'année précédente (1857) des premiers
joueurs des Etats-Unis. Il battit avec éclat en 1858 et
1859, à Londres et à Paris, Anderssen et les meilleurs
joueurs d'Europe. On s'accorde à reconnaître qu'il n'y a
jamais eu de joueur aussi fort. Philidor avait déjà donné
l'exemple du tour de force qui consiste à jouer deux
parties à la fois sans voir l'échiquier. Morphy en joua
huit dans les mêmes conditions et en gagna sept. Mais
il renonça bientôt aux échecs : dans un deuxième voyage
à Paris (1863-64), il ne joua aucune partie. Il fut
atteint un peu plus tard d'aliénation mentale et mourut
le 10 juil. 1884 à la Nouvelle-Orléans à l'âge de qua-
rante-sept ans. Ses parties ont été recueillies et publiées
dans diverses langues par Lange, Lôwenthal, Dufresne,
Preti, Stanley et Frère.
Au congrès de Londres de 1872, le premier prix fut
gagné par Steinitz, le second par Blackburne, le troisième
par Zukertort. Ce dernier (né en 1842, mort en 1888)
gagna les premiers prix aux tournois de Paris (1878) et de
Londres (1883). Dans ce dernier, sur les vingt-trois pre-
mières parties qu'il joua, il en gagna vingt-deux et s'assura
ainsi le prix par trois parties d'avance sur Steinitz. Mais
en 1886, Zukertort fut battu aux Etats-Unis par Steinitz,
qui gagna contre lui dix parties contre cinq, les cinq autres
étant nulles. Mais Steinitz a trouvé tout récemment un
redoutable adversaire dans le Busse Tschigorin.
Citons parmi les autres congrès internationaux ceux de
Paris (1867) où Anderssen ne prit pas part (1^^ prix Kolish),
de Vienne (1873) (1^^ prix Steinitz), de Paris (1878), oti
Steinitz n'assista pas (Zukertort), de Vienne (1882) (Steinitz
et Winawer ex œquo), de Londres (1883) (1<^^ prix Zuker-
tort). II convient de dire que, depuis 1870, les joueurs fran-
çais n'ont pas pris part aux congrès tenus en Allemagne.
Les plus réputés des joueurs français sont aujourd'hui
MM. Arnous de Bivière et S. Bosenthal.
Description de l'échiquier et des pièces. — L'échiquier
est une planche divisée en soixante-quatre cases alternati-
vement blanches et noires. On le dispose de manière que la
case angulaire de la dernière ligne à droite du joueur soit
blanche. Bien que cette règle soit sans influence sur la
marche même du jeu, il convient de l'observer, sinon on
se trouverait déplacer de droite à gauche et vice versa les
fous et la dame qui occupent une couleur déterminée.
Chaque joueur possède seize pièces dont la position au début
de la partie est représentée par la figure 2. Ce sont : un
— 267 — ECHECS
roi (le roi blanc sur la case el, le roi noir sur la case e8),
une dame ou reine (dl et d8), deux cavaliers (bl et gl,
b8 et g8), deux tours (al et hl, a8 et h8), deux fous
(cl et fl, c8 et f8), huit pions (lignes 2 et 7).
Les pièces de la preuiière hgne se nomment grosses
pièces, par opposition aux pions. Ceux-ci sont souvent dé-
signés d'après le nom des grosses pièces devant lesquelles
Ds i#l 0 3 m^f^ te
Fig. 1.
ils se trouvent : pion du roi, pion du fou du roi, pion de
la tour du roi, pion de la tour de la dame, etc.
On remarquera qu'au début de la partie, le roi blanc est
sur une case noire, le roi noir sur une case blanche. Les
dames au contraire sont sur des cases de leur propre cou-
leur {reqit reqinacolorem).
dotation, La notation que nous suivons ici est celle de
Philidor ; elle a été adoptée par La Bourdonnais dans son
traité. Elle est usitée presque universellement à l'étranger.
C'est la plus simple et la plus claire de toutes. Les cases
diverses de l'échiquier sont désignées au moyen d'un sys-
tème combiné de lettres et de chiffres, clairement indiqué
par le diagramme ci-dessus.
•Fig. 2.
Comme tout coup consiste à mouvoir une pièce d'une
case à une autre, on indique la case d'où part la pièce et
la case où elle se place. Pour apporter encore plus de clarté,
ECHECS
— 268 —
on désigne les pièces du jeu par la lettre initiale de leur
nom : R, roi; D, dame; T, tour; F, fou; C, cavalier;
quand la notation du coup n'est précédée d'aucune lettre,
c'est le pion qu'il faut jouer. La prise d'une pièce est dési-
gnée à la fin du coup par deux points (:) ou la lettre p.
entre les deux cases ; l'échec au roi adverse par le signe +.
Le mouvement du roc est exprimé par 0 — 0 du côté du
roi, et par 0 — 0 — 0 du côté plus étendu de la dame.
Dans l'énoncé des coups, on commence par celui des blancs.
Le signe ! représente le meilleur coup possible dans la
position où l'on est arrivé; le signe? indique que le coup
est faible. Les journaux et périodiques français adoptent
souvent une autre notation dans laquelle on se borne à
désigner la pièce qui joue par son initiale, et à noter sim-
plement la case oti elle arrive. Cette case est désignée par
sa distance à la pièce qui occupe le bord de l'échiquier dans
la même ligne. Ainsi : C3FD, signifie que le cavalier joue
à la troisième case devant le fou de la dame : les coups
ci-après serviront de modèle comparatif entre cette nota-
tion et celle de Philidor.
Mat de
Blancs
1 . Pion à la 4® case du roi.
2. Fou du roi à la 4® case
du fou de la dame.
3. Dame à la 3^ case du fou
du roi.
4. Dame prend le pion du
fou (Echec).
'écolier ou du berger.
Noirs
Pion à la 4^ case du roi.
Fou du roi à la 4« case du
fou.
Cavalier de la dame à la
3^ case du fou.
Mat.
Fig. 3. — Mat du berû:er. ]
Position après le
3» coup
des noirs.
Blancs
Noirs
Blancs
Noirs
1. P4«R
P4«R
1. e2 — e4
e7 — e5
2. FR 4^ FD
F4«FD
2. Ff l — c4
Ff8 — c5
3. D 3« FR
CD 3«F
3. Ddl — f3
Cb8 — c6
4. D p. PF (Ec)
Mat
Mat d%
4. Df3 p. f7 +
i lion.
Mat
1. P3^FR
P 4« R
L f2-f3
e7 — e5
2. P 4« CR
D5«T(Ec
2. g2-g4
DdS - h4
et mat)
-f mat
Mat de
Légal,
4. P4^ R
P4«R
1. e2 — e4
e7 — e5
2. C3«FR
P3«D
2. C^t - f3
d7— d6
3. F 4^ FD
P3«TR
3. Ffl - c4
h7-h6
4. C3«FD
F o« CD
4. Cbl — c3
Fc8 — g4
5. Cp. PR
Fp.D
5. Cf3 p. e5
Fg4 p. di
6. F p. P (Ec)
R2«R
6. Fc4p.f7 -
Re8 — e7
7. C5«D
Mat
7. Cc3 — d5-
Mat.
Marche des pièces. Les grosses pièces se meuvent en
avant, en arrière ou de côté ; les pions au contraire ne
peuvent qu'avancer. Le mouvement d'une pièce dans une
direction déterminée est arrêté s'il existe sur son tra-
jet une autre pièce; si celle-ci est de la même couleur, la
première ne peut pas la remplacer ; mais, si elle est d'une
couleur différente, c.-à-d. appartient au camp ennemi, elle
peut être prise. La pièce qui prend se met à la place de
celle qu'elle vient de prendre.
La tour se meut suivant une ligne droite, perpendicu-
lairement aux côtés de l'échiquier. Une tour placée en
do par exemple, peut aller sur toutes les cases de la
ligne d, ou sur toutes celles du rang 5, c.-d. en dl, d2,
d3, d4, d6, d7, d8, ou en a5, bo, c5, e5, fo, g5,
h5. On voit que sur un échiquier complètement libre
la tour commande 44 cases : mais, si sur la ligne d ou
sur le rang 5 il se trouve une pièce de même couleur
ou de couleur différente, la marche de la tour est entra-
vée. Supposons que la tour placée en d5 soit une tour
blanche et qu'il se trouve un pion noir en d7 et un pion
blanc en d2 ; la tour ne pourra pas aller occuper les cases
d4 ou d8 qui sont derrière ces pions ; elle ne pourra non
plus occuper la case d2 qui est occupée par un pion de sa
couleur ; mais elle pourra prendre le pion noir et se mettre
à sa place sur la case d7. Aux échecs, on n'est pas forcé
de prendre; on ne le fait que si on le juge avantageux.
Le roi ne peut se placer ou prendre que sur les cases qui
ne sont pas commandées par une pièce adverse.
Le fou se meut obliquement par rapport aux côtés de
.'échiquier; il reste, par suite, toujours sur la même cou-
leur. Un fou placé end5, pourra parsuite aller ena2, b3,
c4, e6, f7, g8, ou bien en a8, b7, c6, e4, f3, g2,h4.
Dans cette position, il commande 43 cases, mais si on l'ap-
proche du bord, il n'en commande plus que 44, 9 ou 7.
Chaque joueur a un fou des blancs et un fou des noirs,
c.-à-d. un fou qui ne se meut que sur les cases blanches
et un autre qui ne se meut que sur les cases noires. Le
fou placé à droite de soi est nommé fou du roi, l'autre,
fou de la dame.
La dame ou reine se meut en droite ligne ou en ligne
oblique ; elle possède donc à la fois le mouvement de la tour
et celui du fou. C'est la plus forte pièce du jeu. Une dame
placée end5 commande 27 cases; quand eHe se rapproche
du bord elle n'en commande plus que 25, 23 ou 24.
La marche du cavalier est la plus difficile à comprendre.
Il ne se place jamais sur une case attenante à celle qu'il
occupe, il saute par-dessus cette case pour aller occuper
une des cases situées au delà et de couleur différente de
sa case initiale. S'il y a des pièces situées sur une des cases
attenantes à sa case initiale, comme il saute par-dessus,
son mouvement n'est pas entravé. Si nous supposons un
cavalier en d5, les cases sur lesquelles il pourra se placer
sont c3, e3, f4, f6, e7, c7, b6, b4. On remarquera qu'un
fou ou une tour placée en d5 ne pourrait se rendre sur au-
cune de ces cases. Peu importe d'ailleurs qu'il y ait ou non
des pions sur les cases c4, d4, e4, e5, e6, d6, c6, co. Un
cavalier placé sur Tune quelconque des 42 cases du mUieu,
commande 8 cases ; s'il est sur le bord ou sur les lignes
adjacentes, il n'en commande plus que 6, 4, 3 ou 2.
Le roi. Le but de tout le jeu est d'amener le roi dans
une situation déterminée qui sera définie plus loin et où on
dit qu'il est mat. C'est donc la pièce la plus importante du
jeu. Sa marche est très simple ; il va de sa case sur toute
case voisine sans pouvoir faire plus d'un pas. Un roi placé
en d5 peut aller en c4, d4, e4, e5, e6, d6, c6 et co. Pour-
tant il ne peut pas se placer sur une case commandée par
une pièce ennemie. Dans un coin il commande 3 cases ; sur
un des bords de l'échiquier 5 ; sinon 8. Le roi a le droit
de faire une fois dans une partie une manœuvre spéciale,
étudiée plus loin et nommée le roc.
Les pions. Au début de la partie se trouvent sur les
lignes 2 et 7 un ensemble de pions qui arrêtent toutes les
pièces à l'exception des cavaliers. Rien qu'isolément assez
- 269 -
ECHECS.
faibles, ils représentent dans leur ensemble une des forces
principales de chaque camp.
Le mouvement des pions s'écarte de celui de toutes les
autres pièces et est assez anormal. Le pion ne peut faire
qu'un pas et en ligne droite ; mais il prend obliquement à
droite ou à gauche. Soit par exemple un pion blanc placé
en do, une pièce noire en c6, une autre en e6, le pion
peut soit pousser en d6, soit prendre l'une des pièces c6
et e6. Si l'une des pièces noires avait été en d6, le pion
n'aurait pas pu la prendre. Le pion a la faculté, de sa place
initiale, de faire deux pas en avant : cet avantage a pour
effet de hâter le début de la lutte en mettant plus rapi-
dement les pions adverses en contact. Toutefois, le pion qui
avance de deux pas s'expose à être pris en passant. Voici
ce que l'on entend parla. Soit un pion blanc en e2, un pion
noir en f4. Le pion blanc, n'ayant pas encore bougé, peut
aller soit en e3, soit en e4. Mais dans ce dernier cas, comme
il saute par-dessus la case e8, que commande le pion noir
f4, celui-ci peut, s'il le juge convenable, le prendre en
passant, c.-à-d. l'enlever de l'échiquier et se placer lui-
même en e3. Cette règle, assez singulière et généralement
mal comprise des débutants, n'a été introduite qu'à la fin
du siècle dernier et n'est pas admise aujourd'hui, même en
Italie. Ce n'est pas d'ailleurs la seule particularité qu'offre
le pion. La suivante est d'une importance capitale. Quand
un pion atteint la dernière ligne de l'échiquier (c.-à-d. la
première ligne du camp adverse), il se change au gré du
joueur en telle pièce qui lui plait: dame, tour, cavalier, etc.
Peu importe que ces pièces existent encore dans le camp
auquel il appartient : par suite, il peut arriver qu'un même
jeu ait trois dames, trois cavaliers, etc.
U échec et le mat. Quand un joueur, au cours de la
partie, met en prise le roi de son adversaire, il est tenu
de dire : « Echec au roi » ou simplement : « Echec ».
Quand le roi est en échec et qu'il ne peut pas se mettre
hors de prise, on dit qu'il est mat. La partie est alors ter-
minée. Le but du jeu est donc de faire mat le roi adverse.
Il y a trois manières de parer à un échec, suivant les cas.
La première consiste à prendre la pièce qui donne l'échec
(au cas, bien entendu, où elle est en prise). La seconde con-
siste à déplacer le roi. La troisième consiste à le couvrir
en interposant une pièce entre lui et la pièce adverse. On
remarquera que cette dernière méthode n'est pas applicable
si l'échec est donné par le cavalier. Si le roi mis en échec
ne peut employer aucun de ces trois procédés, il est mat.
Il y a deux manières de mettre le roi adverse en échec.
La première consiste à amener une pièce dans une position
où elle le menace. La seconde, qui est plus dissimulée, se
nomme échec à la découverte : ce n'est pas la pièce que
l'on déplace qui donne l'échec, mais elle en découvre une
autre qu'elle masquait. Ainsi, soit la position suivante:
Blancs: roi en hl, fou en g2, tour en f3.
Noirs : roi en a8, tour en g8, pion en a7.
Il suffit aux blancs de déplacer la tour f3 pour que le
fou g2 qu'elle masquait mette en échec le roi noir. Ce qui
rend l'échec à la découverte particulièrement dangereux,
c'est que la pièce que l'on déplace est Hbre d'occuper des
cases importantes et d'entreprendre des coups d'attaque,
car l'adversaire est obligé de se couvrir contre l'échec et
se trouve souvent empêché de parer à l'attaque engagée
par la pièce déplacée. Parfois, en combinant les mouve-
ments de la pièce qui se déplace et de celle qu'elle démasque,
on peut faire le roi adverse mat, en particulier si la
première pièce donne aussi échec au roi. C'est ce qui
arrive dans l'exemple donné plus haut si la tour blanche
joue de f3 en f8. Si la tour ou le fou des blancs étaient
seuls, les noirs pourraient prendre l'un ou l'autre avec leur
propre tour, mais, par suite du double échec, le roi est mat.
Voici quelques autres positions qui montrent quels
résultats heureux on peut attendre d'un échec à la dé-
couverte :
Blancs : roi en hl, fou en f3, tour en e4.
Noirs : roi en aS, dame en g7.
Le blanc joue sa tour de e4 en e7 : il met ainsi le roi
en échec par le fou f3 ; la dame par la tour e7. Celle-ci
est prise au coup suivant, et le blanc gagne.
Blancs : roi en hl, tour en al, cavalier en a5.
Noirs : roi en aS, tour en dS, pion en b7.
Le blanc joue son cavalier de ao en c6, et donne l'échec
et le mat.
Blancs : roi en d6, fou en e5.
Noirs : roi en b8, tour ena8, pions en a7 et b7.
Les blancs jouent le roi de d6 en d7 et font les noirs
échec et mat.
Blancs : roi en f2, fou en f4, pion en d6.
Noirs : roi en b8, tour en e8, dame en h7, pions en
a7 et b7.
Les blancs jouent et gagnent.
Ainsi qu'il a été dit, le roi est obligé, s'il est mis en échec
par un cavalier qui n'est pas en prise, de quitter sa place.
S'il est complètement entouré de ses pièces, il peut être
fait mat par impossibilité de se mouvoir. Ce cas se pré-
sente dans la position suivante, où c'est aux blancs à jouer:
Blancs : roi en a4, cavalier en b5.
Noirs : roi en a8, tour en b8, pions en a7 et b7.
Les blancs matent en jouant le cavalier en c7. C'est
ce qu'on nomme le mat à l'étouffée.
Le roc. D'après les principes du jeu, on ne peut remuer
qu'une pièce à la fois. Cette règle souffre cependant une
exception ; dans le roc, on déplace à la fois le roi et la
tour. Cette manœuvre a pour but d'enlever le roi du centre
du jeu, où il est souvent très exposé, et de le mettre dans
une position plus sûre dans un coin, aussi bien que de lier
les deux tours et d'augmenter ainsi dès le début les forces
offensives ou défensives du jeu. Un joueur ne peut roquer
qu'une fois au cours d'une partie, et ce droit est soumis à
certaines restrictions. Voici comment l'on roque. On amène
la tour près du roi, et l'on place le roi de l'autre côté de
la tour. On roque d'ailleurs aussi bien avec la tour du roi
qu'avec la tour de la dame. Voici par conséquent la posi-
tion des pièces avant et après le roc :
Blancs.
Blancs.
Noirs.
Roc avec
, Avant :
' Après :
Noirs. îi;-';
Roc avec la
Avant :
Après :
Avant :
Après :
la tour du roi.
roi en el, tour en hl.
roi en gl, tour en fi.
roi en e8, tour en h8.
roi en g8, tour en f8.
tour de la dame.
roi en el, tour en al.
roi en cl, tour en dl.
roi en e8, tour en a8.
roi en c8, tour en d8.
Pour que le roc soit permis, il faut : \^ qu'il n'y ait sur
la première ligne entre le roi et la tour aucune autre pièce ;
2° que ni le roi, ni la tour n'aient encore bougé depuis le
commencement de la partie ; 3<» que le roi ne soit pas en
échec ; 4° qu'il ne traverse dans son mouvement aucune
case commandée par une pièce ennemie, qu'il ne se mette
pas en échec en roquant. Ainsi supposons que les blancs
aient un cavalier en e6 ; le roi noir sera par cela seul em-
pêché de roquer soit avec la tour du roi, soit avec la tour
de la dame, puisque le cavaliercommande les cases d8 et f8.
La manière de roquer que nous avons donnée est la
seule admise en France, en Angleterre, en Allemagne et
en Russie ; mais les Italiens admettent une grande va-
riété dans le roc ; ils substituent par exemple la tour au
roi et le roi à la tour.
Cas de nullité. Une partie ne se termine pas toujours
par le mat. Elle peut rester indécise dans divers cas : c'est
ce qui arrive quand aucun des deux joueurs n'a les forces
nécessaires pour mater son adversaire. Ainsi, s'ils se
trouvent tous deux en présence avec le roi ou une autre
pièce, ou bien le mat est impossible, ou bien il ne le se-
rait que par une grave inadvertance de l'un d'eux. Souvent,
ECHECS
— 270
malgré un avantage de forces, le mat n'est pas possible :
c'est le cas de m et fou ou de roi et cavalier contre roi
seul. ,, . 1 1
La partie sera également déclarée nulle si les deux
joueurs répètent indéfiniment les mêmes coups. Le cas le
plus curieux est celui de l'échec perpétuel. Supposons la
position suivante :
Blancs : roi en bl, pions en a2, b2, c2, tour en b3,
fou en a6.
Noirs : roi en a8, tour en e8, pions en a7 et c7, dame
en d2, tour en h2.
Les blancs jouent et annulent la partie, qu'ils seraient
certains de perdre par un échec perpétuel :
Blancs Noirs
1. Fa6— b7+ Ra8-b8
2. Fb7 — a6+ Rb8 — a8
3. Fa6 — b7 + etc.
On voit par là que, dans les positions difficiles, il faut
examiner soigneusement si l'on ne peut annuler par un
échec perpétuel. En voici deux autres exemples :
Blancs : roi en g I, pions en f2, h2, g3, dame en f6.
Noirs : roi en g8, tour en f8, pions en f7, h7, tour
en e4, dame en bl, fou en dl.
Les blancs jouent
Blancs Noirs
1. Df6-g5+ Rg8-h8
2. Df5— g6+ Rh8 — g8
3. Df6 — g5 + etc.
Blancs : roi en hl, tour en el, cavalier en gi, pion en
g2, dame en h2.
Noirs : roi en g8, pions en f7, g7, fou en b6, cavalier
en h3.
C'est aux noirs à jouer.
Blancs Noirs
1 Ch3~f2 +
2. Rhl - gl Cf2 - h3 +
3. Rgl— hl , Ch3 — f2 + etc.
La partie est encore nulle dans les deux cas suivants :
si un joueur, à la fin de la partie, bien que possédant des
forces suffisantes pour forcer le mat n'y réussit pas après
cinquante coups prescrits d'avance et comptés suivant les
règles du jeu, — nous reviendrons plus loin sur ce cas, —
et'enfin si le jeu est pat.
Le pat. Quand le joueur au tour duquel c'est à jouer
n'est pas en échec et qu'il ne peut pas déplacer son roi
sans le mettre en échec, il est pat. Ce qui distingue le pat
du mat, c'est que le roi n'est pas en échec. La partie est
déclarée nulle dans ce cas.
Une position de pat qui se présente souvent dans la
pratique est la suivante : roi noir en b8, roi blanc en b6,
pion blanc en b7. C'est au noir à jouer, il est pat. Voici
encore une autre position de pat pour les noirs : roi blanc
à volonté, dame blanche en b6, roi noir en a8. Il arrive
parfois que Ton réussisse en sacrifiant des pièces à se faire
faire pat au lieu de perdre la partie. Voici trois posi-
tions de pat empruntées à des parties réellement jouées.
C'est aux blancs à jouer dans le premier cas, aux noirs
dans les deux autres :
Blancs : roi en a5, pion en d3.
Noirs : roi en a7 ; pions en b7, c6, e6, f6 ; dame en d4.
Blancs : roi en f8, fou en e4, pion en h4, tour en el.
Noirs : roi en hl, fou en gl, cavalier en g2, tour en
h2, pion en h3.
Blancs : roi en d6, pions en b2 et a3, cavalier en e6,
fou en g6.
Noirs : roi en e8, tour en f7, pions en a4 et b3.
A la marche des pièces se rattachent deux problèmes
curieux :
Problème du cavalier. Il faut que le cavalier parcoure
toutes les cases de Téchiquier une fois seulement^ et que
de sa case finale il puisse revenir à sa case initiale. Ce
problème a longtemps passé pour très difficile. De grands
mathématiciens, comme Euler, s'en sont occupés. On en
connaît aujourd'hui diverses solutions, l'une, des plus
simples, s'obtient par la règle suivante : « Placez chaque
fois le cavalier dans la case d'où il peut sauter sur le plus
petit nombre de cases encore inoccupées. »
Problème des huit dam,es. Placez sur l'échiquier huit
dames sans qu'aucune soit en prise des autres. Le nombre
des solutions est de quatre-vingt-douze. En voici une :
placez les dames en hl, c2, a3, f4, b5, e6, g7, d8. ^
Valeur des diverses pièces. La valeur des pièces dépend
de leur position, mais on peut admettre d'une manière gé-
nérale que la dame vaut huit pions, la tour quatre pions,
le fou ou le cavalier trois pions. Par suite, la dame peut
être échangée sans désavantage contre deux tours et le fou
contre le cavalier ou réciproquement.
Règles du jeu. — Il serait à désirer que les règles du
jeu fussent établies par un congrès international de joueurs
et acceptées universellement. — I. L'échiquier doit être
disposé de sorte que la case angulaire à gauche de chaque
joueur soit une case noire. Si l'échiquier a été mal placé,
on devra le remettre dans la bonne position avant que le
quatrième coup ait été joué, mais non après. — IL Si
une pièce a été mal placée ou n'a pas été placée du tout
sur l'échiquier, la partie est annulée. Si l'erreur a eu lieu
au cours de la partie, il faut remettre les choses en état
ou, si on ne le peut pas, déclarer la partie nulle. — III. Le
droit de jouer le premier est tiré au sort; si deux joueurs
font plusieurs parties de suite, ils jouent alternativement.
— IV. Une pièce touchée doit être jouée à moins que le
joueur au moment de toucher ne dise : « J'adoube. » —
V. Si un joueur touche une pièce de son adversaire sans
dire : « J'adoube » ou tout autre mot en ce sens, son adver-
saire peut l'obliger à prendre, ou, si les règles du jeu s'y
opposent, à jouer son roi. — VL Si un joueur fait une
fausse marche, son adversaire peut le forcer ou de laisser
la pièce sur la case où il l'a placée, ou de la mettre, selon
les règles du jeu, sur une autre case, ou de jouer son roi en
remettant la pièce à sa place. — VIL Si un joueur, sans
dire échec attaque le roi adverse, celui-ci n'est pas obligé
d'y faire attention. Si le roi a été en échec pendant plusieurs
coups, on doit remettre ces coups. — VIII. Si un joueur
reste à la fin d'une partie avec tour et fou contre tour, ou
avec un cavalier et un fou contre le roi ennemi dépouillé,
il doit le faire mat en cinquante coups, sinon la partie est
réputée nulle. Les cinquante coups commencent à partir
du moment où l'adversaire annonce qu'il va les compter.
Cette règle s'applique également quand il s'agit de faire
mat avec des pièces seulement, telles que la reine contre
une tour, etc. — IX. Si une question litigieuse s'élève,
on peut la soumettre aux plus habiles et aux plus désinté-
ressés des assistants.
La manœuvre des pièces ne peut guère s'apprendre que
par la pratique. On peut pourtant donner à cet égard cer-
tains préceptes généraux.
Le roi. Toutes les combinaisons du jeu ont le roi pour
objet. Celui-ci se distingue de toutes les autres pièces
par le fait qu'il ne peut être pris et par la faculté qu'il a
de roquer. Le roc change souvent complètement le carac-
tère d'un jeu. En permettant au roi menacé de se mettre en
sûreté, il décide du gain ou de la perte de la partie. En
général, il est avantageux de roquer de bonne heure, afin
de se servir des tours. Toutes les forces du jeu peuvent être
consacrées à l'attaque ou à la défense, tandis que le roi à
sa place empêche la concentration des pièces. Il vaut
mieux roquer en général avec la tour du roi qu'avec la tour
de la dame ; la première opération est plus prompte, car
elle nécessite simplement le déplacement d'un fou ou d'un
cavalier, tandis que la seconde exige aussi celui de la
dame. De plus, dans le roc avec la tour de la dame, le
pion du coin n'est pas protégé. Pourtant, ce mode de roc
se recommande dans divers cas : par exemple, si l'on veut
diriger avec les pions du côté du roi une attaque vers le
roi ennemi qui a roqué avec sa propre tour ; ou inverse-
^271
ECHECS
ment, si l'on craint une attaque des pions ennemis sur
l'aile du roi. Parfois, on renonce au roc en plaçant
le roi sur la case B (fT), ou il peut se trouver mieux qu'en
gl (g8). Il suit de là qu'on s'efforcera en général d'ein-
pècher le roc du roi ennemi. Si on l'oblige à se déplacer,
il peut arriver qu'il s'oppose ainsi au développement de la
tour. Parfois, au contraire, le roc offrira à l'adversaire
une occasion qu'il utilisera. C'est ainsi qu'un échec donné
en même temps au roi et à la dame au moyen d'une tour
ou d'un cavalier peut être très dangereux. Jusque vers le
milieu de la partie, surtout si les dames n'ont pas été
échangées, il est mauvais de conduire le roi au milieu du
jeu, 011 il est trop exposé. Au contraire, après l'échange
des dames, on amène souvent le roi vers le milieu du jeu,
comme les autres pièces, et la manière dont on le manœuvre
décide souvent du gain du jeu.
La dame. C'est la plupart du temps la dame qui décide
de l'issue du jeu. On évitera de la sortir trop tôt, car elle
serait exposée à l'attaque des pièces moins importantes de
l'adversaire et pourrait être perdue ou forcée de rentrer
dans ses lignes d'une manière désavantageuse. Il vaut
mieux commencer l'attaque avec les autres pièces et l'ap-
puyer au moment décisif avec la dame. Le moment où elle
intervient dans une partie en marque souvent le moment
critique. On évitera de prendre des pièces avec la dame
si cette opération l'éloigné du jeu au point de la laisser
couper de ses propres forces et de laisser l'attaque à la
dame ennemie. Pour éloigner ainsi la dame adverse de son
camp, un bon joueur sacrifiera au besoin des pions ou des
figures. La force de la dame équivaut à celle de deux tours ;
on peut faire rechange, le cas échéant, sans désavantage.
Au début, au milieu du jeu, la dame se trouve très bien
sur sa propre case dl (d8), ainsi que sur les cases c2 (c7)
et b3 (b6). Certains gambits offrent une exception à ces
règles : car la dame peut y être placée de très bonne
heure en h4 (h5) .
La tour. La tour est, après la dame, la figure la plus
forte. Dans les ouvertures, sa marche est entravée par les
pions et les figures qui l'entourent. Un bon joueur s'effor-
cera de la dégager rapidement et de la mettre en rapport
avec la seconde tour. Au milieu du jeu, les tours sont bien
placées sur des lignes d et c. L'action de la tour est d'au-
tant plus efficace que les lignes qu'elle commande sont plus
libres ; si l'on a deux tours qui se soutiennent et dont l'une
s'est emparée d'une ligne libre, et si l'adversaire lui oppose
de même sa première tour soutenue par la seconde, il
ne faut pas faire l'échange, mais le lui laisser faire, car
on reprend avec sa propre tour et l'on commande de nou-
veau la ligne libre. Si l'on ne peut pas faire entrer en jeu
une tour au moyen du roc, on avancera les pions qui
sont devant elle pour lui faire de la place. Quand les dames
ont été échangées, les tours décident souvent du sort de la
partie en se plaçant sur la rangée des pions (rangée 2 ou
6). Il est important dans les fins de partie, quand la tour
commande des lignes libres, qu'elle retienne le roi sur le
fond de l'échiquier. La tour est, avec la dame, la seule
pièce qui puisse, aidée par le roi, faire le roi adverse mat.
Le fou. Les deux fous de chaque jeu se meuvent sur des
cases de couleurs différentes. Le fou du roi est souvent
amené dans les débuts de parties sur les cases c4 (co), où
il menace le pion f7 (f2), qui n'est protégé que par le roi et
où il peut empêcher le pion de la dame d'avancer en do. Si
le roi adverse a roqué, le fou du roi sera bien placé en d3
(d6), où il menacera le point h7 (h2), d'habitude protégé
par le roi adverse seul. Le second fou ou fou de la dame
sert souvent, dans le début, à la défense. On le place par-
fois en e6 (e3) si le fou adversaire s'est mis en c4 (co)
pour l'attaque. Le concours des deux fous permet de diriger
des attaques très vigoureuses contre le côté où le roi ennemi
a roqué. Il est souvent désavantageux d'en échanger un
contre un cavalier ennemi. Pourtant les fous et les cavaliers
sont réputés pièces de même force; leur utilité relative
dépend essentiellement de la tournure du jeu. Si l'on a
moins de pions que l'adversaire, on cherchera à conserver
ses fous, car ils sont très aptes à arrêter les pions ennemis.
Le cavalier. Ce qui rend le cavalier dangereux, c'est sa
faculté de sauter par-dessus les pièces de son camp ou du
camp adverse. Aussi sa puissance relative diminue-t-elle
quand il y a un grand nombre de pièces échangées. On
développe souvent le cavalier du roi en f3 (f6), d'où il peut
se rendre en e5 (e4) ou go (g6) pour menacer f7 (f2) ou
h7 (hi). Dans les fins de partie, le cavalier a sur le fou
l'avantage de pouvoir prendre les pions ennemis sur les
deux couleurs, mais, d'autre part, il est moins apte à les
empêcher d'avancer.
Les pions. Nous avons vu toutes les anomalies qui ca-
ractérisent la marche du pion : la nécessité de toujours
avancer, la différence entre la manière dont il avance et
celle dont il prend, le droit de prendre en passant, la
faculté de faire dame en atteignant la base du camp en-
nemi. Mais ce ne sont pas les seules causes qui rendent
la conduite des pions particulièrement délicate. Souvent on
est amené à sacrifier des pions pour dégager des pièces, et il
y a toujours lieu de se demander si l'amélioration de la
position compense le sacrifice du pion. Philidor prescri-
vait de ne pas placer les cavaliers f3 (f6) ou c3 (c6) avant
d'avoir avancé les pions des fous de deux pas, mais cette
règle est absolument abandonnée aujourd'hui. La force des
pions augmente à mesure qu'on se rapproche du centre de
l'échiquier. Les pions des coins sont les plus faibles ; ceux du
centre les plus forts. Si l'on a le choix, on prendra donc
de préférence des côtés vers le milieu. Les deux pions du
milieu sont bien placés au début en c^ (c5), d4 (do),
cases où ils gênent les pièces ennemies. En général, on ne
doit pousser un pion très en avant que s'il est soutenu par
d'autres pions. La force des pions tient en grande partie à
leur faculté de se soutenir les uns les autres par le côté.
C'est pourquoi un pion doublé peut être à peine plus effi-
cace qu'un seul pion. On évitera d'acquérir par des échan-
ges des pions doublés, sans oublier pourtant que, s'ils
peuvent être échangés facilement, ils sont tout aussi forts
que d'autres. Les pions ayant le droit de faire dame, il est
très avantageux d'avoir des pions passés. Si l'on a un pion
passé, on cherchera à le soutenir au moyen d'autres pions,
sinon il serait facilement enlevé par les pièces de l'adver-
saire. Au début et au milieu de la partie, les pions sont
consacrés à l'attaque du camp adverse et à la défense de
leur camp. A la fin du jeu, au contraire, on cherche sur-
tout à les conduire à dame.
Exemples de parties. — Avant d'aborder la théorie
des ouvertures, donnons deux exemples de parties avec
annotations.
Première partie :
Blancs Noirs
i. e2 — e4 .....
Bon coup de début par lequel les blancs dégagent le fou
du roi et la dame. De plus, le pion e, que le pion d peut
venir bientôt soutenir se trouve avantageusement placé sur
cette case, soit pour aller plus avant, soit pour repousser
les pièces ennemies.
1 e7 — e5
Riposte juste. Les ripostes c7 — c5 ou e7 — e6 sont
également correctes ; mais elles conduisent à un jeu plus
lent.
2. Cgi — f3
Une des meilleures attaques. Le cavalier f3 menace en
effet le pion eo, et peut se rendre soit en e5 soit en go
pour attaquer le point f7.
2 Cb8 — c6
La meilleure riposte. Le pion e5 est gardé, et le cava-
lier c6 est en même temps amené dans le jeu.
3. Ffi - c4
C'est ici la meilleure place au début du jeu pour le fou
du roi, car il menace le point le plus faible du jeu ennemi,
c.-à-d. le pion f7 qui n'est gardé que par le roi. Tant que
ÉCHECS
— 'in
Tadversaire n'a pas roqué, il convient d'attaquer le point f7.
3. ..... " Ff8 — c5
Riposte correcte : le fou noir menace de même le point
faible du jeu blanc.
4. c2 — c3
afin de jouer ensuite d2 — d4 et de former un centre.
Deux pions côte à côte au centre du jeu sont très efficaces ;
ils gênent le mouvement des pièces ennemies, et mena-
cent eux-mêmes de s'avancer dans le camp adverse.
4 Cg8-f6
Riposte correcte.
5. d2 — d4
Les blancs ont formé un centre.
5 e5 p. d4
e! c3 p. d4
Les blancs pourraient jouer aussi e4 — e5, à quoi les
noirs riposteraient d7 — d5. Tout ce début de partie est
classique ; il se nomme guioco piano.
6 Fc5 — b4 4-
7. Cbl — c3 .....
Le coup correct dans cette position est Fcl — d2.
7 Cf6 p. e4
Les noirs peuvent prendre ce pion avec leur cavalier,
car le cavalier c3 ne peut remuer sans découvrir le roi.
8. 0 — 0 Ce4 p. c3
Il vaudrait mieux prendre avec le fou et roquer.
9. b2 p. c3 Fb4p. c3
Une faute qui montre bien combien il est dangereux de
prendre sans examiner les conséquences.
10. Ddl — b3
Les blancs pourraient jouer Fc4 p. f7 + puis Ddl —b3 -f
et regagner ainsi le fou et le pion perdu, mais ils jouent de
manière à laisser faire aux noirs une faute encore plus
grave. Ceux-ci, en effet, ne peuvent prendre la tour
ai qu'en compromettant leur jeu comme le montrera la
suite.
10 Fc3 p. al
11. Fc4p. f7 Re8— f8
Si les noirs jouent Re8 — e7, les blancs gagnent la dame.
12. Fcl — g5 Cc6— e7
Les noirs n'ont pas d'autre moyen de protéger la dame.
Cc6 p. d4 est une contre-attaque illusoire. Sans doute, si
le fou g5 prenait de suite la dame d8, le cavalier c4 pren-
drait la dame b3, mais les blancs joueraient Db3 — a3 +,
tireraient ainsi leur dame d'affaire et prendraient la dame
noire le coup d'après.
13. Cf3— e5
Les blancs pourraient jouer aussi Tfl — el , qui leur
assurerait également la victoire, mais le coup adopté est
plus élégant.
^ 13 Fal p. d4
La variante d7 — d5 sera examinée plus loin.
14. Ff7 — g6
Ce fou ne peut être pris. Sinon les blancs materaient en
f7 avec la dame.
14 d7 — do
15. Db3-f3+ Fc8 — f5
16. Fg6 p. f5 .....
On voit pourquoi au quatorzième coup les blancs ont placé
le fou en ^6.
16 Fd4p. e5
17. Ff5 — e6+ Fe5-f6
18. F^op.f6 g7 p. f6
19. Dt3p. f6 4- Rf8-e8
20. Df6 — f7 + et mat
Variante : supposons qu'au treizième coup les noirs
aient joué d7 — d5 au lieu de Fal p. d4.
14. Db3-f3 Fc8-f5
Les noirs n'ont pas d'autre coup pour se protéger contre
l'échec, à la découverte, car s'ils retiraient le cavalier e7,
les blancs prendraient la dame.
lo. Ff7 — e6
afin de prendre au coup prochain le fou f5.
15 g7-g6
16. Fg5— h6+ Rf8 — e8
17. Fe6— f7 -fmat
Deuxième partie :
Blancs Noirs
1, e2 — e4 e7 — e5
2. Cgl-f3 Dd8-f6
Ce coup des noirs est médiocre, car il amène trop tôt la
dame dans le jeu.
3. 'Ffl-c4 Df6-g6
Les noirs menacent à la fois les pions g2 et e4. Mais on
va voir combien il est facile aux blancs de repousser
l'attaque.
4. 0 — 0 Dg6 p. e4
Une faute.
5. Fc4p.f7-1; Re8 — d8
Si les noirs avaient pris le fou, les blancs prenaient la
dame noire avec Cf3 — g5.
6. Cf3p. e5 Cg8-f6
Si les noirs prenaient le cavalier e5, les blancs joueraient
Tfl — el et prendraient la dame ou donneraient le mat
en e8.
7. Tfl— el De4 — f5
8. FH — g6 h7p. g6
Si les noirs jouent leur dame en e6, les blancs jouent
Ce5 — f7 -j- et prennent la dame.
9. Ce5 — f7 + et mat ^
Variante : au cinquième coup, les rois pourraient jouer
Re8 — e7. Le jeu sie poursuivrait ainsi :
6. Xfi — el De4 — f4
7. Tel p. e5 -I-
On va voir que si les blancs laissent le fou f7 en prise,
c'est que la prise de celui-ci entraîne la perte du jeu pour
les noirs.
7 Re7 p. f7
8. d2 — d4 Df4 — f6
La dame n'a pas d'autre coup. Si elle jouait Df4 — g4,
elle serait perdue par Cf3 — g5 -f .
9. Cf3-g5+ Rf7-g6
10. Ddl — d3+ Rg6-h5
Si le roi allait en h6, les blancs le feraient mat par
Cg5 - f7.
H. g2 — g4-f Rho p. g4
Si le roi va en h4, les blancs le font mat par Dd3 — h3.
S'il joue en h6, il est mat de même par Cgo — f7 -(- .
12. Dd3— h3 + etmat .....
Nous examinerons successivement la théorie des débuts
de partie ou ouvertures et la théorie des fins de partie.
Théorie des ouvertures. — Nous diviserons les ouver-
tures en deux grandes catégories : les parties ouvertes,
dans lesquelles les blancs qui débutent avancent le pion du
roi de deux pas (1 . e2 — e4) et les noirs ripostent de
même (1 e7 — e5); suivant le second coup des
blancs, on a trois grandes subdivisions : parties du cava-
lier, les blancs jouent 2. Cgi — f3; parties du fou, les
blancs jouent 2. Ffl — c4; gambit du roi, les blancs
jouent 2. f2 — f4; et les parties fermées où les blancs
jouent encore 1. e2 — e4, mais les noirs ripostent
1 e7 — e6 (partie française) , ou 1 c7 — c5 (par-
tie sicilienne) ou tout autre coup ; ou bien les blancs ne jouent
pas : 1. e2 — e4, mais 1. d2 — d4 ou 1. f7 — fo, etc.
I. Parties du cavalier.— Ces parties sont caractérisées
par les coups :
Blancs Noirs
1 . e2 — e4 e7 — e5
1. Cgi— f3 .....
Nous allons étudier d'abord quelques répliques peu
correctes des noirs :
Défenses irrégulières dans la partie du cavalier du
roi : gambit de Damiano,
Blancs Noirs
1. e2 — e4 e7 — e5
2. Ci^i — f3 f7 - f6
— 273 --
ÉCHECS
Les joueurs inexpérimentés poussent souvent le pion
f7 — f6 pour soutenir le pion e5. Mais ce coup est mé-
diocre, car les blancs, en plaçant leur fou en c4 empêchent
le roc du roi noir. Au lieu de jouer immédiatement ce fou,
ils peuvent même prendre le pion e5 avec leur cavalier. Si
les noirs reprennent le cavalier, leur jeu est ruiné, comme
le montrent les coups suivants :
;■). Cf3 p. eo f6 p. e5
4. Ddi— h5+ g^-ge
5. DhD p. e5 + Dd8 — e7
6. De5p.h8
Les blancs prennent la tour et ont l'avantage.
Première variante : les noirs, au lieu de jouer g7 — g6
au quatrième coup, déplacent le roi en e7 :
4 Re8 — e7
0. Dh5 p. e5 + Re7 — f7
6. Ffl — c4 + Rf7 — g6
7. De5— fo + Rg6 — h6
8. d2 — d4'-[- g^-gS
9. h2 — h4 d7 — d5
10. Df5 — f7
Les blancs donneront le mat avec h4 p. go -f--
Deuxième variante : dans la variante précédente, les
noirs, au lieu déjouer au sixième coup Rf7 — g6, peuvent
avancer de deux pas le pion de la dame :
6 d7— d5
7. Fc4 p. d5 + Rf7 — g6
8. h2 — h4 Ff8 — d6
9. h4-h5+ Rg6-h6
40. d2 — d4+ g7— go
41. h5p. g6-f Rh6p. g6
42. De5 — h5+ Rg6 — f6
43. Dh5--f7 + et mat
Si les noirs au huitième coup jouent h7 — h6 ou
h7 — h5, les blancs jouent Fdo p. b7. Le fou ne peut
être pris, car les blancs donneraient échec avec leur dame
en fo.
On voit par là combien il est funeste pour les noirs de
prendre le cavalier blanc au troisième coup. Une fois la
faute de tirer f7 — f6 commise, ils jouent pour le mieux
Dd8-e7. ' J F
Défense Ff8 — d6. Ce moyen de soutenir le pion e.H
est mauvais, car le fou en d6 empêche d'avancer le pion
d7 et, par suite, arrête le fou c8 et toute l'aile de la dame.
4. e2 — e4 e7 — e5
2. Cgd~f3 Ff8-d6
3. Ff4 ■-C4 Cg8-f()
4. d2 — d4 .....
Les blancs menacent de gagner une figure avec d4 p. eo.
4. Cf6 p. e4
Si les noirs jouaient eo p. d4, les blancs riposteraient
e4 — eo et gagneraient une pièce.
5. d4p. eo Fd6— co
Les noirs dirigent une nouvelle attaque sur le point f2;
mais cette attaque est médiocre, comme le montre la
suite.
6. Dd4--d5
La dame attaque le cavalier e4 et menace de donner le
mat en f7.
^. Fco p. f2 +
7. Rcl — e2 0 — 0
8. Dd5.p. e4
et les blancs ont gagné une pièce.
Défense Dd8~ — f6. Une variante de ce début a été
proposée à titre d'exemple.
4 . e2 — e4 e7 — eo
2. Cg4-f4 Dd8-f6
3. Ff4— c4 Ff8 — c5
^' c2 — c3 Cb8 — c6
o. d2 — d4 eo p. d4
6. e4 — e5 Df6 — g6
^ A Cc6 p. e5, les blancs riposteraient Dd4'— e2, puis
c3 p. d4.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV^
7. c3 p. d4 Dg6 p. g2
8. Th4 - g4 Fc5 — b4 +
9. Cbl-c3 Dg2— h3
40. Fc4 p. f7 +
et les blancs ont le meilleur jeu.
Défense dl — do. Ce coup n'est pas incorrect, mais
il est un peu aventureux. Pourtant, si les deux adver-
saires jouent correctement, il amène à un jeu égal.
4 . e2 — e4 e7 — eo
2. Cg4-f3 d7-d5
3. Cf3p. e5 Dd8 — e7
4. d2 — d4
Contre- gambit dans la partie du cavalier du roi.
Les noirs peuvent riposter f7 — f 5 à Cg4 — f3. Ils offrent
un pion pour former une contre-attaque. Si les blancs
prenaient le pion en jouant e4 p. fo, ils iraient au-devant
des desseins des noirs, comme le montre la variante sui-
vante :
4 . e2 — e4 e7 — eo
2. Co4 — f3 f7 — f5
3. e4p.f5? d7 — d6!
4. d2 — d4 e5 — e4
5. Dd4— e2
Si les blancs jouentCf3 — go, les noirs ripostent Fc8 p. fo.
5 Dd8 — e7
6. Cf3 — go Cg8 - m
Fc8 p. f5 serait suivi de De2 — b5 -f ; et d6 — do, de
De2-h5-l-.
7. g2 — g4 h7— h5
8. Ff4 - h3 h5 p. g4
9. Fh3 p. g4 g7-g6
Si les blancs prennent g6, les noirs enlèvent le fou g4.
Cette position est caractéristique de ce genre de gambits.
40. Cgo — e6 g6p. f5
44. Ce6p. f8 Re8 p. f8
42. Fc4 — g5 .....
Les blancs n'ont pas de moyen de sauver le fou g4.
12 fo p. g4
13. Cb4-c3 De7-f7
Les blancs menaçaient de Cc3 — d5.
'14. Fg5p. f6 Df7p. f6
4o. Cc3 — do Df6 — f7
46. De2 p. e4 Fc8 — f5
et les noirs ont une figure de plus.
Mais, si les blancs, au troisième coup, au lieu de jouer
c4 p. f5, jouent Cf3 p. e5 ou Ffl — c4, ils s'assurent au
contraire le meilleur jeu.
1 . e2 — e4 e7 — e5
2. Cg'l — f3 f7 - f5
3. Cf3 p. eo ! Dd8 — f6
Pour le mieux.
4. d2 — d4 dj — d6
5. Ce5 — c4 fo p. e4
6. Cbl — c3 Fc8— fo
7. g2-g4
En général, il n'est pas bon d'avancer trop tôt les pions
g et h. Il convient pourtant de le faire si, comme ici, on
doit en retirer quelque avantage.
7 Ffo — g6
8. Ffl — g2 c7 — c()
Les noirs veulent, après échange des fous, attaquer
avec d6 — do les deux cavahers, mais le résultat est mau-
vais.
9. Fg2 p. e4 Fg6 p. e4
10. Cc3p. e4 Df6 — e6
11. Ddl— e2 d6 — d5
12. Ce4 — f6 + Re8 — f7
Si le roi allait en e7, les blancs joueraient Cf6 p. g8.
13. Cc4 — eo-f .....
Les blancs sacrifient le cavalier f6 et bientôt après une
autre pièce. On verra pourtant que l'avantage de position
qu'ils en tirent est décisif.
IS
ÉCHECS
— 274
d8 et
13 RH p. m
U, Fcl - g5 + Rf6 p. gS
15. De2-f3
Le coup décisif qui justifie le sacrifice des deux pions.
La dame placée en îo coupe la retraite au roi noir :
lo .... h^ — ho
46*. h2 — h4+ RgS — h6
47 ^4__g5l Rh6 — liï
48. |5-i6+ • RhT-li6
49. i)f3-f4+ . . . . -^i"^^^-
Partie de la défense Philidor. Le coup 2 d7— db
contre 2. Cgi — f3 représente une défense très sure ; elle
conduit toutefois à un jeu un peu lent. Elle a été recom-
mandée par Philidor, d'après lequel elle assure l'avantage
aux noirs ; mais cette opinion paraît excessive.
4. e2 — e4 eT — e5
2. Cgl-f3 d7-d6
3. d2 — d4!
Ceci est, avec Ffl — c4, la meilleure manière pour
les blancs, de continuer l'attaque.
3 f^ -J^ , . .
Ce coup des noirs est très intéressant. C est celui qui
doit, selon Philidor, leur assurer l'avantage ; mais les
théoriciens modernes ne partagent pas son avis, et les coups
Yii — c4 ou eo p. d4 sont généralement préfères.
4. d4 p. e5 j • X
Si les blancs jouaient e4 p. fo, les noirs prendraient
l'avantage. On retomberait, en efi'et, dans une variante
analogue à l'une de celles examinées précédemment (contre-
sambit dans la partie du cavalier du roi).
4. .... . fô P- ^^
5. Cf3--go d6 — d5
A d6 p. e5, les blancs riposteraient Ddl p
Cg5-f7 + . ^
6. eo — eb .
Joli coup qui assure un certain avantage de position aux
blancs, qui menacent maintenant déjouer Cg5— f7.
0 Cg8— hb
(3 . Ff8 1- c5 est joué dans une partie donnée plus bas.
7. Cbl-c3 ....
\u mieux. Les blancs pourraient encore jouer Cg5 p. hi
dans l'intention, si la tour prend, de donner échec avec la
dame en ho ; mais les noirs, au lieu de prendre le cavalier,
joueraient Fc8 p. e6 et s'assureraient un jeu égal.
*" 7 c7 — c6
8. Cgo p. e4
Ce sacrifice assure aux blancs une forte attaque.
8 d5 p. e4
9*. Ddl— h3+ g7 — g6
10. Dho-e5 Th8--g8
Fcl — gS Ff8 — g7
e6-e7! Dd8 - d7
Deo _ f4 ! Dd7 — f5
Feo — h6 Fc8 — e6
0 — 0 — 0 Df5 — f4+,etc.
et la partie des blancs est un peu meilleiire.
Au lieu de jouer au troisième coup \i — to, les noirs
peuvent poursuivre par eo p. d4.
4. e2 — e4 e7 — e5
2. Cgi— f3 d7 — d6
3. d2 — d4 e5 p. d4
4. Ddl p. d4 Fc8 — d7
o. Fcl — e3 Cg8 — f6
A Q38— c6, les blancs ripostent 6. Dd4 — d2 et a
7 Ce8— f6 Ffl — d3 et les jeux s'égalisent rapidement.
6. ' Cbl - c3 Ff8 — e7
7. Ffl — c4 Cb8 — c6
8. Dd4 — d2 Cc6 — eo
9. Cf3 p. e5 d6 p. e5
10. 0-0 0-0
et les jeux sont égaux. _ ,n j/
Les blancs, au lieu de jouer au troisième coup d2 — d4,
peuvent jouer Ffl — c4.
1.
e2 — e4
2.
Cgi — f3
3.
Ffl— c4
4.
d2 — d4
5.
Cf3p. d4
6.
Cbl - c3
7.
0-0
Jeux égaux.
Barnes
Blancs
1.
e2 — e4
2.
Cgl-f3
3.
d2 - d4
4.
d4 p. e5
5.
Cf3-go
6.
eo — eb
7.
Cgo-f7
8.
Fcl — e3
9.
Fe3 — g5
10.
Cf7 p. h8
11.
Ffl — c4
12.
Ch8 — f7
13.
Thl — fl
14.
f 2 - f 3
11.
12.
13.
14.
15.
e7— e5
d7 — d6
Ff8— e7
e5 p. d4
Cg8 — f6
0-0
Paul Morphy
Noirs
e7 — eo
d7 — d6
f7-f5
f5 p. e4
d6-d5
Ff8 — c5
Dd8 — m
d5 — d4
Df6 — f5
Df5p. g5
Cb8 — c6
Dg5 p. g2
Cg8 - m
Faute grave, dont les noirs tirent parti d'une manière
très brillante.
14 Cc6 — b4
15. Cbl— a3 Fc8p. e6
Début d'une combinaison décisive.
Fig. 4. _ Position de la partie après le 15« coup des blancs.
K). Fc4p. e6 Cb4 — d3 +
17. Ddl p. d3
c2 p. d3 serait suivi du mat en deux coups.
17 e4 p. d3
18^ ô— 0 — 0 Fc5p. a3
19. Fe6— b3
La dame menaçait de donner le mat enc2.
19 d3-d2 +
20. Rcl — bl Fa3 — co
21. Cf7 — e5 Re8 — f8
22. Ce5 — d3 Ta8 — e8
23. Cd3 p. c5 Dg2 p. fl
Les blancs abandonnent.
Partie russe ou partie de la défense Pétroff. Ce
début consiste, au lieu de défendre le pion e5 attaque par
le cavalier f3, à diriger une contre-attaque sur le pion
ennemi e4 en jouant Cg8— f6. Ce coup donne naissance
à un jeu curieux, mais assez dangereux pour les noirs.
— 275 —
ÉCHECS
1 . e2 — e^ e7 — e5
2. Cgi-f3 Cg8-f6
3. Ct'3 p. eo
Le coup le plus simple et le meilleur, 3 d"2 — d4,
conduit aussi à un jeu éi^al.
3 dT — d6!
4. Ce5 — f3 Cf6p. e4
5. d2 — d4!
Si les blancs jouent 5. Ddl — e2, les noirs répondent
par Dd8 — e7 et après 6. d2 — d3, Ce4 — f6, les jeux
seraient é^aux.
5 d6— d5
6. Ffl— d3 Ce4 — f6
Les noirs peuvent jouer également bien Ce4 — d6 ou
Cb8 — c6 ou Ff8 — d6 ou mieux e7.
7. 0-0 Ff8 — e7
8. e2 — c4 d5 p. c4
9. Fd3p. c4 0—0
iO. Cbl — c3 c7 — c6
44. Dd4— b3 Cb8 — d7
42. Fc4 — e3 Cd7 — b6
Jeux égaux.
Supposons que les noirs au troisième coup aient joué
Cf6p. e4 au lieu de d7 — d6, les blancs auraient pris
l'avantage par :
4. Dd4— e2 DdS — e7
Au mieux, car les noirs ne peuvent pas retirer le cava-
lier sans perdre la dame. Ce coup laisse bien le cavalier e4
sans protection, mais les blancs ne pourront pas conserver
leur cavalier.
o. De2 p. e4 d7 — d6
6. d2 — d4 n— f6
7. f2-f4 Cb8 — d7
8. Cb4 — c3
Ce coup donne l'avantage aux blancs. La dame e4 est
maintenant gardée, et les noirs sont forcés de prendre de
suite le cavalier e5.
8 d6p. e5
f6 p. e5 serait peut-être meilleur.
9. Cc3 — d5 De7— d6
40. d4p. e5 f6p.e5
44. f4p.eo Dd6— c6
Les noirs n'ont pas d'autre coup pour soutenir le pion c7,
car, si la dame prend e5, les blancs échangent les dames et
jouent Cdo p. c7 -f , mais, si le cavalier prend eo, les blancs
jouent Fc4 — f4.
42. Ff4— b5
et a l'avantage.
Partie des deux cavaliers. La meilleure riposte que
les noirs puissent faire au second coup des blancs Cg4 — f3
est Gb8 — c6. Les blancs continuant par Ff4 — c4, la
riposte classique des noirs est Ff8 — c5. Toutefois, Cg8 —
f6 est une riposte très intéressante et que nous allons
examiner d'abord. La partie ainsi engagée se nomme partie
des deux cavaliers.
4. e2 — e4 e7 — e5
2. Cg4 — f3 Cb8 — c6
3. Ft'4 — c4 Cg8 — m
4. Cf3 - g5 ,,..,
4 Cf6 p. e4 donne l'avantage aux noirs par
d7 — d5 si les blancs prennent le cavalier, ou par Dd8
— h4, si les blancs cherchent à prendre la tour par 4. Cg5
— 17 ; mais les blancs ripostent 4. Fc4 — f 7 -]- et ont le
meilleur jeu.
4 d7 — do
5. e4 p. d5 Cf6 p. do
6. Cgo p. f7
Très joli gambit qui assure aux blancs une attaque très
forte et réputée décisive jusqu'à ces derniers temps.
Quelques théoriciens inclinent aujourd'hui à penser que les
noirs peuvent se défendre dans toutes les variantes. Il
n'en est pas moins certain que dans la pratique leur jeu
est très difficile.
6 Re8 p. f7
6. Dd4 — Ki Rf7 — e6
Il faut que le roi se rende sur cette case, s'il veut con-
server la figure gagnée.
8. Cb4 — c3 _
Les blancs attaquent d'une troisième manière le cavalier
d5.
8 Cc6 — b4
9. Df3 — e4 c7 — c6
40. a2 — a3 Cb4 - a6
44. d2 — d4 Dd8 — d6
42. Fc4 — f4 b7 — b5
43. Ff4p.e5 Dd6 — d7
44. Fe5p. g7+ Re6 — f 7
45. Fg7 p. h8 b5 p. c4
46. De4p. h7-f Rf7 — e8
47. Dh7p. d7-f Fc8p. d7
48. Cc3 p. do c6 p. d5
49. Fh8 — e5, etc.
Si les noirs jouaient au onzième coup DdS — f6, les
blancs riposteraient 42. Cc6 p. d5, c6 p. d5 ; 43. De4
p. d5 +, Re6 — e7; 44. d4 p. eo et gagne. En effet,
si les noirs jouent 44 Df6 — c6, les blancs répon-
dent 45. Fcl — g5 +, Re7 — e8; 46. Ddo — f 7 -f
et mat si les noirs jouent 44 Df6 — g6, les blancs
répondent 45. Fc4 — g5 + , Dg6 p. go ; 46. Dd5 — f7 4-
Re7 — d8; 47. Ta4 — d4 +, Fc8 — d7; 48. Df7 p.
d7 + mat.
Si les noirs jouent 44 Df6 — e6, les blancs répon-
dent 45. Fc4 — g5 +, Re7 — f7; 46. Dd5 — m •+-
et gagnent.
On voit à quels dangers s'exposent les noirs en permet-
tant aux blancs de prendre le pion f6 en sacrifiant leur
cavalier. Ils échappent à ces dangers en jouant au cinquième
coup Cc6 — a5.
4. e2 — e4 e7 — eo
2. Cg4 - f3 Cb8 — c6
3. Ffl - c4 Cg8 - f6
4. Cf3-j5 d7-do
5. e4 p. do Cc6 — a5
6. d2 — d3
Ce coup est meilleur que Fc4 — b5 -f •
6 Ff8 - c5
7. 0 —0 0 — 0
8. c2 - c3 h7 - h6
et les jeux s'égalisent.
Partie italienne ou guioco piano. Le guioco piano est
le début classique par excellence. Il est caractérisé par les
coups :
4 . e2 — e4 e7 — e5
2. Cg4 - f3 Cb8 - c6
3. Ffl — c4 Ff8 — c5
Les blancs et les noirs ont des jeux également bien déve-
loppés. Les blancs peuvent maintenant poursuivre par
c2 — c3, par 0 — 0 — 0 ou d2 — d3. Nous examinerons
plus loin le coup b2 — b4 caractéristique du gambit Evans,
une des plus belles ouvertures du jeu des échecs.
Premier jeu :
4. c2 — c3
Les blancs préparent ainsi le coup d2 — d4 qui leur
assurera un centre, c.-à-d. deux pions au milieu du jeu.
Ils pourraient également roquer en ce moment.
4 Cg8 — f6 !
d7 — d6 ou Dd8 — e7 ou Fc5 — b6 amèneraient éga-
lement à des jeux égaux.
0. d2— d4
d2 — d3 est un coup très sûr, mais moins énergique.
o. ..... e5 p. d4
6. e4 — eo d7 — do
Si les noirs jouaient Cf6 — e4, les bancs prendraient le
cavalier avec Fc4 — d5,
7. Fc4 — b5
Les blancs auraient tort de prendre le cavalier f6.
ECHECS
— 276 —
7 Cf6 — e4
8. c3 p. d4 ^ Fc5 — b6
9. Cbl — c3 et les jeux sont égaux.
Variante : Supposons que les blancs aient joué au
sixième coup non pas e4 — e5, mais c3 p. d4.
6. c3 p. d4 Fc5 — b4 +
7. Fcl — d2 Cf6 p. e4
Fb4 p. d2 serait suivi de Cbi p.d'2 et égaliserait les jeux.
8. Fd2 p. b4 Cc6 p. b4
9. Fc4 p. f7 + Re8 p. f7
10. Ddl - b3 + d7 - d5
11. Db3 p. b4 et les jeux se valent.
Deuxième jeu :
4. 0 — 0 ^ ^ Cg8 — f6
Les noirs peuvent riposter également d7 — d6.
5. d2 — d4 Fco p. d4
6. Cf3 p. d4 Cc6 p, d4
7. f2 — f4 d7 — d6
8. f4 p. e5 d6 p. e5
9. Fcl— g5 Fc8 — e6!
10. Fg5 p. Î6 g7 p. m
11. Fc4 p. e6 Cd4 p. e6
12. Cbl— c3 c7 — c6
13. Ddl p. d8 -f Ta8 p. d8
14. Tfl p. f6
Les jeux se valent.
Troisième jeu :
4. d2 — d3 d7 — d6
5. Fcl — e3
0. Cf3 — g5 serait une attaque prématurée.
5 FcS — b6
6. Cbl — c3 Cg8 — f6
7. h2 — h3 h7— h6
8. 0 — 0 0—0
S. LOYD
Blancs
1. e2 — e4
2. Cgi— f3
3. Ffl — c4
4. d2 — d3
o. Fcl — e3
6. Cbl — c3
7. h2 — h3
8. Fc4 — b3
9. a2 p. b3
10. Cc3 — b5
Les blancs forcent les noirs à l'échange de fous.
10 Fb6 p. e3
11. f2 p. e3 c7 — c6
12. Cb5— c3 Dd8— c7
13. g2— g4 a7 -a6
14. d3 — d4 0 — 0 — 0
15. d4 — d5 .....
En général, il n'est pas bon de laisser en arrière un pion
doublé.
15 Fe6 — d7
16. g4-g5 Cf6 — e8
17. Cf3 — d2 c6— c5
18. Cd2 — c4 li7 — h6
Une faute dont les blancs tirent habilement parti.
19. Ddl— h5 Th8— f8
20. g5 p. h6 ^ Tf8 — h8
Cette manœuvre aggrave la situa :;on des noirs ; il valait
mieux sacrifier un pion.
21. h6p. g7 Th8p. ho
22. g7 — g8 D Th5 p. h3
23. Thl p. h3 Fd7 p. h3
24. Cc3— b5! Dc7— e7
Si les noirs jouaient a6 p. b5, les blancs répondraient
25. Dal — a8 + , Rc8 — d7 ; 26. Dg8 p. f7 + et mat.
25. Dg8— h7 Fh3 — g4
26. Cb5 - a7 + Rc8 — b8
27. Tal p. a6 Ce8 — c7
S. ROSENTHAL
Noirs
e7-
■e5
Cb8-
-c6
Ff8-
-c5
Cg8-
-f6
Fc5-
-h6
d7-
d6
Cc6-
-a5
Cao p. b3
Fc8-
-e6
Les noirs ne peuvent pas prendre la tour, sous peine
de voir leur dame prise par Ca7 -
Ta6 — a5
Dh7-hl
Dhl — fl
Cc4 -b6! .... .
riposte ; les noirs sont obligés de
-c6+.
De7 - f6
Td8 - h8
Fa-4-f3
28.
29.
30.
31.
Excellente
leur dame.
31 Df6— li4 +
32. Rel— d2 Dh4 — g4
33. Dfl p. f3
Très beau coup, digne de l'habile compositeur de pro-
blème.
33 Dg4p. f3
34. Cb6-d7+ Rb8 — a8
35. Ca7 — c6 + Cc7 — a6
36. Cd7 — b6 + et mat.
Gambit Evans. Cette excellente attaque représente une
des plus belles ouvertures connues. Le début est le sui-
vant :
1 . e2 — e4 e7 — e5
2. Cgl-f3 Cb8 — c6
3. Ffl-c4 Ff8-c5
4. b2 — b4
Les blancs sacrifient le pion b4 pour gagner ensuite un
temps avec c2 — c3 et former immédiatement un centre
en poussant d2 — d4. Par suite de l'absence du pion b, le
fou de la dame peut se placer aux cases b2 ou c3, qui sont
excellentes pour l'attaque.
Premier jeu :
4." Fc5 p. b4
Les noirs peuvent refuser le gambit avec Fc5 — b6 ou
d7 — d5 ; ces solutions sont examinées plus loin. S'ils
prennent avec le cavalier, les blancs jouent c2 — c3, le
cavalier retourne en c6, et l'on retombe sur une variante
du jeu adopté ici.
5. c2 — c3 Fb4 — c5
Le fou peut aussi se retirer en a5, e7, d6 et f8.
Le meilleur de ces coups est 5 Fb4 — e7. Nous
l'étudions plus loin. On remarquera que 5 Fb4 —
a5 ; 6. d2 — d4 !,e5 p d4 ; 7. 0 — 0, conduit sitôt que
les noirs ont joué 7 Fc5 — b6 ; 8. c3 p. d4,
d7 — d6 à la même position que le jeu actuel. Si les noirs
jouent, au contraire, 7 d4 p. c3, leur jeu est très
compromis et les blancs se font une attaque puissante
avec 8. Ddl — b3 ! Dd8 — f6 ! 9. e4 — eo, Dr6 — g6 ;
10. Cbl p. c3, Cg8 — e7 ; 11. Cc3 — e2, b7 — b5.
Ce contre-gambit ne peut arrêter l'attaque des blancs.
12. Fc4 — d3! Dg6 — e6; 13, Db3 p. b5, Ta8 — b8;
14. Db5 — a4, et le jeu noir est perdu. En effet, à 14.
0 — 0, les blancs ripostent 15. Fd3 p. h7 -f- , Rg8
— h8 ; 16. Da4 — h4, et à 14 Tb8 — b4 ; 15.
Da4— c2.
6. d2 — d4 e5 p. d4
7. 0-0
Si les blancs jouent ici 7. c3 p. d4, les noirs répondent
7 Fc5 — b6 ; 7. Fco — b4 -f n'est pas à recom-
mander, car les noirs joueraient avec avantage 8. Rel
— fl.
7. d7-d6
Si les noirs jouent 7 d4 p. c3 ? les blancs ré-
pondent 8. Fc4 p. f7 +, Re8 p. f7 ; 9. Ddl — d5 +
puis Dd5 p. c5 ; si 7 d4 — d3 ; 8. Cf3 — g5,
Cg8 — h6 ; 9. Fc4 p. f7 +, Ch6 p. f 7 ; 10. Cg5 p. f7,
Rc8 p. f7 ; 11. Ddl — h5 -f g7 — g6 ; 12. Dh5 — d5
-)-, puis Dd5 p. co.
8. c3 p. d4 Fc5 — b6
Tous les coups donnés jusqu'ici sont réputés les meil-
leurs possibles et la position à laquelle nous sommes arri-
vés est nommée position normale du gambit Evans. La
question se pose maintenant de savoir quelle est la meilleure
manière, pour les blancs, de continuer l'attaque. On admet
que les trois meilleurs coups sont : 9. Cbl — c3 ou 9.
— ^277 —
ÉCHECS
Fcl — b:2 ou 9. d4 — do, et l'on donne généralement la
préférence à ce dernier coup, que La Bourdonnais a recom-
mandé le premier.
Les noirs répondent pour le mieux 9 Cc6 — a5,
et ces trois modes d'attaque conduisent alors avec inter-
version de l'ordre des coups à la même variante principale.
Première variante :
9. d4 — d3! Cc6 — a5!
On ne saurait recommander 9 Cc6 — eo ; 10,
Cf3 p. e5, d6 p. e5 ; M. Fcl — a3, Fb6 - d4 ; [± Cbl
— d"2, Fd4 p. al ; 13. Ddl p. al, f 7 — f6 ; 14. f2 — f4.
Aussi médiocre est : 9 Cc6 — e7 ; 10. e4— eo,
Ce7 — g6 ; 11. e5 — e6, f7 p. e6 ; 12. do p. e6, C^S —
e7 ; 13. Cf3 - g5 0 — 0 ; 14. Cbl — c3.
En ces deux variantes, l'attaque des blancs devient irré-
sistible.
10. Fcl — b2 Cg8 — e7
Au mieux.
11. Fc4 — b3
11. Fb2 p. g7 ? serait plus faible :
11 0—0
12. Cbl— c3 Ce7 -g6
Nécessaire. Sinon, les blancs joueraient 13. e4 — eo et
ouvriraient la diagonale du fou blanc.
13. Cc3 — e2 c7 — c5
Pour interdire au cavalier ennemi la case d7 et prépa-
rer le développement de l'aile de la dame.
14. Ddl— d2 f7— f6
Ce coup est le meilleur à ce moment déjà. Il serait néces-
saire après 15. Ce2l — g3, car les blancs menaceraient 16.
Fb2 p. g7 et à 16 Rg8 p. g7 répondraient 17.
Cg3_h5 -f,Rg7 — hS; 18. Dd2 — h6, Tf8 — g8;19.
Cf3 — go.
^15. Rgl — M
Afin de pouvoir, après 15 Cg6 — e5, f6 p. e5,
continuer l'attaque avec 17. f2 — f4. Si les blancs jouaient
à ce moment 15. Ce2 — g3, et seulement après échange
du cavalier 17. Rgl — hl, les noirs prendraient l'attaque
avec 17 Dd8 — h4.
15 Fb6— c7
16. Tal— cl
Les blancs arrêtent ainsi dans une certaine mesure l'aile
de la dame noire et empêchent en même temps 16
Cg6— e5, car après 17. Fb2 p. e5, le pion d ne doit pas
prendre et après 17 f6 p. e5, 18. Cf3 — g5 et 19.
Cg5 — e6 suivent.
16 Ta8 — b8
Dans cette position, les noirs ont conservé le pion du
gambit; mais les blancs ont une si belle attaque que, dans
une partie réelle, ils ont certainement de grandes chances
de gagner.
Deuxième variante :
9. Cbl — c3 Fc8 — g4
La variante 9 Cc6 — a5, en vogue aujourd'hui,
est examinée dans une des parties données plus loin.
Les blancs peuvent jouer aussi 10. Fc4 — b5, les noirs
échangent alors le fou g4 contre le cavalier f3 ou retirent
le fou en d7. Les blancs obtiennent dans les deux cas une
belle attaque.
10. Ddl— a4 Fg4-d7!
11. Da4 — b3 Cc6 — a5
12. Cc4p. f7+ Re8 — f8
13. Db3 — c2
Les blancs sacrifient une pièce, mais la supériorité de la
position qu'ils obtiennent justifie pleinement ce coup. Ce-
pendant, ils pourraient jouer sans désavantage : Db3 — d5.
13 Rf8 p. f7
14. e4 — e5
Les noirs ont à craindre e5 — e6 -f et Cf3 g5 -f- .
14 h7 — h6
(14 Rf7 - f8 ; 15. Tfl — el ou 14
g7 — g6 ; 15. Cf3 — g5 -|- suivi de e5 — e6).
15. d4-d5 Cg8— f6
Les noirs rendent une figure et les blancs peuvent jouer
e5 p. f6 ou e5 — e6 -|- •
Deuxième jeu : Dans toutes ces variantes, les pions du
centre prennent une position extrêmement forte. Pour
balancer cet avantage, Mac Donnell avait conseillé le coup
5 Fc4 — d6, mais il n'est pas avantageux. Au-
jourd'hui, on regarde la retraite du fou en e7 avec Cc6 — a5,
d7 — d5 et la restitution du pion comme la meilleure défense.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
c2 — c3
d2 - d4
Cf3 p. e5
Ce5 p. c4
e4 p. d5
Cc4 — e3
et les jeux sont égaux.
Anderssen
Blancs
e2— e4
Cgl-f3
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
Ffl — c4
b2 — b4
c2 — c3
d2 — d4
0-0
Fc*) p
. b4
Fb4 -
-e7
Cc6 -
-a5
Ca5 p
. c4
d7-
d5
Dd8p
. d5
Dd5-
- a5 ou d8
DUFRESNE
Noii
s
e7-
e5
Cb8-
-c6
Ff8 -
-c5
Fc5 p
b4
Fb4-
-a5
e5 p.
d4
d4-
d3
Ce coup, bien que meilleur que d4 p. c3, est hasardé ;
d7 — d6 est préférable.
8. Ddl — b3 Dd8 — f6
9. e4 — e5 Df6 — g6
10. Tfl — el Cg8 - e7
A Fa5 — b6, les blancs répondraient Db3 — dl et
menaceraient de prendre la dame noire avec Cf3 — h4.
11. Fcl— a3 b7 — h5
Un contre-gambit pour amener dans le jeu la tour de la dame.
"" '^ "^ '■■ Ta8 — b8
Fa5 - b6
Fc8 — b7
Dg6 — f5
Pour jouer ensuite Cc6 p. e5.
16. Fc4p. d3 Df5 — h5
Les noirs ont manifestement perdu un coup.
17. Ce4 — f6+ gTp. f6
18. e5 p. f6 Th8 — g8
Pour prendre au coup suivant le cavalier f3.
19. Tal - dl
Un piège.
19 Dh5 p. f3
12.
Db3p.
b5
13.
Db5-
- a4
14.
Cbl-
d2
15.
Cd2-
e4
Fig. 5. — Position de la partie après le 19« coup des noirs.
20. Tel p. e7 Cc6 p. e7
Si le roi allait en d8, les blancs joueraient Te7 p.
ECHECS
— 278 —
d7 +, etc. ; si le roi allait en f8, les blancs joueraient
Te7 — e3.
21. Da4p. d7+
Ce coup superbe est la clef de toute la combinaison
précédente.
24 Re8 p. d7
22*. FdS - fo 4- Rd7 — e8
23. Ffo ~ d7 4- Re8 - fS
24. Fa3 p. e7 + et mat.
Cette fin de partie est l'une des plus belles que Ton
connaisse.
TSCIIIGORIN StEINITZ
(Jusqu'au septième coup, comme la première partie.)
7. 0 — 0 Fao — b6
8*. c3 p. d4 d7 — d6
9. Cbi — c3 Cc6 — ao
dO. Fcl-gD f7-f6!
11. Fû5 — f4 Caop. c4
12. Ddl-a4+ Dd8-d7
13. Da4p.c4 Dd7 — f7
14. Cc3 — do g7 — gS
44 Fe6 serait meilleur.
15. Ff4 — g3 Fc8 — e6
16. Dc4 — a4+ Fe6 — d7
17. Da4 — a3 Ta8 — c8
18. Tfl-el gS-g4-
19. Cd5p. b6 a7p.b6
20. Cf3 — d2 Fd7 — e6
21. f2 — f4 g4 p. f3
22. Cd2p.f3 Cg8-e7
23. e4 — e5
Ce coup est décisif.
23 f6 p. eo
24. d4 p. e5 d6 — do
25. Tel - fl Ce7 — 15
26. Cf3 - d4 Df7 - g6
27. Cd4p. f5 Fe6p. f5
28. Fg3 — h4 c7 — c5
29. Tfl — f3 Re8 — d7
30. Tal-fl Th8-f8
31. Tf3-g3 Dg6-h6
32. Fh4 — f6 Ff5 — e6
33. Da3-a7 Kd7-c7
34. Tg3 — b3 Rc7-d7
35. Da7 p. bO Tc8 - c6
36. Db6 p. b7 + Tc6 - c7
37. Db7— b5 4- Tc7 - c6
38. Db5 — b7 + Tc6 — c7
39. Db7 — a6!
Les noirs abandonnent.
Gambit Evans refusé, La difficulté pour les noirs ^ de
défendre leur jeu contre les attaques des blancs fait qu'un
grand nombre de joueurs regardent aujourd'hui comme
prudent de refuser le gambit.
1. e2 — e4 e7 — e5
2. Cgi — f3 Cb8 — c6
3. Ffl — c4 Ff8 — c5
4. b2 — b4 Fc5 — b6
5. 0 — 0
5, 1)4 — b5 serait moins bon ; 5 Cc6 — a5 ;
6. Cf3 p. e5, Dd8 — g5 !
5. . . . . . d7-d6
6. a2 — a4 a7 — a6
7. a4 — a5 Fb6 — a7
8. b4 — b5 a6p. b5
9. Fc4 p. b5 Cg8 — e7
10. d2 — d4 e5 p. d4
Le sambit peut également se refuser par :
4 d7 — d5
5. e4 p. d5 Cc6 p. b4
6. 0 — 0 0)4 p. d5
7. Cf3 p. e5
Noirs
e7 — e5
C^8 — f6
■f6
Partie des quatre cavaliers.
Blancs
1. e2 — e4
2. Cgi— f3
3. Cbl — c3 . . .
Les noirs ripostent pour le mieux :
3 Cg8-
et la partie ainsi engagée se nomme partie des quatre cava-
liers. Les répliques des noirs : 3 Ff8 — c5 ou
3, g7 _ g6 sont moins avantageuses.
Ce début est, on le voit, en contradiction avec la théorie
de Philidor, d'après laquelle les cavaliers ne doivent pas
jouer avant que les pions des fous ne soient avancés. La
partie des quatre cavaliers est devenue très usuelle dans
ces derniers temps.
4. d2 — d4
4. Ffl — c4 est plus faible.
4 Ff8 — b4
5. d4 — d5 Cc6 — e7
6. Ffl — d3 Cf6 p. e4
7. Fd3p. e4 f7 — f5
8. Cf3 p. e5 f5 p. e4
9. 0-0
Meilleur que Ddl — h5.
9 Fb4p. c3
10. b2 p. c3 0 — 0, etc.
Partie anglaise ou partie du pion du fou de la
dame. Le quatrième coup que jouent les blancs dans le
guioco piano, c2 — c3, qui a pour but de préparer la
formation d'un centre, peut très bien se jouer avant que
les fous n'aient quitté leur place.
1 . e2 — e4 e7 — e5
2. Cgi— f3 Cb8-c6
3. c2 — c3
Les noirs peuvent jouer f7 ■— f5, d7 — d5 ou
Cg8 — f6.
Premier jeu :
3 ^^-"^^.
Ce contre-gambit est correct dans cette position :
4. d2— d4
Ce coup est meilleur que e4 p. f5.
4 d7 — d6
5. d4 p. e5 15 p. e4
6. Cg3 — f5 Cc6p. e5
et les jeux sont égaux.
Les noirs peuvent continuer par 6 d6 — d5.
Deuxième jeu :
3 d7-d5
4. Ffl— b5
Les blancs peuvent également jouer Ddl — a4.
4 d5 p. e4
5. Cf3 p. e5 Dd8 - d5
6. Ddl— a4 Cg8— e7
Au mieux.
7. f2 — f4 e4p.f3
8. Ceop. f3 a7— a6
9. Fb5 — c4 Dd5 — e4 +
10. Rel — f2 Fc8-e6
Jeux égaux.
Trosième jeu :
3 Cg8 — f6
4. d2 — d4 Cf6 p. e4
5. d4p. e5 Ff8-c5
Ce coup, très correct dans le cas actuel, ne le serait pas
dans beaucoup de situations analogues à cause de la riposte
Ddl — d5 qui menacerait deux pièces.
6. Ffl — c4 Ce4 p. f2
7. Ddl— d5 Dd8 — e7
8. Thl — fl Cf2 — g4
— 279
ECHECS
Le jeu des noirs est un peu meilleur.
Supposons que les blancs jouent au sixième coup
Ddl--do:
6. Ddl — d5 Fc5 p. fi
7. Rel— e2 H — f5
8. Cbl — d-2 Cc6 — e7
9. Ddo — b3 d7 — do
10. e5 p. d6 Dd8 p. dG
11. Cd2 p. e4 fop. e4
12. Re2 p. f2 e4 p. f3
13. g2p. f3 Fc8-e6
Le jeu noir est meilleur.
Gambii écossais. Ce gambit représente une des bonnes
attaques de la partie du cavalier du roi. 11 tire son nom
d'une suite de parties que le Club des échecs d'Edim-
bourg gagna contre celui de Londres. Voici les coups ca-
ractéristiques de ce début :
1. e2 — e4 e7— e5
2. Cgi - f3 Cb8 - c6
3. d2-d4
Les noirs peuvent prendre le pion d4 soit avec le cava-
lier c6, soit avec le pion e5.
Premier jeu :
3 Cc6p.d4
4. Cf3 p. d4 ^
Ce coup peut être remplacé par 4. Cf3 p. e5 qui
amène : 4 Cd4— e6; 5. Ffl — c4, c7 — c6; 6.
Fc4 p. e6, Dd8 — a5 -f ; 7. Cbl — c3, Dao p. e5 ; 8.
Fe6 - b3, Ff8 — c5 ; 9. 0 — 0. Jeux égaux.
4 e5 p. d4
o. Dd 1 p. d4 Cg8 — e7
A Dd8 — f6, les blancs répondent e4 — eo.
6. Ffl— c4 Ce7 — c6
7. Dd4 — d5 Dd8— f6
8. 0-0 Ff8 — b4
9. c2 — c3 Fb4~a5
Jeux égaux.
Deuxième jeu :
3 e5 p. d4
4. Cf3 p. d4
Ffl — c4 peut aussi se jouer, mais ce coup, très en
faveur autrefois, est un peu délaissé aujourd'hui.
4 Ff8 — c5
5. Cd4p. c6 Dd8 — f6
6. Ddl— f3 Df6p. f3
7. g2 p. f3 b7 p. c6
8. Fcl — f4 d7 — d6
9. Ffl — c4 Fc8 — e6
10. Cbl — d2
Jeux égaux.
Les noirs peuvent encore au quatrième coup jouer :
4 Cg8 — f6
5. Cd4 p. c6 b7 p. c6
6. Ffl — d3 d7 — do
7. Cbl-d2 Ff8-c5
8. h2-h3 0-0
9. 0-0
et les jeux s'égalisent.
Une autre variante intéressante consiste, pour les noirs,
à placer au quatrième coup leur dame en h4.
4 Dd8 — h4
o. Cd4 — b5 Dh4 p. e4 4-
6. Ffl — e2 Re8 — d8
7. 0-0 a7 — a6
8. Cbl — c3 De4 — e8
9. Cb5 — d4
Les noirs ont un pion en plus, les blancs une position
un peu meilleure. Aussi le coup 4 Dd8 — h4 est-il
en général évité dans les tournois, mais joué au contraire
dans les parties par correspondance.
eo p. d4
Troisième jeu :
3
4. Ffl — c4
Les blancs renoncent à prendre le pion d4 et placent
leur fou en c4, où il occupe une position dangereuse pour
les noirs. Ceux-ci ripostent, pour le mieux, Ff8 — co.
Et, si les blancs continuent par c2 — c3, les noirs jouent
d4 — d3 ou Cg8 — f6. Dans les deux cas, les noirs re-
noncent au gain d'un pion qui leur serait assuré par
d4 p. c3 pour empêcher les blancs de développer leur
cavalier Cbl en c3. Le coup 4 Ff8 — b4 est
rejeté avec raison en pratique, car les blancs joueraient
c2 — c3, sacrifiant ainsi un pion de plus, et la défense des
noirs serait extrêmement difficile. Ce coup sera étudié plus
loin :
4 Ff8-c5
5. c2 — c3
Cf3 — go est moins correct. Les noirs répondraient :
5 Cg8— h6.
3 d4 — d3
6. Ddl— b3 Dd8 — f6
7. 0—0 d7— d6
8. Fc4 p. d3 Fco - b()
Jeux égaux.
Quatrième jeu :
3 e5 p. d4
4. Ffl — c4 Ff8 — b4 -f
5. c2 — c3 d4 p. c3
6.0-0 c3 p. b2
Les noirs gagnent un second pion, mais ils s'exposent à
une attaque si forte qu'il est douteux que leur jeu puisse
être défendu avec succès.
7. Fcl p. b2
Le pion g7 peut être défendu par Cg8 — f6 ou f7 — f6
ou Ff4 — f8 ou Re8 — f8. Cette dernière manière est la
meilleure.
7 Re8 — f8
8. e4 — eo Dd8 — e7
9. a2 — a3 Fb4 — c5
10. Cbl— c3 d7— d6
11. Cc3— do De7 — d7
12. Tfl - el d6 p. 05
13. Fb2 p. eo Cc6 p. eo
14. Cf3p. eo Dd7 — d8
lo. Ce5 p. 17
et gagne.
Boston
Blancs
1. e2 — e4
2. Cgi - f3
3. d2 - d4
4. Ffl — c4
5. c2 — c3
6. b2 — b4
7. b4— bo
8. Fc4 p. d3
9. e4 p. do
10. 0-0
11. Ddl-e2
12. Cf3 — el
13. Cbl — a3
14. c3 — c4
lo. De2 — c2
16. Cel— f3
17. h2 — h3
Ce coup permet aux noirs la combinaison suivante, qui
aboutit à un échec perpétuel :
17 Tg4 p. g2 -f
18. Rgl p. g2 Fe6 p. h3 +
19. Rg2 p. h3 Dc5 — h5 +
20. Rh3 - g3 Dh5 — g4 -f
21. Rg3-h2 Dg4-h5 +
et annule par un échec perpétuel.
Philad
ELPHIE
No
irs
e7 -
- eo
Cb8
-c6
eo p
d4
Ff8-
— co
d4-
-d3
Fc5-
-b6
Cc6-
-a5
d7-
-do
Dd8
p. do
Fc8-
-e6
0 —
0-0
Co-8-
-f6
Ta8-
-e8
Ddo -
-c5
Td8-
-d4
Td4-
_g4
ÉCHECS
280
KoLiscn Anderssen
Blancs Noirs
Les quatre premiers coups comme dans la partie précé-
dente.
3. 0 — 0 d7 — d6
6. c2 — c3 Fc8 — g4 !
Cette élégante attaque assure l'avantage aux noirs et
montre que le roc des blancs au cinquième coup, réputé
autrefois très correct, est défectueux .
7. Ddi— b3 Fg4p. f3
8. Fc4 p. fT + Re8 — f8
9. Ff7 p. g8 Th8 p. g8
10. g2 p. f3 g7 — g'")
11. bb3— dl Dd8 — d7
■12. b2-b4 Fco-b6
13. Fcl— b2 d4 — d3
14. Ddi p. d3 Cc6 — e51
13. Dd3 — e2 Dd7 — h3!
16. Cbl— d2 gS-g4
et gagne.
Partie espagnole ou partie de Rui-Lopez. Après
1. e2 — e4, e7 — e5; 2. Cgi — f3, Cb8 — c61es blancs
peuvent jouer 3. Ffl — b3 pour enlever au pion e5 son sou-
tien. Les joueurs italiens duxviii® siècle blâmaient ce coup ;
Philidor, au contraire, soutint qu'il assurait l'avantage aux
blancs : c'est pourquoi il désapprouvait la défense 2 ,
Cb8 — c6 à laquelle il préférait 2 d7 — d6. L'école
moderne pense que le coup 3. Ffl — bo est excellent et
assure aux blancs, sans aucun sacrifice matériel, une attaque
très vive et plus prolongée que toute autre ouverture, mais
que les noirs peuvent se défendre d'une manière suffisante
par 3 , Cg8 — f6, et sans doute aussi par 3
a7 — a6. x\ussi cette ouverture est-elle aujourd'hui en
très grande faveur. La partie italienne au contraire est un
peu moins à la mode qu'il y a une cinquantaine d'années.
La partie ainsi engagée prend le nom de partie espagnole,
ou de partie Rui-Lopez, du nom du joueur qui recommanda
le coup Ffl — bo.
Premier jeu :
1. e2 — e4 e7 — e5
2. Cgi — f3 Cb8 - c6
3. Ffl - b5 Cg8 — m
Le coup du cavalier est la meilleure défense des noirs
avec a7 — a6. Les coups Ff8 — cd, Dd8 — fO, Cg8 — e7,
Cc6 — d4 sont moins recommandables.
Première variante :
4. 0-0
Coup classique. d2 — d3, Ddi — e2, d2 — d4 peuvent
également bien se jouer.
4 Cf6 p. e4
Ceci est la meilleure réponse des noirs. 4 Ff8 — e7
serait moins bon, car les blancs auraient un jeu mieux
dégagé après 3. Cbl — c3, d7 — d6 ; 6. Fb3p. c6 +,
b7 p. c6.
3. d2 — d4
(3. Tfl — ei serait aussi correct. On arriverait rapi-
dement à un jeu égal par 5. Tfl — el, Ce4 — d6;
6. Cf3 p. e3, Ff8 — e7; 7. Fb3 — a4, Cc6 p. e3 ;
8. Tel p. e3, 0 — 0, etc.)
3 Ff8 - e7
Les noirs ne peuvent pas prendre le second pion, car
après 5 Cc6 p. d4 ; 6. Cf3 p. d4, e3 p. d4; 7. Tfl — el
ils perdraient une pièce ; et après 3 e3 p. d4; 6. Tfl
— el, f7 — fo! [6 d7 — d3; 7. Cf3 p. d4, Fc8
— d7 ; 8. Fb3 p. c6, b7 p, c6 ; 9. f2 — f3] ; 7. Cf3 p. d4,
Cc6 p. d4 [7 Ff8 — c3 ; 8. Fb3 p. c6, d7 p. c6 :
9. Tel p.e4 +,f3 p. e4; 10. Ddi — ho +, g7— gB;
il. Dh3 p. c3]; 8. Ddi p. d4, Ff8 — e7; 9. Dd4p. g7,
Fe7 — f6; 10 Dg7 - h6.
Après le coup Ff8 — e7 les blancs peuvent poursuivre
par: 6. d4 — d3; 6. Tfl — el, etc.
6. d4 - do
(6. Ddi — e2, Ce4 — d6; 7. Fb3 p. c6, b7 p. c6;
8. d4 p. eo, Cd6 — fo, etc.)
6 Ce4 — d6
7. Fbo — a4
(7. d3 p. c6, Cd6 p. b3; 8. c6 p. b7, Fc8 p. b7 ;
9. Cf3 p. e3, etc.)
7. .^. . . . e3 — e4
8. d5 p. c6 e4 p. f3
9. c6 p. d7 + Fc8 p. d7
10. Fa4 p. d7 -f Dd8 p. d7
11. Ddlp. f3
Jeux égaux.
B
6. Tfl - el Ce4 - d6
(6 d7 — d3 serait aventuré.)
7. Fb3 p. c6 d7 p. c6
8. d4 p. e5
(8. Cf3 p. eo ou 8. Tel p. e3 serait suivi de 8
0 - 0.)
8 Cd6 — c4
9. Ddi — e2 Fc8 — e6
10. Tel — dl Dd8 - c8
11. b2-b3 Cc4-b6
12. c2 — c4 0 — 0
13. Cbl-c3 f 7 - fo
14. Fcl — f4 Dc8 — e8
Jeux égaux.
Deuxième variante : Au lieu de 4. 0 — 0 les blancs peu-
vent jouer 4. d2 — d3.
4. d2 — d3 d7 - d6
4 Ff8 — c3; 3. c2 — c3 est également correct
si les noirs jouent 3 0 — 0; s'ils jouaient 3
Dd8 — e7 leur jeu se présenterait moins bien, à cause de :
6. d3 — d4, eop.d4; 7. 0 - 0, Cf6 p. e4;8. c3p. d4,
Fc3-b6;9.Cbl-c3, Ce4 p. c3; 10. 1)2 p. c3,0 — 0;
11. Tfl — el, De7 — d8 [11 De7 — d6; 12. a2
— a4oull De7 — f6; 12Fcl — g3] ;12.d4— d3,
Cc6 — a3; 13. d3 - d6, c7 p. d6 ; 14. Ddi — d3,
Dd8 — f6; 13. Fcl — g3, Df6 p. c3; 16. Tal — cl,
Dc3 — 1)2; 17. Tel — e2, Db2 — a3; 18. Fb3 — d3,
h7 - h6; 19. Fd3 - g6, h6 p. g3; 20. Tel - el,
Da3 — c5; 21. Ddo p. f7 -|- et mat en deux coups:
3. Fb3 p. c6 -f b"^ P- c6
6. h2 — h3
nécessaire, car la supériorité du jeu blanc consiste en ce
que les noirs ne peuvent pas placer favorablement leurs
fous.
6 Ff8 — e7
7. Cbl-c3 0-0
8. 0 — 0 c6 — c3
9. Cf3 — h2 Fc8 - b7
10. Ddi — e2 Cf6 — d7
11. f2 - f4
Le jeu blanc est mieux dégagé.
Troisième variante :
4. d2 — d4
Les noirs ont trois ripostes, dont les deux premières
leur assurent un jeu égal ; la troisième les conduit à une
position inférieure, mais avec l'avantage d'un pion.
A
5 Cf6 p. e4
Les blancs peuvent jouer 0 — 0 ou d4 — d3, ce qui les
ramène à des variantes examinées plus haut ; ou bien con-
tinuer par :
o. d4 p. e3 Ff8 — e7
6. 0-0 0-0
Jeux é^aux.
— 281 —
ÉCHECS
B
4 e5 p. d4
5. e4 — e5
(5. 0 — 0, Ff8 — e7; mais 5 , Cf6p. e4 serait
mauvais, à cause deTfl — el.)
5 Cf6 — e4
6* 6-0 Ff8-e7
7. Cf3 p. d4 Cc6 p. d4
(7 Cc6p. e5; 8. Tfl -el.)
8. Ddl p. d4 Ce4 — c5
Jeu égal.
"^ C
4 Cc6 p. d4
s! Cf3 p. d4 e5 p. d4
6. e4 — e5 c7 — c6
7.0 — 0 c6 p. b5
8. Fcl — go Ffô — e7
9. e5 p. f6 Fe7 p. f6
10. Tfl - el + Re8 - f8
11. Fg5p. f6 Dd8p. f6
12. Ddl — e2 g7 — g6
Deuxième jeu :
3 a7 — a6
Ce coup n'est pas tout à fait aussi bon que Cg8 — f6,
mais il conduit dans un grand nombre de variantes aux
mêmes positions.
4. Fb5 — a4
(Les blancs peuvent également jouer 4. Fb5 p. c6. Cet
échange du fou contre le cavalier est regardé aujourd'hui
par beaucoup de joueurs comme la meilleure riposte ; on
en trouvera un exemple dans une partie donnée plus loin.)
4 Cg8-f6
(4 Ff8 — c5 sera examiné plus loin; 4
b7 — bo compromettrait la position des pions noirs.) Les
blancs ont trois manières principales de continuer le jeu.
Première variante :
5. 0-0 Cf6p. e4
6. d2 — d4 b7 — bo
7. Fa4— b?> d7— d5
8. d4 p. e5 Cc6— e7
9. Fcl - e3 Fc8 — b7
10. Cbl — d2 Ce4 p. d2
11. Ddlp.d2 Ce7 — g6
12. c2 — c3 Ff8 — e7
Deuxième variante :
5. d2 - d3 d7 - d6
C'est la meilleure riposte des noirs 5 Ff8 — co;
6. c2 — c3 donne aux blancs soit un centre solide, soit le
gain d'un pion.
6. Fa4 p. c6 + b7. p. c6
7. h2 — h3 g7 — g6
8. Cbl - c3 Ff8 - g7
9. Fcl — e3 0 — 0
10. Ddl — d2 d6 — d5
Les noirs peuvent jouer également : 1 0 Rg8 — h8 ;
11. Fe3 — h6, etc.
11. Fe3 — h6
Les blancs font bien de prendre sitôt possible le fou g7.
Celui-ci, en effet, non seulement empêche toute attaque sur
l'aile du roi et sur le centre, mais menace de se transfor-
mer en une pièce d'attaque dangereuse.
il Dd8 — d6
12. Fh*6 p. g7 Rg8 p. g7 .
13. 0- 0 .....
Le roc avec la tour de la dame serait dangereux en
présence de la position des pièces noires.
Troisième jeu :
3. Cg8 — e7
La plus ancienne riposte au Lopez. Elle est médiocre,
car elle permet aux blancs de prendre une grande avance
dans le développement.
4. d2 — d4
Ceci est la meilleure manière dont les blancs puissent
tirer parti du coup faible que viennent de jouer les noirs.
4, 0 — 0 permettrait aux noirs d'obtenir un jeu égal
après 4 g7 — g6 suivi de Ff8 — g7 et 0 — 0.
4 e5 p. d4
Les noirs sont obligés de prendre, car ils ne peuvent pas
couvrir. 4 Cc6 p. d4 conduit à la même position
avec interversion des coups.
5. Cf3 p. d4
Meilleur que de roquer. Dans cette position, le jeu noir
offre deux désavantages : d'une part, le foit du roi est en-
fermé; d'autre part, l'aile de la dame est mal développée.
Quatrième jeu :
3 Ff8 - c5
4. c2 — c3
4. 0 — 0 est également bon. Les noirs peuvent jouer
maintenant Cg8 — f6, ou a7 — a6, ou f7 — f5 , ou
Cg8 — e7, mais aucune de ces variantes n'égalise les jeux ;
aucune en effet n'empêche les blancs de former un centre.
4 C|8-f6
5. 0 — 0 Cf6 p. e4
(Si les noirs jouent 5 0 — 0, les blancs for-
ment un centre puissant avec 6. d2 — d4, e5 p. d4;
7. c3 p,
e4 — eo.'
d4, Fc5 — b6 ;
6. Ddl — e2
7. Cf3 p. e5
8. Fbo p. c6
7. d2 — d4
Le jeu des blancs est meilleur.
Cinquième jeu :
3
Cette défense est faible.
4. d2 — d4
(4 Fc8 d7 serait
5. Cf3p. d4
6. 0-0
7. Cbl— c3
8. f2 — f4
Avec le meilleur jeu.
SCHALLOPP
1. e2 — e4
2. Cgi — f3
Ffl — b5
Fbo p. c6
Cbl — c3
h2 — h3
Ddl p. f3
Cc3 -- e2
Df3 — b3
0 — 0
f 2 - f 4
Tfl p. f4
Db3 — c3
d2 — d4
Dc3 — d3
Tf4 — f3
Fcl — f4
Ff4 — h2
c2— c3
h3 p. g4
Tf3 - g3
Dd3 — 'f3
Tg3 — h3
Tal — fl
Df3 - g3
Ce4 — d6
0-0
d7 p. c6
Fco— b6
d7 — d6
e5 p. d4
suivi de 5. c2 — c3.)
Cg8-e7
Fc8 — d7
Ce7 — g6
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
16.
17.
18.
19.
20.
21.
22.
23.
24.
25.
Afin de répondre à T -
25
26. Dg3 — f2
27. Th3 — f3
28. Ce2 — g3
c8, 26.
GUNSBERG
e7 — e5
CbS — c6
a7 — a6
d7 p. c6
Fc8 — g4
Fg4 p. f3
Cg8 — e7
Dd8 — d6
b7 — b6
g7-g6
e5 p. 14
Dd6 — e6
Th8 — g8
Ff8 — g7
a6 — ao
De6 — d7
g6 — gS
Ta8-d8
g5 — g4
Dd7 p. g4
Dg4 - d7
Ce7 — g6
Tg8 - h8
Re8 — f8
T-*h5,* *
Dd7 — d6
Dd6 — e7
Td8 — d7
Rf8 — g8
ECHECS
— 282
29. Cg3 — f5
30. b2 — b3
34. Fh2 — e5
32. d5T). e5
33. Cf3 - d4
34. Tf3 p. fT
33. g2 — g3
36. Tf7 p. d7
37. Dt"2 — Ï6
Bel — e6
Fg7 — f8
Cg6 p. eo
FfS - c3
De6 p. eo
Fco — d6
De5 — eS
De8 p. d7
h7-h6
37 D — e7 serait suivi de 38. D — f 4
38. Df6 — g6 + Dd7 — g7
39. Dg6 — e6 -f Rg8 — h7
40. Tf I — f7
Les noirs abandonnent.
II. Parties du fou. — Nous avons examiné les débuts
dans lesquels les blancs après 4 . e2 — e4 e7 — e5 con-
tinuent par 2. Cgi — f3. Ils peuvent, au lieu de déplacer
le cavalier, jouer le fou 2. Ffl — c4. Ce coup est très sûr,
mais il donne lieu à une attaque moins vive que Cgi — f3 .
Les anciens auteurs et notamment Philidor regardaient
cette ouverture comme la plus belle de toutes. Les noirs
peuvent riposter par Cg8 — f6, ou Ff8 — c5, ou c7 — c6,
ou f7 — f5. Les deux premiers coups sont les meilleurs.
d . e2 — e4 e7 — eo
2. Ffl — c4
Premier jeu :
2 Cg8 — f6
C'est la défense la plus forte. Les blancs peuvent répon-
dre Cgi — f3, d2 — d4, f2 — f4, d2 — d3, Cbl — c3.
Ces diverses variantes sont examinées en A, B, C, D, E.
A
3. Cgi — f3 Cf6 p. e4
4. d2 — d3 _ Ce4 — f6
Ce4 — d6 serait suivi de 5, Cf3 p. eo, Cd6 p. c4 ;
6. d3 p. c5 avec jeu égal.
5. Cf3 p. e5 d7 — do
6. Fc4 — b3 Ff8 — d6
7. d3 — d4 0 — 0
8.0 — 0 c7 — c3
9. c2 — c3 Cb8 — c6
Les jeux sont égaux.
B (Gambit de Ponziani)
3. d2 — d4 e5 p. d4
Au mieux. Cf6 p. e4 serait suivi de 4. d4 p. e5,
Ff8 — c5; o. Fc4p.J7 +.
4 . e4 — eo
Fcl — g3 serait suivi de Ff8 — e7 ; et Cgi — f3 de
4 Cf6 p. e4 ; 5. Ddl p. d4, Ce4 - c5 ; 6.Cf3 — eo,
Cc5 — e6; 7.0 — 0, Ff8 — c5
4 d7 — d5
5. Fc4 — b5 +
e5 p. f6 amènerait 5 d5p.c4; 6.f6p.g7,Ff8p.g7,
Ff8 p. g7.
o Fc8 — d7
6. Fd5 p. b7 + Cf6 p. d7
7. Ddl p. d4 Cb8 — c6
8. Dd4 p. d3 Cd7 p. e5
9. Dd5 p. d8 + Ta8 p. e8
C
3. f2-f4 d7~do
4. f4 p. e5
e4 p. d5 serait suivi de e5 — e4.
5. Ddl — f3 Dd8 — h4 +
6. g2 - g3 Ce4 p. g3
7. h2 p. g3 Dh4 p. c4
8. Cbl— c3 Fc8-e6
9. d2 - d3 Dc4 — c6
10. Fcl — go do — d4
11. Df3p. c6+ • Cb8p. a6
D
3. d2 - d3 Ff8 — c5
4. Cgi — f3
4. f 2 — f4 amènerait rapidement à un jeu égal.
4 d7 — d6
5. c2 — c3 0-0
6. a2 — a4 a7 — ao
7. 0 — 0, etc.
E
3. Cbl — c3 Cf6 p. e4
Ff8 — co mène à un jeu éaal avec 4. Csl — f3,
d7 - d6.
4. Fc4 p. f7 + Re8 p. f7
5. Cc3 p. e4 Cb8 - c6
6. Ddl-f3 Rf7-e8
Jeux égaux.
Deuxième jeu :
2 Ff8-c5
Défense très sûre. Les noirs ont alors diverses ripostes
telles que Cgi — f3, Ddl — e2, b2 — b4 ou c2-c3.
A
3. Cgi - f3
Au mieux. La partie prend le caractère d'une partie de
cavalier.
3 d7 — d6
4. c2 — c3
Au mieux. Ce coup est préférable aux autres tels que :
4. d2 - d3 ou 4. d2 — d4.
Dd8 — e7
Cg8 — f 6
Fc5 — b6
5. 0-0
6. d2 — d4
Jeux égaux.
B (Gambit de Lopez)
3. Ddl~e2
3. Ddl — g4, 3. Ddl — f3 représentent des attaques
prématurées auxquelles les noirs répondent suffisamment
avec Dd8-f6, A Ddl — h5 les noirs répondraient Dd8 —
e7 ; d2 — d4 ne serait pas plus avantageux pour les blancs;
pas plus que f2 — f4. Les noirs répondraient ainsi : 3f2
— f4, Fco p. gl ; 4. Thl p. gl, Dd8 — h4 + ; 5. g2 —
g3, Dh4 p. h2 ; 6. Tgl — H, Dh2 p. g3 + et a l'avan-
tage.
3 Dd8 — e7
4. f2-f4 Cg8-f6
5. Cgl-f3 d7-d6
6. Cbl— c3 c7— c6
7. d2 — d3 Fc8— g4
Jeux égaux.
C
3. b2— b4
Ce coup conduit également à égaliser les jeux.
3 Fc5 p. b4
4. f2-f4
Un double gambit.
4 d7 — do
Au mieux. 4 eo p. f4 donnerait aux blancs une
forte attaque.
3. e4 p. d3 eo — e4
6. Cgl-e2 Cg8 — f6,etc.
Attaque classique dans la partie du fou. Cette va-
riante est l'une des parties favorites de Philidor.
3. c2— c3
Afin de jouer plus tard d2 — d4. Les noirs peuvent ri-
poster Cg8 — f6, Cb8 — c6, Dd8 — e7, Dd8 — g3, d7 —
d3. Voici quelques-unes de ces sous-variantes :
3.
•
. .
Cg8-
-m
4.
d2-
■d4
e3 p
d4
5.
e4-
-e3
d7-
d3
6.
e3 p. Î6
5 peuvent jouer ég
Les blancs
îlement Fc4 -
-b3.
6.
. . .
d3p.
c4
283 -«
ÉCHECS
7. Ddl-h5 0-0
8. Dh5 p. c5
Meilleur que Dh5 p. g5.
8. Tf8-e8
9. Cgi— e2
9 Rel — fl est suivi de d4 p. c3 et plus tard de Dd8
-d3 + .
9 d4 — d3
lo! Foi— e3 d3p. e2
11. Cbl — d2 Cb8 — a6
12. Dc5 p. c4 Dd8 p. f6
13. Dc4 p. e2
Jeux égaux.
b (Partie du fou à l'italienne)
3 Dd8 — g5
4. Ddi — f3 .....
Si le roi joue Rel — fl, la dame adverse, pour éviter
d2 — d4, se retire en e7 ; et après 5. d2 — d4, FcS —
b6 ; 6. Cgi — f3, d7 — d6, les jeux sont égaux.
4 Dg5-g6
Au mieux.
5. Cgi — el d7 — d6
6. d2 — d4 Fc5 — b6
7. d4 p. e5 d6 p. e5
8. Ce2-g3 Cg8-f6
9. h2-h3 0-0
Jeux égaux.
c (Contre-gambit de Lewis)
3 d7 — d5
Les noirs sacrifient le pion pour obtenir une contre-at-
taque. d7 — d6, au contraire, serait faible, car les blancs
formeraient un centre.
4. Fc4 p. do
Au mieux. 4, e4 p. d5 donnerait l'avantage aux noirs
après 4 Fco p. f2 et 5. Dh8 — h4 +.
4 Cg8-f6
5. Ddl— f3
Au mieux. Les blancs peuvent encore jouer sans désa-
vantage : 5. Fdo — b3, Cf6 p. e4 ; 6. Ddl — e2, Ce4 p.
H: 7. De2p. e5+-,Dd8-e7; 8, De5 p. e7 +, Re8p,
e7 ; 9. d2- d4, Fc5 p. d4 ; 10. c3p. d4. Cf2 p. hl et
les jeux sont égaux.
5. .... . 0 — 0
Cf6 p. d5 ferait gagner aux blancs un pion.
6. d2 — d4
Fd5 — c4 peut aussi se jouer sans inconvénient.
6 e5 p. d4
7. Fcl — g5 d4 p. c3
8. Fg5 p. f6
et les jeux s'égalisent.
Troisième jeu :
2 c7 — c6
Ce coup est plus faible que Cg8 — f6 ou Ff8 — eo. Il
dénote l'intention, de la part des noirs, de^ s'emparer
du centre, mais cette manœuvre ne saurait réussir. Les
blancs répondent au mieux par Ddl — e2.
Quatrième jeu :
2 f7 - f5
Les noirs se défendent au moyen d'un gambit. Le coup
n'est pas absolument correct ; mais les blancs doivent jouer
très prudemment s'ils ne veulent par voir l'attaque passer
à leurs adversaires. Les blancs répondent au mieux d2 — d3
ou Cgi — f3. d2 — d4 ou c2 — c3 mènent à des jeux
égaux. Fc4 p. ^8 ou e4 p. f5 sont moins bons.
3. d2-d3
Le coup est le meilleur avec 3. Cgi — f3 suivi de 3
Cb8 - c6; 4. d2 - d4, Cg8 - f6 ; 5. d4 p. e5, Cf6
p. e4; 6. 0 — 0, Ff8 — c5 ; 7. Cbl — c3, Ce4 p. c3 ;
8. b2 p. c3 avec bonne attaque.
3 Cg8-f6
4. f2-f4 • • • • L
Au mieux. 4. Cgi — f3 serait suivi de c7 — c6 ; 5. 0 — 0,
Dd8 — c7.
4 d7 — d6
5. Cgî — f3 c5 p. f4
Si les noirs jouent 5 f5 p. e4, les blancs s'as-
surent le meilleur jeu par 6. d3 p. e4, Fc8 — g4 ; 7. 14
p. e5, Fg4 p. f3 ; 8. Ddl p. f3, d6 p. eo ; 9. Df3-b3.
6. 0 — 0
7. d3 p.e4
et a le meilleur jeu.
Alexander
Blancs
e2 — c4
Ffl — c4
1.
2.
3.
4.
5.
6.
Cgi — f3
Cf3 p. eo
Fc4 — b3
0-0
f5 p. e4
ZUKERTORT
Noirs
e7 — eo
Cg8 - m
m p. e4
d7 — do
Dd8 — g5
Les blancs roquent dans l'espoir de regagner leur pièce
6 Dg5p. c5
7. d2 — d3 Ff8 — d6
8. g2 — g3
8. f2 — f4' serait suivi de 8 De5 — d4 +.
8.
Ce4 - g5
Cg5 - f3 +
Fc8 — h3-fetmat.
Mac Donnell
Noirs
e7 — e5
Ff8 — c5
Cg8 - m
n ; 5.
9. Tfl — el
10. Rgl— fl
La Bourdonnais
Blancs
1. e2— c4
2. Ffl — c4
3. Ddl — e2
4. d2 — d3
4. Fc4 p. f7 -|- amènerait 4 Re8 p.
De2 — c4 + , d7 — d5 ; 6. Dc4 p. c5, Cf6 p. e4.
4 Cb8 — c6
5. c2 — c3 Cc8 — e7
6. f2 — f4 e5 p. f4
A 6 d7 — d6 les blancs répondraient 7.t4 — to.
7. d3 — d4 Fc5 — b6
8. Fclp.f4 d7 — d6
9. Fc4 — d3
Afin de pouvoir répondre à 9 d6 — d5 ; 10.
e4 ^— e5.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
16.
17.
Ff4 — e3
h2 — h3
Cbl — d2
0-0-0
Rcl — bl
c3 p. d4
Cgi — f3
g2 — g4
Ce7 - g6
0-0
Tf8 - e8
Dd8 — e7
c7 — c5
c5 p. d4
a7 — a5
Fc8 — d7
h7-h6
En général, quand l'aile où le roi a roqué est attaquée par
les pions ennemis, le mieux est de ne pousser ses propres
pions que lorsqu'ils sont en prise des pions ennemis et
d'échapper ainsi à ceux-ci. Ici 18. g4 - g5 menaçait
d'amener la perte du cavalier.
18. Tdl — gl a5 — a4
19. g4 — g5 h6 p. g5
20. Fe3 p. go a4— a3
21. b2 — b3 Fd7— c6
22. Tgl — g4 Fb6 — a5
23. h3 — h4 Fa5 p. d2
24. Cf3 p. d2 Ta8 — a5
25. h4 — h5 Tao p. go
26. Tg4 p. g5 Cg6 — f4
27. De2 — f3 Ct4 p. d3
28. d4 — d5
A 28. Df3 p. d3 les noirs répondraient 28
Cf6p.e4.
ÉCHECS
— 284 —
28 Cf6 p. do
29. Thl — gi Cd5 — c3 +
30. Rbi - al
30. Rbl — c2 assure la victoire des noirs avec 30
DeT p. gD ; 31 . Tgl p. go, Cd3 — el + ; 32. Rc2 p. c3.
Cel p. 13 ; 33. Cd2 p. f3, Fc6 p. e4.
30 Fc6 p. e4
31. Tgl p. gT + Rg8 — h8
32. Dî"3 — ^3 Fe4 — g6
33. h5p. g6 De7~el +
Les noirs ne peuvent pas prendre la tour avec le roi, à
cause de 34. g6 p. H + , Rg7 p. fT ; 3o. Dg3 — g6 +
et mat au prochain coup.
34. Tgl p. el
La faute décisive. Les blancs gagnaient avec 34. Cd2 — bl,
Del p. g3 ; 35. Tg7 — h7 +, Rh8 - g8; 36. g6 p.
n +, Rg8 p. h7 ; 37. Tgl — M +, R à volonté; 38.
f7 p. e8 D.
34 Te8 p. el +
35. Dg3 p. el Cd3 p. el
3tj. Tg7 — h7 + Rh8 - g8
et les blancs ne peuvent pas empêcher le mat par Cel — c2.
Partie hongroise, La partie hongroise est ainsi nom-
mée d'après une partie par correspondance jouée entre les
clubs de Paris et de Pesth. Elle est caractérisée par le dé-
but :
Blancs Noirs
1 . e2 — e4 e7 — eo
2. C^l — f3 Cb8 - c6
3. Ffl — c4 Ff8 — e7
Ce début fut adopté par le club de Pesth afin d'éviter la
partie italienne dans laquelle le club de Paris s'était dis-
tingué contre celui de Londres. Aujourd'hui les noirs l'adop-
tent parfois pour échapper à la défense si difficile du gam-
bit Evans. Les blancs jouent pour le mieux d2 — d4.
4. d2 — d4 d7 — d6
4 e5 p. d4 abandonnerait trop de terrain aux
blancs. 5. d4 p. e5, d6 p. e5 égalise les jeux, mais il ne
faudrait pas jouer 6 Cc6 p. e5 à cause de 7. Cf3
p. e5, d6p. e5; 8. Ddl— h5.
5. d4-d5 Cc6 — b8
6. Fc4 — d3
Les blancs empêchent ainsi 6 f7 — f5.
6 Cb8— d7
7. c2-c4 Cg8— f6
8. Cbl — c3 0 — 0
9. 0-0
Le jeu des blancs est un peu mieux dégagé.
Partie du pion du fou de la dame. L'ouverture :
1 . e2 — e4 e7 — eo
2. c2 — c3
n'est pas incorrecte, mais elle ne donne pas aux blancs une
position d'attaque, les noirs répondant :
2 d7 — d5
3. Cgi — f3 d5p. e4
4. Cf3 p. eo Ff8 — d6
5. Ce5 — c4
5. Ddl — a4-|-, c7 — c6 ; 6. Da4 p. e4 serait mau-
vais à cause de 6 , Dd8 — e7; 7. d2 — d4, f7 — f6.
i)
6. d2 — d4
7. Ffl — e2
8. 0-0
Jeux égaux.
Gambit du centre.
Blancs
1. e2 — e4
2. d2 — d4
Cg8 — e7
Fc8 — e6
0-0
Noirs
e7 — eo
e5 p. d4
Cette ouverture prend le nom de gambit du centre ;
dans un grand nombre de variantes, elle se confond avec
le gambit écossais.
Premier jeu :
3. Ffl - c4 Ff8 - b4 +
Les noirs pourraient répondre 3 Cg8 — f6, ce
qui nous ramènerait au gambit de Ponziani dans la partie
(lu fou.
4. c2 — c3 d4 p. c3
5. b2 p. c3
5. Fc4 p. f7, Re8 p. f7; 6. Ddl - b3, d7 - do;
7. Db3p. b4 permet aux noirs de se développer rapide-
ment.
5 Dd8 — m
6. c3 p. b4
Les blancs sacrifient avec raison une tour contre un fou,
car ils s'assurent une forte attaque. Ce coup vaut mieux
que 6. Fc4 p. f7.
6 Df6 p. al
7. Ddl — b3 Dal — f6
8. Fcl — b2 Df6— g6
9. Cgl-e2 Cg8~h6
40. Cbl — c3 c7 — c6
11. Ce2— f4 Dg6 — go
12. Cc3 - e2
et les noirs ont une situation difficile, car l'aile de la dame
n'est pas développée. Les blancs menacent 13. h2 — h4
et 14. Fb2 p. g7. Si les noirs roquent, on a : 12
0—0; 13. h2 — h4, Dg5 — e7; 14. Db3 — g3, g7
- g6; 15. Çf4p. g6, etc.
Deuxième jeu :
3. Cgl-f3 Ff8-b4 +
4. Fcl — d2 Fb4 — c5
5. Ffl — d3
A 5. Ffl — c41es noirs répondraient 5 Cg8 — f6.
5 Cb8 — c6
6. 0 — 0 d7 - m
et les noirs conservent le pion gagné.
Troisième jeu :
3. Cgi - f3 Cb8 - c6
Nous retrouvons la situation du gambit écossais.
Quatrième jeu :
3. Ddl p. d4 Cb8 — c6
4. Dd4 — e3 d7 — d6
5. Cbl — c3 Cg8 — m
6. Ffl - e2 Ff8 - e7
7. De3 — g3 Cc6 — e5
8. Fcl — f4 Ce5 — g6
9. 0-0-0 Cg6 p. f4
10. Dg3 p. f4
Jeux égaux.
Partie viennoise.
Blancs Noirs
1. e2 — e4 e7 — eo
2. Cbl - c3
Ce coup est un coup de développement plutôt qu'un
coup d'attaque. Aussi a-t-il été longtemps négligé, alors
qu'on regardait l'attaque comme la tactique nécessaire.
Mais, depuis que la théorie a montré que les attaques
les plus vives peuvent être souvent repoussées avec perte
pour l'assaillant, on s'est tourné vers cette manière de
jouer très sûre. Les blancs peuvent pourtant reprendre
l'offensive ensuite. Les noirs peuvent répondre 2 Ff8
— c5 ou 2 Cg8— f6;2 Ff8 — b4 serait plus
faible à cause de 3. f2 — f4. Mais le meilleur coup est
2 Cb8 -c6.
2 Cb8 — c6
3. f2 - f4 eo p. f4
4. d2 — d4
Après 4. Cgi — f3 les noirs prendraient l'avantage par
4 g7 — go; 5. Ffl — c4, go — g4:6. 0 — 0,
g4p.f3; 7. d2 — d4,Ff8— g7; 8. e4 — e5,d7 — d5;
9. Fc4 p. do, Fc8 — g4; 10. Fd5 p. f3, Fg4 p. f 3 ;
11. Ddl p. f3, Dd8 p. d4+ ; 12. Rgl — hl, Cc6 p. e5;
— 285 —
ÉCHECS
13. Df3 — h3, Dd4 — d7. De même, après 4. Ffl — c4,
Dd8 — h44- , 5. Rel — fl, FfS — c5 les noirs auraient
le meilleur jeu.
4 Dd8--h4-f
4. dï — d5 est sans doute préférable, car les noirs
auraient une belle attaque.
5. Rei — e2 Dh4 - ho-f
6. Cgi — f3 g7 — go, etc.
Paulsen Paul Morphy
Blancs Noirs
1. e2 — e4 e7 — e5
2. Cbl - c3 Cb8 — c6
3. Cgi - f3 Ff8 - c5
4. Ffl — b5 Cg8 — m
La partie est devenue une partie espagnole.
5. 0 — 0 0-0
6. Cf3 p. eo ^ Tf8 — e8
6 Cc6 p. e5 serait moins bon : les noirs joueraient
7. d2 ~ d4.
7. Ce5 p. c6 d7 p. c6
8. Fb5 p. c4 b7 - bo
9. Fc4 — e2 Cf6 p. e4
10. Cc3 p. e4 Te8 p. e4
a. Fe2 — f3 Te4 — e6
12. c2 — c3
Une faute qui permet aux noirs de gêner beaucoup le
jeu blanc; 12. d2 — d3 valait mieux.
12 Dd8 — d3
13. b2 - b4 FcD - b6
14. a2 — a4 b5 p. a4
15. Ddl p. a4 Fc8— d7
16. Tal — a2
Les blancs veulent forcer la dame noire à la retraite avec
17. Da4 — c2; mais 16. Da4 — a6 valait mieux.
16 Ta8 — e8
Coup préparé de longue main.
17. Da4 — a6
trop tard.
Fig. 6. — Position de la partie après le 17« coup des blancs.
Dd3 p. f3 I
Te6 — g6-}-
Fd7 - h3
17
Très beau coup.
18. g2p. f3
19. Kgl— hl
20. Tfl — dl
Si les blancs jouaient 20. Da6 — d3 afin de pouvoir
après 20 Fh3 — g2 + ; 21 . Rgl — hl , Fg2 p. f3 + ;
22. Dd6 p. g6 garder l'avantage de la qualité, les noirs
répondraient 20 f7 ^ fg ; 21. Dd3 — c44-, Rff8
-f8. ^ ^
Fh3— g2-f
Fg2p. f3-f
Ff3 - a-2 +
Fg2 — h34-
Fb6 p. f2
Fh3 p. fl
Te8 — e2
Tg6 - h6
Ff2 - e3
20
21. Rhl— gl
22. Rgl — fl
23. Rfl - gl
24. Rgl — hl
25. Da6 — fl
26. Tdl p. fl
27. Ta2 — al
28. d2 — d4
Les blancs abandonnent.
Gambit du roi. Le gam])it du roi est le meilleur type
du gambit, c.-à-d. d'une ouverture dans laquelle un des
joueurs cherche à s'assurer le sacrifice d'un pion ou d'une
pièce, un avantage de position. Ce début conduit aux plus
belles attaques que l'on trouve dans le jeu des échecs. Il
est caractérisé par les coups :
Blancs Noirs
1. d2 — e4 e7— e5
2. f2— f4 .....
Suivant que les noirs prennent le pion f4 ou non, le
gambit est dit accepté ou refusé. Le gambit accepté prend,
suivant le troisième coup des blancs, le nom de gambit du
cavalier (3. Cgi — f3), gambit du fou (3. Ffl — c4) ou
gambit irrégulier (3. h2 — h4, 3. Ddl — f3 ou
3. Ddl — g4).
Gambit du cavalier.
Blancs Noirs
1. e2 — e4 e7— fo
2. f2 - f4 e5 p. f4
3. Cgi-f3 .....
Les blancs poussent le cavalier, bonne figure d'attaque,
et empêchent l'échec Ddl — h4. La meilleure riposte des
noirs, de l'avis unanime des théoriciens, est 3 g2
— g4. Toutefois, nous examinerons tout d'abord quelques
autres ripostes.
Premier jeu :
3 d7 — d5
4. e4p. d5 Ff8 — d6
5. d2 — d4 g'7 — g5
6. c2 — c4 b7— b6
7. Ffl— d3
Jeux égaux.
Deuxième jeu :
3 f7-f5
4. e4 — e5
4. e4 p. fo, d7 — d5; 5. d2 — d4, Fc8 p. f5;
6. Fcl p. f4, Cg8 — f6 égalise les jeux.
4 d7 — d6
5. h2 — h4 d6 p. eo, etc.
Troisième jeu :
3 Cg8-f6
4. e4 — e5 Cf6 — h5 !
(4 Cf6 — d5; c2 — c4, Cdo — b6 ; 6. d2 — d4:
4 Dd8 — e7 ; 5. Ffl — e2 ou 5d2 — d4.)
5. Ffl — e2 g7— fi5
6. Cf3p. g5! Dd8p;g5
7. Fe2 p. h5 Dff5 p. e2
8. Ddl - f3 Dg2 p. f3
9. Fh5p. f3 Cb8-c6
10. Ff3 p. c6 d7 p. c6
11. d2 — d4 Fc8 — fo
12. c2 — c3 0 — 0-0
13. Fcl p. f4 c6 — c5
14. Ff4-e3
Jeux égaux.
Gambit de Cunningham.
1 . e2 — e4 e7 — eo
2. f2 — f4 e5 p. f4
3. Cgi — f3 FfS — e7
Ce coup est meilleur que toutes les défenses précédentes.
Il permet une attaque vigoureuse.
ÉCHECS
— 286 —
4, Ffl— c4 Fe7— h4 +
Ces deux coups sont les meilleurs. Les blancs peuvent
alors jouer soit Rel — fi, soit g2 — g3.
Premier jeu :
5. g^2 - g3 ^ ^ :•,•••
Ce coup conduit à une partie très anunee.
5 f^P-gS ,
6.0-0 g3 p. h2 +
7. Rgl-hi .....
Dans cette position, les noirs ont trois pions de plus,
mais un tel retard dans le développement que leur jeu est
très compromis.
7 ... Fh4-e7?
8*. Fc4p.f7+ ï^^^P-^I
9. ct3-e5 + + KT-e8
9 Rf7 _ e6 ; 10. Ddi — g4 + , Reb p. e5
(40* *.".*Re6-d6; 41.Ce5-f7 +); 11. Dg4-f5 + ,
Ke5 - d6 ; 12. Df5 - d5 + et mat.
10. Ddl-h5+ iV^m
11. Ce5p. g6 ^^^~il
42. Tfl p. f6 Fe7 p. f6
13. Cg6-e5+ ^'^-V,
14. Dho-f7+ Re7-d6
13. Ce5 — c4 4- Rd6 — c5
16. Df7 — do +
et mat en deux coups.
B
d7 — do
C'est la meilleure riposte des noirs.
8. Fc4 p. do • • • • •
8 e4 p. do amènerait 8 Fh4 — tb.
g Cg8-f6
9* Fd'o p. n + Re8 p. f7
lO: Cf3p'.h4^ Th8-f8
11- ci2-d4^ Se fl
S S^d8 Tf8Î:fl +
14. Ddlp.fl ^{-Ift
15. Rhlp.h2 Cg3p. fl +
et les noirs ont le meilleur jeu.
Deuxième jeu :
5^ j{el — fl ! Fl^^ " *"
Si les noirs jouaient Fh4-g5 oud7-d6ou Cg8-h6,
les blancs riposteraient 6. d2 - d4 avec avantage,
(j. e4 — eo ï^f^ — ej
7. d2 — d4 d7 — do
8. Fc4-e2 1 g'^ - i^^
9. h2-h4 g^^-gf
10. Ct3 — h2 h7-ho
11. Fcl p. f4 l^^e7 p. h4
402, go2 _ g3 Fh4 — go
13. Ch2 p. g4
et les blancs ont l'avantage.
Gambit cVAllgaier.
Blancs J^'^i^^.
1. e2 — e4 e7 — e.^
02. f2 _ f4 e5 p. f4
3. Cal-f3 g7-gS
4. Ii2 — h4
Les blancs jouent ce coup pour rompre la chaîne des
nions ennemis. Les noirs ne doivent pas protéger ce pion,
car après 4 h7 - h6 ; 5. h4 p. go le pion ne
pourrait prendre, sous peine d'amener la perte de la tour
h8 Les variantes suivantes seraient également mauvaises :
4 * .f7-f6;o.Cf3p.go;3.f6p.go;6.Ddl— h5+,
Res L e7 ; 7. Dho p. go +, Re7-e8 ; 8 Dg^ - hb +
Re8 - e7 ; 9. Dho _ eo + , Re7 - t ^ ; 10. Ffl -^c4 +
et mat en quelques coups; 4 14b — e/,o. m
p. g5, Fe7p, go; 6. d2 — d4.
Les noirs jouent :
4 g'> — g^'
et les blancs peuvent jouer Cf3 — go (gambit d'Allgaier)
ou Cf3 — eo (gambit de Kieseritzky).
4. Cf3~g5 .....
Les blancs peuvent facilement se faire une vive attaque
qui décide de la partie en leur faveur; pourtant les noirs,
s'ils jouent correctement, doivent obtenir le meilleur jeu.
'' 5 h7 — h6
Ceci est la riposte correcte. Les blancs sont forcés de
sacrifier le cavalier, mais l'attaque suivante peut être re-
poussée et ne justifie pas le sacrifice.
6. Cg5p.f7 Re8p.f7
Les blancs peuvent jouer soit Ddl p. g4, soit Ffl— c4,
suivant qu'ils visent à enlever les deux pions avec la dame
ou à fortifier l'attaque en déployant rapidement leur jeu.
A
7. Ddl p. g4 Cg8 — f6
Ce coup est meilleur que Dd7 — f6, qui suffirait déjà à
assurer l'avantage aux noirs.
8. Dg4-f4 Ff8-d6
Il n'est pas bon d'ordinaire de placer le fou devant le pion
de la dame; mais, ici, il y a lieu de faire une exception.
9. Df4-f2 Rf7 — g7
10. Cbl-c3 Th8-f8
et les noirs ont l'avantage.
B
8. Ffl — c4 + d7 — d5
Nécessaire pour couvrir la case g4.
8. Fc4p. d5+ Rf7-g7
Ce coup vaut mieux que 8 Rf7 — e8 qui laisse
encore longtemps le roi noir exposé à des attaques dange-
reuses. On a objecté à 8 Rf7 — g7 que lej blancs
font partie nulle par échec perpétuel avec 9. Fd5 p. b7,
Fc8 p. b7; 10. Ddl p. g4 -f , Rg7-f7; 11. Dg4-h5 + .
Mais cette critique est réfutée pas la variante ci-dessous :
9. Fdo p. b7 f4 — f3
10. Fb7 p. a8 f3 p. g2
41. Thl — gl Dd8 p. h4 +
12. Rel — e2 g4 — g3
et les blancs pour parer à 13 Fc8 — g4 -f qui
menace de leur faire perdre leur dame n'ont que trois
coups: Ddl— el, Re2— d3, Re2 — e3, dont aucun
n'est suffisant pour sauver leur jeu.
Gambit de Kieseritzky. Ce gambit ne se distingue
du précédent qu'au cinquième coup.
Blancs Noirs
1 . e2 — e4 e7 — eo
û) fo2 __ f4 e5 p. f4
3'. Cgl-f3 gT-gS
4. h2 — h4 go — g4
5. Cf3 — e5
Le cavalier menace la pion g4 et se ménage une re-
traite possible. Les noirs ripostent au mieux Cg8 — f6 ou
Ff8 — g7. Les autres réponses telles que d7— ■d6 ou
Dd8 — e7 sont plus faibles.
Premier jeu : u^ u^
5 h7 — h5
Ceci est la riposte classique imaginée par Kieseritzky et
qui, d'après lui, assure aux noirs l'avantage. Enréalité, c'est
la plus faible de toutes.
6. Ffl — c4
6 Th8-h7
Ceci est le coup de Kiesiritzky. 6 Cg8— h6
n'est pas meilleur.
7. d2 — d4
On ne saurait conseiller 7. Fc4 p. f7 +, Th7 p. f7 ;
8. Ce5 p. f7, Re8 p. f7 ; 9. d2 — d4, car les noirs pren-
draient une position sûre avec 9 f4 — f3. Les noirs
ont maintenant diverses manières de poursuivre telles que
7 d7 — d6; 7 Dd8-f6; 7 f4 - f3. La
dernière est la meilleure, mais aucune d'elles ne leur per-
met de conserver le pion du gambit avec jeu égal.
7 f4 — f3
8.* g2*p.f3
287
ECHECS
8. g2 — g3 ne serait pas bon, les blancs étant mis en
désavantage par 8 Cb8 — c6 ; 9. Ce5 p. c6 ;
d7 p. c6 ; 10. Fcl — f4, Dd8 — e7; 11. Cbl - c3,
Fc8 — e6. *
8. ...".. d7— d6
9. Ceo — d3 Ff8 — e7
40. Fcl — e3
Coup qui justifie la prise du pion au huitième coup, car
l'échec en M devient inoffensif.
10 Fe7 p. h4 +
11. Rel — d2 e'4p.f3
12. Ddlp.f3 Fc8-^4
13. Df3-f4 Cb8-d7
14. Cbl — c3 Cd7-b6
d5. Fc4 — b3 Th7 — ff7
46. e4 — e5 .....
et les blancs ont un jeu bien développé.
Deuxième jeu :
o Cg8 — f6
Ce coup est une des meilleures ripostes.
6. Ffl — c4 d7 — d5
7. e4 p. d5 Ff8 — g7
Ff8 — d6 est également intéressant.
8. d2 — d4 0 — 0
9. 0-0 C7-C0
10. Fclp.f4 c5p.d4
a. Ddlp. d4 Cf6-^d7
42. Cbi — c3 Cd7p.e5
13. Ff4p. e5 Cb8 — c6
14. d5p. c6 Dd8p.d4 +
15. Fe5p.d4 Fg7p.d4 +
46. Rg4 — hl b7 p. c6
Jeux égaux.
Troisième jeu :
5; Ff8 — g7
Bonne riposte, équivalente à la précédente.
A
6. Ceop.g4 d7— do!
7. d2 — d4
Les blancs ne doivent pas jouer 7. e4 p. do, car ils
perdraient par 7 Dd8 — e7 ; 8. Rel — f2 (Ddl ou
Ffl — e2, Fc8 p. g4), Fg7 — d4 + ; 9. Rf2 — f3, Fc8
p. g4 + ; 10. Rf3 p. g4, Cg8 - f6 +, etc. ; 7. d2 - d3
serait sui\i de 7 d5 p.fe4 et les blancs ne devraient
prendre ni le pion e, ni le pion f, car, dans le premier cas,
ils perdraient un cavalier (après l'échange des dames), dans
le second le pion b et la tour ai .
7 dS p. e4
8. Fclp.f4 Dd8p.d4
9. Ddl p. d4 Fg7 p. d4
10. c2 — c3 Fc8p.g4
et les jeux s'égalisent.
B
6. d2 — d4 Cg8 — f6
Les blancs peuvent protéger le pion e avec Cbl — c3
.ou Ffl — d3 ou bien prendre un des pions f ou g par
Fcl p. f4 ou Ce5 p. g4, ou enfin attaquer le point f7 avec
Ffl — c4. Toutes ces variantes conduisent à des jeux ésaux.
7. Ffl-c4 d7-d5
8. e4p. d5 0 — 0
9. Fclp.f4 Cf6p.d5
10. Fc4p. do DdSp.do
11. 0-0 c7-c5
12. Cbl— c3 Dd5p.d4 +
13. Ddlp.d4 c5p.d4
14. Cc3— d5 Cb8 — c6, etc.
Gamhit Muzio, Après les coups :
Blancs Noirs
1. e2 — e4 e7— c5
2. f2-f4 e5p.f4
3. Cgl-f3 gT-gS
Les blancs peuvent continuer l'attaque, non pas par
4. h2 — h4 (gambits Allgaier et Kieseritzky) , mais par :
4. Ffl — c4
La riposte classique des noirs est 4 Ff8 — g7.
Elle leur assure l'avantage s'ils jouent très correctement,
mais ils restent exposés à une attaque longue et périlleuse.
Aussi le coup 4 g5 — g4 paraît-il préférable. La
riposte 4. . . . h7 — h6 est à peu près aussi correcte que
4. ..... Ff8 — g7 ; elle conduit d'ailleurs dans nombre
de variantes aux mêmes positions.
^' gS — g4
Les blancs ont le choix entre 5.0-0 (^ambit Muzio)
ou 5. Cf3 — e5 (gambit de Salvio).
5. 0 — 0
Les blancs sacrifient le cavalier pour obtenir un déve-
loppement rapide. Ce coup a longtemps été classique : on
regardait le sacrifice du cavalier comme justifié par la su-
perbe attaque qu'il donne aux blancs. Aujourd'hui l'on
incline à penser que les noirs peuvent, dans toutes les
variantes, se défendre avec succès et que le gambit, bien
que très intéressant et même dangereux dans les parties
jouées sur l'échiquier, n'est pas absolument correct.
^. . . . . . ff4 p. f3
6. Ddlp.fô ! . . . .
6. d2 — d4 serait mauvais pour les blancs : 6. ...
d7 — d5 ; 7. Fc4 p. d5, Fc8 — g4 ! ; 8. g2 p. f3*
Fg4 — h3; 9. Tfl— f:2, c7 — c6. Les noirs ont plusieurs
ripostes. La meilleure est Dd8 — f6.
A
6 Dd8 — f6
7. e4 — e5
La meilleure continuation de l'attaque.
7 Df6p. e5
8. d2-d3 Ff8-h6
9. Cbl — c3 ....
(9. Fcl-d2, Cg8-e7;10.Fd2-c3,De5-co + :
ll.Rgl-hl, Th8-g8.) ^
9 Cg8-e7
10. Fcl-d2 Cb8-c6
Si les noirs jouaient ici 10 c7 — c6, ils pour-
raient s'emparer d'une nouvelle pièce, mais leur jeu serait
tellement exposé qu'ils perdraient rapidement la partie
après : 11. Tal — el, Deo — co + ; 12. Rgl — hl,
d7 — do; 13. Df3 — ho, Dco — d6; 14. Fc4 p. do,
c6 p. do ; 15. Cc3 p. do, Cb8 — c6 (15 Fc8 — e6 •
16. Tel p. e6, Dd6 p. e6 ; 17. Cdo - c7 +); 16'.
11. Tal — el De5 — f5
Ce coup est meilleur que 1 1 De5 — c5, qui assure
le meilleur jeu aux blancs.
12. Tel— e4
Les blancs peuvent jouer également Cc3 — d5, Re8 —
d8;13. Fd2 — c3,Ta8 — e8;14. Cd5— f6 (14. Fc3 —
f6, Fh6 - g5), Te8 -f8 ; 15. g2 - g4, Dfo-g6; 16.
h2 - h4, d7 - d5; 17. Fc4 p. d5^; 18. Fc8 p. g4,
Cf6 p. g4, Tf8 — g8, et les noirs gagnent.
i2 0-0
12. ... Cc6 — e5 ou 12. d7 — d6 sont plus faibles
et laissent l'avantage aux blancs.
13. Fd2 p. f4
Si les blancs jouaient 13. Te4 p. f4, les noirs fortifie-
raient leur jeu avec 13. Fh6 p. f4; 14. Fd2 p. f4, d7 —
d6 ! et utiliseraient ensuite leur supériorité numérique.
13 Fh6 — g7
Le meilleur coup.
14. Df3 — e2
Df3 — e3 serait dangereux à cause du fou ennemi ^7.
14 d7 - d5 ^
15. Ff4p. c7 Df5 — 2:5
16. h2 - h4 ... . .
Si les blancs jouaient 16. Fc7 — f4, les noirs force-
raient l'échange de dames par 16 Dg5 — g4. Les
noirs obligent donc les blancs à avancer le pion h et em-
pêchent par suite la tour fl de venir en f3 puis g3
— ^288 —
ÉCHECS
16 i^g^ - ë^
et les noirs ont le meilleur jeu.
g Ff8-li6?
Ce coup'est'bêaûco'up plus faible que Dd8 — f6
7 d2 — d4 Dd8 — e7
8*. Fclp.f4 l^î'^'^i
9. Df3p.f4 ^^l^t
10. Fc4 p. f7 + Re8 - d8
11. e4 — e5
et les diverses manières dont les noirs peuvent contmuer
tpllesaue 11 d7 — d6 ; 11 n' — ^^ '
11 Cc6 - b4 ne leur permettent pas de repousser
''^Œ£ÏW* Muùo. Les bllncs quand «s
Sacrifient le cavalier au cinquième coup, peuvent, au lieu
de roqu r^^^^ d'autres coups de développement tels que
H d^ - d4 ou 5. Cbl - c3 ; ces variantes sont plu^ faibles
q^e le sambit Muzio, mais'donnent lieu à des parties ana-
logues, comme le montre l'exemple smvant :
Mac Donnell La Bourdonnais
Blancs Noirs ^
1. e2-e4 ^o""5?
2. f2 — f4 e5 p. f4
3. Cgl-f3 gI-§^?
4. Ffl-c4 ê^-|f
^- Cbl-c3 tJ'^lai
6. Ddl p. f3 Vuç^^^V
8 0 — 0 Cc6 p. d4
9. Fc4p. f7 + • ; • ;/
Ce second sacrifice est correct, étant donne le mauvais
développement des pièces noires. ^
10. Df3-h5+ Rn-gï
11 Fcl p. f4 Fh6 p. f4 ^
44 * d7 — d6 serait suivi de 12. Ff4 — eb +,
d6p.'e5Vl3.Tfl-n+etmat.
12. Tfl p. f4 ^§^""m ,
. 07 C28 — h6 amène 13. Dh5 — 65+.
• :,3;Dhl>-g5+ Rr^-n
14. Tal-fl Sio'^!7
13. Tf4p. f6 5^?"~l'
16. Cc3-d5 Dej-c5
17. R^l— hl Cc& — eb
Ce coup amèle la perte de la dame. Mais es noirs ne
peuvent plus sauver la partie S ^s jouaient 17
d7 — d6, ils perdraient après 17. Ub -- î ^
18. TfBp. e6+ ai p. eb
19. Cd5-f6+
'' S^S^^e et Salvio. Le gambit Muzio et ses
div™ ariantes, bien que donnant une forte attaque aux
b ancs laLsent e^ définitive aux noirs le meilleur jeu si
leur défense est juste. Si Ton rejette au cinquième coup le
Muzio, il ne reste qu'à déplacer le cavalier :
Blancs ^^^^^^
1. e2-e4 e^-^^o
2. f2 — f4 e^ P- ^l
3. C^l-f3 g7-g5
Ffl — c4
^g5 — g4
5. Cf3 — eo • / j • •' f -e
Le noint f7 se trouve attaqué pour la deuxième lois.
Les ncnrs, au lieu de le couvrir, JoueroM pour^l^e_mieux :
6*. Rei -fi '•'''' a
Les noirs ont alors le choix entre trois coups : b. . . . . .
f4 - f3 ! (gambit Cochrane), ou 6. ..... Lgb — 10
(gambit Salvio) ou 6 Cg8 — hb .
Gambit Cochrane.
G .... i^ —
A
7. Fc4p. f7+ Re8-e7
8. Ddl — el .....
Les autres coups laissent l'avantage aux noirs. Ainsi j
8. Ff7 p. g8, Th8 p. g8; 9. g2 p. f3 d7 -d6; 10. Ce^
p. g4, Fc8 p. g4; H. f3 p. g4, Tg8 p. g4 ou bien 8.
U% 'f3, d7-d6; 9. Ff7 p. g8, ThS p. g8; ou bien
1. P^-gS, Dh4-h3+; 9.Rf1 -f2,Cg8- 6; 10;
Ff7-b3:d7-d6; 11 Ce3 - f7 , Cf6 p. e4+ , 12.
Rf2-eUCe4p.g3. ^^^^^^^^^
9. Rfl p. g2
Si le roi joue 9. Rfl — e2, les noirs répondent 9
Dli4 - h3 ; 10. Thl - gl , d7 - d6.
9 . Dh4 — h3 4-
1Ô: Rg2-f2 ™""^J
11. Ft7p. g8 Fg/p.e5
B
7. 22 — ^3 Dh4 — h3 +
8. Rfl-f2 Cg8-f6
9. d2-d3 ^1-^5
10. CeSp. f7 i^^r^^'c, I
11. Cf7p.h8 ?,\^-f +
12. Rf2 — e3 Cb8 — c6
13. Ch8-n . . ...
Pour empêcher le mat 13 ^i? T rT"'
13^ Re8 p. f7
14! Fc4p.*d5+ Cf6p. d5
et les noirs gagnent.
\j
A 7 d2 — d4, les noirs répondraient 7 Cg8 — h6
(V. gambit Salvio); 7. Ce5 p. f7 serait mauvais à cause
y^ f . .. Cg8-f6; 8. Cf7 p. h8, Cf6 p. e4 ; 9.
Ddl-el,f3p.g2+,etc. ^^^ _ ^^
8. Ddl-e2 d7--d6
9. Ceo p. g4 Cf6 p. g4
10. f3 p. g4 ^ Fc8 - g4
et les noirs ont le meilleur jeu..
Gambit Salvio,
6 Cg8 — fb
Ce coup est faible.
7. Ddl •— el •••/.• , ,
8 Ce5 p. f7 coûte aux blancs fou et cavaher contre la
tour- 8 Fc4p.f7donne aux noirs un jeu mieux développe.
' 7. . . . . D^^ P- ^^ +
8*. Rfip.'el* ^^^J'^i
9. Fc4p. f7+ Re8-e7
10. Ff7-h5 §t"~^i
42. h2-h3 ilr^t'
42. Ce5-d3 Ff8 - hb
13. Cbi-c3 ...^y'P;o . 1 A-
43. Ce4 — f6 est suivi de 14. lht> — 13 et de lo.
^'^"■14. d2p.c3 Th8-f8
iD. Thl-fl •,:••*.
et les blancs regagnent le pion de gambit et ont un jeu
bien développé.
Gambit Salvio modifié.
6 ^ë8-li^.„
Ce coup, indiqué également par Salvio, est meilleur que
le sambit Salvio simple.
7. d2 — d4 f4 — fo!
Y * cl7 — d6 est beaucoup plus faible. Les blancs
ont'le'Vhoix entre divers coups (8. Fcl p. h6, ou 8.
g2 — g3, ou 8. g2 p. f3) dont aucun ne leur donne un
jeu égal.
J ^ 8. Fcl-f4 • • •/ •
C'est peut-être le meilleur coup des blancs a ce moment.
8 d7 — db
9; Ce5-d3 î?P-^^+
10. Rflp. g2 ™-gj.
11. c2-c3 Cb8-cb
42. Ff4— g3 Dh4 — e^
~ 289 —
ECHECS
14. Cbl — d2 0 — 0.
45. Ddl — e2 Rg8 — h8
et les noirs ont un pion de plus et un beau jeu.
HAînSTEIN V. DER LASA
Blancs Noirs
1 . e2 — e4 eT — eo
2. f2 - f4 e5 p. f4
(). Cgi — f8 g7 — g5
4. Ffl — c4 g5 — g4
3. Cf3 — e5 bd8 — h4 +
6. Rel - fl f4 - f3
7. g2 p. f3 dT — do
8. Fc4 p. d5 Cg8 — f6
9. Fd3 p. f7 -f Re8 - e7
10. d2 — d4 Cb8 — c6
41. Ff7 — c4 g4 — g3
12. Rfl — e2 Cf6 p. e4 !
13. Cbl — c3]
13. f3 p. e4 serait suivi de 13. Cc6 p. e5 ; 14. d4 p. eo,
Fc8 - g4 +
13 Ce4 — f2
14. h2 p. g3 ! Dh4 p. g3
14 Dh4 p. hl serait suivi de 15. Fcl — g5 -f-
lo. Thl— gl Dg3p.eo +
16. d4 p. eo Cfe p. dl
17. Fcl— go + Re7 — d7
18. Talp. dl +
Les noirs abandonnent.
Gambit de Philidor et de Gréco. Dans les variantes
précédentes du gambit du cavalier, après les coups :
Blancs Noirs
1 . e2 — e4 e7 — eo
2. f2 — f4 e5 p. f4
3. C^l - f3 g7 - go
4. Ffl-c4 .....
Nous avons fait jouer aux noirs 4 go — g4, ce
qui oblige les blancs aux gambits Muzio, Cochrane ou
Salvio. Mais les noirs peuvent également jouer :
4 Ff8 — g7
Ce coup est le coup classique. Il assure aux noirs, s'ils
jouent correctement, la meilleure partie, mais il les laisse
exposés très longtemps à de vives attaques. Les blancs ont
diverses poursuites, telles que : 5. h2 — h4, 5. 0 — 0,
o. d2 — d4 ou o. c2 — c3.
Premier jeu :
0. h2-h4 h7-h6
5. g5 — g4 serait moins bon ; 6. Cf3 — g5, Cfi[8 — h6;
7. d2 -d4, f7 — m ; 8. Fcl p. f4, f6 p. g5 ; 9. Ff4 p. g5
(9. h4 p. g5, Ch6 - f7), Fg7 - Î6 ; 10. Fgo p. h6 (les
blancs pourraient jouer 10. Ddl — d2 et sacrifier la pièce
qu'ils ont gagnée en échange d'une bonne attaque),
Ff6p.h4 + ; 11. Rel — d2, Fh4 — go + ; 12. Rd2 — d3.
6. d2-d4 d7-d6
. (6 c7-c6;7. e4— e5, d7-d5; 8. e5p.d6.)
7. c2 — c3 go — 0-4
8. Fcl p. f4 g4 p. f3
9. Ddl p. f3 Fc8 — eB
Le meilleur coup : 9 Cg8 — f6 ou 9
I)d8 — e7 sont moins bons.
10. Cbl-d2 Cg8-e7
11. h4— h5 Fe6p. c4
12. Cd2p. c4 b7-bo
13. Cc4— e3 Cb8 — c6
et le jeu des noirs est un peu meilleur.
Deuxième jeu :
Au lieu d'attaquer les pions noirs avec 5. Ii2 — li4, les
blancs peuvent jouer ici un coup de développement tel
que o. 0 — 0 ou 5. d2 — d4 ou 5. c2 — c3. Ces variantes
sont intéressantes, mais permettent en général aux noirs
de prendre l'avantage.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
Noirs
e7 — eo
eo p. f4
Gambit du fou.
Blancs
1. e2 — e4
2. f2 — f4
3. Ffl — c4
Le troisième coup des blancs caractérise ce gambit. On
le préfère généralement au gambit du cavalier 3. Cgi —f3,
car toutes les variantes étudiées amènent à cette ^conclu-
sion que les noirs ne peuvent pas conserver sans désavan-
tage le pion du gambit et qu'ils égalisent seulement les
jeux. Ce début est donc une des ouvertures les plus cu-
rieuses, puisque l'échec Dd8 — h4 -f , par lequel les noirs
enlèvent aux blancs la faculté du roc, n'entraîne pour ceux-
ci aucun désavantage. Ceci tient en grande partie à ce que
la dame noire est mal postée en h4. Elle peut être re-
poussée avec perte d'un temps par Cgi — f3, et, si elle se
retire en h5, place qui est, en général, regardée comme
la meilleure, elle reste tellement éloignée de l'aile de la
dame que le roi noir est souvent obligé de se porter en d8
pour protéger le point c7 menacé par le cavalier blanc
venu en d5 ou bo. Dans ce cas, les noirs perdent aussi
leur roc.
Premier jeu :
3 Dd8 — li4 +
4. Rel-fl §7-g5
Ces coups représentent la défense classique dans le
gambit du fou. Longtemps ils ont passé pour excellents
0. Cbl— c3
Ce coup est très fort.
^^ Ff8-g7
6. dj — d4 Cg8— e7
6 d7 — d6 conduit à égaliser les jeux après
7. Cgl-f3, Dh4-h5; 8. h2-h4, h7 - h6
9. e4 — e5, d6 p. eo ou Dh5 — g6 ou g5 — g4. Les
blancs ont deux coups qui leur donnent une bonne attaque.
A
l Cgl-f3 Dh4-ho
8. h2-h4 h7-h6
9. Rfl — gl
Si les blancs jouaient 9. e4 — eo, les noirs 'réplique-
raient f7— f6.
^^ • go — g4
^^ 9 Dh5— g6, les blancs répliqueraient
avec avantage 10. e4 — eo, d7 — d6; 11. Cc3 — bo
Cb8-a6; 12. h4-ho, Dg6-f5; 13. e5 p, do'
c7 — c6; 14. Ddl — e2. ^
10. Cf3-h2! f4 — f3
11. g2p. f3 g4p. f3
12. Ch2p. g3 d7— d()
13. Fc4 — e2 Fc8 — 2-4
14. Rfl — f2 f7 ~ fl
Jeux égaux.
B
^ ^' g^^-g3!
Ce coup est le meilleur.
^ f4 p. g3
8. Rfl-g2 Dh4-ht)
(8 d7-d6; 9. h2 p. g3, Dh4-g4: 10.
Fc4 - e2, Dg4 - d7 ; 11. Fcl p, k.) "" '
, '^- h2 p. g3 .....
(9. Cgi — f3 est également recommandabîe.)
9 Dh6-g6
10. Cgl-f3 h7-hr
11. Cc3-do
C'est le meilleur coup. 11. Thl — fl est "plus faible
11 Ce7 p. do
12. e4 p. do
et dans cette position, les blancs ont l'avantage.
Deuxième jeu :
3 g7 — go
Ce coup, qui est le meilleur dans le gambit du cavalier,
ne suffît pas ici.
19
ÉCHECS
— 290
4. h2 — li4
La meilleure réplique des blancs.
4 hT — h6
4 g5 — g4; D. d2 — d4, Ff8 — e7; 6. Fd p. f4,
^.^g7 p, li4 _L ; 7, o2 — g3, Fh4 — e7 ; 8. c2 — c3,
h7 i h5 ; 9. Ddi - b3, ThS - h7 ; 10. Thl p. h5,
Th7 — e7 ; il. Th5 — li8 ; ou bien 4 h7 — ho ;
5. h4 p. g5, Dd8 p. g5 ; 6. Cgi - f3, Dgo - g3 1
7. Rei-fl,d7-d6.
Troisième jeu:
3 Cg8 — fb
Cette défense est bonne.
4. Cbl — c3 .....
4^ e4 — e5? serait suivi de 4. d7 — do ; 5. Fc4 — bd,
Cf6-e4;6. Cgl-f3,Fc8-g4; 7. 0-0, Cb8-c6.
5. Cgl-f3
6. 0-0!
7. Cc3 — d5
8. e4 p. do
9. Cf3 p. eo
10. d2 — d4
11. c2 — c3
42. d4 p. eo
13. Fcl p. f4
14. Tfl p. f4
Jeux égaux.
Quatrième jeu :
3
Cette défense est bonne.
4. Ddl — e2
4 e4 p. fo serait mauvais; 4 Dd8 — li4 ;
5. Kel -- fl, f4 - f3 ; 6. Fc4 p. g8, f3 p. g2 + ;
7. Rfl p. g2, Dh4 — go+.
Cb8 — c6
Ff8 — b4
d7-d6
Cf6 p. do
Cc6 — e5
d6 p. eo
Dd8 — e7
Fb4 — d6
Fd6 p. eo
Fe5 p. f4
0-0
n — f o
Anderssen
1.
e2 — e4
2.
f 2 - f 4
3.
Ffl — c4
4.
Rel — fl
0.
Fci' p. bo
il
Col - f3
7.
d2 - d3
8.
Cf3 — h4
9.
Ch4 — f3
10.
g2-_g4
11.
ïhl — gl
)lan
es sacrifient i
11.
KlESERITZKY
e7 — e5
e5 p. f4
Dd8 — h4 +
b7 - b5
Cg8 — m
Dii4 — h6
Cf6 — ho
Dh() — go
c7 — c6
Ch5 — f6
gure pour avoir l'attaque.
c6 p. b5
12. h2 — h4 Dg5 — g6
13. h4 — ho Dg6 — go
14. Ddl— f3 Cf6— g8
Pour faire place à la dame, que les blancs menaçaient
par lo. Fcl p. f4.
lo. Fcl p. f4 Diio — f6
4.
o.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
Rel — dl
De2p. e4 +
d2— d4
De4 p. f4
Fcl — f4
Fc4 — d3
Cgi — e2
c2 — c3
Dd8 — h4 +
fo p. c4
Ff8 - e7
Cg8 — f6
Dh4 p. f4
d7— d5
Fc8 — g4 +
Cb8 — c6
0-0-0
Jeux égaux.
Cinquième jeu : toutes les variantes adoptées jusqu'ici
au troisième coup par les noirs réussissent au plus à leur
donner une partie égale à celle des blancs. Le coup
3 ^ , . (17 — (15 fut proposé, il y a une vingtame d'années,
comme le meilleur. On le regarde aujourd'hui comme de
même force que 3 f7 — f5 ou 3 Cg8 — f6.
3 d7 — d5
A
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
16.
Jeux égaux.
Fc4 p. do
Rel - fl
Cgi — f3
h2 — h4
d2 — d4
Cbl — c3
e4 — e5
Fd5 — e4 I
Cc3 — e2 î
Rfl - gl
h4 p. go
Fe4 p. f3
Fcl p. f4
Dd8 — li4 +
Dh4 — h5
Ff8 — g7 !
CgS — e7
}i7 - h6
0-0
c7 — c5 !
Cb8 — c6
Cc6 p. d4
Cd4p.f3 +
Dh5 p. g5
Blancs
4. e4 p. d5
5. Rel — fl
6. d2 — d4
et les noirs ont la meilleure position .
Noirs
Dd8 — h4
Ff8 — d6
CgS — e7
16. Cbl— c3
17. Cc3 — d5
Ff8 — co
Df6p. b2
Fi
, — Position de la partie après le 17« coup
des noirs.
18. Ff4-d6!
Très bien joué. Cette fin de partie est de premier ordre.
18.
(18 Fc5p. d6; 19. Cfo p.
20. Cd6 p. f7 +, mat en 4 coups.)
19. e4 — e5!
20. Rfl — e2
Fc5 p. gl
d6_j_, Re8-d8;
Db2 p. al4-
Cb8 — a6
Les blancs forcent le mat en trois coups.
Re8 — d8
Cg8 p. f6
21. Cf5p. g7 +
22. Df3 — f6-f-
23. Fd6 — e7+
et mat.
Gambit du fou limité.
Blancs Noirs
1. e2 — e4 e7 — e5
2. f2 — f4 e5 p. f4
3. Ffl — e2
Ce coup a son origine dans la remarque que dans nombre
de variantes de la défense classique du gambit du fou, le
retour du fou en e2 est avantageux. On ne saurait recom-
mander ici aux noirs 3» Dd8 — li4 -j- ^t 4
g7 __. ^5, car les blancs prendraient l'avantage avec 5.
Cbl — c3 et 6. d2 — d4. Les noirs doivent se développer
le plus rapidement possible.
- 291
ECHECS
Gambit du roi ir régulier.
Blancs Noirs
i . e2 — e4 eT — e5
2. H — f4 e5 p. f4
Dans les variantes assez peu usitées que nous donnons
ci-dessous, les blancs jouent 3. h2 — M afin d'empêcher
3 g"^ — gS, ou bien attaquent le fou f4 avec la dame.
Ces variantes sont médiocres pour les blancs.
Premier jeu :
3. h2 — h4 ^
C'est le gambit de la tour du roi.
3: Ff8-e7
4. Cgi— f3
4. Ddl — s4 n'est pas meilleur.
4. \ . . , , C-8-f6
0. Cb'l — c3 d7 — do
6. e4 p. do Cf6 p. do
7. Cc3p. d5 Dd8p. do
8. d^2 — d4 Fe7 — d6
9. c2 — c4 Ddo — e6 +
iO. Ffl — e2 c7 — c6
il. Ddl— b3 0 — 0
Deuxième jeu :
3. Ddl— f3 Dd8 — li4 +
4. Df3 — f2 Dh4 p. n +
5. Rel p. f^2 Ff8 — co -f
6. im — f3 Fc5 p. gl
7. Thl p. gl g7 — g5
8. h2 — li4 h7— h6
Troisième jeu :
3. Ddl — g4 d7 — do
4. D§4 p. f4 Ff8 — d6
5. e4 — eo
5. Df4 — f3 amènerait 5 Dd8 — li4 + suivi de
6 Dh4p. e4+,
5 Dd8-e7
6. d2 — d4 f7-f6, etc.
Gambit du roi refusé. On a vu qu'après avoir accepté le
gambit, les noirs obtiennent l'avantage dans toutes les va-
riantes s'ils jouent correctement. Le refus du gambit amène
à des parties égales. 11 peut se faire de trois manières.
Blancs Noirs
1 . e2 — e4 e7 — eo
2. f2 — f4
Premier jeu :
^2 d7 — d6
3. Ffl — c4
3. Cgi — f3 est aussi bon.
3 Cg8 — f6
4. Cbl — c3 Fc8 — g4
5. Cgl — f3 Cb8 — c6
6. 0-0 Fg4 p. f3
7. Ddl p. 13
Jeux égaux.
Deuxième jeu :
2 Ff8 — c5
3. Cgl — f3 d7 — d6
4. c2 — c3 Fc8 — g4
6. Ffl— e2
Pour occuper le centre avec d2 — d4 sans désavantage
de position,
5. ..... Fg4 p. f3
6. Fe2 p. f3 Cb8 — c6, etc.
Troisième jeu :
2 d7 — do
La partie suivante donne un exemple de ce jeu.
ScHULTEN Paul Morphy
Blancs Noirs
1 . e2 — e4 e7 — e5
2. f2— f4 ^J — ^'^
3. e4 p. do eo — e4
4. Cbl— c3 ^ .....
Ce coup ne vaut pas 4. Ffl — bo-j-.
Cg8 — m
Ff8 — b4
e4 — e3 !
0 — 0
Fb4 p. c3
Tf8 — e8 +
Fc8 — g4
0. d2 — d3
6. Fcl — d2
7. Fd2 p. e3
8. Fe3 — d2
9. b2 p, c3
10. Ffl — e2
11, c3 — c4?
Les blancs, par ce coup et le suivant, laissent aux noirs
tant de temps que leur attaque devient irrésistible,
11. , . . , . c7 — c6
12. do p, c6? Cb8 p. c6
13. Rel — fl Te8p. e2!
14. Cgl p. e2 Cc6 — d4
15. Ddl— bl Fg4p, e2 +
16. Rfl — f2 Cf6 — 2[4
17. Rf2 — gi , . , . .
Les noirs forcent, le mat en sept coups ; 17. ,,., Cd4
— f3+ ; 18. g2 p, f3, Dd8 — d4 +; 19. Rgl — g2,
Dd4 — f2 + ; 20 Rg2 — h3, Df2 p, f3 -f ; 21 . Rh3 — h4,
Cg4 — li2 ; 22. Dbl'— gl , Df3 — h3 + ; 23, Rh4 — g5.
Dh3 — ho -|- et mat.
Parties fermées. — Les parties fermées se distinguent
d'ordinaire des parties ouvertes, non seulement par leur dé-
but, mais par leur allure générale. Elles conduisent de part
et d'autre à des positions solides, moins exposées aux atta-
ques des pièces adverses et par cela même moins intéres-
santes. On a remarqué que la plupart d'entre elles peuvent être
transformées en parties ouvertes au début par l'un ou l'autre
des joueurs et surtout par celui qui a débuté ; mais que, vers
le milieu, toute tentative faite pour les transformer en parties
ouvertes, tourne en général au détriment de celui qui la fait.
La conduite d'une partie fermée est très difficile; il arrive
beaucoup plus fréquemment que dans les parties ouvertes
qu'un seul coup de pion compromette le jeu tout entier.
Les ouvertures de ce genre se rattachent à deux types
différents : 1° les blancs avancent les pions du roi de deux
pas; e2 — e4, mais les noirs répondent par 1 e7
— e6 (partie française), ou 1 c7 — co (partie sici-
lienne) ou 1. .,.,. d7 — do ; 2<^ les blancs jouent au pre-
mier coup 1. d2 — d4, 1. f2 — f4, 1. e2 — e3 ou tout
autre coup analogue.
Partie française.
Blancs Noirs
1. e2 — e4 e7 — e6
Cette réplique est très correcte ; elle conduit à des situa-
tions uniformes.
2. d2 — d4 ^ .....
2. f2 — f4 est moins bon. Les noirs répondraient
2 c2 — c4.
2 d7-d5
3. Cbl — c3
3. e4 — eo est un peu aventureux ; 3. e4 p. do,
e6 p. d5 ; 4. Cgl - f3, Cg8 - f6 ; 5. Ffl - d3, Ff8 -d() ;
6. 0 — 0, 0 — 0 égaliserait les jeux.
A
3 Ff8-b4
4. Ffl — d3 c7 — c5
5. e4 p. do Dd8 p. do
6. Fd3 — b5 + Cb8 — c6
7. Cgl — f3 c5 p. d4
8. Fbo p. c6 -f b7 p. c6
9. Ddl p. d4 Fb4 p. c3 -f
10. b2p. c3 Cg8 — f6
11. 0 — 0
et les jeux s'égalisent.
B
3 Cg8 — f6
4. e4 p, do e6 p, do
o. Ffl — d3 c7 — c6
6. Cgl-f3 Ff8-d6
7. 0-0 0 — 0
et les jeux s'égalisent.
ÉCBbXS
29^2 —
Partie sicilienne. Cette partie est caractérisée par :
Blancs Noirs^
j ^ e2 e4 c / — co
Cette réplique des noirs est très correcte ; quelques
joueurs la préfèrent même à e^2 - e4. Les blancs peuvent
poursuivre de diverses manières, dont la meilleure est :
2. Cgi — f3 6^^ -~^^
La meilleure'^réplique des noirs : 2 Cb8 — c6,
est plus faible.
3. Cbl — c3 • • • r • u
3. d2 — d4 égalise les jeux, mais est moms bon que
3. Cbl - c3. ^^^ .
3 . . . . Cb8 — c6
4; f^2 — ii' c5p. d4
0. Cf3p.d4 ^g^~l^',
6. Fcl-e3 Ff8-b4
7. Ffl— d3 d7— do
8. Cd4 p. c6 b7 p. cb
9. e4 — e5 ^^'> — ^^^
10. 0 — 0
Jeux égaux.
Contre-gambit du centre.
Blancs ^ï'^''^-
1. e2 — e4 d7 — do
Cette réplique des noirs est faible.
2. ei p. do •;•/,*• *
Les noirs prennent avec leur dame, les blancs jouent
Cbl - c3 et amènent leur cavalier dans le jeu avec attaque
sur la dame ; si les noirs jouent 2 Cg8 — tb, les
blancs répliquent d2 - d4 et obtiennent une avance dans
le développement.
Fianchetto di Donna.
Blancs J^°'^^..
4. e2 — e4 b7 — bb
Cette réplique des noirs ne saurait être appelée incor-
recte; elle est pourtant moins bonne que 1. ..... e/ — e5,
oui e7-e6, oui ^V""*^
2. d2 — d4 e7 — e6
3. Ffl-d3 Fc8-b7
4. Cbl-c3 Cg8-fô
5. Cgi — f3 c7 — co
Fianchetto del Re. .
Blancs Noirs
4. e2 — e4 g'— g^
Pour placer le fou en g7, les blancs peuvent jouer :
2. f2 — f4 e7 — e6
3. Cgl-f3 ^'-^^.
4. (12 — d4 d7 — do
5. Cbl — c3 Ff8-g7,etc.
Parties fermées de part et d'autre. Nous arrivons
maintenant aux parties où les blancs ne jouent pas
4. e2 — e4.
Ouverture de Yant Kruyt.
Blancs ^'^^'^^
1. e2 — e3 ^
Les blancs en jouant ce coup se proposent d'engager
par ''> c2 -— c4 une partie sicilienne avec un coup d avance
si les^ blancs répliquent 1. e7 — eo, mais ceux-ci peuvent
^^^P^^^^'^i f7-fo
Il y a alors diverses répliques, telles que :
2. d2-d4 ?7o~'m
3. c2 - c4 Cg8 -J6
4 f^2 — fi c7 — c5
r>*. d4 - do Dd8 — c7
6. Cgl-f3 Ff8-c7
7. Ffl-e2 0-0
8. 0-0
Blancs .J^^Kl
1. c2-c4 n-fo ^
Celte ouverture se rapproche de la précédente ; elle n en
diffère la plupart du temps que par l'ordre des coups.
Ouverture avec le pion du fou du roi.
Blancs Noirs
1. f2 — f4
Cette ouverture se rapproche des deux précédentes. Les
noirs répliquent au mieux 1 f7 — fo, 1 .
e7— e6, 1 c7 — co, 1 d7 — do.
Ouverture du pion de la dame.
Blancs Noirs
1. d2 — d4
Cette ouverture est classique. Les noirs peuvent répondre
par 1 ci7 - do, 1 f 7 — f5, 1
eT — e6. En ce qui concerne la dernière réplique, nous
nous contenterons de remarquer qu'après 2. c2 — c4,
dT — do, elle se confond avec le gambit de la dame refuse
1. cl2 — d4, d7 — do ; 2. c2 — c4, e7 — e6 ; ou bien
qu'après 2. c2 — c4, f7 — fo elle se confond avec une va-
riante de la seconde réplique, ou enfin qu'après 2. e2 — e4,
d7 _ do, on retombe dans la partie française.
Gambit de la dame.
Blancs Noirs
1. d2 — d4 d7 — d5
2. c2 — c4
Ce coup caractérise le gambit de la dame. Contrairement
à ce qui arrive dans le gambit du roi, les noirs ont intérêt
à refuser le gambit de la dame.
Gambit accepté.
02 d5 p. c4
3. ê2-^e3!
Cette réplique des blancs est meilleure que 3. e2 — e4,
ou 3. Cbl — c3.
3 e/ — 60
La tentative de conserver le pion du gambit avec 3. .....
b7 _ bo, est mauvaise à cause de 4. a2 — a4, c7 — cb ;
5. a4 p. b5 cb p. bo ; 6. Ddl — f3. De même 3. .....
f7 __ f5 est à rejeter à cause de 4. Ftl p. c4, e7 — eb ;
5. Ddl — b3 ; et3. c7 — c5 à cause de4. Ffl p. c4,
cop. d4; 5. e3p. d4, Cb8 - c6 ; 6. Cgi - e2 e7 - e5;
7/Fcl - e3, er) p. d4; 8. Ce2 p. d4, Cc6 p. d4 ;
9. Fe3 p. d4, Dd8-e7 + ; 10. Fc4 -e2, De7 - b4 +;
11. Ddl - d2, Db4 p. d2 + ; 12. Cbl p. d2
0. Ffl p. c4 * * '10 * ji I
4 d4 p. eo serait mauvais à cause de Dd8 p. dl +
5. Rel p. dl, Cb8 - c6 ; 6. Cgi - f3, Fc8 - e6
7 Cbl -- d2, 0 — 0 — 0 ; 8. Rdl — c2, Ccb — b4 +
9*. Rc2 — c3, Cb4 - d3; 10. Ffl p. d3, Td8 p. d3 -f
.4 eo p. d4
n' ê3*p.*d4 Cg8 — f6
/^^^ .;; . , [é - db ; b. Cgi - f3, Cg8 - fb
7 0-0 0 — 0 et la position des blancs est meilleure.
5. Odl — b3 Dd8 — e7 +
7. Ci^l-e2 De7-b4 +
cEl _ c3 Db4 p. b3
9. Fc4 p. b3
Ff8 - e7
et les blancs ont un meilleur développement.
Gambit de la dame refusé.
2 e7 — eb _
Ceci est la meilleure manière de refuser le gambit.
3. Cbl - c3 c7 - c5
4. e2 — e3 Cg8 — fb
0. Cgi - f3 Cb8 — cb
b. a2 — a3 a7 — ab
7 1)2 — b3 b7 — bb
8. Fcl — b2 Fc8 — b7
9. c4 p. do eb p. do
40. Ffl — d3 eo p. d4
11. e3p. d4 Ff8-db
12. 0—0 0-0
Les jeux sont égaux.
La Bourdonnais Mac-Donnell
Blancs Noii"S,^
1. d2 - d4 d7-do
2. c2 — c4 do p. c4
3. e2 — e3 e7 — eo
^93
ÉCHIXS
4. Ffl p. c4 e") p. d4
5. e3 p. di C^8 — m
6. Cbl — c3 FÏ8 — e7
7. Cgi — f 3 0—0
8. Fcl — eo c7 — c6
9. h2 — h3 Cb8 — d7
10. Fc4 — b3 Cd7 — bO
M. 0 — 0 Cf6 — dr)
12. a2 — a4 a7 — aa
13. Cf3 — e5 Fc8 — e()
14. Fb3 — c2 n — f5
15. Ddl — e2 f5 — f4
16. Fe3 — d2 Dd8— e8
17. Tal — el Fe6 — f7
18. De2 — e4 g^ — g6
19. Fd2 p. f4 Cdo p. f4
20. De4 p. f4 Ff7 — c4
21. Df4 — h6! Fc4p. fJ
22. Fc2 p. g6 h7 p. g6
23. Ce5 p. g6 Cb6 — c8
Seul moyen de protéger le fou.
24. Dh6 — h8+ Rg8 — H
23. Dh8 — h74- Rt7 — f6
26. Cg6 — f4 ! Ffl — d3
Pour parer à 27. Cc3 — e4 4- et mat.
27. Tel - e6+ Rf6 — g5
28. Dh7 — h6+ Rgo — fo
29. Te6 - e5-|- et mat.
Partie hollandaise.
Blancs Noirs
1. d2-d4 f7 — f5
Si les noirs jouent plus tard d6 — d5, cette partie se
ramène au gambit de la dame refusé. Mais ce coup n'est
pas à recommander. Dans les parties fermées, il est sou-
vent avantageux de ne pas avancer le pion de la dame, qui
soutient le pion du roi et protège les cases e5 (e4) contre
les cavaliers ennemis. La partie sera conduite d'après les
principes des jeux fermés. Voici par exemple quelques coups
empruntés à une partie de Harrwitz (blancs), et Morphy
(noirs) :
2. c2 — c4 e7 — e6
3. Cbl — c3 C£^8 — m
4. Fcl - g5 1Ï8 — e7
o. e2 - e3 0-0
6. Ffl - d3 b7 — b6
7. Cgi - e2 Fc8 — b7
M. Arnous de Rivière a montré que les blancs peuvent
transformer cette partie en une partie ouverte en jouant
2. e2 — e4.
2. e2 — e4 f5 p. e4
3. Cbl - c3 Cg8 - m
4. Fcl — go c7 — c6
La tentative de garder le pion pris en jouant 4 d7
— d5, échouerait "par o. FgD p. f6, e7 p.f6; 6. Ddl —
— h5-f-, g7 — g6; 7.Dh3p. do.
5. Fg5 p. f6 e7 p. f6
6. Cc3 p. e4 d7 — do
7. Ce4 — g3 Ff8 — d6
8. Ffl — d3 0-0
9. Cgi — e2 Fc8 — e6
10. 0-0 Cb8 — d7
Les jeux sont égaux.
Ouvertures irrégulières. Enfin les blancs peuvent débu-
ter par divers coups plus ou moins fantaisistes. Ils joue-
ront par exemple 1 . a2 — a3 afin d'engager la partie sici-
lienne avec un coup d'avance si leur adversaire répond e7
— e5.
Parties à avantage. Après avoir donné la théorie des
principaux débuts où chaque joueur a toutes ses pièces, il
importe de dire quelques mots des parties à avantage.
i . Donner le mat sur une case désignée.
2. Donner le mat avec une pièce désignée.
3. Le pion coiffé : il s'agit de faire mat avec un pion
qui est d'habitude le pion du cavalier du roi et que l'on
coiffe d'une sorte de bonnet. Le pion ne peut aller à dame ;
si l'on fait mat avec une autre pièce on perd la partie.
4. Donner le mat avec un pion quelconque.
o. Compter comme perdues les parties nulles.
{). Donner à la dame les mouvements du cavalier.
7. Qui perd gagne.
8. La partie des pions. On admet que la dame vaut
huit pions. Un des joueurs ôte sa dame de l'échiquier et
place les huit pions où il veut dans sa moitié d'échiquier.
La tour vaut quatre pions; le fou et le cavalier trois.
9. Rendre la dame.
10. Rendre la tour de la dame.
d3. Rendre la tour de la dame en échange du cavalier
de la dame.
14. Rendre un cavalier.
15. Pion et deux traits. Quand on ne peut plus faire à
quelqu'un l'avantage d'une pièce, on se mesure contre lui
à pion et deux traits.
Voici quelques-uns des débuts de cette partie ; on enlève
aux noirs le pion du fou du roi :
Blancs Noirs Blancs Noirs
1 . e2 — e4
2. d2 — d4
3. Ffl
4. e4 — e5
5. h2 — h4
6. f2 - f4
7. h4 — li5
8. Ddl — g4
Blancs
1. e2 — e4
2. d2— d4
3. e4 — eo
e7 — e6
d3 c7 — c5
gj-g6
co p. d4
Cg8 — e7
Ff8-g7
Noirs
Cb8 — c6
d7 — do
4. Ffl — d3 Fc8 — e6
5. Cgi — f3
6. 0-0
7. c2 — c3
Dd8 — e7
0 — 0-0
g^ — g6
Fcl — e3 Cg8 — h6
Cb8 — d7 Ff8— g7
1. e2 — e4
2. d2 — d4
3. Ffl — d3
4. e4 — e5
5. f2 — f4
6. h2 — h4
7. g2 — g4
d7— d6
Cb8 — d7
g7 — g6
Ff8 — g7
Cd7 — f8
Blancs
e2 — e4
d2 — d4
Ddl— ho +
Dho p. c5
c2 — c3
Dc5 — c4
Fcl — s5
Noirs
c7 — c5*
g7-g6
Cb8 — c6
e7 — e5
C28 — Î6
10. b2 — b4
16. Pion et trait. Cette partie remonte à la plus haute
antiquité. L'avantage est beaucoup moins fort que dans la
partie précédente. Dans la partie de pion et trait le second
joueur peut roquer le plus souvent. — On enlève aux
noirs le pion du fou du roi.
Les blancs débutent par 1 . e2 — e4 et les noirs ré-
po
ou
nueni par 1
1
t^uo -
d7-d6
- c
J, uu 1. . . .
. . e j — eu
Blancs
Noirs
Blancs
Noirs
i.
e2 — e4
Cb8 — c6
1.
e2 — e4
d7 — d6
2.
d2-d4
d7 — d5
2.
d2-d4
Cg8 — f6
3.
e4 — e5
Fc8 — fo
3.
Cbl — c3
Cb8 - c6
4.
Fcl — e3
e7 — e6
4.
d4 — d5
Cc6 — e5
5.
Cgi - f3
Cg8 — e7
5.
f2 — f4
Ceo - f7
6.
Ffl — d3
Ffo p. d3
6.
Cgi - f3
e7 — e5
7.
Ddl p. d3
Théorie des fins de partie. — Nous étudierons d'abord
les divers cas de mat simple, c.-à-d. ceux que l'on obtient
contre le roi seul.
Roi et dame contre le roi. Ce mat se fait en acculant
le roi ennemi contre les bords de l'échiquier au moyen de
sa dame et en soutenant celle-ci au moyen de son roi. Soit
par exemple le roi noir en e5, le roi blanc en e\ , la
dame blanche en dl, le mat s'obtiendra de la manière sui-
vante : 1. Ddl — d3, Re5 — f4; 2. Rel — 82,Rf4 — e5 ;
3. Re2 — e3,Reo — e6 ; 4, Re3 — f4,Re6 — f7 ; 5. Dd 3
— d6, Rf7 — g7; 6. Rf4 — fo, Rg7 — f7; 7. Dd6
— d7+ (il faut veiller à ne pas faire le roi pat), Rf7
— f8 ; 8. Rfo - g6, Rf8 - g8 ; 9. Dd7 — d8 + et mat.
ÉCHECS
— 294 —
Roi et tour contre le roi. Au moyen de la tour sou-
tenue par le roi, on pousse le roi ennemi au bord de 1 échi-
quier, on place son roi en face, et la tour donne le ma .
Soit par exemple le roi noir en e8, le roi blanc en eb, la
tour blanche en eS; si c'est aux blancs à jouer, le nwt a
lieu en trois coups : 1. Te5 à volonté, Re8 - d« ; 2. 1
ioue dans la lii^ne c. Le roi noir revient en eS; d. i va
en c8+ et mat. Si c'est aux noirs à jouer, le mat a heu
en dera coups • 1. ..... Re8 - d8; 3. Teo - ca, Rd8
_ °8 • 3. Tco - c8+ et mat. On peut avec une tour
faire le roi adverse mat sur une case du bord de 1 échi-
quier donnée d'avance. , f „^ no,.vont
^ Roi et deux fous contre le roi. Les fous ne peuvent
faire le roi mat que dans un coin. Soit le roi noir en e8,
le roi blanc en el, les fous blancs en cl et fl : 1. Hl
_ d3, Re8 - d8 ; 2. Fcl - iL Rd8 - e - ; o. Rel - «2,
Re7 L f6; 4. Re'i -f3, Rf6 - ej ; 8. U^ - to, Re7
_ f6 ; 6. Rf3 -g4, Rf6 - e7 ; 7. Rg4 - go, Re7 - e8
s RoH ffi Re8 — d8; 9. F 4 — d6, Rd8 — e8
iS^^ - f8j H, FfS - d7, Rt;8 - gj
407 nfg _ „to, Rg8 — h8 ; -13. Fc7 — d6, Rh8 — g8
\X FdT _e6+, Rg8-li8; 18. Fd6 -- eo+et ma
Roi, fou et cavalier contre le roi. Parmi les mats
simplet, celui-ci est le plus difficile. 11 ne peut se 'aire que
dans le coin de la couleur du fou. S'il se réfugie dans le
coin inverse, le cavalier et le fou l'en délogeront en com-
binant leurs mouvements. Quelle que soit la position que 1 on
donne aux pièces, ce mat s'obtient en trente-cinq a rente-
huit coups au plus. Plaçons le roi noir en e8, le roi blanc
en el , le fou blanc en fl , le cavalier en bl : 1 . Rel - ei,
Re8 - e7 ; 2. Re2 - e3, Re7 - eb; 3. Re3 - e4
Re6 - fb 4. Ffl - c4,Rf6 - g6; S. Re4 -U^Kg
_ fb ; 6. Cbl - c3, Rfb - gb ; 7. Ce - e4, Rgo -hb
8. Rf4 - fo, Rbb - b7 (8 Rbb - g7; 9. Rfo
_ gS, Rg7 - f8 ; 10. Rg6 - f6, Rf8 - e8; 11. M
_kRe8-d8';12.Ce4-d6,Rd8-e7;13.Cdb
— c4, etc., voir la suite en C; ou bien : 8. ..... Khb
_ h5 9. i,'c4 _ e2+ Rh8 - h4; 10. Mo - gb, voir
la suite en R) ; 9. RfT- f6, Rh7 -- h8 9. ..... Rh
_ hb; 10. Fc4 - e2, Rhb - h7 ; 11. Ce4- db, Rh7
_ g8- 12. Cd6— f7, voir la suite en A); '10.Ce4— ab,
Rh8 - h7 ; 11. Cdb - n, Rii7 - g8 ; 12. M - do,
RcS - f8; 13. Fd3 - h7, Rf8 - e8; 14. Uv - eo.
dIus cette position les noirs ont deux manières de jouer,
et les blancs deux répliques à la seconde.
A 14 ..Re8 — 18; lo.Ceo— d7-(-, Rt8— c8
16. Rf6- eb, Re8 - d8; 17. Re6 - db, M8 - e8
(17 .Rd8 - c8;18. Cd7 -c8,Rc8 — d8 ; 19. Fh7
L gé etc.) ; 1 8. Fh7 - g6 + Re8 - d8 ; 1 9./gb -Xi,
Rd8 -c8 20.Cd7 - co, Rc8-d8; 21.Cco-b7+,
Rd8 - c8 ; 22. Rdb — c6, Rc8 - b8 ; 23. Rcb — bb,
Rb8 - c8 ; 24. FIT - e6+ Rc8 -^'^i^^^f -'^l
Rb8— a8; 2b. Feb - d7 (ou io, h3, g2), Ra8 - b8 ,
27. Cc5 - a6+, Rb8 - a8 ; 28. rd7 - cb+ et mat.
Si l'on veut donner le mat avec le cavalier, on joue : 2b. F eb
— c8, Ra8 - b8; 27. Fc8 - ab, Rb8 - a8; 28. I<a6
_ b7-4-, Ra8 — b8; 29. Cco — ab+ et mat. ^
B 14 Re8— d8;18.Rfb — e6,Rd8— c7;16.Ceo
_ d7, Rc7 - cb; 17. Fh7 - d3, Rcb - c7; 18. Fd3
— e4 Re7 — d8 ; 19. Reb — d6,Rd8 — c8; 20. I'e4
_ d5,' Re8 - d8; 21; Fdo - f7, Rd8 - c8; 22. Cd7
— c8 et la suite comme en A.
C 14 Re8 — d8 ; 13. Fli7 - ei, Rd8 — c7;
16. Ceo - c4, Rc7 - d7; 17. Rf6 - f7, M7 -d8;
18. Fe4 — cb, Rd8 — c7 ; 19. Fc6 — bo, Rc7 — d8 ;
20. Rf7 — eb, Rd8 — c7 ; 21. Reb — do, Rc7 — d8;
22. Rdo — d6, Rd8 — c8 ; 23. Cc4 — ao, Rc8 — b8;
24. Rdb — d7, Rb8 — a7 ; 23. Rd7 — c7, Ra7 — ab;
26. FbS — a6, Ra8 — a7 ; 27. Fa6 — c8, Ra7 — a8;
28. Fc8 — b7 4-, Ra8 — aT ; 29. Cao — c6+ et mat.
Roi et deux cavaliers contre le roi. Deux cavaliers ne
peuvent pas mater le rei. Soit, par exemple, le roi noir
en g8, le roi blanc en g6, les cavaliers blancs en eb et
d7 • le roi noir a été acculé dans le coin ; on voit qu'après
1 Cd7 — fb -1- Rg8 — b8, le second cavalier qm devait
in'terdire au m la' case f8 ne peut pas donner le mat.
Nous verrons plus loin que, si le roi noir a un ou plusieurs
pions, ceux-ci peuvent lui être funestes, et qu en pareil
cas, il peut arriver qu'un seul cavalier ou un seul fou
donne le mal. ,, , , ,,
Roi et pièces contre roi et pièces. La dame, ^ous
examinerons d'abord la dame seule contre une ou plusieurs
pièces, puis la dame soutenue par des pièces contre des
^'%%ame contre un pion. Si le pion n'est pas parvenu
sur le septième rang, la dame gagne facilement ; s il_ est
déjà sur le septième rang, la dame gagne contre les pions
du cavaher, du roi et de la dame; elle annule seulement
contre ceux des tours et des fous.
Blancs : roi en g7, dame en d7. Noirs : roi en c2, pion
"""il s'agit d'empêcher le pion noir de faire dame en dl.
1. Dd7 -cb +, Rc2 - b3 ; 2 Dcb - b.o +, Rb3-
c3; 3. Dbo-do, Rc3-c2; j- Ddo-c4+, R 2-
b2 3. De4 - d3, Rb2 - cl ; 6. Dd3 - c3 + Rcl -
dl • 7 W( - 16, Rdl - e2 ; 8. Dc3 - c2, Re2 - el ;
9 bei _ e4 + , Rel - f2 ; 1 0. De4 - d3, Rf2 - el ;
11 Dd3 -e^+, Rel -dl ; 12. Rf6- eo, Rdl - c2 ;
13. De3 - e2, Rc2 - cl ; 14. De2 - c4+, Rcl - b2 ;
13. Dc4 - d3, Rb2 - cl ; 1 6. Dd3 - c. +, Rcl - d ;
,7 Re3 _ d4 Rdl - e2 ; 18. Dc3 -e3+, Re2 - dl ;
19; Rdl - c3,'Rdl - cl ; 20. Dd3 p. d2 +, Rcl - bl ;
21. Dd2 — b2+ et mat.
Avec les pions de la tour et du fou, le temps de repos
nécessaire pour amener le roi blanc ne peut être obtenu.
Mais on rencontre dans la pratique divers cas ou, par suite
de la position des rois, le mat peut être obtenu même
après que le pion est parvenu à dame.
Ainsi soit la position suivante :
Blancs : roi en f5, dame en d6.
Noirs • roi en b2, pion en a2.
UvlnLe^^ 1. I>d6~b4+, Rb2-c2; 2.
Db4 -- a3, Rc2 - bl ; 3. Da3 - b3 +, Rbl - al, et le
roi blanc ne peut s'approcher, car le roi noir serait pat.
Mais si le roi blanc était au début en e4 au lieu d être en
fo, les blancs gagneraient après les trois coups précédents
par : 4. Db3-c3+, Rai -bl ; 5. Re4 - do !, a2 -
al C (si le pion faisait dame a2 — ai D, les blancs mate-
raient avec 6. Dc3-c2+) : 6 Dc3 - a3 Cal --c2 ;
7. Da3-b3+, Rbl — al; 8. Rd3 -c3, C a volonté;
9. DbB — b2-f- et mat.
Voici encore quatre positions où les blancs gagnent s Us
ont le trait : . • i. . • ci
Blancs : roi b6, dame en b7. Noirs : roi bl pion a2
Blancs : roi ^3, dame f7. Noirs : m g2 pion h2. Blanc,
roi c4, dame^dS. Noirs : roib2, pion c2. Blancs : roi g4,
dame f7. Noirs : roi dl, pion c2. . c- 1 • r..
20 Dame contre deux ou plusieurs pions. Si les pions
sont peu ou point avancés, la dame gagne même contre les
hrnt pTons. Contre deux pions sur la septième ligne ou
contre un pion sur la septième soutenu F^ un autre pion
sur la sixième, la dame ne pourra généralement qu an-
""""irv a quelques exceptions provenant de la proximité du
roi qui permet de forcer le mat après que le pion a tait
dame. 11 en est de même dans certaines positions particu-
lières, telles que la suivante :
Blancs : roi en e7, dame en f7.
Noirs : roi en bl , pions en a3 et b2.
Les blancs gagnent avec 1. ^17 -b3 Rbl -cl , i.
Db3 p. a3, Rcl -c2 ; 3. Da3 - a2, Rc2-cl ; 4. Da2
__e4 1 , Rcl -d2 ; 5. Dc4-b3, Rd2 -cl ; 6. Db3
_c3+, Rcl-bl; 7. Re7-d6, etc.
Contre trois pions sur la septième ligne, la dame perdra,
à moins qu'elle ne puisse faire partie nulle par échec per-
pétuel ou que le roi adverse ne soit très voisin.
- 295
ÉCHECS
3° Dame contre fou ou cavalier et pion. La dame
gagne facilement contre roi et fou ou roi et cavalier ; elle
mate le roi sans avoir besoin de prendre la pièce. Contre
un pion sur la septième case, soutenu par un fou ou un
cavalier; elle ne pourra, en général, qu'annuler.
4^ Dame contre tour. La dame gagne contre la tour
en poussant le roi adverse contre le bord de l'échiquier,
tandis que le roi de même couleur s'approche. On s'effor-
cera d'amener la position suivante, de manière que ce soit
aux noirs à jouer.
Blancs : roi en c3, dame en a4.
Noirs : roi en bl, tour en b2.
Si c'était aux blancs à jouer, ils gagneraient le temps
de repos nécessaire par Da4 — e4-f-, Rbl — al, De4 —
a8-f-, Rai — bl, Da8 — a4. Si les noirs jouent avec le
roi, ils perdent par Da4 — a3, Rcl — di, Da3 p. b2,
Rdl — el,Db2 — g2, Rel— dl, Dg2 — fl + et mat.
Si les noirs jouent avec la tour, ils perdent de même,
1 Tb2 — b6; 2. Da4 — dl-f-, Rbl — a2; 3.
Ddl— do-f-, Ra2 — bl;4. Ddo — f5+, fRb2— a2;
o. Df5 — ao +, Ra2 — bl ; 6. Da5 p. b6, R à volonté;
7. D mat.
Si la tour jouait en f2 ou h2, le mat s'obtiendrait de
même en quelques coups par Da4 — e4-f-, etc.
Il est certaines positions dans lesquelles les noirs ob-
tiennent le pat en sacrifiant la tour. Telles sont les deux
suivantes :
Blancs : roi en f6, dame en e6.
Noirs : roi en f8, tour en g7.
Les noirs jouent TgT — g6 -f-^ le roi blanc prend, le
roi noir est pat.
Blancs : roi en b4, dame en d3.
Noirs : roi en cl, tour en a2.
1 Ta2— b2 + ; 2. Rb4 — a3, Tb2 — a24- ;
3. Ra3 p. a2 pat.
5*^ Dame contre tour et pion. La dame annulera contre
une tour et un pion, si le pion n'a pas remué ou s'il est
très avancé. Elle gagnera dans les autres cas. C'est ce
qu'a montré Pliilidor dans une magistrale analyse où il
suppose la position initiale suivante :'
Blancs : roi en f4, dame en d3.
Noirs : roi en e7, tour en e5, pion en e6.
Mais cette analyse est trop longue pour être donnée ici.
6<* Dame contre tour et fou ou contre tour et cava-
lier. En général, la partie sera nulle. Les pièces noires
devront se tenir le plus prés possible de leur roi. Si les
deux camps possèdent des pions, la solution dépend de leur
position. Ici également, il peut y avoir des exceptions.
Blancs : roi en a5, dame en c5.
Noirs : roi en al, tour en bl, fou en a2.
l.DcD — d4+, Tbl— b2; 2. Rao — a4, F. à vo-
lonté ; 3. Ba4 — a3, à volonté ; 4, Dd4 p. b2 -f- et mat.
7** Dame contre les deux tours. La dame annule contre
les deux tours. Soit la position :
Blancs : roi en c4, dame en aS.
Noirs : roi en hl, tours en g2 et h2.
1 . Da8 — al +, Tg2 — gl ; 2. Dal — a8 -f , Th2 —
g2 ; 3. Da8 — h8-j-, Tg2 — h2 ; 4. Dh8 — a8-|-, etc.
Si c'est aux noirs à jouer, la partie est nulle ; de même
par: 4 Th2 — h4-f ; 2. Rc4 — co, Rhl —
h2, etc.
Il peut y avoir toutefois des positions où les blancs gagnent
et d'autres où ce soient les noirs.
Blancs : roi en tl, dame enel.
Noirs : roi en hl, tours en g2 et h5.
Les blancs gagnent par : 1. Del — e4, Th5 — e5; 2.
De4 — h4+,' Tg2 ~h2; 3. Dh4 p. g5, Th2 — b2 ; 4.
Dgo — gl -j- et mat.
Blancs : roi en al, dame en a8.
Noirs : roi en gl, tours en g2 et h2.
Les noirs gagnent par : 1 Th2 — hl ; 2. Da8
— b8, Rgl — f2-f-; 3. Rai — b2, Rf2— e3; 4. Rb2
— c3, Thl — cl 4-; 5. Rc3 — b3, Tel — bl +.
8° Dame contre les deux fous. La dame gagne contre
les deux fous, si ceux-ci sont désunis ou séparés de leur
roi, sinon elle annule. Les fous doivent être manœuvres
avec beaucoup de précaution ; il vaut mieux, en général,
écarter d'eux le roi d'une case que de les séparer, ce qui
faciliterait l'approche du roi ennemi.
9^ Dame contre les deux cavaliers. La manœuvre des
deux cavaliers contre la dame est encore plus difficile que
celle des fous. Il faut viser surtout à ce que les cavahers
se tiennent près du roi, plutôt qu'à ce qu'ils se soutiennent
l'un l'autre. Toutefois, il est clair que si, en se soutenant,
ils tenaient le roi ennemi bloqué sur un petit nombre de
cases, la partie serait nulle, quelque éloigné que fût leur
propre roi. C'est ce qui arriverait si le roi blanc étant en
a7, les cavaliers noirs étaient en c5 et d7.
10° Dame contre fou et cavalier. Si le fou et le cava-
lier ne peuvent pas empêcher l'approche du roi ennemi, la
dame gagne. Sinon la partie est nulle.
11" Dame contre dame et autres pièces. En général,
une dame perd si elle est seule contre une dame et d'autres
pièces qui, après l'échange des dames, suffiraient à forcer
le mat. Elle perd donc contre dame et tour, ou contre
dame et deux fous, ou contre dame, fou et cavalier. Elle
annule contre dame et fou ou dame et cavalier. Pourtant,
elle perd, en général, contre dame et deux cavaliers. Elle
annule souvent contre dame et pions au moyen de l'échec
perpétuel. Voici une fin de partie où Morphy dirigeait les
blancs :
Blancs: roi en g6, dame en c7, pions en h2l etf5.
Noirs : roi en e8, dame en d8, tour en h3, pions en
do, e7, 16.
i, Dc7 — c6, Re8 — f8(l Dd8— d7; 2. Dc6
— a8+, Dd7 — d8; 3. Da8 — c6-{-); 2. Dc6 p. f6+,
e7 p. f6 pat. 2 Rf8 — e8 serait suivi de 3. Df6
— c6 -j- et 2. Rf8 — g8 de 3. Df6 — g7 + et mat.
La Tour. 1° Tour contre pions. L'issue dépend de
la position des rois. Si les deux rois sont éloignés, la tour
perd contre un pion sur la septième ligne qu'elle ne peut
prendre ; contre deux pions unis, si ceux-ci sont parvenus
sur la sixième ligne sans être en prise, ou bien si l'un est
sur la septième, l'autre sur la cinquième ; contre trois
pions, s'ils sont sur la cinquième ligne sans être en prise.
Si, au contraire, les pions n'ont pas remué, la tour gagne
contre quatre pions unis, et même, si c'est à elle à jouer,
contre cinq : mais un tel cas ne se présente jamais dans la
pratique. Tout ceci n'est vrai que si les deux rois sont
trop éloignés pour intervenir. La tour peut annuler en
forçant le pat après que le pion a fait dame, ou en l'em-
pêchant de faire dame par la menace d'un mat.
Blancs : roi en f4, tour en e5.
Noirs : roi en d6, pion en d2.
1. Te3 — e8, Rd6 — d7 ; 2. Rf4 — e3, d2 — dl D et
les noirs gagnent :
Blancs : roi en f6, tour en c8.
Noirs : roi enh7, pions en a4 et b2.
Les noirs perdent parce que les blancs attaquent leurs
pions en menaçant le roi d'un mat :
l.Tc8— c7-f-, Rh7— g8; 2. Tc7 — g7-f, Rg8 —
h8 ; 3. Tg7 — b7, a4 — a3 ; 4. Rf6 — g6 et gagne.
Blancs : roi en h8, tour en gl.
Noirs : roi en a4, pion en b5.
Les noirs annulent s'ils ont le trait: 1 b5 — b4;
2. Rh8 — g7, b4 - b3 ; 3. Rg7 — f6, b3 — b2 ; 4. Rf6
— e5, Ra4 — b3; 5. Re5 — d4, Rb3 — a2. Partie
nulle. Les blancs auraient gagné s'ils avaient eu le trait
en rejoignant le pion sur la septième case avec le roi amené
en c2. — Si les deux rois sont près des pions, le roi ennemi
étant devant eux, la tour gagne contre un ou deux pions.
Dans la même hypothèse de l'intervention des rois, trois
pions unis annulent, en général, contre la tour, tandis que
quatre gagnent.
2<^ Tour contre cavalier. Le cavalier annule contre la
tour, à moins qu'il ne soit séparé de son roi et que les
ECHECS
— 296 —
cases où il peut jouer ne soient commandées par la tour.
Ces cas ne se présentent guère que si le roi est acculé au
bord de l'échiquier.
Blancs : roi en b3, tour en h2.
Noirs : roi en al , cavalier en cl .
Blancs : roi en c6, tour en h8.
Noirs : roi en a7, cavalier en b7.
Dans ces deux cas, les blancs gagnent.
30 Tour contre fou. Le fou annule presque toujours
contre la tour. Le roi qui est soutenu par le ton se place
dans un coin de couleur opposée à celle du fou, de manière
à parer les échecs avec le fou.
Si, au contraire, le roi n'est pas dans le coin, il ne faut
jamais parer l'échec avec le fou, car celui-ci serait pris
comme le montre la position suivante :
Blancs : roi en f6, fou en bB.
Noirs : roi en f8, tour en d7.
1. Tb6-b8+, Fd7-e8; 2. Tb8^a8, Rf8-g8;
3. T p. e8-)- et mat en deux coups.
On mettra le roi sur une case de même couleur que celle
du fou et on empêchera le roi adverse de se placer en face
en donnant échec au moyen du fou.
40 Tour contre deux pions et fou ou contre deux
pions et cavalier. La tour soutenue par son roi annule
contre deux pions et un cavalier en prenant une position
telle que les deux pions ne puissent avancer sans être pris.
Contre deux pions et un fou, la manœuvre de la tour est
très difficile ; si les deux pions parviennent à la sixième ligne,
ils gagnent en général,
0° Jour contre tour et pion. La tour annule souvent
contre tour et pion, si son roi se trouve devant le pion
ennemi. Les cas de cette espèce se présentent fréquemment
dans le jeu pratique et sont très déUcats.
Blancs : roi en el, tour en b3.
Noirs : roi en f4, tour en h2, pion en eo.
Les blancs jouent 1. Tb3 — a3. Les noirs répondent 1.
■ Si les blancs jouent 2. Ta3 — a8, ils
perdent la partie ; s'ils jouent 2. Ta3 — b3, ils annulent:
ils ne doivent quitter la troisième ligne que quand les noirs
y ont amené le pion. 2. Ta3 — b3, Th2 - a2 ; 3. Tb3
- c3, e4 - e3 ; 4. Tc3 - c8, Rf4- f3 ; 5. Tc8 - f8 + .
Si le roi noir reste auprès du pion, la tour donne l'échec
perpétuel ; s'il s'éloigne, la tour prend le pion.
Blancs : roi en gl , tour en g7.
Noirs : roi en h3, tour en e8, pions en g2 et g4.
1. Tg7 — h7+, Rh3 — g3 ; 2. Th7 — e7, Te8 p. e7;
pat.
Même contre tour et deux pions, il n'est pas rare que
la tour annule.
Blancs : roi en b5, tour en go.
Noirs : roi en b7, tour en h'7, pions en a5 et b6.
La tour blanche reste sur la hgne 5 aussi longtemps que
la tour noire sur la ligne 7. Si celle-ci s'en écarte, la tour
blanche donne échec et son roi prend le pion b.
6^ Tour contre fou, cavalier et pion et analogues-
Contre deux cavaliers et un pion, la tour annule en pre-
nant le pion ; contre deux fous et un pion ou un fou, un
cavaher et un pion, elle perd.
7*^ Tour contre tour et cavalier. En général, la tour
annule. Elle peut perdre si son roi est bloqué dans un espace
restreint.
Blancs : roi en f6, tour en eo, cavalier en e6.
Noirs : roi en h8, tour en b2.
1 . Teo — cf), Tb2 — b6 ; 2. Rf() — f7, Tb6 — b7 ; 3.
Ce6 — c7 et gagne,
8<^ Tour contre tour et fou. Cette fm de partie est très
difficile. Il n'est pas prouvé que la tour et le fou puissent
acculer le roi ennemi au bord de l'échiquier, et même, si
le roi est acculé, il ne peut pas être fait mat dans tous les
cas. Cette fin de partie aboutit donc, en général, à une
nullité.
9<* Tour contre trois pièces. La tour perd contre deux
fous et un cavalier ; elle annule contre deux cavaliers et
un fou si elle peut se sacrifier en prenant le fou. Si le
joueur qui possède les trois pièces réussit à pousser le roi
dans le coin, il ne devra pas perdre de vue que dans les
positions du pat, la tour réussit souvent à annuler par
l'échec perpétuel.
Blancs : roi en f7, fous en f6 et en d7, cavalier en g4.
Noirs : roi enh7, tour enfl.
Les blancs ont le trait et gagnent.
Blancs : roi en cl, fous en g2 et a3, cavalier en c3.
Noirs : roi en al, tour en d7.
Les noirs jouent et annulent avec Td7 — d2.
10*^ Tour et pion contre le cavalier. La tour gagne
presque toujours. On peut s'en convaincre en analysant
cette fin de partie de La Bourdonnais (blancs) et Mac-Don-
nell (noirs).
Blancs : roi en c4, tour en al, pion en a6.
Noirs : roi en b6, cavalier en a7.
Il y a certaines positions de nullité comme la suivante :
Blancs : roi en h2, tour enh3, pion en d3.
Noirs : roi en e2, cavalier en e4.
1. Rh2 -g2, Rd2-e2; 2. Th3 — g3, Cd4 — fo;
3. Xg3 — h3, Cfo — d4. Partie remise.
11" Tour et pion contre fou. Le fou perdra presque
toujours. Voici un exemple emprunté à Stamma.
Blancs : roi en eo, tour en h7, pion en d6.
Noirs : roi en d8, fou en g4.
1. Th7 - h4, Fg4 - dl (1 Fg4 - f3 ou e2 ;
2. Reo — e6 et les blancs gagnent) ; 2. d6 — d7 (meil-
leur que 2. Th4 — d4), Fdl — f3 (tout mouvement du roi
serait suivi de 3. Th4 — d4) ; 3. Re5 — d6, Fb3 - g8 ;
4. Th4 — b4 et 5. Tb4 — b8 + et mat.
Voici une position de nullité.
Blancs : roi en g3, tour en a7, pion en f6.
Noirs : roi en f8, fou en c4.
Les noirs jouent 1 Fc4 — b3 ; 2. Ta7 — b7,
Fb3 — c4 ; 3. Tb7 — c7, Fb3 — a2 et les noirs annulent
en plaçant leur fou dans la diagonale de f7, de manière à
donner échec si le roi blanc joue en g6.
12° Tour et pièces contre tour et pièces. Un camp
gagnera la partie s'il a sur le camp adverse une supé-
riorité de forces suffisante pour faire le mat, après échange
des pièces équivalentes. Une tour et des pions perdront
contre deux tours et des pions ; deux tours et un fou an-
nuleront contre deux tours ; de même deux tours et fou et
cavalier contre tour et tou ou bien contre tour et cava-
her, etc. Il peut y avoir des exceptions tenant à la position
des pièces.
Blancs : roi en I16, tour en f4, pions en f6, g6, ho.
Noirs : roi en h8, tours en g8 et g2, pions en bo et c3.
Les blancs f^aenentpar 1. f6 — f7,Tg8 — f8 (1
c3 - c2 ; 2. 17 - f8D, c2 - clD ; 3. Df8 - f 6 +) ;
2. T f4 - f2 !, c3 _ c2 (2 Tf8 p. f7 ; 3. Tf2 p.
f7, Rh8 - g8 ; 4. Tf7 - e7) ; 3. Tf2 p. c2, Tg2 - g3 ;
4. Tc2 — e2 et gagne.
Le fou. 1° Fou contre pions. Les deux rois étant
éloignés, un fou annulera contre un pion dès qu'il pourra
l'arrêter ; il annulera généralement contre deux ; il per-
dra contre trois. Si les pions sont soutenus par leur roi, le
fou perdra en général contre deux pions. Si les deux rois
interviennent, îe fou annulera en général même contre trois
pions.
Blancs : roi en e7, fou en f2.
Noirs : roi en h7, pions en c4 et fo.
Si les noirs ont le trait, ils gagnent pari f o — f 4 ;
si les blancs ont le trait, ils annulent par : 1. Ff2 — e3,
Rh7 — g7 ; 2. Re7 — e6, Rg7 — g6 ; 3. Re() — eo.
Blancs: roi en g3, pions en b2, e4, go.
Noirs : roi en b4, fou en g6.
La partie est nulle, que les blancs aient le trait ou non.
20 Fou contre cavalier et pions. C'est la position sur-
tout qui décide. En général, un pion soutenu par un fou ou
un cavalier obtiendra seulement partie nulle contre un fou
ou un cavalier. S'il n'y a pas de différence tranchée de po-
sition, un surplus de deux pions entraîne la victoire.
3« Fous de couleurs opposées Vuri contre Vautre
avec pions. Un surplus d'un ou de deux pions ne suffit pas
en général ; le fou et le roi s'associent pour arrêter un pion
sur une case où le fou adverse est inefficace.
Blancs : roi en d5, fou en d3.
Noirs : roi en b4, fou en e7, pions en c5, d6, eo.
Même si les noirs ont le trait, la partie est nulle.
Blancs : roi en g6, fou en d3, pions en g4, h5.
Noirs : roi en f8^ fou en c3.
La partie est nulle. 1 . Fd3 — c4, Fc3 — d2 ; 2. ho —
h(), Fd2 — e3 ; 3. g4 — g5 Fe3 - d2 ; 4. Rg6 - ho,
Fd2 — e3 ; 5. g5 — g6, Fe3 — d4.
4<^ Fous de même couleur l'un contre l'autre. Un sur-
plus d'un pion suffit d'habitude pour assurer le gain de la
partie. Le fou ennemi doit être tenu éloigné des cases sur
lesquelles le pion va avancer, de manière que l'échange ne
soit pas possible.
Blancs : roi en h6, pion en g6, fou en d2.
Noirs : roi en f8, fou en b2.
d . Rh6 — h7, Fb2 - d4 ; 2 . Fd2 - h6 + , Rf8 - e8 ;
3. Fh6 — g7, Fd4 — co ; 4. Fg7 — c3, Fco — f8 ;
5. Fc3 — b4 et les blancs gagnent.
Blancs : roi en d6, fou en b5, pion en co.
Noirs : roi en f^, fou en f3.
Les blancs jouent et gagnent.
Blancs : roi en c6, fou en h2, pion en e6.
Noirs : roi en c8, fou en ao.
La partie est nulle.
o*^ Fous et cavaliers les uns contre les autres. En
général, il y a lieu d'appliquer ici la règle déjà énoncée: le
camp le plus fort gagne la partie s'il a sur l'adversaire un
excès de forces suffisant pour le mater. Il y a pourtant des
exceptions.
Blancs : roi en c4, cavalier en c3, fou en d7.
Noirs : roi en b6, cavalier en g7.
d. Cc3 — d5 4-,Rb8-b7;2.Rc4-b5,Cg7-ho;
3. Fd7 — g4, Cho -- g3 ; 4. Fg4 — f3, R à volonté ;
5. Cdo — e3 et prend le cavalier au moyen du roi en cinq
coups. Si au premier coup les noirs jouaient 1 —
Rb8 — a7, les blancs répondraient 2. Rc4 — d3, puis
3. Rd3 — e3 et prendraient le cavaHer de même.
Voici une position très curieuse où les blancs avec deux
cavahers forcent le mat contre roi, pion et fou.
Blancs : roi en f3, cavaliers en e3 et f4.
Noirs : roi en h4, fou en h6, pion en f6.
i, Ce3-fo +,Rh4-g5;2.Rf3 — e4,Fh6-f8!
3. Cf4-e6 +,Rgo — g6;4. Ge6p. f8 +,Rg6 — f7
5. Cf8-d7, Rf7-e6;6. Cd7 - co +, Re6 - f7
7. Re4— .e3, Rf7 - g6 ; 8. Re3 - f4, Rg6 - f7
9. Rf4 — e4, Rf7 — g6; 10. Cc5 — b7, Rg6 —ho
44. Cb7 — d6, Rho — g4 ; 42. Re4 — e3, Rg4 — h3
13. Re3 - f3, Rh3 - h2 ; 1 4. Cd6 — c4, Rh2 — gl ; 15
Cc4 — e3, Rgl - m ; 16. Ce3 — d5, Rh2 - gl
47. Rf3 _ e2, Rgl — g2 ; 18. Cdo — f4 + , Rg2 — hl
19. Re2 — fl, Rhl — h2 ; 20. Rfl — f2, Rh2 — hl
21 . Cfo - ^3 + , Rhl - h2 ; 22. Cg3 - fl + , Rh2 —
hl ; 23. Cf4 — e2, f6 — f o ; 24. Ce2 — g3 -f et mat.
Le cavalier. 1*^ Cavalier contre pions. Si les rois
sont éloignés, le cavalier annulera en général contre un
pion; il perdra contre deux. Il y a deux points à noter ici:
d'une part, le cavalier est très propre à mettre en prise à
la fois le roi et les pions ; d'autre part, il risque beaucoup
d'être pris dans les coins par le roi ennemi.
Blancs : roi en b7, pion en a6.
Noirs : roi en g7, cavaHer en a7.
Les noirs ont le trait et annulent tantôt en empêchant le
pion d'avancer, tantôt en le menaçant, s'il avance, de don-
ner échec à la fois au roi et au pion : 1 Ca7 — bo ;
2. Rb7— b6, Cbo— d6; 3. Rb6 — c6, Cd6 — c8 ;
4. Rc6 — c7, Cc8 — a7, etc. ; si le pion était déjà sur la
septième ligne, les blancs gagneraient, car le cavalier pour
297 — ECHECS
arrêter le pion serait obligé de se mettre dans le coin où
le roi blanc le prendrait. Pourtant la situation du roi noir
peut amener la nullité. Tel est le cas suivant.
Blancs : roi en b5, pion en a7.
Noirs : roi en f7, cavalier en a8.
1. Rbo — c6, Rf7— e6 ; 2. Rc6 — b7, Re6--d7;
3. Rb7 p. a8, Rd7 — c8 et le roi blanc est pat. Dans cer-
tains cas, très intéressants, il peut arriver qu'un cavalier
seul réussisse à faire mat le roi ennemi si celui-ci a encore
des pions qui peuvent jouer, tandis qu'il est bloqué dans
un coin par le roi ennemi.
Blancs: roi en fl, cavalier en e2.
Noirs : roi en hl, pion enh3.
1. Ce2 — g3 + , Rhl — h2; 2. Cg3 — e4, Rh2 — hl ;
3. Rfl — f2, Rhl - h2 ; 4. Ce4 — d2, Rh2 — hl ;
o. Cd2 — fl, h3 — h2 ; 6. Cfl — g3 + et mat.
Si les noirs avaient le trait, la partie serait nulle.
Blancs : roi en bo, cavalier en a6.
Noirs : roi en a8, pions en a7 et b6.
1. Rb5 — c6, b6 — b5 ; 2. Rc6 — c7, b5 — b4 ; 3.
Rc7 — c8, b4 — b3 ; 4. Ca6 — c7 + et mat. On voit que
dans ce cas le nombre des pions noirs n'intervient pas : les
noirs eussent eu cinq autres pions en d4, e4, 14, g4 et
li4 qu'ils n'eussent pu empêcher le mat en quatre coups.
Blancs : roi en h3, cavalier en f3.
Noirs : roi en hl, pions en 17 et h7.
Si les blancs ont le trait, ils forcent le mat en quinze
coups ; si les noirs ont le trait, les blancs forcent le mat en
neuf coups.
2° Cavalier et pion contre pions. Si les positions sont
équivalentes, c.-à-d. si les deux rois interviennent, un ca-
valier et un pion gagneront contre un pion et la plupart
du temps contre deux.
Blancs : roi en b4, cavalier en e3, pion en f4.
Noirs : roi en c6, pions en a6 et bS.
1. Rb4 — c3, Rc6 — co ; 2. Ce3 — c2,Rc5 — d5 ; 3.
Rc3 — d3, Rdo — cS ; 4 Rd3 — e4, bo — b4 ; 5. f4 —
fo, b4 — b3 ; 6. Cc2 — a3, Rco — b4 ; 7. f5 -f6, Rb4
p.a3 ; 8. f6 — f7, b3 — b2 ; 9. f7— f8 D + , Ra3 — a2 ;
40. Dt8 — f2, Ra2 — al ; 11. Df2 — d4, Rai — a2 ;
12. Dd4 — a4 -(- elles blancs gagnent.
Blancs : roi en b6, cavalier en g4, pion en a5.
Noirs : roi en b8, pions en h3 et g5.
1 Rb8 — a8 ; 2. a5 — a6, Ra8 — b8 ;
3. a6 — a7 +, Rb8 — a8; 4. Cg4 — f6, h3 — h2;
5. Cf6 — d5, h2 — hl D; 6. Cdo — c7 + et mat.
Si les blancs avaient le trait, la partie serait nulle. Un
cavalier et un pion annuleront d'habitude contre trois pions;
ils perdront contre quatre et davantage. Ici comme tou-
jours il y a des exceptions. En voici une fort curieuse où
les blancs forcent le mat en une vingtaine de coups :
Blancs : roi en c4, cavalier en e3, pion en b3.
Noirs : roi en b6, pions en a3, b4, c5, fo.
3o Cavalier et pions contre cavalier et pions. C'est
la position qui décide, comme le montrent les deux exem-
ples suivants :
Blancs : roi en a3, cavalier en bo, pion en b7.
Noirs : roi en e6, cavaHer en c6.
\ . Cb5 — d4 + , Cc6 p. d4 ; 2. b7 — b8 D et gagne.
Blancs : roi en c4, cavaHer en d2.
Noirs : roi en b6, cavaHer en e6, pions en c5 et d4.
l.Cd2-
Rb6 _c6; 2. Ce4 p. c5, Ce6 p. c3;
3. Rc4 p. d4. Partie nulle.
4^ Deux cavaliers contre roi et pions. Deux cava-
liers ne peuvent pas mater le roi ennemi s'il est seul ;
mais, s'il possède encore un pion, il y a des cas où le mat
est possible. Nous en avons donné un exemple un peu plus
haut à propos du jeu du fou. En voici plusieurs autres :
Blancs : roi en e6, cavahers en d4 et f5.
Noirs : roi en h8, pion en e3.
1. Cd4 — e2, Rh8 — g8 ; 2. Re6 — e7. Rg8 — h8
3. ReT — f8, Rh8 — h7 ; 4. Rf8 — f7, Rh7 — h8
^;. Ce2 — f4, e3 — e2; 6. Cf4 — ^6 +, Rh8 — h7
ÉCHECS
— 298 —
7. Cg6 — f8 +, Rh7 — h8 ; 8. Cf5 — h4, e2 — ei D ;
9. Ch4 — g6 4- et mat.
Blancs : roi en d8, cavaliers en h6 et d4.
Noirs : roi en f8, pion en h7.
Mat en vingt-neuf coups.
Blancs : roi en c6, cavaliers en c2 et f3.
Noirs : roi en e6, pion en 14.
Mat en quarante-trois coups.
Blancs : roi en b2, cavaliers en d3 et h3.
Noirs : roi en g8, pion en h4.
Mat en soixante-quatre coups.
Le pion. Nous avons examiné plus haut diverses posi-
tions dans lesquelles des pions étaient soutenus par diverses
pièces. Nous nous bornerons ici au cas des pions soutenus
par le roi seul.
1° Pion et roi contre roi. Dans la fin de partie de roi
et pion contre roi, c'est la position des rois qui décide.
C'est ce que montrent les exemples suivants :
Blancs : roi en el , pion en e2. Noirs : roi en e8.
Si les blancs ont le trait, ils gagnent, tandis qu'ils
font seulement partie nulle si c'est aux noirs à jouer.
1. Red— f2,Re8 — f7;2. Rf2 — f3; 3. Re3 — e4
(dans cette position on dit que le roi a pris l'opposition
en avant de son pion), Re6 — f 6 ; 4. Re4 — do, Rf6
— e7 (si les noirs jouaient 4 Rf6 — f7 ou f5
les blancs répondraient 5. e2 — e4) ; 5. Rd3 — e5,
Re7 — d7 ; 6. Re5 — f6, Rd7 — e8 ; 7. e2 — e4,
Re8 — f 8 ; 8. e4 — eo (les noirs sont maintenant obli-
gés de renoncer à l'opposition qu'ils avaient momentané-
ment prise), Rf8 — e8 ; 9. Rf6 — e6 (9. e5 ■- e6 con-
duirait à la remise de la partie avec 9 Re8 — f8 ;
40. e6 — c7 -f , R18 — eS et les blancs font le roi noir
pat ou abandonnent le pion), Re8 — d8 ; 10. Re6 — 17,
et le pion va à dame.
Supposons au contraire que les noirs aient le trait :
1 Re8 — f7;2,Rel — d2,Rf7 — e6;3.Rd2— e3,
Re6 — e5 (les noirs ont pris l'opposition et la gardent
aussi longtemps que les blancs jouent le roi) ; 4. Re3 — f3,
Re5 — f5; 5. e^ — e4 +, Rfô _ e5 + ; 6, Rf3 — e3,
Re5 — e6; 7. Re3 — d4, Re6 — d6 ; 8. e4 — e5 +,
Rd6 — e6 ; 9. Rd4 — e4, Re6 — e7 ; 40. Re4 — î^,
Re7 — f7 ; 44. eo — e6 -fî Rf"7 — e7 (les noirs pour-
raient jouer également 44 Rf7 — e8, mais non pas
44 Rf7 — f8); 42. Rf5 — e5 , Re7 — e8 ! ;
43.Re5 — d6, Re8 — d8 ; 44. e6 — c7 -f ; Rd8 — e8 ;
15, Rd6 — e6. Pat.
De cette analyse on déduit la règle suivante : le roi et
le pion gagnent contre le roi si le roi peut prendre l'oppo-
sition devant son pion, sinon la partie est nulle.
Il n'y a qu'une exception à cette règle ; la voici :
Blancs : roi en e6, pion en eo. Noirs : roi en e8.
Les blancs gagnent toujours, même si c'est à eux de
jouer : 4. Re6 — f6, Re8 — f8 ; 2. e5 — e6, Rf8 — e8 ;
3. e6 — e7, _Re8 — d7 ; 4. Rf6 — H et gagne.
Cette dernière analyse est en défaut pour le pion de la
tour : celui-ci ne pourra pas gagner si le roi ennemi s'est
logé dans la case du coin, ou si, au contraire, il y tient
emprisonné le roi adverse.
Blancs : roi en b6, pion enaS. Noirs : roi en b8.
4 Rb8 — a8; 2. Rb6 — a6, Ra8 — b8
3. Ra6 — 1)5, Rb8 — b7; 4. Rbo — a6, Rb7 — a8
5. Ra6 — b6, Ra8 — b8; 6. a5 — a6, Rb8 — a8
7. a6 — a7. Pat.
Si le roi ennemi peut se loger dans la case du coin, un
pion, même soutenu par un fou dont la couleur n'est pas
celle de la case du coin, ne pourra qu'annuler. Tel est le
cas. Blancs : roi en b5. Noirs : roi en e3, pion en a4, fou
en b5. En pareil cas, un cavalier gagnerait, à moins que
le pion n'eût atteint la septième ligne. — Si, au contraire,
le roi est enfermé dans le com par son propre pion, un fou
de n'importe quelle couleur gagne la partie, tandis qu'un
cavalier qui a le trait et qui est sur une case de même
couleur que le roi ennemi annule seulement : ainsi, les
blancs ayant le roi en c2 ; les noirs le roi en a4 , le pion
en a2, le cavalier en c8, la partie est nulle.
2^ Pio7is les uns contre les autres. En général, deux
pions gagnent contre un ; mais il y a de nombreuses excep-
tions, provenant surtout du fait que le roi qui n'a qu'un
pion réussit à prendre l'opposition.
Blancs : roi en f3, pions en a4 et b3.
Noirs : roi en eo, pion en b4.
C'est le trait qui décide. Si c'est aux blancs à jouer, ils
gagnent. 4 . Rf3 — e3, Re5 — do ; 2. Re3 — d3, Rd5 —
co ; 3. Rd3 — e4, Rc5 — c6 ; 4. Re4 — d4, Rc6 — b6 ;
5. Rd4 — c4, Rb6 — a5 ; 6. Rc4 — cS, Rao — a6 ; 7.
Rc5 p. b4, Ra6 — b6 ; 8. a4 — a5 + , Rb6 — a6 ; 9. Rb4
— co, Re6p. a5; 40. b5 — b4+, Ra5 — a6 ; 44. Rc5
— c6 et gagne.
Si, au contraire, c'est aux noirs à jouer, ils annulent
\ Reo — d3 ; 2. Rf3 — f4, Rd5 — d4 ; 3. Rf4
— g4, Rd4 — e4 ; 4. Rg4 — h3, Re4 — d5 ; 5, Rh3 —
g2, Rd5 — e4; 6. Rg2 — f4, Re4 — d5 ; 7. Rfl — e4,
Rdo — eo ; 8. Re4 — d2, Re5 — d4 ; 9. Rd2 — c2, Rd4
— e4; 40. Rc2 — b4, Re4 — d5; H.Rb4— c4,Rdo
— e5 et les noirs ont toujours l'opposition.
Blancs : roi en h3, pions en c4 et d3.
Noirs : roi en go, pion en d4.
Les noirs perdent en toute hypothèse : 4 . ..... Rgo
— f5; 2. Rh3 — g3, Rf5 — g5; 3, Rg3 — f2, RgS-
fO ; 4. Rf2— e4, Rf6 — e7 ; 5. Re4 — d4, Re7 — d7;
6. Rd4 — c2, Rd7 — c6 ; 7. Rc2 — b3, Rc6 — co ; 8.
Rb3 — a4, Rco — c6 ; 9. Ra4 — b4, Rc6 — b6 ; 40. c4
— co -f- et gagne.
Blancs : roi en e4, pions en f4 et g5.
Noirs : roi en e6, pion en g6.
Le joueur qui joue le second obtient l'opposition : si les
noirs ont le trait, ils perdent; si les blancs ont le trait, les
noirs annulent.
S'il y a deux pions dans chaque camp, c'est la position
des rois qui décide.
Blancs : roi en a2, pions en a3 et g2.
Noirs : roi en b6, pions en b7 et c4.
Les noirs perdent, qu'ils aient ou non le trait.
Blancs : roi en f2, pions en a2 et g2.
Noirs : roi en d4, pions en a3 et fo.
Les noirs gagnent s'ils ont le trait ; avec 4 ,
Rd4 — c3 ; si les blancs ont le trait, ils annulent avec 4 .
Trois pions gagnent contre deux, si les positions des
rois se valent ; mais la nullité n'est pas rare.
Blancs : roi en f4, pions en g4 et h4.
Noirs : roi en c8, pions en f6, g6, h6.
Les noirs gagnent s'ils ont le trait par 4 Rc8
— d7 ; sinon, les blancs annulent avec 4. h4 — h5.
Le roi peut-il retenir trois pions passés et se soutenant?
Soit, par exemple, la position suivante :
Blancs : roi en g4, pions en a6 et b6.
Noirs : roi en b8, pions en f7, g7, h7.
Le roi noir ne peut pas s'écarter, sous peine de laisser
les blancs faire dame ; les trois pions noirs peuvent-ils
être arrêtés par le roi blanc? On voit facilement que oui,
et que, par suite, les blancs gagnent. Si l'on mettait les
trois pions noirs en f4, g5, h5 et le roi blanc en h2, ce
serait le joueur qui aurait le trait qui gagnerait. (Les
blancs par 4. Rh2 — g4, les noirs par 4 f4 — f3.)
Si l'on mettait, au contraire, les trois pions noirs en f3,
g4, h4 et le roi blanc en f2, ce serait le joueur ayant le
trait qui perdrait.
On résoudrait, d'après ces règles, les divers cas pouvant
se présenter, si chacun des deux camps possédait trois
pions passés. Mais ce sont des cas ne se présentant jamais
en pratique.
Il est plus intéressant de montrer par quelques exemples
comment on doit mener une fin de partie de pions contre pions :
Blancs : roi en b4, pions en a4, f2, g2.
Noirs : roi en d4, pions en f5, h5, h4.
— 299 —
ÉCHECS — ÉCHELAGE
d. a4— a5, f 5 — f 4 ; 2. f2 — f3, Rd4 — e3; 3. a5
— a6,Re3— f2;4. a6 — aï, Rfâ p. g2 ; 5.a7 — a8D,
h4-h3; 6. Da8-a2+,Rg2-gl(6 Rg2-
„3 ; 7. Da2 — e2, h3 — h2 ; 8. De2 — fi ou bien 6
Rp2 p. f3; 7. Da2 — h2);7. Da2 — bl +,Rg4-g2;
8. Dbl — c2+,Rg2— gl; 9. Dc2 — cl + !, Rgl —
g2;10. Del p. 14, h3— h2;41. Df4 — g5, Rg2 — e
(11 Rg2 p. f3 ; 12. Dg5 — d5 et 13. Dd5 —
hl) ; 12. Dg5 p. h5, Rf2 — g2 ; 13. f3 — f4 et gagne.
Blancs : roi en e2, pions en d4, e5, h3.
Noirs : roi en go, pions en e6, f4, h4, h5.
1. Re2 ■— f2 ! (si les blancs jouaient 1 . Re2 — f3, ils
perdraient par 1 Rgo — f5), Rg5— g6 ! (si les
noirs jouaient 1 Rg5 — f5, ils perdraient par 2.
Rf2 — f3 et 3. Rf3 — e4); 2. Rf2 — g2, Rg6 — g5.
Partie remise.
Blancs : roi en al, pions en b5, d2, g5, h4.
Noirs : roi en a3, pions en a5, b4, d3, g^, ho.
Les blancs gagnent s'ils ont le trait par : 1. bo — b6,
b4— b3; 2. b6 — b7, b3 — b2-f;3. Rai— bl, a5 —
a4 ; 4. b7 — b8 C (si le pion faisait dame ou tour, le roi
noir serait pat ; s'il faisait fou, le jeu se continuerait par 4.
Ra3 — b3; 5. Fb8 — eo, a4 — a3 ; 6.Fe5 p.b2,
a3 p. b2, et le roi blanc est pat), Ra3 — b3, etc.
D. Berthelot.
ECHEGARAY (Don José), mathématicien, homme d'Etat
et célèbre auteur dramatique espagnol contemporain, né
à Madrid en 183o. Fils d'un professeur de grec. Elève
de l'Ecole des ingénieurs de Murcie, il devint, en 1858, pro-
fesseur à l'Ecole des ponts et chaussées de Madrid et par-
vint rapidement à être considéré comme le plus éminent
des mathématiciens de son pays. Ses travaux : Memoria
sobre los trabajos de perforaciôn del tunel de los
Alpes (Madrid, 1860); Problemas de geometna anali-
tica (1865), etc., lui ouvrirent les portes de l'Académie
des sciences, où il prononça lors de son admission un Dis-
CMTSo sobre la historia de las matemâticas pnras en
Espafia (1866) ; il justifia ensuite cette distinction par son
remarquable ouvrage , Teorias modernas de la fisica
unidad de las fuerzas materiales (1867 ; 3^ éd., 1883;
2^ série, 1883). La révolution de sept. 1868 le lança
dans la politique. Député aux Certes, il reçut le portefeuille
du commerce et fut un des fervents libre-échangistes. Le
roi Amédée le chargea du ministère de l'instruction pu-
bhque en 1873, et il eut celui des finances en 1874. Tout
à coup, cette même année, l'illustre mathématicien se
révéla, à la surprise générale, auteur dramatique d'une
puissante originalité dans son drame en vers La Esposa
del vengador, qu'il fit représenter sous le pseudonyme de
Jorge Hayaseca, drame du genre romantique , ou, à côté
des inspirations subhmes, apparaissent des conceptions
puériles trahissant l'inexpérience du métier. Maltraité par
la critique pour son drame réaliste d'une grande faiblesse,
La Ultvma Noche (1875), il conquit définitivement sa
nouvelle célébrité par son drame E71 el Puno de la es-
pada (1875). Dès lors, la fécondité de son génie drama-
tique ne cessa de s'affirmer avec un bonheur très inégal,
et voici les titres de ses principales pièces qui ont toutes
été jouées : Un Sol que nace y un sol quemuere (1876),
comédie; Cômo empieza y como acaba (1876); Lo
que no puede decirse (1877) ; 0 Locura 6 saniitad
(1877), beau drame psychologique en prose ; En el Pilar
y en la cruz (1878) ; En el Seno de la muerte (1879) ;
Mar sin orillas (1879) ; La Muerte en los labios (1881) ;
El Gran Galeoto (1881) ; Haroldo el Normando (1881) ;
Conflicio entre dos deberes (1882); Un Milagro en
Egipto (1883), pièce archéologique; Vida alegre y
muerte triste (1885), drame où il y a peut-être le plus
d'observation; Dos Fanatismos (1886); La Realidad y
el delirio (1887); Lo Sublime en lo vulgar (1888). La
plus estimée de ses œuvres estE/ Gran Galeoto^ où, sous
un titre qui rappelle la chevalerie du moyen âge, se déroule
une action dramatique empruntée à la vie moderne. Ce
drame a été traduit en français par W^^ de Rute {Matinées
espagnoles, puis à part, Madrid, 1883). Un recueil des
Obras dramaticas escogidas de notre auteur est en cours
de publication (Madrid, 1884-85, t. I et II).
Le génie dramatique d'Echegaray offre un singulier as-
semblage de facultés contradictoires. En savant de cabinet,
en mathématicien devenu poète sur le tard, il ne possède
ni la connaissance du cœur humain ni le véritable senti-
ment de la réalité, de sorte que les types et les situations
qu'il crée sont généralement de pures abstractions. Mais
sa fantaisie est si puissante, il parle si fortement à l'ima-
gination, que la raison se laisse subjuguer. Son procédé
consiste dans la multiplication des effets et dans la richesse
de la couleur, et il exerce une réelle fascination sur le pu-
bUc, malgré son insuffisance comme dramaturge, malgré
ses audaces et ses impossibilités, malgré l'exagération du
caractère sombre de ses pièces. Aucune, pour ainsi dire, ne
résiste à la critique ; toutes sont frénétiquement applaudies.
En tout cas, Echegaray est l'une des personnalités litté-
raires les plus originales de ce siècle. G. Pawlowski.
BiBL. : Manuel de La Revilla, Obras ; iMadrid, 1883, et
Criticas; Burgos, 1884, t. 1^^ pp. 195-378 (analyse de seize
pièces). — Aufores dramâticos coniemporâneos, 1886, t. II.
— Léo QuESiNEL, dans Revue bleue, 11 avr. 1885 et 19 juin
1886.
ÉCHELAGE (Constr.). On nomme échelagele droit qu'a
le propriétaire d'un mur ou d'un bâtiment de poser, au
long de ce mur ou de ce bâtiment, les échelles nécessaires
à la réparation et, généralement, de faire, au long et en
dehors de ce mur, tous les travaux nécessaires en y intro-
duisant les ouvriers avec leurs outils ou leurs échafau-
dages. L'échelage se nomme aussi tour d'échelle. Il y a
lieu de distinguer entre le tour d'échelle considéré comme
propriété, qui est un espace laissé par un propriétaire en
dehors du mur qu'il construit sur son héritage, et le droit
du tour d'échelle, qui n'est qu'une servitude et qui consiste
dans le droit acquis à un propriétaire de dresser ses échelles
sur le terrain de son voisin, d'y faire passer ses ouvriers,
d'y échafauder, d'y déposer momentanément les matériaux
nécessaires au mur de reconstruction. Dans le premier cas,
l'espace du tour d'échelle est une véritable propriété sur
laquelle le voisin ne peut faire aucune entreprise. Pour
éviter toute contestation, celui qui, en construisant, laisse
le tour d'échelle en dehors, doit faire constater par un
procès-verbal la largeur et l'état du terrain laissé. Le
propriétaire du tour d'échelle peut y faire tous les travaux
qu'il lui convient ; mais il peut, dans certaines circons-
tances, être tenu de payer cet espace de terrain, de Féta-
bhr en pente de son côté pour éviter l'écoulement des
eaux de ses toits sur la propriété voisine. Le propriétaire
limitrophe peut construire jusqu'à la limite de son héri-
tage ; il en résulte que le terrain d'échelage forme une
ruelle dont la possession est toujours exclusivement à celui
qui l'a laissée. Dans les villes et faubourgs, où la clôture
est forcée, il est préférable de ne pas laisser une portion
de terrain en dehors du mur terminant une propriété, car
le voisin, venant à se clore, pourrait forcer celui qui a
construit le premier à contribuer aux frais d'un mur sur
la hgne séparative des héritages, ce qui rendrait l'ancien
mur inutile et onéreux. La longueur de l'échelage est na-
turellement celle du mur de la construction ; la largeur
fixée par les usages est d'au moins 1 m. Considéré comme
servitude, le tour d'échelle ne donne, à celui qui en jouit,
aucun droit de propriété sur le terrain où cette servitude
s'exerce. Il faut, en outre, remarquer que le tour d'échelle
et le droit de passage diffèrent entre eux essentiellement
et ne sont pas la conséquence l'un de l'autre. La longueur
du terrain assujetti doit être proportionnelle à l'étendue du
mur ou de la construction; la largeur est fixée par les
usages locaux et, à leur défaut, peut être réglée à 1 m.
mesuré du parement extérieur du mur au rez-de-chaussée.
Cette largeur peut être plus considérable si la hauteur du
mur exige plus de pied pour l'échelle. Dans le cas où le
mur à séparer est mitoyen, chaque intéressé doit, sans
ÉCHELAGE — ÉCHELLE
— 300 —
indemnité, fournir le passage et l'espace de terrain néces-
saire aux travaux. L. K.
ÉCH ELET (Ornith.). Le nom d'Echelet, qu'il ne faut pas
confondre avec Echelete, Ton des noms spécifiques vulgaires
du Tichodrome de murailles, a été employé par Temminck
(Maîiuel cV ornithologie, 1820, t. 1, p. lxxxv) et par
Lesson (Traité d'ornithologie, 4831, p. 307) pour dési-
gner de petits Passereaux australiens qui offrent, dans leur
aspect extérieur et dans leur genre de vie, certaines analo-
gies avec nos Grimpereaux (V. ce mot). E. Oust.-
ÉCHELETTE (Mus.). Instrument de musique composé
de bâtons de bois dur d'inégale longueur que l'on met en
vibration au moyen de baguettes assez semblables à celles
des timbaliers. Les lames sont disposées diatoniquement et
reposent sur des tampons de paille. Elles rendent des sons
clairs, mais de courte durée, qui, émis avec rapidité, peuvent
être de quelque utilité pour le compositeur. Autrefois
nommé « claquebois », « régale », « patouille », l'éche-
Ictte n'est autre que l'instrument populaire des races tar-
tares, encore en usage dans les Karpates et l'Oural sous le
nom de « jerora i salamo ». Il semble s'être introduit chez
nous depuis fort longtemps ; Mersenne {Harmonie univer-
selle, 4637) en fait'mention sous le nom de ligneum psal-
terium. En Allemagne, on le nomme Sthrofiedel, en
Italie sticcato et de nos jours le xylophone, qui en est un
dérivé, a sa place marquée dans nos orchestres. M. Saint-
Saëns en a tiré un parti fort heureux dans sa Danse ma-
cabre, Ch. B.
ÉCHELLE. I. Technologie. — - Sorte d'escalier mobile
que l'on peut considérer comme le plus simple des échafau-
dages et qui se compose essentiellement de deux longues
pièces de bois ou montants, réunies entre elles par une série
de barres transversales appelées échelons, distribuées à des
distances égales. Les montants et les échelons peuvent être
à section circulaire ou rectangulaire. Les échelles sont d'un
emploi constant dans les travaux de bâtiment ; les maçons
se servent d'échelles simples à montants cylindriques pour
établir la communication, soit avec les divers planchers
d'un échafaudage, soit, avant la pose de l'escalier, entre
les différents étages d'une construction en cours d'exécu-
tion. Les couvreurs emploient aussi, pour leurs travaux,
des échelles simples, plus légères que celles des maçons.
Les toitures sont fréquemment munies de crochets à de-
meure qui permettent de fixer ces échelles pour les répa-
rations nécessaires. Les peintres font usage d'échelles
simples et doubles ; ces dernières sont avec ou sans roues.
Dans le premier cas, elles sont formées de deux échelles
inclinées en sens inverse et maintenues l'une contre l'autre
par une cheville en fer qui traverse l'extrémité supérieure
des quatre montants. Pour assurer la stabilité du système,
les montants ne sont pas parallèles, de sorte que les éche-
lons vont en diminuant de la base au sommet et, de plus,
une corde relie deux échelons de même niveau des deux
branches inclinées. Les échelles pourvues de roues sont
de grande dimension et servent, à l'intérieur des édifices,
aux travaux des salles plafonnées ou voûtées d'une hauteur
considérable. Des modifications récentes apportées par divers
constructeurs à la disposition des échelles simples rendent
ces engins d'un usage plus commode et plus sûr : mon-
tants à coulisses, poulies accompagnées de cordes de ma-
nœuvre, boulons formant échelons avec écrous de serrage,
telles sont les additions diverses qui permettent d'allonger
ces engins ou de les raccourcir à volonté et de les adapter
aux dispositions de points d'appui les plus variées. On
distingue l'échelle ordinaire à coulisses, l'échelle double à
coulisses et à roulettes, l'échelle simple à coulisses et à
crochets par le haut, l'échelle simple à coulisses dont l'un
des montants peut être muni d'une rallonge, de manière
que le système puisse reposer sur deux marches contigues
d'escalier. Enfin, Ton a appliqué le fer à ces engins et on
a construit ainsi des échelles très légères, diversement
combinées, qui peuvent être employées dans les conditions
les plus diverses et aux usages les plus variés.
Nous citerons encore les échelles utilisées dans les
librairies et dans les bibliothèques pour atteindre les livres
aux rayons les plus élevés. Ces échelles peuvent se trans-
porter parallèlement au mur au moyen d'un étrier en fer
qui se termine par une chape munie d'une poulie roulant
sur un banc de fer porté par des consoles. Des échelles
fixes composées d'échelons en fer rond ayant la forme
d etriers scellés dans la maçonnerie sont souvent disposées
sur les murs auxquels sont adossés des tuyaux de cheminée
pour faciliter les réparations à faire à ces conduits. Les
échelles de meunier sont des escaliers droits qui servent
généralement à monter dans un grenier. Elles se compo-
sent de deux fortes planches ou Hmons posées de champ,
parallèlement et suivant l'incHnaison convenable et dans
lesquelles s'assemblent par leur bout, à tenon et mortaise,
d'autres planches plus courtes n'ayant que la largeur stric-
tement nécessaire pour qu'on y puisse poser le pied.
L'échelle de corde ou corde à nœuds est un câble auquel
on a fait de gros nœuds distants les uns des autres de 0"^30
environ et sur lequel les ouvriers se tiennent au moyen
d'une sellette et de deux étriers pourvus chacun d'un cro-
chet, que l'on attache au-dessus des nœuds.
Échelle a incendie. — Trois sortes d'échelles sont em-
ployées à peu près partout et notamment à Paris par le
régiment de sapeurs-pompiers pour attaquer les incendies.
Ce sont les échelles à crochets, les échelles à coulisses dont
le plus grand développement est de 7'"^0, et enfin les
échelles attelées qui atteignent 20 m. de haut. L'échelle à
crochets consiste en deux montants de bois de frêne^ ayant
une longueur totale de 4 m., et se repliant l'un sur l'autre
au milieu, à l'aide d'une double charnière. Chaque mon-
tant porte à son extrémité supérieure un demi-cercle de
fer dont le développement, qui est de 0"^38, est assez grand
pour embrasser la totalité d'une croisée et s'y fixer soli-
dement. L'échelle à couhsse se compose de deux échelles
simples qui s'ajustent et s'embrassent l'une sur l'autre, de
manière que l'une puisse glisser sur l'autre pour en aug-
menter la hauteur. On conçoit que l'une de ces échelles
est nécessairement plus large que Tautre, et que c'est cette
dernière qui est mobile. Les montants de la première pré-
sentent, sur leur face intérieure, à quelques millimètres des
échelons, une rainure longitudinale dans laquelle glisse
une pièce saillante de même forme et de mêmes dimen-
sions que portent les montants de la seconde sur leur
face extérieure. Pour faire fonctionner l'échelle mobile, le
moyen le plus simple est d'agir sur une corde qui, atta-
chée au-dessous à l'un des échelons les plus bas, va passer
dans la gorge d'une petite poulie disposée au sommet de
l'échelle fixe. Quand l'échelle est arrivée à la hauteur
voulue, on l'y maintient en attachant l'extrémité libre de
de la corde à l'un des échelons de l'échelle fixe.
L'utilité des échelles aériennes libres pour le sauvetage
est incontestable ; mais, dans tous les systèmes connus jus-
qu'à ce jour, les roues qui servent au transport forment
le point d'appui principal à l'échelle dressée ; l'échelle étant
développée peut recevoir un choc qui la déplace, d'où la
crainte d'accidents graves. Dans le système Gugumus, adopté
par le régiment des sapeurs-pompiers de la ville de Paris,
pour les échelles aériennes de 20 m. de hauteur, l'échelle
ne repose pas sur les roues, mais elle pose solidement sur
quatre points d'appui formant rectangle, qui assurent sa
complète stabilité et élèvent les roues au-dessus du sol. Un
autre inconvénient des anciens systèmes, c'est que les câbles
ou vis qui servent à dresser et à développer l'échelle por-
tent généralement toute la charge de l'échelle même, et en
plus celle des personnes qui y montent. Dans l'échelle Gu-
gumus, l'échelle étant dressée et développée, les câbles ne
portent plus la moindre charge, et par conséquent il n'y
a nul danger de rupture. L'échelle, qui est en bois, peut
être construite en deux ou trois plans suivant les be-
soins ; son développement peut atteindre de 40 à 25 m. de
hauteur dans le vide, et cela sans autre point d'appui que
son chariot ; elle peut facilement supporter un poids de
301 —
ÉCHELLE
500 kilogr. à son extrémité. Dressée, l'échelle est munie
de deux supports montés à moitié de la hauteur si on a
deux plans, au tiers si
l'on en a trois ; ces sup-
ports sont embrochés sur
une partie du chariot et
non sur le sol. Les roues
qui servent au transport
se trouvent soulevées et
deviennent libres par la
manœuvre de quatre vé-
rins qui forment points
d'appui et servent à régler
l'aplomb. On constate que
l'échelle est bien d'aplomb
au moyen d'un fd à plomb
à demeure. Les montants
de l'échelle sont recou-
verts extérieurement
d'une garniture en tôle
d'acier embouti d'une
seule pièce pour toute la
longueur ; cette garniture
rend ainsi les montants
de l'échelle pour ainsi dire
incassables et préserve les
mortaises des échelons de
l'humidité. Les différents
plans de l'échelle sont
armés de tirants qui leur
donnent toute la rigidité
nécessaire et servent en
même temps de garde-
fous. A la tête de l'échelle
se trouve une poulie qui
permet de faire les sau-
vetages par le moyen d'une
corde et d'une benne ou
d'un sac. Le développe-
ment des plans s'opère
successivement ; le bas de
l'échelle est muni d'un
galet ou roulette dite de
manœuvre, qui permet,
au moyen de deux leviers
mobiles, de déplacer faci-
lement l'échelle dressée.
Le treuil de levage est
formé de deux fusées ou
cônes à diamètre progres-
sif, afin de répartir unifor-
mément la force de trac-
tion. Ce treuil est mis
en action par une roue
à vis sans fin, supprimant
ainsi tout encliquetage et
permettant de dresser
l'échelle par un seul
homme. L'arbre du treuil
de développement est muni de chaque côté d'une manivelle
fixe à manche articulé, qui se rabat avec le bras de la
Échelle d'incendie développée
à 20 mètres (syst. Gugumus).
Échelle repliée (syst. Gugumus).
manivelle, pour diminuer la largeur au transport. L'échelle
peut être transportée à bras d'homme ou par des chevaux
sans rien changer au système ; dans ce dernier cas, on
l'accroche à un avant-train. L'échelle est manœuvrée théo-
riquement par trois hommes, mais au besoin un seul homme
peut la dresser. L'échelle une fois dressée et déployée, les
câbles qui ont servi ne supportent plus aucune charge, vu
que les différents plans reposent sur des parachutes. Indé-
pendamment de son emploi pour le sauvetage, l'éch^dle est
employée pour l'attaque du feu dans les parties élevées.
L. Knab.
IL Mines. — Le moyen par excellence de descente dans
les mines a été , pendant les siècles qui se sont succédé
jusqu'à celui-ci, l'emploi des échelles. Si d'autres procé-
dés tendent aujourd'hui à prévaloir , rien ne dispense ,
en aucun cas, d'établir dans un certain nombre de puits
des répétitions d'échelles pour assurer la sortie du per-
sonnel dans l'hypothèse où les moyens mécaniques vien-
draient à être désorganisés. Les échelles se font en bois ou
en fer. Dans ce dernier cas, les montants sont en fer plat
de 6 à 7 centim. de largeur sur 6 à 7 millim. d'épais-
seur ; leur écartement est de 23 centim. Les échelons en
fer rond ont au moins 23 millim. de diamètre et se suc-
cèdent à 20 ou 23 centim. d'intervalle. Les échelles en fer
sont d'une sohdité absolue, mais elles sont chères ; de plus,
le métal est très froid au contact des mains, surtout en hiver.
Les échelles en bois ont des montants de 3 à 3 centim. de
largeur suivant le plan de l'échelle et 10 à 12 centim.
d'épaisseur dans le sens perpendiculaire. Les échelons pré-
sentent 4 à 3 centim. de diamètre lorsqu'ils sont ronds;
souvent on leur donne une forme méplate , pour qu'ils
résistent par leur tranche au poids du corps. Il est impor-
tant que le système soit bien rigide, sans flexions ni oscil-
lations. Le bois a le défaut de pourrir et de s'user rapi-
dement. On a soin d'interdire aux mineurs de descendre
avec des souliers ferrés. La plupart du temps, d'ailleurs,
ils sont pieds nus. On peut disposer les échelles vertica-
lement en les maintenant à une distance de la paroi suffi-
sante pour que la pointe du pied trouve sa place ; mais la
montée est plus fatigante que si l'on donne aux échelles
une certaine inclinaison. La plus favorable est celle de 70° ;
par là, le centre de gravité du corps reste à peu près sur
la verticale du point d'appui, au lieu qu'avec l'échelle ver-
ticale il se trouve nécessairement en dehors. Le moment
du poids, par rapport à Téchelon qui sert de base, ne
peut donc être contre-balancé, pour l'équilibre, que par
celui d'une tension égale développée dans les bras, ce qui
détermine un excédent de lassitude absolument inutile. En
raison de l'accumulation de cette fatigue, on dispose les
échelles en répétition avec des planchers intermédiaires,
qui permettent aux hommes de reprendre haleine. Ces
planchers se font à claires-voies, afin que l'eau n'y puisse
séjourner par-dessus, ni le grisou par dessous ; ils sont
percés d'un trou rectangulaire suffisant pour le passage du
corps de l'homme. Les échelles peuvent être d'une travée
à l'autre établies suivant deux dispositifs différents : pa-
rallèle ou croisé. Le premier présente plus de sécurité, en
ce que l'échelle recouvre en projection l'ouverture du
plancher inférieur. Les moyens d'ascension sans machine,
et à l'aide de la seule force musculaire, occasionnent une
grande perte de temps ainsi qu'une fatigue considérable;
aussi l'emploi des moyens mécaniques prévaut-il aujour-
d'hui ; les échelles mécaniques entre autres sont en usage
dans les mines profondes {V. Fahrkuinst), d'autres exploi-
tations emploient des procédés différents pour assurer la
descente et la montée des mineurs (V. Cage, t. VIII, p. 754,
et CuFFAT, t. XIII, p. 338). L. Knab.
III. Architecture. — En terme de beaux-arts, l'échelle
est une mesure proportionnelle destinée à représenter en
réduction, mais à faire coucevoir les dimensions exactes
qu'aurait l'œuvre terminée, et, particulièrement en architec-
ture, l'échelle consiste en une ligne tracée sur les dessins,
divisée en parties égales et dont chacune représente telle
ou telle mesure usuelle : ainsi autrefois, une toise ou un pied
et, de nos jours, un mètre ou, dans les études d'ordre, un
ECHELLE
- 302
module. On dit, en conséquence, échelle d'une ligne pour pied
ou d'un pouce pour toise (1/444) et d'un centim. ou de
2 millim. pour mètre (1/100 ou 1/500). Les élévations et
les coupes sont assez souvent, en architecture, à une échelle
double des plans, et les détails d'exécution, construction
ou décoration, sont à une échelle encore plus grande. —
Pour les dessins figurés en perspective, il y a deux sortes
d'échelles, Véchelle de front, servant aux objets placés
sur le premier plan, et Véchelle fuyante, déterminant, par
des données inégales et de plus en plus petites, l'étendue
des parties fuyantes ou raccourcies. Charles Lucas.
IV. Gymnastique (V. Gymnastique).
V. Marine.— A bord, les degrés en forme d'escaliers,
tantôt fixes, tantôt mobiles, qui servent à faire communi-
quer les dilîérentes parties du navire les unes avec les
autres ou avec les embarcations qui viennent accoster le
navire, s'appellent indistinctement échelles. Pour commu-
niquer avec le dehors, il y a, à tribord, l'échelle de com-
mandement, échelle d'honneur qui, sur les bâtiments de
l'Etat, sert aux officiers et à ceux qui sont assimilés par le
règlement du service intérieur : elle est commode, en bois,
gamie d'une rampe avec plates-formes, facilement démon-
table pour être rentrée en cas de départ. Quand on reçoit
un personnage d'importance, on fait descendre le long de
l'échelle des'matelots qui veillent sur lui pendant le trajet
de l'embarcation au pont du navire, le préservant des
accidents qui pourraient survenir. « Les capitaines de
vaisseau, dit Villette (Mémoires), servirent au roy d'An-
gleterre de matelots pour lui aider à monter sur le vaisseau
de M. le comte d'Estrées. » — Le personnel qui n'a pas
le droit à l'escalier de commandement monte par les échelles
de côté ou par le bord, placées à peu près par le travers
du grand mât, composées de chevrons cloués ou degrés
qu'on gravit en s'aidant de deux tireveilles amarrées sur
le pont. — A l'arrière se trouve l'échelle de poupe, sus-
pendue à la bôme, à l'arrière du couronnement : elle a
des montants de corde et des échelons de bois ou de corde
et donne accès dans les embarcations qui sont à la traîne,
à l'arrière. — Les échelles mettant en communication les
différentes parties du navire prennent des noms spéciaux :
il y a les échelles de haubans ou limons, les échelles de
revers ou gambes, les enfléchures ; elles sont tantôt en bois,
tantôt en fer. Pour descendre dans la cale, il y a aussi les
élances, appelées aussi pieds-droits, degrés de fer, simple-
ment munies d'une tireveille.— Par extension, on a nommé
échelle les ports où l'on dispose l'échelle pour communiquer
avec les quais ou avec le rivage : c'est dans ce sens qu'on
dit les échelles du Levant en désignant les villes maritimes
du Levant, de l'Egypte et de la Barbarie. Le mot escale
est, du reste, plus employé.
Echelle de tirant d'eau, Echelle de l'étambot et de
l'étrave. Echelle de solidité (V. Tirant d'eau).
VI. Musique. — • Nom donné en musique à une suc-
cession de notes. Il y a trois sortes d'échelles : l'échelle
diatonique, composée de cinq tons et de deux demi-tons
diatoniques (V. ce mot) ; l'échelle chromatique, composée
de douze demi-tons chromatiques (V. ce mot) ; l'échelle
enharmonique, composée d'intervalles moindres que le
demi- ton appelés quarts de tons et scientifiquement co-
mas et sur la considération desquels est formé le genre
enharmonique (V. ce mot). Le tempérament (V. ce
mot) a aussi son échelle dite tempérée. Un registre ins-
trumental ou vocal a son échelle embrassant tous les sons
diatoniques ou chromatiques qui lui sont propres. On
nomme aussi échelle modale la succession des sons types
constitutifs du mode (V. ce mot et Gamme, Tétra-
coRDE, etc.). Ch. Bordes.
VII. Perspective. — Echelle de front. — Tout
dessin sur un plan de front ayant une perspective homo-
thétique à lui-même, comme section parallèle à la base
dans la pyramide visuelle qui a pour base le dessin ; la
seconde figure pourra donc s'obtenir à l'aide de l'autre,
et au moyen de leur rapport de similitude. Véchelle du
plan de front est l'expression numérique de ce rapport.
Elle se trace à partir de la base du tableau, comme une
suite de carreaux réguliers, et permet de déterminer ainsi
avec facilité la perspective des objets parallèles au plan
du tableau (V. Perspective). Ad. Thiers.
VIII. Mathématiques. — L'échelle d'un système de
numération est la progression géométrique qui a pour
raison sa base (mot peu usité).
Echelle de relation (V. Récurrentes [Séries]).
Echelle d'un dessin. — C'est le rapport des dimensions
de ce dessin à celles de l'objet réel qu'il représente ; ainsi,
quand on dit que l'échelle d'un dessin (d'une carte, par
exemple) est le 71'^"^^, il faut entendre par là que ce dessin
a pour dim^ensions linéaires les tz'*'*"''* parties des dimensions
correspondantes de l'objet qu'il représente. Si ce dessin
représente un objet à trois dimensions, il est une projection
de l'objet, et dire que l'échelle est le n^^™% c'est dire que
le dessin a ses dimensions linéaires n fois plus petites que
celles de la projection réelle de l'objet.
Echelle logarithmique. — C'est une droite ou une cir-
conférence divisée en parties inégales, les points de division
marqués 1, 2, 8,... sont à des distances égales ou pro-
portionnelles à log 1, log 2, log 3,... de la division
origine. Cette échelle se trouve gravée sur les règles à
calcul (V. Arithmomètre).
Echelle de front (V. Perspective).
Echelle de fuite (V. Perspective).
Echelle de pente (V. Plans cotés).
Echelle des latitudes croissantes (V. Carte, t. IX,
p. 585).
Echelle de modules. — Lorsque l'on veut calculer la
valeur d'une intégrale elliptique, telle que
do
f:
■q sji— k'^ sin^cp
on peut employer une méthode qui consiste à calculer ce
que l'on appelle une échelle de modules, c.-à-d. que
l'on remplace l'intégrale proposée par une autre de la
même forme :
0 \Ji—ki sin^cp^
dans laquelle k^^ a une valeur en général plus petite et par-
tant plus facile à calculer. On opère ensuite sur cette nou-
velle intégrale comme sur l'ancienne, jusqu'à ce que l'on
ait trouvé une valeur du module assez petite pour déve-
lopper l'intégrale en une série très convergente ordonnée
suivant les puissances du module. Les modules successifs
k, k^, k.^"» forment alors une échelle. On peut, par
exemple, prendre
'cp d(D 1 + k^
p..
et l'on a
v'I — kH\v?^
'/"
yl — /c"^sin^cp^'
k=.
h'K
i-\-k,
sin(V-9i)_ ^
-7- H^ ,
pour la commodité du calcul on pose :
2
^ m sin 0, alors j- = 2cos *
1 4- /h
^i-tg^L
et l'on voit que k^ = tg^ - sera en général beaucoup plus
petit que Â: = sin6 si /i;<l.
Il existe un grand nombre d'échelles de modules, mais
celle que nous venons d'indiquer est la plus simple ; elle
a été indiquée par Landen. H. Laurent.
Echelle de réduction (V. Plan).
IX. Physique. — On nomme ainsi l'ensemble des
degrés qui servent à définir les températures. Nous n'en-
trerons pas ici dans les détails relatifs à la notion de
303 -
ÉCHELLE — ÉCHELLES
température (V. ce mot) ; nous nous contenterons d'in-
diquer que, dans tous les procédés imaginés pour graduer
les thermomètres, on a adopté deux points fixes, c.~à-d.
deux phénomènes qui servent à établir deux températures;
c'est le point de fusion de la glace et le point d'ébullition
normale de l'eau. Nous désignerons le premier par G, le
second par E. On a adopté en divers pays quatre gradua-
tions piincipales: en France, l'échelle centigrade attribuée
à Celsius et l'échelle Réaumur; en Angleterre et en Alle-
magne, l'échelle de Fahrenheit; en Russie, celle de Delisle.
L'échelle centigrade est de beaucoup la plus usitée. —
1° Echelle centigrade : le point G correspond au degré 0°,
le point E au degré iOO ; 2° échelle de Réaumur : fe point
G correspond au degré 0° et le point E au degré 80 ;
3<^ échelle de Fahrenheit : le point G correspond au degré 32
et le point E au degré 212 ; 4*^ échelle de Delisle : le point
G correspond au degré 450 et le point E au degré 0. Il
est facile à l'aide de quelques formules simples de passer
d'un quelconque de ces systèmes à l'autre. Soit C une tem-
pérature exprimée en degrés centigrades et soient F la
même température exprimée en degrés Fahrenheit, R la
même température en degrés Réaumur et D en degrés De-
lisle. Il est facile de voir que l'on a
4
R=gC
F — 32 = ^ G
D
i50-D=z^C.
2
D'où l'on déduit :
C:
:~R = ^(F-32)z:.:3(loO-D).
Le tableau suivant montre la correspondance des diverses
températures dans ces trois systèmes :
Glace fondante
Eau bouillante
o
as
^«5
^1
il
9
^ eu
•a
17077
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
0"
32
50
68
86
104
122
140
158
176
194
212
14022
0
8 -
16
24
32
40
48
56
64
72
80
17606
150
135
120
105
90
75
60
45
30
15
0
A. JOANNIS.
X. Finances. — Echelle de primes (V. Prime).
XL Economie politique. — Echelle mobile. — On a
donné le nom d'échelle mobile à un système législatif de droits
de douane appliqués au commerce des grains en Angleterre,
puis en France, dans la première partie du xix<^ siècle. L'An-
gleterre fut jusqu'à ce siècle un pays agricole, exportant du
blé plus qu'il n'en importait. Pour protéger les producteurs,
on mit dès 1670 des droits fort élevés sur les importations
de blé, et on imagina, pour assurer les approvisionnements
en cas de mauvaise récolte, de faire varier ces droits selon
l'échelle des prix. Ce système, qui procédait de celui des
droits ad valorem, devint très compliqué dans l'application.
Quand le prix du blé était inférieur à 33 shillings 4 pence, les
droits étaient prohibitifs ; entre ce prix et celui do 80 shil-
lings, il était de 8 shillings. En 1773, ces droits furent
beaucoup diminués ; le prix du blé avait été générale-
ment ^ inférieur à 2 livres sterling et presque toujours à
50 shillings. On décida que l'importation serait autorisée
dès que le blé se vendrait plus de 48 shillings, le droit
étant de 1 et 2 shillings par quarter. Mais, en 1791, on
revint à une protection plus grande. Le droit fut de 1 /2 shil-
ling quand le blé se vendait au-dessus de 54 shillings ; il
fut de 2 1/2 entre 54 et 50 shillings; quand les prix tom-
baient au-dessous de 50 shillings, le droit devenait prohi-
bitif, s'élevant à 24 shillings 1/4. Sous l'influence des
guerres de la Révolution et de l'Empire, le prix du blé s'éleva
en Angleterre au-dessus de 5 livres sterling. On accrut
donc la protection; le droit de 24 shilfings 1/4 fut
perçu à partir du prix de 63 shiUings (en 1804).Enl815,
on décida que le blé étranger entrerait en franchise, mais
à la condition d'être déposé dans les magasins de la cou-
ronne et vendu seulement quand le prix atteindrait 80 shil-
lings. Toujours le souci de combiner la protection des
agriculteurs avec la sécurité des approvisionnements. En
1822, on vota un droit de 1 shilling quand le blé se ven-
dait 85 shillings; 5 shillings entre 80 et 85 ; 12 shillings
entre 70 et 80. En 1828, cette échelle mobile fut com-
pliquée : au prixde 72shillings, droit de2 shillings 8 pence;
au prix de 71 shillings, droit de 6 shillings 8 pence ; à
70 shillings, droit de 10 shillings ; ix66 shillings, droit de
20 shillings 8 pence. L'effort de l'Etat pour soutenir le
prix du blé et le fixer entre des limites étroites apparaît.
C'est contre cette législation que fut dirigée par Cobden
et V Anti-corn-law-league (V. t. III, p. 195) des efforts
persévérants. En 1842, Robert Peel proposait d'admettre
un droit de 1 shilling pour le prix moyen de 73 shillings,
ce droit croissant d'autant de shilHngs que le prix moyen
baissait de shillings, le minimum étant à 51 shillings. Le
prix était fixé par le cours moyen de cent cinquante
marchés. La lutte engagée alors fut décisive. Les libre-
échangistes triomphèrent en 1846. Le droit fut réduit à
10 shillings si le prix s'abaissait au-dessous de 48 shil-
lings, à 5 shillings si le prix tombait à 26 shillings, 4 shil-
lings s'il tombait à 18 shillings. On décida enfin que, dans
un délai de trois ans, ces droits seraient supprimés. La
date à laquelle ils prirent fin fut le I^r féyp. 1849.
En France, on avait emprunté aux Anglais le système de
V échelle mobile facilitant l'entrée du blé quand le prix
monte à l'intérieur, la frappant davantage quand le prix
s'abaisse, afin de ne pas déprécier le travail national. Le
droit d'exportation variait en sens opposé. Il en étaitdemème
en Angleterre tant qu'il exista. Toute cette organisation a été
expliquée à l'art. Blé (t. VI, p. 1076). L'échelle mobilefut
temporairement abolie en 1846 et 1853 dans des époques
de disette. Elle le fut définitivement par la loi du 15 juin
1861, à la suite d'une grande enquête préparée par le con-
seil d'Etat et d'une vive discussion au Corps législatif
(27-29 mai 1861).
L'échelle mobile adoptée aussi par la Hollande, la Bel-
gique et les Etats romains a disparu partout. Les entraves
mises au commerce des grains favorisaient la spéculation
et mettaient en danger l'approvisionnement du pays.
(Y. Libre-Echange). A.-M. B.
ÉCHELLE (L'). Com. du dép. des iVrdennes, arr. de
Rocroi, cant. de Rumigny ; 329 hab.
ÉCHELLE (L'). Com. du dép. de la Marne, arr. d'É-
pernay, cant. de Montmirail ; 261 hab.
ÉCHELLE (L') (Seine-et-Marne) (V. Léchelle).
échelle-Saint-Aubin (L'). Com. du dép. de la
Somme, arr. de Montdidier, cant. de Roye; 213 hab.
ÉCHELLES (Les). Ch.-l. de cant. du dép. delà Savoie,
arr. de Chambéry, sur le Guiers ; 765 hab. Métiers à soie.
La route de Chambéry traverse, à 4 kil. des Echelles une
galerie longue de 308 m., commencée par Napoléon P^et
terminée en 1815 par le gouvernement sarde. L'ancienne
roule, ouverte par le duc de Savoie, Charles-Emmanuel, en
1670, ainsi qu'en témoigne une inscription, est devenue
inaccessible aux voitures; elle avait elle-même remplacé
un passage difficile et dangereux nommé le chemin de
l'Echaillon.
ÉCHELLES DU Levant. On désigne ainsi les ports et
places de commerce de la Méditerranée orientale appartenant
à l'empire ottoman depuis Constantinople jusqu'à Alexan-
ÉCHELLES — ECHENILLAGE
304 —
drie. On y comprenait aussi jadis les ports delà côte bar-
baresque jusqu'à Alger et ceux des îles et presqu'îles de la
Grèce, également dépendants du sultan. C'est le territoire
classique des capitulations (V. ce mot).
ÉCHELON. L Technologie. — Nom que l'on donne aux
barres transversales qui relient les montants d'une échelle
(V. ce mot). Les échelons sont en bois ou en fer; dans le
premier cas, ils ont un aspect fusiforme et sont renflés en
leur milieu ; dans le second cas, ce sont de simples tiges
cylindriques. On fait aussi pour descendre dans les puits,
par exemple, des échelons en fer qui sont coudés et scellés
par leurs extrémités dans la maçonnerie. Les murs pignons
d'une grande hauteur portent souvent des échelons sem-
blables qui permettent d'atteindre les souches des chemi-
nées pour les réparer. Desimpies liges de fer scellées d'un
bout dans les murs remplissent le même objet. L'ne échelle
de ce genre scellée dans un mur séparatif non mitoyen
exige l'achat d'une partie du mur par celui qui fait poser
cette échelle sur le mur ne lui appartenant pas. La largeur
à acquérir est la moitié de celle occupée à plomb de la plus
grande saillie de l'échelle, plus un pied d'aile (0^32) au
delà de chaque côté de ladite échelle. L. K.
IL Tactique. — On désigne sous ce nom des lignes
de troupes disposées les unes derrière les autres, de ma-
nière à pouvoir être successivement engagées au combat et
soutenues ou remplacées les unes par les autres. L'ordre
en échelons a été employé de tout temps dans les armées
conduites au combat avec discipline et méthode. Aujour-
d'hui, le bataillon se forme pour combattre en trois éche-
lons : 1° une chaîne constituée par les sections de tête
des deux compagnies de tête de la colonne pour le combat;
2^ des soiitieïis ïonms par les sections de queue de ces
deux compagnies; 3° une réserve comprenant les deux
autres compagnies. Cette formation, qui est celle du ba-
taillon encadré, subit quelques modifications de détail dans
le cas où le bataillon est isolé, où le combat doit être dé-
fensif, etc. Toutes les autres unités d'infanterie emploient
un échelonnement analogue pour combattre. Dans les
manœuvres de cavalerie, le régiment peut marcher en
échelons par demi-régiment. Le colonel désigne le demi-
régiment qui doit se porter en avant le premier et lui donne
sa direction ; il indique ensuite à celui qui doit former le
deuxième échelon la distance qu'il doit conserver et fait
commencer le mouvement par l'indication : Tel demi-
régiment, à telle distance: m échelon. Le régiment peut
être porté en arrière par des moyens analogues. Pendant
la marche, le colonel peut faire l'indication : Tel escadron,
à telle distance : en échelon. — On désigne encore sous
ce nom les fractions de troupes d'une colonne en route :
avant-garde, gros, etc., ainsi que les lignes successives des
troupes aux avant-postes : sentinelles, petits postes, grand'-
gnrdes, etc.
ÉCHEM BROIE, poète et musicien arcadien de la fin du
vii^ siècle avant J.-C. Il composait des nomes élégiaques
accompagnés de flûte, et remporta, la troisième année de
la 48*^ olympiade, une victoire en souvenir de laquelle il
consacra à Hercule un trépied avec une inscription en
vers que Pausanias (X, 7) a conservée.
ÉCHEM IN ES. Com. du dép. de l'Aube, arr. de Nogent-
sur-Seine, cant. de Marcilly-le-Hayer; 137 hab.
ÉCHEMIRÉ-RiGNÉ. Com. du dép, de Maine-et-Loire,
arr. et cant. deBaugé,près delà forêt deBaugé; 784hab.
Chaux. Près de Rigné, plusieurs monuments mégalithiques
connus sous le nom de Pierres du Coq. Ancien prieuré
dont l'église peut remonter, dans certaines de ses parties,
à l'époque carolingienne.
ÉCHENANS. Com. du dép. du Doubs, arr. et cant. de
Montbéliard ; 62 hab.
ÉCHENANS-sous-Mont-Vaudois. Com. du dép. de la
Haute-Saône, arr. de Lure, cant. d'Héricourt; 2i0 hab.
Ce village dépendait en partie du comté de Montbéhard et
en partie de la seigneurie d'Héricourt. Marguerite de Bade,
dame d'Héricourt, vendit, en 1360, sa moitié à Thomas de
Beurneyesin qui la revendit en 1364 à Jean de Mandeure.
Celui-ci ayant refusé le devoir de foi et hommage à Thié-
baud de Neufchâtel, seigneur d'Héricourt, fut assiégé dans
son château du Mont-Vaudois et fait prisonnier (1381). Les
habitants qui relevaient de la seigneurie furent affranchis
en 1520 par Guillaume, comte de Furstemberg et seigneur
d'Héricourt; ceux qui relevaient du comté le furent en
1584 par Frédéric de Wurttemberg, comte de Montbéliard.
ÉCHENAY. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr. de
Wassy, cant. de Poissons ; 202 hab. — Hauts fourneaux,
distilleries de betteraves. — Cette localité, située sur la
rive droite de la Saulx, fut, au moyen âge, le siège d'une
importante baronnie qui appartenait, au xiii^ siècle, à la
maison de Joinville, d'où elle passa successivement dans
celles de Dinteville, de Choiseul, de La Ferté-Senneterre et
de Rarécourt-Pimodan. Le château, restauré par les soins
du marquis de Pimodan, renferme une intéressante galerie
de portraits. A. T.
BiBL. : Marquis de Pimodan, Histoire d'une vieille mai-
son, le château d'Echenay ; T.anG;res et Paris, 1882, in-8
avec pi. — Henri Lozeral, le Château d'Echenay, dans
Revue de Champagne et Brie, 1890, p. 312.
ECHENEIS (Ichtyol.). Genre de Poissons osseux (Té-
léostéens), de l'ordre des Acanthoptérygiens Cotto-
Sconibriformes et de la famille des Scombridœ (V, ces
mots) vulgairement connu sous le nom de Rémora (V. ce
mot). Les Poissons compris dans ce genre ont sur la tête
un disque ovale composé d'un nombre variable de lamelles
transversales disposées par paires. Ces lamelles ont leur
limbe garni de petites épines. Cet appareil, qui permet au
Poisson de se fixer sur les corps submergés, est une mo-
dification de la première nageoire dorsale; chacune des
lamelles représente la moitié de l'un des rayons qui s'est
rabattu et étalé. Ces Poissons ont le corps allongé, la tête
large, la bouche petite, la dorsale est opposée à l'anale,
les ventrales ont une épine et cinq rayons mous. Les dix
formes connues ont une large distribution géographique, à
cause même de leur genre de vie. Ils sont cependant pro-
pres aux mers chaudes. VEcheneis rémora, qui atteint
40 centim. de long, est d'un brun rougeâtre uniforme,
plus pâle sous le ventre, avec des maculatures blanches et
une bande de même couleur sur les pectorales. Rochbr.
BiBL. : Sauvage, dans Breiim, éd. française. Poissons.
— GuNTHER, Study of Fishes. — BE Rochebrune, Faune
de la Sênégambie. Poissons.
ÉCHENEVEX. Com. du dép. de l'Ain, arr. et cant. de
Gex ; 324 hab.
ECHENILLAGE. 1. Agriculture (V. Chenille).
H. Droit administratif. — La destruction des chenilles a
été en France l'objet de nombreuses mesures législatives. Le
premier texte qui la concerne est un arrêt du parlement de
Paris en date du 4 févr. 1732, pris à la suite d'une inva-
sion peu ordinaire de chenilles qui s'était produite à l'au-
tomne de 1731. Tout propriétaire et fermier était tenu de
brûler les bourses et toiles à peine de 50 livres d'amende.
La Révolution abandonna ces questions agricoles à l'initia-
tive des autorités locales. La loi du 6 oct. 1791 (art. 20)
stipule : Les corps administratifs sont invités à encourager
les habitants des campagnes par des récompenses et suivant
les localités à la destruction des animaux malfaisants qui
peuvent ravager les troupeaux, ainsi qu'à la destruction
des animaux et des insectes qui peuvent nuire aux récoltes.
Ces prescriptions demeurèrent illusoires et, à la suite de
ravages effrayants causés par les chenilles, le conseil des
Anciens et le conseil des Cinq-Cents votèrent, sur un
message du Directoire, la loi du 26 ventôse an IV, qui est
restée'en vigueur jusqu'à ces dernières années.
Cette loi spécifiait que les propriétaires, fermiers, loca-
taires ou autres doivent écheniller tous les ans avant le
mois de mars et brûler sur-le-champ les bourses et toiles
qui sont tirées des arbres, haies et buissons, dans un lieu
oti il n'y aura aucun danger de communication de feu soit
pour les bois, arbres et bruyères, soit pour les maisons
et bâtiments. D'autre part, l'art. 471 du C. pénal con-
— 30o
ÉCHENILLAGE — ECHEVERRIA
damne à une amende de 4 à S fr. ceux qui auront négligé
d'écheniller dans les campagnes et jardins où ce soin est
prescrit par la loi ou les règlements. La cour de cassation
a décidé (6 sept. 1850) que l'échenillage est une charge
de la propriété et que le propriétaire demeure responsable,
même lorsqu'il a atfermé la terre. Les préfets et les maires
devaient prescrire chaque année l'échenillage, par arrêté.
Les maires et adjoints veillaient, sous leur propre respon-
sabilité, à l'exécution de l'échenillage, et les procès-verbaux
en cette matière étaient dressés par les gardes champêtres
et les gendarmes. En vertu d'une lettre du ministre des
finances en date du 41 avr. 4824, l'administration des
forêts était dispensée d'écheniller.
De nombreuses critiques s'élevèrent contre cette loi. On
lui reprocha surtout de rendre les maires et adjoints res-
ponsables de la négligence de leurs administrés, de ne
s'appliquer qu'aux chenilles, tandis que beaucoup d'autres
insectes ne causent pas moins de dégâts, et de supposer que
l'échenillage ne peut avoir lieu qu'au printemps, tandis
qu'on peut l'exercer avec succès en été et en automne.
Elle finit par tomber en désuétude et on ne verbalisa guère
contre les contrevenants. Après plusieurs tentatives infruc-
tueuses en 1839, en 1849, en 4854, en 4872, les Chambres
françaises finirent par adopter la loi du 24 déc. 4888 qui
abroge celle de l'an IV relative à l'échenillage et s'étend à
la destruction des insectes, cryptogames et autres végétaux
nuisibles à l'agriculture. D'après cette loi, les préfets pres-
crivent les mesures nécessaires pour arrêter ou prévenir
les dommages causés à l'agriculture parles chenilles, etc.,
lorsque ces dommages se produisent dans un ou plusieurs
départements ou seulement dans une ou plusieurs com-
munes, et prennent ou peuvent prendre un caractère enva-
hissant et calamiteux. Les propriétaires, fermiers, colons
ou métayers, les usufruitiers et usagers sont tenus d'exé-
cuter sur les terrains qu'ils possèdent et cultivent ou dont
ils ont la jouissance et l'usage, les mesures prescrites par
l'arrêté préfectoral (toutefois, dans les bois et forêts, ces
mesures ne sont applicables qu'à une lisière de 30 m.). Ils
doivent ouvrir leurs terrains aux agents chargés de la vé-
rification ou de la destruction. En cas d'inexécution, procès-
verbal est dressé par le maire, l'adjoint, l'officier de gen-
darmerie, le commissaire de police, le garde forestier ou
le garde champêtre, et le contrevenant est cité devant le
juge de paix. Il est passible d'une amende de 6 à 45 fr.
L'amende est doublée et la peine d'emprisonnement pen-
dant cinq jours au plus peut même être prononcée en cas
de récidive. Comme ces prescriptions sont fort rigoureuses,
il est stipulé que l'arrêté préfectoral doit être pris après
avis du conseil général et soumis à l'approbation du ministre
de l'agriculture qui prend lui-même, sur les procédés à appli-
quer, l'avis d'une commission technique instituée par décret.
— Des lois analogues existent à l'étranger, notamment en
Italie, en Angleterre, en Belgique, en Prusse, etc.
ÉCHENILLEUR (Ornith.). Nom vulgaire de quelques
Passereaux d'Afrique, de Madagascar, de la Nouvelle-
Guinée, des Philippines et des Moluques qui rentrent dans
les genres Campophaga, Grancalus ou Ceblepyris et
Edoliisoïna et dans la famille des Campopliagidés (V. ce
ïWOt). E. OUSTALET.
ÉCH EN ILLOIR. Pour opérer Véchenillage (V. ce mot),
on se sert d'une sorte de petite cisaille, en fer aciéré, fixée
sur un long manche ; lorsque l'outil est placé de manière
à saisir la petite branche qui porte les nids de chenilles,
il suffit de tirer une ficelle qui fait mouvoir une des branches
de la cisaille, et la branche tombe. Cet instrument porte le
nom d'échenilloir.
ECH ENON. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. deBeaune,
cant. de Saint-Jean-de-Losne ; 756 hab. Gaudes (farines de
mais) renommées.
ÉCHENOZ-la-Meline. Com, du dép. de la Haute-Saône,
arr. et cant. de Vesoul; 4,080 hab. Carrières de pierres
de tadle et de moellons; moulins, huilerie. Grotte du Trou
de la Baume qui a fourni de nombreux ossements fossiles
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
et quelques silex taillés. A l'église, bras d'argent du xvi^ siè-
cle contenant une relique de saint Martin. xAu hameau de
Solborde, pèlerinage de Notre-Dame, très fréquenté autre-
fois et à l'occasion duquel Philippe IV, roi d'Espagne, créa
d'importantes foires à Echenoz (4665). L-x.
ÉCHENOZ-le-Sec. Com. du dép. de la Haute-Saône,
arr.de Vesoul, cant. de Montbozon; 345 hab.
ÉCH E VAN NE. Com. du dép. du Doubs, arr. de Besan-
çon , cant. d'Ornans; 443 hab.
ÉCHEVANNE. Com. du dép. de la Haute-Saône, arr. et
cant. de Gray; 92 hab.
ÉCHEVANNES. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Dijon, cant. d'Is-sur-Tille; 464 hab.
ÉCH EV EAU. Dans un grand nombre de cas, les fils, soit
qu'ils aient été filés sur des métiers continus, soit qu'ils
doivent être teints, soit qu'on veuille en faciliter l'embal-
lage et le transport, sont dévidés en forme d'écheveaux
avant d'être livrés à la vente. La longueur du fil contenue
dans un écheveau, dont tout le monde connaît l'aspect, est
toujours en rapport avec la méthode adoptée pour le numé-
rotage, au moyen duquel on spécifie la finesse du fil. Dans
l'industrie française du coton, les écheveaux contiennent
toujours 4,000 m. de fil, et sont divisés ordinairement
en dix échevettes de 400 m. ou cinq échevettes de 200 m.
Les dévidoirs sur lesquels on les forme ont un périmètre
de 4^428, de sorte que soixante-dix tours fournissent
l'échevette de 4 00 m. Le numéro indique le nombre d'éche-
veaux qui, réunis, forment un poids d'un demi-kilogr. L'em-
ballage se fait en formant des paquets pesant uniformé-
ment 2 kilogr. et demi ou 5 kilogr. L'industrie de la laine
fait usage du même dévidoir, mais dans les usages de
bien des locaUtés l'échevette ne contient que cinquante tours
correspondant à une longueur de 744 m. Les dévidoirs
dont on fait usage en Angleterre et dans les différents autres
pays sont un peu moins grands; leur périmètre est de
i yard et demi ou 4"^372, et l'écheveau composé de cinq
cent soixante tours renferme 840 yards ou 768 m. de fil.
Pour le lin, même en Erance, on a adopté des dévidoirs de
2 yards et demi ou 2™286 de périmètre, et les écheveaux
contiennent douze échevettes formées chacune par cent
vingt tours de dévidoirs. Elles correspondent à une lon-
gueur de 3,600 yards ou 3,294 m. La vente se fait par
paquets de poids variables, mais renfermant toujours cent
écheveaux, soit une longueur constante de 360,000 yards.
Les dévidoirs en usage pour la soie sont toujours plus petits
et les longueurs des écheveaux varient suivant les cas.
ECHEVERIA (Echeveria DC.) (Bot.). Genre de Cras-
sulacées, que M. H. Bâillon (Hist. des PL, IH, p. 310)
considère comme une simple section du genre Cotylédon L.
Ses représentants, originaires du Mexique et de la Cali-
fornie, sont des arbustes ou des herbes, à feuilles tantôt
en rosette, tantôt caulinaires et alternes, à périanthe
double, à cinq divisions, avec six étamines insérées au fond
de la corolle. Plusieurs espèces, notamment 1'^. cocci-
nea DC, sont cultivées dans les jardins comme orne-
mentales.
ECHEVERRIA (Estéban), célèbre poète argentin, né à
Buenos Aires en 4809, mort à Montevideo en janv. 4854.
Son éducation fut essentiellement française. A l'âge de dix-
huit ans, il vint à Paris pour suivre les cours de la Sor-
bonne et du Collège de Erance; il y passa près de cinq
années et s'imprégna profondément des idées du romantisme
littéraire dont il se fit l'apôtre au retour dans son pays.
Son poème d'essai, Elvira 6 la novia del Plata (4832),
n'est qu'un produit d'une imagination dévoyée; ses poésies
fngniw es ^ Consuelos (4834), ne sont encore que des reflets
de la littérature élégiaque française. Mais il eut le mérite
de donner à toute l'Amérique espagnole le signal de rupture
avec les traditions du classicisme. Dans son poème la Cau-
tiva (4837), il essaya de devenir poète national. La trame
en est assez puérile, mais les descriptions des « pampas »
et des mœurs de ses habitants sont faites avec émotion et
vigueur. Obligé de s'expatrier pour échapper aux persécu-
20
EGIIEVERRÏA - ÉCHIDNÉ
— 306 —
tions du dictateur Rosas, il passa à Montevideo, où il con-
sacra plusieurs beaux chants à célébrer les actions héroï-
ques des défenseurs de la liberté qui perdirent la vie en
combattant, en 4839-1840, la sauvage tyrannie de ce
saucho sanguinaire (La Insurrecciôn ciel Sud ; monie-
video, 1849). Ses œuvres complètes ont été publiées a
Buenos Aires (1870, 2 vol. in-8). G. Pawlowski.
BiBL : Torrés-Caicedo, Ensnyos hiograficos y do cri-
tica literaria; Paris, 1863, t. l^^.-X. Marmier, Lettres sur
VAmérique, t. II.
ÉCHEVETTE. Fraction d'un écheveau (V. ce mot).
ÉCHEVINS. On donne ce nom à des personnages qui ap-
paraissent dans les documents au cours du vm« siècle ; le
nom latin scabini, sous lequel ils figurent dans les textes,
est dérivé d'un ancien mot allemand qui signifie juger. Ce
sont d'abord, semble-t-il, des hommes libres analogues
aux rachimboiirgs (V. ce mot) désignés pour participer
aux plaids, mais bientôt la réforme de l'administration de
la justice sous Charlemagne les substitue complètement
aux rachimbourgs et les transforme en fonctionnaires
royaux ayant la mission permanente de rendre la justice
avec les comtes et les centeniers. Ils étaient nommés par les
7nissi ou par les comtes avec la participation du peuple et
semblent avoir exercé leur charge à vie, sauf le cas de révo-
cation. Cette institution des échevins et cette organisation
des tribunaux des comtés persista sans grand change-
ment pendant toute la période carohngienne et se perpétua
même, en se transformant, bien au delà. Lorsque s'organisa
au cours du x« siècle la justice seigneuriale, les tribunaux
échevinaux, loin de disparaître, se multiplièrent au contraire
et constituèrent la juridiction des non-nobles, paysans ou
habitants des villes. Il semble que les populations furent
en général très attachées à cette juridiction, si bien que la
révolution communale eut, dans la plupart des villes, pour
effet de transformer les échevins en magistrats municipaux
et de leur conférer de nouvelles attributions. Dans quelques
villes, cependant, le tribunal échevinal persista plus ou
moins longtemps à côté des nouvelles magistratures. L'iden-
tité des échevins municipaux et des échevins carohngiens,
longtemps contestée, est aujourd'hui admise par la plupart
des^historiens ; beaucoup d'entre eux cependant persistent
à désigner les scabini de l'époque carolingienne sous le
nom de scabi7is, réservant le nom à'échevins pour les
5ca/^mi municipaux. Ceux-ci continuèrent d'abord à être
nommés à vie et par les seigneurs des villes où ils étaient
établis, mais peu à peu, au cours du xii^ siècle, les habi-
tants prirent à leur élection une part de plus en plus
grande, et des réformes survenues, soit à la fin de ce siècle,
soit dans la première moitié du suivant, transformèrent
presque partout leurs charges en magistratures annuelles
et électives. A l'imitation des villes qui avaient eu un tri-
bunal d'échevins avant de devenir des communes, certaines
localités qui obtinrent une charte de commune donnèrent le
nom d'échevins aux collèges de magistrats qu'elles créaient
de toutes pièces. Dans les unes comme dans les autres,
leurs attributions n'étaient pas restreintes à l'administra-
tion de la justice; il s'y joignait, bien entendu, les attribu-
tions administratives militaires et de police qui incombaient
aux magistrats municipaux. Bientôt, dans le nord de la
France particulièrement, des collèges d'échevins ou éche-
vmages furent établis dans la plupart des villes et dans
celles même qui n'avaient pas le rang de communes et ne
possédaient pas de droits de justice. Depuis le xv^ siècle,
la monarchie ne cessa de créer des échevinages dans les
localités qui en étaient dépourvues. Le nombre et les attri-
butions des échevins ne furentjamais uniformément fixées
pour tout le royaume. La haute justice fut enlevée aux
Tilles au xvi« siècle, par les ordonnances de Moulins et de
Blois, mais presque partout les échevinages conservèrent la
juridiction de police et continuèrent à former un tribunal
sous la présidence du maire ou du prévôt. Souvent les
fonctions municipales étaient réparties entre les divers
membres de l'échevinage; il y avait à cet égard, du reste,
une infinie variété, et les règlements différaient de ville à
ville. Au xyiii*^ siècle, seulement, on se préoccupa de donner
aux villes une administration uniforme ; l'édit de Com-
piègne, du mois d'août 1764, fixa à quatre le nombre des
échevins des bonnes villes, mais ses dispositions ne furent
point généralement appliquées. Le titre d'échevin n'a pas
survécu en France à l'ancien régime. A. G.^
BiBL.:Pour les échevins carolingiens, W. SiCKKL,Die
Entstehunq des Schôffenqerichts, dans Zeitschrift der Sa-
vignyStlftunq Germ. Abi'h.,t. VI(1885),pp. 1-86.-Brunner,
Die Herhunft der Schôffen, dans Mittlieil. des Instituts
fur Oesterr. Geschichtsforschung. t. VIII (1887). — _ Ed.
Beaudouin, la Participation des hommes libres au juge-
ment dans le droit franc. III, les Scabins, dans lYou-
velle Revue historique de droit, t. XII (1888), pp. 121-231.—
Pour la persistance du scabinat à Tépoque communale,
A. GiRY, Etude sur les origines de la commune de Saint-
Quentin; Saint-Quentin, 1887, in-4. — Pour les échevins de
l'époque communale, V. la bibliographie de 1 art. Com-
mune.
ÉCHEVIS. Corn, du dép. de la Drôme, arr. de Valence,
cant. de Saint-Jean-en-Royans, dans la gorge de k Ver-
naison, entre les Grands et les Petits-Goulets; 453 hab,
La route de Pont-de-Royans, taillée en grande partie dans
le roc, traverse sur le territoire de cette commune de pit-
toresques défilés qui ont exigé un grand nombre de tra-
vaux d'art.
ÉCHEVRONNE. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Beaune, cant. de Nuits; 421 hab.
ECHEVSKY (Etienne-Vasilievitch), historien russe, né
en 1829, mort en 1865. Il fut professeur d'histoire à
Odessa, à Kazan et à l'université de Moscou, où il succéda
à Granovsky. Il avait recueilli sur la franc-maçonnerie
russe des documents qui lui ont permis de publier sur ce
sujet curieux un travail fort intéressant. Ses œuvres his-
toriques ont été éditées à Moscou en 1870. Cette pubhca-
tion est précédée d'une notice de M. Bestoujev-Rioumme,
notice réimprimée dans le volume intitulé Biographies et
C aractéiHs tique s (Sâint-VètershouTg, \ 882).
ECHi DNA. I. Mythologie.— Fille de Chrysaor et de Cal-
lirhoé, d'après la théogonie hésiodique, du Tartare et de
Terre, d'après Apollodore. Au buste de femme et à queue
de serpent. Elle attirait dans sa grotte les hommes et les
égorgeait. Elle vivait au pays des fabuleux Arimes. Alhée
à Typhon, elle donna le jour à Orthos, Cerbère, à l'hydre
de Lerne, à la Chimère, au Sphynx et au lion de Némée.
Elle fut tuée par A-rgus. Une autre légende, rapportée par
Hérodote, fait vivre Echidna chez les Scythes ; aimée d'Hé-
raclès (Hercule), elle en aurait eu trois fils, Agathyrsus,
Gelonus et Scythes, ancêtres de trois grandes peuplades.
H. Astronomie. — Un des noms de Vllydre (V. ce mot).
ÏII. Erpétologie. — Genre de Serpents Thanatho-
phides, de la famille des Viperidœ, diftérenciés des vrais
Vipera par Fouvcrture des narines occupant la région
supérieure de la tète en avant et entre les yeux. Les deux
formes africaines appartenant à ce genre, les Echidna
arietans et Echidna Gabonica, ont été rangées par Gray
dans son genre Bitis. Nous avons décrit à ce mot la Gabo-
nica ou Rhinocéros (V. Brns). Rochbr.
BiBL. : Erpétologie.— DuMÉRiL et Bidron, Erp. gêner .
— De Rochebrune, Faune de la Sénégambie. Reptiles. ^
ÉCH\DHÈ (Echidna) (ZooL). Genre de Mammifères ovi-
pares qui constitue, avec le genre Ornithorhynque, l'ordre
des Monotrèmes (V. ce mot), le plus dégradé de cette
classe. Ce genre est caractérisé par son corps court, aplati,
à queue rudimentaire, couvert en dessus de piquants entre-
mêlés de poils plus ou moins longs et abondants suivant les
saisons. La tète est allongée, cyUndro-conique, terminée
par un rostre muni d'un très petit bec corné; la bouche
est petite et terminale, les mâchoires complètement dépour-
vues de dents. La langue est longue, extensible, couverte
de papilles e[)ineuses ainsi que le palais. Les pieds sont courts
et larges, pourvus de trois à cinq doigts munis d'ongiCS
robustes propres à fouir et dirigés en arrière aux pattes
postérieures. Le mâle porte un éperon au talon. Les par-
ticularités anatomiques que l'Echidné présente en commun
307 —
ECHIDNE — ECHIMYS
avec rOrnithorhynque seront indiquées au mot Monotrèmes.
L'Echidné représente le type terrestre, et l'Ornithorhynque
le type aquatique de cet ordre. Le premier a le cerveau plus
volumineux et muni de circonvolutions qui manquent à
rOrnithorhynque. Haack etCaldwell ont découvert presque
simultanément (1884) que ces deux genres étaient ovi-
pares^ comme Isidore-Geoffroy Saint-Hilaire l'avait déjà
supposé (en 1824), et non vivipares, comme on l'a toujours
cru jusque dans ces derniers temps, d'après les observa-
tions incomplètes des naturalistes voyageurs.
En nov. 1884, Haack reçut de l'île des Kangourous (Aus-
tralie Sud-Est) une femelle d'Echidné vivante qui portait
dans sa poche mammaire un œuf blanc, presque rond
(15 millim. de long sur 13 millim. de large), à coquille
parcheminée comme celle de la plupart des reptiles, épaisse
d'un demi-millim., à surface externe plus lisse que l'in-
terne. Des observations subséquentes ont établi que la poche
marsupiale sert d'abord à l'incubation de cet œuf unique,
et présente une température plus élevée de plusieurs degrés
que celle de l'animal lui-même, qui est remarquablement
basse pour un mammifère (28^^ centigr. seulement). Cette
poche d'ailleurs ne se développe qu'après que l'œuf a été
pondu : hors du temps de la reproduction on n'en voit pas
trace. Elle est à peine assez profonde pour loger une montre
d'homme sans la cacher complètement. Cette poche, située
sur la ligne médiane du ventre, en avant du cloaque, se
continue en avant par deux fossettes peu profondes au
miheu desquelles sont les aréoles mammaires. La peau qui
forme cette poche est plus épaisse que celle du reste du
ventre, et les poils y sont plus rares, plus courts, tandis
qu'ils forment des toutt'es épaisses autour de l'aréole mam-
maire. Bien qu'il n'y ait pas de muscles spéciaux, l'animal
peut en rétrécir considérablement l'ouverture et le volume
à l'aide de ses muscles peauciers. Une fois sorti de l'œuf,
le jeune reste encore un certain temps dans la poche, puis
il s'attache aux mamelles, et la poche disparaît alors, car
sur une femelle en lactation, étudiée par R. Owen, on ne
voyait plus que les deux fossettes semi-lunaires au fond
desquelles sont les orifices des glandes mammaires. D'après
Gegenbaur, ces glandes sont très simples, dépourvues de
mamelon et ne se distinguent du reste du ventre que par
l'épaisse musculature de la peau en cette région. Les glandes
mammaires sont reliées aux follicules pileux, mais appar-
tiendraient cependant au type des glandes sudoripares (et
non au type des glandes sébacées comme chez les autres
Mammifères). Ces glandes sont relativement très dévelop-
pées chez le mâle. On ne sait pas encore comment s'opère la
lactation : il est probable que le lait, exprimé par la con-
traction des muscles de la mère, est simplement léché par
le jeune dont la tète est moins allongée et le museau plus
large que chez l'adulte.
Les Echidnés, dont il existe plusieurs espèces, habitent
les forêts arides et montagneuses de la région australienne,
de la Nouvelle-Guinée à la Tasmanie. Ils se nourrissent
exclusivement de fourmis, qu'ils agglutinent à l'aide de leur
langue grêle et rétractile. Leurs ongles robustes leur ser-
vent à fouiller les fourmilières pour mettre à nu les insectes
dont ils font leur nourriture. 0. Thomas a montré que
l'on a beaucoup trop multiplié le nombre des espèces
fondées sur des difiërences locales ou saisonnières, notam-
ment sur le plus ou moins de longueur des poils fins qui
cachent les piquants. Il admet seulement deux espèces : la
première, type du genre Ecliidna (Cuvier) caractérisé
par la présence de cinq doigts à tous les pieds, comprend
trois variétés : E. aculeata typica (ou E. histrix Cuv.),
qui habite tout le continent australien; E. aculeata
Lawesi (Ramsay), propre à la Nouvelle -Guinée (Port
Moresby), et E. aculeata setosa (Cuvier), qui habite la
Tasmanie. La seconde espèce, type du genre Proechidna
(Gervais), Bruijnii (Dubois), caractérisé par ses pattes
à trois doigts seulement, est Proechidna Bruijnii (Poters
et Doria), qui habite la Nouvelle-Guinée et le nord de
l'Australie. Son rostre est plus grêle, plus allongé que celui
de l'Echidné proprement dit et recourbé vers le bas. Tous
ces animaux sont de couleur brune, et leur taille dépasse
un peu celle de notre Hérisson. Il a existé autrefois sur le
Echidné épineux.
continent australien des Echidnés de plus grande taille; tel
est VEchidna Oivenii (ou E. Piamsayi), de l'époque quater-
naire, dont les ossements indiquent un animal presque deux
fois plus fort que les espèces actuelles. E. Trouessart.
BiBL. : O. Thomas, Notes on the Characters of the dif-
férent Races of Echidna^ dans Proc. ZooL Soc. Lond., 1885,
p. 329, avec une bibliogr. plus complète. — P. Gervais,
Ostéographie des Monoirèmes^ 1877. — Haacke, On the
Marsupial Ouitrn, etc., dans Proc. Roy. Soc. Lond., 1885,
t. XXXVIII, p. 72. — R. Owen, On the Ova of Echidna,
dans Philos. Trans. Roy. Soc.^ 1880. — Bruiil, Das MonO'
tremen-Skelet; Vienne, 1891. — Morton, Aboies on the Egg
of Echidna seiosa,dans Proc. Roy . Soc. Tasm.., 1887, p. 290.
— Westli^^g, Anatomische Untersiichungen ueher Echi-
dna, dans Bih. Svensha Ahad. HandL, 1889, t. XV, p. 1.—
V. aussi Monotrèmes.
ÉCHIFFE ou ÉCHIFFRE(Gonstr.). Partie de mur ram-
pant dont l'inclinaison est réglée sur la pente même de l'es-
calier, dont elle soutient les marches. On dit aussi mur
d'échiffre, et ce mot vient de l'habitude, conservée encore de
nos jours, qu'ont les ouvriers de chiffrer ou d'inscrire les
numéros des marches le long du rampant de l'échiffre. —
L'échiifre peut être en bois et formé d'un assemblage triangu-
laire composé d'un patin, de deux noyaux, d'un ou plusieurs
potelets et du limon portant les balustres et l'appui ou main
courante de la rampe d'escalier. Charles Lucas.
ÉCHiGEY.Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de Dijon,
cant, de Genlis; 219 hab.
ÉCHILLAIS. Com. du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. de Maronnes, cant. de Saint-Agnant ; d,499 hab.;
église du xu^ siècle (mon. liist.), avec un portail bien
conservé.
BiBL. : R.-P. Lesson, Fastes historiques du dép. de la
Charente-Inférieure ; Rochefort, 1842-1845, 1. 1, pp. 97-101.—
Bévue de Saintonge et d'Aunis, 1888, p. 270. — Revue
poitevine et saintongeaise^ 5" année, 1888-1889, p. 250.
ECHIMYS ouECHINOMYS. I. Zoologie. — Genre de
Mammifères Rongeurs appartenant à la famille des Octo-
dontidœ{y. Octodon), et devenu le type d'une sous-famille
à part {Echinomyinœ) qui présente les caractères suivants :
pelage plus ou moins rude, souvent mêlé de poils raides
ou d'épines ; queue ordinairement longue, molaires radi-
Echimys de Cayenne.
culées ou semi-radiculées, à couronne présentant de pro-
fonds replis d'émail. D'après Alston, cette sous-famille
comprend les genres Carterodon, Myopotamus, Cerco-
mys, Loucher es, Mesomys, Echimys, Dactylomys^ Pla-
giodon et Capromys, tous de la région néotropicale (Amé-
rique centrale et méridionale), et enfin Aulacodus,^ qui
seul représente ce groupe sur l'ancien continent, en Afrique.
Tous ces animaux ont l'apparence extérieure des grands
Rats, mais en diffèrent par leur pelage épineux et la structure
de leurs dents. Les Echimys proprement dits ont le pelage
EGHIMYS - ÉCHÏNADES
- 308 -
plus ou moins épineux sur le dessus du corps, le museau
pointu, les oreilles médiocres, les pieds étroits, allongés,
la queue longue et écailleuse, les incisives comprimées. Leur
taille atteint ou dépasse celle du Surmulot. Ils vivent à
terre, mais sont médiocrement fouisseurs et se nourrissent
exclusivement de substances végétales. On en a décrit une
dizaine d'espèces qui habitent l'Amérique chaude, du Nica-
ragua au S. du Brésil {E. seinispinosus, E. ferrugineus,
E. Cayennensis, E. hispidus, E. macriirus, E. albispi-
nus, E. dimidiatus, etc.). Le genre Isothrixde Wagner
(Lasiuromys Deville ou TJiricJiomys Trouess.) comprend
des espèces du Brésil, de la Nouvelle-Grenade et de la
Bolivie qui ont la queue plus courte et poilue (/. pachyura
ou antricola, I. iiiei^mù^ L brevicauda, I. caniceps^
L bistriata, L pagura, I. picta, L villosa).
Dans le genre Loncheres (IHiger) ou Nelomys de Jour-
dan (mais non de Lund), on place des espèces à museau
obtus, à oreilles courtes, à pelage mêlé d'épines plates, à
queue longue couverte d'écaillés et de poils, qui s'étendent
de la Nouvelle-Grenade au Pérou et au Paraguay à travers
le Brésil (L. cristatus, L. Guianœ, L. armatus, tous trois
de la Guyane et ce dernier aussi de la Martinique,!. Blain-
villei, L. dasythrix, L. semi-villosa, L. macrura). Le
Mesomys ecaudatus ou brachyurus (Wagner), de la
Guyane et du Brésil, a la queue courte et poilue, le pelage
dépourvu d'épines. Le Cercomys cuniculariiis (E. Geoff.
et F. Cuv.) se distingue des précédents par ses oreilles
grandes et nues comme celles des Rats, sa queue longue,
écailleuse, son pelage doux et sans épines. Il habite le Bré-
sil. Le genre Dactylomys (Is. GeofF.) se rapproche davan-
Molaires de Dactylomys (mâchoire inf. et sup.).
tage des Echimys proprement dits par ses oreilles courtes ;
la queue est velue seulement à la base ; le museau est assez
épais ; le pouce antérieur est rudimentaire ; tandis que le
troisième et quatrième doigts sont allongés, à ongles presque
plats : les I). dactylimis etD. amblyonyx sont de l'Equa-
teur et du Brésil. Le genre voisin, Tlirinacodus (Giinther),
ne renferme qu'une seule espèce (T, albicauda) propre
à la Nouvelle-Grenade. Le genre Carter odon (Waterhouse)
ou Nelomys (de Lund) est fondé sur une espèce (C. sul-
cidens) qui ressemble à notre Rat d'eau et se distingue
par son museau et sa queue courte, à la fois écailleuse et
poilue, ses oreilles moyennes, ses incisives larges et sil-
lonnées sur leur face antérieure. Elle habite des terriers
peu profonds dans l'intérieur du Brésil.
Près du genre précédent vient se placer le genre Myo-
potamus (E. Geoif.), dont les molaires sont semblables à
celles des Carter odon. Le Myopotame, Coypou ou Castor
de la Plata (Hydromys et Guillinomys de certains au-
teurs), que les anciens plaçaient dans le genre Castor,
représente le type aquatique des Echimys. On n'en con-
naît qu'une seule espèce {M. coypiis) qui habite tous les
cours d'eau de l'Amérique du Sud, sur les deux versants
des Cordillières, du Pérou à la Patagonie et au Chili ; c'est
l'espèce de cette sous-famille qui s'avance le plus au S.,
et c'est aussi la plus grande du groupe, car sa taille atteint
60 centim., non compris la queue. Le museau est obtus, la
queue cylindrique comme celle des Rats ; les pieds posté-
rieurs sont larges et palmés, propres à la nage, le cin-
quième doigt restant seul libre. Les mamelles de la femelle
sont placées très haut sur les flancs, au niveau et en arrière
Myopotame Coypou.
de l'articulation de l'épaule, ce qui permet aux jeunes, qu
suivent leur mère aussitôt après la naissance, de teter en
nageant dans l'eau ù ses côtés. Le Myopotame, appelé aussi
improprement Loutre (fiutria) par les Argentins, creuse
son terrier le long de tous les cours d'eau de l'Amérique
méridionale, et c'est là que la femelle met bas de quatre
à six petits. Sa fourrure soyeuse, d'un brun clair tirant
sur le jaunâtre, est très recherchée.
Le genre Aulacodus (Temminck) représente les Echi-
mys sur le continent africain. Les molaires, qui possèdent
des racines, ont le dessin de leur couronne semblable à
celui du genre Capromys (V. ce mot), propre aux An-
tilles, appartenant également à cette sous-famille, et que
l'on peut considérer comme formant la transition entre les
Echimys américains et les Aulacodes africains. Ces der-
niers ont des formes robustes, le museau court, le pelage
épineux, la queue moyenne couverte de poils durs, épars;
les incisives supérieures très larges, sillonnées. VA. Sivin-
derianus est un animal à peu près de la taille d'un Lapin,
mais à oreilles et à pattes courtes, de couleur brune. Il
habite toute l'Afrique au S. du Sahara. Sur la côte de
Guinée, où il dévaste les champs de maïs, on le désigne sous
le nom de Cochon de terre ou Rat des bois. Une seconde
espèce récemment découverte dans l'Afrique centrale (pays
des Niams-Niams) est VA. scmi-palmatus de Heuglin,
type du sous-genre Thryonomys de Fitzinger.
"^ IL Paléontologie. — Des Rongeurs voisins des Echi-
mys ont vécu en Europe à l'époque tertiaire : tels sont les
genres Trechomys (ayant pour type le Theridomys pla-
ticeps Filhol) et Protechimys (Echimys breviceps, et
ciirvistriatus deLaizeret Parieu), établis par Schlosser,
et qui sont de l'oligocène du sud de la France. Le Pelle-
grina panormensis (Gregorio), plus récent (post-pliocène
de Sicile), appartiendrait aussi à ce groupe. Les fossiles
de cette sous-famille sont beaucoup plus nombreux dans
l'Amérique méridionale, où les genres, Echimys, Carte-
rodon, Loncheres, Mesomys, Myopoiamiis sont repré-
sentés dans les cavernes quaternaires du Brésil. Plus au S.,
ces animaux étaient très abondants à l'époque tertiaire ;
outre plusieurs espèces éteintes de Myopotamus, Ame-
ghino signale en Patagonie et dans l'Argentine les genres
Potamarchus (Burmeister), Neoreomys, Colpostemma,
Strophostephanos, Scleromys, Adelphomys, Stichomys,
Spaniomys, Tribodon, Eumysops, Olenopsis, Morenia,
Discolomys, Orthomys, Perimys.Euphilus, tous éteints.
Le genre Lonchophorus, également éteint, est du Brésil.
E. Trouessart.
BiBL. : E. Trouessart, Catalogue des Mammifères
vivants et fossiles, i^orzgfeur s, clans Bull. Soc. d'Etudes se.
d'Angers, 1880, avec une bibliogr. plus complète. — A. von
Pelzeln, Brasilische Saûgethiere von Natterer (1817-35);
Vienne, 1883. — FI. Amegiiino, Los Mamifevos fosiles de
la Repiiblica Argentina, 1889, pp. 131 et suiv.
ÉCHÏNADES (Iles). Groupe d'îles grecques situées en
face de l'embouchure de l'Achélous (Aspropotamo). Les
alluvions de ce fleuve comblent lentement le bras de mer
qui les sépare du rivage. Hérodote l'avait déjà remarqué. Il
- 309 -
ÉCHINADKS - l'XHINOCKHUS
est question de ces îles dans VIliade. Elles étaient alors
habitées ; Strabon y place même la ville de Dulichium (en
face d'OEniades) ; au temps de Thucydide, elles étaient dé-
sertes. Pline en énumère neuf: yEgralia, Cotonis, Thyatira,
Geoaris, Dionysia, Cyrnus, Chalcis, Pinara, Mystus. Une
autre, Artemïta, avait été réunie au continent. On ratta-
chait aussi aux Echinades le groupe des îles Oxeia. Elles
devaient leur nom à 1 apreté de leur silhouette. Au moyen
âge, on appela îles Dhragonares le groupe septentrional,
Oxiès ou Scrofès le groupe méridional. Les Vénitiens
adoptèrent le nom de Kurtzolari. Actuellement, on en compte
dix-sept, dont neuf sont cultivées; ce sont, du S. au N. :
Oxia, Makri, Vromona, Pondikonisi, Karlonisi, Provati,
Lambrino, Sofia, Dhragonara.
ECHINANTHUS (Paléont.) (V. Cassidulus).
ECHINARACHNIUS (ZooL). Ce genre d'Echinodermes,
de l'ordre des Clypéastroïdes , famille des Scutellines,
comprend des espèces tertiaires et des formes actuelles qui
vivent dans les mers américaines ; leur test est discoïde,
déprimé, les pétales sont largement ouverts; il existe
quatre pores génitaux; l'anus est marginal, les sillons
ambulacraires de la face inférieure sont anastomosés une
seule fois vers le bord. Type : E. par ma Gray. R. Mz.
ECH IN ASTER (ZooL). Genre important d'Astérides, de
la famille des Solastérides, fondé par Millier et Troschel
pour des Echinodermes munis de cinq et quelquefois six
bras allongés, dont les téguments sont soutenus par un
réseau d'ossicules sur lesquels sont fixés les piquants;
la peau est nue dans les intervalles du réseau et présente
en ces points des pores tentaculaires isolés ou multiples.
Chaque plaque, dans le sillon ambulacraire, porte tou-
jours un petit piquant courbe, et, au bord du sillon, chaque
plaque porte un seul piquant. Les pédicellaires sont absents.
Types : E. sepositus, de la Méditerranée, E. crassus^
des mers de l'Inde, etc. R. Moniez.
ÉCHINE (Archit.). Partie du chapiteau dorique placée
au-dessous de l'abaque ou tailloir et consistant en un solide
engendré par la rotation, autour de l'axe du chapiteau,
d'un quart de rond ou d'une courbe analogue. Dans l'ordre
dorique grec (V. Architecture grecque, t. IIl, p. 699,
fig. 4, ordre dorique grec du Parthénon), l'échiné se rap-
proche davantage d'une ligne droite, et le chapiteau pré-
sente plus d'élégance et aussi plus de fermeté que dans
l'ordre dorique romain où cette moulure est plus arrondie
et moins gracieuse d'aspect. Charles Lucas.
ECHINEIBOTHRIUM (Echineibothrium Van Ben.)
(ZooL). Genre de Vers Cestodes, delà famille des Tétraphyl-
lides, sous-famille des Phyllobothrides, caractérisés par la
tête portant quatre ventouses longuement pédiculées, très
mobiles, dépourvues de crochets et de piquants ; le corps
n'est pas segmenté, car les anneaux ou proglottis, nette-
ment différenciés, se détachent et peuvent vivre isolément,
comme un véritable animal ; non seulement le proglottis
se contracte et se meut par reptation, mais il se nourrit et
augmente de volume. VE. minimum Van Ben. vit dans
le canal digestif du Trygon et du Raja ; il s'introduit par
l'intermédiaire des Gammarines. D^ L. Hn.
ÉCHINEUSE. Couperet à large lame et à manche de
métal, dont on se sert en Normandie pour dépecer la viande.
ECHINGHEM.Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. et
cant. (S.) de Boulogne-sur-Mer ; 202 hab.
ÉCHINIDES, ÉCHINIDÉES, ÉCHINOÏDES (V. Ecm-
NUS).
ECH INOBOTH RI U M. L Zoologie.— (£6'/im(9/;o^/irmm
Van Ben.). Genre de Vers Cestodes, constituant la famille
des Diphyllides et caractérisés par la tète munie de deux
ventouses et de deux trompes armées de crochets et par le
cou couvert de piquants. VE. typiis Van Ben. vit en pa-
rasite dans la jeune Raie aussi longtemps que celle-ci se
nourrit de Crustacés. D^ L. Hn.
IL Botanique. — Genre de Mucédinées à mycélium
filiforme simple ou ramifié, présentant çà et là des capitules
de spores. Celles-ci sont ovoïdes, lisses ou couvertes d'as-
pérités, d'une coloration allant du jaune brun au brunâtre.
(Juatre espèces décrites : E. atrum (parasite), E. parasi-
tans (Corda) vivant en parasite sur une autre Mucédinée
agrégée, le Stijsanus Capiit-Medusœ, sur le pied noir de
laquelle elle forme de petites saillies d'un jaune foncé.
E. Citri et E. Lene se développent sur les racines pour-
ries et les vieux troncs. H. F.
ECHINOBRISSUS (Paléont.) (V. Cassidulus).
ECHINOCACTUS.LBotanique.— (Edu^^ocflC^z/^Link).
Genre de Cactacées, dont les représentants, très répandus
au Mexique, sont voisins des Pilocereus (V. ce mot). Ils se
reconnaissent immédiatement à leur forme globuleuse ou
oblongue, parfois énorme. Ils sont munis de côtes nom-
breuses ou de mamelons distincts, disposés verticalement
ou en spirale, sur lesquels sont implantés des faisceaux
d'épines le plus souvent très acérées et très longues.
Plusieurs espèces, notamment les E. cornigcrus DC,
E. ornatus DC, E. spvralis Karn., E, hematacanthus
Weber, etc., sont cultivées dans nos serres à cause de la
beauté de leurs fleurs. Mais la plus intéressante est assu-
rément VE. ingens Link {E. visnaga Hook), désigné
communément, au Mexique, sous le nom de Visnaga et
qui peut atteindre plus de l^oO de hauteur et près de
1 m. de diamètre. Sa chair molle, pulpeuse, blanche, légè-
rement acide, est comestible. On la mange fraîche et crue,
ou bien on la fait confire. Pour cela, on la coupe en
tranches, que l'on plonge dans de l'eau bouillante addi-
tionnée de sucre de canne, puis on la fait sécher, et elle
peut ainsi se conserver très longtemps. Cette sorte de con-
fit se vend communément sur les marchés de Mexico sous
le nom de Dolce de visnaga. Elle fait l'objet d'une con-
sommation assez importante (V. P. Maury, dans le f^atu-
raliste, 1889, p. 230). Ed. Lef.
IL Horticulture. — Ces plantes demandent la serre
chaude ou la serre tempérée, selon leur provenance. Leur
culture est simple à condition de les bien éclairer et aérer.
On leur donne une terre substantielle, mélangée de terre
de bruyère, et on les place dans des pots bien drainés. Pen-
dant la période active de végétation, des arrosages fré-
quents, des bassinages légers, une atmosphère un peu
humide, une température tiède et soutenue sont les condi-
tions qui assurent le succès de cette culture. En hiver, il
faut laisser reposer les échinocactus en les tenant à sec à
une température de quelques degrés supérieure à zéro. On
les prépare à ce repos, à partir de septembre, par un abais-
sement graduel de la température, une aération large, et
en diminuant peu à peu les arrosages. Il est toujours utile
de porter les échinocactus en plein air pendant les beaux
jours de l'été et même de les sortir de leurs pots pour leur
faire prendre plus de vigueur. La multiplication par le bou-
turage et par la greffe est plus usitée que le semis. Les
graines sont semées sur de la terre de bruyère, dans une
terrine et légèrement recouvertes. On maintient la terre
fraîche par des bassinages et, lorsque le plant est assez
fort, on le repique en pots remplis de terre franche et de
terre de bruyère mélangées. La reprise des greffes et des
boutures est très facile. C'est la greffe en fente qu'on pra-
tique d'ordinaire. Pour le bouturage, il suffit de détacher et
de planter les œilletons qui naissent du collet des échino-
cactus. G. BOYER.
ECHINOCARDIUM (£c/imocarc^mm, Gray, 1825; im-
phidetus Agassiz, 1836) (ZooL). Genre d'Echinodermes, de
la famille des Spatangides : test cordiforme, mince et fra-
gile, plat, à pétales lancéolés, triangulaires; fasciole sub-
anale et fasciole interne, interrompant le pétale ; ambulacre
antérieur large, avec de petits pores situés dans une fos-
sette ; piquants extrêmement fins portés sur des tubercules
également fins. Espèces principales : E. cordatum Penn.,
des mers du Nord et Méditerranée, jusqu'au Brésil ; E. ova-
tum Leske (E. flavescens MiilL), de la mer du Nord ; E.
mediterraneum Gray, de la Méditerranée. D'' L. Hn.
ECHINOCERUS (ZooL). Genre de Crustacés Décapodes
Brachyures, de la famille des Lithodides, établi par White ;
ECHINOCERUS — FXHINODERME
— 310
il est très voisin du genre Lithodes (V. ce mot). Le même
nom cVEchinocerus a été donné plus tard, parMulsant, à
unColéoptère (1863). R. Mz.
ECHINOCIDARIS. Synonyme de Arbacia (V. ce mot).
ECHINOCOCCIFER (Zool.). En 4861, AVeinland a
donné ce nom à un genre de Cestodes de sa sous-famille des
Téniadés-Sclérolépidotes, qui n'est ^autre chose que le
Tœnia echinococcus von Sieb. (4853).
ECHINOCONUS (Paléont.). Genre d'Oursins fossiles du
groupe des Echinoïdes irréguliers devenu le type de la
famile des Echinoconidœ (d'Orbigny), qui comprend des
animaux à test rond, elliptique ou en pentagone arrondi,
à ambulacres simples, droits, s'étendant du sommet à la
bouche ; appareil masticateur bien développé avec auri-
cules. Les tubercules sont petits, perforés, plus dévelop-
pés à la face inférieure. Le péristome est central et l'anus
entre le sommet et la bouche. Les radioles sont générale-
ment sétiformes. Par leur forme presque régulière, les
Oursins de cette famille se rapprochent des Echinoïdes
réguliers plus que les autres Oursins exocycliques du
sous-ordre des Gnathostomes, auquel ils appartiennent. Le
genre Echinoconus (Breyn), à test généralement renflé,
conique, à zones porifères linéaires étroites, est du crétacé.
E. vulgaris est commun dans la craie blanche , et se
rencontre aussi, comme élément remanié, en moules sili-
ceux, dans le diluvium du nord de l'Allemagne. Discoïdea
(Klein) a un test presque hémisphérique présentant des
cloisons internes ; c'est également un type du crétacé.
Holectypus (Desor), dépourvu de cloisons, est dujurassique
et du crétacé inférieur. Pygaster (Agassiz), à test dépri-
mé, pentagonal arrondi, du jurassique et du crétacé, serait
' encore représenté à l'époque actuelle par une espèce, P.
relictus (Loven), qui vit dans la mer des Antilles. Les
genres Anorthopygiis (du crétacé) et Pileiis (du juras-
sique supérieur) se" rapprochent du précédent. E. Trt.
ÉCHINOCOQUE. L Zoologie (V. Ténia).
IL Pathologie (Y. Hydatide).
ECHINOCORYS (Paléont.) (V. Ananchytes, dont Echy-
nocorys est synonyme, et Holaster).
ECHINOCUCUMIS (Zool.). Ce petit genre d'Echino-
dermes Holothurides, famille des Dendrochirotes, a été éta-
bU par Sars en 4864 pour l'E. typica, des mers de Norvège,
et Semper en a décrit une seconde espèce des Philippines,
C. adversaria, en modifiant un peu les caractères du genre.
Les Echinocucumis sont de petits animaux caractérisés
par leurs ambulacres, disposés en cinq séries, leurs dix
tentacules, ramifiés et inégaux, leurs téguments pourvus
d'écaillés calcaires serrées, dont chacune porte un long
piquant. R. Moniez.
ECHINOCYAIVIUS (Paléont.) (V. Clypeaster).
ÉCHINOCYSTITE (Paléont.) (V. Cystocidaris).
ÉCHINODERME. L Zoologie. — Les Echinodermes ,
qui tous habitent la mer, où on les trouve par tout le globe,
aussi bien à la côte qu'au large et dans les plus grands fonds,
forment un vaste embranchement du règne animal, que l'on
peut caractériser sommairement comme il suit : animaux à
symétrie rayonnée, le plus souvent pentaradiée, à squelette
dermique calcifié, souvent muni de piquants, présentant
un appareil digestif et un appareil aquifère distincts. Il
existe un système nerveux bien développé. — Les Echino-
dermes constituent l'un des groupes les plus naturels, les
plus homogènes et, partant, les plus isolés du règne animal.
Pendant longtemps, les zoologistes, frappés surtout de
leur symétrie rayonnée, les réunirent dans un même
embranchement avec les Cnidaires , sous le nom de
Rayonnes, Leuckart montra que leur organisation interne,
très particulière, permettait d'en faire un groupe parfaite-
ment autonome, et cette manière de voir a été adoptée par
tous les naturalistes. Nous allons la justifier en passant en
revue les principaux traits de l'organisation de ces ani-
maux. — La symétrie pentaradiée des Echinodermes est
un caractère qui frappe immédiatement l'observateur ; c'est
elle qui détermine la forme de leur corps ; on la retrouve
Fin;. 1. — Etoile de mer (schéma;. —
G, oreanc génital, situé entre les
rayons ; Af, rangées d'ambulacres,
sur les rayons.
chez tous les types de l'embranchement : on l'observe
avec la plus grande netteté chez les Astéries ou Etoiles de
mer (fig. 4 et 7) dont le corps présente cinq rayons sem-
blables,' tous organisés exactement de la même façon et
disposés autour
d'un axe cen-
tral, perpen-
diculaire aux
rayons, et aux
extrémités du-
quel se trouvent
la bouche, si-
tuée inférieure-
ment, et l'anus
qui occupe la
partie dorsale :
c'est autour de
cet axe qu'est
placé le tube
digestif; c'est
autour de lui
que sont dispo-
sés les anneaux
nerveux et aqui-
fères qui, à l'instar du tube digestif, envoient une branche,
simple ou ramifiée, dans chacun des bras, et aussi l'appa-
reil génital, qui s'ouvre par cinq ouvertures distinctes,
chacune d'elles étant située dans le sinus qui sépare les
bras. Le Crinoïde (V. ce mot) a fondamentalement la
même structure et s'écarte même assez peu des Astéries
par ses caractères extérieurs, mais ses bras sont ramifiés
et sa partie dorsale donne naissance à une tige, organe de
fixation ; V Oursin, autre type de l'embranchement, se rat-
tache étroitement aussi à cette forme : il est globuleux,
mais son corps est formé de cinq bandes juxtaposées qui
correspondent toutes aux mêmes organes ; on comprend
que, si son corps s'aplatit et si les rayons ou bandes se déve-
loppent plus que les espaces qui les relient, il arrive à
reproduire exactement l'aspect de l'Astérie ; enfin \' holo-
thurie ne diffère de l'Oursin qu'en ce que son axe principal
s'allongeant beaucoup, l'animal perd sa forme globuleuse
et devient cylindrique, tout en gardant au fond la structure
même et la symétrie de l'Astérie (V. Oursln, Holothurie).
Ce sont là les quatre principaux types d'Echinodermes :
dans de nombreux cas, on peut observer des formes en
apparence différentes, mais il est toujours facile de les ra-
mener à ces quatre
groupes fondamen-
taux.
Le premier ca-
ractère des Echino-
dermes est l'incrus-
tation calcaire de
leurs téguments :
chez la plupart, les
formations cal-
caires sont fort
développées ; chez
d'autres, elles sont
réduites à des cor-
puscules de forme
définie (Holothu-
rides), isolés, très
variables suivant
les genres ou les
espèces, à tel point
qu'elles jouent un
rôle fort important
en taxonomie. Chez
les Astéries, il se forme dans les bras un squelette der-
mique mobile, composé de segments calcaires externes et
internes, réunis à la façon des vertèbres, tandis que la peau
présente des mamelons et des épines et même des lamelles
pig, 2. — Pôle apical du test d'un
Oursin.— a, aires ambulacraires ^
^, yjlaques génitales \ i, aires inter-
ambulacraires ; zgf, plaques inter-
génitales; m, plaque madrépo-
rique;x, ouverture anale.
Nota. Les tubérosités des plaques
n'ont été figurées que sur une aire
interambulacraire et sur une aire
ambulacraire ; sur celle-ci les pores
ont aussi été indiqués.
— 314
ECIilNODEKME
de même composition. Chez les Oursins (fig. 2), le sque-
lette dermique devient complètement immobile : il est formé
de vingt rangées de plaques disposées suivant les méri-
diens, "réunies par des sutures, et le test auxquelles elles
donnent ainsi naissance est interrompu seulement autour
des ouvertures anale et buccale. De ces plaques, les unes,
placées dans les zones radiaires, sont percées de trous
qui laissent passer les ambulacres (plaques ou aires
amhulacraires), les autres, également groupées par deux,
séparent les précédentes ou paires ambulacraires : elles
sont dépourvues de pores, et on les nomme plaqiies
ou aires interambulacraires. Autour de l'anus, cinq
plaques, qui correspondent aux zones ambulacraires, pré-
sentent des ocelles et sont appelées plaques ocellaires
{radioUa) ; cinq autres plaques, intermédiaires aux pré-
cédentes, correspondant, par conséquent, aux aires inter-
ambulacraires, sont percées de gros pores qui donnent
issue aux produits génitaux et sont appelées plaques géni-
tales ou apicales (basalia). L'une d'elles, plus grande
que les autres et d'aspect criblé, porte le nom particulier
de plaqiie madréporique ; nous en reparlerons plus loin.
Au pôle inférieur ou oral, les dix rangées de plaques s'ar-
rêtent à quelque distance du centre et circonscrivent un
espace pentagonal, fermé par une membrane au centre de
laquelle s'ouvre la bouche. Les deux dernières plaques de
chaque ravon portent sur leur bord libre un appendice cal-
caire, dressé à l'intérieur du test et qui, en s'unissant à son
congénère, constitue une sorte d'arc appelé auricule.
Les caractères de l'appareil squelettitpie chez les Cri-
noïdes ont été décrits à propos de ces animaux (V. Cri-
NoïDEs) ; nous n'y reviendrons pas.
Le test est recouvert, chez tous les Echinodermes, par le
périsome, revêtu lui-même d'une couche d'épilhélium
vibratile : cette couche se conti-
nue sur les appendices, parmi
lesquels nous citerons les piquants
ou radio les, organes mobiles,
extrêmement variables dans leurs
caractères, d'habitude peu déve-
loppés, mais qui atteignent parfois
des dimensions énormes : ils sont
presque toujours articulés sur un
mamelon. Les pédicellaires
(iig. 3), qui sont des radioles mo-
difiés, sont également articulés
sur un mamelon du test : ils se
terminent par une pince, ordinai-
rement à trois mors ; leur forme
est également variable et leur
rôle n'est pas nettement établi.
Les sphéridies, de nature pro-
bablement semblable à celle des
précédents, sont de petits corps
sphériques, transparents, ciliés,
mobiles, fixés par un court pédi-
cule sur un mamelon : on les considère comme des organes
des sens.
Une des particularités les plus caractéristi(jues des Echi-
nodermes consiste dans leur appareil aquifère (fig. 4).
Il est constitué par un vaisseau, disposé en anneau autour
de l'œsophage et en communication avec l'extérieur par le
canal du sable, ou canal pierreux, ou canal hydrophore,
ainsi nommé des dépôts calcaires de ses parois, ou de sa
fonction : ce canal s'ouvre sous h plaque madréporique,
dont nous avons parlé plus haut, et c'est à travers la plaque
madréporique que filtre l'eau de la mer qui se rend dans
l'appareil. La disposition est un peu différente chez les
Holothuries (V. ce mot). Du vaisseau annulaire périœso-
phagien se détachent cinq canaux radiaires, tapissés inté-
rieurement de cils vibratiles, qui se rendent dans les
bras chez les Astéries, ou dans les régions correspon-
dantes chez les autres Echinodermes. Sur les branches
latérales de ces troncs radiaux se trouvent les tubes
Fiiî. 3. — Pédicellaire.
Fip:. 4. — Appareil aquifère
d'une Etoile de mer (schéma).
— Rc, canal circulaire; Ap,
ampoules ou vésicules de
Poli; Sic, canal pierreux;
M, pla(j[ue madréporique; P,
pieds ambulacraires sur les
branches latérales des ca-
naux radiaires; Ap' , am-
poules des pieds ambula-
craires.
OU pieds ambulacraires, plus simplement dénommés
ambulacres. Ce sont de petites expansions érectiles,
munies d'ordinaire, à l'extrémité, d'une petite ventouse,
qui viennent faire sailhe
à la surface du corps de
l'Echinoderme, en tra-
versant les orifices ou
les pores des téguments
— nous avons parlé plus
haut des plaques ambu-
lacraires et de leurs
pores ; -— d'habitude on
voit de petites ampoules
contractiles à la base des
ambulacres : ces am-
poules, aidées par les vé-
sicules de Poli (fig. 4),
fonctionnent comme des
pompes, en se contrac-
tant, et déterminent l'é-
rection des ambulacres.
Ceux-ci se fixent au sol
à l'aide de leur ventouse,
et c'est grâce à eux ({ue
l'Echinoderme progresse.
Les ambulacres présen-
tent dans leurs caractères
une assez grande variété,
et nous indiquerons leurs
principales modifications
à propos des formes qui
les présentent.
Le système nerveux
des Echinodermes s'observe dans sa forme la plus simple
chez les Astéries : il est formé d'un anneau disposé autour
de la bouche et duquel se détachent cinq troncs principaux
ou davantage, suivant le nombre des rayons ; ces branches
s'étendent jusqu'à l'extrémité du bras (fig. o)._La disposi-
tion est la même chez les Ophiures, les Echinides et les
Holothuries, mais l'appareil est beaucoup plus compliqué
chez les Crinoïdes. L'appareil circulatoire des Echino-
dermes est également très caractéristique, mais il est fort
difficile à étudier, très compliqué dans sa disposition, et
nous renvoyons,
pour sa description, ^\\ ^.^.^j^-,,^ /
aux travaux de Per-
rier et de Kœhler.
La respiration s'ef-
fectue sans doute
par l'ensemble des
surfaces des appen-
dices externes et par
la surface des vis-
cères ; on considère
souvent, comme des
organes respira-
toires accessoires ,
les appareils appe-
lés, suivant les dif-
férents groupes,
branchies ambula-
craires, branchies
dermiques , pou-
mons, etc.
Un autre appareil particulièrement remarquable et qu'on
ne retrouve pas non plus ailleurs, est celui qui a reçu le
nom d'appareil plastidogène : il donne naissance aux élé--
ments figurés du hquide de la cavité générale, et c'est aussi
à ses dépens que se développent les organes génitaux. Il
comprend une glande centrale volumineuse, que l'on appe-
lait autrefois le cœur, située contre le canal du sable et
dont le prolongement vient former anneau autour de l'oeso-
phage : il se détache de cet anneau des branches qui se
_ . 5. — Anneau et troncs nerveux
d\m Oursin. — a, œsophage coupé
en travers ; 5, fond de la cavité
buccale; c, bandelettes qui relient
les extrémités des pyramides de
l'appareil masticateur; d, commis-
sures nerveuses formant autour
de l'œsophage un anneau penta-
gonal ; e, troncs nerveux.
ÉCHINODERME
312 —
rendent dans les rayons. Cet appareil se modifie suivant les
groupes et c'est chez les Astéries qu'il présente la plus
grande simplicité ; dans les autres classes d'Ecliinodermes,
il se met en relation avec un système de lacunes (système
absorbant) dont l'apparition modifie profondément les dis-
positions primitives.
Tous les appareils très différenciés que nous venons de
décrire appartiennent en propre aux Echinodermes et ne
se rencontrent pas dans les autres embranchements du
règne animal ; il nous reste quelques mots à dire sur l'ap-
pareil digestif, les glandes génitales et le mode de repro-
duction de ces animaux.
Tous les Echinodermes ont une bouche et un tube
digestif distinct de la cavité viscérale, formé de trois parties,
œsophage, estomac, rectum, variable dans ses caractères
suivant les types, suspendu par un mésentère et débouchant
Fig. 6. — Oursin ouvert suivant Téquateur pour montrer :
D^ tube digestif, fixé au test par des brides ; G, organes
génitaux ; J, plaques interradiales. e— _
au dehors par un anus (fig. 6); celui-ci est situé d'ordinaire
à l'opposé delà bouche, mais il peut descendre jusqu'à se trou-
vera la face ventrale ; l'intestin peut aussi se terminer en cul-
de-sac comme chez les Ophiurides, Euryales, etc. La bouche
peut être armée de pièces squelettiques diverses, qui arrivent
à constituer un appareil masticateur puissant : ce que l'on
a appelé lanterne cVAristote (V. ce mot) vient, chez cer-
tains types, ren-
forcer encore ces
pièces buccales .
Des organes gian-
dulaires divers
se surajoutent au
tube digestif
(fig. 7). La re-
production des
Echinodermes est
sexuelle, mais
certains types se
multiplient aussi
par scissiparité ,
ce qui est en rap-
port avec la fa-
culté que beau-
coup d'entre eux
possèdent, à un
haut degré, de re-
produire les par-
ties du corps
qu'ils ont per-
dues ; la sépara-
tion des sexes est
la règle, les mâles
et les femelles ne
Fii
^ - Appareil digestif d'une Asté-
rie pour montrer ses glandes annexes.
— a, estomac ; b, appendices cœcaux
situés à la face supérieure de l'esto-
mac (organes excréteurs); c, cœcums
rameux de l'estomac à l'état de dis-
tension -, (i, les mêmes dans leur état
normal, mais ouverts.
diffèrent point par leurs caractères extérieurs; quelques
espèces seulement sont vivipares. La structure des organes
sexuels est très semblable dans les deux sexes, et l'exa-
men des produits peut seul permettre de les distinguer ;
le plus souvent, toutefois, ils diffèrent entre eux par la
couleur. Les glandes génitales sont des organes en grappe,
dont le nombre et la position correspondent le plus sou-
vent à la symétrie rayonnée (fig. 8) : ils déversent leurs
Yig^ y. — Organes génitaux d'un Oursin.
— Ad^ poi-tion terminale de l'intestin.
G, glandes sexuelles reposant sur les
platjues interambulacraires.
produits dans un organe excréteur commun qui s'ouvre à
l'extérieur par le pore génital (V, aussi la fig. '2). La fécon-
dation est géné-
ralement exté-
rieure. Il est
rare que le dé-
veloppement
des Echino-
dermes soit: di-
rect ; en gé-
néral, ces ani-
maux présen-
tent des méta-
morphoses com-
pliquées et
passent par des
états larvaires
dont la symétrie
bilatérale est
caractéristique .
Chez tous, il y a
segmentation totale de l'œuf, qui aboutit à la formation
d'une gastrula par embolie, avec deux diverticules entéro-
cœliens, dont l'un formera la cavité générale, l'autre l'ap-
pareil aquifère. Quand
l'embryon a quitté la
membrane de l'œuf, il se
forme, en un point de sa
paroi , une dépression
qui, s'enfonçant de plus
en plus, forme la pre-
mière ébauche du tube
digestif, puis un des
côlés du corps s'aplatit
et se rapproche de l'ex-
trémité en cul-de-sac du
tube digestif qu'elle finit
par atteindre ; au point
de contact apparaît une
ouverture : cette dernière
constituera la bouche ;
l'ouverture primitive de-
vient l'anus. Pendant que le tube digestif se différencie,
les cils vibratiles commencent à se concentrer à la face
ventrale, qui se recourbe en forme de selle, et l'on voit
apparaître, en avant et; en arrière de l'ouverture buccale,
deux bandelettes arquées, couvertes de cils, qui se réunissent
par leurs extrémités latérales et forment la bandelette
ciUée caractéris-
tique des larves
d' Echinodermes.
Au fur et à me-
sure que l'évo-
lution marche ,
les larves, sem-
blables entre
elles au stade
gastrula, com-
mencent à se dif-
férencier, sui-
vant qu'elles
doivent donner
naissance à un
Oursin, une
Ophiure, une Astérie ou une Holothurie ; elles arrivent à
prendre des formes vraiment extraordinaires, qui ne rap-
pellent en rien celles de l'adulte et auxquelles on a donné
des noms différents. Ces diverses larves sont caractéristiques
des difiérents groupes d'Echinodermes : elles ne diffèrent,
au fond, les unes des autres, que par la disposition des
bandes ciliées et le développement de leurs appendices. Nous
les décrirons très sommairement.
Les Bipinnaria (fig. 9) et Brachiolaria (fig. 10) sont
G
Fig. 8 bis. — Portion irterra-
diale d'une Etoile de mer pour
montrer les glandes sexuelles
G et les plaques ciliées des
téguments dorsaux.
Fig. 9. — Larve d'Astérie, forme Bipin-
naria.— m, bouche; an, anus. — Les
lignes noires représentent les bandes
ciliées.
— 813 —
ÉCHINODERME
les larves des Astéries ; elles sont caractérisées parla pré-
sence d'appendices brachiaux et de deux bandes ciliées,
l'une en avant, l'autre en arrière de la bouche ; il n'est
pas rare, avant sa transformation en Astérie, de voir la
Bipinnaria se
transformer en
Brachiolaria ,
en acquérant
trois nouveaux
bras, sans rap-
ports avec les
bandes ciliées et
couvertes de
papilles. Les
Auricularia
Bra- (fig. 11), larves
^y7
Fig. _ 10. ■
Larve d'Astérie, forme
c/iio^a7ia. — an, anus;m, bouche. — Les j^ë <^vTipnfp<ï pf
lignes noires représentent les bandes ^cb o^^iidpica et
ciliées. des Holothuries,
sont des appen-
dices courts et mous, qui prennent la forme d'oreillettes,
situés sur les bords dorsaux latéraux. Cette larve, avant
de se transformer, peut passer à une sorte d'état de chrysa-
Ude, à l'intérieur de laquelle se développe la forme adulte.
Les Pluteus (fig.
12) sont les larves
des Oursins et des
Ophiures ; elles
sont surtout carac-
térisées par le dé-
veloppement con-
sidérable des ap-
pendices, toujours
accompagnés de
pièces calcaires;
certaines d'entre
elles présentent au
sommet une longue
tige calcaire;: ce
sont les larves des
Spatangues; d'au-
tres ont des épau-
lettes ciliées : elles
appartiennent aux
Echinus et aux
Echinocidaris. La
Fig. 11. — Larve des Synaptes et des
Holothuries, forme Auricularia.—
o, bouche ; a, anus ; p, sac péri-
tonéal; r, corpuscule calcaire.
larve des Crinoïdes, enfin, a une forme moins aberrante,
mais elle n'en présente pas moins des métamorphoses com-
pliquées; elle a déjà été décrite (V. Crinoïdes). Toutes ces
larves d'Echino-
dermes sont gélati-
neuses et transpa-
rentes ; leur trans-
formation n'a pas lieu
de la même manière :
en général, c'est aux
dépens d'une partie
seulement des'Jarves
que se formeM'être
définitif. Il ne peut
être dans notre pen-
sée de décrire ici les
phénomènes compli-
qués, à la suite des-
quels un Echino-
derme de forme par-
faite se détache de la
larve sur laquelle il
a pour ainsi dire
bourgeonné, et nous
devons renvoyer le lecteur aux nombreux travaux publiés
sur ce sujet.
La description rapide que nous venons de faire de l'em-
branchement des Echinodermes nous conduit à nous poser
Fig. 12 — Ldr\e d'Oursm, forme
Pluteub. — ve, epaulettes cilioes ;
0, bouche; a, anus.
deux questions : Quels sont les rapports de ces animaux
entre eux et quelle est l'origine du groupe ?
La lumière est loin d'être faite sur ces points, bien que
ces derniers temps aient apporté des faits intéressants qui
aideront sans doute à les résoudre. La paléontologie semble
avoir montré que les Cystidées, type fort ancien, disparu
à l'époque carbonifère et qui atteignit son maximum de déve-
loppement dans le silurien, ont été le point de départ des
autres groupes d'Echinodermes : de nombreuses formes de
passage, appartenant aux terrains les plus anciens, rattachent
en effet ces animaux disparus aux types qui ont persisté.
Les travaux remarquables de Semon ont conduit, en outre,
à une constatation importante, que l'on peut rattacher à ces
idées de Neumayr sur les rapports des différents groupes
d'Echinodermes entre eux : cet auteur a montré que toutes
les larves d'Echinodermes, avant d'acquérir leurs carac
tères différentiels, passaient toutes par un même stade,
auquel il a donné le nom de Pentactula (V. ce mot), d'où
la conclusion que tout l'embranchement a eu pour ancêtre
commun la même forme primitive, représentée au cours
de révolution de l'individu par cette forme Pentactula;
cet ancêtre commun a reçu le nom de Pentactœa. Si l'on
a toutefois une solution satisfaisante sur la question des
rapports des Echinodermes entre eux, il est beaucoup moins
aisé de dire quelle est l'origine du groupe, et la symétrie,
rayonnée, si caractéristique de ces animaux, est un fait qui
déroute les recherches à ce sujet : ils n'ont, en effet, aucun
rapport avec les Cnidaires, qui présentent la même symétrie,
et l'on ne peut chercher là leur point de départ. Nous ne
citerons qu'une des hypothèses faites à ce sujet, celle de
Semon, qui a le mérite, au moins, d'indiquer une voie de
recherches. Les Cystidées étaient fixées : cet auteur a cherché
à montrer que la fixation seule avait déterminé le change-
ment en symétrie radiaire de la symétrie bilatérale que
montrent encore les larves par un rappel ontogénique. La
démonstration paléontologique de ce fait manque encore,
mais l'idée est suggestive.
La classification des Echinodermes est admise comme
suit : 1^® classe : Crinoïdes, subdivisée en Cystidées, Blas-
toïdes, Crinoïdes ; 2® classe : Astéroïdes, subdivisée en Stel-
lérides, Ophiurides ; 3^ classe : Echinoïdes, subdivisée en
Réguliers, Clypéastroïdes, Spatangoïdes ; 4® classe : Holo-
thurides. R. Moniez.
IL Paléontologie. — Les Echinodermes font partie des
plus anciens organismes qui aient apparu à la surface du
globe. Les Cystidées (V. ce mot) sont déjà représentées
dans les couches cambriennes, et tous les autres groupes (à
l'exception des Holothuries dépourvues de squelette cal-
caire) ont des représentants dans le silurien. La distribu-
tion géologique des différentes classes est indiquée aux
mots : AsTÉRiDÉES, Blastoïdes, Crinoïdes, Cystidées,
Oursins, etc. Les Blastoïdes et les Cystidées, formes les
plus anciennes des Crinoïdes, sont éteintes. Les Asté ridées
et les Echinidées paraissent avoir eu leur plus grand déve-
loppement à l'époque secondaire, notamment dans les mers
profondes de la période crétacée. Les Crinoïdes, plus an-
ciens encore, prédominent dans les couches paléozoïques et
n'ont plus, à l'époque actuelle, que de rares représentants
dans les mers profondes. La phylogénie des Echinodermes
est assez obscure, bien que l'on soit d'accord pour admettre
que les quatre classes des Crinoïdes, des Astéridées, des
Echinidées et des Holothuries dérivent d'un tronc commun,
comme l'indique la forme de leurs larves qui, dans leur
premier stade, peuvent toutes être rapportées au type Plu-
teus. Cette larve elle-même ne ressemble qu'à celle du
Balanoglossus^ désignée sous le nom de Tornaria, et
celle-ci relie le type Pluteus au type trochosphère com-
mun aux Vers Chétopodes et aux Mollusques (Balfour).
Dans tous les cas, la séparation des quatre classes a dû
s'opérer dès l'époque primordiale et les formes primitives
qui les ont précédées sont inconnues. E. Trouessart.
BiBL. : Zoologie. — La bibliographie des Echinodermes
est extrêmement étendue : beaucoup de savants français,
ÉCHINODERME — ÉCHINORHYNQUE — 314 -
en particulier, ont publié sur ces animaux les plus impor-
tants mémoires (Kœhler, Perrier, Poirier, etc.), mais nous
ne pouvons, à ce sujet, que renvoyer le lecteur aux recueils
spéciaux ou aux articles particuliers de la Grande Ency-
clopédie sur les principaux groupes. Kœhler a récemment
publié un fort intéressant article dont nous recommandons
la lecture : les Idées nouvelles sur les Echinodermes,
dans Revue générale des Sciences, févr. 1891.
ECHINODISCUS (Zool . ) . Echinodermes actuels de l'ordre
des Clypéastroïdes, famille des Scutellides. Ce genre a été
établi par Breynius (1732) pour YE, Rumphii qui appar-
tenait à l'ancien genre Sciitella. Les Echinodisciis ont le
test aplati, circulaire, à bords postérieurs profondément
entaillés, le bord antérieur étant simplement ondulé. Les
pétales sont lancéolés, ouverts à leur extrémité, formés
de zones étroites ; la bouche est centrale ; l'anus est situé
à mi-distance du bord ; il n'existe pas de cloisons à l'inté-
rieur. E. lœvis, Nouvelle-Calédonie. R. Moniez.
ECHINODUS (Paléont.). Davis a décrit sous le nom de
E, paradoxus une plaque de poisson trouvée dans le ter-
rain carbonifère du Yorksliire qui, d'après Woodward, se
rapporte, sans doute, aux Tristychius, genre de Squale
faisant partie de la famille des Cestraciontidées.
BiBL. : Quart. Journ. Geol. Soc. 1884, p. 631.
ECHINOENCRINUS (Paléont.). Genre de ùjstidées
(V. ce mot), caractérisé par un calice irrégulièrement ovoïde
à tige courte, formé de quatre zones successives de plaques
polygonales ornées de côtes qui figurent des triangles en
relief cachant les sutures. La tige est amincie vers le bas,
à articles em boitants. Le type (E. angulosus) est du si-
lurien inférieur de Russie (Pulkova).
ÉCHINOÏDES (V. Oursin).
ECHINOLANIPAS (Paléont.) (V. Cassidulus).
ECHINOMETRA (Paléont.) (V. EcmNUs).
ÉCHINONIYIE (Ecliinomyia Dumér.) (Entom.). Genre
de Diptères, de la famille des Muscides et du groupe des
Tachinides. Ce sont
des mouches remar-
quables par la gran-
deur et l'épaisseur du
corps et caractérisées
surtout par les an-
tennes inclinées , à
deuxième article plus
long que le troisième ;
le style est multi-
articulé , avec son
deuxième article al-
longé. UE. fera L.
et VE. grossa L. se rencontrent aux environs de Paris
sur les fleurs des grandes OmbeUifères. Leurs larves vivent
dans le corps de différentes chenilles, qu'elles abandonnent
ensuite pour se transformer en pupes. Ed. Lef.
ECHINONEUS (Paléont.). Genre d'Oursins de la famille
des Cassidulidce (V. Cassidulus), devenu le type d'une
sous-famille qui présente les caractères suivants : ambu-
lacres simplement rubanés, tous égaux; bouche centrale
sans floscelle ; sommet portant quatre pores génitaux. Les
ambulacres se composent de plaques et de demi-plaques
intercalées, toutes à doubles pores. Le genre Echineneus
(Van Phels.), qui vit encore dans la mer des Antilles, date
du miocène. Ces Oursins sont petits, de forme ovale, bom-
bés, à radioles très courtes, acuminées. On place dans la
même sous-famille les genres suivants : Hybocyclus du
jurassique moyen; Galeropygus^ du lias et du jurassique;
Galeroclypeiis, du bathonien ; Pachyclypus, du juras-
sique supérieur ; Infraclypeus^ du tithonique d'Algérie,
et Pyrina, du jurassique, plus commun dans le crétacé et
rare dans l'éocène. E. Trt.
ECHINOPS {Echinops L.) (Bot.). Genre de Composées,
du groupe des Cynaroïdées, caractérisé surtout par les
fleurs, qui sont accompagnées chacune d'un involucelle
propre et formant ainsi un capitule particulier dans le
capitule général. Ce sont des herbes vivaces, ayant le port
des Chardons. Leurs feuilles alternes sont plus ou moins
Echinomyia grossa L.
pubescentes ou tomenteuses et une, deux ou trois fois pin-
natiséquées avec les divisions spinescentes. Les fleurs, de
couleur bleue ou blanche, sont réunies en capitules globuleux
terminaux, solitaires ou réunis en cymes. VE. Ritro L.,
espèce des lieux arides de la France et de l'Europe méri-
dionale, est fréquemment cultivé dans les jardins comme
ornemental. 11 en est de même deVE. sphœrocephalush.,
qui croit dans les lieux incultes du Dauphiné, du Poitou,
de l'Anjou et de l'Orléanais. VE. Ritro est désigné par
les jardiniers sous le nom de Roulette azurée. Ed. Lef.
ï.^\\\\{Q?'i\\% [Eôhinopyxis Claparède et Lachmann
4859) (Zool.). Synonyme de Difflugia (V. ce mot).
ÉCHINORHINUS (Paléont.). De Blainville a décrit, en
1828, sous le nom d'Echinorhinus spmosus, un S([uale
de la Méditerranée dont la peau est hérissée de boucles à
base large, à pointe en crochet ; la tête est aplatie ; les
dents, qui sont semblables aux deux mâchoires, ont le bord
libre oblique, tranchant, les bords latéraux étant munis de
une ou deux dentelures obHques ou transversales ; les
nageoires dorsales sont très petites, dépourvues d'aiguillon.
Ce Squale, connu sous le nom de Bouclé, se trouve dans
la Méditerranée et dans certaines parties de l'Atlantique.
Lawley a décrit sous le nom d'E. Pdchiardii une espèce
du terrain pliocène de Toscane. E. Sauvage.
BiBL. : De Blainville, Faune française. Poissons ,
1828. —Lawley, Nuovi Slud. sopra ai pesci délie colline
Toscane; Firenze, 1876.
ÉCHINORHYNQUE (Zool.). Les Echinorhynques (£c/iz-
norhynchus O.-F. Mûller) forment un ordre distinct de
la classe des Némathelminthes. Ils se reconnaissent à leur
corps arrondi, souvent annelé, mais toujours dépourvu de
soies et de parapodes,qui se termine en avant par un rostre
armé de crochets. Ils sont parasites et accomplissent des
migrations entre deux hôtes distincts, pour passer de l'état
larvaire à l'état adulte ; c'est seulement à l'état d'embryon
qu'ils se trouvent répandus librement dans la nature.
Les plus grandes espèces présentent une vraie annula-
tion, qui ne porte pas seulement sur la cuticule, mais se
montre toujours aux mêmes
endroits et divise en segments
le système lacunaire de la
peau. En avant, le corps
s'effile en un cou qui porte
le rostre ; le cou manque
souvent, mais le rostre ne
fait jamais défaut (fig. 1, ?^).
11 porte des crochets ordinai-
rement de deux sortes, par-
fois même de trois sortes,
disposés par séries ayant
chacune, pour une même es-
pèce, le même nombre de
crochets : au point de vue de
la distinction des espèces,
l'étude du rostre présente donc
le plus grand intérêt. Le
rostre peut être rétracté dans
l'intérieur d'un sac muscu-
leux, situé à sa base. Cette
gaine rs renferme dans son
épaisseur des fibres muscu-
laires qui vont s'attacher à
l'extrémité du rostre. Elle
peut elle-même être tirée en
arrière par deux muscles
rétracteurs, qui s'insèrent
sur la paroi du corps. Sur les côtés du rostre se voient
les deux lemnisques, le, organes creusés de lacunes, qui
sont des prolongements de la paroi du corps ; leurs lacunes
sont unies entre elles par une lacune circulaire, creusée
dans la peau à la base du cou et grâce à laquelle elles
communiquent avec le système lacunaire du rostre et du
cou. Le tégument du reste du corps est également creusé
1. — Echinorhynchus
angustatus (mâle).
315
de lacunes, mais celles-ci ne communiquent pas avec le
système précédent : on distingue deux grandes lacunes
longitudinales et latérales, réunies entre elles par d'autres
lacunes plus petites. Le système nerveux est représenté
par un ganglion g, enfoui dans l'épaisseur de la gaine du
rostre; chez le mâle (Ech. nodulosus), on voit encore
un paire de ganglions à l'extrémité postérieure. On ne con-
naît pas d'organes sensoriels, à moins que les papilles
qui se trouvent dans la bourse du mâle ne doivent être
considérées comme telles. — La paroi du corps est formée
de la peau, d'une couche musculaire externe ou annulaire
et d'une couche musculaire longitudinale. — Les organes
sexuels sont situés dans la cavité générale, ainsi que leurs
canaux excréteurs ; un ligament suspenseur li, qui naît de
l'extrémité postérieure de la gaine du rostre, les maintient
en place. On distingue chez le mâle deux testicules t, six
glandes du cément ou prostate pr, un pénis p, et une
bourse protractile b à l'extrémité postérieure du corps.
Chez la femelle, l'ovaire n'est pair que pendant le jeune
âge ; il se fragmente bientôt en masses ovulaires qui flottent
à l'intérieur du ligament et de
la cavité générale. Les œufs
mûrs sont saisis par un appa-
reil musculaire en forme de
cloche ; ils traversent ensuite
l'un ou l'autre de» deux ovi-
ductes, l'utérus (fig. 2, ii),
le vagin v, et sont pondus
par la vulve, qui s'ouvre à
l'extrémité postérieure du
corps. L'embryon est déjà tout
formé avant la'^ponte de l'œuf;
comme l'Echinorhynque adulte
Fig. 2. — Echinorhynchus
gigas (appareil génital
femelle).
est parasite du tube digestif,
les œufs sont donc entraînés
au dehors avec les excréments
de son hôte ; ils arrivent dans
l'eau et sont avalés par quelque
animal. Celui-ci est-il un Crus-
tacé, ils éclosent et livrent
passage à un embryon qui, à
l'aide des spicules qui couvrent
son extrémité antérieure , tra-
verse la paroi intestinale et
tombe dans la cavité géné-
rale, où il poursuit son évo-
lution et passe à l'état larvaire.
Que le Crustacé devienne main-
tenant la proie d'un Poisson
ou d'un Oiseau, la larve est mise en liberté dans l'intestin
de celui-ci : elle s'y fixe et y passe rapidement à l'état
adulte. Les sexes sont toujours séparés.
A l'état jeune, les Echinorhynques gisent librement dans
l'intesiin, sans se fixer à la muqueuse. Par la suite de son
développement, la taille du Ver se proportionne à celle de
son hôte : c'est ainsi, par exemple, que V Echinorhynchus
proteus est rarement long de plus d'un centim. chez les
petits Poissons (Gobio vulgaris, Lota commiinis) ou
chez de jeunes individus appartenant à des espèces de plus
grande taille ; au contraire, ses dimensions deviennent au
moins deux fois plus grandes chez des Poissons de grande
taille (Acerina cernua, Esox lucius, 7 rw^to/ario). Quand
le Ver a acquis une certaine longueur, il se fixe alors à la
paroi intestinale et enfonce dans la muqueuse son rostre
et même son cou tout entier ; la couche musculeuse peut
elle-même être traversée. Les tissus attaqués de la sorte
s'enflamment autour du rostre et du cou et il en résulte
la production d'un kyste conjonctif qui finit même par se
calcifier dans certains cas (Ech. proteus).
Les Echinorhynques n'ont pas de tube digestif. En rai-
son de leur mode particulier de fixation, le corps seul
plonge librement dans l'intestin et se trouve en contact
avec les substances digérées par leur hôte. L'absorption
ÉCHÎNOKHYNQUE
des aliments se fait donc par le système lacunaire de la
paroi du corps. Ce système, comme on sait, ne commu-
nique pas avec celui du rostre, du cou et des lemnisques :
ce second appareil est rempli d'un liquide très différent,
qui constitue sans doute le liquide nourricier, absorbé par
voie d'osmose après avoir été élaboré dans le système lacu-
naire du corps; finalement, le liquide nourricier transsu-
derait à travers les lemnisques pour tomber dans la cavité
générale, où il viendrait imprégner les organes génitaux,
la gaine du rostre et les muscles. La graisse s'accumule
dans les muscles, pour être utilisée au moment de la matu-
rité des produits sexuels. Quant au rejet des substances
excrémentitielles, il peut se faire par la cloche et l'utérus,
au moins chez la femelle. Pour le mâle, on peut admettre
que l'excrétion se fait au moyen des deux canaux longitu-
dinaux et de leurs ramifications : de même qu'ils absorbent
la nourriture, ces canaux seraient donc capables d'éliminer
les excrétions par voie d'osmose. Dans ce cas, ces canaux
seraient donc des formations analogues aux vaisseaux aqui-
fêres des Cestodes.
On connaît environ 165 espèces d'Echinorhynques qui
sont toutes, sous leur forme adulte, parasites des Verté-
brés : 29 chez les Mammifères, 66 chez les Oiseaux, 18
chez les Reptiles et 52 chez les Poissons. Une seule
espèce (Ech. todari Délie Chiaje) a été signalée chez un
Céphalopode (Ommastrephes todarus), qui peut-être ne
l'héberge qu'à l'état larvaire. On connaît en outre, chez
les Invertébrés, plusieurs larves dont la forme adulte est
encore ignorée (Ech. corrugatus Sars, chez un Schizopode,
Eiiphausia pellucida). — L'espèce la plus intéressante
à connaître est VEch. gigas
Gôze, qui vit dans l'intestin
grêle du Porc et du Sanglier.
Le mâle (fig. 3 et 4) mesure
de 6 à 40 centim. de longueur,
la femelle 20 à 30 et même
40 centim. Ant. Schneider est
d'avis que les œufs évacués
avec les excréments du Porc
sont avalés par la larve du
Hanneton. Le Porc s'infesterait
donc en fouillant le sol et en
se repaissant de larves de Han-
neton mises à découvert ; l'in-
festation pourrait résulter aussi
de l'ingestion de Hannetons
parfaits, puisque la larve du
parasite est capable de tra-
verser sans mourir la phase
de nymphose de son hôte. D'après Kaiser, la larve de la
Cétoine dorée (Cetonia aurata) pourrait aussi servir au pa-
rasite d'hôte in-
termédiaire.
Pour l'Amé-
rique du Nord,
où l'Echino-
rhynque géant
est très com-
mun chez le
Porc et où d'ail-
leurs il n'existe
ni Hannetons ni
Cétoines , des
expériences ré-
centes de C.-W.
S t il es tendent
à prouver que la
larve des Lach-
nosterna (L,
arcuata^L.du-
bia, L. hirti- '
cula) est l'hôte intermédiaire normal : l'infestation du Porc
se fait de la façon la plus simple, puisque les fermiers
Fig, 3, _ Echinorhynchus
gigas (extrémité cépha-
lique grossie dix fois).
Fig. 4. — Echinorhynchus gigas (mâle)
fixé à l'intestin du Porc.
ECHINORHYNQUE - ECHINUS
— 316
des Etats-Unis ont précisément l'habitude de faire fouiller
leurs champs par le Porc pour les débarrasser des larves
de l'Insecte en question, larves qui ont le même genre de
vie que chez nous celles du Hanneton.
Les Echinorhynques peuvent également se rencontrer
dans l'intestin de l'Homme. Le seul cas authentique a été
publié par Lambl, de Prague, en 1857 : une femelle indé-
terminée a été trouvée chez un jeune garçon de neuf ans ;
il ne s'agissait pas du moins de YEch. gigas. Lindemann
assure que, sur les rives de la Volga, l'Homme prend le pa-
rasite en mangeant du Poisson, mais il ne cite aucune
observation positive à l'appui de cette opinion. A Catane,
Grassi et Calandruccio ont reconnu que VEch, monili-
f or mis Bremser est assez commun dans l'intestin du
Surmulot et que la larve vit chez un Coléoptère {Blaps
mucronata Latreille). Si Ton ingère cet Insecte, les larves
arrivent à l'état adulte dans l'intestin de l'Homme, pondent
des œufs au bout de trente-cinq jours et occasionnent de
violentes douleurs abdominales, accompagnées de diarrhée,
de fatigue, de somnolence, de bourdonnements d'oreille,
ainsi que Calandruccio l'a expérimenté sur lui-même. Ces
parasites sont expulsés par l'extrait éthéré de Fougère mâle.
Raphaël Blanchard.
BiBL. : R. Blanchard, Traité de zoologie médicale^
1890, t. II, p. 91. — Grassi et Calandruccio', Ueher einen
Echinorhynchus, welcher auch im Menschen parasitirt
und dessert Zwtschenwirth ein Blaps ist^ dans Centralblatt
fur Bakteriol. und Parasitenkunde, 1888, t. III, p. 521. —
O. Hamann, Monographie der Acanthocephalen {Echi-
norhynchen)^ dans' lenaische Zeitschrift fur Natur\mss^
1890, t. XXV, p. 113. - C.-W. Stiles, Sur l'Hôte intermé-
diaire de l'Echinorhynchus gigas en Amérique, dans Bull,
de la Soc. zool. de France, 1891, t. XVI, p. 240.
ECHINOSOMA (Zool.). Genre d'Holothurides étabh par
f Semper pour VEupyrgus hispidus Barrett qui appartient
aux Echinocucumis (V. Eupyrgus).
ECHINOSPERMUM (Echinospermiim Sw.) (Bot.).
Genre de plantes de la famille des Borraginacées et du
groupe des Cynoglossées. L'espèce type, E, Lappula
Lehm. (Myosotis Lappula L.), est une herbe annuelle,
commune dans les lieux arides de presque toute la France.
On l'appelle vulgairement Bardanette. Ses feuilles, pu-
bescentes-velues, sont lancéolées ou linéaires. Ses fleurs
sont bleues ou blanches et très analogues à celles des Myo-
sotis. Ses fruits brunâtres ont leur face dorsale granuleuse
et entourée d'une aile blanchâtre qui est découpée en longues
épines terminées par deux ou quatre crochets. Ed. Lef.
ECHINOSPH^RITES (Paléont.). Genre de Crinoïdes
de l'ordre des Cystidées (Y. ce mot), caractérisé par un
corps sphérique, sans tige,
fixé par une base courte et
formé de plaquettes nom-
breuses disposées sans
ordre, lisses, minces, ordi-
nairement hexagonales. La
bouche est au sommet, au
milieu d'une fente ambula-
craire courte, aux extré-
mités de laquelle sont les
bras courts et minces. Près
de la bouche est une petite
ouverture (anale ou géni-
tale), découverte, et plus
loin une autre ouverture,
recouverte de cinq plaques
triangulaires soudées en
forme de pyramide (ouver-
ture ovarienne ?). Les pla-
quettes présentent des hydrospires rhombiques que nous
avons décrits et figurés au mot Cystidées, et qui ne se
voient bien que sur les exemplaires usés par le frottement,
polis ou mouillés. VEchinosphœrites aurantium est
commun dans le calcaire du silurien inférieur de Russie et
de Scandinavie. Près de ce genre viennent se placer les
genres Caryocystites., Palœocystites, Achradocystites et
Echinosphœrites aurantium,
vu de profil , montrant la
bouche a au sommet, la pe-
tite ouverture anale b et la
pyramide c qui recouvre
l'ouverture ovarienne.
Comarocystites, tous du silurien inférieur d'Europe et du
Canada. E. Trouessart.
ECHINOSTREPHUS (Zool.). Genre d'Echinodermes de
la famille des Echinides, établi par A. Agassiz en 4864
pour des Oursins de petite taille, dont les tubercules res-
semblent à ceux des Holopneustes par leur disposition et
dont les zones ambulacraires sont étroites, avec les pores
disposés en arc ; leurs épines sont plus longues que le dia-
mètre du test, grêles, striées longitudinalement ; le test est
convexe en dessous, aplati en dessus ; les dents portent un
arc transverse. Type : E. molare de Zanzibar. R. Mz.
ECHINOSTRObuS (Echinostrobus Schimp., Arthro-
taxites Ung.) (Paléont.). Genre de Conifères Taxodinées
fossiles fondé par Schimper (Jraité de paléontol. végé-
tale^ II, 330) sur un échantillon du calcaire lithogra-
phique de Solenhofen. Type : E, Sternbergii Schimp.
(Arthrotaxites princeps Ung.) ; les E, robustus Schimp.
et E. expansus Schimp. doivent être séparés des vrais
Echinostrobus; ce sont des Cupressinées de la grande oolithe.
Le kimméridien inférieur de Creys (Isère) renferme VEclii-
nostrobusyvsii. Les rameaux, cyhndriques, sont couverts de
feuilles spiralées, disposées en écailles imbriquées, légè-
rement convexes sur la face dorsale, apprimées et pointues;
les feuilles rappellent celles des Brachyphyllum., le strobile
celui des Arthrotaxis d'Australie, qui restent ses plus
proches voisins de la nature actuelle. D^ L. Hn.
BiBL. : De Saporta, Paléontologie française.
ECHINOTHRIX (Zool.). Echinodermes de la famille des
Diadématides. Ce genre a été fondé par Peters en 1853
pour deux espèces rangées auparavant dans le genre Dia-
dema (D. calamaris et turcarum) et qui proviennent
des îles Tahiti et de la mer des Indes (V. Diadema). R. Mz.
ECHINOTHURIA (Paléont.). Genre d'Oursins fossiles
devenu le type de la famille des Eckinothuridœ qui
comprend les genres encore vivants : Calveria et Phormo-
soma^ propres aux grandes profondeurs. Chez ces Echino-
dermes, qui appartiennent au groupe des Oursins réguliers,
le squelette externe est formé de plaques en forme d'écaillés,
imbriquées, et par suite mobiles les unes sur les autres, et
non articulées ou soudées comme chez les autres animaux
de cette classe. Les aires ambulacraires et interambula-
craires ont leurs plaques imbriquées en sens contraire et
sont munies de nombreux tubercules perforés. Le péris-
tome est recouvert de plaquettes calcaires en partie po-
reuses. Ce type se rapproche surtout des Diadématidées
(V. Diadema) par la structure des aires. Echinothuria
(Woodward) avait les aires interambulacraires également
développées, à plaques larges, faiblement imbriquées. L'ap-
pareil masticateur était bien développé. VE. floris est de
la craie blanche d'Europe. E. Trouessart.
ECHINUS. L Zoologie (V. Oursin).
II. Paléontologie. — Les Oursins delà famille ou sous-
famille des Echinidœ, ou Oursins proprement dits, se
montrent pour la première fois dans le jurassique moyen
Si\ecPedina, Echinodiadema, Stomecliinus , Polycyphus
du groupe des Oligopori. Echinus apparaît seulement
dans llèocène. D'une façon générale, on peut dire que les
Oligopori précèdent les Polypori. Les premiers, avec les
genres Salmacis, Micropedina^ Echinus , Codechi-
nus, etc., s'étendent du jurassique à l'époque actuelle.
Les Polypori, qui datent seulement du néocomien et du
crétacé supérieur avec Pedinopsis, sont surtout tertiaires
et actuels avec Diplotagma, Sphœr echinus., Echinome-
tra, etc. (V. Oursin [Paléont.]). E. Trt.
III. Botanique (Echinus Lour.). Genre de plantes de
la famille des Euphorbiacées et du groupe des Jatrophées.
Ce sont des arbres ou des arbustes, à feuilles alternes ou
plus rarement opposées et munies de deux stipules. Les
fleurs sont monoïques ou plus rarement dioïques, avec un
périanthe simple à 2-5 divisions valvaires et un nombre
indéfini d'étamines à anthères biloculaires, introrses ou
extrorses. — On connaît environ soixante-quinze espèces
d' Echinus, toutes originaires des régions tropicales de
l'Ancien Monde. La plus importante estl'E. philippinensis
H. Bn. (Croton philippinense Lamk., Rottleria tindoria
Roxb.), arbre de 3 à 10 m. de hauteur, qui croît dans
l'Asie tropicale, dans toute la Malaisie, l'archipel Indien et
jusqu'en Austrahe. Ses fruits, globuleux et trigones, longs
de 5 à 6 millim., sur 8 à 10 millim. de large, sont cou-
verts d'une poudre granuleuse d'un rouge vif, que l'on
emploie en médecine et dans l'industrie sous le nom de
Kamala (V. ce mot). Ed. Lef.
ÉCHION. Nom par lequel on désigne quelquefois à tort
un artiste grec qui, en réahté, s'appelait Aétion (V. ce
nom). Echion provient d'une faute de texte dans un passage
de Cicéron (Paradoxa, V, 2, 37).
ÉCHIQUET (Techn.). On appelle pose ou échiquetd'un
parquet la pose des feuilles diagonalement par rapport aux
murs (V. Parquet).
ÉCHlQUETÉ(Blas.). Attribut d'un écu ou de pièces cou-
vertes de carrés d'échiquier. Les animaux, chevaux, lions,
bœufs, peuvent aussi être échiquetés, mais c'est rare sur
les blasons français. L'écu échiqueté est ordinairement
composé de vingt à vingt-quatre carrés.
ÉCHIQUIER. L Mathématiques. — On donne le nom
d'échiquiers arithmétiques à des tableaux numériques, habi-
tuellement de forme carrée ou rectangulaire, présentant
des cases analogues à celles d'un papier quadrillé. Dans
chacune de ces cases est inscrit un nombre qui se forme
d'après une loi déterminée. M. Ed. Lucas a montré le pre-
mier toute l'utilité de l'échiquier dans un grand nombre de
recherches arithmétiques, soit pour simplifier des démons-
trations de théorèmes connus, soit pour en découvrir de
nouveaux, soit pour résoudre certains problèmes ; il y a
lieu surtout de citer sa théorie des permutations figurées.
Plus tard, M. Delannoy imagina de faire varier la forme de
l'échiquier ; par la considération d'échiquiers triangulaires,
pentagonaux, hexagonaux, il parvint à résoudre simplement
des problèmes difficiles, et notamment des questions de pro-
babilités. Citons seulement ici quelques exemples : 1° sur
un damier dont la largeur présente un nombre donné de
cases et dont la longueur est indéfinie, par combien de
chemins différents un pion qui ne recule jamais peut-il se
rendre d'une case donnée aune autre ? 2° problème sur la
durée du jeu : Pierre et Paul jouent l'un contre l'autre à
chances égales ; en entrant au jeu, chacun d'eux possède
n fr., et, à chaque partie, le perdant donne 1 fr. au ga-
gnant. Le jeu se termine dès que l'un des joueurs est
ruiné. Quelle est la probabilité que le jeu se terminera après
la (JL^ partie ? 3« A et B jouent l'un contre l'autre, avec les
probabilités respectives ;? et ^, de sorte quep-{-^ = l;
A possi de a fr. et B possède b fr. en entrant au jeu ; à
chaque partie le perdant donne 1 fr. au gagnant. Quelle
est la probabilité que A ruinera B avant la [i^ partie ? Ces
questions ont été étudiées par des géomètres de grande
Echiquiers anallagmatiques.
valeur, parmi lesquels nous pouvons citer Huyghens,
Moivre, Laplace, Lagrange, Ampère, MM. Bertrand,' Bou-
ché, Hermann Laurent, et conduisent, par les méthodes
ordinaires, à des formules extrêmement compliquées, par-
fois illusoires. L'échiquier, au contraire, donne des solutions
presque immédiates et relativement simples.
L'un des exemples les plus simples d'échiquiers arith-
métiques est fourni par la table de Pythagore ; le triangle
— 317 — ECHINUS — ÉCHIQUIER
arithmétique de Pascal, le carré arithmétique de Fermât
sont aussi des échiquiers arithmétiques. Les questions de
cette nature tiennent de près à la géométrie des quinconces
ou des tissus. Il y a lieu de mentionner aussi l'échiquier
anallagmatique de M. Sylvester; c'est un carré formé de
cases noires et blanches, de telle sorte que, pour deux hgnes
ou deux colonnes quelconques, le nombre total des varia-
tions de couleur soit toujours égal au nombre des perma-
nences. M. Ed. Lucas a fait remarquer l'analogie qui
existe entre l'échiquier anallagmatique et les formules qui
donnent la décomposition du produit de sommes de ^** carrés.
D'un échiquier anallagmatique on peut déduire un grand
nombre d'autres: 1° par la permutation des colonnes et des
lignes; 2^ par le changement des couleurs des cases d'une
ligne ou d'une colonne quelconque. Nous donnons ci-dessus
deux exemples d'échiquier anallagmatique. A. Laisant.
IL Jeu (V. Echecs).
III. Stratégie. — On appelle échiquier stratégique
l'ensemble du terrain considéré au point de vue des
mouvements des armées pendant une guerre. Dans le do-
maine tactique, on formait autrefois, chez nous, des carrés
en échiquier. La moitié des bataillons en ligne, soit les
numéros pairs, soit les numéros impairs, se portaient à une
certaine distance en avant et l'on obtenait ainsi deux lignes
de carrés qui se flanquaient mutuellement et pouvaient faire
feu sans s'atteindre. Le principe des formations en échiquier
datait des guerres de l'antiquité. La tactique linéaire du grand
Frédéric en avait largement fait usage, et Bonaparte en
faisait cas. Il a disparu de nos méthodes actuelles de combat.
IV. Pêche. — Dans certaines parties de la France, on
donne ce nom au carrelet, nappe carrée, tenue à bras; sur
les côtes de la Méditerranée, le grand carrelet de 3'»50,
avec lequel on pêche en bateau, porte le nom de calen ou
venturon ; dans les eaux profondes on se sert d'une va-
riété d'échiquier à laquelle on donne le nom de hunier.
BiBL. : Mathématiques. — Ed. Lucas, Sur VEchiquier
anallagmatique de M. Sylvester^ dans Assoc. française
pour l'avancement des sciences ; Le Havre, 1877. — Sur le
Problème des huit reines^ id.; Montpellier, 1879. — Su?' les
Echiquiers anallagmatiques et les produits de sommes de
carrés, id.; Reims, IS80. — Sur V Arithmétique figurative.
Les permutations. Le saut du cavalier, id. ; Rouen, 1883.
— Delaunay, Emploi de l'échiquier pour la solution des
problèmes arithmétiques, id. ; Nancy, 1886. — Note sur
l'emploi de l'échiquier, id. ; Paris, 1889. — Mantel, Sur
les Combinaisons d'éléments dispersés dans un plan, id. ;
Rouen, 1883. — Général Parmentier, Problème des n
reines, id.; Rouen, 1883. —Ed. Lucas, Récréations mathé-
matiques, t. II, p. 114 ; Théorie des nombres, 1. 1, p. 83.
ÉCHIQUIER. Nom donné, en Angleterre, à l'administra-
tion financière centrale. — L'histoire primitive de l'Echi-
quier des rois d'Angleterre est infiniment moins obscure
que celle de la Chambre des comptes des rois de France,
organe similaire. On possède en effet des documents très
anciens et très précis : les plus précieux sont la collection
des Pipe rolls et le Dialogue de VEchiquier. Les Pipe
rolls sont des rouleaux, ainsi nommés à cause de leur forme
tubulaire [pipe, tube, pipe), qui contiennent, année par
année, les recettes et les dépenses des officiers de la cou-
ronne : ce sont les budgets dressés par les plus anciens agents
de l'Echiquier; le premier en date remonte aux dernières
années du règne de Henri P^ ; la série est presque complète
à partir de la deuxième année de Henri II ; Madox s'en est
grandement servi dans sa fameuse History of the Exche-
quer^ et une société (Pipe roll Society) a été récemment
établie à Londres en vue de la publication intégrale de ces
textes inestimables (V. surtout le fasc. 3 des publica-
tions de cette société, intitulé Introduction to the study
of the Pipe rolls ; Londres, d884, in-8). Quant au
Dialogus de Scaccario (composé en iill par Richard,
évêque de Londres, trésorier de l'Echiquier, fils de Nigel,
évêque d'Ely, son prédécesseur dans cette charge, et
petit-neveu de l'évêque Roger de Salisbury, l'un des pre-
miers organisateurs de l'institution), on en trouve une
bonne édition dans les Select Charters de Stubbs (Oxford,
1884, pp. 169-248). — Aussitôt après la conquête, dit Pau-
ÉCHIQUIER
- 318 -
teur du Dialogus, il y eut, à ce qu'on prétend, un Echiquier
en Angleterre, siimpta ipsius ratione a Scaccario trans-
marino (I, 4). Richard Fitz Nigel semble dire par là
qu'il y avait un Echiquier en Normandie, avant la con-
quête, qui aurait été le prototype de l'Echiquier d'Angle-
terre. Mais il n'y a aucune preuve convaincante de ce fait;
il Y eut certainement un Echiquier d'Angleterre dès les
premières années du règne de Henri P^' ; nous ne trouvons
d'Echiquier en Normandie que sous Henri H. Il est même
probable que c'est l'Echiquier de Normandie qui a emprunté
son nom et sa procédure à l'Echiquier d'Angleterre, d^ ail-
leurs organisé par des ministres normands, tels que Flam-
bard et Roger de Salisbury. En ce qui touche ce nom
bizarre d'échiquier, l'étymologie la plus simple en est aussi
la meilleure; il fait allusion au tapis divisé en comparti-
ments carrés, alternativement blancs et noirs, qui couvrait
la table autour de laquelle s'asseyaient les financiers de la
couronne. Du tapis et de la table, le terme échiquier
passa à la réunion des hommes qui siégeaient autour.
Notre expression « table de marbre » a une origine ana-
logue. Richard Fitz Nigel ajoute ce trait que les échanges
qui se faisaient d'un bout à l'autre de la table entre le
receveur et les payeurs, au moment des redditions de
compte, suggéraient tout autant que les compartiments du
tapis l'idée d'une partie d'échecs jouée entre le trésorier et
les sheriffs. L'Echiquier anglais n'était qu'une partie de la
Curia régis générale (V. Cour du roi), et portait à cause
de cela le nom officiel de Curia régis ad scaccarium.imis
il formait le seul département du gouvernement central qui
fut, dès Henri PS régulièrement organisé : curiarum
omnium apucl Anglo-Normannos a7îtiquissima. Nous y
trouvons chaque année, depuis Henri PS des grands offi-
ciers et des palatins, avec de nombreux clercs, employés à
recevoir les payements des sheriiîs locaux, à vérifier leurs
comptes, à décider des procès de finances, à ordonnancer
les dépenses de la maison royale et de l'Etat. Henri II
introduisit des perfectionnements dans le mécanisme de cette
institution. La cour d'Echiquier se partagea, sous ce règne,
en deux sections : celle des comptes, Scaccarium majus,^ où
les comptes des officiers étaient reçus et les questions liti-
gieuses jugées; celle des recettes {Scaccarium inferius,
Exchequer of receipt), où l'argent du roi était versé,
pesé et vérifié. .
Examinons brièvement quel était, au moyen âge, le
personnel, quelle était la procédure des deux Echiquiers,
en quel lieu ils étaient installés : problèmes savam-
ment résolus par l'ancien historien de la Compagnie,
Thomas Madox, et par les historiens modernes, entre
autres par M. Hubert Hall (The Antiquities and curiosi-
ties of the Exchequer ;Lor)àres, 1894, in-8). — Lacour
d'Echiquier fut longtemps ambulatoire à la suite des rois ;
mais les impedimenta de l'Echiquier des recettes, tels
que tables, tailles, coffres-forts, rouleaux, etc., furent de
bonne heure installés à Westminster, dans une tour sise
au N.-E., près du jardin au bord de l'eau. Là le bureau
de la « recette » de l'Echiquier est demeuré jusqu'à une
époque relativement récente, tandis que la « cour » pro-
prement dite (Scaccarium majus) fut transférée vers la
fin du xni^ siècle dans des locaux plus commodes, à côté
de Westminster Hall. Le caractère ambulatoire ne s'effaça
du reste complètement que très longtemps après que la
Compagnie fût devenue sédentaire. La dixième année du
roi Jean, une session de l'Echiquier fut tenue à Northamp-
ton ; la quinzième année d'Edouard H, une autre fut tenue
à York, à cause des exigences de la guerre contre les
Ecossais. En 4643, Charles P^' établit à Oxford un Echi-
quier royaliste; en 4666, l'Echiquier fut chassé de ses
locaux de Westminster par le grand incendie, et se trans-
porta à Nonsuch. Il n'est pas sans intérêt de remarquer
ici que, à côté du grand Echiquier de Westminster, il y en
eut de tout temps d'autres moins considérables, modelés
sur le même type : à Caernarvon et à Chester pour le pays
de Galles, à Dublin pour l'Irlande. Il y avait à Londres
môme un Echiquier spécial pour les juifs (V. ci-dessous
Echiquier des juifs), d'autres à la Monnaie, et à la
Garderobe. L'évèque de Winchester tenait chaque année
un Echiquier à Wolverley, oii les comptes de ses baillis
étaient résumés en forme de petits Pipe rolls; et cet
Echiquier était utilisé par la couronne à son profit pen-
dant les vacances du siège.
Le personnel de l'Echiquier se composait de clercs et des
grands officiers de l'Etat. La présidence appartenait natu-
rellement au roi ou à son représentant direct, le justicier,
capitalis justicia; le justicier réunissait autour de lui,
dans la grande salle de l'Echiquier de Westminster, des
personnages dont les uns se trouvaient là ex ofjicio, et
dont les autres ex sola jussione principis residebant.
Siégeaient en vertu de leur charge les grands officiers de
la couronne, à savoir le connétable, le chancelier, deux
chambellans, le maréchal, le trésorier, soit en personne,
soit par procuration (cf. sur les fonctions spéciales de cha-
cun de ces personnages, H. Hall, op. cit., pp. 78-81).
Hiis autem assident ex sola jussione principis, mo-
mentanea se. et mobili auctoritate, quidam qui majo-
res et discretiorcs videntur in regno, sive de clero
sint, sive de curia. Ces membres momentanés de l'Echi-
quier, qui y étaient convoqués une fois, mais que le roi pou-
vait y appeler ou non, étaient pris dans cette masse de
palatins à la disponibilité du roi qui siégeaient au même
titre dans les cours strictement judiciaires du Banc du
roi et des Plaids communs. Au Banc du roi, ils portaient
le titre de justiciarii; devant le tapis quadrillé de la
table des comptes de Westminster, ils s'institulaient
barons de l'Echiquier. Au-dessous des barons de l'Echi-
quier, grands officiers et palatins, étaient, d'autre part,
des clercs, clerici Scaccarii : scribes, gardes des rôles,
essayeurs, fondeurs, « tailleurs de tailles », huissiers,
comptables, etc., tous agents dont l'existence régulière
était pour la Compagnie elle-même, encore mal dégagée de
la Curia régis, un signe et une promesse de stabilité. Le
personnel des barons de l'Echiquier se renouvelait souvent,
mais celui des clercs de l'Echiquier était toujours le même.
Tel était l'état des choses en 4477. Mais il arriva, par la
suite des temps, que les grands officiers, trop occupés, ces-
sèrent d'assister en personne aux séances : le chancelier,
les chambellans, le connétable, le maréchal ne vinrent plus,
et leurs fonctions furent remplies par de nouveaux clercs
inamovibles qu'on institua. L'office de justicier étant tombé
en désuétude sous Edouard PS la haute main sur l'admi-
nistration financière échut ainsi au trésorier. Quand la
chancellerie devint un département particulier, pourvu d'at-
tributions précises, le chancelier du royaume fut remplacé
à l'Echiquier par un clerc qui prit le titre, promis à une^ si
grande fortune, de chancelier de l'Echiquier. Le premier
chancelier de l'Echiquier, nommé en 4248, fut un certain
John Maunsell. La complication croissante des affaires imposa,
d'ailleurs, la création de nouveaux dignitaires : au temps de
Richard Fitz Nigel, les barons de l'Echiquier réservaient les
rares questions contentieuses qui se présentaient jusqu'à
la fin de la reddition des comptes; et ces memoranda, tel
était le terme en vigueur, étaient consignés sur un rôle
particuHer; or les memoranda étaient devenus si nom-
breux sous Henri IH qu'il fallut appointer un remembran-
cer spécial pour s'en occuper ; ce personnage fut en quelque
sorte le sohcitor de la Trésorerie. On créa aussi sous
Henri HI un clerk of the pells, chargé de la tenue des
rôles de recettes et de dépenses ; un « auditeur de la re-
cette », etc. A travers les siècles, les rouages se multi-
plièrent infiniment ; on en a la preuve frappante si Ton con-
sulte le tableau du personnel de l'Echiquier en 4593. Le
chef de la Compagnie, à cette date, était le lord haut tré-
sorier ; venaient ensuite le chancelier de l'Echiquier, le lord
chief baron, les barons, les deux remembrancers, celui
du roi et celui du trésorier, le « clerc de la Pipe », le
contrôleur de la Pipe, cinq auditeurs, le clerc des plaids,
le clerc des semonces, deux maréchaux, deux suppléants
319 -
ÉCHIQUIER
des chambellans, des huissiers, des portiers, un sous-tré-
sorier, le clerc des tailles, le clerc des pells^ quatre tellers,
quatre messagers, etc., etc. Cette organisation subsista à
peu près intacte depuis le règne d'Elisabeth jusqu'à celui
de George III ; mais, à partir de George III, un mouve-
ment se dessina en faveur de la suppression des offices les
plus anciens, qui s'étaient lentement transformés en siné-
cures honorifiques et lucratives. En 1833, une réforme
radicale supprima en bloc les deux chambres de l'Echi-
quier, la chambre des barons et le département de la
recette. Seul l'office de remembmncer royal survécut,
avec le titre, désormais vide de son sens primitif, de chance-
lier de l'Echiquier. Les fonctions de l'ancien Echiquier des
barons sont aujourd'hui accomplies par le département que
dirige le Paymaster gênerai et par la Trésorerie ; quant à
l'Echiquier des recettes, c'est aujourd'hui la Banque d'An-
gleterre qui en tient lieu. — Le moyen âge a laissé une foule
de satires contre le personnel de l'Echiquier qui jouissait
du privilège envié d'être exempt de toutes taxes. Ce per-
sonnel se composait de clercs dressés de bonne heure à
faire toute leur vie une besogne très technique. Des hommes
comme Alexandre de Swereford et l'évêque Stapleton n'ont
pas eu d'ambition au delà de leurs fonctions à l'Echiquier:
dans l'intervalle des sessions, ils rédigeaient d'immenses
compilations pour le service de la Compagnie et arran-
geaient ses archives : c'est grâce à ces serviteurs dévoués
que les archives de l'Echiquier d'Angleterre sont les plus
riches et les mieux tenues qu'aucun corps analogue ait
possédés. — Voici comment la cour d'Echiquier procédait
à ses diverses fonctions. D'abord, en ce qui touche les
recettes. Les sheriffs se présentaient à l'Echiquier séant à
Westminster, deux fois par an, à Pâques et à la Saint-
Michel, apportant l'argent du roi, en espèces. Ces espèces
étaient pesées par les agents de l'Echiquier, et même fon-
dues en Hngots, pour vérifier la pureté du métal. La
somme reçue du sheriff était aussitôt marquée sur une
taille, c.-à-d. sur une pièce de bois sec sur laquelle un
clerc faisait des coches correspondantes à la somme versée,
après quoi un autre clerc écrivait le chiffre de ladite
somme en face des coches. Incisions et chiffres étaient
répétés sur la taille deux fois, aux deux bouts, si bien
qu'en la cassant en deux, on eût deux tailles portant les
mêmes mentions. L'une des moitiés était remise au sheriff
pour sa décharge, l'autre restait aux archives de l'Echi-
quier. Ce mode barbare de comptabilité n'a été remplacé à
l'Echiquier d'Angleterre par le régime des chèques qu'en
1783, à la suite d'une ordonnance du roi George. Sur la
procédure archaïque des comptables de l'Echiquier qui,
rangés autour de la table traditionnelle, « avaient l'air »,
en poussant les jetons qui leur servaient à calculer suivant
certaines conventions, « de jouer une partie d'échecs ou
de trictrac », on consultera utilement les travaux de
M. Hall, op. cit., pp. 414-134. Bien entendu, en même
temps que les tailles en bois, il y avait à l'Echiquier des
registres ou plutôt des rouleaux oti les comptes étaient mis
au net. Nous avons déjà nommé le rôle annuel de la Pipe.
Ajoutons ici que ce rôle continua à être rédigé dans les
anciennes formes jusqu'à la fin du règne de Henri III. Mais
il ne tarda })as à devenir impossible d'y consigner tous les
revenus et toutes les dépenses ; les percepteurs de res-
sources extraordinaires, telles que les douanes, rendirent
leurs comptes dans des rôles spéciaux, qui fuï'ent appelés
foreign accounts, comptes étrangers (étrangers au grand
rôle de la Pipe). De ces foreign accounts, il y eut bien-
tôt une grande variété : citons parmi les principaux le
compte que rendit annuellement, depuis Edouard P^, le
préposé à la perception des amendes et amerciarnents
levés en vertu de lettres royales scellées sur cire verte
(greenwax). Il y eut sous Jacques P^ un surveyor gêne-
rai of the greemvax.
L'Echiquier d'Angleterre, au xn^ siècle, était à la fois
une compagnie de judicature administrative et une cour de
justice à laquelle ressortissaient toutes les causes oti le
fisc était intéressé. Nous venons d'en parler en tant que
cour des comptes. Mais que faut-il entendre quand on en
parle en tant que cour de justice ? L'Echiquier ne préten-
dait, pour employer les expressions de Richard Fitz Nigel,
que ad discernenda jura et dubia determinanda, quœ
fréquenter ex incidentibus questionibus oriuntur (I, 4);
mais le système financier des rois normands était lié si
étroitement avec toutes les branches du droit public et
privé que la fixation des amendes, la décision des appels
interjetés contre l'imposition des tallages, etc., entraînaient
au profit de l'Echiquier une juridiction qui, en réalité, était
immense. Or, en tant que cour des comptes, l'Echiquier a
eu certainement son âge d'or au moyen âge, et même en
particulier, au xii® siècle. L'Echiquier a été vraiment, sous
Henri II et ses fils, le centre et le cœur du gouvernement
royal. Il dégénéra ensuite. Déjà sous Henri III le méca-
nisme si exact que décrivait Richard Fitz Nigel en 1177
semble avoir subi des désordres. Jean sans Terre et Henri III
se servirent, comme Philippe-Auguste et saint Louis, des
Tem)jliers comme comptables ; c'est probablement que
la comptabilité de leur Echiquier leur parut moins bonne.
Dès 1223, de nombreuses catégories de recettes et de
dépenses furent examinées à la garde-robe royale {King's
Wardrobe) au lieu de l'être à l'Echiquier; dès 1225,
les impositions extraordinaires, telles que quinzième,
treizième, etc., furent perçues et vérifiées par des commis-
saires appointés spécialement au lieu de l'être par les she-
riffs et d'être apurées dans les Great rolls of the Pipe.
Les plaintes continuelles sous Edouard IH et sous Ri-
chard II au sujet du désordre de la comptabilité financière
montrent bien que l'ancien système de Henri II avait été
ruiné. Un archevêque de Canterbury pouvait écrire à
Edouard III : Utinam scires débita tua et débita patris
tui! L'organisation relativement simple, mais très efficace,
de Henri II, n'avait pas pu s'adapter à la complication tou-
jours croissante des méthodes nouvelles de taxation.
Mais, en tant que cour de justice, l'Echiquier d'Angleterre
ne fit avec le temps que se consolider, au contraire. Au début
du règne de Henri III, nous trouvons trois cours constituées
aux dépens de l'ancienne Curia régis : l'Echiquier, chargé
des causes touchant les revenus de la couronne ; la cour
des Plaids communs, chargée des procès entre particu-
liers; la cour du Banc du roi, chargée de tous les autres
litiges qualifiés de placita coram rege. Celle de l'Echi-
quier travailla activement durant tout le xni^ siècle à
accroître sa compétence aux dépens des autres, et l'auto-
rité royale dut intervenir plusieurs fois pour l'en empêcher.
La cinquième année de son règne, Edouard P^ dut inviter
les barons de l'Echiquier à cesser d'entendre les placita
communia, en contravention de la grande charte. Cinq
ans après, il répéta cette défense dans le statut de Rutland,
en remarquant que, par l'abus en question, les procès se
trouvaient indûment éternisés. De même lorsque Edouard P'',
en 1293, eut ordonné que les pétitions soumises au roi
fussent partagées en cinq liasses, d'après leur contenu, et
examinées soit par la chancellerie, |soit par l'Echiquier, soit
par les juges du Banc, etc., l'avidité professionnelle des
juges de l'Echiquier se trouva en conflit avec la volonté du
prince d'introduire partout l'ordre avec la spécialisation des
fonctions. — Au xiv^ siècle, l'Echiquier d'Angleterre se
composait donc d'une cour des comptes, d'une cour des
recettes, toutes deux amoindries et en voie de désorganisa-
tion, d'un tribunal financier à l'ambition envahissante.
Remarquons maintenant que, malgré la délégation qu'il
avait consentie de ses pouvoirs judiciaires aux cours issues
de la Curia régis, le roi était resté le juge suprême
d'équité : les matières de grâce ou de faveur, trop graves
pour être jugées par les cours sans la collaboration per-
sonnelle du prince, lui étaient transmises par le Chancelier
et par les premiers magistrats de ces cours. Mais, peu à
peu, le Chancelier cessa de transmettre ces affaires très
graves et les jugea lui-même. Ce fut pour ainsi dire une
seconde délégation des pouvoirs judiciaires de la couronne.
ÉCHIQUIER
— 320 —
?;
De là, la juridiction d'équité du chancelier, qui a pris de si
\astes développements. Le trésorier et le chancelier de
l'Echiquier acquirent peu à peu de la même façon une juri-
diction d'équité. De là une quatrième section de l'Echiquier
du xiY^ siècle, the Court of Exchequer in Equity. La
juridiction d'équité du chancelier de l'Echiquier a été
abolie en 1841, lorsque deux vice-chanceliers supplémen-
taires ont été institués à la Court of Chancenj. — Par le
Judicature Act de 1873, la cour d'Echiquier fut abolie
en tant que cour séparée, mais elle subsiste encore à
l'état de subdivision de la High Court of Justice, spé-
ciale pour les affaires financières. Chancelier de l'Echiquier
est encore aujourd'hui le titre du ministre des finances
[ui prépare le budget annuel. Mais il ne siège plus qu'iine
,'ois par an à la cour d'Echiquier, le jour de la nomination
des sheriffs. — La Court of Exchequer Chamber, qu'il ne
faut pas confondre avec la cour d'Echiquier proprement dite,
fut, depuis le statut 31 Edouard P^ c. 12, une cour d'appel
devant laquelle étaient portés les appels interjetés des
arrêts non seulement de l'Echiquier, mais aussi du Banc
du roi et des Plaids communs. Elle se composait du chan-
celier, du trésorier et des justices du Banc et des Plaids
communs. Elle a été supprimée lors de la grande réorga-
nisation de la hiérarchie judiciaire en 1873.
Echiquier des juifs. — Les juifs furent en Angleterre
une source considérable de revenus pour la couronne jus-
qu'à leur expulsion en 1290. Les rois leur permettaient de
se livrer à des opérations usuraires et hypothécaires, de s'en-
richir par ces opérations, quitte à les pressurer de temps en
temps comme des éponges. Le roi était maître absolu de
leurs personnes et de leurs biens. De temps en temps, il
les taxait lourdement en les rendant tous soUdairement
responsables du payement de la quote-part de chacun.
Ainsi Henri II, la trente-troisième année de son règne,
prit aux juifs le quart de leurs « chateux », par voie
de taille. Jean, en 1210, leur fit payer 66,000 marcs.
Ils versèrent encore une somme de 20,000 marcs, la vingt-
huitième année du règne de Henri III, à titre d'amende,
et 60,000 à titre de' taille. — Les revenus tirés de la
juiverie étaient administrés au xiii^ siècle par une succur-
sale particulière de l'Echiquier d'Angleterre, pourvue d'un
personnel séparé, les custodes et justiciarii Judeorum.
L'existence de cette institution prit fin naturellement lors
de l'expulsion des juifs en 1290. On sait que l'entrée de
l'Angleterre fut interdite aux juifs depuis cette date jus-
qu'au temps de la république de Cromwell. — L'organi-
sation intime de V Exchequer of the Jews a été étudiée à
fond par M. Ch. Gross (Papers read at the anglo-jewish
historical exhibition of ^^57; Londres, 1888, pp. 170-
230, in-12). Ch.-V. L.
BiBL. : Th. Madox, History and antiquities of the Ex-
chequer; Londres, 1769, 2 vol. in-4. — Thomas, The an-
cient Exchequer; Londres, 1848. in-8. — Devon, Issues of
the Exchequer {Record piiblications, n» 57). — Vernon,
The Exchequer opened ; Londres, 1661.— Sir Fr. Palgrave,
Calendars and inventories of the Exchequer [Record pu-
blications, n" 53j. — Publications de la Pipe roll Society.
— LiEBERMANN, Einlcttung in den Dialogus ; Goettingue,
1875, in-8. — H. Hall, The Antiquities and curiosilies of
the Exchequer [The Camden Library); Londres, 1891, in-8.
ÉCHIQUIER DE Normandie. Le terme Echiquier a eu
dans le duché de Normandie une fortune assez difTérente
de celle qu'il a eue en Angleterre. Echiquier est devenu
synonyme en Angleterre de cour des comptes et de" tribunal
financier; en Normandie, ce mot a désigné simplement une
cour de justice. L'Echiquier normand, dit M. L. Delisle,
c'est la cour féodale des ducs de Normandie. Jusqu'à
Henri II Plantagenet, nous voyons les ducs tenir indistinc-
tement leur cour ou échiquier dans leurs différentes rési-
dences et sans périodicité régulière. On y remarquait deux
catégories d'assistants : les justiciarii ou palatins nommés
par le duc, les barons ayant le droit et le devoir de com-
paraître en raison de leur fief. A partir de Henri II, les
Echiquiers se tinrent réguhèrement deux fois par an, à la
Saint-Michel et à Pâques, au château de Caen, dans la
chapelle Saint-Georges, et les « justiciers » y prirent décidé-
ment lepas sur les barons. Toutefois, on tint encore beaucoup
d'Echiquiers, au xii® siècle, à Falaise, et Rouen ne tarda
pas à remplacer Caen comme siège ordinaire de la juridic-
tion.— La conquête de la Normandie par PhiHppe-Auguste
en 1204 ne mit pas fin à l'existence des Echiquiers : le
conquérant jura de les maintenir, avec les autres privi-
lèges de la province; «mais la Normandie dut se résigner
à voir arriver de Paris, chaque année, à Caen, à Falaise
ou à Rouen des commissaires du roi, des Français, en-
voyés peur tenir cet Echiquier qu'on lui avait laissé. » Ces
commissaires, ordinairement membres de la cour centrale
du roi de France, qui est devenue au xiii^ siècle le Parle-
ment de Paris, n'avaient de mission que pour une assise ;
ils formaient une sorte de chambre ambulatoire de la curia
française, dont les membres changeaient à chaque session,
par suite d'un roulement. Du reste, les prélats et les barons
normands continuèrent de jouir, sous les rois de France,
du droit de séance aux Echiquiers dont ils avaient joui sous
les ducs. Les évêques et les abbés étaient même forcés d'y
assister et frappés d'amende en cas d'absence sans excuse
valable. Les séances de l'Echiquier étaient fort solennelles ;
en dehors des commissaires, des barons et des prélats, on
y voyait une énorme affluence de gens de loi (deux cent
quatorze avocats en 1390 ; trois cent trente-neuf en 1464),
tous les gens du roi, depuis les lieutenants généraux
jusqu'aux verdiers. A partir du jour marqué pour l'ouver-
ture de la session, toutes les juridictions, royales et autres,
étaient suspendues ; leurs juges, officiers, avocats étaient
censés être à Rouen « aux pies des seigneurs tenant l'Eschi-
quier» ; les juges devenaient justiciables à partir de ce jour-
là. Tous les officiers devaient en effet soutenir les sentences
qu'ils avaient rendues et dont appel avait été interjeté
devant la cour d'Echiquier, ouïr les ordonnances réglemen-
taires qu'elle édicterait, rendre leurs comptes. Nous
avons conservé un fort grand nombre d'arrêts des Echi-
quiers depuis le xiii® siècle; ils éclairent naturellement
d'un jour très vif l'organisation, la compétence et la pro-
cédure de cette compagnie. Quatre arrêtistes anonymes
nous ont laissé des recueils de décisions antérieures à la
mort de saint Louis. Ces recueils ont été combinés et pu-
bliés par M. L. Delisle : Notices et extraits des manus-
crits (1862, t. XX, 2^ partie, pp. 138 et suiv.) et Mé-
moires de r Académie des inscriptions (1864, t. XXIV,
2® partie, pp. 343 et suiv.), et par M. L. Auvray, dans la
Bibliothèque de V Ecole des chartes (1888, pp. 635 et
suiv.). Les arrêts rendus depuis la mort de saint Louis
jusqu'au xiv*^ siècle ont été publiés par M. Léchaudey
d'Anisy dans les Mémoires de la Société des antiquaires
de Normandie (t. XV, p. 150) et par M. Vi^arnkonig,
Franzôsische Staats und Rechtsgeschichte (t. II [Urk.],
pp. 120-144). A partir du xiv^ siècle, les arrêts de l'Echi-
quier, conservés au Palais de justice de Rouen, sont iné-
dits : le premier registre contient les arrêts de 1336 à
1342; il est en latin; les autres sont rédigés en français.
n serait aisé d'écrire aujourd'hui à l'aide de ces textes une
histoire définitive de la juridiction suprême de la Nor-
mandie au moyen âge. M. A. Floquet, qui a écrit sur ce
sujet dans son Histoire du parlement de Normandie
(Rouen, 1840, in-8, t. P^ pp. 1-311), n'a fait que
l'effleurer. — H faudrait mener cette histoire jusqu'à
l'année 1497. La session de 1497 fut en effet la dernière
des Echiquiers temporaires tenus par des commissaires
étrangers à la province. Les Etats de Normandie réunis à
Rouen par Louis XII le 20 mars 1498 furent consultés par
le cardinal d'Amboise, au nom du roi, sur le point de
savoir s'il ne conviendrait pas de remplacer les Echiquiers
par un parlement permanent de Normandie : — « Oui,
s'écria le procureur du roi au siège de Pont-Audemer,
Jean le Rienvenu, ouy, les Normans se doibvent juger par
eux-mêmes. » Ce Le Rienvenu briguait une place de con-
seiller au futur parlement ; il réussit à entraîner la majorité
de l'assemblée. Dans des articles signés du greffier des
— 324 —
ÉCHIQUIER — ÉCHIURE
Etats, les représentants « requirent très instamment que
le plaisir du roi fût, pour le bien de la justice, que la cour
souveraine de l'Eschiquier qui, par cy-devant, n'avait pas
été ordinairement tenue, fut d'ores en avant, assise et
continuellement tenue par des présidents et conseillers ».
Un édit d'avr. d499 institua, conformément à ce vœu, un
parlement de Normandie sous le nom traditionnel d'Echi-
quier, qui fut conservé. « Tous les inconvénients, dit
M. Floquet, justement reprochés à l'Echiquier temporaire,
disparaissaient dans cet acte royal. A des assises d'un mois,
de six semaines au plus, irrégulièrement tenues et qu'avaient
séparées parfois plusieurs années d'une entière inaction,
succédait une cour souveraine permanente. Les commissaires
du roi, étrangers à la province, les prélats mêmes et les
barons normands, dont les uns ignoraient notre coutume
et les autres toute loi, allaient faire place à « quatre pré-
sidents et vingt-huit conseillers, vertueux, jurisconsultes
et sçachants, connaissants et entendants les lois, coutumes,
usages, stiles et Chartres de Normandie ». (V. Parlement
de Normandie.)
^ La _ question de la souveraineté de la cour ancienne
d'Echiquier a fait couler beaucoup d'encre. Il n'est pas
douteux que, au xni« siècle, le parlement de Paris ne
se faisait pas faute iVévoquer à sa barre une foule de
causes qui, régulièrement, auraient dû être jugées à
Rouen, par les juges qui siégeaient autour du tapis échi-
queté. Bien plus, le parlement de Paris réforma plusieurs
fois sur appel, au temps de Philippe le Bel, des arrêts
rendus par les Echiquiers. Le premier soin des barons ré-
voltés en 1315, à l'avènement de Louis le Hutin, fut de
réclamer énergiquement contre cette violation flagrante de
la constitution normande. Louis X céda : « Les causes
jugées à l'Echiquier de Rouen ne pourront, décida-t-il,
être portées à notre parlement de Paris, sous quelque
prétexte que ce soit » (art. 13 de la première charte nor-
mande). La deuxième charte normande mit pareillement
fin à l'abus des évocations : « Nul, désormais, ne pourra
être ajourné au parlement de Paris à raison de procès nés
dans le duché de Normandie. — Les causes du duché de
Normandie doivent s'y juger par la coutume du pays »
(art. 17). D'ailleurs, on Ta dit justement, qui voudrait
rapporter toutes les violations des art. 13 et 17 des chartes
normandes, ainsi que tous les édits qui ont promis, depuis
le xiy« jusqu'à la fin du xviii« siècle, que ces articles seraient
religieusement respectés désormais, il lui faudrait un
volume. Ch.-V. Langlois.
ECHIQUIER ou de NINIGO (Archipel de F). Grouped'îles
"océan Pacifique, à 270 kil. de la côte N. de la Nouvelle-
de
Guinée allemande, par lM3Mat. S., et 142» 53' long. E. Il
se compose d'une cinquantaine d'îles et îlots qui commencent,
avec l'îlot du Tigre, la courbe transversale N. se conti-
nuant, à l'E. et au S.-E., par les îles de l'Amirauté et Salo-
mon. Tandis que cette courbe et celle méridionale des îles
mélanésiennes sont composées en grande partie de terres
volcaniques, le groupe de l'Echiquier est un vaste atoll, et
1 on Ignore si le socle qui les porte est formé par une ter-
rasse éruptive. Ces îles sont basses et semées de récifs.
Elles constituent comme une enclave et l'avant-poste de la
population micronésienne. Découvertes et dénommées par
Bougamville en 1768, visitées par Miklukho-Maklaï en
18/6, elles sont comprises, par suite du traité de 1885,
dans les possessions allemandes.
ÉCHIRÉ. Com. du dép. des Deux-Sèvres, arr. et cant.
de Niort; 1,743 hab.
ÉCHIROLLES. Com. du dép. de l'Isère, arr. et cant.
de Grenoble; 679 hab.
A ^^!?'^. (Erpét.). Genre de Serpents Thanathophides,
de la tamille des Viperidœ, dont le caractère fondamental
réside dans la disposition des plaques sous-caudales, distri-
buées en une double rangée. Pour tout le reste, il ne diffère
en rien du genre Vipera. Trois formes seulement rentrent
dans le genre Echls : deux se trouvent en Egypte, la
troisième est propre à l'Ouest tropical africain. ^La plus
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
connue est l'Echis carinata ou VElfa, serpent de faible
taille, de 60 centim. de long, dont les écailles carénées
forment sur le dos des lignes saillantes, séparées par des
sillons rectilignes. Le corps est d'un jaunâtre sale orné de
raies et de taches noirâtres; des lignes blanches ondulées
forment une série interrompue sur la région dorsale. Malgré
la faiblesse de l'animal, son poison est très rapide. Les Elfas
jouent un rôle important dans certaines cérémonies du Caire
oti les jongleurs ou charmeurs de serpents les montrent en
public et jouent avec elles, après avoir eu soin de leur ar-
racher au préalable les crochets venimeux. Rocher.
BiBL. : Sauvage, dans Brehm, éd. française. Reptiles,
— DuMÉRiL et BiBRON, EvpéL génër.
ÉCHUES (Echites P. Br.) (Bot.). Genre de plantes
de la famille des Apocynacées, composé d'arbrisseaux vo-
lubiles, à feuilles opposées, pourvues de cils glanduleux
interpétiolaires, à fleurs blanches, jaunes, roses ou pour-
pres, souvent très odorantes, disposées en cymes axillaires
ou terminales. La corolle est hypocratérimorphe avec le
limbe à cinq divisions et cinq étamines insérées vers le
miHeu du tube. Le fruit est constitué par deux follicules
allongés, coriaces, renfermant de nombreuses graines
pourvues d'une longue aigrette soyeuse.— Les Echites ha-
bitent exclusivement les régions tropicales de l'Amérique.
Plusieurs espèces y sont employées en médecine. Men-
tionnons notamment VE. antisyphilitica L. f. de Surinam,
VE. umbeltata Jaq. des Antilles, VE. alexicaca Mart. et
VE. pastorum Mart., du Brésil; de ces deux dernières
espèces, la première est le Purgo do Campo, la seconde,
le Purgo do pastor des Brésiliens. Dans d'autres espèces,
le latex, extrêmement vénéneux, est riche en caoutchouc.
— VE. antidysenterica de Roxburgh appartient au genre
Holarrhena; c'est lui qui fournit l'Ècorce de Conessie ou
Codaga-Pala (V. ce mot). Ed. Lef.
ECHIUM (Echium Touvn.) (Bot.). Genre de plantes de
la famille des Boraginacées , caractérisé surtout par la
corolle tubuleuse infundibuliforme, à limbe subbilabié, à
gorge ouverte et nue. L'espèce type, E. vulgare L., est
bien connue sous le nom de Vipérine, Herbe aux Vipères.
C'est une herbe bisannuelle, à racine épaisse, pivotante, à
tige dressée, simple, donnant naissance latéralement aux
rameaux de l'inflorescence et couverte de poils raides,
presque piquants, insérés sur de petits tubercules noi-
râtres. Les fleurs, de couleur bleue, plus rarement rosée
ou blanche, sont presque sessiles et disposées en grappes
axillaires simples, formant par leur réunion une vaste pa-
nicule racémiforme. — La Vipérine est commune en Europe
sur le bord des chemins et dans les lieux incultes. Ses
fleurs, infusées dans l'eau chaude, forment une tisane légè-
rement sudorifique. On les vend souvent à la place de celles
de la Bourrache, parce qu'elles ne se décolorent pas aussi
y'AQ.—VEchiumplantagineum L., de l'Amérique du Sud,
ou Burracha cimarona des colons espagnols, est employé
aux mêmes usages que chez nous la Bourrache. Ed. Lef.
ÉCHIURE (Zool.). Le genre £c/im?^ii5, type des Géphy-
riens armés, doit être rapproché des Annélides Chœto-
podes. L'Echiure des côtes septentrionales de l'Europe a
été découvert par Pallas, qui le décrivit et le figura (1766)
sous le nom de Lumbricus echiurus. Les recherches de
Pallas fournissent d'intéressants documents sur l'éthologie
et l'anatomie de ce Ver. Après un long intervalle, Forbes
et Goodsir (1841) en firent une nouvelle étude. En 1847,
de (Juatrefages publia une courte note sur VEchiurus
Paltasii, puis, la même année, un mémoire plus complet
dans lequel l'animal fut appelé Echiurus Gaertneri. Le
travail de de Quatrefages est fort inférieur à celui des na-
turalistes anglais qu'il paraît avoir ignoré. De 1872 à
1879, R. Greef fit connaître dans diverses publications
de nouveaux détails sur l'organisation des Echiures et des
formes voisines. Enfin, en 1880, Spengel nous exposa
en détail l'organisation de ce Géphyrien, dont l'embryo-
génie fut peu après étudiée par Hatschek. — VEchiurus
Pallasii Guérin est très commun dans la mer du Nord et
21
ÉCHIURE — ÉCHO
— 322 —
spécialement aux environs de l'ile Norderney. Il creuse
dans le sable vaseux et coquiller des galeries peu pro-
fondes. Il est bien connu des pécheurs, qui l'emploient
comme amorce. Le corps est cylindrique et terminé en
avant par la bouche, en arrière par l'anus. Les parois
sont minces et presque transparentes lorsque l'annnal est
vivant, de telle sorte qu'on peut voir la position et les
mouvements des organes internes. Le bord dorsal de l'ou-
verture buccale se pro^oi^g® en un prostomium en forme
de pelle, la trompe des auteurs. Derrière la bouche, du
côté ventral, se trouvent deux soies brillantes métalliques
(les soies ventrales), tandis qu'à l'extrémité postérieure du
corps, on trouve deux couronnes de soies anales interrom-
pues en dessous. Le tube digestif, enroulé en spirale, est
fixé par des mésentères dans la cavité du corps. Vers
l'extrémité postérieure, débouchent deux appendices en
cul-de-sac (les poches anales). Derrière les soies ventrales,
on voit sur la paroi du corps les ouvertures de deux paires
de néphridies (organes segmentaires).
Le tégument se compose d'une cuticule, d'un hypoderme
(couche matrice) et de couches musculaires. Il y a en outre,
sous l'hypoderme, une lame de tissu conjonctif (cutis).
La cuticule est chitinoïde et peut être renouvelée par un
phénomène d'exuvialion. Les soies antérieures sont formées
dans des invaginations de l'hypoderme; celles des cercles pos-
térieurs dérivent chacune d'une cellule unique. La muscu-
lature du corps est constituée par une couche circulaire
suivie d'une couche longitudinale, puis d'une troisième
couche circulaire d'après Greef, oblique d'après Spengel.
Toutes ces couches musculaires sont absolument continues
et tapissées intérieurement par l'épithélium péritonéal. Le
système nerveux consiste en une corde médiane ventrale
et en un anneau pharyngien d'où partent des prolonge-
ments qui suivent les côtés de la trompe. La corde mé-
diane est dépourvue de tout renflement ganglionnaire et
traversée par un fin canal. Les nerfs sortent de cette corde
par paires dont les racines sont assez exactement opposées.
Ils se réunissent sur le dos, formant ainsi des anneaux
complets. Des branches nerveuses, présentant sur leur
trajet des cellules ganglionnaires, vont aboutir dans des
cellules de l'hypoderme situées sur des renflements papil-
liformes. Le tube digestif est accompagné d'un siphon ou
intestin collatéral (Nebendarm) analogue à celui de cer-
tains Echinides et ayant évidemment la même fonction.
Cet organe supplée à l'insufiisance des muscles du tube
digestif, qui seraient impuissants à chasser le sable amassé
dans l'intestin. Les contractions du pharynx musculeux
chassent l'eau dans le siphon et cette irrigation va balayer
le sable de la portion rectale, permettant ainsi le chemi-
nement de celui qui est amassé au-dessus dans l'intestin
moyen. Le tube digestif est d'ailleurs cilié dans toute
son étendue, et il existe un sillon vertical, présentant
comme l'endostyle des Tuniciens des cils plus longs dans
sa partie médiane. Une paire de caecums débouchent dans
le proctodaeum. Greef les considère connne des branchies.
Morphologiquement, ce sont des protonèphres modifiés
homologues des plectonéphridies signalées par Spencer
et Beddard chez certains Lombriciens. Us communiquent
avec le cœlome par des entonnoirs ciliés. Leur rôle excré-
teur est démontré par l'existence de grosses granulations
brunes dans les cellules tapissant intérieurement les
cœcums. Les Echiures ont un appareil vasculaire assez
développé. Il existe une lacune péri-intestinale d'où part
un vaisseau dorsal à la surface de l'œsophage et du pha-
rynx jusqu'à l'extrémité du prostomium. Là, ce vaisseau
se bifurque ; une branche suit, de chaque côté, le bord de
la trompe ; ces deux branches viennent se réunir au niveau
du pharynx en un vaisseau ventral supra-nerveux qui se
termine^ en cul-de-sac à l'extrémité postérieure de la
corde nerveuse. Un vaisseau neuro-intestinal réunit le vais-
seau ventral à l'anneau péri-intestinal. D'après Greef, le
vaisseau dorsal présente des contractions. Le liquide cœlo-
mique renferme des corpuscules amœboïdes. Ces éléments
renferment parfois de petits amas d'un pigment brunâtre.
Le liquide des vaisseaux sanguins renferme aussi des cor-
puscules analogues à ceux du cœlome.
L'Echiure possède, comme nous l'avons dit, deux paires de
deutonèphres dont les ouvertures extérieures sont situées près
des soies ventrales. Ces organes sont de petite taille, excepté
pendant la période de maturité sexuelle, où ils sont gonflés
d'œufs ou de spermatozoïdes. Ces canaux néphridiaux sont
ciliés, terminés par des entonnoirs bilabiés (E. Pallasii),
ou prolongés en spirales {E. unicindiis). Les sexes sont
séparés ^t, si les mâles paraissent plus nombreux, cela tient
à ce que l'activité sexuelle se maintient plus longtemps
dans ce sexe. Les glandes génitales naissent à l'extrémité
postérieure du vaisseau ventral, aux dépens des cellules de
l'épithélium cœlomique. Les œufs ou les spermatozoïdes
tombent librement dans le cœlome. La larve de l'Echiure
est une trochosphère typique. Elle possède un grand
prostomium qui devient la trompe de l'adulte. La bouche
est ventrale, l'anus postérieur et terminal. L'architroque se
dédouble en deux couronnes, l'une préorale, l'autre
postorale, comprenant entre elles une zone ciliée qui se
prolonge verticalement en un sillon cilié allant de la bouche
à l'anus. Le mésoderme est segmenté. On compte quinze
somites et un pygidium séparés intérieurement par des
cloisons et marqués à l'extérieur par des anneaux ciliés.
Ces anneaux sont remplacés chez le jeune Echiure par des
zones de tubercules épineux et sur les somites quatorze et
quinze par les cercles de soies postérieures. Quatre zones
de tubercules se forment antérieurement au-dessus de celles
dont nous venons de parler. Le système nerveux est
constitué : 1° par un épaississement exodermique au som-
met du prostomium d'où partent des commissures se ren-
dant à la deuxième partie ; 2« par la corde ventrale formée
par des épaississements métamériques de l'exoderme qui
bientôt s'unissent entre eux en une jjande continue. Il
existe une paire de protonèphres (reins céphaliques de
Hatschek) terminés par des branches à entonnoirs vibra-
tiles. Ce système rénal est provisoire. Les sacs anaux dé-
rivent du mésoderme sous forme de deux tubes commu-
niquant par un entonnoir interne avec la cavité du corps et
débouchant extérieurement par des pores situés très près
de l'anus. C'est seulement d'une façon secondaire qu'ils
entrent en rapport avec le rectum chez l'animal adulte.
Ce développement est absolument comparable à celui
des AnnéUdes Chsetopodes, et c'est avec raison que
Hatschek a proposé de rapprocher les Echiuridœ de ces
Annélides en les éloignant des Géphyriens inermes (Sipun-
culides). " A. Giard.
BiBL. : Greef, NovaAclai, 1879, LI. — Spengel, Zeilschr.
f. Wiss. Zoologie; 1880, XXXIV. — Rietscii, Recueil zool.
suisse, 1886, III. - Hatschek, Arb. Zool. Inst. Wien,
1881, III.
ÉCHO. I. Physique. — On appelle écho la répétition d un
son ; on peut distinguer le cas où l'endroit où le son est produit
(appelé quelquefois centre phonique) difl'ère de celui où l'écho
est observé. L'écho est dû à la réflexion des ondes qui cons-
tituent le son. PmfF^Ȕ44 ait mim il ^ut que l'etfet pro-
duit par les ondes réfléchies ne se confonde pas ou ne fasse
pas suite au son produit par les ondes directes. Désignons
par d la distance en mètres du centre phonique à l'obser-
vateur et par D la longueur de la route suivie par les ondes
qui arrivent à l'observateur en se réfléchissant. ^ et
-~- seront, en secondes, les temps nécessaires pour que
le son direct; et le son réfléchi arrivent à l'observateur,
337 m. par seconde étant la vitesse du son, et le^temps
écoulé entre le moment où le premier son frappera l'oreille
et le moment où l'cclio commencera à se produire sera
D — ^
337 *
Si le bruit produit dure moins que cette quantité, il aura
fini d'être entendu avant que l'écho n'ait commencé, et,
— 323
ECHO — ECHOUAGE
par suite, l'écho sera distinct du bruit. Si le contraire
arrivait, le bruit et l'écho empiéteraient l'un sur l'autre, et
l'on n'aurait plus à proprement parler un écho, mais une
résonance. C'est ce que l'on observe fréquemment dans
les pièces vides. On peut prononcer environ quatre syllabes
par seconde. Si
]) — d_i
337 "4'
c.-à-d. si d —cl est d'environ 84 m., une syllabe prononcée
au centre phonique pourra donner un écho; en particu-
lier, si c'est la personne qui est au centre phonique qui
observe l'écho et si elle se trouve à 42 m. de l'obstacle
réfléchissant qui produit l'écho, elle pourra faire répéter à
l'écho une seule syllabe, car, si elle en disait deux, au mo-
ment où elle prononcerait la seconde, l'écho lui renverrait
la première, et les deux sons se confondraient. Si la dis-
tance considérée est de 72 X 42 m., l'écho pourra répéter
sans confusion n syllabes ; on dit alors qu'il est polysylla-
bique. Il existe des échos multiples dus à la présence de
plusieurs obstacles, au moins deux, qui réfléchissent suc-
cessivement les ondes sonores. On a signalé aussi l'existence
d'échos qui modifiaient la hauteur du son. Cela est théori-
quement possible, mais ce fait doit rarement se présenter :
il faut pour cela qu'il se produise des interférences entre
l'onde directe et l'onde réflective, interférences qui peuvent,
en détruisant le son principal du bruit produit, laisser en-
tendre les sons primitivement dominés par le son principal;
l'obstacle, en produisant l'écho, peut aussi se comporter
comme résonnateur en ne renvoyant qu'un ou quelques-uns
seulement des sons primitivement contenus dans le bruit
envoyé à l'écho.
Echos célèbres. Nous ne citerons ici que les échos les
plus remarquables : Monge a observé un écho signalé au-
trefois par le P. Kercher (au château de Simonetta, en
Italie), qui répète quarante à cinquante fois le bruit d'un
pistolet; ce sont deux ailes de bâtiment qui produisent cet
écho. L'astronome Gassendi parle d'un écho qui répète huit
fois un vers de V Enéide. Ces deux échos sont remarquables
à la fois comme polysyllabiques et comme échos multiples.
Beaucoup d'autres répètent quinze ou vingt fois un mot
d'une ou deux syllabes (près de Coblentz, au bord du Rhin;
parc deWoodslock, près d'Oxford, etc.). Comme écho pro-
duisant des variations de hauteur, on ne peut citer que
l'écho situé en Ecosse, sur un lac entouré de coteaux
boisés, près du château de Rosneath, qui, d'après M. Guil-
lemin, répète plusieurs fois l'air d'une trompette successi-
vement sur des tons de plus en plus bas. A. Joannis.
II. Musique. — IL y aurait une étude esthétique et pit-
toresque à faire sur la traduction musicale du phénomène
acoustique de l'écho. Beaucoup de musiciens se sont amu-
sés a le reproduire en quelque sorte dans leurs œuvres, de
manière à en tirer des effets plus ou moins heureux. Les
procédés employés par ces compositeurs ont conduit à
élargir le sens du mot écho en musique, et à employer
ce terme toutes4es ïo\%^ qu'im^oupe déterminé de sons
est distinctement reproduit dans une sonorité plus douce,
lointaine pour ainsi dire, sans qu'il soit indispensable d'y
voir un essai de reproduction du phénomène matériel qui
constitue l'écho. Pris dans son acception restreinte ou son
acception large, l'écho figure en des œuvres très diverses,
qu'il serait oiseux d'énumérer toutes. Dans le nombre,
nous citerons seulement : l'écho célèbre de l'ouverture de
Guillaume Tell de Rossini, un passage du Manfred de
Schumann {lianz des Vaches) ; la mélodie de Berlioz, le
Jeune Pâtre breton; le « chœur des Bohémiens » de Pre-
ciosa de Weber; les fanfares lointaines qui se répondent,
traitées en écho, dans le deuxième acte du Lohengrin de
^Vaguer, à la scène du lever du jour. A. E.
III. Mythologie ('IL/fo). — Nymphe de Béotie qui per-
sonnifie l'écho. Aimée du dieu Pan, elle se soustrait à l'amour
du dieu et finit par être déchirée par les bergers. D'après un
autre récit, elle serait morte d'amour pour le beau Narcisse.
IV. Astronomie. — Nom du 60^ astéroïde (V. ce mot).
BiBL. : Mythologie. — Wieseler, Die Nymphe Echo ;
GœttingLie, 1814.
ÉCHOPPE. I. Construction. — Petite boutique, en
cliarpente légère ou en menuiserie, le plus souvent adossée
contre un mur ou rachetant l'angle de deux bâtiments et cou-
verte en appentis. Les art. il et 12 de l'ordonnance royale
du 24déc. 1823 indiquent les conditions dans lesquelles
peuvent être établies des échoppes, lesquelles ne doivent,
dans les angles et renfoncements, excéder 8 m. en longueur
et dépasser en hauteur la hauteur du rez-de-chaussée, mais'
doivent avoir au moins 1 m. de profondeur et se trouver
hors de Talignement des rues et des places. Charles Lucas.
II. Droit administratif. — Les échoppes ne peuvent être
installées sans l'autorisation des maires ou, à Paris, du
préfet de police. Elles ne peuvent être autorisées à Paris
que dans les renfoncements ou dans les angles, et elles ne
doivent pas dépasser l'alignement des maisons. En province,
il n'est rien spécifié à cet égard. Un vieux règlement (loi
du 16 août 1790) prescrit au possesseur de l'échoppe d'in-
staller un écriteau faisant connaître son nom et sa pro-
fession.
ECHOUAGE. I. Marine. — Un navire échoue quand il
rencontre le fond et que, portant dessus, il cesse de flotter
librement. L'échouage peut être volontaire, pour nettoyer
les bâtiments ou réparer leurs avaries, dans les bassins de
radoub, pour les bâtiments de fort tonnage ; sur la plage,
pour les canots, chaloupes, barques, de préférence pen-
dant les grandes marées, pour avoir plus de temps. Indé-
pendamment des réparations et des visites à la coque, il est
en effet nécessaire d'enlever fréquemment, soit en les ra-
clant, soit en les incendiant, les herbes qui s'accrochent
aux navires et aux barques, au grand détriment de leur
conservation et de la rapidité de leur marche. — L'échouage
a lieu aussi volontairement quand un commandant voit
ainsi le moyen d'échapper à l'ennemi : l'histoire des guerres
maritimes en fournit quelques exemples. — Mais l'échouage
a lieu le plus souvent par accident, soit que l'on ait mal
apprécié sa position sur la carte, ou que l'on ait rencontré
un écued jusqu'alors inconnu, soit, ce qui arrive le plus
fréquemment, quand on n'a pas réussi à s'élever au vent,
quand celui-ci portait en côte, ou bien encore quand les
chaînes et les ancres ont cassé, sous l'influence du vent et de
la mer. C'est ce qui arriva en 1888 lors de la catastrophe
des îles Samoa. Trois navires allemands surpris par l'ou-
ragan s'échouèrent et furent brisés. L'accident est natu-
rellement d'autant plus grave que le vent et la mer sont
plus forts ; le navire, ne pouvant plus manœuvrer à la
lame, est violemment battu par elle et se brise fatalement ;
raccident est également plus sérieux quand le navire est
échoué par l'arrière que par l'avant, à cause du poids plus
considérable et de la plus grande difficulté par suite pour
le déhaler. Si l'échouage a lieu de jusant, il faut se hâter
de béquiller le navire pour éviter qu'il se couche à marée
basse (V.Béquillage). Si, au contraire, il s'échoue à marée
montante, il faut en profiter pour se déhaler et prendre
des précautions pour ne pas être porté plus à terre. La
première opération à faire est évidemment d'essayer de
faire parcourir en sens inverse au navire la route qu'il a
faite : on force les feux dans ce but et l'on fait machine en
arrière ; si l'on n'y parvient pas, on fait sonder le fond
pour chercher la route la meilleure. On allégera le bâti-
ment autant que possible ; on videra l'eau des caisses ;
on mettra à l'eau les embarcations ; on jettera à la mer le
lest volant, le charbon, l'artillerie, en ayant soin d'en
marquer la place par des orins et des bouées ; on prendra
garde d'obstruer la route du navire. Quand le navire est
échoué par un fond dur, ou que l'on éprouve des secousses,
il faut caler les mâts de hune, amener les basses vergues
et même couper la mâture si l'on craint de la voir tomber.
D'ailleurs, en principe, un navire ne doit jamais faire côte
avec sa mâture, car la prise que donne celle-ci au vent
nécessite l'eff'ort de deux ancres et empêche le bâtiment de
ÉCHOUAGE - ECHUCA
324 -
se relever. Pendant ce temps, on élonge avec les chaloupes
des ancres de jet et de bossoir, en se servant autant que
possible de câbles en chanvre, à cause de leur légèreté, et,
dès qu'un allégement se produit dans le navire ou qu'un
changement s'opère dans sa position, on force de vapeur en
même temps qu'on vire au cabestan pour le déhaler. On
lui fait même donner de la bande s'il est nécessaire pour
diminuer son tirant d'eau. Ces opérations sont toujours
fort dangereuses et engagent gravement la responsabilité
du commandant.
S'il y a danger de naufrage (V. ce mot), si la mer
déferle avec violence, menaçant de défoncer le bâtiment,
le commandant doit immédiatement faire les signaux de
détresse et préparer l'évacuation du bâtiment. Celle-ci
s'exécute soit avec les embarcations du bord, soit avec des
mâts, vergues et autres corps flottants dont on fait rapi-
dement un assemblage appelé radeau (V. ce mot), soit
enfin à la nage. Toutefois, il faut conduire les choses avec
prudence et fermeté : les canots sont dangereux,^ les ra-
deaux sont fort peu propres à la navigation, et l'on a vu
souvent le navire, même après avoir subi de graves avaries,
offrir plus de chances de salut.
II. Droit maritime. — Il y a échouage ou échouement
lorsqu'un navire touche sur un fond qui n'a pas assez de pro-
fondeur d'eau pour qu'il puisse continuer à marcher. Les
causes en sont très variées. Parfois le capitaine fait volontai-
rement échouer le navire en vue du salut commun. Dans les
cas autres que celui-là, l'échouage est qualifié de fortuit.
Lorsque l'échouage est fortuit, les frais faits pour ren-
flouer le navire rentrent dans la catégorie des avaries com-
munes. Lorsque ensuite de l'échouage le navire subit des
détériorations, on dit qu'il y a échouage avec bris. Le bris
peut être partiel ou absolu. Il est partiel lorsque le navire
n'est pas complètement mis hors d'état de naviguer et qu'il
peut reprendre la mer après quelques réparations. Il est
absolu quand il y a impossibilité de relever le navire. Qu'il
y ait bris partiel ou bris absolu, le propriétaire du navire,
lorsqu'il est assuré, a le droit d'olFrir aux assureurs le
délaissement du vaisseau et de leur réclamer le payement
de l'indemnité. En établissant ce cas de délaissement, le
législateur a voulu faire à l'assuré une faveur spéciale en
lui permettant de toucher l'indemnité sans attendre les
résultats toujours douteux d'une tentative de renflouement.
Cependant, il ne faudrait pas prendre cette règle trop au
pied de la lettre et venir prétendre que toute détérioration,
même la plus légère, peut donner lieu à l'action en délais-
sement. Les tribunaux saisis d'une pareille action ont un
large pouvoir d'appréciation, et ils ne devront l'admettre,
au cas de bris partiel, que lorsqu'il aura entraîné de graves
dommages. Il ne sera pas nécessaire pourtant que la perte
soit égale aux trois quarts de la valeur du navire, cette
circonstance constituant par elle seule une cause de délais-
sement. Il pourrait arriver que seules les marchandises
chargées sur le navire soient assurées, à l'exclusion de
celui-ci. Dans ce cas, l'échouement avec bris, dans les
conditions que nous venons d'indiquer, autoriseraft le dé-
laissement des marchandises. Ce que nous venons de dire
montre combien sont délicates les questions qui peuvent se
poser dans cette matière de l'échouage. Aussi, pour éviter
des difficultés de ce genre, les compagnies d'assurance
excluent-elles, en général, cette cause de délaissement de
leurs polices et stipulent-elles qu'il n'y aura lieu à délais-
sement que pour cause d'innavigabilité absolue. D'autres,
sans se montrer aussi exclusives et aussi rigoureuses, se
bornent à réglementer strictement les cas d'échouage
qui pourront engager leur responsabilité. La preuve de
l'échouage doit se faire en principe par les procès- verbaux
du capitaine et des autorités chargées de veiller au sauve-
tage. Mais ici encore on ne saurait poser de règle absolue,
et les tribunaux peuvent aller chercher ailleurs, même
dans des rapports non dressés conformément aux règles
prescrites, les éléments de leur conviction : étant donné
surtout qu'il est toujours loisible aux intéressés de contester
la valeur des preuves apportées par l'assuré à l'appui de sa
demande. Lyonnel Didierjean.
BiBL. ; Droit maritime. — Caumont, Dictionnaire de
droit maritime ; Paris, 1867, in-8, v«Assura7ice maritime —
Cresp sur LA.URIN, Cours de droit maritime ; Pans, 187b-
1882 1 vol in-8. — CouLON et Houard, Code des assurances
maritimes ; Paris, 1887, 2 vol. in-8. — Dalloz, Répertoire
méthodique et alphabétique de législation, etc.; Pans, 18o0,
t. XVIIl, v° Droit maritiine. — Laroque-Bordenave,
Traité des assurances maritimes ; Paris, 1876, m-8. —
Lyon-Caen et Renault, Précis de droit conmercial ;
Paris, 1879-1885, 2 vol. in-8.
ÉCHOUBOULAINS. Com. du dép. de Seine-et-Marne,
arr. deMelun, cant. du Châtelet; 6î2o hab.
ÉCH0UR6NAC. Com. du dép. de la Dordogne, arr. de
Ribérac, cant. de Monpont; 692 hab.
ECHT (Von) (V. Bachoff [Von EchtJ).
ECHTEH. Tribu importante de la Tripolitaine, qui vit
dans les montagnes voisines de Benghazi ; elle paraît d'ori-
gine arabe.
ECHTER (Michacl), peintre d'histoire allemand, né à
Munich le 5 mars 1812, mort à Munich le 4 févr. 1879.
Elève de l'Académie munichoise et de Schnorr von Carols-
feld, il se fit remarquer par un Saint Georges; plus tard
Schnorr l'associa aux peintures murales de la Résidence.
En 4846, il assista Kaulbach dans l'exécution des pein-
tures murales de la cage de l'escalier du nouveau musée
de Berlin. En 1860, Echter peignit pour le « Maximilia-
neum » de Munich la Bataille livrée aux Hongrois en
955. Le « National Muséum » de la même ville possède
quatre autres peintures de cet artiste, qui a en outre exécuté
à Munich les fresques de la gare, et, pour le roi, de nom-
breux tableaux dont les sujets sont tirés du cycle des
Nibelungen et des opéras de Wagner.
ECHTERMEYER (Karl), sculpteur allemand, né à Cas-
sel le 27 oct. 1843. Ses œuvres les plus connues sont
les statuettes en bronze d'un Satyre dansant et d'une
Bacchante dansante (Galerie nationale de Berlin), huit
cariatides et huit statues pour le musée de Cassel, un
Satyre et une Bacchante (théâtre de Dresde), les statues
colossales de l'Art et de la Science pour l'Ecole polytech-
nique de Brunswick.
ECHTERNACH. Ville du grand-duché de Luxembourg,
district de Grevenmacher, sur la rive droite de la Sure ;
3,710 hab. Scieries, moulins à blé, à tan et à huile ;
tanneries, fabriques de lainages, damas, faïences, etc.
Belle église romane de la première moitié duxi« siècle, res-
taurée en 1862. On y voit encore le tombeau de saint
Willibrord, qui est un but de pèlerinage, très fréquenté
surtout au temps de la Pentecôte. L'origine et l'importance
d'Echternach sont dus à une abbaye de bénédictins fondée
en 698 par Willibrord. Actuellement encore, on célèbre
une procession fondée au moyen âge en l'honneur du saint.
Elle remonte à le374, époque où l'épidémie de danse ma-
ladive (danse de Saint-Guy) se répandit dans la région
rhénane et les Pays-Bas. Pour la guérir, on créa la pro-
cession du saint. Le mardi de la Pentecôte, les pèlerins,
dont le total peut s'élever à quinze mille, s'assemblent au-
près d'une croix sur le pont de la Sure. Après un court
sermon, le clergé et des chantres prennent la tête, enton-
nant la litanie de saint WilUbrord ; les pèlerins suivent en
dansant d'après l'air ; ils font alternativement cinq pas en
avant et deux pas en arrière, ou trois pas en avant et un
pas en arrière. Ils se groupent par trois ou six, se tenant
aux mains ou par des mouchoirs ; sautant ainsi en cadence,
ils traversent le pont, se rendent à l'église paroissiale, y
déposent leur offrande, puis vont au cimetière, où finit cette
procession, d'une durée movenne de deux heures.
BiBL. : Sax, Beitrœgezur Geschichte der Abtei Ecliter-
nach; Luxcmbourix, 1874. — Krier, Ueber die Spring-
prozession ; Luxembourg, 1871. — Reiners, Die Spring-
prozession; Francfort-sur-le-Main, 1884.
ECHUCA ou HOPEWOODS Ferry. Ville d'Australie,
colonie de Victoria, sur la rive gauche du Murray, au con-
fluent du Campapse ; 4,000 hab. Commerce de laines, transit
entre les colonies de Victoria et Nouvelles-Galles du Sud.
3^25
ÉCÏDIE — ECKARDT
ÉCIDIE (Bot.). Organe reproducteur de certains Cham-
pignons, de la famille des Urédinées (V. iEciDiuM).
ÉCIDIOLE (Bot.). Appareil sporifère des JRcidium (V.
ce mot).
ECU A. Ville d'Espagne, province de Séville, près du
Xénil, appelée le Poêle de l'Andalousie^ parce que c'est
l'endroit d'Espagne où se font sentir les plus fortes chaleurs.
L'été y est vraiment très dur, et autrefois l'atmosphère était
viciée par les miasmes d'un marécage qu'on a desséché. La
ville a de nombreuses rues tortueuses et étroites, des mai-
sons bien construites pour l'été, quelques belles promenades
et places, une grande plaza de toros, etc. Aux environs sont
de belles fermes et maisons de plaisance ; le pays produit de
nombreux moutons, porcs, chevaux, taureaux renommés,
mulets, ânes; on cultive l'oUvier, la vigne, les légumes; la
production en huile est très considérable ; il y a dans la ville
des fabriques de cotonnades, de soieries, et aux environs
on exploite des salines. Ecija, VAstigi des Romains, est
aujourd'hui le chef-lieu d'un district qui comprend trois
communes et a une pop. de 24,935 hab. E. Cat.
ÉC IMAGE (Yitic). L'écimage consiste à supprimer
le sommet des rameaux herbacés; son but est d'em-
pêcher l'élongation du rameau, la poussée de nouvelles
feuilles et de concentrer les matières nutritives dans les
fruits. Il a pour résultat de diminuer la coulure. C'est une
bonne opération quand on la pratique seulement sur les
rameaux fructifères dans les tailles à long bois et exclusi-
vement dans les vignobles des régions où la vigne n'a pas
une très grande vigueur. Il faut écimer dans ce cas surtout
au moment de la floraison; l'opération est ensuite renouvelée
une fois ou deux à des intervalles réguliers et avant la
véraison. L'écimage est une mauvaise pratique pour les
vignobles méridionaux, car elle a pour effet de faire
pousser des rameaux secondaires sur le rameau principal et
de transformer en végétation herbacée les matières nutri-
tives que l'on veut concentrer dans les fruits ; le résuhat
obtenu est l'inverse de celui qui se produit dans les vigno-
bles du Nord. P. Viala.
ECITON {Eciton Latr.) (V. Fourmi).
ECK. Lac d'Ecosse, comté d'Argyll, au centre de la
presqu'île de Cornai ; Il kil. de long, 400 à 600 m. de
large. Ses eaux vont à l'estuaire de la Clyde.
ECK (Leonhard von), jurisconsulte allemand, né à
Kelheim en 1475, mort le 17 mars 1530. Précepteur,
puis chancelier (1519) du duc de Bavière, Guillaume IV,
il eut sur celui-ci une influence prépondérante et fut du-
rant trente ans l'inspirateur de la politique bavaroise,
adversaire résolu de la Réforme, cherchant à faire élire
son maître roi des Romains.
BiBL.: VoGT, Die bayrische Politik im Bauernkvieg und
der Kcinzler Dolitor Leonhard von Eck; Nordiingue, 1883.
ECK (Johann Maier von), théologien cathohque allemand,
né à Eck (Souabe) le 13 nov. 14§6, mort à Ingolstadt le
10 févr. 1543. Il fut un des adversaires les plus violents
de la Réforme. Ayant étudié à Heidelberg, à Tubingue et
à Cologne, il devint un des théologiens catholiques les plus
érudits et un disputateur de premier ordre ; en même
temps, il était philosophe nominaliste et un excellent huma-
niste. En 1510, il devint professeur de théologie à l'uni--
versité bavaroise d'Ingolstadt. Il attaqua Luther, avec qui
il avait eu des relations amicales, dans ses Obelisci (1518),
puis au colloque de Leipzig (1519). Devenu le champion
attitré de Rome, il fut de presque tous les colloques où il
s'agissait de discuter avec les réformateurs : à Bade (1526),
à Worms (1340), à Ratisbonne (1541). Il fut un des ré-
dacteurs de la Confutation opposée à la Confession d'Augs-
bourg. Ses principaux écrits sont : De non tollendis
Cfiristi et S. S. imaginibus (1522) ; De Pœnitentia et
Confessioïie (1523) ; De Initio pœnitentiœ, seu contri-
tione (1523) ; De Satisfactioîie (1323) ; Enchiridion
locorum communium. Adversus Lutliercmos (1525);
Sacrifwio Missœ (1526). Lui-même a publié une collec-
tion de tous ses ouvrages de controverse, sous le titre
Operimi Joli. Eckii contra Lutkerum (1530-35, t. I-IV).
Pour opposer une version allemande de la Bible à celle
de Luther, il traduisit l'Ancien Testament d'après la Vul-
gate, mais en utilisant beaucoup l'œuvre du réformateur.
C'est Jérôme Emser qui traduisit le Nouveau Testament
(V. Luther). Ch. Pfender.
BiBL. : Félix Kuhn, Luthei\ sa vie et son œuvre; Paris,
1881, 3 vol. — WiEDEMANxX, D'- Joh. Eck, 1865.
ECKARD (Jean), publiciste français, né à Versailles en
1761, mort à Paris en déc. 1839. D'abord avocat dans
sa ville natale, puis notaire à Sèvres de 1791 à 1800, il
vint plus tard habiter Paris. Sorti de son domicile, rue
Villedot, le 14 déc. 1839, vers six heures du soir, il ne
reparut pas, et son cadavre, entièrement dépouillé, ne fut
retrouvé dans la Seine que six semaines plus tard. Monar-
chiste convaincu, Eckard a fait preuve dans ses diverses
publications d'un sens critique bien rare à l'époque où il
écrivait, et il n'allègue rien sans preuve. Aussi ses diverses
dissertations, tirées pour la plupart à cent exemplaires,
ont-elles conservé une réelle valeur. On connaît de lui :
Notice sur le général Victor-Léopold Berthier (1807,
in-4) ; Mémoires historiques sur Louis XF//, roi de
France et de Navarre, suivis de Fragments histori-
ques sur le Temple (1816, in-8; 3^ éd., 1818) ; Notice
sur le manuscrit original de la relation des derniers
événements de la captivité de Monsieur, frère de
Louis XVI (1823, in-8) ; Lettre à M. A. Dumesnil,
éditeur des Mémoires de Sénart (1824, in-8); Notice
sur J.-B. Hanet-Cléry (1825, in-8); Question d'état
civil historique : Napoléon Bonaparte est-il né Fran-
çais? (1826, in-8); la Vérité rétablie sur quelques-
uns des principaux événements du 9 thermidor an II
(1828, in-8); Notice sur Jacques Peuchet(iS'SO, in-8);
Supplément aux Mémoires historiques sur Louis XVII
(1831, in-8) ; Un Dernier Mot sur Louis XVII (1832,
in-8) ; Démarques sur un écrit posthume de Peuchet
intitulé Recherches sur rexhumation du corps de
Louis XVI (1835, in-8); Recherches historiques et cri-
tiques sur Versailles (1834, in-8; 2^ éd. aiigm.,1836,
in-8) ; Etat, au vrai, de toutes les sommes employées
par Louis XIV aux créations de Versailles, Marly, etc.,
et leurs dépendances (1836, in-8), d'après un manuscrit
que l'éditeur croyait, à tort, inédit et dont Lemontey avait
déjà fait usage, mais pour en tirer des conclusions toutes
différentes, combattues par Eckard dans une lettre : A M.
J. Taschereau, au sujet des dépenses de Louis XIV
(Versailles, 1836, in-8). Eckard a aussi édité, avec Lucet,
les Hommages poétiques sur la naissance du roi de
Rome (1811, in-8), et, avec Sérieys, àQ?> Lettres inédites
de M"^^ du Châtelet (1818, in-8), publication très défec-
tueuse à tous égards, dont M. Eugène Asse a donné depuis
le texte authentique et complet (1878, in-18). M. Tx.
ECKARDT (Ludwig), écrivain allemand, né à Vienne
le 26 mai 1827, mort à Tetschen le 1«^ févr. 1871. Il
débuta par un drame, Thron und Hiltte (Vienne, 1846).
Compromis dans les événements de 1848, il se réfugia en
Suisse, revint en 1862 à Karlsruhe comme bibliothécaire;
il fit, à partir de 1867, des tournées de conférences en
Allemagne. Outre ses drames littéraires, Sokrates (léna,
1858), Friedrich Schiller (léna, 1859), Palm (léna,
1860), Weltburger und Patriot (léna, 1862), Josefine
(Mannheim, 1868), il a donné des Nouvelles (Mannheim,
1867); un roman, Nikolas- Manuel (léna, 1862); des
dissertations esthétiques, Anleitung dichterische Meis-
terwerke zu lesen (Leipzig, 1883, 3^ éd.); des commen-
taires de pièces de Schiller, enfin Vorschule der OEsthetik
(Karlsruhe, 1864-65, 2 vol.) et une collection de confé-
rences (Stuttgart, 1817).
BiBL. : Arnold, Ludwig Echardt; Leipzig, 1867.
ECKARDT (Christian-Frederik-Emil), peintre danois, né
à Copenhague le 2 juil. 1832. Il fit ses études et ses
voyages arlistiques en travaillant comme peintre de décors
et en retouchant des photographies, et il a été deux fois
— 326
ECKARDT — ECKERNFŒIRDE
médaillé par l'Académie des beaux-arts de Copenhague
pour ses scènes de la vie des pêcheurs. B-s.
ECKARDT (Julius), publiciste allemand, né à Wolmar
en Livonie le 4^'' août 4836. Il étudia le droit à Péters-
bourg, à Dorpat et à Berhn, et devint, en 4860, secré-
taire du consistoire de la Livonie; il entra en même temps
à la rédaction du Journal de Riga, organe prmcipal du
parti allemand dans les provinces baltiques. Obhgé de quit-
ter la Russie, en 1867, il vint en Allemagne et collabora
aux Grenzboten dirigés par Freytag, au Correspondent
de Hambourg et à la Hamburgische Bœrsenhalle, Il fut
secrétaire du sénat de Hambourg de 4870 à 4882, et il
est depuis 4885 consul d'Allemagne à Tunis. Il a piibhe,
sur les conditions sociales et économiques des provinces
baltiques, un grand nombre d'écrits, dont les principaux
sont : Die baltischen Provinzen Russlands (Leipzig,
4869, 2« éd.), et Russlands lœndliche Zustœnde seit
Aufhebung der Leibeigenschaft (Leipzig, 4870). On lui
attribue également : Aus der Petersburger Gesellscliatt
(Leipzig, 4875, 5« éd.); Riissland vor und nach dem
Kriege (Leipzig, 4879, 2« éd.); Berlin und Petersburg
(Leipzig, 4880, 2« éd.); Von Nikolaus L %u Alexan-
der IIL (Leipzig, 4884, 2« éd.), et Russische Wand-
lungen (Uipz\g, 4882, 2«éd.). Il a commencé à faire
paraître, en 4876, un ouvrage historique sur la Livonie,
Liuland im achtzehnten Jahrhundert (Leipzig). A. B.
ECKART, personnage légendaire, qui figure dans les
expéditions fabuleuses des Goths sur le Rhin et en Italie,
et dont la tradition s'est vaguement conservée jusqu'à nos
jours dans la poésie allemande. Il avait été chargé de faire
l'éducation chevaleresque de deux neveux du roi Erma-
narich. Or il apprit un jour que quelques compagnons
d'armes du roi voulaient surprendre les deux princes dans
leur château, situé aux bords du Rhin. Aussitôt il monte à
cheval et voyage nuit et jour, pour prévenir les traîtres.
Ne trouvant aucune embarcation pour traverser le fleuve,
il se jette à la nage, tirant son cheval par la bride derrière
lui. Les deux jeunes gens mettent leur château en état de
défense, et font bonne contenance devant l'ennemi. Eckart
fut considéré dans la suite comme le modèle de la loyauté
chevaleresque; son rôle fut surtout d'avertir ses amis
d'un danger qu'ils couraient. On l'appelait le fidèle Eckart :
c'est sous ce titre que Gœthe l'a célébré dans une ballade
(V. W. Grimm, Deutsche Heldensage, iU). A. B.
ECKARTSBERGA. Ville d'Allemagne, roy. de Prusse,
district de Mersebourg ; 2,026 hab. Ruines de VEckarts-
burg. Fondée en 998 par le margrave de Misme, ce fut
une place assez forte. Le 44 oct. 4806, un combat d'ar-
rière-garde y eut lieu entre Français et Prussiens, com-
plétant la victoire d'Auerstaedt.
ECKBOLSHEIM (Eggiboldesheim, 884). Com. de la
Basse-Alsace, arr. de Strasbourg, cant. de Sclnltigheim ,
à 4 kil. au S.-O. de Strasbourg, sur le canal de la
Bruche et la ligne de tramway de Strasbourg à Wolfisheim ;
4,645 hab. laiterie, tuileries. Eglise protestante, avec tour
gothique. — Eckbolsheim, que Dagobert II, roi d'Austrasie,
doit avoir légué en 679 à l'ancien monastère de Saint-Thomas
à Strasbourg, possédait autrefois un couvent de religieuses
de Sainte-Marguerite et une chartreuse. L, W.
RiBL. : Grandidier, (Euvres historiques inédites ;
Colinar, 1865, V. pp. 370-374. - Du mùmo, Histoire de
VEqlise de Strastjourg, I, 385-386.
ECKEHART, moine de Saint-Gall (V. Ekkehart).
ECKENBRECHER (Karl-Paul-Themistokles von), paysa-
giste allemand, né à Athènes le 44 nov. 4842. Il com-
mença ses études à Potsdam, les continua à Dusseldorf et
les acheva en Suisse. Ses œuvres les plus connues sont :
la Place près de la mosquée de Uni Djami à Stam-
boul (1873) ; Six Paysages d'Islande (1873) ; le Cap
du Nord, la Ville de Brousse (4876). Depuis 4880, il
se voua plus spécialement à la peinture de tableaux pano-
ramiques, parmi lesquels figure la Bataille de Gravelotte.
ECKER. Affluent deVOcker (grand-duché de Brunswick),
qui descend du Brocken par une vallée très pittoresque.
ECKER (Alexander), médecin allemand contemporain, né
à Fribourg le iO juil. 4846. Professeur d'anatomie et de
physiologie successivement à Bâle (depuis 1844) et à Fri-
bourg (depuis 4850), il est l'auteur d'un grand nombre
d'ouvrages surl'anatomie, la physiologie, l'anatomie patho-
logique,' etc. Citons en particulier : Der feinere Bau der
Nebennieren (Brunswick, 4846, 2 pi.); Icônes phijsio-
logicœ (Leipzig, 4854-59, in-fol.); Die Anatomie des
Frosches, etc. (Brunswick, 4864-83, in-8) ; Crania Ger-
maniœ, etc. (Fribourg, 4875, in-4, 38 pi.); Die Hirn-
luindungen der Menscfien (Brunswick, 4869, in-8 ; 2«
édit., 4883). Dr L. Hn.
ECKERMANN (Johann-Peter), écrivain allemand, né à
Winsen en Hanovre le 24 sept. 4792, mort à Weimar le
3 déc. 4854. Il était fils d'un colporteur et ne reçut
d'abord aucune instruction. En 4843, il prit part au sou-
lèvement de la jeunesse allemande contre Napoléon, et il
entra comme volontaire dans un régiment de hussards
qui opéra dans la Belgique. En 4845, il obtint un emploi
à la chancellerie de la guerre, à Hanovre. Il refit tardive-
ment son éducation négHgée, entra à vingt-cinq ans au
gymnase de Hanovre, et passa ensuite deux années à
l'université de Gœttingue. Il se mit au courant de la litté-
rature allemande et latine, lut Klopstock et Schiller,
s'exerça à traduire Horace, Virgile, Ovide ; mais ce fut
Gœthe qui produisit sur lui l'impression la plus puissante.
« H me sembla, dit-il, que je m'éveillais pour la première
fois à la vie, et que je prenais seulement conscience de
moi-même ; il me sembla que ma propre âme, qui jusque-
là m'était inconnue, m'était renvoyée dans un miroir. »
Dès lors, son unique pensée fut de se rapprocher de
Gœthe. Il lui envoya ceux de ses travaux qu'il jugea les
meilleurs ; c'étaient des articles de critique et de théorie
littéraire, qui parurent ensuite sous le titre de Beitrœge
zur Poésie (Stuttgart, 4823). La réponse de Gœthe ayant
été encourageante, Eckermann partit pour Weimar. Il faut
lire la suite dans les premières pages du livre qui a rendu
Eckermann célèbre, dans ses Conversations avec Gœthe,
Il fut, à partir de 4823, le secrétaire particulier du poète,
qui le chargea de conduire son fils en Italie en 4830, et
le nomma son exécuteur testamentaire. Après la mort de
Gœ^the, Eckermann devient conseiller aulique et biblio-
thécaire de la grande-duchesse Louise. Les deux premiers
volumes des Conversations furent publiés à Leipzig, en
4836, quatre ans après la mort de Gœthe; le troisième,
contenant des extraits plus détaillés, et augmenté des
souvenirs de Soret, précepteur du prince héréditaire de
Saxe-Weimar, parut à Magdebourg, en 4848. Ensuite
les éditions se multiplièrent, et Fouvrage fut traduit dans
toutes les langues de l'Europe ; une excellente traduction
française, précédée d'une introduction de Sainte-Beuve,
a été faite par M. Délerot (Paris, 4863, 2 vol.).
Ces conversations sont un précieux recueil de renseigne-
ments ; on y voit Gœthe s'exprimer avec une entière fran-
chise sur tous les événements de son temps, marquer ses
rapports avec ses contemporains, rendre compte de son
immense lecture. Sainte-Beuve déclare que ce livre l'a
fait avancer d'un degré dans la connaissance du poète.
Eckermann publia aussi, avec un autre secrétaire de
Gœthe, Riemer, la première édition complète des œuvres
de Gœthe (Stuttgart, 4839-4840, 40 vol.). Ses propres
poésies (Leipzig, 1838) sont insignifiantes. A. B.
ECKERIVIAN'n (Karl), paysagiste allemand, né à Weimar
en 4834. Elève de Preller et de Schirmer, il s'est fait
' connaître par la Plaine du Rhin et les Vosges, Vile de
Rilgen, un Paysage dans les. landes de Lûnebourg, un
Paysage pendant V orage, etc.
ECKERNFŒRDE. Ville d'Allemagne, roy. de Prusse,
prov. de Slesvig-Holstein, entre la baie du môme
nom sur la Baltique et le lac Windebv; 5,324 hab. Chris-
tian IV la prit en 4628; le 7 déc. ^4843, Walmoden y
battit les Danois. Le 5 avr. 4849, deux navires danois y
— 327 —
ECKERSBERG — ECKHEL
furent détruits par les batteries allemandes. La cession à
l'Allemagne a ruiné le commerce d'Eckernfœrde.
ECKERSBERG (Christoph-Wilhelm) , portraitiste et
peintre d'histoire allemand, né à Varnaes (Slesvig) le
2 janv. 1783, mort à Copenhague le 22 juil. 1833. Cet
artiste fit ses études à Copenhague, en Italie et à Paris.
Ses meilleures œuvres sont : Moïse au passage de la mer
Rouge (1817), la Mort de Baldur, la Rade de Helsingôr;
plusieurs Marines et les portraits de la Famille royale
de Danemark, de Thorwaldsen et à'OEhlenschlâger.
ECKERT (Karl-Anton-Florian), musicien allemand, né
à Potsdam le 7 déc. 1820. Son père, ancien soldat des
troupes polonaises de Napoléon P% entra comme brigadier
de douanes au service de la Prusse, et fut tué par des
contrebandiers. Sa mère retourna alors en Pologne, le
confiant aux soins des camarades de son père. A trois ans,
il fut adopté par ]VP^^« de Fœrster, qui fit les frais de son
éducation. En 1830, il fut élève de Zelter, et plus tard de
Rungenbagen. Spontini lui adressa des éloges, et il travailla
enfin sous la direction de Mendelssohn, à Berlin. Eckert
a voyagé en Italie, en Belgique, en Hollande, en France,
mais ne put se faire suffisamment connaître à Paris, où il
remplit, en 1852, les fonctions de chef d'orchestre du
Théâtre-Italien. Après avoir été chef d'orchestre à Vienne,
maître de chapelle à Stuttgart, à Munich, à Bade, il a
dirigé assez longtemps l'orchestre de l'Opéra de Berlin et
des concerts de la cour. Son opéra le plus connu est
Guillaume d'Orange^ représenté en 1846, et, parmi ses
autres ouvrages, on remarque Catherine de Nuremberg^
le Charlatan, avec symphonie, une ouverture de fêtes, des
lieder, etc. Alfred Ernst.
ECKHARD (Karl-Maria- Joseph), homme politique alle-
mand, né à Engen (Bade) le 13 mars 1822. Un des chefs
du parti libéraf dans le grand-duché de Bade, il siégea à la
Chambre badoise depuis 1861, au Reichstag de 1871 à
1874, rapporteur du projet d'alliance avec la Prusse (1867)
et du traité de Versailles (déc. 1870).
ECKHARDT (V. Eckarï).
ECKHART (Johann, dit Maître), philosophe mystique
allemand, né vraisemblablement en Thuringe vers 1260,
mort, à ce que l'on croit, à Cologne, vers 1327. Sa vie est
mal connue. On sait seulement qu'il entra de bonne heure
dans l'ordre des dominicains. Nous le trouvons, aux envi-
rons de 1293, prieur des dominicains d'Erfiirt et vicaire
de son ordre pour la Thuringe. En 1300, il fut envoyé à
l'université de Paris, où il s'enfonça dans l'étude d'Aristote
et des platoniciens et obtint le grade de maître es arts.
Peut-être enseigna-t-il dès cette époque à Paris. Sa répu-
tation d'érudit et de penseur était déjà retentissante, et il fut
appelé à Rome en 1302 pour assister le pape Boniface VIII
dans sa lutte contre Philippe le Bel. En 1 304 , il devint
provincial de son ordre pour la Saxe et, en 1307, vicaire
général pour la Bohême. En 1311, il fut envoyé de nou-
veau à l'école des dominicains de Paris, puis à celle de
Strasbourg pour y pr-oiesser la théologie. Partout où il passa,
il semble que son enseignement et sa prédication laissèrent
des traces profondes. A Strasbourg même, son activité
éveilla des soupçons et lui créa des ennemis ; on assimila sa
doctrine à celle des Beghards et des frères du Saint-Esprit, et
le supérieur général de l'ordre chargeâtes prieurs de Worms
et de Mayence de soumettre ses écrits à une enquête.
L'histoire de cette enquête est des plus obscures ; il semble
bien qu'Eckhart fut cité devant le tribunal de l'Inquisition
de Cologne et qu'il désavoua par avance tout ce que sa doc-
trine pouvait, à son insu, contenir qui ne fût pas conforme
à la plus pure orthodoxie. L'enquête alla jusqu'au pape qui,
en 1329, condamna quelques propositions tirées des livres
d'Eckhart, deux ans après la mort de celui-ci. Eckhart avait
beaucoup écrit ; quelques sermons seulement et quelques
traités lui ont survécu ; on les trouvera dans les recueils
de PfeifFer (Deutsche Mystiker; Leipzig, 1837, t. II) ; de
Preger (Zeitschrift filr hist. TheoL, 1864-66) ; de Sievers
(Haupfs Zeitschrift filr deutsch, Alterth. , t. XV).
L'importance d'Eckhart dans l'histoire de la scolastique est
considérable. A cette époque, tout l'effort de la philosophie
religieuse tendait à élargir la théologie pour y faire rentrer
la science universelle, en conciliant la raison et la foi.
A cette dialectique toute formelle du connaître, Eckhart,
le premier au moyen âge, a ouvertement substitué une dia-
lectique de l'Etre assez analogue à celle des mystiques
alexandrins. La notion fondamentale de sa philosophie est
celle de l'Absolu, ou unité abstraite, conçu comme seul
existant réellement. Hors de Dieu, pas d'existence réelle.
Ce Dieu est le ôsoç aYvtoaTo; des néo-platoniciens ; il est abso-
lument dépourvu d'attributs; toute détermination serait une
limitation de son être infini. Dieu est incompréhensible ; en
réalité, il n'est rien autre, au regard de notre intelligence
bornée, que l'éternel possible, origine et fin dernière do
toute chose. Comment donc ce Dieu peut-il être une per-
sonne ? C'est que le Père engendre éternellement le Fils dans
lequel il prend conscience de lui-même, et le retour du Fils
au Père dans un mutuel amour est l'Esprit. En même temps
que le Fils, Dieu engendre les formes idéales des choses
créées. L'absolu est ainsi le fond commun de Dieu et de
l'Univers. Comme le Fils encore, toute chose née de Dieu
tend à retourner à Dieu pour s'abîmer dans l'unité de l'être.
Cette théologie est un pur panthéisme. De cet absolu, nous
ne connaissons d'ordinaire que les apparences sensibles ;
mais l'homme, en faisant effort pour s'abstraire du temps et
de l'espace, a le pouvoir d'atteindre cet absolu ; ce pouvoir,
qu'Eckhart appelle étincelle (Scintilla, Filnklein) vient
de Dieu. C'est au fond Dieu agissant dans l'homme ; connaître
Dieu, c'est s'identifier à Dieu. C'est là la fin dernière de notre
activité, et le moyen d'y parvenir serait le quiétisme absolu.
Mais Eckhart recule devant ces conséquences ; il admet que
les facultés humaines ont un emploi légitime et n'a jamais nié
l'efficacité des bonnes œuvres. Il n'est qu'à moitié vrai qu'il
ait devancé la Réforme dans cette voie. Th. Ruyssen.
BiBL. : Martensen, Meister E. ; Hambourg, 1842. —
SciiMiDT, dans les Mém. de VAcad. des sciences mor. et
polit., 1845. — Heidrich, Das theologische System Mstr.
EckharVs, 1864. — Pfeiffer, Deutsche Mystiker ; Leipzig,
1857, t. II. — Bach, Mstr. E. der Vater der deutsch. Spécu-
lation ; Vienne, 1864. — Lasson, Mstr. E. der Mytiker ;
Berlin, 1868. — Preger, Zeitschr. f. historische Theol.,
1864-1869. — Du n:iême, Mstr. E. und die Inquisition, 1869. —
JuNDT, Essai sur le mysticisme spéculatif de M. É., 1871.
— Linsenmann, Der eth. Char, der Lehre M. EckharCs.
1873. — Preger, Gesch. der deutsch. Mystih im Mittelal-
1er; Leipzig, 1874, t. I.
ECKHART (Johann-Georg von), historien et érudit alle-
mand, né à Duingen (duché de Brunswick) le 7 sept. 1664,
mort à Wurzbourg le 9 févr. 1730. Il professa l'histoire
à Ilelmstedt, puis à Hanovre, se convertit ensuite au
catholicisme et finit ses jours comme bibliothécaire du
prince-évêque de Wurzbourg. Parmi ses ouvrages nom-
breux, on distingue : Leges Francorum Salicœ et Ripua-
riorum (Franctbrt, 1720, in-foL); Origines Habsburgo
Austriacœ (Leipzig, 1721, in-fol.) ; Historia genealogica
principum Saxoniœ super ioris (1722, in-fol.) ; Corpus
histor. medii œvi à tempore Caroli Magni usque ad
finem sœculi XV (1723, 2 vol. in-fol.); Commentarii
de rébus Franciœ orientalis (1729, 2 vol. in-fol.) ; De
Origine Germanorum, migrationibus ac rébus geslis
(Gœttingue, 1750, in-4). Il a en outre édité les Collée-
tanea etymologica de Leibniz.
ECKHEL (Joseph-Hilarius), savant jésuite et numisma-
tiste autrichien, né à Enzersfeld-sous-Enns (Autriche) le
13 janv. 1737, mort à Vienne le 16 mai 1798. Il étudia
au collège des jésuites de Vienne, puis à Leoben ; en 1756,
il fut chargé d'enseigner le latin au Theresianum; plus
tard, il professa successivement à Steyr (Autriche) et au
gymnase de Vienne. Le P. Khell l'initia à la connaissance
des monnaies antiques, et, plus tard, Eckhel succéda à
ce savant comme garde du cabinet des médailles des
jésuites. Après un assez long séjour en Italie, Eckhel ren-
tra dans sa patrie et fut nommé, en 1774, directeur du
cabinet des médailles de Vienne et professeur d'antiquités.
Ce fut Eckhel qui éleva la numismatique à la hauteur d'une
ECKHEL — ECLAIR
-^ 328 —
science; jusque-là, ce n'avait été pour les amateurs de
monnaies anciennes qu'une agréable distraction, malgré de
fécondes découvertes dues aux Spanheim, aux Frœlich,
aux Vaillant, aux Morelli, aux Pellerin même. L'ouvrage
essentiel d'Eckhel, chef-d'œuvre de science, de critique et
de clarté, qui est resté encore aujourd'hui le code des
études de numismatique, est intitulé Doctrina numorum
veterum (1792 à 1798, 8 vol. in-4). On lui doit, en
outre : fourni veteres anecdoti ex museis Cœsareo Vin-
dobonensis, Florentino magni ducis Etrusciœ, etc.
(Vienne, 1775, 2 vol. in-4) ; Catalogus musœi Cœs.
Vindobonensis numorum veterum (Vienne, 1779,
2 vol. in-fol.) ; Descriptio numorum Aîitiochiœ Syricc
(Vienne, 1786, in-4) ; Explication d'un choix des
pierres gravées du cabinet impérial des antiques
(Vienne, 1788, in-foL). E. Babelon.
ECKHOUT (V. Eeckhout).
ECKMUHL. Village d'Algérie, dans la banlieue d'Oran,
à quelques centaines de mètres de la porte de Tlemcen,
composé de villas et de maisons de plaisance qui forment
aujourd'hui comme un quartier d'Oran ; on l'appelle aussi
Noiseux, du nom d'un architecte qui trouva à une dizaine de
kilomètres la source qui alimente Oran d'eau potable.
ECKMUHL (Bavière) (V. Eggmùhl).
ECKMUHL (Prince d') (V. Davout).
ECKSTEIN (Johann), peintre et sculpteur allemand,
mort à Londres en 1798. En 1762 et en 1764, Eckstein
remporta des prix pour ses bas-reliefs. On lui doit le
Retour des soldats (1796) ; Un Groupe de famille, etc.,
et on lui attribue deux beaux bas-reliefs de la « Kunst-
kammer » à Berlin.
ECKSTEIN (Ferdinand, baron d'), publiciste et phi-
losophe français, d'origine danoise, né à Copenhague en
sept. 1790, mort à Paris le 25 nov. 1861.11 se fit catholique
à Rome, à l'âge de dix-sept ans, et, après avoir terminé ses
études à Gœttingue et à Heidelberg, il ht, dans le corps franc
de Lutzow, les campagnes de 1812, 1813 et 1814. Il devint
officier en Hollande, puis chargé de la police militaire et
civile à Gand, où il vit Louis XVIII en 1815 ; enfin il travailla
à la délimitation de grand-duché de Luxembourg. Son abju-
ration lui créa des difficultés daiis les Pays-Bas, qu'il quitta
pour venir en France, où il fut nommé commissaire géné-
ral de police à Marseille, et bientôt, en 1818, inspecteur
général au ministère de la police ; enfin il fut attaché aux
affaires étrangères jusqu'en 1830. Il collabora activement
au Drapeau blanc, feuille ultra-royaliste, à divers pério-
diques de même opinion, notamment à la Quotidienne et
au recueil le Catholique, fondé par lui (1826). Il ramenait
tout au catholicisme pur, et partageait la plupart des doc-
trines de de Maistre et de Bonald. Outre ses articles de revues
et de journaux, le baron d'Eckstein a laissé : De l'Espagne,
considérations sur son passé, son présent et son ave-
nir, etc. (Paris, 1836, in-8).
ECKSTEIN (Friedrich-August) , pédagogue allemand,
né à Halle le 6 mai 1810, mort à Leipzig le 15 nov. 1885.
Professeur à Halle, puis à l'université de Leipzig (1862),
recteur de l'école latine de Halle depuis 1842 à 1863, puis
de l'école Thomas (1863-1881) à Leipzig, il fut l'orga-
nisateur des congrès philologiques, rédigea des éditions
classiques d'auteurs latins et de plus : Nomenclator phi-
lologorum (Leipzig, 1871) et Lateiîiischer Unterricht
(Leipzig, 1882, dans V Encyclopédie de Schmid).
ECKSTEIN (Ernst), poète, romancier et publiciste alle-
mand, né à Giessen le 6 févr. 1845. Il reçut sa première
instruction au gymnase de cette ville, et voyagea ensuite
en Italie et en France. Après avoir fait ses études acadé-
miques à Giessen, à Bonn, à Berlin et à Marbourg, il se
rendit à Paris (1868), où il termina son premier ouvrage,
un poème humoristique intitulé Schach der Kœnigin
(Stuttgart, 1870). D'autres résultats de son séjour à Paris
furent: Pariser Silhouetten (Leipzig, 1873) ; Die Ges-
penster von Varzin (Leipzig, 1870), et le poème héroï-
comique, Der Stumme von Sevilla. Ces ouvrages, qui
eurent aussitôt plusieurs éditions en Allemagne, firent à Eck-
stein la réputation d'un écrivain alerte et spirituel, fort au
courant des choses de son temps. Il reprit ses voyages après
1870, et visita le midi de l'Europe. En 1874, il s'établit à
Leipzig, comme principal rédacteur de deux feuilles litté-
raires et satiriques, Deutsche Dichterhalle (1874-1879)
et Schalk (1879-1882). En même temps, il exerça sa
plume facile dans un grand nombre de poèmes, de romans
et de nouvelles. Parmi ses poèmes, il faut citer surtout
Venus Urania (Stuttgart, d872) et Murillo (Leipzig,
1879). Un de ses derniers romans. Die Claudier{\imne,
1882, 3 vol.), où il décrit la société romaine au temps de
l'Empire, a été traduit en plusieurs langues.
ECLACTISMOS (V. Danse, t. XHI, p. 864).
ÉCLAIBES. Com. du dép. du Nord, arr. d'Avesnes,
cant. de Maubeuge, sur un affl. de la Sambre; 267 hab.
Ruines d'un ancien château féodal reconstruit au xvi^ siècle
et qui a appartenu aux maisons de Croy et d'Orléans.
Eglise du xvi*^ siècle.
ÉCLAIR. I. Physique. — C'est la manifestation lumi-
neuse de la foudre, dont le tonnerre est la manifestation
sonore. Arago, qui a publié en 1837 une importante notice
sur la foudre, distingue les éclairs en trois classes : les
éclairs en zigzag ou de première classe qui apparaissent sous
forme d'un sillon de lumière très resserré, très mince, très
arrêté sur les bords ; ils sont de couleurs variées : on en a
vu de purpurins, de violacés, de bleuâtres. Kundt et Vogel,
qui ont examiné la lumière des éclairs au spectroscope, y
ont parfois reconnu la présence de raies dues à l'oxygène
et à l'azote de l'air. Les éclairs ne suivent nullement la
ligne droite : non seulement ils vont en zigzag, mais souvent
même ils semblent rétrograder. Ce phénomène, rare d'or-
dinaire, est très fréquent au voisinage des volcans. Hamilton
décrit ainsi des éclairs qui ont accompagné l'éruption du
Vésuve de 1799 : ces éclairs volcaniques abandonnaient
très rarement le noir nuage de cendres qui s'avançaient
vers la ville de Naples ; ils retournaient vers le cratère du
volcan et rejoignaient la colonne ascendante enflammée d'où
originairement on les avait vus sortir. M. d'Abbadie, en
Ethiopie, a vu des éclairs en forme de V jaillir entre deux
nuages. Assez souvent les éclairs se bifurquent en deux,
plus rarement en trois traits lumineux. La longueur des
éclairs est très variable ; elle atteint parfois 5 à 6 lieues ;
il est facile de l'estimer en déterminant sa distance obtenue,
en multipliant par 340 m. (vitesse moyenne du son dans
l'air) le nombre de secondes qui s'est écoulé entre l'appa-
rition de l'éclair et le bruit du tonnerre et en mesurant
l'angle que sous-tendent ses extrémités. Autrefois, depuis
l'expérience de Wheatstone, on considérait l'éclair comme
d'une durée inappréciable, inférieure, d'après le savant
anglais, à un millionième de seconde. Son expérience
semble probante et il paraît certain qu'il existe de pareils
éclairs; mais, d'autre part, on lit dans la plupart des re-
lations d'éclairs que l'éclair part de tel endroit; pour qu'on
puisse déterminer le sens de la direction de l'éclair, il faut
qu'il ait une durée plus considérable. Howard a remarqué
des éclairs progressant d'une façon rapide, mais cependant
facile à suivre. Enfin, dans ces derniers temps, M. Trou-
velot a obtenu (22 juil. 1888) des photographies d'éclairs
qui montrent qu'il y en a qui ne sont nullement instantanés.
Les photographies d'éclairs sont intéressantes en ce qu'elles
montrent des détails qui échappent absolument à la vue.
Un éclair photographié par le même savant présente quatre
branches principales, très brillantes, très accusées, accom-
pagnées de plusieurs autres plus faibles ; il y en avait trente-
sept en tout; la forme générale est celle d'un ruban ondu-
lant dans l'air et coupé par des raies transversales plus
nombreuses au voisinage des zigzags.
Les éclairs de la seconde classe, au lieu d'être concentrés
dans des traits sinueux très minces, embrasse au contraire
d'immenses surfaces ; ils n'ont ni la blancheur ni la viva-
cité des éclairs de première classe. Parfois ils n'éclairent
— 329 —
ÉCLAIR — ECLAIRAGE
que le contour des nuages, tantôt ils en embrassent toute
la surface, paraissant même parfois sortir de leur intérieur.
Ces éclairs correspondent probablement à des charges élec-
triques analogues aux effluves que l'on voit souvent en
certains points des machines électriques.
Les éclairs de troisième classe diffèrent totalement des
précédents ; ils apparaissent sous forme de boules, que les
observateurs ont comparées à des oranges, à la lune, mais
avec des contours indécis ; ils apparaissent presque toujours
à la suite d'un coup de tonnerre; ils se déplacent lente-
ment, puis disparaissent, tantôt sans explosion, tantôt avec
un bruit égal à celui du tonnerre. Ces éclairs sont très
rares. Arago, qui a recueilli le plus grand nombre de docu-
ments qu'il a pu sur ces phénomènes, cite une trentaine
de cas où ils ont été bien observés. A. Joânnis.
IL Divination (V. Divination).
BiBL.: Arago, Notice sur le tonnerre. Œuvres com-
plètes, t. IV, pp. 1 à 404.
ÉCLAIRAGE. I. Technologie et Histoire. — Prin-
cipes PHYSIQUES DE l'éclairage. — Lcs divcrs moyens
d'éclairage employés à l'heure actuelle sont fondés sur la
faculté qu'ont les corps de produire des radiations lumi-
neuses quand on élève suffisamment leur température. Les
corps émettent à toute température des radiations que l'on
regarde comme constituées par un mouvement vibratoire
de réther. Ce mouvement est caractérisé, au point de vue
physique, par le nombre de vibrations à la seconde ou,
ce qui revient au même, par la longueur d'onde, c.-à-d. par
la distance que le mouvement a parcouru pendant la
durée d'une oscillation complète du point vibrant. L'exis-
tence des radiations se constate par les effets calorifiques
qui mesurent leur énergie, et la science des radiations
se propose de chercher comment varie cette énergie avec
la longueur d'onde, ou, si l'on préfère, avec le nombre des
vibrations. On emploie pour cette étude divers instruments
qui ne sont, au fond, que des calorimètres d'une sensibiHté
extrême ; telles sont la pile thermo-électrique, le holomètre
et le radio-micromètre (V. ces mots ainsi que les mots
Radiation et Spectre).
Lorsqu'on chauffe progressivement un conducteur, tel
qu'un fil de platine, à l'aide d'un courant électrique ou par
tout autre procédé, voici ce que l'on observe : au-dessous
de 330°, les radiations ne se manifestent que par la pro-
priété d'échauffer les corps situés à une température infé-
rieure. Le nombre de leurs vibrations s'élève jusqu'à
400,000,000,000,000 (ou, comme l'on écrit d'habitude,
400 XW^), c.-à-d. 400 trillions par seconde. Entre 350°
et 450<*, le fil commence à émettre des radiations qui, outre
leur effet calorifique, sont capables d'impressionner la ré-
tine : on dit que ces radiations sont lumineuses. Si l'on
continue à augmenter la température en accroissant l'in-
tensité du courant, la couleur du fil passe successivement
du rouge sombre au rouge vif, puis au blanc incandescent.
Cette couleur n'est pas une couleur simple ; elle résulte de
la superposition d'un certain nombre de rayons lumineux
élémentaires ; en faisant tomber cette lumière sur un
prisme, on obtient une bande colorée nommée spectre, dans
laquelle ces diverses radiations sont séparées. L'aspect de
ces spectres varie avec la température ; on n'obtient
d'abord que des rayons rouges ; puis, quand la température
s'élève, on voit apparaître des rayons orangés superposés
aux premiers ; l'intensité du courant continuant à croître,
au fur et à mesure que la température s'élève, on voit
apparaître le vert, le jaune, le bleu et enfin le violet. Ce
dernier n'apparaît que quand le platine est chauffe à blanc ;
la superposition de ces divers rayons, du rouge au violet,
donne donc à l'œil la sensation du blanc. Le nombre de
vibrations répondant à ces diverses couleurs est de
484 trillions par seconde pour le rouge, de 544 trillions
pour le jaune, de 586 pour le vert, de 631 pour le bleu,
de 709 pour le violet. Au delà du spectre visible, vers
l'extrémité du violet, s'étendent d'autres radiations, carac-
térisées par un nombre de vibrations encore plus considé-
rable ; l'énergie calorifique de ces radiations est beaucoup
moins considérable que celle des vibrations précédentes ;
mais leurs propriétés chimiques et photographiques sont
très marquées et permettent d'en faire l'étude avec préci-
sion. On en a constaté dont le nombre dépasse 1,600 tril-
lions par seconde, mais l'œil humain ne les aperçoit plus.
En résumé, à mesure que la température d'un corps s'élève,
son spectre s'enrichit de radiations qui répondent à des
vibrations de plus en plus fréquentes et qui se superposent.
Toutes ces radiations se manifestent par leurs effets calo-
rifiques, mais les seuls rayons qui agissent sur la rétine
sont ceux qui sont compris dans l'octave s'étendant entre
400 trillions et 800 trillions de vibrations par seconde.
Tous ces caractères conviennent aux spectres des corps
à haute température ou spectres d'incandescence des
solides ; ils commencent dans l'infra-rouge et se déve-
loppent très régulièrement jusqu'à l'ultra-violet. On les
regarde comme dus à des mouvements moléculaires. Mais
on connaît d'autres spectres, plus capricieux, formés de
bandes souvent lumineuses, sans chaleur appréciable ; ce
sont les spectres de certains corps à basse température.,
je veux dire des corps phosphorescents et fluorescents.
On ne saurait les attribuer à des oscillations de molécules
entières, qui, d'après les théories cinétiques de la matière,
correspondraient à des températures beaucoup plus élevées
que celles des corps phosphorescents. Mais il peut se faire
qu'une molécule de plusieurs atomes possède deux sortes
de mouvements : des mouvements d'ensemble et des mou-
vements partiels. Tandis qu'en général il s'établirait rapi-
dement un équilibre entre le mouvement vibratoire interne
et le mouvement vibratoire général, il n'en serait plus de
même ici, et ces spectres, dits luminescents, seraient dus
à des mouvements intermoléculaires. L'existence de ces
spectres est de la plus haute importance, et l'on verra plus
loin que c'est probablement à des phénomènes de cet ordre
qu'il convient de s'adresser pour arriver à produire des
éclairages plus économiques que les éclairages actuels.
La figure suivante permet de se rendre compte d'un coup
d'œil de la répartition de l'énergie dans les spectres des
diverses sources lumineuses. On a porté en abscisses les
longueurs d'onde, en ordonnées les énergies correspon-
3.0 JJt
Spectres de lampes à gaz, à arc, du soleil, du ver luis ant
dantes.La superficie des courbes représente l'énergie totale.
La figure est telle que toutes ces courbes aient même
superficie, de manière que l'on puisse voir comment, pour
ces diverses sources, une même somme d'énergie est utilisée
au point de vue de l'éclairage. On adopte, pour évaluer
les longueurs d'onde, une unité de longueur extrêmement
petite, le micron ou millionième de millimètre, que l'on
représente par la lettre \l. On voit sur ce dessin quatre
courbes différentes : la première représente la radiation
d'une lampe à gaz, la seconde celle d'un arc électrique, la
troisième la radiation solaire, la quatrième le spectre lumi-
neux et à basse température d'un ver luisant, la luciole
cubaine (Pyrophoriis noctilucus). Il faut noter, pour
cette dernière courbe, qu'elle dépasse de beaucoup les
Hmites du dessin; le maximum, qui correspond à 0,57 p.,
est représenté en ordonnées par 87 unités. Les traits
pointillés indiquent qu'on a interrompu la courbe afin de
pouvoir en représenter le haut. En ce qui concerne la cha-
leur solaire, on observe un fait très remarquable : le
ÉCLAIRAGE
- 330 -
maximum de radiation correspond à 0,6 (jl, c.-à-d. à la
plus grande sensibilité de notre œil ; Fénergie solaire est
donc utilisée le mieux possible pour la vision. Si l'on
adopte les vues de Darwin, on dira que notre œil s'est
adapté d'une manière presque parfaite à l'éclairage qui lui
est habituel. Il faut, d'ailleurs, remarquer que, bien que
le spectre solaire se termine à 2,7 [x, il est probable que
le soleil émet des radiations de plus grande longueur d'onde,
mais elles sont absorbées presque entièrement par notre
atmosphère. Quant aux trois derniers spectres, celui de
la lampe à gaz, celui de l'arc voltaïque et celui de la
luciole cubaine, l'aspect des courbes est très instructif et
fait ressortir cette vérité que l'on ne soupçonnait pas jus-
qu'à ces dernières années et que Tétude de l'énergie dans
le spectre a seule pu révéler : c'est que nos meilleurs
éclairages sont d'un rendement déplorable. On savait bien
que dans toute lampe à combustion les courants d'air contri-
buent beaucoup plus au refroidissement que le rayonne-
ment et que toute la chaleur emportée par les produits de
la combustion ou par l'air en mouvement était de la cha-
leur perdue pour l'éclairage ; la supériorité des becs de
gaz à récupération provient précisément de ce qu'ils re-
prennent une partie de cette chaleur. On savait que, dans
l'installation la plus satisfaisante de la lumière électrique,
on amène aux bornes de la lampe une quantité d'énergie
à peine égale au dixième de l'énergie du charbon brûlé
dans la chaudière qui actionne la dynamo. Mais ces pertes
si grandes sont peu de chose à côté de la perte provenant
de la nature même de la lumière que nous employons.
On désigne sous le nom de rendement lumineux d'un
foyer le rapport de l'énergie lumineuse à l'énergie totale
qu'il rayonne. Ce rapport se mesure facilement sur les
courbes données plus haut ; c'est le rapport des superficies
comprises, d'une part, entre Taxe des abscisses, la courbe
d'énergie et les ordonnées extrêmes du spectre visible ;
d'autre part, entre la courbe entière et l'axe des abscisses.
Cete définition manque un peu de précision, car la limite
du spectre dans le rouge est mal définie, tandis que les
ordonnées croissent rapidement dans cette région. La sen-
sibilité de l'œil pour les diverses couleurs est, en effet,
très inégale. Pour en tenir compte, il suffirait d'affecter à
chacune des régions du spectre un coefficient spécial ; ce
coefficient serait égal à 1 pour les rayons jaunes verdâtres,
c.-à-d. pour ceux auxquels la rétine est le plus sensible ;
il s erait très voisin de 0 pour les rayons rouges extrêmes
qui n'affectent presque plus l'œil. Les rendements calculés
ainsi seraient encore beaucoup plus faibles que ceux que
nous donnons plus loin. Il en serait de même si, au lieu
de co nsidérer tout le spectre visible comme nécessaire à
la vision, nous nous contentions de la faible portion des
radiations situées dans la région de sensibilité maxima de
l'œil, c.-à-d. dans le jaune verdàtre. Ce groupe de radia-
tion suffirait à donner une connaissance exacte de la forme
des objets, mais il ferait disparaître la notion de couleur.
En mesurant, dans la figure donnée plus haut, les su-
perficies dont le rapport donne le rendement photogénique
d'une lampe à arc, on trouve que ce rendement est de
2,5 °/o environ. En multipliant ce nombre par le rende-
ment des machines qui n'utihsent pas plus du dixième de
l'énergie du charbon, on voit que l'on n'utihse, en fin de
compte, pas plus de 4/400® de l'énergie du charbon brûlé;
le rendement total est donc 0,0025.
Pour la lampe à gaz, la courbe montre que la distribu-
tion de l'énergie est encore beaucoup plus défectueuse ; la
proportion des radiations visibles par rapport aux radia-
tions totales est deux fois aussi faible ; le rendement pho-
togénique est 1,2 % ou 0,012. Pour déterminer le rende-
ment total, il faudrait connaître les pertes que les courants
d'air et le rayonnement font subir aux lampes à combus-
tion. On ne possède pas de données précises sur ce point,
mais on peut faire le calcul par une voie indirecte. On a
mesuré simultanément le pouvoir éclairant de divers foyers
et leur consommation ou les watts aux bornes des lumières
électriques, ce qui donne une relation entre les calories
dépensées et les carcel-heures fournis par ces diverses
sources. En posant le rendement total de la lampe à arc
égal à 0,0025, on trouve celui des autres sources lumi-
neuses en multipliant ce nombre par le rapport inverse des
calories dépensées. Voici le résultat du calcul :
Bougie de l'Etoile
Bec de iraz Bengel
Bec à récupération
Lampe à iricandecscence.
1 rinit^e à ar c
Calories
par
carcel-heure
Rendement
total
i l
716
567
189
20
4
0.00014
o;oooi8
0,00053
0,00050
0,00250
0,012
0,025
Le rendement photogénique du soleil est d'environ 14^/o;
c'est le plus élevé que donne un foyer incandescent, ce qui
paraît tenir, commeil a été dit, à l'adaptation denotre œil pour
ce genre de lumière. D'ailleurs, on sait que tous les rayons
solaires ont leur utihté dans la nature, tandis que, dans
l'éclairage artificiel, c'est la lumière seule que l'on cherche.
On voit par là combien sont imparfaites même nos
meilleures lampes électriques, puisqu'elles ne transforment
en lumière que la quarantième partie de l'énergie électrique
qu'elles absorbent. Les radiations obscures qu'elles émettent
absorbent les trente-neuf quarantièmes de cette énergie.
Nous sommes dans la situation d'un organiste qui, pour
arriver à tirer quelques sons aigus de son orgue, serait
obligé de manœuvrer toutes les touches et toutes les pé-
dales et d'y déchaîner un véritable ouragan. Le physicien
qui veut s'éclairer et qui n'a besoin que des radiations dont
les nombres de vibrations sont compris entre 400 X 10^^
et 800 X 10^^ par seconde, est obligé de provoquer toute
la série des vibrations jusqu'à ce qu'enfin il obtienne les
vibrations qui atfectent la rétine. Que l'on considère les
foyers et les chaudières d'une grande usine électrique avec
ses moteurs et ses dynamos et que l'on calcule l'énergie
dépensée. D'autre part, que l'on regarde les filaments
incandescents et que l'on évalue la fraction d'énergie uti-
lisée par nos yeux. On peut dire, sans exagération, qu'un
homme attelé à une manivelle pourrait suffire à entretenir
la lumière produite si toute l'énergie était utilisée, et rem-
placerait l'usine entière. Ainsi, l'éclairage électrique lui-
même, que beaucoup de personnes regardent comme le
nec plus iiltra^ n'est lui-même qu'un procédé transitoire
destiné sans doute à être remplacé par un procédé meilleur.
Le rendement photogénique d'un foyer incandescent aug-
mente avec la température. Or il n'est pas vraisemblable
que l'on puisse dépasser beaucoup la température de l'arc
électrique ; on ne saurait donc espérer obtenir par l'incan-
descence un rendement photogénique de plus de 3 à 4 %.
Si l'on veut produire économiquement la lumière, il faut
avoir recours à d'autres phénomènes.
Ces phénomènes paraissent devoir être les phénomènes
de phosphorescence qui produisent des foyers de lumière
beaucoup plus favorables pour notre œJl. Si l'on regarde
en effet la courbe de la lumière du ver luisant donnée plus
haut, on voit que son rendement, même considéré dans le
sens le plus restreint — c.-à-d. son rendement photogé-
nique — est égal à l'unité. Il est vraisemblable, si l'on en
juge par la perfection que l'on trouve toujours lorsqu'on
étudie les mécanismes de transformation des êtres vivants,
que la perte pour passer du rendement photogénique au
rendement total est très faible et que ce mode de produc-
tion de la lumière est beaucoup plus parfait que le nôtre à
ce point de vue. Il est intéressant de rappeler que la
femelle seule du ver luisant a le pouvoir éclairant et que
celui-ci sert à révéler sa présence aux mâles. Si l'on admet
que l'adaptation darwinienne de cet insecte est complète,
on en conclut que son œil possède un maximum de sensi-
bilité au même endroit du spectre que le nôtre.
— 331
Il est probable que ces phénomènes de phosphorescence
jouent un rôle important dans la plus éclatante des lumières
artificielles que nous sachions produire : celle qui résulte
de la combustion du mai^nésium. La coloration que l'on
observe est en effet très différente de celle qui correspon-
drait à la température de combustion du métal. Ce n'est
donc pas un simple phénomène d'incandescence : la quaUlé
des radiations émises par la magnésie chauffée est sans
doute en relation avec la nature de sa molécule et les
mouvements de ses atomes. On observe en général que la
phosphorescence augmente beaucoup avec la température.
La magnésie offrirait l'exemple d'une phosphorescence éner-
gique ne se produisant qu'à haute température.
Il y a donc là pour l'éclairage de l'avenir une voie toute
différente des voies suivies jusqu'ici. Elle consiste à pro-
duire la lumière sans passer par V intermédiaire^ de la
chaleur. Certaines expériences récentes permettent d'entre-
voir un des côtés par oii l'on pourrait aborder ce problème.
Depuis 1888, M. Hertz et d'autres physiciens sont par-
venus, au moyen d'appareils nommés excitateurs et fondés
sur une combinaison du condensateur avec la bobine d'in-
duction, à produire des oscillations électriques se propa-
geant dans le milieu ambiant à la manière des oscillations
calorifiques et lumineuses émanées des molécules des corps
et ne paraissant différer de celles-ci que par leur longueur
d'onde. Cette longueur d'onde, qui atteignait une dizaine de
mètres dans les premières expériences de M. Hertz, a été
réduite à quelques décimètres, puis à quelques centimètres
au moyen d'appareils plus perfectionnés. Or, tandis qu'on
n'a longtemps connu que les radiations lumineuses du
spectre comprises entre 0,4 {x et 0,8 [x, ces limites ont été
singulièrement étendues : la plus courte radiation mesurée
jusqu'ici dans l'ultra-violet, grâce aux plaques photogra-
phiques, est de 0,185 a; la plus longue ondulation mesurée
dans r infra-rouge, grâce au bolomètre, est de 30 [x. Il existe
sans aucun doute des radiations au delà de la longueur
d'onde 30 [x, mais le bolomètre ne suffit plus à les déceler.
On peut penser que, si l'on avait un moyen d'investigation
plus perfectionné, le spectre pourrait être prolongé dans
l'infra-rouge, et qu'en mesurant des radiations calorifiques
d'une longueur d'onde de plus en plus grande, on finirait
par rejoindre les radiations électriques que les résonnateurs
électriques nous révèlent seuls aujourd'hui. S'il y a identité
entre les radiations électriques et les radiations calorifiques,
on peut espérer arriver à produire directement de la lumière
par voie électrique et, par suite, à la fabriquer indépen-
damment de toute élévation de température. Que faudrait-il
pour cela? Jusqu'ici, on n'est pas parvenu à faire descendre
la longueur d'onde des oscillations électriques au-dessous
de quelques centimètres : si l'on réussissait à la diminuer
encore de manière à la faire descendre au-dessous de
quelques millièmes de millimètres, on obtiendrait des ondes
agissant sur la rétine. Mais il faudrait pour cela diminuer
extrêmement les dimensions des excitateurs et même vrai-
semblablement les réduire à la dimension d'une molécule.
Peut-être est-ce à des vibrations de cet ordre que sont dus
les phénomènes de la fluorescence et de la phosphorescence
que nous voyons réalisés dans le ver luisant. Le jour où
l'on découvrira la solution de ce problème, on pourra pro-
duire des spectres d'émission limités à la partie visible, et
le problème de l'éclairage artificiel économique sera résolu.
CoNDrnoNS chimiques de l'éclairage. — Presque tous
les systèmes d'éclairage employés à l'heure actuelle —
bougies, huiles végétales, huiles minérales, gaz, arc élec-
trique — produisent la lumière au moyen de la combustion
des corps : seul le système fondé sur l'incandescence des
lampes électriques dans le vide a recours à un phénomène
purement physique. Tous les autres procédés exigent par
conséquent la combinaison d'un comburant et d'un com-
bustible. Théoriquement, beaucoup de substances peuvent
jouer ces rôles ainsi qu'en font foi les expériences bien
connues dans les cours de chimie sur la combustion du
phosphore, du fer, des sels de magnésium ou de calcium
ECLAIRAGE
dans l'oxygène, de l'antimoine dans le chlore. Mais, dans la
pratique industrielle, le corps comburant est l'oxygène de
l'air et le corps combustible le carbone. Les combustions
vives peuvent se faire soit avec flamme, soit sans flamme.
C'est ainsi que le soufre, le phosphore, le magnésium
brûlent dans l'oxygène avec flamme, tandis que le charbon
pur et le fer porte au rouge y brûlent sans flamme. Chacun
sait que, dans une cheminée, la combustion de la houille se
fait avec flamme et celle du coke sans flamme. Cette diffé-
rence tient à ce que la flamme est toujours un gaz ou
une vapeur en combustion. Dès lors, les corps qui ne se
réduisent pas en vapeur peuvent bien brûler quand on
élève suffisamment leur température, mais ils brûlent sans
flamme, comme le charbon pur et les métaux non volatils.
Au contraire, les corps volatils, comme l'hydrogène, le
soufre, le magnésium, le zinc, brûlent avec flamme : il en
est de même des corps décomposables en produits volatils.
La plupart des sources lumineuses employées pour
l'éclairage brûlent avec flamme. Tantôt elles affectent na-
turellement l'état gazeux : tel est le cas du gaz d'éclairage;
tantôt elles fournissent par leur décomposition et dans
l'acte même de la combustion des substances gazeuses qui
deviennent le support de la lumière produite : tel est le cas
des huiles végétales, du pétrole, des résines, du bois, de la
chandelle, de la bougie, etc.
L'éclat de la flamme dépend de diverses circonstances
telles que la pression, la présence des corps soUdes, la
température, etc.
L'influence de la pression est facile à constater. La
flamme du chalumeau à gaz oxygène et hydrogène qui est
peu éclairante quand la combustion se fait à la pression
atmosphérique, devient éclatante quand la pression est de
dix atmosphères. Une ex[)érience de M. Frankland met en
évidence le même fait; six bougies furent allumées à Cha-
mounix pendant une heure, et l'on détermina la perte de
poids qu'elles avaient subie pendant ce temps. Ces mêmes
bougies furent portées au sommet du mont Blanc, où on les
fit brûler pendant une heure sous une tente, à l'abri du
vent. Les flammes étaient petites et pâles, et cependant la
quantité d'acide stéarique brûlée fut trouvée la même dans
les deux cas : ainsi la raréfaction de l'air diminue l'éclat
de la flamme, mais non l'énergie de la combustion. La
compression de l'air en eflet augmente le nombre de parti-
cules actives en contact avec la flamme et diminue la mo-
bilité du gaz et par suite l'enlèvement des couches brûlées.
La flamme de l'alcool, pâle dans l'air ordinaire, devient
brillante comme celle du gaz d'éclairage si l'on augmente
la pression de l'air. Elle peut même devenir fumeuse dans
l'air encore plus comprimé. Dans ce cas, en eflét, par suite
de la diminution de mobilité des produits de la combustion,
l'oxygène de l'air ambiant ne suflit plus à la combustion
complète du carbone.
La présence des particules solides est nécessaire pour
donner de l'éclat à une flamme. Les gaz qui ne renferment
pas de corps solides, tels que l'hydrogène, peuvent être
portés à une température très haute, capable par exemple
de fondre le platine, sans étnettre autre chose qu'une lueur
à peine visible. Mais si, dans cette flamme obscure, on
introduit une spirale de platine, de la chaux vive, de la
magnésie, de l'oxyde de zinc en poudre, les particules
solides portées à une haute température émettent aussitôt
une vive lumière.
Les gaz hydrocarbonés que l'on retrouve dans la plupart
des lumières artificielles deviennent lumineux par suite de
la précipitation sous forme solide d'une partie du carbone
qu'ils renferment. A la température ordinaire, le carbone
est uni avec l'hydrogène et forme le composé gazeux ; mais,
au moment de la combustion, deux actions déterminent au
sein de la flamme la précipitation du carbone : d'une part
le gaz est porté à une haute température qui détermine sa
décomposition partielle en carbone et hydrogène; d'autre
part, en présence d'une quantité d'oxygène insulïisante,
l'hydrogène du gaz brûle le premier et le carbone se sépare :
ÉCLAIRAGE
— 332 —
comme l'hydrogène en brûlant dégage beaucoup de chaleur,
le carbone est' porté à l'incandescence avant de brûler
dans les parties extérieures. Pour démontrer l'existence
du carbone libre dans ces flammes, il suffît de les couper
avec une soucoupe froide : celle-ci se recouvre aussitôt de
noir de fumée.
Si une insuffisance de carbone enlève de son éclat à la
flamme, il en est de même d'un excès de carbone : il faut
que la proportion de carbone soit assez faible pour qu'il
brûle complètement à la surface extérieure de la flamme.
Si la proportion de carbone est trop faible, la lumière est
pâle : la flamme de l'oxyde de carbone a une couleur bleue
due vraisemblablement à des traces de carbone produites
par un commencement de décomposition. La flamme du gaz
des marais renferme une quantité de carbone un peu plus
forte, mais encore trop faible : elle est jaunâtre et peu
éclairante. Si, au contraire, le carbone est en excès, il ne
brûle pas complètement à la surface extérieure de la flamme;
une certaine proportion échappe à la combustion et s'inter-
pose comme un brouillard entre l'œil et la région brillante
de la flamme. Celle-ci perd donc de son éclat et produit de
plus une grande quantité de rayons rouges émis par les
particules charbonneuses au moment oti elles cessent d'être
lumineuses. La flamme est dite fuligineuse. On observe ces
phénomènes dans la combustion de la benzine ou de l'essence
de térébenthine, des torches de résine, de la paille hu-
mide, etc. — Enfin l'éclat de la flamme augmente beaucoup
avec la température : la lumière émise parles particules incan-
descentes est beaucoup plus vive dans ce cas. Aussi dans les
becs de gaz perfectionnés (bec Siemens, etc.) utilise-t-on la
chaleur de combustion du gaz pour échauffer le gaz com-
bustible et l'air avant qu'ils arrivent à l'ouverture du bec.
Appliquons maintenant les notions précédentes aux gaz
qui peuvent servir à l'éclairage. L'expérience a montré que
l'éclat de la flamme d'un gaz hydrocarbure brûlant au
contact de l'air est lié aux circonstances suivantes :
1« Rapport du carbone et de l'hydrogène du com-
posé gazeux. Si l'hydrogène domine, comme dans le gaz
des marais, C^H^, la flamme est peu éclairante ; si le car-
bone l'emporte, comme dans l'acétylène, C^Il^, ou la ben-
zine, C^^H^, la flamme est fuligineuse. Le cas le plus
favorable est celui où les éléments sont en proportions à
peu près équivalentes : comme dans le gaz oléfiant, C^iï^.
2« Condensation des éléments dans les composés
gazeux. Le gaz oléfiant, C^H^ le propylène, C^H^, et
l'amylène, C^^H^^ sont formés des mêmes éléments unis
dans les mêmes proportions, mais avec des condensations
différentes. Tous trois donnent des flammes éclairantes,
mais les deux dernières sont déjà fuligineuses. De même la
flamme de l'alcool méthylique, C^H^lH^O^), est presque
incolore: celle de l'alcool ordinaire, C^H^CH^O^), est jau-
nâtre; celle de l'éther, C^H^lH^O"-), est très brillante;
celle de l'alcool amylique, C^oHi^(H202), est légèrement
fuligineuse. Il résuhe de là que l'on peut corriger les pro-
priétés fuligineuses d'une flamme en associant le composé
qui la fournit avec un corps moins carboné qui, employé
seul, donnerait une flamme pâle. Ainsi la flamme de l'hy-
drogène est incolore, celle de la benzine fuhgineuse, mais
l'hydrogène chargé de vapeur de benzine brûle avec une
flamme blanche. De même l'alcool a une flamme pâle,
l'essence de térébenthine une flamme fuligineuse; leur mé-
lange donne un liquide, autrefois appelé gaz liquide, dont
la flamme est très éclairante. Les mêmes remarques s'appli-
quent à la fabrication du gaz d'éclairage préparé au moyen
de la distillation de la houille. Les premiers produits obte-
nus à basse température (benzine, acétylènç, gaz olé-
fiant, etc.) sont riches en carbone, très éclairantset même
fuHgineux ; les derniers produits (gaz des marais, oxyde
de carbone, hydrogène) sont très peu éclairants. En mé-
langeant les uns aux autres dans les gazomètres, on obtient
un gaz qui éclaire convenablement. Si les premiers pro-
duits de la distillation ne sont pas assez riches en carbone,
on leur ajoute les produits de distillation des houilles grasses
ou des boghead, schistes qui donnent des carbures très
éclairants.
Enfin, on fait varier l'éclat des flammes d'après la pro-
portion d'air avec laquelle on les mélange. Cela est naturel,
puisque cet air détermine la combustion plus ou moins
complète du carbone dans la flamme. On constate qu'un
gaz, qui brûlerait avec une flamme fuligineuse dans les
conditions ordinaires, devient très éclairant lorsqu'on le
mélange avec une certaine quantité d'air; si l'on augmente
la quantité d'air, la flamme devient presque incolore. Cette
influence se vérifie facilement avec le bec imaginé par
M. Bunsen : le gaz arrive par un tube vertical conique; ce
tube est entouré d'un autre tube de diamètre plus grand
et percé à la hauteur du dégagement du gaz de deux trous
circulaires pour l'introduction de l'air. Le mélange des
deux gaz se fait ainsi dans le tube extérieur et vient brûler
à l'orifice supérieur. Une virole qui tourne sur le tube à
frottement doux et présente des ouvertures de même dia-
mètre que les trous, règle l'ouverture de ceux-ci et permet
de faire varier à volonté la proportion de l'air. Ce mélange
peut être fait avant la combustion comme dans le bec Bunsen.
L'effet d'un excès d'air sur le gaz d'éclairage se constate
dans les illuminations publiques; poussé par le vent,
l'oxygène pénètre au centre de la flamme, et celle-ci, de
blanche qu'elle était, devient bleu pâle. On opère un mé-
lange analogue en chassant un courant d'air au moyen d'un
ventilateur à travers un réservoir rempli de carbures d'hydro-
gène très volatils. Ce mélange, s'il est bien réglé, peut
donner un gaz très éclairant. Diverses lampes à huile de
schiste sont basées sur ce principe : la vapeur de l'huile
échauffée se mélange à l'air avant la combustion. Mais sou-
vent la vapeur ou le gaz combustible n'est pas mêlé d'avance
à l'air ; le mélange se fait au moment même de la combus-
tion. Pour arriver à ce résultat, tantôt on force le tirage
de l'air autour de la flamme à l'aide d'une cheminée de
verre assez haute, tantôt on donne à la flamme une forme
spéciale destinée à augmenter sa surface pour une même
quantité de gaz brûlé. C'est d'après ces principes généraux
que sont réglées les innombrables dispositions proposées
pour la construction des becs de gaz, des lampes à huile,
à pétrole, etc.
Ces notions permettent de se rendre compte de l'aspect
que présentent les flammes éclairantes. Si nous prenons
pour type la flamme d'une bougie, nous voyons qu'elle
comprend trois régions distinctes : une région intérieure
et sombre a, qui entoure la mèche et où la température
est peu élevée ; une première enve-
loppe b, très brillante, et que con-
stitue la partie éclairante de la bou-
gie ; enfin, l'enveloppe extérieure c,
mince, peu colorée, jaune vers le
haut, bleue vers le bas en dd\ C'est
la partie la plus chaude. Il est facile
d'expliquer cette constitution de la
flamme ; la matière fondue monte
par capillarité dans la mèche ; elle
s'y décompose sous l'influence de la
chaleur produite par les parties déjà
en combustion ; de là résultent divers
gaz qui forment la partie obscure a
de la flamme ; ils n'y brûlent pas
faute d'oxygène. Dans l'enveloppe b,
la combustion commence : l'hydro-
gène brûle d'abord et porte à l'in-
candescence le charbon réduit qui
donne son éclat à la flamme. Enfin, dans l'enveloppe
extérieure c où il y a excès d'oxygène, la combustion se
complète ; la chaleur est plus grande que dans la région
intermédiaire; mais, comme il n'y a pas de corps solide,
la flamme est peu iDrillante. La partie inférieure et ex-
terne dcf est bleue ; elle résuhe de la combustion de l'oxyde
de carbone et du gaz des marais, premiers produits de dé-
composition de la'bougie à une température relativemen
Constitution d'une
flamme de bougie.
— 333 —
ECLAIRAGE
peu élevée. Si l'air en contact avec la flamme n'est pas
suffisant pour fournir l'oxygène de la combustion, la flamme
fume.
La flamme du gaz et celle des lampes à huile offrent la
même constitution. On en augmente l'éclat en les faisant
brûler dans des becs annulaires à double courant d'air et
à cheminée de verre. La flamme peut être assimilée à la
réunion d'une série de flammes, dont les mèches juxtapo-
sées formeraient un grand anneau. La cheminée de verre
qu'on élève ou qu'on abaisse à volonté dans les lampes à
huile, permet, grâce à la position de sa partie rétréciepar
rapport à la flamme, de régler le tirage. Si la partie rétré-
cie de la cheminée est descendue au niveau de la mèche,
le tirage est très actif et la combustion très vive, mais
alors les gaz brûlent presque au sortir de la mèche, et la
flamme est peu étendue et, par suite, peu éclairante. Si,
au contraire, la partie rétrécie de la cheminée est située
trop au-dessus de la mèche, le cône de flamme s'allonge,
mais l'activité de la combustion est diminuée, le charbon
n'est plus maintenu à l'incandescence et la flamme devient
fumeuse. Le maximum d'éclat s'obtient en réglant le tirage
de manière à avoir une combinaison complète tout en obte-
nant une flamme suffisamment allongée.
L'éclairage avant le xix^ siècle. — Il est probable
que, dès les temps les plus reculés, les hommes ont eu
recours, pour s'éclairer, à la combustion de broussailles
et de bois. V Odyssée nous montre les servantes d'Ulysse
jetant des morceaux de bois dans les trois brasiers qui éclai-
raient la salle du festin. La Bible renferme certains détails
sur les instruments d'éclairage destinés au culte. De ce
nombre est le célèbre chandelier à sept branches que Dieu
commanda à Moïse d'exécuter. Le chapitre viii du Kvre de
Juda fait mention de lampes que Gédéon fit placer dans des
bouteilles vides qu'il donna aux Hébreux pour marcher
contre les Madianites. Les uns y ont vu des lanternes
sourdes, les autres des espèces de grenades incendiaires.
L'éclairage des Grecs nous est mieux connu. Athénée a con-
sacré tout un chapitre de son livre à retracer le progrès
de l'éclairage. Les convives qui dissertent à la fin du ban-
quet tombent d'accord que les premiers flambeaux furent
de simples morceaux de bois de chêne, fendus en allumettes
et trempés dans la poix résine ou dans l'huile. Plus tard,
on distingua deux espèces de lanternes : lanternes au bout
d'un bâton, sortes de phares portatifs, et lanternes de
corne montées avec de la baleine. Les Grecs appelaient
phanos la première espèce de lanternes. Quant aux se-
condes, pour en prouver l'usage. Athénée cite quelques
vers fort scabreux de Théodoride, de Syracuse : in Cen-
tauris, et du poète Alexis : in Mydone. Parmi les grandes
solennités grecques figurait la Lampadophorie qui revenait
trois fois dans l'année aux fêtes de Minerve, inventeur des
arts ; à celles de Vulcain, auteur des lampes ; à celles de
Prométhée qui avait ravi le feu du ciel. Les coureurs se
passaient le flambeau de main en main jusqu'au moment où
l'un d'eux réussissait à passer le but avec son flambeau
allumé. Cette tète fut de bonne heure adoptée par les
Romains. C'est à cet usage que fait allusion le vers célèbre
de Lucrèce : Et quasi cursores vitai lampada tradunt.
L'éclairage des rues était très négligé en Grèce. Les an-
ciens vivaient au grand jour. S'ils prenaient sur leurs
nuits, c'était plutôt pour s'adonner à la débauche que pour
se Hvrer au travail. La lampe d'Epictète était conservée
comme une relique rare. Le soir, hormis quelques matelots
attardés dans les cabarets du Pnyx, hormis quelques es-
claves ou quelques Scythes portiers de l'Aéropage, nul ne
circulait plus dans les rues, et seuls, les fanaux placés au-
dessus des portes des maisons de débauche de l'Agora, ré-
pandaient leur lueur vacillante sur la cité endormie .
Longtemps il en fut de même à Rome. La nuit, la
grande clepsydre du Forum, qui marquait les heures, était
arrêtée, et toute la ville sommeillait. La nuit commençait
après le coucher du soleil et avait les subdivisions sui-
vantes : vesper^ la chute du jour ; crepusculum, le cré-
puscule; prima fax, la première torche, c.-à-d. l'heure
où les premières torches apparaissaient dans les rues pour
éclairer les litières des riches ; corticinium, le silence ;
concubitum, le moment où chacun est couché ; gallici^
7îium, le chant du coq ; matutinum^ le matin. Les rues
mal famées étaient seules éclairées : la voie Suburane,
repaire des courtisanes de bas étage qui se tenaient assises
sur des chaises hautes, devant des maisons illuminées de
petites lampes ; le vicus Patricius, sur le mont Esquilin ;
les arcades du cirque Maxime, asiles habituels de la pros-
titution.
Les voyageurs s'éclairaient, dans les campagnes, avec
des bottes d'écorces, des brins d'épine blanche, de genêt,
de pin ou de coudrier. Varron blâme cet usage, car sou-
vent les voyageurs, en jetant leurs torches, allumaient de
terribles incendies dans les forêts ou les moissons. Peu à
peu, la lanterne se substitua à la torche dans les villes.
Les riches faisaient porter leur lanterne par un esclave ap-
pelé lanternarius; les simples citoyens attachaient la leur
à leur ceinture. Selon Pline, ces lanternes étaient généra-
lement faites avec de minces lamelles de corne ou avec des
vessies ; les plus modestes étaient fabriquées avec des mor-
ceaux de toile de lin trempés dans l'huile. Certaines villes
d'Orient semblent avoir été mieux éclairées. Ammien Mar-
cellin nous dit que la ville d'Antioche était éclairée par
une telle profusion de lumières que leur éclat rivalisait avec
la splendeur du jour, mais il ne donne pas de détails précis
sur cet éclairage. Saint Jérôme est plus explicite ; mais il
nous montre qu'il faut beaucoup en rabattre des hyper-
boles d'Ammien. Cet éclairage consistait simplement en
grands feux de bois allumés dans les carrefours, à la lueur
desquels les oisifs se rassemblaient. Citons encore Libanius
qui rapporte que quelques séditieux coupèrent la corde
d'une lampe placée près d'une maison de bains ; mais on
sait que les bains étaient des lieux de prostitution et que
ceux-ci se reconnaissaient dans la nuit au falot suspendu
devant la porte.
Il n'y avait donc pas d'éclairage régulier chez les Ro-
mains ; par contre, dans de nombreuses occasions, les rues
étaient illuminées la nuit ; lors des fêtes, on allumait des
feux de joie dans les carrefours ; c'est dans un de ces feux
de joie, sur la place Trajane, que l'empereur Adrien brûla
toutes ses créances sur les provinces, créances s'élevant à
une somme représentant plus de cent trente millions de francs
de notre monnaie. Pour célébrer la naissance des princes,
les Romains plaçaient sur leurs fenêtres de petites lampes
remplies de graisse ou d'huile, sortes de lampions analogues
à ceux avec lesquels nous illuminons aujourd'hui. Les juifs
qui se trouvaient en Italie avaient la même coutume. « Les
jours où les circoncis célèbrent Pavènement au trône d'Hé-
rode, dit Perse, des lampions ornés de violettes et disposés
avec ordre aux fenêtres, répandent dans l'air un nuage
épais de fumée. » Caligula, le premier, fit illuminer toute
la ville et donna des jeux à la fois diurnes et nocturnes.
Tacite nous apprend que ce luxe, renouvelé souvent par
Néron et ses successeurs, était blâmé des vieux Romains,
se plaignant « qu'aucun asile ne restât à la pudeur ».
Dans leurs maisons, les Romains se servaient de lampes
de divers modèles. La plus simple consistait en un récipient
rempli d'huile où plongeait une mèche. Souvent la lampe
avait plusieurs becs. Ces lampes, dont un certain nombre
ont été retrouvées à Pompéi et figurent au musée deNaples,
étaient parfois de véritables objets d'art représentant tan-
tôt le cygne, oiseau d'heureux présage, tantôt la chauve-
souris, symbole de la nuit, tantôt une souris léchant
l'huile, etc. Les lampes chrétiennes étaient ornées d'em-
blèmes religieux : colombe de Noé, etc. Ces lampes étaient
en argile, en fer, en marbre, en verre ou en bronze. Pour
éclairer les grandes salles, on avait recours à des grands
candélabres représentant des arbres desséchés avec des
branches dépouillées soutenant des lampes d'airain, des
serpents, des statues dorées (V. Candélabre).
Plus tard, la religion chrétienne déploya un grand luxe
ÉCLAIRAGE
- 334
dans l'éclairage des églises. Sur l'autel était placée une
veilleuse qui ne s'éteignait jamais, afin de marquer la pré-
sence de Dieu sur l'autel. Un règlement d'Aldéric, évêque
du Mans, prescrit de conserver chaque nuit dans la cathé-
drale quinze lumières, dix d'huile et cinq de cire. Le di-
manche, on en allumait trente-cinq ; pendant les grandes
fêtes, deux cents. Les seigneurs donnaient souvent aux
éghses de grands appareils d'éclairage en forme de croix ou
-de couronnes (Y. ce mot), destinés à porter des chande-
liers et des cierges. Les couronnes de Ilildesheim, de Reims,
de Toul, de Bayeux étaient célèbres par leur beauté. La
couronne de bronze d'Aix-la-Chapelle subsiste encore : elle
est de forme octogone et ornée de statuettes d'argent. Cer-
taines couronnes portaient au centre une lampe et sur la
circonférence douze godets ; la lampe symbolisait le Christ,
et les godets les douze apôtres. Les malades, les pécheurs
offraient aux saints des gros cierges. Pendant une disette
de blés au xiv^ siècle, le prévôt des marchands de Paris
décida de placer devant la statue de la Vierge un cierge
unique ayant la même longueur que l'enceinte de Paris et
brûlant nuit et jour.
Quant à l'éclairage privé, il consistait toujours en torches
ou flambeaux de cire. On les laissait souvent brûler pen-
dant la nuit, ainsi qu'il résulte de deux romans de chevalerie
cités par Lacurne de Sainte-Palaye. Dans l'un d'eux, un
des personnages crie si haut qu'une autre personne couchée
en sa chambre s'éveille et, approchant le mortier de cire
qui brûlait, vient lui demander s'il se trouve mal. Le second
roman parle de torches fixées aux quatre coins de la salle
pour l'éclairer. Dans les fêtes, on faisait éclairer les salles
par des varlets porteurs de torches : c'est ainsi qu'eut lieu
le terrible accident du bal des Ardents, où des gentilshommes
déguisés en sauvages et couverts d'étoupe prirent feu par
suite de l'imprudence des varlets, qui avaient trop approché
leurs lumières des costumes. A la suite de la grande frayeur
qu'eut le roi, il perdit irrémédiablement la raison. Un peu
plus tard, on remplace ces varlets qui tenaient une torche
à la main par des chandehers ayant des formes humaines.
Ces chandeliers représentent souvent des hommes velus ou
sauvages. Nous possédons de beaux spécimens de chande-
liers, datant du xii*^ siècle, en cuivre fondu et en bronze.
Ils étaient connus sous le nom de chandeliers de dinanderie,
car ils venaient principalement de Dinant. Ils portaient sou-
vent une anse qui permettait de les manier, ce qui prouve
qu'ils remplissaient l'ofiice de nos bougeoirs. On se servait
aussi de petits bougeoirs à main en forme de pelles pour
s'éclairer dans les habitations ; on y brûlait également des
parfums. Au dehors, on se servait parfois d'un crasset, petite
veilleuse de nuit, ou d'une esconce, mais plus souvent d'une
lanterne. L'esconce était une sorte de bougeoir en métal
portant une chandelle couverte et garantie du vent ; un
manche en bois permettait de le tenir à la main. Cet ins-
trument servait à éclairer en plein air pendant quelques
instants : on l'employait, par exemple, à traverser la cour
d'un château. Le plus souvent, on employait des lanternes
que l'on portait au bout d'une chaîne. Celles-ci étaient des
objets de luxe : munies de petites vitres de corne qui pré-
servaient du vent la lumière, elles étaient souvent en or ou
en argent. Beaucoup de celles qu'on mentionne dans les
inventaires étaient des joyaux que les femmes portaient à
leur ceinture et oii elles mettaient des parfums appelés
oyselets de Chypre : petites boules en forme d'oiseaux que
l'on crevait et qui se répandaient en poudre odorante. Les
lanterniers formaient une corporation à part, parfois réunie
à celle des peigniers. Etienne Boileau explique les règles aux-
quelles ils étaient soumis dans son livre Des Métiers.
Quant aux lampes, elles restèrent longtemps fort gros-
sières : elles consistaient toujours en un récipient rond ou
carré percé de deux trous dont l'un servait à verser l'huile
et dont l'autre livrait passage à la mèche. Un médecin,
nommé Cardan, connu par diverses inventions mécaniques,
inventa un type de lampe à laquelle il a donné son nom. On
en trouve la description dans le Dictionnaire de Trévoux,
au xviii^ siècle, époque où ces lampes se vulgarisèrent.
« Cette lampe se fournit elle-même son huile ; c'est une
petite colonne de cuivre ou de verre bien bouchée partout,
à la réserve d'un petit trou par en bas, au milieu d'un
goulot où se met la mèche, car l'huile ne peut sortir qu'à
mesure qu'elle se consume et qu'elle fait découvrir cette
petite ouverture. Depuis vingt ou trente ans, ces espèces
de lampes sont devenues d'un très grand usage parmi les
gens d'études et les religieux. » Cette lampe était montée
sur un pivot et il suffisait de la pencher pour faire affluer
l'huile en plus grande quantité jusqu'à la mèche.
D'autres avaient un récipient de verre gradué qui mar-
quait le temps par l'abaissement régulier de l'huile dans le
réservoir. On en trouve de ce modèle au musée de Cluny et
dans différentes collections particulières. On y brûlait des
huiles odoriférantes.
L'éclairage public au moyen âge et au début des temps
modernes était à peu près nul. A l'heure où les cloches de
Saint-Merry ou bien celles de la Sorbonne ont annoncé
VAngekis du soir et donné le signal du couvre-feu, tout
rentre dans l'obscurité. Les boutiques se ferment, les
lumières disparaissent. Moins favorisés qu'à Athènes ou à
Rome, les heux mêmes de prostitution doivent avoir portes
closes au son de la cloche de Notre-Dame. Les rues boueuses
et mal pavées appartiennent à partir de ce moment aux
détrousseurs et aux bandits qui, dans l'ombre, passent sou-
vent de longues heures en guettant une proie qui ne vient
pas. En fait de lanternes, on ne connaissait que celles qui
se tenaient à la main : celles qu'on suspend le long des
murs n'existaient qu'en peinture. Les noms des rues de la
Vieille-Lanterne, de la Lanterne-en-la-Cité, de la Lanterne-
des-Arcis viennent de lanternes peintes en forme d'enseignes.
La lanterne de la Pierre-au-let dont parle Villon n'était pas
d'autre nature et c'est par moquerie qu'il y renvoie les
bourgeois.
Quelques rares lueurs brillent pourtant dans les rues : ce
sont celles qui sont dues à la sollicitude de la religion. Au
sommet de la haute tour, jadis perdue dans le bois des
Champeaux, et restée debout dans cet espace quand il est
devenu le terrain des Halles , on place un fanal qui brûle
toute la nuit. Aux angles des carrefours, on allume de^^ant
les madones chaque nuit une chandelle dans les quartiers
pauvres, une lampe dans les quartiers riches. De semblables
lumières brûlent devant les ex-voto élevés par des criminels
repentants, sur l'ordre du prêtre, à l'endroit même du
crime. Dans la rue aux Ours, on trouvait Vex-voto du Suisse
impie et iconoclaste, et dans la rue Barbette (aujourd'hui
rue Vieille-du-Temple) brûlait la lampe que Brûlart, un des
assassins du duc d'Orléans, avait fait vœu d'entretenir per-
pétuellement en l'honneur de la Vierge. Sous François P^
la lampe du repentir brillait toujours. Le roi galant s'en
trouva fort mal. La clarté de la lampe de Brûlart le trahit
un soir qu'il se glissait chez la belle Ferronnière. Le mari
l'aperçut : on sait quelle fut la vengeance. Outre les lampes
des ex-voto, diverses confréries allumaient des chandelles
devant l'image de leurs patrons. Certaines villes de province
ne s'éclairaient pas autrement. Les statuts de la confrérie
des bouchers de Bayeux, en 1431 , font voir que la corpo-
ration était tenue de maintenir, chaque nuit , une lampe
d'huile allumée au portail de l'église Saint-Martin. C'est là
que les valets de la confrérie devaient venir se ranger, c'est
là qu'on les louait.
Le spectacle de Paris était des plus curieux à la chute du
jour. M. Fournier, dans son spirituel opuscule sur les lan-
ternes, en a tracé un tableau pittoresque. Voici d'abord les
petits marchands qui courent les rues, criant les uns leurs
pâtisseries ou oubhes, les autres la chandelle étagée sur
leurs éventaires
Qui plus ard cler que nule estoile.
Mais en 4720 on interdisit les courses des oublieurs^ car
à l'époque où la bande de Cartouche commit ses méfaits,
quelques oublieurs furent assassinés, et les brigands prirent
leurs déguisements pour faire de mauvais coups. Voici encore
— 835 —
ECLAIRAGE
le clocheteur des trépassés, le lugubre moine des pénitents,
qui s'avance, la robe parsemée de têtes de morts et d'osse-
ments en croix, avec sa clochette au glas sinistre et sa
psalmodie lamentable :
Réveillez-vous, gens qui dormez
Priez Dieu pour les trépassés 1
Au xvii^ siècle, Saint-Arnaud poursuivra de ses impréca-
tions ce messager de deuil. Puis c'est le prêtre de Notre-
Dame ou de Saint-Gervais qui s'en va porter, à la lueur des
flambeaux, l'hostie et les sacrements suprêmes à un mou-
rant. C'est encore, se mêlant au bruit de la clochette, qui
annonce une mort pieuse, les cris et les cliquetis d'épées,
qui annoncent plus loin une mort violente ; la plainte
étouffée de quelque malheureux frappé dans l'ombre ; le
fracas d'une fenêtre qui s'ouvre et qui se referme, après que
le bruit d'un corps qui tombe est venu retentir au milieu
de quelque flaque fangeuse. A d'autres moments c'est la
venue plus rassurante des archers du guet s'avançant à
grand fracas de hallebardes et à grand attirail de flambeaux.
Plus d'une fois cependant, au cours de ces époques trou-
blées, on résolut de parer aux périls de la nuit. Quand
éclata la guerre du Bien pubhc, Louis XI fit ordonner aux
habitants de Paris par le prévôt « d'avoir armures dans
leurs maisons , de faire le guet dessus les murailles et de
mettre ilambeaux ardents et lanternes aux carrefours des
rues et fenêtres des maisons ». Mais cette ordonnance ne
semble pas avoir produit grand effet, si bien qu'après le
combat de Montlhéry, les marchands décidèrent que l'on
allumerait la nuit de grands feux dans les carrefours et que
chacun, dans son quartier, ferait le guet en armes. Les
guerres incessantes qui eurent Heu sous François P*" gros-
sirent le nombre des aventuriers sans solde réunis à Paris.
En 15"24, le guet n'ose plus sortir, la garde assise craignant
d'être égorgée dans ses postes refuse de faire son service.
Alors, le roi étant au delà des monts, le Parlement se
décide à prendre des mesures et rend un arrêt à la date du
47 juin ^.524. Cet arrêt vise à la fois les incendies et les
vols : « La cour ordonne et enjoint derechef à tous les ma-
nants et habitants de cette ville, privilégiés et non privilé-
giés, que, chaque jour, ils auront à faire le guet de nuit. Et,
outre icelles, qu'ils aient à mettre à neuf heures du soir à
leur fenêtre sur la rue une lanterne garnie d'une chandelle
allumée. » Les années suivantes, on retrouve une série
d'ordonnances et d'arrêts analogues. En loo3, le prévôt des
marchands, indigné des placards injurieux imprimés contre
lui et collés aux murs, à la faveur de l'obscurité, donne au
lieutenant criminel l'ordre de faire placer des lanternes aux
fenêtres, mais sa colère ne peut rien contre l'inertie des
habitants. Enfin, le 29 oct. 4558, le Parlement arrête que,
pour se défendre des larrons, voleurs, effracteurs de portes
et d'huis, il y aura au coin de chaque rue, de dix heures
du soir à quatre heures du matin, un falot allumé ; l'arrêt
ajoute que « où lesdites rues seront si longues que ledit
falot ne puisse éclairer d'un bout à l'autre, il en sera mis
un au milieu desdites rues ». L'ordonnance criée dans les
rues à son de trompe et affichée dans les carrefours est le
premier arrêt sérieux rendu en la matière. Peu de jours
après, les falots furent remplacés par les lanternes. Celles-
ci consistaient en forts poteaux de bois munis d'échelons qui
permettaient de monter jusqu'aux bras de potence, placés au
sommet à angle droit. Au bout de ces bras pendaient de
lourds pots de fer remplis de résine et d'étoupes auxquelles
on mettait le feu sitôt la nuit tombée. La flamme rougeàtre
et fumeuse de ces lanternes primitives, constituait un sérieux
progrès sur l'obscurité des siècles passés. Par malheur,
l'argent fit défaut pour exécuter complètement le règle-
ment : l'arrêt portait que les lanternes seraient exécutées
aux trais du peuple. On commanda les premières lanternes, et
les lanterniers les eurent bientôt achevées, mais, lorsqu'il
s'agit de payer, les habitants se déclarèrent trop pauvres,
et le Parlement, sous prétexte de réparer le mal, fit vendre
aux enchères les lanternes et les potences pour en distri-
buer le prix aux ouvriers qui les avaient faites ; l'éclairage
fut d'abord plus théorique que réel. Mais le Parlement ne
se découragea pas et parvint à organiser tant bien que mal
l'éclairage. Les bourgeois de Paris ayant réclamé contre la
brièveté du temps d'éclairage fixé à quatre mois seulement,
on décida le 23 mai 4562 que les lanternes seraient allu-
mées pendant cinq mois et dix jours. « Le lieutenant de
police a représenté que, depuis quatre années, les rues de
cette ville de Paris ayant été éclairées la nuit pendant quatre
mois des hivers passés, les habitants y avaient trouvé une
telle commodité, que toutes les fois qu'elle a cessé, ils
n'avaient pu s'empêcher de lui en porter leurs plaintes, et
quelques personnes malintentionnées ayant cette année dans
les premières nuits de mars, entrepris de troubler la tran-
quillité publique, ce désordre avait excité de nouvelles plaintes
et obligé plusieurs bourgeois de demander avec beaucoup
d'insistance que les rues fussent éclairées plus longtemps,
avec offre de fournir à la dépense qui serait nécessaire. »
Cet état de choses, encore si imparfait, allait changer sous
Louis XIV. Dès les premières années du grand règne, les
fêtes et les illuminations qui en étaient un des attraits
commencèrent à dissiper les ombres. Les seigneurs placent
en dehors de leurs hôtels des flambeaux énormes de cire
blanche sur des chandeliers de cuivre ; les bourgeois sus-
pendent à leurs fenêtres des lanternes vénitiennes. Quel-
ques nobles même ne dédaignent pas ce mode d'éclairage
qui leur permet d'étaler leurs armoiries en transparent.
Les divers ustensiles d'éclairage jouaient un rôle impor-
tant dans le cérémonial de la cour. Le roi seul avait droit
à un bougeoir à deux bobèches et deux bougies ; le fait de
porter le bougeoir au coucher du roi était une faveur fort
recherchée. Au grand coucher du roi, l'aumônier de service
tenait le bougeoir pendant que le roi faisait sa prière, puis,
au petit coucher, le premier gentilhomme demandait au sou-
verain à qui il voulait faire l'honneur de confier le bougeoir :
celui-ci désignait souvent un étranger de distinction. Au
mariage des princes du sang, le mari de la dame d'honneur
portait le bougeoir lorsque l'on mettait au ht les nouveaux
mariés. Les cierges de cire blanche n'étaient pas seuls
employés, même dans les maisons des seigneurs et dans les
palais. On se servait également de vulgaires chandelles de
suif placées dans des chandeliers de boîs ainsi qu'il résulte
d'une anecdote contée par Tallemant : « A la fin d'un bal
une jeune fille voulant éclairer le roi à sa sortie monta sur
un siège pour prendre un bout de chandelle de suif dans un •
chandelier de bois avec une si bonne grâce qu'il en devint
amoureux. »
Les lanternes à main étaient employées pour s'éclairer
dans les rues ; elles étaient en papier ou en toile et ren-
traient dans une petite boîte ronde qui servait de fond et
au centre de laquelle était la bougie. Le couvercle, dont une
partie était mobile, servait de poignée. On voit qu'elles
ressemblaient assez à ce que nous appelons les lanternes
vénitiennes. Les pauvres qui ne possédaient pas de lanternes
plaçaient simplement une chandelle au fond d'un cornet de
papier qu'ils roulaient autour pour préserver du vent la
lumière. Cet usage fut même prescrit par quelques anglicans
dans un but rehgieux. Le lord-maire de Londres, Humphrey
Edwin, se mit en tête de faire toutes les lanternes publiques
et particulières avec des feuilles de vieilles bibles de Genève,
afin d'accomplir à la lettre le texte de la Genèse : « Ta
parole est une lanterne à mes pieds. »
C'est vers cette époque qu'un abbé, du nom de Laudati,
eut l'idée de créer une compagnie de porte-lanternes qui
éclaireraient les habitants pour un prix convenu. En mai
4665, il obtint un privilège pour une durée de vingt années.
Des postes de porte-lanternes devaient être étabhs de trois
cents pas en trois cents pas, et chacun d'eux était indiqué
par une lanterne peinte ; le prix de l'éclairage était de cinq
sous le quart d'heure, pour les gens qui se faisaient éclairer
dans leur carrosse, et trois sous pour les simples piétons. Afin
de marquer le temps, chaque lanternier portait à sa ceinture
un sabher sur lesquelles se trouvaient les armes de la ville.
Le succès de l'abbé de Laudati décida enfin l'établissement
ÉCLAIRAGE — 336 —
d'un éclairage public sérieux. A la fin de 1666,1e roi créa
la charge de lieutenant de police et y nomma La Reynie.
Celui-ci se signala immédiatement par son zèle et ses
innovations. Quelques mois après sa nomination, il rendit
un édit (mars 1667) pour établir des lanternes publiques.
Une gravure du temps nous fait assister à l'allumage des
lanternes. Le sonneur passe avec sa clochette, tandis qu'un
homme détache la corde qui retient la lanterne à la muraille
et la fait descendre : une servante qui se trouve au pied de
l'appareil, place une chandelle allumée dans la lanterne, qui
a la forme d'un gros baril. Sous la gravure on lit ce qua-
train :
La sonnette a sonné,
Abaisse ta lanterne ;
Quoique 1 usage en soit moderne
Il n'en est pas moins estimé.
On plaçait une lanterne aux deux bouts et une au milieu
de chaque rue. En outre, on avait jugé que Féclairage ne
devait exister que pendant l'hiver, les nuits d'été semblaient
trop courtes et trop claires pour avoir besoin d'un tel luxe.
Le roi fut enchanté de ses lanternes et se fit frapper des
médailles avec des inscriptions un peu pompeuses, telles
que : Providentia optimi principis et urbis securitas et
nitor. Les étrangers admirèrent fort cet éclairage.
L'Anglais Lister, dans la relation de son voyage fait en
1698, justifie son admiration par des détails précis : « Les
lanternes sont suspendues au milieu de la rue à une hauteur
de vingt pieds et à vingt pas de distance l'une de l'autre.
Le luminaire est enfermé dans une cage de verre de deux pieds
de haut, couverte d'une plaque de fer, et la corde qui les
soutient, attachée à une barre de fer , glisse de sa poulie
dans une coulisse scellée contre le mur. Ces lanternes ont
des chandelles de quatre à la livre qui durent encore après
minuit. Le mode d'éclairage coûte, dit-on, pour six mois
environ, 50,000 livres sterling. Le bris des lanternes
publiques entraîne la peine des galères. J'ai su que trois
jeunes gentilshommes , appartenant à de grandes familles,
avaient été arrêtés pour ce délit et n'avaient été relâchés
qu'après une détention de plusieurs mois, grâce aux pro-
tecteurs qu'ils avaient à la cour. » Lady Montagu, dans une
lettre en date du 16 oct. 1717, avoue que Paris est mieux
éclairé que Londres. En 1673, M""« de Sévigné écrit dans
une lettre à sa fille : « Nous soupâmes hier avec M"*^ Scar-
ron et l'abbé Têtu chez M"^° de Coulanges ; nous trouvâmes
plaisant de l'aller ramener à minuit au fin fond du faubourg
Saint-Germain, fort au delà de M"'^ de La Fayette , quasi
auprès de Vaugirard, dans la campagne. Nous revînmes
gaiement à la faveur des lanternes et dans la sûreté des
voleurs. » Les frais d'entretien des lanternes laissés à la
charge des villes étaient assez considérables, si bien qu'à la
fin de son règne, Louis XIV conçut l'idée de battre monnaie
en se faisant donner par la ville de Paris la somme qu'elle
dépensait annuellement pour son éclairage ; en échange, le
roi garantissait la lumière et se chargeait à l'avenir des
frais. Il décida ensuite la création de lanternes dans toutes
les villes du royaume, en levant sous ce prétexte une con-
tribution (1697).
Le successeur de La Reynie, d'Argenson, excita des
plaintes très vives, en supprimant, par mesure d'économie,
les lanternes, les soirs de clair de lune. « Pendant un
siècle et demi, dit Dreux du Radier, cette ridicule lésinerie
fut le but de toutes sortes d'épigrammes. Dernièrement
encore, dans une pièce des Variétés Amusantes, intitulée
VAïujlais à Paris, on fit dire à un cocher de fiacre, furieux
d'être à tâtons dans la rue : « Les réverbères comptaient
« sur la lune, la lune comptait sur les réverbères, et, ce
« qu'il y a de plus clair, c'est qu'on ne voit goutte. »
Pourtant Voltaire, dans l'éloge qu'il consacre à d'Argenson
sous le titre de la Police sous Louis XIV, s'écriait :
L'astre du jour à peine a fini sa carrière,
De cent mille fanaux Téclatante lumière
Dans ce grand labyrinthe avec ordre me suit,
Et forme^un jour de fête au milieu de la nuit.
Cette admiration paraît quelque peu hyperbolique ; « Les
lanternes en efîet formées de petits vitraux, lisons-nous
dans la Corî^espondance secrète, étaient construites de
manière à ne laisser échapper que très peu des rayons de
la faible et sombre lumière qui y était entretenue. Les
jointures des vitres produisaient dans la rue ces ombres
transversales que M. Rondin, en revenant de souper en
ville, prenait pour des poutres et qu'il franchissait avec
peine en sautant à chaque pas. » Pour obtenir un peu de
lumière, le seul remède que l'on avait imaginé avait été de
rapprocher de plus en plus les lanternes. Dans le courant
même du siècle. Sterne, dans son Voyage sentimental^
donne des détails caractéristiques. Il était venu à Paris en
1762 et 1764 et raconte son second voyage. L'Opéra-Co-
mique était alors un des théâtres les plus fréquentés de
Paris et très à la mode. Or voici comment les abords en
étaient éclairés : « Il y a un passage fort long et fort obs-
cur qui va de l'Opéra-Comique à une rue fort étroite. Il
est ordinairement fréquenté par ceux qui attendent l'arri-
vée d'un fiacre ou qui veulent se retirer tranquillement
quand le spectacle est fini. Le bout de ce passage, vers la
salle, est éclairé par une petite chandelle, dont la faible
lumière se perd avant que l'on arrive à l'autre bout. Cette
chandelle est peu utile, mais elle sert d'ornement, elle
paraît de loin comme une étoile fixe de la moindre gran-
deur : elle brûle et ne fait aucun bien à l'univers. »
Au xvni^ siècle, la question de l'éclairage passionna un
certain nombre de chercheurs. Un physicien nommé Fabre
émit l'idée d'éclairer Paris à l'aide d'une lampe unique
munie de puissants réflecteurs et placée au sommet d'une
haute tour : idée chimérique que quelques publicistes ont
encore discutée gravement au moment de la construction
de la tour Eiff^el.Èn 1744, Bourgeois de Châteaublanc, après
une série d'études en collaboration avec l'abbé Preigny,
présenta à FAcadémie des sciences une lanterne à réver-
bère qui ne projetait pas d'ombre sous elle et éclairait mieux
que le système en usage. En 1765, de Sartines proposa
une récompense à l'inventeur qui trouverait le moyen d'a-
méliorer l'éclairage en augmentant la facilité du service,
l'intensité et la durée de la lumière. L'Académie des sciences
était chargée de décerner le prix. L'appareil perfectionné
de Bourgeois de Châteaublanc fut jugé le meilleur. C'était
une lanterne à huile munie d'un réflecteur métallique.
Lavoisier, qui avait pris part au concours, avait rédigé un
long travail sur « les moyens qu'on peut employer pour
éclairer une grande ville » qui sembla peu pratique. L'in-
venteur Rabiqueau avait depuis plusieurs années déjà pro-
posé de substituer l'huile à la chandelle, mais il n'avait pu
se faire écouter. En 1765, lorsqu'on s'occupa d'établir des
réverbères, Rabiqueau s'éleva vivement contre l'imperfection
des lampes de Châteaublanc et proposa d'éclairer à ses frais,
avec une seule lampe de son invention, le Pont-Neuf, la
place Dauphine, les quais des Orfèvres et de la Volaille. Mais
il abandonna bientôt la partie. Les réverbères excitèrent
une satisfaction générale ; pourtant ils étaient au milieu de
la rue et séparés par un intervalle d'environ 50 mètres.
On établit, en 1877, des réverbères tout le long de la
route de Paris à Versailles. Le roi payait l'huile et les
mèches comme si toutes les nuits eussent été obscures ;
mais, quand la lune brillait, on n'allumait pas les lanternes.
C'est sur le bénéfice qui en résultait que l'on hypothéqua
certaines gratifications appelées « pensions du clair de lune ».
Les plaisants ajoutaient que ces pensions se payaient na-
turellement par quartiers. Une autre innovation qui prêta
à rire fut celle qu'imagina le lieutenant de police de Crosne,
en 1785. Il fit placer un réverbère d'une forme particulière
devant le logis des commissaires du Châtelet ; ces lan-
ternes se sont conservées devant la porte des commissaires
de police. Le public railla beaucoup la lanterne du commis-
saire et on nous a conservé un quatrain assez plaisant à ce
sujet :
Le commissaire baliverne
En dépit de qui chacun rit,
N"a de brillant que sa lanterne
Et de terne que son esprit.
— 337 —
ECLAIRAGE
Les réverbères subsistèrent tels quels jusqu'en 1821.
Ce fut en cette année que Ton essaya, place du Louvre, l'ap-
pareil de Vivien, de Bordeaux, qui dura jusqu'au rempla-
cement des réverbères par le gaz. Il appliquait le courant
d'air d'Argand au tube qui portait la mèche allumée. A cette
date, Paris était éclairé par près de J 1 ,000 becs placés
dans 4,64o réverbères; la dépense était de 146 fr. par an
pour chaque réverbère. La disposition des réverbères sus-
pendus au-dessus des rues était fort incommode. Pour les
allumer, il fallait les descendre jusqu'à hauteur d'homme,
les nettoyer, récurer la plaque réfléchissante, verser dans le
réservoir la provision voulue d'huile de navette ; pendant
ce temps-là les voitures étaient obligées d'attendre la fin
de toute cette toilette. Lors des grands enterrements où le
corbillard atteignait une hauteur anormale, on se voyait
obligé d'enlever les réverbères. Le l®^janv. 1815, quand
on transporta les restes de Louis XVI et de Marie-Antoi-
nette de la Madeleine à Saint-Denis, le char s'accrocha suc-
cessivement à tous les réverbères de la route. La foule,
fort peu respectueuse, s'en moquait et criait : « A la lan-
terne ! » En déc. 1840, quand on rapporta aux Invalides
les cendres de Napoléon P^, on eut soin de prendre les
précautions voulues, et la voiture, partie de Courbevoie,
arriva sans encombre à la cour d'honneur. Mais quand il
s'agit de la ramener aux pompes funèbres, on s'aperçut
qu'on n'avait pas pensé à dégager la route. Le corbillard
dut passer la nuit sur le boulevard des Invalides.
Le nombre des réverbères continua à augmenter au dé-
but du xix^ siècle, malgré l'apparition d'un nouveau mode
d'éclairage qui devait prendre plus tard le premier rang :
l'éclairage au gaz. En 1821, on trouvait 12,672 réver-
bères sur les rues et les places de Paris et 668 dans les éta-
blissements publics. Pendant longtemps les marchés passés
par la ville de Paris pour l'allumage des réverbères arrê-
tèrent les progrès du gaz. En 1838, d'après le bail fait
avec les compagnies d'éclairage public, le nombre des becs
de gaz ne pouvait dépasser le cinquième du nombre total
des lumières. Il y avait alors 12,816 becs de lumière allu-
més dans 6,273 lanternes; 11,654 de ces becs étaient
éclairés à l'huile et 1,162 au gaz. Mais cette année même
le bail expirait, et le gaz allait se substituer rapidement à
rhuile. Ce n'est pas à dire pourtant qu'aujourd'hui même
les lanternes à huile aient complètement disparu ; on en
retrouverait sans peine dans les vieux quartiers ou sur les
berges de la Seine. C'est ainsi que la routine administra-
tive, s'appuyant sur la résistance des intéressés, opposa
longtemps à l'extension du gaz des objections et des obs-
tacles fâcheux : objections et obstacles que — par un retour
bien fréquent des affaires humaines — la Compagnie du gaz
a repris à son tour un demi-siècle plus tard, au moment
où l'électricité a offert un mode d'éclairage public et privé
aussi supérieur au gaz que le gaz l'avait été en son temps
aux vieux quinquets.
Le xix*^ siècle, siècle de transformations si grandes pour
la science et l'industrie, a accompli une véritable révolu-
tion dans l'éclairage public et privé. Nous allons en tracer
un tableau rapide en remontant, au besoin, aux dernières
années du xvni^ siècle et en classant sous cinq chefs
les principaux modes d'éclairage employés aujourd'hui :
1° éclairage au moyen des huiles végétales ; 2" éclairage
par les huiles minérales ; 3° éclairage par les bougies stéa-
riques ; 4^ éclairage par le gaz ; 5° éclairage par l'électricité.
Eclairage par les huiles végétales. — Les lampes an-
ciennes étaient, nous l'avons vu, de simples vases remplis
d'huile, où trempait une mèche fibreuse de chanvre, de lin
ou de coton. L'huile montait entre les fibres par l'effet de
la capillarité. Pour faire avancer cette mèche, on se ser-
vait d'une épingle ou d'un crochet. Le volume d'air en-
traîné sur la flamme était beaucoup trop faible pour que
le carbone do l'huile pût brûler complètement. La mèche
charbonnait et produisait une fumée d'autant plus nauséa-
bonde que l'huile était plus impure et qu'on la remplaçait
souvent par des graisses infectes. Quant à la lumière, elle
grande encyclopédie. — XV.
était trop rouge et fuligineuse. Pour supprimer ces incon-
vénients, il était nécessaire d'amener un plus grand afflux
d'oxygène et, par suite, d'air dans la lampe. C'est vers la
fin du xviii^ siècle que le médecin et physicien Argand,
originaire de Genève, mais établi en France, construisit une
lampe répondant à ce besoin. Sa découverte peut être
regardée comme le véritable point de démarcation entre
l'ancien et le nouvel éclairage à l'huile : elle n'eut pas moins
d'importance en son temps que n'en a eu de nos jours la
découverte des lampes électriques pratiques. Propriétaire
d'une grande distillerie près de MontpeUier, Argand in-
venta, vers 1780, pour éclairer ses ateliers, les lampes à
courant d'air et à cylindre. La mèche plate était remplacée
par une mèche circulaire, ajustée entre deux tubes con-
centriques : l'air circulant dans le tube intérieur venait
baigner la face correspondante de la flamme qui se trou-
vait soumise à l'action d'un double courant d'air intérieur
et extérieur. Le réservoir d'huile était placé à une cer-
taine distance du brûleur et dans une position un peu plus
élevée, de manière que l'huile montât jusqu'au haut de la
mèche, en vertu du principe des vases communicants. L'ap-
pareil ainsi partagé en deux parties que réunissait un tube
s'accrochait à un mur ou se montait sur une tige à pied
plat qui lui donnait une certaine stabilité. Argand présenta
son invention aux Etats du Languedoc en n82. Encou-
ragé par le succès qu'il obtint, if perfectionna son modèle
primitif et vint à Paris pour le faire connaître. En sept,
et oct. 1784, il aida Montgolfier dans des expériences
aérostatiques où la nouvelle lampe jouait un certain rôle
et auxquelles collaboraient également Meunier, membre de
l'Académie des sciences, Lange et le pharmacien Quinquet.
Meunier présenta l'année suivante, à l'Académie , la belle
invention d'Argand. Mais celui-ci étant parti pour l'An-
gleterre, Lange et
Quinquet en pro-
fitèrent pour fabri-
quer et vendre des
lampes construites
sur le même mo-
dèle. Argand re-
vint en France pour
combattre les pré-
tentions de Quin-
quet. L'Académie
des sciences recon-
nut le bien fondé
de sa réclamation
et décida que les
lampes à courant
d'air, injustement
baptisées quin-
quets par le pu-
blic, porteraient
le nom de lampes d'Argand dans le monde savant. Un
arrêt du conseil du 30 août 1785 donnait également gain
de cause à Argand, et, le 11 oct., il obtenait une permission
emportant privilège pour la création d'une manufacture
près de Gex. Mais la Révolution étant survenue, Quinquet
reprit la vente de ses lampes ; Lange, son associé et plus
tard son rival, perfectionna un peu le cylindre de verre de
lampe d'Argand, qu'il rétrécit au-dessus de la mèche ; la
colonne d'air extérieure rejetée sur la flamme assurait une
combustion plus complète. L'Académie des sciences, à la-
quelle il présenta sa lampe, déclara qu'elle ne contenait de
nouveau que la cheminée de verre, mais que c'était de cette
cheminée que la lumière recevait son plus vif éclat. Argand
ne fut pas plus heureux en Angleterre qu'en France; il se
retira à Versoix, où il construisit un miroir elliptique et pa-
rabolique qui devait porter la lumière de Lausanne à
Genève ; mais il mourut dans la misère.
Durant les années suivantes, divers inventeurs essayèrent
de perfectionner la lampe d'Argand. On chercha tout
d'abord à supprimer le réservoir latéral qui dans les lampes
Lampe de Quinquet.
ECLAIRAGE
d'Argand projetait une ombre. En 1786, Philippe de Girard
décrivait une lampe dite hydrostatique, où la montée de
l'huile était déterminée par sa légèreté spécifique plus
grande que celle de l'eau. Un peu plus tard, il inventait
un second modèle basé sur le principe de la fontaine de
Héron. Mais les lampes hydrostatiques avaient divers in-
convénients dus à la complication de leur structure, à l'in-
iiuence exercée sur la hauteur de l'huile par les variations
de pression atmosphérique et de température et aux troubles
causes par les déplacements. Les lampes astrales dans les-
quelles l'huile est contenue dans un petit réservoir circu-
laire qui porte Fabat-jour et parvient à la mèche par deux
tubes inclinés, ne réussirent pas davantage à passer dans la
pratique. Tous ces systèmes ne supprimaient pas d'une façon
suffisante la difficulté de faire monter régulièrement l'huile.
C'est à l'horloger Carcel qu'il était réservé de résoudre
ce problème. Il prit le 24 oct. 4800 un brevet pour la
lampe mécanique devenue célèbre sous son nom. Un rouage
d'horlogerie mù par un fort barillet déterminait le mou-
vement alternatif d'un piston à double efl'et, qui faisait
monter l'huile au sommet du bec ; il en résuUait un dé-
gorgement d'huile permettant d'élever la mèche, refroidis-
sant le bec et empêchant le liquide de s'échauffer et de
s'altérer. Le réservoir était placé au-dessous delà lampe ;
la lumière était blanche et éclatante. La cheminée pouvait
être élevée ou abaissée de façon que le coude fût au point
le plus convenable pour la combustion. Mais la lampe Car-
cel avait un inconvénient : c'était la perfection même du
mouvement d'horlogerie qui était d'un prix élevé et ne pou-
vait guère être réparé que par le fabricant lui-même.
Aussi%herclia-t-on de tous côtés à la simpUfier. On songea
de suite à produire l'ascension de l'huile par la seule pres-
sion d'un ressort ou d'un poids. Franchot fut le premier à
trouver une solution vraiment pratique (1836). Voici les
dispositions essentielles de sa lampe modérateur. L'huile
est enfermée à la partie inférieure de la lampe, entre le
fond, les parois laté-
rales et un piston en
cuir embouti, pressé
par un ressort. Cette
Dl K, ■ pression détermine
^^^^H ia ^ l'ascension de l'huile
^^^'^H[ || 1 par un tube vers la
_^ J^^„.,..J^ _ mèche. A mesure que
l'huile se consomme,
le piston descend, le
ressort se débande, la
hauteur ascension-
nelle s'accroît, et le
débit du liquide au
niveau de la flamme
diminue ; pour y re-
médier, Franchot a
placé selon l'axe du
tube une tringle co-
nique qui oppose au
mouvement de l'huile
une résistance d'au-
tant plus faible que
le piston s'abaisse
davantage. L'excé-
dent d'huile retombe
dans la lampe et reste
au-dessus du cuir em-
bouti. Pour le faire
passer dans le réser-
voir, il suffit de re-
monter la lampe,
c,-à-d. de tendre le
ressort au moyen
diuio crémaillère. Le vide produit sous le cuir y produit
une ilexion qui Fécarte des parois. On procède de même
pour emmagasiner l'huile destinée à remplacer celle qui
- 388 -
Lampe modérateur
a été brûlée. La vulgarisation de la lampe modérateur a
déterminé un grand développement de Féclairage àFhuile.
Le bas prix de l'appareil a permis de produire des lampes
propres, brûlant aussi bien que les meilleures lampes à
mouvement d'horlogerie, d'un entretien facile, d'un net-
toyage commode. Son seul inconvénient, c'est de brûler
moins longtemps que la lampe Carcel : bien que le remon-
tage soit très simple et qu'il soit facile de le pratiquer avant
que la mèche ait charbonné, c'est pourtant là un inconvé-
nient assez sérieux. Sauf quelques perfectionnements de
détail ayant pour objet de rendre plus faciles le montage,
le démontage ou le nettoyage, la lampe à modérateur^ cons-
titue aujourd'hui encore l'instrument ordinaire de Féclai-
rage à l'huile végétale. Les progrès ont porté seulement
sur les formes et Fornementation de la lampe. Les porce-
laines de France, de Chine, du Japon ont été substituées
au bronze. Les huiles les plus employées sont celles d'olive,
de colza, de navette et d'œillette. On les épure par Facide
sulfurique d'après le procédé Thénard; leur fluidité et leur
hmpidité les rendent bien supérieures aux anciennes huiles
denses et visqueuses. . ^
Eclairage par les huiles minérales. — Le prix élevé
des huiles végétales engagea de bonne heure un grand
nombre d'inventeurs à les remplacer par des produits de
moindre valeur. Les premières tentatives eurent pour objet
l'emploi de l'essence de térébenthine et de Falcool.Mais les
essais furent peu heureux ; sans parler de l'extrême inflam-
mabilité de tels mélanges, la flamme, très riche en car-
bone, était toujours fuligineuse et rougeâtre.La combus-
tion répandait une odeur très forte. On eut recours ensuite
aux huiles essentielles volatiles de résine, de goudron et
de naphle. Les premières lampes étaient construites de
manière à brûler la vapeur du liquide ; par conséquent elles
n'étaient pas munies 'de mèches. A travers les huiles
échauffées passaient des gaz peu éclairants par eux-mêmes,
tels que l'hydrogène ou l'oxyde de carbone qui^ entraînaient
des vapeurs combustibles. La construction était assez ana-
logue à celle des quinquets, c.-à-d. que Fahmentatmn
avait lieu au moyen d'un réservoir supérieur. En 1832,
Breuzin construisit une lampe munie d'un réservoir infé-
rieur en métal ou en verre et d'une grosse mèche aspirant
le liquide par capillarité. La mèche était placée dans un
tube métallique qui offrait à sa partie supérieure un cer-
tain nombre d'ouvertures capillaires, au sortir desquelles
la vapeur brûlait. On commençait par échauffer le tube pour
amorcer l'appareil et volatiliser le liquide ; ensuite la combus-
tion suffisait à entretenir la marche régulière de la lampe.
Toutefois, le moindre refroidissement accidentel du tube était
funeste à la lampe, qui s'éteignait aussitôt. On employa suc-
cessivement pour alimenter cette lampe l'essence de téré-
benthine, l'huile de goudron pur, l'huile de schiste préparée
par les procédés de Selligue. Divers perfectionnements
furent réalisés par Breuzin, Robert, Jeanne, Valson pour
parer aux dangers d'inflammation et diminuer l'odeur.
Ce n'était pas là d'ailleurs le seul essai fait en vue de l'em-
ploi des huiles de schiste et des hydrocarbures liquides.
A l'Exposition universelle de 1851 étaient exposés une série
d'appareils que le rapporteur jugeait fort satisfaisants pour
l'éclairage public. Un réservoir supérieur, rempli d'un hy-
drocarbure liquide, communiquait par un tube recourbe
avec un bec portant une petite ouverture ; autour de ce bec
était une enveloppe métallique percée à sa partie inférieure
de trous destinés à l'admission de l'air et à sa partie supé-
rieure d'autres trous pour la sortie des jets lumineux. Au
moment de l'allumage, on ouvrait un peu le robinet placé
entre le réservoir et' le tube, et on chauffait le bec par une
flamme à l'alcool ; les vapeurs sortaient par le bec en (m-
traînant de Fair, et on pouvait allumer ; la combustion main-
tenait ensuite Féchauffement du tube et la vaporisation des
liquides. Ces essais intéressants restèrent pourtant isolés
jusqu'au jour où les pétroles d'Amérique inondèrent le mar-
ché. Les grands avantages économiques que présentait leur
emploi sur celui des huiles déterminèrent, à partir de 1861 ,
- 339 -
ECLAIRAGE
de nombreuses recherches dans le but de perfectionner les
appareils. L'odeur et le danger d'incendie préoccupèrent
surtout les constructeurs. On renonça à la combustion par
vaporisation et l'on se servit de mèches tantôt plates, tan-
tôt rondes ; l'huile arrivait au bec sans le secours d'aucun
organe mécanique : l'ascension ayant lieu par un réservoir
supérieur ou par la seule action de la capillarité. De là, il
est vrai, une économie notable; mais de là aussi la néces-
sité d'avoir un réservoir d'une capacité considérable, pro-
jetant un cône d'ombre fort gênant, et une grande inégalité
dans l'intensité de la lumière, par suite des différences
considérables de niveau du liquide et de la densité de plus
en plus considérable qu'il acquiert.
Aussi les huiles minérales ne purent-elles pendant les
premiers temps se substituer aux huiles végétales. On les
employait dans les atehers, les ménages peu aisés, parfois
dans les cuisines ou les antichambres ; mais on les excluait
des salons et des pièces confortables. On employait spécia-
lement pour les antichambres de petites lampes à éponge
imbibée d'essence avec mèche en coton floche, brûlant
comme une mèche de lampe à alcool. Par contre, dès le
début, on se servit avec succès des lampes à pétrole pour
l'éclairage public, pour lequel les recommandaient la modi-
cité de leur prix, iQur pouvoir éclairant et la simplicité des
appareils. Dans les pays froids où l'huile de colza était peu
répandue, et le luxe des habitations moins grand qu'en
France, l'éclairage minéral y prit une extension beaucoup
plus grande dans les intérieurs; il en fut ainsi de très
bonne heure, en Allemagne et en Russie.
Mais la consommation du pétrole s'accrut très rapide-
ment dans certains pays, plus lentement en France. Les
pétroles figurant à l'Exposition de 4878, mieux distillés,
ne s'enflammaient plus qu'entre 27 et 35° : pour certains
pétroles, l'inflammabilité a même été reportée à 60°.
Mais le fait même de la distillation plus complète des huiles
augmentait la quantité d'essence mise en circulation et
son emploi se généralisait malgré les dangers qu'elle pré-
sente. Aujourd'hui le traitement des pétroles bruts s'est
encore amélioré; les produits ne s'enflamment plus au-
dessous de la température convenable pour éviter les dan-
gers d'incendie; la combustion ne dégage plus aucune
odeur. Les appareils ont reçu de notables perfectionne-
ments. La lampe à double courant d'air s'est de plus en
plus répandue ; les appareils nommés lampe universelle,
lampe belge, etc., appartiennent à ce système. L'intensité
des foyers a augmenté; les lampes de 3, 4 et même 6
ou 8 carcels sont devenues courantes. Nombre de mo-
dèles d'un bel effet décoratif et d'un grand pouvoir éclai-
rant figurent aujourd'hui dans les salons. En moins de onze
ans, l'importation des huiles de pétrole et de schiste est
passée de 59 millions à 484 millions de kilogrammes. Le
principal inconvénient du pétrole provient de sa'facile inflam-
mabilité et des dangers que présente encore, malgré tout,
son emploi ; en revanche, c'est à l'heure actuelle le plus
économique de tous les éclairages connus : un tableau
donné un peu plus loin et montrant le prix comparatif des
divers éclairages montre sa supériorité à ce point de vue
sur l'huile ou sur le gaz. Encore convient-il de faire re-
marquer que les progrès du pétrole ont été beaucoup plus
rapides dans les pays étrangers qu'en France où ce pro-
duit est frappé d'un droit triple de sa valeur. Si le pro-
duit est dégrevé, comme il paraît probable, son emploi se
généralisera de plus en plus.
Eclairage par les bougies.— Jusqu^à la fin du xviii^ siècle
on ne perfectionna guère l'ancienne chandelle de suif, fa-
briquée au moyen de la graisse de mouton et de la graisse
do ha'uf. Les travaux de Chevrcul sur les corps gras
(1814) permirent d'extraire industriellemont du suif le
meilleur do ses principes éclairants, l'acide stéarique. Clio-
vreul prit avec Gay-Lussac,le ojanv. 4825, à Paris, un
brevet d'invention ; Gay-Lussac prit à Londres un brevet
sous le nom de Mosès-Poole. Mais aucun de ces deux bre-
vets ne fut exploité, La méthode employée, satisfaisante au
point de vue scientifique, ne l'était pas au point de vue
industriel. En 4825 et 4826, Cambacérès prit quatre bre-
vets sur le même objet. Il fabriqua des bougies stéariques ;
mais ces bougies encore jaunes et impures poissaient aux
doigts comme les anciennes chandelles, brûlaient mal et
sentaient presque aussi mauvais. Aussi Cambacérès re-
nonça-t-il bientôt à en fabriquer. Ce fut seulement en 4829
qu'après deux ans de recherches persévérantes, MM. de
Milly et Motard donnèrent une solution satisfaisante ; ils
préconisèrent un traitement satisfaisant des acides gras
et réussirent à surmonter l'obstacle où avaient échoué
leurs prédécesseurs, celui de la volatihsation complète de
la mèche. C'est de 4834 que date l'industrie des bougies
stéariques. La première usine étant située au voisinage de
l'Arc de triomphe de l'Etoile, elles prirent le nom de bou-
gies de l'Etoile qui leur resta quand l'usine eut changé de
quartier. La bougie stéarique conservait la forme de la
chandelle, mais elle était plus solide, plus propre; la
mèche n'avait plus besoin d'être mouchée ; la combustion
se faisait sans fumée et sans odeur. On l'emploie sou-
vent comme unité dans les évolutions de lumière en pre-
nant pour type la bougie qui brûle par heure 40 gr. de
stéarine. Il faut noter d'ailleurs que la bougie stéarique
coûte beaucoup plus cher que l'ancienne chandelle de suif.
Elle a donc réalisé un progrès au point de vue du confort,
mais non pas au point de vue de l'économie. Les procédés
de fabrication actuellement employés ont été décrits en
détail au mot Bougie. A côté des bougies stéariques, nous
mentionnerons les bougies de paraffine. La paraffine, décou-
verte en 4830, devint l'objet d'une exploitation impor-
tante en Angleterre à partir de 4850 et en France à partir
de 4856. Les bougies diaphanes de paraffine sont agréables
(V. les mots Bougie et Paraffine), leur emploi est assez
limité en France, mais elles sont beaucoup plus répandues
en Angleterre et surtout en Allemagne.
Eclairage par le gaz. — La découverte du gaz d'éclai-
rage est due à l'ingénieur français Philippe Lebon. Il eut
l'idée de brûler le bois en vase clos, et de faire passer les
produits gazeux de la combustion à travers une couche
d'eau : les matières bitumineuses et ammoniacales s'y con-
densaient, et il s'en dégageait un gaz pur, qui, enflammé,
donnait une belle lumière. 11 perfectionna successivement
avec beaucoup de patience et de ténacité son procédé. Dès
4786, il faisait fonctionner ses thermolampes; en 4799
(6 vendémiaire an VIII), il prenait un brevet portant :
« Sur de nouveaux moyens d'employer les combustibles
plus utilement soit pour la chaleur, soit pour la lumière
et d'en recueillir les divers produits. » Deux ans plus tard
(août 4804), il obtenait un certificat d'addition pour la
construction des machines mues par la force expansive du
gaz. Il exécuta ses essais dans l'ancien hôtel Seignelay, rue
Saint-Dominique-Saint-Germain : c'est là qu'il fit la
démonstration publique de ses thermolampes; il illumina
les appartements, les cours, les jardins au moyen de becs
de gaz disposés en forme de rosaces, de gerbes, de fleurs.
Le rapport officiel adressé au ministre constate que les
résultats ont dépassé « les espérances des amis des sciences
et des arts ». Le ministre de la marine et le premier consul
furent frappés de ce fait que l'invention de Lebon per-
mettait, en distillant le bois, d'obtenir du goudron à bon
marché : point de vue qui n'était pas sans importance à
un moment où l'on projetait de reconstruire en grand la
flotte. On accorda à Philippe Lebon la concession d'une
partie de la forêt de Rouvray, près du Havre. Il admit à
travailler avec lui des étrangers ; de nombreux Anglais
vinrent le visiter et, rentrés chez eux, n'oublièrent pas ce
qu'ils avaient vu. Les princes Gahtzin et Dolgorouki lui
offrirent d'exploiter sa découverte en Russie ; mais il refusa.
Peu ai)rès, le soir môme du couronnement de Napoléon P^',
le 2 déc. 4804, Philippe Lebon fut assassiné aux Champs-
Elysées ; ses meurtriers restèrent toujours inconnus. Sa
veuve renouvela en 4844, rue de Bercy, dans le faubourg
Saint- Antoine, les expériences du thermolampe; l'Académie
ÉCLAIRAGE
— 340 —
des sciences ayant rédigé un rapport favorablej'empereur,
par décret du 2 déc. 1811, lui accorda une pension de
1,200 francs, mais elle mourut en 1813.
Cette invention essentiellement française devait, comme
il est arrivé trop souvent, prendre son importance indus-
trielle en passant par les Anglais. En 1804, Murdoch
faisait divers essais à Birmingham; à la même époque,
Winsor, Allemand établi à Londres, créait une société à
Londres pour éclairer la ville par le gaz hydrogène ; mais
l'application n'en fut faite qu'en 1808, le bois était rem-
placé par la houille et surtout par la houille grasse. En
1815, Winsor venait à Paris pour y fonder une société;
son brevet d'importation est daté du 1«^ déc. 1815. Plus
tard, dans une polémique dont on peut trouver trace dans
le Journal des Débats du 9 juil. 1823, il reconnaît « avoir
été un des premiers en J802 à rendre un tribut d'éloges à
M. Lebon ». En janv. 1817,1e passage des Panoramas fut
éclairé au gaz ; mais la Société fut liquidée en 1819 après
avoir éclairé une partie du Luxembourg et le pourtour de
rOdéon. Les autres sociétés qui lui succédèrent pendant une
dizaine d'années ne furent pas plus heureuses. La popula-
tion était réfractaire au nouvel éclairage. Des écrivains
instruits comme Charles Nodier insistaient sur les méfaits
du gaz : des arbres meurent, les peintures des cafés noir-
cissent, des gens sont asphyxiés, des voitures versent dans
les trous creusés au miUeu des chaussées, la devanture d'une
boutique saute, etc., tous ces accidents sont exploités avec
habileté par le spirituel chroniqueur. A la Société Winsor
succèdent la Société Pauwels et la Compagnie royale. Cette
dernière, soutenue par Louis XVIII, ne réussit pas davantage.
Elle fusionna bientôt avec une compagnie anglaise formée
par Mauby-Wilson. Le l^'^janv. 1830,1a rue de la Paix est
éclairée au gaz ; six mois après c'est le tour de la rue
Vivieiine. A partir de ce moment, le procès du gaz est gagné :
peu à peu on décroche les vieux réverbères et on les rem-
place par des candélabres (Y. ce mot). Des compagnies
anglaises se forment vers cette époque et obtiennent des con-
cessions dans la plupart des grandes villes. Diverses compa-
gnies s'organisent à Paris; en 1855, elles fusionnent, mais,
après le décret d'annexion, on se trouve en présence des
exploitations autonomes de la banlieue. Toutes les sociétés
sont réunies et englobées sous le titre de Compagnie pari-
sienne d'éclairage et de chauffage par le gaz. C'est celle
qui fonctionne aujourd'hui. Elle a établi des usines aux
Ternes, à Saint-Denis, à Maisons-Alfort, à Passy, à Bou-
logne, à Ivry, à Saint-Mandé, à Yaugirard, à Belleville et
à La Yillette. Cette dernière est la plus grande de toutes.
Dès l'origine le gaz fut envoyé aux lieux de consomma-
tion au moyen d'une canalisation (Y. ce mot) spéciale.
Mais les fabricants distribuèrent aussi à domicile du gaz
portatif comprimé dans des réservoirs résistants. Les becs
de gaz (Y. ce mot) se rattachaient à divers types : becs
bougies, becs papillons, becs Manchester, becs d'Argand à
double courant. Ils donnaient des flammes uniques, droites
ou creuses, en aile de chauve-souris, etc. Les compteurs
(Y. ce mot) attiraient également l'attention des chercheurs.
Les compagnies traitèrent d'abord avec les abonnés pour
l'alimentation des becs pendant un certain nombre d'heures;
mais elles comprirent bien vite la nécessité de vendre le
gaz au volume. Clegg imagina les cloches jumelées auxquelles
le mouvement du gaz imprimait un mouvement alternatif
dont les oscillations s'enregistraient avec des rouages d'hor-
logerie. Ensuite vinrent les roues à compartiments.
En même temps de grandes ^améliorations étaient appor-
tées aux méthodes de distillation et aux choix des houilles.
Grâce à l'addition au gaz trop pauvre d'une certaine quan-
tité de gaz riche tiré du cannel-coal, le pouvoir éclairant
présentait une invariabilité presque absolue : progrès con-
sidérable sur l'ancien état de choses où la diversité des
houilles employées et la variabilité des méthodes de distil-
lation faisaient varier la teneur du gaz dans des Hmites éten-
dues. Un autre progrès réel consista dans la détermination de
la meilleure forme" de brûleur à employer ; question impor-
tante, car certains becs dépensent pour produire la même lu-
mière trois fois plus de gaz que d'autres. Des expériences très
concluantes furent faites sous la direction deMM. Dumas et
Regnault par MM. Audouin et Bérard : ils prouvèrentque pour
une niême quantité de gaz brûlé le pouvoir éclairant le plus
élevé correspond à la pression lapins faible. Ils constatèrent
en outre le fait curieux que quelle que soit la forme du brûleur
— bec fendu, bec bougie ou bec bougie à forme circulaire —
les meilleurs résultats sont donnés par une fente de 7/10^ de
millim. de largeur ou un trou de même diamètre. Ces résultats
ont servi de base à une instruction pratique rédigée par Dumas
et Regnault qui permet de vérifier chaque jour le pouvoir
éclairant du gaz dans la ville de Paris, et ils ont conduit en
1861 à abandonner l'ancien bec employé dans les lanternes
publiques et à le remplacer par un bec normal, qui, sans
accroissement de dépense, a plus que doublé la lumière.
D'autres améliorations étaient réalisées : on diminuait la
hauteur exagérée des becs au-dessus du sol ; on adoptait des
candélabres (Y. ce mot) d'un heureux elfct décoratif. La
ventilation des locaux éclairés par le gaz, qui avait de bonne
heure attiré l'attention des Anglais, commençait^ à être étu-
diée en France ; il n'est presque personne qui n'ait éprouvé
au bout de peu de temps passé dans un local éclairé au gaz un
malaise occasionné par la chaleur et les émanations que déve-
loppe la combustion. Une commission formée par les soins du
préfet de la Seine a recherché les moyens les plus faciles et
les plus pratiques de ventilation. On ménage à cet effet dans
les planchers et les murs des orifices et des tuyaux qui abou-
tissent à des cheminées d'appel. C'est seuleinent depuis que
la ventilation a été ainsi réalisée que l'emploi du gaz a cessé
de présenter de trop grands inconvénients hygiéniques dans
les pièces si restreintes de nos appartements. — La consom-
mation du gaz en France a beaucoup augmenté dans ces der-
nières années, comme le montrent les tableaux suivants •
A^NFF< PARIS
(intra-muros)
HORS PARIS
TOTAUX
1878
1888
mètres cubes
185.000.000
262.000.000
mètres cubes
197.000.000
355.000.000
mètres cubes
382.000.000
017.000.000
Tableau de la répartition des villes éclairées au gaz.
GROUPES D^HABITANTS
Au-dessous de 2,000
De 2,000 à 4,000
De 4,000 à 6,000
De 6,000 à 8,000
De 8,000 à 20,000
De 20,000 à 40,000
De 40,000 à 80,000
De 80.000 à 200,000
Au-dessus de 200,000
Totaux
1878
Nombre
60
171
134
85
164
41
21
687
Population
84.539
522.332
656.580
580.233
2,087.165
1.132.408
1.181.726
1.039.513
2.658.938
9.943.434
1889
Nombre
143
276
196
126
187
59
28
9
4
1.028
Population
197.957
822.933
951.695
872.079
2.330.095
1.550.943
1.590.873
1.078.973
3.363.205
12.758.753
341 —
ECLAIRAGE
L'accroissement a donc été très rapide. Nous sommes
pourtant tr«'^s loin de l'Angleterre. La ville de Londres à
elle seule consomme plus de gaz que la France entière. Le
fait caractéristique des dix dernières années, en dehors de
l'accroissement de consommation, est la création de becs
intensifs avec ou sans récupération. L'inertie dans laquelle
s'endormaient les compagnies privilégiées pourvues de
monopoles s'est trouvée tout à coup secouée par la con-
currence de l'électricité. Il y a dix ans, les becs employés
étaient uniquement de i , 2 ou 3 carcels et consommaient
de 400 à 125 litres par carcel. Aujourd'hui on rencontre
couramment des becs de 20, 30 et 50 carcels consommant
50, 40 et même 30 litres par carcel. Les lampes nouvelles
appartiennent à divers types : lampes intensives à l'air
libre, lampes à air chaud, lampes à incandescence à gaz,
lampes à gaz carburé. L'emploi des lampes intensives
fut provoqué par l'apparition de la bougie Jablochkoff et
son essai sur l'avenue de l'Opéra. La Compagnie du gaz
engagea la lutte en installant rue du Quatre-Septembre des
becs formés de six papillons à fente de 6/10 demillim.
consommant 1,400 litres à l'heure et munis de coupes en
cristal constituant cheminée. La dépense par carcel était
ramenée de 127 à 105 litres. Ce succès décida l'apparition
de types analogues à Paris. Les lampes à air chaud étaient
connues en principe depuis longtemps. En 1836, à la suite
d'un concours ouvert par la Société d'encouragement « sur
les moyens les plus efficaces d'augmenter le pouvoir illu-
minant du gaz », Chaussenot avait obtenu un prix de
2, 000 fr. pour une lampe réduisant de 33 *^/,, la con-
sommation. Dans cette lampe, l'air alimentant la com-
bustion s'échauffait entre deux cheminées de verre. L'idée
était juste : car les flammes du gaz doivent leur pouvoir
éclairant aux particules de carbone qu'elles tiennent en
suspension et qui viennent de la décomposition des hydro-
carbures par la chaleur, et le pouvoir lumineux de ces par-
ticules croît rapidement avec la température. Mais l'appa-
reil de Chaussenot était trop fragile pour passer dans la
pratique. Ce fut seulement en 1879 que Frédéric Siemens,
de Dresde, reprit le principe et créa les becs à récupéra-
tion très répandus aujourd'hui : l'air n'arrive au brûleur
qu'après avoir été porté à une température élevée par la
chaleur récupérée provenant des produits de la combustion.
Wenham a perfectionné en 1882 le bec Siemens en ren-
versant la flamme et en plaçant le récupérateur au-dessus
du bec, de manière à ne plus perdre de lumière. Ces nou-
veaux modèles se sont multipliés : on en voyait un grand
nombre à l'Exposition universelle de 1889.
Les lampes à incandescence à gaz sont d'un emploi beau-
coup plus restreint : elles tirent un éclat exceptionnel de la
présence dans la flamme d'une matière réfractaire portée
à l'incandescence : à ce type appartiennent le bec Clamond
(corbeille de magnésie additionnée d'oxydes métalliques)
et le bec Auër von Welsbach (mèche en zircon mélangé
avec des oxydes incombustibles). Les lampes à gaz carburé
sont alimentées par du gaz qui s'est préalablement enrichi
de carbone en traversant des hydrocarbures.
Eclairage a l'électricité, — Mais, tandis que l'éclai-
rage au gaz se substituait à l'ancien éclairage à t'huile, un
nouveau système se développait de son côté, qui, d'abord
méconnu et dédaigné, semble devoir remplacer tous les
autres dans un avenir plus ou moins rapproché : je veux
parler de l'éclairage à l'électricité. La lumière électrique
a été connue de tout temps : l'éclair, en effet, n'est pas
autre chose qu'une gigantesque étincelle électrique ; mais
c'est seulement au xvii® siècle qu'on a réussi à reproduire
artificiellement l'image en miniature de ce grandiose phé-
nomène naturel. A partir de ce moment jusqu'à nos jours,
l'histoire de l'éclairage électrique a passé par trois phases
bien distinctes, que l'on peut résumer d'un mot en disant
qu'elles correspondent exactement aux progrès des ma-
chines génératrices d'électricité. La première période, qui
comprend la fin du xvii® et tout le xviii® siècle, est la pé-
riode des machines statiques ; la seconde période, qui com-
prend les soixante-dix premières années du xix^ siècle, est
la période des piles ; la troisième période ou période con-
temporaine est celle des dynamos. Tant qu'on ne connaît
d'autre source d'électricité que la machine statique, on ne
connaît d'autre manifestation lumineuse que l'étincelle,
d'une durée aussi courte que l'éclair. La pile découverte en
1800 par Volta permet de produire l'électricité d'une ma-
nière continue : à l'étincelle succèdent l'arc électrique
(1813) et les lampes à incandescence (1841). L'arc et les
lampes à incandescence revêtent, dès l'origine, l'aspect
même qu'ils ont aujourd'hui. Mais ils restent confinés
dans les laboratoires, le prix du nouvel éclairage étant
beaucoup plus élevé que celui de l'ancien. Ce n'est que
quand les machines dynamo-électriques permettent de
produire l'électricité à bon marché que s'ouvre la période
industrielle.
Ce fut Otto de Guericke, bourgmestre de Magdebourg,
qui découvrit, en 1672, l'étincelle électrique. Ayant cons-
truit la première machine électrique, simple globe de soufre
qu'il faisait tourner rapidement avec une corde pendant qu'il
appuyait la main dessus, il vit qu'en approchant de ce globe
un objet, il en jaillissait une petite lueur. Peu après, Wall, qui
répéta l'expérience avec un bâton d'ambre, déclara que la
lumière et le craquement lui paraissaient représenter en
quelque sorte le tonnerre et l'éclair. Dufay, membre de
l'Académie des sciences de Paris, se fit électriser en se pla-
çant sur un plateau de bois isolé et tira des étincelles de
tous les objets voisins, en même temps que les personnes
présentes en tiraient de son corps. L'expérience excita une
admiration unanime ; quelques-uns la varièrent en se coif-
fant la tête d'une couronne métallique munie de pointes,
d'où paraissaient sortir des auréoles lumineuses. D'autres
électrisèrent Teau d'une fontaine qui se dispersait en gouttes
brillantes. Au moyen de grosses machines électriques for-
mées de plusieurs globes de soufre de grandes dimensions,
on réussit à obtenir des jets de flamme si rapprochés, que
l'on voyait distinctement les visages d'une dizaine de per-
sonnes assises dans une chambre. Aussi les plus vives espé-
rances furent-elles excitées par là chez les contemporains.
Le XIX® siècle marque une nouvelle ère dans l'histoire
de l'électricité. En 1800, Volta découvre la pile grâce à
laquelle on produit, d'une manière suivie, les effets des
anciennes machines. On reconnaît facilement l'identité qui
existe entre l'électricité des machines et celles des piles.
Divers physiciens remarquent que, lors de l'ouverture et
de la fermeture du circuit, il se produit des étincelles dues
à l'arrachement des morceaux de métal incandescents. Il
semblait naturel de remplacer les pointes métalliques, dif-
ficiles à rendre incandescentes et s'arrachant mal, par des
pointes de charbon. Le physicien Ritter termina un des
côtés de la chaîne par un crayon de charbon : il obtint
ainsi de belles étincelles.
Un pas de plus, et l'arc voltaïque était trouvé. Ce pas
décisif, ce fut Davy qui le fit. L'expérience eut lieu en
1813 à l'Institution royale de Londres. Davy employait
une pile de 2,000 couples zinc-cuivre de 2 décim. carrés
chacun, et baignant dans une dissolution d'alun acidulée
par l'acide sulfurique. Le courant était amené dans deux
morceaux de charbon de bois de 3 centim. de longueur et
de 2 milHm. de diamètre, placés bout à bout. Les écartant
progressivement jusqu'à 11 centim. de distance, Davy
obtint une magnifique bande de feu dont l'éclat dépassait
celui de toutes les lumières alors connues. Il put fondre
ou volatiliser dans ce brillant foyer les substances les plus
difficilement fusibles : le platine, le quartz, le saphir, la
chaux, la magnésie (V. Arc électrique). En répétant
l'expérience de Davy, on reconnut bien vite que, pour la
faire passer dans la pratique, il faudrait surmonter trois
graves difficultés, tenant la première à la nature des piles,
la seconde à celle des charbons, la troisième à la régulation
de l'arc.
Les piles construites sur le modèle de celle de Volta
s'affaiblissaient très vite par le passage du courant,
ECLAIRAGE
- 342 —
en sorte que l'intensité diminuant, l'arc s'éteignait tout à
coup. La découverte des éléments à courant constant (élé-
ments Daniell, 1838, et Bunsen, 1840) en levant cette objec-
tion ramena l'attention publique vers les applications de
l'arc électrique.
Alors se présenta la question des charbons : les charbons
de bois employés par Davy se consumaient très rapide-
ment et donnaient un éclat variable suivant les échantil-
lons. En 1844, Léon Foucault substitua aux charbons de bois
les charbons qui se déposent contre les parois des cornues
à gaz. Ces charbons lentement formés présentent plus de
dureté et brûlent moins rapidement. Mais bien que les
expériences publiques de Deleuil à Paris eussent fort bien
réussi, les charbons des cornues laissaient encore fort à
désirer ; ils étaient mélangés, comme le montra Le Roux, à
des matières terreuses et siliceuses, en sorte que leur lu-
mière était très agitée. Les charbons, se désagrégeant par la
fusion de ces matières, éclataient souvent et se trouvaient
accompagnés la plupart du temps de vapeurs qui écoulaient
une partie de l'arc à l'état de décharge obscure. On cher-
cha donc à fabriquer de toutes pièces des charbons aussi
durs, mais plus purs. Dès 1846, deux ans à peine après
l'innovation de Foucault, Staite et Edwards faisaient bre-
veter un procédé dont le principe est encore employé
aujourd'hui. Ils pulvérisaient un mélange de coke et de
sucre qu'ils malaxaient et comprimaient dans un moule ;
ils le soumettaient successivement à une première cuisson,
après laquelle ils ajoutaient une dissolution concentrée de
sucre, puis à une seconde cuisson à la chaleur blanche.
Plus tard Jacquelain fabriqua un charbon très pur avec les
goudrons provenant de la distillation de la houille ; Arche-
reau donna l'idée de comprimer la pâte à travers une filière,
et obtint de bons résultats en ajoutant de la magnésie aux
poudres de charbon. Depuis cette époque d'innombrables
brevets ont été pris pour la préparation des charbons. Ils
ne diifèrent guère les uns des autres que par les propor-
tions relatives du coke et du sucre, par la substitution du
charbon de bois au coke. Contentons-nous de dire que les
charbons les plus lumineux sont ceux de Gaudoin (1877),
dont la base est le noir de fumée, et que les plus souvent
employés dans l'industrie sont ceux de Carré en France
(1876) et de Siemens en Allemagne.
Le problème de la fabrication des charbons n'était pour-
tant pas ni le seul, ni même le principal dont on se préoc-
cupât alors. Le problème des régulateurs paraissait encore
plus important. Afin d'empêcher l'extinction de l'arc, Davy
se bornait, au fur et à mesure de la combustion, à rap-
procher à la main les deux pointes de charbon. Ce procédé
par trop primitif réglait la lumière par soubresauts et offrait
en outre de graves inconvénients pour la vue de l'opéra-
teur, obligé de s'approcher de très près de la lampe. On
s'appliqua donc à trouver un système capable de maintenir
la lumière fixe dans l'espace et de lui conserver une inten-
sité constante malgré l'usure des charbons et les variations
incessantes de l'intensité du courant. En 1845, Thomas
Wright eut l'idée de remplacer les baguettes cylindriques
de charbon par deux disques de carbone, auxquels un
mécanisme d'horlogerie communiquait un double mou-
vement de rotation et de translation. A chaque révolution
du disque les charbons se trouvaient rapprochés d'une
distance précisément égale à l'usure due à la combustion.
L'année suivante, William Edward Staite imagina de
régler le rapprochement des charbons par un ressort
en spirale. Deux crayons incHnés de 30° se rencontraient
obliquement sur une substance réfractaire et mauvaise con-
ductrice de l'électricité. Ces crayons étaient placés dans des
gaines métalliques et poussés par des ressorts à boudin qui
devaient maintenir leurs pointes à une distance fixe. Ce
système donna des résultats médiocres par suite de l'usure
inégale des deux charbons, le charbon positif brûlant deux
fois aussi vile que le négatif.
Tous les régulateurs, dans lesquels la distance des char-
bons est maintenue par des procédés purement mécaniques.
sont d'ailleurs insuffisants ; la longueur de l'arc dépend en
effet de l'intensité du courant. Toute variation du courant
risque donc d'amener l'extinction de l'arc. Grave inconvé-
nient que l'on ne saurait éviter qu'en prenant le courant
lui-même comme régulateur. Foucault en émit l'idée en
1848, et Archereau la réalisa presque aussitôt; il fixait le
charbon inférieur à un cylindre de fer placé à l'intérieur
d'une bobine creuse et équilibré par un contrepoids qui
tendait à le faire buter contre le charbon supérieur. Le
courant en passant faisait descendre le cyHndre dans la
bobine; mais, dès qu'il s'affaiblissait, le cylindre remontait.
Foucault fit ensuite construire par Dubosq un régulateur
très parfait muni de deux moteurs, dont l'un éloigne les
crayons quand ils sont trop rapprochés et dont l'autre les
rapproche quand ils s'éloignent. Mais cet appareil était
trop délicat pour passer dans la pratique industrielle. En
revanche, celui de Serrin a été très employé ; sa caracté-
ristique est un parallélogramme oscillant auquel on a eu
souvent recours depuis.
C'est en 1841 qu'eurent lieu les premières expériences
publiques faites par Deleuil et Archereau sur le quai Conti.
Ils utilisaient comme source d'électricité une pile de
100 éléments Bunsen ; les charbons de l'arc étaient placés
dans un ballon où l'on avait fait le vide. Ils n'employaient
pas de régulateur. La lumière était si vive que Cagnard de
La Tour put lire du terre-plein de la statue de Henri IV une
étiquette placée au fond de son chapeau. L'année sui-
vante, Archereau fit de nouvelles expériences publiques rue
Rougemont, boulevard Bonne-Nouvelle et rue Basse-du-
Rempart. Le journal r Illustration contient une intéres-
sante gravure représentant la place de la Concorde illumi-
née à l'électricité, le 20 oct. 1843. C'était Archereau qui
avait installé la partie optique. L'arc électrique jaillissait
dans le vide entre deux pointes de charbon trempées dans
du mercure. Le courant était produit à l'aide de 200 élé-
ments à acide nitrique et charbon construits par Deleuil.
Le journal insiste sur le merveilleux éclat de la lumière ;
la plupart des becs de gaz, dit-il, avaient été éteints et la
lueur de ceux qui demeuraient semblait pâle et fuligineuse.
Avec quatre ou cinq foyers semblables, la place eût été
parfaitement éclairée. L'expérience devait être recommen-
cée peu après en plaçant une étoile beaucoup plus brillante
au sommet de l'Obélisque. Mais cette curieuse idée ne fut
pas mise en exécution. En déc. 1844, Foucault fit de nou-
velles expériences au même endroit. Il avait disposé son
appareil sur les genoux de la statue de la ville de Lille.
Une pile de 100 éléments Bunsen était logée dans la petite
pièce ménagée dans le soubassement de la statue ; on lisait
facilement un journal au pied de l'obélisque.
Peu après, la lumière électrique était introduite au
théâtre. Le premier essai eut lieu en 1846 dans la pièce
des Pommes de terre malades. Il fut renouvelé en
1849 à l'Opéra : on y montait le Prophète^ et Meyerbeer
pria Foucault de chercher le meilleur 'moyen de figurer
un lever de soleil. Celui-ci, qui venait d'inventer son
régulateur, en fit usage avec un grand succès. Duboscq,
qui fut chargé peu après du service électrique de l'Opéra,
y réalisa une multitude d'applications de l'éclairage élec-
trique : imitation de la lune, de l'arc-en-ciel, rayons de cou-
leurs, suivant les personnages, fontaines lumineuses, etc.
Durant le second Empire, l'éclairage électrique, sans en-
trer encore dans la pratique courante, fut employé à maintes
reprises. Ce fut grâce à lui que l'on put travailler de jour
comme de nuit au nouveau Louvre, au pont Notre-Dame et
aux docks Napoléon. Dans cette dernière entreprise, huit
cents ouvriers étaient occupés dans les tranchées ; celles-
ci étaient éclairées par deux régulateurs alimentés chacun
par une pile de cinquante éléments. A l'Exposition de 1835,
la grande nef du palais de l'Industrie fut éclairée à l'élec-
tricité, lors de la distribution des récompenses. Duboscq
avait installé l'éclairage qui dura douze heures consé-
cutives sans la moindre défaillance. A chacune des extré-
mités du vaisseau, on avait placé une lampe alimentée par
— 343 —
ECLAIRAGE
cent éléments Bunsen. La première lampe marcha de cinq
heures à dix heures et demie du soir ; la seconde de dix
heures et demie à trois heures du matin et de trois à six
heures. On réunit ensuite les deux lampes de manière à les
faire fonctionner ensemble. Au moment où le jour parut,
la lumière brillait encore de tout son éclat.
C'est en cette même année que l'on fit la première ap-
plication des projections électriques à la guerre, La flotte
française s'en servit au siège de Kinburn, dans la Bal-
tique; en 1863, l'électricité fut installée aux phares de La
Hève avec un grand succès. Aussi construisit-on, lors de
l'Exposition de 1867, un petit phare qui fut fort remarqué
sur le modèle de ceux de La Hève. Les lampes Serrin ser-
vaient encore à éclairer à cette exposition une belle pis-
cine située le long du quai de la Seine, où des plongeurs,
vêtus d'un appareil Denayrouze, jouaient aux dominos de-
vant les badauds stupéfaits. Au mois de janvier, Napo-
léon III fit venir Serrin et lui ordonna d'éclairer la
cour du Carrousel à l'aide de quatre régulateurs de son
système. Le résultat ayant été très satisfaisant, la lumière
électrique fut appelée à jouer son rôle dans la grande fête
de nuit donnée aux Tuileries le 10 juin. C'est la fête
connue sous le nom de fête des souverains, car Napo-
léon avait réuni à sa table l'empereur Alexandre II et son
fils, le roi Guillaume et son ministre M, de Bismarck, le
taïkoun du Japon et un grand nombre de majestés secon-
daires dont les principautés ont, pour la plupart, disparu
depuis lors. Dans le jardin étaient installés trente-deux
régulateurs que l'on alluma tous au même instant, afin de
faire succéder sans transition la lumière la plus intense à
l'obscurité la plus profonde. Chacun d'eux était alimenté
par cinquante piles Bunsen dissimulées dans les fossés.
En face de chaque régulateur se trouvait un soldat, préa-
lablement stylé. Trois coups de grosse caisse furent frap-
pés. Au troisième, chaque soldat tournait son commuta-
teur. La précision fut parfaite, et tout le jardin s'illumina
d'un seul coup. D'ailleurs, des expériences analogues avaient
lieu dans tous les pays: à Rio de Janeiro, pour l'anniver-
saire de l'indépendance du Brésil; à Boston, pour célébrer
la victoire des armées fédérales (1863).
Vers la même époque, d'autres expériences non moins
remarquables ouvraient une nouvelle voie. Les régulateurs
présentent l'inconvénient qu'on ne peut en placer qu'un
seul par circuit, carie courant réglant le rapprochement des
charbons, un accident arrivé à une lampe troublerait toutes
les autres. Or, dans l'éclairage privé ou public, on a plutôt
besoin d'une série de petits foyers que d'un seul foyer
intense. Aussi chercha-t-on de bonne heure à établir des becs
électriques analogues aux becs de gaz. Les frères Deleuil
tentèrent pendant les mois de sept., oct. et déc. 1850
de placer dans un même circuit une série d'arcs vol-
taïques, mais les résultats furent médiocres, la lumière ne
se maintenant jamais fixe plus de dix à quinze minutes.
Deux physiciens lyonnais, J. Lacassagne et Rodolphe Thiers,
reprirent la question et imaginèrent une disposition, grâce
à laquelle chaque lampe brille isolément sans influencer sa
voisine. Les lampes sont connues aujourd'hui sous le nom
de lampes différentielles. Considérons un régulateur Ar-
chereau où le déplacement des charbons est réglé par les
mouvements d'un noyau de fer doux placé dans l'arc d'un
solénoïde que traverse le courant ; plaçons en dérivation
sur l'arc un second solénoïde à fil très résistant. Le courant
se partage entre ces deux branches en raison inverse de
leurs résistances. Si le régulateur est en équilibre, si l'arc
offre une résistance déterminée, le courant peut varier d'in-
tensité ; l'arc reste fixe. Les accidents survenus aux autres
lampes ne tirent pas à conséquence. Il suffit donc d'assu-
rer la régulation de l'intérieur de l'appareil ; or, celle-ci
se fait sans difficulté : si l'arc s'allonge, sa résistance aug-
mente, une plus grande partie du courant se dérive dans
la bobine à fil fin "et l'attraction de celle-ci augmentant, le
noyau s'élève et la distance des charbons se rétablit. C'est
au moins de juin 1855, sur le quai des Célestins, à Lyon,
que Lacassagne et Thiers firent les premières expériences
publiques du nouveau système avec leur lampe à mercure.
« Le quai tout entier, dit le Salut public^ était inondé
d'une lumière fulgurante qui permettait de lire à une dis-
tance de 400 m. ; les oiseaux eux-mêmes, croyant le jour
déjà revenu, quittèrent leurs nids pour venir battre de
l'aile dans les rayons du nouveau soleil. » Ces expériences
furent répétées avec succès, en 1855, à Château- Beauj on,
et, en 1857, dans la grande rue de Lyon ; pendant les
dernières soirées, on éteignit même les réverbères à gaz.
En 1856, on éclaira de même à Paris l'avenue de l'Impé-
ratrice, au moyen de deux lampes placées sur l'Arc de
triomphe. Le système de Lacassagne et Thiers donnait,
par avance, la solution d'un problème qui a été passionné-
ment discuté il y a quelques années : celui de la division
de la lumière électrique. Mais il venait avant son heure.
On ne disposait pas d'autres sources d'électricité que les
piles, et il semblait indifférent de placer plusieurs foyers
sur le même circuit. Ce n'est que lorsqu'on eut inventé
des générateurs puissants que la question de la division
de la lumière électrique se posa de nouveau. A cette époque,
Siemens présenta un modèle de lampe qui reproduisait les
dispositions essentielles des physiciens lyonnais.
Plus récemment, on a imaginé de substituer aux régu-
lateurs, appareils délicats et compliqués, les bougies élec-
triques dans lesquelles tout mécanisme est supprimé. Cette
combinaison si simple fut imaginée en 1877 par l'officier
russe Jablochkoff. Deux charbons parallèles sont séparés
par une matière isolante, telle que le kaohn, qui se con-
sume en même temps. Pour allumer les bougies, on réunit
les deux pointes des baguettes des électrodes par un petit
filet de charbon que le passage du courant fait rougir et
qui remplit l'office d'amorce .'Mais il subsiste toujours une
difficulté : dans l'arc voltaïque, le pôle positif s'use deux
fois aussi vite que le négatif. Pour y obvier, Jablochkoff"
donna à ce charbon positif une section double de celle du char-
bon négatif. Mais il vit bientôt qu'il était beaucoup plus simple
de laisser les charbons semblables et d'avoir recours aux
courants alternatifs. La bougie Jablochkoff' a puissamment
contribué au triomphe de l'éclairage électrique. Sa remar-
quable simphcité en a fait, dès son apparition, l'objet d'un
engouement mérité. La nouvelle invention ferma la bouche
à ceux qui s'obstinaient encore à ne voir dans la lumière
électrique qu'une curiosité de laboratoire nécessitant la pré-
sence d'un physicien de profession. Une compagnie impor-
tante se forma aussitôt pour l'exploiter et les applications se
multiphèrent rapidement. Les premiers essais publics eurent
lieu au mois de mai 1877 dans les grands magasins du
Louvre : six foyers y furent allumés dans le hall Marengo,
Les grands hôtels, les théâtres, les gares y eurent bientôt
recours. En 1879, on comptait à Paris plus de trois cents
foyers de ce système ; l'avenue de l'Opéra en donnait une
brillante démonstration, ainsi que la place de la Bastille,
les Halles, la place du Théâtre-Français, l'hôtel Continen-
tal, l'Hippodrome, l'hôtel du Figaro, le théâtre du Châ-
telet, etc.
Lumière électrique à incandescence. Dans les lampes
à incandescence, le conducteur, au lieu de se consumer
comme dans les appareils à arc, est simplement porté au
rouge. Les apparences d'incandescence ont été observés
dès le xviii^ siècle. Le thermomètre de Kinnersley (1761)
contient une spirale en fil de fer portée au rouge par la
décharge d'une batterie. Plus tard, Van Marum, avec sa
grosse machine, fit fondre de gros fils de fer et constata
que le platine est le métal le plus difficilement fusible.
Une fois l'incandescence constatée, il était naturel de
supprimer l'air dans lequel le fil se consumait rapidement
et de faire l'expérience dans le vide. La première lampe à
incandescence fut construite par l'Anglais de Moleyns à
Cheltenham, en 1841. Un ballon de verre, dans lequel on
avait fait le vide, était traversé par une spirale de platine
verticale que le courant rendait incandescente. Pour aviver
cette lumière, de Moleyns laissait tomber sur le fil rougi
ÉCLAIRAGE
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du charbon finement pulvérisé et contenu dans un petit
réservoir placé à la partie supérieure de la spirale. Grâce
à cet artifice, on obtenait une belle lumière blanche.
Comme la spirale fondait facilement, de Moleyns avait eu
la précaution de la composer de deux parties placées côte
à côte, en sorte qu'il suffisait de pousser un petit cercle
métallique pour substituer la moitié intacte à la moitié en-
dommagée. Mais cette précaution, pour louable qu'elle fût,
était d'un caractère peu pratique, et le platine fondait trop
facilement pour que la lampe devînt d'un usage courant.
En 1845, apparut un nouveau système d'incandescence.
Il avait été imaginé par l'Américain Starr : le grand phi-
lanthrope Peabody, qui le subventionnait, avec une modes-
tie dont l'Amérique a perdu l'habitude, lui conseilla d'aller
soumettre son invention aux savants européens. Mais
Peabody, se défiant de la naïveté de son protégé et du
manque de scrupules des Anglais, eut l'idée malheureuse
de lui adjoindre un agent d'affaires retors nommé King.
La lampe de Starr consistait en un candélabre de vingt-
six lampes (destinées à symboliser les vingt-six Etats de
l'Union) ; il la fit fonctionner avec un plein succès sous les
yeux de Faraday. Chaque lampe se composait d'un ballon
(le verre où l'on avait fait le vide, traversé par deux tiges
métalliques entre lesquelles se trouvait un mince fil de
charbon des cornues. Ce fil était porté au rouge blanc par
un fort courant. Starr insistait sur l'utilité que pouvait avoir
sa lampe pour les plongeurs, les mineurs et dans toutes les
circonstances où les lumières à flannnes sont dangereuses.
Son invention était fort intéressante : il la paya peut-être
de sa vie, car, le lendemain du jour où il quitta l'Angleterre,
en compagnie de son secrétaire, on le trouva mort dans
son lit, et^King s'empara de ses brevets pour les exploiter.
Mais le charbon des cornues retient dans ses pores de
Pair qui amène bientôt sa combustion. Aussi en revint-on
aux spirales métalliques. Pétrie remplaça, en 1849, le pla-
tine par l'iridium : invention dont on a voulu faire honneur
à Edison, sans grand intérêt, du reste, car Piridium fond
comme le platine. Vers 1858, eurent lieu les essais d'un
inventeur original nommé de Changy, essais qui exci-
tèrent d'abord un grand enthousiasme, puis tombèrent
dans l'oubli. On y trouve pourtant le germe de presque
tous les progrès accompHs plus tard. De Changy essaya suc-
cessivement l'incandescence des métaux et celle du charbon.
Il construisit d'abord une lampe incandescente au platine.
Des expériences préalables le conduisirent à reconnaître
que le métal devait recevoir une préparation particulière ;
au lieu de le porter de prime abord à l'incandescence , il
vaut mieux l'accoutumer peu à peu à l'office qu'il doit
rendre ; à cet effet, on le maintient à des chaleurs rouges
modérées pour le faire lentement arriver au degré où il doit
être maintenu. Edison a retrouvé ces résultats vingt ans plus
tard. Mais pour éviter la fusion du métal il était nécessaire
de régulariser l'intensité du courant et de diviser celui-ci
entre plusieurs lampes. De Changy y arrivait en plaçant
chaque lampe sur un circuit dérivé du courant principal ;
ce circuit traversait, en outre, le fil d'un électro-aimant. Un
second circuit dérivé, branché sur le premier, était formé
par le noyau de cet électro-aimant et son armature : ce
second circuit ne se fermait que si le courant devenait trop
intense, et menaçait de fondre le platine ; il lui fournissait
alors une dérivation. Cette méthode ingénieuse n'obviait pas
d'une manière suffisante au grand inconvénient du platine,
qui est le risque de fusion. Aussi de Changy eut-il également
recours à l'incandescence du charbon. Il tailla d'abord des
baguettes très fines de charbon des cornues, et, pour éviter le
défaut d'homogénéité qui causait fréquemment leur rupture,
les trempa dans des résines fondues ou des solutions sucrées,
et les fit ensuite recuire. Mais cet artifice même n'était pas
complètement satisfaisant. Aussi, en 1859, du Moncel ayant
fait connaître, dans ses études sur la bobine de Ruhm-
korfi*, des expériences dans lesquelles il avait obtenu une
très brillante lumière par l'incandescence de fibres végé-
tales, telles que du liège, préalablement trempées dans
l'acide sulfurique et carbonisées, de Changy tenta l'appli-
cation de ce procédé aux lampes vides d'air, mais il
reconnut qu'il fallait augmenter la conductibilité et l'homo-
généité qui n'étaient pas suffisantes ; cela exigeait une
série d'expériences qu'il ne poussa pas jusqu'au bout. On
sait que c'est dans cette voie qu'ont été trouvées les solu-
tions adoptées aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, les résultats
obtenus par de Changy dans ses divers essais excitèrent
l'admiration de tous les spectateurs. M. Jobard, directeur
du Musée industriel de Bruxelles, les décrivait en ces
termes : « J'ai vu une pile de douze éléments Bunsen,
perfectionnée par de Changy, produisant un arc lumineux
constant, sans intermittence et sans crépitation, entre deux
charbons rapprochés par un régulateur de son invention ;
de plus, une douzaine de petites lampes de mineur, mo-
biles sur des tringles ou des fils de cuivre dont il peut à
volonté allumer ou éteindre l'une ou l'autre, ou toutes
ensemble , sans que l'intensité de la lumière augmente ou
diminue par l'extinction des lampes voisines. Ces lampes,
contenues dans des tubes de verre hermétiquement fermés,
sont destinées à l'éclairage des mines a grisou aussi bien
qu'aux réverbères des rues, qui s'allumeraient et s'étein-
draient tous dans toute une ville en ouvrant ou fermant le
circuit. Cette lumière est blanche et pure comme celle du
gaz Gillard avec laquelle elle a, du reste, ce seul point de
contact, que c'est l'incandescence du platine qui la produit.
Les tuyaux de conduite de gaz seraient alors remplacés par
de simples fils et ne pourraient occasionner ni explosions,
ni incendies, ni mauvaises odeurs. J'ai vu également une
ampoule lumineuse en verre épais que l'on peut immerger
à des profondeurs considérables sous Peau. Mon étonne-
ment a été grand de voir une lampe s'allumer dans le
creux de ma main et rester allumée en la mettant dans ma
poche, avec mon mouchoir par-dessus. » Un autre témoin
s'exprime ainsi : « Emerveillé de ce que j'avais vu chez
Changy en 1859, j'en ai parlé à un architecte de mes amis,
Lenoir, qui construisait, boulevard de Strasbourg, un im-
mense café. Quelle attraction pour un nouveau café, alors,
que d'être éclairé à l'électricité ! Il fallait trois cents becs.
Je fus chargé de voir Changy qui, désolé, me fit voir sa
pile pour ses quatre becs. Il aurait fallu une église pour
contenir la pile de Bunsen génératrice de trois cents becs
Changy. » Ces belles expériences venaient avant leur temps ;
l'heure des grandes applications n'avait pas sonné ; on
ignorait les sources puissantes d'électricité dont nous dis-
posons actuellement. C'est seulement de nos jours que les
machines génératrices ont pris naissance et se sont rapi-
dement perfectionnées. Le moment propice à l'incandes-
cence est venu. De tous côtés, les inventeurs se tournèrent
vers les créations de ce genre ; plusieurs d'entre eux, qui
n'ignoraient pas les recherches de Changy, se bornèrent à
rééditer ses résultats avec des dispositions pratiques sou-
vent inférieures.
En 1878 ont lieu les premiers essais d'Edison. Sa pre-
mière machine, bien oubliée aujourd'hui, si tant est qu'elle
ait jamais été exécutée, se composait essentiellement d'un
gigantesque diapason vibrant, portant des bobines dont les
oscillations engendraient le courant ; les lampes étaient à
fil de platine avec des régulateurs rudimentaires. La nou-
velle de cette invention fit baisser les actions des compa-
gnies de gaz de 100 fr. en une bourse. En revanche,
lorsque, deux ans plus tard, le vrai système parut, les
compagnies de gaz ne furent aucunement ébranlées. Ce fut
la dernière tentative faite au moyen de spirales métal-
liques. On en revint au charbon. En 1875, le Russe Konn
proposa une lampe fondée sur la combustion du charbon
rendu incandescent dans le vide incomplet. En 1878,
MM. Reynier et Werdermann inventèrent des lampes à
contact imparfait : on fait presser un crayon de charbon
contre un cylindre ou un disque qui tourne. Le courant
porte le charbon à l'incandescence : l'usure a lieu au point
du contact imparfait où la température est le plus élevée.
Ces lampes paraissaient avoir Pavenir à elles, car elles
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ECLAIRAGE
résolvaient le difficile problème de la division de la lumière
électrique. Mais les lampes à incandescence les supplan-
tèrent presque aussitôt. En 1879, Edison proposa un nou-
veau système de lampes à incandescence autour duquel on fit
beaucoup de bruit comme autour de toutes les inventions de
ce célèbre industriel. Il se servait de papier bristol carbonisé
auquel il donnait la forme de fer à cheval. Avec un courant
de huit éléments Bunsen, ce filament donnait une belle
lumière blanche. On apporta un grand nombre de lampes
en Europe, mais aucune ne dura plus de quelques semaines.
L'invention d'Edison n'en était une qu'au point de vue
financier .
L'attention des chercheurs se tourna alors vers la dé-
couverte d'un filament de charbon durable. Il n'y avait
pour le trouver qu'à se souvenir des expériences de du
Moncel et du Cliangy, et plusieurs physiciens aboutirent,
à peu près en même temps, à des résultats pratiques.
M. Swann, industriel de Newcastle, avait déjà fait quelques
essais de lampe à incandescence au moyen de spirales de
carton carbonisé, mais ce charbon se désagrégeait fort vite.
Le 20 oct. 1880, il présentait à la Société philosophique
de Newcastle une lampe capable de fonctionner. Le filament
était composé de tresses de coton ; ces tresses étaient plon-
gées dans l'acide sulfurique, puis chauffées au rouge blanc
au milieu de poussier de charbon. On les introduisait alors
dans la lampe où l'on faisait le vide avec la pompe Sprengel,
tandis que le courant passait pendant une demi-heure à
travers le filament. Après ces diverses opérations, la lampe
était fermée. Edison reconnut bientôt l'insuffisance du papier
carbonisé, et il essaya à son tour d'employer les fils de
coton, mais il y renonça bientôt pour s'arrêter à l'emploi
des fibres d'une espèce de bambou très commun au Japon
qui donne des résultats bien supérieurs. Ces filaments sont
enfermés dans une ampoule de verre où l'on fait le vide
au millionième d'atmosphère. Ce sont les lampes mêmes
que l'on emploie à l'heure présente. Leur fabrication sera
décrite au mot Lampe à incandescence.
A la même époque parut la lampe Maxim qui se dis-
tingue des précédentes par ce fait que le fil incandescent
n'y séjourne pas dans le vide, mais bien dans un gaz hydro-
carbure. Selon l'inventeur, ce système aurait l'avantage de
permettre aux particules de carbone que contient le mélange
gazeux de se déposer sur les filaments de charbon aux
endroits où il tend à se rompre. La pratique a montré au
contraire que, bien loin de jouer ce rôle providentiel, la
poussière charbonneuse se dépose volontiers sur les parois
de la lampe, dont elle aff'aiblit l'éclat.
Ces divers modèles furent montrés à l'exposition d'élec-
tricité de Paris, en 1881. Beaucoup de gens combattaient
encore à cette époque la lumière électrique : aussi l'expo-
sition de 1881 fut-elle une véritable révélation pour le
grand public. Elle marqua l'avènement définitif de l'éclairage
électrique dans la pratique industrielle.
Comparaison des divers modes d'éclairage. La com-
paraison des diverses sources lumineuses au point de vue
de l'éclairement sera traitée en détail au mot Photométrie.
Si les deux sources lumineuses que l'on compare émettent des
rayons diff'érents, si l'une par exemple est riche en rayons
rouges, l'autre en rayons bleus, la comparaison, bien que pos-
sible théoriquement au moyen du spectrophotomètre, n'a plus
une valeur pratique bien nette. Les étalons photométriques
sont très nombreux. En France, on adoptait autrefois la
lampe Carcel brûlant 42 gr. d'huile normale à l'heure dans
les conditions définies par Dumas et Regnault. Les Anglais
se servaient d'un étalon moins précis, la bougie de blanc de
baleine (candie) de six à la livre anglaise ; les Allemands
de la bougie de paraffine (Kerze) de douze au kilogramme.
Le congrès des électriciens a adopté en 1881 l'étalon VioUe
(lumière émise par un centimètre carré de platine à la
température de la solidification) ; le congrès de 1889 a
recommandé comme étalon secondaire, la bougie décimale
qui vaut un vingtième de l'étalon Violle. Le carcel vaut
0,481 étalon Violle; 9,62 bougies décimales; 8,91 candies;
7,89 kerzen.
Le tableau suivant donne, pour les diverses sources
lumineuses usuelles, le prix moyen de la consommation par
bougie décimale en Europe. On remarque seulement qu'ac-
tuellement en France les droits sur le pétrole en quadruplent
environ la valeur, et que le gaz est vendu à Paris 30 cent,
le mètre cube parla Compagnie.
NATURE DES FOYERS
ÉLÉMENTS
CONSOMMÉS
PRIX
DE l'unité
QUANTITÉS
consommées
par bougie décimale
PRIX
de la consommation
par
bougie décimale
Paralïine
francs
1,50 le kilogr.
1,00 -
0,20 —
0,20 le m. c.
Id.
0,80 le kilowatt
Id.
9 gr.
4,2 gr.
2,5 -
20 lit.
12 —
3,5 watts
0,6 —
centimes
1,350
0,420
0,050
0,400
0,240
0,280
0,048
Bougie «
Spermaceti
Huile de colza
Pétrole
r^anioe modérateur
Lampe à pétrole
Gaz
Id
Electricité
Lampes à arc voltaïoue . .
Id
Il résulte de ces nombres que, parmi les divers modes
d'éclairage domestique, le plus cher est celui qui^ est fourni
par les bougies. Il subsiste pourtant et subsistera sans
doute longtemps encore à titre d'éclairage de luxe. En
premier lieu, dans beaucoup de cas, il ne fait pas double
emploi avec le gaz ou l'électricité qui ne fournissent à
l'heure actuelle que des lumières fixes. 11 n'en est pas de
même si on le compare aux lampes à huile ou à pétrole.
Mais, d'après le jugement d'un grand nombre de per-
sonnes, l'éclairage par les bougies est le plus agréable
de tous. Déjà au xviti^ siècle, lorsque furent inventées les
lampes, on crut que les bougies allaient disparaître. Il n'en
fut rien. Les lampes ne furent pas jugées de bonne com-
pagnie et les gens de qualité continuèrent à s'éclairer à la
bougie blanche. Dans son Dictionnaire des Etiquettes de
la Cour, M"^^ de Genlis s'attache à établir la supériorité
des bougies. L'opinion des gens de goût ne paraît pas avoir
varié sur ce point. Dans un dîner, la lumière des bougies
est sans doute celle qui s'associe le mieux à l'éclat des
cristaux et de l'argenterie. Les lampes à huile ou à essence,
qui donnent des foyers plus intenses, mais moins dissémi-
nés, conviennent moins bien. Seules, les petites lampes à
incandescence pourraient sur ce terrain de l'élégance lutter
avec les bougies, comme elles luttent avec le gaz sur le
terrain de l'économie.
Si l'éclairage par les bougies est le plus cher des éclai-
rages domestiques, en revanche l'éclairage fourni par le
pétrole est de beaucoup le plus économique dans les pays
où cette substance n'est pas frappée de droits élevés. Le
prix de 20 cent, le kilogr. est celui du pétrole en Alle-
magne et en Angleterre. A New-Yorlv, il coûte 2 cent., à
cause de la proximité des mines de Pennsylvanie. On sait
qu'en France les droits sur le pétrole en augmentent
de beaucoup la valeur, mais qu'à la suite d'un vif débat
ECLAIRAGE
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parlementaire (déc. 1894), le gouvernement s'est engagé à
présenter une loi les diminuant avant oct. 4892. Pourtant
ce mode d'éclairage offre des inconvénients sérieux. C'est
celui qui expose le plus souvent aux accidents et aux incen-
dies, surtout avec des enfants ou des personnes peu soi-
gneuses; mais déjà les progrès de la fabrication ont beau-
coup diminué ces dangers.
L'éclairage par incandescence tend à son tour à se sub-
stituer au gaz dans les villes où existent des distributions
d'électricité bien établies, car cet éclairage est plus hygié-
nique, plus propre, plus commode et représente aujourd'hui
le plus parfait des modes d'éclairement artificiels. Il faut
remarquer qu'à bien des points de vue, il se distingue de
tous les systèmes d'éclairage employés antérieurement —
bougies, lampes à huile et à pétrole, gaz, etc. Ces systèmes,
en effet, ont ce caractère de produire la lumière aux dépens
de l'oxygène que nous respirons. Il en résulte que plus une
maison est éclairée, plus elle est insalubre. Prenons pour
exemple le gaz : 400 volumes de gaz contiennent environ
47 volumes d'hydrogène, 42 de gaz des marais, 8 d'oxyde
de carbone et 3 d'hydrocarbure. Qu'arrive~t-il quand on
allume le gaz ? C'est que tous ces éléments se combinent à
l'oxygène de l'air pour donner de la vapeur d'eau et de
l'acide carbonique, tandis que l'oxyde de carbone passe
presque entièrement dans l'atmosphère. Or ces produits
présentent tous trois de graves inconvénients : la vapeur
d'eau se condense sous forme liquide sur toutes les sur-
faces, murs, tables, tapisseries, qu'elle abîme plus ou
moins. La quantité d'eau ainsi produite dépasse ce que l'on
s'imagine d'ordinaire. Un bec de gaz produit couramment
4 litre et demi d'eau à l'heure; une salle où 400 becs
brûlent de cinq heures à minuit, reçoit donc de 700 à
800 litres de vapeur d'eau. L'acide carbonique est impropre
à la respiration et commence à devenir délétère quand il
atteint une proportion de 4 % d'air ordinaire. L'oxyde de
carbone, poison des plus redoutables, est la principale cause
des maux de tête et des vertiges qu'occasionne toujours un
séjour prolongé dans une pièce éclairée au gaz. Ajoutons
encore que, suivant le degré plus ou moins grand d'épura-
tion du charbon, il se produit une quantité plus ou moins
considérable d'hydrogène sulfuré et de sulfure de carbone
que la combustion transforme partiellement en acide sulfu-
rique, dont une partie pénètre dans nos poumons, dont
l'autre se dépose avec la vapeur d'eau sur les meubles
qu'elle détériore à la longue. C'est ainsi qu'au foyer du
Grand-Opéra de Paris, les célèbres peintures de Baudry
avaient presque disparu sous une couche noire : tandis que
nettoyées, puis éclairées à l'électricité, elles sont restées
aussi fraîches qu'au premier jour. Enfin la chaleur développée
par le gaz devient souvent un inconvénient des plus sé-
rieux. Au sortir de cette atmosphère malsaine, surchauffée,
remphe de vapeur d'eau et de gaz nuisibles, les refroidisse-
ments et les bronchites sont à redouter. La température
des ateliers où brûlent un grand nombre de becs de gaz
est souvent telle qu'on ne peut y travailler que légère-
ment vêtu et en manches de chemise, fût-ce au fort de
l'hiver.
Que faut-il pour écarter tous les inconvénients attachés
à l'emploi du gaz ? Il faut une lumière qui ne consomme
pas d'oxygène, qui n'ajoute aucune matière à l'air que
nous respirons, qui ne produise aucun gaz funeste à la
santé. Il n'existe qu'une lumière pour répondre à ces desi-
derata : c'est la lumière électrique par incandescence dans
le vide. Cette lumière n'est pas d'origine chimique, mais pure-
ment physique. Elle n'emprunte rien à l'atmosphère et n'y
ajoute rien. Close dans son enveloppe de verre, elle n'a
aucun rapport avec l'extérieur ; elle se manifeste aussi bien
dans le vide, dans l'eau, dans les gaz impropres à la com-
bustion. On voit aussi que les dangers d'incendie, si grands
avec le gaz dans les maisons et surtout dans les théâtres, se
trouvent presque supprimés : le charbon lumineux est isolé
du dehors par son ampoule de verre. Celle-ci vient-elle à
se briser : le charbon s'éteint aussitôt. L'incendie ne peut
venir de la lampe même : il est vrai qu'il peut résulter de
réchauffement d'un point du circuit portant au rouge un
fil conducteur. Mais tous les systèmes de canahsation sont
agencés de manière à éviter ce danger en intercalant en un
point quelconque un fil qui fond dès que la température
s'élève trop.
Si maintenant, laissant de côté ces considérations d'hy-
giène, de luxe ou de sécurité, nous nous bornons à com-
parer au point de vue purement économique le gaz et
l'électricité, nous aboutissons aux résultats suivants :
Tout d'abord, il faut mettre à part un cas spécial, bien
que très important, où la lumière électrique est de beaucoup
la plus économique de tous les systèmes possibles : c'est
celui où l'on dispose de forces naturelles au voisinage des
locaux à éclairer. Ce cas se trouve réahsé dans les régions
montagneuses où les cours d'eaux et les chutes fournisseni
une force hydraulique pour ainsi dire gratuite. C'est ainst
qu'il y a dans la vallée du Rhône, tant en Suisse qu'en
Dauphiné ou en Savoie, un très grand nombre de petites
localités beaucoup mieux éclairées que ne l'est Paris à
l'heure actuelle.
Dans les cas où l'énergie est produite au moyen de dy-
namos, c.-à-d. en définitive par la combustion du charbon,
les lampes à incandescence donnent, au prix actuel, une
lumière un peu plus chère que les becs à gaz Bengel qui,
bien que nuisibles à l'hygiène, aident pendant l'hiver au
chauffage des pièces. Mais la différence de prix, très faible
aujourd'hui, va en s'atténuant d'année en année : on s'en
rend compte en remarquant que 4 kilogr. de charbon pro-
duit une énergie égale à 4 cheval-heure, laquelle entretient
40 lampes à incandescence de 46 bougies, soit 460 bougies;
la même quantité de combustible développe 280 litres de
gaz fournissant dans les becs Bengel 24 bougies seulement.
Aux Etats-Unis, où le charbon à gaz est cher, l'électricité
est dès aujourd'hui moins chère que le gaz en beaucoup
d'endroits. Quand les locaux à éclairer sont vastes, comme
le sont par exemple les chemins de fer, l'électricité apporte,
par l'arc voltaïque, une grande économie, môme par rapport
aux becs à gaz intensifs les plus perfectionnés. C'est ce qui
a été établi au congrès des chemins de fer de 4889.
Si, en Europe, l'éclairage par incandescence est encore
un peu plus cher que le gaz, dans bien des cas cet avantage
est illusoire, et la différence de prix est compensée par cer-
tains effets secondaires. La détérioration des tentures et
des décorations intérieures par le gaz occasionne des frais
supplémentaires. La diminution des dangers d'incendie, la
suppression des risques d'asphyxie et d'explosion ont amené
les compagnies d'assurance à dégrever les bâtiments
éclairés à rélectricité. Notons encore qu'on laisse souvent
brûler sans nécessité les becs de gaz éclairant les couloirs
et les pièces des appartements, à cause de l'ennui de les
rallumer. Avec l'électricité, il suffît, en rentrant, de tourner
un bouton qu'on peut rendre lumineux par un enduit
phosphorescent. Les lampes à gaz exigent un entretien :
frottage journalier des verres, nettoyage des trous des becs,
réglage de la flamme toutes les fois que la pression varie
par suite de l'allumage des becs voisins. De plus, la pro-
priété des lampes à incandescence de ne développer que
peu de chaleur peut être utihsée pour rapprocher les
foyers des points à éclairer. On peut éclairer un bureau
avec une lampe de 8 bougies placée à 30 centim.de la tête
du travailleur, tandis qu'un bec de gaz n'est supportable
qu'à 2 m. de distance et doit être plus lumineux pour pro-
duire un même effet utile. Toutes ces considérations con-
courent à établir la supériorité de l'électricité. Aussi les
gaziers, qui traitaient volontiers la lumière électrique
d'éclairage de luxe, — comme si le gaz n'était pas lui-
même un éclairage de luxe par rapport au pétrole, —
commencent-ils à comprendre que leur véritable intérêt
est de prendre en main l'exploitation de l'électricité pour
ne pas perdre leur clientèle : dans nombre de villes, ils
installent des usines électriques.
En fait, la concurrence entre les divers systèmes d'éclai-
- 347 —
ÉCLAIRAGE
rage profite à chacun d'eux. Nos yeux deviennent de plus
en plus exigeants. Un éclairage considéré jadis comme
luxueux paraît aujourd'hui mesquin. En 1745, à l'occasion
du mariage du dauphin, la galerie des Glaces de Versailles
était illuminée à raison de 2,5 bougies par mètre carré,
et les contemporains s'en émerveillaient. Aujourd'hui, les
salons de l'Hôtel de ville de Paris sont éclairés, les soirs
de réception, à raison de 16 bougies par mètre carré.
Rien n'approche encore de la lumière diffuse du jour qui
fournit jusqu'à 200 bougies par mètre carré. La concur-
rence de l'électricité, du gaz et du pétrole jusqu'ici n'a fait
que développer les trois rivaux. Seules, les bougies et les
lampes à huile ont diminué dans ces dernières années.
Le tableau suivant, emprunté à M. Fontaine, montre la
progression suivie par les cinq principaux modes d'éclairage
à Paris de 1855 à 1889. Il faut noter que le pétrole n'a
pas atteint dans cette ville le même développement que
dans les autres pays européens.
Quantités de lumière consommées à Paris par an et par habitant, évaluées en bougies décimales-heure.
ANNÉES
BOUGIES
et
CHANDELLES
HUILES
GAZ
ÉUECTRICITÉ
QUANTITÉS
TOTALES
VÉGÉTALES
MINÉRALES
1855
220
250
210
217
190
1.174
967
770
649
517
))
503
722
1.244
1.995
2.376
4.272
4.776
6.086
6.470
»
65
230
2.130
3.770
5.992
6.543
8.426
11.302
1872
1877
1883
1889
Rues et places publiques. Pour éclairer les grandes
rues ou les places d'une ville, la lumière puissante de l'arc
voltaïque est celle qui convient le mieux. Placée à une
certaine hauteur, elle produit l'effet d'un beau clair de
lune et fait valoir l'architecture des maisons que, les lan-
ternes à gaz de faible intensité, employées d'habitude,
laissent dans une obscurité presque complète. La lumière
directe, dont l'éclat serait trop vif pour les yeux, est atté-
nuée par l'emploi de globes opalins. La hauteur des foyers
varie le plus souvent de 8 à 20 m. Aux Etats-Unis, on
a adopté des hauteurs encore beaucoup plus grandes, mais
elles paraissent exagérées. Les lampes sont portées par
des poteaux métalliques placés sur les trottoirs ; parfois
elles sont suspendues par des chaînes accrochées à des
poteaux placés des deux côtés de la rue. Dans les rues
secondaires, ?u l'on n'a besoin que d'un éclairement mi-
nime, on peut employer les lampes à incandescence ; le
rendement de celles-ci n'étant guère que le cinquième de
celui de l'arc voltaïque, elles conviendraient moins bien
pour les boulevards ou les grandes places. Les stations
d'électricité et les systèmes de distribution les plus fré-
quemment employés seront décrits au mot Electricité
(Industrie).
Nous nous bornerons ici à donner quelques détails sur le
développement de l'éclairage électrique de la ville de Paris.
Le 15 févr. 1878, le syndicat formé pour exploiter les
brevets de M. Jablochkoff fut autorisé à placer des bou-
gies Jablochkoff sur les huit refuges situés devant l'Opéra
et à installer ses générateurs dans les sous-sols du théâtre.
Cette tentative eut un plein succès. Le 11 mars 1878, le
même syndicat proposa d'éclairer la place et l'avenue de
l'Opéra pendant la durée de l'Exposition universelle, et, le
11 avril, il s'engageait à éclairer également la Madeleine,
l'Arc de triomphe et le palais du Corps législatif. Le conseil
municipal accepta les offres de la Société et mit à la dispo-
sition du service de l'éclairage une somme de 49,000 fr.
pour solder le supplément de dépenses causées par la nou-
velle installation. L'éclairage ne devait avoir Keu que jusqu'à
minuit et demi; le gaz était remis en service après cette
heure jusqu'au matin. La Société installa 32 foyers nou-
veaux avenue de l'Opéra et place du Théâtre-Français.
Ils commencèrent à fonctionner le 30 mai. Mais, quelques
semaines plus tard, le nombre de foyers fut porté de 32
à 46, soit 32 pour l'avenue de l'Opéra et 14 pour la place
du Théâtre-Français. De plus, les lanternes du modèle
ordinaire furent remplacées par des globes dépolis et les
candélabres surélevés, ce qui améliora sensiblement l'éclai-
rage du sol. L'installation comprenait 62 foyers dont
8 doubles sur la place de l'Opéra; elle était divisée en
quatre groupes ayant chacun une force motrice distincte.
Conformément aux demandes de la Société, le prix, pour
les foyers de l'avenue de l'Opéra et des places du Théâtre-
Français et de l'Opéra, était de 1 fr. 25 par foyer et par
heure d'éclairage ; pour les autres installations, le prix fut
porté à 1 fr. 75, à cause de leur dispersion. Le 25 oct.
1878, la Société générale d'électricité consentit à prolon-
ger d'un mois son entreprise aux conditions suivantes :
10 fr. 50 par heure pour les 6 foyers du Palais-Bourbon
et 50 fr. pour les 62 foyers de l'avenue de l'Opéra et des
places annexes. Cet arrangement avait pour but de per-
mettre une entente entre la ville et la Société pour l'éclai-
rage de diverses voies publiques. Aucune solution n'étant
intervenue au 30 nov., le conseil décida qu'il ne permet-
trait la continuation des essais jusqu'au 15 janv. 1879
qu'à la condition que la rétribution allouée à la Société
ne dépasserait pas le chiffre du prix du gaz. La Société
accepta, bien que ce prix fût onéreux pour elle. A la suite
de ces essais, la troisième commission du conseil municipal
proposa de continuer pendant un an, à partir du 15 janv.
1879, l'éclairage électrique avenue de l'Opéra et sur les
places annexes, de l'installer sur la pla-ce de la Bastille
et dans un pavillon des Halles et, afin de pouvoir éta-
bhr une comparaison rationnelle entre la lumière élec-
trique et l'éclairage perfectionné au gaz, de traiter avec la
Compagnie du gaz pour un éclairage intensif des points
suivants : 1° rue du Quatre-Septembre ; 2° place du Châ-
teau-d'Eau ; 3° un pavillon des Halles. De 1879 à fin
févr. 4 880, la Société Jablochkoff expérimenta une série
d'appareils nouveaux. Ces expériences publiques, exécutées
à Paris en 1878, eurent un grand retentissement et con-
tribuèrent, dans une large mesure, à l'extension de la
lumière électrique, non seulement en France, mais encore
dans les autres pays européens.
Jusqu'en mai 1880, aucune demande nouvelle ne fut
faite à la ville. A cette époque, la Société Lontin et C^®
demanda la concession de l'éclairage des ports de la Seine
et du canal de l'Ourcq, ainsi que des grandes places de
Paris, au moyen des foyers de son invention. Le conseil
hésitait à accorder son autorisation, mais les bons résultats
obtenus par les demandeurs lors de la fête du 14 juillet
1880, place de la Bastille, firent que le 15 oct. 1880
l'administration présenta un projet de concession pour la
place du Carrousel et la cour du Louvre. La Société Lontin
avait abandonné sa proposition primitive et son dernier
projet ne portait que sur l'éclairage de ces deux places à
raison de 50 cent, par foyer et par heure de fonction-
nement. La Société Lontin n'employait que des foyers très
intenses obtenus par des systèmes nouveaux de régulateurs
dans lesquels les deux charbons étaient placés en face l'un
de l'autre au lieu d'être accouplés à côté l'un de l'autre.
ECLAIRAGE
— 348 —
comme dans les bougies JablochkofF, Elle éclaira la place
du Carrousel, au moyen des foyers à régulateur Mersanne,
à partir du mois de nov. 1881, mais l'installation de la
cour du Louvre ne fut faite qu'à la fin de janv. 1882.
Elle ne tarda pas à abandonner les régulateurs Mersanne
pour y substituer les foyers Brush, dont elle avait fait
l'acquisition lors de l'exposition d'électricité. Cette expé-
rience, qui devait prendre fm le 18 nov., dure encore sur
la place du Carrousel, où la concession a été transférée,
depuis la fin de 1888, à la Compagnie Edison. Quant à
l'avenue de l'Opéra, la Société générale d'électricité re-
nonça à continuer à l'éclairer à un prix non rémunérateur,
en sorte qu'on y rétablit le gaz.
Depuis, deux éclairages ont été installés, l'un dans le
parc Monceau, l'autre aux-Buttes-Chaumont. Au parc
Monceau sont installés 12 foyers système Jablochkoff, qui
fonctionnent depuis le 1^^ déc. 1882 d'une manière satis-
faisante, mais on ne peut, à proprement parler, considérer
cela comme un essai d'éclairage de la voie publique. Une
seule avenue, de l'avenue de Messine à la rotonde, reçut
au début la lumière de foyers électriques jusqu'à deux
heures du matin. Le parc des Buttes-Chaumont est éclairé
depuis le 14 juil. 1884 au moyen de 40 foyers électriques,
représentant chacun un pouvoir éclairant d'environ 60 car-
cels. La machine dynamo et les lampes sont du système
Brush. Le parc étant très accidenté et présentant une sur-
face de 22 hect., les lampes ont été montées sur des
colonnes en fonte de 5"^50 de hauteur qui permettent de
projeter la lumière à une assez grande distance. Les ré-
sultats obtenus n'ont pas été, au début, aussi satisfaisants
qu'on l'espérait ; les extinctions étaient assez fréquentes et
la lumière manquait souvent de fixité ; mais, aujourd'hui,
l'ensemble de cet éclairage fonctionne régulièrement.
En dehors des essais d'éclairage de la voie publique, la
ville de Paris fit d'autres expériences : 1° dans les locaux
du conseil municipal, au pavillon de Flore ; 2° dans le
pavillon n^ 10 des Halles centrales ; 3^ à l'Hôtel de ville.
A la suite de ces expériiences, le conseil municipal décida
l'installation d'une usine électrique au nouvel Hôtel de
ville ; l'ensemble de l'installation représente une force de
quatre cents chevaux et un éclairage de plus de quatre
mille lampes. Pendant le temps passé à ces divers essais,
la lumière électrique, née pour ainsi dire en France, pre-
nait un essor considérable à l'étranger. Les petites loca-
lités, qui n'avaient pas encore d'usines à gaz, la trouvaient
pratique, surtout lorsqu'une force hydraulique était à
portée, et, dans les grandes villes, les stations centrales
se muhipliaient pour faire face aux demandes des particu-
liers, trop heureux d'échapper enfin aux inconvénients de
toute nature que présente le gaz. Il y avait en Amérique plus
de 400 installations de lampes à incandescence et plus de
250 de lampes à arcs. New-York comptait 13,000 lampes,
Harrisburg 5,000, WiUiamsport et Lawrence 4,500, etc.
En Europe, on trouvait à Berlin plus de 1 2, 000 lampes. Il y en
avait 2,500 à Munich, 10,000 à Milan, 1 ,500 à Tivoh, 700 à
Lucerne, 7,000 à Vienne, 6,000 à Anvers, sans compter
les stations de moindre importance et notamment la Suède
et la Norvège où l'électricité se trouvait à chaque pas. La
France suivait le mouvement général ; Saint-Etienne, Tours,
Dijon, Nancy, Marseille, Bellegarde, dans l'Ain, et Châ-
teauhn, tout au fond du Finistère, étaient en avance sur
Paris. En 1888, lorsqu'il s'agit pour le conseil municipal
de Paris d'examiner dans quelles conditions il pouvait ac-
corder des autorisations de canaKsations électriques, la
question se posait devant lui en des termes tout nouveaux.
A la fin de 1886, et au début de l'année 1887, plusieurs
sociétés importantes s'étaient créées pour exploiter à Paris
les divers systèmes d'éclairage par l'électricité.
La Compagnie Edison, qui avait, depuis le 13 sept. 1884,
un traité avec la ville de Berlin, proposa, le 30 mars 1887,
à l'administration préfectorale d'établir à Paris une station
analogue en vue de l'éclairage des particuliers, plus spé-
cialement sur une partie des grands boulevards. Cette com-
pagnie venait de créer des usines centrales à Milan, à
Dijon et à Saint-Etienne. Quelques jours auparavant, le
conseil municipal de Paris avait voté la mise à l'étude
iîmncdiate des moyens nécessaires à la création d'une ou
de plusieurs usines municipales de distribution de force
électrique, tant pour le service de la voie publique que pour
celui des particuliers. Deux autres sociétés firent presque
à la même époque des offres à la ville de Paris : la compa-
gnie formée pour Texploilation des procédés de transport de
la force par l'électricité, imaginés par M. Marcel Desprez, et
une société formée par un chercheur français, M. Gaulard,
l'homme qui, en inventant les transformateurs, a le plus
fait pour la solution du problème du transport de la force
et de l'éclairage électrique, et qui depuis est mort fou, tué
par la déception et les obstacles qu'il rencontra pour
exploiter ses brevets. Quelque temps après, deux autres
demandes furent encore présentées : l'une par M. Victor
Popp, l'autre par un groupe d'ingénieurs et de banquiers
issus de la Société alsacienne de constructions mécaniques
(ex-maison Kœchlin). Toutes ces demandes avaient pour
but d'obtenir l'autorisation de canaliser les voies publiques
pour y installer des câbles de distribution de force élec-
trique et visaient des projets de réseaux plus ou moins
étendus. L'esprit de concurrence contribua à modifier les
demandes primitives et à étendre les réseaux dans une pro-
portion considérable. Ainsi, de prime abord, la Compagnie
Edison se bornait à projeter l'installation d'une usine rela-
tivement peu considérable, rue Basse-du -Rempart, sur
l'emplacement qui depuis a été occupé par les Montagnes
russes. Cette station centrale devait être analogue à ce qui
existait à BerUn, c.-à-d. alimenter de 2,000 à 2^200 lampes
à incandescence du type de 16 bougies. Sa demande mo-
difiée visait un vaste réseau partant des usines d'Ivry et
venant au centre de Paris.
En présence de ces propositions, l'administration muni-
cipale pensa à créer une situation définitive pour l'exploi-
tation dans Paris des divers systèmes d'éclairage électrique.
Une commission fut nommée pour examiner les proposi-
tions des diverses sociétés et élaborer un cahier des charges
destiné à servir de type aux conventions à passer entre la
ville et les demandeurs. Elle étudia les points suivants :
monopoles restreints ou liberté absolue de concurrence,
emploi des égouts pour la pose des câbles, tarifs à imposer,
redevances à exiger des permissionnaires, droit de rachat
des concessions, durée des autorisations. Le conseil muni-
cipal de Paris avait trop à se plaindre des sociétés déte-
nant des monopoles, comme la Compagnie du gaz, la
Compagnie générale des omnibus, la Compagnie des eaux;
il avait eu à soutenir contre elles des luttes trop vives, et
sa campagne contre les tarifs élevés du gaz était trop ré-
cente pour qu'il pût être question de constituer un nouveau
monopole pour l'exploitation de l'éclairage électrique. Une
tendance s'indiqua un moment en faveur de l'organisation
d'un service pubhc, mais on comprit que l'état de la
science ne permettait pas encore de marcher sans tâton-
nements coûteux et on pensa que des sociétés particulières
étaient mieux à même de se livrer à ces essais que la ville.
Néanmoins, on demanda à l'administration un avant-projet
pour l'éclairage de tout Paris à l'électricité, en prenant
pour base l'installation du gaz. L'administration présenta
un travail qui pouvait se résumer ainsi : « Pour substituer
dans tout Paris l'électricité au gaz, il faut une dépense
initiale d'installation de 255 miUions de francs, sans comp-
ter aucun fonds de roulement pour le fonctionnement des
usines. »En présence de ce chiffre, la troisième commis-
sion, voyant la nécessité de recourir à l'industrie privée,
examina avec soin quelles étaient les conditions qu'il con-
venait d'imposer aux permissionnaires. Elle s'arrêta à
l'idée d'accorder des concessions concurrentes à toutes les
sociétés qui offriraient des garanties suffisantes et à créer
en même temps leur usine municipale. A la suite d'un
rapport magistral fait par M. Lyon-Alemand, le conseil
municipal adopta les dispositions du cahier des charges,
— 349 —
ECLAIRAGE
qui est encore en vigueur à l'heure actuelle et dont les
grandes lignes sont les suivantes : limitation à dix-huit
années de la durée des autorisations ; Hberté de concur-
rence absolue ; le conseil a le droit, dont il a déjà usé, de
donner des autorisations de canalisation à quiconque en
demandera, même dans les portions de la ville déjà concé-
dées ; faculté pour la ville d'abaisser les tarifs tous les
cinq ans, proportionnellement aux prix de revient des
sociétés ; impôt de 3 °/o sur les produits bruts constatés ;
obligation de fournir l'électricité au bout de deux ans dans
tout le secteur ; droit de rachat par la ville au bout de dix
ans ; emploi exclusif d'ouvriers français avec une latitude
de 10 % d'ouvriers étrangers seulement ; application des
prix de série ; limitation des heures de travail ; obligation
de n'employer qu'un matériel de fabrication exclusivement
française.
Enfin, à côté de ces exploitations particulières, la ville
installait sous les Halles l'embryon d'une grande usine
électrique, qui lui fournissait un vaste champ d'expé-
riences pour essayer les divers systèmes de lampes, de ré-
gulateurs, de compteurs d'électricité, d'accumulateurs, etc.,
et où se formait peu à peu un personnel d'élite, grâce
auquel dans dix-huit ans la ville pourra, s'il y a lieu,
produire et distribuer elle-même l'électricité. A la suite du
vote du conseil municipal, l'éclairage électrique a pris un
grand essor. Si l'éclairage public est encore limité aux
grandes artères, l'éclairage privé se répand de plus en
plus et, dès aujourd'hui, a détrôné le gaz dans la plupart
des cafés, des restaurants et des maisons luxueuses des
beaux quartiers de Paris.
Gares et usines. La lumière de l'arc voltaïque convient
d'une manière parfaite aux grands espaces couverts ou
dècouveils, tels ([u'en oll'rentles gares et les usines. L'arc
éle('tri(pte donne à un prix très économique des foyers in-
tenses qui, placés suffisamment haut, réduisent les ombres
portées et permettent le travail comme en plein jour. Le
bon éclairage des chantiers améliore le travail des ouvriers
et facilite leur surveillance. Aussi les congrès tenus par
les ingénieurs des chemins de fer à Milan (1885) et à
Paris (1889) ont recommandé spécialement l'éclairage élec-
trique dans les gares. Les lampes à arc doivent être pla-
cées assez haut : en Belgique on a essayé de mâts ayant
jusqu'à 32 m. de haut, mais la hauteur de 16 nj. paraît
très suffisante. Les lampes ù arc devant brûler pendant de
longues nuits sont pourvues de charbons pouvant fonction-
ner pendant seize heures. Dans les cas où l'on désire une
grande uniformité d'éclairement, on peut se servir de
l'éclairage par réflexion. Les lampes sont placées dans une
lanterne fermée en dessous et de côté par des réflecteurs
qui envoient toute la lumière sur un écran blanc. Les
rayons sont diffusés en tous sens ; la lumière est douce et
égale; il n'y a pas d'ombres. Les gares et les mines fabri-
quent généralement l'énergie qu'elles emploient ; autant que
possible il convient d'actionner les dynamos par des moteurs
spéciaux pour assurer la fixité de la lumière. Pourtant si
l'un des moteurs possède une allure suffisamment constante
on peut l'utiliser ; sinon on régularisera la tension des
dynamos par des accumulateurs en dérivation sur le circuit
des lampes.
Théâtres, cafés et magasins. La lumière électrique se
recommande tout spécialement dans les théâtres et grands
magasins par ses avantages hygiéniques et la sécurité
qu'elle procure. On sait qu'à Paris, à la suite de l'incendie
de rOpéra-Comique, la plupart des théâtres ont adopté
l'électricité. Ces installations exigent généralement un grand
nombre de lampes. Aussi y a~t-il souvent avantage à les
munir de dynamos et de machines spéciales, même dans
les villes où il existe des distributions d'électricité. Ces
dernières en elfet sont soumises à des frais généraux consi-
dérables, résultant des canalisations et des taxes munici-
pales. Les moteurs employés doivent être aussi peu bruyants
que possible, particuUèrement lorsqu'ils sont placés dans
les sous-sols d'un théâtre. On étouffe le bruit en tendant
les parois de la chambre des machines de matelas de
coton ou de laine ou en plaçant sous les fondations des
machines des dalles en liège bitumé. Les théâtres exigent,
tant au point de vue de la sécurité que des effets particu-
liers à produire, des dispositions spéciales. L'éclairage exté-
rieur se fait avec des lampes à incandescence dont la teinte
chaude convient mieux que celle des lampes à arc aux
effets de décoration et de toilette auxquels nos yeux sont
habitués. L'arc voltaïque est employé dans les péristyles et
dans certains effets de scène, tels que l'éclairage des ballets.
Pour éclairer la salle, on installe souvent les lampes à in-
candescence sur les lustres et girandoles, autrefois aména-
gés pour le gaz. On peut les dissimuler dans des lustres à
cristaux dont les facettes dispersent les faisceaux lumineux
et produisent des jeux de lumière agréables. La lumière
des lampes à incandescence peut être graduée s'il y a lieu
pour produire des effets de crépuscule. La scène et les cou-
loirs sont éclairés par les lampes à incandescence. L'éclai-
rage de la scène est le plus compliqué de tous. On place
d'habitude à la rampe une série de lampes fixes ; on sus-
pend dans les herses, à la partie supérieure de la scène,
plusieurs lignes de rampes dont on fait varier la hauteur
suivant la nature des décors. Le courant est amené par des
câbles flexibles enfermés dans des gaines de cuir, afin d'évi-
ter que les frottements n'amènent l'usure des isolants et
ne mettent les conducteurs à nu. Les côtés 'de la scène
sont éclairés par des faisceaux de lampes fixées sur des
planches verticales accrochées aux portants. Toutes ces
lampes sont invisibles de la salle. Dans la salle des ma-
chines on trouve un tableau de distribution d'où partent
les conducteurs principaux. Les lampes de la scène et de la
salle sont raccordées à un commutateur spécial ou jeu
d'orgue j)lacé dans la coulisse ou au voisinage du trou du
souffleur : ce commutateur permet de baisser lentement ou
brusquement l'éclat des lampes, depuis l'intensité ordinaire
jusqu'à une intensité nulle.
Dans quelques installations très coinplètes, les herses et
la rampe sont munies de trois séries de lampes qu'on peut
substituer les unes aux autres : la première se compose de
lampes incolores, la seconde de lampes à verres rouges,
la troisième de lampes à verres bleus ; on produit ainsi des
effets d'éclairement originaux : incendies, crépuscules, etc.
Pour graduer l'éclairement, les circuits de la salle et de la
scène contiennent des résistances artificielles que l'on fait
varier par des leviers placés dans le jeu d'orgue : ces ré-
sistances sont composées de fils de maillechort tendus côte
à côte sur un châssis de fer et séparés par de lamiante.
Si l'on a recours à trois séries de lampes de diverses cou-
leurs, il faut que tous les circuits de la scène soient ins-
tallés en triple. Parfois on évite cette dépense en amenant
devant les lampes des écrans en gélatine rouges ou bleus.
Quand on veut projeter sur certains personnages ou cer-
taines parties de la scène un vif faisceau de lumière, on se
sert de lampes à réflecteur paraboliques, maniées par des
machinistes spéciaux. En général, on installe dans les
théâtres une seconde machine indépendante de la première
et aUmentant les lampes strictement nécessaires, afin qu'il
n'y ait pas interruption en cas d'accident de la première
machine. Des accumulateurs en nombre suffisant peuvent
jouer le même rôle.
Trains. On a fait depuis quelques années de nombreux
essais pour éclairer les voitures des trains au moyen de
lampes à incandescence. Les essais, d'abord hmités aux
wagons-salons et aux wagons de luxe s'étendent peu à peu
à toutes les voitures. Les lampes se placent au-dessus des
dossiers des sièges pour permettre aux voyageurs de lire
avec commodité. On a reconnu que, pour régulariser la ten-
sion des lampes et assurer l'éclairage pendant les arrêts,
il fallait avoir recours aux accumulateurs. Divers systèmes
sont employés. Le premier et le plus généralement usité
consiste à placer sous chaque voiture, dans une ou plu-
sieurs caisses de tôle, des boîtes renfermant les couples
secondaires nécessaires à l'alimentation des lampes. Celles-ci
ECLAIRAGE - ÉCLAIRCIE
350 -
ont une intensité lumineuse de huit à dix bougies déci-
males et sont soumises à une tension de io à 25 volts.
Le poids des accumulateurs pour une voiture varie de 120
à 600 kilogr. suivant le nombre des lampes et la longueur
des wagons. Ces accumulateurs se chargent à postes fixes
dans les dépôts où les voitures sont amenées. Un second
système consiste à charger les accumulateurs par une dy-
namo actionnée par un "moteur placé dans le fourgon en
tête du train, et recevant la vapeur de la locomotive. Ce
système évite le retour des voitures au dépôt et permet un
éclairage de longue durée. On doit remarquer que la va-
peur qui s'échappe de la petite machine peut encore servir
au chauffage du train ; si elle est admise à dix atmosphères
(180'') et s'échappe à une atmosphère (100°), elle n'a perdu
que 4 °/o de sa chaleur. Enfin, le troisième système con-
siste à charger les accumulateurs en route par une dynamo
qui commande un essieu du fourgon. Le mécanisme est
assez délicat car les couples ne peuvent être chargés qu'à
partir du moment où la vitesse du train a acquis une cer-
taine valeur, et l'excitation doit être réglée lorsque l'allure
du train devient trop rapide. D'après le rapport présenté
par MM. Sartiaux et Weissenbruch au congrès des che-
mins de fer en 1889, les essais effectués par le premier
système en Europe ont donné un prix de revient de 1 ,9
à 3 cent, par lampe-heure pour des lampes de six à huit
bougies ; le second système essayé aux Etats-Unis coûte
de 3,5 à 5 cent, par lampe-heure\le seize bougies. Enfin,
le troisième système essayé en Europe revient à 4 ou
5 cent, par lampe-heure de cinq bougies. Il convient
de rappeler le coût des autres systèmes d'éclairage. D'a-
près le bureau impérial des chemins de fer allemands,
le gaz coûte 3,764 cent, et l'huile de colza 5,636 cent.
par lampe-heure de cinq à six bougies. La Compagnie Pa-
ris-Lyon-Méditerranée paye 4,37 cent, pour le gaz, celle
duGothard, 5,37 cent. La commission technique de l'Union
des chemins de fer suisses a formulé, le 2 nov. 1889,
après examen de ces chiffres, la conclusion suivante : Eu
égard à l'état actuel de l'éclairage électrique, on ne peut
encourager le développement de l'éclairage au gaz des voi-
tures de chemins de fer. Il est préférable d'étudier le sys-
tème d'éclairage à l'électricité et de chercher à le perfec-
tionner par des essais pratiques.
Mines. L'éclairage des mines ne présente pas de diffi-
cultés spéciales lorsqu'elles ne renferment pas de grisou.
La lumière électrique est employée avec succès. Si les mines
contiennent du grisou, il faut avoir recours à des appareils
d'éclairage spéciaux. On sait comment ce grave problème
a été résolu par l'emploi des lampes de sûreté (V, ce
mot). Les lampes à incandescence peuvent remplir aujour-
d'hui le même but. Il n'y a aucune difficulté en ce qui con-
cerne les lampes disposées à poste fixe, surtout si la mine
possède déjà une distribution électrique servant à l'alimen-
tation des moteurs. En ce qui concerne les lampes porta-
tives, il n'en est pas de même. Celles-ci contenant leur
générateur électrique, il est nécessaire de leur donner
un poids aussi faible que possible. Les divers systèmes
proposés ne sauraient être regardés comme satisfaisants.
La lampe Swan est alimentée par 4 éléments secondaires,
groupés dans un bloc de gutta-percha enfermé dans une
boîte en bois. Le poids est de 3^'s2. La lampe est de
1 à 1,3 bougie; elle brûle dix heures et coûte 39 fr. 75.
La lampe Schanschieff comporte une pile zinc — solution
de sulfate mercureux — charbon. Elle pèse 2^s5, pro-
duit deux à trois bougies pendant neuf heures et coûte
34 fr. 50. L'emploi des piles légères permettra sans doute
d'arriver à une solution vraiment pratique.
Phares (V. ce mot).
ïî. Administration.— La loi des \6-'li) août 1790 a
classé l'éclairage de la voie publique parmi les dépenses fa-
cultatives des communes. Mais les. villes de quelque impor-
tance ont l'usage d'y pourvoir soit au moyen d'un service
spécial, soit par un traité passé avec un entrepreneur^ ou
une compagnie. Dans ce dernier cas, les clauses des traités
passés entre la ville et la compagnie concessionnaire de
l'éclairage soit au gaz, soit à l'électricité, portent que toute
personne qui désirera prendre un abonnement pour un
appartement devra faire exécuter les travaux, tant exté-
rieurs qu'intérieurs, par les fournisseurs et entrepreneurs
de la compagnie. Depuis quelques années, la facilité et
l'économie avec laquelle on installe l'éclairage électrique
quand on dispose dans le voisinage de forces naturelles, telles
que torrents ou chutes d'eau, a décidé un grand nombre
de municipalités, de bourgades de peu d'importance, mais
situées dans les régions montagneuses de la vallée du
Rhône, à établir des usines électriques.
Les usines à gaz, étant classées parmi les établissements
dangereux ou incommodes de deuxième classe, sont sou-
mises à la législation qui régit la matière. Un décret du
9 févr. 1867 Vy applique d'ailleurs spécialement. La sur-
veillance des tuyaux de gaz qui peuvent présenter des dan-
gers d'asphyxie, d'explosion, d'incendie, etc., rentre dans
les attributions du préfet de police (V. Gaz).^ ^
L'éclairage électrique est soumis aux dispositions du dé-
cret du 15 mai 1888 qui régit l'établissement et l'exploi-
tation des usines.
Ajoutons encore que les matériaux déposés et les exca-
vations faites dans les rues et places doivent être éclairés
la nuit. Ceux qui négligent cette mesure sont passibles
d'une amende de 1 à 5 fr. ; en cas de récidive, l'emprison-
nement pendant cinq jours peut être prononcé (C. pén.,
art. 471 et suiv.). Daniel Berthelot.
III. Peinture.— Distribution de la lumière dans un
tableau. Cette partie de l'art de la peinture a pris une
très grande importance depuis que les artistes ^ se préoc-
cupent sérieusement du milieu de lumière ambiante dans
lequel leurs sujets sont placés. Jadis, on voyait trop sou-
vent dans des scènes figurées en rase campagne et sous un
ciel terne et nébuleux, des ombres noires, précieuses pour
faire tourner les formes, mais absolument. fausses comme
effet, diviser longitudinalement en deux parties égales tous
les membres des' personnages. Aujourd'hui le sentiment du
plein air a fait sentir l'impossibiUté pour un cas semblable
de faire poser ses modèles dans un atelier éclairé à
45 degrés par un seul vitrage, et les jeunes artistes au
moyen d'ateliers agencés comme de véritables cages de
verre, ou simplement d'un petit jardin, ont bien soin de
placer leurs modèles dans un éclairage identique à celui de
la scène reproduite dans le tableau. La fausse entente de
l'éclairage qu'on peut, à juste titre, reprocher à des artistes
médiocres ne doit pas, il faut le reconnaître, s'appliquer aux
grands maîtres. Rembrandt et Claude Lorrain sont deux
illustres exemples, dans deux genres bien différents, du
parti qu'un peintre de génie peut tirer de la distribution de
la lumière, même conventionnelle, dans ses tableaux.
ÉCLAl RCI E. I. Peinture.— Effet produit dans un tableau
et principalement dans un paysage, par une clairière au
miheu d'un sous-bois, un lointain entrevu, un rayon lumi-
neux dans un ciel lourd et chargé de nuages.
IL Sylviculture. — ■ On entend par éclaircies, en syl-
viculture, une opération, ou plutôt une série d'opérations
qui toutes ont pour objet, dans le traitement en futaie d'un
massif boisé, d'assurer le repeuplement naturel, et, depuis
la première jeunesse jusqu'au terme de l'exploitation, de
favoriser la croissance en maintenant un peuplement uni-
forme et complet, des âges convenablement gradués. C'est
une des plus délicates et des plus importantes entre toutes
les opérations forestières. Les anciens forestiers semblent
avoir de tout temps pratiqué les éclaircies comme moyen
d'accélérer la croissance du bois, mais ils ne connaissaient
d'autre système pour repeupler les torôts, après l'exploita-
tion, que la mise en culture du sol et le semis artificiel.
Pour l'époque, ce traiteniont était lent, dispendieux et peu
sûr. La dégradation des massifs boisés allait toujours crois-
sant, et il était très sérieusement question de renoncer à
l'aménagement des forêts en futaie. C'est aux forestiers
allemands et surtout à Burgsdorf qu'on doit le traitement
— 351 —
ECLAIRCIE — ECLAIREUR
rationnel qui présente, outre l'avantage de favoriser l'ac-
croissement des bois, celui d'assurer le réensemencement
naturel des coupes. — Au lieu de l'ancienne méthode à tire
et à aire qui consistait à asseoir les coupes par contenances
égales et de proche en proche sans rien laisser en arrière,
on divise la totalité de la futaie en un certain nombre de
coupes déterminées d'après les conditions de l'aménagement;
puis, pour obtenir un bon réensemencement naturel, con-
server le sol meuble et substantiel, assurer un abri aux
jeunes plants tout en leur permettant de participer aux
influences atmosphériques, on n'enlève que graduellement,
et en plusieurs années, les arbres qui couvrent chacune
des divisions ou coupes de la forêt. La première de ces
opérations, appelée coupe d'ensemencement, doit laisser sur
pied le nombre d'arbres nécessaires pour garnir de graines
le terrain de la partie en exploitation et pour abriter et
protéger convenablement le jeune plant. — Aussitôt que
le recru a atteint un certain degré de force, on éclaircit
cette réserve afin de le faire participer plus largement aux
bienfaits de l'air et de la lumière en enlevant de préférence
les arbres qui surmontent les plants les plus vigoureux et
les plus élevés. Quand enfin il est assez fort pour se passer
de tout abri, on abat le reste du vieux peuplement. Ces trois
opérations portent le nom de coupes de régénération.
Pour que la jeune forêt produite par ces trois coupes
successives puisse prendre tout le développement dont elle
est susceptible, il devient ensuite nécessaire de seconder la
nature dans l'accomplissement de son œuvre. Le plus sou-
vent une végétation accessoire, des bois blancs dont la
venue est plus rapide que celle des bois durs, menacent
de dominer les espèces les plus précieuses et de les gêner
dans leur croissance. Il devient nécessaire de faire en temps
opportun l'extraction de ces essences secondaires. C'est la
coupe de nettoiement. L'époque à laquelle il convient de
l'entreprendre ne peut être précisée d'une façon certaine ;
l'aspect des lieux seul peut en décider. Aussitôt qu'une
essence devient gênante, il faut la faire disparaître et répé-
ter l'opération jusqu'à ce que l'essence principale ait repris
le dessus. Lorsque la forêt se trouve débarrassée des
essences accessoires, la lutte se produit bientôt entre les
jeunes brins de l'essence principale. L'action du forestier
consiste alors à faire disparaître, au moment opportun, et
dans les conditions les plus favorables à la bonne tenue du
massif, les tiges faibles ou mal venantes surmontées ou
près de l'être, et dont la végétation est languissante, ou
encore des rejets de bois tendre qui se sont produits après
le nettoiement, quelquefois même des tiges bien venantes
qui seraient de nature à gêner le peuplement. Il n'y a à ce
point de vue aucune règle absolue. L'opération doit être con-
duite de telle sorte que les jeunes bois puissent croître dans
les meilleures conditions, eu égard au but qu'on se propose.
Il est tout aussi difficile de préciser la date à laquelle
doivent commencer les premières éclaircies ; le tout dépend
de l'essence du sol, du climat, de la rapidité de la crois-
sance. C'est de la part du forestier une affaire d'apprécia-
tion. Les époques auxquelles elles doivent se répéter obéis-
sent aux mêmes nécessités. En règle générale et pour être
toujours maître de son peuplement et prêt à parer à toute
éventualité, il vaut mieux éclaircir faiblement et revenir
plus souvent. Des éclaircies tous les cinq ou tous les dix
ans dans la jeunesse, tous les vingt ans dans un âge avancé,
sont suffisantes. Les éclaircies ne peuvent être utilement
faites, au point de vue de la culture, qu'autant qu'on pro-
cède graduellement et au fur et à mesure de la marche des
travaux à la désignation des arbres à abattre. Agir autre-
ment serait risquer de compromettre le succès et la bonne
exécution de l'opération. La vente des coupes d'éclaircie
â'eirectue dans ces conditions d'une façon différente de
celle des produits ordinaires. Au lieu d'adjuger les bois sur
pied, on fait exploiter sous la direction des agents forestiers
soit par des ouvriers payés a la tâche ou à la journée, soit
par un entrepreneur responsable. Après le façonnage, les
produits sont vendus en détail et par lots. Martinet.
ÉCLAIRE, Grande Éclaire (Bot.). Noms vulgaires du
Chelidonium majorL, (V. Chélidoine). — La petite Eclaire
est le Ficaria 7'anunculoidesMœndi (V. Ficaire). Ed. Lef.
ÉCLAIREMENT (Techn.). C'est un des effets produits
sur les corps par la lumière, comme réchauffement est un
de ceux produits par la chaleur. On trouve l'analogie en-
core plus complète si l'on observe que de même que
réchauffement transforme les corps en sources de chaleur,
qui émettent encore des radiations caloriques après que le
chauffage a cessé, l'éclairement des surfaces les transforme
en sources lumineuses secondaires, devenues non seule-
ment visibles par la réflexion de la lumière reçue, mais
capables quelquefois d'émettre des radiations lumineuses
après la cessation de l'éclairage. L'éclairement commu-
niqué à une surface est proportionnel à la quantité de
lumière qu'elle reçoit ; aussi est-ce en comparant les éclai-
rements produits sur une même surface par les diverses
sources de lumière que l'on mesure leurs intensités lumi-
neuses. Mais, tandis que l'on a pu trouver dans les effets
physiques de la chaleur un moyen de mesurer réchauffe-
ment par les méthodes calorimétriques, aucun des effets
caloriques, chimiques ou électriques produits par la lu-
mière n'a pu être utilisé pour mesurer l'éclairement, et,
aujourd'hui encore, les évaluations de la photométrie sont
loin d'avoir la précision des autres mesures scientifiques
(V. Photométrie). L. K.
ÉCLAIRES. Com. du dép. de la Marne, arr. de Sainte-
Menehould, cant. de Dommartin-sur-Yèvre ; 328 hab.
ÉCLAIREU R. I. Art militaire. — Soldat chargé de pré-
céder une troupe en campagne pour surveiller les mouve-
ments de l'ennemi et les faire connaître au commandant de
cette troupe. On range dans cette catégorie les patrouilles,
flanqueurs, extrêmes pointes d'avant-garde, etc. En pays
accidenté, l'infanterie joue utilement le rôle d'éclaireurs, qui
appartient, par contre, à la cavalerie dans les pays décou-
verts, à cause du pouvoir qu'a cette arme de se porter
promptement à de grandes distances. L'antiquité connais-
sait les éclaireurs. « Un général, dit Végèce dans ses Ins-
titutions militaires, qui se prépare à faire décamper son
armée, enverra en campagne des détachements composés
de gens de confiance bien montés, pour reconnaître exac-
tement, en avant, à droite, à gauche et par derrière, tous
les lieux où l'armée doit passer...» Des corps d'éclaireurs
ont existé dans nos armées. Pendant la campagne de Saxe
en 4813, la garde comptait trois régiments d'éclaireurs
qui furent supprimés l'année suivante. Lors de la réorga-
nisation de nos forces militaires après la guerre de 4870,
la loi a prévu, pour être appelés à l'activité seulement au
moment de la mobihsation ou des manœuvres, dix-neuf
escdiôrons d'éclaireurs volontaires,\m par corps d'armée,
devant se monter et s'équiper à leurs frais. Le projet pri-
mitif portait la création de vingt-quatre escadrons de guides
d'état-major. Le décret du 30 juil. 4875 fixa l'organisa-
tion de ces escadrons. Leur cadre se compose d'un capi-
taine, un lieutenant en premier et trois lieutenants ou
sous-lieutenants ; l'effectif du cadre-troupe est de trente et
un hommes, plus un certain nombre de cavaliers pour
servir d'ordonnance aux officiers et aux sous-oflicicrs
et pour la conduite des équipages. Quant au nombre de
cavaliers éclaireurs, il est déterminé par le ministre de la
guerre, selon les ressources de la région. L'armement doit
être celui de la cavalerie légère. Le capitaine est un capi-
taine de cavalerie en activité de service ; les autres offi-
ciers sont pris parmi les officiers de cavalerie en activité et
ceux de réserve indifféremment. Les hommes de troupe se
recrutent parmi les militaires de la disponibilité ou de
la réserve qui ont servi un an au moins dans la cavalerie
et s'engagent, comme nous l'avons dit, à se monter et à
s'équiper à leurs frais. Ils ont droit à la solde et aux
rations. Une décision ministérielle du 22 mars 4876 fixa
l'effectif des cavaliers éclaireurs à cent vingt hommes montés
et n'admet, pour les dix-huit premiers escadrons, que des
chevaux de 4°^49 à 4"^o6, hongres ou juments.
ÉCLAIREUR - ÉCLAMPSIE
— 352
On appelle éclair eur s du terrain, dans les manœuvres
de cavalerie, des cavaliers, deux par escadron, qui précé-
dent, à la distance de 200 m., une troupe s'avançant pour
charo-er, afin de signaler les obstacles qui pourraient arrêter
la marche. Us cherchent les passages et, le cas échéant,
ils doivent indiquer, par un signal, que l'escadron est
obligé de réduire son front. Pendant que l'un des cava-
liers continue de marcher, l'autre s'arrête devant l'obstacle.
En arrivant à proximité de l'ennemi, les éclaireurs se
laissent rejoindre par l'escadron et chargent^ avec lui.
II. Marine.— Eclaireurs d'escadre.— L'armée navale,
l'escadre, marche à une vitesse moyenne, à cause des types
différents de navires dont elle se compose : il est nécessaire
que des bâtiments de grande vitesse, marchant en avant et
sur les ailes, préviennent d'une attaque possible si l'ennemi
est proche, renseignent sur la position et les forces de
l'adversaire, empêchent en un mot toute surprise. Ce rôle,
analogue à celui que joue la cavalerie légère dans l'armée
de terre, incombe aux éclaireurs d'escadre : on les a appelés
les uhians de la mer. Dans notre ancienne marine, ce
furent les corvettes qui servirent d'éclaireurs d'escadre.
« Corvette est espèce de barque longue qui n'a qu'un mât
et un petit hinguet et qui va à voiles et à rames. Les cor-
vettes sont fréquentes à Calais et à Dunkerque, et, d'ordi-
naire, il y en a à la suite d'une armée navale pour aller à
la découverte et pour porter des nouvelles. » Ainsi les
définissait Guillet en 1678. Les qualités militaires de la
corvette étaient à ce moment presque nulles : ce n'est que
vers le milieu du xvni^ siècle que la corvette grandit et
reçoit une mâture complète. Les corvettes accompagnaient
les escadrilles commandées par nos hardis marins qtii ont
eu nom Jean Bart, Duguay-Trouin, etc., et armées pour la
course : elles éclairaient la route à la poursuite des convois.
Les grandes vitesses dans la navigation ù vapeur ne
datent que de l'application de l'hélice aux navires, à la fin
de la première moitié de ce siècle ; c'est de cette époque
que date aussi le véritable éclaireur d'escadre, dont la
qualité absolument essentielle est la vitesse. En 1844, on
construisit l'aviso de haute mer le Caton qui avait une
marche moyenne de 11 nœuds : il servit d 'éclaireur à l'es-
cadre d'évolution pendant vingt-six ans, et on peut le con-
sidérer comme le type de l'éclaireur d'escadre à cette
époque. Toutefois, le Caton n'atteignait pas à une vitesse
suffisante. En 1863-1866 fut construit, sur les plans de
M. Normand, Thabile constructeur du Havre, le Canard, ap-
pelé plus tard Jérôme-Napoléoîi, {mis Desaix, qui atteignit
une vitesse de 14^26. — On pouvait reprocher à ce type de
navire l'absence de force militaire. Or on prévoyait déjà que,
malgré l'utilité de ces navires pour le transport sûr et
prompt des dépêches ou pour leur action sur le commerce,
on construirait promptement des croiseurs qui auraient
les mêmes qualités de vitesse avec une force militaire effec-
tive. Aussi un projet de navire du même type, filant 16
nœuds, proposé en 1867 par M. Normand, fut-il rejeté.
— Non pas que ces navires ne soient inutilisables en temps
de guerre. Le contraire a été prouvé en 1870. Le yacht
impérial rilironddle, construit en 1869, fut employé en
1870 à assurer les communications entre la France et l'es-
cadre des mers du Nord, de même que le Grill, aviso
prussien, construit également par M. Normand, rendit de
grands services à la flotte allemande en la renseignant sur
la position de l'escadre de blocus. — Mais la vitesse ne
suffit pas. Il faut, aujourd'hui que la construction coûte si
cher, que tous les navires aient un rôle au point de vue
de la défense, une puissance navale réelle. Le type de
l'éclaireur d'escadre était donc destiné à se fondre avec le
type du croiseur à grande vitesse. C'est ce qui a eu lieu.
— La dénomination d'éclaireur d'escadre a subsisté sur les
listes officielles de notre flotte jusqu'en 1884, avec des
bâtiments tels que le Rigault-de-Genouilly, construit en
1871, sur les plans de M. l'ingénieur Bienaymé (longueur,
14m.; déplacement, 1,643 tonneaux; armement, 8 canons
de 14 centim.; vitesse, 15 nœuds avec une machine d'une
force de 1,900 chevaux). — Le dernier bâtiment construit
sous le nom d'éclaireur d'escadre a été le Milan, confié en
1822 aux Chantiers de la Loire. Ce bâtiment, avec une
machine de 3,000 chevaux, atteignit une vitesse de 19 nœuds.
A l'heure actuelle, il n'y a plus d'éclaireurs d'escadre à
proprement parler. Le Rigaiilt-de-Genouilly , le Desaix,
le Milaîi ont été rayés sur les listes officielles de la flotte
au nombre des cuirassés de deuxième classe ; les anciens
éclaireurs d'escadre d'une force inférieure, comme le Bou-
rayne et le Volta sont devenus croiseurs de troisième
classe. Il n'y a plus que des croiseurs qui sont aptes à faire
le rôle d'éclaireurs en même temps qu'ils possèdent une
grande force militaire. — Ajoutons que les avisos et les
torpilleurs de haute mer peuvent au besoin éclairer la
marche d'une escadre.
ÉCLAMPSIE (Méd.). On désigne sous ce nom un état
aigu caractérisé par des convulsions toniques et cloniques
d'abord limitées aux muscles de la vie de relation, puis
s'étendant quelquefois à ceux de la vie végétative. Il s'ac-
compagne d'une perte de connaissance complète et se ter-
mine par une période de coma ou de stupeur suivie de la
guérison ou de la mort. Cliniquement, l'attaque d'éclampsie
offre des ressemblances très marquées avec l'attaque d'épi-
lepsie, et on a pu dire, en se plaçant au point de vue de sa
pathogénie, qu'elle constitue une variété d'épilepsie symp-
tomatlque. On distingue tout particulièrement deux va-
riétés : l'éclampsie puerpérale et l'éclampsie infantile.
1° Eclampsie puerpérale. Elle peut se déclarer pendant
la grossesse, le travail et l'accouchement : son début est
souvent précédé pendant plusieurs jours par des prodromes :
céphalalgie tenace et intense, vertiges et éblouissements
passagers, affaiblissement intellectuel, insomnie et agitation
ou au contraire sommeil comateux. Puis surviennent les
signes qui annoncent l'attaque : troubles visuels variés
allant de la simple fatigue visuelle à la diplopie et à la
cécité complète, douleur vive au creux épigastrique pou-
vant s'accompagner de dyspnée et d'anxiété précordiale.
Dans d'autres cas, ces prodromes font défaut et l'attaque
survient brusquement : la malade perd connaissance, son
regard devient fixe, ses pupilles se dilatent et restent
insensibles à la lumière, puis les convulsions commencent;
elles débutent en général par les muscles des paupières,
atteignent ceux des'^lèvres, dévient fortement la bouche et
en se propageant à ceux du cou provoquent des mouve-
ments de rotation de la tête sur les épaules. Ensuite les
convulsions se généralisent aux muscles du tronc et des
membres et prennent le type tonique ; le corps est rigide et
souvent incurvé par le spasme ; la respiration se suspend et
la face devient violacée ; les mâchoires se resserrent et la
langue peut être coupée par les dents. A cette raideur
spasmodique succèdent des convulsions cloniques, tout
comme dans l'attaque d'épilepsie, qui agitent avec violence
le tronc et les membres ; elles durent de quelques secondes
à quelques minutes et sont remplacées par une période de
résolution musculaire complète, pendant laquelle la malade
est dans le coma. L'accès peut être unique ; quand il y en a
plusieurs, ils sont parfois espacés, mais le plus souvent ils se
succèdent à de courts intervalles ou môme sont subintrants.
L'éclampsie ne dure guère plus de deux jours, mais dans
le cas de guérison elle peut se reproduire plus tard. Ici,
comme dans l'épilepsie subintrante, la température centrale
s'élève depuis le début de l'attaque jusqu'à la fin : elle
s'abaisse si les accès disparaissent ; elle continue à s'élever
quand le mal éclamptique doit se terminer par la mort ;
ce signe sert à la différencier de l'urémie, pendant laquelle
la température baisse graduellement. Quoique le chiffre de
la mortalité soit considérable, l'éclampsie guérit souvent.
La mort peut survenir du fait même de l'accès ou par suite
d'une complication soudaine telle qu'apoplexie pulmonaire,
choc cérébral, hémorragie méningée, ou d'une compHca-
tion éloignée, accidents puerpéraux, mal de Bright, accidents
cérébraux divers.
L'examen des organes d'une femme morte d'éclampsie
montre un grand nombre d'altérations, mais dont aucune
n'est propre à cette maladie. Le cerveau présente presque tou-
jours de l'hyperémie et des sufFusions hémorragiques sur
les méninges, parfois des foyers d'hémorragie, mais souvent
il paraît intact ; la congestion et l'apoplexie pulmonaires
ont été notées dans quelques cas; les reins montrent sou-
vent de la néphrite congestive et œdémateuse dont les
lésions rappellent celles de la néphrite aiguë de la scarla-
tine. Chez les éclamptiques, la sécrétion urinaire est dimi-
nuée et l'albuminurie est fréquente ; on la rencontre à peu
près dans la proportion de dix fois sur quatorze cas. En
général, la présence de l'albumine dans l'urine précède
l'éclampsie, mais on l'y trouve en quantité plus abondante
pendant les accès.
Les causes de l'éclampsie puerpérale sont encore fort
mal connues et nous ne pouvons que citer les principales
opinions qui ont été mises en avant pour exphquer son
apparition : 1^ œdème cérébral dû au mal de Bright;
2^ anémie cérébrale par troubles vaso-moteurs ; 3° excita-
tion réflexe partie des nerfs de l'utérus, sous l'influence de
laquelle la moelle réagit par des convulsions ; 4° l'éclamp-
sie est sous la dépendance d'un empoisonnement du sang.
On a tour à tour incriminé comme principe toxique l'urée,
le carbonate d'ammoniaque et les matières extractives de
l'urine, mais des faits précis, tirés de la clinique et de l'ex-
périmentation, ont démontré que ces divers produits sont
incapables de provoquer le syndrome clinique de l'éclamp-
sie. Il semble cependant que les lésions rénales qui l'ac-
compagnent si fréquemment jouent un rôle prépondérant
dans sa pathogénie, et jusqu'à nouvel ordre on admet qu'elle
est le résultat de l'action de toxines qui ne sont plus élimi-
nées ; l'éclampsie serait le résultat d une auto-intoxication. Il
est même possible que certaines toxines convulsivantes soient
sécrétées particulièrement pendant la grossesse et mani-
festent leur action lorsque l'émonctoire rénal accidentelle-
ment malade ne leur livre plus passage. A plusieurs reprises
les auteurs ont observé le développement simultané çle plu-
sieurs cas d'éclampsie, comme s'il y avait eu contagion, et
il serait fort possible que la causede cette maladie fût la
présence dans l'organisme d'un agent infectieux ayant des
propriétés convulsivantes analogues à celui du tétanos par
exemple. Des recherches faites dans le laboratoire de
M. Chauveau pour démontrer son existence sont restées
sans résultat. M. Combemale (de Lille) a récemment ren-
contré dans le sang de trois femmes éclamptiques, dont deux
sont mortes, l'association du Streptococcus pyogenes aWus
et du Streptococciis amnis ;Véd3impsÏG serait ainsi d'après
lui une forme d'infection puerpérale, et les convulsions
seraient dues à l'action des microbes ou de leurs toxines
contenus dans le sang sur les centres nerveux.
Le traitement de l'éclampsie est encore purement empi-
rique. Quand on reconnaît de l'albuminurie chez une femme
enceinte, il faut la combattre par le régime spécial. Quand
l'éclampsie est déclarée, il faut avant tout chercher à pro-
voquer ou à terminer l'accouchement, ce qui suffit souvent
pour faire cesser les crises. La saignée donne d'excellents
résultats et se montre préférable à la chloroformisation et à
l'emploi du chloral.
2° Eclampsie des enfants. Une éclampsie dont le
tableau symptomatique est à peu près celui de l'éclampsie
puerpérale peut se rencontrer chez les jeunes enfants; elle
constitue les convulsions essentielles de l'enfance. Elle
se voit surtout chez des enfants nerveux et débilités, et
dans certains cas parait être héréditaire ; elle est détermi-
née par la peur, la colère et surtout par des impressions
agissant sur les extrémités des nerfs de la muqueuse diges-
tive, dentition, vers intestinaux, aliments grossiers, etc.
Son pronostic est variable selon les causes; la guérison est
fréquente vers l'âge de quatre à cinq ans. Cette éclampsie
nous parait être une variété d'épilepsie et nullement une
maladie distincte. Georges Lemoine.
ECLANCE. Com. du dép. de FAubc, arr. de Bar-sur-
Aube, cant. de Soulaines ; 254. hab.
GRApE ENCYCLOPÉDIE. — XV
) — ÉCLAMPSIE — ÉCLECTISME
ÉCLANS. Com. du dép. du Jura, arr. de Dole, cant.de
Rochefort ; 259 hab.
ÉCLARON. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr. de
Wassy, cant. de Saint-Dizier, sur la rive droite de la Biaise ;
921 hab. Stat. du chemin de fer de l'Est, sur la ligne de
Saint-Dizier à Troyes. Carrières de craie ; lavoirs à mine-
rai, hauts fourneaux ; fabriques d'huile de colza, moulins,
tuileries. — Importante pendant tout le moyen âge, la ba-
ronnie d'Eclaron appartint successivement aux maisons de
Dampierre-Saint-Dizier et de Joinville. Plus tard, les Guises
se plurent à embellir cette résidence, où ils reçurent Fran-
çois r ^ Henri II, François II et Marie Stuart. Belle église
du xv^ siècle, malheureusement inachevée. A. t.
BiBL. : Vicomte Ch. de Hédouville, Notice sur le vil-
lage d'Eclaron^ dans Mémoires de la Société des lettres
sciences, etc., de Saint-Dizier^ 1880-1881, p. 25. '
ÉCLASSAN. Com. du dép. de l'Ardèche, arr. et cant.
de Tournon ; 946 hab.
ÉCLAT. I. Peinture. — Qualité claire et brillante d'un
tableau, d'une manière de peindre. On peut citer la peinture
de Rubens comme une des plus éclatantes; la rareté rela-
tive des ombres, la touche franche et lumineuse, la fraîcheur
des carnations, produisent cette impression. L'éclat dans la
peinture est une belle et précieuse qualité pour un artiste,
mais difficile à acquérir lorsqu'elle n'est pas un don naturel ;
le papillotage des tons est un écueil où se butent souvent
ceux qui veulent l'obtenir quand même. Ad. T.
II. Art militaire. -- Action d'éclat. — Le militaire
qui dirige un coup de main hardi ou y prend une part active,
celui qui enlève un canon ou un drapeau, celui qui sauve la
vie d'un de ses chefs ou d'un de ses camarades, celui qui dé-
livre des prisonniers ou qui, assailli par plusieurs ennemis,
leur tient tête et parvient à se dégager ou se fait tuer, au
lieu de se rendre, se signalent par une action d'éclat. Ces
actions sont, suivant leur importance, mises à l'ordre du
jour de la division, du corps d'armée ou de l'armée. Elles
sont inscrites sur l'état des services des militaires qui les
ont accomplies, sous le titre : campagnes, blessures et
actions d'éclat. E. Feller.
ECLATEMENT (V. Essai [Epreuve des bouches à feu]).
ÉCLECTIQUE (V. Eclectisme).
ÉCLECTISME. I.Philosophie.— On désigne sous le nom
d'éclectique toute doctrine philosophique qui, au lieu de
poser un principe qui lui soit propre et d'en déduire les
conséquences, choisit dans les systèmes antérieurement cons
titués les parties qui lui paraissent les plus vraies, et essaye,
avec ces éléments d'emprunt, de former un ensemble.'
L'éclectisme apparaît de bonne heure dans l'histoire de la
philosophie. Après les grands systèmes de Platon et d'Aris-
tote,^ après ceux d'Epicure et des stoïciens, qui étaient
aussi des corps de doctrine inspirés d'une pensée unique
et fortement liés, l'éclectisme prit naissance avec des phi-
losophes tels que Asclépiade, Panétius, Posidonius, qui
essayèrent d'unir soit les doctrines d'Epicure, soit celles
de Zenon avec celles des philosophes antérieurs. Plus tard,
la nouvelle académie, avec Philon et surtout Antiochus, le
maître de Cicéron, entra aussi dans la même voie. Il semble
que l'apparition des doctrines sceptiques ait de tout temps
exercé une grande influence sur le développement de l'éclec-
tisme. En présence de la diversité et de la contradiction
des systèmes, le premier mouvement de l'esprit humain
semble être de dire qu'aucun n'est vrai. Puis, par une
tendance inverse, on arrive à croire sinon que tout est vrai,
au moins qu'il y a du vrai dans toutes les doctrines. C'est
ainsi que le pyrrhonisme et le probabilisme d'Arcésilas ont
suscité l'éclectisme de Panétius et de Posidonius; plus
tard l'enseignement d'Antiochus d'Ascalon et, dans une
certaine mesure, celui de Philon de Larisse, furent une
réaction contre la philosophie de Carnéade.
On désigne parfois sous le nom d'éclectique la doctrine
de Plotin et celle de Leibniz, et il est certain que ces
grands philosophes ont essayé de conciher dans une vaste
synthèse les systèmes antérieurs. Mais, à ce compte, on
23
ÉCLECTISME - ÉCLIMÈTRE - 354 -
trouverait de l'éclectisme chez Platon, chez Aristote, chez
tous les philosophes ; tous, en effet, ont essayé de faire
une part aux idées régnantes de leur temps. Il semble plus
juste de réserver ce nom aux doctrines qui ne sont qu éclec-
tiques, c.-à-d. qui n'ont pas introduit dans la philosophie
une idée nouvelle, un principe supérieur auquel elles ont
subordonné et ramené les idées déjà connues. Si on se place
à ce point de vue , Plotin et Leibniz sont plus et mieux
que des éclectiques. De nos jours, le nom d'éclectisme
désigne tout particulièrement la philosophie qu'ont ensei-
gnée Victor Cousin et ses disciples et qui a eu un moment de
grande vogue. Nous avons exposé ailleurs (V. Cousin
[Victor]) les principes de cette doctrine. Victor Brochard.
II. Esthétique. — L'éclectisme est une direction de goût
qui consiste à réunir les qualités d'écoles différentes pour
en former un ensemble harmonieux. C'est aussi, pour
la critique, savoir apprécier et louer les qualités particu-
lières et opposées de ces écoles. L'éclectisme est un goût
des époques de décadence ; c'est lorsque la science prime
l'inspiration qu'une école devient éclectique. Telle fut 1 école
desCarraches à la fin de la Renaissance. Notre époque est
une des plus éclectiques qui fussent jamais ; en nul autre
temps on n'a étudié et connu aussi bien qu'à présent les
formules artistiques, le génie propre à chacune des écoles
anciennes. Si les études de ce genre ne sont pas pour taire
surgir des individualités bien accentuées, il faut reconnaître
qu'elles ont singulièrement relevé la moyenne de valeur des
œuvres d'art, et que si les traits de génie sonttoujours rares,
les ouvrages remarquables par l'ensemble de leurs bonnes
quaUtés sont bien plus nombreux que jadis. Ad. T.
ECLECTUS (Ornith.) (V. Perroquet).
ÉCLEUX. Com. dudép. du Jura,arr. de Poligny, cant.
de Villers-Farlav ; 321 hab.
ÉCLIMÈTRE. Les topographes désignent sous ce nom
les appareils servant à déterminer la différence d'altitude
de deux points ; toutefois, ils réservent plus spécialement
ce mot pour les instruments du genre de celui décrit ci-
dessous : une lunette pourvue d'un réticule se meut dans
le plan vertical autour d'un axe passant par le centre
d'un cercle gradué ; elle entraîne dans son mouvement
deux verniers qui serviront à la lecture des angles mesu-
rés. Un niveau à bulle d'air dont le tube porte des traits
de division servant à observer les extrémités de la bulle
est fixé au limbe gradué, de manière que, lorsque la bulle
(_
h-
3
1 1
,...l
!
)
disposition habituelle des organes de ce genre permet de
fixer la lunette dans une position donnée sur le limbe, et
d'achever le pointé en amenant la croisée des fils du ré-
ticule sur l'image de l'objet. On voit que, si le zéro se
trouve bien exactement sur la verticale, une simple lec-
ture du limbe donnera la distance zénithale de l'objet. En
eénéral, l'appareil est fixé sur le côté d'une boussole, et
les visées obtenues au moyen de la lunette servent à la
fois pour la planimétrie et pour le nivellement (hg. 1).
Très souvent le limbe est réduit à deux arcs d'une ampli-
tude de 25 à 30^ au-dessus et au-dessous de la division
100», car, dans la topographie, les points que l'on vise ne
s'élèvent jamais beaucoup au-dessus de l'horizon. 11 en
résulte qu'une grande portion du limbe est inutile ; en la
Fig.l.
est contenue dans ses repères, le diamètre passant par
la division 100^ est horizontal. Le zéro de la graduation
du limbe correspond donc dans un appareil parfait à la
lecture qui serait faite sur le zénith et sur le nadir.
La graduation se développe de chaque côté du zéro.
Enfin, une pince munie d'une vis de rappel et affectant la
supprimant, on a l'avantage de diminuer le poids et le vo-
lume de l'appareil (fig. 2). On construit aussi des ecli-
mètres qui n'ont qu'un arc de cercle. Dans ce cas, 1 axe
de rotation de la lunette est reporté à l'une des extrémités
de l'appareil, disposition qui permet de donner au limbe
un diamètre plus grand et, par suite, d'augmenter le
Fig. 3.
nombre de traits de division; mais le diamètre du trait 100
est encore horizontal lorsque la bulle est entre ses repères
On voit par cette description sommaire que l'éclimètre
doit satisfaire à deux conditions : 1« L'axe horizontal au--
tour duquel la lunette tourne doit être exactement centre
sur le cercle gradué. Pour vérifier que cette condition est
satisfaite, on'fixera la lunette sur le limbe à l'aide de sa
pince et de la vis de rappel, de manière que les verniers
donnent exactement 100^ pour lecture. Puis, à l'aide d une
clef, on agira sur une vis qui sert à soulever une des extré-
mités du niveau, jusqu'à ce que la bulle soit exactement
logée entre ses repères. Dans cette position, on sera sur
- 355 -
ECLIMÈTRE — ECLIPSE
que le diamètre du trait 100 est horizontal, et par
suite que le zéro est sur la verticale. Donc en visant suc-
cessivement dans les deux positions du limbe un objet
éloigné, on devra obtenir des lectures identiques. S'il n'en
est point ainsi, l'instrument devra être rejeté. Mais, si l'on
emploie l'éclimètre à un seul arc de limbe, il n'existe au-
cun moyen de vérification, sinon de s'assurer que l'ins-
trument donne de bonnes indications, en pointant des
objets d'altitude connue, en ayant soin de corriger préa-
lablement les lectures de l'erreur de collimation. 2° Le zéro
de la graduation doit être exactement sur la verticale. En
réalité cette condition est rarement remplie ; on se borne
à déterminer la lecture correspondant au zénith, qui est
désignée sous le nom de collimation. On déduira les dis-
tances zénithales vraies en ajoutant ou rétractant algébri-
quement la coUimation, telle qu'elle est donnée avec son
L^ — L
signe par la formule c -
2
-. En désignant par L la
lecture limhe à droite, U la lecture limbe à gauche,
c la collimation, Z la distance zénithale, on a Z = L-|-c et
l=iV — c; on tire aisément c = — ^ — . Dans le cas de
l'éclimètre à un limbe, on opérera de la manière suivante
pour la détermination de l'erreur de collimation. Après
avoir mis l'appareil en station en A sur un terrain uni, on
visera une mire éloignée placée en B, à une hauteur au-
dessus du sol égale à celle de l'écUmètre. Puis on trans-
portera l'appareil en B et la mire en A, et Ton pointera
de nouveau la mire (fig. 4). Les deux distances zénithales
sont deux angles supplémentaires ; d'autre part, si l'on a
au point A : z=zL-\-c, on aura en B : z^=: U -\-c. On
tirera z-\- 2/ =.L-\-V -\~'^c, d'où l'on déduit :
c=1008-t±il.
A l'aide d'un éclimètre à deux verniers donnant la mi-
nute centésimale, on obtiendra les cotes avec une erreur
moindre qu'un mètre pour des distances d'environ 5 kil.,
précision bien suffisante pour les besoins de la topogra-
phie. Ch. DE ViLLEDEUIL.
ÉCLIIVIEUX. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. de
Saint-Pol-sur-Ternoise, cant. du Parcq ; 283 hab.
ÉCLIN. Rivière de France (V. Côte-d'Or [Dép. de la],
t. XII, p. 1187).
ÉCLIPSE (Astron.). Disparition partielle ou totale d'un
astre causée momentanément par la situation de trois astres
en hgne droite. Si la terre est entre le soleil et la lune, au
moment de la pleine lune, notre satellite peut être plongé
dans le cône d'ombre projeté derrière la terre et cesser
d'être visible : il est éclipsé. A la nouvelle lune, quand le
cône d'ombre de la lune rencontre la terre, les habitants
plongés dans ce cône d'ombre ne voient plus le soleil, qui
pour eux est éclipsé. La grande différence entre ces deux
sortes d'éclipsés, c'est que les éclipses de lune sont visibles
pour tout l'hémisphère terrestre tourné vers notre satel-
lite, tandis que les écHpses de soleil n'ont lieu que pour
une très petite région de notre globe cachée par l'ombre
delà lune. Etudions les conditions d'une éclipse de lune, et
voyons d'abord en quoi consiste le phénomène. 0 étant le
centre du soleil, C celui de la terre (V. fig.), les lignes AB
et DF, tangentes communes extérieure et intérieure aux
deux circonférences engendrent en tournant autour de la
ligne OC les cônes MBB' d'ombre pure et PN^F, dont
la partie située en arrière de la terre est la pénombre. Un
Figure schématique d'une éclipse de lune.
observateur placé dans la région EMB"" ne peut voir au-
cun point du soleil; c'est pourquoi on dit qu'il est dans
l'ombre pure; au contraire, un habitant des régions situées
entre P^F et MB voit une portion du soleil d'autant plus
grande qu'il est plus éloigné du soleil et de la terre, et plus
rapproché de la génératrice P^F'' : il se trouve alors dans la
pénombre. Si la lune au moment de la pleine lune se trouve
dans la région de l'espace PB^FT^ elle disparaîtra tota-
lement ou partiellement, suivant qu'elle sera plongée en
totalité ou en partie dans le cône BMB^ d'ombre pure. Sa
lumière diminuera très faiblement quand notre satellite
sera dans la pénombre, et l'éclipsé proprement dite com-
mencera et finira quand l'astre entrera dans l'ombre pure
ou bien en sortira. Nous pouvons chercher la longueur MC
du cône d'ombre projeté derrière la terre. Les triangles
semblables AMO, BMC donnent en effet, si l'on désigne AO,
BC et OC par R, r, d
AO__BC__AO — RC
OM~CM""OM — CM
R r R — r
OM~CM~
d'où
CM:
rd
■R — r
Remplaçons R et cî par leurs valeurs moyennes, qui sont
108,6 T et 23,280 r, nous aurons
CM:
rX 23280 r__ 23280 r
:216r
108,6 T — r~^ 107,6
La distance moyenne de la lune à la terre étant 60 r,
on voit que le cône d'ombre pure s'étend bien au delà de
l'orbite de notre satellite, et par suite que les éclipses de
lune sont possibles. Désignons par a et a les demi-angles
au sommet des cônes BMB' et F^NF, par A, A'' les demi-
diamètres apparents du soleil et de la lune à leur distance
moyenne, par p et p^ la parallaxe horizontale du soleil et
de la lune à la même distance ; nous aurons : a zn A — p ;
a' = A + p ; le demi-diamètre apparent LCM du cône
d'ombre à la distance CL de la lune estpiirp' — ai=w^
— A+iO=ip^+p — A.0r/~57^;p=:8^8;A=:16';
d'où [3= 41' envn^on, et comme le demi-diamètre appa-
rent de la lune est inférieur à 17', cet astre peut être com-
plètement éclipsé. L'orbite de la lune étant inclinée de 5<*
environ sur l'écliptique tandis que (3 est de 41^, il n'y a
donc pas échpse de soleil à chaque nouvelle lune, ni éclipse
de lune à chaque pleine lune ; il faut que notre satellite soit
très près de ses nœuds, points où son orbite perce l'éclip-
tique ; si l'on désigne par X sa latitude. A' étant son dia-
mètre apparent, on devra avoir pour la condition de pos-
sibilité d'une éclipse X < A'+ |3 ; en remplaçant A^ et (3
parleurs valeurs maxima etminima, on arrive aux conclusions
suivantes : 1° X < 52', éclipse certaine ; 2^ 52' < X < 76',
éclipse douteuse ; 3^ X > 76', éclipse impossible.
Au moment des éclipses de lune la longitude de cet
astre et celle du soleil diffèrent de 180", et l'on trouve
ces longitudes dans la Connaissance des temps publiée
ÉCLIPSE
356 —
par le Bureau des longitudes. On pourrait aussi prendre
les Tables de la lune et les Tables du soleil (mais
le travail serait beaucoup plus pénible) pour tous les
jours de Tannée à midi (celle de la lune est même
donnée de six heures en six heures) ; une simple inter-
polation permet de trouver l'instant précis de l'opposi-
tion. Le calcul peut ensuite donner l'époque et la valeur
de la plus grande phase, les moments d'entrée de la lune
dans la pénombre et de sa sortie, les heures précises du
commencement et de la fin de l'éclipsé proprement dite, la
durée du phénomène, etc. L'atmosphère terrestre a une
influence considérable sur les éclipses de lune : elle rac-
courcit notablement le cône d'ombre qui mesure, comme
nous l'avons déjà vu, 216 rayons terrestres ; elle réduit
sa longueur à 42 rayons terrestres. Comme la distance
moyenne de notre satellite à la terre est de 60 r, il n'y a
donc pas à proprement parler d'éclipsé totale de lune : on
conserve cependant cette expression pour les cas où la lune
entre complètement dans le cône d'ombre pure ; on la voit
alors faiblement éclairée par réfraction et présentant une
teinte noire rougeâtre. L'éclipsé peut être partielle, totale
ou annulaire suivant que l'astre disparaît en partie, en
totalité ou seulement en sa partie centrale, le cône d'ombre
pure étant entouré d'une couronne lumineuse.
Eclipses de soleil. Les éclipses de soleil se produisent
pour les habitants de la terre plongés dans le cône d'ombre
pure projeté derrière notre satellite au moment de la nou-
velle lune quand les trois astres sont pour ainsi dire en
ligne droite, et que le soleil et la lune ont la même longi-
tude. On calcule toutes les conditions d'une éclipse de soleil
à peu près comme celles d'une écHpse de lune, et les
éclipses totales sont fort remarquables : au heu oti elles se
produisent, le soleil disparaissant très vite, la nuit succède
au jour, et l'on aperçoit les étoiles de première grandeur.
Aussi la frayeur était-elle considérable autrefois, et cepen-
dant le phénomène ne dure généralement que deux ou trois
minutes, le maximum étant au plus six minutes environ.
Grandeur des éclipses. On évaluait autrefois la gran-
deur des éclipses en doigts ou douzièmes de diamètre de
l'astre considéré. Si la partie échancrée était à peu près la
moitié du disque de l'astre, on disait que l'échpse était de
six doigts ; cette portion disparue s'appelait la phase
écliptique. On estime aujourd'hui la grandeur de l'éclipsé
en fraction décimale.
Périodicité des éclipses. Les anciens ne possédaient ni
Tables de la lune ni Tables du soleil, et ne pouvaient
calculer à l'avance les éclipses qui devaient arriver. Une
observation suivie des éclipses leur apprit que ces phéno-
mènes se reproduisent de In même manière et dans le même
ordre après une période nommée Saros embrassant six mille
cinqcent quatre-vingt-cinq joursun tiers oudix-huh ans onze
jours. Pendant ce temps, on noteeneftet soixante-dix éclipses,
dont vingt-neuf de lune et quarante et une de soleil obser-
vables sur toute la terre. Tandis que les premières sont
visibles pour tout l'hémisphère terrestre plongé dans la
nuit, et dès lors ont bien plus de chance d'être observées,
puisque le mauvais temps est rarement répandu dans tout
l'hémisphère, les éclipses de soleil ne sont au contraire
produites que pour une très faible région terrestre, et ont
dès lors plus de chances de passer inaperçues. On compte
généralement de - deux à sept éclipses par an, soit une
inoyenne de quatre. Si une année n'a que deux échpses,
ce sont des phénomènes solaires.
Autres éclipses. Les planètes sont parfois cachées
derrière la lune ainsi que les étoiles : on appelle plu-
tôt ce phénomène occultation (V. ce mot). Si le rayon
visuel mené de l'œil de l'observateur à deux planètes ren-
contre ces deux corps, puis n'en voit plus qu'un seul, le
plus éloigné disparaissant derrière l'autre se trouve éclipsé.
Ces circonstances se rencontrent fort rarement. Lalande
cite les éclipses de Mars par Vénus le 3 oct. 1590, de Ju-
piter par Mars le 9 janv. 1591 observées par Kepler. Les
éclipses des satellites de Jupiter qui disparaissent quand ils
se plongent dans le cône d'ombre projeté derrière la pla-
nète, sont étudiées avec soin. C'est en observant attenti-
vement les variations des temps qui s'écoulent entre deux
échpses consécutives du premier satelhte de Jupiter que le
Danois Rœmer a pu mesurer en 1675 la vitesse de la lu-
mière. Les passages (V. ce mot) des disques de Mercure
et de Vénus sur celui du soleil, qui sont de véritables
éclipses, sont étudiées fort attentivement : c'est de l'obser-
vation des passages de Vénus sur le soleil en 1761 et en
1769 qu'on a déduit la première valeur approchée de la
parallaxe (V. ce mot) du soleil. Les éclipses de soleil nous
ont appris la nature de cet astre. Déplus, les éclipses ser-
vent à calculer la longitude des lieux où l'on observe et à
rectifier les Tables astronomiques, puisque le calcul basé
sur ces Tables doit donner l'instant précis des diverses
phases du phénomène.
Opinions des anciens sur les éclipses. Les anciens
regardaient ces phénomènes comme les présages des plus
grands malheurs. L'histoire nous raconte que Périclès ras-
sura ses marins et ses soldats terrifiés par une éclipse de
soleil. Alexandre, près d'Arbelles, usa de toute son adresse
pour calmer la frayeur de ses troupes au moment d'une
éclipse de lune. Sulpicius Gallus, lieutenant de Paul-Emile,
prédit une écKpse de lune qui arrivait le lendemain, et
changea en confiance la terreur qu'auraient eue ses soldats.
Christophe Colomb allait se trouver à la merci des sau-
vages de l'île de la Jamaïque lorsque ses vivres allaient être
épuisés quand une éclipse de lune lui fournit le moyen de
sortir d'embarras. Il fit dire aux chefs qu'il allait les livrer
aux derniers malheurs s'ils ne lui apportaient immédiate-
ment tout ce qu'il désirait, et qu'il commencerait par les
priver de la lumière de la lune. Les sauvages méprisèrent
d'abord ses menaces ; mais, quand arriva l'éclipsé de lune,
ils furent frappés de terreur, donnèrent à Colomb tout ce
qu'il désirait et le conjurèrent d'avoir pitié d'eux. Quand
la lune était écHpsée, les Incas la croyaient malade. Dès
qu'on la voyait entamée, l'inquiétude se répandait dans tous
les cœurs. Si elle allait disparaître tout entière, ce serait
le signe d'une mort certaine, car elle ne pourrait plus se
soutenir au ciel, tomberait sur la terre, écraserait les pauvres
mortels et le monde finirait. Aussi, dès que l'on s'aper-
cevait d'une de ces éclipses, dont on ignorait les dates,
chacun se précipitait sur les instruments qu'il pouvait
trouvei' sous la main, tambours, trompettes, chaudrons,
faisant un bruit épouvantable. Ils attachaient les chiens
et les fouettaient pour leur faire pousser des cris la-
mentables, persuadés que la lune aime ces animaux, et
que, touchée de leurs gémissements, elle ferait un effort
pour se ranimer. Au Pérou, pendant les éclipses de lune,
les hommes, les femmes et les enfants criaient avec un en-
semble assourdissant : marna quitta! mania quitta ! c.-à-d.
maman lune, suppliant les puissances célestes de ne pas
la laisser mourir. Quand elle reprenait sa lumière, on louait
le grand dieu Pachacamac, soutien de l'univers, qui l'avait
guérie, et cette guérison l'avait empêchée de mettre fin à
l'existence des hommes. Les Hurons et les Caraïbes avaient
à peu près les mêmes idées : le terrible démon M aboya,
qui est Fauteur des apparitions effrayantes, des maladies,
du tonnerre et des tempêtes, essayait de dévorer l'astre des
nuits. Pour mettre le monstre en fuite, on faisait un grand
bruit en frappant sur des écorces, sur des timbales, des
chaudrons, et surtout en agitant les maracas (calebasses
renfermant des cailloux, comme nos clochettes ont des gre-
lots). Les Caraïbes dansent alors toute la nuit, aussi bien
les jeunes que les vieux, les femmes que les hommes, sau-
tant les deux pieds joints, une main sur la tête et l'autre
sur la fesse, sans chanter, mais poussant des cris lugubres
et épouvantables. Ceux qui ont commencé à danser sont
obligés de continuer jusqu'au point du jour, sans oser
quitter pour n'importe quelle nécessité. Les Esquimaux
cachent les provisions et ferment les maisons, de peur que
le soleil ou la lune n'y entrent. Les hommes jettent des
cris et frappent des coups retentissants ; les femmes tirent
— 357 —
ÉCLIPSE — ECLISSE
les oreilles des chiens. Si ces animaux crient, la fin du
monde n'est pas encore proche, car ils existaient avant les
hommes, et ont un pressentiment de l'avenir beaucoup plus
certain. Pour quelques tribus de l'Amérique du Sud, c'est
un chien gigantesque qui dévore la lune pendant les éclipses.
C'est un jaguar pour les Guaranis du bassin del'Orénoque,
un requin pour les Makas ichtyophagrs du détroit de Fuca.
Plusieurs peuplades tiraient des flèches en l'air pour
écarter les ennemis prétendus de la lune et du soleil. Les
Scandinaves avaient à peu près les mêmes idées. La lune
et le soleil, Mane et Sumia, qui sont le frère et la sœur,
marchent vite, poursuivis par deux loups terribles prêts à
les dévorer. Le plus redoutable est Managarmer, monstre
qui s'engraisse de la substance des hommes approchant de
leur fin, mange parfois la lune, et répand du sang dans le
ciel et dans les airs (allusion à la teinte rouge noirâtre
de la lune pendant les éclipses totales). Malgré l'état rela-
tivement avancé de l'astronomie chez les Hindous, ce peuple
conservait au ciel la tête et la queue du dragon qui cherche
à dévorer le soleil et la lune j)endant les échpses : c'étaient
les deux nœuds ou les deux points oti l'orbite lunaire
perce l'écliptique et où doit se trouver notre satellite pour
que Féclipse puisse avoir lieu. On trouve chez les Hé-
breux une tradition analogue. L'auteur de l'Apocalypse
nous représente une femme drapée dans le soleil, qui a la
lune sous ses pieds et qui porte un diadème surmonté de
douze étoiles. Un dragon à sept tètes, capable d'entraîner
avec sa queue un tiers des étoiles du ciel, attend le fruit
que cette femme va mettre au monde pendant l'éclipsé
pour le dévorer. Dans les croyances populaires de Sumatra
et de Malacca, Tobscurcissement de l'astre est causé par un
grand serpent qui l'entortille dans ses plis. Les Alfourous
de Céram croient que la lune s'endort pendant les éclipses,
et battent du tambour pour la réveiller. Les Siamois s'ima-
ginent encore aujourd'hui que les éclipses sont causées
par la malignité d'un dragon qui dévore le soleil ou la lune ;
ils font alors un grand bruit avec les poêles et les chau-
drons pour chasser l'animal pernicieux . Les lettrés savent
qu'on peut prévoir à l'avance tous ces phénomènes et en
calculer le retour. Il en est de même en Chine. Dans ce
pays éminemment conservateur, la cour et les autorités
de l'empire perpétuent indéfiniment les traditions des pre-
miers temps. Une éclipse de soleil est un avertissement
donné à l'empereur pour lui faire examiner ses fautes et
les réparer. Si le phénomène est annoncé par l'astronome
officiel (les deux astronomes Ho et Hi furent condamnés à
mort pour n'avoir pas prévu, comme la loi le leur prescri-
vait, Féclipse du soleil arrivée sous le règne de l'empereur
Tchong-Kong vers Fan 2155 avant notre ère), on en
donne avis dans tout l'empire et la cour s'y prépare par
le jeûne et la retraite. Au jour fixé, on attend partout
avec anxiété. Dès que l'astre commence à disparaître, ou
à être mangé, suivant l'expression chinoise, l'empereur
donne lui-même l'alarme en battant le roulement du pro-
dige sur le tambour du tonnerre. Les mandarins venus
avec leurs arcs et leurs flèches pour secourir l'astre éclipsé
tirent en l'air sans interruption. Les Chinois éclairés sa-
vent que ce ne sont que des formes, mais la superstition
règne encore chez les gens du peuple, qui se jettent à
genoux dès le commencement de Féclipse, frappant la terre
de leur front et faisant un grand bruit de tambours et de
gongs pour délivrer l'astre du dragon qui menace de le
dévorer. Les auteurs grecs et latins (Platon, Pline, Tite
Live) nous rapportent que l'on faisait grand bruit pendant
les éclipses. Les premiers chrétiens sonnaient les cloches,
non seulement pendant les orages (ce qui se faisait encore
au siècle dernier), mais encore pendant les éclipses, pour
combattre l'action des esprits malfaisants, pour repousser
seulement l'obscurité causée par les fantômes, souvenir
des génies obscurs qui dévorent la lune, d'après le P. La-
fiteur. L. Barré.
Eclipse annulaire (V. Annulaire).
BiBL, -, Encyclopédie méthodique; Padoue, 1788.—
Gruey, Leçons d'astronomie; Paris, 1885.— Houzeau et
Lancaster, Bibliographie générale de l'astronomie;
Bruxelles, 1887.
ÉCLIPTIQUE (Astron.). Si l'on porte sur une sphère
de carton représentant la sphère céleste les ascensions
droites et les déclinaisons du centre du soleil, observées
chaque jour à midi pendant une année, on voit que le lieu
des positions occupées par cet astre est une circonférence
de grand cercle inclinée sur Féquateur céleste de 23°27'
environ : c'est cette courbe que l'on nomme édipiique,
parce que les éclipses n'ont heu qu'aux moments ou la
lune se trouve dans ce plan. (Comme, en réalité, c'est le
soleil qui est immobile et la terre qui tourne autour de lui,
notre globe décrit une courbe plane inclinée de 23° 27^ sur
Féquateur.) L'écliptique est la ligne médiane de la zone cé-
leste appelée zodiaque, et le soleil paraît chaque mois occuper
k^ 2oJuih
Ecliptique Y £
^ i' et équateur y E ■
w ^ e 0 E = 23°27'.
: E' en 1892.
une des douze constellations zodiacales ou dodécatémories.
Cette courbe rencontre Féquateur céleste en deux points
diamétralement opposés qu'on appelle les points y et ^.
Le 20 mars, le soleil passe de l'hémisphère austral dans
l'hémisphère boréal par le point y qui est le point vernal
ou l'origine des ascensions droites, à l'équinoxe du prin-
temps. Il s'élève ensuite de jour en jour dans l'hémisphère
boréal jusqu'au 20 juin, époque où il atteint sa plus
grande déclinaison, -f 23^^27^ : c'est le solstice d'été. Le
soleil redescend ensuite graduellement vers Féquateur, qu'il
atteint le 22 sept., à l'équinoxe d'automne. Sa déclinai-
son continue à diminuer, et de boréale ou positive, elle
devient australe ou négative ; elle passe par un minimum
— 23° 27^ le 21 déc, au solstice d'hiver. Puis le soleil
remonte progressivement jusqu'à Féquateur, qu'il atteint
le 20 mars de l'année suivante, non plus en y, mais un
peu auparavant, en un point Y distant de y d'un arc
de 50^''2. Ce phénomène, qu'on appelle précession des
équinoxes, et qui est la conséquence de la rétrogradation
des points équinoxiaux, a pour effet d'avancer l'instant de
l'équinoxe, puisque le soleil n'a pas à parcourir Farc de
360° pour avoir effectué sa révolution tropique, mais
bien 360° — 50^''2. C'est sur l'échptique, et à partir du
point y, que Fon compte les longitudes en sens inverse des
aiguilles d'une montre, comme l'ascension droite. La latitude
d'un astre est Farc de grand cercle compris entre cet astre
et l'écliptique. L'écliptique a pour pôles les points Pi,P'i,
oti son axe, c.-à-d. la perpendiculaire à son plan menée
par le centre, rencontre la sphère céleste. L'obhquité de
l'écliptique est l'angle fait par cette courbe avec Féquateur;
sa valeur moyenne en 1892 est 23°27M4'''84, et sa dimi-
nution par siècle est de 48^'' environ. L. Barré.
ÉCLlSSE. L Technologie. —Ce mot désigne des petits
morceaux de bois ou de tôle destinés cà relier les parties
d'une pièce fracturée. On fait tenir les éclisses de bois avec
ÉCLISSE — ECLOGITE
— 358 —
des cordes ou des clous, et les éclisses de tôle avec des
rivets ou des boulons. L. K.
II. Chemins de fer. — On nomme éclisses des arma-
tures en fer ou en acier, destinées à établir la continuité
des barres qui forment les rails et à assurer T affleurement
exact de deux barres consécutives. On met deux éclisses
pour assembler deux rails qui se suivent, une à l'intérieur,
l'autre à l'extérieur ; les deux éclisses correspondantes sont
réunies par des boulons qui traversent les rails, assurent
un serrage énergique et donnent à l'ensemble une grande
rigidité. Autrefois, avant l'emploi des éclisses, on se
contentait de rapprocher les abouts des deux rails con-
sécutifs et on les fixait sur une traverse, dite traverse de
joint, plus large que les traverses ordinaires ; avec la voie
à double champignon, on réunissait ces deux bouts de rails
dans un coussinet spécial sous la pression d'un même
coin ; avec la voie Vignole, on fixait directement les rails
sur les traverses au moyen de quatre tirefonds. Avec les
éclisses, il n'est plus besoin de placer les joints des rails
sur les traverses ; on adopte généralement le joint en
porte à faux, qui
est représenté par
la fig. ; il est par-
faitement compa-
tible avec la sta-
bilité de la voie
et donne même
une grande dou-
ceur à cette der-
nière. La forme
des éclisses ré-
sulte de celle des rails qu'elles doivent réunir ; celles que
représente la fig. sont destinées aux rails à double cham-
pignon symétrique; elles ont 84 millim. de hauteur et
20 millim. d'épaisseur ; leurs faces en contact avec les
rails ont une inclinaison égale à celle des champignons.
L'expérience a montré que c'est entre 0,500 et 0,545 que
se trouva l'inclinaison correspondant à un bon échssage.
La longueur des éclisses ordinaires est en moyenne de
0^^45 ; elle se trouve limitée, dans la voie à coussinets,
par la faible distance qui existe entre les deux traverses
voisines du joint, distance qui est généralement de 0°^60.
Depuis quelques années, on tend à augmenter la longueur
des éclisses ; la Compagnie P.-L.-M. en emploie actuelle-
ment qui ont O'^TO, 0^75 et 0"^80 de longueur. L'éclisse
ne peut plus alors être comprise dans l'espace qui sépare
les deux traverses de joint ; elle s'étend au delà des deux
côtés et s'appuie sur ces deux traverses. Elle est, en outre,
retournée à sa base en forme de cornière et se trouve
fixée sur les deux traverses au moyen de tirefonds. L'éclisse
cornière, par sa forme, s'oppose au déversement du rail à
ses extrémités sous l'action de la poussée latérale ; de
plus, elle empêche, par sa liaison avec les traverses, le
glissement longitudinal de la voie. Les éclisses ordinaires
pèsent 5 kilogr. environ ; les éclisses cornières de la Com-
pagnie P.-L.-M. pèsent de 15 à 20 kilogr. ; la Compagnie
du Nord emploie également des éclisses de cette forme qui
pèsent 42 kilogr. Pendant fort longtemps, on n'a employé
que du fer de première qualité pour la fabrication des
éclisses ; depuis quelques années, on commence à se servir
de l'acier, qui résiste mieux aux efforts élevés qu'elles ont
à supporter. D'après un calcul présenté par M. Deharme,
dans son Traité de superstructure, le travail du métal
dans les éclisses de la Compagnie d'Orléans atteindrait dans
les fibres les plus fatiguées 19 kilogr. par millimètre carré ;
mais ce résultat du calcul est supérieur à la réalité, parce que
l'éclisse ne reçoit pas du rail la totalité de la charge portée
par lui. Celui-ci continue à en porter une certaine fraction
qu'il n'est pas possible de déterminer. G. Humbert. _
IIÏ. Sylviculture. — Les écHsses sont des lames de bois
très minces obtenues par la fente. On s'en sert pour la
confection des boîtes légères, boîtes des confiseurs, des
merciers, etc., pour faire des jouets d'enfants, des tam-
bours, des mesures pour les grains, etc. Le sapin, l'épicéa
sont les arbres employés le plus souvent à cette fabrication
et l'on choisit ceux dont la fibre est bien droite et saine.
On débite les arbres en billes qui sont refendues ensuite à
l'aide d'un tranchant, en suivant les rayons médullaires.
L'épaisseur desécUssesne dépasse pas quelques millimètres.
Les plus minces s'enlèvent avec un rabot. G. B.
IV. Musique. — Les luthiers nomment éclisses les côtés
d'un instrument à archet, luths, violons, basses, etc.; ce
sont des planches minces et courbées qui forment l'épais-
seur de ces instruments et sur lesquelles reposent la table
et le fond.
V. Chirurgie. — En chirurgie, éclisse est synonyme
à' attelle (V. ce mot).
BiBL. : Chemins de fer. — Couche, Voie, matériel rou-
lant et exploitation technique des chemins de fer; Pans,
1867-1876, 3 vol. et atlas. — Deharme, Superstructure ;
Paris, 1890, 1 vol. et atlas. — G. Humbert, Traité complet
des Chemins de fer; Paris, 1891, 3 vol.
ECLOGA. Code civil byzantin publié vers 740 par les
empereurs iconoclastes Léon III et Constantin V, et destiné
à remplacer, par
Coupe CD
un recueil de lois
écrit en langue
grecque, et fré-
quemment inspiré
des coutumes
locales, le droit
de Justinien qui,
chaque jour, tom-
bait davantage
en oubli. Un
esprit réformateur fort remarquable anime VEcloga :
comme l'indique le titre même de ce code, les lois de
Justinien y sont modifiées « dans un sens plus humain »,
£i; To oiXavepwTroTspov ; et en effet l'antique point de
vue des 'jurisconsultes romains y disparaît pour faire place
à un esprit tout chrétien. C'est au nom de la religion qu'est
proclamée la loi nouvelle ; c'est sur les versets de l'Ecriture
sainte qu'est fondée son autorité, et, sous cette influence,
VEcloga modifie profondément les vieilles lois relatives
au mariage et à la patria potestas. Il est fort curieux de
voir dans ce code comment le droit romain se transforma à
Byzance sous l'action du moyen âge chrétien ; VEcloga n'est
pas moins instructive pour faire apprécier, d'autre part,
les pensées réformatrices et les vastes desseins des empe-
reurs iconoclastes (V. Iconoclastes, Léon III). Malheu-
reusement l'œuvre de ces princes eut peu de durée ; dès
le ix« siècle, le droit des Basiliques (V. ce mot) remettait
pleinement en honneur les lois de Justinien. — VEcloga,
d'abord éditée par Leunclavius, a été publiée excellemment
par Zacharise de Lingenthal dans sa Collectio librorum
juris grœco-romani ineditorum (Leipzig, 1852); une
'édition plus récente a été donnée à Athènes (1889) par
Monferratus. Ch. Diehl.
ECLOGITE {Eklogite) (Géol.). L'éclogite fait partie
d'un groupe bien particulier de roches lourdes, basiques,
normalement dépourvues d'éléments de nature feldspa-
thique et chargées de grenat, qui se présentent toujours
disposées en lits minces ou en amas lenticulaires interstra-
tifiés au travers des schistes cristallins primitifs dans la
zone des micaschistes à minéraux souvent granulitisés.
Essentiellement constituée par un agrégat cristallin de
pyroxène vert sodifère (omphazite) et de grenat, cette
roche se montre souvent assez riche en disthène pour
mériter la qualification de roche à disthène (île de Syra).
Les éléments subordonnés les plus fréquents sont ensuite :
amphibole {hornblende et glaucophané),éfidote, mica
blanc, zoïsite, rutile, quartz grenu, ilménite. Ensuite
figurent, à l'état accessoire : apatite, zircon, fer oxydulé.
Les produits secondaires {épidote et chlorite) sont ceux
qui dérivent habituellement de l'altération des silicates
ferromagnésiens.
Tous les minéraux subordonnés se tiennent, dans la
- 359 -
ÉCLOGITE — ÉCLUSE
roche, en proportion variable, et donnent naissance, suivant
la prédominance marquée de l'un ou l'autre, à de nom-
breuses variétés accumulées parfois dans un même gisement
ou localisées dans certains d'entre eux. Les éclogites du
Fichtelgebirge et de la Forèt-Noire, par exemple, sont riches
en amphibole et très pauvres en quartz ; celles de l'île Syra
(Grèce) et du Val Rubbiano (Piémont) abondent en glauco-
phane (variété bleue d'amphibole) ; il en est de même de
celles de l'île de Groix en Bretagne qui sont presque dépour-
vues depyroxène. Dans la Sibérie orientale, sur la côte E.
du lac Balkal, la baïkalite (variété vert sombre de diopside)
remplace lomphracite dans des éclogites schisteuses dis-
posées en lits minces alternant avec des gneiss amphiboliques.
Mais le plus souvent massives et à grains cristallins bien
distincts non orientés, ces roches ont une texture granitoïde
très accentuée ; si bien que certaines éclogites de Norvège
ont été considérées comme éruptives par les auteurs qui les
ont décrites (TeclefDahl et von Mohl, Jernforekomsten
ved Sordal Tillaeg II %u Irgens U. Hjordahl om de
geologiske Forhold).
Nombreuses sont ensuite les modifications souvent pro-
fondes que peuvent introduire les actions secondaires dans
la structure et la composition minéralogique de ces roches,
postérieurement à leur formation ; indépendamment de la
transformation habituelle, du rutile et de l'ilménite en
sphène, du grenat en épidote, il faut noter maintenant,
d'après les observations récentes de M. Lacroix sur les
éclogites de la Loire-Inférieure, un dédoublement remar-
quable du pyroxène en amphibole aciculaire et en feldspath
triclinique (albite-oligoclase), c.-à-d. d'une transformation
qui diffère de Vouralitisation habituelle en ce que Tam-
phibole secondaire, en prenant des formes feutrées ou ver-
miculées, s'accompagne d'un développement de feldspath
très sodique, circonstance motivée par la composition du
pyroxène des éclogites qui contient avec 14,23 d'alumine
jusqu'à 6,21 °/o de soude.
Le Saualpe en Styrie, d'où vient le type décrit par Haiiy,
la Haute-Franconie, le Fichtelgebirge, la Carinthie, la
Bavière, la Saxe, le Piémont, en France la Loire-Inférieure
et la Vendée où des éclogites très variées de composition se
disposent de part et d'autre de la Loire près de son embou-
chure suivant deux bandes très étendues : telles sont,
indépendamment des localités précédemment signalées, les
principales régions où ces roches, fort intéressantes et re-
lativement rares, ont été signalées et décrites. Ch. Vélain.
BiBL. : Von Hochstetter, Geogn. Studien aus dem
Bôhmerwald^ dans Jarhb. D. K. K. geol. Reichsanstalt,
1855, t, VI, p. 776. — R. von Drasche, Miner. Mittheil.
V. Tschermak, 1871, t. II, p. 85. — O. Luedecke, Der
Glaiicophan u.d. qlaiic. fûhrende Gesteine der Insel Syra,
dans Zeits. d. dents, geol. Ges., 1876, t. XXVIII, p. 248. -
D«- E. R. RiESs, Unters. ûber die Zusammensetziing d. Eklo-
gits.Min. Mittheil. v. Tschermak, 1878, t. I, p. 165.—
E. Dathe, Olivinfels, Serpentine u. Eklogite des Sacchs,
Granulitgebirges, Neues Jarhb., 1876, pp. 238, 345 . — Ch.
Barrois", les Schistes métamorphiques de l'île de Groix,
dans Ann. de la Soc. géol. du Nord, 1883, t. XI, p. 18. —
Ch. VÉLAIN, Notes géologiques sur la Sibérie orientale,
dans Bull, de la Soc. géologique de France, 1885, S-^o série,
t. XIV, p. 132. — A. Lacroix, Eclogites de la Loire-Infé-
rieure, dans Bull, de la Soc. des sciences de l'Ouest, 1891,
l'o année. — Rosenbusch, Mik. Physiog. d. Gesteine;
Stuttgart, 1873, p. 342.
ÉCLOSE. Com. du ,dép. de l'Isère, arr. de Vienne,
cant. de Saint-Jean-de-Bournay ; 668 hab.
ÉCLUSE (Hydraul.). La dénomination d'écluse s'ap-
plique aux barrages qui constituent les retenues d'usines
sur les rivières. Ces barrages sont généralement mo-
biles, et leur ouverture donne heu à un exhaussement du
niveau du bief d'aval à la faveur duquel les bateaux, trains
de bois, etc., trouvent, dans ce bief, une profondeur
momentanément suffisante pour flotter et se déplacer. Le
flot ainsi produit s'abaisse bientôt et les bateaux ne trouvent
plus qu'un mouillage trop faible jusqu'à ce que, l'écluse
ayant été fermée et le bief d'amont rempli, on puisse l'ouvrir
de nouveau et lâcher une nouvelle éclusée. La navigation
par éclusées, fort imparfaite et présentant à la remonte les
plus grandes difficultés, a été cependant la seule pratiquée
pendant longtemps sur les rivières, sur la haute Seine et
sur l'Yonne^ par exemple ; et elle l'est encore sur bien des
cours d'eau où l'on ne peut obtenir un mouillage suffisant
en toute saison. Indépendamment des lenteurs et des retards
auxquels donnait lieu ce mode de transport (de 1865 à 1870,
sur l'Yonne, le nombre des éclusées a été en moyenne de
quatre-vingt-cinq par an) , le passage du pertuis présentait sou-
vent des dangers pour les bateaux. A la descente, le bateau
était entraîné par le flot et courait le risque, par suite de la
moindre fausse manœuvre, de se briser sur les bords ou sur
le fond ; à la remonte, il devait franchir un courant très
rapide, ce qui exigeait l'emploi d'efforts de traction con-
sidérables. Aussi a-t-on cherché d'abord à améUorer les
conditions du passage. Le problème a été résolu, depuis
longtemps, de la manière la plus simple, par l'emploi d'une
double écluse limitant un bassin intermédiaire, et consti-
tuant, avec lui, ce qu'on appelle une écluse à sas, ou plus
ordinairement, une écluse. L'écluse à sas, dont l'invention
est attribuée à Léonard de Vinci qui, tout au moins, les a
importées en France vers 1480, se compose donc de deux
écluses simples ou pertuis, séparés par un intervalle qui est
le sas. Chacune des deux écluses est fermée par des portes,
généralement doubles, busquées, c.-à-d. battant l'une sur
l'autre. Lorsque le sas est destiné à recevoir un seul bateau,
il est limité par des murs latéraux en prolongement de ceux
des pertuis et qu'on appelle bajoyers. (Juelquefois, les écluses
d'amont et d'aval sont placées d'une manière indépendante
l'une de l'autre et le sas prend une forme quelconque dans
l'intervalle. Le niveau de l'eau dans le sas étant amené suc-
cessivement à coïncider avec celui de la retenue d'amont ou
celui d'aval, les portes, d'un côté ou de l'autre, peuvent
s'ouvrir sans difficulté et les bateaux entrer dans le sas ou
en sortir sans avoir à franchir aucune différence de niveau.
La largeur des écluses dépend évidemment de la dimen-
sion des bateaux qui doivent y passer; elle était variable
sur les principales hgnes de navigation intérieure, et voici
quelles sont encore les largeurs des écluses sur quelques
lignes : canal du Berry, 2°»70 ; canal de l'Ourcq, 3^^i20 ;
canaux d'Ile-et-Bance, de Nantes à Brest, 4"^70 ; canaux de
Bourgogne, de Briare, du Centre, latéral à la Loire, de la
Marne au Rhin, du Nivernais, d'Orléans, du Rhône au
Rhin, de Saint-Quentin et partie du canal de l'Est, o'^SO ;
canaux du Midi et latéral à la Garonne, rivière de Dor-
dogne, partie du canal de l'Est, 6 m. ; Somme-et-Charente,
6^50 ; Marne, 7^80 ; Haute-Saône-et-Oise, 8 m. ; Yonne,
i0"'50; Seine, 42 m.; Basse-Saône, 16 m. Cette variété
de largeur constituait, pour la batellerie, une gène réelle
dès qu'un bateau devait quitter la hgne sur laquelle il avait
l'habitude de naviguer; aussi la loi du 5 août 1879 a-t-elle
fixé uniformément'à 5"^20 la largeur des écluses des canaux
à construire et décidé que celles des canaux existants
seraient successivement ramenées à ce type. Le nombre
total des écluses à sas existant sur les voies navigables
du réseau français est de 2,497 savoir : sur les rivières
canalisées, d'une longueur totale de 3,598 kil., 609 écluses ;
sur les canaux latéraux, d'une longueur totale de 2,085 kil.,
471 écluses ; sur les canaux à point de partage, d'une
longueur totale de 2,734 kil., 1,417 écluses; soit, pour
tout le réseau, non compris les rivières naturellement na-
vigables, 8,417 kil. et 2,497 écluses.
La longueur utile des écluses des canaux a été fixée, par
la même loi du 5 août 1879, à 38^50, et cela suppose que
le sas ne contiendra qu'un seul bateau. C'est ce qui arrive
le plus souvent sur les canaux où d'ailleurs les nécessités
de l'alimentation exigent que l'on réduise le plus possible
la dimension des écluses. Mais, lorsque l'on doit desservir
un trafic considérable et que l'ahmentation est largement
assurée, on peut avoir avantage à donner aux sas une
dimension suffisante pour le passage simultané de deux
bateaux ou même davantage. La disposition la plus natu-
relle consiste à donner aux sas une longueur égale à deux
fois, trois fois, etc., celle d'un bateau; et, au moyen de
ECLUSE
— 360
portes intermédiaires, elle permet même de réduire le sas à
la dimension strictement nécessaire pour le nombre de
bateaux qui se présentent à la fois. Mais elle est en même
temps très coûteuse à cause de la grande longueur des
bajoyers qu'elle exige. On préfère, en général, augmenter la
dimension des sas dans le sens de la largeur, ce qui n'allonge
pas les bajoyers et permet , sans augmentation sensible de
dépense, d'accroître à peu près autant qu'on le veut la
capacité des sas. Mais alors il n'est plus possible non plus
d'en fractionner l'étendue au nombre de bateaux à faire
passer à la fois ; il faut, à chaque éclusée, le remplir et le
vider entièrement. Une disposition fréquemment adoptée
1_.
n-
Schéma d'une écluse à sas double.
consiste, dans les sas pour deux bateaux, à placer les per-
tuis d'amont et d'aval sur deux alignements différents,
comme l'indique le croquis ci-dessus. Le bateau entré le pre-
mier dans le sas conserve son rang et sort le premier; et,
en même temps l'entrée et la sortie du sas se trouvent placées
latéralement à l'axe du canal, ce qui permet le stationne-
ment des bateaux tout près de l'écluse, soit à l'amont, soit à
l'aval, sans gêner la marche de ceux qui la franchissent,
La chute des écluses est encore plus variable que leurs
autres dimensions ; elle est déterminée par la différence de
niveau qui existe entre les deux biefs à raccorder. Lorsque
cette différence ne dépasse pas 3 ou 4 m., on la rachète
par une seule chute ; on la divise au contraire en plu-
sieurs lorsqu'elle est plus grande. La chute peut varier
ainsi depuis quelques centimètres jusqu'à plus de 4 m.;
les nouvelles écluses du canal du Centre ont 5"^20 de
chute. Mais on n'est limité que par la résistance des
maçonneries qui permet d'aller beaucoup plus loin; il
n'est pas rare, dans les écluses à la mer, d'avoir des chutes
de 8 à 10 m., et l'on a proposé soit pour le canal des Deux-
Mers, soit pour le canal de Panama, des écluses de 10 à
12 m. de chute; on vient d'inaugurer, sur le canal Saint-
Denis, une écluse de 10 m. de chute. Enfin, tout récem-
ment, le projet d'une écluse de 20 m. du chute a été pré-
senté par M. Fontaine, ingénieur en chef des ponts et
chaussées, et inséré dans le journal le Génie civil. Il n'y
a, théoriquement, aucune difficulté à adopter ces fortes
chutes ; seulement l'établissement des maçonneries présente
alors des sujétions nombreuses, et l'on n'est pas certain
qu'il ne s'y manifestera pas des mouvements inquiétants
pour la sécurité. L'une des difficultés de l'adoption des
écluses à grande chute réside dans la durée qu'elle com-
porte pour le remplissage et la vidange des sas. Il serait
probablement dangereux, tant pour la sécurité des bateaux
qui se trouvent dans le sas que pour la conservation des
talus du canal en aval, de dépasser, pour la vitesse d'as-
cension ou de descente, un chiffre supérieur à 0^04 par
seconde dans les sas de faible étendue horizontale et à
0'"02 dans les grands. Dans ces conditions, le remplissage
d'un grand sas de 12 m. de chute n'exigerait pas moins
de dix minutes, et cette durée, à laquelle il faut ajouter
le temps nécessaire à l'ouverture et à la fermeture des
portes, à l'entrée et à la sortie des bateaux, a pour consé-
quence de réduire, dans une forte proportion, le nombre
de bateaux que l'on peut faire passer par jour, ou la capa-
cité de trafic de l'écluse. Il y a avantage, à ce point de vue,
à ne pas exagérer la hauteur de chute et à augmenter le
nombre des écluses d'une même échelle.
Un autre avantage, bien plus appréciable, du fraction-
nement de la chute est la réduction de la quantité d'eau
dépensée pour les éclusées, qui, toutes choses égales, est
proportionnelle à la hauteur de chute. Diverses dispositions
ont été proposées et essayées en vue de diminuer cette
consommation d'eau. La plus connue consiste à établir, à
côté du sas, un certain nombre de bassins d'épargne, pré-
sentant chacun une superficie égale à celle du sas, et dont
les niveaux sont échelonnés de manière à diviser en parties
égales la hauteur totale de la chute, le nombre de divisions
étant 7^ H- 2 si n est celui des bassins. Si l'on se représente
le sas divisé en n -}- 2 tranches d'égale hauteur par des
plans horizontaux et si, à côté de chacune des n tranches
intermédiaires (la plus élevée et la plus basse exceptées),
on imagine un bassin situé à la même hauteur et ayant la
même contenance, pouvant communiquer, à volonté, au
moyen de vannes et d'aqueducs avec la tranche du sas qui
est au-dessus de lui et avec celle qui est au-dessous, il est
facile de se rendre compte que la consommation d'eau,
pour une éclusée complète, pourra être réduite à la fraction
2
1 2 de ce qu'elle serait sans l'usage de ces bassins
d'épargne. De pareils bassins ont été projetés aux écluses
du canal des Deux-Mers et à l'écluse de 20 m. de chute
dont il a été parlé plus haut. Leur construction entraîne
une dépense assez grande, et surtout la manœuvre en est
longue et compliquée. On peut arriver à un résultat à peu
près équivalent au moyen des appareils de M. de Cahgny,
dont l'emploi est fondé sur l'utilisation de l'inertie de l'eau
en mouvement. Voici quel en est le principe. Le remplis-
sage et la vidange des sas s'opèrent par l'intermédiaire
d'aqueducs complètement noyés, d'une section transversale
assez grande, et présentant une longueur à peu près égale
à celle du sas. Si, pour le remplissage, par exemple, on a
ouvert d'abord, pendant un temps assez court, la vanne de
communication, toute la masse d'eau contenue dans l'aqueduc
acquiert rapidement une grande vitesse, et si, alors, on
ferme la vanne, cette vitesse acquise aura pour effet d'as-
pirer, dans le bief d'aval, un certain volume d'eau qui sera
relevé dans le sas. Le remplissage s'effectue ainsi en partie
avec de l'eau prise au bief d'aval , et de même, dans la
vidange, une partie de l'eau du sas est remontée dans le
bief d'amont. Cet appareil, en fonctionnement à l'écluse de
l'Aubois, sur le canal latéral à la Loire, y économise envi-
ron 0,80 de l'eau qui serait consommée par les éclusées
ordinaires; il produit donc, à ce point de vue, le même effet
utile que huit bassins d'épargne échelonnés sur la hauteur
de la chute. La manœuvre en est beaucoup plus rapide et
les frais d'étabhssement beaucoup moindres. Malgré cela,
l'appareil de M. de Cahgny n'a pas reçu, jusqu'à présent,
d'autre application ; mais il pourrait certainement rendre
de grands services et faciliterait grandement l'alimentation
des canaux en diminuant leur consommation d'eau.
Les portes qui ferment les écluses à leurs deux extré-
mités sont, en général, busquées ou formées de deux van-
taux présentant chacun une largeur plus grande que la
moitié de celle du pertuis et qui, venant s'arc-bouter l'un
sur l'autre, offrent à la pression d'eau une résistance plus
grande que s'ils étaient d'une seule pièce. L'usage des portes
busquées est resté, on peut le dire, à peu près général,
quelle que soit la chute des écluses et la résistance des
matériaux employés pour construire ces portes. Autant cette
disposition peut être justifiée pour les pertuis d'une grande
largeur, autant elle est peu recommandable pour ceux qui
peuvent être fermés facilement par des portes à un seul
vantail. Les portes busquées exigent en effet, dans leur ins-
tallation, une précision qui fait souvent défaut et dont
l'absence est cause de leur rapide détérioration. Si les deux
vantaux qui doivent venir buter et s'appuyer l'un sur
l'autre ne présentent pas exactement les dimensions pré-
cises qu'ils doivent avoir, il en résulte des efforts anor-
maux qui ne tardent pas à en disloquer les assemblages.
Un vantail unique, au contraire, s'applique toujours exac-
tement sur les feuillures qui doivent le recevoir : une erreur
de quelques centimètres en plus ou en moins, dans sa lar-
geur, ne fait que modifier l'étendue ou l'emplacement de
ses surfaces d'appui, mais ne l'empêche pas d'être supporté
très régulièrement sur tout son pourtour.
361 —
ÉCLUSE — ÉCLUSIER
Pour opérer le remplissage et la vidange des sas, on se
sert souvent de vénielles démasquant des ouvertures prati-
quées à la partie inférieure des portes. Ce système n'est
applicable aussi qu'aux vantaux de petites dimensions ; il
affaiblit trop ceux qui ont une grande largeur. On doit alors
pratiquer dans les bajoyers de l'écluse des aqueducs qui per-
mettent d'établir à volonté la communication entre Tinté-
rieur du sas et l'un des deux biefs qu'il réunit. Les vannes
fermant et ouvrant cette communication peuvent être de
forme diverse ; mais la plus commode est certainement la
vanne cylindrique, déjà employée par M. de Caligny dans
son appareil, usitée sur un certain nombre de canaux, prin-
cipalement en Angleterre et récemment perfectionnée en
France par M. Moraillon, ingénieur du canal du Centre. Les
aqueducs de communication, pour le remplissage et la
vidange, présentent encore sur le système de ventelles placées
dans les portes, un autre avantage sérieux : ils permettent
de répartir l'arrivée de l'eau en plusieurs points de la lon-
gueur du sas et d'éviter la formation des ondes d'oscillation
qui ne manquent pas de se produire lorsque toute l'eau
arrive à la fois par une extrémité et qui ont l'inconvénient
de projeter alternativement sur les portes d'amont et d'aval
les bateaux placés dans le sas, à moins que ceux-ci ne
soient amarrés très solidement. On facilite grandement
l'entrée des bateaux dans les sas d'écluse et leur sortie en
prenant la précaution d'établir le radier à une profondeur
telle qu'il reste, sous le fond des bateaux, une tranche
d'eau de 0^60 à 0^80 au moins. Cette disposition n'aug-
mente pas la consommation d'eau et elle n'accroît pas
beaucoup la dépense de premier établissement de l'ouvrage.
Les écluses à la mer ne diffèrent des écluses de naviga-
tion intérieure que par leurs dimensions qui exigent l'emploi
de moyens mécaniques (généralement l'eau sous pression)
pour la manœuvre de leurs vannes et de leurs portes.
L'écluse d'un bassin à flot peut être simple : elle s'ouvre
alors, à chaque marée, au moment où le niveau variable
de l'avant-port atteint celui du bassin. Quelquefois on éta-
blit une double paire de portes, ce qui constitue, entre le
bassin à flot et l'avant-port, un véritable sas auquel on donne
le nom de bassin de mi-marée. Cette disposition permet aux
navires d'entrer dans le bassin à flot ou d'en sortir pen-
dant un temps beaucoup plus long. Lorsque l'entrée du
bassin à flot est exposée directement à l'action des lames,
on en protège quelquefois les portes par un autre système
de portes, busquées en sens contraire, et qu'on appelle
portes de flot. Ces portes permettent aussi de vider le
bassin et de le transformer au besoin en bassin de radoub.
On appelle écluse de chasse un pertuis par lequel on
laisse s'écouler brusquement l'eau contenue dans des réser-
voirs ou bassins de chasse et que la marée a remplis. La
porte de l'écluse de chasse, qui est généralement tournante
autour d'un axe vertical, s'ouvre rapidement au moment de
la basse mer et l'eau se précipite dans l'avant-port avec une
vitesse suffisante pour entraîner les sables ou les vases qui
ont pu s'y déposer. A. Flamant.
BiBL. : P. GuiLLEMAiN, Navigalioîi maritime^ rivières
et canaux; Paris, 1885, 2 vol.
ÉCLUSE (Fort de 1'). Fort du dép. de l'Ain, arr. de
Gex, cant. et com. de Collonges, sur les pentes du grand
Crêt-d'Eau, au-dessus du Rhône, qui est ici profondément
encaissé entre le Crêt-d'Eau et le mont Vuache. Le fort
de l'Ecluse barre ce défilé et est une des plus fortes posi-
tions fortifiées de notre frontière. L'importance stratégique
de ce défilé avait déjà été reconnue par Jules César. A partir
du xi^ siècle, il appartint à la maison de Savoie, qui le
fortifia. Leur fort fut plusieurs fois pris par les Suisses,
les Bernois et les Genevois. Il fut acquis par la France
en 1604. Le fort reconstruit par Vauban, adossé à une
muraille montagneuse presque verticale, entouré de deux
ravins, dominant le Rhône de 40 m., occupe tout l'espace
entre le Rhône et la montagne, à ce point que la route le
traverse, ne pouvant passer ailleurs. II fut pris par les
Autrichiens en févr. 1814. L'année suivante, ils le réoecu-
pèrent et en firent sauter la plus grande partie. Il a été
relevé en 1824 et complété depuis. Il est en grande par-
tie creusé dans le flanc môme du grand Crêt-d'Eau.
ÉCLUSE (L'). Com. du dép. du Nord, arr. de Douai,
cant. d'Arleux, sur la Sensée; 1,629 liab. Fabriques de
sucre et de savon. Ancienne motte féodale qui supportait
un château construit au xi® siècle, démoli en 1654 et dont
les matériaux servirent à la construction de la citadelle
d'Arras. Vestiges de fortifications. Moulins.
ÉCLUSE (L'). Com. du dép. des Pyrénées-Orientales,
arr. et cant. de Céret; 107 hab. — L'Ecluse, qui serait
mieux dénommée Les Cluses, est formée de trois hameaux
égrenés dans la vallée qui conduit aux passages de Perthus
et de Panissars ; c'est un point stratégique important, par
oii devait passer une voie romaine secondaire. Le château,
aujourd'hui ruiné, joua un rôle, au vu® siècle, au moment
de la révolte du duc Paul contre Wamba. L'église, dont
le chevet plat est sur l'alignement des remparts, est à
trois nefs terminées chacune intérieurement par une
abside. Le cul-de-four de l'abside centrale est orné de
peintures anciennes.
BiBL, : Alart, Notices historiques sur les communes
du Roussillon, pp. 53-104.
ÉCLUSE (L'), en hollandais SLUIS. Ville hollandaise
fortifiée de la prov. de Zélande, au fond d'une anse qui
s'ouvre sur la mer du Nord ; 2,631 hab. Son port est
en communication avec Bruges par un canal. Beffroi du
xv« siècle. Le 24janv. 1340, la flotte française, composée de
vaisseaux castillans et génois, fut complètement détruite en
vue de l'Ecluse par la flotte anglaise commandée par
Edouard III; ce fut la première grande bataille de la
guerre de Cent ans. La ville de l'Ecluse fut prise deux
fois par les Français, en 1647, puis le 26 août 1794.
ÉCLUSE (Ch. de L') (V. Lécluse).
ÉCLUSIER (Ponts et chaussées). Les éclusiers sont des
agents préposés spécialement à la manœuvre, à la garde,
à la conservation et à l'entretien des écluses. Ils constatent
les délits de pêche et les contraventions de grande voirie.
Accessoirement, ils peuvent être chargés de la tenue des
registres de statistique de la navigation, d'observations
hydrométriques et pluviométriques, d'un service télégra-
phique, etc. — Autrefois les éclusiers étaient nommés par
le préfet ; le décret du 11 août 1888 en a réservé la nomi-
nation au ministre des travaux publics. Ils sont choisis
de préférence parmi les anciens militaires et les ouvriers
d'art. Nul ne peut être nommé s'il n'est français, âgé de
vingt et un ans au moins et de trente-cinq ans au plus ;
les candidats qui justifient de dix années de services civils
ou militaires les rendant admissibles pour la retraite
peuvent être nommés jusqu'à l'âge de quarante-cinq ans.
Les propositions de nomination doivent être accompagnées :
1^ d'un acte de naissance ; 2® d'un certificat de médecin
constatant que le postulant n'est atteint d'aucune infirmité
apparente ou cachée qui s'oppose à un service actif et jour-
naher; 3^ d'un extrait du casier judiciaire ; 4^ d'un cer-
tificat d'un ingénieur constatant que le candidat peut rédiger
convenablement un procès-verbal.
Les rivières et canaux sont divisés, en ce qui concerne les
agents inférieurs, en trois catégories. Le traitement annuel
des éclusiers est fixé ainsi qu'il suit : Première catégorie :
première classe, 600 fr. ; deuxième classe, 350 fr. ; troi-
sième classe, 500 fr. Deuxième catégorie : première classe,
550 fr. ; deuxième classe, 500 fr. ; troisième classe, 450 fr.
Troisième catégorie : première classe, 500 fr. ; deuxième
classe, 450 fr. ; troisième classe, 400 fr. Moyennant ces
traitements , ils doivent faire , indépendamment de la ma-
nœuvre de l'ouvrage auquel ils sont spécialement attachés,
celle des autres ouvrages situés à proximité dont le service
leur aura été confié. Néanmoins, lorsqu'ils sont chargés de
la manœuvre d'un autre ouvrage qui, à raison de sa position
et de son importance, aurait pu motiver l'emploi d'un agent
spécial, il peut leur être accordé un supplément de traitement
qui, en aucun cas, ne dépasse 100 fr. Lorsque plusieurs
ÉCLUSIER ~ ÉCOLE
— 362 —
agents sont attachés au service d'un même ouvrage, l'un
d'eux porte le titre de chef. Il reçoit alors un supplément
de traitement qui est fixé à 100 fr. et qui peut, dans cer-
tains cas exceptionnels, être porté jusqu'à 200 fr. Les
éclusiers sont d'ordinaire logés dans un bâtiment à proximité
de l'écluse ; ceux auxquels il n'est pas fourni de logement
reçoivent une indemnité annuelle de 100 à 150 fr. Dans les
localités où la vie est plus particulièrement chère, il peut
leur être accordé une indemnité de résidence. Les éclusiers
touchent pour déplacements et éclusées de nuit des indemnités
dont le maximum annuel est fixé à 200 fr. (2o0 fr. pour
les chefs éclusiers). Ceux qui sont chargés de services acces-
soires : statistique, télégraphie, etc., reçoivent de ce chef
des rétributions spéciales ; enfin il leur est alloué, le cas
échéant, pour travaux exécutés en dehors de leur service
obligatoire, des indemnités représentant la différence entre
leur traitement et le salaire de l'ouvrier qu'ils ont remplacé
(cire. trav. publ. 16 mai 1867).— Au point de vue mili-
taire, les éclusiers sont classés (après trois mois de service)
dans la non-disponibilité. L. Schmit.
BiiiL. : Recueil de lois^ ordonnances, etc., concernant
les services dépendant du ministère des travaux publics.
— G. Lechalas, Manuel de droit administratif ; Paris,
1889.
ÉCLUSIER-VAUX. Com. du dép. de la Somme, arr. de
Péronne, cant. de Bray-sur-Somme ; 191 hab.
ÉCLUZELLES. Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. et
cant. de Dreux ; 144 hab.
ÉCLY. Com. du dép. des Ardennes, arr. de Rethel,
cant. de Château-Porcien ; 504 hab.
ÉCLYSE (Mus. anc). Altération du genre enharmo-
nique, qui avait lieu lorsqu'une des cordes était acciden-
tellement baissée de trois quarts de ton au-dessous de son
accord ordinaire.
ECNOM E (Mont). Montagne de Sicile (aujourd'hui Moti^^
cli Licata), sur la rive droite de l'Himera méridionale,
près de la mer. Le tyran Phalaris y avait construit une
forteresse. C'est en vue de ce rivage que se livra dans
la première guerre punique entre Romains et Carthagi-
nois une des plus grandes batailles navales dont l'his-
toire fasse mention (256). La flotte romaine comptait
330 vaisseaux montés par 100,000 hommes et comman-
dés par les deux consuls Manlius Vulso et Atilius Regulus.
La flotte carthaginoise comptait 350 vaisseaux sous les
ordres d'Hamilcar et d'Hannon. Les Romains venant de
l'est rencontrèrent leurs adversaires venant de l'ouest
(Lilybée). Ils formèrent leur flotte en triangle, de ma-
nière à abriter les vaisseaux de transport. Les amiraux
carthaginois tentèrent de les envelopper. Amilcar, par une
manœuvre habile et une fuite simulée, faillit rompre l'or-
donnance des Romains et les attirer vers la haute mer,
tandis qu'Hannon les attaquait par derrière. Mais quand
on en vint au combat corps à corps et à l'abordage, la
supériorité des soldats romains leur assura l'avantage. Ils
ne perdirent que 24 vaisseaux coulés à fond ; les Cartha-
ginois en perdirent 30 coulés à fond et 64 pris. Cette
grande victoire navale ouvrit aux Romains la route de
l'Afrique (V. Regulus).
ÉCOBUAGE (Agric). L'écobuage consiste à découper,
avec un instrument spécial nommé écobiie^ la couche su-
perficielle d'une terre enherbée, à laisser sécher les plaques
ainsi obtenues puis à les réunir en formant de petits four-
neaux auxquels on met le feu. Sous l'action de cette com-
bustion, les matières organiques sont minéralisées, et, de
plus, l'argile de la terre se transforme en brique pulvéru-
fente ayant les mêmes propriétés que le sable siHceux. Sous
l'action de cet amendement, le sol devient friable, moins
tenace, moins humide et moins froid. Toutefois, il ne faudra
jamais écobuer les terres riches en sable siliceux, car l'ac-
tion du feu, en vitrifiant la sihce, recouvrirait la terre d'une
croûte dure et imperméable à l'air et à l'eau, qui aurait
pour effet de stériliser le champ pour une longue série
d'années. On n'appliquera donc l'écobuage qu'aux terres
franchement tourbeuses ou argileuses. Il va sans dire que,
lorsque la combustion est achevée, il est essentiel de
répandre les cendres aussi uniformément que possible à la
surface du champ. Après quoi on donne un labour pour
bien incorporer les cendres à la terre végétale et on ter-
mine par un ou plusieurs hersages. On laisse reposer la
terre ainsi écobuée pendant plusieurs semaines et, vers
le mois de septembre, on peut l'ensemencer en seigle,
plante qui réussit généralement très bien après cette opé-
ration. Mais il ne'faut pas oublier que l'écobuage ayant
minérahsé les matières organiques du sol, il faudra donner
de fortes fumures les années suivantes. C'est surtout en
Angleterre et dans le Dauphiné que l'écobuage est en faveur.
En résumé, son action est complexe et elle comprend :
1<* l'enrichissement du sol en matières minérales, surtout
en sels potassiques, aux dépens des substances organiques ;
2° les terres très fortes et trop tenaces sont rendues plus
légères et plus friables; 3° les mauvaises herbes, les larves
et insectes nuisibles se trouvent détruits par l'action
du feu. A. Larbalétrier.
ECO C HE. Com. du dép. de la Loire, arr. de Roanne,
cant. de Belmont; 1,599 hab.
ÉCOINÇON (Archit.). Ce mot désigne, dans l'intérieur
d'un bâtiment, la partie du mur de face, depuis l'embra-
sure d'une croisée jusqu'au retour de l'angle d'un mur de
refend, tandis que le mot trumeau désigne la partie qui,
dans un mur de face, se trouve placée, soit intérieurement,
soit extérieurement, entre les baies des portes et des
croisées d'un bâtiment. — En menuiserie, on appelle
écoinçon un morceau de bois rapporté pour compléter une
pièce n'ayant pas la largeur voulue, par exemple les mar-
ches dansantes d'un escalier tournant. — En décoration,
on donne ce nom d'écoinçon à de petites parties de mou-
lures ou d'ornementation formant angle et raccordant ainsi
les parties de moulures ou d'ornementation courant sur la
surface d'un plafond, d'une porte, d'un lambris, d'un
cadre, etc. Charles Lucas.
ÉCOIVRES. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. et cant.
de Saint-Pol-sur-Ternoise ; 133 hab.
ÉCOLAGE (V. Gratuité scolaire).
ÉCOLÂTRE (Escolâtre, Scliolaster). Nom de l'ecclé-
siastique, un chanoine habituellement, qui, dans chaque
éghse cathédrale, au moyen âge, avait pour fonction d'en-
seigner les « lettres ordinaires », comme le théologal, la
théologie. Une prébende étant afiTectée à son salaire, l'en-
seignement était gratuit pour les clercs et les pauvres
écoliers destinés au service de l'Eglise. x\insi l'avait exigé
le concile de Latran (1179).
ÉCOLE. L GÉNÉRALITÉS. — Il semble paradoxal, au
premier abord, que le mot qui désigne le lieu consacré à
l'étude vienne du grec axoXri, loisir. Cela s'explique par ce
fait que l'étude suppose du loisir et que le travail intellectuel
dut paraître d'abord comme un jeu, par rapport aux rudes
occupations de la vie. De là vient sans doute aussi qu'un
autre nom de l'école, en latin, est luclus, le même mot
qui signifie jeu. De vrai, quand le maître est ce qu'il doit
être, habile, égal, de bonne humeur, quand la discipline
est intelligente et douce avec fermeté, quand la part est
faite large, comme elle doit l'être, à la vie physique et au
jeu et que les méthodes d'enseignement, actives et vivi-
fiantes, bannissent la torpeur et l'ennui, nous voyons en-
core aujourd'hui l'école très aimée des enfants. C'est un
plaisir pour beaucoup d'y aller, non seulement à cause des
camarades et des jeux, mais pour le maître même et les
exercices de la classe ; les bons élèves supportent avec
peine d'en être privés pour un temps, par exemple en cas de
maladie; il n'est pas jusqu'à l'internat, parfois pourtant si
peu hospitalier, que ne retrouvent souvent ^,avec plaisir, à la
rentrée, ceux-là mêmes qui ont le plus souhaité les vacances.
C'est que l'école est, à sa manière, un mifieu naturel
pour l'enfant, favorable à son développement, d'autre sorte
mais presque autant que la famille même. Elle répond à
son besoin de société et de camaraderie : il y apprend
363 -
ECOLE
l'ordre, l'égalité, la solidarité; il s'y exerce aux luttes de
la vie, et s'il y déploie moins librement peut-être que dans
la famille sa personnalité, il apprend à compter avec celle
des autres. Même pour l'éducation proprement dite, par
conséquent, c.-à-d. pour la formation du caractère et la
préparation à la vie, l'école est le complément nécessaire
de la famille : pour les études et la culture intellectuelle,
elle est unique. On peut encore, en effet, dans de certaines
conditions sociales, imaginer une éducation toute domes-
tique qui suffise, qui du moins rachète ses inconvénients
par ses avantages propres, au point de faire un homme
fort bien élevé pour la vie à laquelle on le destine, mieux
élevé même à tout prendre, surtout au sens mondain du
mot, que ceux qui ne l'ont été qu'à l'école ; mais, à de rares
exceptions près, si rares qu'à peine faut-il en parler, on
ne fait que dans les écoles des études complètes, suivies et
fortes : cela est si vrai que le meilleur précepteur est le
premier à demander l'assistance et le contrôle des maîtres
d'un établissement régulier. Non que les études ne puissent
être poussées aussi vite, plus vite même dans la famille ;
mais, en fait de développement intellectuel, la sûreté vaut
mieux que la précocité ; et, si la famille peut sans doute, en
certains cas, l'emporter même à cet égard sur une mauvaise
école, la bonne école l'emportera toujours sur la famille
la plus favorisée. L'émulation y est plus vive, le train plus
égal, les occupations y sont plus méthodiquement et plus
exactement réglées. Pourquoi faut-il qu'une sorte de fata-
lité voue les écoles trop souvent au mécanisme, c.-à-d. à
la routine, au formalisme aride, à l'abus de l'abstraction,
au culte du savoir mnémonique et verbal, tous vices (sans
parler d'autres encore) dont il faut sans relâche travailler
à les défendre et à les corriger ? Un bon correctif est dans
le régime de V externat (V. ce mot) qui laisse l'élève en
commerce avec les réalités de la vie, dans son miheu
naturel, tout en le pliant à une discipline générale et le
faisant bénéficier de toute la culture traditionnelle.
Comme on le verra par la longue série d'articles que
nous donnons à la suite de celui-ci, l'école est aujourd'hui,
dans la grande majorité des cas, un étabUssement public,
c.-à-d. institué par la communauté civile : cela est vrai et
des grandes écoles spéciales qui ont comme une existence
individuelle (Ecole polytechnique. Ecole navale, etc.) et des
grands types généraux d'écoles donnant les divers degrés
d'enseignement. En fait cependant comme en droit, les écoles
peuvent être aussi privées, libres de toute attache officielle,
fondées et tenues par des particuliers à leurs profits et risques,
sous la seule condition d'offrir certaines garanties, de remphr '
certaines formalités légales et de se soumettre à l'autorité
gardienne du droit commun (V. Enseignement libre).
Chaque degré d'enseignement a ainsi, chez nous, ses écoles
libres, dont plusieurs très prospères et quelques-unes
illustres. Mais les plus puissantes, et en tout cas les plus
nombreuses de ces « écoles libres », se rattachent, en
réahté,à un troisième type, le plus ancien peut-être, qu'on
pourrait appeler le type sacerdotal. Il semble, en effet,
que les premières écoles aient été partout l'œuvre des
prêtres, le besoin de perpétuer les traditions rehgieuses et
de transmettre les rites ayant rendu nécessaire une prépa-
ration méthodique des clercs destinés à recueiUir la doc-
trine et le culte, longtemps avant que le prix de la culture
pour elle-même fût reconnu des particuliers et que, à
plus forte raison, elle s'imposât aux cités comme un objet
d'intérêt pubHc.
Il est difficile et il semblerait arbitraire d'assigner un
ordre fixe dans lequel se seraient succédé partout et tou-
jours l'école d'origine ecclésiastique, l'école privée, l'école
publique. Elles peuvent coexister, comme c'est le cas presque
partout aujourd'hui, et l'ordre d'évolution n'a peut-être pas
été partout le même. On peut, toutefois, se figurer assez
bien comment les choses ont dû se passer en général, d'après
ce que nous savons de l'histoire des institutions d'enseigne-
ment en France depuis le moyen âge. Abstraction faite de
Charlemagne, qui, devançant son temps, paraît avoir compris
l'importance pubhque de l'école, on peut dire que l'Eglise
seule eut à cet égard de l'initiative. Elle créa des écoles dans
les cathédrales, dans les monastères ou à leur ombre, avant
tout pour assurer son propre recrutement. Ce fut longtemps
le privilège exclusif des évêques et des chapitres d'ouvrir
des écoles, puis, un peu plus tard, d'en autoriser l'ouver-
ture moyennant redevance, d'en régler et d'en surveiller la
discipline et l'enseignement quand les particuliers et les
villes commencèrent à y prendre intérêt. Avec les corpora-
tions religieuses se multiphèrent les écoles ; avec les dis-
sensions rehgieuses, on les vit se diversifier, chaque église,
chaque secte ayant passionnément à cœur, non plus seule-
ment de former des clercs pour son culte, mais de se pré-
parer des fidèles. Il était notamment dans la logique de la
Réforme de favoriser les écoles, puisqu'elle préconisait la
lecture directe de la Bible. Après que la culture générale
et les lettres profanes elles-mêmes eurent profité comme
on sait de cette émulation des Eglises, le progrès même qui
en résulta permit enfin à la société civile de prendre peu à
peu d'elle-même une conscience distincte, et l'esprit laïque,
prenant son essor à la Renaissance, put entrer en jeu. Dès
lors, l'école fut de plus en plus le terrain sur lequel se rencon-
trèrent l'Etat et l'Eglise, l'esprit civil et l'esprit sacerdotal,
soit pour s'entendre et se prêter appui mutuellement quand
ils sont unis, soit, quand ils sont en lutte, pour se disputer
les âmes. Les écoles vraiment privées ont grand 'peine à
subsister entre les deux autres types et ne prospèrent,
en effet, sauf dans des conditions exceptionnelles, que plus
ou moins appuyées sur l'une ou l'autre de ces puissances
rivales. A mesure que la nation comme telle s'est affirmée
et que les pouvoirs qui la représentent se sont affranchis
de l'autorité ecclésiastique, l'école publique a pris le pas
sur les autres : l'éducation nationale est apparue de plus
en plus comme un des suprêmes intérêts de la communauté
civile et politique, indépendamment de tout dogme et de
tout credo. Il n'est pas un Etat civilisé, aujourd'hui, qui
abandonnât aux particuliers ou à une corporation quelconque
indépendante de lui le soin de pourvoir à la culture des
esprits, au risque de n'avoir pas d'école du tout, ou de les
avoir insuffisantes, ou de les voir dans un esprit contraire
au sien. Il n'est pas un Etat qui ne tienne à honneur d'avoir
ses écoles à lui, même s'il en soufire d'autres à côté,
c.-à-d. d'assurer au nom et aux frais de la nation et dans
l'esprit des institutions nationales la diffusion et le progrès
des connaissances, la transmission des disciplines tradition-
nelles. Même dans les pays oti il est le plus d'usage de compter
sur l'initiative individuelle ou corporative et où elle s'exerce
le plus largement dans le sens des aspirations nationales,
comme en Angleterre et aux Etats-Unis, chaque jour s'ac-
centue la tendance, aujourd'hui générale, à regarder la
question des écoles comme une des grandes affaires de
l'Etat, comme une chose qui réclame autant que pas une
autre l'attention des pouvoirs publics, et dont ils ne pour-
raient se désintéresser sans manquer à une partie essen-
tielle de leur mission. H. Marion.
Classification. — Le nombre des diverses écoles aux-
quelles nous consacrons des notices plus ou moins déve-
loppées, l'étendue de l'article d'ensemble sont tels qu'il
en pourrait résulter quelque confusion aux yeux du lecteur
et quelque difficulté pour trouver un renseignement précis,
si nous n'indiquions dès le début la méthode suivie pour
classer ces notices. La division la plus simple, classant
d'une part les types généraux (Ecole primaire), de l'autre
les grandes écoles spéciales ayant une existence indivi-
duelle (Ecole polytechnique), ne peut s'appliquer complète-
ment, certains types n'étant représentés que par deux ou
trois ou même par une seule école ou bien l'ayant été par
plusieurs, puis par une seule (Ecole du service de santé
mihtaire). D'autre part, l'ordre alphabétique rigoureux
séparerait des institutions régies d'après les mêmes prin-
cipes et répondant à des besoins analogues. Nous avons
donc adopté, comme pour l'art. Académie, l'ordre métho-
dique; pour facihter les recherches, nous plaçons ici une
ÉCOLE
364
liste générale de toutes les écoles dont il sera question ci-des-
sous. On remarquera qu'il n'est traité que des écoles fran-
çaises, les autres se trouvant étudiées plus sommairement
soit dans l'art. Enseignement, soit dans l'article consacré à
chacun des pays ou à chacune des villes où elles se trouvent
établies, soit enfin des articles spéciaux (V. par exemple
Cadets). — Voici la Hste des groupes entre lesquels nous
classons les écoles :1° Instruction générale et carrières hbé-
rales impliquant surtout des connaissances spéculatives;
2« Beaux-arts ; 3° Armée et marine ; 4« Travaux publics et
industrie; 5^ Commerce; G'' Agriculture. Presque toutes ces
écoles sont des établissements publics entretenus aux frais
de l'Etat. En général, dans chaque groupe, elles ressortissent
au ministère compétent. Les trois premiers groupes visent
surtout l'instruction générale et les services publics, les trois
derniers l'enseignement professionnel. Dans chacune de ces
catégories, sauf la première, nous répartissons autant que
possible les écoles dans l'ordre suivant : écoles d'instruction
supérieure, écoles d'application, écoles élémentaires. — Les
écoles élémentaires préparant à chaque carrière spéciale ont
en effet pour objet ou de compléter les cadres du personnel
recruté dans les écoles d'instruction supérieure et d'appli-
cation, ou bien de suppléer au passage par celles-ci, mais
nullement d'y préparer. Cette règle comporte seulement
quelques exceptions, surtout des exceptions individuelles.
Mais en ce qui concerne la première catégorie d'écoles,
celles où l'on donne l'enseignement général, tout le monde
passe ou est censé passer par les premiers degrés avant
d'arriver aux plus hauts.
i'' Instruction générale. Nous placerons en tète les
notices exclusivement historiques, à partir des écoles du
moyen âge, tout en rappelant que c'est aux art. Enseigne-
ment et "Université qu on trouvera l'ensemble des détails
relatifs aux institutions scolaires d'autrefois.
Ecole palatine caroUngienne.
Ecoles abbatiales, abécédaires, canoniales, cathé-
drales, claustrales, collégiales, ecclésiastiques, épis-
copales, monastiques, paroissiales, presbytérales
(Y. Enseignement [Historique]).
Ecoles municipales (Petites) ou mercenaires (V. En-
seignement [Historique]).
Ecoles de charité (V. Enseignement [Historique]).
Ecoles buissonnières ou furtives.
Ecole de la Montagne (V. le § Ecoles nationales
d'arts et métiers).
Ecole militaire (V. le § Ecole spéciale militaire
de Saint-Cyr).
Nous grouperons ensemble les écoles de la période révo-
lutionnaire :
Ecoles secondaires.
Ecoles centrales.
Ecoles de services publics.
Ecoles spéciales.
Ecole de Mars (V. le § Ecole spéciale militaire de
Saint-Cyr).
Nous aborderons ensuite l'étude des écoles actuellement
existantes en France, auxquelles le présent article est
essentiellement consacré. La première catégorie est celle de
l'enseignement primaire, base de toute instruction générale :
■ Ecoles maternelles.
Ecoles enfantines (V. Ecoles maternelles).
Ecoles gardiennes.
Ecoles primaires,
et leurs différentes variétés, que nous rangeons par ordre
alphabétique :
Ecoles ambulatoires.
Ecoles chrétiennes (V. ci-après l'article spécial con-
sacré aux Ecoles chrétiennes [Frères des]).
Ecoles confessionnelles (V. Laïcité).
Ecoles consistoriales (V. Laïcité).
Ecoles d'apprentis , d'apprentissage , etc. ( V. plus
bas les §§ Ecoles d'apprentissage, Ecoles ma-
nuelles, etc.).
Ecoles de demi-jour (V. Demi-jour).
Ecoles de demi-temps (V. Demi-temps).
Ecoles de hameau.
Ecoles de manufactures.
Ecoles de perfectionnement (V. Enseignement complé-
mentaire).
Ecoles du dimanche (V. Dimanche).
Ecoles libres ou privées (V. Enseignement [le § Li-
berté d'enseignement]).
Ecoles ménagères.
Ecoles méridiennes.
Ecoles mixtes.
Ecoles modèles protestantes.
Ecoles temporaires.
Viennent ensuite les écoles qui forment la transition
vers les écoles professionnelles et vers les établissements
d'enseignement secondaire et supérieur :
Ecoles primaires supérieures.
Ecoles moyennes.
Ecoles industrielles.
Ecoles de réforme.
Après celles-ci se placeraient les écoles professionnelles
et spéciales dont il sera parlé plus loin (V. ci-dessous et
Enseignement professionnel); puis les étabhssements d'en-
seignement secondaire. Un grand nombre de ceux-ci sont
dénommés écoles; conformément à la méthode adoptée pour
les lycées, les plus importants de ces étabhssements seront
l'objet de notices spéciales placées à leur nom propre (V. par
exemple, Monge [Ecole], Turgot [Ecole], Sophie Ger-
main [Ecole], etc. — Ecoles secondaires ecclésiastiques,
V. Séminaires [Petits] et Enseignement [le § Liberté d* en-
seignement']).
Vient ensuite la série des écoles normales, établissements
pédagogiques où se recrute l'élite du personnel enseignant :
Ecoles normales d'instituteurs et d'institutrices.
Ecoles stagiaires.
Ecoles magistrales (V. Ecoles normales, le § Italie).
Ecoles normales supérieures d'enseignement primaire
(Saint-Cloud et Fontenay-aux-Roses) .
Ecole normale supérieure.
Ecole normale secondaire de jeunes filles (Sèvres).
Ecole normale spéciale (Cluny), aujourd'hui abolie,
L'Ecole normale supérieure appartient à l'enseignement
supérieur.
Les écoles d'enseignement supérieur sont destinées soit
à la formation d'érudits, principalement d'archéologues,
soit à la préparation aux diverses carrières libérales. Dans
la première catégorie nous classerons :
Ecole pratique des hautes études.
Ecole du Louvre,
Ecole française d'Athènes.
Ecole française de Rome.
Ecole française du Caire.
Ecole d'anthropologie (V. Société d'anthropologie).
Nous n'avons pas à nous occuper ici des grands établis-
sements d'enseignement supérieur auxquels on donne, dans
le langage courant, le nom d'école : Ecole de droit, Ecole de
médecine. Nous renvoyons à l'art. Faculté pour l'organi-
sation administrative, aux art. Université, Jurisprudence
(Enseignement) etMÉDECiNE (Enseignement) pour l'historique
de l'enseignement, l'étude comparative de ses méthodes dans
les divers pays; de même que, aux mots Lettres, Science,
Théologie, on trouvera les détails analogues. Ceux qui sont
relatifs aux écoles mihtaires de l'étranger seront donnés
dans l'art. Instruction militaire. De même, nous nous bor-
nerons à un renvoi pour quelques autres étabhssements
qui portent officiellement le titre d'école : Ecoles prépara-
toires à l'enseignement supérieur des sciences et des lettres;
écoles de plein exercice et écoles préparatoires de médecine
et de pharmacie; école supérieure de droit d'Alger; école
préparatoire à l'enseignement du droit de Fort-de-France
(Martinique). Ces institutions sont trop intimement liées
dans notre enseignement supérieur aux Facultés pour qu'il
- 36S —
ECOLE
soit utile de les en séparer. Il en sera donc traité à l'art.
Faculté {Droit, Lettres, Médecine, Sciences).
Ecole des hautes études ecclésiastiques (V. Institut
CATHOLIQUE DE PaRIS).
Nous traiterons ici des autres écoles préparant à des
carrières libérales et aux fonctions publiques : pharmacie,
archives et bibliothèques, consulats, diplomatie, adminis-
tration, etc. :
Ecoles de pharmacie.
p]cole des chartes (V. Chartes).
Ecole d'administration.
Ecole libre des sciences poHtiques.
Ecole des langues orientales.
Ecole coloniale.
2<^ Beaux-arts. Les écoles destinées à l'éducation des
artistes seront classées dans l'ordre suivant :
Ecole nationale et spéciale des beaux-arts (Paris).
Ecoles nationales des beaux-arts.
Ecole spéciale d'architecture.
Ecoles des arts décoratifs.
Ecole de chant et de déclamation (V. Conservatoire
et Musique [Enseignement]).
Ecoles nationales de musique (V. Musique [Enseigne-
ment]).
Ecoles de musique (V. Musique [Enseignement]).
3^ Armée et marine. Les écoles militaires et navales
n'ont pas, autant que les précédentes, un caractère d'ensei-
gnement général et théorique, mais les carrières spéciales
auxquelles elles préparent sont des carrières publiques.
De plus, la plus considérable, l'Ecole polytechnique, est
en même temps un établissement d'enseignement supérieur,
le premier de tous pour l'éducation des ingénieurs. Nous
suivrons l'ordre annoncé, parlant successivement de l'armée,
puis de la marine, puis des services de santé de ces deux
corps : écoles militaires d'instruction générale où se forment
les officiers d'artillerie et de génie, d'infanterie et de
cavalerie :
Ecole polytechnique.
Ecole militaire spéciale de Saint-Cyr.
Puis les écoles d'application où les élèves des précédentes
vont parachever leur instruction pratique ou se préparer
au commandement :
Ecole d'application de l'artillerie et du génie (Fon-
tainebleau).
Ecole d'application de cavalerie (Saumur).
Ecole supérieure de guerre.
Ecole d'état -major (V. le § Fxole supérieure de
guerre et l'art. Etat-major).
Viennent ensuite les écoles de sous-officiers destinés à com-
pléter les cadres recrutés dans les grandes écoles militaires :
Ecole d'infanterie de Saint-Maixent.
Ecole de cavalerie de Saumur (V. le § Ecole d'appli-
cation de cavalerie).
Ecole militaire de l'artillerie et du génie.
Ecole des travaux de campagnes (V. la précédente).
Ecole d'administration militaire de Vincennes.
Puis quelques institutions spéciales :
Ecoles de tir (normale et régionale).
Ecole de dessin du service géographique de l'armée.
Ecole de pyrotechnie militaire.
Ecole normale de gymnastique et d'escrime (Joinville).
Ecole de télégraphie militaire (V. le § Ecole d'appli-
cation de cavalerie),
à la suite desquelles nous placerons deux créations desti-
nées à assurer l'instruction élémentaire des soldats :
Ecoles militaires préparatoires (enfants de troupe).
Ecoles régimentaires.
Nous néghgeons de parler de quelques institutions secon-
daires qui ne sont pas de véritables écoles :
Ecole de mécaniciens du quai de Billy (V. Manuten-
tion militaire).
Ecole de dressage (V. le § Ecole d'application de
cavalerie).
Ecole d'instruction aérostatique de Meudon ou Châlons
(Y. Aérostats, t. I, p. 670).
Ecole du génie créée à Toul
et dont le rôle est simplement de gérer le matériel d'ins-
truction technique du bataillon, etc.
Pour la marine, l'ordre est le même :
Ecole navale.
Ecole d'application du génie maritime.
Ecoles élémentaires des équipages de la flotte.
Ecole d'administration de la marine.
Ecoles des mécaniciens de la flotte.
Ecoles des défenses sous -marines, école des torpilles.
Ecole des fusiliers marins.
Ecoles flottantes (école des gabiers, école des canon-
niers).
Ecole de pyrotechnie maritime.
Ecoles d'hydrographie.
Ecole des mousses.
Pour le service de santé, nous présenterons successivement
les deux écoles du service de santé militaire, celle du service
de santé maritime avec ses écoles annexes ou préparatoires :
Ecole du service de santé militaire (Lyon).
Ecole d'application de médecine et de "pharmacie (Val-
de-Grâce) .
Ecole principale du service de santé de la marine
(Bordeaux).
Ecoles (annexes) de médecine navale.
¥ Travaux publics et industrie. Il faut citer en premier
lieu les écoles d'application où les élèves sortis de l'Ecole poly-
technique achèvent de se former pour les services pubHcs :
Ecole supérieure des mines.
Ecole des ponts et chaussées.
Ecole d'application des manufactures de l'État.
Ecole d'apphcation des poudres et salpêtres.
Ecole professionnelle supérieure des postes et télé-
graphes.
Immédiatement après nous plaçons :
Ecole centrale des arts et manufactures.
Tous ces établissements recrutent l'immense majorité de
leurs élèves parmi ceux qui ont reçu l'instruction générale
dans les écoles, lycées, facultés de l'Etat ou dans les institu-
tions similaires. Mais à côté de ces écoles et lycées où sous la
direction du ministère de l'instruction publique se transmet
la culture générale, existe l'enseignement professionnel, re-
présenté par un grand nombre d'écoles qui fournissent les
cadres inférieurs du personnel d'ingénieurs et d'industriels.
Ecoles professionnelles (V. Enseignement profession-
nel).
Ecoles d'arts et métiers.
Ecole des mineurs (Saint-Etienne).
Ecole des maîtres ouvriers mineurs (Alais).
Ecole municipale de physique et de chimie de Paris.
Ecole des arts industriels (Roubaix).
Ecole nationale d'apprentissage (Dellys).
Ecoles d'apprentis.
Ecoles d'apprentissage.
Ecoles manuelles d'apprentissage.
Ecoles nationales mixtes d'enseignement primaire su-
périeur et d'enseignement professionnel.
Ecoles de cuisine.
Ecoles d'infirmiers (V. Assistance publique, t. IV,
p. 274).
Ecoles d'horlogerie.
Ecole professionnelle et spéciale de Nevers.
En classant à part tout le groupe des écoles profession-
nelle de la ville de Paris.
o^ Commerce. L'enseignement commercial est donné
dans des écoles qui répondent à trois degrés d'instruction
différents :
Ecole commerciale.
Ecoles supérieures du commerce.
Ecole des hautes études commerciales.
Il faut ajouter que le principal recrutement du person-
ÉCOLE
— 366 -
nel commercial s'opère dans les écoles primaires supérieures
et dans les lycées et collèges où est organisé l'enseigne-
ment secondaire moderne (ancien enseignement spécial).
Nous renvoyons donc à l'art. Enseignement et à ceux qui sont
consacrés aux principales écoles d'enseignement primaire
supérieur de Paris (Y. Chaptal, Lavoisier, Turgot, etc.).
6^ Agriculture. Il existe un grand nombre d'écoles
d'agriculture. La principale nous échappe (V. Institut
agronomique). Nous ne traiterons ici que d'une de ses
écoles d'application :
Ecole forestière (Nancy).
Les autres grandes écoles agricoles sont :
Ecoles nationales d'agriculture.
Ecole des haras (Le Pin).
Ecoles nationales vétérinaires.
A un degré sensiblement moins élevé, l'enseignement
agricole comporte les écoles suivantes :
Ecole de sylviculture (Les Barres).
Ecole d'horticulture (Versailles).
Ecoles des bergers.
Ecoles pratiques d'agriculture.
IL ARCHITECTURE. — Les bâtiments, et souvent on
peut dire les édifices scolaires, tiennent depuis un siècle une
grande place dans les préoccupations des législateurs de
tous les pays et, par conséquent, dans les programmes que
les architectes ont à réaliser de nos jours. Il y a un siècle
en effet, et à ne considérer que la France où, sous l'ancien
régime, l'enseignement secondaire et la majeure partie de
l'enseignement supérieur alors existant étaient distribués
dans les collèges (édifices dont il sera parlé au mot Lycée),
l'enseignement primaire n'avait guère donné lieu à des
constructions spéciales et obéissant à des règles, tant dans
leurs programmes qu'au point de vue de leurs dispositions
générales, tant pour les lois de l'hygiène appliquées à leurs
aménagements que pour leur style d'architecture. En outre,
la Révolution, qui décréta l'organisation de la plupart de
nos grandes écoles spéciales et par suite de nos établis-
sements d'enseignement supérieur, abrita ces fondations
nouvelles dans des couvents devenus sans emploi ou dans
des collèges supprimés, laissant à l'avenir le soin d'agrandir
ou de réédifier ces constructions et de les mettre en rapport
avec les programmes nouveaux, et, quant à l'enseignement
Plan du groupe scolaire d'Aubervilliers (Seine).
primaire, dont l'expansion ne date que du gouvernement de
Juillet et qui reçut son développement considérable sous la
troisième République, ce n'est guère que depuis trente
années qu'il a donné lieu à des édifices d'une réelle impor-
tance et aussi intéressants par leur nombre et leur diver-
sité que par leurs dispositions spéciales et leur caractère
architectonique. Laissant donc de côté les étabhssements
d'enseignement supérieur et ceux d'enseignement secondaire
ainsi que les écoles primaires supérieures, les écoles pro-
fessionnelles et les écoles nationales d'enseignement supé-
rieur, tous établissements qui rentrent dans l'enseigne-
ment primaire supérieur, il ne sera question ici que des
écoles primaires communales, écoles maternelles, écoles
de garçons et écoles de jeunes filles, lesquelles, dans
les grands centres de population, sont souvent juxtaposées
et forment ce que l'on appelle un groupe scolaire. Un
règlement ministériel de 1880, accompagné de croquis dus
à des architectes du gouvernement et suivi peu après d'une
exposition officielle d'édifices scolaires, a tracé les règles aux-
quelles doivent obéir les architectes afin de conserver la santé
des jeunes élèves et d'empêcher les résultats fâcheux que peut
produire leur agglomération. Correspondant aux données
d'âge (trois à six ans pour les enfants de l'école maternelle
et de six à treize ans pour les enfants des écoles de garçons et
des écoles de jeunes filles), les dimensions et le cube d'air
des classes et des préaux couverts et découverts, les amé-
nagements des lavabos et des latrines ainsi que des cuisines
ou cantines, les dispositions des baies de circulation, d'aé-
ration et d'éclairage, le mode de chauffage, les détails du
mobilier scolaire et enfin l'importance à donnei' aux loge-
ments des maîtres, tout a été prévu dans ce règlement qui
a été le point de départ de progrès considérables et dont
l'exposition, qui suivit sa mise en vigueur, montra, parla
sélection des projets récompensés, la possibilité et aussi la
diversité de ses applications pratiques. Il faut donc renvoyer
à ce règlement, d'après les prescriptions duquel ont été
construites depuis dix ans en France toutes les écoles com-
munales, pour l'étude des questions multiples relevant de
- 3(57 -
ÉCOLE
l'hygiène et de la pédagogie ; mais pour faire saisir, dans
leurs grandes lignes, ce que peuvent être les dispositions des
écoles maternelles et primaires de garçons et de jeunes filles,
nous reproduisons ci-contre, d'après M. Riimler (P. Planât,
Encyclopédie de V Architecture ; Paris, 1890, vol. IV,
p. 316, in-8), le plan du rez-de-chaussée et le plan de l'étage
d'un important groupe scolaire édifié récemment pour la
com. d'AuberviUiers (Seine) et dans les études duquel l'ar-
chitecte, M. Valiez, a pu s'aider de données fournies par
plusieurs projets primés à la suite d'un concours spécial.
Ce groupe comprend : 1° une école maternelle pour quatre
cents enfants ; 2° une école de jeunes filles pour quatre
cents enfants ; o"" une école de garçons pour quatre cents
enfants ; ces trois écoles avec logements des directrices et
du directeur ; 4^ un gymnase couvert ; 5° une bibliothèque
municipale. — 1^ Ecole maternelle. Cette école, située
à la gauche du plan, a son entrée en R ; un abri cou-
vert, longeant la cour de récréation, conduit aux latrines,
au cabinet de la directrice S, au préau couvert T, au
lavabo U, à la salle d'exercices V et à deux classes enfan-
tines K et K. Une entrée spéciale J est réservée pour
donner accès à l'escalier conduisant, au premier étage, au
logement delà directrice W, et sert en même temps d'entrée
pour le préau couvert M de l'école de jeunes filles. —
2° Ecole déjeunes filles. L'entrée de cette école, qui occupe
le milieu de l'ensemble du terrain, est à gauche de la loge du
concierge A, laquelle est commune, avec deux pièces à usage
de cantine, à l'école de jeunes filles et à l'école de garçons ;
les services de l'école de jeunes filles sont ainsi disposés :
L, bibliothèque scolaire ; K, cabinet de la directrice ; M,
préau couvert avec sortie en J et escalier conduisant aux
classes du premier étage, N, N, et à la salle de dessin et
de coupe 0 ; puis au rez-de-chaussée Q, préau découvert
avec abri conduisant aux latrines, et en N, N, N, N, N, N,
six classes. Derrière la loge du concierge et à gauche, un
escalier spécial conduisant au logement de la directrice, au
premier étage, en P. — 3^ Ecole de garçons. Cette école,
dans la partie droite du terrain, se présente ainsi : à
droite de la loge du concierge. A, est l'entrée ; D, biblio-
thèque scolaire ; C, cabinet du directeur ; M, préau couvert
et escalier conduisant aux classes du premier étageF, F, et
à la salle de dessin 0; au rez-de-chaussée, I, préau décou-
vert avec abri et latrines; en F, F, F, F, F, F, six classes.
En H, au premier étage, logement du directeur. — 4'' Gym-
nase couvert^ avec entrée spéciale sur la rue, pouvant
servir à chacune des écoles auxquelles le relient des abris
en même temps qu'à d'autres écoles ou à des sociétés de la
commune et pouvant même être aménagé comme salle des
fêtes. — 5^ Bibliothèque municipale^ avec son entrée
distincte, dans le pan coupé à l'angle des deux rues, com-
prenant une entrée et deux salles, É,E, une pour le biblio-
thécaire et servant de dépôt de livres, et l'autre, la plus
grande, est la salle de lecture publique.
Au point de vue de l'art, les difi'érences de dimensions
des baies, baies de préaux, de classes, de cabinets ou de loge-
ments de directeurs et de concierges ; la répartition des pleins
et des vides sur les façades; l'accentuation, par des chaînes
saillantes, des murs de refend séparant les différents corps
de bâtiments, et surtout la polychromie naturelle qui résulte
de l'emploi de matériaux divers, meuUère, pierre, moellon,
brique, terre cuite, bois et métaux, peuvent, avec quelques
saiUies produisant des jeux d'ombre et de lumière et de
rares profils étudiés avec goût, donner aux écoles primaires,
sinon un style particulier, mais au moins une certaine ori-
ginalité et un charme de bon aloi qui témoignent du talent
des architectes qui les conçoivent et qui marquent à ces
édifices une place à part dans les œuvres de l'architecture
française contemporaine. — Dans les centres peu importants
comme population, dans les hameaux, par exemple, l'école
primaire qui peut contenir de vingt à quarante enfants de
sexe différent consiste le plus souvent en une seule salle
de classe et deux cabinets d'aisance ; mais, en revanche,
dans les communes d'une certaine importance, il n'est
pas rare de voir la mairie occuper un premier étage
au-dessus d'une partie de l'école et fournir à l'architecte,
par ce développement de programme, une occasion de varier
les dispositions et la silhouette de ses bâtiments et de leur
donner un caractère spécial. Charles Lucas.
III. HYGIÈNE. — La loi sur l'enseignement obligatoire
a rendu plus nécessaire que jamais l'application de nfesures
hygiéniques sévères et précises dans les écoles. Nous insis-
terons ici spécialement sur les écoles primaires ; mais tout
ce qui est applicable à ces étabhssements s'adresse égale-
ment à ceux de l'enseignement secondaire. Pour ces der-
niers s'ajoutent la question des dortoirs et celle de Talimen-
tation, puisque le régime de l'internat n'a pu encore être
supprimé. L'importance de l'hygiène dans les écoles ne
saurait être contestée. L'école reçoit l'enfant au moment où
il est en pleine croissance, en voie d'évolution perpétuelle;
il est donc essentiel de s'occuper de son développement
physique autant que de son développement intellectuel.
Bâtiments scolaires. Il est absolument inutile de faire
des bâtiments scolaires des monuments somptueux, qui
grèvent le budget des communes et s'opposent par les
dépenses mêmes qu'ils entraînent à leur multiplicité et aux
progrès qu'ils seraient susceptibles de recevoir. La salle
de classe doit remplir trois conditions essentielles : bien
aérée, bien éclairée, facile à assainir. La plupart des classes
sont au rez-de-chaussée; cette situation n'a aucun incon-
vénient, si le plancher est élevé à une certaine hauteur du
sol, [ m. au moins. Le plancher étant constitué par du
bois blanc traité par l'huile de lin bouillante, est facile
par conséquent à nettoyer; le carrelage est d'un lavage
facile, mais il a l'inconvénient d'être froid. Pas de papier,
de tenture, ni de rideaux; un simple badigeonnage à
la chaux, dont le renouvellement est peu dispendieux,
constitue la meilleure peinture des murs. Quant à l'espace
réservé aux enfants, le règlement français exige 1 m. de
surface avec 4 m, de hauteur. Ce chiffre n'a rien d'exagéré;
loin de là, si l'on tient compte des espaces pris par les
couloirs, les places vides devant les tableaux, etc., et à sa
place l'enfant n'occupe que 1/2 m. q. Un chiffre de qua-
rante élèves est un maximum qu'il est bon de ne pas dépas-
ser, surtout au point de vue de la surveillance. Il faut
donc compter 40 m. q. de surface environ.
Le règlement accordant 3 à 4 m. c. par tête, on voit
qu'une ventilation bien comprise est nécessaire pour balayer
les produits de la respiration. Le meilleur système de ven-
tilation est encore l'ouverture fréquente des fenêtres. Si les
classes sont de courte durée, et nous verrons que c'est là
un des desiderata des hygiénistes, il suffit d'ouvrir large-
ment les fenêtres pour assurer un balayage suffisant. L'éta-
blissement de quelques vantaux mobiles ou mieux de car-
reaux de verre percés de trous permettrait d'assurer une
ventilation permanente, insuffisante à elle seule, mais s'op-
posant déjà à une élévation trop grande de l'acide car-
bonique pendant la durée des classes.
La classe doit être bien éclairée ; dans les écoles pri-
maires, on n'a à s'occuper que de l'éclairage par la lumière
naturelle. E. Trélat préconise l'éclairage unilatéral, alors
que Gariel et Javal défendent l'éclairage bilatéral. Ce qu'il
importe avant tout, c'est d'avoir de la lumière en quantité
suffisante. Quant à l'orientation même de l'école sur laquelle
on a beaucoup discuté, elle a au fond une médiocre impor-
tance, et très souvent elle s'impose par la configuration du
terrain. Dans les classes plus élevées, où ie travail se pour-
suit avec la lumière artificielle, on a généralement recours
au gaz ; l'éclairage par ce dernier, très incriminé, ne pré-
senterait aucun inconvénient, d'après Javal, lorsqu'on fait
usage de becs munis de cheminées de verre et de régu-
lateurs maintenant la flamme à une température constante.
Javal voudrait que l'on puisse donner à chaque élève une
lampe basse avec un abat-jour, ou bien, si cela est im-
possible, que les foyers soient au moins à 1™80 au-dessus
du sol, avec un bec pour six élèves.
Matériel. La myopie dont la fréquence augmente avec
ÉC01.E
— 368 —
une intensité inquiétante (A. Key) a ete attribuée en grande
partie aux mauvaises dispositions du mobilier. On a beau-
coup écrit sur cette question, et il nous est impossible de
nous étendre. Le rapport entre la hauteur de la table et
celle du banc doit être tel que l'enfant puisse écrire sans
fatisue et sans attitude vicieuse ; il doit donc varier avec
l'âge. Lerèdement français (1880) comporte cinq types.
Un dossier est indispensable. La composition typographique
des livres est également importante. En France, on admet
qu'il faut rejeter tout livre qui, tenu verticalement et
éclairé par une bougie placée à la distance de 1 m., ne peut
pas être lu avec une vue normale à 80 centim. Le carac-
tère huit des typographes, six à sept lettres au centimètre,
correspond à cette exigence. Quant à l'écriture la com-
mission française de 1882 s'est rangée à la formule de
Georse Sand : écriture droite sur papier droit, corps droit.
La durée des classes doit être courte et varier avec 1 âge
des enfants. Chez les tout jeunes, une leçon de quinze minutes
doit être un maximum, et même chez les plus âges 1 atten-
tion est difficilement soutenue une heure. Il est indispen-
sable de couper les heures de travail de récréations ou
d'exercices physiques pris en dehors de la salle de classe.
Au-dessous de sept ans, un maximum de travail intellec-
tuel de deux heures et demie, de trois heures à trois heures
et demie de sept à dix, et de quatre heures de dix à douze.
Après quinze ans, on peut appliquer le système des trois
huit (8 heures de sommeil, 8 heures de travail, 8 heures
de liberté). La propreté collective et individuelle doit être
l'objet d'une sollicitude constante des maîtres et des maî-
tresses. On ne saurait trop insister sur ces soins, notam-
ment de la chevelure et delà bouche, cette dernière presque
complètement néghgée. Généraliser un système de bains ou
de douches serait excellent et donnerait aux entants des
habitudes de propreté, qu'ils conserveraient ensuite à leur
sortie de l'école. . . , ,
Il est impossible de s'étendre ici plus longuement sur
les dispositions qui doivent être prises en vue dubon déve-
loppement physique de l'enfant. Pour que les mesures hygié-
niques soient appliquées, il est absolument nécessaire que
l'autorité médicale puisse s'exercer librement dans la per-
sonne du médecin inspecteur des écoles. Malheureusement
cette inspection, quand elle existe, ce qui dépend des muni-
cipalités, est presque toujours illusoire, le medecm se bor-
nant trop souvent k faire acte de présence à l école. La
i)ropa^ation des maladies contagieuses si nombreuses dans
l'enfance est facilitée singulièrement par la reunion dun
grand nombre de sujets. Tout enfant suspect doit être
immédiatement renvoyé dans sa famille, et il devrait être
sionalé au médecin inspecteur. Enfin, tout enfant ayant
cmitracté une affection contagieuse doit être exclu de
l'école pendant un temps variable suivant la maladie, et
nui est fixé ainsi par l'Académie de médecme : scarlatine,
quarante jours à partir du premier jour de l'mvasion ; rou-
geole, vingt jours; diphtérie, quarante jours; oreiUon,
vingt-deux jours; varicelles, vingt-cinq jours. Il est mutile
de faire remarquer combien il est absurde de compter a par-
tir du jour de l'invasion. Les Anglais, plus logiques, s ap-
puient surtout sur la fin de l'éruption. La revaccmation
obligatoire vers l'âge de dix ans est un excellent moyen de
généraliser cet instrument de haute prophylaxie en atten-
dant l'obligation absolue et générale. Nous ne parlons pas
ici de l'alimentation, des dortoirs, ayant eu surtout en vue
1p^ ôooles primaires (V. Dortoir). D*- J.-P. Langlois.
irNoScLlTURE MÉTHODIQUE ET HISTORIQUE.
— Ecole palatine carolingienne. — Avant Charle-
magne, il existait déjà , semble-t-il, une école palatine à la cour
des rois francs. Cette institution prit sous son règne une
importance qui s'explique par les préoccupations politiques
de ce prince. Les lettres avaient leur place dans ses projets
de réorganisation de l'Etat et de l'Eglise ; l'instruction lui
paraissait une condition essentielle de la reforme de l Eg Use,
inséparable de la prospérité de l'empire chrétien ; il s effor-
çait de la répandre par les créations d écoles que, dans un
capitulaire de 789, il recommandait aux évêques d'établir
non seulement à l'usage des futurs clercs, mais des nobles
et des hommes libres. De bonne heure, il s'était occupé de
réunir autour de lui les hommes les plus savants de son
temps : l'Anglo-Saxon Alcuin; les Italiens Pierre de
Pise, Paul Diacre ; le Goth Théodulf ; des Francs, tels
que Angilbert, Eginhard, etc. Ainsi se forma une véritable
académie, le mot n'est pas impropre, puisque Alcuin, dans
une lettre à Charlemagne, lui parle de ses « académiciens ».
Les femmes de la famille carolingienne en faisaient partie ;
on y lisait des vers, on y devinait de savantes énigmes, on
y discutait des questions de théologie, de morale, de gram-
maire, de rhétorique. Alcuin en était comme le directeur,
et c'est dans ses écrits qu'on trouve le plus de renseigne-
ments à ce sujet. Ceux qui en faisaient partie prenaient
des noms d'emprunts : Charlemagne qui, vers la fin de sa
vie, s'efforçait d'apprendre à écrire, s'appelait David ;
Alcuin, Flaccus ; Angilbert, qui maniait l'hexamètre épique,
Homère; Eginhard, qui était artiste, Béséleel ; le sénéchal
Audulf et le camérier Méginfrid avaient les surnoms buco-
liques de Ménalcas et de Thyrsis, Riculf celui de Damoetas.
L'abbesse Gisèle, sœur de Charlemagne, s'y appelait Lucia,
sa fille Rothrude Colomba. En dépit du caractère puéril
et pédantesque de ces déguisements et de certains des
exercices auxquels se livraient ces « académiciens », il est
juste de reconnaître la généreuse pensée à laquelle obéis-
sait Charlemagne. La renaissance carolingienne a vécu
surtout d'emprunts et d'imitations; elle a eu cependant une
influence réelle sur le maintien de la culture littéraire
antique, et les effets s'en sont fait longtemps sentir : la
littérature latine en France au ix« et au xi« siècle, qu'il
s'agisse de l'art de la composition ou du style, est infini-
ment supérieure à la littérature latine mérovingienne.
Ecoles buissonnières. — On a donné le nom d'écoles
buissonnières ou furtives aux écoles ouvertes dans des
lieux retirés de Paris ou des environs afin de se soustraire
à la redevance qu'exigeaient des maîtres d'école le chantre
de Notre-Dame. Ce nom fut appliqué au xvi^ siècle aux
écoles des huguenots qui se soustrayaient à la surveillance
de l'évêque; elles existaient en grand nombre dans les
montagnes, bien qu'un arrêt du Parlement (1552) les eût
prohibées. Sous la Révolution, les prêtres et les rehgieux
insermentés ouvrirent à leur tour des écoles buissonnières.
Ecoles secondaires. — Dans le plan général smvi
par les assemblées révolutionnaires en matière d'instruc-
tion publique (V. Enseignement), les écoles secondaires
auraient été intermédiaires entre les écoles primaires ou
communales et les écoles centrales (Y. ci-dessous), ré-
pondant aux écoles de département. Elles figurent dans le
plan de Talleyrand comme écoles de district. Ecartées par
Condorcet et Lakanal, elles ne furent pas créées par la loi
du 3 brumaire an IV. C'est seulement sous le Consulat
qu'on les institua par la loi du 11 floréal an X pour servir
de transition entre les écoles primaires et les lycées qui
remplaçaient les écoles centrales. La définition était :
« Toute école établie par les communes ou tenue par les
particuliers dans laquelle on enseignera les langues latme
et française, les premiers principes de la géographie, de
l'histoire et des mathématiques, sera considérée comme
école secondaire. » En l'an XI, on accorda ce titre à cent
soixante-quatre écoles; en l'an XII à cent seize autres.
Quand fut organisée l'Université, on appela ces écoles secon-
daires collèges communaux, nom qui leur est resté (V. Col-
lège).— En Suisse, l't/co/^ secondaire {Secundarschule)
correspond à notre école primaire supérieure et à l'école
moyenne de Relgique.
Ecoles centrales. — Le nom d'écoles centrales est
celui que les pédagogues de la Révolution avaient imaginé
pour désigner les établissements d'enseignement secondaire,
destinés i remplacer les collèges de l'ancien régime. Ins--
tituées par le décret du 25 févr. 1795 (7 ventôse an III)
sur le rapport de Lakanal, les écoles centrales furent réorga-
nisées le 25 oct. de la même année (3 brumaire an IV) sur le
-- 369 —
ÉCOLE
rapport deDaunou. Elles disparurent dès 4802, supprimées
par la loi du 1^"^ mai. Le plan d'études de ces écoles em-
brassait à peu près tout le savoir humain et affectait un
caractère encyclopédique. A côté des mathématiques et du
latin, on devait y enseigner les sciences physiques, les
sciences morales et aussi les arts pratiques, l'agriculture,
l'hygiène, les arts et métiers. L'école centrale n'était plus
seulement un foyer de culture intellectuelle répondant à
l'idée que nous nous faisons aujourd'hui de l'enseignement
secondaire ; c'était aussi une école technique et en un sens
un établissement d'enseignement supérieur. Tout y était
confondu, et Daunou ne parvint pas à ordonner ce chaos
en divisant en trois sections les matières d'enseignement
et les élèves. La première section (enfants de plus de douze
ans) comprenait le dessin, l'histoire naturelle, les langues
anciennes et aussi les langues vivantes, mais celles-ci
facultativement. La deuxième section (enfants de plus de
quatorze ans) était exclusivement consacrée aux études de
mathématiques, de physique et de chimie. Enfin dans la
troisième section (au-dessus de seize ans) on enseignait
la grammaire générale, les belles-lettres, l'histoire, la légis-
lation. Les langues classiques, on le voit, n'étaient plus au
premier plan, comme dans l'ancienne éducation. On leur
associait, on leur préférait même les sciences théoriques ou
pratiques, les connaissances dont les élèves peuvent tirer
un profit immédiat pour l'apprentissage de la vie. L'idée
positive et utilitaire du succès dans la vie s'était substituée
à l'idée spéculative et désintéressée du développement de
l'esprit pour lui-même. De ces deux idées, que dans une
éducation bien faite il faut savoir associer pour atteindre
le vrai but des études, la première, dans le système des
écoles centrales, semblait exclure l'autre. Par là les con-
ceptions de Lakanal et de Daunou étaient foncièrement
vicieuses. D'autre part, à mesure que les idées religieuses
reprirent crédit, l'opinion publique dans sa réaction contre
le mouvement révolutionnaire n'était plus favorable à des
écoles absolument laïques, où les professeurs devenus des
officiers du culte « devaient remplir quelques-unes des
fonctions bienfaisantes auxquelles les prêtres étaient autre-
fois appelés ». Les fondateurs des écoles centrales furent
donc vite déçus dans leurs espérances. « Ainsi, disaient-
ils, devait finir le siècle qui avait perfectionné l'esprit
humain et préparé le plus grand bonheur des peuples. »
Les ambitions étaient grandes. « Il semblait que ces écoles,
écrivait récemment M. Gaston Boissier, dans lesquelles on
se plaisait à placer les bustes deBrutus, de Guillaume Tell
et de Rousseau, allaient accomplir toutes les promesses,
opérer toutes les réformes que les grands esprits annonçaient
depuis cinquante ans. Aussi furent-elles accueilHes avec
enthousiasme par les partisans des idées nouvelles; en cer-
tains pays on les ouvrit au son des cloches et au bruit du
canon. Mais, hélas ! elles ne durèrent que quelques années. »
Les écoles centrales, en effet, n'eurent que six ans d'exis-
tence. Et en général, à part quelques exceptions, par
exemple l'école centrale du Panthéon (lycée Napoléon ou
Henri IV), celle des Quatre-Nations (lycée Charlemagne),
elles ne prospérèrent point. Une des causes de leur insuccès,
ce fut assurément que le législateur y avait supprimé le
régime de l'internat. Ces écoles n'ont donc été qu'un accident,
un essai malheureux, dans l'histoire de notre enseignement
secondaire. Il convient cependant d'y voir comme le prélude
des remaniements et des réformes que depuis quelques
années l'esprit de progrès introduit dans nos lycées et dans
nos collèges. L'enseignement spécial et l'enseignement secon-
daire moderne qui lui a succédé relèvent au fond de la même
inspiration que les écoles centrales. Gabriel Compayré.
Ecoles de services publics.-- La Convention décida
par la loi de 30 vendémiaire an IV l'organisation, aux frais
de l'Etat, d'écoles « relatives aux différentes professions
uniquement consacrées au service public ». C'étaient :
l'Ecole polytechnique, l'Ecole d'artillerie, l'Ecole des ingé-
nieurs militaires, l'Ecole des ponts et chaussées, l'Ecole des
mines, TEcole des géographes, l'Ecole des ingénieurs de
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
vaisseaux, les écoles de navigation, les écoles de marine.
Ecoles spéciales. — L'organisation de l'enseignement
supérieur, esquissée par la Convention dans le décret du
3 brumaire an IV, prévoyait la création d'une série d'écoles
spéciales, destinées à l'instruction générale et distinctes
de celles des services publics. On prévoyait des écoles
spécialement destinées à l'étude : de l'astronomie, de la
géométrie et de la mécanique, de l'histoire naturelle, de
la médecine, de l'art vétérinaire, de l'économie rurale, des
antiquités, des sciences politiques, de la peinture, sculp-
ture et architecture, de la musique; en outre, des écoles
spéciales pour les sourds-muets et les aveugLs-nés.
Ecoles maternelles. — Les écoles maternelles ne
portent oflîciellement ce nom, dont on avait déjà eu l'idée
en 4848, gue depuis l'arrêté du 2 août 4881. On a voulu
marquer ainsi le caractère familial qui convient à une
école du premier âge, où les tout petits enfants doivent re-
trouver quelque chose des soins et de l'affection de leurs
mères. L'école maternelle n'est plus l'ancienne salle d'asile
dont l'appellation semblait indiquer je ne sais quelle idée
d'enfants abandonnés par leurs parents et recueillis dans
une garderie quelconque. Elle prétend continuer l'œuvre
de la famille et se substituer à la mère qui ne peut elle-
même élever ses enfants. Elle est, comme la définit le
décret du 48 janv. 4887, « un établissement de première
éducation où les enfants des deux sexes reçoivent en com-
mun les soins que réclame leur développement physique,
moral et intellectuel ». Les enfants peuvent y être admis dès
l'âge de deux ans révolus et y rester jusqu'à l'âge de six
ans. C'est la principale des institutions destinées' à l'édu-
cation des petits enfants. Pour bien marquer son caractère,
nous empruntons au Dictionnaire de pédagogie {^. 850) la
description très claire des degrés successifs de la première
éducation donnée aux très jeunes enfants : 4° d'abord la
crèche (V. ce mot) qui peut garder les enfants jusqu'à deux
ou trois ans; 2« ensuite l'école maternelle, terme récem-
ment substitué au mot salle d'asile et qui correspond à plu-
sieurs égards à ce qu'on appelle ailleurs jardin d'enfants
(V. cet article) ; 3« V école ou la classe enfantine (Y. ci-
après) qui peut les garder de quatre ou cinq ans à sept
ou huit; 4° l'école primaire dans sa classe élémentaire qui
commence au plus tôt à sept ans.
L'institution des écoles maternelles est d'origine fran-
çaise. C'est en 4770 que la première fut créée par le
pasteur Oberlin (V. ce nom) au Ban-de-la-Roche sous le
nom d'école à tricoter. Jusqu'alors on ne connaissait que
des refuges, des garderies d'enfants où on les entassait
en se bornant à les surveiller et à les protéger contre les
dangers de la rue. Oberlin fut le premier qui eut l'idée
d'utiHser pour leur éducation cette réunion d'enfants en
bas âge. Son succès personnel fut considérable et deux fois
la Convention lui décerna des éloges pubhcs. Néanmoins,
son exemple ne fut guère imité. C'est d'Angleterre que
nous vmt l'impulsion. Nous parlerons plus bas des infant
schools organisées à Londres à partir de 4849. M"'^ de
Pastoret,qui avait déjà fondé une salle d'hospitalité, sorte
de crèche, en 4 804, fit un nouvel essai. En avr. 4826, elle
ouvrit rue du Bac, à la maison des Ménages, une salle d'asile
pour 80 enfants. Cochin, maire du XIP arrondissement, se
mit en relations avec le comité des dames, et l'on ouvrit une
seconde salle d'asile rue des Martyrs, puis un asile modèle
qui a gardé le nom de Cocliin (4828). On donnait un ensei-
gnement trop sérieux, et il fallut de longs efforts pour faire
prévaloir une meilleure jnéthode. Peu à peu l'institution se
généralisa. Dès 483o, on recense en France 102 salles d'asile.
L'intervention active des pouvoirs publics qui arrachèrent
à la Chambre une subvention de 200,000 fr. (4840) assura
l'existence et les progrès de cette éducation élémentaire.
Dans son état actuel, elle est réglée par la grande loi
organique de l'enseignement primaire du 30 oct? 4886 et
le décret du 48 janv. 4887 dont le premier chapitre est
consacré aux écoles maternelles et aux classes enfantines.
Il porte que les écoles maternelles des établissements de
24
ÉCOLE
â70 -
première éducation où les enfants des deux sexes reçoivent
en commun les soins que réclame leur développement
physique, moral et intellectuel. Les enfants peuvent y être
admis dès l'âge de deux ans révolus et y rester jusqu'à
l'âffe de six ans. Aucun enfant n'est reçu dans une école
maWnelle s'il n'est muni d'un billet d'admission signé par
le maire, et s'il ne produit un certificat du médecin dûment
légalisé constatant qu'il n'est atteint d'aucune maladie
contagieuse , et qu'il a été vacciné. Nulle ne peut être
nommée directrice d'école maternelle sans être pourvue du
certificat d'aptitude pédagogique. Dans toute école mater-
nelle publique, les enfants sont divisés en deux sections,
suivant leur âge et le développement de leur intelligence.
Si la moyenne des présences dépasse le nombre de 50 en-
fants, la directrice est aidée par une adjointe. La direc-
trice et l'adjointe s'occupent alternativement de l'une et
l'autre section. Une femme de service doit être attachée à
toute école maternelle. Elle est nommée par la directrice
avec l'agrément du maire et révoquée dans la même forme;
son traitement est à la charge de la commune. Un règlement
des écoles maternelles publiques de chaque département
est rédigé par le conseil départemental, d'après les indica-
tions générales d'un règlement modèle arrêté par le ministre
de l'instruction pubhque en conseil supérieur. Il est affiché
dans l'école maternelle. Il peut être établi dans chaque
commune où il existe une école maternelle un ou plusieurs
comités de dames patronnesses présidés parle maire. ^ Les
membres de ce comité sont nommés pour trois ans par l'ins-
pecteur d'académie après avis du maire. Ce comité a pour
attribution exclusive de veiller à l'observation des prescrip-
tions de l'hygiène, à la bonne tenue de l'établissement, à
l'emploi des^ fonds ou dons en nature recueillis en faveur des
enfants. On a un peu tâtonné au début dans l'organisation
des exercices et des études qui peuvent être imposés sans
inconvénient à des enfants d'un âge aussi tendre. Comme
le disait M"^^ Kergomard, il ne saurait être question, « il
serait insensé et coupable de vouloir instruire, dans le sens
précis du mot, des enfants de deux à six ans ». C'est dans
cet esprit qu'ont été rédigés les programmes de 4887,
d'après lesquels l'enseignement des écoles maternelles com-
prend : 1° des jeux, des mouvements gradués et accom-
pagnés de chant; 2« des exercices manuels; 3« les
premiers principes d'éducation morale ; 4° les connais-
sances les plus usuelles; 5° des exercices de langage,
des récits ou contes ; 6° les premiers éléments du dessvji,
de la lecture, de Vécriture et du calcul Ce programme
peut paraître encore bien chargé, et il deviendrait la
source d'un surmenage dangereux s'il était indiscrètement
appliqué par des maîtresses malhabiles ou trop exigeantes.
Il ne s'adresse d'ailleurs, les règlements administratifs
Font sagement prévu, qu'aux enfants d'une des deux sec-
tions de l'école, ceux qui ont pour la plupart de cinq à six
ans. Quatre inspectrices générales sont chargées de visiter
les écoles maternelles et d'assurer l'exécution des décrets
et arrêtés. Une circulaire excellente de 1887 a de plus
défini quelle devait être la méthode d'éducation et d'ins-
truction suivie dans ces écoles. Nous reproduisons les indi-
cations essentielles formulées au conseii supérieur. L'édu-
cation tient à la fois de la famille et de l'école; elle garde
la douceur affectueuse et indulgente de la famille, en même
temps qu'elle initie l'enfant au travail et à la régularité de
l'école. Le but à atteindre n'est pas de procurer à l'enfant
telle ou telle mesure de savoir en lecture, écriture, en
calcul; il s'agit de le soumettre à un ensemble de bonnes
influences, de lui donner de bonnes habitudes intellec-
tuelles et morales, physiques et de savoir-vivre, de lui
inculquer le goût du travail. Une bonne santé, l'ouie, la
vue, le toucher déjà exercés par une suite graduée de ces
petits jeux et de ces petites expériences propres à faire
l'éducation des sens ; des idées enfantines, mais nettes et
claires sur les premiers éléments de ce que sera plus tard
l'instruction primaire ; un commencement d'habitudes et de
dispositions sur lesquelles l'école puisse s'appuyer pour
donner plus tard un enseignement régulier, le goût de la
gymnastique, du chant, du dessin, des images, des récits ;
î'empressement à écouter, à voir, à observer, à imiter, à
questionner, à répondre ; une certaine faculté d'attention
entretenue par la docilité, la confiance et la bonne humeur ;
l'inteUigence éveillée enfin et l'âme ouverte à toutes les
bonnes impressions morales : tels doivent être les effets et
les résultats de ces premières années passées à l'école ma-
ternelle, et, si l'enfant qui en sort arrive à l'école primaire
avec une telle préparation, il importe peu qu'il y joigne
quelques pages de plus ou de moins du syllabaire. Ainsi
que l'observe très justement M. Pécaut, « le dernier mot
de ces programmes, ce qui en fait le fort et aussi le faible,
c'est qu'ils ne valent que par d'excellentes maîtresses »
(V. les art. Education et Enseignement).
La ville de Paris en 1889 possédait l'i3 écoles mater-
nelles publiques avec un personnel de 430 institutrices.
En 1887, il y avait pour la France entière 3,597 écoles
maternelles pubhques, laïques ou congréganistes, et
2,493 écoles privées, au total, 6,090, avec 543,839 en-
fants dans les écoles publiques et 217,853 dans les écoles
privées, et un ensemble de 9,219 directrices ou adjointes.
Pour juger les progrès accomplis, il suffira de rappeler
qu'il n'y avait en 1837 que 251 salles d'asile, et, en
1850,1^737.
Classes enfantines. — Avant la loi du 30 oct. 1886
il existait, dans certaines communes, des écoles dites
écoles enfantines. Il en existe encore un certain nombre
à Paris. Mais la loi de 1880 ne reconnaît plus que des
classes enfantines, ainsi définies par le décret du
18 janv. 1887 : « Les classes enfantines forment le degré
intermédiaire entre l'école maternelle et l'école ^primaire.
Elles ne peuvent exister que comme annexes d'une école
primaire élémentaire ou d'une école maternelle. Les enfants
des deux sexes y sont admis, depuis l'âge de quatre ans au
moins jusqu'à l'âge de sept ans au plus. Ils y reçoivent,
avec l'éducation de l'école maternelle, un commencement
d'instruction élémentaire. » Dans les communes où il
existe une école maternelle, la classe enfantine sert de
transition entre l'école maternelle et l'école primaire. Dans
les communes où il n'existe pas d'école maternelle, la
classe enfantine est destinée à la remplacer. Dans les deux
cas, elle a pour avantage de dégager les abords du cours
élémentaire de Técole primaire, qui est trop souvent
encombré d'enfants insuffisamment préparés à le suivre.
L'idée de cette organisation remonte à une vingtaine d'an-
nées ; mais elle n'a été réalisée que par les soins de
M. Buisson sous le ministère Jules Ferry (oct. 1879). Les
institutions similaires de l'étranger seront étudiées ^ci-
dessous ; elles ne se distinguent pas aussi nettement qu'en
France de ce que nous appelons école maternelle.
Etranger. — Voyons maintenant ce qui existe à
l'étranger. .7.7 ,
En Allemagne, les écoles enfantines {Klemkmderschu-
len, Warteschulen) sont des établissements privés ; elles
ont pris un grand développement, grâce aux efforts de
Frœbel et de Fœlsing (V. ces noms). Elles sont placées
sous la surveillance des autorités scolaires, mais ne sont pas
regardées comme des étabhssements scolaires. En Bavière,
on y interdit l'enseignement de la lecture, de l'écriture et du
calcul. Le système d'éducation de Frœbel, qui est le plus
célèbre, sera exposé au mot Jardin d'enfants.
En Angleterre, les écoles enfantines (infant schools) ont
eu d'abord le caractère de garderies d'enfants. La pre-
mière fut ouverte à New-Lanark par Owen et confiée à
un ouvrier tisserand, Joseph Buchanan (1816) ; ce dernier
fut, en 1819, chargé d'en organiser une à Londres. En
1825, l'évêque de Chestcr, Bloomsfield, crée une société
des infant schools et bientôt on en compte 200 en
Angleterre. En 1870, leur condition est réglée par la loi
(Elementanj Education Ad). Elles reçoivent les enfants
de quatre à sept ans ; on leur accorde des subventions
variant de 2 à 9 shillings par élève, selon la qualité de
l'éducation constatée par l'inspecteur ; celui-ci a droit
d'approbation sur le choix de l'instituteur.
En Autriche, les jardins d'enfants, asiles, crèches ou
garderies sont annexées aux écoles; le système est celui
de Frœbel, consacré par le règlement du 2^ juin 4872.
En Belgique, on a adopté le nom à' écoles gardiennes
(V. ci-dessous).
En Danemark, il existe une soixantaine de salles d'asile
ou écoles enfantines.
En Espagne, on a réorganisé les esmelas de pdrvulos
par le décret du 17 mars 1882 et créé un brevet spécial
pour leur direction. Elles n'existent guère que dans les
villes et sont médiocrement prospères.
En Grèce, la première école enfantine fut VArsakeion
annexée en 1867 à l'Ecole normale de filles d'Athènes et
organisée d'après la méthode de M^^« Pape-Garpantier.
Les Grecs en ont créé un bon nombre dans les pays de
leur race soumis à la Turquie (Macédoine, Roumélie, Asie
Mineure), plus que dans le royaume de Grèce.
En Hollande, les écoles gardiennes (Bewaarschoolen)
remontent assez haut. On les signale en 1806 dans la pre-
mière loi organique sur l'enseignement primaire. Multi-
pliées par la Société du bien public (à partir de 1823),
elles ont été réglementées par la loi de 1878 et sont sou-
rnoises à la surveillance des autorités scolaires. L'Etat
n'exige aucun titre pour leur direction, et tout ce qui a été
fait, à ce point de vue, est dû à l'initiative privée.
En Italie, dès le xv!!!*^ siccle, Garaventa de Gênes fondait
des garderies pour les enfants en bas âge. C'est l'abbé Aporti
qui, en 1827, a créé le système des asili infantili. Son
établissement de Crémone servit de modèle. Condamnées
par le pape Grégoire XVI, ces écoles enfantines furent
acceptées par Pie IX. Elles se rapprochaient trop des
écoles proprement dites et, à partir de 1860, on fit une
vive propagande pour les idées de Frœbel, surtout au N.
de la péninsule. Les salles d'asiles et jardins d'enfants
sont en Italie regardés comme établissements de bien-
faisance et dépendent du ministère de l'intérieur, celui
de l'instruction publique se bornant à une inspection péda-
gogique.
En Portugal, il existe quelques garderies d'enfants qui
ont le caractère d'établissements de charité.
0 En Russie, cette institution relève exclusivement de
l'initiative privée ; elle est peu développée.
. En Suède, on a créé, en 1853, des petites écoles (Snias-
kolor) préparatoires à l'enseignement primaire dont elles
donnent les premiers éléments ; les pères de famille et les
pasteurs nomment les maîtres.
En Suisse, les écoles enfantines {Kleinkinderschulen)
n'existent pas dans tous les cantons. Les méthodes varient
selon les lieux. Ces écoles répondent autant à nos écoles
maternelles qu'à nos écoles enfantines proprement dites.
Elles sont bien organisées dans la Suisse française, et
même obhgatoires dans le cant. de Genève.
Aux Etats-Unis, il n'y a qu'un petit nombre d'écoles
maternelles ou de jardins d'enfants. Le rapport du bureau
d'éducation de Washington pour 1881 n'en signale que 273
recevant 14,100 enfants, c.-à-d. un nombre insignifiant.
On trouvera la statistique et des détails complémen-
taires dans l'article Enseignement primaire.
Ecoles gardiennes. — En Belgique, l'institution des
écoles gardiennes correspond à nos écoles maternelles et
enfantines. Les premières furent fondées à Bruxelles
en 1826 par la Société des salles d'asile écoles gar-
diennes. En 1860, le gouvernement fit enseigner la mé-
thode Frœbeldans les 'écoles normales d'inslitLitrices. La
loi du 1^^ juiL 1879 s'occupe des écoles gardiennes qui
ont depuis réalisé de grands progrès. Un diplôme spécial
aété créé, en 1880, pour les institutrices appelées à les
diriger. Ouverte aux enfants de trois à six ans, l'école
gardienne comprend dans son programme : don^s de Fr.vbel
(V. ce^ mot) et occupations manuelles, causeries, petites
collections, explications d'images choisies, historiettes mo-
- 371 -- ÉCOLE
raies, poésies enfantines, chant, jeux, gymnastique, jardi-
tnage. Elle exclu la lecture et l'écriture, mais elle y pré-
pare. La classe de transition vers l'école primaire, répon-
dant à notre classe enfantine, peut ère rattachée aussi
bien à l'école gardienne qu'à l'école primaire»
_ Écoles primaires o — Le nom d'écoles primaires nous
vient de la RévoliUion française. Il fut proposé parTalley-
rand dans son plan d'éducation nationale présenté à l'As-
semblée constituante, repris par Condorcet et adopté par
la Convention qui, le 12 déc, 1792, décréta : « Les écoles
primaires formeront le premier degré d'instruction. On y
enseignera les connaissances rigoureusement nécessaires à
tous les citoyens. Les personnes chargées de l'enseignement
dans ces écoles s'appelleront instituteurs. » La loi du
3 brumaire an IV subordonna les écoles primaires aux
administrations municipales; celle du 11 floréal an X les
mit à la charge des communes et en confia l'organisation
aux sous-préfets. La décadence continue sous l'Empire, et
le décret qui fonde l'Université cite à peine les écoles pri-
maires. C'est la loi de 1833 qui leur a rendu leur caractère
et leur importance. Elle étabht deux catégories : écoles
primaires élémentaires, écoles primaires supérieures;
supprimées par la loi du 15 mars 1850, elles ont été réta-
blies et la loi du 30 oct. 1886 consacre cette division.
L'école primaire est soit publique, soit privée (ou libre), soit
gratuite, soit payante, soit confessionnelle, soit laïque ou
mixte quant au culte, soit spéciale aux garçons ou aux
filles, soit mixte quant aux sexes.
L'organisation générale de nos écoles primaires de toute
nature sera étudiée à l'art. Enseignement primaire où l'on
trouvera aussi les faits relatifs à l'histoire de l'instruction
publique, à la liberté de l'enseignement; quant à la question
de l'école confessionnelle, elle sera exposée dans l'art. Laïcité.
Etranger. — En Allemagne, l'école primaire s'appelle
généralement école populaire [Volksschule) , Il y en a de
deux ou de trois degrés. Dans le duché de Bade, il y a :
l'' des écoles populaires simples (seize heures par semaine);
2'' des écoles populaires à temps plus développé (vingt-
six à trente heures par semaine) ; les deux sexes y sont
ordinairement réunis ; 3^ des écoles populaires développées
ou supérieures. En Bavière, il n'y a qu'une catégorie qua-
lifiée école des jours ouvrables ( Werkstagsschule) ;
immédiatement au-dessus sont les étabhssements d'ensei-
gnement secondaire. En liesse, il y a des écoles populaires
élémentaires et supérieures. En Prusse, l'école primaire ou
populaire comporte trois degrés correspondant à l'instruc-
tion des élèves. Elle peut avoir jusqu'à six classes et, dans
ce cas, les plus hautes empiètent sur le programme des
écoles moyennes (V. plus loin). La Saxe a une organisa-
tion analogue : écoles populaires simples, moyennes, supé-
rieures. Le Wurtteinberg n'a qu'une catégorie d'écoles popu-
laires et ce sont les écoles moyennes qui dispensent notre
enseignement primaire supérieur.
En Autriche, on distingue l'école po])ulaire élémentaire
de l'école bourgeoise (ensignement primaire supérieur).
On peut fusionner les deux si l'école primaire a huit classes,
La séparation des sexes est ordonnée pour les écoles bour-
geoises (Burgerschiileri) ou les classes correspondantes.—
En Hongrie, l'école élémentaire ou inférieure comprend un
cours de six années ; l'école supérieure, un cours de trois
années (deux pour les filles). Les sexes sont séparés.
En Belgique, il n'y a qu'une catégorie d'écoles primaires;
elles sont dites écoles communales; les petites sont mixtes
quant au sexe. L'enseignement primaire supérieur se donne
à V école moyenne (V. plus loin).
En Danemark, les écoles ont un programme plus développé,
selon qu'elles sont rurales, urbaines ou de la capitale.
En Espagne, on distingue les écoles primaires élémen-
taires incomplètes (niixtcs quant au sexe), complètes, les
écoles primaires supérieures (chefs-lieux de province et
villes de 10,000_hab.).
Aux Etats-Unis, on distingue les écoles primaires ou
élémentaires (elementary ou primary schools, les écoles
ÉCOLE
— 372 —
intermédiaires (iniermediate schools), les écoles primaires
supérieures ou grammar schools, enfin les hautes écoles
Ihighschools),
Dans la Gvdinde-BreiSigne.V Eleme7îtary Education A et
de 4870 établit qu'une école élémentaire publique doit
donner l'enseignemement élémentaire moyennant une rétri-
bution de 9 pence par semaine (au maximum), être neutre
au point de vue religieux, se soumettre à l'inspection offi-
cielle et aux règlements. Il doit y avoir au moins quatre
cents leçons ou séances scolaires par an. — En Ecosse,
outre les écoles publiques de paroisse ou de bourg, il y
en a d'un degré supérieur qui se rapprochent de l'ensei-
gnement moyen ou secondaire. — En Irlande, l'école pri-
maire publique est dite nationale; ouverte cinq jours par
semaine, sans caractère confessionnel, elle est nommée à
l'inspection officielle. Il y a de plus des écoles primaires
agricoles, des écoles nationales à section industrielle, des
écoles nationales de travail, des écoles nationales annexées
à des couvents, enfin des écoles du soir ; mais pas d'éta-
blissements d'enseignement primaire supérieur.
En Grèce, la loi de 1834 a établi des écoles populaires.
En Italie, la loi du 13 nov. 1859 divise les écoles pri-
maires en inférieures et supérieures; mais le cours total
d'études n'est que de cinq ans et la faiblesse des programmes
oblige à dire qu'il n'y a là que deux moments d'un ensei-
gnement élémentaire ; les sexes sont séparés.
En Portugal, il y a des écoles primaires élémentaires et
supérieures ou complémentaires.
En Russie, on distingue les écoles primaires élémentaires
rurales (du gouvernement, paroissiales, orthodoxes, luthé-
riennes) et urbaines; les classes supérieures de celles-ci
donnent l'enseignement primaire supérieur.
En Suède, on distingue les écoles préparatoires (petites
écoles), les écoles primaires et les écoles primaires supé-
rieures.
En Suisse, sauf quelques cantons (Valais, Uri, etc.),
il y a partout des écoles primaires de deux degrés, élémen-
taire et supérieur. Dans plusieurs cantons, celles où se donne
l'enseignement primaire supérieur sont qualifiées écoles
secondaires.
Pour l'étude d'ensemble et l'historique, V. Enseignement.
Ecoles ambulatoires. — On appelle écoles ambula-
toires celles qui sont desservies par des instituteurs ambu-
lants, lesquels se transportent tour à tour dans les différents
centres scolaires dont chacun serait isolément insuffisant
pour avoir une école à lui particulière. Ce système a fonc-
tionné jadis en France dans la région alpestre, d'où les
instituteurs émigraient pendant l'hiver ; maintenant encore
en Corse l'été, quand la population des villages menacés
par la malaria émigré, l'école et l'instituteur se déplacent
aussi. Mais les écoles ambulatoires sont officiellement
organisées à l'étranger. — En Norvège, la loi du 1 6 mai 1 860
stipule que, dans les localités où la population est trop dis-
séminée, on pourra établir une école ambulatoire ; l'insti-
tuteur se transporte successivement sur différents points
de sa circonscription et y réunit les groupes d'élèves
durant quelques semaines. De même en Danemark, dans
lespays de landes, un instituteur ambulant (Omgangslœrer)
peut être chargé de plusieurs hameaux où il se rend alter-
nativement, étant logé et nourri par les habitants. En
Prusse, on a eu des écoles âmhuhtokes (Wandcrschuk),
mais on ne les accepte pas comme équivalant à une autre
et on s'est attaché à les faire disparaître. En Hongrie,^ on
les accepte dans les districts ruraux (loi du 5 déc. 1868).
Eu Espagne, pendant la saison hivernale, ne pouvant pas
déplacer les enfants à cause de l'état des routes, on fait
venir l'instituteur qui s'installe successivement dans cha-
cun des groupes de fermes et y enseigne pendant quelques
semaines, logé, nourri et payé par les habitants.
Ecoles de hameau. — Les écoles de hameau telles
que les a instituées la loi du 20 mars 1883 sont obliga-
toirement établies dans les petits centres de population
éloignés du chef-lieu de la commune ou distants les uns
des autres de 3 kil. Une autre condition exigée par la
loi pour l'établissement de ces écoles, c'est qu'elles réu-
nissent un efiectif d'au moins 20 enfants d'âge scolaire,
c.-à-d. âgés de six à treize ans. Les écoles de hameau
rendent d'incontestables services, puisqu'elles permettent
de faire pénétrer l'instruction jusque dans les coins les
plus reculés du territoire. D'après les relevés les plus
récents, ces écoles étaient au nombre de 7,387 et étaient
fréquentées par 305,131 enfants.
Ecoles de manufactures. — Un grand nombre
d'industriels ont organisé dans leurs manufactures des
écoles ou des cours destinés à donner aux apprentis une
instruction primaire. C'est à cet effet qu'on a créé en
Angleterre les écoles de demi-temps (V. ce mot). En
France, l'Etat favorise ces organisations dues à l'initiative
privée. La loi du 19 mai 1874 sur le travail des enfants
dans les manufactures décide que nul enfant ayant moins
de douze ans révolus ne peut être employé par un patron
qu'autant que ses parents ou tuteur justifient qu'il fré-
quente actuellement une école publique ou privée. Tout
enfant admis avant douze ans dans un atelier devra jusqu'à
cet âge suivre les classes d'une école pendant le temps
hbre du travail. Il devra recevoir l'instruction pendant
deux heures au moins par jour, si une école est attachée
à l'étaWissement industriel. La fréquentation de l'école est
constatée au moyen d'une feuille de présence dressée par
l'instituteur et remise chaque semaine au patron. — En
Angleterre, les exigences sont plus grandes. Le système
du demi-temps, adopté dès 1802, sur l'initiative de sir Ro-
bert Peel, consiste à partager le temps des enfants ouvriers
entre l'école et l'atelier. Il a été réglé par le Factory Act
de 1 844 ; si l'enfant est employé de deux jours l'un à l'usine,
il doit l'autre jour travailler cinq heures à l'école ; s'il est
employé quotidiennement, il doit avoir chaque jour au
moins trois heures de classe. Les jeunes garçons employés
dans les mines doivent jusqu'à douze ans recevoir dix heures
de leçons par semaine. L'obligation scolaire n'est atténuée
par le demi-temps qu'à partir de dix ans, et encore faut-il
que les enfants de dix à douze ans justifient d'un mini-
mum d'instruction, qu'ils aient passé l'examen du qua-
trième degré.
Ecoles de réforme. -- On désigne sous ce nom, à
l'étranger, particulièrement en Belgique, les étabhssements
où l'on place les mineurs âgés de moins de seize ans qui
ont été mis en jugement pour un délit et acquittés comme
avant agi sans discernement. Les écoles de réforme répon-
dent donc à nos colonies pénitentiaires (V. Jeunes détenus).
— En Belgique, il existe deux écoles de réforme, créées
par la loi du 3 avr. 1848 : celle de Uuysselede pour les
garçons, celle de Beernem })Our les filles. Ces écoles
recueillent aussi les enfants abandonnés. On les forme aux
travaux de l'agriculture ou à divers métiers (menuiserie,
forge, cordonnerie, vannerie, tissage, Hngerie, blanchis-
sage, dentelle, etc.). — En Angleterre, les reformatory
schools datent de 1788; la première, qui est encore la
plus importante, se trouve actuellement à Redhill(Surrey).
Un acte du Parlement de 1854 à réglé l'organisation de
ces écoles. Des actes de 1866 et 1876 ont établi des
industrial schools qui ont le caractère d'externats. —
En Allemagne, les nettungsanstalien ou Besserungsan-
staltcn les plus réputées sont celles de Beuggen (près de
Bade) créée en 1816 par Christian-Heinrich Zeller,^et de
Rauhe Haus (près de Hambourg) créée en 1833 par
J.-H. Wichern. Cette dernière servit de modèle à Mettray .
Ecoles industrielles. — Le nom d'écoles industrielles
désigne à l'étranger des établissements scolaires de plusieurs
catégories. En Belgique, ce sont des écoles où ks jeunes
gens âgés de quatorze ans au moins reçoivent l'enseigne-
ment du dessin et de ses applications à l'industrie, des
éléments des sciences, de la comptabilité. Ce sont des écoles
communales, mais avec subvention de l'Etat et de la pro-
vince. Le cours d'études varie de deux à quatre ans. -j- En
Suisse (Neuchâtel), l'école industrielle correspond à l'école
-^ 373 -
ÉCOLE
réelle {Realschulé) des Allemands. — En Angleterre, Vin-
dus trial school est une espèce de maison de correction ou
école de réforme (V. ci-dessus).
Ecoles mixtes. — Les écoles mixtes sont les écoles
ouvertes aux enfants des deux sexes. Elles existent dans
toutes les petites communes dont la population n'est pas
assez nombreuse pour qu'il y ait lieu d'ouvrir deux écoles,
une école pour les garçons, une école pour les filles. La
loi de 1886 édicté que l'enseignement dans les écoles
mixtes sera confié à des institutrices; mais le conseil
départemental a le droit, à titre provisoire, de charger des
instituteurs de cette direction, à condition qu'il leur soit
adjoint une maltresse de couture. En fait, la plupart des
écoles mixtes sont encore aux mains des instituteurs. Sur
48,363 écoles mixtes, en 4887, 5,26^ seulement étaient
dirigées par des institutrices. En 4865, M. Jules Simon
disait dans son livre VEcole : « Dans beaucoup de villages,
l'essai de l'institutrice a été tenté : on n'a réussi qu'à
remplacer l'école de garçons par une école de filles : les
garçons ont été retirés par leurs parents. Le peu de capa-
cité de la plupart des institutrices explique ce résultat. »
Ce préjugé n'est plus aujourd'hui qu'un anachronisme, si
l'on considère les progrès considérables accomplis, grâce
aux écoles normales, dans l'éducation pédagogique des
institutrices ; mais le préjugé n'en subsiste pas moins, en-
couragé d'ailleurs par les préférences des maires des com-
munes rurales, qui, dans leur préoccupation de trouver un
secrétaire de mairie, aiment mieux avoir un instituteur
qu'une institutrice (V. Coéducation).
Il sera traité des écoles mixtes quant au culte, en même
temps que des écoles confessionnelles (V. Laïcité).
Ecoles ménagères. — On a fondé des écoles inter-
médiaires entre l'école primaire et l'école professionnelle
par la nature de leur enseignement ; elles sont appelées
é'coles ménagères; leur objet est d'enseigner aux jeunes
filles tout ce qui est essentiel pour la tenue d'un ménage et
particulièrement la couture, la coupe et la confection, le
repassage, etc. Il s'agit donc bien d'un enseignement géné-
ral ne visant pas la préparation à une profession spéciale.
On cite, en France, celle de Reims (4873), de Rouen, du
Havre. — En Wurttemberg, on a organisé des écoles ména-
gères fonctionnant l'hiver dans les communes rurales. —
Les écoles de cuisine (V. plus bas) ont, dans une cer-
taine mesure, le même caractère, bien que leur enseigne-
ment soit plus spécial (V. aussi l'art. Economie domestique).
Ecoles méridiennes. — Ecoles primaires qui ne
reçoivent leurs élèves qu'à partir de midi (V. Demi-temps
et le § Ecoles de manufactures).
Ecoles modèles protestantes. —Les écoles modèles
protestantes ont été créées, conformément à l'ordonnance
du 46 juil. 4833, à Dieulefit(Drôme), Montbéliard (Doubs)
et Mens (Isère), pour former des instituteurs destinés aux
écoles primaires confessionnelles (V. Laïcité).
Ecoles moyennes. — On désigne sous le nom d'écoles
moyennes en Relgique et en Allemagne (Mittelschulen)
des établissements intermédiaires entre l'école primaire
et les institutions d'enseignement secondaire, athénées ou
gymnases. C'est donc quelque chose d'analogue à nos
écoles primaires supérieures. -— En Belgique, où elles sont
régulièrement organisées, les écoles moyennes comportent
un cours d'études de trois années. — En Autriche, au
contraire, l'école moyenne est un établissement d'ensei-
gnement secondaire, ce qu'on appelle en Allemagne Mit-
telschule étant ici dénommé Bilrgerschule.
Ecoles temporaires. — En 4850, l'on décida, au
conseil supérieur de l'instruction publique, que le ministre
pouvait, sur la demande du conseil municipal et appro-
bation du conseil départemental, autoriser l'ouverture
d'écoles temporaires ; elles répondaient à peu près aux
mêmes besoins que les écoles de hameau,
Ecoles primaires supérieures. — Instituées par la loi
Guizot, en 4833, les écoles primaires supérieures devaient
être établies dans chaque chef-lieu de département et dans
toutes les villes ayant au moins 6,000 hab., et bien
que les prescriptions du législateur n'eussent pas reçu une
complète exécution, ces écoles étaient en nombre assez consi-
dérable en 4850. Mais la loi de réaction du 45 mars 4850,
leur ôtant par là tout caractère légal, omit de les mentionner
parmi les établissements d'enseignement primaire, et leur
nombre diminua peu à peu. C'est seulement en 4878 que
la troisième République inscrivit un crédit de 100,000 fr.
au budget de l'instruction publique pour subventionner les
écoles primaires supérieures. Ce crédit n'a cessé depuis
lors d'être augmenté, et il est pour le budget de 4892 de
2,643,600 fr. Le nombre des écoles de cet ordre qui
n'était que d'une quarantaine en 4878 s'est élevé en 4890
à 280, dont 203 de garçons et 77 de filles. La loi orga-
nique du 30 oct. 4880 les a enfin consacrées en les énumé-
rant parmi les établissements d'instruction primaire. Leurs
programmes, leur régime intérieur, leur organisation, en
un mot, ont été réglés par les décrets et arrêtés du
48 janv. 4887. Enfin la loi du 19 juil. 4889 (art. 5) a modifié
les conditions qui leur donnaient droit à une subvention
de l'Etat en stipulant qu'elles cesseraient d'être entrete-
nues, si leur effectif, pendant trois années consécutives,
s'était abaissé au-dessous de 45 élèves par année d'étude.
Rappelons d'ailleurs que l'enseignement primaire supé-
rieur est donné aussi dans ce qu'on appelle les cours
complémentaires^ qui se distinguent des écoles primaires
supérieures en ce qu'ils n'ont pas une existence indépen-
dante, étant annexés à une école primaire élémentaire et
placés sous la même direction que cette école. En outre,
dans les cours complémentaires, la durée des études est de
deux ans au maximum : elle est de deux ans au minimum
dans les écoles primaires supérieures, qui sont dites « de
plein exercice » quand elles comprennent trois années ou
un plus grand nombre. En 4890, on comptait 468 cours
complémentaires dont 334 de garçons et 434 de filles.
Le programme d'enseignement des écoles primaires
supérieures tel qu'il a été réglé par le décret organique
de 4887 comprend, outre la revision approfondie des ma-
tières étudiées à l'école primaire, les matières suivantes :
l'arithmétique appliquée; les éléments du calcul algé-
brique et de la géométrie ; les règles de la comptabilité
usuelle et de la tenue des livres ; les notions de sciences
physiques et naturelles applicables à l'agriculture, à l'in-
dustrie et à l'hygiène ; le dessin géométrique, le dessin
d'ornement et le modelage ; les notions de droit usuel et
d'économie politique ; les notions d'histoire de la littéra-
ture française ; les principales époques de l'histoire géné-
rale et spécialement des temps modernes ; la géographie
industrielle et commerciale; les langues vivantes; le tra-
vail du bois et du fer, pour les garçons; le travail à
l'aiguille, la coupe et l'assemblage, pour les filles.
La prospérité des écoles primaires supérieures est établie
d'une façon éclatante par les dernières statistiques. En
4884, elles ne comptaient (en y comprenant les cours
complémentaires) que 28,882 élèves; en 4890, elles en
ont eu 40,572. Sur 42,943 élèves sortis en 4890 des
écoles primaires supérieures, 2,452 sont entrés dans le
commerce, 3,795 dans l'industrie, 4,446 dans l'agricul-
ture, soit une proportion de 60 °/o environ. Les ^autres
ou bien ont continué leurs études dans divers étabhsse-
ments, ou bien sont rentrés dans leurs familles, ou enfin
ont été pourvus d'emplois dans différentes administrations.
On voit donc que les écoles primaires supérieures répondent
déjà à leur vraie destination qui est de préparer de bons
sujets pour le commerce et l'industrie. Leur caractère
professionnel ne fera très vraisemblablement que s'accen-
tuer davantage dans l'avenir. Actuellement, les écoles dont
nous parlons forment deux catégories : les unes sont sou-
mises au régime de la loi du 44 déc. 1880, les autres
non. Les premières qu'on appelle écoles manuelles d'ap-
prentissage relèvent à la fois du ministère de l'instruc-
tion publique et du ministère du commerce et de l'indus-
trie : elles sont au nombre de 48; les autres, le plus
ECOLE
— 374 —
grand nombre, soit 748 écoles ou cours complémentaires,
ne dépendent que du ministère de l'instruction publique.
Mais il est peu probable qu'on en reste là. Des projets
sont en préparation qui auront pour résultat d'établir un
nouveau classement des écoles primaires supérieures : on
ne se contenterait pas d'accroître le nombre de celles qui
seraient attribuées au ministère du commerce : on en met-
trait quelques-unes sous la direction du ministère de
l'agriculture. En instituant ces diverses catégories, ratta-
chées aux ministères compétents, on déterminera mieux
encore le caractère pratique de l'enseignement primaire
supérieur qui ne doit pas être simplement un développe-
ment, un degré plus élevé de l'enseignement primaire
élémentaire, mais qui, pour remplir vraiment sa mission,
doit être de plus en plus une préparation aux professions
techniques, Ga])riel Compayré,
Ecoles normales d'instituteurs et d'institu-
trices. — Quoique de tout temps les éducateurs de l'en-
fance aient paru comprendre l'importance de séminaires
pédagogiques oti seraient formés les instituteurs du peuple,
c'est la Convention qui, la première, a essayé de fonder
en France des écoles normales. Lakanal , dans son rap-
port du 2 brumaire an III, exposait avec netteté la
raison d'être de ces établissements : « En décrétant les
écoles normales les premières, vous avez voulu, disait-il
à ses collègues, créer à l'avance un très grand nombre
d'instituteurs, capables d'être les exécuteurs d'un plan qui
a pour but la régénération de l'entendement humain dans
une République de 2o millions d'hommes que la démo-
cratie rend tous égaux. » Le 9 brumaire an III, la Con-
vention vota les propositions de Lakanal, et, quelques mois
après, le l^"" pluviôse an III, s'ouvrit, avec 4,400 jeunes
gens, appelés de toutes les parties du territoire, l'Ecole
normale de Paris. Mais l'essai, qui ne dura que quelques
mois, ne répondit pas aux espérances de ses promoteurs.
On ne donna pas suite à l'idée d'installer des écoles nor-
males en province. Il n'en est pas moins vrai que l'exemple
avait été donné ; le principe avait reçu un commencement
d'exécution; enfin le nom était trouvé. « Ecoles normales^
disait Lakanal, parce que ces écoles doivent être le type et
la règle de toutes les autres. » Le premier Empire, qui se
montra si indifférent pour les choses de l'enseignement
primaire, ne songea plus aux écoles normales. Ce fut seu-
lement pendant les Cent-Jours qu'un décret rendu sous
l'inspiration de Carnot établit qu'il serait ouvert à Pans
une école d'essai d'éducation primaire, organisée de ma-
nière à devenir une école normale. Cette école ne fut pas
créée, et la première école normale primaire qu'ait possédée
notre pays est celle qui s'était ouverte à Strasbourg en
1810. Les progrès rapides de l'enseignement primaire en
Alsace ont été dus en partie à cette heureuse initiative.
La Restauration, comme l'Empire, se montra peu favo-
rable aux écoles normales, et cependant le dép. de la
Meurthe et celui de la Moselle en créèrent 2 en 1820.
15 autres écoles furent fondées en 1830, 1831, 1832. Un
règlement intervint en 1832, et, rattachant au pouvoir
central les écoles déjà existantes, il transforma en éta-
Missements d'Etat les écoles normales qui, jusque-là,
avaient été exclusivement départementales. Mais c'est sur-
tout la loi Guizot qui, en 1833, organisa les écoles nor-
males, et l'article 2 disait : « Tout département sera tenu
d'entretenir une école normale soit par lui-même, soit en
se réunissant à un ou plusieurs départements voisins. »
En 1836, la France compta 74 écoles normales d'institu-
teurs. La loi du 15 mars 1850 tendait à humilier les écoles
normales que le parti clérical voyait prospérer avec mé-
fiance, mais elle ne les supprima point. Plusieurs départe-
ments même en ouvrirent de nouvelles. Mais elles durent
attendre la troisième République pour retrouver les sym-
pathies des pouvoirs pubhcs. Rappelons d'abord que la loi
du 9 août 1879 a rendu obligatoire pour chaque départe-
ment l'établissement d'une école normale d'instituteurs,
et, ce qui était tout à fait nouveau, d'une école normale
d'institutrices. Jusque-là il n'existait guère que des cours
normaux, dirigés pour la plupart par des communautés
rehgieuses. Ce n'est pas une des moindres œuvres de la
République actuelle que d'avoir fait apparaître en douze ans,
sur toutes les parties du territoire , plus de 80 écoles
normales de fdles. Après la loi de 1879, nous avons eu
celle du 16 juin 1881, qui établit la gratuité dans les
écoles normales, comme dans tous les établissements d'en-
seignement primaire, et celle du 19 juil, 1889 qui déter-
mine les traitements des fonctionnaires. Nous rappellerons
aussi les décret et arrêté organiques du 18 janv.1887 qui
règlent l'organisation des écoles normales, le décret du
9 janv. 1883 qui y supprime les aumôniers, l'arrêté du
10 janv. 1889 qui, revisant les règlements de 1881,
fixe définitivement les programmes, enfin les circulaires
des 21 oct. 1880, 7 févr. 1884 et 10 mars 1887 rela-
tives à la discipline intérieure. De tous ces textes qui sont
entre toutes les mains, nous allons extraire les dispositions
les plus importantes.
Les écoles normales, qui étaient autrefois presque exclu-
sivement des établissements départementaux, sont aujour-
d'hui « des étabUssements publics ». Elles relevaient
autrefois du préfet; elles sont depuis 1881 placées sous
l'autorité du recteur. Les élèves s'y préparent au brevet
supérieur. Les aspirants doivent avoir seize ans au moins,
dix-huit ans au plus, sauf dispense. Le brevet élémen-
taire est exigé des candidats, qui doivent en outre s'en-
gager à servir pendant dix ans dans l'enseignement pri-
maire. Le cours d'études est de trois ans. Le personnel
enseignant se compose de professeurs titulaires pourvus
d'un certificat d'aptitude, de délégués, qui sont progressi-
vement remplacés par des professeurs titulaires, enfin de
maîtres étrangers, empruntés généralement aux étabhsse-
ments d'enseignement secondaire et chargés de l'ensei-
gnement des langues vivantes, du chant, etc. Les direc-
teurs doivent être en possession d'un diplôme spécial, le
certificat d'aptitude à la direction des écoles normales.
Dans les écoles de plus de 60 élèves, il y a, outre le
directeur, un économe spécial ; dans les autres, c'est un
professeur qui est chargé du service de l'économat. Une
école d'application, dite école annexe, est jointe à l'école
normale, et les élèves-maîtres vont s'y exercer à la pra-
tique de l'enseignement. Le régime de l'école est l'internat.
On a pourtant expérimenté l'externat en quelques endroits,
à Mâcon, par exemple, où les élèves ont été mis en pen-
sion dans des familles de la ville. Mais le résultat de cet
essai a été d'étabKr que les élèves externes travaillaient
moins, qu'ils avaient moins de succès aux examens du
brevet supérieur, et, en outre, que le régime de l'externat
est presque deux fois plus coûteux que celui de l'internat.
Les programmes très larges et très étendus comprennent,
outre les sciences mathématiques et naturelles, l'histoire et
l'instruction civique, l'étude de la langue et de la littéra-
ture françaises, une langue vivante, l'allemand ou l'anglais,
la psychologie, la morale et la pédagogie, et, en outre, des
exercices du travail manuel, le dessin, etc. Le cours des
études est de trois années. Le régime de l'internat a été
fort adouci dans ces dernières années. On a supprimé
les emplois de surveillants. Rien ne rappelle plus dans les
écoles normales d'aujourd'hui l'ancien régime de silence
perpétuel, de discipline mécanique et de contrainte exté-
rieure. On a voulu faire appel à la responsabiUté person-
nelle des élèves, les habituer à se gouverner eux-mêmes,
et il semble, d'après les résultats de l'expérience, qu'on
ait eu raison. Avec plus de liberté, les écoles normales
ont maintenu le même ordre et la même assiduité au
travail. En 1886-87, tous les départements de France et
d'xAlgérie, à l'exception do celui d'Oran, avaient une école
normale d'instituteurs. En 1890, les dép. du Gers et
des Hautes-Pyrénées, profitant de la disposition légale qui
autorise deux départements voisins à s'unir pour entretenir
à frais communs leurs écoles normales, ont fusionné :
l'école normale d'instituteurs est maintenant établie à Auch,
- 375 —
ECOLE
celle des institutrices à Tarbes. Mais il est peu probable
que, malgré les encouragements de l'administration, beau-
coup de départements se décident à sacrifier leurs écoles
normales propres, construites à grands frais et répondant
d'ailleurs à des besoins départementaux. En 4886-87, il
y avait 81 écoles normales d'institutrices. Mais, depuis
cette époque, les départements retardataires ont ouvert
aussi leur école normale de filles ; et sauf une ou deux
fusions opérées, on peut dire que chaque circonscription
départementale a maintenant son école d'institutrices. Le
nombre des élèves -maîtres et des élèves -maîtresses qui
était, en 4887, de 5,443 et de 3,544, a été sensible-
ment réduit, au moins en ce qui concerne les instituteurs,
non pas seulement par mesure d'économie, mais parce que
le ralentissement inévitable des créations nouvelles d'écoles
et d'emplois laisse moins de disponibilité pour le place-
ment des instituteurs débutants : il n'est plus en 4892
que de 4,056 élèves-maîtres, soit une diminution dejrès
de 4,500. Si le nombre des élèves-maîtresses est de 3,552,
c.-à-d. supérieur de huit unités au chiffre de 4,887, cela
tient à l'ouverture de plusieurs nouvelles écoles d'institu-
trices. Ajoutons enfin que les écoles normales sont actuelle-
ment inscrites au budget de l'instruction publique pour
une somme de 9,356,975 fr. Gabriel Compayré.
Etranger, — Allemagne. L'instruction professionnelle
des instituteurs et institutrices leur est donnée en Alle-
magne dans des séminaires^ quelquefois appelés établis-
sements pour la formation des m^\lvQ?>{Lehrerbildungsan-
stalten). Les premiers furent fondés à la fin du xvii® siècle.
Le duc Frédéric II de Saxe-Cobourg-Gotha en eut l'ini-
tiative ; Francke, dans son Pœdagogium de Halle, créa une
classe pour la préparation des instituteurs. Son disciple
Schienmettin adjoignit en 4732 un séminaire d'instituteurs
à son orphelinat de Stettin. En 4748, fut créé par Hecker
celui de Berlin que le gouvernement prussien subventionna
à partir de 4 753 et qui recruta les instituteurs brande-
bourgeois; il existe encore à Kœpenick. Le mouvement
piétiste qui avait inspiré Francke et Hecker provoqua de
nombreuses créations de séminaires analogues pendant la
seconde moitié du xvin^ siècle; de 4781 à 4800, il en naît
25, dont le plus célèbre fut celui de Dresde (dans la Fried-
richstadt). Les progrès furent non moins rapides dans la
période suivante. En 4826, il y avait en Prusse 27 sémi-
naires d'instituteurs, dont 45 protestants, 6 cathohques et
6 mixtes; ils comptaient 4,500 élèves internes; le cours
d'études était de deux ans, rarement trois ; à chacun était
annexé une école d'application. De 4826 à 4848, on crée
en Allemagne 48 séminaires dont 9 en Prusse; de 4848 à
4870, 32 dont 21 en Prusse. Fait remarquable, il n'était
pas question jusque-là de séminaires d'institutrices ; la fon-
dation de ceux-ci est toute récente et il n'y en a qu'un
très petit nombre. — En Bavière, il y a deux catégories
d'établissements pour la formation des instituteurs : les
écoles préparatoires et les séminaires; le cours d'études
est de cinq années, dont deux dans le séminaire. Il a été
créé 3 séminaires d'institutrices. Les études durent six
années dont quatre en cours préparatoire et deux au sémi-
naire. — En Prusse, les candidats passent par l'école pré-
paratoire qui est un externat avant d'entrer au séminaire.
Celui-ci comporte trois années d'études ; voici le programme
et le plan d'études :
Matières obligatoires.
Pédagogie
Religion
Langue allemande
Histoire
Calcul.,
Géométrie
Sciences naturelles et phy-
siques
A reporter.. .
HEURES PAR SEMAINE
0 année 2° anueo 3° ann
2
4
2
3
2
4
"22^
2
4
5
2
3
2
4
"22"
2
72"
Matières obligatoires.
Report
Géographie
Dessin
l^criture
Gymnastique
Musique et chant
Matières facultatives.
Français, anglais ou latin. 3 3 2
Il y a, de plus, des exercices pratiques d'agriculture. La
troisième année est moins chargée, parce que les élèves-
maîtres sont alors occupés à donner un enseignement à
l'école d'application, où ils se mettent au courant sous la
direction des maîtres du séminaire et de l'instituteur spé-
cial de l'école annexe. La Prusse avait, en 4882, 444 sé-
minaires comptant 9,955 élèves. Elle avait seulement
9 séminaires d'institutrices. — En Saxe, on comptait
46 séminaires d'instituteurs et 2 d'institutrices. En somme,
dans toute l'Allemagne, il y avait, en déc. 4884, 464 sé-
minaires d'instituteurs et 24 d'institutrices. De plus,
75 écoles préparatoires (dont 4 pour les femmes).
Angleterre. En Angleterre, les écoles normales d'insti-
tuteurs et d'institutrices sont appelées training collèges.
Elles sont toutes la création d'associations privées ou de
particuliers, mais l'Etat les subventionne et les surveille.
On en comptait 42 en 4884. Toutes possèdent une école
d'application. Les premières furent fondées par les asso-
ciations British an Foreign school Society et National
Society; h première, qui professe la neutralité confes-
sionnelle, en possède 6, la seconde, 4; l'Eglise anglicane
en a 25, les wesleyens 2, les congrégationahstes 4, les
catholiques 3. Le nombre des maîtres est de 338, celui
des élèves de 3,244, dont 3,499 boursiers (en 4883-84).
Depuis, on a ouvert à Liverpool un quarante-deuxième
training college,^ sans couleur religieuse, et le mouve-
ment vers la laïcisation est très marqué. Chaque année,
a lieu l'examen d'admission à chaque training collège.
Le cours moyen d'études est de deux années. 2 écoles
normales admettent des élèves-maîtres des deux sexes ;
des autres, 23 sont réservées aux femmes et 46 aux
hommes. En Ecosse, il y a 4 training collèges mixtes
quant au sexe et 3 réservés aux institutrices. Tous sont
entretenus par l'Eglise d'Ecosse, l'Eglise libre ou l'Eghse
épiscopale. — En Irlande, il n'y eut, jusqu'en 4883, qu'une
école normale {the Institution) ; entretenue par l'Etat,
c'était un internat comptant 400 élèves-maîtres et 75 élèves-
maîtresses. 3 autres ont été créés en 4883 et 4884, dont
2 catholiques; mais encore maintenant la majorité des
instituteurs se forment par l'apprentissage direct en servant
de moniteurs à leurs collègues en exercice.
Argentine {République). Il y avait, en 4882, 9 écoles
normales d'instituteurs et 6 d'institutrices, ayant respec-
tivement 306 et 335 élèves.
Autriche-Hongrie. En Autriche, la première école nor-
male fut créée par Mesmer en 4770, sous le nom de Nor-
malschule. On apphqua la méthode d'enseignement mé-
canique de l'abbé de Sagan. En 4780, il y avait 45 écoles
normales. Le code scolaire de 4805 fixe à trois mois la
durée des cours pédagogiques pour les aspirants institu-
teurs des écoles élémentaires, à six mois pour ceux qui
se destinent aux écoles principales. Sous le ministère
Hasner (4867-70) a lieu la réforme scolaire. En 4869, on
organise de véritables écoles normales : âge d'admission,
quinze ans ; durée des études, quatre années. Il y en avait
42 pour les instituteurs, et, sur ce nombre, 24 allemandes
(dont 2 mixtes), 7 tchèques, è polonaises, 3 polonaises et
ruthènes, 2 Slovènes (mixtes), 2 italiennes (4 mixte),
2 croates (4 mixte). Des 24 écoles normales d'institutrices,
40 allemandes (dont 2 mixtes), 4 tchèques (4 mixte),
4 polonaise, 3 italiennes (4 mixte), 4 Slovène (mixte).
ECOLE
— 376 —
1 croate. -— En Hongrie, l'organisation est analogue, mais
des 70 écoles normales, 24 seulement appartiennent à
l'Etat ; les autres sont confessionnelles (catholiques 23,
catholiques grecques 4, grecques orientales 4, calvinistes 4,
luthériennes 40, Israélite 1). On y comptait 3,988 élèves,
dont i,025 femmes, 2,291 boursiers.
Belgique. Les écoles normales de la Belgique sont, de-
puis l'origine du royaume, dans une situation instable,
tenant aux luttes des partis sur le terrain scolaire. En 1842,
on décida que les écoles normales privées seraient adoptées
par le gouvernement à côté des 2 siennes, à la condition
de se soumettre à l'inspection. Les écoles congréganistes
ou épiscopales bénéficièrent de ce régime. En 1879, on
leur retira ces avantages, et l'Etat, qui n'avait que 4 écoles
d'instituteurs et 1 d'institutrices, en ouvrit d'autres. Mais,
dès 1884, la réaction catholique rendit aux écoles privées
les subsides de l'Etat et réduisit le nombre des écoles pu-
bliques. Dans celles-ci, le régime est l'externat ou l'internat,
l'âge d'admission de seize à vingt-deux ans, la durée des
études de quatre années.
Brésil. Il existait, en 1884, 18 écoles normales pri-
maires relevant des autorités provinciales.
Bulgarie. On a créé, en 1881, 2 écoles normales pri-
maires (Vratsa, Choumla); en 1882, 1 autre à Kazanlik
(Roumélie-Orientale).
Canada. Il y a des écoles normales, confessionnelles ou
neutres, mixtes quant au sexe, dans les provinces de
Québec, d'Ontario, Nouvelle-Ecosse, Nouveau-Brunswick et
dans l'Ile du Prince-Edouard.
Chili. Il y avait, en 1881, 4 écoles normales.
Colombie. Chacun des neuf Etats ou provinces a son
école normale d'instituteurs et son école normale d'insti-
tutrices. Elles fonctionnent d'après la méthode allemande.
Danemark. Les séminaires d'instituteurs remontent à
1790 ; il y en a 5 avec 233 élèves; pas d'école normale
d'institutrices.
Egypte. On a fondé en 1881 une école normale d'ins-
tituteurs.
Espagne. Créées en 1838, les écoles normales devaient
être à raison d'une par province ; ce nombre fut réduit en
1849 à 9 écoles normales supérieures (internats), plus
l'école centrale de Madrid et 22 écoles normales élémen-
ts ur^ (externats). En 1857, on décida de nouveau qu'il y
iiaidu une école normale dans la capitale de chaque pro-
vince et qu'on en créerait pour former des institutrices.
En 1884, il y avait 47 écoles normales d'instituteurs dont
2 seulement avaient un cours d'études de quatre années,
6 de trois années, 39 de deux années. De plus, 29 écoles
normales d'institutrices dont 12 avaient un cours d'études
de trois ans, 16 de deux ans, 1 d'un an.
Etats-Unis. Les écoles normales (normal schools)
sont nombreuses ; en 1883, on en a recensé 233 avec
36,300 élèves sur le territoire de l'Union ; sur ce total,
97 étaient entretenues par les Etats (18,000 élèves),
22 par une ville ou un comté (3,300 élèves) et 114 par
des particuliers (15,000 élèves). La première fut ouverte
dans le Massachusetts à Lexington et dirigée par Cyrus
Peirce (V. ce nom). Le régime varie d'un établissement à
l'autre. L'école normale d'^Albany, la principale de l'Etat
de New-York, reçoit les élèves des deux sexes, à seize ans
(femmes) ou à dix-huit (hommes) . L'admission est prononcée
sur le vu d'un certificat d'études ou après examen. L'en-
seignement est gratuit; il dure deux années divisées cha-
cune en deux semestres d'études. — Malgré le nombre
des écoles normales et de leurs élèves, l'enseignement pri-
maire est si développé aux Etats-Unis qu'il a fallu, pour
recruter le personnel des petites écoles, organiser presque
partout des cours normaux ou des conférences pédagogiques
(teachers institutes).
Grèce. Il existe à Athènes une école normale d'institu-
teurs et une école normale d'histitutrices (Arsakeion).
Hollande. La première et longtemps la seule école nor-
male fut celle de Haarlem fondée en 1816 (externat,
quatre années d'études) . Après la loi âe 1857 on en eut 3;
en 1878, 7, outre des cours normaux municipaux ou
publics. Pour les institutrices, il n'y a que des écoles nor-
males libres et des cours.
Italie. Le règlement de 1883 a supprimé le nom d'écoles
magistrales, mais maintenu la chose, c.-à-d. les écoles
normales inférieures (deux ans d'études) à côté de celles du
degré supérieur (trois ans d'études). Les unes et les autres
ont un cours préparatoire de deux ans auquel on est admis
à treize ans (femmes) ou quatorze ans (hommes). On a créé
en 1 882 à Rome et à Elorence des écoles normales supé-
rieures d'institutrices [Istituti superiori femminili di
magistero) pour préparer celles qui se destinent à un en-
seignement plus élevé que celui de l'école primaire. On y
entre avec le brevet d'institutrice primaire et on y fait
quatre années d'études.
Japon. Les écoles normales primaires étaient en 1882
au nombre de 76. Leur enseignement comporte trois de-
grés différents. A chacune est annexée une école d'applica-
tion. A Tokio, l'Etat entretient 2 écoles normales modèles
pour les hommes et les femmes. Les autres sont entre-
tenues par les autorités locales.
Luxembourg. L'école normale fondée en 1817 est un
externat pour les jeunes gens, un internat congréganiste
pour les jeunes filles.
Norvège. Il existe à côté des séminaires des écoles
d'instituteurs annexées aux écoles primaires supérieures
rurales. D'un ordre un peu inférieur, les séminaires étaient
en 1881 au nombre de 6; les petites écoles normales au
nombre de 5; les premiers comptaient 423 élèves; les
autres 106.
Pérou. Il a été ouvert en 1876 et 1878 à Lima une
école normale pour chacun des deux sexes.
Portugal. On a décidé en 1878 la création de 2 écoles
normales modèles à Lisbonne et à Porto pour former
l'une des instituteurs, l'autre des institutrices. L'âge d'ad-
mission est de seize à vingt-cinq ans ; la durée des études
de trois années. Dans les autres districts administratifs,
on a créé des écoles normales de seconde classe (deux ans
d'études).
Roumanie. En 1882-1883, on a recensé dans les
8 écoles normales primaires 741 élèves.
Russie. Les instituts pédagogiques préparent les
maîtres des écoles urbaines et de district ; les séminaires
pédagogiques préparent ceux des écoles élémentaires. Les
premiers sont des internats où les études durent trois
années et renferment chacun au plus 75 élèves, dont
60 boursiers ; on y entre à seize ans. Les seconds sont des
externats où l'on entre à seize ans ; ils ont chacun 60 élèves
boursiers. La durée des études est de trois années. On
compte une dizaine d'instituts pédagogiques ; quant aux
séminaires pédagogiques, il y en avait, en 1883, 62 dont
49 entretenus par le gouvernement. Ils comptaient 4,423
élèves dont 620 femmes.
Serbie. Les instituteurs se forment aux séminaires de
Belgrade et de Nich, les institutrices à l'école supérieure
de Belgrade (section pédagogique).
Suède. Il y a 7 écoles normales primaires ou sémi-
naires d'instituteurs et 4 d'institutrices ; ce sont des ex-
ternats ; la durée des études est de quatre ans (trente-six
semaines par an). Il existe de plus 2 séminaires spéciaux
pour les écoles finnoises et les écoles laponnes.
Suisse. Les institutions pédagogiques sont très diffé-
rentes d'un canton à l'autre. Beaucoup n'ont pas d'école
normale, soit que les instituteurs fassent leurs études pro-
fessionnelles dans les gymnases, soit qu'ils se rendent dans
les séminaires d'un canton voisin. C'est le cas pour les
doubles cant. d'Ap[)enzell et de Bâle et d'Unterwald, pour
ceux de Glaris, d'Uri, de Schaffhouse. Le cant. de Berne
possède 4 écoles normales cantonales pour les institu-
teurs français et allemands, institutrices françaises et
allemandes. Le régime comporté l'internat, la gratuité, mais
pas de bourses, une école d'application, l'admission à
— 377 —
ECOLE
quinze ans ; il existe de plus des établissements privés. Le
cant. de Lucerne eut en 1799 la première école normale
de Suisse fondée par le directoire de la République hel-
vétique. Elle existe encore avec les règles suivantes : ex-
ternat, gratuité, bourses, admission à quinze ans, quatre
ans d'études. Les séminaires cantonaux d'instituteurs de
Soleure et de Schwytz sont des internats (admission à quinze
ou à seize ans, trois ans d'études) ; les séminaires d'ins-
titutrices des cant. de Schwytz et Zug sont dirigés par les
sœurs de la Sainte-Croix. Le séminaire cantonal d'institu-
teurs de Saint-Gall est mixte au point de vue religieux ;
c'est un internat où l'on entre à quinze ans, les études
durant trois années. Les Grisons ont à Coire un séminaire
cantonal d'instituteurs (internat, admission à treize ans,
quatre ans d'études); comme dans le précédent, la plupart
des élèves sont boursiers. Les séminaires cantonaux d'ins-
tituteurs d'Argovie et de Thurgovie (celui-ci organisé par
Wehrli), mixtes quant aux cultes, sont des internats où
l'on entre à quinze ans pour faire quatre ou trois années
d'études. Dans les écoles normales d'instituteurs et d'institu-
trices du Tessin,les études ne durent que deux ans ; elles sont
mixtes quant aux cultes. Les écoles normales du cant. de
Vaud sont protestantes ; pour les femmes comme pour les
hommes, le régime est l'externat ; on y est admis à seize
ans avec le titre d'élève-régent ou régente. Les premiers
font quatre ans d'étude, les secondes deux ans. Le cant.
du Valais a 4 écoles normales cantonales (instituteurs,
institutrices de langue française et allemande) ; elles sont
catholiques ; on y entre à quinze ans et les études durent
trois années, mais seulement deux à trois mois par an. A
Neuchàtel, l'école normale cantonale d'instituteurs et d'ins-
titutrices est laïque ; c'est un externat où l'on entre à seize
ans ; les études durent deux ans pour les hommes, un an
pour les femmes. Le cant. de Genève n'a pas d'école nor-
male, mais seulement une double section de pédagogie au
gymnase et une autre à l'école supérieure de filles. En
résumé, la Suisse possédait en 1885, 34 écoles normales
dont 25 cantonales, 1 municipale, 8 privées ; 21 étaient
réservées aux hommes, 12 aux femmes, 1 mixte. Au point
de vue confessionnel, 3 ne comportaient pas d'enseigne-
ment religieux, 14 étaient mixtes quant au culte, 8 pro-
testantes et 9 catholiques.
Uruguay. On a créé en 1877 une double école normale
à Montevideo. A. -M. B.
Ecoles stagiaires. — Les écoles stagiaires sont, aux
termes de la loi de 1850, les établissements publics ou
libres d'institution primaire autorisés par le conseil dé-
partemental pour recevoir des élèves-maîtres stagiaires.
Cette institution a disparu devant le développement des
écoles normales d'enseignement primaire. Les stagiaires
pensionnaires ou externes étaient confiés à l'instituteur sur
sa demande ; ils étaient surveillés par l'mspecteur primaire.
Ecole normale supérieure d'instituteurs. — Ins-
tallée en mars 1882 dans les dépendances de l'ancien palais
de Saint-Cloud. Dès l'année précédente (arrêté de M. Jules
Ferry du 9 mars 1881), le ministère de l'instruction pu-
blique avait décidé d'établir pour les écoles normales d'insti-
tuteurs une pépinière de professeurs analogue à celle qu'il
venait d'ouvrir à Fontenay- aux- Roses pour les écoles
normales d'institutrices. « Un premier essai de cours pré-
paratoires au professorat des écoles normales » avait eu
lieu du 1^^ avr. au 15 juil. 1881, à Sèvres, dans les
locaux occupés depuis par l'Ecole normale d'enseignement
secondaire des jeunes filles. 33 maîtres adjoints désignés
par les recteurs (21 pour les sciences, 12 pour les lettres),
avaient été reçus là aux frais de l'Etat et préparés pen-
dant trois mois au certificat d'aptitude au professorat,
où plus de la moitié avaient réussi du premier coup.
En renouvelant l'essai l'année suivante, on avait mis les
places au concours. La durée des études fut portée à un
an d'abord, puis à deux ans. C'est le 22 déc. 1882 que,
sur l'avis du conseil supérieur, fut pris par M. Duvaux,
ministre, l'arrêté qui consacrait l'Ecole normale supérieure
d'enseignement primaire de Saint-Cloud. Elle reçoit des
élèves internes et des élèves externes. Le nombre des in-
ternes, fixé chaque année par le ministre, est en moyenne
de 20 par promotion; celui des externes est variable. Les
internes seuls, étant tous boursiers, sont reçus au concours :
il faut être âgé de vingt et un ans au moins et de vingt-cinq
au plus, avoir deux ans de service dans l'enseignement
public, être pourvu soit du brevet supérieur, soit d'un bac-
calauréat, enfin prendre l'engagement décennal. Outre le
logement, la nourriture et l'instruction, les élèves reçoivent
une indemnité annuelle de 250 fr. (elle était même de 400
avant 1888) pour leurs dépenses d'entretien et de voyage.
Les externes sont admis pour une année seulement par
décision bienveillante du ministre, sur le rapport favorable
du recteur de leur académie; ils suivent les cours et
participent à toute la vie scolaire des internes, mais ils
prennent leur logement et leurs repas au dehors; ou payent
un prix de pension fixé à 800 fr. pour être reçus (jusqu'à
concurrence de 10) comme pensionnaires libres à l'Ecole.
Il y a deux catégories d'externes : les uns qui ont été ad-
missibles au plus récent concours d'admission et ont donné
une idée suflisante de leur aptitude; les autres qui se
préparent directement au professorat et y ont déjà été ad-
missibles.
Tout ce qui concerne le régime de l'Ecole est réglé par
le décret et l'arrêté du 18 janv. 1887 pris en exécution de
la loi du 30 oct. 1886. Il faut dire toutefois que plusieurs
dispositions libérales de ce règlement n'ont pu encore être
appliquées pour des raisons budgétaires, par exemple celles
qui concernent les bourses d'externes, la troisième année
d'études, l'mstitution d'une école normale annexe. L'inter-
nat est ce qu'il doit être pour des hommes et des maîtres,
c._à-d. aussi libre que possible : point de maîtres d'études ;
pour toute administration un directeur, un sous-directeur
et un économe. Les récréations ont lieu dans le parc Saint-
Cloud. Chaque élève a sa chambre pour la nuit, mais ils
travaillent en commun; ils ont une bibliothèque, une salle
de réunion avec des jeux, des journaux français et étran-
gers, des revues littéraires, scientifiques et pédagogiques.
Le dimanche, jour de sortie générale, ils viennent libre-
ment à Paris, où d'ailleurs dans la semaine même ils vien-
nent par groupes suivre certains cours. L'enseignement est
donné dans l'Ecole par des professeurs appartenant pour
la plupart aux lycées de Paris. Chaque leçon est d'une
heure et demie : aucun professeur n'en donne plus de deux
par semaine. Pas d'autres programmes que ceux des écoles
normales primaires, mais étudiés d'une manière appro-
fondie, dans un esprit élevé et philosophique, avec les excur-
sions nécessaires sur les domaines voisins, notamment dans
le champ de l'histoire, de la morale et de la psychologie
apphquée. Des manipulations, des excursions scientifiques,
des interrogations hebdomadaires constituent pour les élèves
de sciences une série d'exercices pratiques, auxquels cor-
respondent pour la section des lettres, des discussions, des
explications d'auteurs, des corrections de devoirs, des leçons
faites et critiquées par les élèves. Quatre heures et demie
par semaine dans chaque année sont consacrées à l'ensei-
gnement du travail manuel (forge, ajustage, tour au fer et
au bois, modelage, menuiserie, etc.), enseignement donné
par deux professeurs spéciaux et obligatoire pour la sec--
tion des sciences. Par là l'Ecole de Saint-Cloud a remplacé
l'Ecole spéciale de travail manuel supprimée en 1883. Elle
fournit aussi, au besoin, le personnel enseignant et diri-
geant des écoles primaires supérieures aussi bien que des
écoles normales. Le budget de l'Ecole était de 172,960 fr.
en 1889. Pour les 20 places d'internes, il y a en moyenne
200 candidats; le niveau n'a cessé de s'élever, mais en
restant toujours inférieur pour les lettres à ce qu'il est
pour les sciences. Parmi les externes, il y a chaque année
des étrangers ; chaque année aussi l'Ecole envoie à l'étran-
ger quelques-uns de ses élèves, comme boursiers de l'Etat,
pour y compléter leurs études de langues vivantes. Ils
prennent au retour les grades spéciaux de cet enseigne-
ÉCOLE
-- 378 —
ment. D'une manière générale, les élèves de Saint-Cloud
ne se bornent pas aux grades auxquels on les prépare direc-
tement. Comme il arrive toujours à la suite d'études éle-
vées, ils se trouvent prêts pour des services plus variés,
plus élevés même parfois, que ceux qu'on avait d'abord en
vue. Enseignement, inspection, direction, ils remplissent
déjà des fonctions très diverses en France et aux colonies.
.Comme lien entre eux, ils ont fondé une Société amicale des
anciens élèves de Saint-Cloud. H. M.
Ecole normale supérieure d'institutrices de Fon-
tenay-aux-Roses . — La loi du 1 0 juin 1879 ayant prescrit
à tous les départements d'avoir dans quatre ans une école
normale de filles, il fallait préparer d'urgence des direc-
trices et des professeurs pour ces écoles : tel est le but de
l'Ecole normale supérieure d'institutrices ouverte à Fonte-
nay-aux-Roses en nov. 1880. L'organisation des études fut
confiée à M. Pécaut, inspecteur général, qui en a gardé
depuis la haute direction, et dont on peut dire que cette
école est l'œuvre en ce qu'elle a de plus original. On ne
peut toutefois séparer de ce nom celui de M°^® de Friedberg,
la directrice des dix premières années. Les premières leçons
eurent lieu à l'Ecole normale d'institutrices de Paris, où
l'on avait réuni en hâte les 19 élèves de la première
promotion, appelées pour une année seulement. Peu après
l'installation à Fontenay, un arrêté de M. Jules Ferry
(24 déc.) fixa les conditions de l'établissement, confirmées
et développées depuis par l'arrêté du 18 janv. 1887. Pour
la première fois en France l'Etat créait l'instruction supé-
rieure des jeunes filles, cela en vue d'organiser rationnel-
lement et de fortifier l'enseignement primaire des femmes ;
et il conviait à cette œuvre, si importante dans la réfection
totale de l'éducation nationale, des hommes choisis dans
les trois ordres d'enseignement. De là le caractère unique,
et si remarqué à l'origine, de cette grande école, où des
professeurs des lycées de Paris, de la Sorbonne et du Mu-
séum, humanistes, philosophes, savants, membres de l'Ins-
titut, apportent, les uns deux fois par semaine, les autres
seulement quelques fois par an, le meilleur et le plus assi-
milable de leur savoir et de leur pensée à une élite de
jeunes filles déjà fort instruites, et dont le bon vouloir ne
saurait être plus grand.
Bien que l'Ecole puisse recevoir des externes, elle en a
peu : toutes les élèves proprement dites sont internes et
boursières de l'Etat, qui leur fournit même les livres et
alloue à chacune pour frais d'habillement et de voyage une
indemnité annuelle de 250 fr. Elles sont nommées au con-
cours. Pour s'y présenter, il faut avoir dix-neuf ans au
moins, vingt-cinq au plus, être munie, soit du brevet supé-
rieur, soit du diplôme de bachelier, soit du certificat
d'études secondaires, enfin, prendre l'engagement décen-
nal. Le nombre des aspirantes dépasse 150 : on en reçoit
en moyenne 15 pour les lettres et autant pour les sciences.
La durée des études, fixée en principe à trois ans, n'est
encore en fait que de deux, vu l'urgence des besoins. En
revanche, le nombre des élèves est de plus de 70 (avec les
aspirantes à la direction) ; il pourra être moindre quand
les écoles normales nouvelles et les écoles primaires su-
périeures (pour lesquelles on exige le même grade) auront
tout leur contingent de professeurs. L'examen d'entrée
n'a pas d'autre programme que celui des écoles normales
et du brevet supérieur; mais on y cherche les marques
d'aptitude, ^ les bonnes habitudes d'esprit, le sens péda-
gogique bien plus que le savoir acquis. Pour l'ordre
des lettres, quatre compositions écrites : littérature, pé-
dagogie ou morale, histoire et géographie, langues vi-
vantes ; quatre épreuves orales : exposé grammatical ou
littéraire, exposé d'histoire et de géographie, explication
d'un texte français, explication d'un texte anglais ou alle-
mand. Pour les sciences : compositions écrites de mathé-
matiques, de sciences physiques et naturelles, de dessin,
de langues vivantes, de pédagogie ou de morale. Comme
épreuves orales : exposé de mathématiques ; exposés de
physique, chimie, histoire naturelle; explication d'un texte
allemand ou anglais ; travail à l'aiguille. Les compositions
se font au chef-lieu de chaque département et sont corri-
gées à Paris par des commissions composées surtout des
professeurs de l'Ecole. L'oral a lieu à Paris. Une heure de
préparation est accordée pour les exposés, que suivent des
interrogations diverses. La première année se termine par
un simple examen de passage, la seconde par l'examen
public du professorat.
La discipline intérieure, toute libérale, s'exerce sans
étroite surveillance, par l'mfluence morale, par les conseils
de la directrice et de quatre répétitrices choisies parmi les
anciennes élèves. L'esprit de liberté et de responsabilité
est la règle de la maison. La grande majorité des élèves
ont chacune leur chambre, qu'elles font elles-mêmes. A
tour de rôle elles prennent part à l'administration inté-
rieure. Les salles de travail sont communes. Les récréations
se prennent au jardin et même au dehors en pleins champs,
ou bien dans la bibliothèque, les salles de lecture et de
jeux. Toute étude cesse à sept heures et demie, et l'heure
entière qui précède le coucher est donnée à la conversation,
à la danse, à la correspondance, aux petits travaux de cou-
ture. Une règle inflexible interdit le travail la nuit et pen-
dant les heures dues aux repos. Le travail est du reste
aussi libre que possible. Les sorties le sont aussi à cer-
taines heures, et le dimanche depuis le matin jusqu'à la
nuit : les élèves n'ont qu'à dire où elles se proposent d'aller.
Les^leçons des professeurs sont d'une heure et demie, et
il n'y en a que deux par jour; mais elles sont « répétées »,
reprises, suivies d'exercices pratiques et d'interrogations.
En seconde année surtout, les élèves font elles-mêmes des
leçons, que plusieurs préparent, que d'autres discutent,
que le professeur corrige principalement au point de vue
pédagogique, exigeant la transposition de son propre ensei-
gnement, l'adaptation aux écoles normales et quelquefois
même aux écoles primaires. On s'exerce aussi à la correc-
tion des devoirs, à des comptes rendus de lectures, surtout
à la composition française, tantôt faite à loisir, tantôt en
un temps donné. La version allemande ou anglaise est pra-
tiquée en vue de la précision et de la souplesse. Enfin le
chant choral devant tenir une grande place dans l'ensei-
gnement des écoles normales, en tient une grande aussi à
Fontenay. Faire, en un mot, des éducatrices capables de
tout point d'en former à leur tour, voilà le but en vue duquel
tout est concerté. Pour cela, la formation du caractère et
des habitudes est jugée plus importante encore que celle
de l'esprit. Les aspirantes à la direction, déjà pourvues du
diplôme de professeurs, sont admises pour une seule année
à la suite de trois compositions écrites (psychologie ou
morale, pédagogie pratique, analyse critique d'un texte).
Leur préparation comporte, outre des exercices communs à
toute l'Ecole, d'autres analogues et plus approfondis, puis
des visites faites sous la direction d'un inspecteur général
dans les écoles de Paris, et certains cours suivis à la Sor-
bonne, dont elles rendent compte ensuite et qu'elles discu-
tent dans de libres entretiens. Toutes les élèves sont exer-
cées avant tout à penser par elles-mêmes en toute sincérité,
de façon à répandre à leur tour dans le personnel qu'elles
formeront pour l'éducation des filles du peuple ce fruit par
excellence d'une culture élevée : de bonnes habitudes intel-
lectuelles et morales. La fondation de cette école est sans
contredit une des plus belles créations et des plus décisives
qui aient été faites pour l'éducation de la démocratie.
H. Marion.
Ecole normale supérieure (pour le recrutement des
professeurs de l'enseignement secondaire classique). — On
fait avec raison remonter l'origine première de cette école
aux mesures prises par le parlement de Paris en 1762 pour
préparer des maîtres en remplacement des jésuites expulsés.
Tel est le sens de l'arrêt du 7 sept. 1762 qui réunit au
collège de Louis-le-Grand le collège de Lisieux et groupa
dans cette maison les boursiers aspirants à l'enseignement
jusque-là épars dans les divers collèges de l'Université.
Un règlement du 4 sept. 1770 organisa en particulier le
— 379
concours pour les bourses d'aspirants aux trois agrégations
de grammaire, de rhétorique et de philosophie instituées
par lettres patentes du 3 mai 4766. Quand le 9 brumaire
an m (30 oct. 1794), la Convention créa l'Ecole normale
de Paris, elle eut en vue bien moins d'assurer la culture
classique que la diffusion des lumières en général, voire
celle de l'instruction élémentaire daus le peuple (rapport de
Lakanal). LesLaplace, les Lagrange,les Plaliy, les Monge,
les Berthollet, pour les sciences; La Harpe, Volney, Garât,
Bernardin de Saint-Pierre, pour les lettres, n'eurent pas
des élèves suffisamment préparés à recevoir leur enseigne-
ment. C'est, en réalité, le décret du 17 mars 1808 qui, en
organisant l'Université impériale, institua l'Ecole normale
que nous connaissons pour en assurer le recrutement.
« Il sera établi à Paris, disait l'art. 110, un pensionnat
normal destiné à recevoir trois cents jeunes gens qui y
seront formés à l'art d'enseigner les lettres et les sciences.»
Les inspecteurs généraux devaient choisir chaque année, dans
les lycées, d'après des examens et des concours, un nombre
déterminé d'élèves, âgés de dix-sept ans au moins, parmi
ceux dont les progrès et la bonne conduite auraient été les
plus constants et qui annonceraient le plus d'aptitude à
l'administration ou à l'enseignement. L'art. 112 exigeait
des aspirants l'engagement décennal. D'autres articles por-
taient que les élèves du pensionnat normal suivraient les
cours du Collège de France, de l'Ecole polytechnique ou du
Muséum, mais qu'ils auraient en outre, dans l'Ecole, « des
répétiteurs choisis parmi les plus anciens et les plus habiles
de leurs condisciples ». Le séjour à l'Ecole « aux frais de
l'Université » serait de deux ans. Durant ces deux années
ou à leur terme, les aspirants devaient prendre leurs grades
à Paris, dans la Faculté des lettres ou dans celle des scien-
ces, pour être aussitôt appelés par le grand maître à rem-
plir des places dans les académies. — Cette organisation
est encore à peu près celle de l'Ecole aujourd'hui, sauf que
les « répétiteurs » sont devenus des « maîtres de confé-
rences » donnant un enseignement personnel souvent très
original et très élevé, et que le cours d'études a été porté de
deux à trois ans (décembre 1815). Le statut du 30 mars
1810, délibéré en conseil de l'Université, régla par le menu
« l'administration, la police et l'enseignement de l'Ecole
normale ». Au mois de novembre de la même année, elle
fut installée dans les anciens bâtiments du collège du Pies-
sis, avec 37 élèves et, pour maîtres de conférences, Vil-
lemain, Burnouf, Laromiguière. En 1812, on compte 77
élèves et la première promotion commence à donner des
répétiteurs, parmi lesquels V. Cousin. En 1813, l'Ecole
est transférée au séminaire du Saint-Esprit, rue des Postes.
Sous la Restauration, l'ordonnance du 6 sept. 1822 sup-
prime « la Grande Ecole normale de Paris » et porte qu'elle
« sera remplacée par les écoles normales partielles des
académies » ; mais le résultat fut sans doute pitoyable,
car la Restauration elle-même, quatre ans plus tard, rou-
vrit au collège Louis-le-Grand une Ecole préparatoire à
l'enseignement qui n'était autre chose que l'Ecole normale
reconstituée et débaptisée (mars et déc. 1826, ministère
de Mgr de Frayssinous). Louis-Philippe lui rend son nom
le 6 août 1830 et elle prospère sous la direction de Gui-
gniault, auquel succède Cousin en 1834 et Dubois en 1840.
Les directeurs antérieurs avaient été Guéroult (1810-1815),
Guéneau de Mussy (1815-1822), Gibon (1828).
C'est le 4 nov. 1847, sous le ministère de Salvandy,
que l'Ecole fut installée (avec 120 élèves) dans les bâti-
ments construits pour elle rue d'Ulm, où l'on remarque
surtout une très belle bibliothèque et les laboratoires illus-
trés par les travaux de Sainte-Claire Deville et de Pasteur. La
Révolution de 1848 donna aux élèves un uniforme mili-
taire qu'ils ne portèrent qu'un an. Leur seul insigne depuis
est une petite palme brodée à la boutonnière. L'Ecole eut
à souffrir sous les ministères de Falloux, de Parieu et For-
toul, sans être toutefois menacée dans son existence. Le
peu de goût de l'Empire autoritaire pour l'esprit Hbéral de
l'Université se manifesta par des mesures de défiance qui
ECOLE
furent surtout sensibles aux normaliens, mais sans réussir
à les décourager ni les empêcher de rester une élite : on
trouve des hommes très distingués, quelquefois illustres,
môme dans chacune des promotions de cette triste période
(direction Michelle, de 1850 à 1857). A partir de 1857,
l'Ecole se relève sous la direction de M. Nisard, surtout
quand on permet aux élèves sortants de se présenter direc-
tement aux diverses agrégations rétablies. Elle se maintient
sous la direction de M. Bouilher (1867) et traverse hono-
rablement la crise de la guerre et de la Commune, grandie
dans l'opinion par l'enrôlement volontaire des élèves et
la belle conduite de plusieurs sur les champs de bataille.
E. Bersot (1871), Fustel de Coulanges (1880) et M. G.
Perrot (1883) ont porté au plus haut point la prospérité
de l'Ecole par un régime intérieur de plus en plus libéral,
non peut-être sans la laisser dévier légèrement de son but
primitif en devenant une pépinière pour l'enseignement
supérieur autant et plus que pour l'enseignement des lycées.
On entre à l'Ecole au concours : il faut avoir dix-huit
ans au moins et pas plus de vingt-quatre le l^'^ janv. de
l'année où l'on se présente. Il y a en moyenne vingt-cinq
places chaque année dans la section des lettres et vingt
dans celle des sciences. Les compositions écrites ont lieu
en juin; — pour les lettres : dissertation de philosophie,
discours latin, discours français, version latine, thème
grec, histoire; pour les sciences : mathématiques, physique,
dissertation de philosophie, version latine. Les épreuves
orales ont lieu au commencement d'août ; elles consistent,
pour les lettres, en explications d'auteurs français, latins,
grecs, et en interrogations sur la philosophie et sur l'his-
toire; pour les sciences, en interrogations sur le cours de
mathématiques spéciales, épreuves de descriptive et de dessin
au trait. Les candidats prennent l'engagement, s'ils manquent
par leur faute à servir dix ans l'Université, de rembourser
le prix de la pension évalué à 4,000 fr. par année d'école.
Car les élèves, tous boursiers, n'ont à leur charge que les
frais de trousseau, fixés à 400 fr., et dont beaucoup sont
même dispensés sur leur demande. Le régime est l'internat
très adouci, avec deux sorties par semaine et liberté presque
entière de suivre les cours au dehors. Les élèves de lettres
doivent prendre la licence es lettres à la fin de la première
année, sous peine à'ètveséchés, c.-à-d. de quitter l'Ecole ;
ils ont toute la seconde pour travailler librement et choisir
leur voie ; ils se présentent à la fin de la troisième à une
agrégation (grammaire, lettres, philosophie ou histoire).
Les élèves de sciences doivent prendre deux licences dans
les deux premières années ; ils se présentent après la troi-
sième à une des trois agrégations scientifiques. Tous font,
durant la troisième année, une sorte de noviciat d'une
quinzaine dans les lycées de Paris : préparation profes-
sionnelle insuffisante ; mais il ne faut pas oublier que le
recrutement de l'enseignement secondaire se fait en grande
partie aujourd'hui par les facultés et que ce n'est plus là,
depuis longtemps, la fonction unique de l'Ecole normale, dont
la gloire est autant ou plus de donner au pays des savants et
des écrivains que de pourvoir les classes de professeurs.—
Il existe, depuis le 1®"" janv. 1846, une Association des
anciens élèves de l'Ecole normale supérieure, reconnue,
en 1877, comme établissement d'utiUté publique. H. M.
Ecole normale supérieure d'enseignement se-
condaire des jeunes filles. — La loi du 21 déc. 1880
a créé en France l'enseignement secondaire des filles.
Quelques mois plus tard, le 3 mars 1881, le promoteur
de cette loi, M. Camille Sée, présentait à la Chambre des
députés une proposition de loi, tendant à la création d'une
école normale supérieure destinée à préparer pour le nouvel
enseignement des professeurs-femmes. Le projet fut voté
sans discussion au Palais-Bourbon, le 14 mai de la même
année. Le rapporteur, M. Sée, disait dans l'exposé des
motifs pour justifier le régime de l'internat qui devait être
celui de la nouvelle école : « S'il importe de donner aux
futurs professeurs une instruction étendue et solide, il
importe autant pour le moins de former leur caractère et
ECOLE
880 —
de les habituer à une vie sévère et recueillie. L'Etat doit
savoir à qui il se fie. Les jeunes filles, au sortir de l'Ecole
normale, auront charge d'âmes à leur tour. Elles ensei-
gneront à leurs élèves, outre les sciences écrites sur le
programme, la science de la vie, qui est la plus nécessaire
et la plus difficile de toutes. » Malgré l'opposition assez
vive des membres de la droite, le Sénat à son tour adopta,
le 23 juil. 1881, sans modification, la loi de création, qui
fut promulguée le %Q juil. de la même année. C'est un
arrêté du 14 oct. 1881 qui régla provisoirement l'organi-
sation de l'Ecole. M. Camille Sée avait proposé comme
siège de l'établissement le palais de Compiègne ; Tadminis-
tration préféra l'installer dans les dépendances de l'an-
cienne manufacture de Sèvres. L'ouverture des cours eut
lieu le 17 nov., et depuis lors, administrée par M. Legouvé,
directeur des études, et par M"^® veuve Jules Favre, direc-
trice eff'ective, avec le concours de professeurs distingués,
empruntés pour la plupart aux lycées de Paris et à la
Sorbonne, l'Ecole de Sèvres a prospéré : elle a formé un
nombre considérable de jeunes filles qui, aujourd'hui,
comme directrices ou comme professeurs, peuplent les
vingt-sept collèges et les vingt-quatre lycées déjà ouverts
à l'enseignement secondaire féminin. Le décret du 23 nov.
1885 a réglé définitivement les conditions d'admission à
l'Ecole. Les élèves sont recrutées par voie de concours
annuels. La durée des études est de trois ans. Le régime
de l'établissement est l'internat. Toutes les dépenses (sauf
le trousseau) sont supportées par l'Etat. Les élèves doivent
prendre l'engagement de se vouer pendant dix ans à l'en-
seignement pubhc dans les lycées et collèges de jeunes
filles. D'autre part, l'arrêté du 4 janv. 1884 établit que
les aspirantes doivent être âgées de vingt-quatre ans au
plus et de dix-huit ans au moins, et justifier soit du diplôme
de fin d'études secondaires, soit d'un diplôme de bachelier,
soit du brevet supérieur. L'Ecole est divisée en deux sec-
tions : pour la section des lettres, les épreuves écrites du
concours d'admission comprennent cinq compositions : sur
la langue française, sur la littérature française, sur l'his-
toire et la géographie, sur les éléments de la morale, sur
les langues vivantes ; pour la section des sciences , les
compositions roulent sur les matières suivantes : arithmé-
tique et géométrie ; physique et chimie ; histoire naturelle ;
littérature ou morale; langues vivantes. L'examen oral
porte sur les mêmes matières que les épreuves écrites et
sur la diction. A ce dernier trait, on reconnaît que M. Le-
gouvé est le directeur suprême de l'Ecole. Répondant à des
besoins nouveaux, organisée avec prudence et confiée à des
mains habiles, la nouvelle Ecole normale supérieure a rendu
déjà de grands services, en préparant pour les lycées et les
collèges de jeunes filles un personnel enseignant d'élite, et
elle peut compter sur un brillant avenir si, comme il faut
l'espérer, l'enseignement secondaire des femmes continue à
faire des progrès dans l'opinion publique et à recruter chaque
année un plus grand nombre d'élèves. G. Compayré.
Ecole normale d'enseignement spécial de Cluny.
— Ecole fondée par M. Duruy (oct. 1866) pour former les
professeurs destinés à l'enseignement nouveau qu'avait
institué la loi du 21 juin 1865. C'était une idée juste, qu'à
un enseignement qu'on voulait à la fois élevé et pratique,
distinct de l'enseignement classique aussi bien que du pri-
maire, il fallait des maîtres préparés ad hoc, dans le sen-
timent exact de ce qu'on attendait d'eux; malheureusement
le ministre manquait d'argent pour ses créations : c'est ce
qu'il ne faut jamais perdre de vue pour ne pas lui reprocher
injustement ce qu'elles purent avoir de défectueux. S'il
avait eu le choix , on peut croire qu'il ne lui fût guère
venu à l'idée d'installer une école normale d'enseignement
secondaire dans une petite ville morte de Bourgogne , à
23 kil. de Màcon, loin de toute voie ferrée. Mais, faute de
mieux, il fut trop heureux qu'on lui offrît là l'ancienne
abbaye des bénédictins ; et faisant de nécessité vertu, avec
ce bel optimisme qui est la force des esprits très actifs, il
se félicite aussitôt (circul. aux préfets du 9 août 1865) à
l'idée d'organiser son école dans cette abbaye « où vivent
encore de grands et précieux souvenirs de piété, de science
et de travail ; dans une riche province où se trouvent toutes
les cultures, céréales, prairies, vignes et bois; à proximité
d'un grand centre industriel, le Creuset, d'un grand centre
commercial, Lyon, et non loin de Saint-Etienne et de ses
mines... » Et dans son instruction aux recteurs du 6 avr.
1866 : « (Quelques personnes auraient voulu établir cette
école à Paris ; je la trouve mieux placée aux champs. Les
bons professeurs n'y manqueront pas plus qu'ils ne man-
quent à soixante-douze lycées de province, et les élèves
trouveront à Cluny d'excellentes conditions d'études, sans
les dangereuses séductions d'une grande ville... »
Mais la solitude était plus complète à Cluny et l'excitation
intellectuelle moindre encore que dans n'importe quelle ville
pourvue d'un lycée. On trouva de bons professeurs, surtout
pour les sciences apphquées ; mais l'enseignement littéraire,
d'ailleurs faiblement organisé, resta inférieur de l'aveu de
tous. Pour le cours do morale, par exemple, on faisait
venir par la diligence le professeur de philosophie du lycée
de Mâcon, souvent un jeune homme à ses débuts, fort ins-
truit sans doute, mais dont l'autorité morale et l'expérience
pédagogique ne l'emportaient pas toujours assez sur celles
des élèves-maîtres : rien ne marque mieux quelle diff'é-
rence de niveau on se résignait à mettre entre cette école
normale et celle de la rue d'Ulm, par suite entre les deux
enseignements secondaires qu'on allait juxtaposer pourtant
dans les mêmes lycées. Le recrutement des élèves n'était
pas moins difficile : il fut à la fois ingénieux et laborieux,
au demeurant assez confus et fort inégal. La ville de Cluny
offrait les bâtiments et dépensait 70,000 fr. pour racheter
des dépendances antérieurement aliénées; le dép» de Saône-
et-Loire donnait 100,000 fr. pour l'aménagement; mais
cette somme était loin de suffire, et si l'on pouvait compter
sur des élèves payants au collège annexe, il n'en était pas
de même pour l'Ecole normale qu'il fallait peupler de
boursiers. Les fonds manquant pour les prendre tous à la
charge de l'Etat, le ministre demanda aux préfets d'inté-
resser à son œuvre les conseils généraux, en invitant cha-
que département à fonder une ou deux bourses à Cluny en
faveur, par exemple, des meilleurs élèves sortant des
écoles normales primaires. Ces bourses furent votées, moins
nombreuses peut-être qu'on ne le souhaitait, mais, somme
toute, avec un élan remarquable. Seulement, on ne pouvait
guère refuser ni même chicaner trop sur leur préparation
antérieure des boursiers des départements, et il arriva qu'ils
furent de force très inégale et entre eux et avec les bour-
siers de l'Etat choisis à la suite d'un concours : inégafité
fâcheuse pour la marche des études. Enfin, on provoqua
pour les collections scientifiques et la bibliothèque des dons
en nature qui affluèrent, mais plus nombreux que choisis
et très inégalement utiles.
Le succès, malgré tout, fut remarquable, grâce à l'active
sollicitude du ministre qui faisait sans cesse inspecter l'Ecole
par des hommes d'une grande autorité, correspondait chaque
jour avec son directeur, la dirigeait presque lui-même à
distance. Quand il tomba, en juil. 1869, Cluny était en pleine
prospérité; le collège annexe, par exemple, était passé de
17 élèves à plus de 500. Mais presque aussitôt commença
une crise qui s'aggrava pendant la guerre et après. En
1872, M. Batbie supprima d'un coup tous les privilèges
de l'Ecole comme établissement supérieur relevant directe-
ment du ministre et la plaça, comme un simple lycée, sous
l'autorité du recteur de Lyon. Elle s'est relevée depuis, à
mesure que l'enseignement spécial a repris faveur, mais non
sans souffrir des discussions auxquelles cet enseignement a
donné lieu et de l'incertitude qui règne encore sur les réformes
désirables dans l'organisation de l'enseignement secondaire
en général. Il n'y a qu'une voix sur l'impossibiUté de main-
tenir à Cluny la pépinière des maîtres de l'enseignement
secondaire moderne, surtout si l'on veut le mettre sur lo
pied d'égalité avec l'enseignement classique gréco-latin.
Le mode de recrutement à adopter dépend nécessairement
381
ÉCOLE
du but qu'on se proposera, de la réforme générale qui aura
prévalu. En attendant, la commission du budget pour 4891
a proposé, d'accord avec le ministre, et fait voter par la
Chambre la suppression des fonds attribués à l'Ecole normale
de Cluny : si elle subsiste encore, ce n'est plus qu'à titre
transitoire. H. M.
Ecole pratique des hautes études. — Cette insti-
tution a été créée par décret du 31 juil. 1868, sous le
ministère de M. Duruy ; elle avait pour but, aux termes
mêmes du décret de fondation, « de placer à côte de l'en-
seignement théorique les exercices qui peuvent le fortifier
et l'étendre ». En réalité, le ministre et ses conseillers, au
premier rang desquels il faut citer M. Armand DuMesnil,
alors directeur de l'enseignement supérieur, vivement
préoccupés de l'état de décadence où tombait peu à peu
l'enseignement des facultés, en méditaient une réforme
générale; mais, en prévision des difficultés et des résis-
tances qu'on n'aurait pas manqué de rencontrer en abor-
dant directement le problème, on préféra créer une
institution nouvelle, destinée à agir par la puissance de
l'exemple et en quelque sorte par pénétration. L'effet
répondit pleinement aux espérances de ses fondateurs, et,
de la création de l'Ecole pratique des hautes études date
le mouvement de rénovation de l'enseignement supérieur
en France. L'Ecole, placée sous le patronage d'un conseil
supérieur composé des sommités de la science, était
divisée en quatre sections : 1° sciences mathématiques ;
2^ sciences physico-chimiques ; 3'' sciences naturelles ;
4° sciences historiques et philologiques. Depuis lors une
cinquième section, celle des sciences religieuses, a été créée
par décret du 30 janv. 1886, en exécution de la loi de
finances du 8 août* 1885. Dans l'esprit de son fondateur,
cette « école » ne comportait la création ni d'un établis-
sement, ni même à proprement parler de chaires nouvelles ;
elle consistait : dans l'ordre des sciences physico-chimiques
et des sciences naturelles, en subventions aux laboratoires
d'études ou de recherches des grands étabhssements scien-
tifiques, subventions qui devaient leur permettre de rece-
voir un plus grand nombre d'élèves et de les placer sous
la direction de directeurs d'études et de répétiteurs ; dans
l'ordre des sciences mathématiques et dans celui des
sciences historiques et philologiques, en conférences desti-
nées à diriger les études des élèves en complétant l'ensei-
gnement donné par les professeurs de la Sorbonne et du
du Collège de France ; pour toutes les sections enfin, en
subventions destinées à leur fournir les moyens de publier
les travaux des maîtres et des élèves. A ceux-ci on pro-
mettait des avantages qui, pour la plupart du reste, ne se
sont pas réalisés : dispense éventuelle du grade de licencié
pour être admis à subir les épreuves du doctorat, pensions,
missions en France et à l'étranger, etc. Une originalité de
la nouvelle institution était de n'exiger des élèves aucune
condition d'âge, de grade ni de nationalité.
Pour les trois sections des sciences mathématiques, des
sciences physiques et chimiques et des sciences naturelles,
l'organisation et le développement furent ce qu'avaient
prévu le fondateur. Les laboratoires anciens se dévelop-
pèrent et se peuplèrent d'élèves; d'autres furent fondés
parmi lesquels il convient de donner une mention spéciale
aux stations maritimes de Roscoff, Banyuls, Villefranche,
Wimereux, Marseille, Cette, etc. De nombreuses publica-
tions téujoignèrent de l'activité imprimée aux recherches
scientifiques. Citons : le Bulletin des sciences mathéma-
tiques, organe de la section des sciences mathématiques,
dont un volume se pubhe chaque année ; la Bibliothèque de
l'Ecole des Jiautes études, section des sciences naturelles,
dont 36 fascicules avaient paru en 1889 ; les Travaux du
laboratoire d'histologie dirigés par M. Ranvier, parvenus
à la même époque à leur 9^ vol. ; les Archives de zoologie
expérimentale et générale (4 fasc. par an) publiées
sous la direction de M. de Lacaze-Duthiers.
La section des sciences historiques et philologiques eut
dès le début une indépendance plus complète et par la
suite des destinées un peu différentes. Ne trouvant dans
l'enseignement supérieur des lettres ni terrain préparé m
soutien, elle constitua un groupe de conférences, analogues,
par certains côtés du moins, aux séminaires scientifiques
de l'Allemagne, où l'on put cultiver les branches de l'his-
toire et de la philologie qui n'étaient pas comprises dans
les programmes universitaires, mais surtout former les
jeunes gens à la pratique de l'érudition et aux méthodes
scientifiques. Le cours d'études fut fixé à trois ans, après
lesquels les élèves peuvent présenter une thèse et recevoir
le titre d'élèves diplômés de l'Ecole des hautes études. Ce
titre n'assure jusqu'à présent l'accès d'aucune carrière ;
aussi les conférences ne sont-elles fréquentées que par
ceux qui veulent poursuivre des études désintéressées.
Les conférences sont actuellement au nombre de trente-
deux et portent sur les matières suivantes : philologie et
antiquités grecques (histoire littéraire, métrique, expli-
cation et critique de textes, grammaire, paléographie,
épigraphie et archéologie) ; philologie latine, épigraphie
et antiquités romaines ; histoire de la philologie classique ;
langue néo-grecque; histoire (historiographie, droit et
institutions, antiquités chrétiennes, critique des sources,
diplomatique) ; géographie historique ; linguistique et
grammaire comparée ; langues et littératures celtiques ;
langues romanes ; langue sanscrite ; langue zende ; langues
sémitiques (hébreu, syriaque, arabe) ; langues éthiopienne
et himyarite ; philologie et antiquités égyptiennes ; archéo-
logie orientale. La section publie, sous le titre de Biblio-
thèque de l'Ecole des hautes études, des travaux ori-
ginaux des maîtres et des élèves; ce recueil compte
aujourd'hui près d'une centaine de fascicules.
La section des sciences religieuses, créée seulement,
comme on l'a dit plus haut, en 1886, a modelé son orga-
nisation sur celle des sciences historiques et philologiques ;
elle compte actuellement onze conférences, qui ont pour
objet les religions de l'extrême Orient, de l'Inde, de
l'Egypte, de la Grèce et de Rome, des peuples non civi-
lisés, les origines du christianisme, la littérature chrétienne,
l'histoire des dogmes, l'histoire de l'Eglise chrétienne,
l'histoire du droit canonique et enfin l'histoire des rapports
de la philosophie et de la théologie. Elle publie égale-
ment sa Bibliothèque dont 4 fascicules ont paru jus-
qu'ici.
L'Ecole pratique des hautes études figure au budget de
1892 pour une somme de 330,000 fr. En outre, le
conseil municipal de Paris lui alloue une subvention
annuelle de 36,000 fr. destinée à être employée en bourses
d'études et de voyages. Les diverses sections publient en
commun chaque année un rapport sur leur enseignement
et sur leurs travaux ; le dernier paru est celui de l'année
scolaire 1888-1889. ^ A. G.
Ecole du Louvre. — Destination. — Cette école a pour
but de former des conservateurs et des attachés à la con-
servation des musées, des voyageurs pour des missions
archéologiques, des professeurs, des critiques d'art, en un
mot de jeunes savants qu'un enseignement précis donné en
présence des monuments doit mettre à même de se rendre
utiles dans toutes les branches de l'archéologie et de l'art.
L'Ecole du Louvre est, pour l'histoire de l'art, ce que
l'Ecole des hautes études est pour les autres sciences.
Historique. — Créée par le décret du 24 janv. 1882,
que confirma le décret du 25 juil. suivant, cette institution
ne comportait d'abord qu'un cours de langue démotique et
un cours d'épigraphie assyrienne, phénicierme etaraméenne.
Ce programme a été successivement étendu par l'adjonction
de divers autres cours, savoir : archéologie égyptienne,
archéologie orientale, archéologie nationale, histoire de la
peinture, histoire de la sculpture au moyen âge et à la
Renaissance, histoire des arts industriels.
Régime intérieur. — Un arrêté du 11 nov. 1884
détermine ainsi qu'il suit le règlement de l'Ecole : il y
a deux catégories d'élèves ; les uns sont inscrits pour
un ou plusieurs cours, les autres pour tous les cours
ECOLE
— 382 —
organiques. La durée des études est de trois ans. Les
élevés subissent à la fin de chaque année un examen
sur les matières de l'enseignement qu'ils ont suivi, et à la
fin de la troisième ou dans le courant de la quatrième an-
née ils soutiennent devant le jury une thèse qui, si elle est
jugée suffisante, donne lieu à la délivrance d'un diplôme
d'élève de r Ecole du Louvre. Les élèves ne peuvent su-
bir plus de deux fois le même examen. Les professeurs
font un choix parmi les thèses présentées; celles qui sont
reconnues les meilleures peuvent valoir à leurs auteurs le
titre à'attaché libre des musées nationaux, titre qui ne
peut d'ailleurs leur être conféré régulièrement que par le
ministre de l'instruction publique et des beaux-arts sur la
proposition du directeur des musées nationaux. Pendant la
première année scolaire (1882-1883), l'Ecole ne comptait
que 90 élèves inscrits ; ce nombre a toujours été en aug-
mentant ; dans ces trois dernières années il a varié entre
300 et 360. Le diplôme n'a été délivré jusqu'en 1891
qu'à 20 élèves. F. Trawinski.
Ecole française d'Athènes. — Destination. —
L'Ecole française d'Athènes a été créée par ordonnance
du 11 sept. 1846 comme moyen de perfectionner les études
de jeunes savants français relatives à la langue, à l'his-
toire et aux antiquités grecques. Elle est placée sous l'au-
torité directe du ministre de l'instruction publique et sous
le patronage du ministre des affaires étrangères. Son
organisation est réglée par le décret du 26 nov. 1874.
Historique. — L'institution à Athènes d'une école de
perfectionnement pour l'étude de la Grèce ancienne eut
d'abord le caractère d'une sorte de mission permanente.
On y envoyait des professeurs auxquels on conservait leur
traitement ; on prévoyait qu'ils pourraient ouvrir en Grèce
des cours publics et gratuits de langue et de littérature
française et latine, être constitués en commission pour
conférer le baccalauréat aux élèves des Ecoles françaises
et latines d'Orient. Mais l'Ecole prit dès le début le
caractère d'institution scientifique qu'elle a conservé. Un
arrêté du 26 janv. 1850 décida que, par analogie avec
l'Ecole de Rome (des beaux-arts) (V. Académie de France
A Rome), chacun des membres de l'Ecole d'Athènes serait
tenu d'envoyer annuellement un mémoire sur un^ point
d'archéologie, de philologie ou d'histoire, lequel serait sou-
mis à l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Jus-
qu'alors on n'avait admis à l'Ecole que les élèves de l'Ecole
normale supérieure reçus agrégés des classes d'humanités,
d'histoire et de philosophie. Un décret du 7 août 1850
décida que les membres de l'Ecole française d'Athènes
seraient choisis parmi tous les agrégés de lettres après un
examen spécial. Un décret du 15 déc. 1852 admit même
des licenciés à cet examen. En fait, le privilège des élèves
de l'Ecole normale a subsisté et ils ont continué de recruter
exclusivement l'Ecole d'Athènes. Un décret du 9 févr. 1859
vint remanier toute cette organisation. 11 décidait la créa-
tion de deux nouvelles sections : sciences et beaux-arts.
La première ne fonctionna jamais, la seconde fut formée
des pensionnaires de l'Académie de France à Rome. Ainsi
s'établit entre celle-ci et l'Ecole d'Athènes un échange de
bons procédés ; les membres de l'Ecole d'Athènes durent
préluder à leur séjour en Grèce par un voyage de trois
mois en Italie, où, durant leur présence à Rome, ils
logèrent à la villa Médicis. — Un décret du 25 mars 1873
fixa à une année le séjour à Rome des membres de l'Ecole
française d'Athènes. Un savant dut leur faire à ^ Rome
pendant ce temps un cours d'archéologie. On préparait ainsi
la création de V Ecole archéologique de Rome (V. ci-des-
sous) effectuée l'année suivante par le décret du 26 nov. 1874
qui demeure le décret organique de l'Ecole d'Athènes.
Conditions d'admission. — Les candidats au titre de
membre de l'Ecole d'Athènes doivent être âgés de moins
de trente ans; ils doivent être docteurs es lettres ou agré-
gés des lettres, de grammaire, de philosophie ou d'histoire.
Le concours pour l'admission à l'iilcole française d'Athènes
porte sur la langue grecque ancienne et moderne, sur les
éléments de l'épigraphie, de la paléographie et de l'archéo-
logie, sur l'histoire et la géographie de la Grèce ancienne.
Il est tenu compte aux candidats de la connaissance qu'ils
auraient du dessin. Cet examen se compose de deux
épreuves : l'une écrite, l'autre orale, d'après un pro-
gramme préparé par l'Académie ; il est subi devant une
commission de sept membres désignés par le ministre. En
fait , ces conditions sont illusoires ; le concours est de
pure forme. Les élèves de l'Ecole d'Athènes sont désignés
d'avance par le directeur de l'Ecole normale parmi les
agrégés des lettres, d'histoire ou de grammaire.
Régime intérieur. — L'Ecole française d'Athènes est
placée sous l'autorité du ministre de l'instruction pubHque,
le patronage du ministre des affaires étrangères et la
direction scientifique de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres. Son directeur est un membre de l'Institut ou
fonctionnaire supérieur de l'instruction publique nommé
par décret pour six ans sur proposition de l'Académie et
du comité consultatif. Les membres sont au nombre de 6.
Ils reçoivent un traitement annuel de 3,600 fr. La durée
de leur mission est de trois ans. En principe, ils passent la
première année à Rome ; en fait, ils y passent quelques
semaines.
En Grèce, ils résident à Athènes; mais une grande partie
de leur temps est consacré aux voyages d'exploration et
aux fouilles archéologiques.
Les membres de l'Ecole doivent partir dans les dix jours
qui suivent leur nomination. Ils sont placés à Rome sous
l'autorité du directeur de l'Académie de France. Ils sont
logés à l'Académie et prennent leurs repas avec les pen-
sionnaires. A Athènes, une chambre et un cabinet sont
réservés à chacun des membres dans les bâtiments de
l'Ecole ; ils se nourrissent à leurs frais et mangent en
commun. Ils ne sont astreints à aucune règle pour l'emploi
de leur temps ; mais à la fin de chaque mois ils rendent
compte de leurs études au directeur qui transmet tous les
trimestres, au ministre, un bulletin indiquant avec détail
les travaux accomplis ou en cours d'exécution. Aucun des
membres ne peut s'absenter sans autorisation. Le directeur
détermine l'époque des voyages et leur durée ; ils ont lieu
en principe du 1^^ avr. au 10 nov.
Chaque membre est tenu d'envoyer à l'Académie des
inscriptions, par l'intermédiaire du ministre de l'instruction
publique, avant l'expiration de chaque année, un travail
personnel. Une commission spéciale les examine et en rend
compte à l'Académie. Les membres de l'Ecole d'Athènes
ont créé en 1876 V Institut de correspondance hellé-
nique dont les travaux forment la matière du Bulletin de
correspondance hellénique. Les ouvrages plus étendus
sont insérés dans la Bibliothèque des Ecoles françaises
d'Athènes et de Rome. Le succès de l'Ecole a été consi-
dérable et des plus honorables pour l'archéologie française.
Nous citerons en particulier les fouilles de Délos (Lebègue,
Homolle, etc . ) , de Myrina (Reinach) ; celles de Delphes
qui vont donner lieu à un grand effort. A. -M. R.
Ecole archéologique de Rome. — Destination. —
L'Ecole archéologique de Rome, étabhe au palais Farnèse,
a pour objet la préparation archéologique déjeunes savants,
l'exploration de la bibliothèque et des archives du Vatican
et plus généralement de tous les documents et monuments
de l'Italie relatifs à l'antiquité classique et au moyen âge.
Elle ne serait, d'après le décret qui la fonda (26 nov. 1874),
qu'une section de l'Ecole d'Athènes. En fait, elle est abso-
lument autonome ; nul rapport n'existe entre le personnel
des deux Ecoles et les membres de celle d'ilthènes, pendant
leur séjour de Rome, ne logent pas au palais Farnèse, mais
à la villa Médicis. Le fondateur de l'Ecole fut M. GefFroy.
Conditions d'admission. — L'Ecole reçoit 6 membres
présentés par l'Ecole normale supérieure, l'Ecole des
chartes, l'Ecole pratique des hautes études. Le ministre y
adjoint, s'il y a lieu, des jeunes gens qui se sont distingués
par leurs travaux.
Régime intérieur. — Les membres sont nommés pour
383 -
ÉCOLE
deux ans. Ils reçoivent un traitement annuel de 3,600 fr.
Souvent on accorde une troisième et même une quatrième
année, mais (en dehors des membres adjoints) le total ne
dépasse pas 6 , de sorte que ces prolongations se font au
détriment des promotions suivantes. Les membres pro-
viennent soit de l'Ecole normale, soit de l'Ecole des chartes.
Les membres sont placés sous l'autorité d'un directeur
nommé pour six ans sur présentation de l'Académie des
inscriptions. Ils ne peuvent sortir d'Italie, mais ils voyagent
dans tout le royaume et s'absentent réguhèrement de Rome
en été, au moment des fièvres. L'Italie n'offrant pas de
ressources exceptionnelles pour les études philologiques , et
les fouilles archéologiques étant à peu près impossibles à
cause de l'attitude du gouvernement italien, l'Ecole s'est
essentiellement consacrée au moyen âge. Son grand travail
est la publication des Registres des papes du xiii^ siècle;
citons encore celle du Liber pontificalis par l'abbé Du-
chesne. Les membres sont soumis, comme ceux de l'Ecole
d'Athènes, à l'obHgation d'envoyer à l'Académie des ins-
criptions un mémoire annuel. Ils rédigent une publication
périodique (bi-mensueile), les Mélanges d'archéologie et
d'histoire et insèrent leurs travaux plus étendus dans la
Bibliothèque des Ecoles fraiiçaises d'Athènes et de
Rome.
Ecole française du Caire. — Un décret du 28 déc.
4880 a installé au Caire une mission permanente sous le
nom d'Ecole française du Caire. Elle a pour objet l'étude
des antiquités égyptiennes, de l'histoire, de la philologie et
des antiquités orientales. Elle bénéficie de ce fait que le
musée de Boulaq est dirigé par des savants français. Elle
publie un bulletin périodique intitulé Mission française
archéologique du Caire.
Ecoles de pharmacie. — Les écoles de pharmacie en
France sont d'origine récente, car elles ne datent légale-
ment que de la loi du 21 germinal an XI (11 avr. 1803).
Avant cette époque, les élèves recevaient leurs diplômes des
maîtres apothicaires. La déclaration de 1777 mit fin aux
longues et perpétuelles discussions des apothicaires et des
épiciers, en groupant les premiers dans une seule et même
corporation, sous la dénomination de Collège de pharmacie.
Elle donnait le droit aux maîtres en pharmacie de conti-
nuer à faire dans leurs laboratoires particuliers des cours
d'études et de démonstration, même d'établir des cours pu-
bUcs pour l'instruction des élèves dans leur laboratoire et
jardin de la rue de l'Arbalète, avecla faculté de présenter
chaque année, au lieutenant général de police, un nombre
suffisant de maîtres pour faire ces cours. Le lOfévr. 1780,
parurent les statuts promis dans la déclaration de 1777.11
y est dit que les aspirants au titre de pharmacien, âgés de
vingt-cinq ans au moins, devront justifier de leurs connais-
sances en langue latine, et de huit années de stage chez
les maîtres en pharmacie. Après quoi, leurs examens se
suivront au plus tard de mois en mois : le premier, sur les
principes de l'art pharmaceutique et sur l'application de
ces principes aux opérations ; le deuxième, sur l'histoire des
plantes et des drogues simples, leur choix, leur prépara-
tion, leur conservation, leur débit médicinal ; le troisième,
sur la préparation de neuf produits au moins , obtenus
d'après le codex. Le jury se composait du doyen du Collège
de pharmacie, de deux médecins de la Faculté, des quatre
prévôts en exercice, et de onze maîtres appartenant au Col-
lège de pharmacie. Entre le Collège de pharmacie et la
création des écoles, une société fut fondée et exista pen-
dant quelques années sous la dénomination de Société libre
de pharmacie de Paris ; qWq constitue actuellement la So-
ciété de pharmacie de Paris. L'établissement de la rue de
l'Arbalète, fondé par Nicolas Houll, devenu la propriété
des membres du Collège de pharmacie, avait prospéré de-
puis 1777 : on y faisait des cours publics et gratuits de
pharmacie, de chimie, de botanique, d'histoire naturelle,
terminés chaque année par une distribution de prix aux
élèves les plus studieux. L'utilité évidente de cet établis-
sement lui mérita d'être maintenu provisoirement par la
loi du 17 avr. 1791 concernant l'enseignement et Texer-
cice de la pharmacie ; puis par celle du 14 frimaire an III
portant création d'écoles centrales de santé. Par arrêté du
3 prairial suivant, le ministre de l'intérieur, membre du
directoire exécutif, donna à ce même établissement le nom
d'Ecole gratuite de pharmacie et nomma les professeurs
pris pour la plupart parmi les membres de la Société de
pharmacie. Telle est l'origine de l'Ecole de pharmacie de
Paris, dont voici la composition primitive : Trusson, direc-
teur ; Chéradame, directeur adjoint; Bouillon-Lagrange,
secrétaire ; Morelot, secrétaire adjoint. — Professeurs et
adjoints. Chimie: Vauquelin et Bouillon-Lagrange; Bou-
riat, adjoint. Pharmacie: Morelot et Trusson ; Nachet, ad-
joint. Histoire naturelle : Demachy, Dizé et Martin. Bota-
nique : Guiart et Sagot ; Guiard fils, adjoint.
Enfin fut promulguée la loi du 21 germinal an XI qui
établit une école de pharmacie à Paris, à Montpellier, à
Strasbourg, et dans les trois autres villes où seront créées trois
écoles de médecine ; mais ces trois dernières écoles n'ont
jamais été instituées. L'Ecole de Paris fut organisée par un
décret du 25 thermidor an XI et mise en activité par un
autre arrêté du 15 vendémiaire an XII nommant aux places
d'îidministrateurs et de professeurs. La loi de germinal,
qui constitue encore la législation actuelle de la pharmacie
en France, n'était qu'une loi transitoire, loi par conséquent
mal faite et pleine de contradictions. Ainsi, pour ne citer
que l'une de ses imperfections, il était rationnel d'admettre
que tous les élèves, pour obtenir leur diplôme, devaient su-
bir les mêmes épreuves et remplir les mêmes conditions ;
or, l'art. 8 du chap. ii est ainsi conçu : « Aucun élève ne
pourra prétendre à se faire recevoir pharmacien sans avoir
exercé pendant huit années au moins son art dans des phar-
macies légalement étabhes ; mais les élèves qui auront
suivi pendant trois ans les cours dans une école de phar-
macie ne seront tenus, pour être reçus, que d'avoir résidé
pendant trois autres années dans ces pharmacies. »
Il en est résuhé que la plupart des élèves ont obtenu à
l'origine leur diplôme sans passer par l'Ecole, étant d'ail-
leurs reçus par des jurys formés pour la plupart par des
membres étrangers à la pratique de la pharmacie, jurys
établis dans chaque département pour la réception des offi-
ciers de santé. A la vérité, la loi de germinal a été succes-
sivement modifiée par une série d'ordonnances royales et
d'arrêtés ministériels qui l'ont parfois améliorée, mais
sans lui enlever tous ses défauts. Les ordonnances royales
du 27 sept. 1840 et du 13 oct. 1841 ont institué des
écoles préparatoires de médecine et de pharmacie dans un
grand nombre de villes ; et, à partir de cette époque, les
élèves ont été mis dans l'obligation de se faire inscrire dans
ces écoles et d'y subir leurs examens. Actuellement, il
existe trois sortes d'écoles: 1° trois écoles supérieures de
pharmacie (Paris, Montpelher, Nancy). On y délivre des
diplômes de pharmacien de première classe, d'herboriste de
première classe, ainsi que des certificats d'aptitude pour la
profession de pharmacien et d'herboriste de deuxième classe
(décret du 22 août 1854) ; 2<* trois écoles de médecine et
de pharmacie de plein exercice dans lesquelles on ne peut
recevoir que des pharmaciens de deuxième classe (Alger,
Marseille, Nantes). Les examens, comme dans les écoles
préparatoires, sont présidés par un professeur délégué de
l'une des écoles supérieures de pharmacie ; 3° treize écoles
préparatoires de médecine et de pharmacie (Amiens, An-
gers, Besançon, Caen, Clermont, Dijon, Grenoble, Limoges,
Poitiers, Reims, Rennes, Rouen, Tours).
Les pharmaciens de première classe sont bacheliers es
sciences et peuvent exercer la pharmacie dans toute la
France, y compris les colonies ; ceux de deuxième classe,
pourvus seulement d'un certificat d'aptitude d'une classe
de quatrième, ne peuvent exercer que dans un seul dé-
partement ; s'ils veulent s'établir dans un autre, ils doi-
vent subir de nouveaux examens ; mais, dans ce dernier cas,
la loi n'est jamais apphquée, cartons les postulants obtien-
nent la dispense des trois premiers examens, et le tout se
ECOLE
384.
réduit le plus souvent à faire une synthèse. Ces distinctions
des pharmaciens en deux classes sont surannées, inutiles
et dangereuses au point de vue de l'hygiène et de
la salubrité publiques ; beaucoup de personnes pensent
encore qu'elles sont nécessaires, afin de faciliter l'étabUsse-
ment des pharmaciens dans les campagnes ; mais c'est là
une erreur, car la plupart des pharmaciens de deuxième
classe se fixent de préférence dans lesvilles. C'est ainsi, pour
ne citer qu'un exemple, que Paris est envahi par les phar-
maciens de deuxième classe. Un fait plus grave, et qui de-
vrait préoccuper le législateur, c'est que beaucoup de phar-
macies sont fondées ou tenues par des personnes étran-
gères à la pharmacie, sous le couvert d'un prête-nom.
Pour ramener tout dans l'ordre, il serait nécessaire, au
point de vue universitaire, de régulariser les écoles de mé-
decine et de pharmacie, en prenant pour type l'une de
nos facultés, celle de droit par exemple. Ainsi, les facultés
de médecine, qui ne sont en réalité que des écoles profes-
sionnelles, puisqu'elles ne confèrent que des diplômes pro-
fessionnels, devraient pouvoir délivrer deux sortes de di-
plômes : un diplôme professionnel, celui de médecin; un
diplôme scientifique, celui de docteur en médecine, ou si
l'on veut, pour éviter toute confusion, un diplôme de doc-
teur es sciences médicales, Semblablement, les écoles su-
périeures de pharmacie, érigées en facultés, devraient dé-
livrer : l°un diplôme professionnel, celui de pharmacien,
lequel serait également délivré par les écoles secondaires,
si on tient à les conserver ; 2° un diplôme scientifique, celui
de docteur en pharmacie ou de docteur es sciences
pharmaceutiques. Ces diplômes donneraient seuls, à l'ave-
nir, le droit de concourir aux agrégations. L'institution de
l'agrégation, qui a remplacé celle des professeurs adjoints,
serait conservée et servirait à recruter les professeurs
titulaires, nommés au concours ou par le gouvernement.
Toutes ces modifications, faciles à réaliser, constitueraient,
à mon sens, un grand progrès, et donneraient au public
une garantie qui lui fait actuellement défaut.
Eiîumérons enfin, pour terminer, la nt)menclature des
épreuves qui sont exigées pour obtenir le diplôme de phar-
macien de première classe, et indiquons l'organisation de
l'Ecole supérieure de pharmacie de Paris, avec l'énumé-
ration des chaires qui existent actuellement.
Premier examen. — Sciences physico-chimiques. Appli-
cation de ces sciences à la pharmacie. Epreuve j)ratique :
Analyse chimique. Epreuve orale : Physique, chimie, toxi-
cologie.
Deuxième examen. — Sciences naturelles. Application à
la pharmacie. Epreuve pratique : Micrographie. Epreuve
orale : Botanique, zoologie, minéralogie et hydrologie. 11
est accordé quatre heures pour l'épreuve de chimie et deux
heures pour l'épreuve de micrographie. Ces épreuves sont
éliminatoires.
Troisième examen. — Première partie. Sciences phar-
maceutiques proprement dites. Epreuve pratique : Essai
ou dosage d'un médicament. Reconnaissance de médica-
ments simples et composés. Epreuve orale : Pharmacie
chimique et galénique. Matière médicale. — Deuxième
partie. Préparation de huit médicaments chimiques ou ga-
léniques. Interrogations sur ces préparations.
Quatre jours sont accordés pour la deuxième partie du
troisième examen. Cette deuxième partie pourra être rem-
placée, après avis de l'école ou par la faculté mixte, par
une thèse contenant des recherches personnelles. Les can-
didats refusés à la deuxième partie du troisième examen
conservent le bénéfice de la première partie. Dans les
écoles supérieures et les facultés mixtes, le délai d'ajour-
nement est fixé à trois mois au minimum. Les étudiants
refusés à l'une, ou à l'autre de ces épreuves dans les
écoles de plein exercice et préparatoires pendant la ses-
sion d'août sont ajournés à la session de novembre suivant.
Aucun délai n'est exigé entre les examens probatoires subis
avec succès (décret à\x 24 juil. 1889). Ed. Bourgoin.
Ecole d'administration. — La pensée de créer pour
l'instruction générale des candidats aux fonctions adminis-
tratives une école qui donnât au gouvernement des garanties
analogues à celles que lui donnent pour la préparation
aux carrières militaires l'Ecole polytechnique et l'Ecole de
Saint-Cyr, a souvent été reprise depuis la Révolution fran-
çaise. Actuellement , c'est une école libre qui vise à rem-
plir cet objet. Mais la République de 1848 avait créé une
Ecole d'administration qui fut supprimée au bout d'une
année par la réaction. Dès le 8 mars 1848, le gouverne-
ment provisoire décréta : « Une Ecole d'administration,
destinée au recrutement des diverses branches d'adminis-
tration, dépourvues jusqu'à présent d'écoles préparatoires,
sera établie sur des bases analogues à celles de l'Ecole
polytechnique. » L'exposé des motifs, rédigé par de Vau-
labelle, rappelle les précédents. Napoléon P"^ avait lié à
l'organisation du conseil d'Etat une sorte d'Ecole de haute
administration ; le nombre des auditeurs était porté à 300 ;
ils étaient répartis entre les diverses sections du conseil,
les administrations centrales et les préfectures des dépar-
tements, faisant un stage de deux ans au conseil d'Etat
ou de quatre ans dans les départements avant d'être
appelés aux fonctions administratives. Cuvier, élève de
l'Ecole d'administration du Wurttemberg, tenta de décider
Louis XVIII à en créer une semblable. Le gouvernement
provisoire commença par annexer le nouvel enseignement
au Collège de France en y créant onze chaires de sciences
juridiques et poHtiques ; les élèves du Collège de France
formèrent l'Ecole d'administration (7 avr. 1848). On
ouvrit un concours d'admission ; les candidats (Français de
dix-huit à vingt-deux ans) furent interrogés sur la philo-
sophie, l'histoire littéraire, les auteurs français, la rhéto-
rique, les mathématiques, et durent faire des compositions
en version latine, histoire de France, sciences physiques et
naturelles, dessin. L'examen oral donnait l'admissibilité,
l'examen écrit l'admission. Le nombre des places mises au
concours était de ISO. Les élèves étaient dispensés du ser-
vice militaire. Le 5 juil. 1848, on décida d'admettre une
seconde promotion de 150 élèves et d'ouvrir un second
concours le 17 sept. Le titre définitif était élève de l'Ecole
d'administration du Collège de France. Mais cette organi-
sation fut éphémère. Falloux en proposa la suppression en
y substituant l'enseignement du droit administratif dans les
facultés de droit. Par l'organe de Dumas, la commission de
l'Assemblée nationale se rallia à ces conclusions, et une loi
du 9 août 1849 supprima l'Ecole d'administration. — Elle
n'a pas été rétablie, et les projets faits pour donner le
caractère d'établissement public à l'Ecole Hbre des sciences
politiques ou pour en créer une autre n'ont pas eu de suite.
Ecole libre des sciences politiques. — Destina-
tion. — L'Ecole libre des sciences politiques, sise à Paris,
rue Saint-Guillaume, n'^ 27, a pour objet de remplacer
V Ecole d'administration (V. ci-dessus), fondée en 1848
et supprimée bientôt après. Elle a été fondée par l'initiative
privée, grâce aux eff'orts de M. Boutmy et aux libéralités
de la duchesse de Galliera.
Chacune des grandes divisions de son enseignement
constitue une préparation complète à l'une des carrières
suivantes et aux examens ou aux concours qui en ouvrent
l'entrée : la diplomatie (ministère des affaires étrangères,
légations, consulats), le conseil d'Etat (auditorat de 2^
classe), l'administration (administration centrale et dépar-
tementale, contentieux des ministères, sous-préfectures,
secrétariats généraux de département, conseils de préfec-
ture), l'inspection des finances, la cour des comptes, le
service colonial (direction de l'intérieur, administration des
affaires indigènes, emplois dans les grandes compagnies
industrielles et financières). D'autre part, ce programme
comprend des éléments d'instruction supérieure qui com-
plètent utilement la préparation à certaines hautes positions
commerciales (banques, contentieux des grandes compa-
gnies, inspection des chemins de fer, etc.).
L'Ecole reçoit des élèves et des auditeurs ; les uns et les
autres sont admis sans examen, avec l'agrément du directeur
385 -
ÉCOLE
et du conseil de l'Ecole. Ils n'ont à justifier d'aucun grade
universitaire. Les élèves sont les personnes qui prennent
une inscription d'ensemble. Les auditeurs sont les personnes
qui prennent une ou plusieurs inscriptions partielles. Les
élèves sont seuls admis à briguer le diplôme de l'Ecole.
Aucun auditeur ne peut s'inscrire aux conférences de pré-
paration pour l'inspection des finances ou pour la cour des
comptes, s'il n'est inscrit, en outre, au cours de finances,
ou au cours d'organisation administrative, ou au cours de
matières administratives, ou au cours d'économie politique.
Pour l'inscription d'ensemble, donnant entrée à tous les
cours et conférences tant réguliers que complémentaires
(à l'exception du cours de russe) et à la bibliothèque,
l'élève verse soit 180 fr. par terme, soit 300 fr. pour
l'année.— Le prix des inscriptions partielles est de 60 fr.
pour un cours à une leçon par semaine; de 120 fr. pour
un cours à deux leçons par semaine ; de 50 fr. pour une
conférence à une leçon par semaine; de 100 fr. pour une
conférence à deux leçons par semaine. — Pour les cours
de langues (anglais ou allemand, deux leçons par semaine),
le prix est de 30 fr. par terme, de 50 fr. pour l'année.—
La durée des études est de deux ans; l'année scolaire dure
de novembre à la mi-juin ; elle se divise en deux semestres :
de novembre à février et de mars à juin. La durée des
études peut être étendue à trois années, de manière à
coïncider avec les études de droit ou à préparer plus soi-
gneusement une carrière ou un concours spécial. — Les
cours ont lieu de huit heures et demie du matin à cinq
heures du soir. La bibliothèque est ouverte de dix heures
du matin à dix heures du soir.
L'enseignement comprend, dans chaque section, des
cours et des conférences. Il est plus général dans les cours,
plus spécial et pratique dans les conférences. Les cours et
conférences sont distribués en cinq sections : 1° section
administrative; 2^^ section diplomatique; 3° section écono-
mique et financière ; 4^^ section générale (droit public et
histoire); 5*^ section coloniale. Les sections étant organisées
en vue du_ diplôme de l'Ecole, les élèves et les auditeurs
qui ne briguent point ce diplôme ont toute liberté pour
composer autrement, et selon leurs convenances particu-
lières, la liste des cours qu'ils entendent suivre.
Sortie. — Dans chaque section, un examen partiel a
lieu à la fin de la première année ; un examen général et
final, à l'expiration de la seconde année. Les élèves qui on
font la demande sont seuls admis à l'une ou à l'autre de ces
épreuves. Elles portent sur toutes les matières obligatoires
de la section choisie par le candidat et, en outre, 'sur les
matières facultatives qu'il désigne. L'examen partiel de
fin de la première année consiste exclusivement en épreuves
orales. Le candidat qui a obtenu une moyenne suffisante
pour une matière est dispensé d'être interrogé de nouveau
sur la même matière à l'examen final de la seconde année.
— Les élèves de deuxième année candidats au diplôme
doivent présenter une étude développée où ils fassent preuve
de travail personnel. Ils ont trois mois pour la rédiger.
L'examen final comprend des épreuves écrites et des
épreuves orales. Les compositions sont au nombre de deux
et doivent être faites en quatre heures, sans livres ni notes.
Une semaine après a lieu l'examen oral. De plus, les can-
didats doivent faire une troisième composition en deux
heures ou un exposé oral en dix minutes après une demi-
heure de préparation.
Pour obtenir le diplôme, il faut que le candidat atteigne
une moyenne de points assez élevée et uniquement sur les
matières obligatoires de chaque section, les autres notes
n'entrant pas dans le total indispensable pour l'obtention
du diplôme. Sur celui-ci on inscrit la mention de toutes les
matières obfigatoires ou facultatives sur lesquelles le can-
didat a eu une note satisfaisante.
Il est constitué deux jurys d'examen, l'un pour les sec-
tions diplomatique et coloniale, l'autre pour la section
administrative, la section économique et financière et la
section générale. Les candidats admis dans chaque section
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
par le jury d'examen reçoivent un certificat de capacité ;
pour se faire délivrer le diplôme, il faut payer un droit de
20 fr. Des prix en livres sont accordés aux cinq candidats
classés les premiers. Une bourse de voyage (500 fr.) est
mise au concours tous les cinq ans.
L'Ecole libre des sciences politiques est excessivement
utile à ses élèves à qui elle ouvre, les carrières administra-
tives. Non seulement ses cours et conférences constituent
une préparation unique aux concours d'entrée (énumérés
ci-dessus), mais les jurys qui jugent ces concours sont en
grande partie recrutés parmi les professeurs de l'Ecole dont
les élèves se trouvent ainsi avantagés. En fait, les succès
obtenus par eux ont été considérables.
Une Société amicale des anciens élèves et élèves de
V Ecole des sciences politiques a été fondée en 1875 pour
resserrer les liens entre les diverses promotions et créer un
esprit de corps et une solidarité dont tous profitent. Elle
fonctionne activement et organise des conférences. On a été
conduit à l'institution de groupes de travail, où d'anciens
élèves réunissent leurs eff'orts à ceux des professeurs de
l'Ecole pour discuter par écrit les questions d'un intérêt
actuel. Un groupe des finances, le groupe du droit public
et privé, le groupe d'histoire et diplomatie, fonctionnent
régulièrement. Les mémoires sont insérés dans les Annales
de r Ecole des sciences politiques.
Ecole des langues orientales vivantes. — Desti-
nation. — Cette école, établie à Paris, rue de Lille, 2, res-
sortit au ministère de l'instruction publique. Elle a pour
but de former des élèves consuls et des élèves interprètes
pour les pays de l'Orient. Elle est régie par les décrets du
8 nov. 1869, du 11 mars 1872 et du 6 sept. 1873 et par
l'arrêté du 31 juil. 1876.
Historique. — Le développement chaque jour plus
grand des relations entre la France et les pays orientaux a
donné une importance nouvelle aux études relatives aux
langues orientales vivantes. L'enseignement supérieur et
érudit, donné au Collège de France par les orientalistes les
plus distingués, ne pouvait suffire aux exigences de la vie
courante. Il fallait, à côté de la linguistique, de la littéra-
ture^ des religions et des institutions de ces peuples,
enseigner aussi des idiomes pratiques, la langue courante,
former des interprètes, instruire les négociants ou les
fonctionnaires français destinés à se mettre en contact avec
ces races. L'Ecole des langues orientales vivantes fut créée
par la Convention. Un décret du 10 germinal an III
(30 mars 1795) décida qu'il serait étabh, dans l'enceinte
de la Bibliothèque nationale, une école publique destinée à
l'enseignement des langues orientales vivantes d'une utilité
reconnue pour la politique et le commerce. L'Ecole ne
comptait à l'origine que trois cours : arabe littéral et vul-
gaire (S. de Sacy), persan et malais (Langlès), turc et
tartare de Crimée (Venture). Jusqu'en 1831, elle fut
subordonnée au ministère de Tintérieur. A cette date, elle
fut transportée au ministère du commerce, puis, sous
l'administration de M. Guizot, rattachée au ministère de
l'instruction publique par l'ordonnance du 11 oct. 1832.
En même temps, l'enseignement se développait par l'ad-
jonction de cours d'arménien, de grec moderne, d'arabe
vulgaire, d'indoustani, de chinois moderne, de malais et
javanais. Plusieurs des professeurs rédigeaient la gram-
maire de la langue qu'ils enseignaient. Les auditeurs de
l'Ecole n'étant astreints à aucune règle, parce qu'on ne
leur demandait ni inscriptions ni examens, qu'on ne leur
déhvrait aucun diplôme, il en résulta que les études
prirent un caractère exclusivement scientifique, sous l'in-
fluence de maîtres éminents, plus désireux naturellement
d'élever leur enseignement que de lui donner un caractère
pratique. L'Ecole des langues orientales vivantes dévia donc
complètement de sa destination primitive. On voulut l'y
ramener. Ce fut l'objet du décret du 8 nov. 1869. L'Ecole
est restée à la Bibliothèque nationale de 1795 à 1868;
abritée de 1868 à 1873 au Collège de France, elle a reçu,
à cette date, les locaux abandonnés par l'Ecole du génie
25
ÉCOLE
386 -
inaritime (rue de Lille). L'extension prise par les études a
motivé en 1886 un agrandissement et la reconstruction
totale de l'Ecole, afin de donner la place nécessaire aux
salles de cours, aux collections et à la belle bibliothèque
riche de plus de vingt mille volumes.
Conditions d'admission. — Les aspirants au titre d eleve
réc^uHer de l'Ecole des langues orientales vivantes sont
tenus de s'inscrire du 1«^ au 25 nov. au secrétariat de
l'Ecole. En s'iiiscrivant, ils doivent déposer : 1^ leur acte
(le naissance, prouvant qu'ils sont Français et âgés de seize
ans au moins et de vingt-quatre ans au plus ; 2« le diplôme
de bachelier es lettres ou celui de bachelier es sciences.
Le ministre décide, sur l'avis du conseil de perfectionne-
ment, des exceptions qu'il peut y avoir lieu de faire à ces
conditions d'âge et de nationalité. Les jeunes gens qui ne
peuvent justifier du grade de bacheUer es lettres ou es
sciences sont admis à se faire inscrire à la section com-
merciale de l'Eoole des langues orientales. Les élèves de
l'Ecole qui justifient d'une année d'études assidues peuvent
obtenir des subventions. Les élèves qui, par leur assiduité
et leurs progrès, ont mérité des subventions, sont proposes
au ministre pour être nommés élèves pensionnaires de
l'Ecole. Le titre d'élève pensionnaire ne peut jamais être
obtenu avant la fin de la première année. La collation et
la jouissance des bourses fondées par les départements, les
communes, les chambres de commerce ou les particuliers
ont lieu aux conditions indiquées par l'acte de fondation.
Régime intérieur. — L'Ecole des langues orientales
vivantes comprend les cours suivants existant en 1869 :
arabe vulgaire, persan, turc, malais et javanais, arménien,
grec moderne, indoustani, chinois vulgaire, japonais,
annamite, auxquels se sont ajoutés : l'arabe httéral, la
lan-ue russe, la géographie, rhistoire et la législation des
Etats musulmans et de ceux de l'extrême Orient, la langue
tamoule, la langue roumaine. Ces cours ont pour objet d'ap-
prendre aux élèves à lire, écrire et parler les langues dont
rénumération précède, et de leur enseigner la géographie
politique et commerciale des pays où ces langues sont en
usage. Leur durée est de trois ans. Chaque professeur est
tenu de faire, par semaine, trois leçons d'une heure au
moins. Des répétiteurs sont chargés d'interroger les élèves
et de les exercer à la conversation et à la lecture à haute
voix. Tous ces cours sont publics et gratuits. Ils sont divisés
en deux semestres : l*' du deuxième lundi de novembre au
lundi qui précède Pâques ; 2« du second lundi après Pâques
au commencement de juillet. Ils sont ouverts non seulement
aux élèves, mais aux auditeurs libres qui se font inscrire
à cet effet. Ceux des étudiants qui ont l'intention de se pré-
senter aux examens de fin d'année et de fin d'études doivent
se faire inscrire, avant le 1^^ nov. , au secrétariat de l'Ecole.
Les inscriptions sont renouvelées tous les trois mois ; elles
se perdent par une absence non justifiée de six leçons dans
le trimestre. A la tête de l'Ecole est un administrateur
nommé pour cinq ans par le ministre de l'instruction pu-
blique (parmi les professeurs) ; un autre professeur a le titre
d'administrateur adjoint. L'administrateur convoque et pré-
side l'assemblée des professeurs et porte à l'ordre du jour,
après autorisation du ministre, les questions à mettre en
déhbération ; il vise les pièces de comptabiUté, contresigne
les diplômes, surveille tous les services et fait exécuter les
règlements. L'assemblée se compose des professeurs titu-
laires et du secrétaire. Elle se réunit au moins trois fois
par an. Elle délibère sur les programmes et Tordre des
cours, sur les programmes et l'ordre des examens, sur les
règlements intérieurs de l'Ecole, et en général sur toutes les
questions mises en délibération par l'administrateur. Le
conseil de perfectionnement établi près de l'Ecole se com-
pose de neuf membres : le ministre de l'instruction publique,
président; l'administrateur de l'Ecole, vice-président ; des
délégués des ministères de l'instruction publique, de l'in-
térieur, des afi'aires étrangères, de la guerre, de la marine,
de l'agriculture et du commerce; le directeur ou un dé-
légué de l'Imprimerie nationale; le président de la chambre
de commerce de Paris. Le conseil de perfectionnement se
réunit sur la convocation du ministre; il délibère sur les
améliorations et les réformes dont l'enseignement serait
susceptible dans l'intérêt des relations poUtiques et com-
merciales de la France en Orient, et entend le rapport de
l'administrateur sur les travaux de l'Ecole; et les progrès
des élèves. Ses membres peuvent assister aux examens.
Les professeurs sont nommés sur une triple liste de
présentation de deux noms, dressée par l'assemblée des
professeurs, le conseil de perfectionnement et l'Acadéinie des
inscriptions. Les répétiteurs sont nommés par le ministre,
A la fin de chaque année, il est procédé, dans la seconde
quinzaine de juillet, à des examens publics, que tous les
élèves sont tenus de subir. Ceux d'entre eux qui ne s y
présentent pas perdent leur titre d'élève de l'Ecole et ne
peuvent continuer à suivre les cours que comme auditeurs
libres. Les examens ont lieu devant un jury compose de
l'administrateur de l'Ecole, du professeur compétent et du
répétiteur. ., ,,,. ,
Sortie. — A la fin des cours d'études, il est délivre par
le ministre, aux élèves qui en sont jugés dignes, un diplôme
d'élèves brevetés de l'Ecole des langues orientales vivantes.
Ce diplôme indique la langue sur laquelle l'élève a subi
l'épreuve. Ce diplôme vaut aux élèves à qui il a été délivre
la dispense de deux années de service militaire actif, dans
les mêmes conditions qu'aux licenciés des facultés de
lettres. Les jeunes gens inscrits cà la section commerciale sont
soumis aux mêmes règlements que les élèves réguhers ; ils
subissent les examens de fin d'année et, après avoir termine
leurs études, ils reçoivent un certificat d'études distinct du
diplôme accordé aux élèves réguliers.
Le chiffre des élèves est d'environ 50, celui des audi-
teurs de 75, en majorité pour les langues annamite, chi-
noise et arabe; sur ce total, on délivre annuellement
25 diplômes à 15 élèves, beaucoup d'élèves étudiant à la
fois deux ou même trois langues. Les plus distingués de
ces élèves brevetés (qui sont mis à la disposition des mi-
nistres des affaires étrangères, de la guerre, de la marine
et du commerce) peuvent être envoyés, aux frais d un
département ministériel, dans un des pays dont ils ont
appris la langue, afin de se mettre au courant de la vie
pratique, des intérêts commerciaux et pohtiques de ces pays.
En somme, la principale carrière ouverte aux élèves bre-
vetés ou jeunes de langue, est celle de drogman et d'inter-
prète qui, cependant, ne leur est pas exclusivement réservée.
Ecole coloniale. — Destination. — L'Ecole colo-
niale établie à Paris et organisée par le décret du 23 noy.
1889, comprend deux sections ; la section indigène et la
section française . La section indigène est destinée à donner
à de jeunes indigènes de nos colonies, particulièrement de
celles d'Indo-Chine, une éducation française et une ins-
truction primaire supérieure. La section française est des-
tinée à former des fonctionnaires coloniaux. La différence
est donc complète entre les deux sections, tant pour le per-
sonnel que pour le programme. ^ ^
Section indigène. — La section indigène organisée la
première est de beaucoup la moins importante actuellement.
Elle eut des commencements modestes : une école cambod-
gienne organisée rue Ampère, 73, en 1886. On y adjoignit
un Cochinchinois et un Africain. Elle fut réorganisée en
1888 ; les cadres administratifs furent étabhs, les études
orientées dans un sens positiL On décida de ne plus amener
que des indigènes déjà instruits par des instituteurs colo-
niaux et ayant justifié d'une connaissance suffisante de la
langue française. On résolut de diviser les élèves amenés
à Paris en deux groupes : ceux qui manifesteraient un goût
particuUer pour les langues, l'enseignement ou l'adminis-
tration, formeraient une division classique et seraient pré-
parés aux fonctions d'interprète, d'instituteur ou d'agent
de l'administration. Dans une division technique, on placerait
ceux qui feraient l'apprentissage d'un métier. Le cours
d'études devrait durer deux années, les élèves pouvant être
conservés une troisième année. Le régime était l'mter-
— 387 -
ECOLE
nat ; naturellement cet enseignement était gratuit. Le dé-
cret du 23 nov. 1889 a consacré ces principes. L'Ecole n'est
pas encore sortie de la période d'organisation.
Section française. — La création de la section fran-
çaise, qui forme une école d'administration coloniale, a été
préparée par M. Dislère et réalisée en 1889. Elle comble
une lacune grave de notre système administratif et est
destinée à rendre des services analogues à ceux du Civil
Service oti se recrutent les administrateurs de l'Inde an-
glaise, du gymnase Guillaume III à Java et des écoles de
Leyde et Deift ou se recrutent les administrateurs des co-
lonies néerlandaises. L'école des stagiaires, organisée en
Cochincliine (1873-1880), n'avait pas réussi ; môme aux
écoles de droit et des lettres d'Alger, on n'a pu préparer de
fonctionnaires au courant des coutumes indigènes. Cette
préparation ne pouvant se faire efficacement qu'à Paris, on
a décidé en 1888 et réalisé l'année suivante l'institution
de l'Ecole coloniale, sur les rapports de M. Dislère, de
M. Léveilléet de M. Marcel Simon. Il a été l'objet du dé-
cret du 23 nov. 1889 suivi de l'arrêté du 13 déc. qui
règle le programme des cours.
Destination. VY^mh coloniale (section française) , établie
à Paris, boulevard du Montparnasse, n° 129, est destinée à
assurer le recrutement des administrations et corps colo-
niaux dont la liste suit : administration centrale des colo-
nies, au ministère des colonies ; magistrature coloniale
(sous la réserve que le candidat sera licencié en droit) ,
commissariat colonial (sous la réserve que le candidat sera
licencié en droit et aura suivi avec succès le cours spécial
du commissariat) ; service des bureaux du secrétariat gé-
néral du gouvernement de la Cochincliine (sous la réserve
que le candidat aura suivi avec succès les cours de langues
indo-chinoises) ; administration des affaires indigènes en
Cochinchine (sous la môme réserve) ; personnel des rési-
dences au Cambodge, en Annam et au Tonkin [idem) ;
corps des administrateurs coloniaux (administration des
directions de l'intérieur) ; administration pénitentiaire à la
Guyane et en Nouvelle-Calédonie.
Conditions d'admission. Les admissions sont pronon-
cées par le ministre sur l'avis du conseil d'administration.
Il faut que le candidat justifie : 1° qu'il est Français ou
naturalisé ; 2*^ qu'il a plus de dix-huit ans et moins de
vingt-cinq ans au 1®^ janv. de l'année courante. Toutefois
les jeunes gens qui auront accompli au 1^^ juil. de l'année
courante, dans l'une des deux administrations ou l'un des
corps énumérés ci-dessus, ainsi que dans l'armée ou la
marine, au moins une année do service réel et effectif,
pourront être admis à l'Ecole, pourvu qu'ils n'aient pas
dépassé i'àge de vingt-six ans à cetle même date, et qu'ils
soient encore au service au moment où ils feront leur de-
mande d'admission. Les candidats doivent adresser leur
demande : dans les colonies, aux gouverneurs, avant le
15 mai ; en France, au ministre chargé des colonies, avant
le IS juil. Nulle demande n'est admise après ces dates.
Les pièces à produire pour l'inscription sont : un extrait de
l'acte de naissance, un extrait du casier judiciaire, un
certificat de bonnes vie et mœurs, un des trois diplômes
du baccalauréat ; un certificat constatant que le candidat
est propre au service des colonies, délivré : aux colonies,
par le service de santé de la colonie ; à Paris , par le
conseil supérieur de santé des colonies ; à Marseille ,
Bordeaux, Nantes et Le Havre, par les conseils de santé
institués près des chefs du service des colonies. Les can-
didats qui veulent bénéficier de l'admission après vingt-
cinq ans doivent produire, en outre, un certificat de le\ir
chef de corps constatant qu'ils compléteront au l'^^nov. au
moins une année de service réel et effectif.
Régime intérieur. Le régime de l'Ecole est l'externat.
La durée des études est fixée à trois ans; toutefois, elle est
réduite à deux ans pour les élèves munis du diplôme de
licencié en droit ou simplement ayant passé avec succès le
premier examen du baccalauréat en droit. Les droits d'ins-
cription sont de 120 fr. par an, payables moitié à l'entrée et
moitié au 1«^ avr. ; il y faut ajouter 180 fr. pour les leçons .
d'exercices physiques (escrime, équitation) qui sont obliga-
toires. La remise des droits dinscription et des frais de leçons
d'exercices physiques est faite chaque année à 12 élèves;
en outre, six bourses de 1,200 fr. sont instituées, en pre-
mière et troisième année, en faveur des élèves qui remplis-
sent les conditions indiquées ci-après : la remise des frais
d'études et la cgncession des bourses sont accordées par
le ministre chargé des colonies, sur la proposition du con-
seil d'administration de l'Ecole, après enquête sur la situa-
tion de fortune du candidat au concours. Sont seuls admis
à concourir à leur entrée à l'Ecole, pour la remise des frais
d'études, et au commencement delà deuxième année, pour
l'obtention de bourses, les élèves qui se destinent au corps
du commissariat colonial. Les demandes de remise des frais
d'études doivent être adressées dans les colonies au gou-
verneur, du 15 au 30 juin, et en France, au président du
conseil d'administration de l'Ecole du 15 au 31 août. Elles
doivent être accompagnées de l'engagement de reverser à
la caisse de l'Ecole toutes les sommes provenant de remise
de frais d'études ou de bourses, dans le cas où l'intéressé
choisirait à sa sortie de l'Ecole une autre carrière que le com-
missariat. Les cours commencent au l'^^nov. Ils portent sur
les matières suivantes : droit (100 points au maximum); sys-
tèmes coloniaux étrangers (60 points) ; colonisation fran-
çaise (60 points) ; législation indo-chinoise (120 points) ;
commissariat colonial (cours spécial, 180 points); langue
annamite (30 points la première année, 60 la seconde) ; langue
cambodgienne (30 et 60 points) ; langue anglaise (30 points) ;
organisation des colonies (cours biennal) ; en outre, des
conférences sur l'ethnographie, la construction pratique,
les productions coloniales, l'hygiène, la comptabilité, la
topographie sont faites aux élèves. Enfin les exercices phy-
siques donnent lieu à des points (10 les deux premières
années, 20 la troisième). Les premières promotions ont
été de 33 à 36 élèves ; elles ont fourni 15 élèves brevetés qui
ont été placés dans l'administration coloniale. L'Ecole colo-
niale est dirigée par un conseil d'administration sous la pré-
sidence du sous-secrétaire d'Etat des colonies. A. -M. B.
Ecoles des beaux-arts. — Il y a en France onze
écoles des beaux-arts ou des arts décoratifs; elles sont
d'importance inégale ; la principale est l'Ecole nationale et
spéciale de Paris, qui est un de nos plus grands établisse-
ments d'instruction supérieure et peut-être le plus apprécié
de tous par les étrangers, car il est sans rival dans le
monde. Les écoles nationales des beaux-arts de Bourges,
de Dijon, de Lyon et d'Alger ne lui peuvent être comparées ;
ce sont, comme les écoles nationales des arts décoratifs
de Paris, d'Aubusson, de Limoges et de Nice, comme
l'Ecole des arts nationale de dessin pour les jeunes filles
de Paris, l'Ecole des arts industriels de Roubaix des iiis-
titutions utiles, mais secondaires, visant seulement l'ins-
truction professionnelle .
Ecole nationale et spéciale des beaux-arts de
Paris. — Destination. —L'Ecole nationale et si)éciale des
beaux-arts, située à Paris, rue Bonaparte, n° 14, donne
l'enseignement des arts du dessin, de la peinture, de la
sculpture, de l'architecture, de la gravure en taille-douce
et de la gravure en médailles et en pierres fines. Elle
comprend : 1"^ des cours oraux se rapportant aux différentes
branches de l'art ; 2° l'Ecole proprement dite, où l'on peut,
à la suite d'épreuves d'admission, participer à des études
pratiques, à des concours, obtenir des récompenses et des
titres ; 3» des ateliers, où l'on peut, à la suite d'épreuves
d'admission, participer à des études pratiques, à des con-
cours, obtenir des récompenses. ™- L'Ecole nationale et
spéciale des beaux-arts de Paris est le seul établissement
d'enseignement supérieur qui distribue en France la haute
culture intellectuelle appliquée aux arts du dessin. L'Ecole a
donc pour but de former des artistes, peintres, sculpteurs,
graveurs qui, ayant subi avec succès les examens d'admis-
sion à l'Ecole, ayant travaillé pendant plusieurs années dans
les ateliers et sous la direction de professeurs de l'Ecole
ÉCOLE
388 -
ou clans des ateliers libres ouverts au dehors, ayant suivi
les eours et les concours spéciaux de 1 Kcole et ayant entm
été admis à prendre part aux concours des prix de Home
(lesquels relèvent de T Académie des beaux-arts), constituent
ainsi parmi les artistes français, une élite de jeunes maîtres
qui se trouvent désignés, par leur notoriété d école, pour
ôtre employés par l'Etat ou pour enseigner leur art.
Historique. - L'institution de l'Ecole des beaux-arts
remonte, de fait, pour la peinture et pour la sculpture, a
EEcole académique fondée en 4648, en même temps que
l'Académie royale de peinture et de sculpture, et, pour 1 ar-
chitecture, elle remonte à l'Ecole de l'Académie d architec-
ture cette dernière fondée seulement en 1671 ; mais ces
écoles ne furent réunies que pendant la Révolution. En
revanche, elles subsistèrent malgré la destruction, en 179^,
des académies qui leur avaient donné naissance. Plusieurs
phases sont à noter, depuis 1648, dans l'orgamsation de
l'enseignement supérieur des beaux-arts en France et dans
I . .1 , J , , . O . . O , u u 1 u 0 . .1
les réglementations successives qui aboutirent à la consti-
tution'actuelle de l'Ecole des beaux-arts. L'Ecole de l'Aca-
démie de peinture et de sculpture comjirenait, avant tout,
dès son origine, en 1648, ce que l'on appelait alors ri!;co/£^
du modèle, c.-à-d. un atelier où chaque professeur, à tour
de rôle, faispjt poser, devant les élèves, le modèle vivant. La
même année, des cours spéciaux de perspective etd'anatomie
vinrent s'y ajouter et des encouragements, de plus en plus
nom])reux, notamment la fondation des prix de Rom^e en
1666, stimulèrent le zèle des élèves. Pour l'Ecole de l'A^ca-
démie d'architecture, François Blondel y professa, ^^js 1672,
un cours théorique et pratique d'architecture. En 16Ji, et
depuis cette époque jusqu'en 1807, l'Académie royale de
peinture et de sculpture et celle d'architecture occupèrent,
au palais du Louvre, soit par elles-mêmes, soit par leurs
écoles, des locaux que ces écoles ne quittèrent que lorsque
l'Ecole unique, formée de leur réunion, vint s'installer pro-
visoirement au palais de l'Institut sous le nom d'Ecole
Aqrandissemenî
de l'Ecole
sur l'Hôte].^ de Chimay.
(en voie d'exécutionj
Fi,. 1. - Plan de l'Ecole nationale des Beaux-Arts (Paris)^ A ?le roTatnT-^ci, tôurvHre';?fi^1&tI^'SSll;
''£. salle de chimie; D,, cour des Loge- v '^if,^L'?,f ."„^l°™M;.nHlHl S^ m\ portail d:Anet\;'N,^école de de.^^^^^
rdécoration; V,"vestibulè;'X, salle de la
§;trS^l-E^'ï^^l^^
'^r,^^^^:^^^^^^^^^^^^ Q, salle 'Melpomêne; R, R , a e
S' ™nds prix de sculpture; T, salle de Caylus ; U atelier de de
' ?.'.9.!^ X!r..L_âo.o PtrpnSissaAee: Z. chapelle Michel-Ange.
Tour^Y^ musee'^moyen-âge et renaissance'; Z, chapelle î
impériale et spéciale des beaux-arts. Jusqu'en 1819, 1ms-
titution resta régie suivant des règlements empruntes aux
traditions des anciennes académies ; mais l'ordonnance royale
du 4 août 1819, pour donner satisfaction au désir unanime
des professeurs, divisa l'Ecole en deux sections, celle de
peinture et de sculpture et celle d'architecture, établit a
nouveau les droits, les attributions et les devoirs des pro-
fesseurs ainsi que les travaux et les concours des élèves, et
créa l'organisation qui subsista, sans changements notables,
jusqu'en' 1863. C'est pendant cette période, de 1819 a
1863, que furent construits et aménagés les bâtiments
actuels de l'Ecole des beaux-arts dont M. Eugène Muntz a
décrit les charmantes dispositions et les richesses artis-
tiques dans un ouvrage spécial. En 1816, une ordonnance
royale avait affecté à l'Ecole l'emplacement de l'ancien Musée
des monuments français ou Musée des Petits-Augustms
fondé par Alexandre Lenoir et, dès 1820, l'architecte Debret
commençait les travaux de reconstruction et de réparation.
travaux interrompus par la révolution de 1830, mais repris
en 1832 sous la direction de Félix' Duban(N. ce nom),
lequel, après avoir achevé, en 1837, les bâtiments sur la rue
Bonaparte, construisit, de 1858 à 1862, ceux en façade
sur le quai Malaquais plus spécialement destines aux salles
d'exposition publique des travaux des élèves et des pen-
sionnaires de l'Académie de France à Rome.
Ce vaste ensemble de constructions (fig. 1) se conipose
de deux parties bien distinctes, dont l'une, sur la rue Bona-
parte, comprend une première cour sur laquelle s ouvrent
à droite le musée du moyen âge et de la Renaissance, avec
la petite chapelle consacrée à Michel-Ange, et le vestibule
des études avec, au rez-de-chaussée, les amphithéâtres do
dessin et, au-dessus du vestibule, les services de 1 admi-
nistration. Derrière ces amphithéâtres est la cour dite clu
Mûrier, avec le monument commémoratif d'Henri Kegnauit.
Un portail ])rovenant du château de Gaillon sépare la pre-
mière cour de la deuxième cour, au fond de laquelle s eleve
le palais des Etudes (fig. 2) , entre la cour des Loges
à gauche et, à droite, le jardin de l'Ecole (ce dernier est
contigu à l'ancien hôtel de Cliimay récemment acquis par
l'Etat pour agrandir l'Ecole et lui fournir de nouveaux ate-
liers d'élèves). Sur la cour des Loges est, à gauche, un
vaste bâtiment occupé, au rez-de-chaussée, par l'amphi-
théâtre avec laboratoire de chimie et l'atelier de modelage
— 389 — ECOLE
et, aux étages supérieurs, par les Loges destinées aux con-
cours des élèves. Quant au palais des Etudes, la partie la
plus richement traitée de cet ensemble, il renferme, au rez-
de-chaussée, un grand vestibule, une cour vitrée et des
salles qui, vestibule, cour et salles servant de musées de
sculpture et de salles d'études aux élèves, forment un seul
et magnifique vestibule donnant accès au grand amphi-
Fig. 2. — Façade de l'Ecole nationale des beaux-arts (Paris).
théâtre de l'Ecole décorée de la remarquable composition
picturale connue sous le nom de r Hémicycle de Paul De-
laroche (V. ce nom). Deux grands escahers droits, compris
entre le vestibule et la cour vitrée, conduisent au premier
étage occupé par la bibliothèque, la plus riche de ce genre,
les salles de collections et la salle du conseil supérieur de
l'Ecole et des réunions du jury. La seconde partie de l'Ecole
consiste, quant à présent, en un bâtiment sur le quai
Malaquais comprenant un vestibule avec, au-dessus, une
grande salle d'exposition, à la suite, la salle dite de Melpo-
mène décorée de copies des œuvres des maîtres de la
Renaissance et, à droite, au fond et à gauche de cette salle,
des ateliers d'élèves.
L'Ecole des beaux-arts se trouvait, à cette époque, comme
bâtiments et sauf les augmentations considérables et les
grandes améliorations qui ont été apportées à sa^bibliotlièque
et à ses collections, dans l'état où elle se trouve aujour-
d'hui; mais un décret en date du 13 nov. 4863, décret
complété par le règlement du 14 janv. 1864, vint en modi-
fier singulièrement l'organisation intérieure. La division |de
l'Ecole en deux sections fut supprimée ; la direction de
l'établissement passa de l'assemblée des professeurs, qui
avait toujours conservé cette direction depuis l'origine des
académies royales au xvii^ siècle, à un directeur nommé
par l'administration centrale et assisté d'un conseil supé-
rieur d'enseignement ; et des ateliers d'architecture, de
sculpture, de peinture et de gravure (au nombre de onze)
furent institués et ouverts gratuitement aux élèves, en
même temps que certains cours leur étaient rendus o])liga-
toires. De plus, à côté des ateliers de jour, le même règle-
ment créa les études du soir. Enfin, en 1883, le décret du
30 sept, complété par un règlement du 3 oct. de la même
année, décret qui régit actuellement l'Ecole, y institua l'en-
seignement simultané des trois arts par la création d'études
et de concours de dessin, de modelage, d'architecture élé-
mentaire et de composition décorative. Charles Lucas.
Organisation générale. — L'organisation générale de
l'Ecole est réglée par les décrets du 13 nov. 1871 et du
30 sept. 1883 dont plusieurs arrêtés (5 oct. 1883, 30 mars
1884,15janv. 1885,8 nov. 1885,8 janv. 1886, etc.) ont
développé les conséquences. La situation des élèves au point
de vue de la loi militaire sera examinée dans un para-
graphe spécial ci-dessous. Le régime de l'Ecole est l'exter-
nat. L'enseignement est gratuit. Les cours oraux n'ont lieu
qu'à partir du 1^^ nov. Il y a vacances à l'Ecole du
1^^ août au 15 oct. Les jeunes gens qui veulent profiter
de l'enseignement de l'Ecole doivent préalablement se faire
inscrire au secrétariat, justifier de leur âge et de leur
qualité, et, de plus, s'ils sont étrangers, se présenter avec
une lettre d'introduction de l'ambassadeur, du ministre
ou du consul général de leur nation. Tous doivent être
munis d'une pièce attestant qu'ils sont capables de subir
les épreuves d'admission. Nul ne peut obtenir son inscrip-
tion s'il a moins de quinze ans et plus de trente ans révo-
lus, dernière limite d'âge des études de l'Ecole. Une ins-
cription spéciale pour chaque concours est obligatoire dans
les huit jours qui le précèdent, sauf dans les cas indiqués
par l'administration. Sont élèves de l'Ecole et jouissent des
avantages attachés à cette qualité les jeunes gens qui ont
rempU'les conditions d'admission indiquées ci-après.
Cours, Les cours sont ouverts aux élèves de FEcole et
des ateliers et de plus à toute personne qui, en ayant fait
la demande à l'administration, a obtenu une carte spéciale
d'admission. Ces cours ont lieu du l^"^ nov. au \^'' avr. ;
ils comprennent les matières suivantes : 1° l'histoire géné-
rale; 2° l'anatomie; 3" la perspective à l'usage des peintres
et des architectes ; 4» les mathématiques et la mécanique ;
5*^ la géométrie descriptive ; 6<^ la physique et la chimie ;
ÉCOLE
390 -
70 la stéréotomie et le levé de plans ; 8° la construction ;
90 la législation du bâtiment; 10^ l'histoire de l'architec-
ture; W la théorie de l'architecture ; 12° le dessin orne-
mental ; d3Ma composition décorative ; W la littérature ;
450 l'histoire et l'archéologie ; i6« l'histoire de l'art et
l'esthétique. Indépendamment des cours énumérés ci-dessus
et qui sont à l'usage spécial des élèves admis, il y a, dans
l'Ecole, des cours' élémentaires pour les aspirants à la
classe d'architecture. L'Ecole proprement dite est divisée
en trois sections : la section de peinture, la section de
sculpture et la section d'architecture. A la section de pein-
ture se rattache la gravure en taille-douce ; à la section de
sculpture la gravure en médailles et en pierres fines. Nul
ne peut être admis à l'Ecole proprement dite qu'après avoir
satisfait aux épreuves suivantes qui varient selon les trois
sections. Nous examinerons successivement les conditions
d'admission et le régime intérieur réglant l'ordre des études
et les concours d'émulation d'abord pour les deux sections
de peinture et de sculpture qui ont la même organisation,
puis pour celle d'architecture.
40 Section de peinture, de sculpture et de gravure.
— Conditions d'admission. Chaque année, en mars et
en juillet, il y a une session d'examens d'admission à l'Ecole
proprement dite pour les candidats aux sections de peinture
et de sculpture inscrits dans les conditions réglementaires.
Les épreuves pour la section de peinture comprennent :
une figure dessinée d'après la nature à l'une des sessions,
d'après l'antique à l'autre session, et exécutée en douze
heures. Cette épreuve préalable, qui est éliminatoire, est
jugée parlle jury de peinture, qui peut choisir 80 candi-
dats au plus et 20 supplémentaires. Les candidats admis
à la suite de ce jugement sont seuls autorisés à subir
les autres épreuves, qui comprennent : 1« un dessin d'ana-
tomie (ostéologie), exécuté en loge en deux heures ; 2« une
épure de perspective, exécutée en loge en quatre heures ;
30 un fragment de figure modelée d'après l'antique, exécuté
en neuf heures ; 4° une étude élémentaire d'architecture,
exécutée en loge en six heures ; 5« un examem sur les
notions générales de l'histoire, écrit ou oral au choix du
candidat. Ces épreuves sont jugées par les professeurs
spéciaux d'anatomie, de perspective, de l'enseignement
simultané des trois arts et d'histoire, chacun en ce qui le
concerne, 'et classées au moyen de notes déterminées qui
sont multiphées par des coefiicients convenus. Les épreuves
techniques sont naturellement tout à fait prépondérantes,
plus encore en fait qu'en droit.
Les épreuves pour la section de sculpture compren-
nent : une figure modelée d'après la nature à l'une des
sessions, d'après l'antique à l'autre session, et^ exécutée
en douze heures. Cette épreuve préalable, qui est éli-
minatoire, est jugée par le jury de sculpture, qui peut
choisir 27 candidats au plus et 15 supplémentaires.
Les candidats admis à la suite de cette épreuve sont
seuls autorisés à subir les autres épreuves, qui com-
prennent : l*' un dessin d'anatomie (ostéologie), exécuté
en loge en deux heures ; 2° un fragment de figure dessiné
d'après l'antique, exécuté en neuf heures ; 3'' une étude
élémentaire d'architecture, exécutée en loge en six heures;
4°- un examen sur les notions générales de Ehistoire, écrit
ou oral au choix des candidats. Ces épreuves sont jugées
par les professeurs spéciaux d'anatomie, de l'enseignement
simultané dés trois arts et d'histoire, chacun en ce qui le
concerne, et classées au moyen de notes déterminées, qui
sont multipliées par des coefficients convenus. — Les jeunes
gens admis par le jury sont élèves de l'Ecole proprement
dite jusqu'à la session d'examens suivante. — A cette
époque, pour continuer à faire partie de l'Ecole proprement
dite, ils doivent de nouveau subir avec succès les épreuves
d'admission. Sont et demeurent dispensés de ces épreuves,
et, par conséquent, restent inscrits sur les listes de l'Ecole
proprement dite, les élèves qui, ayant été admis au con-
cours définitif du grand prix, ont exécuté le concours ;
ceux qui ont remporté une médaille dans les concours de
dessin et de sculpture, dans les concours semestriels, les
élèves qui ont obtenu le titre de premier dans l'un des
précédents concours d'admission et ceux qui ont^ été mé-
daillés à la suite des concours de l'enseignement simultané.
Régime intérieur. Ordre des études et concours.
Tous les jours, deux salles, l'une pour le dessin, l'autre
pour la sculpture, sont ouvertes aux élèves de l'I^^cole pro-
prement dite. Les études consistent, pour la section de
peinture, en figures dessinées alternativement d'après la
nature et d'après l'antique ; pour la section de sculpture,
en figures modelées alternativement d'après la nature et
d'après l'antique. Ces figures s'exécutent en douze heures.
Il y a, chaque trimestre, entre les élèves d'une même
section de l'Ecole proprement dite, un concours de figure
d'après la nature et d'après l'antique alternativement. Des
récompenses peuvent être accordées à la suite de ce con-
cours. Elles consistent en une seconde et deux troisièmes
médailles au plus et des mentions. —Il est institué, chaque
trimestre, entre les élèves d'une même section de l'Ecole
proprement dite, un concours de composition. De ces quatre
concours, deux comprennent une seule épreuve. Cette
épreuve consiste, pour les élèves de la section de pein-
ture, dans l'exécution d'une esquisse peinte; pour les
élèves de la section de sculpture, dans l'exécution d'une
esquisse modelée alternativement en bas-relief et en ronde
bosse. Ces esquisses sont exécutées en loge en douze
heures. — Pour prendre part à ces concours, les élèves
de la section de peinture doivent avoir obtenu une men-
tion de perspective. — Un autre concours comprend doux
épreuves. -La première consiste : pour les élèves de la sec-
tion de peinture, dans l'exécution d'une esquisse dessi-
née ; pour les élèves de la section de sculpture, dans
l'exécution d'une esquisse modelée alternativement en bas-
relief et en ronde bosse. Ces esquisses sont exécutées en
loge en douze heures. Les concurrents emportent un calque
ou un croquis de leur esquisse, qui est estampillée et con-
servée par l'administration. La deuxième épreuve consiste
dans l'exécution de cette même esquisse, soit peinte, soit
modelée, dont le rendu a lieu dans le délai d'un mois. Les
rendus doivent être conformes aux esquisses et aux dimen-
sions prescrites. — Enfin, un autre concours à deux
degrés a lieu dans des conditions semblables à cehii qui
vient d'être indiqué. Seulement les élèves classés les dix
premiers à la première épreuve sont seuls admis à prendre
part à la deuxième épreuve, qui se fait en loge en quinze
jours. A chacun de ces concours peuvent être affectées une
deuxième médaille et deux troisièmes médailles au plus et
des mentions. La liste d'appel pour les études et les con-
cours est formée de la manière suivante : \'' les élèves
qui, ayant été admis au concours définitif du grand prix,
ont exécuté le concours ; 2° les élèves qui ont obtenu une
première médaille dans les concours semestriels ; 3^ les
élèves qui ont obtenu une médaille dans les concours tri-
mestriels de figure ou de composition, d'après l'ordre et
la date de leurs récompenses ; 4° les élèves reçus avec le
titre de premier ; 5^ les élèves qui ont obtenu une médaille
dans les concours d'études simultanées de dessin, de mode-
lage et d'architecture élémentaire ; 6» les élèves qui ont
obtenu une médaille dans les concours spéciaux, pourvu
qu'ils soient reçus aux places ; 1° les élèves, d'après leur
numéro de réception.
Etudes simultanées de dessin, de modelage et d'ar-
chitecture élémentaire. Tous les jours, des salles sont
ouvertes aux élèves des sections de peinture et de sculp-
ture de l'Ecole proprement dite et des ateliers pour étudier
les éléments des arts des autres sections. Les études con-
sistent : pour les peintres : en figures modelées aherna-
tivement d'après la nature et d'après l'antique ; pour les
sculpteurs : en figures dessinées alternativement d'après
la nature et d'après l'antique ; pour les peintres et les
sculpteurs : en exercices élémentaires d'architecture.
Chacune de ces études embrasse douze heures de travail.
Les travaux des élèves peuvent être conservés, sur l'avis
391 —
ÉCOLE
du professeur, pour être présentés au jury et concourir à
l'obtention de la mention des trois arts. — Il est institué,
chaque année, entre les élèves des sections de peinture
et de sculpture, deux concours, comprenant : 1** une
figure dessinée ; 2^ une figure modelée (alternativement
d'après nature et d'après l'antique) ; 3^ une composition
élémentaire d'architecture, exécutée en loge. Chacune de
ces études embrasse douze heures de travail. Ces con-
cours sont jugés par un jury composé des professeurs
spéciaux et de dix peintres, dix sculpteurs et dix archi-
tectes tirés au sort dans les jurys en exercice. Il peut être
décerné dans chaque section une seconde médaille, deux
troisièmes médailles au plus et des mentions. Ces' récom-
penses peuvent être cumulées. La liste d'appel pour ces
études et concours est formée de la manière suivante :
1^ les élèves récompensés dans les études simultanées,
d'après l'ordre et la date de leurs récompenses ; 2° les
autres élèves, dans l'ordre spécifié ci-dessus.
Concours publics spéciaux. Ces concours sont ouverts
aux élèves de l'Ecole proprement dite, aux élèves des ate-
liers de l'Ecole et aux élèves du dehors qui se trouvent
dans les conditions d'âge prescrites et ont été régulière-
ment inscrits. Chaque semestre, il y a pour les peintres et
les sculpteurs un concours d'anatomie sur un sujet indiqué
par le professeur. Le jugement est rendu par un jury com-
posé du professeur et de dix membres tirés au sort par
moitié dans les jurys de peinture et de sculpture en exercice.
Le jury peut accorder dans chaque section deux troisièmes
médailles au plus et des mentions. — Chaque semestre,
il y a pour les peintres et les sculpteurs un concours de
perspective sur un sujet indiqué par le professeur. Le ju-
gement est rendu, sur le vu des dessins et sur le rapport
du professeur, par un jury composé du professeur et de dix
membres tirés au sort dans le jury de peinture en exercice.
Le jury peut accorder dans chaque section deux troisièmes
médailles au plus et des mentions. — Chaque année, il y a
pour les peintres et les sculpteurs un concours simultané
d'esquisse dessinée et de bas-relief, sur un sujet indiqué
par le professeur et se rapportant aux matières traitées
dans le cours d'histoire et d'archéologie. Le jugement est
rendu par un jury composé du professeur et de dix mem-
bres tirés au sort, par moitié, dans les jurys de peinture
et de sculpture en exercice. Le jury peut accorder dans
chaque section une seconde et une troisième médaille, ou
deux troisièmes médailles et des mentions. — Chaque année,
au commencement de l'année scolaire, il y a un examen
d'histoire et d'archéologie donnant lieu à des mentions. —
Les cours embrassant trois années, les élèves qui ont ob-
tenu trois mentions répondant aux trois années du cours
sont exemptés de tout examen. A la fin de cette période,
des troisièmes médailles sont décernées aux élèves qui se
sont distingués dans les trois examens. Le jugement est
rendu par un jury composé du professeur, remplissant les
fonctions d'examinateur, et de dix jurés tirés au sort, par
moitié, dans les jurys de peinture et de sculpture en exercice.
Cours semestriels dits de grande médaille. Dans le
courant du mois d'octobre il est ouvert en peinture et en
sculpture un concours entre les élèves de l'Ecole et les
élèves du dehors, pourvu que ces derniers se trouvent dans
les conditions d'âge prescrites. Ce concours se compose de
deux épreuves : la première consiste en une esquisse peinte
ou modelée en bas-relief ; la seconde en une figure peinte
ou modelée d'après nature. Les élèves classés les dix pre-
miers à l'épreuve de Tesquisse sont seuls admis à prendre
part à la seconde épreuve. — Pour être admis au concours
semestriel d'octobre, les élèves doivent avoir acquis : les
peintres, une mention de perspective, une mention d'ana-
tomie et une mention d'histoire et d'archéologie ; les sculp-
teurs, une mention d'anatomie et une mention d'histoire
et d'archéologie. La mention d'histoire et d'archéologie doit
répondre à celle des trois divisions du cours qui a été pro-
fessé dans l'année. Sont admis de droit au concours semes-
triel d'octobre : 4^ les élèves ayant obtenu une récom-
pense dans les concours des grands prix de Rome, et ceux
qui, ayant été admis au concours définitif pour ce prix,
ont exécuté le concours ; 2° les élèves qui ont obtenu une
première médaille dans les précédents concours semestriels
ou deux secondes médailles, l'une d'après la nature, l'autre
d'après l'antique. Le concours semestriel d'octobre peut
donner lieu, dans chacune des deux sections, à trois prix
de 150 francs ; une première médaille est affectée au pre-
mier de ces trois prix. Les concours de figures embrassent
quatre jours de travail, à raison de sept heures par jour,
non compris le repos du modèle. Dans le courant du mois
d'avril, il est ouvert un concours semblable ; mais les con-
currents ne sont pas astreints, quant aux mentions, aux
mêmes exigences. La récompense attachée à ce concours
consiste, pour chacune des deux sections, en une première
médaille. Il peut être accordé deux mentions au plus. Ces
concours semestriels sont annoncés huit jours à l'avance.
Grande médaille d'émulation. Il est accordé en pein-
ture et en sculpture à l'élève qui a remporté le plus de
valeurs de récompenses à la suite des différentes épreuves
de l'année scolaire un prix qui prend le nom de grande
médaille d'émulation. L'estimation de valeur se fait d'après
les bases déterminées par arrêté ministériel. Toutefois, les
récompenses obtenues dans les concours des trois arts et
de composition décorative ne comptent que pour un tiers
de leur valeur. La grande médaille d'émulation peut être
cumulée.
Titres délivrés par l'Ecole. Certificat d'études à
l'Ecole. Peuvent seuls demander le certificat d'études à
l'Ecole les élèves qui, après y avoir été admis, ont obtenu :
soit l'admission en loge pour le prix de Rome, pourvu que
le concours ait été exécuté ; soit le prix du torse ou le prix
de la tête d'expression ; soit le prix de peinture décorative,
dit prix Jouvin d'Attainville ; soit une médaille dans les
concours d'après nature ou d'après l'antique ; soit le titre
de premier dans l'un des concours d'admission, pourvu
qu'ils aient de plus : les peintres, une mention en perspec-
tive, une mention en anatomie et les trois mentions en his-
toire et archéologie ; les sculpteurs, une mention en anato-
mie et les trois" mentions en histoire et archéologie.
2° Section d'architecture. — La section d'architecture
se divise en seconde et en première classe. Le nombre des
élèves dans chaque classe n'est pas limité.
Epreuves d'admission. Les concours d'admission en
seconde classe ont lieu deux fois par an, au mois de mars
et au mois de juillet. Les candidats doivent avoir satisfait
aux conditions réglementaires d'inscription pour subir les
épreuves d'admission. Les listes d'appel sont formées d'après
l'ordre d'inscription des candidats. Tout candidat qui ne
répond pas à l'appel de son nom est considéré comme
renonçant au concours. Les candidats subissent d'abord
une épreuve qui comprend : 4" le dessin d'une tête ou d'un
ornement d'après un plâtre, exécuté en huit heures; 2» le
modelage d'un ornement en bas-reliel d'après un plâtre,
exécuté en huit heures ; 3^ une composition d'architecture
exécutée en loge, en une seule séance de douze heures, à
compter de la dictée du programme. Ces trois épreuves éli-
minatoires sont jugées par une commission composée du
professeur de théorie de l'architecture, des professeurs des
cours de dessin et de modelage, chargés, chacun en ce qui
le concerne, de faire choix du programme et des modèles,
et de dix architectes, dix peintres, dix sculpteurs, tirés au
sort parmi les membres des jurys en exercice jugeant
exclusivement pour leur art. Les candidats admis à la suite
de ce jugement sont seuls autorisés à subir les autres
épreuves. Les élèves qui, ayant subi l'examen complet d'ad-
mission, ont été déclarés admissibles pour ces trois épreuves
éliminatoires, sont dispensés de les subir lorsqu'ils se pré-
sentent à un nouvel examen. La seconde partie du con-
cours d'admission consiste : 4^ en exercices de calcul faits
en loge; 2^ en un examen d'arithmétique, d'algèbre et de
géométrie ; 3^ en un examen de géométrie descriptive ;
40 en une épreuve d'histoire. Cette épreuve consista en un
ECOLE
392
examen oral et en une composition écrite sur les notions
générales de l'histoire. Dans le jugement de cette composi-
tion, il est tenu compte des qualités de la rédaction. Toutes
ces épreuves ont lieu conformément aux programmes pu-
bliés par l'administration de l'Ecole des beaux-arts. L'ordre
dans lequel les candidats subissent leur examen est déter-
miné par le sort. Tout candidat qui renonce à une seule des
épreuves est considéré comme se retirant du concours.
Un second jugement préparatoire et éliminatoire est
porté sur les épreuves scientifiques par les professeurs de
l'enseignement scientifique et par l'examinateur de l'Ecole.
A la suite de ce jugement, le classement des élèves admis
est fait par l'administrateur, en multipliant chaque note
obtenue par un coefiîcient convenu. La liste des candidats
admis est soumise à l'approbation du ministre. Les candi-
dats nouvellement admis prennent place à la suite des
élèves déjà inscrits en seconde classe, d'après leur rang
d'admission.
Seconde classe. Les listes d'appel sont dressées, pour
les élèves déjà reçus en seconde classe, d'après le nombre
de valeurs qu'ils ont obtenues dans les concours affectés à
cette classe, et, pour les -élèves nouvellement admis, dans
l'ordre indiqué précédemment. Les exercices auxquels les
élèves de seconde classe sont appelés à prendre part, sont:
i° les concours d'architecture, divisés en exercices analy-
tiques d'architecture et concours de composition propre-
ment dite ; 2° les concours sur les matières de l'enseigne-
ment scientifique ; 3° les exercices de dessin ornemental ;
4° les exercices de dessin de figure et de modelage d'or-
nement.
Concours d'architecture. Ces concours d'architecture
consistent chaque année en : 1^ six concours sur éléments
analytiques ou études de composition à grande échelle sur
sujets fragmentaires ; les programmes en sont donnés aux
élèves après ceux des compositions à rendre ; 2° six con-
cours de composition proprement dite sur des projets ren-
dus; 3° six concours de composition sur esquisse. Les
esquisses de ces divers concours se font en loge et chacune
en une séance unique de douze heures. Avant d'être admis
au concours de composition, les élèves doivent avoir obtenu
deux mentions dans les concours d'éléments analytiques.
On ne peut exécuter simultanément un concours de com-
position sur projet rendu et un concours d'éléments analy-
tiques. Il y a chaque année pour les élèves de la seconde
classe deux exercices se rapportant au cours d'histoire de
l'architecture. Ces exercices, dirigés par le professeur d'his-
toire de l'architecture, consistent en études de fragments
d'architecture de différentes époques. Les travaux qui y sont
exécutés peuvent être conservés, sur l'avis du professeur,
en vue de l'obtention de la mention nécessaire au pas-
sage à la première classe. Ils sont soumis à l'appréciation
d'un jury composé du professeur spécial et du jury d'ar-
chitecture.
Concours sur les matières de renseignement scien-
tifique. Ces concours consistent : l'^ pour les mathéma-
tiques et la mécanique, en un examen sur les matières du
cours et en compositions faites en loge ; 2° pour la géo-
métrie descriptive, en un certain nombre d'épurés, dont
une au moins faite en loge, et en un examen sur les épures
et sur les matières du cours ; ces examens ont lieu deux
fois par an ; 3° pour la stéréotomie et le levé des plans,
en un certain nombre d'épurés et en un examen sur ces
épures et sur les matières du cours ; 4*^ pour la pers-
pective, en un certain nombre de croquis et de dessins
d'après nature, en des épures dont une au moins doit être
faite en loge, et en un examen sur ces exercices et sur les
matières du cours ; chacun de ces concours est jugé, sur
le vu des croquis et des épures, pour la géométrie descrip-
tive, la stéréotomie et la perspective, et sur les rapports
des professeurs spéciaux, par un jury mixte composé, en
nombre égal, de professeurs de sciences et de membres
tirés au sort dans le jury d'architecture en exercice ; nul
ne peut prendre part au concours de stéréotomie et de
perspective avant d'avoir obtenu une mention en géométrie
descriptive ; 5° pour la construction, en des exercices en
loge, pendant la durée du cours ; en des exercices spéciaux
dans les ateliers, et en un concours de construction géné-
rale, qui dure trois mois, et qui est suivi d'un examen
oral. Le jugement est rendu, sur le vu des dessins et sur
le rapport du professeur de construction, par le jury d'ar-
chitecture en exercice, auquel s'adjoignent les professeurs
de géométrie descriptive et de stéréotomie. Nul ne peut
prendre part aux exercices et au concours de construction
avant d'avoir obtenu une mention en mathématiques, une
mention en géométrie descriptive et une mention en sté-
réotomie. Les élèves déclarés revisibles à la suite des juge-
ments de stéréotomie, de perspective et de construction,
sont admis à subir un nouvel examen au commencement de
Tannée scolaire.
Etudes simultanées de dessin et de modelage. Outre
les études et concours ci-dessus indiqués, les élèves de la
seconde classe participent à des exercices de dessin et de
modelage. Ils consistent : d° en dessin d'ornement ; 2^ en
dessin de figure, d'après le plâtre; 3° en modelage d'orne-
ment en bas-relief, d'après le plâtre. Chacun de ces exer-
cices, qui sont en nombre égal, autant que les besoins du
service le permettent, est dirigé par le professeur spécial
de dessin d'ornement, de dessin de figure ou de sculpture.
Les travaux, dont les dimensions sont déterminées par le
professeur, s'exécutent en douze heures. Ils peuvent être
conservés, sur l'avis du professeur, en vue de l'obtention
de la mention nécessaire au passage en première classe, et
sont soumis à l'appréciation du jury, composé du profes-
seur spécial et de dix peintres ou dix sculpteurs et dix
architectes tirés au sort dans les jurys en exercice. La
Hste d'appel est formée suivant l'ordre des valeurs obte-
nues dans la seconde classe.
Récompenses accordées en seconde classe. Sont
affectées comme récompenses en seconde classe : 1^ dans
les concours d'éléments analytiques, des secondes men-
tions ; 2"* dans les concours de composition d'architecture
sur projets rendus, des premières et des secondes men-
tions ; 3^ dans les concours de composition d'architecture
sur esquisse, des secondes mentions ; 4** en mathématiques,
en géométrie descriptive, en stéréotomie et en perspective,
des médailles spéciales (troisièmes médailles) et des pre-
mières mentions ; 5*^ en construction, des premières, des
deuxièmes et des troisièmes médailles et des mentions ;
6° en dessin d'ornement, en dessin de figure, en ornement
modelé et en études d'histoire de l'architecture, des troi-
sièmes médailles et des mentions. Toutes ces récompenses
peuvent être cumulées. Tout élève qui, dans le courant de
l'année scolaire, n'a pas rendu deux projets au moins ou
pris part à des concours d'éléments analytiques, ou passé
deux examens, ou rendu un projet ou passé un examen, ou
fait le concours de construction, est considéré comme dé-
missionnaire et ne peut de nouveau faire partie de l'Ecole
qu'en subissant les épreuves d'admission, à moins qu'il
n'en soit dispensé par décision du conseil supérieur. Dans
le cas d'une nouvelle admission, les degrés antérieurement
acquis par l'élève lui sont réservés. Sont exemptés défini-
tivement de cette obligation les élèves de la seconde classe
qui, ayant été admis au concours définitif du prix de Rome,
ont exécuté le concours.
Concours d'admission a la première classe d'archi-
tecture. Pour passer de la seconde à la première classe,
les élèves doivent avoir obtenu: \^ en architecture, six
valeurs, dont deux au moins sur éléments analytiques et
deux sur projets rendus ; 2° en mathématiques, en géomé-
trie descriptive, en stéréotomie, en construction, en pers-
pective, une médaille ou une mention ; 3^ une médaille ou
une mention de dessin d'ornement, de figure dessinée,
d'ornement modelé, d'études d'histoire de l'architecture.
Concours et exercices affectés à la première classe.
Les concours ouverts aux élèves de la première classe
sont : 1° des concours d'architecture ; 2^ un concours
393 —
ECOLE
d'ornement et d'ajustement ; 3° des concours se rappor-
tant au cours d'histoire de l'architecture ; 4'* des concours
de dessin de figure ; 5<^ des concours d'ornement modelé.
Les concours d'architecture consistent chaque année en :
10 six concours sur projets rendus ; 2^ six concours sur
esquisses. Toutes les esquisses se font en loge, et chacune
d'elles est exécutée en une seule séance de douze heures.
11 y a chaque année : 1^ un concours d'ornement et d'ajus-
tement, donnant heu aux prix Rougevin ; il se fait en loge
et dure sept jours ; 2° un concours se rapportant au cours
d'histoire de l'architecture. Ils consistent en compositions
reproduisant un style d'architecture déterminé. Le pro-
gramme en est donné par le professeur d'histoire de l'archi-
tecture. Chacun de ces concours, dont l'esquisse seule se
fait en loge, a une durée de dix jours.
'Etudes simultanées de dessin et de modelage. Outre
les concours ci-dessus indiqués, les élèves de la première
classe participent à des exercices de dessin et de modelage,
qui consistent : l"" en dessin de figure, d'après la nature
ou d'après le plâtre ; 2° en modelage d'ornements d'après
le plâtre. Chacun de ces exercices, qui sont en nombre
égal, autant que les besoins du service le permettent, est
dirigé par le professeur spécial de dessin ou de sculpture.
Les travaux, dont les dimensions sont déterminées par le
professeur, s'exécutent en douze heures. Il y a, chaque
année, deux concours de dessin et de figure et deux con-
cours d'ornement modelé. Chaque concours comprend douze
heures de travail. Il est jugé par un jury composé du pro-
fesseur spécial et de dix peintres ou dix sculpteurs et dix
architectes, tirés au sort dans les jurys en exercice.
Récompenses accordées en première classe. Sont
affectées comme récompenses en première classe : 1° dans
les concours d'architecture sur projets rendus, des pre-
mières médailles, des deuxièmes médailles et des premières
mentions; 2^ dans les concours d'architecture sur esquisses,
des deuxièmes médailles et des premières et deuxièmes
mentions ; 3° dans le concours d'ornement et d'ajustement,
dans les concours d'histoire de l'architecture, des pre-
mières médailles, des deuxièmes médailles et des premières
mentions ; 4*^ dans les concours de dessin de figure et
d'ornement modelé, des premières médailles, des deuxièmes
médailles et des premières mentions. Toutes ces récom-
penses peuvent être cumulées. — Tout élève de première
classe qui n'a pas rendu au moins un projet et pris part à
l'un des concours spécifiés ci-dessus dans le courant de
l'année scolaire, est considéré comme renonçant à continuer
ses études à l'Ecole, sauf décision du conseil supérieur.
— Sont exemptés de cette obligation les élèves de première
classe admis au concours définitif du grand prix de Rome
et ayant exécuté le concours et ceux qui ont obtenu soit le
diplôme d'architecte, soit la grande médaille d'émulation,
soit le prix Abel Blouet.
Grande médaille d'émulation. Il est affecté à l'élève
qui a remporté en première classe le plus de valeurs de
récompenses dans les divers concours de l'année scolaire
un prix qui prend le nom de grande médaille d'émulation.
La somme des valeurs s'établit d'après les bases déter-
minées par arrêté ministériel ; toutefois, les récompenses
obtenues dans les concours de dessin d'ornement, de dessin
de figure, d'ornement modelé et de composition décorative
ne comptent que pour un tiers de leur valeur. La grande
médaille d'émulation peut être cumulée.
Diplôme d'architecte. Les épreuves à la suite desquelles
le diplôme d'architecte peut être accordé ont lieu, chaque
année, à l'Ecole. Pour être admis à ces épreuves, il faut
avoir obtenu au moins neuf valeurs en première classe
dans les concours d'architecture, d'ornement et d'ajuste-
ment ou du prix de Rome, ainsi qu'une valeur dans le
concours d'histoire de l'architecture. Le programme est
donné par le conseil supérieur. Le sujet proposé aux can-
didats consiste en un projet d'architecture conçu et déve-
loppé comme s'il devait être exécuté. Les épreuves se divi-
sent en deux parties successives, l'une graphique et l'autre
orale. La partie graphique se compose de plans, élévations
et coupes ; elle embrasse les détails de la construction ;
elle est complétée par un mémoire descriptif et un devis
estimatif d'une partie de la construction. La partie orale
consiste en un examen sur les différentes parties du projet
lui-même ; sur les parties théorique et pratique de la cons-
truction, telles que qualités et défauts des matériaux, leur
résistance, les moyens employés pour leur mise en œuvre ;
sur l'histoire de l'architecture ; sur les éléments de phy-
sique et de chimie appliqués à la construction, et enfin sur
les notions essentielles de législation du bâtiment et de
comptabilité. Le nombre des diplômes n'est pas limité ; la
valeur en est grande, car il faut, pour l'obtenir, une
moyenne de cinq années de travail méthodique et soutenu.
Les élèves de la première classe ont eu, d'ailleurs, occa-
sion de s'exercer à la pratique, car leur aide est recherché
par les architectes de l'Etat. Néanmoins, ce diplôme ne
confère pas de titre spécial et l'expression « architecte
diplômé » n'a pas de sens officiel. Les épreuves sont jugées
par une commission spéciale, composée de la manière sui-
vante : le directeur de l'Ecole, président, assisté du secré-
taire de l'Ecole ; le secrétaire du conseil supérieur de
l'Ecole, secrétaire ; les membres de la section d'architec-
ture de l'Académie des beaux-arts ; les professeurs d'archi-
tecture de l'Ecole, savoir : les trois professeurs chefs
d'ateliers, trois professeurs d'atehers extérieurs, désignés
par le conseil ; le professeur de construction, le professeur
d'histoire de l'architecture, le professeur de théorie de
l'architecture, le professeur de physique et de chimie et le
professeur de législation du bâtiment ; deux membres du
conseil supérieur de FEcole, désignés par le conseil supé-
rieur ; un inspecteur général des monuments historiques,
un inspecteur général des édifices diocésains, un inspecteur
général des bâtiments civils, désignés par le ministre.
Cette commission se réunit à l'Ecole sur la convocation du
directeur.
Etude simultanée des trois arts. — Concours d'ému-
lation communs aux peintres, sculpteurs et archi-
tectes. Chaque année, il est ouvert entre les élèves de
l'Ecole proprement dite et des atehers deux concours, qui
sont l'application des études simultanées des trois arts. Ces
concours consistent en des compositions décoratives, dont
le programme est donné par le professeur de composition
décorative. L'esquisse est faite en loge en douze heures ; le
rendu a lieu dans le délai d'un mois. Ces concours sont
jugés par un jury composé du professeur de composition
décorative, des professeurs d'études simultanées et de dix
peintres, dix sculpteurs et dix architectes, tirés au sort
dans les jurys en exercice. Il peut être décerné dans chaque
section une première médaille, deux deuxièmes médailles
au plus, et des mentions. Ces récompenses peuvent être
cumulées.
Des ateliers de l'Ecole. — L'Ecole des beaux-arts
comprend : trois atefiers de peinture, trois ateliers de
sculpture, trois atehers d'architecture, un atelier de gra-
vure en taille-douce, un atelier de gravure en médailles et
en pierres fines. Les ateliers sont ouverts aux élèves de
l'Ecole proprement dite, qui choisissent, suivant l'ordre et
la date de leurs récompenses, puis de leur rang sur la liste
d'admission, celui des ateliers de leur section dans lequel
ils désirent étudier. Le nombre des élèves à admettre dans
chaque ateher est déterminé par l'administration, d'accord
avec le professeur chef d'atelier. Les candidats à l'Ecole
proprement dite pour la section d'architecture qui ont subi
avec succès les épreuves éliminatoires, peuvent aussi être
admis aux ateliers d'après leur rang de classement dans
les épreuves d'admission, mais seulement à défaut des élèves
indiqués ci-dessus, et jusqu'à la session d'examen suivante.
L'inscription des élèves dans les ateliers doit être renou-
velée au commencement de chaque année scolaire. L'ins-
cription se fait soit directement, soit par lettre. Si, dans
le premier mois, un élève ne s'est pas fait réinscrire, il est
considéré comme démissionnaire. Le professeur peut tou-
ECOLE
- 394 -
jours désigner au directeur les élèves qu'il a des motifs
d'exclure de son atelier. Leur radiation est prononcée par
le directeur, qui la notifie aux élèves. Ces élèves peuvent
être admis dans un autre atelier, avec l'agrément du pro-
fesseur de cet atelier, celui du professeur de l'atelier qu'ils
quittent, et avec l'assentiment du directeur. Sous certaines
conditions, tout élève a la faculté de changer d'atelier.
L'admission aux ateliers est définitive ; mais, une fois inscrit
dans un atelier, l'élève doit y être assidu. Les cas d'ab-
sence doivent toujours être justifiés de la part de l'élève
auprès de son professeur. Tout élève qui, dans l'espace de
deux années, n'aura pas obtenu soit une récompense pour
son art, dans les concours de l'Ecole ou dans les concours
du prix de Rome, soit une récompense ou une mention
pour ses travaux d'atelier, soit une médaille dans les con-
cours d'anatomie ou de perspective, ne fera plus partie de
l'atelier, à moins de décision contraire du conseil supérieur.
Les professeurs chefs d'atelier sont autorisés à faire con-
naître au directeur, qui les signale au ministre, ceux de
leurs élèves qu'ils jugent dignes d'être soutenus dans leurs
études. Tous les jours, les ateliers de l'Ecole sont ouverts
aux élèves. Pendant les vacances, deux salles sont mises à
la disposition des élèves peintres et sculpteurs. On donne
aux élèves architectes des projets à rendre.
Les études comprennent : pour les peintres : 4<» des
exercices de dessin et de peinture d'après la nature et
d'après l'antique ; 2° des exercices de composition ; 3° des
exercices de composition décorative. — Pour les sculp-
teurs : i^ des exercices de modelage d'après la nature et
d'après l'antique, soit en ronde bosse, soit en bas-rehef ;
2^ des exercices de composition, soit en ronde bosse, soit
en bas-rehef ; 3^ des exercices de composition décorative.
— Pour les architectes : 1° des exercices scientifiques ;
2^ des exercices de composition. — Pour les graveurs en
taille-douce : 4° des exercices élémentaires de gravure;
2° des exercices de gravure, soit d'après les estampes des
maîtres, soit d'après les dessins exécutés par l'élève ; 3° des
figures dessinées d'après la nature et d'après l'antique.
— Pour les graveurs en médailles et en pierres fines :
1^ des exercices élémentaires de gravure ; ^^ des exercices
de gravure, soit d'après les médailles et les pierres gravées
antiques, soit d'après les modèles exécutés par l'élève ;
3<* des figures dessinées ou modelées en bas-relief, d'après
la nature ou d'après l'antique ; 4° des exercices de com-
position en médailles et en camées. — Un atelier dirigé
par un professeur spécial permet aux élèves sculpteurs
de se familiariser avec le travail de la pierre et du marbre.
— A la fin de chaque trimestre, les professeurs chargés de la
direction des ateliers de peinture, de sculpture, de gravure
en taille-douce et de gravure en médailles et en pierres
fines, font un choix parmi les ouvrages de leurs élèves
pendant le semestre. Ces travaux sont exposés dans l'Ecole,
et des encouragements peuvent être accordés aux élèves
qui ont montré le plus d'aptitude. Ces encouragements sont
distribués, s'il y a Heu, à la suite d'un jugement rendu
par le jury en exercice. Ils consistent, pour chaque atelier,
en trois récompenses : la première, d'une valeur de 425 fr.;
la deuxième, d'une valeur de 75 fr. ; la troisième, d'une
valeur de 50 fr. Il peut être décerné quatre mentions au plus.
— A la fin de chaque semestre, le professeur de composi-
tion décorative fait un choix parmi les ouvrages des élèves
de l'Ecole qui prennent part aux exercices pratiques de son
cours. Ces travaux sont exposés dans l'Ecole, et des en-
. couragements peuvent être accordés aux élèves qui ont
montré le plus d'aptitude. Ces encouragements sont distri-
bués, s'il y a lieu, à la suite d'un jugement rendu par un
jury composé du professeur de composition décorative et
de dix peintres, dix sculpteurs, dix architectes, tirés au
sort dans les jurys en exercice. Ils consistent en trois ré-
compenses valant respectivement 425 fr., 75 fr. et 50 fr.
Pour la section d'architecture, la somme représentée par
la valeur de ces trois récompenses est attribuée, une seule
fois, à la fin de l'année scolaire, à l'élève qui a obtenu la
grande médaille d'émulation, sous les conditions suivantes :
Le lauréat s'engage à faire une étude sur un monument
français dont le choix lui est laissé; il en exécute le rendu.
Ce travail est exposé chaque année, à la suite des vacances,
à l'Ecole des beaux-arts ; il reste la propriété de l'élève.
Le lauréat touche, au moment où le prix lui est décerné,
les deux tiers de la somme affectée à cette récompense. Le
reste lui est remis après l'acceptation de son travail.
Fondations et concours auxquels elles donnent
lieu. Des fondations et legs faits à l'Ecole des beaux-arts
donnent lieu à des concours qui sont l'objet de conditions
spéciales. Le concours de la tête d'expression fondé par le
comte de Caylus pour les peintres et les sculpteurs, et le
concours de la demi-figure peinte, dite du torse, institué
par La Tour, ont Heu chaque année au mois de février. Les
récompenses consistent : pour la tête d'expression, en un
prix de 400 fr., et, pour le torse, en une somme de
300 fr. Les autres prix sont : le prix Hugnier (anatomie),
600 fr. ; le prix Fortin d'Ivry (perspective), 660 fr. ;
les deux prix Jouvin d' Attainville (peinture historique
et paysage), chacun de 2,400 fr. ; le prix Lemaire (ajus-
tement en sculpture), 825 fr. ; le prix Muller-Sœhnée,
539 fr. ; le prix /a?/ (construction), 700 fr. ; les deux prix
Jean Leclaire (émulation), chacun 500 fr. ; le prix Abel
Blouet (nombre de valeurs), 947 fr. ; le prix Edmond
Labarre (composition sur esquisse), 200 fr. ; le prix Sau-
ge l (composition), 395 fr. ; le prix Godebœuf (architec-
ture), 700 fr. Tous ces prix comptent pour des valeurs.
Le prix Piougevin (ornement et ajustement, concours en
loge, 7 jours), 600 fr. et 400 fr.) ; le prix Deschaumes
(architecture), 500 fr. Le prix Leclère (4,000 fr.) est
attribué, chaque année, au second grand prix d'architec-
ture, et le prix Troyon (600 'fr.) au second grand prix de
peinture.
Grand prix de Rome, La récompense suprême à la-
quelle visent les élèves de l'Ecole des beaux-arts est le
grand prix de Rome, qui donne l'accès à V Académie de
France à Pwme (V. ce mot). Les concours pour ce grand
prix ont été réglés par le décret du 43 nov. 4874. Le pro-
gramme des épreuves est établi par l'Institut (Académie
des beaux-arts). Chacune des sections juge le concours
pour sa spécialité. Elle s'adjoint un certain nombre d'ar-
tistes étrangers à l'Académie, égal à la moitié de ses mem-
bres, sept pour le concours de peinture (la section ayant
quatorze membres), quatre pour celui de sculpture et celui
d'architecture, deux pour celui de gravure. Mais les spé-
cialistes ne font que des présentations. Le jugement défi-
nitif du concours est prononcé par toutes les sections réu-
nies. Le concours pour les grands prix est ouvert aux élèves
de l'Ecole, mais en exceptant ceux qui sont mariés. Il a lieu
tous les ans pour la peinture, la sculpture, l'architecture ;
tous les deux ans pour la gravure en taille-douce, tous les
trois ans pour la gravure en médailles et en pierres fines.
Chaque concours comprend deux séries d'épreuves : les
épreuves préliminaires du concours d'essai, les épreuves
décisives du concours définitif. On accorde aux concurrents
admissibles une indemnité pour frais d'exécution : 300 fr.
aux peintres et aux sculpteurs, 200 fr. aux architectes et
aux graveurs.
Pour la peinture, il y a deux concours d'essai et un
concours définitif : le premier concours d'essai consiste
dans une esquisse peinte sur une toile dite de six, c.-à-d.
mesurant 0™40 sur 0'^32 ; l'esquisse doit être terminée
en douze heures, après la lecture du programme ; toute
communication avec le dehors est interdite. — Le second
concours d'essai a lieu aussitôt après le premier. Il
consiste en deux épreuves : 4** une esquisse peinte; 2° une
figure nue, peinte d'après nature. Les concurrents doivent
exécuter leurs figures en quatre séances de sept heures
chacune (non compris le repos du modèle). Cette double
épreuve d'admissibilité élimine la plupart des concurrents.
En effet, le nombre des élèves admis au concours défi-
nitif ne peut dépasser dix. Ce concours consiste dans
— 395 —
ECOLE
l'exécution d'un tableau dont la toile, dite de quatre-
vingts, a 1°^46 sur 1"^15. Le programme est remis à
9 h. du matin ; les concurrents reçoivent une feuille de
papier estampillée pour y tracer leur esquisse ; ils entrent
en loges et ont trente-six heures pour l'exécution de l'es-
quisse. Puis ils travaillent en loge à l'exécution du tableau.
La durée du concours est de soixante -douze jours de
travail à partir de la dictée du programme. Les tableaux,
après avoir été vernis, sont exposés trois jours avant et
un jour après le jugement.
Pour la sculpture, il y a également deux concours d'essai
éliminatoires et un définitif. Le premier consiste en une
esquisse modelée en bas-relief qui doit être terminée en
douze heures. Le second concours d'essai, qui a Heu aussitôt
après le jugement du premier, comporte deux épreuves :
i« une esquisse modelée ; 2^ une figure nue, modelée
d'après nature.— Le nombre des élèves admis au concours
définitif ne peut dépasser dix. Ce concours consiste alter-
nativement dans l'exécution d'un bas-relief ou d'une figure
ronde bosse. Trente-six heures sont consacrées à l'esquisse.
La durée du concours est de soixante-douze jours de travail.
L'exposition publique se fait dans les mêmes conditions
que pour la peinture.
Pour l'architecture, le système est le même : deux
concours d'essai, un concours définitif. Le premier essai
consiste en une esquisse dont le sujet est généralement un
simple motif architectural. Elle doit être terminée en
douze heures. Le second essai consiste en l'esquisse d'une
composition d'ensemble qui doit être faite en vingt-quatre
heures. — Pour le concours définitif, aussitôt après la
dictée du programme, les concurrents entrent en loges et
ont quatre jours et trois nuits pour l'exécution de leurs
esquisses dont ils sont tenus de prendre un calque. La
durée du concours est de cent dix jours de travail. Les
concurrents sont tenus de dessiner dans leurs loges leurs
projets au net; mais les études de ces projets, au trait et
à une échelle autre que celle du rendu, peuvent être faites
au dehors. L'exposition publique du concours a lieu trois
jours avant et un jour après le jugement.
Il y a pour le grand prix de gravure en taille-douce
seulement un concours d'essai et un concours définitif ;
le premier comprend deux épreuves, à savoir : 1° une
figure dessinée d'après nature ; 2<> une figure dessinée
d'après l'antique. — Le concours définitif consiste : 1° à
dessiner une figure d'après l'antique; 2<* à dessiner une
figure d'après nature; 3<* à graver au burin la figure
dessinée d'après nature. Pour le dessin de chaque figure,
il est accordé aux concurrents six séances de cinq heures
de travail; pour la gravure, la durée du travail est de
quatre-vingt-dix jours. L'exposition pubhque a lieu trois
jours avant et un jour après le jugement.
Le concours pour le grand prix de gravure en médailles
et en pierres fines comprend deux essais et un concours
définitif. Le premier essai consiste en une esquisse, modelée
en bas-relief, qui doit être terminée en douze heures ; le
second en une figure nue, modelée en bas-relief, qui doit
être exécutée en quatre séances de sept heures chacune. —
Le concours définitif consiste : i^ à modeler en cire un
bas -relief; 2^ à graver ce bas -relief soit sur acier,
soit sur pierre fine; 3° à copier soit sur acier, soit sur
pierre, d'après un plâtre moulé sur l'antique, une tête
dont l'original est gravé soit en médaille, soit en pierre
fine. Trente-six heures sont accordées pour l'exécution des
esquisses; la durée du travail total est de quatre-vingt-
seize jours. Les pierres fines sont fournies par l'Académie.
L'exposition publique a lieu trois jours avant et un jour
après le jugement.
C'est l'Académie des beaux-arts qui distribue les prix
des concours. Elle décerne un premier grand prix et deux
seconds grands prix dans chaque ordre. Les artistes qui
obtenu les premiers grands prix reçoivent un diplôme et
une médaille d'or; ils vont à Rome passer, comme pen-
sionnaires, le temps déterminé; les seconds grands prix
reçoivent un diplôme et une médaille d'or; ils ne peuvent
plus concourir que pour le premier prix dans le même art.
Il arrive que certains concours soient jugés trop faibles
pour que le grand prix soit décerné ; en ce cas, on en donne
deux l'année suivante. Au sujet du séjour à la villa Médecis
et des avantages qu'il confère, V. l'art. Académie de
France à Rome, t. I, p. 221.
L'institution de l'Ecole nationale et spéciale des beaux-
arts a été l'objet de vives critiques qui mettent en jeu
même son existence. Les tendances de son enseignement
sont attaquées, et on lui reproche de les imposer par le
système des concours peu favorable à l'originalité artistique.
Le plus fameux de ces concours, celui des grands prix de
Rome et l'institution de l'Académie de France à Rome sont
particuhèrement discutés. Ce n'est pas ici le lieu d'aborder
cette question (V. Académie, Classique et Enseignement
artistique) ; mais il paraît difiicile de nier les services
rendus par l'Ecole, grâce au concours de maîtres éminents
et aux ressources des collections des ateliers mises gra-
tuitement à la disposition des élèves.
Service militaire. — Voici quels sont les avantages accor-
dés au point de vue du service militaire aux lauréats de
l'Ecole des beaux-arts. La loi ne demande qu'un an de pré-
sence sous les drapeaux avant le passage dans la réserve à
ceux qui ont obtenu soit l'un des prix de Rome, soit un prix
ou médaille d'Etat dans les concours annuels de l'Ecole. Le
décret du 23 nov. 1887 spécifie que les prix de Rome sont
au nombre de trois par spécialité (un premier et deux
seconds) ou de quatre lorsque le premier grand prix n'a
pas été décerné l'année précédente. Ceux-ci ne sont d'ailleurs
le plus souvent remportés qu'à un âge trop avancé pour
conférer utilement la dispense. Voici comment on a réglé
la question pour les autres concours (arrêté du 14 déc.
1889).
Peinture et gravure en taille-douce. Concours de
figure dessinée d'après l'antique et d'après nature (secondes
médailles — quatre) ; concours de composition (secondes
médailles — deux) ; concours semestriels dits de grande
médaille (premières médailles — deux) ; concours de la
tête d'expression (première médaille — une); concours du
torse (première médaille — deux) ; concours Jouvin d'At-
tainville, peinture historique (première médaille — une) ;
concours Jouvin d'Attain ville, paysage (seconde médaille
— une ) ; concours de composition décorative (premières
ou secondes médailles — deux) ; grande médaillç d'ému-
lation.
Sculpture et gravure en médailles. Concours de figure
modelée d'après l'antique et d'après la nature (secondes
médailles — quatre) ; concours de composition (secondes
médailles — quatre); concours semestriels dits de grande
médaille (premières médailles — deux); concours de la
tête d'expression (première médaille — une); concours
Lemaire (première médaille — une) ; concours de compo-
sition décorative (premières ou secondes médailles — deux);
grande médaille d'émulation.
Architecture. 1^® classe : concours d'architecture sur
esquisse et sur rendus (premières ou secondes médailles
— vingt-quatre) ; concours d'ornement et d'ajustement
(premières ou secondes médailles — deux) ; concours Gode-
bœuf (premières ou secondes médailles — deux) ; concours
de composition décorative (premières ou secondes médailles
— deux) ; grande médaille d'émulation. — 2^ classe :
concours de construction (premières ou secondes médailles
— trois).
Ecole nationale des beaux-arts de Bourges. —
Destination. — L'Ecole nationale des beaux-arts de Bourges
a pour objet de former des jeunes gens et des jeunes filles
à la pratique des arts et à l'enseignement du dessin. C'est
un étabhssement d'enseignement professionnel. Il comporte
un enseignement spécial aux professions des élèves. Les
décrets du 7 oct. 1881 et du 14 oct. 1882 en règlent le
fonctionnement.
Conditions d'admission. — Pour être élève de l'Ecole et
ÉCOLE
— 396 —
participer aux récompenses qu'elle décerne, il faut justifier
de la qualité de Français. Toutefois les étrangers peuvent y
être admis par autorisation spéciale du ministre ; mais ils
ne peuvent prétendre au prix d'honneur, non plus qu'aux
bourses instituées pour les élèves de l'établissement. L'ins-
cription a lieu au secrétariat de l'Ecole, tous les jours non
fériés, aux heures des cours. Pour être admis à l'Ecole, les
élèves doivent avoir au moins dix ans révolus, savoir lire,
écrire et calculer ; ils doivent être présentés par leur père,
mère, correspondant ou chef d'atelier. En entrant à l'Ecole,
tous les élèves doivent être munis des instruments néces-
saires à leurs études.
Régime intérieur. •— L'enseignement est gratuit. Il com-
prend : 1° le dessin linéaire et géométrique; 2° le dessin
d'architecture, les mathématiques, la construction et la
perspective; 3^ le dessin d'ornement et de figure, la com-
position ; 4° l'architecture ; 5^ la sculpture ; 6^ la peinture ;
7^ la peinture et la sculpture appliquées à la céramique ;
8^ l'anatomie ; 9* l'histoire de l'art. L'enseignement de
l'Ecole est réparti en trois divisions : division élémentaire,
division supérieure, cours spéciaux. Les épreuves pour le
passage d'un cours dans le cours supérieur consistent à
obtenir dans l'ensemble des matières une notation moyenne
d'au moins 46 points (maximum, 20 points), sans que, pour
chacune d'elles, la notation puisse être inférieure à 14 ; à
cet effet, tous les travaux, ainsi notés par chaque professeur
de cours, sont revisés par un jury, qui prononce chaque
mois sur le passage d'un cours dans un autre.
Un concours annuel , donnant lieu à des prix et à des
mentions, est institué pour chacune des facultés de l'ensei-
gnement de l'Ecole dans le dernier trimestre de l'année
scolaire ; peuvent seuls y prendre part les élèves inscrits à
l'Ecole antérieurement au 1^^ févr., et qui ont suivi régu-
lièrement les cours. Des bourses d'études sont accordées aux
élèves qui se distinguent le plus dans l'Ecole : un tiers est
réservé à ceux ou celles qui se destinent à l'enseignement ;
elles ne peuvent se partager ; pour y prétendre, il faut être
Français, être âgé au moins de quinze ans et être inscrit à
l'Ecole depuis une année au moins. Nul ne peut en obtenir
le renouvellement au delà de quatre ans.
Ecole nationale des beaux-arts de Dijon. --L'Ecole
nationale des beaux-arts de Dijon comprend l'enseignement
de la peinture, du dessin, de la sculpture, de l'architec-
ture, de l'art décoratif, de l'art industriel et des cours
accessoires. Pour être admis élève de cette école, il faut :
1« justifier de laquaUté de Fran(;ais ou, pour les étrangers,
de l'autorisation du préfet ; 2*^ résider à Dijon ; 3« avoir
dix ans révolus ; 4^ posséder les éléments de la grammaire
et de l'arithmétique.
Ecole nationale des beaux-arts de Lyon. — Des-
tination. — L'Ecole nationale des beaux-arts de Lyon a
pour objet l'enseignement du dessin, des beaux-arts et des
arts décoratifs.
Conditions d'admission. — Nul ne peut y être reçu s'il
n'a au moins quinze ans révolus. Les jeunes gens qui se
présentent à l'Ecole doivent préalablement se faire inscrire
au secrétariat, justifier de leur âge, de leur qualité de
Français , et prouver qu'ils ont été vaccinés ou ont eu la
petite vérole. S'ils sont étrangers, ils doivent justifier de
l'autorisation du maire de Lyon. Les élèves. Français ou
étrangers, ne peuvent se j)résenter qu'avec un répondant
domicilié à Lyon.
Régime intérieur. — Les élèves de l'Ecole se divisent en
deux catégories : les aspirants et les titulaires. Nul ne
peut devenir titulaire dans une classe, sans avoir subi les
examens spécifiés ci-après pour l'admission à chacune des
classes de l'Ecole.
Elèves aspirants. A leur entrée à l'Ecole, les élèves sont
examinés sur : les notions d'histoire générale, les mathé-
matiques élémentaires, le dessin géométral et le dessin
perspectif, et, selon leur degré d'instruction, ils sont
classés dans la division préparatoire ou de principes (ensei-
gnement du premier degré), ou dans la division de bosse
(enseignement du deuxième degré). — L'enseignement
du premier degré, division préparatoire ou de principes,
comprend J: l'arithmétique et la géométrie, le dessin pers-
pectif et géométral à main levée , d'après des modèles en
rehef (simples) ; l'étude élémentaire de la figure humaine,
des animaux et de l'ornement, d'après des modèles graphies ;
la pratique du dessin géométrique, avec l'emploi des ins-
truments de mathématiques et le lavis. Pour être reçus dans
la division de bosse (enseignement du deuxième degré), les
élèves doivent subir un examen sur les matières du premier
degré, soit à leur entrée à l'Ecole, soit après un séjour dans
la division préparatoire. A cet effet, il y a deux examens
par année, l'un à la rentrée des classes (deuxième quin-
zaine d'octobre), l'autre fin décembre. Cet examen comporte :
une interrogation sur l'arithmétique et la géométrie élémen-
taire ; un dessin perspectif et un dessin géométral à main
levée, d'après le même modèle en relief, de forme simple ;
un dessin géométrique exécuté avec les instruments de
mathématiques et comportant un peu de lavis, — L'ensei-
seignement du deuxième degré, division de bosse, com-
prend : la géométrie , Jes éléments de perspective et de
géométrie descriptive, l'étude de la figure humaine, des
animaux et de l'ornement, d'après la bosse. Dans cette
division, les élèves se préparent aux examens exigés pour
les différentes classes d'application. En conséquence , ceux
qui se destinent à l'architecture et à l'art décoratif peuvent
y étudier les relevés géométraux.
Elèves titulaires. Les élèves aspirants deviennent titu-
laires dans une classe d'application après avoir subi les
épreuves suivantes : Classe de peinture et de gravure :
une académie dessinée d'après l'antique ; un dessin d'orne-
ment d'après le plâtre ; un examen sur l'histoire générale
(notions élémentaires) ; un examen sur les éléments de la
perspective. — Classe de sculpture : une académie mo-
delée (haut-reUef), d'après l'antique ; une étude d'ornement,
modelée ou dessinée d'après le plâtre ; un examen sur l'his-
toire générale (notions élémentaires) ; un examen sur le
tracé des formes géométriques. — Classe d'architecture :
une académie d'après la bosse, mise en place et massée à
l'effet en deux séances ; un dessin d'ornement d'après le
plâtre ; un relevé géométral rendu à l'aquarelle ; un examen
sur l'histoire générale (notions élémentaires) ; un examen
sur les éléments de la perspective. — Classe de fleur :
une académie d'après la bosse ; un dessin perspective et un
dessin géométral à main levée d'après le même objet orne-
mental; un examen sur l'histoire générale (notions élé-
mentaires) ; un examen sur les éléments de perspective. Les
élèves doivent suivre en outre la classe d'art décoratif
durant deux années au moins. Ils font des cours d'appH-
cations industrielles à la fin de chaque année. — Classe
d'art décoratif : une académie d'après la bosse, mise en
place et massée à l'effet en deux séances ; un dessin d'or-
nement d'après le plâtre; un relevé géométral rendu à
l'aquarelle ; un examen sur l'histoire générale (notions élé-
mentaires) ; un examen sur les éléments de perspective.
Ces épreuves, passées avec succès pour d'autres classes,
peuvent compter pour l'admission à la classe d'art déco-
ratif. Chaque année, il y a deux concours d'admission aux
différentes classes : en octobre et décembre. En outre, les
grands concours de fin d'année (juillet) peuvent être utilisés
à cet effet. Tous les élèves titulaires des différentes classes
d'application doivent suivre : les cours de perspective, les
cours d'histoire de l'art et d'archéologie (pendant deux ans).
Le cours d'anatomie n'est imposé qu'aux élèves des classes de
peinture, sculpture et gravure; celui de géométrie descrip-
tive et stéréotomie, aux élèves do la classe d'architecture.
Six bourses de 200 fr. sont accordées chaque année sur la
proposition du conseil des professeurs. Outre les grands
concours de fin d'année dans toutes les sections, pour les-
quels il est alloué 100 fr. aux premiers prix et oO fr.^ aux
seconds, il existe un prix d'honneur, consistant en Hvres
d'art donnés par le ministère et un grand prix dit prix de
Paris, consistant en une pension annuelle de 4,800 fr.
— 397
ECOLE
(1,200 fr. de l'Etat el 600 fr. de lu ville), pendant trois
ans ; ce prix est décerné à un élève français peintre, sculp-
teur, architecte ou graveur, à la suite d'un concours (en
loge), à deux degrés.
'Ecole nationale des beaux-arts d'Alger. —Des-
tination. — L'Ecole nationale des beaux-arts d'Alger a été
instituée et organisée par décret du 8 nov. 1881 en vue
do former les jeunes gens et les jeunes filles à la pratique
des arts, à l'enseignement du dessin et à l'exercice des
industries relevant de l'art.
Conditions d'admission. — Pour être élève de l'Ecole et
participer aux récompenses qu'elle décerne, il faut justifier
de la qualité de Français ; toutefois, les étrangers peuvent
y être admis par autorisation spéciale du ministre, délivrée
sur la demande du représentant de leur nation, après l'avis
du directeur de l'Ecole. L'inscription des élèves a lieu,
tous les jours non fériés, au secrétariat de l'Ecole, ^ aux
heures des cours ; pour être admis à l'Ecole, les candidats
doivent être présentés par leurs père, mère, correspondant
ou chef d'atelier, et savoir lire, écrire et calculer.
Régime intérieur. — L'enseignement est gratuit. Il est
divisé, pour chacune des sections, filles et garçons, en
première division, deuxième division, division supérieure,
cours spéciaux. Il est institué près de l'Ecole nationale des
beaux-arts d'Alger des bourses au profit des élèves qui se
distinguent le plus dans l'Ecole. Un tiers de ces bourses
est réservé, s'il y a lieu, pour ceux ou celles des élèves
qui se destinent à l'enseignement ; elles sont accordées
tous les ans au mois de janvier, sont payables à la fin de
l'année scolaire et ne peuvent se partager. Nul ne peut
y prétendre s'il n'est inscrit à l'Ecole depuis une année au
moins et ne peut en obtenir le renouvellement au delà de
quatre ans.
Ecole spéciale d'architecture. — Destination. —
Cette école, située à Paris, boulevard Montparnasse,
no 136, a été fondée par une association d'efforts privés,
où M. Emile Trélat a eu la plus grande part, et reconnue
comme établissement d'utilité publique le 11 juin 1870.
Elle a pour but de former des architectes, et elle admet
des nationaux et des étrangers. Elle peut admettre égale-
ment, dans ses amphithéâtres, des auditeurs libres qui
doivent adresser leur demande aux professeurs titulaires
des chaires, au siège de l'Ecole.
Conditions d'admission. — 11 n'y a pas de limite d'âge.
Nul n'est admis à l'Ecole qu'après avoir subi des épreuves,
qui ont heu au choix du candidat, soit à Paris, au siège de
l'Ecole, soit dans les chefs-lieux des départements, auprès
du professeur désigné, sur la demande de l'Ecole, par le
proviseur du lycée local ; soit à l'étranger, par les pro-
fesseurs des universités. La session d'examen de Paris
commence vers le 25 oct. Tout postulant doit adresser sa
demande au directeur avant le 20 oct. — Les épreuves
d'admission comprennent : 1° un dessin d'après un orne-
ment en relief; 2« le dessin (plan, coupe, élévation) d'un
édifice rendu sur un croquis coté ; 3° une composition fran-
çaise (ces trois premières épreuves sont remplacées dans
les départements par un certificat de l'architecte du dépar-
tement ou de la ville, à l'étranger par un certificat d'un
architecte notable de, la localité); 4^^ un examen oral
portant sur l'arithmétique, l'algèbre, la géométrie, la géo-
métrie descriptive, la géographie, conformément aux
programmes arrêtés par le conseil de l'Ecole. A la fin de
la troisième année d'études, les élèves qui ont satisfait à
toutes les épreuves réglementaires de l'enseignement sont
admis à un concours général, qui a pour but la participa-
tion au classement de sortie et l'obtention du diplôme que
le conseil de l'Ecole décerne à ceux de ses élèves qui lui
paraissent posséder les ressources et l'esprit de l'ensei-
gnement. La ville de Paris a fondé des bourses à l'Ecole
spéciale d'architecture en faveur des jeunes gens nés à
Paris, ou dont les parents sont domiciliés dans cette ville
depuis dix ans. Les candidats à ces bourses doivent se
faire inscrire à la préfecture de la Seine, du 1^^ au 30 sept..
en produisant leur acte de naissance. Elles sont attribuées
tous les ans par le conseil municipal à la suite d'un con-
cours, qui a lieu au mois d'octobre.
Régime intérieur. — Les études normales durent trois
années. Les cours et les ateliers s'ouvrent le 10 nov. et se
ferment le 10 août. Le régime de l'Ecole est l'externat.
Le prix de l'enseignement est de 850 fr. par an, payables
en quatre termes; les élèves sont, en outre, tenus de
verser à la caisse de l'Ecole, au commencement de chaque
année, une somme de 40 fr., destinée à garantir le
payement des objets perdus ou détériorés par leur faute ;
ce dépôt, entretenu trimestriellement au chifire de 40 fr.,
leur est remboursé à la fin de chaque année ou lorsqu'ils
quittent l'Ecole pour une cause quelconque.
Ecole nationale des arts décoratifs de Paris. —
Destination. — L'Ecole nationale des arts décoratifs, située
à Paris, rue de l'Ecole-de-Médecine, ressortit au ministère
de l'instruction publique et des beaux-arts. Son objet est
de former des artistes et des artisans pour les industries
artistiques et décoratives ; elle leur donne en outre une
instruction générale appropriée et un enseignement profes-
sionnel comportant des cours et des exercices pratiques.
Historique. — Cette école a été fondée par J.-J. Ba-
chelier sous le règne de Louis XV, en 1765, pour les
ouvriers. Elle devint en 1767 V Eco le gratuite de dessin.
Son nom actuel ne date que de sept. Î877 ; sa dernière
réorganisation date de 1890. Elle représente la section des
garçons, celle des jeunes filles étant représentée par l'Ecole
de la rue de Seine (V. ci-après).
Conditions d'admission. — Les jeunes gens qui désirent
y être admis doivent se présenter au secrétariat pour leur
inscription, avec leurs parents, patrons ou répondants, et
produire leur bulletin de naissance. Ils doivent savoir lire,
écrire et calculer. Il faut être âgé de dix ans pour suivre
les cours du soir. Les étrangers ne sont admis que sur la
demande du représentant ou consul de leur nation, adres-
sée au directeur qui en réfère au ministre. L'Ecole est
dotée de huit bourses : une de 600 fr,, trois de 480 fr.
et quatre de 360 fr. Pour être candidat à une bourse de
l'Ecole, il est nécessaire de suivre simultanément les divers
cours de l'enseignement supérieur de l'Ecole. Les élèves
français sont seuls admis au bénéfice des bourses ainsi
qu'à l'inscription aux ateliers de l'Ecole.
Régime intérieur. — L'Ecole des arts décoratifs a un
directeur spécial, dépendant du ministère de l'instruction
pubhque et des beaux-arts, directeur des deux sections, et
un sous-directeur de la section des garçons. L'enseigne-
ment, qui est gratuit, comporte des cours de jour et de
nuit, et son but est de former des élèves pour les appli-
cations de l'art à l'industrie. On y apprend l'anatomie, les
éléments d'architecture, la perspective pratique, la légis-
lation industrielle et du bâtiment, les reproductions indus-
trielles, l'histoire générale, l'histoire des industries, du
dessin, de l'architecture, les applications décoratives pour
les modeleurs. Il y a, en outre, des cours de mathé-
matiques, de dessin, de sculpture et d'architecture. Les
élèves s'exercent au décor des papiers peints, des tentures
et des étoffes, des murailles, des tapisseries ; à la confec-
tion de modèles pour 15 céramique, les meubles, la reliure
et le bronze ; à l'exécution de modèles pour les diverses
industries de la pierre, du bois, du fer, du bronze, des mé-
taux plus ou moins précieux. L'Ecole est ouverte toute la
journée et toute la soirée, été comme hiver. Les classes de
jour ont Heu en trois séances : de huit heures et demie à
dix heures trois quarts, de onze heures à une heure et de
une heure à quatre heures. Les classes du soir pour le
dessin et la sculpture ont lieu de sept heures et deinie
à neuf heures et demie et jusqu'à dix heures et demie,
par exception, les soirs où il y a cours de composition
d'ornement et d'anatomie. L'assiduité est obligatoire à
peine de radiation. Les peines disciplinaires sont : 1° la
réprimande ; 2° l'exclusion temporaire ; 3<^ l'exclusion défi-
nitive par le ministre sur rapport du directeur. Les élèves
ÉCOLE
— 398 -
sont classés par divisions dès leur entrée à l'Ecole et à la
suite d'un concours. Il y a des concours mensuels dans
toutes les divisions. Le passade à une division supérieure
n'est accordé qu'à la condition d'avoir obtenu dans ces
concours une certaine moyenne. Des concours annuels
donnent lieu à des récompenses.
Les concours mensuels donnent lieu à des médailles de
bronze et d'argent, les autres à des livres, livrets de caisse
d'épargne, bourses de voyage de l'Etat et de la ville de
Paris, aux grands prix (en loges), au prix d'architecture,
au prix d'honneur de l'Ecole, et à diverses fondations. Les
prix qui peuvent donner lieu à la dispense de deux années
de service militaire sont les suivants : prix Jacquot (appli-
cation décorative), prix Jay (dessin), prix de composition
et d'ornement, prix d'appUcation décorative en peinture,
prix d'appUcation décorative en sculpture, prix d'archi-
tecture, prix d'honneur de l'Ecole,
Ecole nationale de dessin pour les jeunes filles.
— Destination. — L'Ecole nationale de dessin pour les
jeunes filles, située à Paris, rue de Seine, 40, et ressortis-
sant au ministère de l'instruction publique et des beaux-
arts, forme une section de l'Ecole des arts décoratifs ; elle
répond pour les jeunes filles à ce que celle-ci est pour les
jeunes garçons. Toutefois l'application à l'industrie y est
moins importante ; le but principal est de former des pro-
fesseurs de dessin, en particulier de préparer aux examens
de la ville de Paris et de l'Etat.
Historique. — Fondée en 1803 par M^^ p^ère de
Montizon, cette Ecole a été réorganisée par le décret du
7oct. 1881.
Conditions d'admission. — Les élèves sont admises de
douze à vingt-cinq ans. Présentées par leur père, mère ou
répondant, elles doivent produire leur acte de naissance.
On ne reçoit des étrangères qu'avec autorisation du mi-
nistre, et elles n'ont pas droit aux récompenses. Les élèves
doivent savoir lire, écrire et calculer. Six bourses de 400,
300 et 200 fr. sont données aux élèves les plus méri-
tantes.
Régime intérieur. — L'enseignement est gratuit. Il
comprend essentiellement le dessin approprié à l'exercice
des professions relevant de Fart : dessin linéaire et géo-
métrique, perspective, éléments d'architecture, dessin, mo-
delage, anatomie, composition d'ornements, histoire de
Fart, gravure sur bois, etc. L'Ecole a un sous-directeur
spécial relevant du directeur de l'Ecole nationale des arts
décoratifs.
Ecole nationale d'art décoratif d'Aubusson. —
Destination. — L'Ecole nationale d'art décoratif d'Aubus-
son a été établie dans une ville qui est un des centres de
production de la tapisserie française, afin de former des
ouvriers d'art des deux sexes. Elle comprend une division
de jeunes filles et une division de jeunes gens.
Conditions d'admission. — Il faut savoir lire, écrire et
calculer. Les étrangers ne sont admis qu'avec une autori-
sation spéciale accordée sur la présentation du directeur
par le sous-préfet d'Aubusson. Les jeunes filles sont reçues
à l'âge de douze ans, les jeunes garçons à celui de treize
ans révolus.
Régime intérieur. — L'enseignement y est gratuit. Il
porte sur le dessin linéaire et géométrique, le dessin
d'après l'ornement, la figure et la plante, les éléments
d'architecture, d'anatomie et de composition décorative. En
outre, des cours spéciaux sont institués en vue de l'appli-
cation des arts du dessin aux industries locales : ce sont
des cours de tissage, de savonnerie, de mise en carte, de
broderie et de chimie tinctoriale.
L'Ecole est administrée par un directeur, président de
l'assemblée des professeurs et des jurys ; il est le chçf de
tous les services ; il est assisté d'un conseil présidé par le
directeur des beaux-arts.
Ecole nationale d'art décoratif de Limoges. —
Destination. — L'Ecole nationale d'art décoratif de Li-
moges est instituée en vue de former les jeunes gens et
les jeunes filles à l'enseignement du dessin et à l'exercice
des industries relevant de l'art. Fondée dans une ville qui
est depuis longtemps un des centres de production de la
céramique française, elle vise plus particuHèrement cette
branche de Findustrie artistique. Elle a été organisée par
le décret du 5 nov. 4881 en conformité avec la loi du
45 juin 4881. Elle comporte un enseignement spécial
approprié aux professions auxquelles se destinent les
élèves.
Conditions d'admission. — Pour être élève de l'Ecole et
participer aux récompenses qu'elle décerne, il faut justifier
de la qualité de Français. Toutefois les étrangers peuvent
être admis par autorisation spéciale du ministre, déli-
vrée sur la demande du représentant de leur nation, après
l'avis du directeur de l'Ecole ; mais ils ne peuvent prétendre
aux bourses. Pour être admis à l'Ecole, les jeunes gens
doivent être âgés de treize ans accompHs, les jeunes filles
de douze ans accomplis ; au delà, il n'y a pas de limite
d'âge. Les élèves doivent se présenter avec leurs parents,
patrons ou répondants, produire leur bulletin de naissance,
et savoir lire, écrire et calculer.
Régime intérieur. — L'enseignement de FEcole est
entièrement gratuit. Il est divisé, pour chacune des sections,
filles et garçons, en division élémentaire, division supé-
rieure, cours spéciaux. Il est institué près l'Ecole nationale
d'art décoratif de Limoges des bourses au profit des élèves
qui se distinguent le plus dans FEcole. Un tiers de ces
bourses est réservé, s'il y a heu, pour ceux ou celles des
élèves qui se destinent à l'enseignement. Elles sont accor-
dées tous les ans, au mois de janvier, sont payables à la
fin de l'année scolaire et ne peuvent se partager ; peuvent
seuls y prétendre les élèves français, âgés au moins de
quinze ans, inscrits à l'Ecole depuis une année au moins,
ayant subi avec succès les cours de la division élémentaire
et inscrits à un, au moins, des cours spéciaux ; ehes ne peu-
vent être renouvelées au delà de quatre ans.
Ecole nationale d'art décoratif de Nice. —Des-
tination. — L'Ecole nationale d'art décoratif de Nice a
une utilité moins spéciale et moins limitée aux indus-
tries locales que celles d'Aubusson et de Limoges. Elle se
rapproche plutôt par le caractère général de son ensei-
gnement des écoles des beaux-arts. On lui a adjoint une
école de dessin pour les jeunes filles fondée en 1882 par
M. Chabal-Dussurgey. L'organisation a été réglée par les
décrets des 7 oct. 4884, 45 nov. 4885 et M déc. 4888.
Les mêmes règlements régissent les deux écoles. Produire
des artistes à' même de se rendre utiles au pays et à eux-
mêmes, tel est le but auquel tendent toutes les études de
l'Ecole : aussi la composition décorative y est-elle pour-
suivie tout particulièrement non seulement en vue dos
qualités qui sont indispensables à l'artiste à la recherche
de l'idéal, mais encore en vue de son application raisonnée
à l'industrie.
Conditions d'admission. — Les jeunes gens qui désirent
entrer à l'Ecole nationale d'art décoratif de Nice doivent se
faire inscrire au secrétariat, justifier qu'ils ont dix ans
révolus, qu'ils sont Français ou naturahsés Français et
remettre au secrétaire : 4*^ un extrait de leur acte de nais-
sance ; 2° un certificat de vaccine. Les étrangers qui ont
reçu l'autorisation du maire peuvent prendre part à tous
les cours et prétendre à toutes les récompenses, excepté
aux bourses. Les élèves français ou étrangers ne peuvent
se présenter qu'avec un parent ou un répondant domicilié
à Nice ; ils doivent savoir lire et écrire correctement et
connaître les éléments de l'arithmétique.
Régime intérieur. — Les élèves de FEcole se divisent
en doux catégories, les aspirants et les titulaires. Nul,
parmi les aspirants, ne peut devenir titulaire sans avoir
subi les épreuves réglementaires du premier degré. L'en-
seignement du premier degré a pour objet : le dessin li-
néaire, le dessin d'ornement et d'imitation, comprenant :
4*^ la représentation des figures simples; 2^ les éléments
de l'ornementation ; 3*^ l'imitation des parties de la figure
- 399
ÉCOLE
humaine. Le concours des aspirants doit porter sur le pro-
gramme du premier degré. Les candidats qui ont fait leurs
études préparatoires dans d'autres écoles, et qui en justi-
fient devant le conseil des professeurs, peuvent jouir pro-
visoirement, et jusqu'à l'examen le plus prochain, des
avantages scolaires des titulaires. — Les titulaires ont la
faculté de suivre en môme temps les cours de peinture, de
sculpture, d'architecture, de dessin des plantes vivantes et
d'ornement ; mais nul élève, s'il n'a répondu d'une manière
satisfaisante aux examens trimestriels que comporte cha-
cun des cours particuliers, ne peut être dispensé de suivre
ces cours, qui sont : 1*^ les cours de perspective et d'his-
toire de l'art, obligatoires pour tous les élèves ; 2^ le cours
d'anatomie, obligatoire pour les peintres et les sculpteurs ;
3" le cours de mathématiques, obKgatoire pour les archi-
tectes. — L'Ecole est administrée par le directeur, président
de l'assemblée des professeurs et des jurys, chef de tous les
services, assisté d'un conseil d'administration, que préside
le maire de la ville.
Ecole polytechnique, — Destination. — L'Ecole
polytechnique, établie à Paris et dépendant du ministère de
la guerre, est destinée spécialement à recruter des sujets
pour les services publics ci-après : l'artillerie de terre,
l'artillerie de mer, le génie miiïtaire, le génie maritime,
la marine nationale, le corps des ingénieurs hydrographes,
le commissariat de la marine, les ponts et chaussées, les
mines, les manufactures de l'Etat (tabacs), le corps des
ingénieurs des poudres et salpêtres, les lignes télégra-
phiques. Son objet propre est donc de former des ingénieurs
civils ou mihtaires. Elle prépare, en outre, à toutes les
carrières qui exigent des connaissances étendues dans les
sciences mathématiques, physiques et chimiques.
La durée des cours d'études est de deux ans. — Les
élèves ne peuvent être admis dans les services pubHcs ci-
dessus désignés qu'après avoir satisfait aux examens de
sortie, à la fin des deux années d'études. L'admission dans
les services pubhcs des élèves qui ont satisfait à ces exa-
mens est, d'ailleurs, subordonnée au nombre des places dis-
ponibles au moment de la sortie de l'Ecole et à leurs apti-
tudes. Voici le sens de cette double restriction. En raison
des démissions volontaires, des non-admissibilités en seconde
année et des vacances de toute nature produites dans l'Ecole,
on reçoit environ un dixième d'élèves de plus que ne le
comporterait le nombre strict des emplois qu'il sera pos-
sible de leur attribuer à leur sortie de l'Ecole. Cet excé-
dent d'un dixième résulte de l'expérience faite sur l'équi-
libre normal. Il peut arriver qu'on soit déçu. Dans quelques
cas, d'ailleurs fort rares, des élèves ont été placés dans
l'infanterie ou dans la cavalerie. — Quant aux aptitudes
physiques, ce sont celles qui rendent aptes au service
militaire, ou tout au moins aux exercices mihtaires de
l'Ecole (V. ci-dessous). — L'Ecole polytechnique donne à
ses élèves une instruction théorique générale. A leur sortie
et avant d'entrer en fonctions, ils passent par des écoles
d'application (V. plus bas). L'Ecole est soumise au régime
mihtaire.
Historique. — L'Ecole polytechnique est la plus popu-
laire des grandes écoles nationales. Elle doit ce prestige à
son double caractère militaire et civil et au grand nombre
d'hommes remarquables à divers titres qui en sont sortis ;
elle le doit aussi à ses traditions libérales. Elle a été créée
pendant la période révolutionnaire ; comme tant d'autres
institutions fondamentales, elle doit son existence à la
Convention. Fondée sous le nom d'Ecole centrale des
travaux publics par décret du 21 ventôse an II (il mars
1794), elle fut ouverte au début de l'an III, le 7 vendé-
miaire (28 sept. 1794), à peu près en môme temps que
l'Ecole normale, les Écoles centrales et l'Ecole de santé.
A ce moment, la Révolution était triomphante et la
Convention, à l'apogée de sa gloire, réorganisait la France
conformément aux principes nouveaux. Une large place
lut faite à la science ; ce n'était que justice, car, au mo-
ment delà grande crise de 1793, le concours des savants
avait seul permis de réaliser les efforts grandioses qui sau-
vèrent la France. Il faut lire ce récit dans VEistoire des
sciences de Biot et voir comment on improvisa des fonde-
ries et forges de canons, des fabrications d'armes, de mu-
nitions, des approvisionnements de salpêtre. Après la vic-
toire, on se préoccupa de rétablir une organisation régulière.
Pendant la lutte, les ingénieurs avaient manqué et on avait
eu beaucoup de peine à maintenir les travaux publics, à
mettre les routes en état de satisfaire aux nécessités de la
défense du territoire et du transport des subsistances. De
plus, la solidarité des diverses catégories d'ingénieurs avait
été nettement révélée. On eut donc naturellement l'idée de
pourvoir par un institut unique au recrutement des ingé-
nieurs de toute sorte. Cette conception fut réalisée par la
fondation de l'Ecole centrale des travaux publics.
^ L'idée était neuve et philosophique. Jusqu'alors les prin-
cipaux services se recrutaient chacun par son école spé-
ciale. En voici la nomenclature sommaire : Ecole des élèves
du corps d'artillerie, supprimée en 1772, rétabhe en 1790
par décret de l'Assemblée nationale et placée à Châlons au
lieu de La Fère (1756) et Bapaume (1766) ; — Ecole du
génie militaire, établie à Mézières, plus tard transférée à
Metz; — Ecole des ponts et chaussées, fondée en 1747
par Perronet, à Paris ; — Ecole des élèves ingénieurs de la
marine placée au Louvre ; — - Ecole des mines à Paris ; —
Ecole des ingénieurs géographes annexée au Dépôt de la
guerre. Ces diverses écoles avaient beaucoup souffert de
la crise politique, et le besoin d'une réorganisation appa-
raissait évident. Les écoles les plus importantes étaient
celle de Mézières (génie) et celle des ponts et chaussées. Le
comité des ponts et chaussées, adjoint à celui de l'agri-
culture et du commerce, proposa la réunion des trois états
des ponts et chaussées, du génie militaire et de l'architec-
ture. Carnot fit prévaloir ce projet malgré les résistances.
C'est le 12 sept. 1793 que fut déposé à la Convention par
Leconte-Puyraveau, au nom des comités de la guerre et
des ponts et chaussées, le projet de fusion. Le rapport dé-
clarait que, pour donner toutes les garanties de savoir et
de civisme, il fallait renforcer le corps du génie militaire
en y réunissant celui des ponts et chaussées ,\< Il faut faire
disparaître entièrement le corps du génie militaire et celui
des ponts et chaussées ; ensuite créer un corps nombreux
des membres des deux corps réformés... Pour l'avenir, il
serait ridicule et contraire aux principes qu'il existât deux
corps du génie ayant cependant pour bases les mêmes con-
naissances : celles des mathématiques, du dessin, de l'art
des constructions, de la coupe des pierres, de la chimie, etc.
Nous ne pouvons pas laisser subsister une monstruo-
sité que l'ancien régime seul pouvait produire. Tout ce qui
sera fait sur les fonds de la République, en ouvrages d'art
de quelque nature qu'ils soient, sera désigné sous le nom
de ti^avaux publics. Le soin de faire les plans, de les diri-
ger, de veiller à l'exécution, sera confié à un corps unique,
connu sous le nom d'ingénieurs nationaux. Une seule
école sera établie pour les former ; on y sera admis au
concours et on y enseignera tout ce qu'on peut apprendre
à l'Ecole de Mézières et à l'Ecole de Paris. » Ce projet de
décret est l'origine de l'Ecole polytechnique. On commença
par mettre les ingénieurs des ponts et chaussées à la
disposition du ministre de la guerre (16 sept. 1793) ; le
résultat fut la désorganisation de l'Ecole, fondée sur le
principe de l'enseignement mutuel. Le nouveau directeur,
Lamblardie (févr. 1794), s'adressa au comité de Salut
public pour reprendre le projet de Leconte-Puyraveau. Il fut
appuyé par Carnot, Prieur (de la Côte-d'Or), anciens élèves
de Mézières, et Barrère. Ceux-ci firent voter par l'Assem-
blée la création d'une commission des travaux publics et
le principe de la fondation d'une Ecole centrale des tra-
vaux publics. Dans cette commission, Monge (ancien pro-
fesseur de Mézières) joua le plus grand rôle et son influence
y fut prépondérante pour l'organisation du nouvel ensei-
gnement. La commission s'était installée au Palais-Bourbon
et avait attribué à l'Ecole une partie des dépendances de
ÉCOLE
400 —
ce palais. On les aménagea sur-le-champ et on prépara le
matériel, tandis que la commission rédigeait le plan d'études
et préparait la loi. Pour le plan d'études, Monge s'inspira
de ses théories, plaçant en tête les principes généraux des
mathématiques, en particulier la géométrie descriptive, de
la physique et de la chimie, les règles des constructions
de toute sorte ; il s'inspira aussi des méthodes de l'Ecole
de Mézières et de l'Ecole de Schemnitz, fondée en Hongrie
par Marie-Thérèse pour les travaux pratiques et les ma-
nipulations. Le rapport fut présenté à la Convention par
Fourcroy. « Il nous faut, dit-il : i^ des ingénieurs mili-
taires pour la construction et l'entretien des fortifications,
l'attaque et la défense des places et des camps, pour la
construction et l'entretien des bâtiments militaires, tels
que les casernes, les arsenaux, etc. ; 2" des ingénieurs des
ponts et chaussées pour construire et entretenir les com-
munications par terre et par eau, les chemins, les ponts,
les canaux, les écluses, les ports maritimes, les bassins,
les jetées, les phares, les édifices à l'usage de la marine ;
30 des ingénieurs géographes pour la levée des cartes géné-
rales et particulières de terre et de mer ; 4« des ingénieurs
des mines pour la recherche et l'exploitation des minéraux,
le traitement des métaux et la perfection de procédés mé-
tallurgiques ; o"" enfin des ingénieurs-constructeurs pour
la marine, pour diriger la construction de tous les bâtiments
de mer, leur donner les qualités les plus avantageuses à
leur genre de service, surveiller les approyisionnements
des ports en bois de construction et en matériaux de toutes
les espèces. »
Le projet de loi déposé par Fourcroy le 3 vendémiaire
an III fut adopté le 7 vendémiaire (28 sept. 4794). Le
comité de Salut public avait fait rédiger par Monge des
Développements sur l'enseignement adopté pour l'Ecole
centrale des travaux publics. La loi qui créait l'Ecole
stipulait que des examens d'admission commenceraient le
20 vendémiaire et seraient terminés le 30. On ne perdait
pas de temps. .
Les examens publics devaient avoir lieu dans les
vingt-deux principales villes de France. Etaient admis à
s'y présenter les jeunes gens de seize à vingt ans non
compris dans la première réquisition et porteurs d'une
attestation de civisme. Les examens devaient porter sur
l'arithmétique, les éléments de l'algèbre et de la géométrie.
Ils étaient faits dans chaque ville par des professeurs de
mathématiques ou d'hydrographie et les ingénieurs des
ponts et chaussées qui y résidaient. On s'enquérait avec
soin de la moraUté et de la bonne conduite des candidats;
mais on avait invité les examinateurs à tenir grand compte
des qualités intellectuelles, autant que des connaissances
acquises, de manière à « préférer celui qui sait le mieux à
celui qui sait le plus ». Le noyau de la première promotion
fut formé par les élèves de l'Ecole des ponts et chaussées,
ceux de l'Ecole de Mars et de l'Ecole de Châlons ; on ne put
s'en tenir aux limites d'âge fixées ; sur les 349 élèves
admis, il y en eut 70 de plus de vingt ans et 27 de moins
de seize, un même de douze ans et demi. En janv. et févr.
1795, on ouvrit à Paris et dans les départements un con-
cours supplémentaire qui porta à 396 le nombre des élèves.
L'ouverture des cours avait été fixée au 10 frimaire ; elle
futreculée ensuite au 1^^ nivôse (21 déc. 1794). Lamblardie
avait été nommé directeur de l'Ecole. On s'occupa aussitôt
de réunir les matériaux de l'enseignement, machines, des-
sins, modèles, livres. Dans les vastes dépendances du Palais-
Bourbon, on aménagea une quarantaine de salles. Elles
étaient situées à peu près sur l'emplacement du ministère
actuel des affaires étrangères. L'org;anisation de l'Ecole
fut réglée par un arrêté du 6 frimaire an III énumérant
les matières et les modes d'enseignement déterminant la
distribution du temps, la situation des élèves, professeurs,
agents de toute sorte, établissant enfin des cours prélimi-
naires. La durée des études avait été fixée à trois années,
au terme desquelles les élèves seraient employées aux
diverses fonctions d'ingénieurs. Les élèves devaient donc
être répartis en trois divisions correspondant aux trois
années d'études. Chacune des divisions doit se subdiviser
en brigades de vingt élèves présidées par un chef de bri-
gade. Les élèves travaillent dans l'intérieur de l'Ecole,
distribués par salles pour le dessin de la géométrie descrip-
tive et l'étude de l'analyse ; ils ont des laboratoires pour
les manipulations de chimie; ils exécutent eux-mêmes les
calculs, les dessins, les opérations sur lesquelles a porté
le cours des professeurs. Ce caractère pratique de l'ensei-
gnement était son grand mérite aux yeux des fondateurs.
— Le cours complet devant durer trois ans, il eût fallu
attendre trois années pour le fonctionnement régulier de
l'Ecole. Mais on jugea préférable de l'assurer sur-le-champ.
On appliqua la méthode des cou7'S révolutionnaires.
Chaque professeur exposa en trois mois les principes géné-
raux de sa science ou de son art ; cette instruction préli-
minaire rapide avait pour but de partager au bout de trois
mois les élèves en trois classes dont chacune suivrait en-
suite les cours affectés à l'une des trois années, de sorte
que l'Ecole se trouvait dès sa naissance en activité dans
toutes ses parties.
Les candidats admis reçurent l'ordre de se rendre à
Paris pour le 10 frimaire an III (30 nov.) ; on leur allouait
comme indemnité de route la solde de canonniers de pre-
mière classe, 15 sous par jour en assignats (équivalant
à 4 sous en numéraire). A la date d'ouverture (21 déc.
1794), ils étaient à peu près tous arrivés et prêts à occu-
per les locaux qui leur étaient réservés. Le régime de
l'Ecole étant l'externat, il fallut s'occuper d'assurer la vie
des élèves dans la capitale. On leur alloua un traitement
de 1,200 livres en assignats. Le comité de Salut public,
jugeant qu'ils ne devaient être ni casernes, ni réunis dans
un pensionnat commun, voulut les mettre en pension, sépa-
rément ou par petits groupes, « chez de bons citoyens qui,
parleurs exemples domestiques, les formeraient aux vertus
républicaines ». On trouva un grand nombre de ces pères
sensibles auxquels on payait 900 livres pour la nourriture
et le logement des élèves. Chacun de ceux-ci devait avoir
sa chambre avec un lit, une table, trois ou quatre chaises,
une armoire et une commode ; les élèves, vivant avec les
citoyens chez qui ils logeaient, auraient même table et
même nourriture. Ils devaient ';,être rendus à l'Ecole à huit
heures du matin, y rester jusqu'à deux heures, aller dîner
et revenir ensuite à cinq heures pour s'en retourner à huit
heures. Le sous-directeur de l'Ecole, Gardeur-Lebrun, et
l'officier de santé, Chaussier, visitaient journellement les
logements, veillant soigneusement au bien-être des élèves.
— Les cours révolutionnaires, commencés le 21 déc. 1794,
furent achevés le 21 mars 1795. On procéda au classement
des élèves d'après un examen d'ensemble devant le conseil
de l'Ecole. Pendant ces trois mois, Monge avait donné le
soir à l'hôtel Pommeuse une instruction spéciale aux cin-
quante meilleurs élèves, parmi lesquels on devait choisir
les vingt-cinq chefs de brigade. On les fit désigner par
leurs camarades. La formation des trois divisions eut lieu
alors. La première, dont le cours d'études devait^ durer
trois ans, comprit 152 élèves répartis en huit brigades.
Chacune des autres eut 115 élèves répartis en six brigades ;
celles-ci avaient un cours d'études de deux années au bout
desquelles elles devaient alterner de manière à compléter
leur instruction.
L'enseignement des trois années d'études avait été réglé
comme suit par l'arrêté d'organisation. Dans la première
année on apprenait les principes généraux de l'analyse et
son application à la géométrie des trois dimensions; la
stéréotomie, donnant des règles générales et des méthodes
pour la coupe des pierres; la charpenterie ; la détermina-
tion des ombres ; la perspective aérienne et linéaire ; le
nivellement et l'art de lever des plans et des cartes ; la
description des machines simples et composées ; la physique
générale; la première partie de la chimie (substances
salines). Durant cette année et les deux autres on dessi-
nait la figure d'ornement et le paysage, copiant les dessins,
401 —
ÉCOLE
la bosse ou la nature, selon la rapidité des progrès. — Dans
la seconde année : application de l'analyse à la mécanique
des solides et fluides ; l'architecture comprenant la cons-
truction et l'entretien des chaussées, des ponts, des canaux
et des ports, la conduite des travaux des mines, la cons-
truction et la décoration des édifices particuliers et natio-
naux et l'ordonnance des fêtes publiques ; la physique géné-
rale et le dessin comme dans la première année ; la seconde
partie de la chimie (matières végétales et animales). —
Dans la troisième année : application de l'analyse au calcul
de l'effet des machines, physique générale et dessin comme
en première année; troisième partie de la chimie (miné-
raux); art de fortifier les places des frontières, de les
attaquer et de les défendre.
Les maîtres chargés de cet enseignement, avec le titre
d'instituteurs auquel on substitua deux ans après celui
de professeurs, furent : Lagrange et Prony pour l'analyse,
Monge et Hachette pour la stéréotomie, Delorme et Bal-
tard pour l'architecture, Dobenheim et Martin pour la for-
tification, Neveu pour le dessin, Hassenfratz et Barruel
pour la physique générale, Berthollet, Chaptal, Pelletier,
Vauquehn, pour la physique particulière et la chimie. Les
représentants Fourcroy, Guy ton-Mor veau, Arbogast et
Ferry prêtèrent quelque temps leur concours.
L'administration de l'Ecole centrale des travaux publics
fut confiée à un directeur et trois sous-directeurs (person-
nel et instruction, matériel, administration et comptabilité).
Un conseil formé de ceux-ci et des professeurs avec leurs
adjoints avait l'autorité suprême, réglant l'emploi du temps,
le choix des livres et des modèles, discutant les projets
d'amélioration, etc. — On dressa un tableau de l'emploi
du temps des élèves par décade, répartissant les exercices
entre les différentes heures de la journée de manière à sou-
tenir constamment l'intérêt sans fatiguer l'esprit. Cette
distribution était si judicieuse que presque partout on l'a
copiée et imitée ; elle subsiste encore aujourd'hui dans ses
traits essentiels. A l'origine, six jours de chaque décade
étaient consacrés aux mathématiques, deux à la chimie, un
à la physique, le dixième ou décadi étant jour de repos.
Nul règlement disciplinaire n'avait paru nécessaire, et,
durant les dix années du régime d'externat, jamais l'har-
monie ne fut troublée entre les élèves et l'administration.
Cependant dans la vie troublée qui était celle de Paris en
1795, ils subirent les contre-coups des agitations politiques.
Ils avaient été astreints au service de la garde nationale et
à chaque prise d'armes marchaient avec les sections. Ces
appels nuisaient un peu aux études. Dans les journées
d'alors, les élèves marchaient en général au secours de la
Convention. Toutefois, quelques-uns se laissèrent enrôler
dans la jeunesse dorée, et il devait en résulter des inconvé-
nients pour l'Ecole. Les élèves eurent aussi leur large part
des souffrances matérielles si graves alors. Le traitement
de 1,200 livres en assignats qui leur avait été alloué n'en
représentait que 336 en numéraire; dès les mois suivants,
il ne valait plus que 240, puis tomba à presque rien. La
vie matérielle devenait très difficile. En pluviôse an III, les
pères sensibles réclamèrent; on leur alloua 1,200 livres
au lieu de 900, et on écrivit aux parents pour les engager
à subventionner les élèves' à qui il ne restait plus rien. La
Convention vota 30,000 livres pour les plus pauvres.
Malgré ce soulagement momentané, beaucoup furent obligés
de quitter Paris afin de ne pas mourir de faim. On finit
par assimiler les élèves aux volontaires de la garde natio-
nale en activité ; on leur alloua à tous une ration de pain
et de viande ainsi que l'habillement et l'équipement: mais
le traitement ne fut conservé qu'à ceux qui n'avaient plus
d'autre ressource ; d'ailleurs, il ne valait plus en vendé-
miaire an IV que 41 fr. en numéraire.
A ce moment, des changements notables furent apportés
dans l'organisation. La première année d'études était ache-
vée; on pouvait juger des premiers résultats. Voici quels
furent les changements résultant des lois du 15 fructidor
an m (\^' sept. 'l 795) et du 30 vendémiaire an IV (22 oct.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
1795), votées sous l'influence de Prieur de la Côte-d'Or.
Les examens d'admission étaient fixés au 1^^ nivôse de
chaque année, le jury formé de cinq savants étrangers à
l'Ecole, un examen de passage placé à la fin de chaque
année. On donnait à l'Ecole centrale des travaux publics
le nom d'Ecole polytechnique. Cette modification dans le
titre répondait à une modification profonde dans la desti-
nation. On avait espéré au début que l'Ecole centrale des
travaux publics remplacerait toutes les écoles spéciales
d'application où se formaient les ingénieurs. Mais toutes
celles-ci ayant été conservées en fait, il fallut les réorga-
niser et régler leurs rapports avec l'Ecole polytechnique.
C'est ce que fit la loi du 30 vendémiaire pour les écoles
d'application de l'artillerie, du génie, des ponts et chaussées,
des mines, des ingénieurs géographes et des ingénieurs
de vaisseaux. Le nombre des élèves de l'Ecole polytech-
nique était réduit à 360. La durée des études demeu-
rait de trois années. Au bout de la première, on était
apte à concourir pour l'Ecole des géographes et celle
des ingénieurs de vaisseaux. Après la seconde année,
on pouvait se présenter aux autres écoles. Toutefois, les
élèves admis à celles du génie militaire et des ponts et
chaussées devaient achever leur troisième année avant
d'entrer à l'Ecole d'application. Les élèves refusés pou-
vaient rester un an de plus et se représenter, ilucun ne
pouvait passer plus de quatre ans à l'Ecole. La loi stipu-
lait que seuls les jeunes gens sortis de l'Ecole polytech-
nique seraient admis dans les écoles spéciales. Ainsi se
trouva complété le système de recrutement des ingénieurs.
Les bases adoptées ont été conservées depuis.
Un nouveau changement eut lieu pourtant dès l'année
suivante, sur l'avis de Monge et de Prieur ; il résulte de
l'arrêté du 30 ventôse an IV (20 mars 1796). Au lieu de
spécialiser les élèves après la première année d'études dans
le travail particulier à la profession à laquelle ils se desti-
naient, on résolut de leur donner, durant tout leur séjour
à l'Ecole, un enseignement complet, préparatoire à celui
des écoles d'application. On se rapprochait du plan primi-
tif; la première année fut caractérisée par les études de
stéréotomie ; la seconde par celles de travaux civils ; la
troisième par celles de fortification. L'importance du con-
seil fut augmentée. Une série d'arrêtés réglèrent le passage
de l'Ecole polytechnique à l'Ecole des ingénieurs de vais-
seaux, au corps des ingénieurs des poudres et salpêtres, à
l'Ecole des géographes, à l'Ecole d'aérostation de Meudon.
Vis-à-vis des grandes écoles d'application, on rencontra
plus de résistance. On appliqua la loi, et, au bout de
la seconde année d'études, on envoya 109 élèves dans
les diverses écoles d'application. Mais bientôt survint une
crise. Le comité des fortifications se fit l'organe de ceux
qui trouvaient exorbitant le monopole concédé aux poly-
techniciens. « Ce privilège exclusif de fournir tous les
élèves destinés aux services publics tend à en écarter des
hommes de mérite, à affaiblir l'émulation, à restreindre les
moyens de recruter les services. » Le Directoire accueillit
ces plaintes, décidé de réduire le cours d'études à deux
ans, de supprimer les cours faisant double emploi avec ceux
des écoles spéciales, et voulut que, dans celles-ci, on pût
entrer sans passer par l'Ecole polytechnique. La lutte fut vive
et se prolongea pendant toute l'année 1797. Une discussion
d'ensemble s'engagea au conseil des Cinq-Cents. Le projet de
réforme ne put aboutir, le coup d'Etat du 18 brumaire étant
survenu avant que les deux conseils se fussent mis d'accord.
Pendant toute cette période, l'enseignement de l'Ecole
fonctionnait d'une manière irrégulière ; il était réduit, en
fait, à deux années. L'année scolaire durait dix mois, le
onzième étant réservé aux examens, le douzième aux va-
cances. On avait arrêté un règlement disciplinaire. D'autre
part, l'Ecole d'artillerie de Châlons avait ouvert des exa-
mens et se re(^rutait hors des polytechniciens ; la marine
de même. Enfin, la loi sur la conscription avait menacé
l'existence même de l'Ecole, puisque la première division
presque entière était réclamée et aurait dû quitter les
26
ÉCOLE
^— 40^ —
études si on n'avait obtenu contre-ordre. Un des reproches
adressés aux élèves, dans ces années, fut d'être imbus d'idées
réactionnaires. En effet, au 13 vendémiaire, quelques-uns,
8 au moins, se joignirent aux insurgés royalistes, Monge
obtint leur grâce ; parmi eux étaient Biot et Malus. Les
querelles des élèves avec la police étaient fréquentes. Enfin
plusieurs se mêlèrent aux clichyens ou prirent part aux
manifestations qui précédèrent le 18 fructidor. Au lende-
main de ce coup d'Etat, les polytechniciens s'y montrèrent
hostiles. Néanmoins, la grande majorité étaient républi-
cains. Tous, d'ailleurs, prêtaient, au moment de la ren-
trée, le serment civique d'amour à la République et de
haine éternelle à la royauté. Après le coup d'Etat de fruc-
tidor et malgré l'intervention de Prieur, l'Ecole, accusée
d" incivisme, dut exclure 4 élèves hostiles à la République;
2 autres furent blâmés et 7 censurés.
Presque dès le début, les polytechniciens avaient reçu
un uniforme. La loi du 9 frimaire an VIII les ayant assi-
milés aux gardes nationaux en activité de service, on dé-
cida de leur faire porter le costume de canonnier de la
garde nationale. Cette décision resta lettre morte. Ce n'est
que deux ans plus tard qu'on mit les élèves en demeure de
se procurer cet uniforme : habit à châles fermé par cinq
boutons, coupé à la française (fendu par derrière, un bou-
ton au-dessus de chaque poche, les ganses remplacées par
des boutonnières ordinaires), veste et pantalon couleur bleu
national, boutons dorés, chapeau à trois cornes. Les élèves
refusaient de le porter ou le dissimulaient sous une longue
redingote de couleur. On accepta la redingote comme effet
réglementaire, mais on y adapta un collet noir de 4 centim.
au moins. — Afin de constater l'assiduité, surtout aux
cours du soir concurrencés par le théâtre, on fit signer des
feuilles de présence, on procéda à des appels, on distribua
des cartes de circulation, on exigea le port de l'uniforme.
Beaucoup de personnes réclamaient le casernement. En
l'an YII fut proposé un règlement draconien qui fut adouci
et inscrit dans la loi du 25 frimaire an YIII (16 déc. 1799).
Cette loi consacre la troisième organisation de l'Ecole
polvtechnique. Elle a été souvent modifiée depuis lors,
maïs par décret ou ordonnance ; elle demeure la charte
fondamentale. L'Ecole est destinée à répandre l'instruction
des sciences mathématiques, physiques et chimiques, et
^ parlicuHèrement à former des élèves pour les écoles d'ap-
plication des services publics. Le nombre des élèves est
fixé à 300, la limite d'âge pour les candidats de seize
ans au moins à vingt ans au plus, vingt-six ans pour
les militaires ayant fait deux campagnes ou trois ans de
service. On n'exigeait plus le certificat d'études dans une
des écoles nationales, mais une attestation de bonne con-
duite et d'attachement à la République, délivrée par l'ad-
ministration municipale. La durée des études était de deux
ans. Ciiaque candidat devait déclarer à l'examinateur le
service auquel il se destinait ; il ne pouvait plus, après
son entrée à l'Ecole, changer sa destination primitive. On
voulait ainsi garantir le recrutement de tous les services. On
avait donc ainsi des collections d'élèves affectés aux divers
services, mais fondues à l'Ecole et recevant une instruc-
tion uniforme. Tous avaient le grade et la solde de sergent
d'artillerie. S'ils n'étaient pas placés dans un service pu-
blic à leur sortie, ils restaient attachés à leur classe mi-
litaire, selon leur numéro de tirage au sort. Il fut créé, à
côté du conseil des professeurs, un conseil de perfection-
nement où entrèrent les examinateurs de sortie, des mem-
bres de l'Institut, des agents supérieurs ou ofTiciers géné-
raux, des délégués du précédent conseil. Le nouveau
programme d'admission fut rédigé par Monge, les cours
généraux perfectionnés, les cours d'appUcation maintenus.
Le règlement de l'an VIll précisa la discipHne, Jes de-
voirs des élèves et les punitions à leur infliger ; c'étaient :
1° la réprimande, communiquée, s'il y a heu, aux pa-
rents ; 2^ les arrêts, dans un local de l'Ecole ; 3« l'aver-
tissement, donné par le directeur, en présence du conseil
assemblé; 4° l'exclusion. Bientôt, l'accès des salles d'étude
fut interdit aux étrangers. Dès cette époque, la vie deve-
nait moins dure. Elle l'avait été beaucoup dans les pre-
mières années; sur 274 élèves, on en comptait 160 sans
fortune, seulement 39 présumés riches, et le traitement en
monnaie dépréciée, souvent payé en retard, ne suffisait
pas ; dans les onze premières années, sur les 397 élèves
qui durent quitter l'Ecole, 260 le firent pour insuffisance
de fortune. Le patriotisme des élèves n'en était pas moins
ardent ; 38 partirent avec l'expédition d'Egypte ; en 1803,
ils s'offrirent pour la descente en Angleterre et construi-
sirent de leurs mains et à leurs frais une chaloupe canon-
nière dans la Seine, la Polytechnique; 26 furent appelés
à Boulogne. Ce dévouement est d'autant plus remarquable
que, personnellement, le premier consul était^ peu sympa-
thique aux élèves qui avaient blâmé le coup d'Etat de bru-
maire, refusé de voter pour la transformation du consulat
tempora.re en consulat à vie et failhrent manifester contre
la fondation de l'Empire. .
En ces années, les nécessités du service militaire hrent
souvent puiser à l'Ecole polytechnique, où l'on prit 30 as-
pirants de marine, des lieutenants d'artillerie (40, puis
79), des sous-lieutenants d'infanterie parmi les élèves en
cours d'études ; on abaissa la limite d'âge à trente ans
pour les candidats militaires (11 germinal an XI) , y admet-
tant des canonniers, des sapeurs, qui venaient de s'enga-
ger depuis quelques jours ; le premier consul envoya a
l'Ecole un gamin de quinze ans en attendant qu'il eût l'âge
pour être officier de cavalerie. En somme, la tendance de
Bonaparte était de transformer l'Ecole en une institution
militaire. Tel fut l'objet du décret du 27 messidor an XII
(16 juil. 1804), signé à Boulogne dans un mouvement
d'humeur. Un gouverneur militaire est placé à la tête,
sous ses ordres tout un personnel militaire; les élèves,
formés en un bataillon, sont casernes et astreints à des
exercices militaires journaliers ; l'étabUssement est ratta-
ché au ministère de la guerre. La transformation de la
grande Ecole créée par la Convention en un internat mili-
taire lui eût porté un coup mortel si son fonctionnement,
pendant une dizaine d'années, sous des hommes d'élite, n y
eût développé une tradition scientifique qui résista à cette
épreuve et lui maintint son caractère. Il faut signaler
comme particulièrement regrettable le décret du 22 fruc-
tidor an XII (sept. 1805), qui imposa aux élèves le paye-
ment d'une pension de 800 fr. Le dictateur voulait s'ap-
puver sur les classes aisées, se souciant peu des pauvres.
En revanche, en 1806, le conseil de perfectionnement
adopta une mesure qui semblait réaliser un progrès. Au
lieu d'être reçus dans chaque service d'après la déclaration
faite à l'entrée, les élèves furent classés entre ceux-ci
d'après les résultats des examens de sortie. Une prime était
ainsi accordée au mérite et au travail. Il est vrai qu on
substituait au choix d'une carrière hbrement acceptée 1 obh-
gation d'entrer, suivant le rang de classement, dans une
autre pour laquelle on pourrait n'avoir pas de vocation m
d'aptitude particuhère. L'enseignement fut amoindri sur la
demande des militaires ; on supprima la plupart des cours
d'application; on restreignit le temps consacré au dessin.
La ruine de l'Ecole polytechnique faillit être consommée,
car l'empereur avait fait rédiger un projet de décret pour
la remplacer par une école napoléonienne recrutant des
officiers pour toutes les armes. Ce projet, rédigé en quatre-
vingts articles, fut heureusement écarté. L'empereur vou-
lait aussi utiliser pour l'armée tous les élèves de 1 Ecole
polytechnique, les besoins de l'artillerie étant énormes ;
puis il changea d'idées, et le décret du 30 août 1811 dé-
clara que, dorénavant, l'Ecole ne fournirait plus de sujets
pour l'artillerie. Le ministre de la guerre prélèverait ceux
dont il aurait besoin pour le génie, les autres seraient don-
nés aux ponts et chaussées, aux mines, aux poudres et
salpêtres et autres services civils. Il est vrai qu'un mois
plus tard, l'empereur recommença à prendre des artilleurs
à l'Ecole, et qu'en 1812, il n'en laissa que 11 aux ser-
vices civils. L'artillerie et le génie se recrutèrent a la lois
de ce côté et dans les autres écoles militaires (lycées, pry ta-
nces, etc.).
Le casernement avait obligé à déménager. Le Palais-
Bourbon ne pouvant suffire, on chercha un autre local : le
château de Saint-Germain, celui de Vincennes, laSorbonne,
le couvent des Minimes, Fhôtel de Biron, la maison des
Jacobins de la rue Saint-Dominique furent proposés : on
choisit le collège de Navarre où l'on s'installa en nov. 1803.
Le régime miUlaire fut mis en activité dès août 1804 par
le général Lacuée nommé gouverneur ; les quatre compa-
gnies furent organisées par des officiers d'infanterie, les
sous-officiers étant pris parmi les élèves. Le bataillon de
l'Ecole (dont les élèves des ponts et chaussées formaient la
cinquième compagnie) reçut son drapeau en même temps
que les autres le 8 déc. 1804 lors de la grande distribution
des aigles au Champ de Mars. Il fut remis par l'empereur
au sergent Arago. Il avait une hampe en bois peint et
verni en bleu, protégée en bas par une armure en cuivre
doré et surmontée de l'aigle impériale. Le corps était un
carré formé par un losange de talFetas blanc bordé d'une
branche de laurier peinte en or et terminée par des triangles
alternatifs bleus et rouges , garnis de couronnes du même
feuillage. Le champ portait deux inscriptions en lettres d'or :
d'un côté, « L'empereur des Français aux élèves de l'Ecole
polytechnique » ; de l'autre, « Tout pour la patrie , les
sciences et la gloire ». Enfin on adopta un uniforme de
grande et de petite tenue. La grande tenue, celle des diman-
ches et fêtes, comportait un habit bleu national (avec 1 1 gros
boutons et 22 petits) à la française, avec collet montant en
drap écarlate et revers blancs, les pattes et parements noirs,
les contre-épaulettes bleues, les boutons dorés, les retroussis
en drap écarlate en forme de triangle. En outre, une veste
en drap blanc très fin (à 12 petits boutons), une culotte de
même couleur, des guêtres de toile blanche (46 boutons),
un chapeau à trois cornes avec bordure en galon noir et
ganse jaune, deux palmettes en soie bleue et la cocarde
nationale. La petite tenue se composait d'un surtout en drap
bleu avec parements noirs, d'une veste de même étoffe et
de guêtres d'estamette noire, d'une redingote croisée de drap
bleu, d'un bonnet de police à lisière écarlate et gland jaune,
de la giberne et du havresac. Les grades se marquaient pour
les caporaux par deux galons jaunes sur chaque manche
ornés de deux palmettes en soie bleue. Les sergents n'avaient
qu'un galon d'or et les mêmes palmettes. Eux seuls étaient
autorisés à porter l'épée hors de l'Ecole. La tenue de sortie
était arbitraire et ne fut régularisée qu'en 1 813 où le schako
et les guêtres noires furent imposés à tous.
L'hostihté des polytechniciens pour l'Empire se manifesta
dès l'origine. Quand on leur demanda le serment d'obéis-
sance, la plupart se bornèrent à l'appel de leur nom à ré-
pondre : Présent ! le fils de Brissot le girondin, s'écria : Non !
L'empereur n'osa sévir quand il constata l'étendue de la
résistance. Le résultat du casernement fut de solidariser
les élèves et de les liguer contre leurs chefs. Les anciens
imposèrent aux nouveaux ou conscrits des brimades souvent
violentes qui d'abord donnèrent lieu à des désordres ;
en déc. 1809, ils se mirent à 45 pour aller rosser Malte-
Brun chez lui. Le régime miUtaire fut donc nuisible à la
discipline, en môme temps qu'il atîaiblissait les études.
L'esprit frondeur des élèves céda un moment à l'enthou-
siasme qu'inspiraient les grandes victoires de 1803 et
1806, mais reparut vite, malgré les prévenances du sou-
verain, qui faisait figurer l'Ecole polytechnique dans les
cérémonies aussitôt après la garde impériale, en tête de
l'armée. Au moment où la France fut à son tour envahie,
les élèves demandèrent des armes. On en forma trois com-
pagnies de l'artillerie de la garde nationale. Le 28 mars, on
les envoya avec trente pointeurs à la barrière du Trône
servir vingt-huit pièces ; engagée imprudemment le 29 mars
sur la route de Vincennes, cette artillerie fut attaquée
par les cosaques ; les élèves se défendirent vaillamment,
19 furent blessés et l'ennemi repoussé. Après la capitu-
lation, ils se retirèrent à Fontainebleau. Plus tard, ils ne i
^03 — ÉCOLE
rentrèrent qu'à contre-cœur, 69 envoyèrent leur démis-
sion. Malgré les avances des Bourbons, ils leur restaient
hostiles ; ils refusèrent de les appuyer au moment du
retour de Napoléon et se mirent à la disposition de celui-ci ;
même après Waterloo, ils se préparaient à combattre
quand on livra Paris aux alliés. L'Ecole polytechnique ne fut
pas frappée sur-le-champ par la réaction. Ce n'est qu'en
avr. 1816 qu'on la licencia à l'occasion d'un conflit entre
le gouverneur et les élèves, qui réclamaient le renvoi d'un
répétiteur. Au moment du licenciement, les élèves formèrent
pour s'entr'aider une association qui eut ses bureaux à
Paris, Metz, Montpellier, Lyon et Saint-Jean-d'Angely.
Le travail de réorganisation de l'Ecole polytechnique fut
confié à une commission sous la direction de Laplace. On
se rapprocha sur certains points du régime initial, et l'or-
donnance du 4 sept. 1816 marque un progrès sur le système
impérial. L'internat fut maintenu, mais l'appareil mifitaire
supprimé ; l'uniforme fut civil : frac, pantalon bleu, chapeau
rond, palmes d'or au collet et boutons d'or. On porta le
prix de la pension à 1,000 fr. pour favoriser le recrutement
dans les classes distinguées ; on créa pourtant vingt-quatre
bourses. Le conseil de perfectionnement fut composé de
quinze personnes étrangères à l'Ecole ; celle-ci était subor-
donnée au ministère de l'intérieur. Les fonctions d'exami-
nateur d'admission devinrent permanentes et incompatibles
avec celles de professeur ou de répétiteur. Tout candidat
fut tenu de déclarer s'il se destinait à un service public et
auquel, en désignant ceux qu'il choisirait successivement à
défaut de place dans les premiers ; bientôt on autorisa les
élèves à modifier ces déclarations jusqu'au dernier mois pré-
cédant l'examen de sortie. La disparition des cours d'appli-
cation commencée en 1806 fut consommée; on rétablit
toutefois celui qui était consacré à la théorie des machines ;
on donna plus d'importance à l'instruction littéraire et à
l'instruction religieuse. La faculté de passer une troisième
année à l'Ecole fut restreinte et devint exceptionnelle. On
discuta vivement dans les années suivantes; en 1820, le
conseil de perfectionnement voulait revenir à l'externat ; en
1822, au contraire, on préférait un régime militaire. Les
ordonnances du 17 sept, et du 20 oct. 1822 changèrent peu
de chose : suppression du conseil d'instruction, nomination
d'un gouverneur qui eut à peu près tous les pouvoirs. On
avait mis l'Ecole sous la protection du duc d'Angoulême, qui
s'en occupa activement, mais sans pouvoir lui rendre son
ancien éclat. En 1816, on ne reçut que 74 élèves; il n'y
avait eu que 124 candidats. On voulait empêcher les élèves de
sortir librement le dimanche et le mercredi, les conduisant en
promenade commune, comme les séminaristes et les lycéens ;
ils résistèrent et on leur céda. De même, il fallut tolérer les
initiations et mystifications imposées aux conscrits pen-
dant la période dite d'absorption (les deux premiers mois).
La séance des ombres où l'on fait défiler les silhouettes (en
ombres chinoises) de tout le personnel de l'Ecole devint dès
lors classique. Ces vexations imposaient l'autorité des anciens
et prouvaient la solidarité des élèves, qui décidaient à la
majorité ce qu'ils feraient dans un cas déterminé, tenant
tête à l'autorité dès qu'ils étaient unis, car on ne pouvait
que les licencier en masse, mesure toujours grave et diffi-
cile à prendre. Les élèves ont fini par dresser un code de
leurs lois communes, le Code X, rédigé en 1849-1830,
mais d'origine bien antérieure. La camaraderie et l'esprit
de corps en ont été fortifiés.
C'est en 1823 qu'on rendit aux élèves l'uniforme militaire,
celui qu'ils ont gardé et rendu si populaire : habit à un seul
rang de boutons avec revers rouges , parements et col en
velours noir, boutons de l'artillerie et du génie, chapeau à
deux cornes porté en bataille. L'épée ne fut portée jusqu'en
1830 que par les sergents. Les élèves adoptèrent peu après
le manteau à la Chiroga, à la mode en ce temps, mais non
réglementaire.
Fidèles à la cause libérale, les polytechniciens étaient tenus
à une grande réserve par la surveillance du pouvoir. Une
vente de carbonari existant à l'Ecole, on hcencia une salle
ÉCOLE
— 404 —
entière; Perdonnet, Léonce Reynaud furent exclus; cette
vente, dont le chef était Etienne Arago, disparut bientôt.
Lors de ses visites, le duc d'Angoulême était accueilli au cri
de « Vive la charte ! ». On faisait de grands efforts pour
inculquer des idées religieuses aux élèves : prière en commun
le matin et le soir après l'appel, messe à la chapelle de
l'Ecole, observation des abstinences commandées par l'Eglise,
invitation à se confesser et communier. L'abbé de Noirlieu
fit supprimer les vêpres pour laisser aux élèves toute leur
journée du dimanche. Ce qui était plus grave, les listes
d'admission furent épurées par le ministre de l'intérieur, qui
raya les suspects. Ces vexations tournaient contre leur but.
On raillait les exercices du culte, on organisait des repas
de corps où Ton chantait la Marseillaise, C'est l'époque où
les polytechniciens Auguste Comte, Bayard, Enfantin, Lau-
rent de l'Ardèche, Marceau, Transon, Michel Chevalier,
Jean Reynaud devenaient les apôtres d'une foi nouvelle.
La totalité des élèves appartenaient au parti Hbéral; à part
trois ou quatre chouans ou aristocrates, la plupart étaient
franchement républicains. Ils eurent occasion de le prouver.
L'Ecole polytechnique prit une part active à la révolution
de juillet 1830. Le mardi ^27, au lendemain des ordon-
nances, tandis que tout Paris s'organisait pour la résis-
tance, les élèves s'associèrent au mouvement libéral. Dans
la soirée, lorsque éclata la fusillade, tous quittèrent la salle
de dessin, se réunirent et se préparèrent à la lutte. Au
lendemain matin, la garde royale occupa l'Ecole, mais partit
bientôt. Charles X donna l'ordre de licencier les élèves. Ils
revêtirent leurs uniformes de grande tenue et sortirent.
Une soixantaine se mêlèrent aux combattants , dirigés par
leur camarade Charras; on en trouve aux barricades du
faubourg Saint- Antoine, à la porte Saint-Denis, au pont
Notre-Dame, au Pont-Neuf, surtout dans les quartiers
Saint-Jacques et Saint-Marceau; à la place de l'Odéon, ils
centralisent les efforts, prennent la direction de la garde
nationale et partent à la tête des colonnes insurgées ; l'un
d'entre eux, Vaneau, fut tué à l'attaque de la caserne de
la rue de Babylone, où l'élève Guillemaux se distingua;
d'autres contribuaient à la prise du Louvre. Après la vic-
toire, les polytechniciens se rendent à l'Hôtel de ville, servent
de délégués au gouvernement et à la commission munici-
pale, d'aides de camp du duc d'Orléans, du commandant
de la garde nationale, des officiers généraux. On leur confie
toutes sortes de missions, les envoyant en province; ils
mettent quelque ordre dans l'expédition de Rambouillet.
Parmi ceux qui se distinguèrent le plus dans la révolution de
1830, on cite, outre Vaneau, Charras, Lothon, Bosquet,
Baduel, Tamisier, Gavarret, Guillemaux, etc. Vaneau fut
solennellement inhumé le 31 juil. au cimetière Montpar-
nasse ; ses camarades lui élevèrent un monument et chaque
année, le 28 juil., ils viennent porter des couronnes sur sa
tombe pour célébrer l'anniversaire de sa mort glorieuse.
La conduite des polytechniciens dans les journées de
Juillet leur valut une grande popularité. Le peuple pari-
sien se prit pour eux d'une vive aff'ection ; les poètes
chantaient leur valeur. Lafayette exprimait le sentiment
général en rédigeant son ordre du jour du 5 août 1830 :
« En-présence des services rendus à la patrie par la popu-
lation parisienne et les jeunes gens des écoles, il n'est
aucun citoyen qui ne soit pénétré d'admiration, de con-
fiance, je dirai même de respect, à la vue de ce glorieux
uniforme de l'Ecole polytechnique, qui, dans ce moment
de crise, a fait de chaque individu une puissance pour la
conquête de la Uberté et le maintien de l'ordre public. Le
général en chef prie les élèves de l'Ecole polytechnique de
désigner un de leurs membres pour rester auprès de lui
en qualité d'aide de camp. »
Des félicitations arrivaient de partout, de France, d Eu-
rope, même d'Amériiiue, d'où l'académie (école militaire)
^Q West-Point envoya une adresse à ses collègues de
l'Ecole polytechnique. Le 17 août fut donné un vaste
banquet en l'honneur des polytechniciens ; il réunit plus
de quatre cents convives dans l'Orangerie du Louvre. Le
lendemain, à l'Hôtel de ville, fut tenue une assemblée des
élèves actuels et des anciens élèves de l'Ecole, qui fonda
une institution destinée à resserrer les liens entre les po-
lytechniciens et le peuple ; il s'agit de V Association poly-
technique, où les jeunes savants organisèrent des cours
pour l'instruction des ouvriers ; Auguste Comte, M. Cour-
tral, Al. Meissas, Aug. Perdonnet furent parmi les pre-
miers professeurs. L'esprit de générosité des jeunes poly-
techniciens allait être mis à une épreuve plus décisive encore.
Le 6 août, Louis-Philippe avait signé une ordonnance
ainsi conçue : « Nous, Louis-Philippe, duc d'Orléans, lieu-
tenant général du royaume, considérant les services dis-
tingués que les élèves de l'Ecole polytechnique ont rendus
à la cause de la patrie et de la liberté, et la part glorieuse
qu'ils ont prise aux héroïques journées des 27, 28 et
29 juillet; avons arrêté et arrêtons: Art. 1^^ Tous les
élèves de l'Ecole polytechnique qui ont concouru à la
défense de Paris sont nommés au grade de lieutenant. --
Art. 2. Ceux d'entre eux qui se destinent à des services civils
recevront, dans les diverses carrières qu'ils embrasseront,
un avancement analogue. — Art. 3. Ils ne passeront point
d'examens pour leur sortie de l'Ecole, mais ils seront
classés d'après les notes qu'ils auront obtenues pendant la
durée du séjour qu'ils y ont fait. — Art. 4. Un congé de
trois mois leur est accordé. — Art. 5. Vu la difficulté de
reconnaître parmi tant de braves ceux qui sont les plus
dignes d'obtenir la croix de la Légion d'honneur, les élèves
désigneront eux-mêmes douze d'entre eux pour recevoir
cette décoration. » Cette ordonnance très maladroite sou-
leva de graves difficultés. Les élèves refusèrent la croix.
La nomination au grade de lieutenant, qu'on mettait quatre
ans à conquérir, parut excessive. Elle portait le plus grand
préjudice aux élèves de l'Ecole de Metz, qui protestèrent
violemment. Sur l'initiative d'Arago, les élèves, à la
presque unanimité, demandèrent à renoncer à ces avan-
tages pour ne pas nuire à l'avancement de leurs prédéces-
seurs. La seule récompense que les élèves de seconde
année acceptèrent fut de voir remonter la possession de
leur grade de sous-lieutenant au 6 août, gagnant trois mois
d'ancienneté. Le désintéressement et la correction dont
les polytechniciens faisaient preuve contribuèrent, autant
que leur bravoure et leur fidélité à la cause libérale, à
leur valoir la popularité exceptionnelle qu'ils ont su con-
server depuis lors. Il y eut, il est vrai, une contre-partie :
l'Ecole se trouva plus engagée dans la poUtique qu'il n'était
nécessaire et désirable, et, pendant toute la période si agitée
qui occupa les premières années de la monarchie de Juillet,
les élèves furent mêlés à toutes les affaires et à toutes les
agitations parisiennes. L'Ecole polytechnique eut alors une
véritable histoire politique.
Aussitôt après la Révolution, les élèves avaient été
classés dans les services publics et envoyés en vacances.
Une commission présidée par Arago établit une réorgani-
sation qui fut réalisée par l'ordonnance du 13 nov. 1830.
Cette ordonnance, signée par Montalivet (ancien élève de
l'Ecole), ministre de l'intérieur, consacrait des change-
ments notables. La décadence relative de l'Ecole polytech-
nique sous la Restauration avait motivé, l'année précé-
dente, la création de l'Ecole centrale qui devait former des
ingénieurs. Il était urgent de fortifier la première. Elle
fut placée sous la direction du ministre de la guerre et
n'eut plus d'autre but que la préparation aux écoles spé-
ciales de service pubhc. On conserva l'internat, mais en
accroissant la liberté intérieure. Aux chefs militaires furent
■ adjoints un directeur des études et un conseil, où siégeaient
les professeurs et examinateurs de sortie ; un répétiteur
fut adjoint à chacun des professeurs. On recula à vmgt-
quatre ans la Kmite d'admission pour les militaires. Les
élèves eurent la faculté de passer une troisième année à
l'Lcole quand ils n'avaient pas eu de place dans le service
choisi par eux. Ils purent entrer comme sous-lieutenants
dans l'intanterie ou la cavalerie, ou encore à FEcole fores-
tière, ou comme élèves libres dans les écoles d'application.
Le choix du service dut se faire irrévocablement au bout
de la première année d'études. La carrière de la marine
fut ouverte auK élèves. Les réclamations des élèves reçu-
rent satisfaction par l'ordonnance du 25 nov. 1831 qui
recula à la fin de la seconde année le choix de la carrière
et rétablit le conseil de perfectionnement. — En somme,
l'ordonnance du 13 nov. 1830 changeait peu de chose et
ne modifiait pas le caractère de l'Ecole, qui est demeuré à
peu près le même jusqu'à nos jours.
La rentrée eut lieu aussitôt après (18 nov.). Arago,
commandant provisoire de l'Ecole, reçut le serment que la
loi du 31 août imposait aux fonctionnaires. Puis il laissa
les élèves s'organiser eux-mêmes. Affranchis de l'autorité
des officiers, ils se réunirent en assemblée générale et
votèrent leur règlement. Le service religieux fut supprimé
à l'intérieur de l'Ecole ; plus tard (mars 1831), on s'en-
tendit pour le faire assurer avec le curé de la paroisse
(Saint-Etienne-du-Mont) qui reçut le mobilier et les orne-
ments de la chapelle et s'engagea à dire le dimanche une
messe basse pour les élèves. Les sorties du mercredi et du
dimanche furent prolongées jusqu'à minuit, et les élèves
s'accordèrent la faculté de sortir chaque jour durant la
récréation (de deux heures à cinq heures) , mais bientôt ils
se contentèrent de deux petites sorties, mardi et vendredi;
ils refusèrent de rétablir l'externat. Ils obligèrent les pro-
fesseurs impopulaires à se retirer. L'uniforme fut maintenu,
le port de l'épée accordé à tous les élèves (seuls les ser-
gents l'avaient), la nourriture fut améliorée. On aurait voulu
obtenir de plus grands changements et modifier l'ordon-
nance de réorganisation ; une délégation fut envoyée à cet
efi'et au roi, qui refusa de la recevoir. Puis on se remit au
travail sous le commandement du général Bertrand.
Mais on ne cessa pas de s'occuper de pofitique. La popu-
lation ouvrière de Paris était hostile à la monarchie orléa-
niste, implantée par surprise ; l'agitation était permanente.
L'Ecole y prit part. Elle figurait aux funérailles de Benja-
min Constant. Lorsque le procès des ministres de Charles X
et leur condamnation insuffisante faillirent amener une in-
surrection, les autorités conduisirent l'Ecole polytechnique
au Palais-Royal pour assurer le roi de son dévouement.
Mais, d'accord avec les étudiants, les élèves faisaient affi-
cher un manifeste réclamant de larges concessions aux idées
démocratiques et républicaines. Ils protestèrent au nombre
de 82 contre l'attitude des députés de la majorité. Presque
tous appartenaient au parti du « mouvement » contre celui
de la « résistance ». Ils discutent passionnément sur les af-
faires du pays, ne se soumettent aux ordres qu'après les
avoir approuvés au scrutin. Ils s'affilient aux sociétés se-
crètes. Après avoir marché d'accord avec la garde nationale,
ils s'en séparent, la trouvant trop peu avancée. Ils organisent
une vente qui se met en rapport avec la Charbonnerie ;
150 élèves s'y rendent régulièrement (rue de l'Arbre-Sec) à
la suite de Latrade et de Caylus. Le jour des funérailles du
général Lamarque, un grand nombre sortent malgré la dé-
fense du général en bousculant les officiers de service ; ils
prirent part à l'émeute, défendant notammentla barricade du
boulevard Bourdon. L'Ecole fut licenciée le 6 juin ; 6 élèves
furent arrêtés, un seul poursuivi (de Schalles) ; il fut
acquitté. Auboutde quelques jours, on rappela la majorité
des élèves, n'excluant que les 60 qui étaient sortis
d'abord; puis on les reprit en leur faisant passer un nou-
vel examen d'admission ; au mois de janvier,ils furent clas-
sés en première division, puis envoyés à l'Ecole de Metz en
promotion extraordinaire. L'ordonnance du 30 oct. 1832
accrut les pouvoirs du général commandant l'Ecole, créa
un conseil d'administration et un conseil de discipline.
Cette excitation ne nuisait pas aux études dirigées par
Coriolis et des professeurs comme Pouillet, Lamé, Dulong,
Hase. C'est à cette époque que la prédilection du professeur
de littérature Arnault pour la famille d'OEdipe et les mal-
heurs de Laïus fit adopter le terme de laïus pour désigner
une composition de rhétorique. Il est impossible d'oublier
la part qu'eurent les anciens élèves de l'Ecole au mouve-
- 405 ~ ÉCOLE
ment saint-simonien, Jean Regnaud, Enfantin, Aug. Comte,
Michel Chevalier, etc. ; ils n'eurent pas le temps de faire
l)eaucoup de prosélytes parmi leurs jeunes camarades.
5 élèves de l'iLcole polytechnique impliqués dans le
procès de la Société des droits de Vtioimne furent acquit-
tés avec les autres prétendus conspirateurs (20déc. 1833).
Ce procès mit le comble à l'hostilité des polytechniciens
pour Louis-Philippe. Ils décidèrent de ne plus le saluer et
tinrent leur parole. Ils continuaient à fraterniser avec les
associations républicaines. En déc. 1834, la première di-
vision fut licenciée (un mois) à la suite d'une révolte. Dans
les années suivantes, l'effervescence diminua beaucoup. Les
démarches faites par le jeune duc d'Orléans contribuèrent à
l'apaisement. Comme la bourgeoisie, dont la plupart sor-
taient, les élèves se ralliaient à la monarchie de Juillet.
Lors du mouvement de Barbés et Blanqui (12 mai 1839),
les élèves prirent parti contre les insurgés et s'armèrent
pour défendre l'Ecole. Toutefois, lorsqu'ils virent les gardes
municipaux égorger sous leurs yeux devant leur grille trois
hommes sans défense, ils furent indignés; 110 remon-
tèrent dans les salles d'étude ; 152 restèrent à la dispo-
sition du général. Un récit erroné ayant été publié par le
Journal des Débats^ ils lui imposèrent une rectification. On
emprisonna 40 élèves pendant un mois et on déplaça le
général Tholozé, commandant l'Ecole. Durant les années
suivantes, la discipline se relâcha complètement. Un inci-
dent provoqué par Duhamel, qui voulait cumuler les fonc-
tions de directeur des études et d'examinateur de sortie, fit
licencier l'Ecole en 1844. Le général Rostolan y rétablit
une discipline rigoureuse.
Au 24tëvr. 1848, le général Aupick, commandant l'Ecole,
conseilla aux élèves de ne pas sortir. Ils s'assemblèrent
tumultueusement à l'amphithéâtre et, sur l'avis du sergent
fourrier de Freycinet, résolurent de se jeter entre les com-
battants pour éviter l'effusion du sang. Ils sortirent donc,
se rendirent à la mairie du XI^ arrondissement (aujour-
d'hui le V'^), sur la place du Panthéon, et se divisèrent en
douze groupes pour aller dans les douze arrondissements.
Lorsque Louis-Philippe se fut enfui, les élèves de l'Ecole
polytechnique se mirent à la disposition du gouvernement
provisoire ; 20 d'entre eux lui servirent d'aides de camp,
en tête de Freycinet. Ils inspiraient une certaine confiance
au populaire et leur intervention fut plusieurs fois efficace. Ils
furent chargés des missions les plus diverses, envoyés comme
commissaires dans les départements. Le 30 avril, les élèves
rentraient à l'Ecole que commandait le général Poncelet ;
sous ses ordres, le chef d'escadron Lebœuf exerçait l'autorité
réelle. Au 15 mai, l'Ecole se prononça en faveur de l'As-
semblée nationale. Aux journées de juin, la plupart des
élèves étaient sortis^ayant achevé leurs examens. lisse mirent
à la disposition du gouvernement et plusieurs se battirent
pour lui. Après l'année 1848, le rôle politique de l'Ecole
polytechnique est terminé; la direction est passée de la
bourgeoisie aux masses populaires sur lesquelles son influence
est minime; elle ne se désintéresse pas de la cause libérale,
mais elle n'a plus occasion de la servir activement en corps.
L'arrêté du 11 nov. 1848 change peu de chose, ouvrant
aux élèves la carrière nouvelle des tabacs. On établit la
gratuité. Mais, l'année suivante, l'Ecole fut vivement atta-
quée. L'Ecole centrale d'une part, les démocrates de l'autre,
combattaient son privilège. On proposait de diviser le re-
crutement des services publics, civils et militaires, et de
recruter à l'Ecole militaire les officiers de toutes armes,
génie et artillerie comme les autres. Ces projets furent
abandonnés. La gratuité fut supprimée en 1850 et une com-
mission mixte chargée d'établir la concordance entre l'en-
seignement des lycées et les programmes d'admission. On
adopta pour celui-ci le programme de la classe des mathé-
matiques spéciales. Un décret du l^»* nov. 1852 réorganisa
l'Ecole, son administration et l'enseignement. Depuis cette
date, il n'y eut plus que de légères modifications, résultant
principalement des lois sur le recrutement de 1873 et
1889. Qutnt au rôle politique de l'Ecole, il était terminé.
ÉCOLE
406
Au 2 décembre on supprima la sortie et on fit occuper
la conr par des troupes. Les élèves ne bronchèrent pas.
Ils se bornèrent ensuite à manifester passivement leur hos-
tilité envers l'Empire. Voici les principales circonstances.
Lors de la revue des troupes revenant de Crimée, passée
le 27 déc. 48oo sur la place de la Bastille, le bataillon des
élèves acclama les soldats, puis lorsque, marchant en tète
des troupes, il arriva à la place Vendôme, pas une voix
ne répéta le cri de Vive l'Empereur! proféré parle général
et le colonel. Lors des fêtes de Compiègne, la cour invita
les deux sergents-majors; on vota que l'invitation serait
refusée. Le prince impérial vint visiter l'Ecole (1868)
avec le général Froissard ; par 220 voix contre 19, on vota
que nul cri ne serait proféré à son arrivée.
La funeste guerre de 1870-71 fournit aux polytechniriens
une nouvelle occasion de prouver leur patriotisme. La pro-
motion de 1869 fut appelée à Paris, où elle alterna ses
études avec les manœuvres dans sa batterie de la porte
d'Italie et les bastions 85-89 ; peu à peu les élèves furent
répartis dans l'artillerie, les forts et les batteries de cam-
pagne ; 3 furent tués à l'ennemi (Benech, Gayet, Men-
dousse). Les examens de 1870 se terminèrent 10*^12 sept. ;
la plupart des élèves ne purent entrer à Paris ; tandis qu'ici
l'Ecole cessait de fonctionner, on la rouvrait à Bordeaux le
4 janv. 1871. Les élèves furent bientôt rappelés à Paris.
Ils y arrivèrent pour assister à la Commune. Ils se pro-
noncèrent contre le Comité central qui ne compta que qua-
torze partisans dans le vote qui eut lieu. Le général les
invita à quitter Paris, ce que tous firent successivement;
la promotion se réunit à Tours, où elle fut casernée dans
l'hôtel du commandement. Elle rentra à Paris, où les
insurgés avaient failli brûler les bâtiments de l'Ecole.
Depuis, celle-ci a poursuivi pacifiquement sa glorieuse car-
rière ; le caractère démocratique de l'institution s'accentue
avec la proportion croissante des bourses, qui atteint la
moitié du chiffre total des élèves et assure ainsi tous les
avantages de la gratuité. Les élèves ont d'ailleurs leurs cais-
siers qui, sur le fonds commun, accordaient autrefois quelque
assistance à leurs camarades peu fortunés, leur remettant
un peu d'argent de poche. Aujourd'hui, l'argent de la caisse
sert seulement à fournir des secours aux pauvres du quar-
tier et à payer les obsèques des polytechniciens morts en
cours d'études. Cette fraternité s'est manifestée en 1865 par
la création de la Société amicale de secours des anciens
élèves de l'Ecole polytechnique. Organisée par les pro-
motions de 1863 et 1864, elle prit un rapide essor. Son
capital approche du miUion ; son budget dépasse 100,000 fr.;
mais sa grande importance vient de ce qu'elle resserre les
liens entre les camarades de tout âge, lesquels se prêtent
les uns aux autres un concours d'autant plus efficace qu'ils
occupent une grande partie des plus hautes situations dans
leur pays, à commencer par la présidence de la République
et la présidence du conseil des ministres.
Pour clore cet historique, il nous reste à dire quelques
mots du local occupé par l'Ecole polytechnique. On sait que,
logée d'abord au Palais-Bourbon, elle fut transportée en
1804 sur la montagne Sainte -Geneviève. Elle occupe
remplacement des anciens collèges de Navarre, de Bon-
court et de Tournai (V. ces mots), ces deux derniers
annexés au premier en 1638. Le bâtiment des Bacheliers,
élevé en 1738, sert aujourd'hui de pavillon aux élèves ; le
pavillon de l'état-major est à la place de l'anrien collège
de Boncourt; ces constructions ont été achevées sous
l'Empire ; les quatre petits pavillons de la cour de Bon-
court, la grille d'honneur et le porche datent de la Restau-
ration. On a agrandi le pavillon des élèves sous la monarchie
de Juillet ; les travaux du square Monge ont permis quel-
ques améliorations; depuis 1870, on a édifié de ce côté,
jusqu'à la rue d'Arras, un bâtiment pour la bibliothèque,
les salles de dessin, les collections ; puis sur les rues
d'Arras et Cardinal-Lemoine un bâtiment et un amphithéâtre
pour la physique. Telles quelles, ces constructions sont
encore bien défectueuses ; on projette de les compléter ;
de temps à autre, on propose de quitter le quartier, de
transporter l'école hors Paris, à Saint-Germain, à Meudon,
à Versailles, à Saint-Cloud ; on voulut la mettre à l'Elysée
en 1848. Après 1870, il fut question du Trocadéro. Un
jour ou l'autre, on se décidera à la reconstruire sur place
pour mettre les locaux à la hauteur des exigences de l'hy-
giène et de la réputation de l'Ecole polytechnique.
Conditions d'admission. — Nul n'est admis à l'Ecole
que par voie de concours. Pour se présenter à ce concours,
il faut que le candidat ait préalablement justifié : 1° qu'il
est Français ou naturalisé Français; 2° qu'il a seize ans
au moins et vingt et un ans au plus au 1^^ janv. de l'année
du concours. — Toutefois, les militaires âgés de plus de
vingt et un ans, et qui auront accompH au 1^^ juil. de
Tannée du concours six mois de service effectif réel,
seront admis à concourir pourvu qu'ils n'aient pas dépassé
l'âge de vingt -cinq ans à cette même date et qu'ils
soient sous les drapeaux au moment des compositions.
Aucune dispense d'âge ou de temps de service, autre que
celles qui viennent d'être indiquées, ne sera accordée. —
Les militaires admis à concourir après l'âge de vingt et un
ans ne pourront être classés à leur sortie de l'Ecole que
dans les services militaires. — Les candidats devront se
faire inscrire, s'ils sont civils, à la préfecture du départe-
ment où ils étudient, et, s'ils sont militaires, à la préfec-
ture du département dans lequel ils sont en garnison, le
15 avr. au plus tard. Nulle inscription ne sera admise après
cette époque. Les élèves du Prytanée militaire sont seuls
dispensés de l'inscription : ils sont examinés dans le centre
d'examens assigné au département de la Sarthe. Les can-
didats qui ne se présentent pas à leur tour d'inscription
sont considérés comme renonçant à prendre part aux
épreuves et rayés de la liste.
Les pièces à produire pour l'inscription sont : 1° l'acte
de naissance du candidat et celui de son père, revêtus des
formalités prescrites par la loi ; 2° une pièce attestant
la possession du diplôme de bachelier es sciences, ou du
diplôme de bachelier de l'enseignement secondaire spécial,
ou du certificat de la première épreuve du baccalauréat de
l'enseignement secondaire classique, ou du certificat relatif
à la première épreuve de l'ancien baccalauréat es lettres,
ou tout au moins une pièccjustifiant de l'inscription comme
candidat pour l'obtention d'un de ces diplômes ou certi-
ficats à la session d'avril, pièce qui devra être remplacée
avant l'examen par une autre constatant l'obtention du
diplôme ou du certificat; 3^ une déclaration d'un doc-
teur en médecine attaché à un hospice civil ou à un hôpital
militaire, dûment légahsée, et constatant que le candidat
a eu la petite vérole ou qu'il a été vacciné ; 4° un cer-
tificat du commandant du bureau de recrutement de la
subdivision de région, constatant que le candidat remplit
les conditions d'aptitude physique exigées pour l'admission
à l'Ecole par le décret du l^'^ mars 1890, rendu en con-
formité de l'art. 28 de la loi du 15 juil. 1889; 5° une
désignation par écrit des centres d'examens et de compo-
sitions choisis par le candidat ou par sa famille, con-
formément aux dispositions ci-après énoncées; 6° une
déclaration du père, de la mère ou du tuteur, reconnais-
sant qu'il est en mesure de payer la pension, ou, à défaut
de cette déclaration, la remise d'une demande de conces-
sion de bourse, établie sur papier timbré : la demande de
bourse doit préciser si la famille sollicite une bourse avec
trousseau ou demi-trousseau, ou une demi-bourse avec trous-
seau ou demi-trousseau, ou seulement la demi-bourse.
Tout candidat militaire doit produire les mêmes pièces,
moins celles qui sont désignées aux paragraphes 3 et 4. Il
produit en outre les pièces suivantes : 1^ un état signa-
létique et les services renfermant, en sus des renseigne-
ments réglementaires, l'indication des périodes de mise en
subsistance dans d'autres corps ; 2° une déclaration du
chef de corps, indiquant que le candidat comptera au
l^"* juil. de l'année du concours six mois de service effectif
réel sous les drapeaux (cette condition de six mois de ser-
- 407
ÉCOLE
vice n'est exigée que des candidats militaires qui ont dépassé
la limite d'âge imposée aux candidats civils) ; 3° un cer-
tificat de bonne conduite ; 4^ un relevé des punitions.
Le candidat non militaire a la faculté de faire ses com-
positions et de subir ses examens dans les centres assignés
aux départements où se trouve soit le domicile de sa fa-
mille, soit l'établissement où il a achevé son instruction. Il
fait connaître le département qu'il choisit. Le candidat
militaire subit les épreuves dans les centres de compo-
sitions et d'examens assignés au département où le corps
dont il fait partie se trouve en garnison. L'autorité mili-
taire doit lui délivrer, à cet effet, s'il y a lieu, des per-
missions dont la durée ne pourra excéder le temps néces-
saire au voyage et à l'examen. Si, après s'être fait inscrire
à la préfecture, le candidat militaire change de garnison,
il doit en informer le ministre de la guerre.
La liste des candidats est close environ deux mois avant
le concours. Le concours est public. Il a lieu chaque année
au début du mois de juin, en général, à Paris et
dans certains centres de province spécialement désignés.
Les épreuves portent uniquement sur les matières du pro-
gramme des connaissances exigées, arrêté tous les ans par
îe ministre ; mais toutes ces matières, y compris la langue
allemande, sont également obligatoires. Par suite, les can-
didats dont l'inst'ruction en l'une quelconque des parties
du programme serait reconnue insuffisante sont déclarés
inadmissibles. Aucun candidat ne peut se présenter aux
épreuves du concours s'il n'est muni du diplôme de bachelier
es sciences, ou du diplôme de bachelier de l'enseignement
secondaire spécial, ou du certificat de la première épreuve de
l'ancien baccalauréat es lettres. Un avantage de d 5 points
est accordé aux candidats qui sont en possession du diplôme
de bachelier es lettres ou pourvus du certificat de la pre-
mière épreuve de ce baccalauréat. Le concours est divisé
en trois épreuves successives : les compositions, dont le
détail est donné ci-après, les examens oraux préliminaires
ou du premier degré, les examens oraux du second degré.
Les compositions comprennent : 1<* un exercice sur le
cours de mathématiques spéciales; 2° une épure de géomé-
trie descriptive ; 3° une composition française ; 4" une
composition de physique et de chimie ; 5^^ un calcul trigo-
nométrique ; 6"* un lavis ; l"" le dessin d'un buste d'après
la bosse. Toutes les compositions seront corrigées. Les
candidats dont les notes de compositions multiphées par
leurs coefficients respectifs formeront une somme inférieure
à une limite fixée par le jury de classement, seront éhmi-
nés avant les examens du premier degré. Le jury de
classement est formé des examinateurs d'admission, du
général commandant l'Ecole, du commandant en second,
du directeur des étud^, et de trois membres du conseil
de perfectionnement délégués par leurs collègues. — Le
programme d'examen ne comporte pas pour la physique
l'ensemble du cours de la classe de mathématiques spé-
ciales ; les parties les plus difficiles ont été laissées de
côté. En revanche, à l'oral, les examinateurs peuvent
interroger sur l'arithmétique et la géométrie élémentaires
(cours de la classe de mathématiques élémentaires), et ils
le font fréquemment. Pour le détail, nous renvoyons aux
programmes spéciaux publiés chaque année.
Les examens oraux du premier degré (ayant lieu envi-
ron trois semaines après les compositions écrites) qui
portent sur l'ensemble des connaissances spécifiées dans le
programme d'admission, servent, avec les compositions de
mathématiques et de physique et chimie, à exclure des
examens oraux du second degré les candidats insuffisam-
ment préparés. A cet effet, la'moyenne des notes des deux
examens oraux est multipliée par 40 ; on y ajoute la note
de la composition de physique et chimie multipliée par 2,
et la note de la composition de mathématiques. Les candidats
dont la somme de points ainsi obtenue sera inférieure à une
limite déterminée par le jury de classement sont éliminés.
Les examens oraux du second degré servent, concurrem-
ment avec les compositions et les examens oraux du pre-
mier degré, à déterminer le classement par ordre de mé-
rite des candidats. Chaque candidat admis aux examens
oraux du second degré remet au président du jury, au
moment même de l'examen, les feuilles d'épurés, lavis et
dessins exécutés par lui pendant l'année scolaire courante,
d'après les spécifications portées au programme détaillé des
connaissances exigées. Les candidats qui ont déjà concouru
peuvent représenter les épures de l'année précédente, en y
ajoutant seulement cinq épures nouvelles relatives aux inter-
sections de surfaces et diff'érant, par les données, de l'année
précédente. Les coefficients d'influence, pour les examens
oraux et pour les compositions, sont fixés ainsi qu'il suit :
1« Pour l'admissibilité. Examens oraux du premier
degré, 10 ; composition de mathématiques, 1; composi-
tion de physique et chimie, 2.
l'^Pour l'admission définitive. Moyenne des deux exa-
mens oraux du premier degré, 18. Examens du deuxième
degré : mathématiques, premier examinateur, 20 ; deuxième
examinateur, 20 ; physique, 10 ; chimie, 5 ; allemand, 5.
Compositions, Composition de mathématiques, 4; épure
de géométrie descriptive, 3 ; composition de physique et
chimie, 3 ; calcul trigonométrique, 1; dessin d'imitation, 4;
lavis, 1 ; composition française, 6.
Les notes d'appréciation des épreuves varient de 0 à 20.
Tout candidat qui obtient, pour l'une des épreuves, une
note inférieure à 5, est de droit déféré au jury et peut êtro
exclu pour insuffisance d'instruction. En particulier, tout
candidat qui, pour l'une des compositions, remettra une
feuille blanche, ou ne renfermant que l'énoncé des ques-
tions posées, ne sera pas admis à passer les examens
oraux. Les candidats qui connaissent suffisamment une
langue vivante autre que l'allemand seront admis, s'ils le
demandent, à faire dans cette langue un thème sans dic-
tionnaire. Cette composition corrigée donnera au candidat
une immunité de : 1 point si elle est cotée Ll ou 12 ; 2 points
pour 13 ou 14 ; 3 points pour 15 et 16; 4 points pour
17 ou 18 ; 5 points pour 19 et 20. Si le candidat compose
ainsi en plusieurs langues, les nombres de points obtenus
pour chaque composition s'ajouteront. — Les candidats admis
à subir les examens du second degré seront appelés devant
un jury spécial, qui constatera leurs connaissances en es-
crime, gymnastique et équitation. Un nombre de points
variant de 0 à 5 leur sera attribué pour l'ensemble de
leurs aptitudes physiques.
Le résultat du concours est publié vers le mois de sep-
tembre. Les promotions n'étaient que de 90 en 1850, de
140 à la fin du second Empire; elles ont 'été accrues pour
faire face aux besoins extraordinaires causés par la guerre
(on a reçu 170 élèves en 1834 et 18oo); en 1872, on en
a reçu 290 ; c'est la plus forte promotion qui ait eu lieu
depuis la Révolution; de 1873 à 1876, on a reçu de 250 à
271 élèves, puis les chiffres ont été abaissés. Ils se sont
relevés à partir de 1889. Le concours tend à devenir de
plus en plus difficile, en raison de l'afïluence croissante
des candidats. En 1891, pour 268 places, il y eut 1,605
candidats, dont 560 admissibles.
Le tableau en tête de la page suivante permettra de
juger du succès croissant de l'Ecole polytechnique.
Tout candidat admis qui renonce au bénéfice de son
admission doit adresser au ministre, dans le plus bref
délai, sa démission, accompagnée du consentement de son
père ou de son tuteur. Tout candidat nommé élève qui ne
sera pas présenté au commandant de l'Ecole dans le délai
fixé par sa lettre de nomination sera considéré comme dé-
missionnaire. Dès son arrivée à l'Ecole, chaque élève sera
soumis à une visite médicale dans l'établissement : les élèves
qui sont reconnus aptes au service militaire ne sont défini-
tivement admis à l'Ecole qu'à la condition de contracter,
devant le maire de l'un des arrondissements de Paris, un
engagement volontaire de trois ans, lequel courra dul^^'oct,
de l'année de l'entrée, sans être d'ailleurs assujettis à au-
cune condition d'âge autre que celles qui sont exigées pour
l'admission à l'Ecole. Les élèves qui, au moment de l'admis-
ÉCOLE
— 408
ANNEES
T^OMBRE DES CANDIDATS
qui se sont q^.i ^."î,^^^,
^ ^ ^, admis a l'Ecole
présentes polytechnique
jg55
544
573
592
652
676
715
707
712
772
790
767
766
719
680
691
711
566
732
708
842
1.020
1.089
1.131
1.154
1.130
1.126
1.183
1.002
1.034
1.148
1.313
1.351
1.450
1.313
1.297
1.432
1.605
170
125
120
112
130
148
169
131
135
140
140
145
145
146
136
151
140
290
254
265
265
271
201
236
200
210
220
250
230
240
221
230
220
225
265
266
268
1856
1857
1858
1859
1860
1861
1862
18(33
1864
1865
1866
1867
1868
1869
1870
1871
1872
1873
1874
1875
1876
1877
1878
1879
1880
1881
1882
1883
1884
1885
1886
1887
1888
1889
1890
1891
sion, ne seront pas reconnus aptes au service militaire, ne
seront admis à l'Ecole qu'autant qu'ils rempliront les con-
ditions fixées par le décret du i^'^ mars 1890. Il faut que
l'inaptitude physique ne soit que transitoire ou de nature à
permettre de remplir les services d'ingénieur. A leur sortie
de l'Ecole, ils seront de nouveau visités, afin de constater
si le vice de conformation ou l'infirmité qui les rendaient
impropres au service a persisté ou disparu et si, par suite,
il est possible de les classer dans un service militaire.
Ils sont considérés, pendant le temps qu'il passent à
l'Ecole, comme présents sous les drapeaux dans l'armée
active ; ils reçoivent l'instruction militaire complète et sont
à la disposition du ministre de la guerre. Ceux qui ne sa-
tisfont pas aux examens de sortie ou sont renvoyés pour
inconduite sont incorporés dans un corps de troupes pour
y terminer le temps de service qui leur reste à faire. Si
jpendant la durée des études un élève est admis à redou-
bler une année à l'Ecole, cette année ne compte pas dans
la durée de l'engagement. — Les élèves admis dans l'un
des services civils recrutés à l'Ecole, ou quittant l'Ecole
après avoir satisfait aux examens de sortie sans entrer
dans aucun de ces services, sont nommés sous-lieutenants
de réserve et accomplissent en cette qualité, dans un corps
de troupe, leur troisième année de service. Les élèves qui
viendraient à quitter le service civil dans lequel ils ont été
admis n'en resteront pas moins soumis à cette obligation.
Ceux qui donneraient leur démission d'officier de réserve
avant l'accomplissement de leur troisième année de ser-
vice n'en resteront pas moins soumis à toutes les consé-
quences de l'engagement volontaire de trois ans contracté
par eux lors de leur entrée à l'Ecole.
Les candidats qui, sans être reconnus aptes au service
militaire, remplissent cependant les conditions nécessaire
pour suivre les cours et exercices militaires de l'Ecole,
telles qu'elles sont définies par le déret du 1^^' mars 1890,
sont admis à l'Ecole sans avoir à contracter un engagement.
Le prix de la pension est de 1,000 fr. par an, et celui
du trousseau de 600 à 700 fr.; une somme de 100 fr.
doit, en outre, être versée pour former le fonds de masse
de chaque élève. Le bordereau du trousseau, qui en fixe
le prix exact pour l'année courante, ainsi que le détail des
autres objets que les élèves devront apporter avec eux, est
envoyé aux familles avec les lettres de nomination. Des
bourses et demi- bourses sont instituées en faveur des
élèves dont les parents sont hors d'état de payer la pen-
sion, et qui remplissent les conditions indiquées ci-après.
De plus, il peut être alloué à chaque boursier ou demi-bour-
sier un trousseau ou demi-trousseau à son entrée à l'Ecole.
Ces concessions sont accordées par le ministre de la
guerre sur la proposition des conseils d'instruction et d'ad-
ministration de l'Ecole. Les demandes doivent être remises
au moment de l'inscription. Les bourses sont accordées
très libéralement selon le principe démocratique et de ma-
nière à assurer à tout candidat peu aisé le bénéfice de la
gratuité. Souvent la proportion des boursiers atteint la
moitié du nombre total des élèves. On exige seulement des
parents ou tuteur du candidat un engagement de rem-
bourser ces frais de pension et de trousseau, au cas où
l'élève ne servirait pas au moins dix ans dans les services
publics, civils ou militaires, auxquels il aura droit d'être
admis d'après son numéro de classement sur la liste de sortie.
Nul ne peut, d'ailleurs, être reçu à l'Ecole s'il ne produit
un récépissé soit du receveur central de la Seine, soit d'un
trésorier-payeur général ou d'un receveur particulier,
constatant qu'il a payé le prix du trousseau ou du demi-
trousseau, suivant le cas. Il doit, en outre, remettre au gé-
néral commandant l'Ecole une promesse sous seing privé,
dans la forme indiquée par l'art. 1326 du C. civ., par
laquelle son père, sa mère ou son tuteur s'engage à verser
dans la caisse du receveur central de la Seine, d'un tréso-
rier-payeur général ou d'un receveur particulier, par tri-
mestre et d'avance, le montant de la pension, si Télève est
pensionnaire, ou de la demi-pension, s'il a obtenu une
demi-place gratuite. Cette promesse, qui doit être légalisée
par le maire ou par le sous-préfet, sera faite par l'élève
lui-même, s'il est majeur ou s'il jouit de ses biens.
Quant à la somme de 100 fr. formant le fonds de masse
individuelle, elle doit être versée directement à la caisse
de l'Ecole le jour même de l'entrée de l'élève. Les élèves
dont les père, mère ou tuteur ne résident pas à proximité
de Paris, doivent, en outre, avoir un correspondant dûment
accrédité auprès du général commandant l'Ecole.
Régime intérieur. — Les élèves de l'Ecole polytech-
nique astreints au régime militaire et au port de l'uniforme,
composent un bataillon partagé en deux divisions, compre-
nant chacune deux compagnies. La première division se
compose des élèves de seconde année ; la seconde division,
de ceux de première. Le ministre fixe chaque année l'époque
d'entrée des élèves nouveaux et de rentrée des élèves de
seconde année (quelques jours plus tard, vers le milieu
d'octobre). Dans chaque division, les élèves sont répartis,
en général, au nombre de 8 par salle pour les études,
de 10 par table pour les repas, de 20 par laboratoire
pour les manipulations de chimie, et en nombre variable
par chambre pour le coucher. Toute la division est réunie
dans un même amphithéâtre pour les cours oraux. Il y a
à l'Ecole trois amphithéâtres : l'un en forme d'hémicycle
pour l'une des divisions, et où se font en outre tous les
cours de chimie; un second pour l'autre division, et un
troisième (le plus beau) pour les cours de physique.
Le cadre de chaque compagnie comprend 1 capitaine,
2 adjudants faisant fonctions de lieutenants. On y ajou-
tait 1 sergent-major, 1 sergent fourrier et 10 sergents.
Ces sous-officiers étaient pris parmi les élèves. Les 2
premiers élèves de chaque promotion étant sergents-ma-
jors, le troisième et le quatrième sergents fourriers, les
20 suivants avaient le grade de sergents. Ces grades ont
disparu depuis l'application de la loi militaire de 1889.
Les élèves qui sont moralement responsables de la discipline
n'ont plus que le titre de chefs de salle. Comme toujours,
- 409
ECOLE
c'est le premier de la promotion qui est chargé de parler en
son nom s'il y a lieu. Il y a dans chaque salle d'études un
élève qui en est le chef. Les chefs de salle transmettent aux
élèves de leurs salles respectives les ordres des supérieurs.
Les élèves sont en tenue militaire. A l'intérieur de
l'Ecole, la tenue consistait en une tunique dite berry, un
pantalon semblable au pantalon d'extérieur et une cas-
quette à galons de laine. Depuis 4891 le berry est rem-
placé par une vareuse. La coiffure d'intérieur est le képi
de la troupe dans l'artillerie avec une grenade rouge ou
jaune servant à distinguer les promotions. Le lever a lieu
à six heures, l'appel à six heures et demie. Le premier
repas a lieu à huit heures et demie, le dîner à deux heures
et le souper à neuf heures. La plupart des cours ont lieu
entre le déjeuner et le dîner; la récréation qui suit celui-ci
et qui dure jusqu'à cinq heures, est remplie en partie par
les manœuvres militaires, la gymnastique, l'équitation, l'es-
crime, etc. Les exercices militaires comprennent les ma-
nœuvres d'infanterie et d'artillerie ; ils sont complétés chaque
année par le tir à la cible, qui est exécuté au polygone de
Yincennes. Les leçons d'escrime et celles d'équitation pen-
dant la seconde année sont obhgatoires pour tous les élèves.
Les leçons de danse sont facultatives et aux frais des élèves,
qui s'y rendent avec ardeur.
La durée des études est de deux années. Chacune de ces
années est subdivisée en deux semestres entre lesquels sont
répartis les cours. Première année. Semestre d'hiver
(octobre à fin février) : analyse, géométrie, chimie, histoire
et littérature, allemand, manipulations de chimie, travaux
graphiques, dessin. Semestre d'été (du 1^^ mars au mois
de juillet) : physique, mécanique, architecture, histoire et
littérature, allemand, manipulations de chimie, travaux gra-
phiques, dessin,— Deuxième année. Semestre d'hiver :
analyse, physique, astronomie et géodésie, architecture,
histoire et littérature, allemand, manipulations de chimie,
travaux graphiques, dessin. Semestre d'été : mécanique,
chimie, art militaire, stéréotomie, histoire et littérature,
allemand, manipulations, travaux graphiques, dessin. — Les
élèves de première année ou conscrits forment la seconde
division, les élèves de seconde année (anciens ou carrés)
forment la première. Au début et à la fin de chaque leçon
le professeur interroge quelques élèves désignés par le sort
(dans Targot de l'Ecole ils sont dits Schicksalés). Les
répétiteurs interrogent chaque jour plusieurs élèves. Les
travaux graphiques sont remis à date fixe et comme pour
les interrogations (ou cottes) on donne une note. En cas de
maladie prolongée un élève peut être autorisé à redoubler
l'une des deux années d'études ; en aucun cas il ne peut
séjourner plus de trois années à l'Ecole.
Les élèves sont internes et casernes ; mais ils jouissent
à l'intérieur d'une grande liberté. On leur accorde deux
jours de sortie générale par semaine : le dimanche, de huit
heures du matin à dix heures du soir; le mercredi, de deux
heures et demie de l'après-midi à dix heures du soir. Pour
affaires de famille, le général peut permettre des sorties
extraordinaires d'un ou plusieurs jours.
A la fin du premier semestre, les élèves des deux divi-
sions subissent des interrogations générales qui donnent
lieu à un classement ; elles sont suivies d'un congé d'une
dizaine de jours coïncidant avec la deuxième quinzaine de
février. A la fin du deuxième semestre, les élèves de chaque
division subissent devant les examinateurs spéciaux des
examens, soit pour le passage de la seconde à la première
division, soit pour la sortie de l'Ecole. Ces examens, au
nombre de cinq pour chaque élève, ont lieu à la fin de juin
et pendant le mois de juillet ; ils sont espacés à dix jours
d'intervalle. Les élèves trop faibles peuvent n'être pas ad-
mis au passage de la première à la deuxième année, ou bien
de celle-ci dans les services publics. Pour satisfaire aux
besoins actuels de l'artillerie, on requit, depuis 1890, 26r>
élèves environ: sur ces 265élèves 80 {{es petits chapeaux,
comme on les appelle à l'Ecole) font seulement une année
d'études à la fin de laquelle ils vont à l'Ecole d'application
de Fontainebleau avec le titre d' « élèves de l'Ecole poly-
technique détachés à Fontainebleau » ; ils portent encore
l'uniforme des polytechniciens. Après un an à l'Ecole d'ap-
phcation, ils sont nommés sous-lieutenants-élèyes d'artil-
lerie un jour avant leurs camarades de promotion. A la fin
de leur seconde année d'application, ils sont envoyés dans
un régiment comme sous-lieutenants et ne passent lieute-
nants qu'après un an de service, c.-à-d. en même temps
que ceux de leur promotion.
Sortie. — Le classement de sortie a une importance
capitale, puisqu'il détermine le choix de la carrière ; les
carrières civiles ont la préférence ; elles se classent géné-
ralement ainsi dans le choix des candidats : mines, ponts et
chaussées, génie maritime, tabacs.
Le résultat du travail intérieur à l'Ecole est de modifier
profondément le classement d'entrée ; beaucoup d'élèves
perdent la place relativement favorable qu'ils y occupaient
tandis que d'autres, grâce à un travail acharné, gagnent des
rangs sur la liste. Stimulés par les interrogations conti-
nuelles, les élèves travaillent sans relâche. Ils savent que
leur avenir est entre leurs mains et dépend essentiellement
de leur énergie. Ce système élève beaucoup le niveau de
l'instruction. En revanche, il produit souvent du surme-
nage et l'on a vu nombre d'élèves en être victimes, soit
qu'ils tombent malades, soient qu'ils restent fatigués long-
temps après. De là les critiques dirigées contre cette mé-
thode. On lui reproche aussi de ne pas tenir compte pour
la répartition des polytechniciens entre des services fort
divers, des aptitudes spéciales que chacun pourrait avoir
pour l'un plutôt que pour l'autre, le classement se faisant
d'après l'ensemble des notes et le rang sur la liste d'en-
semble déterminant seul la faculté du choix. Ces objections
sont graves, mais n'ont pu faire modifier un régime qui
donne de bons résultats.
00
00
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à
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Artillerie
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»
134
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40
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5
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1
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15
33
4
2
3
8
4
1
Artillerie de marine.
Génie
Constructions na-
vales
Mines
Ponts et chaussées.
Manufactures de
l'Etat
Poudres et salpêtres
Hydrographie
Télégraphes
Totaux
212
214
210
175
169
Les élèves admis dans les services civils passent deux
ou trois années à Paris dans une école d'application avec
le titre d'élève-ingénieur ; ils reçoivent en outre un brevet
de sous-lieutenant de réserve dans l'artillerie ou le génie.
Ceux qui sont classés dans l'artillerie de terre ou de mer,
ou le génie militaire sont nommés sous-lieutenants et pas-
sent en cette qualité deux années à l'Ecole d'application de
Fontainebleau avant d'entrer dans les corps de troupe.
Enfin ceux qui sont nommés dans la marine nationale y
entrent avec le grade d'aspirant de première classe. Les
élèves déclarés non admissibles dans les services pu-
blics et qu'on appelle à l'Ecole les fruits secs, suivent les
conditions de la classe de recrutement à laquelle ils appar-
tiennent par leur âge. Ils font en général leur troisième
année de service comme sous-officiers; cela n'est pas en
droit. Ils sont du reste en très petit nombre, un ou deux
par année moyenne. Il y a en revanche de 45 à 20 démis-
sions parmi les élèves classés dans les services militaires.
Les démissionnaires se consacrent à l'industrie privée ou
aux carrières administratives (inspection des finances par
ECOLE
— 440 —
exemple) où leur titre d'anciens élèves de l'Ecole polytech-
nique et l'instruction qu'il garantit les font rechercher de
plus en plus.
Le tableau de la page précédente indique comment dans
les six dernières années se sont répartis entre les divers
services les élèves sortis de l'Ecole polytechnique
Aux chiffres des deux dernières années il faut ajouter
les 80 petits chapeaux pour avoir le nombre total d'élèves
sortant (dans l'artillerie). A. -M. B.
Ecole spéciale militaire de Saint- Cyr. — Desti-
nation. — L'Ecole spéciale militaire, établie à Saint-Cyr
et ressortissant au ministère de la guerre, est destinée à
former des otTiciers pour l'infanterie, la cavalerie et l'in-
fanterie de marine. Elle leur donne une instruction théo-
rique et pratique, mais ne leur confère ni monopole, ni
privilège.
Historique. — L'institution d'une école ou académie
militaire pour l'instruction des futurs officiers fut proposée
à partir du xvi® siècle. Le cardinal de Richelieu créa à cet
effet, en 1636, une Académie royale pour la noblesse
et lui donna une subvention de 22,000 livres. Elle siégeait
rue Vieille-du-Temple et ne survécut guère à son fondateur.
Le collège, fondé par Mazarin en i655, devait avoir ce
caractère, mais il ne put y arriver. Louvois voulut adjoindre
à l'Hôtel des Invalides une école militaire, mais dut se
contenter de créer neuf compagnies de cadets gentilshommes
qui furent casernées dans les places frontières. On les sup^^î
prima en 1693. Reconstituées en 1724, sur l'initiative de
Pâris-Duverney, elles furent de nouveau supprimées peu
après. C'est M"^^ de Pompadour qui fonda notre première
école militaire. Elle obtint, le 22 juin 1751, des lettres
patentes du roi pour cette école spécialement destinée aux
« fils de gentilshommes nés sans biens ou morts à la
guerre ». La favorite mit une véritable passion à réaliser
son projet qui dota Paris du majestueux édifice riverain du
Champ de Mars, auquel a été conservé ce nom à'Ecole
militaire. Les élèves, avant de prendre possession de ce
palais, furent casernes au château de Vincennes. Les diffi-
cultés budgétaires nuisirent à l'école nouvelle, quoiqu'on
eût, pour l'ahmenter, mis un impôt sur les cartes à jouer
et établi une loterie spécialement affectée à ses dépenses.
Au 1^^ févr. 1776, Louis XVI supprima l'Ecole militaire
de Paris; les élèves furent réunis en compagnies de cadets,
quelques-uns envoyés aux écoles de Mézières et de La Fère.
Cependant, on voulut suppléer par la création d'écoles
militaires provinciales, et les collèges de Brienne, Sorèze,
Tiron, Rebais, Pont-le-Voy, Vendôme, Effiat, Pont-à-Mous-
son, Tournon et Beaumont reçurent des élè\es venus de
Paris et durent devenir des académies militaires. Dès l'année
suivante, on rétabHt à Paris une sorte d'école centrale
sous la forme d'une compagnie de cadets, qui fut recrutée
parmi les meilleurs élèves des écoles provinciales. On sait
que Napoléon, entré à Brienne à dix ans, en 1779, fut
envoyé à l'Ecole militaire de Paris, en oct. 1784. Mais
cette combinaison, qui donnait à l'école parisienne le rôle
de nos écoles d'application, puisqu'on en sortait officier
pour commencer le service actif, ne fut pas définitive.
Tous les élèves des diverses écoles mihtaires voulurent
venir à Paris, si bien que cette compagnie de cadets, qui
comptait d'abord le chiffre respectable de 200 élèves, s'ac-
crut jusqu'à en renfermer 700. La charge budgétaire rede-
venant trop lourde, on la supprima de nouveau en oct. 1 787,
et on distribua les élèves entre douze écoles de province,
celles d'Auxonne et de Dole s'ajoutant aux précédentes.
La Révolution française et les guerres qui éclatèrent
bientôt eurent pour conséquence une organisation nouvelle.
On sentit le besoin d'une école militaire, d'autant plus
qu'une grande partie des officiers avaient émigré. Sur le
rapport de Barrère, le 13 prairial an II, la Convention
décida la création de V Ecole de Mars. Cette école, destinée
à 3,000 jeunes gens imbus des principes démocratiques,
fut établie dans la plaine des Sablons, le long du bois de
Boulogne; les élèves campaient sous la tente. On leur
avait donné un uniforme : maillot, tunique bleu clair,
bonnet orné de plumes, pique. On les exerçait au maniement
des armes. L'Ecole de Mars ne dura que quelques mois et
fut dissoute par décret du 4 brumaire an III (2o oct. 1794).
Le général Bonaparte, premier consul, qui plaçait la
carrière militaire au premier rang, se préoccupa d'orga-
niser l'enseignement militaire supérieur, A cet effet, il
décida, le 1^^ germinal an VIII, la création de quatre col-
lèges militaires qui furent appelés prytanées français et
étabhs à Paris, Fontainebleau, Saint-Cyr et Saint-Ger-
main. Le 10 floréal an X (1^^ mai 1802), il créa une
école d'un ordre plus élevé, VEcole spéciale militaire.
C'est celle qui existe encore aujourd'hui. Au début, elle
fut placée à Fontainebleau et reçut 500 élèves. Mais le
24 mars 1808 un décret impérial transféra l'Ecole de
Fontainebleau à Saint-Cyr. Le prytanée de Saint-Cyr fut
transféré à La Flèche. Cette double translation fut mo-
tivée par le désir qu'avait l'empereur de prendre le palais
de Fontainebleau pour en faire sa résidence. L'Ecole spé-
ciale militaire fut donc installée à Saint-Cyr, dans les
locaux du prytanée qui étaient ceux de la fameuse maison
royale fondée par M°^® de Maintenon en 1686. Cette mai-
son d'éducation avait été supprimée en 1772, évacuée le
l^'^ avr. 1793 et changée en hôpital, puis en succursale
de l'Hôtel des Invalides, et enfin en l'an 1800 affectée au
prytanée. Pendant toute la durée de l'Empire, l'Ecole spé-
ciale mihtaire fonctionna très irrégulièrement; les études
ne s'achevaient pas ; continuellement des réquisitions anti-
cipées réclamaient les élèves-officiers pour les besoins de
la guerre. C'est ainsi qu'en 1807, par exemple, l'Ecole fut
à peu près vidée. Ses élèves, formés en bataillons, se dis-
tinguèrent dans la campagne de 1814. Ils combattirent
vaillamment à Montereau et à Nemours.
La Restauration, peu favorable à cette institution impé-
riale, prononça la dissolution de l'Ecole de Saint-Cyr. On
la réorganisa conformément aux idées de l'ancien régime,
avec le désir d'en faire une institution nobiliaire. On ne
réussit pas. L'Ecole prit peu à peu l'importance prépondé-
rante qu'elle a maintenant dans le recrutement des officiers
d'infanterie et de cavalerie. Les élèves rendirent en i 870
de grands services ; ceux de la seconde division firent après
la guerre une année d'études avec le grade de sous-lieute-
nant. Depuis lors, quelques changements ont été introduits,
surtout par le décret de réorganisation du 18 janv. 1882
et par celui du 25 nov. 1890.
Conditions d'admission. — Nul n'est admis à l'Ecole de
Saint-Cyr que par voie de concours. Pour se présenter à ce
concours, le candidat doit préalablement justifier : 1<* qu'il
est Français ou naturalisé ; 2° qu'il a eu dix-sept ans au
moins et qu'il en compte moins de vingt et un au 1^^' janv.
de l'année du concours. — Néanmoins les sous-ofiîciers,
caporaux ou brigadiers et les soldats des corps de l'armée,
âgés de plus de vingt et un ans, ayant six mois de service
réel et effectif, étaient jusqu'en 1892 admis à concourir
pourvu qu'ils eussent moins de vingt-cinq ans ; cette tolérance
a été supprimée et subsistera seulement pour ceux qui ont,
en 1891, plus de vingt et un ans et dépasseront vingt-cinq
en 1895; c'est donc à cette date que la limite d'âge sera
abaissée à vingt et un ans pour la totalité des candidats.
Les candidats devront se faire inscrire, s'ils sont civils,
à la préfecture du département où ils étudient, et, s'ils sont
militaires, à la préfecture du département où ûls sont en
garnison. Nulle inscription ne sera admise après cette
époque. Il est donc indispensable que les familles ou les
directeurs d'étaè)lissenients d'instruction se mettent en
mesure de rassembler les pièces des dossiers assez à temps
pour que tout retard dans l'inscription des candidats soit
évité. Les élèves du Prytanée militaire sont seuls dispensés
de l'inscription. Les pièces à produire pour l'inscription
sont : 1^ l'acte de naissance du candidat et l'acte de nais-
sance du père du candidat, revêtus des formalités prescrites
par la loi ; 2° un certificat du commandant de recrutement
de la subdivision territoriale, constatant, dans les mêmes
4H —
ÉCOLE
conditions que pour l'engagement volontaire, l'aptitude
réelle au service militaire ; ce certificat constatera que le
candidat a été vacciné avec succès ou a eu la petite vérole ;
30 une déclaration écrite des centres de compositions et
d'examen choisis par le candidat ou par sa famille. Les
candidats militaires doivent produire les mêmes pièces,
moins celle qui est désignée au paragraphe 2. Ils pro-
duisent, en outre, les pièces suivantes : 1^ un état signa-
létique et des services renfermant, en sus des renseigne-
ments réglementaires, l'indication des périodes de mise en
subsistance dans d'autres corps; 2° une déclaration du
chef de corps indiquant que le candidat comptera, au
l^r juil. de l'année du concours, six mois de service réel
et effectif sous les drapeaux; 3° un certificat de bonne
conduite ; 4** un relevé des punitions.
Les candidats non militaires ont la faculté de choisir
les villes dans lesquelles ils veulent subir leurs examens,
comme il est dit plus haut; mais, ces choix une fois faits,
aucun candidat ne sera autorisé à changer de centre d'exa-
men que pour des motifs graves, avec pièces à l'appui, et
par décision du ministre. Les candidats militaires ne peuvent
choisir comme centres de compositions et d'examen oral
que les villes les plus rapprochées du lieu où ils sont.
Les Hstes d'inscriptions sont closes le 15 avril, c.-à-d.
environ deux mois avant les épreuves. Le concours est
pubUc; il a lieu chaque année à Paris et dans certaines
villes spécialement désignées; celles-ci sont plus nom-
breuses pour les compositions écrites que pour les épreuves
orales. Les compositions écrites se font simultanément
partout; par contre, les épreuves orales du second degré
ont lieu successivement dans les divers centres où la même
commission d'examen se transporte.
Le concours est divisé en trois épreuves successives :
lo les compositions écrites ; 2^^ l'examen du premier degré ;
30 l'examen du second degré. Nul ne peut être admis aux
compositions, s'il ne justifie de la possession de l'un des
diplômes de bachelier es lettres, bachelier es sciences, bache-
lier de l'enseignement secondaire spécial. Un avantage de
40 points est accordé aux candidats pourvus du baccalauréat
es lettres complet, accompagné du baccalauréat es sciences
ou du baccalauréat de l'enseignement secondaire spécial.
30 points sont accordés aux candidats possédant. le baccalau-
réat es lettres complet. Enfin, un avantage de 20 points est
compté aux candidats pourvus de la première partie du bac-
calauréat es lettres, accompagnée de l'un des deux diplômes
de bachelier es sciences ou de bachelier de l'enseignement
secondaire spécial. Il n'est tenu compte de ces avantages
que pour l'admission seulement. Les candidats présentent
au moment de l'appel, au président de la commission de
surveillance des compositions, le diplôme sans lequel ils ne
peuvent être admis à concourir (baccalauréat es lettres,
baccalauréat es sciences ou baccalauréat de l'enseignement
spécial). Ceux qui possèdent les diplômes ou certificats don-
nant droit aux avantages énumérés ci-dessus présentent leurs
titres au président de la commission d'examen, au moment
des épreuves orales du second degré. Indépendamment des
épreuves mentionnées ci-dessus, les candidats en subissent
une autre pour la constatation de leur aptitude physique et
de leur habileté dans l'exercice de l'équitation, de l'escrime
et de la gymnastique, qui toutes les trois sont obhgatoires.
Les compositions comprennent : 1° Une composition
française de la force de la classe de mathématiques élémen-
taires (deuxième année : narration, discours, lettre, rapport,
dissertation). — 2° Un thème allemand. Les caractères
allemands seront employés pour l'écriture de ce thème, qui
sera fait sans l'aide de lexique ni de dictionnaire ; le texte
sera accompagné, s'il est nécessaire, de quelques indica-
tions pour les mots et les tournures qui sortiraient de la
pratique usuelle. Une version allemande autographiée. —
30 Une composition mathématique comprenant des pro-
blèmes de force graduée. — 4^ Un calcul logarithmique,
résolution de triangle (on se servira des tables à ^ sept
décimales). Les candidats ne pourront se présenter qu'avec
une table de logarithmes à sept décimales, tout autre
secours leur étant formellement interdit; cette épreuve est
obligatoire. On ne peut s'en dispenser sous peine d'ex-
clusion.— 50 Le tracé d'une épure de géométrie descriptive
d'après des données numériques simples, et dont le sujet
sera pris dans la géométrie descriptive. — 6« Un dessin
au crayon qui sera, selon la désignation qui en sera faite
aux candidats par une insertion au Journal officiel un
mois avant le commencement des compositions, un buste,
un torse, ou une académie à représenter d'après la bosse
(collection des modèles des lycées et collèges) . — 7« La copie
ombrée d'un paysage ; quiconque ne fait pas au moins
l'esquisse est exclu. — 8<^ Un lavis à teintes plates et à
teintes fondues, exécuté à l'encre de Chine. — Les can-
didats dont les notes de compositions, multipliées par
leurs coefficients respectifs, formeront une somme inté-
rieure à une limite déterminée seront éliminés avant les exa-
mens du premier degré. Cette limite sera fixée tous les ans, par
le ministre, sur la proposition de la commission des exami-
nateurs d'admission présidée par le directeur de l'infanterie.
Examen du premier degré (admissibilité). L'examen
oral du premier degré décide de l'admissibilité, concur-
remment avec les compositions dont il est le complément. 11
porte sur l'ensemble des connaissances exigées, à l'exception
toutefois de l'allemand, sur lequel les candidats ne seront pas
interrogés. Les points obtenus à cet examen sont additionnes
avec les points obtenus pour les compositions. Les candidats
dont la somme des points ainsi obtenue sera inférieure à une
limite qui sera fixée chaque année, comme il a été dit ci-
dessus pour les compositions, seront éliminés et ne pourront
prendre part aux épreuves du second degré. Les candidats
qui auront satisfait aux conditions imposées recevront un
certificat d'admissibilité, sur la présentation duquel ils
seront admis à subir l'examen du second degré.
Examen du second degré (admission). L'examen oral
du second degré sert, concurremment avec les compositions
et les notes obtenues pour l'aptitude physique, à déterminer
le classement, par ordre de mérite, des candidats admis-
sibles. Il n'est pas tenu compte, pour ce classement, des
notes de l'examen oral du premier degré.
Jableau des coefficients. Les coetticients sont fixes
ainsi qu'il suit, tant pour les compositions que pour les
examens oraux et l'aptitude physique :
1° Compositions.
jo Composition française ^^
2'' Composition mathématique et calcul loga-
rithmique '^
3« Epure.
4° Dessin d'imitation
5^ Lavis à l'encre de Chine ,
6° Thème allemand
7'' Version allemande
Total..,
40
2° Examen du 1^^ degré.
!« Physique, mécanique, cosmographie, topo-
graphie ; • ; •
2'^ Algèbre, géométrie, géométrie descriptive
et cotée, trigonométrie, applications de
l'algèbre à la trigonométrie et à la
géométrie ^^
3° Histoire et géographie ^^
Total ^
Somme des coefficients pour l'admissibilité. .
3° Examen du 2^ degré.
' Histoire ^^^
I Géographie 'I'^
Allemand iO
^ Anglais (facultatif) ^
Total JO^
A reporter
_30
83
Lettres.
JO
423
ECOLE
— 412 —
Report 423
Algèbre 10
Trigonométrie rectiiigne 6
\ Géométrie 10
q • ' Géométrie descriptive et cotée 10
sciences. . . . j applications de l'algèbre .... 40
/ Mécanique 40
i Cosmographie et topographie. 40
Physique 40
Total "Te" 76
4^ Aptitude physique.
Aptitolephy.^ Eq"'.'«*'«"
\,:^»^ ) Lscrime
* ( Gymnastique
Total
sique .
2
3
3
8 8
Somme des coefficients pour l'admission . .
207
Le programme d'histoire comporte l'histoire de l'Europe
depuis Henri IV jusqu'à nos jours ; celui de géographie, la
géographie universelle. Ces programmes ont été rapprochés,
autant que possible, du programme d'enseignement des
lycées, pour éviter que les candidats ne se croient obhgés
à se donner une préparation trop spéciale et nuisible par là
même à leur éducation intellectuelle. Les candidats doivent,
avant toutes choses, faire preuve de connaissances géné-
rales et réfléchies en histoire et en géographie. L'examen
ne porte pas sur les menus détails de l'histoire des guerres.
Pour éviter l'abus en cette matière, le programme, dont le
caractère est limitatif, désigne, pour l'histoire, les hommes
de guerre et les actions militaires, et pour la géographie,
les régions stratégiques, qui doivent être l'objet d'une étude
plus attentive. Partout ailleurs ce sont les connaissances
générales qui sont requises. Pour la langue allemande, on
demande de faire quelques lignes de thème au tableau, de
lire l'écriture usuelle allemande, d'expliquer un texte à livre
ouvert, enfin de converser en allemand. Les programmes de
mathématiques, de physique, cosmographie, sont à peu près
ceux de la classe de mathématiques élémentaires.
Après la clôture des examens, le ministre nomme les
élèves , conformément à la liste de classement général dres-
sée par un jury spécial (un général de division président,
un des sous-chefs de l'état-major de l'armée, le chef du
cabinet du ministre de la guerre, les directeurs de l'infan-
terie et de la cavalerie, les examinateurs d'admission. C'est
dans le courant du mois d'octobre que la hste est publiée.
Le chiffre des dernières promotions a été de 450 élèves.
Régime intérieur. — La durée des études est de deux
années. L'Ecole est un internat soumis au régime militaire.
Les élèves doivent payer une pension de 1,000 fr. et
fournir un trousseau de 600 à 700 fr. Des bourses, demi-
bourses, trousseaux ou demi-trousseaux peuvent être
accordés aux candidats de famille peu aisée. Après l'ad-
missibilité à l'épreuve orale du premier degré, on rédige la
demande qu'on adresse au préfet en l'accompagnant d'un
engagement de rembourser le montant des frais de pension
et de trousseau accordés, dans le cas où l'élève ne servirait
pas au moins dix ans dans l'armée (y compris le temps
passé à l'Ecole). Le préfet consulte le conseil municipal
dont il joint l'avis, avec le sien, à la demande; il transmet
le tout au ministre de la guerre avant le 4^"^ sept. — Tout
candidat nommé élève qui ne se présente pas au comman-
dant de l'Ecole dans le délai fixé par sa lettre de nomination
est regardé comme démissionnaire. — Nul ne peut être admis
s'il n'a au moins la taille de 4^54, exigée par la loi sur le
recrutement de l'armée, ou s'il se trouve dans un des cas
de réforme prévus par les ordonnances et règlements sur le
recrutement de l'armée. En conséquence, les élèves, à leur
arrivée à l'école, sont soumis à une contre-visite des officiers
de santé. — Les élèves non mihtaires doivent contracter un
engagement volontaire de trois, quatre ou cinq ans avant
leur entrée à l'Ecole. Ceux d'entre eux qui n'auraient pas
atteint l'âge de dix-huit ans au moment de leur entrée à
l'Ecole devront contracter le même engagement dès qu'ils
auront atteint cet âge.
Nul ne peut, d'ailleurs, être reçu à l'Ecole s'il ne produit
un récépissé, soit du receveur général de Seine-et-Oise,
soit d'un receveur général ou particulier d'un autre dépar-
tement, constatant' qu'il a payé le prix du trousseau ou
demi-trousseau, et s'il ne remet au général commandant
l'Ecole une promesse sous seing privé par laquelle son
père, sa mère ou son tuteur s'engage à verser dans la
caisse du receveur général du dép. de Seine-et-Oise ou de
tout autre receveur général ou particulier, par trimestre
et d'avance, le montant de la pension, si l'élève est pen-
sionnaire, ou de la demi-pension, s'il a obtenu une demi-
place gratuite. Cette promesse, qui doit être légalisée par
le maire ou par le sous-préfet, sera faite par f élève lui-
même s'il est majeur ou s'il jouit de ses biens. Les élèves
dont le père ou le tuteur ne réside pas à proximité de Saint-
Cyr doivent, en outre, avoir un correspondant dûment
accrédité auprès du général commandant l'Ecole. Tout
élève verse le jour de son entrée à la caisse de l'Ecole une
somme de 75 fr. Cette somme constitue le fonds de son
compte particulier ; elle pourvoit aux remplacements ou
réparations des objets perdus ou détériorés. L'élève qui, en
deuxième année, est admis dans la section de cavalerie,
fait un versement complémentaire de 25 fr. Chaque élève,
en quittant l'Ecole, reçoit l'excédent de son compte, ou
rembourse le déficit s'il y a lieu.
Les élèves sont formés en bataillons et compagnies pour
l'instruction militaire ; pour l'enseignement, ils sont répartis
par année d'étude en divisions et sections selon la nature des
cours et l'ordre des études. Le bataillon de Saint-Cyr, re-
nommé pour la perfection de ses évolutions, porte le nom
àe premier bataillon de France; il défile en tête dans les
revues ; dans les prises d'armes, il occupe la droite de l'ar-
mée. Les sous-officiers et caporaux sont pris parmi les élèves;
ils portent les insignes de leur grade. Le régime militaire au-
quel les élèves sont soumis exige que tout supérieur trouve
dans ses subordonnés une obéissance passive ; la discipline
est rigoureuse à Saint-Cyr ; les infractions sont rares. Les
sergents-majors sont chargés de tous les détails de la poHce
et de la discipline de leurs compagnies respectives ; ils ont,
pour les seconder, des sergents, un fourrier et des caporaux.
Les cours d'études de l'Ecole militaire se divisent ainsi
par année : Première année (deuxième division) : géométrie
descriptive (45 leçons) ; physique et chimie (52 leçons) ;
géographie, statistique militaire (34 leçons): littérature
(32 leçons) ; histoire (42 leçons) ; allemand, 2 conférences
par semaine. — Deuxième année (première division) :
topographie (45 leçons) ; fortification (27 leçons) ; artillerie
(44 leçons); art et histoire militaires (comprenant la tac-
tique et la stratégie (32 leçons) ; législation et administra-
tion militaires (22 leçons) ; hygiène militaire (conférences)
(5 leçons). En principe, la moitié de la journée est con-
sacrée à l'instruction générale et l'autre moitié à l'enseigne-
ment mihtaire comprenant les théories et les exercices.
Les récompenses sont les permissions de sortie, la no-
mination à la première classe et les promotions aux grades
de caporal et de sous-officier. Les élèves proposés pour la
première classe ou les difi'érents grades sont choisis parmi
ceux placés dans la première partie de la liste du classement
effectué à l'Ecole. Les permissions ne doivent être accor-
dées que tous les huit jours aux sous-officiers, tous les
quinze jours aux caporaux et élèves de première classe et
tous les mois aux autres élèves. Les punitions sont la
consigne à l'étude, ou le peloton de punition pendant la
récréation; la privation de sortie; la salle de police; le
blâme devant le bataillon ou la mise à l'ordre du jour ; la
perte de la première classe ; la suspension ou la cassation
du grade ; la prison à l'Ecole ou à la prison militaire de
Paris. Le décret du 30 sept. 4853 avait organisé à Saint-Cyr
une section de cavalerie. Elle a été réorganisée par le dé-
cret du 18 janv. 4882. Désormais tous les élèves sont fan-
tassins, mais tous prennent des leçons d'équitation. Pour le
413
ECOLE
passage dans l'arme delà cavalerie, le décret du 25 nov. 1890
a décidé que les élèves de 2® division qui désirent entrer
dans la cavalerie soient examinés par une commission d'offi-
ciers de cavalerie désignés par le ministre (un général de
brigade président, un colonel, un lieutenant-colonel et l'offi-
cier supérieur, directeur des exercices de cavalerie). Cette
commission se borne à constater l'aptitude générale au ser-
vice de la cavalerie sans faire de classement. Les examens
ont lieu au plus tard dans la semaine qui précède le congé
de Pâques. Les élèves reconnus aptes au service de la cava-
lerie sont classés entre eux dans l'ordre du classement
général qui a lieu à Pâques entre tous les élèves de la môme
promotion. La liste d'aptitude arrêtée et signée par les
membres de la commission, est adressée au ministre, qui
fixe, en raison des besoins présumés de l'arme, le nombre
des élèves à admettre dans la cavalerie. Les élèves ainsi
désignés sont immédiatement versés dans la section de ca-
valerie. Une fois classé dans la section de cavalerie, un
élève ne pourra être rayé que pour cause d'infirmités qui
le rendraient impropre au service de l'arme. On avait
remarqué que les élèves de la section de cavalerie négli-
geaient souvent le travail scientifique. Le nouveau système
force tout le monde à travailler, puisqu'il faut obtenir un
certain rang au classement de sortie pour pouvoir choisir.
Elèves étrangers. On admet chaque année à l'Ecole mi-
litaire, sur leur demande appuyée par leur agent diploma-
tique, quelques élèves étrangers, une dizaine tout au plus;
la plupart sont Arabes, Algériens, Roumains, Turcs, etc.
Sortie.— Chaque année, au mois de juillet, l'inspection
générale est faite par un général de division désigné à cet
effet. Elle se termine du 13 au 20 juil. Aussitôt après
l'inspection générale, les examens ont lieu pour les deux
divisions, et au fur et à mesure que les élèves ont terminé
les épreuves ils quittent l'Ecole ; ceux de première année
sont en vacances jusqu'au 3 nov. ; ceux de seconde année
attendent qu'on les classe dans l'armée active et qu'on les
informe de leur destination. Les examens de sortie donnent
lieu à un classement par ordre de mérite. Les élèves choi-
sissent les régiments dans lesquels ils veulent servir, et les
places vacantes leur sont attribuées selon leur demande et
l'ordre du classement. — L'usage s'est établi à Saint-Cyr
de désigner chaque promotion par le fait militaire ou poli-
tique le plus saillant qui s'est produit durant la première
année de séjour à l'Ecole. C'est ainsi que la promotion de
1 89 1 prit le nom de « promotion de Cronstadt ».
Ecole d'application de l'artillerie et du génie
de Fontainebleau. — Destination. — L'Ecole d'appli-
cation de l'artillerie et du génie est destinée à donner aux
élèves provenant de l'Ecole polytechnique jugés aptes à servir
dans les armes de l'artillerie de terre ou de la marine et dans
l'arme du génie, l'instruction militaire et technique qui leur
est nécessaire. Elle est régie par un décret du 28 oct. 1881 .
Historique. — Les institutions dont est issue l'Ecole
d'appHcation de l'artillerie et du génie remontent au règne
de Louis XIV. En 1682, Louvois organisait neuf compagnies
de cadets d'artillerie à Tournai, Cambrai, Valenciennes,
Strasbourg, Longwy, Besançon, Charlemont, Brisach et
Metz. On y recevait des élèves de quatorze à vingt-cinq ans,
logés, nourris, recevant une solde de 10 sous par jour.
On leur enseignait l'école d'infanterie plutôt que l'artillerie.
En 1698, on établit à Douai une véritable école d'artillerie.
Elle fut licenciée bientôt et on en institua deux autres à
Metz et à Strasbourg. D'ailleurs, en temps de guerre, ces
écoles disparaissaient, les cadets faisant campagne. Sous le
règne de Louis XV, on créa trois nouvelles écoles d'artillerie
à La Fère, à Grenoble et à Perpignan. L'enseignement
avait dans les cinq écoles un caractère à la fois théorique
et pratique. En 1772, on établit à Douai une école de cadets
d'artillerie ; on la supprima en 1779. On la rétablit en 1790
à Châlons-sur-Marne, mais elle disparut dans la Révolution
française. Rétablie par décret du 27 prairial an X, elle fut
l'année suivante réunie à celle du génie qui était placée à
Metz. — Le corps du génie créé par Louvois eut dès l'ori-
gine un caractère scientifique. On n'y était admis (à partir
de 1703) qu'après un examen. En 1748, d'Argenson décida
la création d'une école du génie. Elle fut établie à Mézières
et s'acquit promptement une grande réputation. C'est une
des origines de V Ecole polytechnique (V. ce §). Les élèves
de l'Ecole de Mézières, logés aux frais de l'Etat, avaient
une solfie annuelle de 600 livres. Les promotions étaient
d'une dizaine d'élèves âgés de dix-huit à vingt-sept ans.
L'anillerie et le génie ayant été momentanément réunis de
1753 à 1738, durant cette période les élèves passèrent
d'abord une année à La Fère ; les meilleurs seuls furent
ensuite envoyés à Mézières. Les abbés Bossut et Mollet y
portèrent assez haut le niveau de l'enseignement ; en 1773,
le célèbre Monge y débutait comme répétiteur pour devenir
professeur de physique. L'ordonnance de déc. 1776 donne
aux élèves de l'Ecole de Mézières le rang de sous-lieutenant
d'infanterie. L'Ecole subsista pendant la Révolution fran-
çaise. Elle fut transférée à Metz par le décret consulaire qui
la réunit à l'Ecole d'artillerie. Au moment de l'organisation
de l'Ecole polytechnique, on avait décidé que cette école
prendrait le caractère d'école d'application (V. le § Ecole
polytechnique). C'est après les désastres de 1870 et la
perte de Metz que l'Ecole fut transférée à Fontainebleau.
Conditions d'admission.— Les élèves de l'Ecole polytech-
nique admis à l'Ecole d'application de Fontainebleau et
nommés sous-lieutenants sont pourvus de l'emploi de sous-
lieutenant-élève. Leur ancienneté de grade date du jour
fixé par le décret de nomination ; ils prennent rang entre
eux d'après le numéro de mérite qu'ils ont obtenu aux
examens de sortie de l'Ecole polytechnique.— Lorsque les
élèves sont envoyés à l'Ecole d'application avant d'avoir
accompH à l'Ecole polytechnique les deux années exigées
par la loi, ces élèves ne sont nommés sous -lieutenants
qu'après l'expiration du temps voulu. Leur qualification est
celle d'élèves d'artillerie ou du génie et ils continuent à
porter l'uniforme de l'Ecole polytechnique. — Le ministre
de la guerre fait parvenir chaque année au général com-
mandant l'Ecole d'application l'état nominatif des sous-
lieutenants-élèves désignés pour cette école et fixe l'époque
à laquelle ils devront y être rendus. Il joint à cet état le
signalement de chacun d'eux, leurs notes et leur classement.
Régime intérieur. — Personnel. L'Ecole est commandée
par un général de brigade (alternativement choisi dans
l'artillerie et dans le génie) ayant sous ses ordres un colonel
ou lieutenant-colonel, directeur des études; un chef d'esca-
dron d'artillerie et un chef de bataillon de génie, char-
gés de la direction de l'instruction spéciale de leur arme;
des capitaines instructeurs des deux armes, à raison d'un
par 23 élèves; un médecin principal, un médecin-major de
2*^ classe, un vétérinaire. Le personnel militaire comprend
encore les professeurs et professeurs adjoints, sauf ceux de
dessin. Il y a de plus un personnel civil d'administration.
Il a été établi à l'Ecole un conseil supérieur, un conseil
d'instruction et un conseil d'administration.
Les élèves restent deux ans à l'Ecole ; ils sont classés
en deux divisions, la première étant formée des élèves qui
suivent les cours de deuxième année; la seconde, des
élèves nouvellement admis. Les sous- lieutenants -élèves
jouissent de tous les privilèges attachés à leur grade et sont
tenus de remplir tous les devoirs que les lois, décrets et rè-
glements imposent aux officiers de l'armée. Ils doivent en
outre se conformer aux règles de discipline spéciales à l'Ecole.
L'instruction qui est donnée aux élèves comprend : l» l'ins-
truction commune aux armes de l'artillerie et du génie ;
2*^ l'instruction spéciale à chacune d'elles. Les programmes
sont arrêtés par le ministre de la guerre.
L'instruction commune aux deux armes a pour objet :
1° l'étude des règlements militaires, les manœuvres de
l'infanterie, de cavalerie et d'artillerie ; 2° l'étude de l'ar-
tillerie; 3« l'art militaire, la fortification passagère, l'admi-
nistration et la législation militaires; l'^ la fortification
nermanente, l'attaque et la défense des places; 3^ la topo-
graphie ; 6'' l'application des sciences physiques et chimiques
ÉCOLE
— 414 —
aux arts militaires ; V l'application de la mécanique aux
machines ; 8^ l'architecture et les constructions militaires ;
90 la langue allemande ; 10" l'hippiatrique et l'équitation ;
11° les travaux pratiques des deux armes, l'escrime et la
natation. .
L'instruction spéciale pour les élevés de l artillerie com-
prend : 1° des théories sur les manœuvres à pied et à
cheval de l'artillerie et le service des bouches à feu ; 2° le
levé et le tracé des bouches à feu, des affûts et des voi-
tures ; S'' des projets de bouches à feu.
L'instruction spéciale pour les élèves du génie comprend :
r les théories d'infaaterie ; T une étude détaillée de for-
tification permanente en terrain varié ; 3" l'étude de l'amélio-
ration d'une place de guerre existante ; 4" l'exécution des
opérations trigonométriques. ,.
Les cours sont rédigés par les professeurs ; ils sont
ensuite lithographies ou imprimés pour facihter l'instruc-
tion des élèves. ^ , , j
Le ministre de la guerre peut autoriser sur leur demande
des officiers d'artillerie et du génie provenant de la classe
des sous-officiers à participer à l'instruction qui se donne
à l'Ecole de Fontainebleau.
Sortie. — Il est formé chaque année un jury d examen
pour procéder au classement de sortie des élèves de la
première division (seconde année). Ce jury est composé
d'un général de division, deux généraux de brigade, quatre
officiers supérieurs, lesquels sont désignés par le ministre
de la guerre ; ces examinateurs se divisent en deux sections
fonctionnant simultanément (artillerie et génie), sous la
haute direction du général de division, président du jury.
Les élèves de deuxième division (première année) ne sont
déférés au jury d'examen que s'ils n'ont pas satisfait à
l'interrogation générale que les professeurs de l'Ecole leur
font subir sur chaque cours. Dans ce cas, c'est le jury
d'examen qui décide s'ils peuvent passer en première
division ou doivent être classés à la suite de la nouvelle pro-
motion. Le jury arrête le classement de passage de la deuxième
à la première division. Il arrête de même le classement des
élèves des deux armes de la première division, à la suite
d'un examen oral où les questions sont tirées au sort. Ce
classement règle définitivement Tordre d'admission dans
les services de l'artillerie ou du génie. Les sous-Ueute-
nants-élèves de l'une ou l'autre division, qui, par suite
de maladies graves ou autres empêchements, régulièrement
constatés, se sont trouvés dans l'impossibilité d'acquérir
l'instruction suffisante, peuvent être autorisés par le mi-
nistre de la guerre, sur les propositions du commandant
de l'Ecole et du jury d'examen, à redoubler leur année
d'études avec la promotion suivante et à concourir avec
elle. Ceux qui n'ont pas satisfait aux examens de passage
ou de sortie peuvent être également autorisés à redoubler
leur année d'études. Si cette autorisation n'est pas accordée,
ils sont mis en non-activité par suspension d'emploi et
laissés à la disposition du ministre de la guerre. Dans
aucun cas, un élève ne peut rester à l'Ecole plus de trois
années. . A.-M. B.
Ecole d'application de cavalerie de Saumur. ■—
Destination. — L'Ecole d'application de cavalerie est ins-
tituée en vue : 1° de perfectionner l'instruction d'un certain
nombre de lieutenants de cavalerie et d'artillerie, de lieu-
tenants et de sous-lieutenants du génie désignés pour en
suivre les cours ; 2^ de compléter l'instruction des élevés
de la section de cavalerie de l'Ecole spéciale militaire ; 3« de
perfectionner et d'uniformiser l'instruction des sous-officiers
de cavalerie reconnus susceptibles d'être nommés sous-lieu-
tenants ; 4*^ de compléter l'instruction technique des aides-
vétérinaires stagiaires nouvellement promus, de leur ensei-
gner l'équitation et de les initier au service régimentaire.
Il est ainsi formé à l'Ecole de Saumur les catégories
d'élèves suivantes : division d'officiers d'instruction de cava-
lerie, d'artillerie et du génie; division d'officiers-élèves;
division de sous-officiers élèves-officiers; division d'aides-
vétérinaires stagiaires.
L'Ecole reçoit en outre : 1^ des élèves-télégraphistes qui
viennent s'exercer au maniement des appareils de télégra-
phie électrique optique ; 2^ des élèves-maréchaux ferrants
provenant des corps de troupes à cheval. — Enfin, une
école de dressage y est annexée.
Historique. — L'Ecole de cavalerie de Saumur remonte
au règne de Louis XV. Elle a été créée en 1771. Déjà une
ordonnance du 21 août 1764 avait institué quatre écoles
d'équitation à Metz, Douai, Angers et Besançon. Elles dis-
parurent bientôt, mais sept ans après on en rétablit une à
Saumur et on lui consacra la caserne édifiée en 1768 pour
les carabiniers de Monsieur. Sous le règne de Louis XVI^
l'Ecole de Saumur fut supprimée faute d'argent .^ La
Convention rétablit les écoles de cavalerie par la loi du
7 vendémiaire an V (27 sept. 1796). Il y en avait trois, à
Versailles, à Lunéville et à Angers. Ces écoles furent comme
toutes les autres écoles militaires victimes du régime im-
périal qui les empêchait de fonctionner en les épuisant
d'élèves réquisitionnés pour la guerre avant d'avoir ter-
miné ou même avancé leur instruction. En 1809, il n'en
restait plus qu'une, celle de Versailles, qui fut transférée
à Saint-Germain. On ne lui donnait que le caractère d'une
école d'application réservée aux élèves sortant de Saint-
Cyr. Elle ne fonctionna guère. La Restauration la transféra
à Saumur (30 juil. 1814) et lui rendit son caractère
primitif en y admettant concurremment les officiers et les
sous-officiers. Une révolte eut lieu en 1822 pour des motifs
poUtiques. L'Ecole fut dissoute. L'année suivante, on la
réorganisa à Versailles, mais seulement à titre d'Ecole
d'application pour les saints-cy riens. Le défaut de ce sys-
tème parut être le suivant : les recrues des régiments de
cavalerie sont instruites non par les officiers, mais par les
sous-officiers. C'est donc à ces derniers qu'il faut inculquer
les principes uniformes qui donneront à l'instruction de
la cavalerie française un caractère homogène. Aussi, dès le
10 mars 1825, on ramène l'Ecole à Saumur et on y établit
à côté de la section d'officiers sortant de Saint-Cyr des
escadrons de sous-officiers instructeurs. Cette organisation
a été modifiée à diverses reprises et, en dernier lieu, par le
décret du 25 mai 1 883 qui régit encore l'Ecole. Les change-
ments introduits depuis sont secondaires.
L'Ecole de cavalerie de Saumur occupe encore ses bâti-
ments du xviii^ siècle ; à l'aile droite sont les officiers ; à
l'aile gauche les sous-officiers élèves-officiers ; devant
l'Ecole se développe, jusqu'à la Loire, le champ de ma-^
nœuvres appelé le Chardonnet ; des deux côtés les annexes,
écuries, manèges, magasins à fourrages, etc.
Organisation générale. — En raison de la nature par-
ticulière de l'Ecole de Saumur qui réunit des catégories
d'élèves d'origine et de destination diverses, recevant des
enseignements différents, nous nous écarterons un peu
du plan suivi pour les autres écoles et nous étudierons
d'abord l'organisation générale et les conditions communes
à toutes les divisions d'élèves.
Le cadre constitutif de l'Ecole comprend un général de
brigade ou colonel, commandant ; un colonel ou lieutenant-
colonel, commandant en second; un major, quatre capi-
taines, deux adjudants-majors, un trésorier, un capitaine
d'habillement, deux lieutenants ou sous-lieutenants, sept
commis civils d'administration ; les exercices militaires sont
dirigés par un chef d'escadrons, instructeur en chef, et neuf
capitaines instructeurs; l'équitation, par un chef d'esca-
drons, instructeur en chef; cinq capitaines instructeurs,
quatre lieutenants ou sous-lieutenants, sous-instructeurs.
L'enseignement général est dirigé par un chef d'escadrons,
directeur des études et professeur d'art miUtaire et de topo-
graphie; un capitaine, sous-directeur des études et pro-
fesseur adjoint d'art militaire et de topographie ; un capitaine
ou Ueutenant, professeur d'histoire et de géographie mili-
taires ; un capitaine, professeur de fortification et de sciences
appliquées à l'art militaire; un capitaine, professeur d'alle-
mand; un professeur de télégraphie. Une batterie d'artille-
rie à cheval est détachée tous les ans à Saumur pendant
415 —
ÉCOLE
trois mois pour l'instruction des élèves de l'Ecole. Le cours
d'artillerie est fait par les officiers de cette batterie. Des
officiers d'instruction, quelle que soit leur arme, ou des offi-
ciers-élèves peuvent être choisis pour seconder le profes-
seur. Les cadres comprennent, de plus, trois médecins,
trois vétérinaires, des sous-officiers et hommes de service.
Les hommes de troupe des différentes catégories existant
à l'Ecole de Saumur sont répartis dans deux escadrons
placés chacun sous les ordres d'un des capitaines faisant
fonction d'adjudant-major. Le premier escadron est com-
posé des élèves-officiers, des ordonnances des lieutenants
d'instruction, des chevaux des lieutenants et de ceux des
élèves-officiers ; le second escadron est composé des élèves-
maréchaux ferrants, des élèves-télégraphistes, des chevaux
d'armes de l'Ecole et des chevaux des télégraphistes.
Sans entrer dans le détail du personnel secondaire (ma-
nège, escrime, télégraphie, maréchalerie, ateliers, etc.),
nous dirons que l'Ecole dispose pour son service, non seu-
lement des chevaux de manège, de carrière, d'armes et de
fourgon de son effectif normal, des chevaux des officiers du
cadre, mais encore des chevaux de l'école de dressage (200
environ) et des chevaux d'armes amenés par les élèves de
toute nature (officiers d'instruction, sous-officiers, élèves-
officiers et élèves-télégraphistes.
Un conseil d'instruction présidé par le commandant de
l'Ecole et composé du commandant en second, du directeur
des études, de l'instructeur en chef d'exercices militaires,
de l'instructeur en chef d'équitation et de trois capi-
taines (un professeur, un instructeur d'exercices militaires,
un instructeur d'équitation), est chargé de la haute direc-
tion de l'enseignement et de l'établissement de programmes
détaillés. Il émet des avis sur tout ce qui concerne les mé-
thodes d'instruction et le service de l'Ecole. Les matières
d'enseignement ainsi que les exercices pratiques sont indi-
qués dans des programmes arrêtés par le ministre. Les
officiers d'instruction de la cavalerie, de l'artillerie et du
génie, et les sous-officiers élèves-officiers continuent de
compter dans les corps de troupe auxquels ils appartiennent
au moment de leur entrée à Saumur.
Nous exposerons séparément les données relatives aux
officiers et élèves-officiers de cavalerie qui forment le noyau
de l'Ecole de Saumur et ceux relatifs aux services annexes
des aides-vétérinaires, télégraphistes, maréchaux ferrants.
Tous les officiers céhbataires et les sous-officiers vivent en
mess. Les mess sont au nombre de trois : le premier est
affecté aux officiers du cadre, aux lieutenants d'instruction
de cavalerie, aux lieutenants et sous-lieutenants d'artil-
lerie et du génie et aux officiers-élèves. Le deuxième est
attribué aux aides- vétérinaires stagiaires. Le troisième aux
sous-officiers du cadre et aux élèves-officiers. Ces mess
ont des salles de café indépendantes de leurs salles à manger.
Chacun d'eux est géré par un entrepreneur civil soumis
au dépôt d'un cautionnement et à des obligations détermi-
nées par un règlement spécial. Des commissions de sur-
veillance veiMent à l'exécution des règlements.
10 ÉCOLE DE CAVALERIE. — Conditions d'admis-
sion.— Officiers d'instruction de cavalerie. Les officiers
d'instruction de cavalerie sont désignés par le ministre sur
la présentation des inspecteurs généraux qui les choisis^sent
parmi les lieutenants comptant au moins un an de grade au
31 déc. de l'année de leur entrée à l'Ecole.
Officiers d'instruction d'artillerie et du génie. Des
lieutenants d'artillerie ainsi qu'un certain nombre de lieu-
tenants et sous-lieutenants du génie sont envoyés à Saumur
dans le but d'acquérir les connaissances équestres qui leur
sont nécessaires comme instructeurs d'équitation. Ils sont
en outre initiés à la tactique et à l'emploi de la cavalerie.
Ces officiers font l'objet d'un classement spécial.
Officier s-élèues. Les officiers-élèves provenant de la
section de cavalerie de l'Ecole de Saint-Cyr sont envoyés
à Saumur dans le but d'y compléter et perfectionner leur
instruction équestre et militaire. — On adjoint à cettedivi-
sion les sous-lieutenants de corps de troupes à pied venus
dans l'arme de la cavalerie à la suite de permutations. — Les
sous-heutenants promus à ce grade pour faits de guerre ou
toute autre cause exceptionnelle, sans avoir préalablement
suivi les cours des élèves-officiers, doivent être autorisés à
suivre les cours de la première division d'officiers-élèves
qui entrent à l'Ecole après leur promotion. Ils font l'objet
d'un classement spécial, mais une mention particulière
indique, pour mémoire, le numéro qu'ils auraient pu ob-
tenir dans le classement général de cette division.
Sous-officiers élèves-officiers. Les sous-officiers élèves-
officiers sont envoyés à Saumur à la suite des propositions
des chefs de corps ou de service (V. plus bas les §§ Ecole
de Saint-Maixent et Ecole de Vartillerie et du génie)
et d'un concours subi dans les conditions déterminées par
le ministre de la guerre.
Régime intérieur. — La durée des cours est de onze mois.
Le personnel du cadre (professeurs , instructeurs) porte
l'uniforme de l'Ecole : dolman bleu noir, collet bleu clair,
pantalon rouge à bandes bleu clair, képi rouge à bande bleue.
Les officiers d'instruction conservent la tenue de leur
corps. Les officiers-élèves ont l'uniforme de l'Ecole sans
les aiguillettes. Les sous-officiers élèves-officiers portent
la tenue de maréchal des logis de leur corps, sauf des insi-
gnes distinctifs déterminés par règlement ministériel (tresse
mi-partie argent et rouge sur les manches). Les officiers
et sous-officiers élèves-officiers font usage pour les exercices
équestres de la tenue de manège sans le chapeau à l'écuyère.
L'enseignement donné aux officiers d'instruction de cava-
lerie a pour but de perfectionner leur instruction équestre et
militaire, et de les initier à tout ce qui concerne la conduite
et l'emploi de la cavalerie. Les matières de cet enseigne-
ment sont : 1° les règlements d'exercice de la cavalerie
en France et à l'étranger ; 2<* l'équitation ; 3** l'hippologie ;
4*^ l'art militaire (comprenant la législation militaire) et
la tactique appliquée à la cavalerie ; 5° la topographie ;
6° la fortification passagère ; 1^ l'artillerie ; 8*^ l'allemand.
— Les officiers d'instruction de l'artillerie et du génie
suivent les mêmes cours à l'exception de ceux d'artillerie et
de fortification.
Les officiers-élèves étudient particulièrement les appli-
cations du service en campagne. L'enseignement général
se borne pour eux à un cours d'histoire militaire et un
cours d'allemand; mais, une fois par mois, on les interroge
sur les autres cours qui ont été professés à l'Ecole spé-
ciale militaire de Saint-Cyr. Ils pratiquent journellement
l'équitation, le dressage et les différents détails du service
intérieur. Ils sont exercés à l'escrime et au tir de la cara-
bine et du revolver. Les sous-officiers élèves-officiers sui-
vent des cours purement militaires comportant l'étude et
l'application du règlement sur les exercices de la cavalerie
et des divers services, l'équitation, le dressage et l'hippo-
logie ; ils suivent aussi des cours d'enseignement général
ayant pour objet : 1*^ l'histoire et la géographie militaires;
2'^ des notions de sciences appliquées à l'art militaire ;
3^ l'art militaire et la législation; 4*^ l'artillerie; 5^ la
fortification passagère ; 6^ la topographie ; 7^ l'allemand .
Ils sont exercés à l'escrime et au tir de la carabine et du
revolver. — Tous les sous-officiers élèves-officiers sont
remis, à leur arrivée à l'Ecole, dans l'emploi de maréchal
des logis. Ils sont remplacés à leur corps dans les emplois
spéciaux dont ils peuvent y être pourvus (adjudant, maré-
chal des logis chef ou fourrier) et placés comme maréchaux
dos logis dans un escadron. Ils doivent le salut aux offi-
ciers ; ils y ont droit de la part des maréchaux des logis
chefs, maréchaux des logis fourriers, maréchaux des logis,
brigadiers et cavaliers.
Sortie. — Examens de sortie. Le mérite de chaque
élève, dans les diverses parties de l'instruction générale
et militaire, se constate et s'apprécie par des interrogations
et des examens donnant heu à des notes de 0 à 20. Les
notes de conduite s'expriment de même à la suite d'une
appréciation d'ensemble oti l'on doit tenir compte séparé-
ment de la conduite proprement dite, de l'application aux
ECOLE
— 416 —
cours et exercices, de la manière d'être générale ; cette
note d'ensemble est donnée par le commandant de l'Ecole.
La \aleur relative des différents éléments de classement
est indiquée par le tableau suivant :
Note d'ensemble 10
Equitation (pour toutes les divisions : 33 points)
Equitation pratique (position, conduite et énergie,
solidité, voltige) 22 ]
Capacité comme professeur
„. 1 • ^ Connaissance du cheval.. . . 4
Hippologie . j c,nnr^^\^^^nc.(^. théorinne .... 3
33
T\
Travail pratique . <
Connaissance théorique^
du règlement
10
1
4\
3/
20
l Connaissance théorique . . .
Exercices militaires (33 points)
Officiers d'instruction.
Capacité comme instructeur.
Maniement de la troupe (ma-
nœuvres et service en cam-
pagne)
Escrime
Tir
Règlement sur les exer-
cices de la cavalerie et
règlements étrangers.
Service en campagne . .
Tir
Total
Officiers-élèves et élèves-officiers.
( Capacité comme instructeur . 1 0
„ ., ^. ) Maniement de la troupe ^ [ c)f\
Travad pratique. ^^^^-^^ f 2 . ^0
13
[Tir.
Règlement sur les exer-
Connaissance théonque> cices de la cavalerie,
des règlements / Différents services
; Tir.
'A
13
Total.
33
Enseignement général (33 points)
Officiers d'instruction.
Art militaire et applications ^ 12 ^
Topographie et connaissance du terrain 8 j
Fortification ^ (
Artillerie ^ (
Hygiène "^ 1
Allemand ^ /
Officiers-élèves.
Art militaire 6
Histoire militaire 6 i
Topographie et connaissance du terrain 8 /
Fortification ^ >
Artillerie ^\
Hygiène ^ ]
Allemand ^
Elèves-officiers.
Art militaire 6
Histoire et géographie 6 ;
Topographie et connaissance du terrain 6 i
Fortification 3 '
Artillerie 3
Sciences appliquées à l'art militaire
Hygiène
Allemand
33
33
3\
33
Les examens de sortie des divisions d'officiers et de la
division des sous-officiers sont passés devant un jury choisi
en dehors du cadre de l'Ecole et composé de l'inspecteur
général, président; deux colonels ou lieutenants-colonels,
quatre chefs d'escadrons, trois capitaines. Pendant la durée
des cours, chaque élève doit subir des interrogations sur
les différentes branches de l'enseignement. Le nombre de
ces interrogations pour chaque branche est fixé à cinq.
La moyenne des notes multipliée par le coetficient constitue
en fin d'année une somme de points qui compte dans le
classement de sortie. Pour l'équitation, l'escrime, la capa-
cité comme instructeur, la note de l'année est la dernière
note obtenue. — Pour l'examen de classement on répartit
les matières entre les membres du jury spécial. Chacun
d'eux, toujours assisté de l'instructeur ou du professeur,
interroge l'élève d'après un questionnaire établi au com-
mencement des cours par le conseil d'instruction deTEcole.
Les questions sont tirées au sort. La somme des notes
ajoutées à celles des moyennes de l'année détermine la
note définitive. Le minimum de moyenne générale exigé
pour qu'un élève soit considéré comme ayant satisfait aux
examens de sortie et puisse être classé, est fixé à 12 pour
l'équitation et pour les exercices mihtaires, à 10 pour l'en-
seignement général. Les élèves doivent en outre avoir
obtenu dans chaque cours en particulier une moyenne au
moins égale à 6 pour l'enseignement général et l'équitation,
à 8 pour les exercices militaires. Le minimum de 4 est
toléré pour l'allemand. Dans le classement, la priorité est
acquise à égalité de points au candidat qui a la supériorité :
1*^ pour les exercices militaires; 2^ pour l'équitation et
l'hippologie ; 3^ pour la note d'ensemble ; ¥ pour l'ensei-
gnement général; 5*^ pour le classement d'entrée à l'Ecole.
Classement. — Officiers d'instruction. La question des
avantages à accorder aux officiers passant par Saumur a
donné fieu à de vives controverses et à des décisions con-
tradictoires. Un moment, on avait résolu que tous les lieu-
tenants proposés pour l'avancement au choix devraient
suivre les cours de l'Ecole d'appHcation de cavalerie. Une
décision présidentielle du 5 oct. 1887 a arrêté que les
officiers d'instruction seraient désignés pour l'envoi à
Saumur par les inspecteurs généraux parmi les lieutenants
à raison d'un par deux régiments. A la fin du cours, ceux
qui ont obtenu la note très bien (de 16 à 20), les deux
premiers sur la liste de classement sont nommés aux deux
premiers emplois de capitaine revenant au choix.
Officiers-élèves. Ceux qui ont satisfait aux examens de
sortie sont appelés d'après leur numéro à choisir le corps
dans lequel ils désirent servir, sous la réserve de la con--
dition de taille déterminée pour chaque arme. Ceux qui
n'auraient pas satisfait aux examens de sortie, par mau-
vaise volonté, sont mis en non-activité par suspension
d'emploi pendant une année à l'expiration de laquelle ils
sont admis à suivre un nouveau cours à Saumur. En cas
de nouvel échec, ils sont déférés à un conseil d'enquête
lequel prononce, s'il y a lieu, la mise en réforme.
Elèves-officiers. Tous les sous-officiers élèves-officiers
qui satisfont aux examens de sortie sont promus au grade
de sous-lieutenant et prennent rang dans ce grade d'après
leur numéro de classement aux examens de sortie.
Ecole de dressage. — L'école de dressage annexée à
l'Ecole de cavalerie a pour but de mettre à la disposition
des élèves les ressources nécessaires pour s'exercer^ au
dressage tout en formant des chevaux susceptibles d'être
ultérieurement affectés soit à des officiers généraux, soit
au service spécial des écoles militaires. Les chevaux diffi-
ciles des régiments peuvent y être envoyés pour être sou-
mis à un dressage méthodique. L'école de dressage est
sous la direction immédiate du chef d'escadrons, instructeur
d'équitation.
Atelier d'arçOxNNeriê. — L'atelier d'arçonnerie est
chargé de l'établissement des modèles de harnachement et
de la confection d'arçons pour selles de chevaux de troupe.
Les officiers et élèves s'y perfectionnent dans le maniement
de tous les appareils de harnachement.
2° ÉCOLES VÉTÉRINAIRES STAGIAIRES. --
Conditions d'admission.— L'Ecole d'application de cavalerie
comprend une section d'aides-vétérinaires stagiaires. On sait
que le corps des vétérinaires mihtaires se recrute parmi les
vétérinaires diplômés (V. plus loin le § Ecoles vétérinaires).
Avant d'être définitivement admis dans l'armée, ils sont
envoyés en quaUté d'aides-vétérinaires stagiaires à l'Ecole
d'application de cavalerie pour y recevoir pendant un an, à
— 417
ÉCOLE
partir du 1®^ oct. de chaque année, des principes d'équitation,
et être ainsi initiés à la pratique de la médecine vétérinaire
militaire et au service réglementaire.
Le concours d'admission qui a lieu chaque année à Paris
comprend : 1° une épreuve écrite; 2° une épreuve orale et
un examen pratique.
Nul ne peut être admis à concourir pour l'emploi d'aide-
vétérinaire stagiaire s'il ne remplit les conditions suivantes :
4" être Français ou naturalisé; 2^ avoir obtenu le diplôme
de vétérinaire dans une des trois écoles vétérinaires de
France ou être candidat à ce diplôme ; 3^ justifier de sa
moralité ; 4° réunir les qualités physiques requises pour le
service militaire ; o° n'avoir pas dépassé l'âge de trente ans
dans l'année du concours; toutefois une tolérance est
accordée aux candidats ayant été militaires; cette tolérance
est calculée jusqu'à concurrence du temps passé sous les
drapeaux ; 6"" être célibataire ou veuf sans enfant ; 7^ sous-
crire un engagement d'honneur de servir comme vété-
rinaire militaire pendant six ans à partir de l'expiration
du stage.
Les candidats qui sollicitent l'autorisation de concourir
aux emplois d'aide-vétérinaire stagiaire doivent adresser
leur demande au ministre de la guerre (bureau des re-
montes), avant le 20 juin, délai de' rigueur, en ayant soin
d'indiquer l'école dans laquelle ils ont obtenu leur diplôme
ou auront terminé leurs études et le chef-lieu de corps
d'armée dans lequel ils désirent faire leur composition
écrite. Ils y joignent les pièces suivantes : 1*^ leur acte de
naissance dûment légalisé ; 2^ un certificat de bonnes vie
et mœurs délivré par l'autorité civile, ou l'autorité mi-
litaire si le candidat fait partie de l'armée ; dans le premier
cas, cette pièce doit être visée par le préfet du département,
et dans le second par le chef de corps ; 3° une attestation
des autorités ci-dessus spécifiées que le candidat est céhba-
taire ou veuf sans enfant; 4<» un certificat d'aptitude au
service mihtaire délivré par un officier de recrutement;
5^ un certificat délivré par le même service et indiquant
la situation du candidat au point de vue militaire; 6° leur
diplôme ou une attestation du directeur de l'Ecole vétéri-
naire qu'ils sont candidats à ce diplôme; 7° leurs titres
antérieurs (baccalauréats, etc.).
Les épreuves comportent : 1° une composition écrite sur
un sujet de pathologie médicale ou chirurgicale, de physio-
logie ou d'hygiène; 2^ une épreuve orale sur une partie
quelconque de la médecine vétérinaire ; 3<* un examen pra-
tique sur un cheval sain ou malade.
La composition écrite a lieu le 13 juil., à Paris, à Lyon,
à Toulouse, et, s'il y a lieu, dans d'autres chefs-lieux de
ressorts vétérinaires qui peuvent être désignés par le mi-
nistre pour les candidats déjà sortis des écoles vétérinaires
dans les années précédentes.
Les candidats sont réunis dans un local désigné par l'au-
torité militaire sous la surveillance du vétérinaire principal,
directeur du ressort, ou d'un vétérinaire en premier de la
garnison. II est accordé quatre heures pour rédiger la com-
position écrite, sans livres ni notes. Le sujet est le même
pour tous les candidats.
Les compositions écrites et les titres antérieurs seront
appréciés par les vétérinaires principaux de la section
technique de la cavalerie, réunis en commission sous la
présidence d'un général désigné par le ministre de la
guerre. L'appréciation des candidats pour chacune des
épreuves qu'il a à subir et pour les titres antérieurs est
exprimée par chaque examinateur par un chiffre de 0 à 20.
L'importance relative des diverses épreuves dans le classe-
ment est déterminée par les coefficients suivants :
Composition écrite, 10; épreuve orale, 7; examen pra-
tique, 3; titres antérieurs, 10. Tout candidat n'ayant
pas obtenu dans la composition écrite les deux tiers du
maximum des points n'est point admis à subir les autres
épreuves. Il en est donné communication aux intéressés le
l^"" août. Sont également éliminés du concours les candi-
dats qui n'auraient pas obtenu leur diplôme aux examens
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
de fin d'études. L'épreuve orale et l'examen pratique com-
mencent le 6 août, au ministère de la guerre, pour tous
les candidats admis à continuer le concours devant la com-
mission nommée par le ministre. La question orale est
tirée au sort par chacun des candidats; il est accordé
quinze minutes de réflexion, et quinze autres minutes pour
la traiter devant la commission et répondre à des questions
nicidentes sur toutes les parties de la médecine vétérinaire
se rapportant au sujet traité. La durée de l'examen pra-
tique est fixée à quinze minutes au plus.
Après la dernière épreuve, la commission procède, en
séance particulière, au classement des candidats par ordre
de mérite. A égalité de points dans le classement, la prio-
rité est acquise au candidat qui a obtenu la supériorité
dans l'épreuve écrite. Le nombre des points exigés pour
être classé admissible à l'emploi d'aide-vétérinaire sta-
giaire^ est fixé aux deux tiers du maximum que permet
d'atteindre la cote totalisée de tous les membres de la
commission, et l'admission a lieu d'après l'ordre du clas-
sement jusqu'à concurrence du nombre d'emplois à pourvoir.
Après la proclamation du résultat du classement, les
candidats déclarés admis sont invités à signer un engage-
ment d'honneur de servir pendant six ans dans l'armée
comme vétérinaires à partir de l'expiration du stage à
l'Ecole de cavalerie.
Régime intérieur. — Les aides-vétérinaires stagiaires
sont classés à l'Ecole d'application de cavalerie d'après le
numéro de mérite qu'ils ont obtenu à l'examen d'admission.
Ils sont, à leur arrivée à l'Ecole, soumis à une contre-
visite des officiers de santé, pour bien constater qu'ils
réunissent toutes les qualités physiques requises pour le
service militaire. Pendant leur séjour à l'Ecole, ils sont
soumis à la discipline militaire et reçoivent la solde affé-
rente à leur emploi, telle qu'elle est déterminée par les
tarifs en vigueur. Ils ont droit, en outre, à une indem-
nité de première mise d'équipement fixée à 350 fr., et qui
leur est payée à leur arrivée à l'Ecole.
Examens de sortie. Le jury pour les examens de sortie
est composé du général inspecteur ou du commandant de
l'Ecole, président, du commandant en second de l'Ecole
et de trois vétérinaires principaux dont celui de l'Ecole.
L'examen comporte quatre épreuves : 1« une composition
écrite, rapport à l'autorité militaire sur une question pra-
tique de médecine, de chirurgie ou d'hygiène vétérinaires;
2° un examen oral sur toutes les parties de l'enseignement ;
3° un examen pratique consistant en exercices sur l'exté-
rieur du cheval, la chirurgie, l'hygiène appliquée, la maré-
chalerie et les viandes de boucherie ; 4° un examen
d'équitation. Les coefficients des diverses épreuves sont :
composition écrite, 10; examen pratique, 8; examen
oral, 4; équitation, 4; titres antérieurs, 2. Le nombre
de points exigé est fixé aux deux tiers du maximum.
^ Sortie. — Les aides-vétérinaires stagiaires qui ont subi
d'une manière satisfaisante l'examen de sortie, sont nom-
més aides-vétérinaires dans les corps de troupes à cheval
et reçoivent une indemnité de première mise d'équipement
de 400 fr. Ceux qui ne satisfont pas à l'examen de sortie
sont licenciés, et, s'ils appartiennent à l'armée comme
soldats, sont envoyés immédiatement dans les régiments
pour y faire leur temps de service. Toutefois, les aides-
vétérinaires stagiaires qui n'ont pas satisfait aux examens
de sortie par suite de maladie régulièrement constatée,
peuvent être autorisés à faire un nouveau stage.
3"^ ÉLÈVES-TÉLÉGRAPHISTES. — Un enseigne-
ment spécial a été organisé à Saumur à l'effet de former des
télégraphistes militaires. Deux divisions d'élèves-télégra-
phistes [sont appelées chaque année à Saumur. Lapreniière
est composée de jeunes soldats, conscrits affectés à la cava-
lerie et non encore exercés aux opérations télégraphiques.
On leur enseigne le maniement de ces appareils pendant
huit mois (du 15 déc. au 15 juil.); après quoi on les
dirige sur leurs régiments. Au point de vue de l'instruc-
tion militaire, les élèves sont exercés à l'école du cavalier à
27
ÉCOLE
- 418 -
pied et à cheval, à l'école du peloton et au service en cam-
pagne. — L'Ecole comporte de plus un cours spécial de
télégraphie militaire (formant la deuxième division) qui
dure trois mois (du 13 juil. au 43 oct.) et dont l'objet est
de compléter l'instruction des cavaUers qui, avant leur in-
corporation, ont appris à manier les appareils dans les
bureaux de télégraphe.
Les élèves-télégraphistes de la première division subissent
deux séries d'examens : à la fin de mars un examen élimi-
natoire (manipulation et lecture de la bande de l'appareil
Morse, lecture au son, cours théorique, équitation, gym-
nastique, instruction militaire pratique et service en cam-
pagne). Ceux qui n'y satisfont pas sont renvoyés à leur
corps. A la fin du cours, la même commission leur fait
subir un examen définitif portant en outre sur le réglage
des appareils, la recherche des dérangements et les notions
élémentaires sur la construction des lignes miUtaires. —
Un fonctionnaire des postes et télégraphes assiste à cet
examen et rédige un rapport où il note ceux des élèves qui
seraient susceptibles d'être employés dans l'administration
à leur libération du service actif.
Les élèves de la seconde division dont l'instruction
technique est déjà presque faite subissent un examen de
sortie beaucoup plus difficile. Les épreuves portent sur la
théorie (télégraphie électrique, optique et militaire) , coeffi-
cient, 20, et la pratique (appareil Morse, 20 ; lecture au
son, 40 ; appareil à cadran, 42; réglage des appareils et
recherchedes dérangements, 40 ; construction des lignes, 40;
mise en station et manœuvre des appareils optiques, 40;
équitation, gymnastique, etc., 6), coefficient, 70, plus une
note d'ensemble (conduite, etc.), coefficient, 40. Il faut
que sur chaque groupe d'épreuves ils obtiennent une
moyenne de 40. ., ,
4^ ÉLÈVES-MARÉCHAUX FERRANTS, — Il y a a
Saumur un cours de maréchalerie qui dure environ un an. 11
comprend l'étude théorique ou pratique du manuel de maré-
chalerie et l'instruction primaire du premier degré. Les
élèves-maréchaux ferrants provenant des régiments sont dé-
signés pour suivre ce cours. Au bout de cinq mois et demi, le
soldat-élève peut obtenir le brevet de maître maréchal.
Renvoyé au corps, il concourt pour l'emploi de maître ma-
réchal lorsqu'il se produit des examens. Pendant la durée
du cours, chaque élève reçoit des notes dont les coefficients
sont les suivants : notes de forge, 2 ; notes de ferrure ordi-
naire, 3 ; ferrure anglaise, 2 ; ferrure pathologique, 2 ;
enseignement général, 2; conduite, 2 ; assiduité, 2 ; apti-
tude physique, 2 ; aptitude intellectuelle, 2.
Les examens de sortie passés devant un jury préside
par le commandant en second et formé d'un capitaine ins-
tructeur d'équitation et de deux vétérinaires, portent sur :
examen oral, 2; forge, 4 ; ferrure ordinaire, 3 ; ferrure
anglaise, 2 ; ferrure pathologique, 2. Ajoutées aux moyennes
de l'année, ces notes déterminent le classement; pour
être admis, il faut obtenir la moitié du maximum plus un
point.
Ecole supérieure de guerre. — Destination. —
L'Ecole supérieure de guerre, installée à Pans dans les
bâtiments de l'Ecole militaire, a été instituée par décret
du 45 juin 4878 ; elle est une école de hantes études
militaires et a pour objet en même temps d'assurer le recru-
tement et l'instruction des officiers du service d'état-major.
Le programme des études a été fixé par le règlement du
48 mars 4884, réorganisé le 29 oct. 4886.
Historique. — Cette Ecole a succédé à PEcole d'ap-
plication d'état-major à laquelle elle se rattache. Celle-ci
avait été créée par ordonnance du 40 mars 4848 à l'ins-
tigation du maréchal Gouvion Saint-Cyr. Nous n'avons pas
à^retracer ici l'histoire du corps d'état-major qui sera
indiquée dans un article spécial (V. Etat-major). Bor-
nons-nous à rappeler qu'après une suppression momen-
tanée il fallut reconstituer une école spécialement destinée
à préparer des officiers pour le service d'état-major.
En 4876 (48 févr.), on institua des cours spéciaux pour
former aux fonctions d'état-major des officiers de toutes
armes; deux ans après, on organisa l'Ecole supérieure de
guerre, dont le programme absorba ces cours mifitaires
spéciaux; les militaires admis en 4876 et 1877 à les suivre
formèrent les premières promotions de l'Ecole nouvelle.
Conditions d'admission. — L'admission a lieu par voie
de concours ; ce concours comporte : 4° des épreuves
écrites déterminant l'admissibilité; i^ des épreuves orales ;
3<^ une épreuve d'équitation. Sont admis au concours, les
capitaines, lieutenants et sous-lieutenants de toutes armes,
justifiant, au 34 déc. de l'année du concours, de cinq ans
de service comme officiers, dont trois de service réel et
eff'ectif dans les corps de troupe au i""' févr. de la même
année. La limite d'âge de trente-deux ans a été supprimée
en 4888. Les demandes d'admission au concours doivent
être adressées au commandant du corps d'armée, par l'in-
termédiaire du chef de corps ou de service, et, pour les
officiers de l'armée de mer (infanterie de marine), au mi-
nistre de la marine. — Les gouverneurs militaires de Paris
et de Lyon et les commandants de corps d'armée adressent
au ministre de la guerre l'état nominatif des officiers admis
au concours le 40 oct., au plus tard, avec une appréciation
sur chaque candidat, au point de vue de son admission ou
de sa non-admission au concours. Chaque dossier devra
contenir : l'état des services de l'officier ; le relevé, in
extenso, du registre du personnel de l'officier, depuis le
commencement de sa carrière ; la feuille d'inspection avec
les notes de ses chefs hiérarchiques, et, s'il y a lieu, de
l'inspecteur général.
Les demandes réunies, examinées et admises par les
commandants de chaque corps d'armée, seront envoyées
au ministère de la guerre avec un bordereau nominatif
sur lequel ils portent : 4*^ toutes les demandes reçues par
eux ; 2° celles qu'ils admettent et transmettent ; 3^ celles
qu'ils ont cru devoir rejeter, avec motif du rejet ; 4° des
observations personnelles sur chaque candidat au point de
vue de son admission au concours. L'examen des demandes
est fait par le comité consultatif d'état-major, et le ministre
prononce alors sur l'admission définitive au concours et fait
connaître aux commandants de corps d'armée les candidats
admis à y prendre part.
Les compositions écrites sont faites au chef-lieu des
corps d'armée, où les candidats sont réunis dès la veille.
Toutefois les officiers détachés ou en position régulière
d'absence font leurs compositions au chef-lieu du corps
d'armée ou du gouvernement dans lequel ils se trouve-
ront. — Les candidats d'Algérie font leurs compositions
écrites à Alger ; ceux de la division d'occupation de
Tunisie à Tunis. — Les officiers de l'armée de mer
composent au chef-lieu de la préfecture maritime dans
laquelle ils sont régulièrement stationnés ou détachés. --
Les sujets de compositions sont les mêmes pour tous ; ils
sont adressés par le ministre à chaque commandant de
corps d'armée, ainsi qu'aux préfets maritimes intéressés,
sous double enveloppe cachetée. La première est ouverte
dès la réception des sujets ; la deuxième ne l'est qu'en
présence des candidats. — Pour assurer la régularité des
épreuves, les officiers sont prévenus qu'ils doivent s'abste-
nir absolument de signer leurs feuilles de composition et
d'y apporter d'autres indications que les suivantes :
4^ corps d'armée, gouvernement mihtaire ou préfecture
maritime ; 2° centre de composition ; 3° une devise fort
courte à leur choix. Chaque candidat doit apporter une
devise unique pour toutes les compositions. Sur une autre
feuille de papier Hbre, ils inscrivent : 4^ leur devise;
2° leur nom, leurs prénoms, grade, régiment, corps
d'armée, centre de composition. Les feuilles portant ces
renseignements sont enfermées sous pli cacheté par le cbef
d'état-major en présence des candidats. — Les épreuves
écrites durent trois jours ; elles sont au nombre de quatre :
4^ (cinq heures) solution d'une question militaire traitée
d'après la carte et se rattachant à une des opérations les
plus simples, sur les manœuvres avec cadres ; 2<» (trois
- 419
ECOLE
heures) analyse ou étude sommaire d'une question d'orga-
nisation, d'administration, de législation ou d'histoire mi-
ntaire, dans les limites du programme de l'examen oral
correspondant; 3» (deux heures) traduction en allemand,
avec dictionnaire, d'un morceau de prose française, pris de
préférence dans un auteur militaire ; 4<* (quatre heures)
croquis topographique à une échelle double ou quadruple
d'une portion de carte, le figuré du terrain étant représenté
par des courbes horizontales. L'exécution de ce lever a heu
dans chaque garnison. — Voici quels furent, pour le con-
cours de 1892, les sujets choisis. La question de ma-
nœuvres concernait à la fois des mouvements de défensive
et d'offensive d'un détachement composé de trois bataillons,
deux escadrons et une batterie, en avant-garde à Tonnerre,
opposé à une colonne de quatre escadrons et deux bataillons
venant de Bar-sur-Seine. — La question d'histoire mili-
taire était la campagne de 1809 en Allemagne, avec exposé
complet de l'état organique des armées actives de la
France et de l'Autriche à cette époque. — L'épreuve de
législation militaire était toute d'actualité : les rengage-
ments pour les sous-officiers et les hommes de troupe, y
compris la nouvelle loi du 6 janv. 1892.
Les candidats déclarés admissibles à la suite de cette
première série d'épreuves sont ensuite examinés à Paris.
Les épreuves orales sont réparties en quatre groupes:
Organisation et histoire militaires ; tactique d'infanterie ;
allemand. — Tactique de cavalerie ; législation et admi-
nistration. — Artillerie ; fortification. — Géographie ;
topographie. Les candidats peuvent présenter à 'la com-
mission d'examen leurs travaux militaires répondant à
chaque matière de l'examen.— L'épreuve d'équitation est
subie également à Paris. Pour ces épreuves définitives, la
commission d'examen est composée exclusivement d'offi-
ciers généraux. Le programme des connaissances est
pubhé chaque année au Journal officiel dans le mois de
mars (par exemple le 30 mars 1891).
Les officiers se rendant à Paris pour y subir les examens
ont droit à l'indemnité de séjour pour la première quin-
zaine de leur présence dans la capitale. L'indemnité de
résidence leur est acquise au delà de cette période, et jus-
qu'à la fin de leur séjour à Paris (décis. du 21 avr. 1891).
^ Régime intérieur. — Les cours de l'Ecole supé-
rieure de guerre durent deux années. Ils commencent le
1^^ nov. ils ont lieu dans les bâtiments de l'Ecole
militaire, dont une partie a été affectée à l'Ecole supé-
rieure, au profit de laquelle on a déplacé un des deux
régiments de cuirassiers casernes à Paris. — Un général
de division ou de brigade commande l'Ecole supérieure de
guerre; un colonel ou un lieutenant-colonel du service
d'état-major est chargé de la direction des études. — Un
conseil d'instruction a été institué (20 oct. 1888), auquel
a été confiée la haute direction de l'enseignement. Il com-
prend le général commandant l'Ecole, un ou deux sous-
chefs de l'état-major général ; quatre généraux de brigade
(un de chaque arme), le commandant en second de l'Ecole,
quatre professeurs de l'Ecole, l'officier supérieur secrétaire
du corps d'état-major. — Les officiers se logent au dehors,
dans le voisinage de l'Ecole. Ils sont obligés d'assister aux
cours et à tous les exercices indiqués au tableau de tra-
vail. La présence est constatée. Les cours sont répartis
sur deux années. Il y a donc deux divisions ou promotions.
Chacune comprend en moyenne 72 officiers, dont près des
deux tiers appartiennent à l'infanterie. Chaque division est
partagée en groupes de 12 officiers, dans chacun desquels
le plus ancien gradé est le chef, servant d'intermédiaire
avec l'officier supérieur.
L'enseignement de l'Ecole supérieure de guerre comprend
des cours obligatoires et des cours facultatifs. Ceux-ci
sont confiés soit à des professeurs, soit à des conférenciers.
Sauf pour les langues étrangères, ce sont des officiers.
A. Coiirs^ obligatoires, 1° Professeurs : histoire mili-
taire, stratégie et tactique générale; tactique appliquée
d'infanterie ; tactique appliquée de cavalerie ; tactique appli-
quée d'artillerie et matériel d'artillerie ; service d'état-
major et droit international; géologie et géographie; topo-
graphie, administration; équitation ; langue allemande,
langue anglaise, langue itahenne. — Pour chacun de ces
cours, il y a deux maîtres, l'offieier supérieur professeur
et un professeur adjoint. — 2» Conférenciers : mobilisa-
tion; chemins de fer; hygiène et service de santé; télé-
graphie; géodésie; sciences appliquées à l'art militaire.
B. Cours facultatif. Langue russe. La période d'été
est, pour chaque division, consacrée à des voyages de
frontières, à des études sur le terrain, puis à la partici-
pation aux grandes manœuvres pour lesquelles les officiers
de la première division sont affectés à des corps de troupe,
et ceux de la deuxième division à des états-majors.
Classement. Les listes de classement sont arrêtées à
la fin de chaque année, à la suite des épreuves suivantes :
1« épreuves orales portant sur l'ensemble de chaque
cours ; 2° épreuves pratiques, à savoir : levers topogra-
phiques et travaux extérieurs se rapportant à divers
cours, particulièrement des applications des cours de tac-
tique ; 3" des travaux d'étude comprenant en premier lieu
des questions traitées avec l'aide de tous les documents
que les officiers peuvent avoir à leur disposition, d'après
un programme donné et dans un temps déterminé, et, en
second heu, des rapports faits à l'improviste sans le
secours d'aucun document. Qu'ils soient terminés ou non,
les travaux doivent toujours être remis à l'époque fixée.
Tout travail d'un officier doit être fait entièrement de sa
main et signé de lui, à peine de nullité. Pour passer en
première division, il faut avoir obtenu pour l'ensemble des
travaux de l'année une moyenne de 12 sur 20.
Sortie. — A la fin de la deuxième année, les listes
de classement sont arrêtées d'après le résultat des travaux
des deux ans et des examens de sortie. Ceux-ci com-
prennent : 1° un extrait d'étude écrit sur épreuve ; une
question de tactique générale traitée sans document;
2<> une épreuve d'équitation ; 3° quatre séries d'examens
oraux devant les membres du comité d'état-major répartis
en quatre sous-commissions. Les officiers de la première
division (deuxième année) qui ont satisfait aux examens de
sortie reçoivent le brevet d'état-major et sont immédiate-
ment appelés à faire dans un état-major un stage de deux
ans, à la suite duquel ils sont ou bien mis hors cadre pour
être maintenus dans le service, ou bien rendus jusqu'à
nouvel ordre à leur arme.
Ecole militaire d'infanterie de Saint-Maixent.
— Destination.— L'Ecole militaire de Saint-Maixent (Deux-
Sèvres) a été créée par les décrets des 4 févr. 1881,
18 janv. et 1^^' déc. 1882 et réorganisée par décret du
22 mars 1883. Elle a pour but de compléter l'instruction
imlitaire des sous-officiers de cette arme jugés susceptibles
d'être nommés sous-lieutenants. Les sous-officiers des sec-
tions d'infirmiers, de commis et ouvriers d'administration,
de secrétaires d'état-major et de recrutement concourent
avec les sous-officiers des corps de troupe d'infanterie pour
l'admission à l'Ecole militaire de Saint-Maixent. En temps
de paix, nul sous-officier ne pourra être promu sous-heu-
tenant au titre français s'il n'a suivi avec succès les cours
de cette Ecole. Indépendamment des sous-officiers de
l'armée de terre régulièrement désignés, l'Ecole peut rece-
voir, sur la demande du ministre de la marine, des sous-
officiers des régiments d'infanterie de marine.
Historique. — La création d'écoles de sous-officiers
d'infanterie fut décidée par le décret du 4 déc. 1874. La
première fut créée au camp d'Avor. C'est en 1881 qu'elle
fut transférée à Saint-Maixent.
Conditions d'admission. — Chaque année, à l'inspection
générale, les chefs de corps proposent, pour être admis à
subir les examens d'admission à l'i^cole militaire d'infan-
terie, les sous-officiers de cette arme jugés aptes à devenir
officiers. Les sous-officiers du cadre fixe des écoles mili-
taires sont proposés par les commandants de ces écoles.
Pour être proposés, les sous-officiers doivent avoir deux ans
ÉCOLE
420 —
de grade de sous-officier au 31 dec. de 1 année du con-
cours. Les sous-officiers qui seraient libérables pendantla
durée de leur séjour à l'Ecole devront souscrire, avant d y
entrer, un nouvel engagement. Les sous-officiers faisant
partie du corps d'occupation du Tonkin et 1 Annam sont
proposés par le général commandant ce corps, qui leur tait
faire les compositions et, après leur correction, dresse une
liste de classement et renvoie en France ceux qu il juge
capables de suivre avec fruit les cours de l Ecole d mtan-
^"l'est établi pour chaque sous-officier un mémoire de pro-
position sur lequel le mérite du candidat est successivement
apprécié par le chef de corps ou de service, le gênerai de
brieade et l'inspecteur général. Chacun d'eux résume son
opinion en une note de 12 à 20. Le mémoire de proposi-
tion comprend le relevé des services, des punitions, les
notes particulières du chef de corps, le relevé des points
attribués au candidat pour les notes du chef de corps, du
général de brigade et de l'inspecteur général, ainsi que les
différentes majorations auxquelles il a droit en raison de
ses services. Il est accompagné d'un certificat d instruction
militaire délivré par la commission régimentaire.
Concours d'admission. Le concours comprend des com-
positions écrites, des examens oraux, un examen d instruc-
tion militaire pratique, un examen d'aptitude physique.—
Au début de janvier, les candidats sont convoques pour
subir les épreuves écrites au lieu où se trouve l'état-major
de la division sur le territoire de laquelle ils vont stationner.
Les sujets des compositions sont les mêmes pour toute la
France; ils sont tirés du programme des écoles régimen-
taires d'infanterie. Les compositions écrites comprennent :
une dictée, une narration française (lettre, rapport ou étude
historique), la résolution de problèmes d'arithmétique ; la
résolution de problèmes de géométrie; on accorde un quart
d'heure pour reUre la dictée, quatre heures pour la com-
position française, trois heures pour les autres. Les copies
sont corrigées à Paris, le nom des candidats étant secret.
On dresse la liste d'admissibilité, et c'est seulement après
qu'elle a été ratifiée par le ministre qu'on recherche les
noms correspondants aux numéros d'ordre des copies clas-
sées. Il faut obtenir au moins 10 pour la dictée à peine
d'élimination. . . i
L'examen oral est subi devant une commission de quatre
membres : un colonel ou lieutenant-colonel, président, et
trois chefs de bataillon d'infanterie. Cette commission siège
d'abord à Paris, puis se transporte successivement à Lyon,
Alger, Toulouse et Nantes. Les examens portent sur les
matières suivantes du programme des écoles régimentaires :
io arithmétique et géométrie; 2^ fortification et topogra-
phie; 3° histoire de France; 4"^ géographie ; o^ instruction
militaire pratique (première section de l'école de compagnie
et mouvements de la section en ordre dispersé); 6^ service
intérieur, service en campagne, tir; 7^ gymnastique;
8<* escrime. — Les examens sont publics, mais pour les
candidats seulement. — Pour l'examen d'instruction mili-
taire pratique, il est constitué dans chaque centre une
compagnie de manœuvres de soixante-quatre files; les can-
didats expliquent et font exécuter comme instructeurs un
ou plusieurs mouvements. Ils rempUssent en outre succes-
sivement les fonctions de guides et de chefs de section.
Les coefficients sont fixés comme suit :
Note d'ensemble (conduite, capacité, aptitude au comman-
dement)
Note du chef de corps
Note du général de brigade .
Note de l'inspecteur général.
Compositions
Dictée
Narration
Arithmétique
Géométrie
5
5
10
20
36
8
12
Report 56
Examens oraux ^^
Arithmétique et géométrie 10
Fortification et topographie 10
Histoire ^12
Géographie ^12
Instruction militaire 30
Pratique 'l^;
Service intérieur, en campagne,
tir 12
Gymnastique 2
Escrime ^
Total.
A reporter.
56
130
En outre on accorde des majorations de points : pour une
à six années de grade de sous-officier excédant les deux
premières (10 points par an) ; pour les campagnes (10 p.);
blessures ou citations (20 p.); grade de sergent-major
(25 p.) ; rengagements pour deux ans (25 p.) ou cinq ans
(50 p.); médaille militaire (50 p.); Légion d'honneur
(100 p.).
Régime intérieur. — Entrée, Le ministre fixe, chaque
année, suivant les besoins du service, le nombre des
élèves à admettre à l'Ecole. Pendant les premières années
les chiffres ont varié entre 350 et 450 ; ils se sont depuis
fixés à 400. Les sous-officiers ainsi désignés prennent la
dénomination de sous-officiers élèves-officiers; ils sont
remplacés dans les emplois spéciaux (adjudant, sergent-
major, sergent fourrier) dont ils peuvent être pourvus
dans leur corps, et placés comme sergents dans une^ com-
pagnie; ils peuvent même être hors cadre sur l'ordre
du ministre. Les sous-officiers élèves-officiers reçoivent
tous la tenue, l'armement et l'équipement des sergents de
l'infanterie de ligne, sauf des signes distincts détermines
par règlement ministériel. Les sous-officiers élèves-officiers
doivent le salut aux officiers ; ils y ont droit de la part
des sergents-majors, sergents fourriers, sergents, capo-
raux et soldats. ,
Direction. — La direction de l'Ecole est confiée a un
colonel ou à un lieutenant-colonel d'infanterie. H a sous
ses ordres un chef de bataillon commandant en second.
L'autorité du commandant de l'Ecole s'étend sur toutes les
parties du service, de l'instruction et de l'administration.
Le commandant de l'Ecole est sous les ordres du mmistre
de la guerre. Le commandant en second est charge, sous
les ordres du commandant de l'Ecole, de toutes les parties
du service ; il remplit les fonctions de directeur ^ des
études. — Des capitaines instructeurs sont chargés de 1 ins-
truction théorique et pratique, de la tenue et de la disci-
pline ; ils ont sous leurs ordres des Heutenants instructeurs.
— Des capitaines professeurs, aidés par des lieutenants
professeurs adjoints, et au besoin par des heutenants ins-
tructeurs, pro'fessent les cours, et sont, en outre, charges
des répétitions, des interrogations, de la correction des
travaux et de l'instruction pratique des cours qui leur sont
confiés. Le capitaine professeur du cours d'admmistration
remplit les fonctions de major. Un capitaine en second de
cavalerie dirige les exercices d'équitation. Deux lieutenants
remplissent les fonctions de trésorier et d'officier comptable
du matériel. Un médecin-major de 2« classe est charge du
service sanitaire de l'Ecole et professe le cours d'hygiene.
— Un personnel secondaire, composé de sous-officiers, de
caporaux et de soldats, est employé, soit à l'instruction
militaire des élèves, soit à la tenue des écritures et aux
divers exercices intérieurs de l'Ecole. Ce personnel est mis
hors cadre. Un détachement de la 5« compagnie de cava-
hers de remonte est affecté au service de l'Ecole.— L Eco e
est administrée par un conseil formé du commandant de
FEcole, du commandant en second, ducapitame professeur
d'administration, d'un capitaine instructeur, du capitaine
en second de cavalerie, du heutenant trésorier et du lieute-
nant comptable.
Enseignement,— Ld. durée des études est d une année.
— 421
ECOLE
Les sous-ofliciers élèves-officiers de l'Ecole de Saint-
Maixent y reçoivent une instruction générale et une
instruction militaire. On tient en effet à leur donner la
culture intellectuelle nécessaire à l'officier. L'instruction
militaire est dirigée de manière à développer chez eux
l'aptitude professionnelle nécessaire à l'officier de compa-
gnie. Elle est donc théorique et pratique. Les exercices
pratiques sont : les manœuvres d'infanterie, le tir, la
manœuvre des bouches à feu, l'équitation, l'escrime, la
gymnastique. — Les cours s'ouvrent dans la seconde
quinzaine d'avril et durent jusqu'au début du mois de
mars de l'année suivante.
Sortie. — A la fin de Tannée scolaire, c.-à-d. en mars,
les élèves-officiers subissent les examens de sortie devant
un jury désigné par le ministre. Le conseil d'instruction
de l'Ecole dresse une liste de classement par ordre de
mérite, d'après les notes des examens combinés avec celles
de l'année. Tous les sous-officiers élèves-officiers qui ont
subi avec succès les épreuves de l'examen de sortie sont
immédiatement nommés sous-lieutenants d'infanterie. Le
rang d'ancienneté est déterminé par le numéro du classe-
ment de sortie ; c'est également d'après celui-ci que les
nouveaux sous-lieutenants sont appelés à choisir le corps
auquel ils désirent être affectés. — Ceux des élèves de
Saint-Maixent qui n'ont pu satisfaire aux épreuves de
sortie sont renvoyés dans un corps et pourvus du grade et
de l'emploi qu'ils avaient avant leur entrée à l'Ecole. Toute-
fois, sur la proposition du conseil d'instruction, le ministre
de la guerre peut autoriser ceux qui auraient été victimes
d'une interruption forcée de travail de plus de trente jours,
à faire une deuxième année d'études.
Ecole militaire de l'artillerie et du génie à Ver-
sailles. — Destination. — L'Ecole militaire de Versailles
donne aux sous-officiers l'instruction générale et militaire
nécessaire pour qu'ils puissent passer officiers de l'artillerie,
du génie ou du train des équipages. Cette Ecole d'élèves-
officiers, fondée par décret du 10 janv. 1884, est régie
par les décrets du 4 nov. 1886 et du 16 oct. 1888.
Historique. — L'Ecole des sous-officiers élèves-officiers
de l'artillerie, du génie et du train des équipages, est installée
à Versailles, rue Gambetta, dans l'Hôtel de la surinten-
dance, bâti en 1670, habité par Colbert, Louvois, Du-
bois, où fut placé durant la Révolution française un Institut
militaire pour les enfants des invalides.
Conditions d'admission. — L'admission a lieu au con-
cours. Chaque année, à Tinspection générale, les chefs de
corps ou de service peuvent proposer pour subir les examens
les sous-officiers des batteries ou compagnies sous leurs
ordres qui auront au moins deux ans de grade au 31 déc.
de l'année courante et qu'ils jugent aptes à devenir offi-
ciers. Les candidats appartenant au cadre fixe des écoles
militaires sont proposés par les commandants de ces écoles.
Il est établi pour chacun de ces sous-officiers un mémoire
de proposition, lequel est annoté successivement par le chef
de corps ou de service, le général de brigade et l'inspec-
teur général. Chacun d'eux résume son opinion en une
note d'ensemble (de 0 à 20) qualifiant à la fois la tenue,
la conduite, la capacité et l'aptitude au commandement du
candidat. On y joint le relevé des services, le relevé des
punitions, l'acte de naissance, l'extrait du casier judiciaire.
> Epreuves, Le concours d'admission est précédé d'épreuves
d'instruction générale ayant un caractère éliminatoire. Vers
le milieu de décembre, les candidats sont convoqués par
région de corps d'armée à l'Ecole d'artillerie. Ils y font
les compositions écrites suivantes : 1° une dictée ; 2° une
composition française ; 3<* une composition d'histoire et de
géographie ; ¥ une composition d'arithmétique ; 5<* une
composition d'algèbre ; 6"^ une composition de géométrie ;
7^^ une composition de trigonométrie et de topographie ;
8° un dessin linéaire. Les compositions durent chacune
quatre heures, sauf la dictée. Les copies sont envoyées au
ministre et corrigées par une commission spéciale. Toute
note inférieure à 14 pour la dictée, à 6 pour une autre
composition, entraîne l'exclusion. A la suite de cette correc-
tion, on dresse une liste des candidats admissibles.
Le classement définitif a pour base : 1° les compositions
écrites affectées d'un coefficient d'ensemble ; 2<> un examen
oral portant sur les mêmes matières que les compositions
écrites ; 3^ la valeur militaire des sous-officiers constatée
par leurs chefs hiérarchiques et par une commission char-
gée d'examiner leur instruction professionnelle , théorique
et pratique. Deux commissions spéciales opérant, l'une pour
l'artillerie et l'autre pour le génie, sont chargées de faire
subir les épreuves orales et les épreuves d'instruction pro-
fessionnelle. La première se compose de six membres nom-
més par le ministre (colonel ou lieutenant-colonel, prési-
dent, trois chefs d'escadron, deux capitaines), la seconde
de trois membres (colonel ou lieutenant-colonel, président,
deux chefs de bataillon). La commission d'examen pour
l'artillerie siège d'abord à Versailles, puis se transporte à
Bourges et à Toulouse. La commission du génie opère les
années de millésime impair à Versailles et à Grenoble, les
années de millésime pair à Arras et à Montpellier. L'entrée
des salles d'examen est interdite au public , permise aux
candidats et aux officiers en uniforme. Les coefficients at-
tribués aux divers éléments d'appréciation sont ainsi fixés ;
1° Artillerie,
Note d'ensemble.
Note du chef de corps : . . 5
— du général de brigade 5 ^ 50
— de l'inspecteur général 10
Epreuves d'instruction générale.
Compositions d'admissibilité 20
Examens oraux \ Mathématiques. . . 12 f 40
{ Histoire et géographie 8
Instruction professionnelle.
Manœuvres 20
Cours spécial 12 \ 40
Règlements 8
Total.
100
20
44
36
100
2o Génie,
Note d'ensemble
Instruction générale.
Compositions d'admissibilité 24
Examens oraux 20
Instruction professionnelle.
Manœuvres 12
Instruction spéciale 16
Règlements 8
Total
Des majorations de points sont accordées aux sous-offi-
ciers qui sont dans un ou plusieurs des cas suivants : an-
nées de grade excédant deux, campagnes, blessure, citation,
emploi comme maréchal des logis, années de rengagement,
médaille militaire, Légion d'honneur. Il n'est tenu compte
des points de majoration que jusqu'à loO. Le classement
résulte du nombre total des points ; à égalité de points,
l'ancienneté dans le grade de sous-officier assure la priorité.
Ces dispositions sont un peu modifiées pour les sous-
officiers qui désirent entrer dans la division du train des
équipages militaires. Ceux qui sont bacheliers sont dispen-
sés de l'examen. Pour les autres, il ne comprend à l'écrit
qu'une dictée, des compositions de français, d'histoire et
géographie, d'arithmétique et de géométrie et topographie.
Les sous-officiers détachés en Indo-Chine subissent les
épreuves devant une commission nommée par le général
commandant en chef. Ceux qui y obtiennent le minimum
de points fixé pour l'admission sont envoyés en France à
l'Ecole. Si leur instruction générale était reconnue trop
faible, ils seraient reversés dans un corps de leur arme.
Régime intérieur. — Direction, Le commandement de
l'Ecole est confié à un colonel ou lieutenant-colonel d'artil-
lerie ; il a sous ses ordres un chef de bataillon du génie,
ÉCOLE
— 422 —
commandant en second. L'organisation est parallèle à celle
de V Ecole d'infanterie (V. ci-dessus). Mais on admet des
professeurs civils à côté des militaires. On a mstitué un
conseil d'instruction, un conseil de discipline et un conseil
d'administration.
Enseignement. Les sous-officiers élèves-officiers re-
çoivent à l'Ecole une instruction générale et une ins-
truction militaire, de manière à leur donner la culture
intellectuelle indispensable à tout officier et à leur faire
acquérir l'aptitude nécessaire pour bien remplir les fonctious
d'officier d'artillerie, du génie ou du train des équipages.
Les cours durent onze mois ; ils s'ouvrent au 1^' avr. de
chaque année et se terminent à la fin de févr. de l'année
suivante. — Les élèves-officiers jouissent, au dehors, des
droits et prérogatives conférés aux adjudants ; ils reçoivent
une solde de 2 fr. par jour, à laquelle vient s'ajouter pour
les rengagés une indemnité de résidence à Paris de 50 cent,
par jour. .
Sortie. — A la fin de l'année d'études, les sous-omciers
élèves-officiers sont examinés par un jury composé ainsi
qu'il suit : un général de brigade de l'artillerie ou du génie,
un colonel ou lieutenant-colonel d'artillerie, un colonel ou
lieutenant-colonel du génie, un capitaine d'artillerie exami-
nateur, un capitaine du génie examinateur. On classe par
ordre de mérite les officiers de chaque arme. Tous les élèves-
officiers qui ont satisfait aux examens de sortie sont promus
sous-lieutenants de leur arme; leur rang de sortie ^ est
déterminé par le numéro de classement. Ceux qui n'ont
pas satisfait aux épreuves de sortie sont renvoyés à leur
corps et pourvus du grade qu'ils avaient avant leur entrée
à l'Ecole. En cas d'interruption forcée de travail de plus
de trente jours, le ministre peut les autoriser à faire une
seconde année d'études avec la promotion suivante. x\.-M. B.
Ecole d'administration militaire de Vincennes.
— Destination. — Une Ecole d'administration militaire
a été créée à Vincennes pour former le personnel néces-
saire au recrutement des officiers d'administration, des
bureaux de l'intendance militaire, des subsistances, des
hôpitaux, de l'habillement et du campement. Le décr. du
20 mars 1890 a réglé en dernier lieu le fonctionnement
de cette Ecole.
Conditions d'admission. — L'admission a lieu par voie
de concours entre les sous-officiers de l'armée active.
Il faut n'être pas âgé de plus de vingt-sept ans au
1er oct. de l'année du concours ; n'être pas marié ou
être veuf sans enfants ou divorcé sans enfants ; être ren-
gagé ou mis dans l'obligation de se rengager dans l'année
qui précède son renvoi dans ses foyers. Il faut, de plus,
être l'objet d'une proposition du chef de corps ou de service
auquel ils appartiennent et transmise par la voie hiérar-
chique. Il est établi un état de proposition pour chaque can-
didat ; cet état contient les notes du chef de corps, de service
ou de bureau et celles du sous-intendant militaire chargé
de la surveillance administrative du corps. L'intendant
militaire directeur et le gouverneur militaire ou le général
commandant le corps d'armée, émettent leur avis sur la
suite à donner à la proposition.
Chaque état est accompagné: 1° d'une demande du
candidat ; 2^^ d'une copie certifiée de l'acte de naissance
du candidat (sur papier libre) ; 3*^ du relevé de ses ser--
vices ; 4*" du relevé des punitions qui lui auraient été
infligées depuis son entrée au service ; 5« d'une copie des
titres universitaires, brevets, etc. Ces pièces sont certi-
fiées par le chef de corps ou de service. Les dossiers de
propositions doivent parvenir au ministre le 15 mai de
chaque année, au plus tard.
Les candidats admissibles sont convoqués à Vincennes
pour y subir les épreuves orales, à la suite desquelles la liste
définitive de classement est arrêtée. Le ministre fixe, suivant
les besoins du service, le nombre d'élèves à admettre à
l'Ecole. Les épreuves écrites comprennent : 1° une dictée;
2° une composition d'histoire ; 3° une composition d'arith-
métique. Les examens oraux comprennent des questions
d'histoire, de géographie générale et commerciale, d'arith-
métique, de géométrie et d'administration militaire.
Régime intérieur. — Les élèves et les hommes du cadre
vivent en mess. Ils couchent dans des dortoirs. Ils portent
un uniforme (capote, dolman, pantalon, képi) caractérisé
par les étoiles en filé d'or au collet, et la soutache (soie
rouge et argent) de 4 millim. de large, continuant le bord
supérieur des parements. — Les études durent un an ; elles
se terminent fin juin. Elles comportent un enseignement
général, un enseignement administratif, un enseignement
militaire. L'ouverture des cours est fixée par le ministre
chaque année. La fermeture a lieu avant le l^"" juil., ce
mois étant consacré à la revision des cours et aux examens
de sortie. L'enseignement général donné aux sous-officiers
élèves-officiers comprend : 1° le français; 2« des éléments
des sciences appliquées et de topographie ; 3° des notions
pratiques de botanique. L'enseignement administratif
embrasse : les principes de législation, d'administration et de
comptabilité militaires ; les principes élémentaires de droit
administratif ; la comptabilité commerciale. Cet enseigne-
ment est à la fois théorique et pratique. Il est fait, dans
les principaux étabhssements civils et militaires, des visites
dont l'objet se rapporte à l'enseignement de l'Ecole. L'en-
seignement miUtaire comprend la première partie de
l'école du soldat et le chap. i^"^ de la première partie de
l'école de compagnie et des extraits des règlements sur
le service intérieur et le service dans les places de guerre.
Sortie. — En fin d'études, la commission spéciale fait
subir aux élèves des examens consistant en épreuves écrites
et orales. Les épreuves écrites comprennent : 1° une
dictée ; 2° une narration (rapport administratif) ; 3*^ une
composition d'administration distincte sur chacun des cours
professés : législation, administration générale, subsis-
tances, hôpitaux, habillement. L'examen oral comporte une
ou plusieurs questions sur chacune des branches de l'ensei-
gnement. C'est le directeur de l'Ecole qui choisit les sujets
de composition et le questionnaire pour l'examen oral. Le
classement général des élèves a lieu d'après les données
suivantes : i^ Une note d'appréciation générale sur l'édu-
cation, la conduite, le travail, les qualités physiques, mo-
rales et intellectuelles. Cette note, discutée par une
commission composée du sous-directeur et des officiers
d'administration de l'Ecole, est définitivement arrêtée,
par l'intendant général, président du jury d'examen, sur
la proposition du directeur. — 2^^ L'ensemble des notes
i obtenues dans les diff'érents cours pendant la session et
aux épreuves écrites et orales de fin d'année, les notes de
ces épreuves comptant pour le même nombre de points que
celles de toute l'année. Les élèves sous-officiers qui satis-
font aux examens de sortie sont nommés, en attendant leur
brevet d'officier, adjudants-élèves d'administration dans
l'une des branches administratives de l'armée (intendance,
campement, habillement, subsistances).
Ecoles de tir. — Les Ecoles de tir créées ou organisées
par le décret du 9 déc. 1879 sont de deux catégories :
r r Ecole normale de tir de Châlons- sur -Marne;
2« les Ecoles régionales de Châlons- sur -Marne, du
Ruchard et de La Valbonne. Elles sont régies par le décret
du 18 nov. 1886.
Historique. — Déjà on avait superposé aux écoles régi-
mentaires une école normale, puis des écoles régionales
de tir. Celles-ci figurent dans la loi organique du 13 mars
1875. Mais l'organisation actuelle est nouvelle et a pris
une importance exceptionnelle.
Les attributions de l'Ecole normale de tir instituée au
camp de Châlons sont les suivantes : 1^ EtabKr, d'après
les instructions de la direction de l'infanterie, les modèles
des armes et munitions destinées à l'arme de l'infanterie ;
vérifier mensuellement les produits de la fabrication cou-
rante des atehers de chargement des cartouches ; expéri-
menter les armes fabriquées par les manufactures et des-
tinées à l'infanterie.— 2^ Expérimenter avant leur adoption
toutes les modifications aux armes de l'infanterie proposées
423 —
ÉCOLE
par les établissements producteurs (manufactures, cartou-
cheries, poudreries). — 3<^ Proposer les perfectionnements
à apporter aux armes et aux munitions en usage dans
l'infanterie. — 4^ Examiner les propositions adressées à la
section technique de l'infanterie et relatives aux armes,
aux munitions, à l'instruction du tir. — 5° Déterminer les
règles à suivre dans l'exécution des feux; proposer à la
direction de l'infanterie les modifications à introduire dans
les règlements des manœuvres résultant de modifications
dans l'armement ou les munitions, ainsi que les perfec-
tionnements à apporter aux méthodes d'instruction en ce
qui concerne le tir. — 6° Expérimenter les armes en usage
dans les armées étrangères. — 7° Proposer les mesures
propres à tenir les Ecoles régionales de tir et les corps de
troupe au courant des progrès réalisés à l'étranger. —
8° Fabriquer les armes destinées à être distribuées comme
prix dans les concours de l'Ecole normale et des Ecoles
régionales de tir. En raison de ces attributions multiples,
l'Ecole normale de tir comprend : d'une part, des ateliers
pour la fabrication de l'arme et des cartouches ; de l'autre,
une commission d'expériences.
L'Ecole normale de tir forme pour les Ecoles régionales
de tir des professeurs et des instructeurs ; pour les corps
de troupe des capitaines de tir ayant pour mission de donner
à l'infanterie une connaissance approfondie des armes à feu
portatives. Tous les ans, il est ouvert à cet effet à l'Ecole
normale un cours d'une durée de cinq mois et demi, lequel
est suivi par des capitaines d'infanterie. L'Ecole est dirigée
par un colonel ou lieutenant-colonel d'infanterie assisté de
deux chefs de bataillon, six capitaines d'infanterie et deux
contrôleurs d'armes. Il a la haute main sur l'Ecole régio-
nale de tir du camp de Châlons, disposant dans l'intérêt
du service du personnel et du matériel de cette Ecole.
Les Ecoles régionales des camps de Châlons, du Ruchard
et de La Valbonne sont destinées à former des instructeurs
(lieutenants ou sous-lieutenants, sous-ofliciers ou caporaux)
ayant pour mission de vulgariser dans les corps de troupe
les progrès accomplis soit dans les méthodes d'instruction,
soit dans la fabrication des armes et munitions ; elles sont
dirigées par un chef de bataillon assisté de sept officiers.
La durée des cours est de quatre mois pour les officiers et
de trois pour les sous-officiers et caporaux. Les hommes de
troupe des cadres fixes de ces écoles portent la tenue de
l'infanterie de ligne.
Ecole de dessin du service géographique de
l'armée. — Destination. — Au Service géographique
de l'armée a été annexé, par décision du 29 avr. 1883,
une Ecole de dessin ayant pour objet de former des dessi-
nateurs topographes et d'assurer le recrutement du per-
sonnel technique de cet étabhssement.
Conditions d'admission. — Nul n'est admis à l'Ecole que
par voie de concours. Pour être admis à concourir, les
élèves doivent justifier : 1° de la qualité de Français ;
2<^ d'un âge de quinze ans au moins, dix-sept ans au plus,
le i^^ janv. de l'année du concours ; 3^ d'une instruction
primaire suffisante, attestée soit par le certificat d'études
primaires, soit par tout autre certificat analogue obtenu dans
les écoles de dessin, les ateliers, les écoles d'adultes, etc.
Leurs parents doivent faire la demande avant le P^ août
au directeur du service géographique de l'armée.
Les pièces ci-après désignées doivent accompagner la de-
mande : 1° l'acte de naissance dûment légalisé; 2° une
déclaration du père, de la mère ou du tuteur, s'engageant à
pourvoir aux besoins matériels des élèves pendant les deux
années d'études ; 3° un certificat de bonnes vie et mœurs.
Les candidats admis au concours doivent exécuter :
1° une page d'écriture faite sous la dictée; T la même
page recopiée à main posée ; 3° une épreuve de dessin
linéaire, construction de figures de géométrie plane avec
la règle, l'équerre et le compas (ils doivent apporter les
instruments nécessaires) ; 4^ un dessin d'ornement ou de
figure, d'après des modèles en plâtre ; 5° une copie d'un
fragment de carte topographique. Ces épreuves de dessin
ont pour but de constater si les élèves savent dessiner et
s'ils sont aptes au dessin spécial de topographie. — Le
nombre annuel des admissions est très variable ; il est de
5 à 10 élèves environ.
Régime intérieur. — Le régime de l'Ecole est l'externat.
Des cours spéciaux de dessin, de topographie et de géomé-
trie, de lecture des cartes françaises et étrangères sont faits
aux élèves. Pendant la belle saison, des exercices de topo-
graphie sont organisés aux environs de Paris et complétés
par des levés réguliers.
La durée normale des cours est fixée à deux années,
pendant lesquelles les élèves n'ont droit à aucune solde.
Les progrès et les aptitudes des élèves sont constatés
tous les six mois par des épreuves qui sont subies devant
une commission composée de deux officiers et d'un dessi-
nateur principal. Les examens comprennent une des deux
épreuves suivantes : un dessin topographique (planimètre,
courbes, hachures et lettres) ; un dessin d'après un relief
topographique. Les notes de dessin et d'interrogations, les
notes de conduite et d'exactitude données aux élèves pen-
dant le semestre écoulé, entreront en ligne de compte.
Après les épreuves semestrielles, les élèves sont classés et
reçoivent, sur l'avis du conseil de l'établissement et d'après
leur rang de classement, des gratifications pécuniaires com-
prises entre 50 et 200 fr.
Sortie. — Examen de sortie. A la fin de la deuxième
année d'études, les élèves exécutent un dessin topogra-
phique de concours, et sont interrogés par la commission
sur toutes les matières enseignées pendant leur séjour à
l'Ecole. Après les examens, la commission établit un clas-
sement de sortie qui est soumis au conseil de l'établissement
avec les notes particulières de chaque élève. Le conseil de
l'étabhssement désigne les élèves qui ont mérité le certi-
ficat d'aptitude, et choisit parmi ces derniers, ceux qui
pourront être admis dans les ateliers, à titre de surnumé-
raires, avec des appointements proportionnels à leur talent
et aux services qu'ils sont susceptibles de rendre. Toutes
les places de dessinateurs titulaires sont réservées aux
anciens élèves de l'Ecole. Après deux années de stage, les
surnuméraires peuvent être proposés pour passer dans le
cadre des titulaires, au fur et à mesure des vacances qui
se produisent ; et leurs services comptent, pour justifier
leurs droits ultérieurs à la retraite, à dater du jour où ils
ont été nommés dessinateurs titulaires.
l<5ole centrale de pyrotechnie militaire de
Bourges. — L'Ecole de pyrotechnie, qui avait été fon-
dée en 1824 et qui était primitivement établie dans la place
de Metz, fut transférée à Rourges par arrêté ministériel
du 2 juin 1870. On y fabrique les approvisionnements de
guerre et on y forme des praticiens à l'emploi et à la con-
fection des artifices de guerre. La durée des cours est d'une
année. Les élèves sont choisis parmi les maréchaux de
logis, les brigadiers, ou candidats inscrits pour l'un de ces
grades au tableau d'avancement, appartenant à l'artillerie
et désignés par les inspecteurs généraux. Une décision
spéciale du ministre de la guerre peut réduire la durée
des cours à six mois. Le programme des cours d'artifices
a été réglé en dernier lieu par une décision ministérielle
du llfévr. 1891.
Ecole normale de gymnastique et d'escrime de
Joinville. — Destination. — En 1833 fut organisée
dans la redoute de la Faisanderie, près de Joinville-le-Pont
(Seine), une école militaire de gymnastique et d'escrime
dont l'objet est de former des instructeurs de gymnastique
et des maîtres d'armes destinés à répandre dans les diffé-
rents corps de troupe un mode d'enseignement uniforme
en ce qui concerne les principes et les exercices de gymnas-
tique et d'escrime et tout ce qui peut s'y rattacher au
point de vue de l'éducation physique du soldat.
Organisation. — Nous y consacrerons quelques détails
parce que l'Ecole de Joinville est le grand centre de l'en-
seignement de la gymnastique et même de l'escrime. Elle
est régie par le décret du 30 août 1882. L'Ecole comprend
ECOLE
— 424
deux divisions d'instruction : 4*^ la division de gymnas-
tique, à laquelle appartiennent les officiers-élèves divisés en
trois groupes d'instruction et les élèves de la troupe répar-
tis en deux compagnies ; — 2<> la division d'escrime, à
laquelle appartiennent les élèves de la troupe formant une
compagnie.
Les cours de gymnastique au nombre de deux par
année durent cinq mois et demi chacun (1^^ févr.-12juil.
et l^'^ août-15 janv.). Le cours d'escrime dure onze mois
et demi (l^"^ févr.-45 janv.) — Le cours de gymnastique
est suivi :lo par 30 sous-lieutenants d'infanterie âgés de
moins de vingt-six ans, désignés par le ministre d'après un
roulement particulier ; 2*^ par des caporaux ou élèves-
caporaux des corps de troupe d'infanterie à raison d'un
militaire par régiment d'infanterie, 2 militaires par batail-
lon de chasseurs choisis exclusivement parmi ceux qui
sont dans leur première année de service et présentent le
plus d'aptitude ; de plus on envoie à Joinville, selon les
convenances du service, des sous-officiers, brigadiers ou
caporaux de l'artillerie ou du génie. — Le cours d'escrime
est suivi par 100 élèves désignés par les généraux com-
mandant les corps d'armée parmi les prévôts de toutes
armes examinés et classés par les jurys régionaux. On a
soin, en raison de la proximité de Paris, de ne choisir que
des sujets d'une conduite irréprochable.
Le personnel de l'Ecole comprend un cadre fixe ou per-
manent et un cadre mobile. Les officiers appartiennent au
cadre fixe. Les moniteurs de gymnastique (cadre mobile),
choisis par moitié environ à la fin de chaque cours de gym-
nastique, parmi les élèves les plus aptes aux fonctions
d'instructeurs, sont conservés à l'Ecole pendant les deux
cours qui suivent leur entrée en fonctions ; ceux qui font
preuve d'aptitudes exceptionnelles peuvent être conservés
plus longtemps. Les moniteurs d'escrime (cadre mobile)
sont choisis à la fin de chaque cours parmi les prévôts-
élèves les plus capables ayant encore plus d'une année de
service à faire ou manifestant l'intention de rengager. Les
chefs de salle d'escrime (cadre mobile) sont choisis, à la
fin de chaque cours, parmi les moniteurs d'escrime les
plus capables. L'Ecole est dirigée par un commandant su-
bordonné au général commandant la place de Paris. Il est
assisté d'un sous-intendant, de capitaines instructeurs de
gymnastique et d'escrime, de lieutenants instructeurs, d'un
officier trésorier, d'un officier d'armement, etc.
L'enseignement est donné suivant le programme ci-après.
Les officiers-élèves sont divisés en trois groupes d'instruc-
tion. Voici la liste des matières d'enseignement et les
coefficients (dont 4/3 pour la théorie, 2/3 pour la pratique
en ce qui concerne la gymnastique) : i"" gymnastique théo-
rique et pratique comprenant les exercices d'assouplisse-
ment, 2 points ; la boxe française, 3 p. ; le bâton et la
canne, 3 p. ; la natation, 2 p. ; la gymnastique aux appa-
reils, 48p.;-- 2° l'escrime à l'épée, 4 p. ; — 3'' l'équita-
tion, 3 p. ; — 4"^ la manœuvre de la pompe à incendie, 4 p. ;
■— S'' la manœuvre de la rame et la conduite d'une em-
barcation, 4 p. ; — 6Me tir au revolver, ^\>,;—T la
physiologie, l'anatomie et l'hygiène de l'homme, 2 p. ; —
8"" le* règlement des manœuvres, 4 p. ; — 9"* l'étude de
questions se rapportant à l'éducation physique du sol-
dat,4p.; — 40" conduite, 2 p. ; — 44"^ assiduité, 2 p.; —
42'' manière d'être en général, 3 p.
L'instruction théorique et pratique donnée aux élèves
de troupe de la division de gymnastique comprend : 4'' la
gymnastique théorique et pratique qui se subdivise en exer-
cices d'assouplissement, 2 p.; boxe, 4p.; bâton et canne, 4 p.;
natation, 2 p. ; gymnastique aux appareils, 8p. ; — 2'' l'es-
crime à l'épée, 2 p. ; — 3Ma manœuvre de la pompe à
incendie, 4 p.; — 4'' la manœuvre de la rame, 4 p. ; —
5"* le tir à la cible, 3 p. ; — 6*" les manœuvres de l'infan-
terie, 3 p. — Les militaires de la division d'escrime sont
exercés à la pointe, la contre-pointe, la gymnastique d'as-
souplissement et les manœuvres. On attribue aux aptitudes
comme professeur de pointe, 6 p. ; comme tireur de
pointe, 42 p. ; professeur de contre-pointe, 2 p. ; tireur
de contre-pointe, 3 p. ; aux exercices militaires, 1 p. Pour
les deux divisions, on note la conduite, 2 p. ; la tenue, 2 p. ;
l'apphcation, 2 p. ; l'aptitude comme instructeur, 4 p.
Chaque période d'instruction comporte trois examens :
un examen d'entrée, un examen de mi-session et un exa-
men de sortie. Les élèves de troupe sont placés en nombre
égal par année dans les compagnies et les sections d'après
leur numéro de régiment ou de bataillon. Ils sont ensuite
répartis par rang de force ou d'aptitude entre les escouades
ou les salles de travail de chaque section. L'examen de
sortie a lieu sur toutes les parties de l'instruction théo-
rique et pratique devant un jury composé du commandant
de l'Ecole, du capitaine instructeur de gymnastique et du
plus ancien lieutenant instructeur pour les officiers-élèves,
d'un lieutenant et de deux adjudants pour les élèves de la
troupe. Les notes obtenues aux examens et multipliées par
les coefficients indiqués donnent une somme de points
d'après laquelle on établit le classement. A la suite des
examens de sortie, on décerne des récompenses, mentions
honorables ou prix (médailles de vermeil, d'argent, épin-
glettes de tir). — Les élèves de troupe à leur sortie de
l'Ecole reçoivent, s'ils en sont jugés dignes, des brevets de
moniteurs de gymnastique ou d'escrime et sont dirigés sur
leurs régiments respectifs. Quelques-uns entrent dans le
cadre de l'Ecole.
Ecoles militaires préparatoires. — Destination.
— Il a été institué six écoles militaires préparatoires par
la loi du 49 juil. 4884 et le décret du 3 mars 4885.
Quatre sont consacrées à l'infanterie, celles de Rambouil-
let, Montreuil-sur-Mer, Saint-Hippolyte-du-Fort et Les
Andelys ; une à la cavalerie (Autun) ; une à l'artillerie et
au génie (Billom dans le Puy-de-Dôme). Il faut y ajouter
l'orphelinat Hériot à La Boissière (près de Rambouillet),
pour 460 enfants de troupe orphelins, qui sont élevés
et instruits de cinq à treize ans. Ces écoles assurent
aux enfants de troupe une instruction primaire et une
instruction militaire. Les écoles de l'infanterie reçoivent
les enfants de troupe inscrits sur les contrôles des corps
d'infanterie et des sections administratives ; l'école de
cavalerie reçoit les enfants de troupe de la cavalerie et des
compagnies de remonte ; celle de l'artillerie, les enfants
de troupe de l'artillerie, du train des équipages militaires
et du génie. Les enfants de troupe provenant de la gendar-
merie et de la marine et un certain nombre de fils de mili-
taires, non enfants de troupe, sont admis dans ces écoles.
Conditions d'admission. — Ne peuvent être admis dans
les écoles militaires préparatoires que les fils de soldats,
caporaux ou brigadiers, sous-officiers, officiers jusqu'au
grade de capitaine inclusivement ou assimilés, et d'officiers
supérieurs ou assimilés décédés. Les fils de militaires
retirés du service ne sont aptes à concourir qu]autant que
leur père est ou a été en possession d'une pension de re-
traite intégrale ou proportionnelle, d'une pension de ré-
forme pour infirmités ou blessures, ou qu'il a contracté un
rengagement de cinq ans au moins. Les fils de militaires
réformés par congé n^ 4 et jouissant d'une gratification
permanente sont également admis au bénéfice de ces dispo-
sitions. Les fils des militaires, non enfants de troupe, sont
admis dans les écoles aux mêmes conditions que les autres
enfants. Le ministre de la guerre fixe le nombre des places
réservé dans les écoles aux enfants de troupe de la marine.
Les conditions d'admission pour ces enfants sont les mêmes
que pour les enfants de troupe de l'armée de terre ; mais
ces enfants sont désignés par le ministre de la marine.
L'admission des élèves n'est prononcée que sur la pro-
duction d'une déclaration, signée par les parents ou tuteurs,
spécifiant : 4** qu'ils consentent à l'engagement ultérieur
de leur enfant dans les conditions stipulées par l'art. 5
de la loi du 49 juil, 4884 ; 2° qu'ils ont pris connaissance
de la clause dudit article qui autorise le ministre de la
guerre à faire exercer contre eux, ou sur la fortune per-
sonnelle de l'enfant, le recouvrement de la moitié des frais
— 425 —
ÉCOLE
payés par TEtat, dans le cas où cet enfant serait retiré
avant d'avoir atteint Fâge voulu pour contracter un enga-
gement, ou refuserait de s'engager, ou serait renvoyé de
l'école pour inconduite.
On exige en outre de tous les candidats qu'ils sachent
lire, écrire, calculer (les quatre règles) ; un certificat d'ap-
titude physique constatant qu'ils ne sont atteints de nulle
infirmité les rendant impropres au service militaire.
Régime intérieur. — Chacune des écoles reçoit 500 élèves
environ, sur lesquels 30 au plus non enfants de troupe, mais
fils de militaires. Ceux-ci sont entretenus aux frais de leurs
parents. Les élèves doivent avoir treize ans révolus et moins
de quatorze au i^^ août de Tannée de leur admission ; ils
restent dans les écoles jusqu'au jour de leur engagement.
Sortie. — Dès Tâge minimum fixé par la loi de re-
crutement, c.-à-d. à dix-huit ans, les élèves des écoles
militaires préparatoires sont appelés à contracter un
engagement volontaire, dont le terme est déterminé par
la date de l'expiration légale du service dans l'armée ac-
tive de la classe à laquelle ils doivent appartenir par leur
â^^e. L'élève engagé entre dans l'armée active comme soldat.
''Ecoles régimentaires. — Les écoles régimentaires
ont pour objet l'instruction générale et technique des sol-
dats de toutes armes. Leur personnel est emprunté aux
cadres du régiment. Leur place dans le système mihtaire
sera définie à l'art. Instruction [Armée]. Elles représentent
l'équivalent de l'école primaire dans l'instruction publique.
Leur organisation est réglée parles décrets du 28 déc. 1883
portant règlement du service intérieur. Toutes disposent de
manuels spéciaux. ^ .
Ecoles régimentaires d'infanterie. — Chaque régiment
ou bataillon formant corps a deux écoles : l'école primaire
de compagnie destinée aux illettrés et obligatoire jusqu'à
ce qu'ils sachent lire, écrire et compter; le cours prépara-
toire fait aux sous-officiers, caporaux et soldats ayant
une instruction primaire suffisante ; ce cours est facultatif.
— Dans chaque compagnie, le capitaine a la direction et
la responsabilité de l'école primaire; le sergent-major est
spécialement chargé de cet enseignement sous la surveil-
lance du chef de peloton. Le colonel détermine le temps
qu'on y peut affecter. Le lieutenant-colonel propose et le
colonel désigne pour le cours préparatoire un capitaine
directeur et des officiers professeurs du grade de lieutenant
ou sous-lieutenant, de manière que chacun n'ait autant que
possible qu'un cours ou deux au plus à faire. Ces officiers
ne sont habituellement exempts d'aucun service. Le capi-
taine directeur et les officiers professeurs composent une
commission d'examen présidée par le lieutenant-colonel.
La surveillance des écoles régimentaires dans un régiment
réuni appartient au lieutenant-colonel qui centralise cette
partie du service. La plus grande utilité des cours prépa-
ratoires est de préparer les sous-officiers à entrer dans
l'Ecole d'élèves-officiers (Saint-Maixent). Le budget d'une
école régimentaire est de i ,000 fr. (dépenses scolaires,
achat de livres, presse autographique, etc.). On rattache
aussi à l'école régimentaire : 1° l'enseignement de la
gymnastique, du tir, de la natation, des travaux de cam-
pagne; tous ces enseignements sont gratuits et obliga-
toires ; 2° les écoles de tambours et de clairons (V. Mu-
sique militaire); 3*^ l'enseignement de l'escrime, les
exercices de boxe, de bâton et canne (1,873 fr. par an).
Ecoles régimentaires de cavalerie. — Les écoles d'un
régiment comprennent l'école du premier degré, l'école du
second degré, le cours préparatoire de l'Ecole de cavalerie,
l'école d'escrime, l'école de natation. — • L'école du pre-
mier degré est l'école primaire obligatoire pour les illettrés ;
l'école du deuxième degré destinée aux brigadiers et élèves-
brigadiers désireux d'entretenir leur instruction est facul-
tative. Elle est faite comme la précédente dans chaque es-
cadron sous la direction du capitaine commandant. -- Le
cours préparatoire est fait pour l'ensemble du régiment
sous la surveillance du lieutenant-colonel et sous la direc-
tion du capitaine instructeur qui a trois officiers pour
adjoints. Il est facultatif et destiné exclusivement aux sous-
officiers qui sont susceptibles de devenir officiers soit dans
l'armée active (Ecole de Saumur), soit dans la réserve. Il
comprend deux divisions, chaque cours ayant la durée
minimum d'une année scolaire ; la 2« division (premier
échelon) apprend l'orthographe, la géographie, l'arithmé-
tique, la géométrie; la 1'^ division (deuxième échelon)
revise les cours précédents et apprend de plus la rédaction,
l'histoire, la topographie. On passe de la deuxième à la
première division après un examen. Chaque division a par
semaine trois séances d'une heure et demie. — L'école
d'escrime est gratuite et obligatoire, dirigée par un officier ;
l'enseignement y est donné par le maître d'escrime et deux
prévôts. — L'école de natation est dirigée dans chaque
escadron par le capitaine commandant.
Ecoles régimentaires d'artillerie et du train des équi-
pages. — Les écoles du régiment comprennent l'école
primaire, le cours secondaire ou préparatoire, l'école
d'escrime et l'école de natation. Le règlement du l^»* sept.
1888 en détermine le fonctionnement. Elles sont organisées
dans chaque bataillon d'artillerie de forteresse, régiment
d'artillerie, escadron du train des équipages ou compagnie
formant corps. L'organisation est analogue à celle des
écoles d'infanterie et de cavalerie; les cours préparatoires
sont destinés aux sous-officiers candidats soit à l'Ecole de
Versailles, soit au grade de garde d'artillerie ou de gardien
de batterie. Les cours secondaires comportent l'enseigne-
ment du français, de l'arithmétique, de l'algèbre, de la
géométrie, de la géographie et du dessin; pour le train
des équipages et les candidats aux grades de garde d'artd-
lerie ou de gardien de batterie, les cours d'algèbre sont
remplacés par des leçons d'histoire.
Ecoles régimentaires du génie. — Une école du génie
est établie dans chacune des garnisons affectées aux régi-
gents du génie pour l'instruction spéciale des soldats, bri-
gadiers, caporaux et des sous-officiers, ainsi que pour celle
des officiers. Le colonel en a la direction supérieure ; sous
ses ordres, elle est administrée par un chef de bataillon de
Fétat-major du génie, avec le titre de commandant de
l'école. Il est secondé par deux capitaines, trois professeurs
civils nommés au concours (lettres, dessin, sciences) et
deux adjoints du génie. On trouvera dans le règlement du
25 juin 1885 des détails complets sur l'instruction théorique
(français, sciences mathématiques et physiques, dessin, for-
tification et art de l'ingénieur, géographie et cosmographie,
histoire de France). Les cours sont obUgatoires pour les
soldats et sous-officiers ; ils ont lieu dans les quatre mois
d'hiver (novembre à février), six fois par semaine.
Aux officiers, on fait un cours de mines et un cours d'at-
taque et de défense des places ; ils rédigent annuellement
un travail topographique, un mémoire et quatre projets qui
sont examinés par le commandant de l'école. L'instruction
spéciale pratique se compose de cinq écoles distinctes con-
cernant la fortification de campagne, la sape, les mines,
les ponts, les chemins de fer. Tous les hommes du régi-
ment les suivent. Outre les exercices relatifs à la nomen-
clature et encaissage des outils, chargement et déchar-
gement des voitures et chevaux de bât, on nomme encore
trois autres écoles : d'artifices, de levers, de télégraphie
optique. L'école pratique d'artifices initie à la confection
d'artifices usuels quelques hommes du régiment ; les chefs
artificiers se forment à l'Ecole centrale de pyrotechnie de
Bourges. L'école de levers est suivie par tous les sous-
officiers et caporaux ayant l'aptitude nécessaire. L'école
pratique de télégraphie optique l'est par les hommes les
plus capables ou déjà instruits (V. Génie).
Ecoles régimentaires de tir (V. Tir).
Ecoles régimentaires de musique, de trompettes, tam-
bours, CLAIRONS (V. Musique militaire).
Ecoles régimentaires de gymnastique, de natation,
d'escrime (V. ci-dessus Ecoles régimentaires d'infan-
terie, de cavalerie, et Instruction [Armée]).
Ecole des travaux de campagne. — L'Ecole des travaux
ECOLE
- 426 —
de campagne pour les officiers des corps de troupe d'infan-
terie est répartie entre les quatre écoles régimentaires du
génie, où elle se fait successivement et alternativement.
Chaque corps envoie donc tous les quatre ans un capi-
taine à l'Ecole des travaux de campagne. Le personnel
enseignant est désigné par le colonel du régiment du génie.
Les cours commencent à la fin de septembre et durent
quatre semaines, y compris quatre jours employés à la fin
du cours à la rédaction d'un mémoire (mise en défense
d'une position).
Ecoles régimexNtaires d'infanterie de marine. — Une
organisation équivalente à celle des troupes de terre a été
appliquée à l'infanterie de marine. Les écoles ou cours du
second degré ont une importance exceptionnelle, puisqu'il
n'y a pas ici d'école de sous-oiTiciers élèves-officiers et qu'ils
en tiennent lieu. On y enseigne la grammaire française
complète, l'arithmétique jusqu'au système métrique, la
géométrie jusqu'à la mesure des surfaces, l'administration
militaire jusqu'à l'administration intérieure des compagnies,
la géographie générale, l'histoire de France, les notions de
fortification, l'étude et la lecture des cartes topographiques.
Les sous-officiers proposés pour le grade de sous-Heutenant
par les inspecteurs généraux suivent dans les ports de
Cherbourg, Brest, Rochefort, Toulon, un cours spécial,
fait par le professeur d'hydrographie du port et portant
sur l'arithmétique, la géométrie, la géographie, la partie
mathématique de la fortification et de la topographie, le
dessin linéaire et topographique dit à vol d'oiseau. En
outre, le capitaine directeur des écoles leur enseigne la
langue française, l'histoire de France jusqu'à nos jours,
l'administration et la législation militaires, la fortification
appliquée, le lever de plans et l'établissement de rapports
militaires, et leur commente l'ordonnance sur le service des
armées en campagne. Ils doivent présenter deux fois par
an un travail topographique (lever et rapport). Enfin, ils
suivent un cours de langue allemande.
Ecole navale. — - Destination. — L'Ecole navale,
établie en rade de Brest et dépendant du ministère de la
marine, est destinée à former des officiers de marine.
Historique. — L'origine de l'Ecole navale actuelle re-
monte au début du xix^ siècle, mais sous l'ancien régime
il existait des institutions analogues. La première idée
remonte au règne de Louis XIV ; en môme temps que les
six compagnies de cadets destinées à former des ofiîciers
pour l'armée de terre, il créa, le 22 juin 1682, trois com-
pagnies de gardes de la marine qui furent stationnées à
Toulon, Rochefort et Brest. Recrutées parmi les jeunes
nobles, elles leur donnaient l'instruction nécessaire pour
devenir officiers de marine. Le 18 nov. 1716, on régularisa
l'institution en réduisant le nombre exagéré des gardes de
la marine ; ils étaient 700 ; on ne conserva dans chaque
compagnie que 80 jeunes nobles. En outre, on créa une
compagnie de gardes du pavillon (au nombre de 80),
recrutée dans les trois précédentes ; les gardes du pavillon
recevaient l'instruction navale en servant près la personne
de l'amiral dans les ports et à la mer et sur les principaux
vaisseaux de guerre. L'uniforme de ces gardes de la marine
et de ces gardes du pavillon était le même : habit bleu,
veste, culotte et bas écarlates; les gardes du pavillon, de
grade supérieur, se distinguaient par un « bordé d'or haut
d'un pouce » aux parements et aux poches. Voici comment
était organisé l'enseignement. Pour l'admission, on cons-
tatait l'instruction, mais sans y attacher d'importance ; on
vérifiait la noblesse des candidats et on accordait la pré-
férence aux fils d'officiers de la marine ou aux jeunes gens
ayant déjà navigué dans la marine ofiicielle. Le roi choi-
sissait. Les gardes-marine dans leurs compagnies i^cevaient
un enseignement très soigné comportant les mathématiques,
l'hydrographie, le dessin, les constructions navales, l'es-
crime et la danse. Ils étaient mis au courant de la ma-
nœuvre et du pilotage par les maîtres canonniers et les
maîtres d'équipage. Leurs études duraient en moyenne
trois années au bout desquelles on leur faisait passer des
examens de capacité. S'ils les soutenaient avec succès, ils
étaient embarqués avec le titre de gardes du pavillon. Ils
faisaient alors les études que font nos aspirants sur le
vaisseau-école d'application ; les officiers les mettaient au
courant, les associaient à leurs travaux ; ils faisaient le
quart avec eux ; les premiers maîtres leur montraient la
manœuvre du navire, le pilotage, le maniement de l'artillerie,
complétant sur ces points l'instruction commencée comme
gardes-marine. Ils naviguaient plusieurs années en qualité
de gardes du pavillon avant d'être promus enseignes de
vaisseau. Il est aisé de se rendre compte que cet enseigne-
ment méthodique donna de bons résultats. On sait quelle
était, sous le règne de Louis XVI, le mérite et la réputation
du corps de la marine française. A côté de ces officiers
nobles, on recrutait, par engagement volontaire, le corps
des officiers bleus qui recevaient une instruction moins
étendue; ils servaient quatre ans et demi comme volontaires
(nobles ou non) dans la marine royale, puis devenaient
aptes à commander les vaisseaux marchands. On leur con-
fiait aussi le service des ports et on les employait dans les
arsenaux.
Le corps des officiers de la marine fut désorganisé au
moment de la Révolution française, principalement par
l'émigration. Pour suppléer à la ruine des méthodes d'ins-
truction des officiers, la Convention décida la création
d'écoles navales à Brest et à Toulon. Ce décret ne fut pas
exécuté. C'est l'Empire qui, en 1810, organisa les écoles
navales de Brest et de Toulon, la première à bord du
Touruille, la seconde à bord du Diiqiiesne. Ces écoles,
qui n'eurent jamais les 300 élèves attribués théorique-
ment à chacune et en réunirent à peine la moitié, qui
durèrent seulement quatre ou cinq années, n'en ont pas
moins donné les meilleurs résultats; de là sortirent nos
meilleurs officiers de marine. La Restauration licencia ces
écoles et, sous le prétexte saugrenu que le duc d'Angou-
lème était grand amiral de France, on institua une école
navale unique à Angoulême. Elle avait le titre de Collège
de la marine et on mit à sa disposition une grande
barque sur la Charente. Au terme de leurs études, les
élèves concouraient pour le grade d'élèves de deuxième
classe et étaient embarqués sur les vaisseaux de l'Etat. En
1827, sur la demande de l'amiral Roussin, l'Ecole navale
de Brest fut rétablie. Ce n'était en théorie qu'une succur-
sale du Collège d'Angoulême, mais elle prit le rôle prépon-
dérant; en 1829, on affecta le navire l'Orion^ dans la rade
de Brest, à l'éducation pratique des futurs ofiîciers. Le Collège
d'Angoulême, réduit au rôle d'école préparatoire, fut sup-
primé quatre années plus tard. Dans cette période de
transition, les élèves entraient à l'Ecole navale de Brest à
la suite d'un examen qui leur conférait le titre d'élève de
deuxième classe; l'instruction était gratuite, la nourri-
ture aux frais de l'Etat qui leur attribuait une solde. Les
études duraient seulement un an ; les élèves sortaient
comme ils étaient entrés, avec le grade d'élèves de deuxième
classe; au bout d'un an, ils passaient élèves de première
classe, puis lieutenants de frégate au fur et à mesure des
vacances. En 1833, tout ce système fut refondu et l'orga-
nisation actuelle remonte à cette époque.
Le séjour et les études à bord du vaisseau-école {VOrion
fut dès 1834 remplacé par le Borda^ et depuis lors on
a toujours gardé ce nom au bâtiment qui servit de vaisseau-
école) durèrent deux années ; le titre d'élève de deuxième
classe ne fut donné qu'à l'expiration de ces études et après
l'examen; les élèves avaient le titre d'aspirant; la gratuité
fut abolie; on exigea une pension de 700 fr. par an, plus
un trousseau de 800 fr. Au sortir du Borda, les aspirants
passaient élèves de deuxième classe; deux ans plus tard,
élèves de première classe. Puis ce titre d'élèves disparut et
il n'y eut que des aspirants de deux classes. — En 1864,
afin de suppléer à Tinsuffisance de l'instruction pratique
donnée sur le Borda, le ministre Chasseloup-Laubat créa
une école d'application qui fut organisée par le capitaine
de vaisseau Dieudonné. Elle fut placée à bord du Jean-
427
Bart. Auparavant, les élèves sortants qui naviguaient
quatre années comme aspirants (deux ans dans chaque
classe) n'avaient pas, pendant les deux années de seconde
classe, autorité sur les officiers mariniers (adjudants et
premiers maîtres). On para à cet inconvénient en rédui-
sant à une année le stage comme aspirant de deuxième
classe et en le faisant faire sur le vaisseau-école d'appli-
cation. Dans cet emploi, le Jean-Bart a été remplacé par
Vïphigénie,
Conditions d'admission. — Nul n'est admis à 1 Ecole
navale que par voie de concours. Le concours a lieu chaque
année à Paris et dans une douzaine de centres d'examen
désignés par le ministre (les principaux ports et Lyon,
Nancy, Toulouse). Voici comment le règlement du 7 oct.
1891 détermine les conditions d'admission. Le nombre des
admissions est fixé d'avance par le ministre ; les élèves
démissionnaires ne sont pas remplacés.
Inscription. Les candidats doivent se faire inscrire du
1^^ au 2o avr., terme de rigueur, à la préfecture du
département où est établi le domicile de leur famille ou
de celui oii ils poursuivent leurs études. Tout candidat,
lors de son inscription, doit justifier : 1« qu'il est Fran-
çais ; 2° qu'il a eu quatorze ans au moins et qu'il n'a pas
accompli sa dix-huitième année avant le 1^^ jahv. de l'année
du concours, c.-à-d., pour le concours de 1892, que ja
date de sa naissance est comprise entre le 1^^ janv. 1874
et le 31 déc. 1877, inclusivement. Les conditions d'âge
sont de rigueur ; il n'est accordé aucune dispense.^ — Les
pièces à produire pour l'inscription sont : 1"" L'acte de
naissance du candidat, dûment légalisé. — 2° Un certi-
ficat du maire de la localité habitée par la famille consta-
tant que le candidat est Français, ou bien qu'il se trouve
dans une des conditions énoncées ci-dessus. — 3" Un
certificat d'un docteur en médecine ou en chirurgie, dû-
ment légalisé, attestant que le candidat a eu la petite
vérole ou qu'il a été vacciné ou inoculé. — 4"" Une décla-
ration écrite indiquant celui ou ceux des centres de com-
position écrite ou d'examen oral choisis par le candidat ou
par sa famille. Ce choix une fois fait, aucun candidat ne
sera autorisé à changer de centre d'examen ou de composi-
tion que pour des motifs graves, avec preuves à l'appui et
par décision du ministre. — 5^ Une déclaration sur papier
timbré par laquelle les parents, père, mère ou tuteur, etc.,
s'engagent à payer au Trésor public, par trimestre et
d'avance, une pension annuelle de 700 fr. Cet engagement
devient nul en tout ou en partie en cas de concession d'une
bourse ou d'une demi-bourse. Les familles ont la faculté
de payer le prix de la pension des élèves à la caisse du
Trésor à Paris, ou, dans les départements, entre les mains
des receveurs des finances qui en délivrent récépissé. —
(r Un second acte sur papier timbré, portant engagement
de payer le trousseau, les hvres et objets nécessaires aux
études. Le prix de ces objets est d'environ 1,000 fr.,
pavables au trésorier de l'Ecole en deux portions exigibles,
savoir : 800 fr. au moment de l'admission de l'élève et le
reste au commencement de la seconde année. Cet engage-
ment devient nul en tout ou en partie en cas de concession
d'un trousseau ou d'un demi-trousseau. — 7° S'il y a
lieu, le diplôme de bacheUer es lettres (première partie),
ou de bachelier es lettres complet, ou le certificat d'apti-
tude au baccalauréat de l'enseignement secondaire clas-
sique (première partie) ; à défaut, un certificat du recteur
d'académie constatant que le candidat est en possession
d'un de ces diplômes. Ces pièces, sauf l'acte de naissance,
le certificat médical et les diplômes, ne sont valables que
pour l'année dont elles portent la date. Les dossiers d'ins-
cription ainsi que l'état prescrit seront envoyés au ministre
le 25 avr., terme de rigueur.
Avant les examens, les candidats sont soumis à une
visite médicale, dont les conditions sont réglées par les
instructions du 4 août 1879 et du 23 mars 1888. La
commission comprend un officier supérieur de marine, pré-
sident ; un lieutenant de vaisseau et deux médecins de
ÉCOLE
marine de 1^® classe au moins. Les candidats sont de plus
soumis aux épreuves optométriques et daltoniques ci-après :
l'épreuve optométrique consiste dans la lecture, à une dis-
tance de 1 m. pour la vision monoculaire, et à une dis-
tance de 2 m. pour la vision binoculaire, dans la propor-
tion de 18 sur 24, des lettres capitales n° 15, noires sur
fond blanc, de l'échelle typographique de Snellen, éclairée
par une bougie placée à 50 centim. de ces lettres. — Re-
lativement au daltonisme, les candidats subissent une
épreuve de nuit avec l'appareil spécial (chromo-optomètre)
et une épreuve de jour avec les éche veaux de laine. Le
président de la commission signale immédiatement au mi-
nistre, par télégramme, les noms des candidats qui, à
cause de la faiblesse de leur constitution physique ou de
l'insuffisance de leurs facultés visuelles, n'ont pas été
admis par la commission. Il indique les motifs de cette
exclusion. Le ministre statue par réponse immédiate pour
que, sans retard, il en soit donné avis aux intéressés. Les
candidats reconnus aptes à servir dans la marine sont
seuls admis à faire les compositions. Ceux d'entre eux qui
renoncent ou ne se présentent pas à l'une des épreuves
sont, par cela seuls, exclus du concours.
Concours. Les épreuves pour l'admission consistent en
compositions et en examens oraux. La commission d'exa-
men comprend un capitaine de vaisseau, président; deux
examinateurs pour les lettres et deux examinateurs pour
les sciences. La composition de dessin est corrigée par un
correcteur spécial. Les compositions ont lieu simultané-
ment dans les divers centres d'examen, les trois premiers
jours du mois de juin (dimanche excepté). Il n'est adressé
aucun avis individuel. Aucun candidat n'est autorisé à
composer à une autre époque qu'à celle qui a été fixée.
Les séances de compositions sont dirigées et surveillées par
des officiers de la marine assistés de premiers maîtres dé-
signés à cet effet (un lieutenant de vaisseau et un premier
maître par vingt candidats). La liste des candidats est
remise le premier jour aux officiers surveillants, par les
préfets maritimes, préfets ou sous-préfets des départements.
Compositions écrites. Pour les compositions, les can-
didats sont appelés dans l'ordre alphabétique et placés
à la distance de 1^50 au minimum les uns des autres.
Le sujet de chaque composition n'est dicté qu'au moment
précis où il doit être traité. Le temps de la dictée n'est
pas compris dans la durée attribuée à chaque composition.
Les candidats devront reproduire en tête de leurs feuilles
de compositions le texte du thème anglais et celui de la
composition française. Ces deux textes ne leur seront
jamais communiqués, mais l'officier relira, à tout candidat
qui lui en fera la demande, telle ou telle partie desdits
textes que ce candidat supposerait avoir incomplètement
ou inexactement reproduite. Il est tenu compte par chacun
des examinateurs du style, de l'orthographe et de l'écriture
dans l'appréciation des compositions. Les candidats ne
peuvent avoir, pendant les séances, aucun document écrit,
aucun livre, etc. ; ils sont tenus de faire le thème anglais
sans l'aide du dictionnaire. Ils doivent se munir de tout
ce qui est nécessaire pour écrire, dessiner (encre, plumes,
crayons, fusain, carton ou planche à dessin, etc.). Pour
le calcul numérique de trigonométrie et pendant cette seule
séance, les candidats pourront faire usage d'une table de
logarithmes sous la condition expresse qu'elle ne contienne
aucune note écrite à la main. Toute infraction au règle-
ment ou toute fraude dans l'une quelconque des épreuves
entraîne l'exclusion du concours. La composition de dessin
consiste dans la reproduction d'un modèle d'après la ronde
bosse. La composition de géométrie et géométrie analytique,
celle d'arithmétique et algèbre durent trois heures et demie;
celle de géométrie cotée et la composition française, deux
heures et demie ; celle du dessin, deux heures ; celles de
calcul trigonométrique et d'anglais, une heure.
Après que ces compositions ont eu lieu, les copies sont
envoyées à Paris sous pli cacheté. Elles sont corrigées,
puis le travail d'admissibifité est préparé à Paris par le
ÉCOLE
- 428 -
bureau de Tétat-major de la flotte. Les examinateurs et le
correcteur se réunissent sous la présidence du capitaine de
vaisseau, président, pour le classement des candidats auto-
risés à subir les épreuves orales. La note donnée par
Texaminateur à une composition est multipliée par le
coefficient indiqué dans le tableau ci-après, ce qui déter-
mine le nombre de points afférents au candidat pour cette
composition. Il est tenu compte aux bacheliers es lettres
des points qui leur sont dus en vertu de dispositions
données plus bas.
En outre, il est attribué aux candidats qui, après avoir
terminé leur thème anglais, le traduiraient ensuite en
allemand, une note spéciale comprise entre 0 et 20, sans
coefficient, et s'ajoutant à la note d'anglais. Ex. : un can-
didat a obtenu la note 45 pour le thème anglais et 12
pour le thème allemand, le nombre des points à lui attri-
buer est (15 X 4) + 12 = 72.
Examens oraux. Les candidats sont classés suivant le
nombre de points que chacun d'eux a obtenus. La commis-
sion fixe, d'après ce classement, le nombre de points au-
dessus duquel les candidats sont autorisés à se présenter
aux examens oraux. Le président en adresse la Hste au
ministre. Les compositions sont conservées au ministère ;
elles ne peuvent être communiquées sous aucun prétexte.
Une liste, par centre d'examen, et dans l'ordre alphabé-
tique pour chaque centre, des candidats autorisés à subir
les épreuves orales, est publiée au Journal officiel. Cette
liste indique, en outre, les dates d'examen dans les diffé-
rents centres. D'après la seule publication de cette liste au
Journal officiel, les candidats doivent se rendre dans
celui des centres où ils ont demandé à être examinés, ou
dans le centre pour lequel ils sont désignés au Journal
officiel. Us s'adressent, dans les ports mihtaires, à la pré-
fecture maritime, et, dans les autres centres, à la préfec-
ture ou à la sous-préfecture du département, où leur sont
indiqués les locaux affectés aux examens. Dans le cas où
le nombre des candidats admissibles et devant subir les
épreuves orales dans un centre d'examen serait insuffisant
pour motiver le déplacement de la commission, le ministre
se réserve le droit de désigner aux candidats le centre où
ils devront se rendre pour être examinés.
Les matières du programme des examens oraux sont
réparties entre les examinateurs de la manière suivante :
1° anglais, histoire et géographie ; 2*^ français et latin ;
3° géométrie, géométrie cotée, géométrie analytique,
physique et chimie ; 4*^ arithmétique, algèbre et trigonomé-
trie. Les examens oraux commencent à Paris le 1^^ juillet
ou le 2, si le 1^^ est un dimanche ; ils ont Ueu ultérieure-
ment dans les villes et suivant un ordre indiqué d'avance.
— L'ordre alphabétique des candidats détermine leur tour
d'examen. Le président fixe dans chaque ville les heures
des séances d'examen (l'appel des candidats pour le pre-
mier examen a toujours heu à sept heures du matin). Il
tient la main à ce qu'aucune interrogation ne puisse avoir
lieu avant sept heures du matin, de midi à une heure de
l'après-midi, ni après six heures du soir. Dans le cours de
chaque séance, le président fait afficher la hste des candi-
dats qui peuvent être interrogés dans la séance suivante.
Ceux d'entre eux qui, sans motif valable, ne se présentent
pas au moment de l'appel sont exclus du concours. Les
candidats ne passent jamais plus de deux examens dans la
même journée. Les examens sont publics. Ils roulent
exclusivement sur les matières du programme. La durée
de chaque interrogation ne dépasse ordinairement pas
une heure. Le candidat appose sa signature sur une liste
spéciale.
L'examinateur attribue aux réponses des candidats un
numéro de mérite compris dans l'échelle de 0 à 20, se
rapportant aux diverses parties sur lesquelles il les a
interrogés ; il inscrit ce numéro sur un bulletin imprimé
portant le nom du candidat. Ce bulletin, signé par l'exa-
minateur, est remis au président. — Après la clôture des
examens dans chaque localité, le président de la commis-
sion adresse au ministre, sous pli cacheté et scellé, les
bulletins individuels, la liste des candidats qui ne se sont
pas présentés et la liste de ceux qui se sont retirés avant
la fin des épreuves. Il prépare le travail d'admission. Le
concours terminé, il adresse au ministre un rapport géné-
ral et l'accompagne des rapports particuliers qui doivent lui
être remis par les examinateurs.
Programme et coefficients. La valeur relative de
chaque épreuve est indiquée par le tableau ci-après.
COEl FICIENTS
Gcmposit
Lettres et dessin : —
Français 6
Latin »
Anglais 4
Histoire »
Géographie »
Dessin : reproduction d'un modèle
d'après la ronde bosse 2
Ti"
Total des lettres. . . .
Sciences :
Arithmétique
Algèbre
Trigonométrie rectiligne. . . .
Géométrie : géométrie cotée. .
Géométrie analytique
Physique et chimie
40
18
28
6
10
5
8
7
6
42
Total des sciences.
60
Total général 100
La production du diplôme de bachelier es lettres (com-
plet ou première partie) ou du certificat d'aptitude au
baccalauréat de l'enseignement secondaire classique (pre-
mière partie des épreuves) donne droit à un avantage de
30 points. La note attribuée à la traduction du thème en
allemand est ajoutée au total des points de la composition
anglaise, sans être multipliée par le coefficient attribué à
cette dernière langue. A l'oral, la connaissance de l'alle-
mand n'est pas prise en considération.
Classement. Le classement des candidats est fait par
un jury spécial composé ainsi qu'il suit : un officier géné-
ral de la marine, président ; le président de la commission
d'examen; un officier supérieur de la marine; les quatre
examinateurs d'admission ; un rédacteur de l'administra-
tion centrale est délégué pour la tenue des écritures. — Le
bureau de l'état-major de la flotte prépare le classement
provisoire. Il met les dossiers à la disposition du jury.
Ces dossiers sont vérifiés et collationnés en séance. Le jury
peut exclure de la liste de classement les candidats qu'une
grande disproportion entre un examen et la composition
correspondante convaincrait de fraude dans l'exécution de
cette dernière. — Le classement est établi d'après le
nombre total de points obtenus par les candidats. Si, dans
ce classement, plusieurs candidats ont le même nombre de
points, le jury donne la préférence à ceux qui ont obtenu
la somme plus élevée, pour : 1° les examens oraux ; 2° la
composition française ; 3*^ la composition anglaise ; 4° les
compositions de mathématiques ; 5° le dessin. — Le pré-
sident du jury adresse au ministre la hste de classement.
Le ministre nomme, dans l'ordre du classement, les élèves
admis à l'Ecole navale.
Pensions, bourses, trousseaux. Le prix de la pension
est de 700 fr. par an, celui du trousseau est de 1,000 fr.
environ pour les deux années. — Les élèves redoublants,
qui font une troisième année, ont à payer une somme sup-
plémentaire, qui est fixée chaque année par le conseil d'ad-
ministration de l'Ecole. — Des bourses, demi-bourses,
trousseaux, demi-trousseaux peuvent être accordés aux
élèves dont les parents sont hors d'état de payer la pen-
— 429
ÉCOLE
sion. — Les familles qui désirent obtenir le dégrèvement
total ou partiel des frais de la pension ou du trousseau doi-
vent faire une demande énonçant qu'elles sollicitent : une
bourse, une demi-bourse ; une bourse avec trousseau ou
demi-trousseau ; une demi-bourse avec trousseau ou demi-
trousseau, ou enfin un trousseau ou un demi-trousseau
seulement. Cette demande, adressée au ministre de la
marine, sur papier libre, doit être remise au moment de
rinscription, c.-à-d. avant la 25 avr., au préfet du dépar-
ment où réside la famille, accompagnée : l"" d'un état de
renseignements détaillés sur les moyens d'existence, le
nombre, l'âge et la situation respective des enfants, et sur
les autres charges des parents ; 2"" d'un relevé du rôle des
contributions. -^ La demande et les documents sont ulté-
rieurement transmis au ministre de la marine par les pré-
fets des départements qui provoquent une délibération du
conseil municipal du lieu de la résidence ordinaire des fa-
milles, la joignent au dossier et font connaître leur avis.
— Les bourses, demi-bourses, trousseaux et demi-trous-
seaux sont accordés par le ministre de la marine sur la
proposition du conseil d'instruction de l'Ecole navale con-
formément à la loi des 26 janv., 3 mai et 5 juin 1850.
— Il peut être accordé en outre, par le ministre, sur la
proposition du même conseil, et en application de la même
loi, une première mise d'équipement (550 fr.) aux élèves
boursiers ou demi-boursiers de l'Ecole navale, à l'occasion
de leur nomination au grade d'aspirant de deuxième classe.
Les demandes de première mise d'équipement adressées
au ministre devront être remises au préfet du département
du domicile de la famille, avant le 25 avr. de l'année de la
sortie de l'Ecole navale. Les formalités à remplir et les
pièces à produire sont les mêmes que celles énoncées ci-
dessus, pour les concessions de bourses et de trousseaux.
Les dossiers des demandes de première mise d'équipe-
ment sont ultérieurement transmis au ministre (lel^*" juil.
au plus tard) par les préfets des départements, qui pro-
voquent une délibération du conseil municipal du lieu de la
résidence ordinaire des familles, la joignent au dossier et
font connaître leur avis. Les pièces produites à l'appui des
demandes de bourses, ainsi qu'à l'appui des demandes de
première mise d'équipement, ne sont valables que pour
l'année dont elles portent la date.
Régime intérieur. — Conditions générales. L'Ecole
navale est soumise au régime militaire. La durée des cours
est de deux ans. Le nombre des élèves est de 60 à 70 par
année ou division . — Les élèves peuvent compter comme
service effectif pour la pension de retraite le temps passé
à Ecole navale à partir de l'âge de seize ans (loi du 18
avr. 1831, art. 5, § 2). Toutefois ils ne sont pas consi-
dérés comme présents sous les drapeaux au point de vue
de l'accomplissement des obligations inscrites dans la loi
du recrutement; par suite, les élèves démissionnaires,
expulsés de l'Ecole par mesure de discipline, ou licenciés
en raison de l'insuffisance de leur instruction lors des
examens de fin d'année, sont assujettis à toutes les obli-
gations de la loi du 15 juil. 1889. — Les élèves de l'Ecole
navale ne sont obligés de contracter d'engagement ni lors
de leur admission, ni pendant le séjour qu'ils font à l'Ecole.
Ceux qui le demandent peuvent toutefois être autorisés
à contracter un engagement dans les équipages de la flotte,
à partir de seize ans, tout en restant à l'Ecole (loi du
22 juil. 1886). — L'officier provenant de cette Ecole, qui
vient à démissionner, est astreint à compléter dans les
diverses catégories de l'armée vingt-cinq années de ser-
vices, ces services étant calculés à partir, soit du jour
où l'intéressé a été commissionné comme aspirant de
2® classe, soit de celui où il a été lié au service comme
jeune soldat, si la commission est postérieure à cette der-
nière date, soit enfin, le cas échéant, à compter du jour
où il a contracté un engagement volontaire. — Les élèves
sortant de l'Ecole navale sont considérés comme liés au
service dans l'armée active, à partir du jour où ils reçoi-
vent leur brevet ou commission d'aspirants de 2*^ classe.
— L'art. 5 de la loi du 20 avr. 1832 classe les aspirants
de 2^ classe dans la hiérarchie de l'armée navale. — Les
art. 76 et 77 du code de justice maritime déclarent expres-
sément que les aspirants de 2« classe sont justiciables des
conseils de guerre. — L'art. 30 de la loi du 15 juil. 1889
vise ces jeunes gens dans le cas où ils viennent à quitter
le service, et détermine les obhgations auxquelles ils de-
meurent astreints.
Chaque année, après la clôture des cours, tous les
élèves sont examinés et classés par une commission que
préside le vice-amiral commandant en chef, préfet mari-
time à Brest. Les élèves reconnus incapables de suivre
l'enseignement de l'Ecole, ainsi que ceux qui ne satisfont
pas aux examens de fin d'année, sont licenciés et rendus
à leur famille, à l'exception toutefois de ceux qui sont
déjà liés au service militaire (V. ci-dessus).
Entrée. L'année scolaire commence le i^^ oct. L'élève
qui arrive après cette époque sans justifier d'un motif
valable est soumis aux peines disciplinaires du bord ; celui
qui n'a pas rejoint dans le délai de quinze jours est consi-
déré comme démissionnaire.
La lettre de nomination tient Heu de feuille de route
pour se rendre à Brest et confère aux élèves de l'Ecole
navale le droit de voyager à prix réduit sur les voies fer-
rées. A cette lettre est annexé un feuillet contenant un cer-
tain nombre de dispositions auxquelles les élèves sont
tenus de se conformer. — L'offre de démission des élèves
de l'Ecole navale doit être accompagnée du consentement
de leur père ou de leur tuteur. — Le 30 sept, ou le
1^^' oct., dans la matinée, les élèves doivent se rendre à
l'Ecole des mécaniciens de la marine (ancien établissement
des pupilles), à Brest, avec leur lettre d'admission ; ils sont
soumis à une contre-visite médicale. Ainsi qu'il a été dit,
le prix de la pension est de 700 fr. par an, payables par
trimestre et d'avance, entre les mains des receveurs des
finances dans les départements ou à la caisse du Trésor,
à Paris (soit, par trimestre, 175 fr.).De plus, chaque élève
admis doit verser à son arrivée, au trésorier de l'Ecole, les
sommes ci-après, savoir : 1^ s'il n'a obtenu ni trousseau
ni demi-trousseau, 800 fr. la première année et 200 fr.
la deuxième année (y compris le prêt); 2° s'il est conces-
sionnaire d'un demi-trousseau, 430 fr. la première année
et 130 fr. la deuxième année (y compris le prêt) ; 3*^ s'il
est titulaire d'un trousseau, 60 fr. la première année et
60 fr. la deuxième année, pour les prêts. Enfin, chaque
élève doit verser par an une somme de 10 fr., destinée à
constituer un fonds commun (dégradations, menues répa-
rations, etc.). Les parents doivent absolument s'abstenir
d'intervenir pour la satisfaction des besoins des élèves ; ce
soin incombe à l'économe de l'Ecole, qui, le cas échéant,
réclamerait des familles l'argent nécessaire. Il est interdit
aux élèves des deux divisions de conserver de l'argent en
dehors du prêt qui leur est payé hebdomadairement. Ils ne
doivent avoir ni montre, ni bijoux, ni valeurs, et ne garder
aucun effet ou objet autre que ceux réglementairement mis
ou laissés à leur usage.
Discipline intérieure. La durée du séjour sur le vais-
seau-école le Borda étant de deux ans, les élèves sont ré-
partis en deux divisions : la première comprend les élèves
qui ont satisfait à l'examen de la première année, et la
seconde les nouveaux admis. Chaque division est partagée
en deux escouades. — Les élèves des deux divisions por-
tent le même uniforme. — L'entretien du trousseau est à
la charge des familles ; les frais de blanchissage sont à
la charge de l'administration. A la suite des classements
trimestriels et de fin d'année, il est accordé, dans chaque
division, des distinctions honorifiques au premier quart de
l'effectif dans l'ordre du classement. Les élèves compris
dans le premier tiers des élèves d'élite sont brigadiers.
Les examens de fin d'année se passent : 1" à l'ancien
établissement des pupilles (astronomie, analyse et méca-
nique, infanterie); 2^ à la pharmacie de la marine (phy-
I sique et chimie); 3° à bord du Borda et de ses annexes
ECOLE
- 430 -
(manœuvre); après la clôture des examens, les élèves de la
première division peuvent rester à bord jusqu'à la fin de
Tannée scolaire ou se rendre dans leurs familles s'ils y
sont autorisés.
Les punitions qui peuvent être infligées aux élèves sont :
la réprimande simple (2 points) ou double (3 points). Le
peloton (3 points + 2 par jour) qui se fait sans armes,
dans la batterie basse, de neuf à dix heures du soir ; la
police (8 points + 3 par jour). Les élèves punis de police
assistent aux cours et aux exercices. Mais le reste du temps
ils sont enfermés dans les prisons du faux-pont sous la sur-
veillance d'un factionnaire. Ils reçoivent la nourriture des
matelots. La prison (48 + 6 par jour) astreint l'élève à
coucher sur un lit de camp et le prive des exercices. Le
cachot (56 points + 40 par jour) prive l'élève puni d'as-
sister aux cours et aux exercices ; on lui retire ses livres
d'études et on le laisse dans l'obscurité. La détention à
V Amiral, vieux ponton servant de prison, est la plus grave
punition avant l'expulsion de l'Ecole.— Les peines graves,
à partir de la prison, entraînent la révocation des insignes
des élèves gradés. Tout élève qui s'est vu infliger pendant
le mois plus de 20 points de punitions est privé de sortie.
Chaque trimestre l'élève est interrogé à deux reprises
difîérentes ; la note de la seconde interrogation a une va-
leur double de celle de la première, et durant le troisième
trimestre elle a une valeur triple. On ne se borne pas à
une interrogation orale; on examine les cahiers des élèves.
Les notes sont données de 0 à 20. On procède à un classe-
ment général le 34 déc, à un autre le 4"^^ avr.; c'est le
conseil d'instruction qui dresse cette liste par ordre de mé-
rite. A la fin de chaque cours tous les élèves doivent satis--
faire à une interrogation générale ; on combine la note qui
en résulte avec celles des interrogations particulières et à
celle de l'examen de fin d'année ; on obtient ainsi la note
générale de classement. Les examens de fin d'année ont
pour résultat le passage de première en seconde année et
pour les élèves de seconde année la nomination au grade
d'aspirant de deuxième classe.
Sortie.— Les élèves de l'Ecole navale retrouvent à leur
sortie le grade d'aspirant de deuxième classe. Ils font
ensuite une campagne à bord de la frégate-école d'appli-
cation après laquelle ils sont nommés aspirants de pre-
mière classe et commencent le service actif (V. Fhégate-
École).
Ecole d'application du génie maritime. —Desti-
nation. — L'Ecole d'application du génie maritime, qui res-
sortit au ministère de la marine, est installée à Paris, 27,
quai de la Tournelle. Elle a pour but de former les ingé-
nieurs chargés de diriger la construction des vaisseaux et
les travaux relatifs à ce service, ainsi que ceux désignés
pour le service forestier de la marine. La loi du 27 juil.
4872, le décret du 25 janv. 4782, l'arrêté du 4^^ mars
4876 en règlent le fonctionnement. Outre les futurs ingé-
nieurs de la marine, anciens polytechniciens auxquels elle
donne une instruction préparatoire, elle fait bénéficier de
cet enseignement un certain nombre d'élèves libres qui à
leur sortie ne se placent pas dans les services pubhcs.
Historique. — A l'origine, les bâtiments de la flotte fran-
çaise étaient construits par des maîtres subordonnés aux
commissaires et à l'intendant préposé à l'arsenal. Dans
chaque port les plans et les devis étaient arrêtés par un
conseil. Enfin un inspecteur visitait de temps à autre les
ports militaires pour veiller à l'exécution des plans arrêtés,
contrôler les travaux et les dépenses et maintenir l'har-
monie entre l'ensemble des efforts. Il devait à l'occasion
compléter l'éducation des charpentiers. Telles sont les
grandes lignes de l'organisation établie par l'ordonnance
de 4689. En 4765, on forma le corps des ingénieurs-
constructeurs; ce titre fut donné aux anciens maîtres
charpentiers, dénommés, en 4747, chefs des ouvrages des
constructions de radoub. L'ordonnance de 4765 stipulait
que des élèves-ingénieurs seraient envoyés des ports à Paris
afin de recevoir une forte instruction mathématique de
nature à leur servir dans leurs travaux de construction.
En outre, on chargea les officiers de marine de surveiller
les constructions navales et les refontes, bien que les ingé-
nieurs-constructeurs eussent toujours pour chef l'intendant.
Une ordonnance du 27 nov. 4776 mit à la tête du service
des constructions navales et préposa aux ingénieurs un
directeur et un sous-directeur choisis parmi les capitaines
de vaisseau. Enfin, en 4786, l'assimilation fut complétée
entre les ingénieurs-constructeurs et les officiers de ma-
rine. Les ports marchands furent chargés de désigner
6 élèves que chaque année on envoya à Paris recevoir
l'instruction dans une école spéciale. Après la Révolution,
un décret en date du 28 sept. 4794 rangeâtes ingénieurs-
constructeurs dans l'administration de la marine avec les
titres de chefs, sous-chefs et aides de travaux de cons-
truction. L'administration civile de la marine ayant été
abolie par décret du 27 sept. 4793, les ingénieurs-cons-
tructeurs reprirent à la fois leur ancien nom et leur auto-
nomie. En 4794, se place l'institution de l'Ecole centrale
des travaux publics, la future Ecole polytechnique. On
décida que le corps des constructeurs de vaisseaux s'y
recruterait. Le directeur de l'Ecole d'application fut Sanê.
Le corps des ingénieurs-constructeurs fut réorganisé par
un arrêté du Consulat, en date du 7 thermidor an VIIl.
C'est alors qu'il reçut le nom de génie maritime qui lui
a été conservé depuis. L'Ecole spéciale d'appHcation qui
avait subsisté à Paris fut transférée à Brest (arrêté du
3 vendémiaire an X). Napoléon P^ en établit une à Anvers
où il avait son grand chantier et arsenal, en vue de lut-
ter contre l'Angleterre. L'Ecole du génie maritime fut con-
servée par la Restauration. Une ordonnance du 28 mars
4830 la transféra à Lorient. Dans cette période elle
eut pour directeur Reech qui donnait seul l'instruction
théorique et se faisait aider par un ingénieur du port pour
l'instruction pratique. Reech, jugeant ce système insuffisant,
obtint queFEcole du génie maritime fût ramenée de Lorient
à Paris (décret du 44 avr. 4854). On l'installa au Dépôt
des cartes et il continua de la diriger pendant tout l'Em-
pire avec le grade de directeur des constructions navales
et l'auxihaire de maîtres éminents. En 4857, l'Ecole fut
logée rue de Lille, n^ 2, dans l'hôtel cédé ultérieurement
à V Ecole des langues orientales (V. ce paragraphe). Un
décret du 8 févr. 4872 l'exila de nouveau hors de Paris,
cette fois à Cherbourg; mais le décret du 29 janv. 4882
l'a ramenée à Paris, où elle est actuellement, quai de la
Tournelle, n^' 27.
Conditions d'admission. — Les élèves du génie maritime
sont choisis, d'après leur classement, parmi les jeunes gens
qui ont fait deux années d'études à l'Ecole polytechnique.
Le nombre en est déterminé chaque année par le ministre
d'après les besoins du service. Dans les six dernières
années le nombre a varié de 40 à 2, la moyenne étant
de 5 (V. le § Ecole polytechnique). — Les jeunes gens,
nationaux ou étrangers, qui justifient auprès du directeur
d'une instruction préalable suffisante, et qui en obtiennent
l'autorisation du ministre, sont admis, à titre d'élèves
libres, à suivre les cours techniques oraux portant sur
les matières suivantes : construction navale, machines à
vapeur, théorie du navire, résistance des matériaux, tech-
nologie, mécanique appliquée, artillerie navale, électricité
apphquée, régulation des compas. Les plans et documents
des archives de l'Ecole d'application ne peuvent être com-
muniqués aux élèves Kbres que sur l'autorisation spéciale
du directeur. Les connaissances exigées des candidat aux
places d'élèves libres et dont le programme détaillé a été
inséré au Bulletiîi officiel de la marine (31 déc. 4884),
pp. 4306 à 4346, comprennent les matières suivantes :
4^ analyse : le calcul différentiel et le calcul intégral;
2° mécanique : la mécanique complète et un certain
nombre d'applications aux machines; 3<> géométrie des-
criptive : l'étude des courbes et surfaces principales, la
perspective, les projections cotées et des éléments de char-
pente ; 4° physique : la chaleur, la thermodynamique.
431
l'électricité et le magnétisme, l'optique; o»^ chimie :
les métalloïdes et les métaux \ 6*^ dessin graphique et
lavis. Toute demande d'admission doit être adressée au
ministre avant le l^"^ sept, de chaque année, et être accom-
pagnée de l'acte de naissance du candidat, ainsi que d'un
certificat de bonnes vie et mœurs délivré par l'autorité
compétente. Les épreuves que doivent subir les candidats
ont lieu chaque année à Paris, à partir du 1°^ oct., devant
le directeur de l'Ecole, assisté des professeurs. Chaque can-
didat est directement avisé par le directeur du jour auquel
il doit se présenter à l'examen. Ces épreuves donnent lieu
à la rédaction d'un procès-verbal de classement par ordre
de mérite des candidats reconnus admissibles. C'est d'après
ce classement que le ministre prononce les admissions,
dans la limite du nombre des places disponibles dans le
local de l'Ecole.
Sont réputés admissibles et dispensés de l'examen préa-
lable : 1» les anciens élèves de l'Ecole polytechnique dé-
clarés admissibles dans un service public et porteurs d'un
certificat de capacité ; 2*^ les candidats étrangers, officiers
ou fonctionnaires qui ont été présentés comme tels par
leurs gouvernements. Le niveau des connaissances exigées
étant très élevé ainsi que celui des études de l'Ecole du
génie maritime, il n'y a que fort peu d'élèves libres en
dehors des anciens polytechniciens sortis dans un rang qui
ne leur a pas permis le choix, et des étrangers officielle-
ment admis.
Régime intérieur. — La durée des études à l'Ecole d'ap-
plication du génie maritime est de deux années. Les cours
commencent au mois de novembre et se terminent au 20
juin. Sur les quatre autres mois, trois sont pris par les
missions qui complètent l'instruction pratique.
Les élèves en titre ne sont pas internes, pas plus que les
élèves fibres. Ilsreçoiventun traitement annuel de i ,800 fr.,
logent en ville et se nourrissent à leurs frais. Ils sont com-
plètement libres au dehors, mais doivent être présents à
l'Ecole pendant la durée des cours, de huit heures et demie
à dix heures et demie du matin et de midi à cinq heures du
soir. Leur assiduité est constatée par des appels. Chaque
absence est notée ; il y a une note mensuelle d'assiduité,
de tenue et de régularité dans le service, dont on tient un
certain compte pour le classement de sortie. Les cours
répartis en deux années conformément au tableau placé
plus loin sont les suivants : constructions navales ; machine
à vapeur; théorie du navire; résistance des matériaux;
technologie ; mécanique appliquée ; artillerie navale ; élec-
tricité apphquée; régulation des compas ; comptabilité;
anglais ; travaux graphiques. On demande aux élèves comme
travaux graphiques : 4^ un plan de navire d'après devis ;
2° un plan de grand bâtiment à vapeur d'après devis,
accompagné du tracé des lignes d'eau hors bordages et de
tous les calculs de déplacement et de stabilité ; 3° un plan
de navire à vapeur avec les principaux détails de la char-
pente et des installations, et accompagné d'un plan de
voilure conforme aux règlements en vigueur ; 4^ tracé de
tous les détails d'une machine marine d'après les dessins
fournis aux élèves ; exécution des dessins d'ensemble de
cette machine, d'après des dessins de détail. — On demande
également de dresser des projets de navires et de machines
à vapeur, à savoir : 1° tracé d'un plan de navire d'après
des données suffisantes pour établir l'exposant de charge ;
2^ projet d'une machine à vapeur appropriée à un navire
déterminé. Chacun de ces deux projets doit être accom-
pagné d'un mémoire justificatif.
Enfin pendant la période des vacances ils doivent éla-
borer un travail de mission, portant sur l'étude des travaux
de construction et des ateliers qui se rencontrent dans les
arsenaux et établissements de la marine. — La seconde
mission comprend un séjour à Indret, Elle est plus spécia-
lement affectée à l'étude des machines à vapeur et des
ateliers à métaux.
Elèves libres. Les élèves libres sont admis à participer
aux travaux intérieurs de l'Ecole, mais seulement dans des
— ECOLE
salles affectées spécialement à leur usage et en nombre
Kmité par les places disponibles. En été, ils peuvent être
autorisés à se rendre, à leurs frais, dans un des ports mili-
taires , pour y suivre les travaux des chantiers et ateliers,
mais ils n'y sont placés sous les ordres d'aucun ingénieur.
La durée des missions est d'environ trois mois, du 20 juin
au 19 sept, ce qui réduit à un mois la durée des vacances
complètes. Ces missions sont dirigées vers les établissements
du ministère de la marine.
Voici comment sont organisées les études. Les professeurs
ne se bornent pas à un cours ; ils interrogent fréquemment
leurs élèves avant le début de la leçon sur les matières
enseignées dans les leçons précédentes. De plus, chaque cours
donne lieu à plusieurs interrogations générales. Celles-ci
aboutissent à des notes de 0 à 20, lesquelles sont affichées
dans la salle des cours à la fin de chaque semaine. La
moyenne de ces notes est un élément du classement. Durant
la première mission d'été, les élèves se rendent dans les
ports et les arsenaux maritimes où ils se mettent au cou-
rant des travaux des chantiers et des ateliers, des essais
de bâtiments et autres expériences, de la régulation des
compas, etc. Ils doivent rentrer à l'Ecole dans la première
quinzaine d'octobre pour se préparer avant la réouverture
des cours aux examens de passage en seconde année.
Après la deuxième mission et les vacances, les élèves
rentrent à l'Ecole pour faire leur projet de machine et
préparer les examens de sortie qui commencent le 1^^ déc.
Pour les missions, ce sont le directeur des constructions
navales à Cherbourg et le directeur de l'établissement
d'Indret qui indiquent le service auquel seront attachés les
élèves placés sous les ordres des ingénieurs chargés de
travaux en cours d'exécution. On surveille l'assiduité des
élèves et on leur assure toutes les facilités pour leurs
études et travaux. D'ailleurs, avant leur départ, ils reçoi-
vent du directeur de l'Ecole d'application une instruction
détaillée pour les guider dans leurs études. Ils rédigent
un journal avec croquis et plans relatifs aux travaux qu'ils
ont suivis hors de l'Ecole. Ce journal et ses plans sont
visés par l'ingénieur sous les ordres duquel on a placé
l'élève et par le directeur de l'établissement. Rentrés à
Paris, les élèves achèvent leur travail. Il est alors examiné
et reçoit une note, en tenant compte de la rédaction au
point de vue grammatical et littéraire. Pendant la durée de
leur^ emploi ou mission en dehors de l'Ecole , les élèves
reçoivent pour frais de bureau les mêmes allocations que les
officiers du génie maritime.
Sortie. — Examen, Après avoir terminé les études, les
élèves subissent un examen public sur les diverses parties
de l'instruction qu'ils ont reçue. La commission qui procède
à ces examens est présidée par un vice-amiral et composée
de l'inspecteur général du génie maritime, du directeur de
l'Ecole, d'un ingénieur de première classe et d'un capitaine
de vaisseau. Les élèves sont classés d'après le résultat de
ces examens combiné avec les notes de l'Ecole. L'échelle
de notation comprend les nombres de 0 à 20 multipliés par
les coefficients suivants :
Première année.
Cours de construction du navire 10
— de théorie du navire 9
— d'artillerie navale , . 5
— de régulation des compas , . . . 5
— de technologie (l""® et 2^ parties). . . . , 3
— d'anglais , . 3
Travaux graphiques 3
Projet de navire 4
Travaux de mission 5
Assiduité, tenue et régularité dans le service . . 1,5
Deuxième ajinée.
Cours de technologie (3® et ¥ parties) 5
— de machines à vapeur 10
— de résistance des matériaux. ...... 8
— de comptabilité. 4
ÉCOLE — 4^^^
Cours d'anglais • ^
Travaux graphiques j
Projet de machine ^
Travaux de mission • • • ^
Assiduité, tenue et régularité dans le service. . 4,5
On remarquera que les travaux graphiques et les travaux
démission n'ont qu'une importance très secondaire au point
de vue du coefficient. Les connaissances théoriques relatives
à l'art de l'ingénieur, qui sont le plus haut cotées, donnent
lieu à deux examens suivant un mode de répartition que le
directeur de l'Ecole soumet chaque année au jury. Les deux
examens sont séparés par un intervalle de dix jours, pen-
dant lesquels ont lieu les épreuves sur la langue anglaise
et l'examen des travaux graphiques, dessins pittoresques,
projets, journaux de mission. L'élève qui n'a obtenu qu'un
nombre total inférieur à la moitié du maximum n'est pas
classé. Toutefois, il peut obtenir l'autorisation de faire une
troisième année. Les élèves classés sont nommés sous-ingé-
nieurs de troisième classe aux appointements de 2,500 fr.
Ils suivent la carrière du génie maritime (V. ce mot).
Elèves libres. Un diplôme est délivré à tout élève libre
ayant obtenu une somme totale de points égale au moins
à 1,240, sur un maximum de 1,900. — Un certificat
d'études est délivré à tout élève libre ayant obtenu une
somme de points inférieure à 1,240, mais égale au moins
à 990, sur un maximum de 1,900. — La loi militaire
du 15 juil. 1889 accorde aux élèves libres de l'Ecole du
génie maritime la dispense conditionnelle de deux ans de
service actif, à la condition qu'ils obtiennent le diplôme
avant l'âge de vingt-six ans. Les élèves hbres trouvent
facilement à s'employer dans l'industrie privée, soit en
France soit à l'étranger ; ils y retrouvent comme concur-
rents les officiers du génie maritime qui ont obtenu l'au-
torisation de servir dans l'industrie. Parmi les étrangers,
leplus grand nombre ont été Espagnols ou Italiens.
Ecole d'administration de la marine à Brest.
— Destination. — L'Ecole d'administration de la marine,
fondée à Brest, a pour objet de former des élèves pour le
commissariat de la marine.
Conditions d'admission. — L'admission a lieu par voie
de concours annuel. Les candidats doivent être âgés de
moins de vingt-trois ans et pourvus du diplôme de licencié
en droit.
Régime intérieur. — La durée des cours est de
trois ans. Dès leur admission, les élèves reçoivent le titre
d'élèves-commissaires, avec un traitement de 1,818 fr. par
an. Les élèves stagiaires réguUèrement admis à l'Ecole sont
admis au bénéfice de la dispense du service militaire
prévue par Fart. 23 de la loi du 15 juil. 1889, sur la
production d'un certificat de présence à l'Ecole, délivré par
le commissaire général du port de Brest et visé par le
ministre de la marine. . .
Les élèves dispensés du service sont tenus de justifier
annuellement, du 15 sept, au 15 oct., au commandant de
recrutement de la subdivision dans laquelle ils ont pris
part au tirage, qu'ils continuent à être toujours en cours
d'études, en produisant le certificat délivré par le com-
missaire général du port de Brest et visé par le ministre
de la marine. Quant à ceux qui, à leur sortie de l'Ecole,
ne sont pas nommés élèves-commissaires ou aides-com-
missaires, ils sont tenus d'accomplir dans l'armée active
les deux années de service dont ils avaient été dispensés.
Ils suivent ensuite le sort de leur classe.
Sortie. — Les élèves sont admis à concourir pour le
grade d'aide-commissaire après deux années de stage. Ceux
qui, après deux concours, ne sont pas reçus pour le grade
d'aide-commissaire sont rayés des cadres.
Ecoles élémentaires des équipages de la flotte.
— Les écoles élémentaires des équipages de la flotte sont
destinées à donner les éléments d'instruction générale aux
marins de l'Etat. Elles correspondent donc aux écoles
régimentaires. Créées par un décret de la Convention
(16 pluviôse an II), elles ont été réorganisées par arrêté
du 25 mai 1870. L'école du premier degré, obligatoire
pour les illettrés, leur enseigne la lecture, l'écriture et
le calcul (les quatre règles). L'école du second degré,
obligatoire pour les mousses et novices, facultative pour
les apprentis marins et quartiers-maîtres, leur enseigne un
peu d'histoire, de grammaire, de géographie et d'arithmé-
tique. L'école a lieu tous les jours à terre, trois fois par
semaine à bord, chaque leçon durant deux heures. Elle est
faite par un instituteur pourvu d'un brevet de capacité ou
par un sergent-major pourvu du brevet d'instituteur élé-
mentaire de la flotte. On se prépare à ces fonctions en
suivant le cours normal établi à Rochefort.
Ecoles des mécaniciens des équipages de la
flotte. — Destination. — Il a été institué dans nos
principaux ports de guerre des écoles destinées à former
pour la flotte française des mécaniciens, dont le rôle et
l'importance augmentent sans cesse dans la marine mo-
derne. Il existe des écoles de mécaniciens à Brest et à
Toulon, nos plus grands ports, des écoles d'apprentis
mécaniciens dans les cinq préfectures maritimes (Cher-
bourg, Brest, Lorient, Rochefort, Toulon). Nous n'avons
à donner de détails que pour les premières : les conditions
d'admission sont les mêmes pour les autres, le minimum
d'âge étant fixé à seize ans et la durée des cours de deux
années.
Enfin, un cours préparatoire à l'emploi d'élève-méca-
nicien est institué auprès de chacune des deux grandes
écoles. L'admission a lieu au concours qui est ouvert
chaque année le 'l 5 oct., ou le 16, si le 15 est un dimanche
ou jour férié. Les candidats doivent être âgés de seize ans
au moins et de dix-huit ans au plus au 1^"^ janv. qui suit
la date de l'ouverture du concours. L'inscription doit être
faite, du 1^"* sept, au 1^^ oct., à la majorité générale du
port militaire le plus voisin, par la production des pièces
indiquées pour l'admission à ces écoles.
Conditions d'admission. — L'admission a lieu par voie
de concours. Les candidats devront être âgés de dix-sept ans
au moins et de vingt-quatre ans au plus le i^^ oct. de l'année
du concours, qui a lieu, dans le courant de juin de chaque
année, dans les villes de Brest, Bordeaux, Epinal, Gre-
noble, Le Havre, Nancy, Nantes, Saumur et Toulon.
Les demandes d'admission seront adressées directement
au ministère de la marine ou par l'intermédiaire du préfet
du département de la résidence du candidat, dans le cou-
rant d'avril, et accompagnées : de l'acte de naissance ; d'un
certificat de bonnes vie et mœurs du maire du Heu de la
résidence de la famille, attestant que le candidat est
Français ; de l'extrait du casier judiciaire ; d'un certificat
d'aptitude au service militaire dans les équipages de la
flotte (taille de 1^54 au moins) ; d'un certificat du patron
chez lequel le candidat exerce sa profession. Ces pièces
devront être dûment légalisées.
Sont admis de préférence au concours les élèves des
écoles professionnelles, ajusteurs, chaudronniers, forge-
rons, serruriers, etc. Le concours comprend des épreuves
écrites et des épreuves annuelles. Les épreuves écrites sont
une analyse logique, des questions d'histoire et de géogra-
phie, d'arithmétique, d'algèbre, de géométrie, de dessin
linéaire, de mécanique. Les épreuves manuelles consistent
dans l'exécution de certains travaux ou ouvrages ressor-
tissant à la profession que le candidat exerce et pour
laquelle il se destine plus spécialement. Les candidats
admis sont tenus de contracter un engagement volontaire
de cinq ans dans les équipages de la flotte. La durée
des études est de deux années, au terme desquelles les
élèves sont affectés au service des équipages de la flotte
en qualité de mécaniciens.
Ecoles flottantes. — Destination. — Les écoles
flottantes ont été organisées afin de former des apprentis
marins pour les fonctions spéciales de gabiers, canonniers,
pilotes, etc.
Organisation. — La première a été installée à bord du
vaisseau-école la Bretagne, en rade de Brest. Elle donne
— 433
ECOLE
aux apprentis marins une instruction générale et l'habitude
de la discipline ; ils se familiarisent avec la vie à bord et
la manœuvre d'un navire. La durée de la période d'in-
struction générale est de six mois. Elle est donnée à 350
gabiers, 280 canonniers, 180 timoniers, 60 torpilleurs.
Au bout de ce temps, ceux des apprentis qui sont jugés
capables sont versés dans les écoles spéciales des gabiers,
des pilotes, des canonniers, des torpilleurs.
Ecole des gabiers. L'Ecole des gabiers est installée à
bord de la frégate la Résolue, sur laquelle on embarque
les apprentis gabiers pour une croisière de quatre mois
et demi, au terme de laquelle ils passent un examen et
sont brevetés gabiers de première ou deuxième classe
(V. Gabier).
Ecole des pilotes. Les apprentis pilotes ou timoniers se
perfectionnent à bord de VElan, dans l'Ecole des pilotes,
puis font une sorte de stage sur l'escadre d'évolution avant
d'être brevetés timoniers de première ou de deuxième
classe (V. Timonier).
Ecole des canonniers. L'Ecole des canonniers est étabie
en rade de Toulon sur la Couronne et quelques bâtiments
annexes. La durée des services y est de huit mois divisés
en deux périodes de quatre mois. Chaque année, trois promo-
tions s'y succèdent. Chacune comprend environ 300 appren-
tis. On y adjoint une centaine de candidats au brevet de
canonniers vétérans. On exige des candidats canonniers
une taille de 1°^60, une vue excellente, l'âge de dix-sept
ans au moins, trente ans au plus. Ceux qui satisfont à
l'examen de sortie sont canonniers brevetés. Au bout de
quatre années, ils viennent faire un stage de quatre mois
pour passer canonniers vétérans. L'Ecole reçoit encore
des lieutenants et enseignes de vaisseau qui doivent y
passer, ainsi que dans celles des défenses sous-marines et
de pyrotechnie.
Ecole des torpilleurs (V. le § Ecole des défenses sous-
marines et Torpille).
Ecole des défenses sous-marines.— L'Ecole des
défenses sous-marines destinée à l'instruction des officiers
de tout grade et des mécaniciens qui veulent acquérir
les connaissances spéciales des torpilleurs, a été maintes
fois modifiée dans les dernières années, comme tout le
système des défenses sous-marines. Nous renverrons donc
aux art. Torpille et Torpilleur, en nous bornant à
signaler l'Ecole des défenses sous-marines de Boyardville
fermée en 1886, l'organisation équivalente créée à Toulon
et le bâtiment-école des torpilles automobiles le Japon (en
rade d'Hyères).
Ecole des fusiliers marins. —L'Ecole des fusiliers
marins est organisée à Lo rient sous forme de bataillon
d'instruction. Elle forme des hommes pour les compagnies
de débarquement des navires. Ils se recrutent parmi les
conscrits âgés de dix-huit ans. Préparés dans le dépôt d'ins-
truction, ils entrent au bout de quatre mois dans le ba-
taillon d'instruction où ils passent cinq mois comme
apprentis -fusiliers. Au bout de ce temps, on leur fait
subir un examen après lequel ils sont promus matelots-
fusiliers de seconde classe. Ils naviguent six mois avant
de pouvoir passer à la première classe. — L'Ecole de Lo-
rient forme aussi des officiers mariniers et des quartiers-
maîtres au rôle d'instructeurs de la mousqueterie et leur
délivre un brevet spécial.
Ecole centrale de pyrotechnie maritime de
Toulon. — Il a été créé à Toulon une école centrale de
pyrotechnie maritime, par ordonnance royale du 18 déc.
1840. Cette école a été réorganisée récemment par le décr.
du 21 avr. 1891 ; elle reçoit annuellement du régiment
d'artillerie de marine (portion centrale et portion secon-
daire) : 1° deux groupes d'élèves candidats sous-chefs arti-
ficiers, choisis parmi les brigadiers ou candidats à ce
grade, et les maréchaux des logis ayant une aptitude par-
ticulière pour le service des artifices ; 2*^ un groupe de
canonniers, à raison de quatre par batterie du régiment
présent en France, en qualité d'élèves-artificiers qui sont
grande encyclopédie. — XV.
destinés uniquement au recrutement de la compagnie
d'artificiers ; ils doivent être passés à la première classe
d'instruction. Le nombre des élèves des deux catégories
est déterminé annuellement par le ministre de la marine,
d'après les besoins du service.
Les cours spéciaux faits aux candidats sous-chefs et
chefs artificiers, et aux élèves-artificiers d'autre part, ont
une durée de : pour les premiers, six mois ; pour les
seconds, quatre mois. Ces cours sont fixés aux l®*" janv.
et l®*" juil. de chaque année.
Ecoles d'hydrographie. — Destination. — Les
écoles d'hydrographie sont des établissements d'enseigne-
ment professionnel ressortissant au ministère de la ma-
rine ; elles ont pour but de faciliter aux marins l'étude
des connaissances scientifiques nécessaires pour l'obtention
des brevets de capitaine au long cours et de maître au
cabotage. Il s'en trouve dans les principales villes mari-
times suivantes : Agde, Bastia, Bordeaux, Brest, Dun-
kerque, Granville, Le Havre, Marseille, Nantes, Paimpol,
Saint-Malo. Il y a, en outre, des écoles d'hydrographie
provisoires à Saint-Brieuc , Lorient, Rochefort, Saint-
Tropez et Toulon, et une école libre à Saint-Nazaire. Elles
sont régies par les décrets du 2 oct. 1880, du 21 avr. 1882
et du 10 déc. 1885.
Conditions d'admission. — Pour être admis à suivre
les cours d'une école d'hydrographie, il faut être âgé de
treize ans au moins, savoir lire et écrire, connaître les
quatre premières règles de l'arithmétique, produire un
certificat constatant qu'on a eu la petite vérole ou qu'on
a été vacciné, enfin être porté sur les registres de l'ins-
cription maritime.
Régime intérieur. — L'enseignement est gratuit. Le
régime des écoles d'hydrographie est l'externat. L'ouver-
ture des cours se fait deux mois après la clôture des
examens, qui ont lieu à des époques variant selon les
écoles. La durée des cours est d'une année; mais les
marins peuvent les suivre pendant plusieurs années.
Il y a deux sortes d'examens pour les brevets de capi-
taine au long cours et de maître au cabotage : un examen
pratique et un examen de théorie. Les candidats qui
échouent à l'examen pratique ne sont pas admis à l'examen
de théorie. Pour être admis à subir les examens, il faut être
Français ou naturalisé Français, être âgé de vingt-quatre ans
accomplis avant le 1^^ juil. de l'année de l'examen, et
justifier de soixante mois de navigation effective, accom-
plis, depuis l'âge de seize ans, sous pavillon français. Sur
ces soixante mois, les candidats au brevet de capitaine au
long cours doivent justifier de trente mois au moins de
navigation soit à bord d'un bâtiment de l'Etat ayant fait
campagne, soit à bord d'un navire de commerce armé au
long cours ou au cabotage.
Pour être admis à l'examen pratique, les candidats
doivent produire : 1° leur acte de naissance, ou, pour les
candidats d'origine étrangère, la justification de leur natu-
ralisation ; 2^ l'état de leurs services ; 3» une attestation
de bonne conduite, délivrée par le maire du lieu de leur
domicile et visée par le commissaire de l'inscription mari-
time ; ¥ les certificats des capitaines des bâtiments à bord
desquels ils ont navigué, avec visa des commissaires de
l'inscription maritime.
L'examen pratique pour le brevet de capitaine au long
cours porte sur le gréement, la manœuvre des bâtiments à
voiles et à vapeur et des embarcations, le canonnage et
l'usage des armes portatives; l'éclairage des bâtiments
et les règles internationales pour' prévenir les abordages,
l'usage des engins de sauvetage. Les candidats déclarés
admissibles à l'examen pratique reçoivent un certificat
d'aptitude pratique, qui leur permet de se présenter pen-
dant trois années, à partir de la date dudit certificat, à
l'examen de théorie, lequel se compose d'épreuves écrites
et d'épreuves orales. Les épreuves écrites comprennent
une composition française, permettant, en cas d'incapacité,
d'exclure le candidat des autres épreuves, deux séries de
28
ÉCOLE
- 434 -
calculs conformes aux types adoptes et une série de
questions portant sur les connaissances exigées. Les
épreuves orales comprennent : les éléments d arithmétique
et les notions élémentaires d'algèbre, la géométrie élé-
mentaire, la trigonométrie rectiligne et la trigonométrie
sphérique, des notions élémentaires d astronomie, la na-
vigation et l'usage des instruments nautiques, des notions
éle^mentaires sur les machines à vapeur et leur appbcation
à la navigation. ,
L'examen pratique pour le brevet de maître au cabo-
tage porte sur le gréement, la manœuvre des bâtiments a
voiles et à vapeur et des embarcations, les sondes, la
connaissance des fonds, le gisement des terres et ecueils,
les courants et les marées dans les limites assignées au
cabotaee et plus particulièrement en ce qui concerne es
côtes de France, l'éclairage des bâtiments et les règles
internationales pour prévenir les abordages, 1 usage des
ensins de sauvetage. Les candidats déclares admissibles a
l'elamen pratique reçoivent un certificat d aptitude pra-
tique, qui leur permet de se présenter pendant trois
années, à partir de la date dudit certificat, à 1 examen de
théorie, lequel se compose d'épreuves écrites et d épreuves
orales. Les épreuves écrites comprennent une dictée et
deux séries de calculs conformes aux types adoptes. Les
épreuves orales portent sur les éléments d arithmétique
pratique, des notions élémentaires de géométrie, des élé-
ments de navigation pratique, des notions élémentaires sur
l'emploi des machines à vapeur. r j .
Elèves-hydrographes. Il ne faut pas confondre ces
écoles d'hydrographie avec ce qu'on appelle parfois l Lcoie
d'hydrographie de Paris. On sait que le corps des mge-
nieurs hydrographes se recrute à l'Ecole polytechnique. On
ne peut parler d'école puisque c'est à peine si on demande
un élève tous les trois ans. - Les élèves-hydrographes
font leur stage et reçoivent Tinstruction technique au Depot
des cartes de la marine, où se trouve réum presque tout
le corps. Au bout de deux années d'études, ils sont nommes
sous-inffénieurs de troisième classe. En quahte d élevés,
ils reçoivent une solde de 4,800 fr.; celle des sous-mge-
nieurs est de 2,539 fr. à terre, 3,031 en mer.
Ecoles des mousses. — Destination. — H a ete
créé des écoles des mousses pour former de futurs marms.
La principale est à Brest ; on peut citer encore celles de
Cette et de Marseille. . , , - , a*..
Conditions d'admission. — Les enfants doivent être
âsés de quatorze ans au moins et de qumze ans au plus.
Les fils de marins, de militaires ou d'ouvriers marins et
militaires sont admis de préférence aux autres candidats.
Le dossier est transmis au ministre de la marine pour
l'école de Brest et au préfet de Marseille ou de Montpel-
lier pour les deux autres écoles ; accompagne : acte de
naissance de l'enfant; certificat de bonnes vie et mœurs
d(4ivré par l'autorité municipale de la résidence de la
famille et contenant l'indication qu' « il a été délivre pour
s-rvir à l'admission de l'école des mousses » ; consente-
ment des père, mère ou tuteur; certificat du directeur de
FétabUssement ou de l'école dans laquelle 1 enfant fait son
éducation, relatant le degré d'instruction ; états des ser-
vices du père ; certificat d'aptitude délivre par un mé-
decin de la marine, ou à défaut par un médecm civil,
dûment légalisé. , , , iv . *• j.,.r.A.
Régime intérieur. — La durée de Fmstruction donnée
dans les écoles de mousses est d'environ deux années.
Dans celle de Brest, on a formé une division composée de
deux sections de mousses mécaniciens, lesquels doivent
suivre pendant deux ans le cours des apprentis quartiers-
maîtres. Leur nombre est fixé annuellement par le mi-
nistre ; ils sont désignés parmi les élèves présents a
l'école, reconnus capables et âgés de seize ans et demi au
^ ^Sortie. — Quand les élèves ont atteint leur seizième
année, ils peuvent contracter un engagement volontaire
dans les équipages de la flotte ou demander leur inscrip-
tion au rôle de l'inscription maritime s'ils sont dans des
conditions requises.
Ecole du service de santé militaire de Lyon. —
Destination. — L'Ecole du service de santé militaire,
établie près la Faculté de médecine de Lyon, a été créée par
la loi du 14 déc. 1888 ; elle a pour objet : 1° d assurer le
recrutement des médecins de l'armée active ; 2° de seconder
les études universitaires des élèves de l'Ecole du service de
santé militaire ; 3« de leur donner Féducation militaire
jusqu'à leur passage à l'Ecole d'application de médecine et
de pharmacie militaires (Val-de-Grâce).
Historique. — Bien que l'Ecole de Lyon date d hier,
les besoins auxquels elle correspond sont trop anciens pour
qu'un enseignement analogue n'ait pas été organise de
loneue date. En 1747, on l'institua dans les prmcipaux
hôpitaux militaires où furent enseignées la médecine, 1 ana-
tomie, la médecine opératoire, l'ostéologie, 1 art des pan-
sements et bandages. L'ordonnance de 1772 prévoit que
dans l'hôpital principal de chaque province, on établira
une école d'instruction. Les ordonnances des i dec. 17 /o,
26 févr 1777 et 2 mai 1781 réalisent ce plan qui tut
appliqué à Strasbourg, Metz, Lille, Toulon et Brest. L en-
seisnement théorique portait sur la médecine, la chirurgie,
l'anatomie, la pharmacie, la chimie, la botanique. L ensei-
gnement clinique fonctionna dans ces écoles et hôpitaux
militaires avant d'être porté dans les facultés de medecme.
Les écoles du service de la santé étaient donc très impor-
tants sous le règne de Louis XYI. La durée des études
était au minimum' de trois ans, au maximum de six^ ans.
Outre de nombreux examens de détail, on procédait chaque
année, au mois de mai, à un examen général. Toutes les
places du service étaient réservées aux élèves qui avaient
passé par l'amphithéâtre et satisfait aux examens. Four les
chirurgiens, l'enseignement commencé à l'école était con-
tinué dans les hôpitaux militaires par les officiers de santé
placés à la tête. . , , , j ^a
Pendant la Révolution française, les écoles de santé
militaires furent un moment fermées, mais peu de temps.
Les écoles de chirurgie militaires avaient subsiste. La
Convention par une loi du 14 frimaire an III (23 nov. 1794)
fonda des écoles de santé à Paris, Montpellier et Stras-
bourg dans le but de former des officiers de santé pour le
service des hôpitaux militaires, marins et autres. On attecta
à ces écoles les locaux des anciennes écoles de médecine
et de chirurgie de Strasbourg et Montpelher, à Pans ceux
de l'Académie de chirurgie (notre Ecole de medecme
actuelle) et du couvent des Cordeliers (aujourd hui clinique
et école pratique). Les besoins se développant, pour y taire
face, on créa des cours d'instruction médicale dans les
hôpitaux de Lille, Metz, Strasbourg, Toulon, et a Fans
au Val-de-Grâce. C'est en l'an V que ces cours se firent
régulièrement; ceux de l'hôpital de Toulon furent bientôt
affectés au département de la marine. Une tentative (arrête
du 4 thermidor an VIII) pour en créer à Rennes n eut pas
de succès. Les cours portaient sur les matières suivantes :
10 physique de l'homme en état de santé (anatomie, phy-
sioloffie, hvgiène) ; 2^ physique de Fhomme malade (pa-
thologie, histoire des malades, thérapeutique, medecme
opératoire) ; 3« histoire naturelle des médicaments ;
4« physique médicale. En outre, on donnait des cours et
exercices pratiques relatifs à la clinique chirurgicale, a
la clinique médicale, à la préparation et à 1 emploi^ des
médicaments. On y ajoutait des leçons sur les règles
d'après lesquelles doit être organisé le service de santé
dans les hôpitaux militaires et à l'armée. Au bout de
quelques années, ces écoles dépérirent, le recrutement ne
suffisant pas aux besoins d'une guerre presque mmter-
rompue. Le vide s'y fit et l'arrêté du 9 frimaire an Xll
les supprima. , ^
Après la chute de l'Empire, on se préoccupa de reorga-
' niser l'enseignement médical du service de santé mdi|aire.
On y aff'ecta les quatre hôpitaux militaires du Val-de-
Grâce (Paris), de Lille, Metz et Strasbourg. L enseigne-
— 435
ÉCOLE
ment fut à peu près le même que celui que nous avons
indiqué, le règlement du 17 avr. 1816 s'étant inspiré de
celui du 5 vendémiaire an V. Il fut modifié par celui du
1^^ avr. 1831. La durée des études était de trois années ;
les élèves n'auraient pas dû rester à l'hôpital d'instruction
plus que ce temps, à moins d'y avoir obtenu de l'avance-
ment. En fait, on les y laissait cinq et même sept années.
L'ordonnance du 12 août 1836 marque un progrès notable.
On subdivise l'enseignement en deux parties : enseigne-
ment général ou préparatoire donné dans les écoles du
second degré ou écoles élémentaires ; enseignement tech-
nique ou spécial donné dans l'école du premier degré. Les
écoles du second degré furent les hôpitaux militaires
d'instruction de Strasbourg, Metz et Lille ; l'école du pre-
mier degré fut l'hôpital de perfectionnement du Val-de-Grâce.
Le décret du 26 avr. 1864 simplifia ce système en rédui-
sant à une seule le nombre des écoles préparatoires. Celles
de Lille et de Metz furent supprimées et l'enseignement
préparatoire de la médecine mihtaire se donna à Strasbourg.
La durée normale des études à l'Ecole de Strasbourg était
de quatre années pour les élèves-médecins, de trois années
pour les élèves-pharmaciens. Au bout de ce temps, ils
venaient passer une année à l'Ecole d'application du Val-
de-Grâce, d'où ils sortaient comme stagiaires avec le grade
d'aide-major de deuxième classe. Les catas-trophesde 1870
déterminèrent l'abandon de ce système, auquel on esta peu
près revenu en 1888. La perte de l'Alsace eut pour consé-
quence la suppression de l'Ecole de Strasbourg prononcée
par le décret du 5 oct. 1872.
On tenta d'assurer le recrutement des médecins et phar-
maciens militaires par une autre méthode en ne conservant
qu'une école d'application. Ce régime fut complètement
établi par le décret du 15 juin 1880 et celui du 1^^ oct.
1883. Chaque année on ouvrait un concours parmi les étu-
diants en médecine et en pharmacie. Ceux qui étaient
admis après les épreuves étaient répartis entre les villes
ayant une faculté de médecine et une école supérieure de
pharmacie ou une faculté mixte, ou une école de plein
exercice et de pharmacie (Paris, Lille, Nancy, Lyon, Mar-
seille, Montpellier, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Rennes,
Alger). Les élèves du service de santé militaire contrac-
taient un engagement décennal ; ils étaient dirigés sur la
ville qu'ils avaient choisie ; ils y faisaient leurs études
avec une subvention du gouvernement, logeant en ville,
sans uniforme, mais subordonnés au médecin-chef de
l'hôpital militaire. Une fois reçus docteurs ou pharmaciens
de première classe, ils passaient à l'Ecole d'application du
Val-de-Grâce, laquelle se recrutait aussi par un concours
ouvert aux docteurs en médecine et aux pharmaciens
civils. Ce régime donna de mauvais résultats; les élèves,
disséminés dans toute la France, n'avaient pas d'esprit de
corps ; les garanties étaient trop faibles. On s'est donc dé-
cidé à rétablir l'Ecole spéciale du service de santé et, après
de vives compétitions, on l'a placée à Lyon.
Conditions d'admission. — Le nombre des élèves à
admettre est fixé chaque année parle ministre de la guerre.
Nul n'est admis à l'Ecole du service de santé que par la
voie du concours. Peuvent y prendre part les étudiants en
médecine ayant au moins quatre inscriptions valables pour
le doctorat et ayant subi avec succès le premier examen de
doctorat. Ils doivent préalablement justifier qu'ils remplis-
sent les conditions suivantes : 1° être Français ou natura-
lisé Français; 2^ avoir eu, au 1°^ janv. de l'année du
concours, moins de vingt-deux ans; néanmoins, les sous-
officiers, caporaux ou brigadiers et soldats, qui auront
accompli au 1^^ juil. six mois de service réel et effectif,
sont autorisés à concourir, pourvu qu'ils n'aient pas dé-
passé l'âge de vingt-cinq ans à cette même date, et qu ils
soient encore sous les drapeaux au moment du commence-
ment des épreuves; 3'^ après avoir été vacciné avec succès,
ou avoir eu la petite vérole ; 4° être robuste, bien cons-
titué, et n'être atteint d'aucune maladie ou infirmité sus-
ceptible de le rendre inapte au service militaire ; 5" être
pourvu du diplôme de bachelier es lettres (1^^ et 2^ par-
ties) et de celui de bachelier es sciences complet ou res-
treint pour la partie mathématique, ainsi que de quatre
inscriptions valables pour le doctorat et du premier examen
de doctorat. Toutes les conditions qui précèdent sont de
rigueur, et aucune dérogation ne pourra être autorisée pour
quelque motif que ce soit.
Les candidats qui remplissent les conditions ci-dessus
indiquées devront se faire inscrire avant le 4 juil. au soir :
s'ils sont civils, à la préfecture du département où ils font
leurs études, et, s'ils sont militaires, à la préfecture du
département dans lequel ils sont en garnison. Nulle ins-
cription ne sera admise après cette époque, aucune liste
supplémentaire ne devant être établie.
La hsie sera close le 4 juil. au soir ; elle sera adressée
sans aucun délai au ministre de la guerre (7^ direction) ,
qui fera parvenir, en temps opportun, aux directeurs de
service de santé des corps d'armée comprenant un centre
d'examen d'admissibilité ou d'épreuves définitives, les
noms de tous les candidats inscrits qui auront choisi
ce centre d'examen. La liste comprenant ces noms sera
remise au médecin-chef chargé de faire l'appel des can-
didats.
Les pièces à produire pour l'inscription sont : 1^ l'acte de
naissance et celui du père du candidat, revêtus des forma-
lités prescrites par la loi ; 2*^ un certificat de commandant
de recrutement de la subdivision territoriale, constatant,
dans les mêmes conditions que pour l'engagement volon-
taire, l'aptitude réelle au service militaire ; 3^ un certificat
du médecin militaire chargé du service du recrutement,
constatant que le candidat a été vacciné avec succès ou a
eu la petite vérole ; 4<* un certificat délivré par le com-
mandant du bureau du recrutement, indiquant la situation
du candidat au point de vue du service militaire ; 5° une
déclaration écrite, indiquant les centres de composition et
d'examen choisis par le candidat parmi les villes désignées
ci-dessous, et dans lesquelles il devra se rendre aux dates
fixées, sans attendre aucun avertissement particulier. Une
fois le choix fait, aucun candidat ne sera autorisé à
changer de centre d'examen, soit pour les épreuves orales,
soit pour les épreuves écrites, que pour des motifs graves
et par décision spéciale du ministre ; 6° les diplômes de
bachelier es lettres et es sciences, le certificat constatant
que le candidat a passé avec succès son premier examen
de doctorat et faisant mention de la note obtenue, ainsi
que le relevé des inscriptions ; toutefois ces diplômes, le
certificat d'examen et le relevé des inscriptions seront
seulement remis par le candidat au président du jury le
jour de l'ouverture de l'épreuve orale d'admissibilité;
1^ l'indication du domicile où lui sera adressée, en cas
d'admission, sa commission d'élève du service de santé ;
8° une déclaration, sur papier Kbre, du père, de la mère,
du tuteur ou de l'élève lui-même, s'il est majeur ou jouit
de ses biens, reconnaissant qu'il est en mesure de payer
la pension, ou, à défaut de cette déclaration, la remise
d'une demande de concession de bourse, sur papier timbré.
Les candidats présents sous les drapeaux doivent fournir
les mêmes pièces, moins les certificats de vaccine et d'apti-
tude au service militaire; ils produisent en outre : 1<^ un
état signalétique et des services ; 2*^ un certificat de bonne
conduite ; 3° un relevé des punitions ; 4° une déclaration
du chef de corps, indiquant que le candidat comptera, au
i^'^ juil. de l'année du concours, six mois de service réel
et effectif sous les drapeaux. Cette condition n'est exigée
que des candidats militaires ayant dépassé la limite d'âge
imposée aux candidats civils.
Les candidats militaires ne peuvent choisir comme centre
de composition et d'examen oral que les villes les plus
rapprochées du lieu où ils sont en garnison. A l'époque
de l'examen, ils ont droit à des permissions dont la
durée est calculée d'après le temps nécessaire au voyage et
à l'examen.
Epreuves. Le concours comporte deux séries d'épreuves i
ECOLE
436 —
i» pour l'admissibilité ; 2^ pour l'admission. Les épreuves
d'admissibilité se subdivisent en deux groupes : écrit et
oral. Les compositions écrites sont: 1^ une composition
française sur un sujet de philosophie ou d'histoire géné-
rale de l'Europe, tiré du programme ci-dessous'; cette
composition a pour objet non d'imposer aux candidats une
étude nouvelle et plus minutieuse des questions dont la
connaissance est attestée par leurs diplômes antérieurs,
mais de constater le degré de leur culture générale, la
sûreté de leur jugement et leur aptitude littéraire ; 2° une
composition écrite sur un sujet d'histoire naturelle, de
physique ou de chimie médicales; 3° une composition
écrite de langue étrangère (allemand ou anglais). Cette
composition consistera en un thème d'une page environ ;
elle se fera sans le secours d'aucun livre.
La composition scientifique se fait dans une salle de
l'hôpital militaire ou de l'école (Paris et Lyon), ou dans
le local désigné par le général commandant le corps
d'armée, sur la proposition du directeur du service de
santé. Quatre heures sont accordées pour sa rédaction.
La composition de langue étrangère se fait le même
jour dans le même local. Deux heures sont accordées pour
cette épreuve. La composition d'histoire ou de philosophie
se fait le lendemain matin, dans le même local. Trois
heures sont accordées' pour cette composition. Les sujets
sont les mêmes partout : ils sont choisis par le jury, qui se
réunit à cet effet en commission spéciale, au ministère de
la guerre. Les précautions prises sont les mêmes que dans
les cas analogues pour assurer la surveillance, le secret du
sujet, l'anonymat aux compositions pendant la correction.
Les résultats de cette correction une fois acquis, on pro-
nonce radmissibiUté du premier degré ; la liste des can-
didats qui l'ont obtenue est publiée au Journal officiel.
On procède alors à l'épreuve orale d'admissibilité.
Tous les candidats devront être rendus, la veille du jour
fixé pour ces examens, dans la ville qu'ils auront choisie,
et se présenter au médecin-chef de l'hôpital militaire ou des
salles militaires de l'hospice mixte qui leur donnera les
renseignements nécessaires pour les examens du lendemain.
Les examens oraux pour l'admissibiHté sont publics et passés
devant le jury réuni ; leur durée est de quinze minutes pour
chaque candidat. Les candidats, au moment de l'ouverture
de la séance, remettent au président du jury, sous peine
d'exclusion du concours, les différentes pièces mentionnées
ci-dessus. Ils sont interrogés sur la physique médicale.
Deux questions empruntées au programme sont tirées au
sort par chacun d'eux. Il est mis dans l'urne un nombre
de questions double de celui des candidats ; la même ques-
tion peut être mise plusieurs fois dans l'urne. La note
obtenue pour chacun, combinée avec les notes des compo-
sitions écrites, détermine l'admissibilité. Les candidats dont
la somme de points ainsi obtenue sera inférieure à une
limite déterminée par le jury sont éliminés.
Epreuves définitives ou d'admission. Le président du
jury fait connaître quels sont les candidats admis à subir
les épreuves définitives. Elles ont lieu dans la même forme
que les examens de l'admissibilité orale ; leur durée est de
vingt minutes pour chaque candidat. Elles consistent en
des interrogations sur l'histoire naturelle et la chimie
médicales. A la fin des opérations dans une locahté, le pré-
sident du jury adresse au ministre le résultat de ces exa-
mens. Pour toutes les épreuves orales, il va de soi que c'est
le même jury qui les fait subir dans les divers centres
d'examen où il se transporte successivement dans les mois
d'août et de septembre.
Le jury est composé ainsi qu'il suit : un médecin ins-
pecteur, président, désigné par le ministre, et deux médecins
principaux ou majors de l''^ classe désignés par le ministre
sur la proposition du comité technique de santé. Des pro-
fesseurs de lettres et de langues étrangères sont adjoints au
jury pour la correction des épreuves de leur spécialité. Le
président dirige les séances et correspond directement avec
le ministre (direction du service de santé).
L'appréciation de la composition et de chaque épreuve
orale est exprimée par un chiffre compris de 0 à 20. Les
notes sont multipliées par des coefficients fixes ainsi qu'il
suit : composition scientifique, 20 ; composition française,
45; langue étrangère, 2.
Examens oraz^^. Histoire naturelle, 10; physique, 10;
chimie, 10. Un avantage de 20 points ne comptant que
pour le classement définitif est attribuée aux candidats
pourvus du diplôme de bachelier es sciences complet.
Après la clôture des examens, le jury établit la liste des
candidats classés par ordre de mérite, d'après l'ensemble
des points obtenus , et le président du jury l'adresse, avec
les procès-verbaux des séances, au ministre, qui arrête la
liste des candidats nommés élèves de l'Ecole du service de
santé militaire.
Régime intérieur. — Entrée, Les jeunes gens nommés
élèves de l'Ecole du service de santé militaire reçoivent
l'avis individuel de leur admission par une lettre ministé-
rielle. Ils doivent être rendus à l'Ecole de Lyon au jour qui
leur est fixé. A leur arrivée à l'Ecole, les élèves seront
munis des pièces suivantes :
1^ La lettre de nomination d'élève de l'Ecole du service de
santé militaire. — 2^ Le récépissé du receveur central de
la Seine, d'un trésorier-payeur général ou d'un receveur
particulier constatant que l'élève a payé : 1^ le prix du
trousseau, fixé comme il est dit plus haut, ou du demi-
trousseau s'il n'en a pas été dégrevé ; 2*^ le prix du trimestre
ou du demi-trimestre de la pension, fixée à 1,000 fr. par
an, selon qu'il est pensionnaire ou qu'il a obtenu une
demi-bourse. Les boursiers n'ont à produire d'autre pièce
justificative que l'avis de notification du dégrèvement qui
leur est accordé. — 3° Une promesse légalisée par le maire
ou le sous-préfet, sous seing privé et sur papier timbré,
dans la forme indiquée par l'art. 1326 du C. civ., par
laquelle son père, sa mère ou son tuteur s'engagea verser
dans la caisse du receveur central de la Seine, ou d'un
trésorier-payeur général, ou d'un receveur particulier, par
trimestre et d'avance, le montant de la pension si l'élève
est pensionnaire ou de la demi-pension s'il a obtenu une
demi-bourse. Cette promesse sera établie par l'élève lui-
même s'il est majeur ou s'il jouit de ses biens. — ¥ Le nom
et l'adresse des parents ou tuteurs et du correspondant
choisi par la famille, et habitant la ville de Lyon, si toute-
fois la famille n'y réside pas elle-même. Les officiers de
l'Ecole ne pourront pas être les correspondants des élèves,
à moins qu'ils ne soient leurs parents. — 5<* Un extrait
du casier judiciaire nécessaire pour contracter l'engagement
spécial prévu par l'art. 29 delà loi du lo juil. 1889. —
Tout élève appelé à l'Ecole et qui, sans raison dûment
constatée ou sans autorisation ministérielle préalable, ne
se présente pas dans les délais fixés par sa lettre de con-
vocation, est considéré comme démissionnaire. — D'autre
part, l'offre de démission des candidats admis à l'Ecole de
Lyon devra être accompagnée du consentement de leur père
ou de leur tuteur s'ils ne sont pas majeurs.
Tout élève, sans distinction aucune, en entrant à l'Ecole,
dépose entre les mains du trésorier de l'Ecole une somme
de 150 fr., destinée à fournir le fonds de sa masse indivi-
duelle. Si celle-ci venait à être épuisée, un nouveau verse-
ment de 150 fr. serait exigible. Nul ne peut être admis à
l'Ecole s'il ne produit les pièces énumérées ci-dessus. Le
directeur de l'Ecole ajourne l'admission de tout élève qui ne
se trouve pas dans les conditions prescrites et en rend
compte au ministre.
Le prix de la pension est de 1,000 fr. par an. Celui du
trousseau est déterminé chaque année par le ministre de la
guerre (en 1892, 1,030 fr.).
Les livres et les instruments les plus nécessaires aux
études des élèves leur sont fournis par l'Etat et sont comptés
dans le prix du trousseau. Les différents droits de scolarité
et d'examen à partir de l'admission sont payés par le mi-
nistre de la guerre, conformément aux règlements univer-
sitaires. Toutefois, en cas d'ajournement à un examen, les
437
ÉCOLE
frais de consignation pour la répétition de cet examen sont
à la charge de Félève ; les frais d'impression de la thèse
pour le doctorat sont également supportés par les élèves.
Un second échec au même examen entraîne d'office le licen-
ciement de l'élève et sa radiation immédiate des contrôles,
à moins qu'il ne soit autorisé à redoubler son année ; cette
autorisation ne pourra être accordée que si l'élève justifie
régulièrement avoir été empêché par une maladie de suivre
les cours pendant une période de deux mois, au moins, de
ladite année. Des bourses et des demi-bourses, des trousseaux
et des demi-trousseaux peuvent être accordés aux élèves qui
ont préalablement fait constater dans les formes prescrites
l'insuffisance des ressources de leur famille pour leur
entretien à l'Ecole. Il peut être alloué à chaque bour-
sier ou demi-boursier un trousseau ou un demi-trous-
seau. Les élèves démissionnaires ou exclus de l'Ecole
sont tenus au remboursement des frais de scolarité et,
s'ils ont été boursiers, au payement du montant des frais
de pension et trousseau avancés par l'administration de
la guerre.
Dès leur entrée à l'Ecole, tous les élèves, militaires ou
non, doivent contracter, dans une des mairies de Lyon,
l'engagement prescrit par l'art. 29 de la loi du 15 juil.
4889 et les art. 23 et 24 du décret du 28 sept. 1891,
engagement de servir pendant trois ans dans un corps de
troupe dans le cas où ils n'obtiendraient pas le grade de
médecin aide-major de deuxième classe ou si, l'ayant
obtenu, ils ne servaient pas ensuite dans l'armée active
durant six années.
Voici le texte de ce décret : Les jeunes gens nommés élèves
de l'Ecole du service de santé militaire souscrivent un
engagement d'une durée de trois ans et s'obligent à servir
pendant six années dans l'armée active à partir de leur nomi-
nation au grade de médecin aide-major de deuxième classe.
Cet engagement est souscrit à la mairie de l'un des arrondis-
sements de Lyon. Le contractant n'est assujetti à aucune
condition d'âge autre que celles qui sont exigées pour l'ad-
mission à l'Ecole. Il en justifie par la production du certi-
ficat d'admission. Il produit en outre : [^ l'extrait de son
casier judiciaire ; 2<^ un certificat d'aptitude au service
militaire. Ce certificat est délivré par le commandant du
bureau de recrutement de la subdivision dans laquelle est
contracté l'engagement. Les engagements sont souscrits
pour l'une des armes de l'infanterie, de la cavalerie, de
l'artillerie ou du génie. L'autorité militaire désigne, au
moment de la mise en route, le corps sur lequel les enga-
gés sont dirigés : i'^ s'ils n'obtiennent pas le grade de
médecin aide-major de deuxième classe; 2° si, une fois en
possession de ce grade, ils ne servent pas dans l'armée active
pendant six ans au moins. Dans l'un et Fautre cas, la
durée de l'engagement de trois ans souscrit à l'entrée à
l'Ecole ne court que du jour de l'incorporation.
Les élèves sont, à leur arrivée à l'Ecole, soumis à une
visite médicale ; ils ne sont définitivement admis que s'ils
sont déclarés aptes au service militaire; sinon, ils sont
renvoyés devant la commission spéciale de réforme, qui
statue. Les élèves sont soumis, à l'Ecole du service de santé,
au régime militaire. — En même temps qu'ils suivent les
cours, cliniques, conférences et travaux pratiques de la
Faculté de médecine, ils reçoivent à l'Ecole un complément
d'instruction scientifique et littéraire.
Personnel. Le personnel de l'Ecole du service de santé
mihtaire comprend : i^ Fétat-major de [FEcole, formé
d'officiers du corps de santé et d'officiers d'administration
des hôpitaux ; tous ces officiers sont du cadre actif;
2^* un petit état-major.
L'état-major de l'Ecole comprend le personnel dirigeant
ou enseignant : 1 médecin inspecteur ou médecin principal
de première classe, directeur; 1 médecin principal ou
major de première classe, sous-directeur; 1 médecin-major
de première classe, major; 6 médecins-majors de deuxième
ou de première classe, répétiteurs; 5 médecins aides-majors
de première classe ou majors de deuxième classe, surveil-
lants des élèves ; 1 officier d'administration de première ou
de deuxième classe des hôpitaux, comptable du matériel et
trésorier; 1 officier d'administration adjoint de première
ou de deuxième classe des hôpitaux, adjoint à l'officier
comptable. Des professeurs civils peuvent être attachés à
FEcole pour l'enseignement des belles-lettres, arts et langues
étrangères. Tous ces officiers et professeurs sont nommés par
le ministre de la guerre. La direction est nommée par décret
sur sa proposition. Le petit état-major comprend le per-
sonnel de service sous-ofiiciers et soldats.
Aucun élève ne peut être autorisé à redoubler une
année d'études, à moins que des circonstances graves ne
lui aient occasionné une suspension forcée de travail, pen-
dant plus de deux mois. Tout élève qui aura subi à un
même examen de la Faculté ou de l'Ecole deux échecs succes-
sifs est exclu de l'Ecole. Le conseil de disciphne donne
son avis, le ministre décide. Sauf le cas où il en aurait été
renvoyé pour indiscipHne ou inconduite, Félève qui a
cessé de faire partie de l'Ecole peut y être admis de nou-
veau, par voie de concours, s'il remplit encore les condi-
tions générales d'admission.
Sortie. — Lorsque les élèves sont pourvus du diplôme de
docteur en médecine, ils passent de droit à FEcole d'appli-
cation de médecine et de pharmacie militaires (Val-de-
Grâce) dont il est question ci-après. A la fin de leur
stage à cette école, ils sont promus médecins aides-majors
de deuxième classe, et il leur est attribué cinq ans de
service.
Ecole d'application de médecine et de phar-
macie militaires du Val-de-Grâce . — Destination.
--L'Ecole d'application de médecine et de pharmacie
militaires placée à Paris, auprès de l'hôpital militaire du
Val-de-Grâce (rue Saint -Jacques) est instituée pour
donner aux médecins et pharmaciens stagiaires l'instruc-
tion professionnelle militaire spéciale, théorique et pratique,
nécessaire pour remplir dans l'armée les obligations de
service qui incombent au corps de santé mihtaire.
Conditions d'admission. — Le recrutement de FEcole
du Val-de-Grâce, dont les promotions annuelles sont de
60 à 70 élèves, comporte des origines diverses : en pre-
mier lieu, tout élève de FEcole du service de santé militaire
(de Lyon), reçu docteur en médecine, est admis de plein
droit à l'Ecole d'application du Val-de-Grâce.
En second heu, comme cette école ne forme que des
médecins, on a conservé pour les pharmaciens l'ancien
système du décret de 1880. C'est l'objet du décret du
14 nov. 1891. Tous les ans, du 1^^' au lo nov., on ouvre
un concours pour l'admission aux emplois d'élèves en
pharmacie du service de santé mihtaire, d'après un pro-
gramme arrêté par le ministre de la guerre. Sont admis
à concourir : i^ les étudiants ayant accomph au 1^^ nov.
de l'année du concours leur année de service militaire et
un stage régulier de deux années, valable pour le grade
de pharmacien de première classe ; 2° les étudiants ayant
accomph au 1®^ nov. de l'année du concours leur année de
service militaire et possédant quatre ou huit inscriptions
valables pour le grade de pharmacien de 1"^^ classe et ayant
satisfait aux examens de fin d'année. Les autres conditions
sont les mêmes que pour les candidats à FEcole de Lyon.
Les épreuves du concours ont heu devant un jury unique,
composé du pharmacien inspecteur, président; du profes-
seur de chimie de FEcole d'application de médecine et de
pharmacie militaires et d'un pharmacien principal ou major
du gouvernement militaire de Paris. Les candidats recon-
nus admissibles et classés par ordre de mérite reçoivent,
dans la proportion déterminée par le ministre, une commis-
sion d'élèves en pharmacie du service de santé militaire.
— Les élèves en pharmacie du service de santé militaire
contractent dès leur admission un engagement de servir
dans Farinée active pendant six ans au moins, à dater de
leur promotion au grade de pharmacien aide-major de
deuxième classe. Ceux qui n'obtiendraient pas le grade
d'aide-major ou ceux qui ne réaliseraient pas l'engagement
ECOLE
— 438 —
sexennal sont tenus de rembourser le montant des frais de
scolarité et d'indemnité qui leur auront été alloués. —
Les élèves sont répartis à leur choix et suivant leur con-
venance" entre les sept villes suivantes : Bordeaux, Lille,
Lyon, Montpellier, Nancy, Paris et Toulouse, qui pos-
sèdent une école supérieure de pharmacie ou une faculté
mixte : ils sont attachés à l'hôpital militaire ou à l'hospice
mixte sous les ordres et la surveillance du médecin en
chef et concourent à l'exécution du service pharmaceu-
tique, autant que le permettent les cours et les travaux
pratiques qu'ils sont tenus de suivre. — Ces élèves ne
portent pas d'uniforme ; ils sont soumis à certaines règles
disciplinaires ayant pour but d'exercer un contrôle fruc-
tueux sur leurs études et sur leur conduite, conformément
aux dispositions d'un règlement arrêté par le ministre de
la guerre. — Il est accordé aux élèves-pharmaciens, dès
leur nomination, une indemnité annuelle de 1,000 fr.
Cette indemnité sera allouée, au maximum, pendant trois
ans aux élèves admis sans inscriptions, pendant deux ans
aux élèves ayant quatre inscriptions, pendant un an aux
élèves ayant déjà huit inscriptions. — A dater de l'admis-
sion à l'emploi d'élève du service de santé militaire, les
frais universitaires, réglés conformément aux tarifs en
vigueur, sont versés par l'administration de la guerre à la
caisse de l'enseignement supérieur. Toutefois, en cas
d'ajournement à un examen, les frais de consignation
pour la répétition de cet examen sont à la charge de
l'élève. Un second échec au même examen entraîne d'office
le licenciement de l'élève et sa radiation immédiate des
contrôles. L'autorisation de doubler une année d'études
ne pourra être accordée que si des circonstances graves
ont occasionné une suspension forcée de travail de plus
de deux mois. En cas de démission ou de^ Hcenciement,
l'élève sera tenu au remboursement des frais de scolarité
et d'indemnité. — Tout élève reçu pharmacien de première
classe passe de plein droit à l'Ecole d'apphcation de mé-
decine et de pharmacie militaires (Val-de-Grâce) en qualité
de pharmacien stagiaire.
En troisième lieu, tandis que des élèves-médecms et
des élèves-pharmaciens du service de santé y sont admis
de plein droit, l'Ecole d'application se recrute directement.
Un concours a lieu tous les ans au mois de décembre
pour l'admission directe d'un certain nombre de docteurs
en médecine ou de pharmaciens de première classe. Voici les
dispositions prises à ce sujet : les emplois de médecins et
de pharmaciens stagiaires à l'Ecole d'application de méde-
cine et de pharmacie militaires sont, conformément à la
loi du 44 déc. 1888, accordés au concours. Les candidats
doivent remplir les conditions ci-après : l'' être nés ou natu-
ralisés Français ; 2« avoir au moins vingt-six ans au 1^' janv.
de l'année du concours ; 3° avoir été reconnus aptes à
servir activement dans l'armée ; cette aptitude sera cons-
tatée par un certificat d'un médecin militaire, du grade de
médecin-major de deuxième classe au moins ; 4« souscrire
l'engagement de servir, au moins pendant six ans, dans le
corps de santé de l'armée active, à partir de leur promotion
au grade d'aide-major de deuxième classe. Cet engagement
n'est souscrit qu'après l'admission à l'Ecole ; il est con-
tracté devant le maire de leur résidence dans les formes
des engagements militaires.
Les 'demandes d'admission au concours, adressées au
ministre de la guerre avant le 1*^^ déc, devront être
accompagnées : 1° acte de naissance revêtu des formalités
légales ; 2« diplôme ou, à défaut, certificat de réception
au grade de docteur ou de pharmacien de première
classe (cette pièce pourra n'être produite que le jour
de l'ouverture des épreuves) ; 3« certificat d'aptitude au
service militaire ; 4^ certificat délivré par le commandant
du bureau de recrutement, indiquant la situation du can-
didat au point de vue du service militaire ; 5° indication
du domicile où il lui sera adressé, en cas d'admission, sa
commission de stagiaire. Les épreuves sont arrêtées pour
chaque concours par le ministre de la guerre et publiées
six mois à l'avance au Journal o^d^^* elles comprennent
généralement : Pour les docteurs en médecine : 1° une
composition écrite sur un sujet de pathologie générale ;
2° examen de deux malades atteints, l'un d'une affection médi-
cale, l'autre d'une affection chirurgicale ; 3oune épreuve de
médecine opératoire précédée de la description de la région
sur laquelle elle doit porter ; 4° interrogations sur l'hy-
giène. — Pour les pharmaciens de première classe : i^ com-
position écrite sur une question d'histoire naturelle des
médicaments ou de matière médicale ; 2° interrogations
sur la physique, la chimie, l'histoire naturelle et la phar-
macie ; 3^ préparation d'un ou de plusieurs médicaments
inscrits au Codex et détermination de diverses substances
(minéraux usuels, drogues simples, plantes sèches ou
fraîches, médicaments composés).
Régime intérieur. — La durée des études ou plus pré-
cisément du stage à l'Ecole du Val-de-Grâce est d'une
année, à partir du 1^^ janv. jusqu'au l«^nov. Les diverses
branches de l'enseignement sont déterminées par les pro-
grammes, soumis à l'approbation du ministre par le direc-
teur de l'Ecole. A partir de leur nomination, les stagiaires
reçoivent la subvention déterminée par les tarifs de solde
(2,928 fr. par an), et il leur est attribué une indemnité
de première mise d'équipement. Ils sont soumis, à l'inté-
rieur de l'Ecole, à des interrogatoires et à des épreuves
pratiques, qui donnent lieu à des notes permettant d'établir
tous les deux mois un classement qui est transmis au
ministre.
Enseignement. L'enseignement que les médecins et
pharmaciens stagiaires reçoivent à l'Ecole d'application est
essentiellement pratique et a surtout pour but de les initier
à l'exercice de l'art dans l'armée par des études chimiques
et pharmaceutiques complémentaires, ainsi que par des
notions d'administration et de législation miUtaires.
Le personnel de l'enseignement comprend des profes-
seurs et des professeurs agrégés, répartis comme il suit :
10 un professeur et un agrégé : maladies et épidémies des
armées; 2^ un professeur et un agrégé : chirurgie d'armée
(blessures de guerre) ; 3« un professeur et deux agrégés :
anatomie chirurgicale, opérations et appareils; 4° un pro-
fesseur et un agrégé : hygiène militaire ; 5° un professeur
et un agrégé : médecine légale, législation, administration
et service de santé mihtaire ; 6*^ un professeur et un
agrégé : chimie apphquée aux expertises de l'armée et
toxicologie ; 7° un agrégé chargé de cours : microbie.
Les professeurs sont choisis parmi les anciens agrégés
ou les agrégés en exercice. Ils sont nommés par le ministre
sur des hstes de trois candidats, dressées, l'une par le
conseil de perfectionnement de l'Ecole, l'autre par le co-
mité consultatif de santé. Ils doivent être du grade de
major de première classe au moins et de principal de pre-
mière classe au plus. La durée des fonctions de professeur
ne peut excéder dix ans.
Les professeurs agrégés sont nommés au concours. Les
majors de première et de deuxième classe sont seuls admis
à concourir. La durée des fonctions de professeur agrégé
est fixée à cinq ans.
Les concours pour l'agrégation en médecine ou en chi-
rurgie au Val-de-Grâce comprennent six épreuves, dont
une sur une question de législation, d'administration et de
service de santé militaire. Deux heures sont accordées pour
cette épreuve qui n'est pas éliminatoire et à laquelle ne
prennent part que les candidats déclarés admissibles.
Outre l'enseignement destiné aux médecins et aux phar-
maciens stagiaires, le ministre de la guerre a décidé qu'à
partir du l*^^ janv. 1889 les médecins militaires de tous
erades peuvent être autorisés, sur leur demande, à venir
faire, à l'Ecole du Val-de-Grâce, des études de bactériologie.
Cet enseignement, dont la durée est de six semaines, est
donné par séries, comprenant chacune dix ou douze au-
diteurs.
Sortie. — Les examens de sortie sont passés devant un
jury, divisé en trois sections : un pour la médecine, un
- 439 —
ECOLE
pour la chirurgie, un pour la pharmacie. Le jury de chaque
section est composé d'un inspecteur, président, des pro-
fesseurs de TEcole et de deux médecins ou pharmaciens
principaux ou majors employés dans le gouvernement mili-
taire de Paris. Les membres du jury autres que les pro-
fesseurs sont désignés par le ministre, sur la proposition
du comité consultatif de santé. Les notes des examens de
sortie, combinés avec les classements bimestriels, per-
mettent d'établir le classement de sortie.
Les stagiaires qui ont subi avec succès les épreuves de
l'examen de sortie quittent l'Ecole avec le grade de méde-
cin aide-major de deuxième classe. L'ancienneté est déter-
minée par le numéro de classement de sortie.
Tout stagiaire qui n'aura pas obtenu à l'examen de
sortie la moyenne des points déterminés par le règlement
sur le service intérieur sera, sur la proposition du jury,
désigné au ministre pour être licencié de l'Ecole, et tenu
au remboursement du montant des frais de scolarité, d'in-
demnité qu'il aurait pu toucher étant élève, et d'indem-
nité de première mise d'équipement. Le même rembour-
sement sera exigé des médecins ou pharmaciens militaires
qui quitteraient plus tard, volontairement, le service de
santé militaire, avant d'avoir accompH leur engagement
d'honneur.
Les élèves sont tenus de souscrire un ^ engagement de
servir pendant six ans dans le corps de santé de l'armée
active. Par conséquent, ceux de ces élèves qui n'obtien-
draient pas le grade d'aide-major de deuxième classe ou qui
ne réaliseraient pas leur engagement sexennal, seront in-
corporés pour trois ans dans un régiment, sans déduction
aucune du temps passé à l'Ecole. Ils confèrent la dispense
à leurs frères.
Ecole du service de santé de la marine à Bor-
deaux. — Destination. — L'Ecole du service de santé de
la marine a été créée, et celles de Brest, Roche fort et Tou-
lon ont été transformées en annexes, par la loi du 10 avr.
1890 et le décret du 2^2 juil. 1890. Elle a été placée
auprès de la Faculté de médecine de Bordeaux et elle a
pour objet : 1° d'assurer le recrutement des médecins et
pharmaciens de la marine et des médecins et pharmaciens
des colonies ; 2^ de seconder les études universitaires des
élèves du service de santé ; 3° de donner à ces élèves
l'éducation maritime jusqu'à leur nomination de médecin
ou de pharmacien auxiliaire de deuxième classe. Elle jouit,
pour le recrutement du corps de santé de la marine, d'un
privilège, mais non d'un monopole, car, en cas de
besoin, on peut admettre des candidats provenant des
facultés civiles.
Conditions d'admission. — Les élèves se recrutent par
voie de concours : 1° parmi les étudiants ^ médecine et
en pharmacie provenant des écoles de médecine navale de
Brest, Rochefort et Toulon; 2^ s'il y a lieu, parmi les
étudiants en médecine et en pharmacie provenant des
facultés civiles.
Nul n'est admis à l'Ecole du service de santé de la ma-
rine que par voie de concours. Le concours a lieu tous les
ans dans les ports de Brest, Rochefort et Toulon. Le mi-
nistre de la marine en détermine les conditions ;^ chaque
année, il en arrête le programme et en fixe l'époque.
L'arrêté du ministre est rendu pubUc. Le jury du concours
d'admission à l'Ecole de Bordeaux est composé d'un
directeur du service de santé, président ; d'un médecin
en chef ou principal ; d'un pharmacien en chef ou prin-
cipal. Le président et les membres du jury sont annuelle-
ment désignés par le ministre de la marine.
Nul ne peut être admis au concours : 1^ s'il n'est Fran-
çais ou naturalisé Français ; 2^ s'il est âgé de plus de
vingt-trois ans ou de moins de dix-huit ans au 1®^ janv.
qui' suit la date du concours ; 3° s'il n'a été vacciné avec
succès ou s'il n'a eu la petite vérole ; 4° s'il n'est robuste,
bien constitué et s'il n'est atteint d'aucune maladie ou in-
firmité susceptible de le rendre impropre au service de la
marine ; 5^ s'il n'a accompli une année d'études médicales
dans une des écoles de médecine navale de Brest, Roche-
fort et Toulon, et s'il n'a subi avec succès le premier
examen du doctorat en médecine. — Toutefois, en cas
d'insuffisance dans le nombre ou la valeur des candidats
provenant de ces écoles, les étudiants des facultés civiles
peuvent être admis à prendre part au concours. — Les
jeunes gens qui se destinent à la carrière pharmaceutique
doivent justifier, pour l'admission au concours, du diplôme
de bachelier es sciences complet ou de bachelier es
lettres ou de bachelier de l'enseignement secondaire spé-
cial et du stage officinal de trois années accompli dans
une des écoles de médecine navale de Brest, Rochefort ou
Toulon.
Les candidats doivent produire un certificat de bonnes
vie et mœurs, un extrait « pour néant » du casier judi-
ciaire et, s'il y a lieu, l'autorisation des parents ou des
tuteurs. Ils ont, de plus, à indiquer le port mifitaire dans
lequel ils désirent passer le concours d'admission.
Chaque demande doit être en outre accompagnée :
10 d'une déclaration, sur papier timbré, par laquelle les
parents, père, mère ou tuteur, s'engagent à payer au Tré-
sor public, par trimestre et d'avance, une pension annuelle
de 700 fr. ; 2^ d'un second acte sur papier timbré, portant
engagement de payer le trousseau, les livres et les objets
nécessaires aux études. Ces deux engagements deviennent
nuls en tout ou en partie, en cas de concession d'une
bourse ou d'une demi-bourse, d'un trousseau ou d'un
demi-trousseau. Toutes ces conditions sont de rigueur et
aucune dérogation ne peut être autorisée.
Chaque année, à l'époque déterminée par la décision
ministérielle fixant le programme des épreuves, les candi-
dats auront à demander leur inscription au ministre de la
marine, en fournissant les pièces ci-dessus mentionnées.
La liste d'inscription est close le 1^"^ juil. Les épreuves
écrites ont lieu du 1®^ au 15 août, à une date fixée par le
ministre, dans les ports de Brest, de Rochefort et de Toulon.
Elles sont corrigées à Paris par le jury du concours qui
dresse les listes d'admissibilité aux épreuves orales. — Ces
dernières ont lieu devant le même jury, qui se transporte
successivement à Brest, à Rochefort et à Toulon, du l^""
au 20 sept.
Les épreuves d'admissibihté se divisent en épreuves
écrites et en épreuves orales.
Epreuves écrites. Pour les étudiants en médecine pour-
vus du premier examen de doctorat et pour les étudiants
en pharmacie ayant subi avec succès l'examen de validation
du stage officinal : 1° une composition écrite sur un sujet
d'histoire naturelle, de physique ou de chimie médicales ;
la composition sera notée au double point de vue des con-
naissances scientifiques et des connaissances litléraires ;
2^ une composition écrite de langue étrangère (allemand
ou anglais). Cette composition consistera en un thème
d'une page environ ; elle se fera sans le secours d'aucun
livre.
Epreuves orales. Pour les mêmes candidats : des inter-
rogations sur la physique, l'histoire naturelle et la chimie
médicales (les interrogations porteront sur deux de ces
matières seulement ; on n'interrogera pas sur celle qui
aura fait l'objet de la composition écrite), et sur l'anatomie
et la petite chirurgie. Trois questions, empruntées au pro-
gramme détaillé, seront tirées au sort. Il sera mis dans
l'urne un nombre de questions double de celui des candi-
dats. La même question pourra, au besoin, être mise plu-
sieurs fois dans l'urne.
Compositions écrites, La composition écrite sur un
sujet d'histoire naturelle, de physique ou de chimie médi-
cales, se fera la première. Trois heures seront accordées
pour sa rédaction. La composition de langue étrangère se
fera le même jour. Deux heures sont accordées pour cette
épreuve. Les sujets sont les mêmes partout ; ils sont choisis
par le conseil supérieur de santé de la marine, qui se
réunit, à cet effet, en comité secret au ministère de la ma-
rine. Chaque sujet est mis, par cette commission, dans
ÉCOLE
- 440
une enveloppe cachetée à la cire et dont la suscription
indique seulement la nature de la composition et la caté-
gorie de candidats. Ces enveloppes sont réunies dans une
deuxième enveloppe qui est adressée aux préfets maritimes
des ports de Brest, Rochefort et Toulon, pour être remises
au directeur du service de santé de chacun de ces ports le
matin du jour fixé par le ministre pour l'ouverture des
épreuves écrites. Le directeur désigne, dans chaque port,
deux médecins principaux ou de première classe chargés
de surveiller les candidats pendant le temps consacré aux
compositions écrites. Les enveloppes sont décachetées par
le directeur, en présence des candidats ; le procès-verbal
de la séance devra indiquer que le cachet est intact. Les
candidats ne peuvent se servir ni de livres, ni de notes.
Les compositions sont faites sur des feuilles revêtues du
cachet du directeur du service de santé du port militaire
où a lieu le concours. Chaque candidat inscrit en tète de sa
feuille son nom et ses prénoms et appose sa signature à
l'endroit indiqué, avant de la remettre aux médecins sur-
veillants. Ces derniers détachent les noms et prénoms et
les réunissent dans une envelopppe distincte qui est jointe
à Tenveloppe dans laquelle les compositions sont également
réunies ; le nom est remplacé par un numéro d'ordre qui
est reproduit sur la composition et sur l'en-tête de la
feuille. Le tout est adressé le jour même, par l'intermé-
diaire du service de santé, au ministre de la marine, qui
transmet les compositions aux examinateurs pour les cor-
riger, mais conserve les enveloppes contenant les en-têtes.
Les compositions sont cotées par les examinateurs, qui éta-
blissent la liste d'admissibilité par ordre de mérite et d'après
le nombre de points obtenus. Le président du jury l'adresse
au ministre. Les enveloppes contenant les en-têtes sont
alors ouvertes et les noms des candidats sont inscrits sur
la liste générale à l'aide du numéro d'ordre porté sur l'en-
tête imprimé.
Les candidats dont les notes de composition, multiphees
par leurs coefficients respectifs, formeront, non compris
les points obtenus pour l'épreuve facultative de langue
étrangère, une somme inférieure à une limite fixée par le
jury, seront éliminés avant l'épreuve orale. La liste des
candidats admissibles à la suite des compositions écrites
est immédiatement adressée au Journal officiel.
Epreuve orale. Les examens oraux sont publics et
passés dans les ports de Brest, de Rochefort et de Toulon
devant le jury réuni ; leur durée est de trente minutes au
maximum pour chaque candidat. La note obtenue par
chacun d'eux, combinée avec les notes des compositions
écrites, détermine le rang d'admissibilité. Les candidats dont
la somme de points ainsi obtenus sera inférieure à une
limite déterminée par le jury, seront éliminés.
Notes et coefficients. L'appréciation de la composition
et de chaque épreuve orale est exprimée par un chiffre
compris de 0 à 20. Les notes sont multipliées par des
coefficients fixés ainsi qu'il suit :
Composition écrite.
Partie scientifique ^2
— littéraire ^
Composition de langue étrangère 4?
Examens oraux
Histoire naturelle "10
Physique ^^
Chimie 10
Anatomie et petite chirurgie 40
Après la clôture de tous les examens, le jury établit la
liste de tous les candidats classés par ordre de mérite,
d'après l'ensemble des points obtenus, et le président du
jury l'adresse, avec les procès-verbaux des séances, au
ministre, qui arrête la liste des candidats nommés élèves
de l'Ecole du service de santé de la marine. Ces nomina-
tions ont lieu dans la limite des places disponibles.
Régime intérieur. — Pension. Le prix de la pension
est de 700 fr. par an ; celui du trousseau de 800 fr. pour
la première année, de 250 fr. pour la deuxième année et
de 250 fr. pour la troisième année. Les livres, instruments
et objets nécessaires aux études, sont compris dans le
trousseau.
Des bourses et des demi-bourses, des trousseaux et des
demi-trousseaux peuvent être accordés aux élèves qui ont
préalablement fait constater, dans les formes prescrites,
l'insuffisance des ressources de leur famille pour leur entre-
tien à l'Ecole. Les bourses et les demi-bourses, les trous-
seaux et les demi-trousseaux sont accordés par le ministre
de la marine sur la proposition du conseil d'instruction de
l'Ecole. Les familles qui désirent obtenir le dégrèvement
total ou paftiel des frais de la pension ou du trousseau,
doivent faire une demande énonçant qu'elles sollicitent :
une bourse ou une demi-bourse ; une bourse avec trousseau
ou demi-trousseau ; une demi-bourse avec trousseau ou
demi-trousseau, ou enfin un trousseau ou demi-trousseau
seulement. Cette demande, adressée au ministre delà ma-
rine, sur papier libre, doit être remise au moment de l'ins-
cription, c.-à-d. avant le 1^"^ août, au préfet du départe-
ment où réside la famille, accompagnée : 1^ d'un état de
renseignemdits détaillés sur les moyens d'existence, le
nombre, l'âge et la situation respective des enfants, et les
autres charges des parents ; 2° d'un relevé des contri-
butions. Le préfet provoque une délibération du conseil
municipal du lieu de résidence ordinaire des familles, la
joint au dossier et fait connaître son avis.
Les différents droits de scolarité et d'examen sont payés
par le ministre de la marine, conformément aux règlements
universitaires. Les élèves démissionnaires ou exclus de
l'Ecole sont tenus au remboursement des frais de scolarité
et, s'ils ont été boursiers, au payement des frais de
pension et de trousseau avancés par l'administration de la
marine.
Les élèves du service de santé de la marine contractent,
au moment de leur entrée à l'Ecole, l'engagement militaire
de trois ans, soit au titre de l'infanterie de marine, soit
au titre des équipages de la flotte, et s'obligent, par acte
administratif, à servir six années dans le corps de santé de
la marine ou dans celui des colonies, à compter de leur
nomination de médecin ou de pharmacien auxiliaire de
2^ classe.
Aucun élève ne peut être autorisé à redoubler une année
d'études, à moins que des circonstances graves ne lui aient
occasionné une suspension forcée de travail pendant plus
de deux mois. Tout élève qui aura subi, à un même examen
de la Faculté ou de l'Ecole, deux échecs successifs, sera
déféré au conseil de discipline qui fera parvenir au ministre
son appréciation sur le maintien ou le renvoi de l'élève.
Le ministre décidera. Dans le cas du maintien de l'élèye à
l'Ecole, un troisième échec entraînera de droit son exclusion.
Sauf le cas où il en aurait été renvoyé pour indiscipline
ou inconduite, l'élève qui a cessé de faire partie de l'Ecole
peut y être admis de nouveau par voie de concours, s'il
remplit encore les conditions générales d'admission.
Personnel de VEcole. Le personnel de l'Ecole du service
de santé de la marine comprend : 1 directeur du service
de santé ou 4 médecin en chef, directeur; 1 médecin en
chef ou principal, sous-directeur; 4 médecins de l^*' classe
et 1 pharmacien de l"*® classe, répétiteurs; 1 sous-com-
missaire, trésorier ; i sous-agent comptable, économe ;
1 commis de comptabilité ; 2 commis auxiliaires ; 4 premiers
maîtres, surveillants ; 2 clairons, dont un perruquier ;
2 infirmiers ; 4 agents du gardiennage ; 2 coqs et les agents
inférieurs reconnus nécessaires.
Les répétiteurs sont chargés de faire aux élèves des
conférences ou répétitions, de seconder l'enseignement de
la Faculté et de donner, suivant les ordres du directeur,
l'instruction spéciale au service de la marine. Quatre des
répétiteurs sont spécialement chargés chacun d'une des
divisions de l'Ecole et remplissent vis-à-vis de celle-ci des
fonctions analogues à celles des capitaines de compagnie.
Le sous-directeur, les répétiteurs et le trésorier sont
— 441 —
ECOLE
nommés pour deux ans par le ministre de la marine. Cette
période peut être renouvelée une fois. Le sous-directeur et
les répétiteurs promus au grade supérieur, après leur
entrée en fonctions, peuvent être maintenus à l'Ecole, avec
leur nouveau grade, jusqu'à l'expiration de leurs deux
années d'exercice.
Etudes. Les élèves de l'Ecole du service de santé de la
marine, sur le vu de leur lettre de nomination, sont inscrits
au secrétariat de la Faculté de médecine. Ils suivent à la
la Faculté les cours cliniques, conférences et exercices pra-
tiques afférents à leur année d'études et dans les mêmes
conditions que les étudiants civils. Ils reçoivent, en outre,
par les soins de l'Ecole, un enseignement spécial sous forme
de conférences, répétitions et interrogations se rapportant
à l'enseignement donné par la Faculté. Le directeur se
concerte avec le recteur de l'Académie et le doyen de la
Faculté au sujet des heures des cours, conférences et exer-
cices pratiques, et, en général, de tout ce qui a trait à
l'enseignement donné par la Faculté aux élèves de l'Ecole,
de telle sorte que les obligations universitaires et celles du
service intérieur de FEcole soient mises en parfaite concor-
dance et se prêtent un mutuel appui. Les élèves subissent,
devant la Faculté, leurs examens probatoires dans l'ordre
et selon le mode prescrit par les règlements universitaires,
avec cette seule différence que, dès qu'ils ont pris leur
seizième inscription, ils sont autorisés à passer le troisième
examen de doctorat, puis successivement le quatrième, le
cinquième et la thèse, de telle sorte qu'ils puissent être
nommés médecins auxiliaires de 2^ classe le 1^^ févr. au
plus tard. A l'issue de chaque année scolaire, les notes
obtenues à la Faculté de médecine sont combinées avec les
notes données aux interrogations faites par les répétiteurs
à l'intérieur de l'Ecole et avec celles qui se rapportent à la
conduite et à la discipline.
Les classements sont établis par le conseil d'instruction.
Ce conseil est composé des membres suivants : le directeur
de l'Ecole, président ; le sous-directeur, les cinq répétiteurs,
membres. Le sous-commissaire, trésorier, remplit les fonc-
tions de secrétaire.
Il est accordé, dans chaque division, des distinctions
honorifiques à ceux des élèves qui sont classés dans le
premier quart. Les élèves classés dans le premier douzième
de leur division reçoivent la dénomination de « brigadiers » j
Ceux classés dans le restant du premier quart sont « élèves
d'élite ». Le directeur, après avoir donné lecture des listes
de classement, proclame les brigadiers et les élèves d'élite
et leur remet des insignes qui consistent : pour les briga-
diers, en deux ancres en or de chaque côté du revers du
collet de la redingote; pour les élèves d'élite, en une seule
ancre de chaque côté. L'Ecole fait les frais de ces insignes.
Tout brigadier ou élève d'élite qui est puni de prison perd
le droit de porter les insignes pendant trois mois ; s'il y a
un classement ^vant l'expiration de ce temps et que son
rang lui confère des insignes, il ne peut les prendre que
lorsque trois mois sont écoulés depuis la punition de prison.
Il en est de même pour tout élève ayant été puni de prison
alors qu'il n'avait pas d'insignes et qui, au classement, est
dans le premier quart.
Discipline. L'Ecole est soumise au régime militaire.
Tous les élèves sont logés à l'Ecole et y prennent leurs
repas. Ils sont astreints à toutes les obligations de la dis-
cipline militaire. Le ministre règle les conditions dans les-
quelles les sorties sont accordées. Le directeur établit un
règlement sur le service intérieur de l'Ecole, qui est sou-
mis à l'approbation du ministre. Les élèves portent un uni-
forme spécial, dont la description est déterminée par décret.
Ils sont assimilés aux aspirants de deuxième classe de la
marine. Les élèves doivent le salut à tous les officiers et
fonctionnaires des armées de terre et de mer, ainsi qu'aux
premiers maîtres des équipages de la flotte et assimilés.
Les punitions disciphnaires à infliger aux élèves sont :
1<^ la réprimande prononcée par un officier répétiteur ;
2*^ la réprimande prononcée par le sous-directeur; 3° la
privation de sortie; 4« la salle de police pendant dix jours
au plus; 5« la prison pendant dix jours au plus; 6<> le
renvoi dans un régiment d'infanterie de marine ou dans
une division des équipages de la flotte. Cette dernière puni-
tion est prononcée par le ministre sur l'avis motivé du
conseil de discipline. . ,
Le conseil de discipline est spécialement institue pour
prononcer sur le compte des élèves qui, pour fautes graves,
inconduite ou paresse habituelles, insuffisance aux exa-
mens ou tout autre motif, se mettraient dans le cas d être
exclus de l'Ecole. Il est composé de cinq membres, savmr :
le sous -directeur, président; trois officiers répétiteurs
désignés par le directeur de l'Ecole ; le plus ancien de
grade des premiers maîtres surveillants. Les fonctions de
rapporteur sont remplies par le sous -commissaire tré-
sorier. .
Les élèves démisionnaires ou ceux dont 1 exclusion aura
été ordonnée par le ministre seront, conformément aux dis-
positions de l'art. 29 de la loi du 15 juil. 1889, diriges sur
un régiment d'infanterie de marine ou sur une division des
équipages de la flotte pour y accomplir les trois années de
service militaire réglementaires.
Administration et comptabilité. Sont au compte de la
famille de chaque élève ou sont prélevés sur le montant de
l'indemnité de trousseau si l'élève est titulaire d'un trous-
seau :
1« Les effets d'habillement et de petit équipement com-
pris dans le tableau du trousseau, ainsi que les hyres,
instruments, objets ou fournitures de bureau à délivrer
réglementairement à l'entrée à l'Ecole et au fur et à mesure
des besoins. . ,
2° La somme de 10 fr. par an pour constituer un tonds
commun destiné à subvenir à la menue réparation des effets,
à la propreté de la chaussure, à la fourniture de l'encre et
aux suppléments à donner aux coiffeurs et autres personnes
employées au service des élèves, etc. Lorsque l'élevé est
titulaire d'un demi-trousseau, ces dépenses, déduction taite
du montant de l'indemnité ou du demi-trousseau, sont à
la charge de la famille.
Sont au compte de la famille, que l'élève soit ou non
titulaire d'une indemnité de trousseau : . ^
3° Normalement, la somme de 15 fr. par an destinée à
former un fonds commun pour pourvoir au remplacement
des objets et du matériel de table dont l'usure, le bris ou
la perte ne peut être imputé spécialement à un élève.
4° Extraordinairement, les grandes réparations ou le
renouvellement des effets ou Uvres et objets usés préma-
turément, gaspillés ou perdus; les dégradations faites au
matériel de l'Ecole, les bris ou pertes d'objets appartenant
à l'Etat ou à la ville par suite de négligence ou de mé-
chanceté.
Sortie. — Lorsque les élèves sont pourvus du diplôme
de docteur en médecine ou du titre de pharmacien univer-
sitaire de première classe, ils sont nommés, sur la pro-
position du directeur de l'Ecole, à l'emploi de médecin
auxiliaire ou de pharmacien auxiUaire de deuxième classe.
Ces jeunes gens sont ensuite répartis dans les ports mili-
taires pour y faire un stage d'une année et y suivre des
cours d'appUcation du 1^^ févr. au 1^' sept. — Le jour
oîi ils sont nommés médecins ou pharmaciens auxihaires
à^ deuxième classe, il leur est attribué quatre années de
services à titre d'études.
Les médecins et pharmaciens auxiliaires de deuxième
classe sont employés à terre en France, dans les hôpitaux de
la marine, à la mer ou aux colonies. Ils portent l'uni-
forme et les insignes du grade de médecin ou de pharmacien
titulaire de deuxième classe. Après une année de stage, les
médecins et pharmaciens auxihaires de deuxième classe sont
nommés, par décret, au grade de médecin ou de pharmacien
titulaire de deuxième classe. Ils reçoivent alors à la mer
une solde de 3,031 fr. par an; à terre, 2,783 fr., y
compris l'indemnité de logement; aux colonies, 5,039 fr.
Ecoles annexes du service de santé de la ma-
ÉCOLE
— 442 —
rine. — Destination. — Les trois écoles annexes de méde-
cine navale sont établies dans les ports militaires de Brest,
Rochefort et Toulon. Elles ont pour objet,: l'' de préparer
au premier examen de doctorat les jeunes gens qui se des-
tinent à la médecine navale et de faire accomplir par les
candidats à la carrière pharmaceutique les trois années de
stage réglementaires; 2*^ d'initier les docteurs en méde-
cine et les pharmaciens universitaires de i^^ classe,
nommés médecins et pharmaciens auxiliaires de 2^ classe
de la marine, aux connaissances spécialement requises
pour le service du département.
Conditions d'admission. — Nul n'est admis dans une
des écoles annexes de Brest, Rochefort ou Toulon, s'il
n'est : 1° Français ou naturalisé Français; 2° âgé de dix-
sept ans au moins au l^'^ janv. qui suit la date de l'ad-
mission ; 3° vacciné avec succès ou s'il n'a eu la petite
vérole ; 4*^ robuste, bien constitué et s'il n'est atteint d'au-
cune maladie ou infirmité susceptible de le rendre impropre
au service de la marine (les candidats devront présenter
une acuité visuelle susceptible d'être ramenée, par des
verres correcteurs, au moins à 3/5 pour l'un des yeux et
à 2/5 pour l'autre ; dans tous les cas, la myopie, quand
elle sera supérieure à 4 dioptries, sera un motif d'exclu-
sion ; lors de leur entrée à Bordeaux, les élèves qui pré-
sentent les conditions d'acuité visuelle mentionnées ci-
dessus et sans correction seront seuls admis à contracter
l'engagement militaire au titre des équipages de la flotte ;
les autres devront contracter leur engagement au titre de
l'infanterie de marine) ; 5° pourvu des diplômes des bac-
calauréats es lettres et es sciences restreint pour la méde-
cine, et du baccalauréat es sciences complet, ou du bacca-
lauréat es lettres, ou du baccalauréat de l'enseignement
secondaire spécial, pour la pharmacie.
Le candidat doit, en outre, produire un certificat de
bonnes vie et mœurs, un extrait, pour néant, du casier
judiciaire et le consentement des parents ou tuteurs. Les
admissions ont lieu au 1^"^ nov. de chaque année par
décision ministérielle. L'effectif des élèves pour l'ensemble
des trois écoles de médecine navale est fixé chaque année
par le ministre, de la marine. Les candidats adressent avant
le 15 oct., au ministre de la marine, leur demande d'admis-
sion, accompagnée des pièces exigées. Lorsque l'admission
a été prononcée, l'élève est inscrit sur une matricule
spéciale, tenue au conseil de santé. Le directeur du ser-
vice de santé adresse au commissaire aux revues une
copie des inscriptions et annotations portées sur cette ma-
tricule.
Régime intérieur. — Les élèves en médecine admis
dans les trois écoles annexes de Brest, Rochefort et Toulon
y accomplissent une année d'études médicales. Les élèves
en pharmacie admis dans les écoles annexes y accomplis-
sent les trois années de stage réglementaires. Si pendant
la durée de ces trois années ils se trouvent dans le cas
d'être appelés sous les drapeaux pour effectuer leur année
de service militaire actif, ils devront interrompre leur stage
pendant cette période.
Après avoir subi, avec succès, avant le 31 août, le pre-
mier examen de doctorat devant une faculté de médecine,
pour les étudiants en médecine, et l'examen de validation
de stage, pour les étudiants en pharmacie, ils prennent
part au concours d'entrée à l'Ecole principale du service de
santé de la marine.
Le régime est l'externat. Les élèves des écoles annexes
s'entretiennent à leurs frais : ils logent et prennent leurs
repas en ville et ne portent pas d'uniforme. Ils ne contrac-
tent aucun engagement. Les candidats ne doivent pas être
liés au service militaire ni susceptibles d'être appelés sous
les drapeaux au mois de novembre de l'année d'admis-
sion. Ces élèves acquittent les droits des quatre premières
inscriptions et du premier examen de doctorat. Ils sont
exonérés de tous frais universitaires à partir de leur entrée
à FEcole principale. Aucun élève ne peut être autorisé à
redoubler une année d'études, à moins que des circons-
tances graves ne lui aient occasionné une suspension forcée
de travail pendant plus de deux mois, et dans le cas où,
ayant échoué au premier examen de doctorat ou au con-
cours d'admission à Bordeaux, il serait proposé par son
directeur pour le redoublement de l'année d'études.
Les élèves des écoles annexes de médecine navale sont
passibles des punitions suivantes : 1° la réprimande par
le chef de service ; 2^ la réprimande par le directeur, en
séance du conseil de santé; 3° l'exclusion de l'école par
le ministre. Lorsque le ministre prononce l'exclusion d'un
élève, la mention de cette exclusion, avec l'indication des
motifs qui l'ont déterminée, est consignée sur la matricule
des étudiants et portée à la connaissance des deux autres
écoles annexes de médecine navale.
Personnel. Chaque école annexe de médecine navale
comprend : trois pharmaciens en chef, principaux ou de
1^® classe, et quatre médecins principaux ou de 1^® classe,
professeurs. Tous ces professeurs sontnommésau concours.
— Chaque école est dirigée par le directeur du service de
santé de la marine du port militaire oti elle est située.
Les chaires sont ainsi réparties, dans chaque école, entre
les professeurs : un pharmacien est chargé du cours de
physique; un pharmacien est chargé du cours de chimie,
chimie médicale et analyses usuelles dans la marine ; un
pharmacien, de celui d'histoire naturelle, histoire naturelle
médicale; un médecin de 1^® classe est chargé de la petite
chirurgie; un médecin de \^^ classe, de l'anatomie ; un
médecin principal ou de i^^ classe occupe la chaire de chi-
rurgie militaire et navale, et un médecin principal ou de
1^^ classe, celle de pathologie exotique et d'hygiène navale.
Ces deux derniers cours sont faits aux docteurs en méde-
cine nommés médecins auxiliaires de 2^ classe, pendant
qu'ils accomplissent leur stage d'application.
Etudes. L'année scolaire commence le 3 nov. et
finit le 31 août. L'année scolaire se divise en deux semes-
tres : l'un, d'hiver, s'étend du 3 nov. au 31 mars;
l'autre, d'été, du 1^^ avril au 31 août. Dans chaque école,
le directeur du service de santé règle, en conseil des pro-
fesseurs, la répartition des matières de chaque cours, de
manière que l'avancement des études médicales soit con-
forme à l'ordre de succession des examens des facultés. A
la fin du semestre, chaque professeur rend compte de son
enseignement ; il indique le nombre des leçons qu'il a faites
et les matières exposées dans chaque séance. Une expédi-
tion de ce compte rendu est adressée au ministre. — A la
fin de chaque semestre d'enseignement, les professeurs
s'assurent, par des interrogations, du degré d'instruction
et des progrès de ceux de leurs auditeurs qui sont tenus
de suivre leurs leçons. Ils expriment leur appréciation
sur chacun d'eux par une note qui varie de 0 à 20. Ces
notes, accompagnées de l'opinion du professeur sur chaque
médecin ou pharmacien, sont remises au directeur, pour
être transmises au ministre, avec l'appréciation du préfet
maritime. Des bibhothèques, des cabinets d'histoire natu-
relle, des jardins botaniques, des amphithéâtres de dissec-
tion, des musées d'anatomie, des laboratoires d'histologie,
de chimie, des cabinets de physique, sont à la disposition
des élèves, qui doivent verser au trésorier de la biblio-
thèque une somme de 50 fr. destinée à l'achat des livres.
Il est adressé trimestriellement au ministre un état nominatif
des élèves présents dans les écoles, avec indication des
notes sur la conduite, la discipline, l'assiduité au travail
de chacun d'eux.
Sortie. — Au terme de l'année ou des années d'études,
les élèves-médecins ou pharmaciens concourent pour l'Ecole
de Bordeaux dont les places leur sont réservées en principe
(V. ci-dessus).
Ecole nationale supérieure des mines. — Desti-
nation. — L'Ecole des mines, établie à Paris, boulevard
Saint-Michel, 60, ressortissant au ministère des travaux
pubhcs, a pour but :
1» De former des ingénieurs destinés au recrutement du
corps des mines ; — 2° de répandre dans le public la con-
— 448
ÉCOLE
naissance des sciences et des arts relatifs à l'industrie mi-
nérale et, en particulier, de former des praticiens propres
à diriger des entreprises privées d'exploitation de mines et
d'usines minéralurgiques ; — 3° de réunir et de classer
tous les matériaux nécessaires pour compléter la statistique
minéralogique des départements de la France et des colo-
nies françaises; — 4<* de conserver un musée et une
bibliothèque consacrés spécialement à l'industrie minérale
et de tenir les collections au niveau des progrès de l'indus-
trie des mines et des usines, ainsi que des sciences qui
s'y rapportent ; — 5° enfin d'exécuter, soit pour les admi-
nistrations publiques, soit pour les particuliers, les essais
et analyses qui peuvent aider au progrès de l'industrie
minérale.
Elle reçoit des élèves de plusieurs catégories : élèves-
ingénieurs, élèves externes, élèves étrangers, audi-
teurs libres, — Les élèves-ingénieurs sont pris exclusive-
ment parmi les élèves sortant de l'Ecole polytechnique et
entrent seuls au service de l'Etat. Ils sont nommés par
décret. — Les élèves externes sont préparés pour les posi-
tions variées qu'offre l'industrie et surtout appelés à. devenir
ingénieurs ou directeurs d'exploitations de mines, d'usines
métallurgiques, de chemins de fer, de fabriques de produits
chimiques, etc. Leur admission a lieu par voie de concours,
à la suite d'examens subis devant une commission spéciale.
— Les élèves étrangers sont admis par décision du ministre,
sur la demande des ambassadeurs ou chargés d'affaires des
puissances étrangères, sous la condition de subir un examen
de capacité devant la même commission. — Les auditeurs
libres sont, sur leur demande personnelle, appuyée de
références suffisantes, simplement autorisés par le directeur
de l'Ecole des mines à en suivre les cours.
Historique. — La création de l'Ecole des mines remonte
à 1783. Dès l'année 4769, on l'avait préparée en décidant
que les concessionnaires des mines seraient désormais tenus
de verser annuellement une somme variant entre 800 et
200 livres et affectée à l'entretien d'une école des mineurs.
En 4776, le receveur de la petite poste de Paris fut chargé
de percevoir ces contributions pour fonder l'Ecole des mines.
En 4778, le minéralogiste Sage fut chargé d'un cours gra-
tuit de minéralogie et de métallurgie docimasique; cet
enseignement fut donné dans une salle de l'Hôtel des mon-
naies. Les lettres patentes du 44 juin 4778 créaient bien
une école publique de minéralogie, mais celle-ci ne comporta
pas d'autre chaire. Vint ensuite la nomination de quatre
inspecteurs des mines. Enfin l'ordonnance royale du 4 9 mars
4783 organisa l'Ecole des mines. Il y eut deux chaires :
4° chimie, minéralogie et docimasie; 2<^ physique et art
de l'ingénieur; de plus, un garde et un sous-garde des
collections. Les candidats devaient subir un examen
d'admission sur la géométrie, le dessin et l'allemand. La
durée des études était fixée à trois ans. Les cours théo-
riques avaient Keu en hiver. En été, les élèves se fami-
liarisaient avec la pratique; ils accompagnaient les ins-
pecteurs dans leurs tournées ou étaient attachés à une
exploitation.
L'Ecole royale des mines fut fermée en 4790, mais
bientôt on réorganisa un enseignement équivalent. Le mérite
en revient au comité de Salut public. Il institua une
Agence des mines qui, sous un autre nom, reconstituait
l'Ecole, avec plus de développement. Elle comprenait 3
membres, 8 inspecteurs, 42 ingénieurs, 40 élèves. L'en-
seignement comportait quatre cours : géographie physique,
extraction des mines, docimasie, métallurgie. On y ajouta
encore un cours de cristallographie confié à Haiiy. Des
collections furent formées. L'hôtel de Mouchy (293, rue
de l'Université) fut affecté au nouvel établissement (24 mes-
sidor an II [42 juil. 4794]). Un arrêté du 46 fructidor
(27 sept. 4794) régla les conditions du concours d'admis-
sion : on exigeait la connaissance des éléments de la géo-
métrie, de la statique, de la physique générale et de la
chimie, de l'art des projections, de la levée et du dessin
des plans. La grande loi d'organisation du 30 vendémiaire
an IV (22 oct. 4795) (V. le § Ecole polytechnique) res-
titua le nom d'Ecole des mines, et elle fit de cet établisse-
ment une école d'application, subordonnée au conseil des
mines et puisant ses élèves à l'Ecole polytechnique. Leur
nombre fut réduit à 20. Mais on décida d'adjoindre 40 élèves
externes qui seraient destinés à devenir des chefs d'éta-
blissements. Enfin on projetait de créer une école pratique
pour les travaux d'exploitation auprès d'une mine appar-
tenant à la République. Quelques années plus tard, le
premier consul prit dans ce sens une résolution désastreuse
(arrêté du 23 pluviôse anX [42 févr. 4802]). Il supprima
l'école de Paris et on lui substitua deux écoles pratiques
placées, l'une dans le dép. de la Sarre, à Geislautern (fer
et houille), l'autre (plomb, cuivre, argent) à Pesey, dans
le dép. du Mont-Blanc. Cette dernière fut la seule qui
fonctionna (à Moutiers et Pesey). Le remplacement de
récole d'application par une école pratique donna de
mauvais résultats. L'enseignement des mines, désorga-
nisé en 4802, fut supprimé en 4844, les mines de Geis-
lautern et de Pesey ayant cessé de faire partie du territoire
français.
L'Ecole des mines de Paris fut rétablie par l'ordonnance
du o sept. 4846, qui demeure la base de son organisation
actuelle. On avait voulu lui créer des succursales dans les
départements, mais ce projet n'aboutit pas. Elle reprit
d'abord possession de l'hôtel de Mouchy où étaient restés le
laboratoire et les collections et y fonctionna de 4847 à 4 837.
Elle fut alors transportée à l'hôtel Vendôme, rue d'Enfer,
34. A la suite du percement du boulevard Saint-Michel,
elle a été rebâtie boulevard Saint-Michel, 60. Un décret du
46 sept. 4858 et, en dernier lieu, celui du 48 juil. 4890,
en règlent le régime actuel.
Conditions d'admission. — Les élèves-ingénieurs sont
recrutés parmi les élèves sortants de l'Ecole polytechnique
à qui leur rang sur la hste de classement permet de choisir
ce débouché. Leur nombre varie selon les besoins du ser-
vice ; il est de 4 à 2 depuis quelques années, en moyenne
de 3. Nous avons dit qu'ils sont nommés par décret, et
nous avons exposé comment sont admis les élèves étrangers
ou auditeurs Ubres. Nous n'avons donc à nous occuper ici
que des élèves externes, qui doivent se présenter à un
concours d'admission. Toutefois, ils en sont dispensés lors-
qu'ils ont justifié, dans les cours préparatoires ou à l'Ecole
polytechnique, des connaissances suffisantes.
Cours préparatoires. Les aspirants aux places d'élèves
externes à l'Ecole nationale supérieure des mines, qui ne
possèdent pas toutes les connaissances nécessaires pour
suivre les cours spéciaux de l'Ecole, peuvent être admis,
sous les conditions ci-après indiquées, à suivre les cours
préparatoires qui y sont institués. Le candidat doit être
Français ou naturalisé Français. Il doit être âgé de dix-sept
ans au moins et de vingt ans au plus, au l*^"^ janv. de
l'année dans laquelle il se présente. Il peut donc avoir
vingt ans révolus, mais ne doit pas avoir eu vingt et un
ans le 4^'' janv. de l'année du concours. La limite d'âge
est reportée à vingt-cinq ans pour les candidats ayant
accompli leur service dans l'armée active.
La demande d'admission doit être adressée au ministre
des travaux publics avant le 25 août et être accompagnée :
4*^ d'une copie authentique de l'acte de naissance du can-
didat, et, au besoin, des pièces établissant sa qualité de
Français ; 2<> d'un certificat de bonnes vie et mœurs, dé-
livré par les autorités du lieu de son domicile, et dûment
légaUsé ; 3^^ d'une déclaration, dûment légaHsée, d'un doc-
teur en médecine, constatant que le candidat a été vacciné
ou qu'il a eu la petite vérole.
Les épreuves pour l'admission aux cours préparatoires
comprennent : \^ quatre examens oraux, portant sur l'arith-
métique, l'algèbre, la géométrie, la trigonométrie rectiligne
et la trigonométrie sphérique, la géométrie analytique à
deux et à trois dimensions, la géométrie descriptive, la
physique et la chimie des métalloïdes, telles qu'elles sont
résumées dans les programmes arrêtés par le ministre ;
ECOLE
— 444
^"^ une dictée qui est jugée au point de vue de l'écriture et
de l'orthographe ; 3° un dessin d'après la bosse.
Le jury d'examen dresse un procès-verbal constatant le
résultat des diverses épreuves subies par les candidats. Il
donne son opinion sur l'admissibilité de chacun d'eux. Ce
procès-verbal, accompagné de l'avis et des propositions du
conseil de l'Ecole, est transmis au ministre, qui arrête
définitivement la liste des élèves admis à suivre les cours
préparatoires.
L'enseignement préparatoire se compose de quatre cours
oraux et d'exercices pratiques. Les cours comprennent :
1° les parties essentielles de l'analyse infinitésimale, ainsi
que la géométrie descriptive et ses applications ; 2*^ la mé-
canique ; 3" les parties de la physique qui traitent de la
chaleur, de la lumière et de l'électricité ; 4° la chimie gé-
nérale. — Les exercices pratiques consistent en dessin
géométrique, en croquis de machines et en manipulations
chimiques.
Admission à F Ecole, Les élèves qui ont été admis à
suivre les cours préparatoires sont, à la fin de ces cours,
examinés sur toutes les parties de l'enseignement. Ceux qui
ont subi ces épreuves d'une façon satisfaisante sont, sans
nouvel examen, inscrits en tête de la Hste d'admission aux
places d'élèves externes. Sont inscrits à la suite, dans
l'ordre de leur rang de sortie de l'Ecole polytechnique, les
élèves de ladite Ecole qui ont obtenu à leur sortie un
nombre de points représentant une moyenne générale de
douze au moins, mais seulement jusqu'à concurrence de
cinq places. Enfin un concours spécial est ouvert pour l'ad-
mission aux places d'élève externe de l'Ecole des mines. Il
a lieu à Paris le 25 sept, comme le concours pour l'admis-
sion aux cours préparatoires.
Tout candidat à titre d'élève externe à l'enseignement
spécial de l'Ecole nationale supérieure des mines doit être
Français ou naturalisé Français. Il doit être âgé de
dix-huit ans au moins et de vingt-deux ans au plus au
1^^ janv. de l'année dans laquelle il se présente au con-
cours. Il peut donc avoir vingt-deux ans révolus, mais ne
doit pas avoir eu vingt-trois ans avant le 1^^ janv. de
l'année du concours. La limite d'âge est reportée à
vingt-six ans pour les candidats ayant accompli leur ser-
vice dans l'armée active.
La demande d'admission au concours doit être adressée
au ministre des travaux publics et être accompagnée :
i^ d'une copie authentique de l'acte de naissance du can-
didat, et, au besoin, des pièces établissant sa quaUté de
Français ; 2° d'un certificat de bonnes vie et mœurs, déli-
vré par les autorités du lieu de son domicile, et dûment
légalisé; 3° d'une déclaration, dûment légalisée, d'un
docteur en médecine, constatant que le candidat est vac-
ciné ou qu'il a eu la petite vérole. — Les élèves sortant
de l'Ecole polytechnique sont dispensés de produire les
pièces ci-dessus désignées ; ils doivent faire parvenir au
ministre des travaux publics, avant les examens, un cer-
tificat constatant les conditions de leur sortie de l'Ecole
polytechnique.
Les épreuves pour l'admission aux cours spéciaux com-
prennent : i^ quatre examens oraux portant sur l'analyse
infinitésimale, la mécanique, la géométrie descriptive et ses
applications, la physique et la chimie générales, telles
qu'elles sont résumées dans les programmes arrêtés parle
ministre, qui répondent à l'enseignement intérieur des
cours préparatoires; 2° une dictée, qui est jugée au point
de vue de l'écriture et de l'orthographe ; 3° une épure de
géométrie descriptive et un lavis. Toutefois les élèves qui
se présentent au concours en sortant de l'Ecole polytech-
nique ne sont interrogés que sur les parties du programme
qui sont exigées dans les examens de sortie de cette Ecole.
Le jury d'examen dresse un procès-verbal constatant le
résultat des diverses épreuves subies par les candidats. Il
donne son opinion sur l'admissibilité de chacun d'eux. Le
conseil de l'Ecole dresse la liste générale des candidats et
la présente au ministre avec ses propositions. Le ministre
arrête définitivement la liste des élèves admis à l'Ecole
nationale supérieure des mines. Le nombre des élèves ex-
ternes admis chaque année varie, mais il est en moyenne
de 20.
Régime intérieur. — Le régime de l'Ecole est l'externat.
Les élèves-ingénieurs ont seuls droit de porter le costume
du corps, ce qu'ils ne font guère. A l'Ecole, ils portent une
casquette à galons d'or. Les élèves externes portent une
casquette à galons d'argent avec deux petits marteaux en
croix. L'enseignement de l'Ecole supérieure des mines est
entièrement gratuit. Les élèves externes, les élèves étran-
gers et les auditeurs libres des cours spéciaux et des cours
préparatoires doivent verser au secrétariat, en entrant à
l'Ecole, une masse de 50 fr., pour garantie de dégâts. La
portion non dépensée de cette masse leur est remboursée à
leur sortie de l'Ecole. Les élèves-ingénieurs reçoivent un
traitement annuel de 1,800 fr.
Les élèves doivent être présents à l'Ecole de neuf à onze
heures et de midi à quatre heures. Les jours de cours de
langues étrangères, ils sortent à cinq heures. La présence
est constatée par la signature sur un registre. Ils ne peu-
vent s'absenter sans autorisation du directeur. Pour l'as-
siduité aux cours et exercices pratiques, on attribue à
chaque élève un total de 100 points par année scolaire.
Chaque manque à l'appel ou défaut de signature fait perdre
2/5 de point et 3/5 si l'appel précède un cours. On ajoute
les points d'assiduité qui restent en fin d'année aux points
d'examen pour établir le classement. Le règlement ajoute
qu'un élève qui aurait perdu plus de 20 de ces points
ne pourrait passer dans la division supérieure. Les salles
de dessin et les laboratoires sont ouverts de huit heures et
demie du matin à quatre heures du soir; la bibliothèque,
de neuf heures du matin à cinq heures du soir. L'Ecole est
fermée les dimanches et fêtes.
L'enseignement est commun aux diverses catégories
d'élèves; toutefois, les élèves étrangers ne peuvent parti-
ciper aux exercices pratiques que dans la mesure du
nombre des places disponibles au laboratoire et dans les
salles de dessin.
La durée des cours spéciaux est de trois ans. Elle est
de quatre ans pour les élèves qui sont obligés de suivre les
cours préparatoires, avant d'entrer dans les cours spé-
ciaux; ces cours préparatoires, institués pour faciliter
l'admission aux places d'élèves externes, forment une pre-
mière année d'études. Les cours spéciaux comprennent les
cours suivants : exploitation des mines; métallurgie; chimie
analytique minérale ; chimie industrielle ; minéralogie ;
paléontologie ; géologie ; géologie appliquée ; topographie ;
machines; applications de l'électricité; chemins de fer;
constructions ; législation des mines ; économie indus-
trielle ; langue allemande ; langue anglaise. — L'enseigne-
ment comporte, outre ces cours, des exercices pratiques
et des voyages d'instruction. En première année, les élèves
doivent suivre les cours d'exploitation des mines ou de
machines, de métallurgie, de minéralogie, de géologie, de
docimasie, de paléontologie, de levers de plans. En deuxième
année, le cours de machines ou d'exploitation, la deuxième
partie des cours de métallurgie et de docimasie, et le cours
de géologie. Le cours de paléontologie est facultatif la
deuxième*^ année, mais celui de minéralogie doit être re-
doublé par tout élève qui n'a pas obtenu la note 16 à
l'examen de première année sur cette science. En troisième
année, les élèves doivent suivre les cours de chemins de
fer et de constructions, de législation des mines et droit
administratif, d'économie politique, d'agriculture et de
géologie technique, de fortification militaire.
Les élèves des trois années doivent suivre les cours
de langues vivantes, allemand ou anglais, pour chacun
desquels il existe deux divisions, suivant le degré d'in-
struction des élèves à leur entrée à l'Ecole. Les cours
et exercices scolaires s'ouvrent chaque année le premier
lundi de novembre et se ferment le 15 avril environ.
Pendant la durée des cours, les élèves de première et
445
ECOLE
de deuxième années travaillent alternativement au labora-
toire et au dessin, étudient les collections de l'Ecole et
visitent les usines et les ateliers des environs de Paris.
Les élèves de première et de seconde année ont, par
séries et alternativement, place aux laboratoires et aux
salles de dessin. Les 'élèves de troisième année ont place
toute l'année aux salles de dessin, et par séries alterna-
tives dans les laboratoires pour les exercices d'analyse. Il
faut passer l'examen au moins sur l'une des langues étran-
gères. A la fin de chaque année scolaire, les élèves-ingé-
nieurs et les élèves externes subissent des examens sur
tous les cours afférents à cette année d'études. Les élèves
étrangers déclarent, au commencement de l'année scolaire,
les cours qu'ils désirent suivre. A la fin de l'année, ils
ils
subissent les examens correspondants. Le conseil de l'Ecole
apprécie, d'après l'ensemble des notes obtenues, si l'élève
étranger peut être maintenu l'année suivante à l'Ecole. Les
auditeurs libres ne sont admis ni aux exercices pratiques
ni aux examens. Ces examens, qui ont lieu en avril et
mai, à la fin des cours, sont subis pour chaque cours à
huit jours d'intervalle devant une commission composée de
deux professeurs et d'un inspecteur des mines. A la suite
des examens du mois de mai, les élèves de première année
sont exercés aux analyses chimiques en juin et au lever
des plans pendant le mois de juillet. Les notes accordées à
ces travaux pratiques comptent pour la deuxième année.
En avril ou mai, les élèves de première et seconde
années font des excursions géologiques sous la direction
d'un professeur de l'Ecole. En été, ils exécutent un voyage
d'instruction dans divers districts de mines et d'usines,
dont le choix est à leur disposition, mais pour lequel ils
demandent des instructions au conseil des études. Ils
doivent rédiger un journal de voyage qu'ils remettent peu
de temps après l'ouverture des cours de Tannée scolaire
suivante. Les élèves-ingénieurs remettent en outre, à la
suite de leur voyage de deuxième année, qui doit être de
trois mois environ, deux mémoires complets, accompagnés
de dessins et croquis cotés. Enfin, les élèves-ingénieurs
font un dernier voyage de trois mois à la suite de la troi-
sième année.
Les élèves de troisième année ont à préparer leur con-
cours de sortie, qui se compose d'un projet d'exploitation
et d'un projet de métallurgie, avec dessins d'ensemble et
de détails, cotés et lavés, mémoire justificatif et devis
complet. Les sujets de ces projets sont indiqués à la fin
de la deuxième année, afin que les élèves puissent faire
servir leur voyage à compléter leurs connaissances rela-
tives au travail qu'ils ont à exécuter. C'est pour y tra-
vailler à loisir qu'ils ont la jouissance ininterrompue des
salles de dessin.
Le résultat des examens dans chaque branche d'en-
seignement donne lieu à des notes variant de 0 à 20.
Les coefficients sont fixés ainsi qu'il suit : cours d'ex-
ploitation et machines, 10 ; cours de métallurgie, 9 ;
cours de minéralogie, 7 ; cours de géologie et paléonto-
logie, 7 ; cours de docimasie, 7 ; cours de constructions, 4;
cours de chemins de fer, 3 ; cours de législation des
mines, droit administratif et économie politique, 3 ; cours
d'agriculture et géologie technique , 3 ; cours de forti-
fication militaire, 2 ; dessin, 7 ; mémoires et journaux
de voyage : de la deuxième année, 3 ; de la troisième
année, 7 ; après la troisième année, 7 ; levers de plans, 4 ;
exercices de docimasie, 4 ; projets de métallurgie, 4 ;
projets d'exploitation, 4; langue allemande, 2 ; langue
anglaise, 2.
Pour les matières qui comprennent deux années d'étude
et qui donnent lieu ainsi à deux examens, on tient compte
des notes attribuées au premier examen, en ajoutant à la
note d'examen de deuxième année les 3/10 de la note
obtenue l'année précédente, et on multiplie le total par
le coefficient 10/13. Il en est de même pour l'examen
minèralogique, si l'élève a passé deux fois cet examen.
A la fin de chaque année on procède à un classement
général par ordre de mérite en additionnant le total des
points.
Les élèves dont les notes auraient été jugées insigni-
fiantes peuvent, soit être admis à redoubler l'année d'étude,
soit être exclus de l'Ecole.
Sortie. — A la sortie de l'Ecole, les élèves-ingénieurs
sont nommés ingénieurs ordinaires de troisième classe au
corps des mines avec traitement de 2,500 fr. ; les élèves
externes ou étrangers qui justifient des connaissances
nécessaires reçoivent un diplôme supérieur d'ingénieur
civil des mines ; à un degré moindre, ils peuvent obtenir
un certificat d'études. Les élèves étrangers ne peuvent
recevoir que des certificats d'études.
On sait combien est grande la réputation du corps des
ingénieurs des mines (V. Mines). Quant aux élèves externes
diplômés, ils trouvent facilement des positions lucratives
dans les exploitations et industries privées.
Au point de vue du service militaire, les élèves externes
jouissent de la dispense conditionnelle de deux ans de
service actif conférée par l'art. 23 de la loi de 1889, mais
il faut qu'ils obtiennent le diplôme avant l'âge de vingt-
six ans.
Ecole des ponts et chaussées. — Destination. —
L'Ecole des ponts et chaussées, établie à Paris, rue des
Saints-Pères, 28, est destinée à former les ingénieurs pour
le service des ponts et chaussées. Elle est placée sous l'au-
torité du ministre des travaux pubHcs. Les élèves de l'Ecole
des ponts et chaussées, destinés à recruter le corps des
ingénieurs de l'Etat, sont pris exclusivement parmi les élèves
de l'Ecole polytechnique. Indépendamment des élèves-ingé-
nieurs qui sortent de l'Ecole polytechnique, l'Ecole natio-
nale des ponts et chaussées reçoit des élèves externes
français et des élèves étrangers admis, après concours et
par décision ministérielle, à suivre les cours oraux et à
participer à tous les travaux intérieurs de l'Ecole. Ces
élèves, après avoir satisfait aux examens de sortie, reçoi-
vent un diplôme ou un certificat d'études constatant le
degré de l'instruction qu'ils ont acquise. — L'Ecole des
ponts et chaussées est régie par le décret du 13 oct. 1851 ;
les dernières prescriptions relatives à son fonctionnement
ont été édictées par le décret du 18 juil. 1890 et l'arrêté
du l«^mai 1891.
Historique. — L'historique de l'Ecole des ponts et
chaussées est liée à celle du corps des ingénieurs qui s'y
recrutent. Ce corps fut institué en 1716, organisé en 1720.
C'est en 1747, lorsque le surintendant Trudaine eut fait
décider qu'on dresserait des plans exacts de toutes les
routes et chemins de France, que, pour former le personnel
nécessaire à ce vaste travail, Trudaine et Perronet organi-
sèrent à Paris un bureau qui peu à peu se transforma en
une école des ponts et chaussées. Dès l'origine, on distingua
dans ce bureau trois classes : les sous-ingénieurs, les élèves,
enfin les auxiliaires; les employés les plus instruits
mettaient les autres au courant. C'est seulement en 1775
que Turgot institua officiellement l'Ecole des ponts et
chaussées dont Perronet demeura le directeur. Le nombre
des élèves fut fixé à 60, plus 10 surnuméraires. On
conserva le principe de l'enseignement mutuel. Les élèves
étaient divisés en trois classes. Les 20 plus instruits ser-
vaient de professeurs aux autres. Ils étaient salariés et
portaient l'uniforme. Les élèves suivaient au dehors de
l'Ecole des cours de dessin et d'architecture. Pendant
l'été, on les envoyait en mission participer à des travaux
de toute sorte, afin de recevoir une instruction pratique.
On leur allouait des frais de voyages. Ce système des
missions fonctionne encore. Le niveau des études s'éleva
progressivement et le corps d'ingénieurs sortis de cette
école était très instruit et apprécié. Les pays d'Etat tels
que le Languedoc et la Bretagne gardèrent leur autonomie
vicinale et 'recrutaient séparément leurs ingénieurs. C'est
seulement un décret du '19 juin 1792 qui réunit leurs
élèves à ceux de l'Ecole des ponts et chaussées. Celle-ci
avait été maintenue par l'Assemblée nationale. La loi du
ÉCOLE
— 446 -
19 janv. 4791, refondant le corps des ponts et chaussées, sti-
pule qu'il y aura une école nationale des ponts et chaus-
sées, comprenant 60 élèves divisés en trois classes de 20;
tous seront appointés. Nous avons déjà exposé dans l'article
relatif à V Eco le polytechnique (V. ce mot) que la Con-
vention puisa dans ce personnel pour les besoins de la
défense nationale et mit les élèves des ponts et chaussées
à la disposition du ministre de la guerre. Les 34 plus
forts ayant été ainsi requis, les élèves-professeurs dis-
parurent; l'enseignement mutuel, qui était le seul, ayant
cessé, l'Ecole fut désorganisée. Son directeur, Lamblardie,
qui avait succédé à Perronet, sur la désignation de celui-ci,
eut une part considérable dans le grand projet qui aboutit
à la fondation de VEcole centrale des travaux publics,
notre Ecole polytechnique. On avait d'abord hésité à con-
server les anciennes écoles. On finit par adopter ce parti.
La loi du 30 vendémiaire an IV (22 oct. 1795) consacra
le maintien de l'Ecole des ponts et chaussées à titre d'école
spéciale d'application. On décida que les élèves, au nombre
de 36, seraient tirés de l'Ecole polytechnique. Lamblar-
die présida à la réorganisation. On prit des professeurs
en dehors des élèves ; c'était le premier coup porté à l'en-
seignement mutuel qui, en 1799, disparut dans le plan
d'instruction élaboré par Prony. En 1804 eurent lieu des
changements. On revint au chiffre de 60 élèves dis-
tribués en trois classes de 20 et salariés (700 fr. la
première année, 800 fr. la seconde, 900 fr. la troisième).
En 1830, en 1839, en 1842, des améliorations furent
apportées aux programmes et règlements intérieurs, préci-
sant bien le caractère d'école d'application.
CoNDrnoNS d'admission . — Elèves-ingénieurs . Les
élèves provenant de l'Ecole polytechnique, les seuls véri-
tables élèves-ingénieurs de TEcole sont nommés par décret.
Ce sont ceux à qui leur rang de sortie a permis le choix de
ce service. Leur nombre a beaucoup varié. Il était d'une
vingtaine ; il s'est élevé à 30 après le vote du vaste
programme des travaux publics de M. de Freycinet. Depuis
il s'est abaissé à 8. Il y eut 32 élèves admis en 1881,
27 en 1882, 23 en 1883, 20 en 1884, 18 en 1885 et
1886, 10 en 1887, 8 en 1888, 1889, 1890 et 1891.
Elèves externes et élèves étrangers. Un concours est
ouvert annuellement à Paris à l'effet de constater la capacité
des candidats qui se présentent pour être admis à l'Ecole. Les
examens d'admission s'ouvrent à Paris, à PEcole des ponts
et chaussées, le 25 sept., ou le 26 si le 25 est un dimanche.
Ils sont subis devant un jury d'examen, désigné par le
ministre, sur la proposition du directeur de l'Ecole.
Les candidats nés en France doivent être âgés de dix-huit
ans au moins et de vingt-cinq ans au plus. La limite d'âge
est reportée à vingt-sept ans en ce qui concerne les can-
didats ayant accompli leur service dans l'armée active.
Peuvent "être admis par le ministre, sans limite d'âge, à
se présenter au concours d'admission pour les cours spé-
ciaux les conducteurs des ponts et chaussées, en activité
de service, qui justifient qu'ils auront six années de ser-
vice en qualité de conducteur au moment de l'examen.
Les demandes d'admission doivent être adressées sur
papier timbré au ministre des travaux publics avant le
25 août et être accompagnées : \^ d'une copie authentique
de l'acte de naissance du candidat, et au besoin des pièces
étabUssant sa qualité de Français; 2° d'un certificat de
bonnes vie et mœurs délivré par les autorités du lieu de
son domicile et dûment légalisé ; 3<^ d'une déclaration dû-
ment légalisée d'un docteur en médecine, constatant que
le candidat a été vacciné ou qu'il a eu la petite vérole. Les
demandes des candidats français doivent être visées par
les parents ou tuteurs de ces candidats ou par un corres-
pondanthabitantParis. Celles des candidats étrangers doivent
être visées par les représentants de leurs gouvernements
respectifs et transmises au ministre des travaux publics
par le ministre des affaires étrangères. -— Les candidats
étrangers sont prévenus qu'une habitude suffisante de la
langue française est exigée pour l'admission.
Les épreuves du concours consistent en compositions
écrites, en exécution de dessins et en examens oraux. La
première épreuve est une composition écrite sur un ou plu-
sieurs sujets pris dans le programme des connaissances
exigées. La seconde est l'exécution d'un dessin de géomé-
trie descriptive et d'un lavis d'architecture. Les sujets de
ces compositions sont arrêtés par le jury. Sur le vu de ces
travaux préliminaires, le jury décide s'il y a lieu d'admettre
les candidats aux examens oraux.
Les connaissances exigées pour être admis à l'Ecole des
ponts et chaussées comprennent : l'arithmétique, la géo-
métrie élémentaire, l'algèbre, la trigonométrie rectiligne,
la géométrie analytique à deux ou trois dimensions ; des
notions de géométrie descriptive avec application à la
coupe des pierres et à la charpente ; des notions de calcul
différentiel et intégral, de mécanique, de physique et de
chimie, d'architecture.
Chaque candidat subit successivement deux examens
oraux sur les matières du programme. Un délai de cinq
jours au moins est laissé entre ces deux examens. Le jury
dresse un procès-verbal constatant le résultat des diverses
épreuves subies par les candidats ; il donne son opinion
sur l'admissibihté de chacun d'eux. — Le nombre des ad-
missions aux places d'élève externe ne peut dépasser 20.
L'examen de capacité que les candidats étrangers ont à
subir pour être admis à l'Ecole, conformément aux dispo-
sitions de l'art. 33 du décret du 18 juil. 1890, comporte
les mêmes épreuves que pour les candidats français. Tou-
tefois, dans des circonstances exceptionnelles, et sur la
proposition du conseil de l'Ecole, les candidats étrangers
peuvent être dispensés, par décision spéciale, de tout ou
partie des épreuves. Les élèves étrangers n'obtiennent de
places dans les salles d'étude que s'il en reste de dispo-
nibles.
Cours préparatoires. Pour assurer aux jeunes gens
qui voudraient être admis à l'Ecole des ponts et chaussées
en qualité d'élèves externes les moyens suffisants de pré-
paration à l'enseignement de l'Ecole, il a été institué, sur
l'avis conforme du conseil de perfectionnement, par le
ministre des travaux publics, des cours préparatoires,
dont l'enseignement comprend : l*' le calcul différentiel, le
calcul intégral et la mécanique ; 2*^ la géométrie descrip-
tive, la stéréotomie, les éléments d'architecture, le dessin
linéaire et le lavis ; 3° la physique et la chimie.
La durée de l'enseignement préparatoire, qui est gratuit,
est d'une année. L'époque de l'ouverture des cours est
fixée au 1^^ nov. L'admission aux cours préparatoires est
prononcée à la suite d'un concours qui est subi devant
un jury d'examen désigné par le ministre des travaux
publics, sur la proposition du directeur de l'Ecole. Les
examens ont lieu à Paris, à l'Ecole des ponts et chaussées.
Ils commencent chaque année le 25 sept., ou le 26 si le 25
est un dimanche. La liste des candidats autorisés à s'y
présenter est arrêtée par le ministre.
Pour être admis au concours, les candidats français
doivent être âgés de dix-sept ans au moins et de vingt-
quatre ans au plus; vingt-six ans pour ceux qui ont
accompli leur service dans l'armée active. Les formalités
à accomplir sont les mômes que pour le concours dont il
vient d'être parlé. Les demandes des élèves étrangers doi-
vent être transmises au ministre des travaux publics par
l'intermédiaire du ministre des affaires étrangères. Ces
demandes doivent avoir été, au préalable, soumises par les
candidats à l'agrément des représentants à Paris des gou-
vernements intéressés. — Peuvent être dispensés, sur l'avis
du conseil de l'Ecole, du concours d'admission aux cours
préparatoires, les candidats qui, ayant échoué au concours
pour les places d'élèves externes, sont reconnus pos-
séder des connaissances suffisantes pour suivre les cours
préparatoires.
Le concours d'admission est divisé en deux parties :
un examen écrit et un examen oral, auquel sont seuls
admis les candidats qui ont subi d'une manière satisfaisante
les épreuves écrites. L'examen écrit comprend : i° une
composition sur un ou plusieurs sujets pris dans le pro-
gramme ; 2° l'exécution d'un dessin de géométrie descriptive
et d'un lavis d'architecture. Les sujets de ces compositions
sont arrêtés par le jury. — L'examen oral porte sur l'en-
semble des matières contenues dans le programme, qui
comprend : l'arithmétique, l'algèbre, la géométrie élémen-
taire et la trigonométrie rectiligne, la géométrie analytique
à deux et à trois dimensions, la géométrie descriptive, des
notions de physique et de chimie, de dessin linéaire et de
lavis. Le jury d'examen dresse un procès- verbal constatant
le résultat des diverses épreuves subies par les candidats. Il
donne son opinion sur l'admissibilité de chacun d'eux. Ce
procès-verbal, accompagné de l'avis du conseil de l'Ecole,
est transmis au ministre, qui arrête définitivement la liste
des élèves admis à suivre les cours préparatoires. — Le
nombre des admissions aux cours préparatoires ne peut
dépasser quinze.
A la fin de chaque session, les élèves des cours prépa-
ratoires sont examinés sur toutes les parties de l'ensei-
gnement. Ceux qui ont satisfait à cet examen sont déclarés
admissibles aux cours d'élèves externes et sont dispensés,
sur l'avis du conseil .de l'Ecole, de l'examen prescrit par
l'arrêté ministériel du 44 févr. 1852. Ils sont inscrits en
tête de la liste des élèves externes de Tannée suivante.
Régime intérieur. — L'enseignement dure trois années.
Il est entièrement gratuit. Le régime de l'Ecole est l'externat.
Les cours et les études de l'intérieur de l'Ecole commencent
dans les premiers jours de novembre et durent jusqu'au
31 mai. L'enseignement comprend : la construction des
routes, ponts, chemins de fer, canaux, ports maritimes,
l'amélioration des rivières, l'architecture civile, la méca-
nique appliquée (résistance des matériaux et hydraulique),
les machines à vapeur, l'hydraulique agricole, les connais-
sances géologiques nécessaires aux ingénieurs, le droit
administratif et l'économie politique. Indépendamment des
cours désignés ci-dessus, des conférences sont faites sur
le service vicinal, l'assainissement des villes, etc., la pis-
ciculture, la télégraphie électrique, la photographie. — Les
travaux intérieurs de l'Ecole ont pour but d'exercer les
élèves sur les objets suivants : i^ travaux graphiques,
dessins, lavis, rédaction de mémoires et concours sur des
projets d'art ; 2^ manipulation et essai de matériaux de
construction ; 3° nivellement et lever de plans, lever de
machines et de bâtiments.
Du l^"^ juin au 30 oct., les élèves de l'Ecole sont
envoyés en mission dans les départements et y sont atta-
chés aux travaux en cours d'exécution, pour s'exercer,
sous la direction des chefs de service, à la pratique de l'art
de l'ingénieur. La désignation des missions à donne/ aux
élèves est arrêtée par le ministre, sur la proposition du
conseil de l'Ecole. Les missions sont facultatives pour les
élèves externes.
L'Ecole est dirigée par un inspecteur de première classe
des ponts et chaussées qui a titre de directeur et par un
inspecteur général de seconde classe ou un ingénieur en
chef qui a titre d'inspecteur de l'Ecole.
Les élèves-ingénieurs reçoivent un traitement de 4,800
francs par an ; de plus, 200 fr. pour frais de campagne et
des frais de voyage pendant la mission ; enfin, pendant le
séjour à Paris, une indemnité de 50 fr. par mois.
Du 1^^ nov. au 31 mai, les élèves sont obligés de fré-
quenter l'Ecole tous les jours, sauf les dimanches et jours
fériés. L'Ecole est ouverte de huit heures du matin à dix
heures du soir. Les élèves habitent en ville; ils doivent se
trouver à l'Ecole de huit heures trois quarts à dix heures
et demie du matin, puis de onze heures trois quarts à
cinq heures du soir. Leur présence est constatée au moyen
d'appels et de feuilles de présence. L'usage est de venir à
l'Ecole en costume civil avec la casquette d'uniforme, le
nombre des galons indiquant le grade de l'élève. La cas-
quette d'uniforme d'ingénieur étant le signe distinctif d'une
fonction publique, les élèves externes ne peuvent la porter
- 447 - ÉCOLE
soit à l'intérieur, soit à l'extérieur de l'Ecole. — Les puni-
tions consistent en réprimande particulière, réprimande en
présence des camarades, exclusion temporaire des salles
d'étude, exclusion temporaire de l'Ecole, mise à l'ordre,
censure par le conseil avec ou sans mise à l'ordre, retard
d'avancement de classe, exclusion définitive.
Les élèves sont divisés en trois classes selon l'année de
leur promotion. Dans chaque classe ils sont rangés par
ordre de mérite. Il y a des examens généraux sur tous
les cours permanents professés à l'Ecole. Les élèves sont
prévenus à l'avance des époques fixées pour ces examens.
Les notes prises par les élèves à l'amphithéâtre sont réunies
en cahier et mises plus tard sous les yeux du professeur
qui en tient compte pour la fixation des numéros de mé-
rite à attribuer aux examens. Le classement des élèves est
arrêté en conseil de l'Ecole à la fin de chaque année sco-
laire. Le rang de classement des élèves est déterminé : pour
le passage à la deuxième classe, par le nombre de points
obtenus dans la première année ; pour le passage à la pre-
mière classe, en ajoutant aux points obtenus dans l'année
la moitié de ceux obtenus dans l'année précédente ; pour
la sortie, en ajoutant aux points obtenus dans l'année la
moitié des deux premières années, déduction faite des
points attribués aux langues dans le classement précédent.
Les élèves externes et les élèves étrangers se fournissent,
à leurs frais, de tous les objets nécessaires pour les tra-
vaux intérieurs de l'Ecole ; toutefois, ils reçoivent gratui-
tement le papier avec timbre pour les travaux graphiques
et le papier destiné à la rédaction des mémoires et devis, etc.
Il leur est prêté aussi gratuitement les divers objets et
instruments que l'Ecole met à la disposition des élèves-ingé-
nieurs, et, comme ces derniers, ils en sont responsables.
Les élèves externes et les élèves étrangers sont soumis à
tous les règlements intérieurs de l'Ecole. Ces élèves sont,
comme les élèves-ingénieurs, classés par année d'étude.
Ils participent, pendant la durée de chaque session, aux
mêmes études, leçons, exercices, manipulafions, etc., que
les élèves-ingénieurs. Toutefois, les compositions littéraires
ne sont obligatoires que pour les élèves français. Les
leçons de langues ne sont que facultatives pour tous les
élèves. Sur leur demande, ces élèves peuvent obtenir, dans
l'intervalle des sessions, l'autorisation de visiter les tra-
vaux qui s'exécutent sur les chantiers de l'Etat. Les élèves
externes et les élèves étrangers concourent entre eux et par
classe. Le rang de mérite, dans chaque classe, est déter-
miné, comme pour les élèves-ingénieurs, d'après les degrés
qui sont attribués aux résultats des concours, des travaux
graphiques et autres, des examens oraux et à l'assiduité
aux cours et dans les salles d'étude. Les règles qui fixent
le minimum obligatoire pour que les élèves-ingénieurs puis-
sent passer d'une classe à l'autre, ou être déclarés hors
concours, sont applicables aux élèves externes et étrangers.
Le classement est arrêté par le conseil de l'Ecole.
Auditeurs libres. ^ Des auditeurs libres peuvent aussi
être simplement admis, sur l'autorisation du directeur, à
suivre les cours oraux de l'Ecole des ponts et chaussées.
Les personnes qui ont obtenu cette autorisation, et qui sont
munies de cartes délivrées par le directeur, ne sont admises
à l'Ecole qu'aux heures des cours. Elles doivent y être
rendues aux heures indiquées par les règlements. La leçon
comniencée, nul n'y est plus admis. Des élèves peuvent
ainsi être envoyés par les administrations publiques à
l'Ecole des ponts et chaussées. Leur présence aux leçons
est constatée. Ces élèves peuvent seuls être autorisés à
passer des examens et être admis, sur leur demande, dans
la bibliothèque de l'Ecole. Les cours auxquels est admise
cette catégorie d'auditeurs sont ceux : de mécanique appli-
quée : l'^ résistance des matériaux, 2^ hydraulique; de
minéralogie et géologie, d'économie politique, d'hydrau-
lique_ agricole, de routes, de procédés généraux de cons-
truction, de ponts, de navigation intérieure, de machines
à vapeur, de chemins de fer, de travaux maritimes, d'ar-
chitecture, de droit administratif, de chimie appliquée.
ÉCOLE
— 448 —
Sortie. — Nous avons indiqué ci-dessus comment se
fait le classement d'après les examens de sortie. — Les
élèves ayant complété leurs cours d'études sont nommés
ingénieurs ordinaires de 3® classe à la fin de leur troisième
mission. Les appointements sont de 2,o00 fr. par an.
L'élève qui, après la première ou la seconde année d'études,
n'est pas déclaré admissible à la classe supérieure, ou qui,
après la troisième année, n'est pas reconnu capable d'être
placé dans le service actif, peut, sur la proposition du
conseil et par décision du ministre, être maintenu une
année de plus à l'Ecole. Ce délai peut même être porté à
deux ans, en cas de circonstances graves et exception-
nelles ; mais, dans aucun cas, un élève ne reste sur les
cadres plus de cinq ans.
Les élèves ingénieurs sortis de l'Ecole des ponts et chaus-
sées ont un privilège pour le recrutement du corps public
des ingénieurs des ponts et chaussées, mais ils n'ont pas
de monopole, car, aux termes de la loi du 30 nov. 1850,
un sixième des places d'ingénieurs sont réservées aux con-
ducteurs des ponts et chaussées. Il est vrai que cette pres-
cription législative n'a pas été appliquée strictement;
l'immense majorité des ingénieurs sont des anciens poly-
techniciens qui ont passé par l'Ecole d'application. Un
diplôme supérieur d'élève de l'Ecole des ponts et chaus-
sées est délivré par le ministre à ceux des élèves externes
qui ont satisfait aux conditions fixées par arrêté ministé-
riel et ont obtenu au moins 65 % du total des points qui
peuvent être acquis dans tout le cours de l'enseignement
spécial. Ceux qui ont simplement satisfait aux conditions
de l'arrêté ministériel, sans atteindre le chiffre de 65 «^
du total des points, ne reçoivent du directeur qu'un certi-
ficat d'études. Les notes obtenues pour les examens et
les exercices sont inscrites au verso du diplôme et du certi-
ficat. Le diplôme confère des avantages appréciables :
1» au point de vue du service mihtaire ; T^ pour l'entrée
dans le service de la voirie parisienne. L'art. 23 de la
loi du 15 juil. 1889 sur le recrutement de l'armée porte
que les jeunes gens qui ont obtenu ou qui poursuivent leurs
études en vue d'obtenir le diplôme supérieur déUvré aux
élèves externes par l'Ecole des ponts et chaussées, sont,
en temps de paix, après un an de présence sous les dra-
peaux, envoyés en congé dans leurs foyers, sur leur
demande, jusqu'à la date de leur passage dans la réserve.
Des deux arrêtés du préfet de la Seine (30 juin 1887 et
1er ^éc. 1890), il résulte que les anciens élèves externes
de l'Ecole des ponts et chaussées (de même que ceux des
Ecoles polytechnique, centrale et des mines), pourvus du
diplôme d'ingénieur, peuvent être nommés conducteurs
municipaux de 4^ classe sans être astreints à subir l'exa-
men réglementaire prescrit par l'arrêté du 15 avr. 1872,
s'ils remplissent d'ailleurs les conditions de nationalité,
d'âge et d'aptitude physique imposées par les règlements.
Les^ élèves étrangers reçoivent du directeur de l'Ecole un
certificat d'études sur lequel sont inscrites les notes par
eux obtenues pour les examens et exercices auxquels ils
ont pris part. Ceux d'entre eux qui ont satisfait à toutes
les épreuves dans les conditions exigées des élèves français
obtiennent du ministre, comme ces derniers, le diplôme
supérieur ci-dessus défini.
Ecole d'application des manufactures de l'Etat.
— Destination. — L'Ecole d'application des manufactures
de VEtat, établie à Paris, quai d'Orsay, dans les bâtiments
de la manufacture de tabacs, a été créée pour mettre les
élèves-ingénieurs au courant des procédés de la fabrica-
tion qu'ils seront appelés ensuite à diriger. Ce service
public recrute ses ingénieurs exclusivement parmi les
élèves sortant de l'Ecole polytechnique.
Historique. — Le monopole des tabacs a été établi le
29 déc. 1810 et organisé par décret du 12 janv. 1811.
Pour le personnel technique, on commença par prendre des
surnuméraires, qualifiés élèves des manufactures, que les
employés mettaient au courant de la fabrication. Cet ensei-
gnement pratique était excellent. Mais on reconnut la néces-
sité d'y joindre un enseignement théorique que les rapides
progrès des sciences rendaient de plus en plus nécessaire.
En 1824, on annexa donc à la manufacture de Paris une
école. Nul ne put être promu sous-inspecteur sans avoir
suivi les cours et subi avec succès. un examen sur chaque
matière. En 1831, on décida que les élèves de l'Ecole
polytechnique seraient seuls admis à l'Ecole d'application
des manufactures de l'Etat; ils y feraient deux années
d'études. On donna aux cours une tournure différente;
l'enseignement théorique se donnant à l'Ecole polytechnique,
il n'y eut plus à étudier que les applications de la science.
En 1861, on réorganisa l'Ecole. En 1865, on annexa les
poudres aux manufactures de l'Etat. Mais, en 1878, on a
séparé V Ecole d' application des poudres et salpêtres,
A dire vrai, le petit nombre des élèves-ingénieurs de ces
deux services ne permet guère de qualifier d'école l'éta-
blissement où ils reçoivent leur instruction pratique.
Régime intérieur. — Il n'y a pas de concours d'admis-
sion, les élèves venant de l'Ecole polytechnique; il y en eut,
dans les deux dernières années, 4 chaque fois; dans les
années précédentes, les promotions ne comprenaient qu'un
élève. Pour les poudres et salpêtres, on n'a pas pris d'élève-
ingénieur de 1886 à 1889, 1 en 1890 et 1 en 1891. Les
élevés-ingénieurs des manufactures ont des cours spéciaux
(chimie agricole et chimie appliquée au tabac ; applications
de la chaleur ; fabrication des tabacs ; construction ; résis-
tance des matériaux et machines ; administration et comp-
tabilité) ; ceux des poudres et salpêtres sont placés au
Dépôt central des poudres et salpêtres. Ils dépendent du
ministère de la guerre; ils suivent les cours de l'Ecole
des mines, et les ingénieurs de leur corps leur enseignent
au Dépôt la technique du métier. — La durée des cours
est de huit mois, de novembre à juillet ; puis, chaque
année, pendant les vacances, les élèves sont envoyés en
mission dans les manufactures de tabacs et les poudreries
pour commencer leur instruction pratique auprès des ingé-
nieurs en service. Les élèves-ingénieurs reçoivent un trai-
tement de 1,800 fr., plus une indemnité pour les missions.
Ils portent dans les cérémonies l'uniforme du service
auquel ils appartiennent : habit vert foncé, avec petite
broderie d'argent au collet et aux manches. — - L'Ecole
d'application 'des manufactures de l'Etat reçoit aussi,
comme élèves, des vérificateurs de la culture des tabacs,
qui suivent les cours et s'exercent à l'analyse chimique,
afin de se préparer pour les emplois supérieurs du service
de la culture.
Sortie. — Au terme du cours d'études, les élèves-ingé-
nieurs subissent un examen sérieux sur chacun des cours
qu'ils ont suivis. Le classement résultant de l'ensemble de
ces examens détermine l'ordre de nomination à leur nou-
veau grade. En cas d'insuffisance à l'examen de sortie, ils
redoublent Tannée d'école. Après avoir satisfait aux exa-
mens de sortie et justifié de l'ensemble des connaissances
indispensables à leur profession, ils sont nommés sous-
ingénieurs et complètent leur éducation pratique dans les
manufactures mômes ; on exige qu'ils restent six ans dans
ce grade avant de passer ingénieurs.
Ecole d'application des poudres et salpêtres. —
Cette école, organisée par décret du 25 mars 1878, n'a
qu'une existence théorique. Les conditions en ont été dé-
crites dans le paragraphe ci-dessus (V. aussi l'art. Pou-
dres et Salpêtres).
Ecole professionnelle et supérieure des postes
et télégraphes.— Destination.— L'Ecole professionnelle
supérieure des postes et télégraphes, établie à Paris, rue de
Grenelle, n^ 103, a pour objet la formation d'un personnel
instruit pour les postes et télégraphes. Elle a été fondée le
12 juil. 1878 par M. Cochery, ouverte le 1^^ nov. 1878,
réorganisée par décret du 29 mars 1888. Elle comprend
deux sections. La première vise à former le personnel su-
périeur de l'administration des postes et télégraphes, la
seconde forme VEcole supérieure de télégraphie pour
le recrutement et l'instruction personnelle des ingénieurs
— 449 —
ÉCOLE
des télégraphes. L'arrêté du 28 juiL 1888 règle le fonc-
tionnement de l'Ecole supérieure des postes et télégraphes.
PREMIÈRE SECTION. — CONDITIONS d' ADMISSION. —
Nul n'est admis que par voie de concours. Ce concours est
ouvert chaque année au mois de juillet. Pour concourir, il
faut que le candidat soit bien noté, ait vingt-cinq ans ré-
volus et compte cinq années de service comme agent titu-
laire de l'administration au 1®^ janv. de l'année du concours.
Les épreuves exigées des candidats consistent en compo-
sitions écrites et en examens oraux sur les matières déter-
minées par un arrêté ministériel. Les épreuves écrites sont
faites le même jour et à la même heure, dans les villes
désignées par décision du directeur général. Les candidats
déclarés admissibles après la correction des compositions
écrites sont appelés à Paris pour subir les examens oraux.
La connaissance des langues étrangères est facultative ; il
en est tenu compte pour le classement.
Régime intérieur. — La durée totale des cours et exer-
cices est de dix-huit mois. L'instruction professionnelle
donnée aux élèves de la première section de l'Ecole des
postes et télégraphes comprend deux séries réparties sur
deux périodes distinctes. Dans la première, les élèves re-
çoivent l'enseignement théorique ; dans la seconde, ils se
familiarisent avec les détails du service. L'enseignement
théorique comporte sept cours : histoire des relations
sociales et des progrès scientifiques ; droit administratif et
comptabilité générale ; législation ef exploitation postales ;
législation et exploitation télégraphiques ; sciences appli-
quées ; physique et chimie ; construction et matériel. Durant
la seconde période, on fait passer les élèves par les services
suivants : construction, surveillance et entretien des lignes
aériennes; construction, surveillance et entretien deshgnes
spéciales souterraines, pneumatiques et téléphoniques ;
exploitation de grands bureaux télégraphiques (lignes
aériennes et souterraines) et des réseaux téléphoniques ;
établissements et services spéciaux de la poste et des télé-
graphes ; services ambulants. A la fin de chaque trimestre
de la période consacrée à l'enseignement intérieur, les
élèves subissent des épreuves sur les matières enseignées à
l'Ecole et les exercices qui s'y rattachent ; à la fin de chaque
série de la période d'application, ils présentent un rapport
sur les travaux et études auxquels ils ont pris part. Ceux
dont les épreuves et les rapports ne sont pas jugés suffi-
sants peuvent, sur la proposition du directeur de l'Ecole,
n'être pas admis à subir les examens de sortie. Les notes
attribuées pour les examens trimestriels et pour les rapports
se combinent, pour le classement final, avec les notes obte-
nues aux examens de sortie.
Sortie. — Les examens de sortie en vue de l'obtention du
brevet ont lieu au mois d'avril de la dernière année d'études.
Les élèves qui échouent aux examens de sortie peuvent
être autorisés à se présenter de nouveau devant le jury de
l'année suivante. Les agents brevetés, s'ils justifient de la
connaissance d'une langue étrangère, peuvent être chargés,
en pays étrangers, de missions ayant pour objet l'étude
des questions intéressant le service des postes et des télé-
graphes.
Les élèves qui ont satisfait aux examens de sortie reçoi-
vent un diplôme qui leur donne accès aux emplois supé-
rieurs suivants : administrateur, chef et sous-chef de
bureau, commis principal à l'administration centrale, direc-
teur, inspecteur et sous-inspecteur du service départemental,
receveur de bureaux composés de première et seconde
classe, chef de centre, de dépôt, de section, etc.
ECOLE SUPÉRIEURE DE TÉLÉGRAPHIE.— Cm-
DiTioNS d'admission. — Indépendamment des rares élèves
de l'Ecole polytechnique classés, d'après leur rang de sortie,
dans les télégraphes (un seul dans les cinq dernières années),
l'Ecole reçoit d'autres élèves, qui y sont admis par voie de
concours, et des auditeurs libres. Français ou étrangers,
dûment autorisés à suivre les cours et conférences. Le
concours a lieu, tous les deux ans seulement, au mois
d'octobre. Sont admis au concours : les agents des postes
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
et des télégraphes comptant deux ans de services ; les
Ucenciés es sciences ; les anciens élèves de l'Ecole poly-
technique; les anciens élèves de l'Ecole normale supé-
rieure ; les anciens élèves de l'Ecole supérieure des mines ;
les anciens élèves de l'Ecole des ponts et chaussées ; les
anciens élèves de l'Ecole forestière ; les anciens élèves de
l'Ecole centrale des arts etmanufactures ayant satisfait aux
examens de sortie. — Les candidats doivent être Français ou
naturalisés Français et être âgés de vingt ans au moins et
de trente ans au plus au 1^^ janv. de l'année dans laquelle
ils se présentent au concours.
La demande d'admission au concours doit être adressée
au directeur général des postes et télégraphes avant le
1^^ sept, de l'année du concours et être accompagnée (sauf
pour les agents de l'administration) : 4 «d'un extrait réguher
de naissance du candidat, et, au besoin, de son acte de natu-
ralisation ; 2° d'un certificat de bonnes vie et mœurs délivré
par les autorités du lieu de son domicile et dûment légahsé ;
3^ d'un extrait du casier judiciaire ; 4° d'une déclaration
dûment légahsée d'un docteur en médecine, constatant que
le candidat est vacciné ou qu'il a eu la petite vérole.
Tout candidat doit, en outre, justifier de sa situation au point
de vue militaire.
Les candidats subissent les examens à Paris, devant un
jury désigné à cet effet. Les épreuves consistent en: i^ une
composition écrite sur la physique et une composition
écrite sur la chimie ; 2<^ un dessin graphique ; 3« des
examens oraux, qui portent sur les mathématiques, le
calcul différentiel, le calcul intégral, la mécanique, la phy-
sique, la chimie, une langue vivante (l'anglais ou l'alle-
mand), conformément aux programmes arrêtés par le
ministre. Le jury détermine l'ordre de mérite des candidats
et en adresse la liste au ministre, qui statue sur l'admis-
sion. Le nombre des admissions varie selon les besoins du
service.
RéCxIme intérieur. — Le régime de l'Ecole est l'exter-
nat. Elle admet, à côté des élèves, des auditeurs libres. Les
cours sont répartis sur deux années consécutives et ont
lieu alternativement tous les deux ans. Pendant la durée
des études, les élèves de l'Ecole prennent le titre d'élèves-
ingénieurs des télégraphes. Ils reçoivent un traitement fixe
de 1,800 francs. Les cours et conférences de l'Ecole por-
tent sur les matières suivantes : construction des lignes
télégraphiques aériennes, souterraines et sous-marines ;
mesure électrique ; physique ; appareils télégraphiques ;
chimie appliquée aux matières employées en télégraphie ;
téléphone ; lumière électrique ; transmission et distribution
de la force électrique ; vapeur ; télégraphie militaire ; appli-
cations de l'électricité dans les chemins de fer ; architec-
ture et construction ; anglais ; allemand. En outre, les
élèves se livrent à des exercices pratiques de manipulations ,
de mesure électrique, de télégraphie militaire. Durant l'été,
ils sont envoyés en mission, et il leur est alloué à cet effet
des allocations supplémentaires. L'objet de ces missions est
l'étude du service dans tel ou tel département, la visite
d'ateliers de fabrication d'instruments ou de matériel télé-
graphique. Les élèves rédigent un journal descriptif qu'ils
remettent à leur retour.
A l'Ecole sont annexés un laboratoire où se font des
recherches demandées par l'administration ; un musée où
sont conservés les modèles d'appareils employés par l'ad-
ministration autrefois ou actuellement, ceux qui le sont ou
l'ont été à l'étranger, enfin ceux qui ont été proposés.
Sortie. — Les élèves-ingénieurs des télégraphes ne peu-
vent être admis définitivement dans le service technique que
lorsqu'ils ont subi avec succès les examens de sortie de se-
conde année. Ils entrent dans ce service au l'^-^ oct. de leur
deuxième année d'études avec le grade de sous-ingénieur
des télégraphes. — Les auditeurs libres peuvent obtenir un
diplôme ou un certificat spécial mentionnant les cours sur
lesquels ils ont subi un examen satisfaisant. A. -M. B.
Ecole centrale des arts et manufactures. — Des-
tination. — L'Ecole centrale des arts et manufactures,
29
ÉCOLE
- 450 -
établie à Paris, rueMontgolfier, n^ 4, est spécialement desti-
née à former des ingénieurs pour toutes les branches de
Findustrie et pour les travaux et services publics dont la
direction n'appartient pas nécessairement aux ingénieurs
de l'Etat. Les étrangers peuvent y être admis comme les
nationaux et aux mêmes conditions. L'Ecole centrale res-
sortit au ministère du commerce, mais elle a une organisa-
tion particulière qui lui assure une grande autonomie (V. ci-
dessous). L'arrêté ministériel réglementaire du 24 mai 1862
est la charte de l'Ecole.
Historique. — L'Ecole centrale des arts et manutactures
a été créée par l'initiative privée en 4829. Son premier
prospectus dit qu'elle fut fondée avec l'autorisation de
M. de Yatimesnil, ministre de l'instruction publique, par
MM. Lavallée, directeur, Benoît, Dumas, Olivier et Péclet,
professeurs. Les grands progrès scientifiques accomplis et
l'essor de l'industrie au moment de la Restauration fai-
saient vivement sentir la nécessité d'un corps d'ingé-
nieurs civils rendant à l'industrie privée les services que
les élèves de l'Ecole polytechnique rendaient à l'armée et
aux services publics. En 4828, trois jeunes savants prirent
l'initiative de la création d'une école où se formeraient ces
ingénieurs civils, directeurs d'usines, chefs de manufac-
tures, etc. ; c'étaient le physicien Péclet, sorti de l'Ecole
normale, le chimiste Olivier, élève de Monge, sorti de l'Ecole
polytechnique , passionné pour la géométrie descriptive ,
enfin le chimiste J.-B. Dumas, professeur illustre. Ils se
mirent d'accord avec Lavallée, qui fournit les capitaux. Un
acte d'association fut signé entre ces quatre hommes émi-
nents. Laissant à l'Ecole polytechnique les mathématiques
supérieures, aux écoles d'arts et métiers l'apprentissage
professionnel, on prit pour modèle l'ancienne Ecole cen-
trale des travaux publics (Ecole polytechnique) de la Révo-
lution française, étudiant les sciences mathématiques et
physiques au point de vue de leurs applications aux arts
industriels, consacrant beaucoup de temps aux travaux
graphiques et aux manipulations. On fit une innovation
féconde en faisant exécuter aux élèves de nombreux pro-
jets, d'après des données réelles, pour exciter à la fois et
pondérer l'esprit d'invention.
L'Ecole fut d'abord installée dans l'hôtel de Juigné, au
Marais, à l'angle des rues des Coutures-Saint-Gervais et de
Thorigny. Ce local, loué 45,000 fr., était heureusement
choisi. L'hôtel, bâti en 4626 par le financier Aubert de
Villeneuve, acquis ensuite par le duc de Villeroy, puis par
l'archevêque de Paris, Juigné, était assez vaste pour abriter
les 500 élèves que M. Lavallée rêvait d'y amener un jour.
n abrita l'Ecole centrale jusqu'en 4884. — Des agrandisse-
ments l'amenèrent jusqu'à la rue de la Perle et presque à la
rue Yieille-du-Temple. — Les cours s'ouvrirent le 3 nov.
4829. Aux trois professeurs fut adjoint M. Benoît, aussitôt
remplacé par CoUadon , puis, en 4830, par Coriolis, qui traça
les cadres de l'enseignement de la mécanique à l'Ecole.
L'organisation était très simple. Le directeur était chargé
de l'administration, de la représentation et de la corres-
pondance ; réuni aux autres membres fondateurs, il formait
le conseil supérieur de l'Ecole qui nommait les professeurs,
répétiteurs, etc., recevait ou écartait les candidats. Un
conseil des études était formé du directeur et de tous les
professeurs ; il dressait les Hstes de classement après les
examens de passage et les examens de sortie. La durée
des études, fixée d'abord à deux ans, fut étendue à trois ans
dès 4830. Les élèves devaient avoir au moins quinze ans
(à partir de 4835, seize ans) le jour de leur entrée, mais
on eut soin de n'établir aucune limite d'âge supérieure et
on eut à se féliciter de cette décision libérale. L'Ecole ne
recevait que des élèves externes. On étabht pour l'admis-
sion, non pas un concours, mais des examens admettant sur
le même rang, sans en limiter le nombre, tous ceux qui
étaient capables de recevoir l'enseignement. Les examens
furent confiés en province aux professeurs de mathéma-
tiques spéciales des lycées ; à l'étranger, aux professeurs
des universités. Le programme d'admission était celui de
l'Ecole centrale des travaux publics en 4794. La rétribu-
tion scolaire fut fixée à 700, puis, dès 4830 , à 800 fr. par an.
Des chefs d'études nommés par leurs camarades mainte-
naient l'ordre. Nulle autre peine disciplinaire que la répri-
mande ou l'exclusion. Les élèves étaient tenus en haleine
par de fréquentes interrogations. Les cours des travaux
graphiques et la manipulation absorbaient tout le temps
passé à l'Ecole. Rentrés chez eux, les élèves avaient à
reviser leurs notes et à se préparer pour être toujours prêts
à répondre aux interrogations, enfin à exécuter les projets
demandés; cette gymnastique intellectuelle rendait toute
oisiveté impossible et l'externat n'avait nul inconvénient.
A l'origine, il y eut neuf cours : géométrie descriptive ;
physique ; mécanique industrielle ; chimie et arts chimiques ;
histoire naturelle industrielle; exploitation des mines; art
de bâtir; économie industrielle ; dessin. La première année,
440 élèves suivirent ces cours ; 48 avaient plus de vingt et un
ans, quelques-uns plus de trente ans ; quelques-uns étaient
étrangers. Le conseil de l'Ecole avait créé 440 demi-bourses
pour les candidats sans fortune. La seconde année on pro-
céda à l'organisation définitive, répartissant les cours entre
les trois années : quatre dans la première, huit dans la
seconde, dix dans la troisième ; la théorie des machines, la
construction des machines furent distinguées de la méca-
nique ; la métallurgie du fer devint l'objet de deux cours.
On subdivisa l'art de bâtir en deux cours : architecture
civile, grands travaux d'art. On enseigna encore la géo-
logie et minéralogie et l'hygiène. Tous les cours étaient
obligatoires pour tous les élèves, mais les dessins et mani-
pulations furent scindés en deux séries : l'une générale,
l'autre spéciale. Les élèves étaient séparés en cinq sections
spéciales : construction des machines et arts mécaniques ;
constructions proprement dites et arts physiques ; chimie
minérale et applications ; chimie organique et arts agri-
coles ; exploitation des mines et métallurgies. Depuis, on a
réuni la troisième et la quatrième section. A leur sortie,
seuls les élèves jugés capables recevaient un diplôme de
capacité avec indication détaillée de leur travail à l'Ecole.
Celle-ci publiait un recueil mensuel : Annales de l'indus-
trie française et étrangère,
La révolution de Juillet amena une crise ; des élèves par-
tirent ; la nouvelle promotion fut peu nombreuse ; le total
des deux années ne dépassa pas 474 à la fin de 4830; en y
comprenant la troisième promotion (nov. 4834) on n'at-
teignait pas le chitfre de 200. Le choléra de 4832 aggrava
la situation. Les professeurs-fondateurs renoncèrent à leur
premier traité et remirent à M. Lavallée la propriété en-
tière de l'Ecole centrale avec toute la responsabilité pécu-
niaire. On ne délivra en 4832 (premier examen de sortie)
que 26 diplômes ou certificats; la promotion de 4833 ne
fut que de 20 élèves, celle de 4834 de 47 seulement. Ces
chiffres se relevèrent un peu ensuite ; la septième promo-
tion (1836-38) reçut 40 diplômes ou certificats. On sim-
pHfia les rouages, un conseil remplaça les trois conseils
primitifs. Les cours subirent quelques remaniements. En
4840, on demanda aux élèves un travail de vacances. Du-
rant cette période, l'Ecole centrale n'ayant pu^ gagner les
sympathies du ministère de l'instruction publique, passa
sous la protection de celui de l'agriculture et du commerce.
Celui-ci obtint de la Chambre des députés la création de
28 bourses (44 demi-bourses, 44 bourses entières et, de
plus, 8 pensions alimentaires pour les plus pauvres de ces
boursiers). Ce nombre fut porté à 40 et un grand nombre
de départements accordèrent des subventions pour les élèves.
Enfin on avait rendu plus diflicile l'entrée en la subor-
donnant à un concours passé devant un jury nommé par
le ministre. Les progrès furent sensibles de 4840 à 4848;
le nombre des élèves et des diplômes fut double de celui
qu'on avait compté dans la période précédente. Il doubla
de nouveau dans la période 4850-57. De 4829 à 4857,
l'Ecole centrale avait reçu 3,342 élèves et déhvré 4,294
diplômes ou certificats. En 4848, les élèves de l'Ecole de-
mandèrent et obtinrent un uniforme qui d'ailleurs ne dura
- 451 -
ECOLE
pas. Cette année vit (4 mars) la fondation de la grande
Société des ingénieurs civils (V. cet art.), principale-
ment composée des anciens élèves de l'Ecole centrale. Le
cours de chemins de fer inauguré dès 1 834 à l'Ecole avait
beaucoup fait pour le succès de l'Ecole qui profitait large-
ment des progrès rapides de l'industrie. De 1837 à 1840,
le nombre des élèves atteint presque 300. L'équilibre finan-
cier est enfin réalisé. Les examens deviennent plus difii-
ciles. En 1850, l'Ecole a 350 élèves; en 1856, elle en ren-
ferme 450, et il faut agrandir les bâtnnents et élever de
nouveaux amphithéâtres. Aux élèves-commissaires, on avait
adjoint pour la surveillance des inspecteurs (capitaines en
retraite). Les Expositions universelles de Londres (1851)
et de Paris (1855) consacrèrent définitivement le grand
succès de l'Ecole centrale. A ce moment, l'avenir fut assuré
par la cession de l'Ecole à l'Etat.
Le directeur et les fondateurs de l'Ecole centrale se pré-
occupaient de ce qu'elle deviendrait après eux, d'autant
que son hôtel ne lui appartenait pas. Le développement
pris par leur œuvre dépassait les limites d'une entreprise
particulière ; elle avait tout le caractère d'un grand établis-
sement public. Il était désirable que l'Etat l'ajoutât à la
liste des centres d'instruction qu'il avait organisés. M. La-
vallée, d'accord avec MM. Dumas et Péclet, proposa donc de
céder gratuitement l'Ecole centrale à l'Etat (25 févr. 1855).
Cette proposition était d'autant plus généreuse que les béné-
fices annuels de la direction dépassaient 100,000 fr. Le con-
seil des ministres accepta en principe à la fin de 1855. Les
objections du conseil d'Etat, fondées surtout sur les excel-
lents résultats obtenus par l'initiative privée, retardèrent
la solution. Voici les chiffres qui furent fournis au point de
vue financier. De 1837 à 1840, le nombre moyen d'élèves
était de 279, le produit net de 75,000 fr. par an; de 1840
à 1853, le nombre moyen d'élèves était de 304, le produit
net annuel de 65,000 fr. ; de 1853 à 1856, le nombre
moyen d'élèves était de 401, le produit net annuel de
89,000 fr.; en 1855-56, le produit net dépassait 101 ,000 fr.
Le gouvernement accepta définitivement à la fin de l'année
1856. La convention fut signée entre le ministre du com-
merce et M. Lavallée le dS av. 1857. Le projet de loi rati-
fiant la cession fut présenté au Corps législatif le 8 mai 1857;
voté par lui , il fut ratifié par le Sénat. La loi fut pro-
mulguée le 19 juin suivant. Par cette convention, M. Martin-
Lavallée et ses enfants cédaient et transportaient à l'Etat
la propriété de l'Ecole centrale des arts et manufactures y
compris le mobilier, le bail de l'hôtel de Juigné, les cons-
tructions et agencements faits dans l'Ecole, etc. En échange,
l'Etat servait à MM. Dumas et Péclet une rente viagère de
4,000 fr., à M"^® veuve Olivier une rente de 2,000, s'en-
gageait à la servir à divers employés le jour où ils cesseraient
leurs fonctions. L'art. 2 de la loi stipulait : « Les produits
de l'Ecole ne se confondront pas avec les recettes du Trésor
et seront spécialement affectés aux dépenses de l'établisse-
ment. » L'Ecole demeura rattachée au ministère de l'agri-
culture, du commerce et des travaux publics.
Le gouvernement conserva à l'Ecole centrale l'organisa-
tion et le système d'enseignement auxquels elle devait sa
prospérité. Mais il put opérer des améliorations sensibles.
La principale fut l'institution d'un concours d'admission
avec épreuves écrites d'admissibilité et épreuves orales et
classement. La limite d'âge minimum fut élevée à dix-
huit ans. Les candidats passaient le concours à Paris, par
sections, ce qui n'assurait pas une égalité parfaite, les sujets
de composition étant différents. En 1862, on rédigea un
programme détaillé ; depuis l'origine le niveau des connais-
sances exigées n'avait cessé de s'élever. En 1867, on pro-
céda à une refonte de ce programme auquel on fit de
nouvelles additions. Le résultat de ces modifications fut
excellent. Alors que dans la première période il n'y avait
eu sur 3,342 élèves entrés que 1,291 ayant obtenu le
diplôme de fin d'études, le nombre de fruits secs s'élevantà
2,051 (61 o/o), dans la période de 1857 à 1877, sous la
direction de l'Etat, il y eut, pour 3,924 entrées, 2,763 sor-
ties réelles (avec diplômes) et seulement 1,161 fruits secs
(à peine 30 «/o). Les efforts de M. Cauvet, directeur des
études, ont beaucoup contribué à ce résultat. — La cession
à l'Etat entraîna de grandes améliorations intérieures ; on
put dédoubler les cours communs à la deuxième et à la troi-
sième année. Le règlement de l'Ecole centrale fut établi
par un arrêté du 24 mai 1862; on rétablit le conseil de
perfectionnement. L'autonomie de l'Ecole en fut accrue. En
1867, on évaluait le nombre des candidats à 450, celui
des élèves reçus à 220, le nombre des élèves présents à
590. Ces chiffres diminuèrent après la guerre de 1870, par
suite de la réception d'un plus grand nombre d'élèves à
l'Ecole polytechnique. En 1872, il n'y a que 300 candidats
pour plus de 200 places; cette moyenne se relève à 411
candidats en 1878. Il n'a cessé d'augmenter depuis. En 1891 ,
on a compté 534 candidats pour 248 admissions. L'élé-
vation du niveau des études résulte du fait que la propor-
tion des élèves admis à passer en seconde année s'est accrue
sans cesse ; de même la proportion des élèves diplômés et
la note moyenne obtenue par eux. De 1859 à 1871, le
nombre moyen annuel des élèves ayant échoué à l'Ecole
polytechnique qui sont entrés à l'Ecole centrale a été de
50, le quart de chaque promotion.
La Société amicale des anciens élèves de l'Ecole cen-
trale, créée en 1862, en reliant les promotions successives,
en a formé un faisceau puissant ; s'occupant des positions
vacantes dans les carrières ouvertes aux élèves de l'Ecole,
elle a rendu à ceux-ci les plus grands services ; elle a été
reconnue d'utilité publique le 14 août 1867.
Pour compléter l'histoire de l'Ecole centrale, il nous
reste à parler de son transfert dans les nouveaux bâtiments
qui ont été bâtis pour elle à l'ancien marché Saint-Martin,
dont la ville de Paris céda les 6,300 m. q. pour le prix
de 150,000 fr. environ, en subordonnant la cession au
maintien de l'autonomie financière, administrative et sco-
laire de l'Ecole centrale.
Conditions d'admission. — Nul n'est admis à l'Ecole que
par voie de concours. Le concours a lieu tous les ans, à
Paris, et comprend deux sessions distinctes, entre lesquelles
les candidats ont le droit d'opter. Toutefois, ceux qui auront
subi les épreuves de la première session ne pourront se
présentera la seconde. La première session, en août, cor-
respond à la cessation des classes dans les lycées. La
seconde session, deux mois après, donne des facilités aux
préparations en retard. Pour être admis à concourir, il
suffit d'en faire la demande par écrit avant le 15 juil. pour
la première session et avant le 15 sept, pour la deuxième
session. Toutefois, les candidats de l'une ou l'autre session
qui aspirent aux subventions de l'Etat doivent toujours
avoir envoyé leur demande à la préfecture de leur dépar-
tement avant le 15 juil., ainsi qu'il est dit précédemment.
La demande d'inscription pour le concours doit être adressée
au directeur de l'Ecole.
Les candidats, en se présentant au secrétariat de l'Ecole
au jour fixé'par leur lettre de convocation, doivent : jus-
tifier qu'ils ont eu dix-sept ans accompHs au 1^^ janv. de
l'année dans laquelle ils se présentent au concours ; pro-
duire un certificat de vaccine et un certificat de morahté
délivré par le chef de l'établissement dans lequel ils ont
accompli leur dernière année d'études, ou, à défaut, par le
maire de leur dernière résidence.
Le concours est public. Les épreuves consistent en com-
positions écrites et en examens oraux, qui portent sur les
connaissances ci-après : 1° la langue française ; 2° l'arith-
métique ; 3° la géométrie élémentaire ; 4° l'algèbre jusqu'à
la théorie générale des équations inclusivement ; 5^ la tri-
gonométrie rectiligne ; 6^ la géométrie analytique à deux
et à trois dimensions jusqu'aux notions générales sur les
surfaces du deuxième degré inclusivement ; 7** la géométrie
descriptive jusqu'aux surfaces gauches exclusivement ;
8*^ toute la partie de la physique que comprend l'ensei-
gnement des lycées, y compris la chaleur et des notion
générales sur l'optique et l'électricité; 9^ en chimie, le
ÉCOLE
— 452 —
Généralités et les métalloïdes; 10° des notions d'histoire
naturelle; 11« le dessin à main levée, le dessin au trait
et le lavis.
Toutes les matières comprises dans le programme détaille
sont également obligatoires. Les candidats dont les connais-
sances sur l'une quelconque des matières seraient reconnues
insuffisantes ne pourront être admis.
Les compositions écrites peuvent s'appliquer à toutes
les divisions du programme ; une rédaction correcte et
méthodique, ainsi qu'une écriture régulière et très lisible,
en est la condition essentielle. Les candidats exécute-
ront, en outre, sous les yeux d'un surveillant, une épure
de géométrie descriptive et un dessin architectural renfer-
mant des parties ornementées, que le candidat doit pro-
duire à une échelle réduite, d'après un dessin modèle. Une
partie déterminée de ce dessin devra être lavée à teintes
plates. , 1 1 . 1
Les candidats devront avoir une grande habitude du
dessin géométrique de machine et d'architecture, du lavis
et du dessin à main levée. Les compositions graphiques
qu'ils auront à faire sous les yeux des inspecteurs de l'Ecole
comprendront : 1° une épure de géométrie descriptive sur
un des sujets compris dans le programme ; 2° une feuille
de dessin comprenant un exercice de dessin au trait, un de
lavis ou un de dessin à main levée. Ces dessins seront faits
à une échelle réduite d'après un modèle donné.
Les candidats présenteront en outre aux examinateurs :
io une collection d'épurés relatives aux questions spécifiées
dans le programme de géométrie descriptive et des tracés
des courbes du second degré ; ^'^ une collection de dessins
d'architecture et de machines, au trait et au lavis ; 3<^ un
cahier de croquis faits à main levée d'après des dessins
d'architecture, de pièces de machines et d'appareils de phy-
sique et de chimie. L'Ecole recommande d'une manière
spéciale aux candidats de s'attacher, dans leurs études de
dessin, autant à la rapidité d'exécution qu'à l'exactitude
des formes et à la pureté du trait.
Les épreuves du concours commencent vers le l®'^ août
pour la première session et vers le 10 oct. pour la deuxième
session.
Admission. Après la clôture du concours, la liste des
élèves admis sera définitivement arrêtée par le ministre,
sur la proposition du conseil de l'Ecole, et publiée au Jour-
nal officiel. Le nombre des élèves admis chaque année est
de 230 environ. Tout candidat nommé élève qui ne se sera
pas présenté au directeur au jour indiqué dans sa lettre
d'admission, sera considéré comme démissionnaire. — • Les
parents qui ne résident pas à Paris sont tenus d'y avoir un
correspondant qui puisse les représenter auprès du direc-
teur de l'Ecole et surveiller la conduite de l'élève hors de
l'étabUsssement.
Subventions de VEtat. Des subventions peuvent être
accordées sur les fonds de l'Etat aux élèves français qui se
recommandent à la fois par l'insuffisance constatée des res-
sources de leur famille et par leur rang de classement, soit
à la suite des examens d'admission, soit après les épreuves
de passage d'une division dans la division supérieure. Ces
subventions ne sont accordées que pour un an, mais elles
peuvent être continuées ou même augmentées en faveur des
élèves qui s'en rendent dignes par leurs progrès. Les sub-
ventions sur les fonds de l'Etat peuvent être cumulées avec
les allocations accordées aux élèves par les départements
et les communes. Le montant de ces subventions est versé
à la caisse de l'Ecole au moyen d'un mandat ordonnancé
au nom de l'agent comptable, qui en donne quittance. Si la
somme des subventions obtenues par un élève dépasse le
prix de l'enseignement, le surplus lui est payé, à titre de
pension ahmentaire, sur un mandat du directeur.
Les candidats qui désirent avoir part aux subventions
de l'Etat doivent en faire la déclaration par écrit sur
papier timbré, avant le 15 juil., à la préfecture de leur
département. Toute demande postérieure à cette date, de
quelque manière qu'elle se présente, et quelles que soient les
causes du retard, sera irrévocablement écartée. Cette
déclaration est accompagnée d'une demande adressée au
ministre, appuyée de l'extrait de naissance de l'élève et
d'un certificat de moralité délivré par le chef de l'établis-
sement dans lequel il a accompli sa dernière année d'études,
ou, à défaut, par le maire de sa dernière résidence. La
demande est communiquée par le préfet au conseil muni-
cipal du domicile de la famille du candidat, afin que ce
conseil vérifie si la famille est dépourvue des ressources
suffisantes pour subvenir à l'entretien de l'élève à Paris,
et au payement total ou partiel du prix de l'enseignement
pendant la durée des études. Le préfet transmet au ministre,
avant le 1^^ oct., la délibération motivée du conseil muni-
cipal, avec les pièces justificatives à l'appui, et il y joint
son avis personnel.
Régime intérieur.— L'Ecole centrale ne reçoit que d^es
élèves externes. Le nombre total est d'environ 640 (250
en première année, 200 en seconde, 190 en troisième).
Us ne portent aucun uniforme ni aucun signe distinctif en
dehors de l'Ecole. La durée des études est de trois ans.
Le prix de l'enseignement, y compris les frais de manipu-
lation et travaux pratiques, "'s'élève à 900 fr. en première
année, 1,000 fr. en seconde et en troisième année. En
outre, il est prélevé, pour le concours de sortie de troisième
année, un droit de 100 fr. Les frais que nécessitent les
travaux graphiques et les fournitures de bureau sont à la
charge de l'élève. Indépendamment du prix de l'enseigne-
ment, les élèves sont tenus de verser à la caisse de l'Ecole,
au commencement de chaque année, et à titre de dépôt,
une somme de 35 fr. destinée à garantir le payement des
objets perdus, cassés ou détériorés par leur faute. ^
Les élèves arrivent à l'Ecole de huit heures à huit heures
et demie du matin et en sortent de quatre heures à quatre
heures et demie. Ils ont une heure pour déjeuner (de dix
heures à onze heures). On met à leur disposition un réfec-
toire dont l'organisation rappelle celle des buifetsdes gares
de chemins de fer. Deux fournisseurs concurrents auxquels
l'Etat prête le local fournissent la nourriture à prix réduit.
L'Ecole est administrée sous l'autorité du ministre du
commerce par un directeur. Le directeur est nommé parmi
les personnes qui font ou ont fait partie du conseil de per-
fectionnement de l'Ecole centrale. Il est assisté d'un sous-
directeur. Le personnel enseignant comprend : un directeur
et un sous-directeur des études, des professeurs de sciences
industrielles et de sciences générales, des maîtres de con-
férence, chefs de travaux, répétiteurs et préparateurs. Le
directeur des études s'occupe de tous les détails des travaux
des élèves parmi lesquels il maintient la discipline avec
l'aide des inspecteurs.
Le conseil de VEcole se compose des professeurs de
sciences industrielles; les directeurs et sous -directeurs
peuvent assister aux séances. Il prépare et étudie les mesures
concernant la direction et l'amélioration de l'enseignement.
Il arrête le programme d'admission, les programmes des
cours et des travaux. Il prononce ou propose les peines
disciplinaires à infliger aux élèves. Il donne son avis sur
le projet de budget présenté par le directeur de l'Ecole,
ainsi que sur les dépenses imprévues (crédits supplémen-
taires). Il délibère sur les comptes de gestion présentés par
l'agent comptable et sur les inventaires dressés par le
conservateur du matériel. Il dresse les listes de candidats
à proposer au ministre pour les emplois dans le personnel
enseignant ou le jury d'admission. Il dresse la liste des
candidats qu'il propose d'admettre à l'Ecole, celle des élèves
admis à passer d'une division à la division supérieure, celle
des élèves dignes du diplôme ou du certificat de capacité.
On lui adjoint neuf anciens membres ou élèves diplômés
(désignés pour six ans par le ministre sur la proposition
du directeur et avis du conseil) pour délibérer sur la liste
des élèves présentés pour le diplôme, sur les changements
à faire aux programmes ou au règlement de l'Ecole, sur la
présentation des candidats aux fonctions de professeur.
Dans les délibérations sur les questions de personne, les
453
ÉCOLE
deux directeurs et les deux sous-directeurs votent. Le
conseil de l'Ecole, avec adjonction des neuf membres ci-
dessus désignés, remplit les fonctions de conseil de per-
fectionnement. Ces conseils se réunissent sur convocation
du directeur, qui fixe l'ordre du jour.lUn conseil d'ordre
est formé des deux directeurs et d'un délégué mensuel du
conseil de l'Ecole. Il statue sur les questions relatives à
la discipline.
Les punitions qui peuvent être infligées aux élèves sont :
i^ la censure particulière, qui peut être prononcée par le
conseil d'ordre; 2° la réprimande, prononcée par le même
conseil, avec ou sans comparution devant le conseil de
l'Ecole; 3° la réprimande prononcée par le conseil de
l'Ecole, avec ou sans la mise à l'ordre de l'Ecole ; 4° le
renvoi de l'Ecole prononcé par le ministre sur la proposition
du conseil de TEcole et l'avis du directeur. Toute réprimande
prononcée par le conseil de l'Ecole est communiquée aux
parents. On adresse à ceux-ci ou aux correspondants le
bulletin annuel de notes de l'élève ; une copie est adressée
aux préfets et aux maires pour les élèves auxquels leur
département ou leur commune accorde une subvention.
Service militaire. La loi du 15 juil. 1889 a accordé
aux élèves de l'Ecole centrale des avantages presque égaux
à ceux accordés aux élèves de l'Ecole polytechnique. Ceux
des jeunes gens reçus à l'Ecole qui sont reconnus propres
au service militaire n'y sont définitivement admis qu'à la
condition de contracter un engagement volontaire de quatre
ans. Ils doivent contracter cet engagement exclusivement
dans l'arme de Tartillerie. Ils sont considérés comme pré-
sents sous les drapeaux dans l'armée active pendant tout
le temps passé par eux dans ladite Ecole. Ils reçoivent,
dans cette Ecole, l'instruction militaire complète et sont à
la disposition du ministre de la guerre. Leurs engagements
courent du l'''^ oct. de l'année de l'entrée à l'Ecole.
S'ils ne peuvent satisfaire aux examens de sortie, ou
s'ils sont renvoyés pour inconduite, ils sont incorporés
dans un corps de troupe pour y terminer le temps de ser-
vice qui leur reste à faire. Les élèves de l'Ecole centrale
quittant l'Ecole après avoir satisfait aux examens de sortie
accomplissent une année de service dans un corps de
troupe. A la fin de cette année de service, ils peuvent être
nommés sous-lieutenants de réserve.
Le jeune homme qui demande à s'engager se présente
devant un commandant de bureau de recrutement. Cet
officier supérieur, après s'être assuré, avec l'assistance
d'un médecin militaire, ou, à défaut, d'un docteur en
médecine désigné par l'autorité militaire, que le jeune
homme n'a aucune infirmité ni maladie apparente ou
cachée, qu'il est d'une constitution saine et robuste, qu'il
a la taille et qu'il réunit les conditions exigées pour servir
dans le corps où il désire entrer, lui délivre un certificat
d'aptitude. Le chef du corps où désire entrer l'engagé peut
également délivrer ce certificat après visite d'un des
médecins placés sous ses ordres.
Si, pendant la durée des études, un élève est admis à
redoubler une année à l'Ecole, cette année ne compte pas
dans la durée de l'engagement. Ces engagements sont con-
tractés au moment de l'admission à l'Ecole. Il en justifie
par la production du certificat d'admission. Il produit, en
outre : 1° l'extrait de son casier judiciaire ; 2<> le certi-
ficat d'aptitude au service militaire. Ce certificat est délivré
par le commandant du bureau de recrutement de la Seine.
Les jeunes gens reçus à l'Ecole centrale des arts et
manufactures, non aptes au service militaire au moment de
l'entrée à ladite Ecole, y sont admis sans avoir à faire
preuve de conditions d'aptitudes physiques autres que
celles qui sont nécessaires pour suivre les cours de l'Ecole.
L'aptitude physique de ces jeunes gens est constatée par
une commission composée du directeur de l'Ecole, du
commandant de recrutement de la Seine et d'un médecin
militaire désigné par le ministre de la guerre. Cette com-
mission, après s'être assurée que les vices de confor-
mation et les infirmités dont ces jeunes gens sont atteints,
ne sont pas de nature à les mettre hors d'état de suivre
les cours de l'Ecole, désigne ceux d'entre eux qui seront
tenus de prendre part aux exercices militaires. Les déci-
sions de la commission sont prises à la majorité des voix et
sont sans appel. — Tout élève non engagé qui est devenu
apte au service militaire peut souscrire, pendant son
séjour à l'Ecole, soit avant sa comparution devant le
conseil de revision, soit au moment de cette comparution,
un engagement de quatre ans, remontant au 1"^^ oct.
de l'année de son entrée à l'Ecole. Il sera soumis aux
mêmes obligations que les élèves de sa promotion engagés
au moment de leur admission. Tout élève non engagé,
appelé après sa sortie devant le conseil de revision et
reconnu apte au service militaire, ne sera tenu d'accompHr
qu'une seule année de service effectif dans les conditions
auxquelles il aurait été soumis s'il s'était engagé au
moment de son admission à l'Ecole, pourvu, toutefois,
qu'il ait satisfait aux examens de sortie de l'Ecole à
laquelle il a appartenu.
Les frais du costume militaire, exigé des élèves ayant
contracté un engagement, sont entièrement à la charge des
familles. Ce costume ne quitte pas l'Ecole pendant tout le
temps des études ; il est rendu aux élèves à leur sortie.
Enseigîiement. La durée du cours d'études est de trois
années. La première année est principalement consacrée à
l'étude des sciences générales et de quelques-unes de leurs
applications les plus élémentaires; les deux autres, à
l'étude des sciences appliquées à l'industrie. Pendant la
deuxième et la troisième année, les élèves sont partagés,
pour les travaux pratiques, en quatre spécialités : cons-
tructeurs, mécaniciens^ métallurgistes, chimistes. Ils
continuent néamoins à suivre tous les cours et à subir les
examens correspondants. A la fin de la troisième année
ont lieu les examens dans chaque spécialité pour l'obten-
tion du diplôme. Nul ne peut être admis à passer à l'Ecole
centrale une quatrième année que par une décision minis-
térielle et après une interruption forcée de son travail. Un
élève qui quitte l'Ecole dans le courant de la première année,
pour autre cause que l'exclusion, peut y être admis de
nouveau en subissant les épreuves du concours; il peut
même être dispensé de celles-ci.
Pendant la première année, les cours portent sur les
sujets suivants : analyse et mécanique générale ; géométrie
descriptive; physique générale; chimie générale; cinéma-
tique (mouvement des machines) ; construction des ma-
chines ; hygiène et histoire naturelle appliquée ; minéralogie
et géologie; architecture; botanique, zoologie; dessin
industriel; dessin d'ensemble. On exécute en outre des
manipulations de physique, de chimie, de stéréotomie, des
levers des travaux graphiques, des problèmes. Chaque élève
est, durant l'année scolaire, interrogé trois ou quatre fois
par mois par un répétiteur. Voici la liste par cours de ces
interrogations : calcul infinitésimal, 3 examens; mécanique
générale, 3 ; géométrie descriptive, 5 ; physique générale,
5; chimie générale, 6; minéralogie et géologie, 2; ciné-
matique, 2 ; construction des machines, 1 ; botanique et
zoologie, 2.
Outre ces examens particuliers qui concourent aux clas-
sements, les professeurs eux-mêmes font passer à la fin de
l'année un examen général, à chaque élève, sur la totalité
des cours. — Pendant les vacances qui suivent la première
année scolaire, les élèves doivent faire des levers de bâti-
ments et des levers de machines. Dans un mémoire spécial,
ils ont à traiter des questions relatives à la résistance des
matériaux. Les mémoires, les croquis et les dessins au net
sont remis à la rentrée en deuxième année.
En deuxième année, les cours portent sur : mécanique
apphquée ; résistance des matériaux employés dans les
machines et dans les constructions ; construction et établis-
sement des machines; chimie analytique; chimie indus-
trielle minérale; métallurgie ; constructions civiles ; physique
industrielle; législation industrielle ; céramique; teinture;
art de la verrerie.
ECOLE
— 454 -
On exécute de plus des manipulations de physique indus-
trielle; levers de terrains, jaugeage d'un cours d'eau;
construction de machines ; travaux graphiques et projets
(un par mois).
Les interrogations de la deuxième année sont réparties
par cours : mécanique appliquée, 4; construction des
machines, 4 ; chimie analytique, 2 ; chimie industrielle, 3 ;
exploitation des mines, 2 ; architecture, 4 ; physique indus-
trielle, 2.
Il y a de plus des manipulations de chimie analytique ;
manipulations de physique apphquée; levers de terrain;
jaugeage des cours d'eau ; législation industrielle.
Pendant les vacances qui suivent la deuxième année
scolaire, les élèves doivent visiter diverses usines. A leur
rentrée en troisième année, ils ont à remettre : l"" un
journal-mémoire ou compte rendu très sommaire des études
faites et des usines ou exploitations visitées ; 2° un album
contenant les notes et les croquis faits sur place ; 3° des
dessins au net détaillant les objets remarquables contenus
dans^l'album; 4° un mémoire relatif à des questions de
mécanique appliquée.
En troisième année, les cours portent sur : mécanique
appliquée; construction et établissement de machines;
chimie industrielle et agricole ; métallurgie générale et
métallurgie du fer ; exploitation des mines ; travaux
pubhcs ; chemins de fer.
Les projets sont divisés en deux séries. Dans la pre-
mière, on met les questions les plus essentielles de tous
les cours : elle comprend quatre études différentes exigées
de tous les élèves de la division. La seconde série appar-
tient entièrement à la spécialité ; elle comprend trois projets.
Les interrogations sont réparties comme suit : méca-
nique appliquée, 3; construction des machines, 2; chimie
analytique, 4; chimie industrielle, 2; métallurgie, 3;
exploitation des mines, 1 ; travaux publics, 3 ; chemins
de fer, 2 ; machines à vapeur, 2 ; constructions navales, 1 .
A la fin des cours ont lieu, sur l'ensemble des leçons de
l'année, les examens généraux. Le trait caractéristique de
renseignement de l'Ecole centrale est l'entraînement mé-
thodique et continu par le système des interrogations. Un
bon élève doit travailler au moins trois heures par jour
hors de l'Ecole, dans la soirée, afin de reviser ses notes ;
non seulement il est obligé à une grande assiduité, mais il
est tenu constamment en haleine par la fréquence des
interrogations. Au bout de la première année, un cinquième
des élèves reçus sont éliminés pour le passage en seconde
année ; quelques-uns encore restent en chemin à ce moment,
et, sur 250 élèves entrés dans chaque promotion, il n'y
en a guère que la moitié (110 à 150, selon les années)
qui obtiennent le diplôme. On dit donc qu'il est facile
d'entrer à l'Ecole centrale et difficile de s'y maintenir.
Quant aux catégories d'élèves classées par origine, on en
remarque de très diverses : beaucoup de candidats qui ont
échoué à l'Ecole polytechnique ou qui ont dépassé la limite
d'âge pour celle-ci ; un certain nombre d'anciens élèves
des écoles d*arts et métiers; ceux-ci sont habiles dessina-
teurs et souvent gagnent des rangs en seconde ou en troi-
sième année.
Il y a entre les élèves une grande solidarité. Ils ont une
caisse entretenue par des cotisations mensuelles, et em-
ploient une partie des fonds au profit des camarades dont
on devine la situation gênée. Parmi les amusements bruyants
des élèves, il faut mentionner leurs monômes dont le plus
connu les conduit à la foire au pain d'épice (place de la
Nation), et la revue annuelle où ils caricaturent leurs
professeurs. La suppression de celle-ci donna lieu, en
févr. 1892, à des troubles et à un bref licenciement de
l'Ecole.
Sortie. — Examen, Au commencement du mois de
juin, les cours et examens étant terminés, on distribue aux
élèves sortants le projet de concours. Ils quittent l'Ecole
durant un mois pour le préparer. Ils vont visiter, à cet
effet, des étabhssements industriels et rapportent des notes
et des esquisses. Le l^^'juil., ils rentrent à l'Ecole et
exécutent leur projet sur des feuilles timbrées. Le jury,
auquel sont soumis ces projets, se compose de quatre pro-
fesseurs et est présidé par le professeur de la spécialité à
laquelle appartient l'élève. Le projet de concours, accom-
pagné de mémoires et de calculs, est discuté contradictoi-
rement avec son auteur à l'examen oral, d'une durée de
trois quarts d'heure. Pour le classement définitif, on attribue
3/10 au chiffre du concours, 4/10 aux notes de troisième
année, 2/10 aux notes de seconde année, 1/10 aux notes
de première année. Il y a quatre sortes de diplômes : ingé-
nieur-mécanicien, constructeur, w,étallurgiste , chi-
miste. Le nombre des diplômes n'est pas limité; on en
donne autant ou aussi peu qu'il y a d'élèves le méritant ;
sa valeur est donc absolue et non relative à la force de
chaque promotion. Les élèves qui n'ont pu obtenir le
diplôme, mais ont été jugés dignes du certificat de capa-
cité, peuvent concourir une seconde fois pour le diplôme
d'ingénieur dans l'une des cinq années qui suivent leur
sortie de l'Ecole.
La grande majorité des diplômes sont accordés à des
ingénieurs mécaniciens et constructeurs ; voici d'ailleurs
les chiffres pour l'année 1891 : mécaniciens, 46 ; cons-
tructeurs, 52; métallurgistes, 17; chimistes, 2. A leur
sortie, les élèves de l'Ecole centrale trouvent à s'employer
en France ou à l'étranger, dans les usines, manufactures,
mines, etc. Leur Association amicale des anciens élèves
leur est d'un grand secours. Quelques carrières publiques
leur sont ouvertes. Le certificat de capacité dispense de
l'examen pour la place d'agent voyer cantonal, le diplôme
pour celle d'agent voyer d'arrondissement. A. -M. B.
Ecoles nationales d'arts et métiers. — Destina-
tion. — Les écoles nationales d'arts et métiers sont au
nombre de trois, et étabhes à Aix, Angers, Châlons-sur-
Marne ; celle de Lille, dont la création fut décidée par la
loi du 10 mars 1881, n'a pas été organisée. Elles dépen-
dent du ministère du commerce, de l'industrie et des colo-
nies, et ont pour objet de former des ouvriers capables
de devenir des chefs d'atelier et des industriels versés
dans la pratique des arts mécaniques. Elles sont placées
sous l'autorité du ministre du commerce et sous la haute
surveillance du préfet du département dans lequel chacune
d'elles est étabHe.
Historique. — L'origine de nos écoles d'arts et métiers
remonte au siècle dernier, et leur création est due à l'ini-
tiative privée. L'honneur en revient au duc de La Roche-
foucault-Liancourt. Ce grand seigneur, qui fut un des
hommes les plus éclairés de son temps, avait établi sur son
domaine de Liancourt une filature de coton. En 1788, il
y annexa une ferme modèle et une école ouvrière, où il fit
instruire une vingtaine d'orphelins. Les instructeurs furent
tirés de son régiment de dragons : ce furent des sergents
et des maîtres ouvriers. On appelait cette fondation Ecole
de la Montagne parce qu'elle était au sommet du domaine.
Elle se développa si vite que, dès 1791, elle comptait envi-
ron 100 élèves. Obligé de quitter la France après la chute
de la royauté, le duc vit son œuvre subsister. On érigea
Liancourt en école nationale ; le domaine ne fut donc pas
vendu et, dès 1799, le duc, rentré en France, put en
reprendre possession. Il demanda le transfert de l'école
au château de Compiègne. On l'effectua ; mais cette insti-
tution dut se plier comme les autres au militarisme alors
triomphant. On la fusionna avec VEcole de Popincourt,
celles des Tambours, des Enfants de la Patrie pour cons-
tituer le Prytanée français. Le 13 thermidor an IX, on
divisa le Prytanée en quatre collèges qui furent placés à
Paris, Saint-Cyr, Saint-Germain et Compiègne. Toutefois,
le collège de Compiègne conserva quelque chose de son
caractère originel. On y forma deux sections ou divisions :
les élèves de l'une furent instruits et exercés dans les arts
mécaniques ; ceux de l'autre préparés au service de la
marine.
Dès l'année suivante, une visite accidentelle de Bonaparte
— 455 —
ECOLE
eut d'heureuses conséquences. Il décida par décret du
6 ventôse an XI que lePrytanée de Compiègne deviendrait
une Ecole cVarts et métiers destinée à former des sous-
officiers pour l'industrie, c.-à-d. des contremaîtres. Le
régime militaire subsistait, mais la destination de l'Ecole
devenait ce qu'elle a été depuis lors. On répartit les
élèves en trois divisions d'après leur âge : les petits des
femmes, jeunes enfants dont l'éducation était confiée aux
femmes ; les commençants et les artistes, aux mains de
qui on mettait les outils. L'instruction fut simultanément
théorique et pratique. Peu après, le premier consul créa
une seconde école d'arts et métiers dans l'ancien collège
de Beaupréau, près d'Angers, pour le Centre et l'Ouest de
la France. En 1806, il eut envie du château de Compiègne
pour y tenir sa cour, et il transféra l'Ecole d'arts et
métiers à Châlons-sur-Marne, dans les bâtiments de l'an-
cien séminaire et du couvent de Toussaint et de la Doc-
trine. Sous la Restauration, l'ordonnance du 31 déc. 1826
réforma les écoles d'arts et métiers pour les ramener à
leur destination propre : former des chefs d'ateliers et des
maîtres ouvriers. En sept. 1832, on fit cesser le régime
militaire, qui n'avait pas de raison d'être. Dans la hiérar-
chie scolaire, les sergents et les caporaux devinrent élèves
chefs et élèves sous-chefs. Les galons furent supprimés
ainsi que l'uniforme miUtaire. On adopta le costume civil,
habit gris foncé avec des abeilles au collet, chapeau rond
avec cocarde tricolore ; le mécontentement fut très vif et
se traduisit à Châlons par des révoltes,
A partir de 1837, les progrès furent très sensibles,
grâce à l'influence de Vincent chargé d'inspecter les écoles.
Il orienta les études de manière à préparer les élèves pour
la grande industrie dont l'usage généraUsé des machines
à vapeur centuplait les forces et les besoins. Pour les
chemins de fer, pour la marine, pour les usines qui se
multipliaient, on faisait sans cesse appel aux écoles d'arts
et métiers qui ne suffisaient pas aux demandes de person-
nel. En 1843, on en créa une troisième à Aix (Bouches-
du-Rhône) pour les départements du Midi. En même tenips,
on refondit l'organisation ; chaque école reçut 300 élèves
groupés en trois divisions. L'uniforme avec tunique et képi
fut rendu aux élèves ; les programmes furent remaniés
pour les mettre à la hauteur des nouvelles applications de
la science. Depuis cette époque, les écoles d'arts et métiers
n'ont cessé de prospérer. Elles sont une des institutions
démocratiques les plus appréciées en France et à l'étranger.
Conditions d'admission. — L'admission dans les écoles
nationales d'arts et métiers n'a lieu que par voie de con-
cours et conformément aux règles ci-après déterminées.
Nul ne peut être admis au concours s'il n'est Français ,et
s'il n'a préalablement justifié qu'il aura plus de quinze ans
et moins de dix-sept ans au 1^^ octobre de l'année dans
laquelle le concours a lieu. Cependant les candidats habi-
tant les colonies (Algérie exceptée) peuvent se présenter
jusqu'à ce qu'ils aient dix-huit ans, c.-à-d. un an plus
tard. Aucune dispense d'âge n'est accordée. Les demandes
d'admission au concours doivent être adressées par écrit
au préfet du département dans lequel la famille est domi-
ciHée, avant le l"""^ mai de chaque année. Ces demandes
doivent être accompagnées des pièces suivantes : 1 ^ l'acte
de naissance du candidat; — 2^ un certificat d'un docteur-
médecin assermenté, constatant qu'il est d'une bonne cons-
titution, et spécialement qu'il n'est atteint d'aucune^ affec-
tion scrofuleuse ou maladie chronique contagieuse ; —
3« un certificat de revaccination constatant que cette
opération a été effectuée dans l'année où le concours a lieu,
ou bien qu'elle a été pratiquée avec succès depuis moins
de deux ans; — 4° un certificat de bonnes vie et mœurs
délivré par l'autorité locale, dûment légahsé ; — ^ 5° l'en-
gagement pris par les parents d'acquitter la totalité ou la
fraction de la pension laissée à leur charge, ainsi que le
prix du trousseau et la somme destinée à constituer et
entretenir la masse particuUère de l'élève.
Les candidats sont répartis entre les écoles selon leur
département. Voici le tableau de la circonscription de
chaque école :
Aix : Ain, Algérie, Basses-Alpes, Hautes-Alpes, Alpes-
Maritimes, Ardèche, Ariège, Aude, Aveyron, Bouches-du-
Rhône, Cantal, Corrèze, Corse, Drôme, Gard, Haute-
Garonne, Gers, Hérault, Isère, Loire, Haute-Loire, Lot,
Lot-et-Garonne, Lozère, Puy-de-Dôme, Pyrénées- Orien-
tales, Rhône, Saône-et-Loire, Savoie, Haute-Savoie, Tarn,
Tarn-et-Garonne , Var, Vaucluse. — Angers : Allier, Cal-
vados, Charente, Charente-Inférieure, Cher, Côtes-du-Nord,
Creuse, Dordogne, Eure-et-Loir, Finistère, Gironde, Ille-
et-Vilaine, Indre, Indre-et-Loire, Landes, Loir-et-Cher,
Loire-Inférieure, Loiret, Maine-et-Loire, Manche, Mayenne,
Morbihan, Nièvre, Orne, Basses-Pyrénées, Hautes-Pyré-
nées, Sarthe, Seine, Deux-Sèvres, Vendée, Vienne, Haute-
Vienne. — Chatons : Aisne, Ardennes, Aube, Côte-d'Or,
Doubs, Eure, Jura, Marne, Haute-Marne, Meurthe-et-Mo-
selle, Meuse, Nord, Oise, Pas-de-Calais , Haute-Saône,
Seine, Seine-Inférieure, Seine-et-Marne, Seine-et-Oise,
Somme, Vosges, Yonne, et arrondissement de Belfort.
Examen. Les connaissances exigées pour l'admission
aux écoles sont : i^ l'écriture; 2<^ la grammaire française
et l'orthographe ; 3° l'arithmétique théorique et pratique ;
4^ la géométrie élémentaire ; 5° l'algèbre jusqu'aux équa-
tions du second degré exclusivement; 6° des notions
d'histoire de France et de géographie, dans les limites du
programme de l'enseignement primaire (cours supérieur).
Les candidats font, sous la surveillance d'une commis-
sion nommée à cet effet par le préfet : 1^ une dictée avec
résumé et explication de mots et un exercice d'analyse
grammaticale et logique; 2° une épure de dessin Hnéaire
et un dessin d'ornement à la plume ; 3'' deux problèmes
d'arithmétique et deux de géométrie ; 4"^ ils doivent enfin
exécuter, également sous les yeux de la commission, une
pièce de bois ou de fer déterminée par le programme des
examens. Les épreuves écrites sont identiques pour les trois
écoles. Elles ont lieu le même jour et aux mêmes heures,
au chef-lieu de chaque département. Toutefois, et à titre
exceptionnel, ces épreuves peuvent avoir lieu également
dans des chefs-heux d'arrondissement désignés par arrêté
ministériel. Ces compositions sont corrigées à Paris par le
jury d'examen régional. Un arrêté ministériel fixe, chaque
année, le programme du concours.
Les diverses épreuves du concours sont appréciées par un
chiffre variant de 0 à 20. Les coefficients afférents à chacune
des épreuves sont fixés ainsi qu'il suit : Epreuves écrites:
dictée, 2; analyse grammaticale et logique, 1 ; écriture, 1;
problèmes d'arithmétique, 2 ; problèmes de géométrie, 2 ;
épure de dessin linéaire, 2; dessin d'ornement à la plume,
1 ; travail manuel, 2. — Epreuves orales : questions
d'histoire et de géographie, 1 ; questions d'arithmétique et
d'algèbre, 4; questions de géométrie, 4. Total général :
22. Les candidats qui ont obtenu 156 points au moins
aux épreuves écrites peuvent seuls être admis à subir les
épreuves orales. Une commission spéciale pour chaque
région est nommée par le ministre pour faire subir aux
candidats l'examen définitif. Cet examen est purement oral,
lii commission se transporte successivement dans les villes
fixées par le ministre comme sièges d'examen et aux
époques préalablement annoncées par le Journal officiel.
Les candidats admis au concours définitif sont prévenus par
lettres individuelles de la date et du lieu de l'examen.
D'après les notes des épreuves écrites et celles obtenues
aux examens oraux par chaque candidat, les commissions
régionales dressent un état définitif de classement et, sur
le vu de cet état, le ministre arrête la liste des élèves
admis à chacune des écoles. Peuvent être admis à l'école
les candidats qui ont obtenu pour l'ensemble des épreuves
au moins 264 points, soit les trois cinquièmes du maxi-
mum. Sont éhmihés de plein droit, alors même que le total
de leurs points serait supérieur aux chiffres maxima
ci-dessus, tous ceux qui n'ont obtenu qu'une note infé-
rieure à 8 en français ou à 6 pour les autres matières. Ces
ECOLE
- 456 —
dispositions sont applicables aux épreuves écrites aussi bien
qu'aux épreuves orales.
Sur le vu de l'état définitif de classement dressé par les
commissions régionales, le ministre arrête la liste des élèves
admis à chacune des écoles. Les élèves admis doivent être
rendus à l'école le 45 oct. Tout élève qui n'y est pas rendu
à cette date est considéré comme démissionnaire, sauf les
cas d'excuse légitime, qui sont soumis à l'appréciation du
ministre.
Régime intérieur. — La durée des études dans les écoles
nationales d'arts et métiers est de trois ans. Aucun élève
ne peut faire une quatrième année que dans la cas de ma-
ladie ayant entraîné une suspension de travail de plus de
six semaines ou d'une absence d'égale durée pour un motif
légitime et après avis favorable du conseil de l'école.
Les élèves portent un uniforme dont le modèle est arrêté
par le ministre. Ils ne peuvent modifier cet uniforme dans
aucune de ses parties, même lorsqu'ils le portent au dehors
de l'école.
Pension. Les écoles nationales d'arts et métiers reçoivent
des élèves internes et des élèves externes. Le nombre des
élèves internes que chacune d'elles peut recevoir ne peut
dépasser 300. Le prix de la pension est de 600 fr. par an,
payables à une caisse publique, par quart (soit 450 fr.), au
commencement de chaque trimestre. Pour le premier terme,
chaque élève admis doit, s'il n'est pas boursier, présenter
en entrant le récépissé de la somme versée. Le prix du trous-
seau, fixé à 300 fr., doit être également versé d'avance.
Une somme de 75 fr. est versée en outre à l'entrée de chaque
élève, pour sa masse d'entretien. Il est également versé,
pour frais accessoires, 30 fr., formant le prix coûtant d'un
étui de mathématiques, d'une règle à calcul, de deux
planches à dessin et, au besoin, d'une caisse-malle, qui
sont fournis par l'école.
Bourses, Des bourses ou fractions de bourses peuvent
être accordées par l'Etat aux élèves dont les familles ont
préalablement fait constater l'insuffisance de leurs res-
sources. Ces bourses ne sont accordées que pour une année
scolaire. Dans certains cas, le trousseau peut être accordé
gratuitement. Le nombre des trousseaux accordés gratuite-
ment ne peut dépasser 5 °/odes élèves admis. Les demandes
de bourse sont adressées au ministre. Elles sont déposées
à la préfecture en même temps que les demandes d'admis-
sion. Le préfet procède, par les moyens dont il dispose, à
une enquête sur la situation de la famille. Les pièces cons-
tatant le résultat de l'enquête préfectorale sont jointes aux
demandes, pour être communiquées au conseil municipal
du domicile de la famille du candidat. La délibération mo-
tivée du conseil municipal, avec toutes les pièces relatives
à chaque demande, est ensuite transmise au ministre par
le préfet, qui y joint son avis personnel. Lorsque, dans le
cours d'une année d'études et par suite de circonstances
imprévues, la famille d'un élève se trouve hors d'état de
payer la pension à sa charge, le ministre peut, par une
décision spéciale rendue sur l'avis favorable du conseil de
l'école et du directeur, la dispenser exceptionnellement de
ce payement. Les dégrèvements ne seront accordés qu'à la
fin de chaque semestre.
Enseignement. L'enseignement donné dans les écoles
nationales d'arts et métiers est théorique et pratique.
L'enseignement théorique, toujours dirigé dans le sens des
applications, comprend : 4° dans un but d'uniformisation,
la revision très rapide des parties les plus importantes de
l'examen d'entrée; 2** l'algèbre jusqu'au binôme de Newton
et ses applications inclusivement, et des notions élémen-
taires sur les dérivées ; 3<* la trigonométrie rectiligne, des
notions très élémentaires de cosmographie, l'arpentage et
le nivellement ; 4^ des notions élémentaires de géométrie
analytique; 5<> la géométrie descriptive, les ombres, les
plans cotés ainsi que des notions de perspective usuelle,
de coupe de pierres et de charpente ; 6*^ la cinématique
théorique et appliquée ; 7° la mécanique pure et appliquée,
comprenant : la dynamique, la statique, les résistances
passives, la résistance des matériaux, l'hydraulique et les
machines à vapeur ; S^ la physique et ses applications in-
dustrielles ; 9^ la chimie et ses principales applications
industrielles et notamment à la métallurgie; 40<*le dessin,
et principalement le dessin industriel ; 44° la technologie,
étudiée tout spécialement dans ses applications à la cons-
truction des machines; 42° l'étude de la langue française ;
43° l'histoire : revision du programme d'admission avec
étude plus approfondie de la période moderne ; 44° la
géographie : revision des programmes d'admission avec
étude plus approfondie de la géographie de la France et de
ses colonies; 45° la comptabilité industrielle et des no-
tions d'économie industrielle ; 46° l'hygiène industrielle.
L'enseignement pratique se donne dans des ateliers spé-
ciaux, savoir : menuiserie et modèles ; fonderie ; forges et
chaudronnerie ; ajustage. Le nombre des ateliers peut être
augmenté. Les élèves sont répartis, pendant la durée de
leurs études, entre les ateliers, d'après les règles déter-
minées par arrêtés ministériels. Ces règles sont rédigées
de telle façon que, dans les deux premières années, chaque
élève passe au moins par trois ateliers et que, pendant la
dernière année, il soit attaché à celui qu'il aura choisi
d'après son rang de classement et ses aptitudes spéciales
constatées par le" conseil de l'école. Le produit du travail
exécuté dans les ateliers appartient à l'Etat. Les puni-
tions qui peuvent être infligées aux élèves sont : la con-
signe, la salle de police, la prison et le renvoi. Dans le
courant du mois de mars, il y a un examen général pour
constater l'instruction et les propres des élèves pendant la
première moitié de l'année scolaire. Un examen semblable
a lieu à la fin du second semestre ; il est suivi de la dis-
tribution des prix et récompenses, ainsi que des promotions
de classes.
Sortie. — Des brevets sont délivrés par le ministre du
commerce, de l'industrie et des colonies aux élèves de
troisième année ayant, à la suite des examens généraux
de sortie, satisfait d'une manière complète à toutes les
épreuves. La notation allant de 0 à 20, sont considérés
comme remplissant les conditions exigées les élèves ayant
obtenu une moyenne générale au moins égale à 44 , et au-
cune moyenne particulière inférieure à 6.
Les élèves dont la conduite aura été satisfaisante, et qui,
à la suite des examens de fin d'études, n'auraient pu
obtenir le brevet à raison de l'insuffisance d'une moyenne
particulière, pourront être autorisés à subir, dans le délai
d'un an, une nouvelle épreuve portant exclusivement sur
la branche d'enseignement dans laquelle leur insuffisance
aura été reconnue. Dans le cas où ils subiraient avec
succès cette nouvelle épreuve, le diplôme pourra leur être
délivré.
Ces brevets confèrent à ceux qui les obtiennent le titre
à'élèves brevetés des Ecoles nationales d'arts et mé-
tiers. Ne sont reconnus comme anciens élèves des écoles
nationales d'arts et métiers que ceux ayant obtenu le
brevet. Il est décerné à ceux ayant obtenu une moyenne
générale au moins égale à 45, et aucune moyenne parti-
culière inférieure à 44, un brevet particulier et une mé-
daille d'argent d'après le modèle adopté par le ministre du
commerce. L'élève sortant le premier de sa promotion
reçoit la même médaille en or. Les quinze premiers élèves
qui, dans le délai de deux ans à partir de leur sortie de
l'école, justifieront d'une année de travail manuel dans
un atelier, pourront recevoir une récompense de 500 fr.
Au point de vue du service militaire, les élèves de ces
trois écoles qui justifient avoir été compris dans les quatre
premiers cinquièmes de la liste de mérite de ceux des
élèves français qui ont obtenu, pour tout le cours de leur
scolarité, 65 °/o au moins du total des points que l'on peut
obtenir d'après les règlements de ces écoles, sont admis au
bénéfice de la dispense du service militaire dans les condi-
tions déterminées par l'art. 23 de la loi du45juil. 4889.
Un bon nombre des anciens élèves des écoles d'arts et
métiers passent ensuite par l'Ecole centrale des arts et
— 457 —
ÉCOLE
manufactures, où ils obtiennent de réels succès. De plus en
plus, ces écoles tendent à former non des contremaîtres et
des chefs d'ateliers, mais des industriels. Le principal
débouché est ouvert aux mécaniciens ; on calculait il y a dix
ans que chaque année il sortait des écoles d'arts et métiers
d20 ajusteurs-mécaniciens, 15 menuisiers-modeleurs, 15
fondeurs, 10 forgerons. La supériorité la plus marquée
des élèves tient à leurs connaissances du dessin, et la plu-
part sont employés comme dessinateurs dans la profession
qu'ils exercent.
La Société des anciens élèves des arts et métiers, fondée
en 1848, maintient la solidarité entre les anciens élèves et
'publie un bulletin oti sont insérés des mémoires techniques
d'une valeur réelle. A.-M. B.
Ecole des mines de Saint-Etienne.— Destination.
— L'Ecole des mines de Saint-Etienne (Loire), dépendant
du ministre des travaux publics, est destinée à former des
ingénieurs et des directeurs d'exploitations de mines et
d'usines métallurgiques. Elle est régie par le décret du
d8juiL'1890.
Historique. — L'Ecole des mines de Saint-Etienne fut
créée par une ordonnance royale du 2 août 1816, afin de
remplacer les deux écoles pratiques de Pesey et Geislau-
tern (V. ci-dessus le § Ecole supérieure des mines) et de
donner à l'exploitation pratique des mines un développe-
ment scientifique. L'organisation a peu changé, mais le
niveau des études s'est élevé beaucoup. Le nom à' Ecole
des mineurs a été changé en nov. 1882 pour le nom
actuel.
Conditions l'admission. — L'admission à cette école
dépend exclusivement du concours. Le concours a lieu
chaque année à Saint-Etienne, le 1^"^ août (ou le 2, si
le 1^' est un dimanche), devant le directeur et les pro-
fesseurs constitués en jury d'examen. Les candidats aux
places d'élèves titulaires de l'Ecole de Saint-Etienne doi-
vent être Français ou naturalisés Français et être âgés
de dix-sept ans au moins et de vingt-six ans au plus le
l^*" janv. de l'année dans laquelle ils se présentent au con-
cours d'admission. Ils doivent adresser au directeur de
l'Ecole, avant le l""^ juil., leur demande, accompagnée :*
1** d'une copie authentique de l'acte de naissance du can-
didat et, au besoin, de pièces établissant sa qualité de
Français; 2° d'un certificat de bonnes vie et mœurs, déli-
vré par les autorités du lieu de son domicile et dûment
légalisé ; 3^ d'une déclaration dûment légalisée d'un doc-
teur en médecine, constatant que le candidat a été vacciné
ou qu'il a eu la petite vérole.
Les élèves sortant de l'Ecole polytechnique, qui se pré-
sentent pour suivre les cours d'application de l'Ecole des
mines de Saint-Etienne, sont admis directement dans la
deuxième année d'études, pourvu qu'ils subissent avec
succès, devant le directeur et les professeurs de l'Ecole,
quatre examens oraux sur : 1° l'analyse et la mécanique
rationnelle ; 2^ la physique ; 3^ la chimie ; 4° la géométrie
descriptive et la stéréotomie, telles qu'elles sont enseignées
à l'Ecole polytechnique. — Les élèves étrangers doivent
présenter leur demande d'admission au ministre des tra-
vaux pubMcs par l'intermédiaire du ministre des affaires
étrangères, avant le 15 oct. ; leur demande doit avoir été,
au préalable, soumise par le candidat à l'agrément du
représentant à Paris du gouvernement intéressé. Avant la
rentrée, ils subissent un examen destiné à faire connaître
s'ils sont aptes à suivre les cours ; mais ils n'obtiennent
de places dans les salles d'études et au laboratoire que s'il
en reste de disponibles.
Concours. Les épreuves d'admission comprennent :
10 trois examens oraux portant sur l'arithmétique, l'al-
gèbre, la géométrie, la trigonométrie rectiligne, la géo-
métrie analytique à deux ou trois dimensions, la géométrie
descriptive, la physique et chimie, telles qu'elles sont résu-
mées dans les programmes arrêtés par le ministre ; 2<^ une
composition d'algèbre ou de géométrie analytique ; 3° une
composition de physique et de chimie ; ¥ une composition
française, jugée au point de vue de l'orthographe et de la
rédaction ; 5<* une épure de géométrie descriptive ; 6^ un
dessin d'imitation ; 7° un calcul de trigonométrie. Le
ministre arrête la liste d'admission et la transmet d'ur-
gence au directeur pour que celui-ci fasse établir à temps
les certificats à produire par les élèves à l'autorité mili-
taire, en conformité du règlement d'administration publique
du 23 nov. 1889.
Régime intérieur. — L'enseignement est gratuit. Tou-
tefois les élèves sont tenus de se procurer les livres et
autres objets nécessaires à leur instruction. Les élèves ne
sont pas casernes; mais tous les jours, les dimanches et
fêtes exceptés, ils restent à l'Ecole, le matin de huit heures
à midi, et le soir de deux heures et demie à sept heures.
Même au dehors de l'étabhssement, la conduite des élèves
est soumise à la censure du directeur et des professeurs.
Les élèves ont un uniforme qui rappelle celui de l'Ecole
polytechnique (sauf la couleur bleue au lieu de rouge) ; ils
doivent le porter les dimanches et les jours d'examens.
Le reste du temps, ils sont libres de prendre les vêtements
qu'ils veulent, mais ils doivent avoir une casquette galonnée
portant les emblèmes de l'Ecole. — Les cours de l'Ecole
durent trois années. La première année est spécialement
consacrée aux cours théoriques d'analyse mathématique,
de mécanique rationnelle, de physique, de chimie, de mi-
néralogie, de géométrie descriptive, de stéréotomie et de
lever de plans. Les deux autres années sont consacrées aux
cours d'apph cation, savoir : machines et constructions ;
exploitation des mines et préparation mécanique, métal-
lurgie, docimasie ; géologie ; chemins de fer ; législation
des mines ; comptabilité et économie industrielle.
L'Ecole est dirigée par un directeur, assisté d'un conseil
de perfectionnement, lequel comprend : l'inspecteur général
des mines de la division ; le directeur de l'Ecole (ingénieur
en chef) ; les professeurs ; l'ingénieur en chef de l'arron-
dissement minéralogique; quatre anciens élèves de l'Ecole;
deux grands industriels. Les exercices pratiques auxquels
les élèves sont exercés comprennent les travaux de labo-
ratoire, le dessin au trait et au lavis, les épures de géo-
métrie descriptive et de stéréotomie, des croquis d'organes
de machines et d'appareils métallurÊçiques , des projets
d'exploitation des mines, de métallurgie et de mécanique,
des levers de machines, des levers de plans superficiels et
souterrains, des visites de mines et d'usines. Le système
d'instruction de l'Ecole se compose de deux parties : l'en-
seignement de l'Ecole proprement dit ; des voyages d'ins-
truction. Les voyages d'instruction ont lieu après chacune
des deux dernières périodes du cours d'application ; les
élèves sont tenus de remettre des rapports et des jour-
naux de voyage.
Les cours et les études de l'intérieur de l'Ecole com-
mencent vers le 15 oct. et se terminent vers le 15 août.
Pendant les vacances des deux premières années, les élèves
doivent parcourir un ou plusieurs districts miniers et rédiger
un rapport détaillé sur les travaux visités. — Les élèves de
la première année s'exercent aux manipulations chimiques,
étudient les collections minéralogiques, visitent les mines
du bassin de Saint-Etienne. — Les élèves de deuxième année
s'exercent à l'analyse chimique et au lever des machines ;
ils visitent les établissements métallurgiques des environs,
le matériel des chemins de fer et les machines relatives à
l'épuisement et au transport dans les mines et à la surface ;
ils font des projets de concours d'exploitation des mines,
de mécanique et de métallurgie. — A la fin de la dernière
année scolaire, ils font, dans le dép. de la Loire et dans
les départements voisins qui offrent le plus d'intérêt sous
le rapport de l'industrie minière, un voyage dont l'itiné-
raire leur est tracé par le conseil de l'Ecole, et qui a pour
but de compléter leur instruction pratique et de les initier
à l'art d'observer. Ils rendent compte de leurs observa-
tions dans des rapports et mémoires accompagnés de dessins
et de croquis cotés. — Indépendamment des examens géné-
raux, qui terminent les études de chaque division, les
ÉCOLE
— 458
élèves subissent, pendant l'année scolaire, des examens
partiels sur chacun des cours qu'ils ont suivis. Les résul-
tats de ces examens, combinés avec ceux des examens
généraux, servent à déterminer le mérite relatif des élèves
et leur classement définitif. Le classement des élèves fran-
çais est arrêté, dans chaque promotion, par le conseil de
l'Ecole, à la fin de l'année scolaire. Leur classement final
a lieu à la fin des exercices de troisième année. — Le
directeur de l'Ecole peut autoriser des personnes étran-
gères à l'Ecole à suivre les leçons de certains cours. Les
personnes de nationalité étrangère doivent, dans ce cas,
faire apostiller leur demande par le représentant de leur
gouvernement en France.
Service militaire. Les élèves compris dans les quatre
premiers cinquièmes de la liste de mérite de ceux des
élèves français qui ont obtenu, pour tout le cours de leur
scolarité, 63 °/o au moins du total des points que l'on peut,
obtenir d'après le règlement de l'Ecole, jouissent de la dis-
pense conditionnelle de deux années de service militaire actif
inscrite dans l'art. 23 delà loi militaire du 15 juil. 4889 ;
il est fait mention sur les diplômes du rang de classement
et du nombre des élèves français ayant obtenu le nombre
de points défini ci-dessus.
Sortie. — Le ministre délivre un diplôme supérieur
d'ancien élève de l'Ecole des mines de Saint-Etienne, apte
à exercer les fonctions d'ingénieur, aux élèves ayant satis-
fait aux conditions fixées par arrêté ministériel et qui
ont obtenu 65 % au moins des points de mérite qui
peuvent être acquis durant tout le cours de la scolarité.
Le diplôme remis à chaque élève fait connaître son rang
de sortie et le nombre total de diplômes supérieurs
délivrés dans l'année. — Les élèves qui ont simplement
satisfait aux conditions de l'arrêté ministériel ne reçoi-
vent du directeur qu'un certificat d'études, sur lequel
sont inscrits le nombre des points qu'ils ont obtenus et le
nombre total des points de mérite. — Les élèves étrangers
reçoivent du directeur un certificat d'études, sur lequel
sont inscrites les notes obtenues par eux aux examens.
Les élèves diplômés sont recherchés paroles directeurs de
mines ou d'usines métallurgiques auxquelles ils ont fourni
un grand nombre d'ingénieurs distingués sans parler des
gardes-mines, emploi secondaire qu'ils peuvent remplir. A
la Société amicale des anciens élèves, ils se prêtent un
concours précieux.
Ecoles des maîtres ouvriers mineurs. — Desti-
nation, — 11 existe deux écoles des maîtres ouvriers
mineurs, celles d'Alais (Gard) et de Douai (Nord), ressor-
tissant l'une et l'autre au ministère des travaux publics,
et destinées à former des contremaîtres qui possèdent à la
fois assez de pratique pour surveiller et guider le travail
des ouvriers, assez de connaissances théoriques pour bien
comprendre et exécuter les ordres d'tm directeur d'exploi-
tation.
Historique. — L'Ecole d'Alais fut instituée par ordon-
nance du 25 juil. 4845 au voisinage des bassins houillers
et métallurgiques d'Alais, la Grand-Combe, Bessèges, etc.
Celle de Douai a été créée le 27 juil. 4878 auprès du
grand bassin houiller du Nord et du Pas-de-Calais. Les
conditions d'admission et l'organisation intérieure différant
sensiblement, nous les exposerons séparément. Elles sont
réglées par un décret du 48 juil. 4890.
4° ECOLE D'ALAIS. — CONDITIONS n'ADMISSION. — Il
n'est reçu dans l'Ecole que des ouvriers mineurs français
âgés de plus de dix-huit ans, et justifiant par un livret ou
par des certificats dûment légalisés qu'ils ont travaillé pen-
dant dix-huit mois au moins dans les mines. Toutefois, des
élèves étrangers peuvent être admis à des conditions déter-
minées par le ministre des travaux publics. Pour être admis,
les candidats doivent fournir la preuve qu'ils sont de
"bonne conduite, suffisamment robustes, et qu'ils possèdent
une instruction élémentaire satisfaisante, comprenant la
lecture, l'écriture, l'orthographe, les quatre premières
règles de l'arithmétique, les nombres décimaux et le sys-
tème métrique. Ils ont à produire un certificat de bonnes
vie et mœurs, et un certificat dûment légalisé d'un médecin
ou officier de santé, constatant qu'ils ont été vaccinés ou
qu'ils ont eu la petite vérole, qu'ils sont d'une bonne
constitution et exempts de toute infirmité permanente les
rendant impropres au travail des mines. — Les concours
ont lieu dans le mois d'août. Une commission d'exa-
mens, composée du président du conseil d'administra-
tion, du directeur de l'Ecole et des professeurs, se réunit
en temps opportun, pour préparer la liste des admissibles
et pour procéder aux examens d'admission, de passage et
de sortie.
Régime intérieur. — Le régime de l'Ecole est l'internat ;
l'instruction des élèves est gratuite; mais des frais de
pension s'élevant à 400 fr. sont payés par les élèves, par
leurs familles, ou par des bourses. — Les cours s'ouvrent
chaque année dans les premiers jours de novembre. Les
élèves passent six mois à l'Ecole et six mois dans les mines,
savoir : à l'Ecole, les mois de novembre, décembre, janvier,
février, juin, juillet; dans les mines, les mois de mars,
avril, mai, août, septembre et octobre. Les deux années
d'école comprennent quatre trimestres pratiques, pendant
lesquels les élèves sont répartis entre diverses mines de la
région, où ils sont reçus comme ouvriers, soumis à l'au-
torité des chefs d'exploitation.
L'enseignement théorique comprend les matières sui-
vantes : langue française, arithmétique, géométrie, phy-
sique et chimie, minéralogie et géologie, mécanique,
exploitation des mines (procédés d'entaillement au pic et à
la poudre ; boisage et muraillement des puits et galeries ;
systèmes d'exploitation applicables à différents gisements ;
roulage intérieur ; extraction; précautions contre les incen-
dies, les explosions de grisou, les inondations; premiers
soins à donner aux hommes en cas d'accidents, etc.). L'en-
seignement est combiné de manière à permettre aux élèves
de seconde année de suivre de nouveau les leçons d'arithmé-
tique, de géométrie et d'arpentage de la première année.
Les exercic'es pratiques consistent en lever de plans, tant
à la surface que dans les mines, et en travaux manuels
dans les exploitations de mines situées dans un certain
rayon autour d'Alais. Pendant ces travaux, les élèves sont
entièrement assimilés aux autres ouvriers de la mine, et
soumis aux mêmes règlements que ceux-ci ; ils doivent
obéir, comme eux, aux maîtres mineurs ou chefs de poste;
ils reçoivent un salaire proportionné à leur travail. Le
directeur de l'Ecole et le répétiteur visitent alternativement
les chantiers où les élèves seront employés et leur donnent
des explications et instructions sur leurs travaux. Des
examens généraux ont lieu à la fin de chaque année, en
présence du conseil d'administration de l'Ecole. A la suite
de ces examens, il est fait un classement des élèves de
chaque division. On a égard pour ce classement : 4^ à la
conduite de l'élève pendant les leçons et pendant les exer-
cices pratiques ; 2'' au mérite des travaux graphiques et
autres exécutés par lui pendant l'année ; 3^ au résultat de
l'examen général. Le classement des élèves de première
année détermine ceux qui sont aptes à passer dans la divi-
sion supérieure ; ceux qui, à raison de l'insuffisance de
leurs connaissances, sont appelés à redoubler ; enfin ceux
qui, par leur conduite ou leur incapacité, ont encouru
l'exclusion.
Service militaire. Les conditions sont les mêmes que
pour l'Ecole des mines de Saint-Etienne.
Sortie. — Les diplômes supérieurs sont délivrés par le
ministre aux élèves ayant obtenu 65 °/o au moins du total
des points de mérite ; mention est faite sur le diplôme du
rang de classement et du nombre de diplômes délivrés.
Les élèves ayant obtenu moins de 65 «/o, mais plus de
55 o/o, reçoivent un certificat d'études délivré par le préfet.
Les trois premiers sortants sont dispensés de l'examen
pour entrer dans le corps des gardes-mines.
2<* ECOLE DE DOUAI. — Conditions d'admission.^ —
L'Ecole admet des ouvriers âgés de plus de seize ans, et jus-
459 -
ECOLE
tifiant, par un livret, qu'ils ont déjà travaillé dans les mines
pendant un temps qui sera au moins d'une année, et d'au-
tant plus long que l'ouvrier sera plus âgé. L'ouvrier doit
fournir des témoignages de bonne conduite et faire preuve
de capacité et d'une instruction élémentaire comprenant :
la lecture, l'écriture, les quatre règles de l'arithmétique et
la connaissance du système légal des poids et mesures.
Les examens pour l'admission à l'Ecole sont faits par une
commission composée du sous-préfet de Douai ou d'un
membre du conseil d'arrondissement désigné par le^ sous-
préfet, de l'ingénieur en chef des mines, directeur de l'Ecole,
de deux directeurs d'exploitation de mines, désignés, l'un
par le préfet du Nord, et l'autre par le préfet du Pas-de-
Calais. L'admission est prononcée par le préfet du Nord,
sur le rapport de cette commission.
Régime intérieur. — Le régime de l'Ecole est l'internat.
Le prix de la pension est fixé par le conseil d'administra-
tion. La direction de l'Ecole et l'enseignement des élèves
sont confiés, sous la surveillance du conseil d'administra-
tion, à l'ingénieur en chef des mines de l'arrondissement
de Douai, ayant sous ses ordres deux répétiteurs ou sous-
maîtres et un surveillant, salariés par l'Etat. Les répétiteurs
ou sous-maîtres sont pris soit parmi les gardes-mines, soit
parmi les maîtres mineurs. L'enseignement est réparti en
deux années ; il a pour objet : 1<* la lecture, l'écriture et
l'orthographe ; 2^ les mathématiques élémentaires, coni-
prenant l'arithmétique et les premiers éléments de géo-
métrie; 3« le dessin linéaire, le dessin des machines, l'ar-
pentage et le lever des plans de mines ; 4^ des notions très
élémentaires de physique, de chimie, de minéralogie, de
géologie et d'exploitation des mines, ces diverses notions
étant présentées sous la forme la plus simple et appro-
priées à des hommes de la classe ouvrière. Dans l'inter-
valle des leçons, les élèves s'exercent à la pratique du
travail de la forge, de la charpente et du charronnage
d'une manière appropriée à l'exploitation des mines. Chaque
année, à des époques déterminées, les leçons de l'Ecole
sont interrompues, et il est pris des mesures pour que
les élèves soient reçus dans des établissements de mines,
où ils travaillent comme ouvriers. Ils y sont accompagnés
par les sous-maîtres et par les ingénieurs de la mine, qui
leur donnent des explications sur les différents travaux
auxquels ils sont employés. Les élèves sont examinés dans
le courant de l'année à des époques déterminées et, à la
fin de l'année, sur les matières qui ont fait l'objet de
leurs travaux et de leurs exercices. A l'expiration de la
seconde année, il est délivré des diplômes supérieurs ou
des certificats de maîtres mineurs à ceux des élèves qui
s'en sont rendus dignes par leur instruction et leur bonne
conduite.
Service militaire. Les conditions sont les mêmes que
pour les élèves de l'Ecole des mines de Saint-Etienne.
Sortie. — Les diplômes supérieurs sont délivrés aux
élèves ayant obtenu 65 % au moins du total des points de
mérite qui peuvent être obtenus dans tout le cours de la
scolarité. Les élèves qui ont obtenu moins de 65 «/o,
mais plus de 55 °/o, reçoivent un certificat d'études» —
Les diplômes supérieurs sont délivrés par le ministre des
travaux publics, sur la proposition du conseil d'adminis-
tration de l'Ecole; les certificats sont délivrés de même
par le préfet du Nord.
Ecole municipale de physique et de chimie
industrielles. — Destination. — Une école municipale
de physique et de chimie industrielles a été créée à Paris
et installée rue Lhomond, n° 42, dans les bâtiments de
l'ancien collège Rollin. Elle est destinée à servir de com-
plément aux écoles d'enseignement primaire supérieur et à
fournir aux jeunes gens sortant de ces écoles les moyens
d'acquérir des connaissances scientifiques spéciales qui leur
permettent d'occuper, dans l'industrie privée, des emplois
d'ingénieurs, de chimistes ou de chefs d'ateliers.
Conditions d'admission. — Les élèves sont admis à la
suite de concours qui ont lieu chaque année à l'époque fixée
par un arrêté préfectoral. Les candidats doivent se faire
inscrire, dans les délais indiqués, au troisième bureau de
la direction de l'enseignement primaire, à la préfecture de
la Seine, en produisant leur acte de naissance, constatant
qu'ils auront quatorze ans au moins et dix-neuf ans au
plus au l''^ oct. de l'année du concours, et un certificat
du maire de la commune de leur origine constatant qu'ils
sont de nationalité française. Ils peuvent également se
faire inscrire à l'Ecole.
Le concours comprend des épreuves écrites et des
épreuves orales. Les épreuves écrites se composent :
4^ d'une narration française (lettre ou simple récit, dont
le sujet est pris, autant que possible, dans l'histoire de
France) ; 2» de deux compositions de mathématiques, com-
prenant, l'une une question théorique d'arithmétique,
l'autre une question d'algèbre et de géométrie plane ou de
géométrie dans l'espace ; 3« d'une composition de physique ;
4« d'une composition de chimie. L'ensemble des épreuves
écrites est éUminatoire.
Les épreuves orales comprennent des interrogations
sur : 1° les mathématiques ; 2° la physique ; 3*^ la chimie ;
les questions sont tirées au sort. Des programmes parti-
culiers sont arrêtés sur chacune des matières de l'examen,
tant aux épreuves écrites qu'aux épreuves orales : arith-
métique, algèbre, géométrie plane, géométrie dans l'espace,
éléments de géométrie descriptive (pesanteur, chaleur,
électricité), chimie.
L'enseignement est gratuit. Les élèves peuvent obtenir
une indemnité de 50 fr. par mois pendant les trois années
d'études réglementaires passées à l'Ecole. Ils devront
adresser, à cet effet, par l'intermédiaire de leurs parents
ou tenant lieu, une demande motivée, sur laquelle le con-
seil d'administration est appelé à statuer après examen.
Régime intérieur. — La durée du cours d'études^ est
de trois années. Le nombre des élèves admis à l'Ecole
est fixé à 30 pour chacune des trois divisions (première,
deuxième et troisième années). —Les mathématiques et la
mécanique sont enseignées à l'Ecole en même temps q\ie la
physique et la chimie ; mais elles ne sont envisagées que
comme auxiliaires de ces deux dernières sciences.
Pendant les trois premiers semestres, les élèves d'une
même promotion suivent en commun des cours et des ma-
nipulations de physique, de chimie, de mathématiques et
de dessin. A la fin du troisième semestre, ils sont partagés
en élèves-physiciens, au nombre de 10, et élèves-chimistes,
au nombre de 20. A partir de ce moment, si les cours
restent encore communs aux deux catégories d'élèves, il
n'en est pas de même des exercices pratiques. Les élèves-
chimistes ne manipulent plus que dans les laboratoires de
chimie, et les élèves-physiciens que dans ceux de physique.
Les manipulations acquièrent, en outre, une plus grande
importance par le temps qu'on y consacre.
Pour chaque promotion, les trois premiers semestres
sont remplis par les études générales et scientifiques. Les
applications techniques font l'objet des cours et exercices
dans les trois derniers semestres.
Les élèves entrent à l'Ecole à huit heures et demie du
matin et en sortent à six heures du soir ; ils trouvent une
cantine à l'intérieur pour leur déjeuner. En dehors des
heures de cours et d'études, les jeunes gens sont constam-
ment occupés dans les divers laboratoires, sous la direction
des professeurs et des préparateurs. Les matières vues dans
chaque cours font l'objet d'une interrogation, pour chaque
élève, de quinzaine en quinzaine. Le classement semestriel
se fait en combinant, d'après une règle fixe, les notes des
examens semestriels des professeurs, les notes des inter-
rogations des préparateurs, les notes des exercices pra-
tiques et celles relatives à la bonne tenue des cahiers et aux
devoirs. Après chaque classement semestriel, les élèves
qui n'ont pas obtenu une certaine moyenne de points, ou
dont les notes dans l'une des branches de l'enseignement
sont trop faibles, sont déférés au jugement du conseil de
perfectionnement et peuvent être éliminés.
ECOLE
- 460
A la fin de la troisième année, il est délivré des certi-
cats aux^ élèves qui ont subi les examens de sortie d'une
manière satisfaisante, et des diplômes aux élèves qui se
sont particulièrement distingués. Ces derniers peuvent être
admis à travailler comme élèves libres dans les laboratoires,
de l'Ecole, après l'achèvement des trois années réglemen-
taires.
Ecole nationale des arts industriels à Rou-
baix. — Destination. — L'Ecole nationale des arts indus-
triels de Roubaix, dépendant du ministère de l'instruction
publique et des beaux-arts, a pour objet de former des
artisans pour l'industrie des tissus et de leur donner une
instruction à la fois scientifique, technique et artistique.
Son programme d'études, fort étendu, est approprié aux
besoins de l'industrie locale qui jouit d'une réputation uni-
verselle. Il est à la fois théorique et pratique. Il est inter-
médiaire entre celui des écoles des arts et métiers et celui
des écoles des arts décoratifs.
Historique. — L'importance industrielle croissante de
Roubaix, qui est devenu une des plus grandes villes de
France, grâce surtout à la fabrication des tissus, a rendu
de bonne heure nécessaire un enseignement d'art indus-
triel. Cet enseignement n'a pas d'abord été organisé par
l'Etat sur un plan méthodique. Mais les différents cours
d'art appliqué à l'industrie qui, depuis fort longtemps,
fonctionnaient à Roubaix, ont été réorganisés en 1883 et
fondus en un seul établissement, qui a pris le titre d'Ecole
nationale des arts industriels de Roubaix.
Conditions d'admission. — Les élèves qui n'ont pas en-
core fréquenté l'Ecole doivent être présentés à l'adminis-
trateur, par leurs parents ou tuteurs ; ils doivent se munir
de leur acte de naissance. Les étrangers doivent, pour ob-
tenir leur inscription, être en possession d'une lettre du
représentant de leur nation. Nul n'est admis aux cours de
dessin s'il n'est âgé de neuf ans révolus ; aux cours de tis-
sage et de remettage, avant treize ans ; aux cours de phy-
sique, chimie et manipulation, avant quatorze ans ; aux cours
de teinture, avant quinze ans. Un déléguédu conseil supé-
rieur et le professeur de teinture examinent si les aspirants
aux cours de teinture possèdent des connaissances suffisantes
pour être admis à suivre utilement cet enseignement.
Tout élève qui désire être admis aux cours de mécanique
et d'architecture doit préalablement suivre les cours de
dessin linéaire élémentaire, de géométrie plane, de géo-
métrie dans l'espace et d'algèbre, à moins qu'il ne justifie
de connaissances suffisantes. Nul élève n'est admis à suivre
les cours de peinture décorative, de dessin supérieur, de
dessin moyen et d'architecture, s'il ne fréquente régulière-
ment les cours d'histoire de l'art. — L'enseignement est
gratuit.
Ecole nationale d'apprentissage de Dellys. —
Destination.— L'Ecole d'apprentissage créée en Algérie,
à Dellys, a pour but de former des ouvriers habiles. Fran-
çais et indigènes, pour les métiers qui emploient le fer et
le bois. Elle ressortit au ministère du commerce. Elle avait
été installée d'abord auprès de Fort-National, au centre de
la Kabylie,oii l'on espérait former une école d'arts et
métiers"^ analogue à celles de France et y former des indi-
gènes, pris surtout dans cette région, la plus laborieuse de
l'Algérie. Les anciens élèves de l'Ecole furent les premiers
à la détruire lors de l'insurrection de 4871. On l'a réor-
ganisée à Dellys, où elle végète.
Conditions d'admission. — L'Ecole reçoit les Français
ou les indigènes nés en Algérie, âgés de plus de qua-
torze ans et de moins de dix-sept au i^^ oct. de l'année
du concours. Ils adressent leur demande au préfet ou au
général commandant la division, selon que leur terri-
toire est civil ou militaire; ils l'accompagnent d'un acte
de naissance ou d'un acte de notoriété (pour les indi-
gènes) ; d'un certificat médical de bonne constitution, d'un
certificat de vaccine, d'un certificat de bonnes vie et mœurs
délivré par l'autorité municipale. Ils doivent justifier de la
connaissance de l'écriture française, des quatre règles
d'arithmétique et du système métrique. Ils font une dictée
et un problème d'arithmétique. Les élèves admis doivent
être rendus à l'Ecole de Dellys dans la première moitié
d'octobre.
Régime intérieur. — Le régime est l'internat. Il y a
60 internes; ils payent 400 fr. par an, de plus un
trousseau de 200 fr. et 50 fr. pour la masse d'entretien
de l'élève. L'Etat, le département, les communes ac-
cordent des bourses. Les élèves portent un uniforme sem-
blable à celui des écoles d'arts et métiers. — La durée des
études est de trois années. Aucun élève ne peut faire une
quatrième année, sauf dans le cas de maladie ayant en-
traîné une suspension de travail de plus de six semaines
ou d'absence d'égale durée pour un motif légitime. —
L'enseignement donné dans TEcole est théorique et surtout
pratique. L'enseignement théorique comprend : la langue
française, la lecture et l'écriture, la grammaire, l'histoire
et la géographie, des notions strictement élémentaires de
géométrie, d'algèbre, de physique, de chimie, de géométrie
descriptive et de mécanique, le dessin, le tracé des ouvrages
exécutés daiis les ateliers et la pratique des épures ; enfin
la comptabilité commerciale. L'enseignement pratique,
correspondant aux métiers qui emploient le fer et le bois,
se donne dans les ateliers annexés à l'établissement. Les
élèves sont répartis pendant la durée de leurs études dans
chaque atelier. Le produit du travail exécuté dans les
ateliers appartient à l'Etat. A la fin de chaque année
scolaire, le conseil, après des examens généraux passés par
les élèves, arrête la liste de leur classement dans chaque
division et propose les prix à décerner. Il désigne les élèves
qui, en raison de la faiblesse de leurs notes ou de leur
mauvaise conduite, doivent être exclus de l'Ecole. — Les
punitions qui peuvent être infligées aux élèves sont : la
consigne ou retenue ; la salle de poUce ; la prison ; le renvoi
de l'Ecole.
Le résumé semestriel des notes est envoyé aux parents
ou aux correspondants des élèves.
A leur sortie, les élèves de l'Ecole de Dellys peuvent se
placer comme contremaîtres dans la colonie. Il y aurait
de grands progrès à réaliser pour que le niveau se rap-
prochât de celui des écoles d'arts et métiers de Châlons,
Angers ou Aix.
Ecoles d'apprentis. — Les écoles d'apprentis sont
destinées à donner aux apprentis l'instruction primaire élé-
mentaire, et, parfois, supérieure. La loi du 15 mars 1850
avait prévu la création d'écoles primaires communales pour
les apprentis de plus de douze ans. x\ctuellement, on vise
à assimiler les apprentis aux autres élèves des écoles pri-
maires. Il existe cependant pour eux des classes et même
des écoles spéciales. Nous avons déjà parlé des Ecoles de
manufacture (V. ce paragraphe), organisées le plus effi-
cacement sur le système du demi-temps (V. ce mot). —
A l'étranger, nous signalerons : en Prusse, des écoles pro-
fessionnelles pour les apprentis auxquels on y enseigne le
dessin, les travaux pratiques, la comptabilité, l'arilhmé-
tique et la correspondance commerciale, la physique, la
chimie, etc. En Ravière,les écoles d'apprentis sont annexées
aux écoles professionnelles ou aux écoles primaires. Dans
les autres pays, l'obligation scolaire imposée aux apprentis
jusqu'à quatorze, seize ou dix-huit ans, ne comporte pas
la fondation d'écoles spéciales.
Ecoles d'apprentissage. — L'école d'apprentissage
a pour but la formation d'apprentis qu'elle prépare à un
métier défini où ils puissent, le plus tôt possible, gagner
leur vie. M. SaHcis a fort bien marqué (Dict, de péda-
gogie, t. P^, 196) en quoi elle diffère de l'école d'ap-
prentis, de l'école professionnelle, technique, industrielle,
réelle , etc. « U école professionnelle se propose surtout
d'augmenter le bagage intellectuel que l'école primaire a
pu fournir, et elle y parvient naturellement en complétant
les programmes du premier enseignement. Elle est destinée
à recevoir les enfants de ces nombreuses familles qui, sans
être riches, ni même aisées, n'en sont pas réduites cepen-
- 461 —
dant à vivre d'un salaire journalier : employés, commer-
çants, patrons modestes, contremaîtres, etc. Chacune de
ces familles vise pour ses enfants à une situation qui les
affranchisse du travail manuel. — L'école d'apprentissage,
au contraire, sans prétendre cantonner dans le travail
manuel une partie de la génération qui grandit et toute sa
descendance, doit se proposer de donner à tous les enfants
qui vont demander leur vie au salaire journalier les moyens
d'arriver le plus tôt possible à se suffire. Elle est donc
différente en ce point des classes ou écoles d'apprentis,
qui ne sont que l'enseignement simplement primaire donné
ou continué aux enfants engagés dans un apprentissage
quelconque. Il y a lieu enfin et iî est très facile de la distin-
guer des écoles techniques, industrielles, des arts et
métiers, Realschulen, dénominations plus ou moins simi-
laires de celles de professionnelles, et qui, au point de vue
de l'apprentissage, expriment un degré à la fois supérieur
et insuffisant. — Si l'école d'apprentissage, sans restreindre
les acquisitions intellectuelles, rend l'ouvrier non seulement
plus policé, mais encore plus habile, plus épris de son état,
et par conséquent plus laborieux, elle le rendra du même
coup plus moral, plus économe, moins indépendant, et
ainsi, en même temps qu'elle procure des avantages immé-
diats à l'énorme population des travailleurs, elle augmente,
à bref délai, le rendement économique dans tout le pays
et y hausse le niveau moral et social par le relèvement des
ouvriers. L'école d'apprentissage doit être une sorte d'ins-
titution, en quelque sorte parallèle à l'école professionnelle,
mais destinée aux enfants qui se préparent non à une pro-
fession, expression trop vague, mais à un métier. » Il
existe un certain nombre de ces écoles en France, particu-
lièrement à Paris. Il faut citer en première ligne les
écoles municipales profession7ielles de la ville de Paris
(V. ci-dessous le paragraphe spécial) ; l'école d'imprimerie
organisée par M. Chaix; celle des apprentis bijoutiers
fondée par le syndicat; pour les filles, les établissements
de la Société pour l'enseignement professionnel des femmes,
les ouvroirs (V. ce mot), etc. Une mention spéciale doit
être accordée aux fondations catholiques. La plus considé-
rable est un internat, celui de Saint-Nicolas, dirigé à
Vaugirard par les frères des Ecoles chrétiennes. Il com-
prend près d'une vingtaine d'ateliers, livrés chacun à un
fabricant qui y délègue un contremaître et tire parti des
travaux exécutés. Un autre internat-école d'apprentissage,
a été fondée rue Oberkampf par M. Lemaire. Hors de
Paris, on remarque les écoles du Creuset, de Mulhouse,
des chantiers de La Ciotat, du Havre, l'école municipale
d'horlogerie de Besançon, etc. Ce qui concerne l'étranger
sera exposé dans l'art. EnseignemeiNt professionnel et
TECHNIQUE.
Ecoles manuelles d'apprentissage. — Destination.
— Les écoles manuelles d'apprentissage ont été créées
afin de répondre aux besoins que nous avons indiqués dans
le paragraphe précédent. La loi du il déc. 1880 les a
reconnues; elles sont régies en outre par la loi du
30 oct. 1886 et les décrets des 17 mars et 28 juil. 1888.
Elles ressortissent à la fois au ministère de l'instruction
publique et au ministère du commerce et de l'industrie.
On en distingue deux catégories : IMes écoles manuelles
d'apprentissage fondées par les communes, les départe-
ments ou des particuliers, pour développer chez les jeunes
gens qui se destinent aux professions manuelles la dexté-
rité nécessaire et les connaissances techniques. L'école
manuelle d'apprentissage, qui a pour but de développer
l'aptitude professionnelle et de compléter à un point de
vue spécial l'enseignement de l'école primaire élémentaire,
ne peut recevoir que des enfants pourvus du certificat
d'études primaires ou âgés d'au moins treize ans ; 2° les
écoles publiques d'enseignement primaire supérieur ou
complémentaire dont le programme comprend des cours ou
des classes d'enseignement professionnel.
Conditions d'admission. — Nul ne peut y entrer avant
douze ans accomplis. Tout candidat, pour se faire inscrire.
ÉCOLE
doit justifier de la possession du certificat d'études pri-
maires élémentaires; à défaut de ce titre, il subit un
examen d'entrée équivalent, auquel il ne peut se présenter
qu'à l'âge de treize ans révolus et en justifiant de l'accom-
plissement de l'obligation scolaire.
Dans le cas où le nombre des candidats est supérieur à
celui des places disponibles de l'école, il est ouvert entre
eux un encours portant sur les diverses matières du cer-
tificat d'études primaires élémentaires et en outre sur le
travail manuel.
Le programme d'enseignement de ces écoles, arrêté
d après un plan élaboré par les fondateurs, doit être ap-
prouvé par les ministres de l'instruction publique, du
commerce et de l'industrie. Le personnel enseignant de
chaque école comprend au minimum : d^ un professeur ou
un instituteur adjoint chargé de l'enseignement des ma-
tières du programme général; 2« un chef d'atelier ou
un contremaître préposé à l'apprentissage. L'enseignement
scientifique et technologique prévu par le programme spé-
cial de chaque école peut être confié soit au directeur,
soit au personnel enseignant, soit à des professeurs ou
maîtres auxiliaires nommés ou délégués à cet effet. Le
nombre et la rémunération des auxiliaires sont, pour chaque
école, déterminés par décision des deux ministres, après
avis de la commission de surveillance et de perfectionne-
ment, sur la proposition du conseil municipal. Le préfet,
SI l'étabhssement est départemental; le maire, si l'établis-
sement est municipal, fixe, sur la proposition du directeur
et après avis de la commission de surveillance et de per-
fectionnement, le nombre des emplois de contremaîtres,
chefs et sous-chefs d'atelier, ouvriers instructeurs et autres
préposés à l'apprentissage qu'il y a lieu de créer dans
l école. Le prétet ou le maire détermine, dans les mêmes
conditions, le mode de rétribution de ce personnel. Aucun
internat ne peut y être annexé, sans l'autorisation préa-
lable des deux ministres.
Les écoles manuelles d'apprentissage et les écoles pri-
maires supérieures professionnelles assurent aux élèves :
1° un complément d'instruction primaire; 2° une instruc-
tion professionnelle préparant soit à l'industrie, soit au
commerce, ou comprenant ces deux genres d'enseigne-
ment. Elles sont soumises à l'inspection de l'enseignement
technique, qui a pour mission d'étudier les besoins locaux
au point de vue de la direction à donner à l'enseignement
professionnel, de se rendre compte de la valeur et de l'état
de l'outillage et des améliorations qu'il y aurait lieu d'y
apporter, de surveiller les méthodes, enfin de renseigner
les deux administrations de l'instruction publique et du
commerce, de l'industrie et des colonies sur tout ce qu'il
serait utile de faire pour rendre l'enseignement aussi pra-
tique et aussi profitable que possible. Dans ces écoles, la
durée des études est de trois ans au minimum; une qua-
trième année peut être jugée nécessaire.
Ecoles nationales mixtes d'enseignement pri-
maire supérieur et d'enseignement professioanel.
— Les écoles nationales mixtes d'enseignement primaire
supérieur et d'enseignement professionnel, prévues par la
n^- M^ }1.^^\ ^^^^^' organisées par les décrets des
9 juil. 1880, 20 mars et 26 juil. 1882, 17 mars 1888,
ressortissent à la fois au ministère de l'instruction publique
et au ministère du commerce, de l'industrie et des colo-
nies. Elles répondent au besoin de créer, dans les centres
industriels, des écoles professionnelles spéciales pour chaque
branche d'industrie, pouvant remplacer ce qu'était pour les
jeunes gens l'apprentissage d'autrefois. Des écoles de ce
genre ont été instituées à Vierzon (Cher), à Armentières
(Nord) et à Voiron (Isère).
^ Ces écoles sont créées par décrets, rendus sur la propo-
sition des deux ministres, qui règlent pour chaque école la
composition du conseil d'administration ; les membres de
ce conseil sont nommés par arrêté du ministre de l'instruc-
tion publique sur l'avis conforme du ministre du com-
I merce, de l'industrie et des colonies. La nomination du
ÉCOLE
— 462 —
directeur et du personnel enseignant de tout ordre y est
faite par arrêtés pris d'accord entre les deux ministres.
Ecoles de cuisine. — Une école professionnelle de
cuisine a été créée à Paris par la Société des caisnners
français ; elle a reçu une subvention de l'Etat et s'est ouverte
le 20 mars 1891. Elle s'occupe de ce qui concerne la cui-
sine, la pâtisserie, la confiserie, les liqueurs, l'office, la
sommellerie, la charcuterie, les conserves ahmentaires.
Elle est administrée par la Société des cuisiniers français.
L'enseignement comprend deux parties : enseignement pour
les dames et les jeunes filles ; enseignement professionnel
pour les élèves hommes. L'enseignement public comporte
des cours gratuits d'économie domestique et de cuisine
ménagère et des cours payant (1 fr. par leçon) d'enseigne-
ment élémentaire et de cuisine bourgeoise. L'enseignement
professionnel est réservé aux élèves et apprentis de toutes
les professions de l'art culinaire. On décerne à la fin de
chaque année scolaire des médailles aux plus méritants.
Voici la nomenclature complète des cours et conférences :
hygiène alimentaire, chimie alimentaire, histoire générale
des sciences alimentaires, botanique alimentaire, dessin et
modelage, droit usuel et professionnel, comptabilité pro-
fessionnelle, installations culinaires, gastronomie contem-
poraine. L'enseignement professionnel porte sur les matières
suivantes, chacune étudiée par un professeur ou prépara-
teur : fond de cuisine; entremets; rôtisserie; entremets
froids; décoration, moulage et modelage; décoration artis-
tique; rédaction des menus; pastillage; cuisine anglaise et
cosmopolite; fond de pâtisserie ; historique des spécialités ;
inspection des décors et travaux en sucre; glaces ; charcu-
terie; conserves; ofllce; sommellerie.
Etranger. — En Angleterre et aux Etats-Unis on a
fondé dans plusieurs villes des écoles de cuisine, où des
ménagères et des jeunes filles reçoivent un enseignement
professionnel, théorique et pratique. La première d'Angle-
terre fut celle de South Kensington (en 1873) : National
Training School for Cookery, sorte d'école normale où
se recrute le personnel enseignant des écoles de cuisinede
Londres et des autres villes anglaises. Le cours dure cinq
mois; l'élève apprend successivement: théorie, lavage de
la vaisselle ; leçons pratiques de cuisine ouvrière ; leçons
pratiques de cuisine bourgeoise; chacun de ces enseigne-
ments est suivi de quinze jours d'exercices pratiques. Le
dernier mois, l'élève doit s'exercer à l'enseignement privé
et public. L'école de South Kensington déhvre des diplômes
de professeur d'art culinaire et des certificats d'études. Des
classes de cuisine ont été annexées aux écoles publiques de
filles de Londres, et 21 écoles de cuisine y ont été ouvertes
en une dizaine d'années. Les grandes villes d'Angleterre
ont, à partir de 1875, suivi l'exemple de Londres. — Aux
Etats-Unis, une école de cuisine fut ouverte à New-York
par miss Corson en 1874; elle comprit trois cours pour
enfants, pour dames, pour cuisinières. Plusieurs autres
villes, Boston, Washington, etc., possèdent des écoles de
cuisine. ^ , .
Ecoles d'horlogerie. — Destination. — Les écoles
nationales d'horlogerie sont au nombre de deux : celle de
Cluses et celle de Besançon. B existe de plus une école pro-
fessionnelle d'horlogerie à Paris, une école mumcipale à
Anet (Eure-et-Loir), etc. Mieux que toute industrie, en
raison de son caractère scientifique, l'horlogerie comporte
la préparation dans une école spéciale d'ouvriers et de chefs
d'atelier. Nous ne parlerons ici que des deux écoles natio-
nales, nous bornant à donner quelques renseignements sur
l'Ecole de Paris.
Les écoles nationales d'horlogerie ont pour objet : rde
former des ouvriers instruits et habiles, capables d'exécuter
en tout ou en partie les appareils destinés à la mesure du
temps ou tous autres mécanismes de précision appropriés
aux usages des sciences et des arts; ^ de donner l'ms-
truction nécessaire aux jeunes gens qui se destinent à de-
venir, dans ces genres d'industrie, fabricants ou chefs
d'ateliers*
Historique. — L'Ecole de Cluses fut fondée en 1848
par le gouvernement sarde, cédée par lui au gouvernement
français, qui l'institua à nouveau par le décret du 30 nov.
1883. Elle a été reconstruite et ses nouveaux bâtiments
furent inaugurés en sept. 1886. Elle est régie par le décret
du 8 févr. 1890. L'Ecole de Besançon fut fondée par la
municipalité de cette ville qui est le grand centre de la
fabrication des montres en France. La concurrence de l'Ecole
de Cluses nuisit à son développement et par contre-coup à
l'industrie locale dont les plaintes étaient d'autant plus
vives qu'elles invoquaient le voisinage de Cluses et de Ge-
nève, rivale étrangère de Besançon. Il fallut dix années
d'efforts aux Bisontins pour obtenir le décret du 22 juil.
1891 érigeant leur école en école nationale.
Conditions d'admission.— \\ n'est reçu à l'Ecole que des
élèves âgés de plus de quatorze ans ; la rentrée des classes
ayant lieu chaque année au début de novembre, les candi-
dats doivent justifier qu'ils auront au moins quatorze ans
le 1^'" dudit mois. L'admission est prononcée par le
ministre. Les demandes d'admission doivent être adres-
sées par écrit au préfet du département dans lequel
réside la famille du candidat, du 1^^ août au 20 sept.
Ces demandes doivent être accompagnées des pièces sui-
vantes : 1° l'acte de naissance du candidat; 2° un certificat
de vaccine et de bonne constitution d'un docteur assermenté;
3"^ un certificat de bonnes vie et mœurs délivré par l'autorité
locale attestant, de plus, que le candidat jouit de la qualité
de Français; 4^ le certificat d'études primaires ou, à dé-
faut, un certificat délivré par un fonctionnaire de l'ensei-
gnement public justifiant que le candidat possède les con-
naissances suivantes : la lecture, une écriture lisible et
courante, une orthographe à peu près correcte, l'arithmé-
tique comprenant les quatre premières règles, les fractions,
le système décimal, le système métrique, les règles de trois
simple et composée; 5« l'engagement par écrit pris par les
parents d'acquitter, aux époques fixées, la totalité ou la
fraction des frais d'entretien laissés à leur charge. Tout
élève qui ne serait pas présent à l'ouverture des cours serait
considéré comme démissionnaire.
Un certain nombre de places est réservé, chaque année,
pour les ouvriers horlogers qui voudraient se perfectionner
dans une ou plusieurs parties de la fabrication de la montre.
Ces ouvriers sont reçus par le directeur qui doit préalable-
ment s'assurer de leur moralité. La durée de leur séjour
dans les atehers de l'Ecole est de six mois.
Bégime intérieur.— Le régime de l'Ecole de Cluses est
l'externat. Les élèves sont placés par leurs parents chez
des correspondants domiciliés dans la com. de Cluses et
agréés par l'administration de l'Ecole. Toutefois, l'admi-
nistration peut, sur la demande des familles, se charger
de placer les jeunes gens. Dans ce cas, les parents doivent
verser, par trimestre et d'avance, une pension annuelle de
600 fr. environ.
L'Ecole de Besançon possède un pensionnat installé dans
les bâtiments du lycée. Des bourses ou fractions de bourse
d'entretien peuvent être accordées sur les fonds de l'Etat
aux élèves dont les familles ont fait constater préalablement
l'insuffisance de leurs ressources. Ces bourses, données
pour une année scolaire, sont renouvelables. Un nombre
plus considérable de bourses sont données par les dépar-
tements ou les communes; en 1889, il y avait à l'Ecole de
Cluses 42 bourses départementales ou communales pour
une somme de 12,396 fr. et 21 bourses de l'Etat pour une
somme de 3,000 fr. En outre, le ministre du commerce
décerne à un grand nombre d'élèves des médailles d'ar-
gent, des livres et outils à l'usage de leur profession. —
Au point de vue du service militaire, les horlogers et ou-
vriers horlogers sont admis à concourir pour la dispense de
deux ans de service actif, au titre des industries d'art, lors
de la formation de la classe à laquelle ils appartiennent.
— L'Ecole de Cluses avait, en 1889, 130 élèves; celle de
Besançon en comptait beaucoup moins, mais son érection
en école nationale lui vaudra une prospérité certaine. Les
— 463 —
ECOLE
élèves sont soumis à la surveillance de l'administration non
seulement dans l'intérieur de l'établissement, mais au dehors
et chez les correspondants.
La durée des études est de trois ans. L'enseignement est
gratuit. Cet enseignement est à la fois théorique et pratique.
L'enseignement pratique comprend les méthodes et les opé-
rations propres à donner aux élèves l'habileté de main
nécessaire dans une ou plusieurs des spécialités de la fabri-
cation de la montre. L'enseignement théorique comprend
les éléments de l'arithmétique, de la géométrie et de la
mécanique. Les élèves sont, en outre, exercés au dessin des
pièces détachées de la montre et des outils d'horlogerie.
L'enseignement est dirigé de telle sorte que, dès sa
sortie de l'Ecole, chaque élève puisse se livrer dans l'in-
dustrie à l'une des spécialités de la fabrication de la montre
avec une suffisante habileté. Les élèves sont répartis par
le directeur dans les différents atehers. — Des examens
généraux ont Ueu à la fin de chaque année, en présence du
directeur et d'un ou de plusieurs membres du conseil d'ad-
ministration. A la suite de ces examens, il est fait un clas-
sement des élèves de chaque division. Les éléments de ce
classement sont : 1° la conduite de l'élève pendant les
leçons et pendant les exercices pratiques ; 2^ le mérite des
travaux exécutés par lui pendant l'année ; 3° les notes de
l'examen général. — A la suite des examens de fin d'année,
on autorise les élèves à passer dans la division supérieure ou
on les oblige à redoubler. Le dernier est l'examen de sortie.
Sortie. — Au terme des études, il est délivré par le
directeur, après avis du conseil d'administration, des cer-
tificats d'études à ceux des élèves de seconde année qui en
sont jugés dignes. Ces certificats indiquent le degré d'ha-
leté de l'élève comme ouvrier horloger, avec mention de la
spécialité à laquelle il s'est plus particulièrement adonné
pendant son séjour à l'Ecole. Non seulement ce certificat
est très apprécié dans les grandes maisons d'horlogerie de
Paris, de Besançon et même de Genève, mais un certain
nombre d'élèves sont admis parmi les ouvriers mécaniciens
employés à la construction des appareils télégraphiques de
l'Etat. A.-M. B.
Ecole professionnelle d'horlogerie de Paris. —
L'Ecole de Paris a été fondée en 1880 par la chambre
syndicale de l'horlogerie, inaugurée le 6 mars 1881, re-
connue d'utilité publique en 1886, transférée depuis rue
Manin. Elle compte 100 élèves externes ou internes. La
durée des études est de quatre ans. Elle possède trois ate-
liers par lesquels les élèves passent avant de se spécialiser :
le premier est consacré à la fabrication des grosses pièces
de pendules; le second à la fabrication et au montage
complet de la pendule ; la troisième à la fabrication et au
montage complet des montres et chronomètres. Le soir ont
lieu des cours théoriques. Une collection de modèles et une
bibliothèque sont annexées à l'Ecole.
Ecole nationale professionnelle de Nevers spé-
ciale à la grosse chaudronnerie et aux grandes
constructions en fer. — Cette école, dont le titre indique
suffisamment la destination, prépare comme les écoles d'arts
et métiers des chefs d'atelier et des contremaîtres. Mais elle
a un objectif beaucoup plus spécial que ces écoles, visant
seulement les constructions en fer (ponts, viaducs, halles, etc.)
et la grosse chaudronnerie. Elle a été fondée par la loi du
10 mars 1881, afin d'indemniser la ville de Nevers de la
suppression de l'ancienne fonderie des canons delà marine.
Les bâtiments de celle-ci lui ont été affectés.
Son régime intérieur est analogue à celui des écoles
d'arts et métiers. Le cours d'études est de trois années.
Les élèves sont internes, mais on admet aussi des externes.
Le prix de la pension est de 600 fr. par an. L'Etat entre-
tient des bourses et des demi-bourses.
Ecoles municipales professionnelles de Paris.—
La ville de Paris a organisé à partir de 1872 plusieurs
écoles destinées à suppléer à la décadence de l'apprentis-
sage. L'enseignement technique donné dans ces écoles
devrait former des ouvriers d'élite pour les divers métiers.
Le succès a été inégal; l'Ecole Diderot a bien réussi,
l'Ecole Estienne (industrie du Hvre) a d'abord échoué.
Nous passerons en revue les principales créations de la
municipalité parisienne, en donnant sur chacune de ces
écoles des renseignements aussi complets et pratiques que
possible. L'enseignement de ces écoles est destiné aux
jeunes Parisiens. Mais les enfants dont les familles sont
domiciliées dans les communes de la banlieue, peuvent être
admis dans les écoles professionnelles de Paris, en raison
du rang pour eux obtenu au concours, à la condition, tou-
tefois, que les communes suburbaines, auxquelles appartien-
dront les enfants admis, s'engagent à rembourser, pour
chaque enfant, une somme annuelle de 200 fr.
Ecole Diderot. — Destination. L'Ecole Diderot (60, bou-
levard de la Villette), fondée le 6janv. 1873, est destinée
à former des ouvriers d'élite ; elle reçoit des apprentis
pour le travail des métaux et du bois. Elle combine un
enseignement général et un enseignement professionnel.
Conditions cTadmissioii. Aucun élève n'est admis
avant l'âge de treize ans révolus ni après seize ans. Les
candidats sont reçus après un examen qui a lieu à l'Ecole.
L'examen comporte : 1^ une dictée; 2° un problème
d'arithmétique sur les règles de trois ; 3« un problème sur
les fractions ou les rapports ; ¥ un calcul de surface ou
de volume avec application du système métrique; 5^ un
croquis à main levée et coté. — Les examens d'admission
ont lieu, tous les ans, à la fin du mois de juillet. La date
exacte est indiquée par voie d'affiches. Les inscriptions des
candidats sont reçues au siège de l'Ecole, du 1®^ mai au
jour de l'examen, tous les jours, sans exception, de huit
heures du matin à quatre heures du soir. Les pièces à
produire pour l'inscription sont les suivantes : 1<^ le certi-
ficat de revaccination ; 2° une pièce officielle établissant
que le père du candidat a satisfait à la loi sur le recru-
tement; 3° le certificat d'études primaires du candidat, s'il
le possède ; 4o l'extrait de naissance du candidat.
Régime intérieur. Les élèves sont externes. Leur
nombre est d'environ 300. L'enseignement est gratuit ; les
élèves sont fournis gratuitement de tous les moyens d'études
et de travail. L'entrée a lieu à sept heures trois quarts du
matin, pour les élèves de première et de deuxième année,
et à six heures trois quarts pour ceux de troisième année.
La sortie se fait à six heures du soir pour tous les élèves.
Les élèves ne sortent sous aucun prétexte dans la journée.
Ils peuvent prendre le repas de midi et le goûter à la
cantine de l'Ecole, au prix de 50 centimes par jour de
présence, en apportant leur boisson. Des bourses de
déjeuner sont accordées en grand nombre aux élèves de
deuxième et troisième année. L'élève qui manque aux cours
du matin n'est point admis aux exercices de l'après-midi.
Toute absence doit être autorisée par le directeur. Les
absences non autorisées et non justifiées motiveront une
punition ; si elles se renouvellent trop fréquemment, l'ad-
ministration, sur la proposition du directeur, prononcera
le renvoi de l'élève. Les absences trop fréquentes, même
justifiées, peuvent entraîner le redoublement d'une année
de présence à l'Ecole.
Enseignement. L'Ecole comprend huit sortes de mé-
tiers : forge; tours sur métaux ; ajustage; serrurerie;
mécanique de précision ; modelage ; menuiserie ; tours sur
bois. L'enseignement général porte sur la langue française,
les mathématiques, la chimie, la physique, la technologie,
la mécanique, l'histoire, la géographie, le dessin d'orne-
ment, le dessin industriel, la comptabilité.
La durée de l'apprentissage est de trois ans. Pendant la
première année, les élèves passent successivement des
ateliers du bois à ceux du fer, afin de rechercher prati-
^[uement leur aptitude. Pendant les deux dernières années,
ils ne quittent plus la profession qu'ils ont choisie, d'accord
avec leurs parents, dans le courant de leur première année,
et qui leur est attribuée au concours, s'il y a lieu, suivant
le nombre de places disponibles. La journée comprend
cinq heures et demie d'atelier pour les deux premières
ECOLE
— 464 —
années, huit heures pour la troisième ; trois heures de
classe pour 'les deux premières années, une heure et demie
pour la troisième. Les deux genres d'exercices sont séparés
par des repos consacrés aux repas et aux récréations. Les
exercices militaires ont lieu tous les jeudis pendant deux
heures et demie.
Sortie. Le certificat délivré à la suite d'un examen
technique, manuel et théorique, en fin de troisième année,
tient lieu de hvret d'ouvrier. La préfecture de police,
sur la présentation de ce certificat, délivre aux
élèves qui le demandent le livret d'ouvrier. A leur
sortie, les anciens élèves trouvent facilement à s'employer
dans les ateliers où ils entrent en quahté d'ouvriers.
Sur l'annuaire de la Société amicale des anciens élèves,
nous relevons les chiffres suivants : la première promo-
tion (de 1875) ne compte que 21 anciens élèves ; celle de
1880 en compte 34; celle de 1885, 74; celle de 1891 en
compte 102. L'Ecole a formé une quinzaine d'industriels,
une trentaine de contremaîtres, une vingtaine de for-
gerons, plus de 300 ajusteurs, près de 80 modeleurs, plus
de 50 menuisiers, de 70 serruriers, de 40 précisionnistes,
de 50 tourneurs, etc.
Ecole Germàin-Pilon. — Destination. L'Ecole muni-
cipale de dessin pratique Germain-Pilon (10, rue Sainte-Eli-
sabeth), fondée en 1883, offre aux ouvriers des principales
branches de l'industrie artistique l'enseignement qui leur
est nécessaire.
Conditions d'admission. Les élèves sont admis après
un examen qui a pour but de constater s'ils ont une
aptitude suffisante. L'examen comporte une épreuve écrite
(dictée, problèmes d'arithmétique et de géométrie pratique),
une épreuve orale et une épreuve graphique (dessin géo-
métrique et en perspective d'un objet de forme simple).
Les examens ont lieu le premier dimanche de chaque mois.
Les candidats doivent avoir quinze ans pour les cours du
soir, quatorze ans pour ceux du jour ; nulle limite d'âge
supérieure. Il faut être Français, produire un acte de nais-
sance, un certificat de vaccine, le certificat d'études
primaires.
Régime intérieur. Les élèves sont externes. L'ensei-
gnement est gratuit. En outre, pour faciliter la fréquen-
tation de l'Ecole, des primes journalières de 1 à 2 fr. peu-
vent être accordées à partir de la deuxième année. Le
nombre des élèves varie de 60 à 80. La durée des études
est de trois années. Les matières de l'enseignement théo-
rique sont les suivantes : géométrie ; perspective ; ana-
tomie ; architecture; histoire de l'art ; analyse des styles.
Les matières de l'enseignement technique sont les sui-
vantes : dessin d'après les plâtres et d'après nature;
modelage ; aquarelle ; ameublement ; composition déco-
rative. Les cours durent de huit heures à onze heures du
matin, de une heure à quatre heures de l'après-midi. Tous
les soirs, de huit heures à dix heures, les mêmes profes-
seurs font les mêmes cours à des élèves déjà placés.
130 élèves environ suivent ces cours sans être astreints
à la même régularité que les élèves des cours du jour.
Sortie. A l'expiration de leurs études, les élèves
entrent comme ouvriers dans l'une des spécialités sui-
vantes : décorateurs de théâtre; tapissiers-décorateurs;
bronzes d'art; serrurerie d'art ; broderies; orfèvrerie, cise-
leurs; graveurs.
Ecole Bernard-Pâlissy. — Destination. L'Ecole mu-
nicipale Bernard-Palissy (19, rue des Petits-Hôtels) vise
l'application des beaux-arts à l'industrie. Elle a été fondée
en oct. 1883.
Conditions d'admission. Les mêmes que pour l'Ecole
précédente. L'examen d'adinission a lieu deux fois par an,
le dernier dimanche de septembre et le premier de février.
On fait dessiner aux candidats un objet en relief, à vue et
géométralement.
Régime intérieur. Le même que pour l'Ecole précé-
dente. Le nombre des élèves est de 60 ; aux cours du soir
il vient 70 auditeurs. La durée des études est de trois
ans et plus, s'il y a lieu. Les matières théoriques sont les
suivantes : dessin à vue, dessin linéaire, modelage, pers-
pective, anatomie comparée, histoire [de l'art et compo-
sition. Celle de l'enseignement technique sont : la céra-
mique, la sculpture sur bois, pierre et marbre, le dessin
sur étoffe, lu peinture décorative. Des ateliers annexés à
l'Ecole permettent de pratiquer chacun de ces métiers.
Sortie. A l'expiration des trois ou quatre années d'études,
quelquefois avant pour cause de nécessité matérielle, les
élèves quittent l'Ecole. On étudie un projet de certificat
d'études à leur délivrer. Ils se placent comme ouvriers
dans les différents arts industriels qu'ils ont appris à
l'Ecole.
Ecole Boulle. — • Destination. L'Ecole Boulle, école
municipale professionnelle d'ameublement (25, rue de
Neuilly), a pour but de former des ouvriers habiles et mé-
ritants pour les industries du meuble, si importantes au
faubourg Saint-Antoine. Ouverte en 1886, elle se verra
bientôt adjoindre un nouveau local où l'on formera des ap-
prentis pour les industries du métal (bronze d'art, orfèvrerie)
et pour la gravure.
Conditions d'admission. Il faut être Français, domi-
cilié à Paris ou dans le dép. de la Seine, avoir douze ans
et demi et le certificat d'études, celui de re vaccination,
être reconnu de bonne constitution par le médecin de
l'Ecole Boulle. 11 faut, en outre, subir un concours, le
nombre de places disponibles étant toujours inférieur à
celui des demandes d'admission.
Régime intérieur. Tous les élèves sont soumis au
même régime, qui peut être assimilé à celui des demi-pen-
sionnaires dans un lycée. Ils entrent à sept heures et demie
du matin (sept heures quarante-cinq en hiver) et partent
à six heures quinze du soir. Leur nombre est d'environ 200.
Il sera de 380 après l'adjonction des industries du métal
et de la gravure. L'enseignement est gratuit; les élèves
sont pourvus gratuitement de toutes les fournitures. Tous
les élèves de Paris ont des bourses de déjeuner. Ceux de
la banheue portent leur manger ou payent le prix moyen
auquel revient chaque jour la nourriture de l'élève.
La durée des études est de quatre années. Les matières
de l'enseignement théorique sont les suivantes : français,
histoire, géographie, comptabilité, archéologie, histoire de
l'art; aquarelle pour les tapissiers; anatomie élémentaire
pour les sculpteurs. Les matières de l'enseignement tech-
nique, pour chacune desquelles existent des ateliers, sont
les suivantes : ébénisterie ou menuiserie et sièges ou sculp-
ture ou tapisserie ou tournage. — Les ébénistes apprennent
un peu de marqueterie. Tous les élèves suivent les cours
de modelage, de dessin industriel et de dessin à vue.
Sortie. Les élèves subissent un examen à la fin de leur
apprentissage. Ceux qui subissent cet examen avec succès
reçoivent un diplôme de fin d'apprentissage; les autres
reçoivent un simple certificat constatant que l'enfant a fait
son apprentissage. — Les élèves sortis sont tous placés dans
l'industrie où ils peuvent gagner de 3 à 7 fr. par jour,
un an après leur sortie de l'Ecole.
Ecole Estienne. — Destination. L'Ecole Estienne,
école municipale des arts et industries du livre, a pour
objet, comme les précédentes, la formation d'ouvriers
habiles. Elle a été fondée en 1889, provisoirement installée
rue Vauquelin dans l'ancien collège Rollin et prendra pos-
session en 1892-93 des bâtiments construits pour elle rue
de Gentilly et boulevard d'Italie. Les débuts ont été mau-
vais, mais on espère beaucoup de la réorganisation.
Conditions d'admission. L'admission a lieu par voie
de concours annuel. Les candidats doivent remplir les con-
ditions suivantes : être Français et domiciliés à Paris ou
dans le dép. de la Seine, avoir au moins douze ans accom-
phs et n'avoir pas plus de quinze ans à la date du concours ;
être pourvu du certificat d'études primaires. Les pièces à
produire sont : le bulletin de naissance, un certificat
d'études primaires, un certificat de vaccine et le livret des
notes scolaires. Le concours d'admission comprend trois
465 —
ÉCOLE
épreuves : une dictée ; deux problèmes d'arithmétique (ap-
plications simples des quatre opérations sur les nombres
entiers, les nombres décimaux, les fractions et le système
métrique); un dessin d'après la bosse.
Régime intérieur. Le régime est le même qu'à l'Ecole
Boulle, sauf que les élèves entrent à huit heures du matin,
sortent à six heures du soir. La durée des études est de
quatre années. L'enseignement théorique porte sur les
matières suivantes : langue française, histoire, géographie,
arithmétique, histoire naturelle, chimie, physique et méca-
nique, dessin, modelage, etc. L'enseignement technique
porte sur les matières suivantes : fonderie de caractères,
typographie, rehure, brochage, dorure, gravure sur bois,
sur cuivre et sur pierre, photographie. Il est donné dans les
ateliers de l'Ecole; ceux-ci sont répartis en cinq groupes :
école de typographie, école de lithographie, école de gravure,
école de rehure et papeterie, école de photographie. L'en-
seignement est confié à des professeurs ouvriers choisis au
concours, ayant eu comme juges leurs pairs et une com-
mission du conseil municipal. Durant la première année,
les élèves doivent passer successivement par tous les ate-
liers. Ils sont ensuite répartis entre les spéciahtés, selon
les aptitudes dont ils ont fait preuve. Cette répartition est
faite par le conseil de l'Ecole.
Sortie, Au terme de leurs études, les élèves reçoivent
un certificat d'apprentissage qui doit leur permettre d'en-
trer comme ouvriers dans l'un des établissements indus-
triels du hvre. A. -M. B.
Ecoles commerciales. — • Destination.— Les écoles
commerciales ont pour objet de donner aux jeunes gens un
enseignement spécial les préparant aux diverses carrières
commerciales et administratives. Elles ressemblent donc
fort aux écoles professionnelles et primaires supérieures,
avec lesquelles elles font presque douple emploi. La prin-
cipale est celle qui a été créée à Paris en 1863 et se trouve
avenue Trudaine, n° 23. Nous en indiquons l'organisation.
Conditions d'admission. — Il suffît de savoir hre, écrire
et compter. Des cours préparatoires divisés en plusieurs
sections, suivant l'âge et la force des élèves, permettent de
recevoir les enfants trop jeunes ou trop peu avancés pour
suivre avec fruit les cours normaux. Cette division, qui
comprend les enfants de sept à douze ans, est entièrement
séparée du reste de l'Ecole ; elle a son entrée particulière
(rue Bochard-de-Saron). Les élèves de la division élémen-
taire peuvent, sur la demande des familles, être admis à
faire leurs devoirs à l'Ecole, dans une étude surveillée,
qui dure jusqu'à six heures du soir, moyennant une rétri-
bution mensuelle de 5 fr.
Régbie intérieur. — L'Ecole commerciale ne reçoit que
des élèves externes. Tout élève doit présenter à son entrée:
1° son acte de naissance; 2^ un certificat de vaccine;
3« un certificat de bonne conduite, s'il a déjà été dans un
autre étabfissement.
La rétribution annuelle est de 220 fr. payables par
dixièmes, d'avance. Dans ce prix sont comprises les four-
nitures mensuelles de papeterie accordées par l'Ecole. Le
payement des livres de classe et du hvret de quinzaine est
à la charge des élèves et doit être efi'ectué au comptant.
Les élèves viennent à l'Ecole à huit heures du matin et la
quittent le soir à cinq heures moins un , quart. Ils sont
tenus de déjeuner à l'Ecole, à moins d'être autorisés spé-
cialement à déjeuner dans leur famille.
L'enseignement de l'Ecole commerciale comprend quatre
années d'études. Il se répartit entre les matières suivantes :
langue française, mathématiques, comptabilité, httérature,
histoire, géographie, droit usuel et commercial, économie
politique, calligraphie, dessin. II est complété par des con-
férences littéraires et des conférences scientifiques. Toutes
les facultés enseignées dans les diverses années sont obli-
gatoires pour tous les élèves. A la fin de chaque année
scolaire, des examens ont lieu en présence des membres
de la chambre de commerce délégués à cet effet par le pré-
sident de la chambre.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
Sortie. — - La chambre de commerce délivre, à la suite des
examens de fin d'année, des diplômes et des certificats aux
élèves qui, après avoir achevé leur quatrième année, ont
fait preuve de connaissances réelles sur l'ensemble des
matières enseignées à l'Ecole.
Ecoles supérieures de commerce. —Généralités.
— Les écoles supérieures de commerce sont destinées à
former des négociants, des armateurs, des banquiers, des
administrateurs, des directeurs et des employés d'établis-
sements industriels et commerciaux. Elles dépendent du
ministère du commerce et ont été organisées par l'Etat
avec le concours des chambres de commerce de nos prin-
cipales villes. Il en existe à Paris, à Bordeaux, au Havre,
à Lyon et à Marseille. Elles sont régies par le décret du
22 juil. 1890. Nous exposerons d'abord l'organisation de
celle de Paris; nous parlerons ensuite des autres, en indi-
quant ce qui est particulier à chacune d'elles.
ECOLE SUPÉRIEURE DE COMMERCE DE PARIS.
—• L'Ecole de Paris, établie rue Amelot, n''i02, est placée
sous le patronage de la chambre de commerce de Paris et
sous la surveillance d'un conseil de perfectionnement pré-
sidé par le ministre du commerce et de l'industrie. Exclu-
sivement consacrée aux études commerciales supérieures,
son enseignement convient spécialement aux jeunes gens
qui veulent suivre la carrière du commerce, de l'adminis-
tration, des finances, etc.
Conditions d'admission. — L'admission a lieu au con-
cours. On admet aux mêmes conditions les candidats fran-
çais et étrangers. Pour être admis au concours, les candi-
dats doivent être âgés de seize ans au moins, au 1^^ janv.
de l'année du concours. La demande d'admission doit par-
venir au directeur de l'Ecole, au plus tard, quinze jours
avant l'ouverture du concours, accompagnée des pièces
ci-après : P acte de naissance; 2« certificat de bonnes vie
et mœurs ; 3^ certificat du médecin constatant que le can-
didat a eu la petite vérole ou qu'il a été vacciné avec succès ;
4° titres universitaires, s'il y a lieu. — Le nombre des
places mises au concours est fixé chaque année par le
ministre. En 1891, ce nombre a été de 40, et le concours
s'ouvrit le mardi 6 oct. Les épreuves du concours com-
prennent, pour l'écrit, trois compositions : 1« mathéma-
tiques, questions d'arithmétique et d'algèbre ; 2^ langue
française, rédaction, orthographe, écriture ; 3^ langue
vivante (anglais, allemand ou espagnol), thème, version.
Pour l'oral : arithmétique, algèbre, géométrie, physique,
chimie, géographie, histoire, langue vivante. Les candi-
dats pourvus de l'un des diplômes de baccalauréat (ensei-
gnement secondaire spécial, es lettres, es sciences, ensei-
gnement secondaire classique), bénéficient de 60 points. De
même, les candidats étrangers pourvus d'un diplôme reconnu
équivalent.
Bourses, Des boursiers sont entretenus par l'Etat, les
départements, les communes et les chambres de commerce.
L'Etat donne douze bourses, six par an. Elles sont données
d'après le rang de classement au concours à des candidats
français qui ont joint à leur demande un certificat délivré
par le maire de la commune où résident leurs parents,
constatant la situation de fortune de ces derniers ; un
extrait du rôle des contributions dues par les parents du
candidat.
Régime intérieur. — Cette Ecole reçoit des élèves
internes et des élèves demi-pensionnaires déjeunant à
l'Ecole, âgés de quinze ans révolus. Le prix de la pension est
de 2,000 fr. par an. Chaque élève interne paye, en outre,
un droit d'entrée de 30 fr. pour l'amortissement du maté-
riel pendant la durée de son séjour à l'Ecole. Le trousseau
est à la volonté des parents. Le prix de la demi-pension, y
compris le déjeuner, est fixé à 1,000 fr. par an. Chaque
élève demi-pensionnaire doit payer, en outre, un droit
d'entrée de 15 fr. pour l'amortissement du matériel.
Le cours des études est de deux ans. L'enseignement est
arrêté par le ministre après avis du directeur de l'Ecole
et de la commistion permanente du conseil de l'enseigne-
30
ÉCOLE
466 —
ment technique. Il comprend : la littérature française,
l'arithmétique, l'algèbre, les opérations commerciales et de
banque, la comptabilité commerciale, théorique et pratique,
l'histoire, la géographie, les langues étrangères, la chimie,
la physique, le dessin, la sténographie, la chimie appliquée
à l'étude des marchandises et à la recherche des matières
falsifiées, la comptabiUté pratique du commerce, de l'in-
dustrie, de la banque; arbitrages et changes, mécanique
appliquée aux besoins du commerce, de l'industrie, au ma-
tériel des ports, des chemins de fer et des docks, la
technologie des principales industries, le droit commercial
et maritime, l'histoire littéraire, les langues étrangères,
l'économie politique, etc.
Service militaire. Au point de vue militaire, les élèves
compris dans les quatre premiers cinquièmes de la liste par
ordre de mérite des élèves français qui ont obtenu pour
tout le cours de leur scolarité 65 ^^/^ au moins du total
des points que l'on peut obtenir par le règlement de l'Ecole,
sont admis, sur leur demande, au bénéfice de la dispense
après une année de service (art. 23 de la loi du 15 juil.
4889). Il est fait mention sur le diplôme du rang de clas-
sement et du nombre des élèves français.
Quant aux élèves qui contractent un engagement volon-
taire de trois, quatre ou cinq ans, et qui désirent être
renvoyés dans leurs foyers après une année de service, ils
doivent en faire la demande par écrit, avec pièces justifi-
catives à l'appui, au moment de la signature de l'acte
d'engagement qui en fera mention.
Les élèves dispensés par les conseils de re vision, en vue
de poursuivre leurs études, sont tenus de justifier annuel-
lement, du 15 sept, au 15 oct., au commandant de recru-
tement, qu'ils continuent à être en cours régulier d'études,
par la production d'un certificat délivré par le directeur de
l'Ecole et visé par le ministre du commerce. Si, à l'âge
de vingt-six ans, ils n'ont pas obtenu un diplôme de sortie
dans les conditions indiquées plus haut, ils sont tenus
d'accomplir les deux années de service dont ils avaient été
dispensés. Ils suivent ensuite le sort de leur classe.
Sortie. — A la fin de la seconde année a lieu un exa-
men de sortie devant le conseil de perfectionnement de
l'Ecole. Les élèves qui ont obtenu au moins 65 o/^ du
total des points que l'on peut obtenir pendant tout le cours
de la scolarité, reçoivent un diplôme de capacité signé
du ministre. Les élèves qui ont obtenu au moins 50 «/^
du total des points que l'on peut obtenir pendant tout le
cours de la scolarité, et au moins 60 ^/^ du total des
points attribués aux épreuves de l'examen de sortie,
reçoivent un certificat d'études. Des diplômes supérieurs
ou des certificats d'études sont distribués aux élèves étran-
gers dans les mêmes conditions.
Débouchés. L'Ecole ne peut prendre aucun engagement,
quant à l'avenir des élèves qui désirent trouver une position
à la fin de leurs études; mais elle regarde comme un
devoir de continuer toujours et partout son patronage à
ceux qui s'en montrent dignes, et de seconder leurs efibrts
par tous les moyens en sa puissance. Ses relations étendues
et le concours cordial de l'Union amicale des anciens élèves
lui rendent presque toujours l'accomphssement de ce devoir
très facile.
ECOLE SUPÉRIEURE DE COMMERCE DE BOR-
DEAUX. — Les conditions d'admission, le régime inté-
rieur, les avantages pour le service militaire sont les
mêmes qu'à Paris. En 1891, il a été admis 50 élèves, dont
3 boursiers de l'Etat. La chambre de commerce de Bor-
deaux accorde aux deux élèves sortis les premiers deux
bourses de voyage, l'une de 3,500 pour les voyages hors
d'Europe, l'autre de 2,500 fr. pour les voyages en Europe.
ECOLE SUPÉRIEURE DE COMMERCE DU HAVRE.
^ Cette école, appelée aussi Ecole des hautes études com-
merciales, vise spécialement la formation d'armateurs et
d'hommes capables de développer nos relations commer-
ciales extérieures. Les conditions d'admission sont les
mêmes qu'à Paris. En 1891, on admit 20 élèves, dont
1 boursier. L'Ecole est un externat. Les frais d'études
sont de 600 fr. par an.
Les études (deux années) sont essentiellement commer-
ciales; elles comprennent, en outre, la géographie, l'his-
toire, la législation commerciale, l'économie poHtique, les
armements maritimes et la connaissance de la langue an-
glaise (obligatoire) et, au choix, l'espagnole ou l'alle-
mande. Pour le diplôme, le certificat, le service militaire,
V. ce qui a été dit de l'Ecole supérieure de commerce de
Paris.
ECOLE SUPÉRIEURE DE COMMERCE DE LYON. -
Destination. — L'Ecole supérieure de commerce de Lyon
a été instituée dans le but de former un personnel capable
de diriger des maisons de banque, de commerce ou d'in-
dustries diverses, notamment celles des soieries ; elle com-
prend deux sections distinctes : 1° le tissage; 2« le com-
merce.
Conditions d'admission.— V. ci-dessus l' Eco /^ de Paris,
En 1891, le nombre des places mises au concours était
de 60, dont 2 boursiers de l'Etat. L'épreuve de langue
vivante porte au choix du candidat sur la langue anglaise,
allemande, espagnole ou itaUenne.
Régime intérieur. — La durée des études est de deux
ans, mais on a organisé dans la section de commerce des
cours préparatoires donnant un enseignement élémentaire
(V. ci-après ce qui est dit des cours analogues de l'Ecole
des hautes études commerciales de Paris). Les frais d'études
sont, dans la section de commerce: 1^ enseignement
élémentaire: internes, 1,800 fr. ; demi-pensionnaires,
665 fr. ; externes, 310 fr. ; 2« enseignement supérieur:
internes, 2,200 fr. ; demi-pensionnaires, 965 fr. ; ex-
ternes, 610 fr. Dans la section de tissage : internes,
2,400 fr. ; demi-pensionnaires, 1 ,165 fr. ; externes, 810 fr.
Sortie. — Mêmes conditions et avantages qu'à Paris. La
direction de l'Ecole attribue des prix aux élèves les plus
distingués et une bourse de voyage au diplômé le plus
méritant.
ECOLE SUPÉRIEURE DE COMMERCE DE MAR-
SEILLE. — Destination. — Cette école a été créée en
vue de former des négociants et des employés capables de
diriger des maisons de commerce intérieur ou d'exportation.
Conditions d'admission. — ■ Les mêmes qu'à l'Ecole de
Paris. En 1891, il y avait 60 places, dont 4 bourses de
l'Etat, mises au concours.
Régime intérieur. — L'Ecole est un externat. Les frais
d'études sont de 400 fr. pour la première année et de
600 fr. pour la deuxième année. Bien que le régime soit
l'externat, l'Ecole reçoit des demi-pensionnaires à raison
de 800 fr. pour la première année et 1,000 fr. pour la
deuxième année. — L'enseignement porte sur la langue fran-
çaise, l'arithmétique, l'algèbre, la géométrie, la chimie,
la physique, la géographie, la cosmographie, les langues
vivantes (anglais , obligatoire pour tous les élèves, alle-
mand, arabe, espagnol, italien, grec), les sciences com-
merciales, la connaissance des marchandises, la géographie
commerciale, l'économie politique, les armements mari-
time, etc.
Sortie. — V. ce qui est dit de l'Ecole supérieure de
commerce de Paris. A.-M. B.
Ecole des hautes études commerciales de Paris.
— Destination. — L'Ecole des hautes études commerciales,
étabhe à Paris, boulevard Malesherbes, n^ 108, et rue de
Tocqueville, n« 43, est placée sous le patronage de la
chambre de commerce de Paris. Elle ressortit au ministère
du commerce, de l'industrie et des colonies. Elle est des-
tinée à couronner, par un enseignement élevé, les études
faites dans les étabhssements spéciaux, et à donner aux
jeunes gens qui sortent des lycées et collèges les connais-
sances nécessaires pour arriver promptement à la direction
des affaires de la banque, du commerce et de l'industrie.
Elle forme aussi des agents consulaires capables de repré-
senter dignement la France dans les relations du commerce
international.
- 467 —
ÉCOLE
Historique. — Elle a été fondée par la chambre de
commerce de Paris et inaugurée en 1881. Elle occupe un
superbe édifice, construit pour elle et qui a coûté plus de
deux millions de francs.
Conditions d'admission. — L'admission a lieu par voie
de concours, les conditions et le programme étant les mêmes
que pour l'Ecole supérieure de commerce de Paris ; la date
est également la même, vers le début d'octobre. En 1891,
le nombre des places mises au concours était de 120.
Outre les bourses de l'Etat (4 demi-bourses et 2 bourses
entières en 1891), le conseil municipal de Paris, les con-
seils généraux de la Seine, de plusieurs départements, de la
Guadeloupe, les chambres de commerce de Paris, de Phi-
lippeville, des communes, des sociétés ou des particuliers
entretiennent des boursiers parmi les élèves reçus à l'Ecole.
Les bourses sont accordées pour un an et renouvelables.
Ecole préparatoire. Une école préparatoire, destinée à
former les élèves pour l'admission à l'Ecole des hautes
études commerciales, a été annexée à celle-ci. L'ouverture
des cours préparatoires a lieu, chaque année, le premier
lundi du mois d'octobre. Les candidats âgés de quinze ans
y sont admis à toute époque de l'année, et sans examen
spécial. Ils ont à produire : 1^ un acte de naissance ;
2« un certificat de bonne conduite délivré par le chef du
dernier établissement d'instruction qu'ils ont fréquenté.
L'Ecole préparatoire reçoit des externes, des demi-pen-
sionnaires et des internes. Le prix de l'externat est de
1,000 fr., celui du demi-pensionnat de 1,300 fr. et celui
de l'internat de 2,200 fr.
Régime intérieur. — L'Ecole des hautes études com-
merciales reçoit des élèves internes et des demi-pension-
naires. Les étrangers y sont admis aux mêmes conditions
et dans la même forme que les nationaux. Le prix du
demi-pensionnat est fixé à 1,000 fr., plus 300 fr. pour le
déjeuner, qui est obligatoire. Le prix de l'internat est
fixé à la somme de 2,800 fr. Indépendamment du prix de
la pension, tous les élèves indistinctement, qu'ils soient
boursiers ou non, sont tenus de verser chaque année une
somme de 30 fr. pour les internes, de 15 fr. pour les
demi-pensionnaires, destinée à l'entretien du matériel.
Chaque élève interne a sa chambre. L'ameublement, le
chauffage et l'éclairage sont compris dans le prix de la
pension. L'Ecole n'a pas d'uniforme. Le trousseau est à la
volonté des parents, sous certaines conditions minimum.
L'ouverture annuelle des cours a lieu le premier lundi du
mois d'octobre. L'enseignement comprend deux années
d'études normales (première et deuxième années) ; les élèves
ne peuvent passer de première en deuxième année qu'après
avoir subi un examen sur les matières enseignées en
première année. Aucun élève n'est admis à entrer directe-
ment en deuxième année.
L'enseignement comprend les cours suivants : compta-
bilité générale et bureau commercial (5 professeurs);
mathématiques appliquées au commerce (2 prof.); étude
des marchandises (4 prof,); essai des marchandises, ana-
lyses et falsification (1 prof.) ; travaux chimiques (1 prof.) ;
histoire du commerce (1 prof.); géographie commerciale
(2 prof.); code civil, organisation judiciaire, éléments de
procédure civile (1 prof.) ; droit commercial, industriel et
maritime (4 prof.) ; législation budgétaire et douanière
(1 prof.) ; législations commerciales étrangères (1 prof.) ;
économie politique (1 prof.); étude des transports (1 proL);
outillage et matériel commercial (1 prof.) ; langue anglaise
(3 prof.) ; langue allemande (1 prof.) ; langue espagnole
(1 prof.) ; langue italienne (1 prof.) ; travaux calligra-
phiques (1 prof.). Les élèves sont fréquemment interrogés
sur les matières enseignées par leurs professeurs et par
sept examinateurs spéciaux.
Sortie. — Mêmes conditions pour le diplôme, le certificat,
le service militaire, qu'à l'Ecole supérieure de commerce.
Débouchés. Un décret du 24 juin 1886 décide que les
élèves diplômés de l'Ecole peuvent être admis dans les con-
sulats en qualité d'élèves-chanceliers. Les candidats à
l'emploi de rédacteur au ministère du commerce, de l'in-
dustrie et des colonies doivent posséder un diplôme de
bachelier ou le diplôme de sortie de l'Ecole des hautes
études commerciales. Les candidats munis du diplôme de
l'Ecole des hautes études commerciales peuvent prendre
part aux concours pour les bourses de séjour à l'étranger
fondées par le ministre du commerce, de l'industrie et des
colonies. A.-M. B.
Ecole forestière de Nancy. — Destination. ■—
L'Ecole forestière, établie à Nancy, a pour objet de former
les jeunes gens qui se destinent à l'administration des
forêts. Elle ressortit au ministère de l'agriculture et a le
caractère d'une école d'application comparable, dans une cer-
taine mesure, à celles des ponts et chaussées ou de Saumur.
Historique. — L'Ecole forestière fut créée par ordon-
nance du 26 août 1824, organisée par l'ordonnance du
1^^ déc. 1824 et le règlement du 31 janv. 1825, afin
de compléter la reconstitution de l'administration des
forets (V. cet art.) en lui fournissant une pépinière
1839 qu'on décida de caserner les élèves. L'Ecole, ayant
été à demi militarisée, reçut un règlement intérieur ana-
logue à celui de l'Ecole polytechnique. Elle lui a été assi-
milée au point de vue du service militaire. Les élèves étaient
admis après un concours spécial dont le programme était
à peu près le même que celui de l'Ecole de Saint-Cyr.
Mais depuis 1889 ils se recrutentparmi les élèves diplômés
de l'Institut agronomique. Un décret du 12 oct. 1889 a réglé
ce qui concerne le personnel administratif et les professeurs.
L'enseignement a aussi été réorganisé depuis lors.
Conditions d'admission. — Tous les élèves de l'Ecole
forestière se recrutent parmi les élèves diplômés de l'Ins-
titut national agronomique suivant le mode adopté à l'Ecole
polytechnique pour le recrutement de ses écoles d'appli-
cation. Toutefois, on admet une exception établie (par dé-
cret du 15 avr. 1873) en faveur des élèves sortant de
l'Ecole polytechnique, lesquels n'en profitent presque jamais.
Le nombre des élèves admis annuellement ne peut être
supérieur à 12, mais ce nombre peut ne pas être atteint.
Les élèves devront avoir vingt-deux ans accomplis au 1^^ janv.
de l'année de leur admission, sauf en ce qui concerne les
jeunes gens ayant satisfait à la loi mihtaire, pour lesquels
la limite d'âge est reculée du temps passé par eux sous
les drapeaux. Avant leur démission définitive, les élèves
sont examinés par le médecin de l'Ecole, qui vérifie s'ils
n'ont aucun vice de conformation ou aucune infirmité qui
les mette hors d'état de suivre les cours de l'Ecole ou qui
les rende impropres au service forestier. — Des jeunes
gens, français ou étrangers, peuvent être admis en qualité
d'auditeurs Hbres.
Régime intérieur. — Le cours des études est de deux
années, dix mois de cours (du 2 nov. au 2 sept.) et deux
mois de vacances. Le régime est l'internat. Les élèves sont
relativement libres. Après la fin des cours, ils peuvent sortir
et ne rentrer qu'à dix heures du soir ou, les jours de
théâtre, à la fin de la représentation. Ils logent à l'Ecole,
seuls ou deux par deux, sont servis à leurs frais par des
domestiques que désigne le directeur. La pension est de
1,500 fr. par an, non compris les frais d'armement et
d'équipement, qui sont évalués à 1,050 fr. versés par
chaque élève à son entrée. Il est donné annuellement dix
bourses de 1,500 fr., qui peuvent être subdivisées en
demi-bourses. Elles sont accordées aux élèves qui en font
la demande, après que l'insuffisance de leur fortune a été
constatée dans les formes administratives. Les élèves por-
tent l'uniforme et le sabre; le port en est obfigatoire.
L'uniforme est celui de l'officier d'infanterie, sauf les
couleurs : dolman vert, pantalon en drap gris à double
bande verte; képi semblable à celui des polytechniciens
(argent au lieu d'or), sabre des officiers de tirailleurs. —
Les punitions disciplinaires sont : la censure, la consigne,
ÉCOLE •" ^
les arrêts simples, la mise à Tordre de l'Ecole, les arrêts
forcés, Texclusion temporaire, l'exclusion définitive.
L'Ecole forestière est administrée par un directeur nomme
par décret sur la proposition du ministre de l'agriculture ;
il est choisi parmi les conservateurs des forêts, les inspec-
teurs ou les professeurs ; le directeur est assisté d'un sous-
directeur, d'un inspecteur des études (choisis parmi les pro-
fesseurs), d'un préparateur, d'un agent comptable et
d'adjudants de surveillance. — Le personnel enseignant
comprend des professeurs de sciences iorestières, de sciences
naturelles appliquées aux forêts, de législation torestiere,
de mathématiques appliquées, et des chargés de cours de
sciences forestières, de sciences appliquées aux forets, de
mathématiques appliquées, d'art militaire, de langue alle-
mande. Tous sont choisis parmi les agents forestiers, excepte
les deux derniers. Les élèves prennent des leçons dequi-
tation. , , -,
Les six premiers mois de l'année sont employés aux
études théoriques, qui se terminent par un examen gêne-
rai sur toutes les parties enseignées; les mois de mai, juin
et juillet sont consacrés aux applications et exercices pra-
tiques. Pendant ces trois mois, les élèves font, sous la di-
rection des professeurs, des excursions dans les forets des
Vosges et du Jura, de Fontainebleau et de Compiègne, pour
la démonstration et l'application sur le terrain des notions
théoriques acquises pendant la durée des cours.
La période du 15 juil. au 40 août est consacrée aux
travaux préparatoires à l'examen de fin d'année et à cet
examen même. A la suite de l'examen général de clôture
des cours, les élèves sont classés par ordre de mérite ; ce
n'est là qu'un classement semestriel.
A la fin de l'année scolaire, un jury, compose du di-
recteur président, ou d'un inspecteur général délégué par
lui ; du directeur de l'Ecole ou du sous-directeur délègue;
du professeur du cours sur lequel porte l'examen, et de
Fun des professeurs adjoints, procède aux examens de
passage et de sortie. Cet examen, à l'égard des élèves sor-
tants, porte non seulement sur le cours de seconde année,
mais encore sur les matières enseignées en première année
dont la revision est jugée nécessaire. L'examen de fin d'an-
née terminé, le jury procède au classement définitif.
Service militaire. Les jeunes gens reconnus propres
au service militaire ne sont définitivement admis à l'Ecole
qu'après avoir souscrit dans les formes ordinaires un enga-
gement volontaire de trois ans. Ils sont considérés comme
présents sous les drapeaux dans l'armée active, pendant
tout le temps passé par eux à l'Ecole, où ils reçoivent
l'instruction militaire complète, et sont à la disposition du
ministre de la guerre. Ceux de ces élèves qui ne satisfont
pas aux examens de sortie ou qui sont renvoyés pour
inconduite, sont incorporés dans un corps de troupe pour
y terminer le temps de service qui leur reste à faire. Quant
à ceux qui satisfont à ces examens et qui sont nommés à
leur sortie de l'Ecole gardes généraux, ils reçoivent un
brevet de sous-Heutenant de réserve et accomplissent, en
cette qualité, dans un corps de troupe, une année de service
actif. S'ils donnent leur démission d'officier de réserve, ou
s'ils quittent l'administration, ils restent toujours soumis,
comme conséquence de l'engagement volontaire qu'ils ont
dû contracter avant leur entrée à l'Ecole, à l'accomphsse-
ment d'une année de service actif. Ils suivent ensuite le
sort de la classe à laquelle ils appartiennent.
Les élèves titulaires, bien qu'ayant contracté un enga-
gement volontaire, et quoique réputés présents sous les
drapeaux dans l'armée active pendant leur séjour à l'Ecole,
ne sauraient procurer la dispense à leurs frères. En ^ effet,
l'engagement spécial que ces élèves ont souscrit n'a d'autre
but 'que de leur permettre de terminer leurs études avant
d'aller accomplir l'année à laquelle se trouve en réalité
réduite pour eux l'obligation du service d'activité. Ces
élèves, n'entrant à l'Ecole qu'à vingt-deux ans accomplis,
n'ont plus de justification à faire auprès des autorités civiles
au point de vue mihtaire, ces justifications ayant été effec-
tuées par eux pendant leur séjour à l'Institut agronomique
(V. Institut agronomique).
Sortie. — A leur sortie de l'Ecole forestière, les élèves
qui ont subi avec succès les examens de fin de cours sont
envoyés, avec le grade de garde général stagiaire, auprès
d'un inspecteur chargé de les initier à la pratique du ser-
vice. Ils reçoivent un traitement de 1,500 fr. Après une
année environ de stage, ces jeunes gens sont nommés
gardes généraux en pied et ont la direction d'un cantonne-
ment. Ils reçoivent alors un traitement de 2,000 fr., au-
ouel s'ajoute sénéralement une indemnité de tournée (300
àSOOfr. ^ A.-M. B.
Ecoles nationales d'agriculture. — Destination.
— Les écoles nationales d'agriculture ont pour but de
préparer des agriculteurs éclairés, des cultivateurs prati-
ciens instruits et habiles, et des aides ruraux adroits et
intelligents. Elles ressortissent au ministère de l'agricul-
ture. On en compte trois, établies à Grignon (par Neauphle-
le-Château), en Seine-et-Oise ; à Montpellier (Hérault) et
à Grand-Jouan (par Nozay), dans la Loire-Inférieure. Leur
régime est réglé par un arrêté du 1^^ mai 1891.
Historique. — L'Ecole de Grignon fut fondée en 1827
par une société anonyme sur un domaine que lui fournit
le roi Charles X. Elles devint établissement public en 1848.
L'Ecole de Grand-Jouan fut fondée en 1830 sur un défri-
chement de landes, et une ferme-école y fut annexée.
L'Ecole de Montpellier a remplacé, en 1872, celle de La
Saulsaie (Ain).
Conditions d'admission. — L'admission a lieu au con-
cours. Les étrangers peuvent y être admis aux mêmes
titres et conditions que les nationaux. Tout candidat doit
être âgé de seize ans accomplis au d^^ oct. de l'année d'ad-
mission et subir un examen. Aucune dispense d'âge ne
peut être accordée. Les auditeurs fibres n'ont pas d'examen
à subir ; ils sont admis sur l'autorisation du directeur de
l'Ecole et moyennant l'acquittement d'un droit de oO fr.
par trimestre, payable d'avance.
La demande d'admission doit être adressée au ministre
avant le l^^sept.; elle doit être accompagnée des pièces
suivantes, toutes légalisées : lo l'acte de naissance du
candidat; 2« un certificat de moralité, délivré par le chef
de l'établissement dans lequel le candidat a accompli sa
dernière année d'études, ou, à défaut, par le maire de sa
dernière résidence; 3« un certificat de médecin attestant
que le candidat a été vacciné ou qu'il a eu la petite vérole;
4« une obligation souscrite sur papier timbré par ses
parents, tuteur ou protecteur, pour garantir le payement,
par terme et d'avance, do sa pension pendant toute la
durée de son séjour à l'Ecole. Pour les candidats étran-
gers, l'obligation relative au payement de la pension doit
être fournie, à défaut de parents, par un correspondant
résidant en France, laquelle obligation le constitue per-
sonnellement responsable de ce payement. Les épreuves
de l'examen ont lieu, dans chaque école, au commence-
ment d'octobre, devant un jury nommé par le ministre.
L'examen se compose d'épreuves écrites et d'épreuves
orales. Les épreuves écrites d'admissibilité comprennent :
1° une narration; 2« la solution d'un problème d'arith-
métique ou d'algèbre et d'un problème de géométrie. H
faut obtenir au moins la moitié du total des points (40
sur 80) pour être admissible. Les épreuves orales portent
sur l'arithmétique, l'algèbre, la géométrie, la physique, la
chimie et la géographie, d'après les programmes adoptés
par le ministre. Ces notes (60 points au maximum), ajou-
tées à celles des épreuves écrites et à celles qui résultent
des titres déterminent le classement. Les candidats qui
justifient du diplôme de bachelier es sciences ou de l'en-
seignement secondaire spécial ont un avantage de 13 points.
On fait aussi des avantages aux bacheliers es lettre_s
(10 p.), aux brevetés de l'enseignement primaire (10 p.),
aux diplômés des écoles pratiques d'agriculture (15 p.) ou
des fermes-écoles (10 p.). Le cumjil de ces titres n'est
admis que jusqu'à concurence de 23 points.
— 469 —
ÉCOLE
Régime intérieur. — Des bourses et des demi-bourses,
exclusivement attribuées aux élèves internes, sont instituées
par l'Etat dans les écoles d'agriculture. La moitié de ces
bourses est réservée aux anciens apprentis des fermes-
écoles ou élèves d'écoles pratiques d'agriculture, porteurs
du certificat de capacité délivré dans ces établissements, et
se donnent au concours et dès l'entrée à l'Ecole. Les
autres, fractionnables en demi-bourses, sont attribuées
aux jeunes gens dont les ressources ou celles de leurs
familles sont insuffisantes pour subvenir au payement total
ou partiel du prix de la pension. — La durée du cours
d'études est de deux années et demie.
Le prix de la pension est de 4,200 fr. par an pour les
élèves internes de l'Ecole de Grignon, de 4,000 fr. pour
les élèves internes des Ecoles de Grand-Jouan et de Mont-
pellier, de 600 fr. pour les demi-pensionnaires, 400 fr.
pour les externes et 200 fr. pour les auditeurs libres
dans les trois écoles. En outre, les élèves internes doivent
être munis d'un trousseau en bon état, et chaque élève
interne ou externe doit se procurer à ses frais les divers
objets nécessaires à ses études et verser entre les mains
du comptable de l'Ecole une somme de 30 fr., destinée à
garantir le payement des objets cassés, détériorés ou perdus
par sa faute.
Les élèves internes, demi-pensionnaires et externes
suivent toutes les leçons et participent à tous les travaux,
applications et exercices pratiques; les auditeurs libres
assistent aux cours qui sont à leur convenance et n'ont
entrée ni aux salles d'étude, ni aux laboratoires; ils peu-
vent, toutefois, être autorisés à suivre les exercices pra-
tiques, moyennant l'acquittement d'un droit mensuel et
spécial de 25 fr. Les étrangers peuvent être admis dans
les écoles nationales d'agriculture en qualité d'externes
ou d'auditeurs libres. A défaut de candidats nationaux, les
places disponibles d'internes et demi-internes pourront être
attribuées à des élèves étrangers.
La durée des études est de deux années et demie. L'en-
seignement est à la fois théorique et pratique. Il s'adresse
aux jeunes gens qui se destinent à l'enseignement agricole
et à la gestion des domaines ruraux, soit pour leur propre
compte, soit pour autrui. On trouvera ci-après l'indica-
tion détaillée des matières sur lesquelles il porte dans
chacune des trois écoles. L'instruction est donnée dans
des cours réguliers et des conférences ; en outre, des
applications et des travaux pratiques sont effectués dans
les laboratoires et sur le domaine de l'Ecole. En prenant
part aux divers services de l'exploitation, les élèves ont
ainsi l'occasion de pénétrer dans les détails de la surveil-
lance, de l'exécution et de la direction des travaux de la
ferme. Des excursions dans des fermes et dans des usines
agricoles ont lieu sous la direction des professeurs pour
compléter l'enseignement donné à l'Ecole.
Le travail et les progrès des élèves sont constatés : 4° par
des interrogations hebdomadaires faites par les répétiteurs
et par l'appréciation de tous les travaux et exercices pra-
tiques des élèves; 2^ par des examens généraux effectués
par les professeurs à la fin de chaque cours. Tout élève
qui, à la fin de l'année, n'obtient pas une moyenne suffi-
sante, ne peut passer dans la division supérieure.
Enseignement. Dans les trois écoles nationales d'agri-
culture, l'enseignement, à la fois théorique et pratique, est
organisé sur des bases analogues, mais il comporte des
différences assez sensibles, selon les chmats, les cultures
et les produits des régions où sont placées ces écoles.
L'Ecole de Grignon, située dans la France septentrionale,
pays de grande culture, étudia particulièrement la culture
des céréales et des plantes industrielles, l'élevage, les in-
dustries agricoles du Nord.
L'Ecole' de Grand-Jouan, placée dans la France occiden-
tale, étudie la mise en valeur des terres incultes, les
prairies naturelles, la culture pastorale mixte, le colo-
nage partiaire, les industries agricoles de l'Ouest.
L'Ecole de Montpellier, située au Midi, dans la région
méditerranéenne, étudie spécialement la viticulture, l'ar-
boriculture (arbres à fruits), le reboisement, les cultures
favorisées par l'irrigation, la sériciculture, la transhu-
mance des troupeaux, les industries agricoles du sud de la
France.
L'enseignement théorique porte dans les trois écoles
sur l'agriculture, la zoologie et zootechnie, la physique,
météorologie, minéralogie et géologie, la botanique et
la sylviculture, le génie rural et les constructions agri-
coles, la chimie et technologie, l'économie et législation
rurales, la comptabilité agricole. L'instruction pratique
comporte : des manipulations de laboratoire, analyses des
produits agricoles de chaque région, des exercices de des-
sin linéaire, plans de drainage, dessèchement, irrigation,
constructions agricoles, bâtiments ruraux, etc.; l'emploi
des instruments et machines agricoles dans les princi-
pales opérations de la culture ; les soins à donner au bé-
tail; l'étude sur place des plantes utiles et nuisibles; la
fabrication du beurre, du sucre, du cidre, du vin, de
l'huile, la distillation des grains, l'extraction de la fécule,
le rouissage du chanvre, etc. Chaque école possède un
champ d'exercices, un champ d'expériences et une exploi-
tation rurale dirigée d'après les méthodes rationnelles. On
fait successivement passer les élèves par toutes les par-
ties de l'exploitation, et on complète leur apprentissage par
des excursions géologiques, botaniques, forestières, agri-
coles, technologiques, que dirigent leurs professeurs et
répétiteurs.
Sortie. — A la fin de leurs études, les élèves qui ont
satisfait à toutes les épreuves exigées par le règlement
reçoivent le diplôme d'Ecole nationale d'agriculture.
Ce diplôme est délivré par le ministre. Les élèves qui, sans
avoir obtenu de diplôme, ont fait preuve cependant de
connaissances suffisantes et d'un travail régulier, peuvent
obtenir un certificat d'études. Chaque année, les trois
élèves sortis les premiers de leur promotion, reçoivent : le
premier, une médaille d'or; le deuxième, une médaille
d'argent ; le troisième, une médaille de bronze. Aux termes
du décret du 23 nov. 4889, rendu pour l'exécution de la
loi du 45 juil. 4889 sur le recrutement de l'armée, les
jeunes gens diplômés des écoles nationales d'agriculture,
compris dans les quatre premiers cinquièmes de la liste de
mérite de ceux des élèves français qui ont obtenu pour
tout le cours de leur scolarité 65 ^/^ au moins du total
des points que l'on peut obtenir d'après les règlements
desdites écoles, ne sont astreints en temps de paix qu'à un
an de présence sous les drapeaux. A. -M. B.
Ecole des haras du Pin. — Destination. — Cette
école, qui ressortit au ministère de l'agriculture, est placée
sous le commandement du directeur du dépôt d'étalons du
Pin (Orne). Elle a pour but principal de former des pra-
ticiens dans le dressage et l'élevage des chevaux.
Historique. — L'Ecole des haras a été créée en 4874
auprès du grand haras du Pin, institué sous Louis XV. La
loi du 29 mai 4874 a accordé à cette école un privilège
exclusif pour le recrutement des officiers des haras.
Conditions d'admission. — Pour être admis comme in-
terne à l'Ecole des haras, les candidats doivent justifier de
la qualité de Français et produire un diplôme constatant
qu'ils ont satisfait aux examens de sortie de l'Institut na-
tional agronomique ou d'une des écoles vétérinaires^ du
gouvernement. Ils doivent être âgés, au 4^^ oct. de l'an-
née d'admission, de dix-neuf ans au moins et de vingt-
cinq ans au plus. A la demande d'admission doivent être
joints : 4° l'acte de naissance du candidat; 2^ un certifi-
cat délivré par un médecin assermenté et attestant la
bonne constitution et l'aptitude physique du candidat; le
ministre fait contrôler, s'il le juge convenable, les décla-
rations contenues dans ce certificat par un médecin délégué
à cet eff'et. Ces pièces doivent être adressées, avant le
45 sept., au ministre de l'agriculture, qui statue sur les
admissions. Le nombre des élèves admis varie de 8 à 42
par an.
ÉCOLE
- 470 —
Régime intérieur. — La durée des cours est d'une an-
née. L'enseignement est gratuit. Les élèves jui portent le
titre d'aspirants stagiaires des haras reçoivent une in-
demnité annuelle de 1,500 fr. ; ils sont logés à l'Ecole,
mais se nourrissent et s'entretiennent à leurs frais. —
L'uniforme est très élégant : casquette en drap bleu na-
tional, pelisse en drap 'pareil à brandebourgs, ^ culotte en
drap bleu national avec bande écarlate de 3 centim. ; bottes
molles et éperons ; criméenne comme pardessus.
Les élèves compris dans les quatre premiers cinquièmes
de la liste de mérite de ceux des élèves français qui ont
obtenu, pour tout le cours de la scolarité, 65 «/^ au moins
du total des points que l'on peut obtenir, bénéficient de la dis-
pense du service militaire prévue par la loi du 15 juil. 1889.
Elèves externes. L'Ecole des haras reçoit également des
élèves externes admis par le ministre à la suite d'un exa-
men spécial. Ceux-ci doivent être Français, âgés de plus de
dix-huit ans et moins de vingt-cinq ans ; ils doivent pro-
duire leur acte de naissance, un certificat de vaccine et de
bonne conduite. On n'en peut admettre plus de 12 par an.
Chaque élève doit payer entre les mains d'un receveur
des finances la somme de 600 fr. à titre de rétribution
scolaire de l'année. Ceux de ces élèves externes qui auront
subi avec succès les examens de fin d'année recevront un
certificat d'études. Celui-ci ne leur confère aucun titre
aux places d'officiers des haras, lesquelles sont réservées aux
élèves internes. Les étrangers peuvent, sur la présentation
de leur gouvernement, être admis par décision ministérielle
comme élèves externes aux mêmes conditions.
Sortie. — Sont seuls admissibles aux emplois d'officier
des haras les élèves internes qui obtiennent un diplôme
attestant qu'ils ont satisfait aux examens de sortie de
l'Ecole. .
Les aspirants stagiaires des haras qui, à leur sortie de
l'Ecole, ont obtenu un diplôme, sont nommés surveillants
stagiaires, au traitement annuel de 1,600 fr. (V. Haras).
Ceux qui, par leurs notes et les examens de fin de cours,
n'auront pas fait preuve de connaissances suffisantes et
d'aptitudes convenables, seront renvoyés. Aucun élève ren-
voyé ne pourra être réintégré à l'Ecole.
Ecoles nationales vétérinaires. — Destination. —
Les écoles nationales vétérinaires établies à Alfort, à Lyon
et à Toulouse ont pour objet l'enseignement de l'art vété-
rinaire. Elles admettent les étrangers au même titre que
les nationaux.
Historique. — La première Ecole vétérinaire fut fondée
à Lyon par le célèbre Bourgelat. La notoriété que lui valut
son livre sur l'hippiatrique fut telle que la ville de Lyon le
chargea de diriger une école où l'on enseignerait le mode
de traitement des animaux domestiques. En 1763, elle reçut
le titre à' Ecole royale vétérinaire. Deux élèves de Bour-
gelat, Chabert et Bredin, fondèrent en 1766 une école vété-
rinaire à Alfort. On projeta des créations analogues dans
d'autres villes. Supprimées en 1793, les écoles vétérinaires
de Lyon et d'Alfort furent réorganisées en 1795. La Con-
vention, par un arrêté du 1^^ germinal an HI, leur donna
une nouvelle existence. L'Ecole d'Alfort devint la plus im-
portante et fut illustrée par des maîtres de premier ordre.
Elle fut réorganisée par décret du 5 juin 1813 et surtout
par l'ordonnance du l^'" sept. 1825, véritable charte du
service vétérinaire. Une troisième école fut établie à Tou-
louse en 1828. Les écoles vétérinaires sont régies actuel-
lement par le décret du 21 oct. 1881 et l'arrêté du
1«^ mars 1891.
Conditions d'admission. — L'admission dans les écoles
vétérinaires a lieu par voie de concours. Les épreuves sont
subies au chef-lieu de chaque département. Les jeunes gens
qui ont obtenu le diplôme délivré par l'Institut agrono-
mique ou les Ecoles nationales d'agriculture sont dispensés
du concours et sont admis de droit. Nul ne peut être admis
à concourir s'il n'a préalablement justifié qu'il aura dix-
sept ans au moins et vingt-cinq ans au plus au l'^'^ oct.
de l'année du concours et s'il n'est possesseur de l'un des
trois diplômes du baccalauréat es lettres, es sciences com-
plet ou de l'enseignement secondaire spécial. Aucune dis-
pense d'âge ne peut être accordée.
Les demandes d'admission doivent indiquer le chef-lieu
du département dans lequel le candidat veut subir les
épreuves du concours et l'école dans laquelle il désire en-
trer ; elles doivent aussi mentionner celle des deux autres
écoles qu'il choisirait si, par suite de son rang de classe-
ment, il était primé par d'autres concurrents pour toutes
les places disponibles dans l'école qu'il désigne; elles doi-
vent être écrites sur papier timbré et adressées au ministre
de l'agriculture, avant le 1^^ août, délai de rigueur. Les
demandes doivent être accompagnées des pièces sui-
vantes : 1° l'acte de naissance du candidat dans la forme
légale; 2° les diplômes de bachelier es lettres, bachelier
es sciences complet, bachelier de l'enseignement secondaire
spécial, dont le candidat est titulaire, ou le diplôme délivré
soit par l'Institut agronomique, soit par les écoles natio-
nales d'agriculture; 3^ un certificat de médecin attestant
que le candidat a eu la petite vérole ou a été revacciné
depuis moins de trois ans ; 4° un certificat de moralité dé-
livré par le chef de l'établissement dans lequel le candidat
a accompli sa dernière année d'études, ou, à défaut, par le
maire de sa dernière résidence; 5° une obligation sous-
crite sur papier timbré par les parents du candidat pour
garantir le payement de sa pension pendant tout le temps
de son séjour à l'Ecole. Cette obhgation doit être produite
même lorsqu'une demande de bourse est faite en faveur du
candidat. Pour les candidats étrangers, l'obligation relative
au payement de la pension doit être fournie, à défaut de
parents, par un correspondant résidant en France, en son
propre nom, laquelle le constitue personnellement respon-
sable de ce payement.
Le concours d'admission, qui se passe au chef-lieu de
chaque département, se compose uniquement d'épreuves
écrites. H comprend : 1° une composition française ; 2° la
solution d'un problème d'arithmétique ou d'algèbre et d'un
problème de géométrie ; 3° une composition de physique et
de chimie ; 4^ une composition d'histoire naturelle. — Le
nombre de places mises au concours est fixé chaque année
par le ministre. Trois septièmes de ces places sont affectés
à l'Ecole d'Alfort; deux septièmes de ces places sont
affectés à l'Ecole de Lyon ; deux septièmes de ces places
sont affectés à l'Ecole de Toulouse. — Les candidats admis
sont informés de leur admission par les soins du ministre
de l'agriculture; ils doivent être rendus à l'Ecole qui leur
est désignée, le 15 oct. avant deux heures du soir.
Bourses. Les bourses ou fractions de bourses sont
accordées par le ministre de l'agriculture, d'après l'ordre
de classement, aux élèves qui ont subi avec succès^ les
épreuves du concours ou les épreuves de passage d'une
division à la division supérieure, et dont les familles ont
préalablement justifié de l'insuffisance de leurs ressources
pour subvenir au payement total ou partiel du prix de la
pension. Mais ces bourses ne sont accordées que pour une
année scolaire ; elles ne sont maintenues qu'aux élèves qui
continuent à s'en rendre dignes par leur conduite et leurs
progrès. 'Elles peuvent être retirées au cours de l'année
scolaire par mesure disciplinaire. Les demandes de bourses
sont formées par les parents des candidats ; elles doivent
être écrites sur papier timbré et adressées au ministre de
l'agriculture. Elles sont soumises à une instruction, à l'effet
de constater les moyens d'existence et les charges de
famille du pétitionnaire ; elles sont, en outre, communiquées
au conseil municipal de la résidence des parents, qui prend,
à ce sujet, une délibération motivée. Les demandes con-
cernant les jeunes gens qui aspirent à entrer dans les
écoles doivent être adressées au ministre en même temps
que la demande d'admission. Les bourses et fractions de
bourses étant accordées d'après l'ordre de classement, les
candidats admis en raison de leur diplôme, et qui soUicitent
une bourse, doivent subir les épreuves du concours d'ad-
mission. Les demandes concernant les élèves déjà présents
— 474 —
ÉCOLE
à l'Ecole doivent être adressées au ministre avant le l^^mai,
délai de rigueur.
Boursiers militaires. Indépendamment des bourses
ci-dessus, il existe dans les écoles nationales vétérinaires
60 bourses instituées par le département de la guerre et
réparties entre les trois écoles, à raison de 30 pour Alfort
et de 15 pour chacune des écoles de Lyon et de Toulouse.
L'admission des boursiers militaires donne lieu à un con-
cours spécial, dont les conditions particulières sont les
suivantes : un certificat délivré par le commandant d'un
bureau de recrutement, attestant qu'il a la taille de 4^54,
et qu'il réunit les qualités requises pour servir dans l'arme
de la cavalerie. — Une obligation souscrite sur papier
timbré par les parents du candidat et par laquelle ils s'en-
gagent à rembourser les frais d'entretien de celui-ci, dans
le cas où il perdrait sa bourse par suite de renvoi ou de
démission. — Nul n'est admis à concourir aux bourses
militaires s'il n'est âgé de dix-sept ans au moins avant le
4^"^ oct. de l'année du concours ou de dix-huit ans au plus
dans le courant de la même année. — Les élèves boursiers
militaires, en entrant à l'Ecole vétérinaire, souscrivent un
engagement d'une durée de trois ans et s'engagent à servir
dans l'armée active pendant six ans au moins à dater de
leur nomination au grade d'aide-vétérinaire. — Les bour-
siers militaires qui perdraient leur bourse, par suite de
renvoi, de démission ou de toute autre cause, sont dirigés
sur le corps pour lequel ils ont contracté leur engagement,
afin d'y accomplir comme soldats leurs trois ans de service.
Régime intérieur. — Les écoles vétérinaires reçoivent
des élèves internes, des élèves demi-pensionnaires et des
élèves externes. Le prix de la pension des élèves internes
est de 600 fr. pour l'année scolaire. Les élèves demi-pen-
sionnaires et les élèves externes acquittent une rétribution
fixée à 400 fr. pour les demi-pensionnaires et à 200 fr.
pour les externes. Tous les élèves, boursiers et payant
pension, sont obligés de se procurer à leurs frais les effets
de trousseau, ainsi que les livres et les instruments néces-
saires à leur instruction.
Enseignement. La durée des études est de quatre
années, après lesquelles les élèves qui sont reconnus en
état d'exercer la médecine des animaux domestiques re-
çoivent un diplôme de vétérinaire. Tout élève qui n'est pas
reconnu capable de passer dans la division supérieure est
rayé des contrôles. Toutefois, le ministre, sur la proposition
du conseil de l'Ecole, peut accorder aux élèves trop faibles
pour passer dans la division supérieure la faculté de recom-
mencer les cours de l'année écoulée ; mais cette faculté ne
peut s'exercer qu'une seule fois pendant toute la période
réglementaire des études.
L'enseignement dans les écoles vétérinaires comprend :
4° l'anatomie des animaux domestiques et l'extérieur du
cheval; 2^^ la physique, la chimie, la pharmacie et la toxi-
cologie; 3" l'histoire naturelle et la matière médicale;
4^ la physiologie des animaux domestiques, la tératologie
et la thérapeutique; 5® la pathologie générale, la patho-
logie médicale et chirurgicale, la clinique, le manuel opé-
ratoire et la ferrure ; 6^ la pathologie des maladies conta-
gieuses, la police sanitaire, l'inspection des viandes de
boucherie, la médecine légale et la législation commerciale
en matière de vente d'animaux; 7° l'hygiène et la
zootechnie. — La valeur scientifique du corps enseignant est
très grande, et un grand nombre de savants ont illustré
l'Ecole d' Alfort et l'École de Lyon.
Discipline, Les élèves internes ne peuvent quitter PEcole
sans l'autorisation du directeur, qui, après s'être assuré
qu'ils ne sont plus détenteurs d'objets appartenant à l'éta-
bUssement, leur déHvre un laissez-passer pour la sortie de
leurs effets. Les jeudis, dimanches et jours de fête sont les
seuls jours de congé. — Les élèves demi-pensionnaires
doivent être rendus à l'Ecole le matin pour le premier
cours ou le premier exercice d'enseignement et ne doivent
partir qu'à l'heure du dîner. Ils prennent le déjeuner avec
les élèves internes. Les élèves externes doivent également
être rendus à l'Ecole le matin pour le premier cours ou le
premier exercice et ne partir qu'à l'heure du dîner; mais
ils sortent au moment du déjeuner, pour lequel il leur est
accordé le même temps (récréation comprise) qu'aux élèves
internes. — Les élèves demi-pensionnaires et les élèves
externes doivent assister régulièrement à tous les exercices
de l'enseignement. En cas d'absence non motivée, ils re-
çoivent un avertissement. Après le troisième, ils sont rayés
des contrôles et cessent de faire partie de l'Ecole. — Il est
défendu aux élèves internes de sortir de l'Ecole même aux
heures de récréation, sans en avoir obtenu la permission
expresse du directeur. Cette permission ne peut être mo-
tivée que par des affaires assez urgentes pour ne pouvoir
être remises au plus prochain jour de congé. — Il peut
être accordé des congés de quinze jours au plus, par le
directeur de l'Ecole, aux élèves que le mauvais état de leur
santé ou des affaires indispensables appellent chez leurs
parents.
Toute demande de prolongation de congé doit être
adressée au directeur, qui la transmet au ministre. Tout
élève qui ne rentre pas à l'expiration de son congé est
considéré comme ayant abandonné les études vétérinaires :
il est rayé des contrôles de l'Ecole et ne peut y rentrer
qu'en vertu d'une décision du ministre. — En cas de ma-
ladie, tous les soins nécessaires sont donnés à l'infirmerie
aux élèves internes. Si la maladie paraît devoir être grave
et de longue durée, l'élève peut être remis à sa famille. —
Les parents ou les correspondants peuvent voir les élèves
au parloir chaque jour de la semaine, mais de une heure
à deux heures seulement.
Service militaire. Les élèves des écoles vétérinaires
qui ont obtenu ou qui poursuivent leurs études en vue d'ob-
tenir le diplôme de vétérinaire, figurent parmi les jeunes
gens que l'art. 23 de la loi militaire du 43 juîl. 4889 dis-
pense de deux ans de service militaire actif. Ceux qui
n'auraient pas obtenu le diplôme avant l'âge de vingt-six
ans doivent accomplir les deux années complémentaires de
service actif.
Sortie. — Après les quatre années d'études, les élèves
reçoivent le diplôme de vétérinaire (V. ce mot). On leur
ouvre ainsi une carrière dont l'importance augmente sans
cesse avec les progrès des méthodes scientifiques appli-
quées à l'agriculture et à l'élevage. — Quant aux bour-
siers militaires, lorsqu'ils ont obtenu le diplôme de vétéri-
naire, ils sont admis dans le cadre des aides-vétérinaires
stagiaires, après avoir satisfait aux épreuves d'un concours,
avec les autres vétérinaires diplômés, devant une com-
mission spéciale, et sont envoyés à l'Ecole de cavalerie pour
y accomplir un stage d'une année. A la fin du stage, et
après qu'ils ont subi un examen de sortie, ils sont nommés
aides- vétérinaires titulaires et attachés à des corps de troupes
à cheval. — Ceux qui n'obtiendraient pas le grade d'aide-vé-
térinaire, ou qui ne réahseraient pas l'engagement sexennal
sont incorporés dans un corps de troupe pour trois ans,
sans déduction aucune du temps écoulé depuis leur entrée
à l'Ecole. A.-M. B.
Ecole de sylviculture des Barres. — Destination.
— L'Ecole de sylviculture instituée au domaine des Barres,
près de Nogent-sur-Vernisson (Loiret), a été organisée par
décret du 44 janv. et arrêté du 45 janv. 4888. Elle a rem-
placé l'ancienne Ecole primaire des forêts^ adjointe à
l'Ecole secondaire forestière, qui occupe dans le service
forestier la place que tiennent dans l'armée les écoles de
sous-officiers élèves-officiers (Saint-Maixent, Versailles).
Nous indiquerons donc successivement ce qui se rapporte
à l'Ecole pratique de sylviculture et à l'Ecole secondaire
d'enseignement forestier professionnel et pratique.
ECOLE PRATIQUE.— Destination.— L'Ecole pratique
de sylviculture a pour but de former des gardes particuliers,
des régisseurs agricoles et forestiers, et de donner une
bonne instruction professionnelle aux jeunes gens qui se
destinent à ces sortes d'emplois.
Conditions d'admission. — Les élèves sont reçus après un
ÉCOLE
— 472 —
examen qui a lieu tous les ans dans la première quinzaine
de juillet au chef-lieu de la conservation dont dépend la
résidence du candidat. Les pièces à fournir sont : la demande
du candidat ou des parents; l'extrait de l'acte de naissance ;
un certificat de bonne conduite ; un engagement soit du
père ou d'un répondant, soit du candidat, s'il est majeur,
d'acquitter régulièrement le prix de la pension. Pour être
admis à l'examen, les candidats doivent avoir dix-sept ans
au moins, trente-cinq ans au plus le 1^^ janv. de l'année
de leur admission. L'examen d'admission se compose de
trois épreuves écrites : une dictée, une composition d'his-
toire et de géographie (de la France), une composition
d'arithmétique et de géométrie élémentaire.
Bourses. Chaque année, l'Etat attribue un certain
nombre de bourses, entières ou fractionnées, aux fils
d'agents ou de préposés qui ont subi avec succès l'examen
d'admission et justifient de l'insuffisance de leurs res-
sources,
Régime intérieur. — L'Ecole reçoit des élèves internes
et demi-pensionnaires. Le prix de la pension est de 600 fr.
par an et celui de la demi-pension de 300 fr., payable
d'avance et par dixième en trois versements, en entrant,
en janvier et en avril. Ces sommes sont destinées à assurer
la nourriture et l'entretien de l'élève. Indépendamment du
prix de la pension, les élèves sont tenus de verser, à leur
entrée dans l'établissement, une somme de 400 fr., des-
tinée à garantir le payement de l'uniforme. Le rembour-
sement ou la réparation des objets cassés, détériorés ou
perdus par leur faute. Les élèves sont, en outre, tenus de
se pourvoir, à leurs frais, des effets de trousseau et des
livres nécessaires à leur instruction. L'administration
fournit gratuitement, non seulement l'instruction, mais le
logement, le chaufiTage, l'éclairage, les soins médicaux.
Les élèves s'occupent eux-mêmes de leur ordinaire. Les
dépenses sont réglées à la fin du mois par une commission
de 4 élèves dans chaque division. La durée des études
est de deux ans. Les cours commencent le 15 oct. et sont
terminés le 15 août. L'enseignement est à la fois théorique
et pratique. A cet effet, le'temps des élèves est partagé
entre les travaux sur le terrain, les cours et leurs appli-
cations, d'après un emploi du temps réglé, suivant la
saison, par le directeur de l'Ecole. L'enseignement pra-
tique comprend des travaux de culture et de main-d'œuvre
dans le domaine et dans les pépinières, des exercices au
laboratoire et des exercices de topographie sur le domaine
et aux environs. Il est complété par des excursions dans la
forêt de Montargis, oti les élèves prennent part à toutes les
opérations relatives aux coupes. — L'enseignement théo-
rique comprend les matières suivantes : 1° agriculture
générale ; 2"" éléments de sylviculture ; S"" éléments de droit
forestier et notions sur l'organisation administrative en
France ; 4^ éléments de botanique forestière ; 5° arboricul-
ture et viticulture ; 6« histoire et géographie ; T arithmé-
tique et géométrie élémentaire, notions algébriques ; 8° topo-
graphie, dessin linéaire ; 9° langue française (rédaction
d'un rapport) ; 10° physique, météorologie et chimie appli-
quées à l'agriculture ; 11° comptabilité agricole; 12° exer-
cices militaires. — A la fin de chaque année, les élèves
sont l'objet d'un classement résultant des notes obtenues
par eux dans les diverses épreuves. Les élèves de première
année qui ont une moyenne générale inférieure à 8, ou
une moyenne inférieure à 4 dans une matière quelconque,
sont obligés de redoubler ou de quitter l'Ecole.
Sortie. — Les élèves qui, à la fin de leur deuxième
année, ont obtenu aux examens de sortie une moyenne gé-
nérale supérieure à 10 et n'ont en aucune matière une
moyenne inférieure à 5, reçoivent un certificat délivré par
le ministre. Quand ils ont vingt-cinq ans et ont satisfait à
la loi miUtaire, ils peuvent être nommés gardes forestiers
domaniaux de seconde classe.
ECOLE SECONDAIRE D'ENSEIGNEMENT FORES-
TIER. — Destination. — L'Ecole secondaire d'enseigne-
ment forestier, qui est antérieure à l'autre, est destinée à
faciliter aux préposés l'accès au grade de garde général,
auquel ils ne peuvent arriver qu'après quinze ans de ser-
vice actif, à moins de passer par cette école. Elle corres-
pond, avons-nous dit, dans la hiérarchie, aux écoles mili-
taires des sous-officiers élèves-officiers.
Conditions d'admission. — Chaque année, les conserva-
teurs des forêts font connaître les préposés qu'ils jugent
aptes à devenir gardes généraux. On ne peut comprendre
dans ces listes de présentation que ceux qui ont trois ans
de service actif et moins de trente-cinq ans d'âge ; deux
ans de service suffisent pour les élèves sortis de l'Ecole
pratique de sylviculture. Le directeur des forêts arrête la
liste des préposés admis au concours. Ce concours d'ad-
mission comprend des compositions écrites d'admissibilité
(dictée, composition française, composition de mathéma-
tiques, dessin) ; des examens oraux (arithmétique, géomé-
trie, histoire, géographie) et des examens d'instruction
pratique (arpentage, cubage, notions administratives). La
somme des notes de ces diverses épreuves détermine le
rang des candidats sur la liste de classement. On en admet
t) par an.
Régime intérieur. — Le régime est l'internat. Les pré-
posés admis à l'Ecole reçoivent, s'ils ne l'ont déjà, le grade
de brigadier. Ils conservent la tenue, l'armement et l'équi-
pement des préposés forestiers avec les insignes corres-
pondant à leur grade et ils restent soumis aux mêmes
obligations professionnelles que dans le service actif. Il est
alloué aux préposés pendant la durée des cours et, en plus
de leur traitement et avantages réglementaires, une indem-
nité de séjour calculée à raison de 50 fr. par mois et, en
outre, une indemnité de route pour se rendre de leur rési-
dence à l'Ecole, ainsi que pour leur retour. Les brigadiers-
élèves reçoivent à l'Ecole une instruction générale et une
instruction forestière. La première a pour but de leur
donner la culture intellectuelle indispensable. L'instruction
forestière, qui est à la fois théorique et pratique, est dirigée
de façon à leur faire acquérir l'aptitude professionnelle
nécessaire pour bien remplir les fonctions d'agents.
La durée des cours d'études est de deux ans. Le pro-
gramme de l'enseignement est ainsi divisé : première année :
économie forestière, exploitation et débit des bois, revision
des cours d'arithmétique, géométrie, algèbre et trigono-
métrie, lever des plans, botanique, droit (première partie),
repeuplements artificiels, re vision de la géographie géné-
rale. — Deuxième année : aménagement, constructions,
routes, géologie, zoologie, dunes, reboisement, droit
(deuxième partie), éléments de chimie, agriculture, notions
de littérature, géographie de la France. — Comme exer-
cices pratiques, les élèves font, sous la direction des pro-
fesseurs, des excursions de sylviculture et d'aménagement
dans les forêts de Montargis et d'Orléans; ils en suivent
les exploitations et y font des études de toute nature.
A la fin des cours, les brigadiers-élèves subissent, devant
le directeur et les professeurs de l'Ecole réunis en jury,
sous la présidence du directeur de l'administration ou d'un
inspecteur général délégué, les examens de passage en pre-
mière division on de sortie. Le conseil d'instruction établit,
à la fin des opérations du jury, le classement des élèves
par ordre de mérite, d'après les résultats de ces examens
et les notes de l'année.
Sortie. — Les élèves qui ont satisfait aux examens de
sortie sont nommés gardes généraux. Ceux qui n'ont pas
satisfait aux examens de passage ou de sortie sont ren-
voyés dans le service actif avec le grade de brigadier, ou
même replacés à celui qu'ils avaient avant l'entrée à l'Ecole.
Ceux qui auraient été victimes d'une interruption forcée de
travail de plus de quarante-cinq jours peuvent être auto-
risés à redoubler une année de cours. A.-M. B.
Ecole nationale d'horticulture de Versailles.
— Destination. — L'Ecole nationale d'horticulture de
Versailles, établie au potager du parc et dépendant du mi-
nistère de l'agriculture, a pour objet de former des jardi-
niers capables et instruits dans toutes les connaissances
473 —
ECOLE
théoriques et pratiques de l'art horticole. Le dernier règle-
ment est de juin 1891.
Conditions d'admission. — Les candidats doivent être
âgés de seize ans au moins et de vingt-six ans au plus au
1^^'^ oct. de l'année de leur admission. Les demandes d'ad-
mission, rédigées sur papier timbré, doivent être adressées
aux préfets des départements dans lesquels résident les
candidats et parvenir le l^'^ sept, au plus tard, délai de
rigueur. Toutefois, pour les dép. de la Seine et de
Seine-et-Oise, ces demandes doivent être adressées au
ministre de l'agriculture. — Elles sont accompagnées :
1^ de l'acte de naissance du candidat; 2<* d'un certificat
de moralité délivré par l'autorité locale; d'un certificat
de médecin attestant la bonne constitution et l'aptitude
physique du candidat aux travaux des jardins ; 4° des cer-
tificats, titres ou diplômes dont le candidat est possesseur,
ou de copies certifiées de ces pièces. Sur le vu de ces
pièces, qui doivent être légalisées, le ministre ou le préfet
autorise, s'il y a lieu, le candidat à se présenter à l'exa-
men et lui en donne avis.
Examen, Les candidats subissent un examen d'admis-
sion, qui porte sur les matières suivantes : A. Epreuves
écrites : 1° dictée d'ortographe, servant en même temps
d'épreuve d'écriture; 2o questions d'arithmétique portant
sur les applications du calcul et du système métrique, avec
solution raisonnée; 3° une rédaction d'un genre simple (ré-
cit, lettre, etc.). — B. Epreuves orales : 1° analyse d'une
phrase écrite au tableau noir ; 2<> éléments d'histoire et de
géographie de la France; 3<* questions d'application pra-
tique sur le calcul et le système métrique. — Les épreuves
de cet examen ont lieu le 15 sept., à la préfecture ou à la
sous-préfecture, devant un examinateur désigné par le
préfet, ou au siège même de l'Ecole pour les candidats de
la Seine et de Seine-et-Oise.
Les candidats qui ont subi ces épreuves d'une manière
satisfaisante sont admis élèves titulaires. Ceux qui ont
obtenu le certificat d'études primaires ou le certificat d'ap-
prentissage d'une école pratique d'agriculture ou d'une
ferme-école sont dispensés de l'examen d'admission. Les
uns et les autres doivent être rendus à l'Ecole le 1^' oct.,
date fixée pour l'ouverture de l'année scolaire. A leur
arrivée, ils subissent tous un examen de classement, qui
sert en même temps pour l'attribution des bourses de
l'Etat. Pour cet examen, il est tenu compte aux élèves des
connaissances techniques qu'ils peuvent posséder.
Régime intérieur. — L'Ecole ne reçoit que des élèves
externes. L'instruction y est donnée gratuitement. La durée
des études est de trois années. Des bourses, au nombre de
six, d'une valeur de 1,000 fr., et pouvant être frac-
tionnées, sont accordées, chaque année, au concours, aux
élèves portés parmi les premiers sur la hste de classement.
Les demandes de bourses doivent être adressées direc-
tement au ministre avant le 1^^ sept., terme de rigueur.
Celles-ci ne sont données qu'aux élèves qui ont justifié de
l'insuflisance de leurs ressources pour leur entretien com-
plet ou partiel à Versailles. Les bourses peuvent être
retirées, si les titulaires viennent à démériter.
L'Ecole d'horticulture admet également des élèves s'en-
tretenant à leurs frais, ainsi que ceux envoyés par les
départements, les villes, les associations agricoles ou hor-
ticoles ou autres sociétés savantes, subventionnés par ces
diverses administrations. — Tous les élèves, boursiers ou
non, sont soumis aux mêmes études, aux mêmes travaux
pratiques, aux mêmes examens et aux mêmes règlements
intérieurs. Ils ne forment à l'Ecole qu'une seule catégorie
d'élèves et sont astreints aux mêmes obhgations.
Discipline, Des règlements particuliers déterminent les
heures de présence à l'Ecole, l'emploi du temps, l'ordre
des travaux et les règles à observer pour le maintien de la
discipline intérieure." Les élèves sont tenus de s'y sou-
mettre sous peine des punitions qui y sont indiquées. —
Chaque année, les cours théoriques sont suspendus pendant
deux mois, du i^^ août au l^^oct. Pendant cette période,
des congés temporaires peuvent être accordés aux élèves
qui en font la demande ; mais le directeur de l'Ecole reste
libre de les limiter ou de les refuser. Tout élève qui ne
rentre pas à l'expiration de son congé est considéré comme
ayant abandonné l'Ecole ; il est rayé des contrôles et ne
peut rentrer qu'en vertu d'une décision du ministre.
Enseignement, L'enseignement embrasse les matières
suivantes : l'' l'arboriculture fruitière de plein air et de
primeur; la pomologie; 2° l'arboriculture d'ornement et
forestière, comprenant la pépinière en général ; 3° la cul-
ture potagère de primeur et de pleine terre ; A^ la flori-
culture de plein air et de serre ; 5° la botanique élémen-
taire et descriptive ; 6^ les principes de l'architecture des
jardins et des serres ; 7° des notions élémentaires de
physique, de météorologie, de chimie, de géologie, de
minéralogie, appliquées à la culture ; 8*^ les éléments de
zoologie et d'entomologie dans leurs rapports avec l'horti-
culture et l'arboriculture; 9° l'arithmétique et la géométrie
appliquées aux besoins du jardinage (mesure des surfaces,
cubages, lever de plans, nivellement, etc.) ; 10° le dessin
linéaire, le dessin de plantes et d'instruments ; 11° des
leçons de langue française et de comptabilité; 12° des
leçons de langue anglaise ; 13° l'exercice militaire.
L'instruction pratique est manuelle et raisonnée. Elle
s'applique à tous les travaux de jardinage, quelles que
soient leur nature et leur durée. Les élèves sont appelés
à fournir la main-d'œuvre nécessaire à l'établissement, et
tenus d'exécuter ces travaux, auxquels une partie de leur
temps est consacrée, afin d'acquérir l'habileté manuelle
indispensable. — Indépendamment des cours et des con-
férences faits à l'Ecole, des visites aux principaux établis-
sements d'horticulture permettent de mettre sous les yeux
des élèves les meilleurs exemples de la pratique horticole
et arboricole.
A la fin de chaque année scolaire, un examen général a
lieu et sert à étabhr le classement des élèves. Ceux d'entre
eux qui sont reconnus trop faibles pour passer à une divi-
sion supérieure cessent de faire partie de l'Ecole.
Sortie. — Les élèves qui ont satisfait aux examens de
sortie reçoivent, sur la proposition du jury d'examen, un
certificat d'études délivré par le ministre. En outre, les
élèves sortis parmi les premiers peuvent obtenir, si le degré
de leur instruction et leurs aptitudes justifient cette faveur,
un stage d'une année dans de grands établissements horti-
coles de la France ou de l'étranger. Une allocation de
1,200 fr. est affectée à chacun de ces stages, dont le
nombre ne peut être supérieur à deux par année. Toutefois,
le stage n'est pas acquis de droit aux élèves classés les
premiers. Il est accordé dans le cas seulement où les notes
des examens de sortie démontrent qu'ils sont capables de
tirer un bon parti de ce complément d'instruction, et de
préférence à ceux qui manifestent des dispositions pour
l'enseignement et le désir de s'y consacrer.
Ecoles de bergers. — Destination. — Les écoles de
bergers représentent le degré le plus rudimentaire d'instruc-
tion. Elles ont pour but d'initier les jeunes gens à la con-
duite et à la bonne gestion des troupeaux. Il en existe deux,
celle de Rambouillet (Seine-et-Oise), annexée à une ber-
gerie nationale, et celle de Moudjebeur (Algérie).
ECOLE DE RAMBOUILLET. — CONDITIONS d'admis-
sioN. — Le candidat doit avoir quinze ans accomphs et
adresser, avant le 10 oct., au ministre de l'agriculture, une
demande accompagnée des pièces suivantes : 1° son acte de
naissance ; 2° un certificat constatant qu'il a été vacciné ou
qu'il a eu la petite vérole, qu'il est d'une bonne constitu-
tion et qu'il n'est atteint d'aucune infirmité qui le rende
impropre aux travaux des champs ; 3° un certificat de
bonnes vie et mœurs ; 4° un procès-verbal de l'examen
qu'il a dû passer préalablement devant l'instituteur de sa
commune sur la lecture, l'écriture et la pratique des quatre
premières règles de l'arithmétique ; à ce procès-verbal doit
être jointe une page écrite par le candidat.
Régime intérieur. — La durée de l'apprentissage est
ECOLE
— 474 —
de deux ans. Le régime de l'Ecole est l'internat. La nour-
riture et l'enseignement sont gratuits. L'année scolaire
commence le 1^^ nov.
Sortie. — Au terme des deux années d'apprentissage
les élèves subissent un examen de sortie et reçoivent, s'ils
en sont jugés dignes, une prime de 200 fr. (300 fr. pour
le premier) et un certificat d'aptitude.
ECOLE DE MOUDJEBEUR. — Conditions d'admis-
sion. — Le nombre des élèves à admettre chaque année
est fixé à 25. Pour être admis, les candidats européens
ou indigènes doivent être âgés de quatorze ans au moins.
Ils ont à se présenter, avant le 15 oct., à la direction de
l'établissement ou à se faire inscrire aux préfectures, sous-
préfectures, mairies, bureaux de cercles ou d'annexés de
l'Algérie, et à produire : 1^ un certificat de bonne con-
duite délivré par l'autorité locale de leur circonscription
administrative (maire, administrateur de commune mixte,
commandant supérieur de cercle ou d'annexé) ; 2° un cer-
tificat de médecin constatant qu'ils ont été vaccinés ou
qu'ils ont eu la petite vérole, qu'ils sont d'une bonne
constitution et qu'ils ne sont atteints d'aucune infirmité qui
les rende impropres aux travaux des champs.
Régime intérieur. — La durée de l'apprentissage est de
trois ans. L'enseignement est gratuit et essentiellement
pratique. Le régime de l'Ecole est l'internat. Les élèves
ont à fournir un trousseau. L'année scolaire commence le
d^^ nov.
Des jeunes gens, âgés de seize ans au moins, et justifiant
qu'ils ont reçu une bonne instruction primaire, peuvent
obtenir de suivre, à titre d'apprentis ou de stagiaires, les
opérations du domaine rural et l'administration du trou-
peau. L'enseignement et le logement leur sont donnés gra-
tuitement. Pour leur pension, ils ont à payer une rétribu-
tion de 600 fr. par an, payable d'avance et par trimestre,
à moins qu'il ne leur ait été fait remise totale ou partielle
de cette pension.
Sortie. — A l'expiration des trois années d'apprentis-
sage, les élèves subissent un examen de sortie qui s'étend
sur la pratique raisonnée des travaux de la ferme et sur
toutes les opérations pratiques relatives à la conduite des
troupeaux. Un diplôme est délivré aux apprentis qui en
sont jugés dignes. A.-M. B.
Ecoles pratiques d'agriculture. — Organisation
GÉNÉRALE. — Lcs écolcs pratiques d'agriculturc ont, d'après
la loi du 30 juil. 1875, pour objet de donner, concurrem-
ment avec les fermes-écoles (V. ce mot), un enseignement
élémentaire agricole pratique. Ce sont des institutions appar-
tenant à des départements ou même à des particuliers qui
les gèrent à leurs risques et périls. Le gouvernement ne
s'occupe que de l'enseignement dont il paye les frais et sur-
veille la bonne direction. Les écoles se fondent après avis
du conseil général ; le ministre fait étudier le domaine et
crée l'école pratique par arrêté. Les frais de premier éta-
blissement incombent, en général, au département.
Voici quelles sont les conditions générales d'organisation
des écoles pratiques d'agriculture. Nous exposerons ensuite
ce qui est particulier à chacune d'elles, s'il y a lieu.
Elles sont destinées à donner une bonne instruction pro-
fessionnelle aux fils de cultivateurs, vignerons, proprié-
taires et fermiers, et, en général, aux jeunes gens qui se
destinent à la carrière agricole. Leur programme et leur
destination varient selon les départements (V. ci-après).
La limite d'âge supérieure est partout de dix-huit ans pour
les élèves proprement dits.
Pour être admis à ces écoles, il faut être pourvu d'une
bonne instruction primaire. Les conditions d'âge varient,
mais le plus généralement, on est reçu de treize à dix-huit
ans. Un comité de surveillance et de perfectionnement fait
fonctions de jury d'examen pour l'admission des élèves.
L'examen d'admission porte sur la langue française, l'arith-
métique et le système métrique, les notions générales d'his-
toire et de géographie de la France. Il est tenu compte
aux candidats des connaissances en dessin, géométrie,
sciences physiques, chimiques et naturelles qui ne sont pas
exigées pour l'examen. Les candidats munis du certificat
d'études primaires ou de l'enseignement secondaire seront
reçus de droit jusqu'à concurrence du nombre des places
disponibles.
Les candidats adressent leur demande d'inscription au
directeur de l'école et doivent produire les pièces suivantes :
1^ demande des parents ; 2° extrait de l'acte de naissance
du candidat ; 3« certificat de vaccine ; 4° certificat de bonne
conduite délivré par le chef de rétal3lissement dans lequel
le candidat a accompli sa dernière année d'études, ou, à
défaut, par le maire de sa dernière résidence ; 5° engage-
ment du père de famille ou du répondant d'acquitter régu-
lièrement le prix de la pension; 6<* enfin les certificats
d'études dont le candidat peut être pourvu. Les candidats
pour lesquels une bourse est demandée doivent joindre à
ces pièces une délibération du conseil municipal de la com-
mune où réside la famille, constatant l'état de ses ressources
et de ses charges. Les candidats aux bourses, quels que
soient les titres universitaires ou autres dont ils sont pour-
vus, doivent subir l'examen.
Les examens d'admission ont lieu, d'ordinaire, chaque
année, le 15 sept., au siège de l'école.
La durée de l'enseignement est de deux ou trois ans.
L'enseignement est théorique et pratique ; il comporte les
matières suivantes : développement de l'enseignement pri-
maire, rédaction, lecture, calcul, géométrie, arpentage,
nivellement, éléments d'histoire naturelle, de météorologie,
de physique et de chimie, agriculture, mécanique agricole,
horticulture, arboriculture, économie rurale, zootechnie,
comptabilité. Le temps des élèves est réparti par moitié
entre le travail manuel et les leçons.
Ces écoles reçoivent toutes des internes, pour lesquels
elles sont plus spécialement organisées, étant placées, par
définition, à la campagne et, le plus souvent, assez loin
des centres de communication. Mais la plupart reçoivent
également des demi-pensionnaires et des externes. Le prix
de pension sera indiqué pour chaque école; naturellement,
les internes fournissent en outre leur trousseau. Un grand
nombre de bourses sont instituées dans chacune des écoles
pratiques d'agriculture par l'Etat, les départements, les
communes, les comices agricoles, etc.
Les élèves qui ont satisfait, pendant leur séjour à l'école,
aux examens particuliers et de fin d'études, reçoivent, à
leur sortie, un certificat d'études qui, sous le régime de la
loi de 1872, leur donnait droit au bénéfice du volontariat
d'un an. 11 ne confère aucun avantage d'après la loi de
1889, mais les élèves qui l'ont reçu ont le droit de con-
courir pour les bourses instituées à l'Institut agronomique
et dans les écoles nationales d'agriculture en faveur des
meilleurs élèves des écoles pratiques.
Nous plaçons ici la liste, par ordre alphabétique de
département, des écoles pratiques d'agriculture en indiquant
brièvement les conditions qui sont particulières à chacune
d'elles :
Alger : Rouïba (par Alger). Agriculture et Viticulture,
14 ans au moins. Internes, 600 fr. ; de plus, élèves sur-
numéraires aux mêmes conditions et stagiaires libres
(330 fr. par trimestre). Deux ans d'études.
Allier : Turreaux. Agriculture,
Bouches-du-Rhône : Valabre {i^slv G^Lràonne) , Agricul-
ture et Viticulture. 13 ans au moins. Internes, 400 fr.;
demi-pensionnaires, 200 fr. ; externes, gratuitement. Trois
ans d'études.
Côte-d'Or : Beaune. Agriculture et Viticulture. 13 ans
au moins. Internes, 500 fr. ; demi-pensionnaires, 250 fr. ;
externes, 50 fr. Trois ans d'études.
Eure : Le Neubourg. Agriculture. 13 ans au moins.
Internes, 500 fr. ; demi-pensionnaires, 250 fr. ; externes,
100 fr.
Finistère : Lézardeau (par Quimperlé). Agriculture
et Irrigation. L'Ecole pratique d'agriculture et d'irriga-
tion de Lézardeau est destinée à donner une bonne instruc-
- 475
ÉCOLE — ECOLES
tion professionnelle aux fils de cultivateurs, propriétaires
ou fermiers, et, en général, aux jeunes gens se préparant
à la carrière agricole, ainsi qu'à former des agents spéciaux
pour les travaux d'irrigation et de drainage. L'examen
d'admission a lieu à la fin d'octobre et porte sur l'orthographe,
l'arithmétique et la géométrie. La durée des études est de
deux ans; toutefois, les élèves qui recherchent spécialement
l'enseignement de l'irrigation et du drainage entrent immé-
diatement en deuxième année s'ils possèdent le certificat
d'instruction d'une ferme-école ou s'ils justifient des con-
naissances agricoles nécessaires. L'âge minimum d'admis-
sion est fixé à quinze ans pour les élèves de la première
année et à seize ans pour ceux qui entrent directement en
deuxième année. Les élèves qui se destinent aux études
spéciales d'irrigation et entrent en^ seconde année, sont
choisis de préférence parmi les premiers des fermes-écoles,
sur la présentation d'un certificat d'études et d'un certi-
ficat du directeur de la ferme-école d'où ils sortent. Ils
subissent en entrant un examen destiné à permettre leur
classement et à déterminer ceux qui ont droit aux bourses,
dans le cas de candidats plus nombreux que les bourses.
Les matières de l'examen sont les mêmes que pour l'entrée
en première année.
lUe-et-Vilaine. Coetlogon, àTrois-Croix (près de Rennes).
Ecole de Laiterie, L'Ecole fondée le 4févr. 4886, annexée
à la ferme-école du département, est la seule école d'agri-
culture pour les femmes; elle reçoit des jeunes filles internes
de 44 ans au moins. 8 bourses sont accordées chaque
année par l'Etat. Le prix de la pension est de 2o0 fr. La
durée des études est de six mois ; les meilleures élèves
peuvent rester une année. L'enseignement est théorique et
pratique. L'instruction théorique comprend : 4<> l'étude de
la vache laitière, caractère, soins, alimentation, élevage
et engraissement des veaux; 2^ l'hygiène des étables;
3° la technologie du lait, fabrication du beurre et du fro-
mage, utilisation des déchets de laiterie ; 4<' la porcherie
et la basse-cour, élevage et engraissement ; 5^ le ménage
de la ferme, les soins intérieurs, la comptabilité delaferme
et spécialement de l'exploitation laitière. L'enseignement
pratique comprend les travaux de laiterie, de basse-cour et
d'horticulture. Au terme des études et après examen, on
délivre auv élèves un certificat d'instruction.
Loiret. Le Chesnoy (près de Montargis). Agriculture.
Manche. Coigny. Agriculture et Laiterie,
Marne (Haute-). Saint-Bon (com. de Champcourt, près
de Biaise), 45 ans au moins. Internes, 450 fr. Deux ans
d'études.
Meurthe-et-Moselle. Ecole Mathieu de Dombasle, au
château de Tombelaine, près de Nancy. Agriculture, 4 5 ans
au moins. Internes, 600 fr.; externes, 200 fr. Auditeurs
libres. Deux ans d'études.
Meuse. Les MERcmNES (près de Vaubecourt). Agri-
culture,
Morbihan. Le Grand-Resto (près de Pontivy). Agri-
culture, 44 ans au moins. Internes, 350 fr., trousseaux
et literie ; demi-pensionnaires, 200 fr. ; externes, 50 fr.
Deux ans d'études.
Pas-de-Calais. Berthonval (près de Mont-Saint-Eloy) .
Agriculture, 43 ans au moins. Internes, 400 fr,; demi-
pensionnaires, 200 fr. ; externes 50 fr. Trois ans d'études.
Puy-de-Dôme. La Molière (près de Billom). Agricul-
ture. 14 ans au moins. Internes, 400 fr.; externes, gra-
tuitement.
Rhône. Ecully (près de Lyon). Agriculture, Admission
exclusivement au concours.' 44 ans au moins. Internes
450 fr. ; externes, 50 fr. Trois ans d'études.
Seine-Inférieure. Aumale. Agriculture. 43 ans au moins.
Internes, 500 fr. ; demi-pensionnaires, 250 fr. ; externes,
50 fr. Trois ans d'études.
Somme. Le Paraclet (près de Boves). Agriculture,
43 ans au moins. Internes, 450 fr.
Haute-Saône. Saint -Remy (près d'Amance). Agricul-
ture, 45 ans au moins. Internes, 25 ou 50 fr. par mois.
400 fr. avec chambre particulière. L'Ecole vise autant
l'éducation des futurs propriétaires agriculteurs que celle
des cultivateurs et fermiers. La durée des études est de
deux ans et demi.
Vaucluse. Avignon. Viticulture et Irrigation.
Vendée. Fontenay-le-Comte. Agriculture.
Vosges. Saulxures-sur-Moselle. Agriculture et Lai-
terie. 42 ans au moins. Internes, 500 fr,; demi-pension-
naires, 250 fr. ; externes, 50 fr. Deux ans d'études.
Yonne. La Brosse (près ^'kMy.QVVQ). Agriculture. 44 ans
au moins. Internes, 450 fr. Trois ans d'études. A.-M. B.
BiBL. : Le document fondamental, pour les écoles pri-
maires surtout, est le Dictionnaire de pédagogie de
Buisson ; Paris, 1882 et 1887. ^ ^ , ^ ...
Pour l'architecture, V. F. Narjoux, les Ecoles pwbii-
Ques, etc.: Paris, 1879, in-8, fig. , , , . • „
Pour rhygiène, V. Javal, Hygiène des écoles primaires.
Rapport au ministre de l'instruction publique 1884. —
Drouineau, Règlement de 1882 sur les constructions
scolaires. -Lay ET, art. Ecoles, dans le Dictionnaire ency-
clopédique de médecine moderne, 1890. — Arinoult, te
Groupe scolaire, dans Eléments d'hygiène.
Pour les écoles normales, V. dans le Recueil des mono-
graphies pédagogiques, 1889, t. 11, les travaux de Jacou-
LET, Notice historique sur les Ecoles normales dinsti-
tuteurs et d'institutrices, et de Pécaut, Organisation et
administration matérielles des Ecoles normales.— \ . aussi
la notice de Dupuy, l'Ecole normale supérieure.
Pour les grandes écoles du gouvernement, les pro-
grammes sont publiés par Delalain. — V. aussi statis-
tique de l'enseignement supérieur de 1868 à 1818; Fans,
1879, in-4, et de 1818 à 1888; Paris, 1889, in-4 -Mqrtimer
d'Ocagne, les Grandes Ecoles de France; Pans, 1887. —
Andreani, les Ecoles françaises civiles et militaires;
Paris, 1891.— Les principales écoles ont donne heu a aes
monographies. - Foucy, Histoire de l'Ecole polytech-
nique.— PiNET, Histoire de l'Ecole polytechnique ; Pans,
1887. — CoMBEROUssE, Histoirc de l'Ecole centrale des
arts et manufactures; Paris, 1879. - Eug. Muntz, Guide
de l'Ecole nationale des beaux-arts; Pans, in-8, tig. ^
ÉCOLE. Com. dudép. de la Savoie, arr. de Chambery,
cant. du Châtelard ; 839 hab.
ÉCOLES CHRÉTIENNES (Frères des) . Leur institut, appelé
aussi Congrégation DES Frères de Saint-Yon, a été tonde
par Jean-Baptiste de La Salle, né à Reims en ^654, mort
en 4749, déclaré vénérable par Grégoire XYI (8 mai '^^^^h
bienheureux par Pie IX (Y. Canonisation, t. IX, p. 82,
col. 4). Fils d'un conseiller au présidial de Reims, J.-B.
de La Salle était chanoine de l'église de cette ville, àèsUge
de quinze ans (4666); il ne reçut la prêtrise qu en 4578. 11
commença par consacrer son activité aux enfants pauvres
en sollicitant et en obtenant des lettres patentes pour 1 éta-
blissement des sœurs de TEnfant-Jésus (Y. Enfant-Jésus
[Sœurs de 1']) fondé par Roland, chanoine et théologal de
Reims. Yers le même temps, il contribuait puissamment
par ses conseils, son influence et ses sacrifices personnels
à l'ouverture d'écoles gratuites pour les garçons, dans les
paroisses Saint-Maurice et Saint- Jacques. En 4679, il se
voua entièrement à cette œuvre ; pour la maintenir et la
développer, il s'appliqua à recruter et à préparer des maî-
tres selon ses vues. Il les réunit dans une maison particu-
lière et constitua avec eux une sorte de communauté dont
il devint le directeur et le confesseur. Mais, comme il pos-
sédait lui-même un riche canonicat et une grande fortune,
ces maîtres goûtaient peu les leçons de renoncement et
d'abandon à la providence qu'il s'efforçait de leur incul-
quer ; plusieurs cherchèrent ailleurs des occupations pro-
mettant un avenir plus assuré. Afin de les convaincre par
son exemple, il résigna son canonicat en faveur d'un prêtre
pauvre, qu'il préféra à son propre frère ; pendant la famine
de 4684, il distribuaaux pauvres le prix de tous ses biens.
Devenu pauvre lui-même, il mendia publiquement dans sa
ville natale, au grand chagrin de sa famille. — Apres
Reims, ce fut à Rethel et à Guise que s'ouvrirent les pre-
mières écoles tenues par des maîtres formés par La Salle.
En 4684, ils commencèrent à faire des vœux de chasteté,
de pauvreté et d'obéissance; ils adoptèrent le costume
qu'ils portent encore et prirent le nom de frères des
Ecoles chrétiennes. La Salle voulait que leurs vœux ne
fussent que pour trois ans ; mais, sur les instances des
ECOLES
— 476 —
frères, il consentit à des vœux perpétuels. En 1688, il vint
à Paris, avec deux de ses disciples, et y ouvrit une école,
rue Princesse, dans la paroisse Saint-Sulpice. En 1705, il
acheta dans le faubourg Saint-Sever, à Rouen, la maison
de Saint- Yen, dont il fit le centre de son institut. Il établit
d'abord à Reims, ensuite à Paris, des séminaires de maîtres
d'école, qu'on peut considérer comme les premières écoles
normales d'instituteurs; il forma un noviciat pour les ado-
lescents et un autre pour des jeunes gens plus avancés.
Enfin, il compléta son œuvre en organisant des leçons
dominicales pour les ouvriers. — A sa mort, sa congré-
gation possédait des écoles à Mais, Avignon, Roulogne,
Calais, Chartres, Dijon, Grenoble, Guise, Laon, Marseille,
Mende, Moulins, Paris, Reims, Rouen, Saint-Denis, Troyes,
Les Vans, Versailles. Au début, elle avait rencontré, en
divers endroits, une vive opposition, soit delà part des su-
périeurs ecclésiastiques, en méfiance contre une institution
nouvelle et d'aspect singulier, soit de la part des maîtres
d'école lésés par la concurrence d'un enseignement gratuit
et soutenus par les chantres des chapitres qui exerçaient
juridiction sur eux (Y. Chantre). Les meubles de ses mai-
sons furent plus d'une fois saisis pour fournir le payement
des amendes auxquelles les frères avaient été condamnés.
Vers la fin de sa vie, La Salle se démit de la direction
de son institut ; il réunit les frères en assemblée générale
et leur fit adopter formellement comme statuts les règles
que son exemple et son autorité personnelle avaient fait
pratiquer pendant près de quarante ans. Les dispositions
caractéristiques de ces statuts primitifs sont : la prescrip-
tion d'une absolue gratuité (art. 1, 17, 25, 27); l'obliga-
tion de l'enseignement simultané ; la nécessité de la présence
de trois frères au moins en chaque maison; l'interdiction
d'admettre des prêtres comme membres de la congrégation ;
la défense de recevoir des pensionnaires dans les maisons
d'école (ch. xiv); celle d'enseigner le latin à qui que ce
fût, dans la maison et au dehors. Les frères qui avaient
appris la langue latine n'en devaient faire aucun usage
dans la maison et se comporter comme s'ils ne le savaient
point (art. 60). Le programme officiel des études compre-
nait la lecture du français et du latin, des livres et des
manuscrits, l'écriture, l'histoire sainte, les éléments de la
langue française, l'arithmétique ; des exercices religieux et
une instruction édifiante donnée chaque jour pendant une
demi-heure (Statuts publiés en i787), — Leur institut
fut approuvé par Renoît XIII, en janv. 1725, six années
environ après la mort de La Salle. En 1770, le siège de
l'institut fut étabh à Reims; quelques années plus tard,
il fut transféré à Melun. En 1789, la congrégation com-
prenait 1,000 frères et possédait 121 maisons. Elle fut
supprimée par le décret du 18 août 1792, qui liquida les
pensions des frères d'après le nombre des années qu'ils
avaient vécu dans la congrégation: Le maximum de ces
pensions était de 900 livres (tit. III, ch. ii, art. 1). Le
refus ou le défaut du serment civique emportait déchéance
(tit. V, art. 1).
Les frères reparurent en 1801 ; dès 1802, ils ouvrirent
des écoles à Lyon, à Paris, à Saint-Germain-en-Laye, au
Gros-Caillou, à Toulouse. Le gouvernement autorisa les
villes à admettre ces écoles et à en faire supporter les frais
par les hospices. Le 2 sept. 1805, les frères reprirent leur
costume. Le décret du 17 mars 1808 légalisa leur existence
et statua qu'ils seraient brevetés et encouragés par le grand
maître de l'Université, qui viserait leurs statuts intérieurs,
les admettrait au serment, leur prescrirait un habit et fe-
rait surveiller leurs écoles (art. 109). Leurs supérieurs
pouvaient être membres de l'Université. L'archevêque de
Lyon obtint pour les frères l'exemption du service mili-
taire. Sous la Restauration, le gouvernement les combla de
faveurs et leur accorda une grande maison au faubourg
Saint-Martin, à Paris. En 1824, leur institut comptait en
France 1,800 frères et 197 maisons. Activement mêlés à
la politique réactionnaire et cléricale de la Restauration,
ils reçurent le contre-coup de la révolution de Juillet.
Mais ils se relevèrent bientôt. Dès 1848, ils étaient déjà
en mesure de profiter des immenses avanltages que devait
leur offrir la loi du 15 mars 1850. Sous l'Empire et
pendant les premières années de la troisième République,
leur institut prit un énorme développement. En 1854,
le gouvernement des écoles chrétiennes fut divisé en vingt
provinces : dix pour la France, l'Algérie et les colonies ;
les dix autres pour l'Allemagne, la Relgique, la Suisse,
la Savoie, le Piémont, les Etats de l'Eglise, le Levant,
le Canada, les Etats-Unis et la Malaisie. Les frères avaient
dans ces vingt provinces 750 établissements, 1,353 écoles,
4,-126 classes, 275,000 élèves. L'institut comptait alors
7,000 membres. En 1878, il en avait 9,818 répartis
dans 1,064 écoles publiques et 385 écoles libres. Il a
des noviciats à Castletown (Irlande), Vienne (Autriche),
Alost (Relgique) , Madrid (Espagne) , Albano (Italie) ,
Colombo (île Ceylan), El-Riar (Algérie), Ramleh (Egypte,
près d'Alexandrie) , Saint -Denis (île de la Réunion),
Montréal (Canada), Baltimore, New-York, Saint-Louis,
San Francisco (Etats-Unis), Quito (Equateur), Santiago
(Chili). — La maison mère est à Paris, rue Oudinot, 27
(ancienne rue Plumet) ; elle a été concédée pour remplacer
la maison du faubourg Saint-Martin expropriée à cause de
l'établissement du chemin de fer de Strasbourg. L'institut
est dirigé dans son ensemble par un supérieur général
nommé à vie par un chapitre général. Mais à ce supé-
rieur est adjoint un conseil permanent composé de huit
assistants, lesquels sont aussi élus à vie par le chapitre
général. L'administration proprement dite est confiée à un
procureur. La province de Savoie a conservé son siège
distinct à Chambéry : 31 maisons, 202 frères (en 1861).
Cet institut est peut-être, de toutes les congrégations
religieuses, celle qui a payé la rançon du vœu de chasteté
par'^les plus nombreuses condamnations pour attentats
aux mœ.urs. Quelques-unes de ces condamnations, comme
celle du frère Léotade (viol et assassinat de Cécile Com-
bette), appartiennent à l'histoire des Causes célèbres. Les
lois qui ont institué la laïcité et la gratuité dans les écoles
pubhques où se donne l'instruction primaire ont enlevé
beaucoup d'écoles aux frères. Mais, comme ils n'exercent
que dans les villes ou des communes importantes, ils ont
pu rassembler un grand nombre d'élèves dans des établis-
sements soutenus par les catholiques dévots et par les
adversaires du régime républicain. Ils compensent, d'ail-
leurs, largement ce qu'ils ont perdu du côté de l'instruc-
tion communale, par le développement toujours croissant
de la partie la plus moderne de leur œuvre. Ils ont élargi
considérablement le programme de leur enseignement :
contrairement à leurs statuts primitifs, ils ont délaissé
la gratuité et pris des pensionnaires ; ils tiennent des
orphelinats , des maisons d'apprentissage , des fermes-
écoles et même des hôtels garnis, des pensionnats et des
demi-pensionnats, des établissements d'instruction profes-
sionnelle, industrielle et commerciale. Leurs maisons de
Passy, de Saint-Nicolas et plusieurs autres, dans nos dé-
partements, sont, en leur genre, des institutions de premier
ordre. Par leur nombre, par leur organisation, par leur
discipline, par l'esprit d'entreprise et de persévérance qui
les anime, par leur origine ; par les ressources qu'ils pos-
sèdent déjà et qui s'accroissent toujours ; par la valeur
pratique de leurs méthodes, dirigées par une expérience
séculaire et appliquées avec suite, du commencement à la
fin des études (pour l'examen critique de ces méthodes,
V. Frères [Pédagogie]) ; par la clientèle qu'ils recrutent
parmi les ouvriers, la petite et même la 'moyenne bour-
geoisie ; par les principes qu'ils inculquent à leurs élèves ;
par les habitudes de protection mutuelle auxquelles ils les
dressent ; par les rapports constants qu'ils entretiennent
avec eux, après leur sortie ; par les avantages qu'ils
savent leur procurer dans le monde bien pensant; par
leur zèle pour les patronages et les cercles d'ouvriers, ils
sont devenus la milice la plus puissante du parti clérical :
une puissance dont il serait insensé de méconnaître les
— 477 —
ECOLES — ECONOME
causes et les effets. — OEuvr es principales de J.-B. de La
Salle : Règles de la bienséance et de la civilité chré-
tienne ; Conduite des écoles chrétiennes; les Douze
Vertus d'un bon maître.
Une congrégation de frères des Ecoles chrétiennes
d'Irlande a été approuvée, le 5 sept. 4820, par le bref Ad
pastoralis de Pie VII. Ses statuts diffèrent un peu de
ceux des Frères de J.-B. de La Salle. Aux trois vœux de
chasteté, de pauvreté et d'obéissance, ils ajoutent celui de
persévérance dans l'institut. Le supérieur n'est élu que
pour dix ans. — Une congrégation de frères des Ecoles
chrétiennes de la Miséricorde, dont la maison mère est à
Montebourg (Manche), possédait, en 1861, 15 maisons
comprenant 98 frères ; ils tenaient des écoles primaires,
des pensionnats et des écoles normales. E.-H. Vollet.
BiBL. : Vie de J.-B. de La Salle ; Rouen, 1733, 2 vol.
in-4. — Garreau, Vie de J.-B. de La Salle ; Rouen, 1760,
in-12. — DuROSON,rA5bé de La Salle; Paris, 1842, in-8.
ÉCOLES CHRÉTIENNES (ScBurs des), dites sœurs de la
Sainte-Enfance. 35 maisons, 218 sœurs (recensement
spécial de 1861) ; maison centrale, Versailles.
ÉCOLES CHRÉTIENNES DE LA MISÉRICORDE (SœUrS dcs).
82 maisons, 295 sœurs (recensement spécial de 1861).
Pour les frères du même nom, V. Ecoles chrétiennes
(Frères des).
ÉCOLES chrétiennes et charitables de l'Enfant-Jésus
(Parères et sœurs des). Communautés d'hommes et de filles
instituées par le P. Barré, minime, né à Amiens vers 1621,
mort à Paris en 1681. Leur principal emploi était d'ins-
truire gratuitement les enfants pauvres : il leur était
défendu d'enseigner au dehors et ne rien recevoir des
parents de leurs élèves. Les frères et les sœurs appartenant
à ces communautés ne faisaient point de vœux, mais vivaient
sous la conduite d'un supérieur ou d'une supérieure et lui
devaient obéissance. Les frères avaient pour habillement
une soutane et une houppelande avec des manches pen-
dantes ; le tout d'étoffe noire et grossière. Cette institution
est antérieure à celle de J.-B. de La Salle, qui en a repro-
duit plusieurs dispositions. E.-H. Vollet.
BiBL. : HÉLYOT continué par Bullot , Histoire des
ordres monastiques., religieux et militaires., et des con-
grégations religieuses séculières de Vun et de Vautre sexe ;
Paris, 1714-1721, 8 vol. in-8, fig.
ÉCOLES PIES (Pères ou Clercs réguliers des) (V. Pia-
RISTES).
ECO LIS NI EN S ES. Peuplade d'Aquitaine. La civitas
Ecolismensium ou Ecolisnensium de la provincia aqui-
tanica secunda, mentionnée pour la première fois dans la
Notice des Provinces, doit s'être formée, vers le iv® siècle
de notre ère, aux dépens du territoire des Santones.\)dJi\?>
l'ordre ecclésiastique, elle donna naissance au diocèse
d'AngouIême, et, dans l'ordre administratif, à l'Angoumois
(pagus Egolismensium, Egolminsis ou Engolismensis
(V. Angoumois et Angoulême).
ÉCOLLEMONT. Com. dudép. de la Marne, arr. deVitry-
le-François, cant. de Saint-Remy-en-Bouzement ; 95 hab.
ÉCOMAN. Com. du dép. de Loir-et-Cher, arr. de Blois,
cant. d'Ouzouer-le-M arche; 342 hab.
ÉCONIMOY. Ch.-l. de cant. du dép. de la Sarthe, arr.
du Mans, sur le versant de la ligne de faîte qui sépare la
vallée de la Sarthe de celle du Loir ; 3,709 hab. Stat. du
chem. de fer d'Orléans, ligne de Tours au Mans. Fonderie,
faïencerie, fabrique de tuiles, briques et carreaux; toiles;
chaux. Eglise moderne de style gothique. Châteaux de
Bézonnais et de Fontenaille.
ÉCONOME. I. Administration byzantine. — Dignitaire
ecclésiastique à Byzance, chargé de la gestion des finances
de l'Eglise. On connaît diverses sortes d'économe : le grand
économe, haut dignitaire du patriarcat, souvent directement
nommé par l'empereur et qui avait twv ExxXTjataaiixwv
y.T7J|jLaTwv T7)v Tïpovo'.av ; au-dessous de lui, les économes
de chaque église, par exemple de Sainte-Sophie et de Saint-
Georges; le grand économe des fondations pieuses (tcov
sùaYtov), chef suprême de l'administration des biens des
monastères, et les simples économes ses subordonnés ;
puis les économes des métropolitains, les vice-économes,
les économes des monastères, etc. On possède quelques
sceaux peu nombreux, mais fort intéressants de ces divers
fonctionnaires. Ch. Diehl.
IL Administration civile. — On appelle de ce nom le
fonctionnaire chargé de l'administration financière d'une
école normale, d'un lycée. Dans les lycées, l'économe s'ap-
pelait primitivement un procureur-gérant (loi du 1 1 floréal
an X). Dès 1809, cet agent comptable prit le nom d'éco-
nome. Il est chargé seul sous sa responsabilité d'effectuer
toutes les recettes et toutes les dépenses du lycée, de
poursuivre la rentrée de tous les revenus et de toutes
les sommes qui lui sont dues, ainsi que d'acquitter les
dépenses ordonnancées par le proviseur jusqu'à concur-
rence des crédits réguUèrement accordés. Il a la respon-
sabihté du matériel et des approvisionnements (décret du
31 mars 1862). L'économe est tenu de fournir un caution-
nement. Les comptes annuels de sa gestion sont jugés par
la cour des comptes. Son service ne se borne pas aux
opérations de comptabilité et aux écritures : il doit discuter
avec soin les marchés, .présider aux hvraisons des fourni-
tures et aux distributions, surveiller les domestiques, veiller
à ce que toutes les parties de la maison soient tenues dans
un état de propreté convenable, et, en évitant toute dépense
et toute consommation inutile, ne rien négliger de ce qui
peut contribuer au bien-être des élèves (circulaire du
10 févr. 1838). Le décret du 26 août 1882 a réglé le trai-
tement des économes des lycées, qui sont divisés en trois
classes, les économes des lycées de Paris restant hors classe.
Le décret du 10 nov. 1883 a nommé aussi des économes
dans les lycées de jeunes filles. De même, dans les écoles
normales d'instituteurs et d'institutrices ont été établis des
fonctionnaires spécialement chargés du service de l'écono-
mat. G. COMPAYRÉ.
III. Administration ecclésiastique. — On appelle éco-
nome, dans le droit canon, une personne préposée à l'admi-
nistration de certains biens de l'Eglise. Cet oflîce paraît avoir
été établi dès les premiers siècles, tant pour assurer la
bonne administration et le bon emploi des biens de l'Eglise
que pour décharger l'évêque du scindes choses temporelles
et lui permettre de se consacrer entièrement à son minis-
tère spirituel. Quelques évêques s'étant affranchis de cette
assistance, qui comportait un certain contrôle, le concile
de Chalcédoine décida que toute église ayant un évêque
aurait un économe choisi parmi son propre clergé. Il
semble que cette nomination appartenait au clergé ; mais,
en divers lieux, l'évêque s'en était emparé. Pour le cas
où le clergé ou l'évêque aurait négligé d'y procéder, le
VII® concile œcuménique l'attribua, par dévolution, à
l'archevêque et au patriarche. Cette discipline a presque
toujours été observée en Orient; mais, dans l'Eglise latine,
les économes n'étaient guère connus que sous le nom d'ar-
chidiacres ou, pour mieux dire, c'étaient les archidiacres
qui faisaient fonctions d'économes. Néanmoins, sur cer-
taines épîtres de saint Grégoire, Thomassin observe que
les économes avaient le soin des revenus ; les archidiacres,
celui des fonds, mais que les uns comme les autres devaient
rendre compte de leur administration à l'évêque, lequel
gardait, d'ailleurs, la disposition des oblations et des
dîmes. — Le partage des biens de l'Eglise et leur répar-
tition en bénéfices (V. Biens du clergé avant la Révolution,
t. VI, pp. 739 et suiv.) renversa l'ordre ainsi établi pour
la régie des biens ecclésiastiques par le ministère des éco-
nomes, de sorte que ceux-ci devinrent à peu près inutiles
et que leurs fonctions furent restreintes au soin des revenus
de l'évêque pendant la vacance du siège. — Comme nos
rois, en vertu de la régale, jouissaient des revenus des
évêchés et de certains bénéfices vacants, ils en faisaient
percevoir les fruits par un économe la/ique. Par un édit
du mois de mai 1578, Henri III érigea, en titre d'offices,
des économats en chaque diocèse. Cette création d'offices fut
supprimée par l'édit de Melun (1580), puis rétablie par
ÉCONOME — ÉCONOMIE
— 478 —
un édit de déc. 1691 et finalement abolie par un édit de
déc. 1714. Les fonctions d'économe séquestre furent dès
lors exercées par des personnes spécialement commises par
le roi. Il y avait pour les économats un bureau du conseil,
où se portaient les contestations concernant la matière. —
Les bénéfices ecclésiastiques ayant été supprimés par la
Révolution et les évêques n'ayant plus guère d'autresmenses
épiscopales que leur traitement inscrit au budget, des dis-
positions accommodées au régime nouveau furent établies
par le décret du 6 nov. 1813 (tit. II). L'art. 34 dit qu'au
décès de chaque archevêque et évêque il sera nommé, par
le ministre des cultes, un commissaire pour l'administration
de la mense épiscopale pendant la vacance. E.-H. Vollet.
BiBL. : Administration byzantine. — Schlumberger,
Bibliocjraphie byzantine, p. 893.
Administration ecclésiastique. -- Thoaiassin, An-
cienne et Nouvelle Discipline de l Eglise; Pans, 1678-1679,
3 vol in-fol. — Durand de Maillane, Dictionnaire de
droit 'canonique et de pratique bénéficiale ; Lyon, 1787,
6 vol. in-8. — André (d'Avallon) et Condis, Dictionnaire
de droit canonique ; Paris, 1888-90, 3 vol. in-8. ^
ÉCONOWllE DOMESTIQUE. L'cxprcssiou tait pléonasme,
puisque économie tout seul signifie déjà administration de
la maison ; mais le sens de ce mot s'étant élargi jusqu'à
désigner en général toute espèce d'ordre et d'arrangement,
l'économie domestique, science du bon ordre dans les inté-
rêts privés et le gouvernement de la maison, s'oppose à
l'économie politique, science des lois qui régissent les inté-
rêts sociaux. L'ouvrage de Xénophon qui a pour titre
VEconomique ou VArt de bien ordonner une maison,
est sans doute le premier traité qu'il y ait eu sur la ma-
tière. Ce qui en fait le prix, ce sont surtout les considéra-
tions morales; et, de fait, les vertus domestiques étant la
condition essentielle de la prospérité des maisons, tout
économiste devra toujours être plus ou moins un morahste,
tout traité d'économie commencer ou finir par louer les
vertus ménagères, qui font la paix et la joie du foyer. Une
personne douée de ces vertus, en effet, dihgence, tempé-
rance, épargne, amour du travail, amour de l'ordre, se
passerait mieux de notions techniques qu'une personne
munie de toutes les connaissances ne se passerait de ces
vertus. Cependant V économie est une science, la science
des règles, soit rationnelles, soit empiriques qui font, toutes
choses égales d'ailleurs, croître ou décroître l'aisance et le
bonheur dans une famille. Xénophon déjà, Caton dans son
De Re riistica, tous les anciens en général qui ont écrit
sur la question, considèrent une famille à la campagne, et
traitent de l'économie rurale, voire de l'agriculture tout
entière autant que de la tenue de la maison. En effet, bien
que la vie moderne, le développement de l'industrie, du
commerce et des fonctions publiques ait multiplié, dans
les grandes villes surtout, les familles dont l'existence toute
urbaine est sans rapports directs avec la terre, on ne con-
çoit guère, encore aujourd'hui, un traité d'économie domes-
tique où Une serait pas question du jardin. Jardin, basse-
cour, laiterie, tout ce qui fournit des ressources au ménage
et réclame ses soins, relève de l'économie domestique. Seu-
lement, selon les cas et les besoins, ce vaste sujet peut
être circonscrit diversement.
En l'introduisant dans les programmes d'études, ce qu'on
a fait avec tant de raison dans ces dernières années, on en
a écarté en général tous les travaux virils, qui relèvent
plutôt, soit de l'apprentissage, soit de l'enseignement pro-
fessionnel. On s'est à peu près restreint à la science du
ménage proprement dit, à Tadministration intérieure, en
tant qu'elle est l'œuvre de la femme. Car selon l'expres-
sion de Fénelon, ce sont les femmes « qui ruinent ou qui
soutiennent les maisons » par la façon dont « elles règlent
tout le détail des choses domestiques ». Si l'homme le plus
souvent, chargé des travaux du dehors, pourvoit aux besoins
de la famille,"il appartient à la femme d'employer bien les
ressources procurées par son travail pour en tirer autant
d'abondance et de bien-être qu'il se peut. Aussi, est-ce
naturellement dans l'instruction des filles que cette étude
a trouvé place. Dans l'enseignement primaire, tant supérieur
qu'élémentaire, elle n'est représentée que^ par les travaux
d'aiguille, et l'on peut trouver que c'est insuffisant ; ce le
serait surtout s'il n'y avait pas lieu de croire qu'une bonne
partie des notions nécessaires se glissent dans les lectures
et les explications, notamment dans les leçons de morale et
d'hygiène. Mais l'arrêté du 3 août 188o institue expressé-
ment dans les écoles normales d'institutrices renseigne-
ment de l'économie domestique, à raison d'une heure par
semaine pendant un semestre de la deuxième année, en le
distinguant, et de celui de l'hygiène et de celui des travaux
de couture. Une note prescrit en même temps que les
élèves-maîtresses soient autant que possible « associées à
la tenue du ménage et à la préparation des repas ».
Déjà en 1882 (arrêté du 28 juil.), on avait mis l'économie
domestique à deux reprises parmi les matières de l'ensei-
gnement secondaire des jeunes filles, une première fois en
troisième année sous forme de « notions élémentaires »,
et de nouveau en cinquième année, selon le programme
que voici : Introduction : Du rôle de la femme dans la
famille; sa part dans l'administration de la maison. Néces-
sité de l'ordre, de la prévoyance, de l'éconofnie. Emploi du
temps. — De f habitation : Choix et disposition de l'ha-
bitation.— De V ameublement et des vêtements: Entre-
tien du mobilier, des étoffes et du linge. Raccommodage.
Emploi des machines à coudre. Lessive et repassage. —
Des achats en général : Provenance des principaux objets
de consommation usuelle ; époques auxquelles il convient de
faire les achats. — De V alimentation : Ordre et compo-
sition des repas ; notions élémentaires de cuisine. — Gou-
vernement de la maison : Choix et surveillance des ser-
viteurs. Choix et direction du personnel dans les maisons
nombreuses, les exploitations agricoles ou industrielles, les
maisons de campagne, etc. — Comptabilité du ménage:
Budget des recettes et des dépenses. Dépenses nécessaires.
Dépenses inutiles. Livres à tenir. Epargne, assurances sur
la vie. Du luxe, ses dangers. Du goût dans la tenue de la
maison. Dignité du foyer domestique. — Cet excellent pro-
gramme a été adapté aux écoles normales d'institutrices,
mais en prenant un caractère plus positif encore et plus
précis et en recevant beaucoup plus d'extension. Ainsi, pour
ce qui est du ménage même, une attention expresse est
donnée au chauffage et aux divers combustibles, à l'éclai-
rage, à la cuisson du pain, à la pâtisserie, au choix et au
som des boissons, à la conservation des viandes, des légumes
et des fruits. Puis sous deux autres rubriques, le Jardin et
la Ferme^ sont groupées les notions élémentaires relatives
à la culture en général, au jardinage, aux arbres fruitiers,
aux fleurs, au laitage, à l'élevage des petits animaux domes-
tiques, aux soins de la bergerie, de la basse-cour, de la
ruche et du colombier.
Chacun de ces mots ayant sa place dans la Grande En-
cyclopédie, rien ne serait plus vain que de chercher à résu-
mer ici, même de la manière la plus sommaire, tant de
choses développées dans tant d'articles. Qu'il nous suffise
d'avoir donné, avec une vue d'ensemble du domaine de
l'économie domestique, une idée de l'intérêt qu'elle offre
et de l'utilité qu'il y a à en faire un objet d'enseignement.
En vain dirait-on que la plupart de ces choses ne s'ap-
prennent bien que par l'usage, dans la famille. Cela est
vrai dans les conditions idéales; mais, en fait, la pratique
est défectueuse dans un très grand nombre de familles ; les
notions courantes ont souvent besoin d'être rectifiées : par
l'enseignement seul on a chance d'en répandre de plus cor-
rectes, ce qui n'est pas d'une médiocre importance pour le
progrès non seulement du bien-être privé, mais de la
la fortune publique. H. Marion.
ÉCONOMIE POLITIQUE. Généralités ET définition. —
L'économie politique, ayant pour objet l'étude des intérêts
matériels de nos sociétés, est une branche de la sociologie
(V. ce mot). Les écrivains ne sont d'accord ni sur sa défi-
nition, ni sur l'étendue et les limites de son champ d'in-
vestigation, ni sur son caractère exact. Elle est générale-
ment considérée comme une science, étant entendu que le
- 479 —
ÉCONOMIE
mot science n'a pas ici le sens rigoureux qu'on lui donne
lorsqu'il est question de sciences mathématiques, physiques
ou naturelles ; à côté de celles-ci, les sciences morales et
politiques, avec des méthodes de moindre précision, peuvent
aboutir à des lois fondées sur l'observation, confirmées par
l'expérience. Toute cette partie philosophique sera traitée aux
mots Loi et Science. L'économie politique est donc l'une des
sciences morales. Mais l'est-elle complètement et exclusive-
ment? On a soutenu qu'elle avait au moins autant le caractère
d'un art. Selon la définition de Destutt de Tracy, un art est la
collection des maximes ou préceptes pratiques dont l'obser-
vation conduit à faire avec succès une chose déterminée.
Presque toute science dans ses applications comprend un
art. La science astronomique est le fondement de l'art de
la navigation ; les mathématiques sont le fondement des arts
mécaniques ; les sciences physiques, de l'art médical. Ce
qu'on appelle les sciences politiques confond évidemment un
art et une science. La politique proprement dite est essentiel-
lement un art (V. Politique). L'économie politique est-elle
autre chose? a-t-elle vraiment un caractère suffisamment
scientifique? possède-t-elle des lois, indépendantes de toute
application particulière? On l'a contesté parfois. Il est cer-
tain qu'ici comme partout la pratique a devancé la théorie.
Les gouvernements d'autrefois ont eu une politique écono-
mique fondée sur leur expérience personnelle et celle de
quelques cas analogues ou bien encore sur des théories ou
des croyances auxquelles ils voulaient plier les faits. C'est
seulement au xviii® siècle que les penseurs, analysant mé-
thodiquement les problèmes économiques, en ont dégagé
un certain nombre de principes ; qu'ils ont montré l'enchaî-
nement des faits économiques et constitué une sorte de
science. Ce qui caractérise la science, c'est, en effet, la
connaissance des rapports qui existent entre des phéno-
mènes et la connaissance des lois permanentes qui régissent
ces rapports. La coordination de ces lois en un ensemble
systématique qui en révèle l'harmonie, achève de constituer
la science et de la caractériser. L'historique que l'on trouvera
ci-dessous montrera comment la conception de la science
économique s'est peu à peu dégagée des travaux des philo-
sophes économistes du siècle dernier. Mais aujourd'hui en-
core on n'a pu se mettre d'accord sur une définition, non plus
d'ailleurs que sur plusieurs des théories fondamentales.
Adam Smith disait (Introd. au livre IV de la Richesse
des nations) : « L'économie politique, considérée comme
branche de la science de l'homme d'Etat et du législateur,
se propose deux objets distincts : d'abord de fournir à la
nation un abondant revenu ou de larges moyens de subsis-
tance, ou plus exactement de mettre la nation en mesure
de se les procurer à elle-même; en second lieu, de pour-
voir l'Etat ou la communauté d'un revenu suffisant pour
rémunérer les services publics. Elle a pour but d'enrichir
à la fois la nation et le souverain. » On voit que le fon-
dateur de l'économie politique ne l'envisage nullement
comme une science, au sens que nous donnons à ce mot,
mais au contraire comme une branche de l'art politique.
Il s'en tenait à l'opinion de Fécole d'Aristote, à qui on a
emprunté la dénomination : t] 6ixovo[jLr/.7Î signifie l'art
d'acquérir et de gérer la propriété, et l'auteur des Econo-
miques distingue l'économie royale, satrapique, politique
et domestique ; pour lui, par conséquent, l'économie poli-
tique est l'ensemble des règles de la poUtique financière
d'un Etat républicain. C'est Montchrestien, sieur de Wat-
teville, qui reprit cette désignation en 1615 (V. ci-dessous)
et ce sont les écrivains français qui la consacrèrent défini-
nitivement et la firent adopter. Ce sont eux aussi qui
émirent la prétention d'ériger en science l'ensemble des
règles relatives à la richesse publique. J.-B. Say distingue
expressément de la politique, science de l'organisation des
sociétés, l'économie politique qui enseigne comment se
forment, se distribuent et se consomment les richesses qui
satisfont aux besoins des sociétés, attendu que, dit-il,
les richesses sont essentiellement indépendantes de l'orga-
nisation politique. Il va plus loin et écrit : « L'économie
politique est la science qui traite des intérêts de la société;
sous quelque gouvernement que vivent les nations, quelque
climat qu'elles habitent, elles subsistent, s'entretiennent
suivant des lois naturelles oti les faits se lient à leurs causes
et à leurs résultats. C'est cet enchaînement qui tient à la
nature des choses que l'économie politique fait connaître. »
Si ces affirmations étaient strictement exactes, l'économie
poUtique serait une science bien distincte. Mais il est très
contestable que les conditions générales du travail, de la
production, de l'échange soient soumises à des règles inva-
riables tenant à la nature même de ces opérations. Ces
conditions varient avec l'organisation sociale, avec le cli-
mat, facteur essentiel de la civilisation ; il est donc bien
difficile de détacher l'économie politique de la sociologie.
Les maximes développées par les économistes sont pour la
plupart relatives à notre civilisation et à notre état social.
D'ordinaire, on se contente de la définition de J.-B. Say,
qu'il donne comme titre de son Traité cV économie poli-
tique^ « exposition de la manière dont se forment, se
distribuent et se consomment les richesses ». Cette défi-
nition a l'avantage d'être claire, précise, de n'impliquer
nulle hypothèse. Rossi s'en est tenu à cette conception et
a proposé de substituer au terme vague d'économie politique
celui de chrématistique, science de la richesse. D'autres
ont présenté des objections à la définition de Say; ils
trouvent que les mots production^ distribution, consom-
mation, richesse ont ici un sens technique sur lequel on
s'entend moins qu'on ne le croit et qui demeure inexpliqué
au profane. Cette définition leur paraît trop compréhensive
et vague, car la production des richesses comprend tous les
arts industriels, agricoles et manufacturiers ; or l'économie
politique s'occupe, non pas du mécanismé^de la production,
mais de la valeur des produits. On se rapprocherait alors
de l'opinion de Condillac, qui qualifie la science économique
de « philosophie du commerce » ou « science des échanges ».
Cette définition, adoptée par H. Dunning Mac-Leod, lui
parut la plus conforme aux idées modernes. « En même temps
qu'elle satisfait aux conditions d'une science physique, elle
embrasse un ordre distinct de quantités, quantités dont
les rapports mutuels sont réglés par une idée ou conception
unique, la possibilité d'être échangés ; la science a ainsi
pour objet de découvrir les lois de leurs relations réci-
proques en tant qu'échangeables ou variables. » Limitée
ainsi, l'économie politique, s'appuyant sur la science finan-
cière, paraît, en effet, très scientifique. Mais beaucoup
d'économistes veulent en élargir le cadre. Ils montrent
d'abord que la définition de J.-B. Say semble confondre
les richesses naturelles et les richesses industrielles et
sociales; les biens que la nature prodigue à tous, par
exempe la lumière, la chaleur solaire, ne sont pas en eux-
mêmes l'objet de notre étude; il faut distinguer la valeur
en utilité de la valeur échangeable, la seule dont s'occupe
l'économie politique. Celle-ci n'étudie pas les besoins de
l'homme, mais le résultat de ces besoins dont chacun est
juge et qu'il traduit par une demande de tel ou tel produit.
Après avoir développé ces vues, M. Coquelin conclut que
l'économie politique étudie les résultats du travail de
l'homme, ce qu'en langage technique on appelle l'industrie.
L'auteur du Dictionnaire d'économie politique blâme
les économistes qui fondent leur science sur la définition
abstraite de la richesse, se font « un langage à part, entor-
tillé, obscur, nourri de distinctions subtiles et d'abstrac-
tions ». Mais lui-même n'échappe pas à ces reproches, car
ils tiennent à la nature même des spéculations des écono-
mistes, lesquels n'étudient pas l'ensemble des phénomènes
de la production, de la circulation, de la consommation, mais
seulement les conditions abstraites de ces phénomènes ; ils
sont par là obligés d'avoir leur langage, leur terminologie,
et la complexité même des questions les empêche de se
mettre complètement d'accord, même sur les définitions.
La conclusion que nous tirerons de ces divergences, c'est
qu'en réalité l'économie poHtique n'est pas une science.
C'est un ensemble de connaissances indiquées par l'ana-
ÉCONOMIE
— 480 —
lyse philosophique et l'expérience, d'où l'on induit des règles
relatives à la production et aux échanges (industrie et
commerce), définissant leurs conditions essentielles, afin
de guider les pouvoirs publics lorsqu'ils interviennent en
ces matières. Beaucoup de ces résultats, d'une grande uti-
lité pour les politiques, ne sont exacts que dans la phase
actuelle de l'évolution sociale et dans les conditions de vie
matérielle, de civilisation, de climat, d'organisation poli-
tique des peuples de race européenne. La partie la mieux
étudiée, celle oii les règles établies ont le plus le caractère
de lois, est la science financière, tout ce qui est relatif à
la monnaie, le plus abstrait des objets d'échange; en
général, les considérations relatives au commerce sont soli-
dement établies. En revanche, tout ce qui est relatif à la
production, à la propriété est controversé. Si vous faites
abstraction de la science financière, il ne reste plus beau-
coup de science, mais plutôt de la philosophie, des théories
très controversées et une collection de conseils pratiques.
L'économie politique vous apparaît une doctrine philoso-
phique, la doctrine d'une école qui de l'analyse des faits
conclut aux avantages de la liberté. Les grands débats
qu'elle soutient et qui ont été sa principale préoccu-
pation seront exposés aux articles Libre-Échange et So-
cialisme.
Les phénomènes économiques ne sont pas susceptibles de
mesures précises d'évaluations quantitatives ; l'utilisation
même des documents fournis par la statistique est difficile.
La complexité de ces faits défie les ressources des mathé-
matiques. Malgré l'apparence contraire, ce sont des faits
moraux autant que matériels. L'économie politique repose
sur la psychologie. L'origine de la valeur est le désir, la
base du crédit est la confiance ; valeur et crédit restent
soumis à des variations où la psychologie joue le rôle
essentiel, de même dans tout ce qui concerne le luxe, fac-
teur dominant de la production moderne.
En somme, on réunit, sous le nom d'économie politique,
un ensemble de lois et de faits sociologiques, de règles
politiques, de doctrines philosophiques. La manière dont
ces sciences ont été groupées et systématisées ne sera
peut-être pas conservée. Elle n'en témoigne pas moins d'un
puissant eff'ort de la pensée humaine, grâce auquel ont été
acquises bien des notions précieuses et élucidés des pro-
blèmes dont les anciens gouvernements soupçonnaient à
peine l'obscurité. Nous décrirons l'histoire des doctrines
économiques, en insistant sur la position actuelle des pro-
blèmes, mais sans donner d'exposé dogmatique, en raison
du désaccord qui existe sur les points fondamentaux.
Histoire. — L'histoire de l'économie politique envisagée
comme science commence au xviii^ siècle ; c'est alors que des
théoriciens illustres en établissent les principes fondamen-
taux et les coordonnent en un ensemble systématique. Mais
la plupart de ces principes avaient déjà été formulés par les
philosophes grecs. Les analyses de Platon, de Xénophon,
d'Aristote valent celles d'Adam Smith et de J.-B. Say. De
plus, l'économie politique, envisagée comme un art, fut pra-
tiquée par les Etats antiques, lesquels furent très préoccupés
de la bonne gestion de la fortune publique. Les expériences
entreprises alors sont fort instructives et n'ont pas peu
contribué à grossir ce trésor de sagesse pratique où les
économistes puisent pour étayer leurs théories. Les diffé-
rents problèmes que soulèvent la production, l'échange,
l'intervention du législateur dans ces domaines, tous ces
problèmes ont été posés en Grèce et en Italie, il y a deux
mille ans. Nous suivrons donc la méthode adoptée par
Blanqui dans sa classique Histoire^ de r Economie poli-
tique, et nous indiquerons successivement les traits essen-
tiels de la politique économique des Etats européens ou,
du moins, les idées directrices de cette politique écono-
mique, avant d'aborder l'étude de la science économique
fondée au xviii® siècle. Nous ne parlerons pas ici des mo-
narchies orientales, parce que leur histoire se lie moins à
la nôtre, que les conditions sociales et économiques sont
tout autres dans ces pays, presque tous voisins de la zone
tropicale, surtout enfin parce que les faits les plus saillants
sont exposés dans les articles auxquels nous renvoyons
également pour tous les détails de l'histoire économique
(V. Banque, Capital, Change, Commerce, Concurrence, Con-
tributions, Crédit, Crise, Dette, Douane, Epargne, Escla-
vage, Etat, Exportation, Finances, Importations, Impôt,
Industrie, Intérêt, Libre-Echange, Luxe, Monnaie, Paupé-
risme, Politique, Propriété, Rente, Richesse, Salaire,
Société, Travail, Usure, etc. V. aussi Civilisation,
Classes sociales, Collectivisme, Communisme, Démographie,
Socialisme, etc.).
L'étude du monde antique est fort instructive. Ainsi que
dit Blanqui, « Sparte, Athènes, Rome, ont eu leur économie
politique comme la France et l'Angleterre ont la leur.
L'usure, les impôts exagérés, les tarifs, les fermages exor-
bitants, rinsuffisance des salaires, le paupérisme ont affligé
les vieilles sociétés comme les nouvelles, et nos ancêtres
n'ont pas fait moins d'efforts que nous pour se débarrasser
de ces fléaux. On se tromperait étrangement si l'on croyait
qu'ils n'ont jamais réfléchi aux difficultés des réformes dont
ils sentaient le besoin. Quand on étudie avec attention la
législation financière des Grecs et des Romains, on ne peut
s'empêcher de reconnaître que les plus graves questions
d'économie politique ont de tout temps attiré l'attention de
ces peuples. H suffit de voir avec quelle sollicitude ils
veillaient sur leurs relations internationales, sur l'état civil
des étrangers, sur la nature et les effets des impôts, sur
les encouragements à donner à l'agriculture et sur le régime
de la navigation. » Dans le cadre assez restreint de la cité
antique, l'expérience des gouvernements fit adopter à plu-
sieurs une véritable doctrine économique ; ils conformè-
rent leurs lois et règlements à des théories. A cet égard,
comme pour toute la science politique, ils furent bien supé-
rieurs aux hommes du moyen âge. Après les grandes décou-
vertes accomplies au xvi« siècle et le bouleversement écono-
mique qui en fut la conséquence, on vit enfin les « hommes
d'Etat et les savants remonter à la cause première de ces
révolutions, causes dont l'étude constitue aujourd'hui la
science économique. Nos pères ont fait de l'économie poli-
tique sans en connaître les principes, comme la plupart des
hommes vivent sans être initiés aux phénomènes physio-
logiques de la vie. Colbert seul, parmi tous les ministres
auxquels il fut donné de rendre des édits en ces graves
matières, Colbert seul paraît avoir eu un système comme
plus tard Law devait avoir le sien, comme les économistes
du xviii^ siècle ont proclamé le leur. Mais ces hautes intelli-
gences ne peuvent pas être considérées comme le foyer
primitif d'où la science est sortie toute faite. Quand nous
exposerons les idées de Platon, d'Aristote, de Xénophon,
sur des questions si admirablement posées par Adam Smith,
et si vivement controversées de nos jours, il sera difficile
de ne pas reconnaître que ces génies antiques en ont entrevu
l'importance et préparé la solution. » L'étude de l'économie
politique des anciens et de leurs théories à ce sujet est donc
un excellent préambule à l'étude de la science économique
et de son évolution depuis un siècle.
En retraçant l'histoire des idées économiques qui se sont
succédé depuis deux mille cinq cents ans dans les civiHsa-
tions européennes, il va de soi que nous ne prétendons pas
donner l'histoire économique des peuples dont il sera ques-
tion. On en trouvera les linéaments dans les articles Com-
merce, Esclavage, Industrie, Monnaie, et dans un grand
nombre d'articles spéciaux auxquels nous renvoyons le
lecteur. Cependant, il serait impossible d'esquisser l'his-
toire des idées économiques sans dire quelques mots de
l'histoire économique; en effet, les idées se sont constam-
ment modifiées sous l'influence de changements dans la
situation matérielle des peuples, de progrès de la technique
industrielle, de bouleversements politiques et sociaux, etc.
D'autre part, le mouvement philosophique n'a cessé d'in-
fluer sur les théories économiques. Mais, ces réserves une
fois faites, nous nous bornerons autant que possible à
l'exposé historique des idées.
— 481 -
ECONOMIE
Nous commencerons cette histoire à l'ancienne Grèce.
Au point de vue économique, les monarchies orientales
furent en général mieux réglées que les cités grecques.
Mais c'est en Grèce que se produisit le développement de
la pensée abstraite et de la spéculation philosophique inau-
gurée par les écrivains ioniens du vi« siècle; ce sont les
philosophes grecs qui nous ont fourni les rudiments de notre
organisation et de nos théories sociales et économiques. La
puissance de leur génie, la netteté de leur analyse, la per-
fection de leurs systèmes politiques, ont souvent fait illu-
sion, et en lisant telle ou telle page on croirait avoir
affaire à une société pareille à la nôtre. 11 n'en est rien ;
les différences sont radicales entre les peuples de l'antiquité
classique et les nôtres. La société gréco-romaine est fondée :
i^ sur l'esclavage, d'où résulte une tendance à mépriser le
travail, surtout le travail manufacturier, regardé comme
servile ; 2° sur la toute-puissance de l'Etat. L'agent de
production est exclu non seulement de la direction des
affaires, mais le plus souvent de la culture intellectuelle ;
le citoyen est considéré, non pas comme producteur, mais
comme possesseur de la richesse matérielle. L'idéal des
Grecs est d'assurer à une classe dirigeante des loisirs suffi-
sants pour perfectionner sa beauté et sa force physique,
cultiver son intelligence, l'appliquer aux affaires publiques.
Les Doriens réalisent une division du travail social, aussi
complète que dans le régime des castes; à Sparte, en Crète,
les descendants de la race conquérante se bornent à la pro-
fession militaire; au-dessous d'eux est la classe laborieuse
qu'ils exploitent. La démocratie athénienne mit le travail
en honneur (V. Démocratie) ; mais c'est une exception, et
les philosophes athéniens sont très méprisants pour les
travailleurs. Platon déclare que la nature n'a pas fait de
cordonniers ni de forgerons ; de telles occupations sont
dégradantes, ceux qui les exercent sont de vils merce-
naires, des gens sans nom, exclus par leur état même des
droits politiques ; dans sa cité idéale, Platon ferait con-
damner à un an de prison le citoyen qui se serait avili par
le commerce en boutique. Celui-ci ne peut être permisqu'aux
étrangers. Le magistrat tiendra un registre exact de leurs
opérations et ne leur permettra de faire qu'un très petit béné-
fice. Xénophon condamne aussi les arts manuels comme in-
dignes du citoyen, surtout parce qu'ils déforment le corps, ne
laissent nul temps à consacrer à la république ou aux amis.
Ces théories nous semblent insensées ; il ne faut pas oublier
qu'elles sont une conséquence du principe de la division du
travail poussé à l'extrême ; il ne faut pas oubher non plus
que ce principe a eu pour la civilisation les plus heureuses
conséquences. Cette minorité de citoyens à peu près affran-
chis des soucis de la vie matérielle a produit une quantité
de chefs-d'œuvre incomparables, et nul système n'a donné
d'aussi extraordinaires résultats dans l'art, dans la science,
dans les lettres, dans toutes les branches de l'activité hu-
maine. On l'admirera encore bien davantage, si l'on songe
à la faiblesse numérique de la population grecque. L'appli-
cation radicale du principe de la division du travail et la
subordination des intérêts individuels à l'intérêt pubhc ont
fait à la Grèce antique une place à part dans l'histoire de
l'humanité. Ajoutons avec Sismondi que les Grecs avaient
une morale très haute, lorsqu'ils reconnaissaient que la
richesse n'a de prix qu'autant qu'elle contribue au bonheur
général ; ne la considérant pas abstraitement comme nous,
ils ont souvent eu des idées plus justes que les nôtres.
Leur économie politique, observe Blanqui « était éminem-
ment gouvernementale et réglementaire. Leurs écrivains
veulent que la loi se mêle de tout et ne laisse presque rien
à la liberté individuelle des citoyens. La cité n'est pour eux
qu'une vaste association où chaque habitant joue un rôle
convenu, ou bien une grande machine dont il représente un
des rouages. » Celui qui va le plus loin dans ce sens est
Platon. Dans la classe supérieure de sa république, il éta-
blit le communisme pour supprimer tout intérêt privé et
consacrer l'homme tout entier au service public. Son rêve
est d'isoler sa cité idéale, de la préserver du contact de
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
l'étranger ; il veut qu'elle se suffise à elle-même et s'interdise
tout commerce extérieur. A côté de ces utopies, le philosophe
nous étonne par la finesse de son analyse ; il indique avec
une netteté parfaite les avantages de la division du travail
et de la spéciahsation, la nécessité d'une monnaie, symbole
du contrat d'échange; il explique comment l'inégale"^^ distri-
bution de la richesse est dangereuse. « Qu'est-ce qui perd
les artisans ? — - L'opulence et la pauvreté. — Comment
cela? —Le voici : Le potier devenu riche s'embarrasserait-
t-il beaucoup de son métier? —Non. —Il deviendra dejour
en jour plus fainéant et plus négligent? — Sans doute.—
Et par conséquent plus mauvais potier? — Oui. — D'un
autre côté, si la pauvreté lui ôte les moyens de se fournir
d'outils et de tout ce qui est nécessaire à son art, son travail
en souffrira ; ses enfants et les ouvriers qu'il forme en seront
moins habiles. » Pour maintenir l'équilibre dans sa répu-
blique, Platon prend les plus grandes précautions contre
un accroissement de la population ; il tient à maintenir
l'égahté des fortunes et la division de la propriété. Enfin,
il veut que le gouvernement intervienne sans cesse, dans
le détail, pour maintenir la morale et le bon ordre, mais
aussi pour assurer à la population toutes les nécessités et
tous les agréments de la vie.
Xénophon est un esprit plus pratique que Platon ; c'est
un homme d'action. Il s'occupe surtout de l'économie do-
mestique; quand il parle de l'économie poHtique, c'est avec
un grand bon sens. Il a, comme ses contemporains, une
prédilection pour l'agriculture; mais il reconnaît l'impor-
tance de l'industrie manufacturière et du commerce. Il a
des idées fausses sur la monnaie, partage l'erreur com-
mune qui regarde les métaux précieux comme étant la
richesse par excellence ; il avance même que la grande
abondance de l'argent n'en ferait jamais baisser le prix;
cependant il s'aperçoit que l'on ne s'appauvrit pas lorsqu'on
exporte de la monnaie en échange d'objets utiles.
^ Aristote, le plus puissant des théoriciens politiques de
l'antiquité, a abordé les problèmes économiques dans sa
Politique. Il n'a pas ou presque pas l'idée de l'évolution
historique d'un phénomène ou d'une loi sociale ; mais, en
revanche, il sent bien l'étroite cohérence de toutes les études
relatives à la société, des chapitres de la sociologie : éthique,
politique, économie. Quand il parle de la richesse, il l'en-
visage, non comme une fin en soi, mais comme un élément
de la vie de la collectivité. Il attribue l'origine des sociétés
aux besoins psychologiques de la nature humaine plus
qu'à des nécessités économiques ; il veut sauvegarder la
liberté et l'initiative individuelles, la propriété personnelle ;
il est partisan de l'esclavage. Il appHque à la théorie des
richesses le nom de chrématistique . Cette partie de son
œuvre renferme des analyses souvent citées : « Tout objet
de propriété, dit-il, a deux usages, tous deux inhérents à
l'objet, avec une destination particulière. L'un est l'usage
naturel, l'autre est l'usage artificiel. Ainsi l'usage naturel
d'une chaussure est de servir à marcher, son usage arti-
ficiel est d'être un objet d'échange. » Peut-on mieux dis-
tinguer la valeur en usage de la valeur en échange? Ailleurs
il explique nettement le rôle de la monnaie, signe conven-
tionnel de la valeur, indique la révolution qui résulta de
son adoption et conclut en ces termes : « On s'est accou-
tumé à restreindre l'art de la spéculation à la seule mon-
naie ; on a pensé que l'unique fonction du spéculateur était
d'amasser des métaux précieux, parce que le résultat défi-
nitif de ses opérations est de procurer de l'or et des
richesses. Cependant la monnaie ne serait-elle pas un bien
imaginaire? Sa valeur est toute dans la loi. Où est celle
qu'elle a dans la nature? Si l'opinion qui l'admet dans la
circulation vient à changer, où est son prix réel ? Quel
besoin delà vie pourrait-elle soulager? » Quand il parle
de la production, Aristote est plus loin de nos idées ; il
serait disposé à regarder l'agriculture comme étant seule
directement productrice, les autres branches de l'industrie
qui transforment ou distribuent les produits n'ajoutant
rien de positif à la richesse totale de la communauté. Il
81
ÉCONOMIE
482 —
çpndamne le prêt à intérêt, parce que l'argent, par sa propre
efficacité, ne peut engendrer de l'argent. Il redoute un
accroissement excessif de la population de l'Etat et recom-
mande de la limiter prudemment.
Les Romains ont tourné leur activité vers la guerre et
la politique ; leurs idées économiques sont médiocres ; leurs
philosophes les empruntent aux Grecs. Essentiellement
agriculteurs, ils méprisent h travail manufacturier et le
commerce de détail. Ils furent victimes des lois écono-
miques, lorsque la substitution du travail servile au travail
libre et des latifundia aux petits champs ruina l'Italie et
détruisit la classe moyenne qui avait fait la force de leurs
armées. Leurs écrivains, constatant ces malheurs, sont
pleins d'éloges pour l'agriculture, pour l'antique simphcité ;
ils blâment le luxe, cause de corruption; aux moralistes,
comme Cicéron et Sénèque, s'ajoutent les écrivains agri-
coles auteurs de traités de re rustica, Caton, Varron,
Columelle; ils signalent le danger de la prédominance du
travail servile sur le travail libre. Columelle est partisan
résolu de la petite culture contre la grande. Les juristes
se sont occupés du prêt à intérêt et de l'usure que les
législateurs romains furent impuissants à réprimer. Les régle-
mentations somptuaires restrictives du luxe furent égale-
ment inefficaces. Les juristes ont bien compris la nature de la
monnaie, qui doit avoir une valeur propre et ne peut être
imposée par un acte de l'autorité publique, ni modifiée
arbitrairement. A un autre point de vue, les immenses
accumulations de capitaux amassés à Rome par la conquête
furent très nuisibles aux pays conquis sans profiter beau-
coup aux conquérants. Plus tard une circulation régulière
s'établit, la capitale drainant la monnaie par l'impôt que
lui payaient les provinces, mais la lui renvoyant par ses
achats. Le résultat fut la démoralisation complète de la
nopulation de Rome, inactive, parasite et très pauvre. La
paix romaine fut pour les vaincus un bienfait immense.
Le développement des routes donna au commerce le plus
srand essor. Le monde jouit d'une sécurité inconnue jus-
qu'alors. On connaît mal les causes de la décadence, de
l'empire romain, si prospère au second siècle de l'ère chré-
tienne. On admet, au premier rang, parmi les causes de
ruine, les imperfections sociales et économiques. L'escla-
vage,' qui portait tout le poids de cette société, en fut
écrasé ; le système fiscal, de plus en plus onéreux, devint
intolérable au iv^ et au v^ siècle; enfin la grande crise du
lïi^ siècle, en supprimant toute sécurité, interrompant le
commerce, avait détruit les capitaux qui ne purent se recons-
tituer d'autant que les impôts devenaient plus lourds, la
guerre et les pillages continuels. Plus la décadence s'ag-
grave, plus se multiplient les lois et les règlements écono-
miques : la fixation d'un maximum légal pour les prix des
denrées de toute nature est un dés faits économiques les
plus remarquables (V. Classes sociale;s et Empire romain).
Au point de vue de la richesse matérielle, comme au
point de vue du développement intellectuel et scientifique,
le moyen âge, du V^ au xiv<^ siècle, marque une période de
dépression profonde. Le développement du catholicisme et
la reconstitution d'un ordre social absorbent l'énergie des
penseurs et des hommes d'action. Les théories économiques
sont empruntées à la religion ou subordonnées à ses ensei-
onements. A l'époque féodale, la classe qui prédomine est
rurale et militaire; l'industrie manufacturière est dédai-
gnée, le commerce restreint, surtout par l'insécurité des
communications et le déplorable état des routes. Dans les
derniers siècles du moyen âge, le progrès recommence avec
le développement de la vie et la formation de la bourgeoisie
urbaine ; les croisades élargissent l'horizon, le commerce
augmente. Les principes économiques sont ceux du chris-
tianisme qui les consigne dans le droit canonique. La vie
est envisagée au point de vue des intérêts spirituels, non
matériels. L'idéal est la communauté des biens ; la pro-
priété personnelle est une institution nécessaire en raison
de la déchéance de l'homme ; mais, en certains cas, l'auto-
rité peut rétabhr cette communauté primitive. L'assistance
est due aux pauvres; la cupidité est la source de tous les
maux et doit être combattue énergiquement. L'agriculture
et l'industrie sont des modes d'acquisition légitimes ; mais
le commerce est mal vu parce qu'il s'allie constamment à
la fraude. Le marchand est tenu de fixer à ses marchan-
dises un prix légitime {justum pretium), non pas un prix
résultant de l'offre et de la demande. Il ne doit pas celer
les défauts de sa marchandise ni tirer avantage de la fai-
blesse de l'acheteur. Le prêt d'argent à intérêt est prohibe.
L'interdiction de l'usure est la grande préoccupation des
canonistes. La question de savoir si un prêt était ou non
usuraire est une de celles qui se présentaient le plus sou-
vent aux casuistes ou aux tribunaux de l'Eglise. Ces pres-
criptions ont un caractère de moralité indéniable, mais elles
ont nui beaucoup au progrès, dont l'intérêt personnel est
le grand ressort. Les progrès de l'industrie exigent a la
fois une division croissante du travail et l'emploi de grands
capitaux ; ceux-ci étant indispensables pour les grandes
entreprises, il fallut éluder les lois sur l'usure pour se les
procurer. Le prêt à intérêt interdit aux chrétiens devint la
spécialité des juifs. Les interdictions ne servirent qu'à
rendre les emprunts plus difficiles et, par suite, l'intérêt plus
onéreux. L'économie politique des canonistes était si exclu-
sive que force fut de faire des concessions. Quand on connut
Aristote, on adopta ses idées, les combinant avec celles du
christianisme ; c'est ce que fait saint Thomas d'Aquin ou
l'auteur du de Regimine principum. Il accepte même
l'esclavage, et cela au moment où il disparaît. L'affran-
chissement de la classe laborieuse est le fait essentiel de
l'histoire du moyen âge. On trouvera ailleurs le récit de
cette révolution (V. Classes sociales et Esclavage). Un
second changement, très considérable, fut la division des
travailleurs en patrons et ouvriers, la formation d une
classe de capitalistes producteurs. La solidarité du capital
et du travail se manifeste, alors que dans l'antiquité le capi-
taliste est essentiellement un exploiteur inactif, enrichi par
la guerre ou l'administration. Rappelons enfin l'organi-
sation des corporations, qui, dans les villes, groupent et
régularisent les efforts des ouvriers (V. Corporation). Non
seulement elles créent 1' « esprit de corps », assurent la
sécurité au travailleur, mais elles garantissent la qualité
technique des produits.
Au xiv^ et au xv« siècle, le système économique du moyen
âge s'effondre. L'Eglise, après sa longue lutte contre le
pouvoir temporel, apparaît incapable de gouverner le
monde. Celui-ci n'est plus aussi exclusivement livre aux
idées générales et abstraites ; l'énergie individuelle reprend
le dessus et ses efforts irréguliers bouleversent la société.
Il se forme des gouvernements forts qui y remettent l'ordre.
Les classes laborieuses croissent en importance ; la spécia-
lisation des fonctions est attestée par la formation d'armées
permanentes soldées pour défendre la population qui tra-
vaille. Les manufactures se développent ; il est vrai que
les guerres effrovables du xiv^ et du xv^ siècle enrayent le
progrès, mais elfes ne l'empêchent pas. Les villes italiennes,
enrichies par le commerce (V. ce mot), jettent les fonde-
ments du crédit public. Dans toute cette période, on s'occupe
peu de dissertations économiques, sauf pourtant en ce qui
regarde les questions financières. On discute fréquemment
les questions d'impôts, au moment où les gouvernements
rétablissent les taxes annuelles et régulières qui avaient
disparu avec l'empire romain. La question de la monnaie
est également examinée ; les erreurs économiques des rois
qui croient pouvoir l'altérer et en fixer arbitrairement la
valeur ont de désastreuses conséquences ; elles dessillent
les yeux, et l'évêque de Lisieux, Nicolas Oresme (mort
en 1382) donne une théorie de la monnaie à laquelle il
n'y a presque rien à ajouter (TractaMis de origine, natura,
jure et mutationibus monetarum, réimprimé par \yo-
lowski, 1864). Ni pour le fond, ni pour la forme, les éco-
nomistes modernes -ne peuvent dédaigner cet économiste.
Au xv^ siècle et au xvi% la découverte de la route des
Indes, la découverte de l'Amérique, la grande navigation,
— 483
ÉCONOMIE
la supériorité assurée aux peuples européens par l'usage
de la poudre à canon, la diffusion des idées résultant par
l'imprimerie et la gravure, la constitution de monarchies
centralisées pourvues d'une armée et d'un impôt permanent
inaugurent la période brillante de la civilisation moderne,
civilisation industrielle. Toutefois, il faut remarquer que
le plus grand mérite dans notre prodigieux avancement
économique revient à la science, dont les applications mé-
thodiques ont changé la face du monde : l'astronomie, qui
rendit possible la grande navigation ; la chimie, qui fournit
les explosifs et rendit impossible tout retour offensif de la
barbarie, qui transforma l'alimentation, le vêtement, toute
la vie domestique; les mathématiques, qui préparèrent
l'essor des arts mécaniques ; la physique, à qui nous devons
la vapeur, la télégraphie, etc. ; la médecine, qui doubla la
durée de la vie -humaine : tels furent, tels sont encore
les facteurs prépondérants ; ies hommes d'Etat, les phi-
losophes n'ont joué qu'un rôle secondaire. Les modifica-
tions sociales ont été surtout la conséquence de modifica-
tions économiques résultant des progrès de l'industrie. Les
transformations les plus considérables se sont accomplies à
partir de la fin du xvin« siècle. La période moderne, com-
prenant les trois siècles précédents, n'a fait que les pré-
parer. Elle n'en a pas moins eu une histoire économique
d'autant plus intéressante que les gouvernements centra-
Hsés ont eu une politique économique et des systèmes qu'ils
se sont efforcés d'appliquer dans l'espoir de s'enrichir. Ces
spéculations sont le point de départ de notre économie poli-
tique.
L'histoire moderne est signalée par la politique des gou-
vernements qui encouragent méthodiquement l'industrie et
s'efforcent de la réglementer. Ils ne peuvent mener à bien
leurs projets politiques et militaires que par l'organisation
des finances et, pour supporter les charges croissantes, ils
veulent augmenter la richesse de leur peuple. L'opinion
dominante alors est traduite par le système mercantile. On
regardait la monnaie, les métaux précieux comme étant la
richesse par excellence ; l'objectif était donc de les attirer à
soi par le commerce et de les accumuler. Chaque pays devait
donc vendre le plus qu'il pourrait de ses propres produits et
acheter le moins possible au dehors, de manière à recevoir
la différence en or ou en argent ; la balance du commerce
était favorable quand on recevait plus d'argent qu'on n'en
déboursait. Cette doctrine était contraire à celle du moyen
âge, oii la préoccupation principale était la crainte de man-
quer de produits et où chacun voulait d'abord se réserver
ceux de son pays, puis y ajouter ceux des autres. L'une et
l'autre doctrine sont restrictives de la liberté commer-
ciale et du progrès (V. Commerce et Libre-Echange). D'ail-
leurs, le système mercantile tel que nous venons de l'exposer
avec son cortège de prohibitions à l'importation des denrées
étrangères, à l'exportation des métaux précieux, est une
conception théorique extrême. En fait, les idées écono-
miques du xvii« siècle étaient plus complexes. Roscher
déclare qu'on ne peut les résumer en un axiome, mais
mieux en une suite de propositions marquant des tendances
plutôt que des théorèmes : importance excessive attachée à
la possession d'un grand stock de métaux précieux ; pré-
pondérance accordée au commerce extérieur sur le com-
merce intérieur, à l'industrie manufacturière qui trans-
forme les matériaux sur celle qui les produit (agriculture) ;
persuasion que le chiffre élevé de la population est l'élé-
ment essentiel de la puissance ; application de l'autorité
publique et législative pour réaliser toute fin conçue comme
désirable. Il est aisé de comprendre comment ces idées se
formèrent. Les découvertes géographiques avaient à la fois
développé le commerce et accru dans d'énormes propor-
tions la masse des métaux précieux. L'économie du temps
féodal, fondée sur les fournitures en nature, fait place à
une nouvelle économie où la propriété mobilière et la monnaie
ont un rôle prépondérant. On fut alors très frappé de ce
fait gue les métaux précieux étaient une richesse d'un genre
particuher, toujours employable et demandée en tout temps
et en tout pays, donnant la faculté d'acquérir tous les
autres biens. D'autre part, les besoins financiers des gou-
vernements centralisés firent sentir le prix de l'industrie ma-
nufacturière ; celle-ci provoque des concentrations d'hommes
et de capitaux plus grandes que l'industrie agricole ; elle
donne lieu à un commerce plus actif ; elle fut donc bien
plus appréciée et favorisée, d'autant que les produits manu-
facturés s'exportaient particulièrement aux colonies dont
l'exploitation semblait un des principaux revenus publics
(V. Commerce et Colonisation). Les gouvernements cher-
chèrent donc à créer chez eux toutes les espèces d'indus-
tries manufacturières ; ils les encouragèrent, mais aussi les
réglementèrent, afin de garantir la bonne quahté des pro-
duits exportés et par là leur renom sur le marché étran-
ger. L'Etat, des corporations ou des compagnies privilégiées
furent chargés de ce contrôle. On négocia des traités de
commerce avec la double préoccupation de s'ouvrir des
débouchés et de se réserver le plus possible le marché
national ; quant aux colonies, la métropole leur interdit de
commercer avec d'autres qu'avec elle-même. On trouvera
aux articles Commerce, Industrie et Libre-Echange des ren-
seignements plus détaillés. Ce que nous disons ici permet
de constater que la politique économique des nations mo-
dernes, celle particulièrement pratiquée au xvi^ et au
XVII® siècle, fut le résultat des circonstances et de l'obser-
vation plus que de vues théoriques préconçues. Cependant
on y apporta un esprit de méthode et de système remar-
quable, surtout au xvii« siècle.
Il est incontestable que ces idées, que nos économistes
regardent comme arriérées, ont, en leur temps, procuré
les plus grands bénéfices à ceux qui les professaient et les
appliquaient. La prédilection pour l'industrie manufactu-
rière et le commerce, l'intervention active du gouverne-
ment en leur faveur, furent très efficaces. La terre étant
toujours aux mains des nobles, les accroissements de la
richesse agricole n'eussent guère profité aux travailleurs et,
d'autre part, la science était trop peu avancée pour les sti-
muler; enfin la population des villes, plus instruite, était
plus susceptible d'une direction méthodique. Les efforts
officiels furent couronnés de succès; les manufactures se
multiplièrent, de grands progrès techniques furent réalisés,
les facilités croissantes de transport décuplèrent le trafic.
Enfin l'application du système 'mercantile et protecteur,
lorsqu'elle fut faite avec assez de méthode, eut les meil-
leurs effets. Elle permit aux nations de créer des indus-
tries dont la concurrence étrangère paralysait les débuts,
de s'assurer une marine nationale et le profit de leur
propre commerce. L'origine de la fortune économique de
l'Angleterre et de la France lui fut due. On s'est de-
mandé quel fut l'inventeur de ce système. La question ne
comporte pas de réponse précise. Cependant Charles-Quint
fut le premier souverain qui s'efforça de retenir le numé-
raire, de proscrire les marchandises étrangères, afin de s'en-
richir en vendant sans acheter ; il fut aussi Forganisateur
de l'exploitation coloniale, facilitée par la traite des nègres.
Les résultats pour l'Espagne furent désastreux ; mais, en
Angleterre, Henri VIII et Elisabeth obtiennent, d'une
politique analogue, de grands avantages. Cependant, au
XVII® siècle, la prépondérance commerciale appartient encore
à la Hollande. Elle lui fut enlevée par la politique de
l'Angleterre et de la France, nullement par le simple jeu
des lois économiques. L'«acte de navigation» d'une part,
d'autre part les ordonnances et règlements inspirés par
Colbert, sont les applications du système protecteur. Col-
bert en est le plus illustre représentant, à tel point qu'on
l'appelle souvent le colbertisme. « Il est le seul ministre qui
ait eu un système arrêté, complet et conséquent dans toutes
ses parties, et c'est l'honneur éternel de son nom qu'il Fait
fait triompher en dépit des obstacles de tout genre amon-
celés sous ses pas. Quoique ce système soit loin d'être irré-
prochable dans toutes ses parties, il était un progrès
immense au temps de son apparition, et nous n'avons rien
eu, depuis lors, qui puisse lui être comparé en fait d'étendue
— 484 —
ÉCONOMIE
et de profondeur. Son organisation semble avoir conservé
quelque chose du respect qui s attache aux fondations
religieuses; elle a fait secte. » (Blanqui, t. I, p. 410).
Colbert fut activement hostile à la classe des rentiers et a
celle des hommes d'office, qu'il considérait comme des pa-
rasites de l'Etat; il réduisait le nombre des charges, dont
un autre vice était d'immobihser des capitaux considérables
au détriment des classes laborieuses. Il révisâtes tarifs
de douane et en fit un moyen de protection pour les ma-
nufactures nationales au lieu d'une simple ressource fiscale
qu'elles étaient auparavant; il en atténua les rigueurs
par la création d'entrepôts. Il encouragea l mdustrie, ré-
duisant les droits d'entrée sur les matières premières les
augmentant sur les objets manufactures; il la disciplma,
surveillant avec soin la qualité des prodmts ; il encouragea
la marine par des primes. Il ne chercha nullement a créer
des monopoles éternels, puisqu'il proclama la hberte du
commerce des colonies. Son œuvre capitale fut son sys-
tème de politique douanière. La discipline qu il voulait
imposer aux manufacturiers devint fâcheuse, car elle gênait
l'esprit d'initiative et les améliorations. Cependant le col-
bertisme, dont le but était d'encourager l industrie natio-
nale, ^attei^nit si bien que, dans toute 1 Europe, on 1 imita.
Les fabriques se fondaient, le régime protecteur assurait
des profits aux capitaux qui s'y engageaient, et ces profits
les multipliaient. On se procurait ainsi en abondance
l'areent, forme tangible de la richesse, nerf de la guerre.
On ^énonce alors le système mercantde sous la terme
absolue que nous avons indiquée en premier lieu : le com-
merce intérieur ne fait que déplacer les biens, sans enri-
chir la nation, puisqu'il n'y augmente pas la masse du
numéraire ; la vraie source de la richesse est le commerce
extérieur, où les transactions se soldent en argent; il tant
vendre le plus possible, acheter le moms possible. Le sys-
tème protecteur favorise la création d'industries nationales
susceptibles d'exporter et restreint les achats à l étranger
V. Commerce, Libre-Echange et Monnaie). Nous avons
dit combien ce système s'accorde avec la formation des
nations modernes. Il y a une réelle solidarité entre les idées
de patriotisme exclusif et de nationalité qui n ont cesse de
se répandre depuis le xvn^ siècle et les idées économiques
que nous exposons. L'économie politique fut ici d accord
avec la politique. . i i-o.
La culture intellectuelle due à la Renaissance, la ditiu-
sion des idées facilitée par l'imprimerie, devaient susciter
des ouvrages où seraient débattus par des théoriciens ou
par des écrîvains, représentant des intérêts contradictoires,
tous les problèmes économiques. A la fin du xvi« siècle
commence une littérature économique dont l importance ira
sans cesse grandissant. La première chose qui trappa les
théoriciens fut le renchérissement général qui suivit la
découverte des mines américaines (V. Métaux et Monnaie).
Ce renchérissement troubla profondément toute la vie éco-
nomique, et il en résulta une crise d'autant plus grave
que les causes échappaient. La principale était la déprécia-
tion des métaux précieux (signe de la valeur), conséquence
fatale de leur plus grande abondance ; ajoutez les nuctua-
tions dans la valeur relative de l'or et de l'argent. L Italie
souffrait plus que les autres pays ; elle restait en dehors
des nouvelles routes commerciales, et, de plus, était divisée
et dévastée par des guerres incessantes. Le comte Gasparo
Scaruffi publie en 1582 son Discorso sopra le monete e
délia vera proporùone fra Voro e Vargento, où il pro-
pose l'adoption d'une monnaie universelle, de torme, de
composition, de valeur et de désignation identique d^ans
tous les Etats. Davanzati (de Florence) publie en lp88
ses Leùoni délie Monete, — Plus compréhensif était le
Français Jean Bodin, dont les principaux ouvrages sont :
Réponses aux paradoxes de M. Malestroit touchant
renchérissement de toutes choses et des monnaies
(1568), Discours sur le rehaussement et diminution
des monnaies (1578) et surtout les Six Livres de la
République (1576). Bodin a parfaitement saisi les rap-
ports entre la monnaie et la richesse, et dit que 1 interdic-
tion d'exporter les métaux précieux est absurde. Dans son
traité politique, il défend la propriété individuelle; i
approuve l'intervention protectrice du gouvernement et
attache la plus grande importance à la densité de la popu-
lation ; mais il soutient la hberte commerciale et attirme
contre Montaigne que ce qu'une nation gagne n est pas
acquis nécessairement au détriment dune autre. 1 déve-
loppe les éléments du système mercantde. -^f ^^g^^^^^^^^
William Stafford fait imprimer Rriefe Conceipte of Rnglish
Policy (1581), dialogue spirituel où il reproduit les idées
de Bodin et les applique à son pays; il prêche la p o^^^^^^^
tion de l'exportation des matières premières et de 1 impor-
tation de produits ouvrés. - En Allemagne, nous ne trou-
vons pas de traité théorique qui mérite d être signale ; mais,
dès 1530, une guerre de pamphlets entre la maison Ernes-
tine et la maison Albertine de Saxe avait donne heu a des
publications d'un réel mérite. Le duc George de la ligne
Ernestine voulait changer le cours de la monnaie ; ses pa-
rents de l'autre ligne firent écrire contre Im, en langue
allemande, un pamphlet, Gemeine Stymmen von der
Milntze; le duc fit répondre ; son apoogie contient les pre-
miers aperçus du système mercantde. La réplique des
Albertins est encore plus curieuse par la netteté de ses
considérations sur le rôle de la monnaie, la nature du com-
merce et de la richesse publique, etc.
Au xvii^ siècle, les théories se generahsent ; on discute
les problèmes économiques dans toute leur étendue ; voici
des traités d'ensemble. En 1613, celui du Calabrais An-
tonio Serra : Rreve Trattato délie cause chepossono
fare abbondare H regni d'oro e d'argento dove non
sono minière. Il développe le système mercantile et met
en relief la supériorité de l'industrie manufacturière sur
l'agriculture comme source de richesse et moye^^^ attirer
à smle numéraire : il s'appuie sur l'exemple des opulen^^
cités industrielles et commerçantes dltaie Gènes, Venise,
Florence, les opposant au royaume de Naples agricole et
pauvre. Il indique aussi l'importance des qualités morales
du peuple et celle d'une bonne administration, conditions
essentielles de l'enrichissement. -Deux années plus tard,
Schrestien de Watteville publie son Traité d'économe
politique (1615). Il a parfois été regarde comme onda--
feur delà science à laquelle il a ourm sa dénomination
nédise l'agriculture, mais traite les autres parties de son
sujet : malufactures, navigation, commerce finances pu-
bliques. Peu favorable à la liberté compte e du commer e
il fait surtout l'apologie du trafic avec 1 étranger et les
colonies. L'Anglais Thomas Mun expose la théorie de la
balance du commerce dans En^ftad'. Trm^^^^^^^
reian Trade (1664) ; il l'avait deja indiquée dans A Dis-
coiirsiofTrade from England unto the East Indies
(1621). Il invite l'Etat à réglementer la production indus-
trielle le commerce d'exportation et d'importation de ma-
nière à attirer chez lui l'argent étranger ; il J"g« ^^^^^^^^
l'interdiction d'exporter les métaux précieux en échange
de marchandises étrangères, attendu q^^V w an'nn nT
formées et réexportées, seront vendues plus f «MU on ne
les a achetées. Mun ajoute qu'd est dangereux da^oir une
trop grande abondance de numéraire en circulation parce
qu'il en résulte un renchérissement des denrées, qu 1 de-
Lt plus difficile de vendre au dehors. Il en conclu^^^a k
nécessité d'un trésor d'Etat où se concentrent les métaux
orécieux Un autre théoricien du système mercantile et colo-
STtkr JosiahChild, auteur'de l^ri.^ ^'^^mZ
concerninq Trade and the Mer est ofMoney (1658) et
Ta New mscourseof Trade ymS). Il Propo^e comme
modèle la Hollande et montre les immenses avantages qui
résultent du bas loyer des capitaux ; mais il en conclut que
le gouvernement doit l'imposer en limitant le taux de i in-
térêt Il insiste sur les avantages d'une population nom
brelse. Il accepte la doctrine le la balance du commerce
mais fait observer qu'on ne peut vendre sans ache er ^^^
doute que l'exportation des métaux précieux soit nuisiDie
— 485 —
ÉCONOMIE
en soi. Il est partisan du monopole du commerce colonial
au profit de la métropole et même de compagnies privilé-
giées. Il critique l'acte de navigation, mais lui est favorable
en principe. Sir W. Temple est aussi un grand admirateur
de la Hollande (Observations upon the United Provinces
of the Netherlands, 4672), partisan de la balance du
commerce ; il a bien vu que le travail est la source de la
richesse {Essay on the Trade of Ireland, 4673).
Les hommes d'Etat du xvn^ siècle ont été généralement
acquis au système mercantile ; ils Font appliqué avec plus
ou moins de'^radicaHsme et lui ont attribué, non sans motif,
le développement de l'industrie et du commerce, car ce fut
incontestablement une arme puissante dans la concurrence
économique entre les diverses nations. Mais en même temps
que la protection prévalait dans la politique, des philosophes
tiraient de l'analyse des phénomènes économiques des con-
clusions toutes différentes. Ils démontraient que la richesse
d'une nation n'est pas le résultat de l'accumulation de
métaux précieux, mais des ressources naturelles et du tra-
vail humain ; que le commerce étranger n'a pas de vertus
plus grandes que le commerce intérieur; que l'agriculture
est aussi importante que l'industrie proprement dite. On
insiste sur les inconvénients de ce formidable appareil de
règlements, de prohibitions, de monopoles, de privilèges
corporatifs dont les gouvernements ont encombré le champ
du travail ; on montre les avantages de la liberté. Tandis
qu'en Angleterre on se borne aux critiques, il se forme
en France une école d'économistes qui deviendront un
pouvoir dans l'Etat et qui se préoccupent surtout des ques-
tions sociales, protestant contre un régime oppressif et
proposant pour but aux gouvernements de procurer à la
population entière la plus grande quantité possible de bien-
être matériel.
Les philosophes anglais ne se bornent pas à l'étude de
l'économie politique ; ils l'abordent plutôt comme un cha-
pitre de la sociologie, dont Bacon a dit l'importance. Il faut
mentionner William Petty qui est un précurseur des grands
économistes. Il distingue dans la population deux parties :
la classe productive et la classe improductive ; la première
ne comprenant que les gens occupés du travail manuel, de
la production matérielle et directe. La mesure de la valeur
d'un objet est la quantité de travail nécessaire pour le pro-
duire; l'unité est le minimum nécessaire pour la vie quoti-
dienne d'un homme. La rente foncière est l'excédent de la
valeur marchande des produits sur le coût de la produc-
tion. Peu favorable à l'intervention publique, il ne juge
nécessaire à un pays que la masse de numéraire affectée
aux besoins de la circulation; il est monométalliste ; enfin
il attache grande importance à l'arithmétique politique
c.-à-d. à la statistique, dont il est un des fondateurs. Sir
Dudley North, auteur de Discourses wpon Trade (4 69d ) , est
le protagoniste du libre-échange. Il affirme que la richesse
existe indépendamment des métaux précieux, qu'elle résulte
de l'industrie humaine appliquée à la culture du sol ou au
travail manufacturier. Les métaux précieux ne sont qu'un
élément de la fortune publique. Leur raréfaction ou leur
surabondance sont des phénomènes qu'il faut laisser se
régler librement. L'exportation du surnuméraire surabon-
dant est un enrichissement, non un appauvrissement, car
la grande utilité du commerce est d'échanger des super-
fluités. Les nations sont vis-à-vis de l'humanité dans le
même rapport que les villes dans une nation, les familles
dans une ville ; North en conclut que le commerce inté-
rieur vaut le commerce extérieur. Le taux de l'intérêt
dépend, comme le prix de toute marchandise, du rapport
entre l'offre et la demande. Tout commerce, tout échange
est profitable, sans quoi il n'aurait pas lieu. Il faut laisser
les prix se fixer par le jeu naturel du négoce, sans les
réglementer. North est le précurseur d'Adam Smith ; ses
vues sont analogues, il ne lui manqua que le génie systé-
matique du grand économiste pour énoncer en lois et coor-
donner en un ensemble les idées qu'il avait. — Locke lui
est à cet égard très inférieur. Ses Considérations of the
lowering oflnterest and raising the value ofMoney
(4691) et Further Considérations (4698) témoignent
d'une certaine confiance dans le système mercantile ; il dit
que la richesse consiste en la possession d'une grande
masse d'or et d'argent et qu'un pays qui n'a pas de mines
ne les peut acquérir que par conquête ou commerce. Il
accepte la théorie de la balance du commerce. Il n'admet
pas l'intervention législative pour régler le taux de l'intérêt.
Les économistes français se font remarquer au début du
xviii® siècle par leurs protestations contre le colbertisme.
Les deux plus illustres sont : Pierre Boisguillebert, auteur
d'un Traité de la nature et du commerce des grains,
des Dissertations sur la nature des richesses, de l'ar-
gent et des tributs, et d'un Essai sur la rareté de Var-
gent. Il insiste avec la plus grande énergie sur cette vérité
que la richesse d'une nation ne consiste pas en métaux
précieux, mais dans les objets de consommation, spéciale-
ment dans les produits agricoles. Il invective cet « argent
criminel », simple esclave du commerce qui en est devenu
le tyran. Il condamne tous les règlements arbitraires im-
posés au commerce intérieur et extérieur, surtout ceux
qui gênent le commerce des grains. Il affirme que la
richesse nationale ne dépend pas du gouvernement, mais
de lois économiques naturelles qu'on ne peut transgresser
impunément. Sous un régime de liberté, les intérêts des
différentes classes de la société sont les mêmes, et ceux des
individus coïncident avec ceux de l'Etat. Les nations sont
sohdaires les unes des autres, comme les villes d'un même
pays. La grande différence entre les hommes est celle qui
sépare la classe laborieuse qui travaille pour vivre et n'y
parvient qu'à peine, de la classe des oisifs qui jouissent de
tout sans rien produire. Il faudrait renverser les rôles.
Les écrits de Boisguillebert sont animés de ce grand souffle
de philanthropie qui caractérise les écrivains français du
xviu^ siècle. — Le même éloge s'applique à ceux de Vauban
dont le principal ouvrage est le Projet d'une Dixme
royale (4707). Il déplore la misère des classes laborieuses
et trouve que le gouvernement doit assurer le bien-être de
tous les membres de la communauté ; les classes labo-
rieuses sont la base de l'organisation sociale ; la richesse
nationale résulte du travail et spécialement de l'agricul-
ture ; l'industrie a surtout besoin de liberté. Comme Bois-
guillebert, Vauban veut supprimer les impôts indirects,
les remplacer par un impôt sur le revenu ; il veut que cet
impôt unique soit égal pour tous ; la dîme royale com-
prendra le dixième des produits agricoles, le dixième des
revenus des industriels ou des commerçants.
La détresse financière et l'épuisement des forces produc-
tives de la France, signalés par Vauban et Boisguillebert,
décidèrent le régent à patronner une opération qui est le
plus remarquable exemple d'une application de théories
économiques à la politique ; nous voulons parler de l'entre-
prise de Law (V. ce nom). Ce fameux spéculateur, très
informé des mécanismes du crédit public, qu'il a parfaite-
ment exposés dans ses Considérations sur le numéraire,
frappé des bienfaits que l'activité de la circulation moné-
taire réalisait en Hollande, convaincu comme tant d'autres
que l'abondance de la monnaie était une cause essentielle,
de richesse par le développement qu'elle donnait à l'indus-
trie, jugea que les banques de circulation permettaient de
suppléer au numéraire, de décupler la somme de la mon-
naie par la puissance d'un crédit garanti par l'Etat et, par
suite, d'activer le travail sous toutes ses formes en lui
fournissant les capitaux à bon marché et en multipliant les
achats. Il voulait aussi affranchir les travailleurs du despo-
tisme des prêteurs d'argent en leur donnant la commandite
du crédit de l'Etat. « C'est au souverain à donner le crédit,
non à le recevoir. » Son disciple, Dutot, a décrit dans les
Réflexions politiques sur les finances et le commerce
(4738) les heureux résultats obtenus par la banque de Law,
résultats conformes aux prévisions de l'inventeur. Il obtint
ce résultat de faire préférer le papier-monnaie au numé-
raire par le public . Il conçut un projet plus vaste : « Réunir
ÉCONOMIE
— 486 —
en une association commune tous les capitalistes de France
et leur faire mettre en commandite tous les éléments de la
richesse publique depuis la propriété foncière jusqu'aux
éventualités du commerce colonial. Quelle plus belle hypo-
thèque que la France ! et quelle valeur une telle garantie
devait acquérir, quand le crédit assuré au plus humble
propriétaire ouvrirait une carrière illimitée aux améliora-
tions de toute espèce ! » (Blanqui, t, II, p. 71). On verra
ailleurs (V. Banque et Law) comment les exigences du
gouvernement et surtout la spéculation organisée sur une
de ces entreprises coloniales, dont le mirage n'a cessé
d'abuser nos compatriotes, entraîna la ruine du système de
Law ; il acheva de se discréditer par les mesures les plus
tyranniques et les plus contraires à ses principes. Mais il
n'en est pas moins certain que cette expérience économique,
la plus colossale qui ait jamais été tentée, eut d'heureux effets
malgré la banqueroute finale. Elle créa en France les pre-
mières valeurs industrielles, fournissant un placement aux
petits capitaux, un emploi à l'épargne, diminua l'intérêt de
l'argent ; elle mobilisa la propriété foncière. Les projets les
plus audacieux de certains réformateurs ne dépassent pas
ce que Law réahsa pendant deux ou trois ans. Les spécu-
lations de bourse qui détruisirent son œuvre ne doivent
pas en faire oublier la grandeur. Au point de vue qui nous
intéresse, elle demeure l'exemple le plus étonnant et le plus
complet d'une pohtique économique procédant uniquement
d'une théorie.
Les économistes qui vinrent ensuite développèrent des
principes opposés, sous l'influence d'une réaction bien na-
turelle. Blanqui l'explique en ces termes : « De toutes les
valeurs industrielles écloses sous l'atmosphère embrasée du
« système », il ne restait plus rien que la ruine, la désola-
tion et la banqueroute. La propriété foncière seule n'avait
pas péri dans cette tourmente. Elle s'était même améliorée
en changeant de mains et en se subdivisant. L'importance
qu'elle acquérait ainsi tout à coup augmenta considéra-
blement sa valeur, et bientôt l'activité des esprits désillu-
sionnés de spéculations se porta vers la culture du sol
pour lui demander réparation des malheurs du système.
On eût dit que chaque homme avait besoin de se reposer à
l'ombre de sa vigne et de son figuier des secousses et des
agitations de la bourse. Jamais transition ne fut plus
brusque. On y procédait toutefois au travers d'un monceau
de livres. Il pleuvait des écrits sur la circulation, sur le
crédit, sur l'industrie, sur la spéculation, sur le luxe :
chacun voulait expliquer la crise dont on sortait et croyait
avoir trouvé pour sa consolation le mot de cette énigme.
On avait pensé pendant quelque temps que l'argent était la
richesse par excellence et qu'en multipliant le papier qui
la représentait on multipliait la richesse elle-même. Mais
le renchérissement de toutes choses et la chute du papier
avaient dessillé les yeux des plus aveugles, et, comme c'est
l'usage dans les circonstances semblables, on avait passé
de l'engouement à l'aversion, du fanatisme à l'incrédulité.
Il n'y avait plus désormais de richesse véritable que la
terre, et de revenus assurés que ceux qui émanaient de son
sein. C'est de cette réaction qu'est sorti le système agricole,
plus connu sous le nom des économistes ou de Quesnay
qui en fut le principal fondateur. C'est aussi le premier
système qui ait fait école et qui se soit formulé avec une
précision dogmatique assez rare dans les annales de la
science. » Telle est la raison pour laquelle on le place d'or-
dinaire en tête de l'histoire de l'économie pohtique. C'est
à partir de cette époque que celle-ci se présente comme un
corps de doctrine homogène.
Les chefs de la nouvelle école qui s'intitulaient les
économistes^ mais auxquels on applique le plus souvent le
nom de ptiysiocrates (inventé par Dupont de Nemours),
furent François Quesnay (1694-1774) et Jean -Claude-
Marie Vincent, sieur de Gournay (1712-1759). Stanley
Jevons a voulu reporter à Cantillon, auteur d'un Essai
sur la nature du commerce en général (1753), l'honneur
d'avoir été le promoteur des nouvelles doctrines. Mais,
en réaHté, il convient de le laisser à Quesnay. Nous ren-
voyons à sa biographie en citant ses articles Fermiers et
Grains de l'Encyclopédie (1756-57), ses Maximes géîié-
raies de gouvernement économique d'un royaume agri-
cole (1758) et son Jableau économique. Son système
économique fit d'autant plus d'effet qu'il se présenta flanqué
d'une réforme financière. Jusque-là on avait peu parlé de
l'agriculture. Quesnay déclara que toutes les richesses
provenaient de la terre, attendu que c'était d'elle que les
hommes tiraient leur ahmentation et les matières pre-
mières de toutes les industries. Le travail appliqué à la
terre produisait de quoi s'alimenter lui-même, et, de plus,
un excédent qui s'ajoutait à la masse des richesses exis-
tantes. Cet excédent fut dénommé le produit net, La
faculté créatrice fut refusée par Quesnay aux autres indus-
tries qui se bornaient à transformer les produits du sol,
parce que, disait Quesnay, leurs produits ne représentaient
que l'équivalent de la matière première, plus la somme de
leurs consommations durant le travail, de telle sorte que
le total des richesses était le même après qu'avant ; il n'en
était autrement que dans le cas où les maîtres ou les ou-
vriers avaient mis en réserve, épargné ce qu'ils auraient
pu consommer. Le travail agricole était seul productif; les
autres n'augmentant pas le capital social, ne faisant qu'en
modifier la forme, étaient stériles. C'était donc une néces-
sité naturelle que les propriétaires fonciers eussent la pré-
pondérance dans l'Etat. Recueillant la totalité des produits,
ils en distribuaient une part aux non-propriétaires sous le
nom de salaire. Les économistes en concluaient qu'on ne
pouvait mettre d'impôts sur les salaires; il ne devait y
avoir qu'un impôt unique, V impôt territorial^ lequel
devait être levé sur les propriétaires fonciers et déduit
de leur produit net. L'intérêt fondamental de l'Etat était
de multiplier les produits agricoles. Préoccupés surtout de
la classe foncière, les économistes voulant lui assurer le
bon marché par la concurrence des vendeurs, prêchèrent
la liberté absolue de l'industrie et du commerce. Ils adop-
tèrent la célèbre maxime « Laissez faire , laissez passer ».
Quesnay, médecin de Louis XV, était aimé du roi qui im-
prima lui-même les épreuves de son Tableau économique
avec l'épigraphe « Pauvres paysans, pauvre royaume;
pauvre royaume, pauvre roi ». Cet ouvrage indiquait la
distribution du revenu territorial résultant des lois de la
production. Il avait l'allure dogmatique et scientifique d'un
traité de mathématiques. Son succès fut prodigieux et on
y vit le catéchisme d'une science, d'une foi nouvelle. Les
Maximes insistaient sur le rôle du gouvernement et sur le
côté politique de ces questions. C'est là aussi que les écono-
mistes remportèrent les plus brillants succès. Dénonçant
sans relâche les abus des privilèges et mesures restrictives,
corporations, douanes, corvées, impôts mal assis, soulevant
les problèmes sociaux les plus graves, ils eurent une grande
influence sur tous les princes réformateurs de la seconde
moitié du xvm^ siècle, Joseph II, Catherine de Russie, le
grand-duc de Toscane, etc. En France, à côté de Quesnay
et de Gournay, de leurs élèves, Mercier-Larivière, l'abbé
Bandeau, il faut citer des hommes p'olitiques, Trudaine,
Malesherbes, d'Argenson, Turgot. Leur passion pour la
liberté commerciale, leur hostilité pour l'impôt indirect se
sont perpétuées. Malgré l'antagonisme de Voltaire et de
Montesquieu, les économistes firent autant que les philo-
sophes pour renouveler la société européenne et préparer
la Révolution française. Ils étaient universellement res-
pectés, Quesnay surtout, à cause de leur conviction et de
leur sérieux; leurs allures doctrinaires, leurs affirmations
dogmatiques faisaient grand effet. Une foule d'écrits, de
journaux, répandaient leurs idées.
A côté de (Quesnay, fils de cultivateur et panégyriste de
l'agriculture, il faut faire place à Gournay, négociant, qui
étudie particulièrement les questions commerciales; il fut
l'auteur de la formule « Laissez faire, laissez passer », com-
battit les monopoles et les droits sur les matières pre-
mières. Il a traduit Child, mais n'a écrit que des mémoires
— 487 —
ECONOMIE
adressés aux ministres. Ses idées sont exposées dans V Eloge
que lui consacra Turgot . Il n'a pas admis le paradoxe de
l'improductivité de l'industrie manufacturière et du com-
merce.
Un de leurs premiers disciples fut Victor Mirabeau
qui délaya en lourds volumes les théories de Quesnay,
mais soutint malgré son maître la petite culture contre la
grande. Outre fAmi des hommes, traité sur la po-
pulation (1756), sa Théorie de Vimpôt (1760) et ses
Economiques (1769), il a laissé une Philosophie rurale
ou Economie générale et politique de V agriculture
(1763), exposé complet du système physiocratique. Celui
qui inventa ce nom de physiocrates, par allusion à la
prééminence que l'école reconnaissait aux ressources na-
turelles, fut Dupont de Nemours (1739-1817), dont la
Physiocratie ou Constitution naturelle du gouverne-
ment le plus avantageux au genre humain (1763)
peut être regardée comme le catéchisme des économistes.
Un autre de leurs principaux écrivains fut Mercier-Lari-
vière, auteur de l'Ordre naturel et essentiel des sociétés
politiques (1767). C'est contre lui que Voltaire écrivit
V Homme aux quarante écus.
Une place éminente doit être réservée à Turgot (1727-
1781), qui mit en action le programme des économistes,
affranchissant le commerce des blés, supprimant les cor-
vées, abolissant les corporations en proclamant le droit
au travail. Il eut moins de succès en voulant réaliser
l'impôt territorial ou en condamnant les emprunts. Il agit
avec la sereine confiance et la hardiesse d'un croyant.
Comme théoricien, son œuvre principale est le Traité de
la formation et de la distribution des richesses (1766).
Il y expose admirablement la division du travail, le rôle
de la monnaie, le mécanisme du commerce, l'influence du
taux de l'intérêt sur toutes les entreprises. Il le compare à
une nappe d'eau répandue sur un pays accidenté : « Il suffit
que l'eau monte ou baisse d'un pied pour inonder ou rendre
à la culture des plages immenses. C'est l'abondance des
capitaux qui anime toutes les entreprises, et le bas prix de
l'argent est tout à la fois l'effet et l'indice de l'abondance
des "capitaux. » Turgot est le précurseur direct d'Adam
Smith. Il eut le mérite d'avoir le premier appliqué les idées
des économistes et de les avoir ainsi soumises par l'épreuve
de la pratique au jugement de tous.
Avant de passer à un autre chapitre de cet historique, il
nous faut présenter un tableau d'ensemble de la doctrine
physiocratique, car il serait injuste de ne la juger que sur
ses assertions les plus contestées. Elle repose sur une
théorie politique. Une société est formée d'individus ayant
des droits naturels égaux, chacun ayant la connaissance de
son intérêt particulier et étant naturellement incliné à le
suivre. L'union sociale résulte d'un contrat virtuel entre
eux ; elle limite la liberté naturelle de chacun dans la me-
sure où elle serait incompatible avec les droits des autres.
Le gouvernement est un mal nécessaire ; il ne doit inter-
venir que lorsque cela est indispensable. Dans l'ordre éco-
nomique, chaque individu a droit au produit qu'il peut
acquérir par son travail. Ce travail ne doit donc être gêné
en rien, et ses produits doivent être garantis au travail-
leur; de là résulte la légitimité de la propriété. Il faut que
chaque citoyen travaille le plus possible. Donc, liberté
absolue d'échange et concurrence illimitée sur le marché.
Vient ensuite la théorie de la productivité agricole et du
produit net que nous avons analysée d'après Quesnay.
Remarquons qu'elle repose sur une confusion entre la ma-
tière, l'énergie, qui est fournie par la nature et seulement '
transformée par l'homme, et la valeur qui résulte précisé-
ment de cette adaptation à nos besoins. Le grand résultat
obtenu par les physiocrates fut la destruction du système
mercantile, de la faveur exclusive pour l'industrie, de la
réglementation et des privilèges, en un mot de la méthode
suivie par les gouvernements européens depuis un ou deux
siècles. Leurs tendances individualistes et libérales, leurs
invocations du droit naturel, conformes aux idées régnantes,
à celles de Rousseau nommément, eurent une grande
influence sur la Révolution française. L'Assemblée consti-
tuante fit quelques tentatives pour réaliser le système phy-
siocratique. Celui-ci fut ensuite négligé pour celui d'Adam
Smith.
En Italie se manifestait à la même époque un mouve-
ment économique dû en grande partie à l'ascendant des
idées françaises. Un de ses premiers auteurs fut Bandini
(1677-1760), promoteur des réformes en Toscane. Antonio
Broggia (Tr^^^a^z dei tributi e délie monete e del governo*
politica delta società, 1743) et GirolamoBelloni (Disserta-
zioni sopra il commercio, 1750) sont encore des adeptes
de l'école mercantile; de même Genovesi (1712-1769).
C'est pour ce Napolitain que fut fondée en 1755 la pre-
mière chaire d'économie politique où cette science ait été
enseignée. Une autre le fut dix ans plus tard pour Bec-
caria ; mais dans l'intervalle on en avait établi une en
Suède, à Stockholm (1758). Genovesi publia son cours,
Lezioni di commercio, ossia di economia civile (il 69).
— Ferdinando Galiani est aussi partisan du système mer-
cantile (Délia Moneta, 1750) ; il dut sa réputation à ses
spirituels Dialogues sur le commerce des blés (1770),
où il soutient que le meilleur système est de n'en avoir
aucun ; il entra en discussion avec les physiocrates, avec
Morellet particulièrement. Ses idées étaient très arriérées.
— Cesare Beccaria (1738-1794) est plus avancé. Ses Ele-
menti di economia pubblica (1769-1771) résument son
cours. Il partage les idées des physiocrates, estime l'agri-
culture seule productive, les privilèges et monopoles nui-
sibles ; mais il est protectionniste en matière de commerce
extérieur et n'est pas acquis à la liberté du commerce des
céréales. — Son amiPietro Verri (1728-1797) fut un des
administrateurs de la Lombardie, où il eut occasion de
faire des réformes. Il renoncerait à la réglementation du
commerce intérieur et de l'industrie, mais veut que le gou-
vernement les protège contre la concurrence étrangère. Il
préfère la petite à la grande culture, rejette l'impôt ter-
ritorial. Dans ses Meditazioni suW economica politica
(1771), il adopte comme critérium « l'augmentation de la
reproduction », c.-à-d. des produits annuels du sol et du
travail ; est bonne une mesure qui augmente ce produit. —
Carli (1720-1795) montre la fausseté de la balance du
commerce (Ragionamenti sopra i bilanci economici
délie nazioni) ; il a réfuté la doctrine physiocratique de
la productivité exclusive de l'agriculture en signalant la
nécessité de plusieurs classes économiques dans une nation,
et les profits réflexes que la prospérité manufacturière vaut
à l'agriculture. — Vasco (1733-1796) blâme les corpo-
rations, la réglementation officielle de l'industrie, mais
voudrait que le gouvernement assurât la division de la
propriété foncière. — Filangieri (1752-1788) réclame la
liberté absolue du commerce et de l'industrie et se rallie
aux opinions des physiocrates. — Ludovico Ricci (1742-
1799) dans son rapport Sulla Riforma degli istituti
pii délia città di Modena (1787) traite à fond la question
de l'assistance publique et met en relief les dangers qu'en
présente l'abus. Il a des idées analogues à celles de Malthus.
— Francesco Mengotti se fait connaître par une vigoureuse
attaque contre II Colbertismo (1791) et le système pro-
tectionniste ; il fait ressortir (Del Commercio de' Romani^
1792), contre Iluet, les différences radicales entre les
civilisations antiques et modernes. — Giammaria Ortes
(1713-1790) rejette également les théories mercantiles et
physiocratiques ; il cherche son idéal dans l'organisation du
moyen âge, blâme le prêt à intérêt. Il croit que le chiffre
de la population est toujours proportionnel à la somme de
la richesse publique. Tout ce que le riche gagne est perdu
par quelque pauvre. Il est vain d'essayer d'accroître la
richesse publique ; on ne peut qu'en modifier la répartition
(Riflessioni sulla popolazione délie nazioni per rap-
porta air economia politica). Ortes admet que la popu-
lation s'accroîtrait normalement suivant une progression géo-
métrique, mais que cet accroissement est limité par la raison.
ECONOMIE
— 488
En Espagne, la liberté d'exprimer sa pensée était bien
moindre qu'en France ; la littérature économique y est bien
plus pauvre. Ustariz (Teorica y Practica del Corner cio
y Marina^ 4724) pousse à leurs conséquences extrêmes
les théories mercantiles. Le comte de Campomanes(1723-
1802) prélude comme Turgotpar des études économiques
à ses grandes réformes ministérielles et démontre que
l'Espagne doit chercher sa richesse dans son industrie na-
tionale, non dans les mines d'Amérique.
En Allemagne, on aborda les études économiques par le
côté politique et juridique. Pour préparer les candidats aux
tribunaux caméraux et conseils auliques, on institua dans
les universités un enseignement dit caméralistique sur
l'administration et les finances, bref sur les sciences poli-
tiques et économiques. Les théoriciens allemands furent
tous au xvii^ siècle partisans du système mercantile et de
la balance du commerce, Bêcher, Besold, Bornitz, Hor-
neck, Klock, Schrœder, Seckendorf ; jusqu'au milieu du
xvm® siècle cet engouement se maintient. Justi (-f l'^'^'l),
l'auteur du premier traité allemand d'économie politique,
en témoigne. Aux physiociates se rallient Schlettwein
(1731-1802), Manvillon (1743-1794) et le margrave de
Bade, Karl-Friedrich, qui rédige pour ses fils un médiocre
Abrégé d'économie politique (1772). Theodor Schmalz
(1764-1831) défendra obstinément ce système contre celui
d'Adam Smith. Le plus illustre économiste allemand du
xvm® siècle est JustusMœser (1720-1794), dont les Patrio-
tische Phantasien (1774) ont un renom littéraire. Il
défend les corporations, toute l'organisation du moyen âge,
à laquelle il souhaite de revenir. Il est surtout remarquable
par sa verve caustique et les critiques qu'il dirige contre
les théories en vogue.
En Angleterre, la première moitié du xviii^ siècle ne
nous apporte rien. Mais en 1752 et 1753 paraissent les
dissertations économiques de Hume (Political Discourses
et Essays and Treatises on Several S2ibjects).Le philo-
sophe y met ses qualités de penseur profond et subtil,
d'analyste perspicace et clair. Il traite de la monnaie, de
l'intérêt de l'argent, du commerce, des finances, etc. Il
réfute le système mercantile, montre le vrai rôle de la
monnaie et l'explique très habilement. Il analyse de même
le problème du taux de l'intérêt, explique les causes qui
le font hausser ou baisser. Parlant du commerce, il expose
comment les nations sont solidaires les unes des autres
par la division territoriale du travail ; partisan de la
liberté commerciale, il reconnaît pourtant les avantages
que peut présenter la politique protectionniste. Il n'admet
pas l'impôt unique des physiocrates, et critique les emprunts
publics par lesquels nous nous déchargeons d'un fardeau
sur nos héritiers. Ce qui est le plus intéressant chez Hume,
c'est en premier lieu son souci de montrer la cohérence entre
les données économiques et celles de la politique et de la
sociologie ; en second heu, l'emploi de la méthode historique,
qu'il substitue à la méthode dogmatique. Il a eu au plus
haut degré le sentiment de la solidarité de toutes les fonc-
tions de la vie sociale et de la relativité de chaque phéno-
mène à la période d'évolution à laquelle il correspond. Il
témoigne en ceci comme en tout de la puissance et de la
netteté de son esprit philosophique. Autant que les écono-
mistes français, Hume fut le maître d'Adam Smith, qu'il
dépasse singulièrement par l'ampleur de ses conceptions.
Josiah Tucker (-|- 1799) fut un apôtre du libre-échange.
Sir James Steuart s'en tient au mercantilisme {Inquiry
into thePrinciples of Political Economy, 1767), mais
très assagi ; malgré la valeur de son ouvrage, il fut vite
oublié, étant trop en dehors des idées libérales en vogue.
Adam Smith (1723-1790) révolutionna l'économie poli-
tique par ses immortelles analyses qui furent la base
des théories ultérieures. Il admet, comme les physiocrates,
le principe de la liberté naturelle, mais il procède suivant
une méthode toute différente, qu'il tient de Hume. Nous ren-
voyons à sa biographie pour le détail de ses ouvrages et
de sa théorie, rappelant qu'elle est développée dans ses
Piecherches sur la nature et sur les causes de la richesse
des nations (1776). En voici les traits principaux. C'est
le travail annuel d'une nation qui est la source d'où elle
tire sa richesse, c.-à-d. les produits nécessaires à sa
consommation et les produits qu'elle échange contre ceux
qu'ont créés les autres nations. La richesse provient donc,
non pas du sol, mais du travail humain ; c'est lui qui rend
la terre féconde. La richesse consiste dans la valeur échan-
geable des objets, et plus on possède ou produit d'objets
échangeables, plus on est riche. Le travail manufacturier
est donc producteur au même titre que le travail agricole.
Les capitaux représentent du travail accumulé ; ils ne peu-
vent être créés que par l'épargne. Ceci implique la réfu-
tation du système mercantile. Smith développe merveilleu-
sement les effets de la division du travail ; il en prouve les
avantages d'une manière péremptoire. Il montre comment
les produits s'échangent par l'intermédiaire de la monnaie ;
il analyse les éléments du prix des marchandises, les fonc-
tions de la monnaie. Il établit que les prix résultent de la
loi de l'offre et de la demande. Toutes ces démonstrations
sont classiques. La théorie de la monnaie réelle et fidu-
ciaire, des billets de banque, du papier-monnaie, toute la
science du crédit, reposent encore sur les définitions et les
travaux d'Adam Smith. Il distingue la valeur en échange
de la valeur d'usage. Le rapport entre deux valeurs
d'échange s'exprime en une valeur conventionnelle, la
monnaie ; c'est le prix. Dans le prix, il faut distinguer le
prix réel, ou prix de revient, du prix nominal. Le prix
comprend trois éléments : salaire du travail, profit de
l'entrepreneur, rente de la terre qui a fourni la matière
première. Smith explique comment s'établissent le taux des
salaires, le taux des profits, la rente de la terre (produit
net ou fermage). La richesse, une fois créée, se divise en
deux parties, celle qui est consommée, celle qui, mise en
réserve, forme le capital et va fournir un revenu. Le
capital est tantôt engagé, tantôt circulant ; ici nous retrou-
vons la question du taux de l'intérêt. Le travail favorisé
par le capital dispose de toute sa puissance. Smith affirme
que l'intérêt privé porte nécessairement les capitalistes à
préférer l'emploi le plus favorable à l'industrie nationale,
parce que ce sera aussi le plus avantageux pour eux. Il est
donc partisan de la liberté illimitée de l'industrie et de la
concurrence. Quant aux impôts, puisque toute forme de tra-
vail est productive, que tout citoyen peut créer des valeurs,
il doit à l'Etat sa part de contribution, de coopération aux
charges publiques. Adam Smith, accordant toute l'importance
au travail, a négligé le rôle de la terre et des capitaux dans
la création des produits; il n'a pas tenu compte du travail
intellectuel en bornant la qualification de richesse aux va-
leurs fixées dans des substances matérielles ; il n'a pas fait
une place suffisante au commerce, ni bien analysé son rôle
dans la production générale. Sa théorie est toute indivi-
dualiste et égoïste ; il néglige l'altruisme et les passions
désintéressées ; il est bien optimiste quand il affirme que
le bien de la communauté est atteint sûrement par le
libre jeu des cupidités individuelles ; ces assertions sont la
conséquence d'idées à priori sur le droit naturel, la liberté
naturelle; réduisant tout au gain individuel, il distingue
artificiellement la valeur d'échange de la richesse, et, par
suite, donne à l'économie politique un caractère abstrait
et superficiel; l'isolant de la biologie et de la sociologie,
il ne pose pas la question de l'utilité sociale réelle ; c'est
chose hasardeuse de répudier toute intervention régulatrice
de l'Etat; Smith supprime toute considération de but
moral de l'existence; regardant la richesse comme fin, non
comme moyen, il aboutit à un matérialisme brutal; il
oublie trop que l'homme est le membre d'une société, un
produit de l'histoire, et qu'on ne peut l'envisager isolément
de la phase d'évolution sociale où il vit. Il s'en faut donc
que l'œuvre de Smith soit complète ; les principes en ont
été contestés depuis, surtout par ceux qui se placent au
point de vue social. Mais telle quelle, avec ses lacunes, la
théorie de Smith demeure le fondement de l'économie poli-
tique classique ou orthodoxe et le point de départ obligé
de tout débat en ces matières, sur le rôle du capital et du
travail, de la monnaie et du crédit.
L'individualisme d'Adam Smith, livrant le monde écono-
mique à la concurrence et supprimant toute intervention
modératrice du gouvernement, ne devait-il pas nuire au
bonheur social ou même au bonheur individuel? Une théorie
de la formation des richesses pouvait-elle être appliquée
sans danger à la politique ? Le problème fut posé sur-le-
champ. Smith écrivait au moment même où une série de
découvertes allait transformer l'industrie par le travail des
machines. Sa doctrine, essentiellement industrielle, en pro-
fita, mais elle devint solidaire des dangers créés par la
nouvelle situation économique. La question sociale apparut.
Le matérialisme de l'économiste écossais ne pouvait y
échapper (V. Industrie et Socialisme). Le premier qui
l'aborda fut un conservateur, Thomas-Robert Malthus
(17136-1834) ; il apporta dans cette étude l'implacable
rigueur d'analyse de son maître. L'ouvrage de Malthus (i^z
Essay on the Principle of Population, as it affects the
future improvement of Society, with Remarks on the
spéculations of Mr. GodwinJIr. Condorcet and other
Writers, 1 798) est dirigé contre les publicistes français et les
idées révolutionnaires. L'argumentation d'Adam Smith avait
été généralement admise; on savait désormais comment se
forment et circulent les richesses ; mais pourquoi sont-elles
si inégalement réparties entre les différents membres de la
société? Ce problème fut abordé par la Révolution française
qui déclarait que TinégaUté économique et les fléaux qu'elle
implique étaient le résultat d'une mauvaise organisation poli-
tique. Le plus brillant représentant en Angleterre de ces
idées était William Godwin; il publia, en 1793, Enquiry
concerning Political Justice et soutint que l'imperfection
des institutions politiques et les vices des gouvernements
étaient la cause du malheur social. Il y a plus de richesses
qu'il n'en faudrait pour le bonheur de tous ; leur égale
répartition assurerait une sorte d'âge d'or. Cette thèse,
reprise dans un article de VE7iquirer sur la prodigalité et
l'avarice, donna lieu à une vive discussion entre Malthus
et son père ; le premier rédigea alors son fameux essai pour
réfuter Condorcet et Godwin. Il s'efforce de prouver que le
mal social est le résultat fatal du simple jeu des lois éco-
nomiques et qu'il est la condition du progrès. Malthus pose
en principe que la population, par le simple effet de la repro-
duction, s'accroîtrait en proportion géométrique; les sub-
sistances indispensables pour la nourrir ne s'accroissent pas
avec la même rapidité, mais seulement selon une progres-
sion arithmétique. Les provisions seraient vite épuisées si
les maladies, la misère ne rétablissaient l'équilibre ; un Etat
oii tous jouiraient du bien-être ne pourrait durer; la mul-
tiplication des hommes n'étant pas enrayée, en peu de temps
la masse des vivres deviendrait insutTisante ; la lutte pour
l'existence s'imposerait et ramènerait aussitôt l'inégalité des
conditions. Cet essai polémique fut ensuite développé par
Malthus, qui compléta sa théorie en 1803 {Essay on the
Principle of Population, or a view of its Past and
Présents Effects on Human Happiness; with an En-
quiry into our prospects respecting the future removal
or mitigation of the evils which it occasions. L'écono-
miste a fait passer dans son langage l'inflexibilité des lois
naturelles qu'il invoque : « Un homme, dit-il, qui naît
dans un monde déjà occupé, si sa famille n'a pas le moyen
de le nourrir ou si la société n'a pas besoin de son travail,
cet homme n'a pas le moindre droit à réclamer une portion
quelconque de nourriture, et il est réellement de trop sur
la terre. Au grand banquet de la nature, il n'y a point de
couvert mis pour lui. La nature lui commande de s'en aller
et elle ne tarde pas à mettre elle-même cet ordre à exécu-
tion. » Ce que Malthus dit de la lutte pour l'existence
{struggle for life) est son idée la plus géniale ; depuis,
Darwin en a fait le facteur essentiel de l'évolution et du
progrès par le mécanisme de la sélection naturelle. L'hon-
neur de la théorie revient bien à Malthus, d'autant qu'il
9 _ ÉCONOMIE
n'a hésité devant aucune de ses consécjuences. L'élimina-
tion des faibles, leur extermination, lui semble logique ; il
ne recule pas devant l'éloge de la guerre, des épidémies,
des famines. Nul système, même celui des physiocrates,
n'a été ainsi poussé à ses extrêmes résultats. Malthus
fait remonter tous les maux à la surproduction de la
population. Il proclame le danger de la charité, des au-
mônes privées, surtout de l'assistance publique. Ce sont
des encouragements à la paresse; leur principal résultat
est de multiplier le nombre des misérables, car rien n'est
prolifère comme la misère. Les lois des pauvres et tous les
efforts faits en Angleterre pour l'assistance publique sont
des moyens d'accroître artificiellement la population, de
préparer des maux incalculables en troublant le jeu des lois
naturelles. L'économiste propose enfin un remède, une con-
trainte morale pour limiter l'accroissement. Il s'efforce de
démontrer aux travailleurs qu'ils vont contre leur intérêt
en multipliant le nombre des enfants ; ils se créent des
concurrents, provoquent la baisse des salaires en exagérant
l'offre de travail en face du capitaHste demandeur qui peut
les employer au rabais. La société d'autre part est inté-
ressée à limiter la reproduction de l'espèce, puisqu'il résulte
de son abus des maux et des crimes sans nombre. Malthus
veut donc limiter les mariages, ne les admettre que lorsque
l'on possède la provision nécessaire à l'entretien d'une
famille. Il veut au moins promulguer une loi déclarant que
nul enfant à naître n'aura plus droit à l'assistance de la
paroisse. En somme, il dépend des parents d'éviter la nais-
sance d'enfants trop nombreux et, si on leur indique bien
clairement leur intérêt, il est probable qu'ils le suivront.
On sait qu'en effet le malthusianisme a trouvé de nom-
breux adeptes et qu'au point de vue de l'intérêt familial
ou même de l'intérêt de classe, il attend encore une réfu-
tation. L'audacieux écrivain a, plus que nul autre, affirmé
la pré valence des lois naturelles, fatales, sur les institu-
tions humaines qui ne sont à ses yeux que des causes légères
et superficielles, rien que des plumes qui flottent à la sur-
face. L'exagération de ses idées fut réfutée par Godwin
lui-même et l'a souvent été depuis, car l'accroissement de
population est pour une nation une cause de puissance indé-
niable. Quant à la loi sur la proportion de l'accrpissement
des vivres et de la population, elle est arbitraire. Mais^en
faisant la part de l'exagération du polémiste, Malthus n'en
reste pas moins un des plus grands remueurs d'idées.
Un autre disciple d'Adam Smith allait, en développant par
la logique déductive certaines théories de son maître, achever
la construction de l'économie politique orthodoxe ; nous
parlons de David Ricardo (1772-1823). Celui-ci n'est plus
un observateur comme Smith qui joint toujours l'exemple
concret à l'assertion théorique. Ricardo se meut dans un
monde d'abstractions. Ses principes posés, il déduit leurs
conséquences et énonce ses conclusions en affirmant dogma-
tiquement la vérité. S'il prend des exemples, ce sont des
exemples inventés pour les besoins de la cause : il suppose
deux sauvages traitant l'un avec l'autre. Il emploie cette
méthode sans en justifier l'application aux faits écono-
miques : c'est plus tard que Stuart Mill présentera la
justification. Mais cette méthode, si pratiquée dans les écoles
de droit, séduit par la netteté des énoncés et l'attrait de
sa logique. Elle semble atteindre à la rigueur des démons-
trations mathématiques. Ricardo, cependant, plus encore
que ses successeurs, s'en écarte par son impuissance à
définir les mots qu'il emploie ; le vague de sa phraséologie
jette une grande confusion sur les discussions. Il est si
difficile de n'employer les mots que dans un sens technique
sans leur rien prêter du sens usuel ! Ces questions de voca-
bulaire sont, pour les économistes comme pour les philo-
sophes, une cause perpétuelle d'erreur. Le principal ouvrage
de Ricardo parut en 1 81 7 (Principles of Political Economy
and Taxation). Son objet est d'établir comment le pro-
duit total doit se répartir entre le propriétaire du sol, le
capitaliste et le travailleur. Son principe fondamental est
que la valeur d'échange de tout article de consommation
ECONOMIE
— 490 —
dont la production peut être accrue à volonté, est réglée
sous un régime de libre concurrence par la quantité de
travail nécessaire à sa production. Ce théorème et les
théories de Ricardo seront discutés ailleurs (V. Ricardo,
Rente, etc.). L'économiste soutient que le revenu est
étranger aux frais de la production. Les salaires varient
en raison inverse des profits. La hausse des salaires
amène la baisse dans les profits, mais non dans le prix des
denrées; réciproquement, la baisse des salaires amène la
hausse dans les protits, mais non la baisse dans les prix.
Le taux des salaires résulte des frais de production des
articles nécessaires à la consommation. Quelque élevé qu'en
soit le prix, le travailleur en recevra toujours la quantité
indispensable pour se nourrir, lui et sa famille. D'autre
part, la subsistance est surtout formée de produits bruts, et
plus la population s'accroît, plus il faut avoir recours à des
terrains infertiles, d'abord négligés. Les frais de produc-
tion, et par suite les salaires, ont donc une tendance cons-
tante à s'accroître, et les profits une tendance à baisser à
mesure que croissent la richesse et la population. Le profit
que fait un propriétaire foncier, la rente que lui sert son
fermier, ne représente jamais que l'excédent, à égalité de
frais, du produit de sa terre sur le produit des plus mau-
vaises terres cultivées dans le même pays. On remarquera
que Ricardo fait tout dépendre du prix des subsistances,
principalement fournies par l'agriculture. Le prix des objets
manufacturés tend à baisser continuellement à cause de la
division croissante du travail, et le prix du travail est dé-
terminé par la quantité de subsistance nécessaire à la vie
de l'ouvrier. Le prix des produits industriels dépendrait
donc uniquement de celui des subsistances.
Les socialistes ont souvent invoqué la loi d'airain de
Ricardo en en accentuant le caractère, le travailleur ne
recevant pour salaire que la quantité du produit de son
travail strictement nécessaire pour son existence. Les éco-
nomistes ont surtout discuté sa théorie de la rente. Sur
plusieurs points, Ricardo a fait la lumière, notamment sur
l'avantage à tirer du commerce qui est surtout de procurer
à chaque nation, en échange d'une quantité donnée de
travail, une quantité de subsistances et de denrées puisées
ailleurs, plus considérable que celle que leur procurerait
directement ce travail (V. ComxMerce). Ce qui importe à la
nation, d'après Ricardo, c'est non pas le produit total du sol
et du travail, mais le produit net, l'excédent sur les frais de
production, la rente. Le salaire est confondu dans les frais
de production. L'industrie est envisagée, comme par les
mercantilistes, uniquement dans ses rapports avec la
puissance politique et militaire de l'Etat; le travailleur
n'est pas regardé comme un membre de la société, mais
comme un instrument auquel il faut affecter une part du
produit, à peu près comme à la subsistance des animaux
domestiques. Il n'est question que de la richesse, nullement
du bonheur ou de la condition morale des hommes. Jamais
on ne vit mieux combien la science économique, limitée à
une théorie de la richesse est insuffisante à fournir des
principes de gouvernement. Elle néglige de parti pris les
facteurs essentiels du problème social.
Le succès des théories de Ricardo fut très grand ; il
fournissait une théorie aux manufacturiers et aux capita-
listes anglais, de jour en jour plus puissants; les grands
services qu'il avait rendus par ses travaux sur les billets de
banque et la monnaie dont il fixa définitivement les principes
créèrent une sorte de préjugé en sa faveur. La combinaison
de ses doctrines avec celles de Malthus forma ce qu'on
appela l'économie politique orthodoxe. Mais Malthus n'admit
jamais le système de son émule et en prédit l'abandon pour
des théories moins simples, mais plus conformes aux faits.
On admet généralement aujourd'hui que Ricardo détourna
les économistes de la voie où les avait engagés Adam Smith
en substituant à l'observation des conceptions abstraites,
la méthode déductive et des conclusions dogmatiques.
Les principaux disciples de Ricardo furent James Mill qui
rédigea ses idées en un système (Eléments of Political
Economy, 1821); Mac Culloch (1779-1864) qui les vul-
garisa dans Edinburgh Review et dans son Dictionnaire
d'économie politique; William Senior (1790-1864), pro-
fesseur d'économie politique à l'université d'Oxford, qui
exagéra encore la méthode déductive, n'en admettant nulle
autre; Robert Torrens (1780-1864) et Martineau (1802-
1876) qui sont plus éclectiques et cherchent à conciher
Malthus et Ricardo. — Le principal adversaire fut Richard
Jones (1790-1855), qui critiqua la théorie de la rente
foncière dans son Essay on the Distribution of Wealth
and on the Sources of Taxation (1831); il soutint qu'il
fallait distinguer des cas très différents, que les contrats
particuliers résultaient de la coutume plus que de la con-
currence ; employant la méthode inductive, il démolit pièce
à pièce toute la construction de Ricardo, prouve qu'elle ne
s'applique pas au monde économique réel où les situations
sont bien autrement complexes. Celles même de ces pro-
positions qu'il juge admissibles ne peuvent être regardées
comme des lois actuellement réalisées, mais comme des
tendances ; il faut toujours, dans les phénomènes écono-
miques, tenir grand compte du temps. L'ouvrage de Jones
passa presque inaperçu. L'économie politique, à laquelle
l'école de Ricardo donnait l'allure et l'autorité d'une science,
généralisait son influence et allait diriger la politique bri-
tannique ; elle réussit à abattre le système protecteur et,
après le succès obtenu dans la question du commerce des
céréales, elle jouit d'un crédit universel. Admise par les
hommes d'afiaires, elle est envisagée comme définitivement
constituée ; on se croit sorti de la période de polémique et
d'élaboration : on affirme que les principales vérités écono-
miques sont connues et indiscutables.
Stuart Mill (1806-1873) fut le rédacteur du nouveau
credo économique ; c'est dans son manuel que la plupart
des économistes postérieurs viendront puiser leur savoir.
Il commença par ajouter quelques pierres à l'édifice de
Smith, Malthus et Ricardo. Dans ses Essay s on some
Unsettled Questions of Political Economy (1844), il
établit comme loi du commerce international « l'équation
de la demande internationale ». Quand deux pays échan-
gent deux produits de consommation, les prix de chacun
se règlent proportionnellement à la quantité demandée, de
telle sorte que la quantité exportée de chaque côté suffise
à payer la quantité importée. Mill examine l'influence de
la consommation sur la production, les problèmes de Vab-
sentéisme, de la surproduction (V. ces mots). Il atténue
le théorème de Ricardo sur la proportionnalité inverse de
la rente et du salaire. Son titre est d'avoir donné un ma-
nuel classique, Principles of Political Economy, ivith
someof their Applications to Social Philosophy (1848);
il manifeste l'intention de rétablir la connexion entre l'éco-
nomie politique et la sociologie, qui a tant progressé depuis
le XVIII® siècle. Il n'y réussit pas. En réalité, il se borne à
exposer avec une admirable lucidité la théorie de Ricardo
en y amalgamant celle de Malthus et quelques nouveautés.
Le manuel, pour remarquable qu'il soit, n'atteste pas un
progrès sensible. L'influence d'Auguste Comte, laquelle
fut grande sur Stuart Mill, ne suffît pas pour lui donner
le sentiment historique qui lui manquait ; il est plus logi-
cien que critique et positiviste.
Le plus original des disciples de Mill fut John Elliott
Cairnes (1824-1875), qu'on peut regarder comme le der-
nier chef de l'école orthodoxe. Il en a d'abord examiné la
méthode (Logical Method of Political Economy^ 1857) ;
il s'en tient à la logique déductive, écarte résolument l'in-
duction, n'admet pas que les vérités économiques puissent
être jamais établies ni réfutées par des documents statisti-
ques ou expérimentaux. La position prise par Stuart Mill
et Cairnes indique avec évidence que l'économie politique
orthodoxe où Ricardo voyait une science conforme aux
réalités actuelles, n'est pas autre chose qu'une construction
hypothétique ; « l'homme économique » sur lequel elle opère
n'est qu'un être de raison exclusivement mù par le désir
de la richesse ; la valeur des conclusions dépend de la con-
— 49d —
ECONOMIE
formité de cette hypothèse aux faits. Toute cette discussion
sera indiquée aux art. Socialisme et Sociologie. L'ouvrage
capital de Cairnes est Some Leading Principles of Poli-
tical Economy newly^ Expounded (1874). Ce n'est pas
un traité complet, puisqu'il est seulement question de la
valeur du travail et du capital, du commerce international.
Il s'en tient sur les points essentiels aux doctrines de Ri-
cardo, même sur la question du salaire. Il profite des exposés
de J.-B. Say, insiste surtout sur la loi de l'offre et de la
demande. En somme, l'ouvrage de Cairnes, très intéressant
dans le détail, montre bien où en est l'école anglaise. Avant
de lui opposer l'école historique qui procède d'Auguste
Comte, nous avons à parler des économistes français, amé-
ricains, allemands, etc., qui se rattachent plus ou moins
directement au mouvement inauguré par Adam Smith.
L'école française a, en général, adopté les idées de
l'école anglaise, mais en répudiant les exagérations de
Ricardo et de ses disciples. La puissance d'invention y est
moindre, mais les Anglais eux-mêmes reconnaissent que
pour l'exposition les économistes français sont sans rivaux.
C'est dans leurs écrits qu'il faut chercher le tableau de
l'économie pohtique orthodoxe. Le premier de ces traités
est celui de Jean-Baptiste Say (1767-1832). Ce Iraité
d'économie politique (1 803) reproduit les idées de Smith,
mais dans un arrangement plus logique et plus systéma-
tique. Son grand mérite est d'avoir nettement défini les
principes de la nouvelle science économique et créé la no-
menclature adoptée ensuite par tous les économistes.
« L'économie politique n'est à ses yeux qu'une science qui
traite de la production de la distribution et de la consom-
mation des richesses. Les richesses se produisent au moyen
des trois grandes branches, qui réunissent tout le travail
humain : l'agriculture, l'industrie et le commerce. Les
capitaux et les fonds de terre sont les instruments princi-
paux de la production ; par l'épargne et l'accumulation,
on obtient les premiers: la propriété garantit la hbre action
des autres. Le travail de l'homme combiné avec celui delà
nature et des machines donne la vie à tout cet ensemble
de ressources. » La principale originalité de Say est sa
théorie des débouchés. Il se fonda sur les faits pour dé-
montrer que les nations ne payent les produits qu'avec des
produits, et qu'empêcher d'acheter c'est empêcher de
vendre. L'univers entier est solidaire dans la bonne comme
dans la mauvaise fortune ; quand un pays est riche, ses voi-
sins en tirent profit, soit à cause des demandes de marchan-
dises qu'il leur fait, soit à cause du bon marché auquel ils
peuvent s'en procurer d'autres sur ce marché. Le système
prohibitionniste, le système colonial ne peuvent résister à
cette constatation. J.-B. Say nie qu'il puisse y avoir une
surproduction générale ; ce ne peut être qu'un accident
particulier à une industrie et à un pays. Il a enfin aperçu
l'importance des produits immatériels, bien qu'ils ne puis-
sent être accumulés. Il est passionnément hostile à toute
intervention gouvernementale dans le domaine économique.
Par sa propagande très active et la clarté de ses exposés,
il a contribué plus que personne à populariser l'économie
politique.
En face de Say, champion de l'école anglaise, se placent
d'autres écrivains qui en contestent les doctrines ; moins
exclusivement individuahstes, ils se préoccupent des intérêts
sociaux. Sismondi (1773-1842), dans ses Nouveaux Prin-
cipes d'économie politique ou de la Richesse dans ses
rapports avec la population (1819), reproche aux dis-
ciples de Smith d'envisager la richesse comme fin unique,
au lieu d'en étudier l'usage pour la réalisation du bonheur
général. Il voudrait qu'on cherche non seulement à s'en-
richir, mais surtout à réaliser une meilleure répartition des
richesses. Il reproche au système anglais d'avoir cet effet
de rendre le riche plus riche, mais aussi le pauvre plus
pauvre. La concurrence entre les travailleurs amène la
baisse des sîïiaires, tandis que les machines, payées par
le capital, diminuent la demande de travail. La somme des
richesses produites augmente, mais sans accroître le revenu
des classes laborieuses, dont les moyens d'existence devien-
nent insuffisants. L'équihbre entre la population et le revenu
des travailleurs ne peut être maintenu ou rétabU que selon
les théories malthusiennes. Pour l'agriculture, Sismondi
préconise le système patriarcal, le paysan propriétaire cul-
tivant lui-même et limitant le nombre de ses enfants pour
maintenir la situation sociale de sa famille. Nul n'a signalé
avec plus d'éloquence les plaies de l'industrialisme. Son
pessimisme a quelque chose de décourageant, mais il est
au moins aussi justifié que l'optimisme des élèves de Smith.
Il ne conclut pas, il désirerait une intervention régula-
trice de l'Etat, montrant que celui-ci ne peut se désinté-
resser du bien-être social, qu'il a mission d'étendre. Il
est un des précurseurs des socialistes de la chaire. Il a
porté un coup terrible à la doctrine du « laissez faire ».
— Le système industriel préconisé par les économistes
anglais fut combattu non moins vivement par Villeneuve-
Bargemont {Economie politique chrétienne, 1834), qui
voudrait revenir aux institutions du moyen âge, et souhaite
l'intervention de l'Etat pour donner l'instruction technique,
imposer l'épargne aux travailleurs et les grouper en cor-
porations.
Charles Dunoyer (1786-1862), dans son Traité d'éco^
nomie sociale (1821) et plus complètement dans la
Liberté du travail (1845), établit que les phénomènes
économiques sont inséparables de l'ensemble des phéno-
mènes sociaux ; l'économie politique n'est qu'un chapitre
de la sociologie. Il en résulte que les considérations pure-
ment économiques ne peuvent suffire ; il faut tenir compte
des considérations politiques, intellectuelles, morales, dont
l'effet est très grand, ce que Dunoyer prouve en examinant
l'histoire du progrès social. L'effort de production est
exercé soit sur des choses, soit sur des hommes. Exercé
sur les choses, il comporte les industries extractive,
voiturière, manufacturière, agricole ; cette division a été
acceptée par Stuart Mill ; le grand commerce et la banque
sont classés à part, étant envisagés, non comme moyen de
production, comme fonctions économiques régulatrices. Les
industries qui agissent sur l'homme peuvent améliorer sa
nature physique, son imagination et ses sentiments, son
intelligence, sa valeur morale. Le médecin, l'artiste, l'édu-
cateur, le prêtre sont donc des producteurs. Le principe
de Dunoyer est que le vrai objet d'échange entre les hommes,
ce senties services; cette conception plus large embrasse
aussi bien les objets matériels que les autres. Toute valeur
résulte de l'activité humaine, intellectuelle autant que ma-
nuelle. Les forces naturelles nous prêtent un concours
gratuit ; la rente foncière n'est qu'une forme de l'intérêt
du capital. Dunoyer est radicalement opposé à toute inter-
vention législative. Il blâme la philanthropie de Sismondi
au nom de la raison. Les inégalités sociales sont la condi-
tion de la division du travail, sans laquelle il n'y aurait
pas de production suffisante pour faire face aux besoins de
la société. Si on assurait le sort de tous les hommes, on
ruinerait le principal motif d'action et par là même de
vertu.
Frédéric Bastiat (1801-1850) est le plus brillant des
économistes français ; clair et superficiel, il fut surtout
vulgarisateur et polémiste. Dans ses Sophismes écono-
miques (1845-48) et ses Harmonies économiques (1850)
se manifeste un imperturbable optimisme. Il s'appuie sur
une philosophie finaliste assez naïve, d'un caractère presque
théologique. Tous les motifs d'action, tous les intérêts
coopèrent à une œuvre collective de l'humanité, tendant à
une perfection finale dont elle se rapprochera indéfiniment.
Il développe l'idée féconde du Dunoyer que la valeur n'est
pas inhérente aux objets, qu'elle signifie seulement un
rapport entre des « services » que les hommes échangent ;
ces services mutuels ont seuls une valeur et seuls peuvent
réclamer rétribution. Bastiat ajoute avec Carey (V. ci-
dessous), auquel il emprunte beaucoup, que la rente fon-
cière est uniquement la rémunération des efforts faits par
ceux qui ont mis le sol en culture et lui ont incorporé une
ECONOMIE
492 —
valeur par des améliorations permanentes. M. Paul Leroy-
Beaulieu soutient encore cette opinion (Essai sur la répar-
tition des richesses, 4882). Mais Cairnesen a fait justice.
Ce n'est qu'un argument de discussion opposé aux socia-
listes qui s'appuyaient sur la théorie de Ricardo. Dans la
valeur d'un diamant, pour combien entre l'effort humain ?
L'usage des forces naturelles est un élément fondamental
de la valeur, spécialement quand il s'agit du sol, et Bastiat
lui-même, après l'avoir exclu, l'introduit confusément dans
sa notion du service. Enfin l'idée des harmonies écono-
miques qu'il puise chez Carey a été taxée d'exagération. La
solidarité des diverses industries, du capital et du travail
est certaine, mais non moins certains sont les antagonismes
et les conflits ; le problème est de les atténuer.
Augustin Cournot (1801-1877) tenta d'appliquer à
l'étude des questions économiques les méthodes mathé-
matiques (Recherches sur les principes mathématiques
de la théorie des richesses, 1838). Les formules et les sym-
boles qu'il proposa furent jugés trop imparfaits. Lui-même y
renonça dans ses Principes de la théorie des richesses
(1863). Non seulement la valeur des déductions reste subor-
donnée à celle des hypothèses d'où l'on part, mais les concepts
fondamentaux sont, de leur nature, trop vagues pour se
prêter au raisonnement mathématique ; une définition rigou-
reuse et une appréciation quantitative du besoin, de l'uti-
lité, du désir, sont impossibles ; il n'y a pas d'unité de
mesure psychologique ; l'unité de valeur, s'appliquant à
un échange de services, n'est pas davantage mesurable.
Enfin les faits économiques sont d'une complexité telle que
leur analyse, avec celle des répercussions et réactions réci-
proques, écraserait le puissant appareil des mathématiques
modernes. Il n'en reste pas moins vrai qu'une certaine
éducation mathématique serait nécessaire aux économistes
à qui la méthode rendrait, pour certains cas, de grands
services et éviterait des erreurs graves : telles que de dire
que deux quantités varient en raison inverse l'une de l'autre
lorsque c'est la somme, et non le produit, qui est constante.
Qu'est-ce encore que la quantité de travail, sinon une
notion vague et complexe, renfermant des éléments si divers
qu'on ne peut, en bonne logique, se borner à comparer deux
quantités de travail. Mais que devient alors le système de
Ricardo ? La tentative de Cournot est donc très intéressante
en ce qu'elle a démontré l'insuflîsance de la méthode déduc-
tive appliquée aux faits économiques.
Les Etats-Unis de l'Amérique du Nord ne comptent
qu'un grand économiste, mais de premier ordre, Henry-
Charles Carey (1793-1879), de race irlandaise. Sur ce
terrain du Nouveau-Monde, si favorable aux observations et
aux expériences, dans cette société nouvelle qui se grandit
si vite, il devait se manifester des faits et des tendances
sensiblement différents de ceux de l'Angleterre et de la
vieille Europe, et il était vraisemblable que des théories en
seraient données, contradictoires avec celles de l'école an-
glaise. Tel fut le rôle de Carey. Avant lui, nous ne trou-
vons à citer que Benjamin Franklin, qui inséra dans ses
écrits des vues intéressantes, affirma dès 1721 que le
travail était la mesure de la valeur, et signala, dès 1751,
les dangers sociaux de l'accroissement indéfini de la popu-
lation; et Alexandre Hamilton qui, en 1 791 , exposa com-
ment un système douanier protecteur était indispensable
pour permettre l'établissement de l'industrie manufacturière
dans un pays neuf. — L'ouvrage capital de Carey est Prin-
ciples of Social Science (1859). Sa philosophie est opti-
miste; il croit à l'action généralement bienfaisante des lois
économiques. Il a fait une critique victorieuse des lois de
Malthus, en notant que l'insuffisance des subsistances est
le défaut des sociétés peu avancées, où la population est
clairsemée, bien plus que de celles plus développées où elle
est dense. L'accroissement de la population et du travail
humain permet de mettre en valeur les terres les plus
fertiles, celles des vallées et des fonds alluviaux, lesquelles
sont utilisées les dernières et reperdues les premières quand
la civilisation décline. Carey observe qu'on a confondu la
richesse avec la somme des valeurs d'échange ; or la
richesse est la somme des produits utilisables. Son origine
est la nature qui fournit la matière et les forces physiques
si puissantes ; le travail humain ne fait que les approprier,
les adapter à son usage. La nature nous fournit son con-
cours gratuitement. La valeur résulte seulement du travail.
Un produit vaut d'autant plus que, dans sa production, la
part de la nature a été moindre, la part du travail plus
grande ; mais il accroît d'autant moins notre richesse que
cette dépense du travail a été plus forte; il y a donc anti-
thèse entre la valeur et la richesse. La richesse n'est que
la mesure du pouvoir que nous avons acquis sur la nature ;
la valeur d'un objet exprime la résistance de la nature
surmontée par le travail nécessité par la production de cet
objet. Le résultat du progrès est d'accroître la richesse
et de diminuer la valeur. L'intelligence et l'organisation
sociale augmentent notre puissance sur la nature, permet-
tent d'en tirer davantage avec un moindre travail et font
baisser la valeur de chaque produit. Cette valeur ne dépend
pas des frais de production passés, mais de l'effort néces-
saire pour produire l'objet à nouveau dans l'état actuel de
la science et de l'industrie. Tel est le vrai rappoM de la
valeur aux frais de production. Ricardo n'en admettait un
que pour les objets susceptibles d'être reproduits et mul-
tipliés indéfiniment, et par conséquent faisait une place à
part à la terre ; il admettait que les puissances productives
du sol avaient été monopolisées par les propriétaires
fonciers et que leur valeur croissait avec la demande
croissante de subsistances. Cette valeur, rien n'en justifiait
l'attribution au propriétaire. Carey réplique que la terre
n'est qu'un instrument de production façonné par l'homme,
qui doit sa valeur au travail qui y fut incorporé dans le
passé, bien que la mesure de cette valeur soit actuellement
non pas le total du travail ancien qui y fut affecté, mais
seulement le travail nécessaire dans les conditions actuelles
pour réaliser une productivité égale. Dans toute cette dis-
cussion, l'économiste américain a le grand avantage de
parler en homme qui a vu comment les choses se passent
quand l'homme prend possession du sol et l'approprie à
ses commodités. A ses yeux, le propriétaire foncier est
un capitaliste comme un autre. Ici se place la réfutation
de la théorie de la rente foncière. La proportion de la
rente au produit total diminue avec le temps, comme les
autres formes du taux de l'intérêt, mais la somme totale
de la rente s'accroît. Le salaire du travailleur tend à aug-
menter, absolument d'abord, et aussi proportionnellement
à la valeur du produit. Cette opinion optimiste est très
contestable. Carey en conclut que les intérêts des différentes
classes sociales sont en harmonie. Il insiste sur la néces-
sité, pour maintenir l'harmonie, de restituer au sol tout
ce qu'on lui a pris, sous peine de l'épuiser. Il faut donc
que le producteur et le consommateur soient côte à côte.
Il y a danger à exporter ses produits agricoles en échange
de produits manufacturés; c'est s'appauvrir en diminuant
les facultés productrices du sol national. Carey est ainsi
conduit à combattre le libre-échange. De l'étude des tarifs
douaniers, il conclut que la pohtique protectionniste est la
plus profitable ; elle empêche les intérêts privés de troubler
l'harmonie économique ; il est essentiel pour un pays de
posséder toutes les fonctions économiques et de ne pas
laisser ruiner une industrie, surtout l'ensemble de Tin-
dustrie manufacturière, par la concurrence étrangère;
lorsqu'elle a succombé, l'agriculture périclite bientôt et l'on
est livré à l'exploitation étrangère. Carey combat avec une
extrême énergie le système anglais ; il s'efforce de dé--
montrer que tous les pays qui l'ont subi en ont éprouvé
les funestes effets. L'intervention protectrice de l'Etat est
nécessaire pour écarter les obstacles qui mettent en péril
le développement national, surtout lorsqu'il s'agit de
nations jeunes aux prises avec des nations plus anciennes
et plus munies de capitaux. Nous reviendrons sur ce débat
dans l'article Libre-Echange (V. aussi Commerce). Carey
a démontré que, sans même faire intervenir les considéra-
493 —
ECONOMIE
tions morales, il n'y a de solidarité économique complète
qu'entre les différents citoyens, les différentes classes, les
différents intérêts d'un même Etat.
En Allemagne, les théories anglaises furent généralement
acceptées au début du xix^ siècle. Elles sont exposées par
Rau (1792-1870) dans Lehrbuch der politischen OEco-
nomie (1826-1832), où l'auteur traite également de la
science administrative et des finances publiques. Wilhelm
Hermann (il^^M^'^) v^^\g<è Staatswirthschaftliche JJn-
tersuchungen (1832), où il discute en homme du métier les
principes économiques ; il conteste que le prix résulte du
travail et affirme qu'il résulte de facteurs complexes. Von
Thùnen (1783-1850), auteur d'une utopie (Der isolirte
Staat inBeziehimg aufLandwirthschaftund National-
œkonomie, 1826), analyse admirablement ce qu'on appelle
l'économie rurale, les conditions et les modes de la pro-
duction agricole. 11 croit que le « salaire naturel » est
\!œp, a représentant les frais de subsistance du travailleur,
p représentant le produit de son travail. Il cherche à
prévenir un conflit entre le prolétariat et la classe moyenne.
— Storch (1766-1 825), précepteur de l'empereur Nicolas,
a publié son Cours d'économie politique (1815); il est
assez éclectique, jugeant que les doctrines des économistes
anglais et français correspondent à l'état de la société
dans leurs pays ; il souHgne l'importance des facteurs imma-
tériels de la prospérité publique, la différence entre le
revenu public et celui des individus [Considérations
sur la nature du revenu national, ^824, en réponse
à J.-B. Say).
Le système d'Adam Smith fut combattu en Allemagne
par Adam Mûller (1779-1829) et Friedrich List (1798-
1846). Mùller résiste à la nouvelle école, parce qu'elle
s'en tient à une conception mécaniste et matériahste de la
société en négligeant l'élément moral, pour lui dominant.
Elle ne s'occupe que de la propriété et des intérêts privés,
oubliant qu'un peuple est une collectivité solidaire et une
existence historique. Les nations sont de véritables orga-
nismes avec leurs habitudes de vie, leurs individualités
définies qui déterminent leur évolution historique. La vie
économique d'un peuple est une de ses fonctions, laquelle doit
être d'accord avec les autres, et cet accord doit être effectué
par les soins de l'Etat, organe de l'ensemble. A côté
du capital matériel dont parle Smith, les nations possèdent
un capital moral, le langage prenant ici le rôle de la mon-
naie, capital d'expérience, de sagesse, de qualités et de
sentiments, qui se transmet et s'accroît d'une génération à
l'autre et permet à chacune de produire bien plus qu'elle
ne pourrait par ses seuls efforts. Le système de Smith
est inoffensif en Angleterre à cause de la position insulaire de
ce pays qui peut sauvegarder son capital spirituel de lois,
d'usages, de mœurs, cause essentielle de sa prospérité ;
mais l'Allemagne n'a pas les mêmes immunités ; il faut
qu'elle s'attache à développer un pouvoir national et à
concentrer ses forces matérielles et morales. Muller de-
vance ainsi l'école historique. — List n'est pas moins
adversaire du cosmopolitisme et proteste contre le libre-
échange absolu ; c'est aussi un nationaliste. Il réfute le
parallélisme que Smith établissait entre l'économie d'un indi-
vidu et d'une nation, jugeant que les intérêts économiques,
comme les autres, doivent être subordonnés au maintien et
au progrès de la collectivité nationale. La vraie richesse
n'est pas dans la somme des valeurs d'échange, mais dans
le développement complet des forces productives, 11 faut que
chacun des grands pouvoirs, agriculture, industrie, com-
merce, soit assuré de son développement normal, les deux
derniers surtout. Une distinction s'impose entre les régions
tropicales et les autres ; mais de plus, même dans les pays
de la zone tempérée, on distingue des degrés successifs de
développement : état pastoral ; état agricole ; état agricole
et manufacturier; état agricole, manufacturier et com-
merçant. Une nation débute par le libre-échange, expor-
tant les produits du sol, important les objets manufacturés
des pays plus riches et plus civihsés ; mais elle réalise un
progrès lorsqu'elle se pourvoit de manufactures, et pour
cela il faut qu'elle protège leurs débuts contre la concur-
rence de rivaux étrangers mieux outillés; après cette
période protectionniste, elle peut, sans danger, revenir au
libre-échange. L'Allemagne et les Etats-Unis étaient, d'après
List, à une phase de développement où la protection s'im-
posait. Ce qu'elles perdraient à ce moment en valeurs
d'échange, elles le gagneraient au décuple en accroissant
leur puissance productive.
Il est aisé de remarquer combien les écrivains allemands
sont dominés par la préoccupation nationale et conforment
leurs théories à ce qu'ils observent chez eux. Nous voici
loin de ces abstractions où se complaisait Ricardo. Avant
de continuer et de parler de l'école historique qui a suc-
cédé à celle de Smith, il nous faut insister brièvement sur
les tendances diverses des écrivains selon leur origine na-
tionale. Les économistes italiens ont été philosophes et
réformateurs, philanthropes et cosmopolites depuis le xvi<^
jusqu'au xix® siècle; ils n'envisagent pas la richesse
abstraite, ils visent toujours le bien-être général; ils
n'oublient jamais l'aspect politique ou moral des questions.
Dans le détail, ils ont excellemment traité des institutions
philanthropiques, des monnaies aussi et de la liberté de
navigation. Même Gioja, propagateur des idées de Smith
(Nuovo Prospetto délie Scienze economiche, 1815-17)
juge nécessaire l'action gouvernementale pour régulariser
la vie économique. — En Espagne, l'économie politique
ne fut que fiscale ; ses nombreux écrits expriment les idées
prohibitionnistes ou mercantiles, justifient le système d'ex-
ploitation des colonies, les monopoles et les privilèges.
Les protestations sont peu écoutées ; citons celles de Jo-
vellanos en 1795. — En France, l'économie politique est
étudiée avec l'ensemble de la science sociale, constamment en
vue d'une application politique. Cette préoccupation sociale
fait l'originalité de l'école française même quand elle se rallie
aux idées de l'école anglaise. — En Allemagne, l'esprit de
philosophie politique domine; l'économie politique n'est
pas séparée de la science administrative et financière, de
tout le complexus des sciences politiques, y compris la
diplomatie, la démographie, le droit constitutionnel. —
En Angleterre, les idées sont moins larges, mais plus
nettes ; on ne se préoccupe pas de l'organisation sociale,
comme en France, politique comme en Allemagne, huma-
nitaire comme en Italie ; on étudie la production des ri-
chesses, avec l'indifférence de l'industrialisme pour les
maux qui peuvent en résulter. Suivant en logiciens les
conséquences des principes posés par Smith, les économistes
anglais ont la prétention de constituer une science et non
pas seulement de rédiger des considérations plus ou moins
suggestives sur les problèmes économiques et sociaux.
Cette prétention, ils l'ont presque fait accepter, et les dis-
ciples de Smith et de Ricardo forment aujourd'hui encore,
dans les principaux pays, une école, on pourrait dire une
église, qui se croit en possession de la vérité, l'énonce en
axiomes et déclare que hors d'elle il n'y a point de salut.
En face des économistes orthodoxes se place l'école histo-
rique.
Le fondateur de l'école historique est Auguste Comte,
génie d'une puissance égale et d'une étendue bien supé-
rieure à celui d'Adam Smith. Ce n'est pas ici le lieu
d'exposer comment il est le fondateur de la science sociale
dont il marqua la place, établit l'unité, posa les problèmes,
définit les principes et la méthode (V. Sociologie). Il nous
suffit de rappeler la distinction entre la statique et la
dynamique sociale ; la conception de l'évolution substituée
à celle d'une société idéale, régie par des lois absolues et
vraies en soi ; l'emploi de la méthode historique et cri-
tique remplaçant la logique déductive ; la constatation que
les collectivités sont dirigées par des conceptions morales,
par une psychologie particulière, différente des concep-
tions et intérêts individuels, des notions individuahstes de
droit naturel ; l'affirmation que le progrès s'accompUt par
ÉCONOMIE — 4
évolution et non par révolution. Exposée dès 1822, com-
plètement en d839 {Philosophie positive, t. IV), la
méthode sociologique a renouvelé les questions. L'assimi-
lation de la société à un organisme a été très sugges-
tive. L'étude historique, la comparaison des phases
successives de l'évolution sociale, ont prouvé que c'est un
vain effort et une prétention outrecuidante de vouloir
déduire les lois sociales de quelques principes élémentaires
en dehors de l'observation. Si nous appliquons ces consta-
tations à notre sujet spécial, nous concluons qu'il est impos-
sible d'étudier le travail et la vie économique d'une société
isolément de ses autres fonctions ; il l'est encore bien plus
de demander à la méthode déductive le secret de sa struc-
ture actuelle et de son développement. Il faut nous adresser
à la méthode historique et abandonner l'illusion d'une doc-
trine économique vraie pour tous les temps et tous les pays.
Les démonstrations d'Auguste Comte, combinées avec
la tendance générale de l'école allemande de jurisprudence,
personnifiée en Savigny, donnèrent naissance en Allemagne
à l'école historique. Un système juridique n'est pas absolu ;
il varie d'une société 'à l'autre, d'une période à une autre ; il
est en relations constantes avec les autres éléments de la vie
sociale. Cette notion de relativité parut applicable aux sys-
tèmes économiques. L'initiativeappartintàWilhelmRoscher.
Dans la préface de son omrage (Grundriss ilber die Staats-
ivirthschaft nach geschichtlicher Méthode, 1843), il fait
les déclarations suivantes : il faut étudier ce que les nations
ont pensé, tenté, réahsé dans l'ordre économique et pour-
quoi elles l'ont atteint ; un peuple n'est pas seulement une
collection d'hommes vivant aujourd'hui, et il ne suffit pas
d'analyser les faits actuels ; tous les peuples doivent être
étudiés, surtout les anciens dont nous connaissons le déve-
loppement complet ; il est naïf de louer ou blâmer une
institution économique, car bien peu ont été salutaires ou
nuisibles en soi; dans tous les cas, il faut montrer où,
quand, comment elles furent bonnes ou mauvaises. —
Bruno Hildebrand (Die Nationalœkonomie der Gegenwart
und Zukunft, 1848, inachevé) présente une critique
magistrale des systèmes économiques de ses devanciers et
contemporains, et propose comme modèle aux économistes
la science du langage. — Knies {Die politische OEkono-
mievom Standpunkt der historischen Méthode, 1853)
publie enfin l'exposé méthodique et complet des solutions
proposées par la nouvelle école. Nous en avons exposé les
principes, ils sont moins nets que dans le chef-d'œuvre de
Comte. Knies critique également au nom du principe de
relativité ce qu'il appelle le perpétualisme et le cosmopo-
litisme, l'erreur qui consiste à croire qu'une théorie vaut
indépendamment du milieu (national) et de la phase de
l'évolution sociale. Or, la seconde erreur est extrêmement
grave, car il est impossible de juger un fait social si l'on
ignore le sens et le moment de l'évolution où il se place,
tandis que les différences de race et de miheu sont secon-
daires, la marche de l'évolution étant sensiblement la
même 'partout. D'autre part, certains adeptes de l'école
historique ont été jusqu'à contester l'existence de lois éco-
nomiques, lesquelles sont constatées en fait.
Les plus éminents représentants de l'école historique
allemande furent, outre Roscher, Hildebrand et Knies, Lujo
Brentano, Adolf Held, Erwin Nasse, G. Kries, Gustav
Schmoller, H. Rœsler, Albert Schaefïle, Hans von Scheel,
Gustav Schœnberg, Adolf Wagner. Parmi leurs ouvrages très
nombreux, nous citerons : de Roscher, System der Volks-
wirthschaft (1880-82, 3<^ éd.), Geschichte der National-
œkonomik in Deutschland (1874) et Ansichten der
Volkswirthschaft vom g eschicht lichen Staîidpunkte
(1878, 3*^ éd.); de Knies, Geldund Kredit{\S13-19) ; de
Rœsler, Zur Kritikder Lehre vom Arbeitslohn (1861) ;
de Held, Grundriss fiif Vorlesungen ilber Nationalœko-
nomie (1878, 3eéd.); de Schœfïle, Das gesellschafUiche
System dermenschlichenWirthschaft (4873, 3^ éd.) et
Bail und Leben des sozialen Kœrpers (1881 , 2^ éd.) ; de
Wagner, Lehrbuch der politischen OEkonomie, Il faut
également mentionner les travaux historiques de Roscher
et Duhring, les manuels de Nasse et de Schœnberg, l'excel-
lente préface mise par Scheel en tête d'un traité sur la
position actuelle et l'objet de l'économie politique ; les
travaux de Brentano, Nasse, sur le monde ouvrier, de
Schseffle, Held, Stein sur la science financière. Nous ren-
voyons aux kographies de chacun de ces auteurs pour
le détail et l'exposé sommaire de leurs idées particulières
et de leur part dans la science. Il nous reste seulement à
signaler ici leurs principales propositions. Il faut tenir
grand compte des éléments moraux (Schmoller, Schaeffle,
Kries) ; il y a lieu de distinguer trois sphères d'action, celle
où dominent les intérêts privés (économie privée) , celle où
prévalent les intérêts collectifs de la société (économie
publique) ; celle de la charité ; même dans la première, on
ne peut laisser l'intérêt privé sans frein ; dans la seconde,
les considérations morales sont capitales ; dans la troisième
elles existent presque seules. L'économie politique est
intimement liée à la science juridique (Stein, Rœsler,
Wagner) ; la discussion des théories de droit naturel, de la
liberté individuelle et delà propriété conduit à l'admettre.
Wagner renverse la méthode de Smith et, conformément à
l'ordre historique, il commence par étudier les conditions de
la vie économique dans la société, afin de déterminer la
sphère de la liberté économique de l'individu. — L'Etat
n'est pas seulement une institution pohcière chargée du
maintien de l'ordre, c'est l'organe de la nation pour tout
ce qui ne peut être réalisé par l'effort individuel ; toutes
les fois que l'Etat peut seul atteindre un but, ou peut
l'atteindre plus facilement, au prix d'un moindre effort, son
action est légitime et désirable. Toute cette question des
droits et devoirs de l'Etat sera examinée ailleurs (V. Etat).
Ce qu'il faut seulement ajouter ici, c'est que cet ordre
d'idées a mis les économistes allemands en rapport avec
les socialistes. Leurs débats à ce sujet seront exposés à
l'art. Socialisme. Les plus illustres d'entre eux, comme
Wagner et Schaeffle, y ont consacré une grande partie de
leurs études.
L'influence du socialisme a été très grande sur les éco-
nomistes de la seconde moitié du xix^ siècle ; mais, pas
plus que la sociologie, ce n'est ici le lieu d'exposer cette
théorie. Rappelons qu'elle est née en France des travaux
de l'école saint-simonienne, qu'elle a été représentée le
plus brillamment par Proudhon et que ses principaux chefs
de file sont actuellement en Allemagne, où les économistes
historiques ont fait de telles concessions qu'on les désigne
sous le nom de socialistes de la chaire. Au contraire, l'école
orthodoxe ou hbérale, s'en tenant à son individualisme et
à l'idée du droit naturel, n'a cessé de protester contre
toute intervention de l'Etat dans le domaine économique.
En Italie, la lutte est très vive entre l'école orthodoxe et
l'école historique. Les principaux écrivains de ce pays:
Cessa (né en 1820, auteur de Scienza délie Finanze,
1 882, 3^ éd. , et de Primi Elementi di Economia politica,
1878, 4^éd.); Lampertico (né en 1833, auteur d'Eco7^om^a
dei popoli e degli stati 1874-1880); Minghetti {Eco-
nomia publica e le sue attinenze colla morale e col
diritto, 1859), et Luzzati se sont surtout préoccupés des
questions monétaires et financières. Il faut citer encore
V Histoire de l'Economie politique au moyen âge, de
Vito Cusumano (1876), et les travaux de Ricca Salerno sur
les théories du capital, du salaire, de l'intérêt (1877-79).
Cessa et une partie des économistes italiens sont éclec-
tiques et se rapprochent de l'école française ; les autres,
comme Luzzati, Lampertico, Scialoja, de l'école historique
bien défendue par Schiattarella {Del Metodo in Economia
sociale, 1875). Ils restent fidèles aux tendances géné-
rales de l'esprit italien indiquées plus haut.
En France, où l'on n'admit jamais les conséquences
radicales des théories de Ricardo, et où on les tempéra
toujours par un certain éclectisme, l'école historique a
trouvé peu d'adeptes ; l'école orthodoxe, maîtresse de l'en-
seignement, est très occupée de la lutte contre les socia-
-495 -
ECONOMIE — ÉCORCE
listes, beaucoup aussi contre les protectionnistes. On peut
citer Droz {(Economie politique^ 1829); Rossi (Cours
d'économie politique, 4838-1854); Michel Chevalier
(Cours d'économie politique, 1845-1850) ; Baudrillart
(les Rapports de la morale et de l'économie politique,
1883, 2« éd., et Cours d'éconoinie politique, 1872,
3^ éd.); Garnier, Courcene-Seneuil(rmrf^' des opérations
de banque. Théorie des entreprises industrielles, 1856,
et Traité d'économie politique). Ce dernier passe pour
le meilleur manuel, et son auteur est le représentant le plus
qualifié de l'école orthodoxe. Parmi les défenseurs de
celle-ci, il faut nommer Paul Leroy-Beaulieu. Les écrivains
catholiques dont l'idéal serait un retour au système du moyen
âge et la subordination des intérêts à la morale ont eu
pour principal organe, outre Villeneuve-Bargemont, Leplay ,
dont les théories de socialisme chrétien seront étudiées
ailleurs (V. Leplay et Socialisme), C. Périn (les Doc-
trines économiques depuis un siècle, 1880) et pour
orateur le comte de Mun. Les travaux historiques de
Batbie, Clément, Baudrillart, Lavergne sont très estimés
(V. les biographies de ces auteurs). En somme, le principal
économiste français de l'école historique est un Belge,
Laveleye. 11 en a développé les idées dans son ouvrage :
de la Propriété et de ses formes primitives (1874).
Mais, depuis, dans les Lois naturelles et l'objet de V éco-
nomie politique (1883), il s'en est séparé par des asser-
tions originales, mais très contestées et rétrogrades. Il nie
l'existence de lois économiques réelles, c-à-d. indépen-
dantes du vouloir individuel ; il refuse donc à l'économie
politique le caractère d'une science ; c'est simplement un art.
En Angleterre, bien que le terrain parût moins favo-
rable, l'école historique a eu plus de succès qu'en France.
Walter Bagehot, qui s'est illustré par ses travaux sur les
questions monétaires et financières, a démontré (Economie
Studies, 1880) que le système de Ricardo et de Mill
n'était vrai que dans des conditions très particulières, réali-
sées seulement en un temps et dans un espace étroitement
limités, où le commerce est largement développé et orga-
nisé comme il l'est en Angleterre ; il croit que pour la
civilisation industrielle moderne l'économie politique ortho-
doxe reste exacte et applicable, et n'admet pas que la mé-
thode historique puisse jamais remplacer cette partie de la
sociologie qui traite des richesses et qui lui semble devoir
être étudiée à part. — Cliffe Leslie fut en Angleterre le
champion de l'école historique contre Mill et Cairnes
(Essays Moral and Political, 1879). Toynbee (1852-
1883) s'y rallia également. Stanley Jevons (1835-1882) a
tenté de concilier les deux méthodes et souhaitait l'emploi
des mathématiques (77ié?6>r2/ of Political Economy, 1879,
2^ éd.). La tendance nouvelle qui se développe en Angle-
terre, particulièrement à Oxford, paraît être de faire au
système hbéral ou orthodoxe une place dans la construction
générale de l'école historique, en s'efforçant d'en conserver
comme vraies, au moins pour notre état social, les pro-
fondes analyses sur la production et la circulation des
richesses, bases de la science financière. A.-M. B.
BiBL. : Les principaux ouvrages originaux ont été cités
et analysés dans le cours de Tarticle \ pour un complément
de détails, il faudra se reporter aux biograptiies de leurs
auteurs; nous avons cité de même les traités ou manuels.
Citons encore ceux de Gide (français), Fawcett, Mars-
hall (anglais), Scheel (allemand) ; le Dictionnaire d'éco-
nomie politique, de CoQUELiN et Guillaumin (1852-53) et la
grande Collection des principaux économistes, avec notices
de Daire, et Scrittori classici Italiani délia economia poli-
tica^ de 1852 à ISOd. 1829, 50 vol.— Pour la partie histori(iue,
V. Blanqui, Histoire de l'Economie politique; Paris, 1837-
38. — Villeneuve-Bargemont, Histoire de l'Economie
politique, Bruxelles, 1839. — Kautz, System der Nationa-
lœkonomie und der Finanzlehre, 1875. — Dûhring, Kri-
tische Geschichte der N ationalœkonomie und des Sozia-
lismus, 1871; 3° éd., 1879.— Mac Culloch, The Littérature
of Political Economy, 1845. — Cossa, Guido allô studio
délia economia politica , 1876-87. — Moritz Meyer, Die
neuereN ationalœkonomie in ihren Hauptrichtungen,\SS2,
3« éd.
ÉGOPE (Tech.). L'écope est une longue pelle en bois
munie d'un manche, avec laquelle les bateliers jettent l'eau
de leurs bateaux. L'écope est préférable aux seaux, mais
on ne peut l'employer que pour des épuisements peu
importants et lorsque l'eau n'a besoin d'être élevée qu'à
une faible hauteur. La pelle hollandaise n'est autre chose
qu'une grande écope suspendue par un manche et au
moyen d'une corde à une chevrette à trois pieds. Un
homme prend le bout du manche de la pelle, et, par un
mouvement d'oscillation, il effleure les couches supérieures
de la nappe d'eau ; la pelle se remplit et l'eau est jetée à
une certaine distance par-dessus les bords de la fouille de
l'enceinte. Il résulte d'expériences qu'un homme peut
élever 68 lit. d'eau à 1 m. de hauteur par minute et
34 lit. si la hauteur est de l'"80, ce qui donne par heure
de travail un effet utile moyen de 3,876 kilogrammètres.
Marin donne 5,750 kilogrammètres quand l'homme tra-
vaille avec un seau léger, 6,000 s'il travaille avec une
écope ordinaire, et 15,000 si c'est avec une écope hollan-
daise. D'où l'on voit que ce dernier instrument est très
avantageux, et qu'un homme peut élever 1 m. c. d'eau
à l'heure à 1 m. de hauteur. Mais l'écope hollandaise,
comme les seaux et les écopes ordinaires, ne peut être
employée avec avantage que dans les épuisements de peu
d'importance et lorsque la hauteur à laquelle on doit élever
l'eau est très petite. L. K.
ÉCOPERCHE (Constr.). Longue perche appelée aussi
échasse et qu'on emploie pour échafauder. L'écoperche est
aussi la pièce de bois armée d'une poulie et qui s'ajoute
au bec d'une grue ou. d'un engin à soulever les fardeaux
pour lui donner plus de volée.
ÉCOQU EN EAU VILLE. Com. du dép. de la Manche,
arr. de Valognes, cant. de Sainte-Mère-Eglise ; 121 hab.
ÉC0RÇA6E (Techn.) (V. Ecorcement).
ÉCORCE. I. Botanique. — L'écorce, formée des
couches les plus extérieures des tiges et des racines, ren-
ferme, en commun avec le bois, comme élément le plus
important, le tissu dit conducteur ; c'est un tissu mort qui
sert à disséminer les matières nutritives dans les diverses
parties de la plante. Ce tissu, caractéristique des Phanéro-
games et des Cryptogames vasculaires, manque totalement
dansles Champignons et les Algues et n'existe qu'à l'état rudi-
mentaire dans les Muscinées. Il se compose de faisceaux
libériens, partie essentielle de l'écorce, et de faisceaux
ligneux propres au bois. Par leur réunion, ils forment
les faisceaux libéro-ligneux appelés plus communément
fibro-vasculaires. On peut rencontrer les faisceaux libé-
riens et ligneux isolés, comme dansles racines de certaines
Monocotylédones ; mais, en général, ils sont associés. Les
faisceaux fibro-vasculaires sont dits fermés lorsqu'ils ne
s'accroissent plus, c.-à-d. lorsqu'il n'y a pas de cambium
interposé entre les éléments libériens et ligneux (Monoco-
tylédones) ; ils sont dits ouverts lorsqu'une couche cam-
bienne interposée assure l'accroissement des faisceaux (Di-
cotylédones). Les faisceaux libériens forment la zone la plus
interne de l'écorce, séparée du bois parla couche génératrice
ou cambium ; outre le hber, l'écorce renferme du paren-
chyme qui constitue l'enveloppe celluleuse, enfin la couche
subéreuse ou liège immédiatement recouverte par l'épiderme,
lorsqu'il n'a pas disparu. Link a appelé ces trois couches
endophlœum, mesophlœum et epiphlœum. Rarement,
l'un de ces trois éléments fait défaut, mais leur disposition
n'est pas toujours très régulière, en particulier dans les
Acotylédones ; elle est généralement régulière chez les Mo-
nocotylédones et les Dicotylédones. Comme type pour la
description des différentes parties de l'écorce, nous choisirons
la tige des Dicotylédones, et nous décrirons successivement
le liber, l'enveloppe cellulaire et la couche subéreuse.
1^ Liber. Le liber est formé de parenchyme, de fibres
et de tubes cribreux; la consistance des tubes et du paren-
chyme est faible, ce qui leur a fait donner le nom de liber
mou, par opposition aux fibres plus fermes qui forment
le liber dur. Le parenchyme se compose de cellules
propres et de cellules des rayons médullaires. Les
cellules de ce parenchyme sont généralement allongées
ÉCORCE
496
dans le sens de l'axe et forment des bandes régu-
lières entre les rayons médullaires (bouleau blanc,
Sophora japonica) ou bien sont isolées par petits groupes
(hêtre); elles renferment de l'amidon. iNsegeli a donné le
nom de cellules cambiformes à des cellules prismatiques
allongées et délicates qui, souvent, accompagnent les tubes
cribreux. Parfois le parenchyme libérien s'épaissit en
vieillissant et forme du sclérenchyme. Les tubes cribreux
ou cellules grillagées constituent l'élément fondamental
du liber ; ce sont des cellules placées bout à bout et com-
muniquant par les fines ouvertures qui criblent leurs cloi-
sons de séparation ; ces perforations se ferment en au-
tomne et se rouvrent au printemps au moment de la reprise
de la végétation. Les tubes cribreux sont exclusivement
cellulosiques, jamais lignifiés. Leur disposition est variée
par rapport aux fibres libériennes. Dans les Strychnos et
les Silvadora, le liber mou forme des faisceaux inter-
xylaires. Quant aux fibres libériennes, ce sont des fibres
fusiformes, cellulosiques, comme les tubes cribreux, et de
plus flexibles et tenaces. Elles manquent dans le Groseil-
lier, le Viburnum lantana, le Phytolacca dioica, etc,
empiètent sur le bois chez les Piper, Ulex, Gui, etc., et
même peuvent n'exister que dans le bois (Petasites). Le
plus souvent, les fibres libériennes forment des feuillets en
couches minces ; il peut arriver que les faisceaux paral-
lèles restent séparés sur toute la longueur d'un entre-nœud
(Vigne) ou isolés (Cornouiller blanc). Quoi qu'il en soit,
l'industrie utilise les propriétés physiques des fibres libé-
riennes du lin, du chanvre, du china-grass, delà ramie, etc.
Si*' Enveloppe cellulaire. Ordinairement homogène, elle
peut cependant, dans un grand nombre de cas, offrir deux
zones ; la zone interne qui entoure le liber est parenchyma-
teuse (parenchyme cortical) et composée de cellules ar-
rondies ou polyédriques, laissant des méats ; ces cellules
renferment de la chlorophylle dans la portion périphérique,
de l'amidon dans celle qui avoisine le liber ; elle est quel-
quefois parcourue par des laticifères ou par des canaux à
résine ou à gomme. La zone externe, protectrice, est com-
posée de cellules épaissies, devenues réfringentes, sus-
ceptibles de gonfler par l'eau et de prendre un aspect de
cire ; c'est ce qu'on appelle le collenchyme; d'autres fois,
ces cellules deviennent scléreuses et alors on les appelle en-
core fibres libériennes sous-épidermiques. Richard a donné
le nom de mésoderme à cette zone externe.
30 Couche subéreuse. C'est le stratum phlœum de
Mohl, le suber des auteurs, vulgairement liège. Elle
remplace l'épiderme lorsqu'il vient à disparaître. Elle
est formée de cellules tabulaires disposées en files con-
centriques et en couches radiales, sans méats, privées de
bonne heure de suc celluleux et de noyaux, qui sont alors
remplacés par des gaz ; la paroi cellulosique des cellules se
transforme en subérine, produit analogue à la cutine. Ces
cellules forment un tissu imperméable dont l'épaisseur
s'accroît par le cloisonnement de l'assise génératrice subé-
reuse o\x phellogène ; celle-ci peut dépendre de l'épiderme
(Pomacées, Salix, Viburnum lantana, etc.), ou de
l'écorce jeune, dite primaire [Robinia pseudo-acacia,
Cytisus laburnum, Framboisier, Groseillier, Berberis,
Lycium, Lonicera, etc.), ou enfin du parenchyme libé-
rien (Seringat, Spirœa opulifolia, etc.). Nous n'insiste-
rons pas sur cette question. Bornons-nous à dire que, en
se développant, le liège détermine la mortification et sou-
vent la chute des tissus situés en dehors de lui, et peut
lui-même perdre ses couches les plus extérieures qui sont
du reste remplacées. On appelle quelquefois rhytidome
l'ensemble des couches ainsi mortifiées ; le rhytidome per-
siste dans l'Orme, tombe par écailles chez le Platane et par
fragments annulaires chez le Cerisier. L'épaisseur de la
couche subéreuse est considérable dans certains arbres tels
que l'Orme (Ulmus suberosa Ehrh.), le Quercus occi-
dentalis F. Gay et le Quercus suber ^ L. ; c'est particu-
lièrement ce dernier qui sert à l'extraction du liège.
Extérieurement à la couche subéreuse se trouve V épidémie
(V.ce mot). Celui-ci persiste dans lesplantes herbacées, mais
disparait tôt ou tard chez les végétaux ligneux par les pro-
grès de la couche subéreuse pour être remplacé dans son
rôle protecteur par le périderme ou zone de tissus subé-
reux engendrée par l'assise phellogène. Mohl réserve ce nom
de périderme à la couche la plus interne de cette zone,
formée de cellules tabulaires épaisses, de couleur foncée.
C'est cette couche, remarquable par sa cohérence, qui sert
dans le bouleau à la confection de vases légers, de boîtes,
de semelles, etc., et même, au Canada, de canots. L'écorce
des arbres présente généralement à sa surface de légères pro-
éminences d'abord arrondies ou lenticulaires, puis allongées
transversalement, qu'on appelle lenticellcs (V. ce mot) et
qui, le plus souvent, offrent un stomate en leur miheu.
L'écorce ne se trouve pas d'emblée constituée telle que
nous venons de la décrire ; c'est là sa structure secondaire,
qui peut même manquer chez quelques plantes annuelles.
D'autres fois, la structure secondaire se borne à l'aug-
mentation, au moyen du cambium, des éléments con-
stitutifs de chacun des faisceaux libéro-ligneux (Cucurbi-
tacées. Aristoloche, Berberis, etc.) ; dans ce cas, le vo-
lume seul des faisceaux augmente, mais leur nombre
reste le même, de sorte que 'la structure primaire paraît
permanente. Un mot est nécessaire pour caractériser cette
structure primaire : l'écorce du jeune végétal est recou-
verte d'un épiderme pourvu de stomates et de poils non ab-
sorbants, tandis que le même épiderme dans les racines
ne présente pas de stomates et porte des poils absorbants,
du moins vers l'extrémité des racines ; ces poils radicaux
disparaissent avec l'épiderme en arrière et sont remplacés
par d'autres sur les nouveaux ramules ; elle est paren-
chymateuse et formée de grandes cellules polyédriques ren-
fermant souvent de la chlorophylle ou de l'amidon ; elle
renferme fréquemment des cellules épaissies de collen-
chyme disposées en couche circulaire continue chez les
Bégonias, les Courges, etc., mais le plus souvent formant
des îlots aux points qui ont le plus besoin d'être renforcés
(angles, côtes) chez les Labiées, les Ombellifères, etc. On
a donné le nom d'endoderme à l'assise la plus interne de
l'écorce, formée de cellules étroitement unies munies sur
leurs parois radiales de plissements lignifiés qui engrènent
avec les cellules voisines ; sur une coupe transversale, ces
plissements apparaissent comme des points noirs situés sur
le milieu des faces radiales ; surtout marqués dans l'écorce
delà racine, ces plissements sont moins apparents ailleurs,
mais l'endoderme est toujours aisément reconnaissable à la
quantité considérable d'amidon que renferment ses cellules,
lors même que tout le parenchyme cortical en est privé. Chez
les Conifères, l'écorce primaire renferme des canaux sécré-
teurs qui ne manquent que chez l'If, et parfois des cellules
scléreuses. En dedans de l'endoderme existe une assise
dont les cellules alternent avec celles de l'endoderme et
qu'on appelle le péricycle ; il est simple ou composé selon
qu'il est formé d'une assise de cellules (toujours dans la
racine) ou de plusieurs ; il est même très épais dans les
Cucurbitacées ; il est homogène ou hétérogène, paren-
chymateux, fibreux, ou à la fois parenchymateux et fibreux.
En dedans du péricycle sont disposés les faisceaux conduc-
teurs ou libéro-ligneux, ouverts chez les Dicotylédones,
fermés chez les Monocotylédones, disposés en cercles dans
les premiers, très nombreux et irrégulièrement disposés
dans les seconds, plus serrés dans ce cas à la périphérie
que vers le centre.
Chez les Dicotylédones, la structure secondaire de la
tige s'étabht par le fonctionnement de deux assises généra-
trices, l'une l'assise génératrice libéro-ligneuse ou cam-
bium proprement dit, disposée en arcs entre les faisceaux
successifs et formant ainsi une assise cambienne continue ;
elle assure la formation de nouveaux faisceaux libéro-
ligneux dans l'épaisseur des rayons médullaires ou sert à
la multiplication du parenchyme ; dans certains cas, il se
forme un anneau libéro-ligneux complet. La deuxième as-
sise génératrice peut prendre naissance dans l'épiderme.
— 497 —
ECORCE
l'écorce ou le péricycle ; quand elle est d'origine péri-
cy clique, elle se cloisonne seulement sur sa face interne et
produit un tissu parenchymateux désigné quelquefois sous
le nom à'écorce secondaire. Mais, en général, elle se
Coupe transversale d'une tige d'Aspidistra elatior (^ross.
15). — ep, épiderme ; ec, écorce ; /*, faisceaux libéro-
ligneux; m, moelle.
cloisonne sur les deux côtés et donne alors du parenchyme
en dedans, du liège en dehors. Nous avons vu plus haut
que la tige des Monocotylédones offre une structure pri-
maire permanente, et son épaisseur ne varie pas, sauf,
cependant, dans le Dragonnier, les Yuccas, les Aloès, etc.,
chez lesquels fonctionne une assise génératrice anormale
Coupe transversale d'une tige de Lupin (gross. 360). — pc
parenchyme cortical; end, endoderme; per, péricycle;
l^, liber 'primaire; P^ liber secondaire; c, cambium; b^,
bois primaire; 5^, bois secondaire; m, moelle; c.int.^
cambium interne (d'après Hérail).
constituée aux dépens du péricycle et donnant naissance à
des cercles successifs de faisceaux libéro-ligneux. L'épi-
derme est encroûté de sihce chez les Palmiers, en parti-
culier chez les Rotangs, ainsi que chez les Graminées ; le
plus souvent, il disparaît et est remplacé par le suber.
Nous avons déjà indiqué quelques particularités relatives
à la racine ; d'une façon générale, les choses s'y passent
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
comme dans la tige. Nous aurions encore à nous occuper des
Acotylédones ou Cryptogames vasculaires ; ce groupe de
végétaux ne se prête pas à des considérations générales, et on
reviendra sur la structure de leur écorce aux mots Fougère,
Lycopodiacées, Equisétacées, Muscjnéks et Tige. Enfin nous
renvoyons aux mots Liane et Tige pour la description des
anomalies de développement de l'écorce aussi bien que du
bois chez diverses Dicotylédones. D^ L. Hahn.
II. Nomenclature. — Parmi les écorces employées
en médecine ou dans l'industrie, plusieurs, comme l'E.
de chêne, l'E. de grenadier, l'E. de quinquina, l'E. de
saule, etc., etc., sont suffisamment désignées, quanta leur
origine, par l'adjonction du nom du végétal qui les four-
nit. Mais, pour beaucoup d'autres, le nom n'indique pas
l'origine l3otanique. Nous mentionnons donc ci-après les
plus importantes, en inscrivant, à côté, le nom des plantes
d'où elles proviennent : Ecorce d'alcoruoque, fournie par
les Bodivichia virgilioides H. B. K. et B. major Mart.
(V. Bowdichia) ; E. d'Angusture, fournie par le Galipea
febrifuga H. B. K. (V. Angusture); E. d'Angusture
fausse, fournie par le Stychnos nux vomica L. (V. Vomi-
quier); e. d'Angusture du Brésil, fournie par VEsen-
beckia febrifuga Mart. (V. Esenbeckia) ; E. astringente,
E. de Barbatimao ou E. du Brésil, produite par plusieurs
Légumineuses-Mimosées (V. Barbatimao) ; E. de Bebeeru,
provenant du Nectandra Rodieri Schomb. (V. Bebeeru);
E. de Cail-Cedra ou Quinquina des pauvres, fournie par
le Khaya senegalensis Guill. et Perr. (V. Cail-Cedra) ;
E. de Cassia lignea, produite par le Cinnamomum Cas-
sia Blum. (V. Cannelle) ; E. de Dita, provenant de VAls-
tonia scolaris R. Br. (V. Alstonie) ; E. de Géoffrée, pro-
duite par plusieurs Légumineuses-Papilionacées du genre
Andira (V. ce mot) ; E. éleuthérienne, fournie par le Croton
elutheria Benn. (V. Casgarille); E. Giroflée, produite
par le Dicypellium caryophyllatum Nées, de la famille
des Lauracées. On l'appelle également Cannelle-Giroflée»
Les Brésiliens l'emploient en médecine comme stimulante
et dans l'économie domestique comme aromatique ; E. de
Guaranhem, de Buranhem ou de Monesia, produite au
Brésil i^diV h Lucuma glycyphlœa Mart., de la famille
des Sapotacées (V. Monesia) ; E. de Hoâng-nan, fournie
par le Stryclmos Gautheriana Pierre, arbuste grimpant
de la famille des Loganiacées, originaire des montagnes
qui séparent l'Annam du Laos. Elle renferme de la strych-
nine et de la brucine ; on l'a vantée récemment comme
remède des affections chroniques et rebelles de la peau ;
E. de jeunesse et de virginité, produite par le Pithecolobium
avaremotemo Mart. (V. Barbatimao); E. de Lavola, attri-
buée à Vlllicium anisatum L. (V. Badianier) ; E. de
Malabar, fournie par le Wrightia antidysenterica R. Br.,
de la famille des Apocynacées. C'est un puissant astringent,
très employé, aux Indes orientales, contre les affections
diarrhéiques ; E. de Malambo, produite par le Croto7i
Malambo Karst., de la famille des Euphorbiacées. Elle est
vantée comme aromatique-amère ; E. de Mancône, fournie
par V Erythrophlœum guineense Don, arbre de la
famille des Légumineuses-Cœsalpiniées, qui croît sur la
côte de Mozambique ; on en extrait un alcaloïde très véné-
neux, VErythrophléine (V. ce mot) ; E. de Margosa, pro-
duite, aux Indes orientales, par le Melia indica Brand.
(V. Margosa) ; E. de Mudar, fournie par le Calotropis
procera R. Br., de la famille des Apocynacées. Elle est
préconisée, dans l'Asie et l'Afrique tropicales, comme
tonique et diaphorétique ; E. de Moussenna ou de Mussenna,
fournie par VAlbizzia anthelmintica Brong. (V. Mous-
senna) ; E. de Palo-Matras, la même que l'E. de Malambo ;
E. de Paraguatan, produite, au Pérou, parle Condaminea
tinctoria DC. Elle donne une belle couleur rouge, cm
ployée dans la teinture; E. de Panama, fournie par plu-
sieurs Rosacées du genre Quillaja, notamment les Q. sa-
ponaria Molin., Q. smegmadermos DC. et Q. hrasi-
licnsis A. S. IL ; E. de Pichurim, produite par ÏOcotea
cymbarum H. B. K., de la famille des Lauracées ; E. pré-
32
ÉCORCE — ÉCORCHEURS
— 498 —
tieuse {Casca pretiosa des Brésiliens), fournie par le
Mespilodaphne pretiosa Nées, de la famille des Lauracées ;
on en retire, par distillation, une essence qui a les pro-
priétés de l'essence de cannelle; E. de Rohn, fournie par
le Swietenia febrifuga A. J., de la famille des Méliacées ;
E. de Surinam, produite par VAndira retusa H. B. K.
(V. Andira); e. de Winter, fournie par le Drimtjs
Winteri Y ort, de la famille des Magnoliacées-Illiciées ;
TE. de AYinter du commerce est le Cinnmnodendron
corticosum Miers, qui appartient également à la famille
des Magnoliacées. Ed. Lef.
III. Chimie industrielle. — Ecorces tannantes.
Toutes les écorces riches en tanin peuvent être utilisées
pour la préparation des peaux. En Europe, on utilise prin-
cipalement, dans la région centrale, l'écorce des différentes
espèces de chêne, du châtaignier, de l'aune; dans le Nord,
l'écorce de bouleau et celle des arbres résineux. Les pays
tropicaux renferment un très grand nombre de végétaux
qui servent au tannage des peaux.
Ecorces tinctoriales. Les écorces astringentes employées
dans la tannerie peuvent également être employées dans la
teinture ; mais seulement, en général, pour les étoôes gros-
sières ; elles donnent des nuances variant du jaune au brun
plus ou moins foncé. L'écorce tinctoriale la plus employée
est l'écorce de quer citron (V. ce mot).
IV. Géologie. — Ecorce terrestre (V. Terre).
ÉCORCEL Com. du dép. de l'Orne, arr. de Mortagne,
cant. de Laigle; 273 hab.
ÉCORCEMENT (Sylvie.) L'écorcement se pratique sur
le chêne rouvre, le chêne pédoncule, sur le chêne tauzin
dans l'Ouest, le chêne vert dans le Sud-Est, l'épicéa; en
Russie, sur le saule, le bouleau, l'aune. L'écorce de ces
arbres est employée au tannage des cuirs. Celle de l'aune
donne aux cuirs "^ une couleur foncée et peut servir à la
teinture des feutres. On écorce le chêne-liège, le chêne occi-
dental pour leur liège, le tilleul dont l'écorce sert à faire
des cordes, des liens. L'écorcement se fait : 1^ en temps
de sève sur pied ou sur chevalet; 2° à la vapeur. Dans
le premier cas, on ne peut écorcer que durant quarjite jours
environ, depuis les premiers jours de mai jusqu'à la fin
de juin, plus ou moins tôt, plus ou moins tard, selon les
années. Le chêne vert est couramment écorcé sur pied.
Avec une serpe, l'ouvrier enlève une étroite lanière d'écorce
le long de la tige, et avec Vécorçoir ou ruscadou, mor-
ceau de bois taillé en biseau, il détache l'écorce en canon.
Le prix de la façon est de 2 fr. 50 à 3fr. les iOO kilogr.
d'écorce verte. Cette écorce perd en deux jours 35 à 40 ^jo
de son poids. On la met en bottes qu'on range en piles sur
un terrain sec. Le rendement moyen à l'hectare est de
2,000 kilogr. Les prix varient del5 à 20 fr.les 100 kilogr.
secs. D'après M. Muntz l'écorce des taillis de chêne vert
renferme 42 à 47 7o de tanin, celle des taillis des chênes
à feuilles caduques en contient 7 à 40 °/o. La quantité de
tanin contenue dans l'écorce varie avec l'âge des tiges. C'est
aux environs de vingt ans qu'elle en renferme le plus. Dès
qu'elle se gerce et se crevasse, sa richesse diminue. Les
bois écorces sont abattus durant l'été et souvent pendant
l'hiver suivant, la main-d'œuvre étant alors moins chère.
De là, perte d'une année de croissance, perte à'une feuille
et affaiblissement des souches, qui ne reçoivent pas les ma-
tières nutritives élaborées par les feuilles. L'écorcement sur
chevalet est plus généralement appliqué. Les tiges coupées
et émondées sont couchées et fixées sur le chevalet. L'écorce
est ensuite détachée comme il vient d'être dit.
L'écorcement à la vapeur présente ce grand avantage
qu'il peut s'exécuter plusieurs mois même après la coupe.
C'est en 4864 que M. Maître, de Châtillon-sur-Seine, eut le
premier l'idée d'employer la vapeur. Un courant de vapeur
d'eau bouillante arrivait dans des caisses fermées sur les
rondins. Au bout d'une demi-heure l'écorce se détachait
facilement. M. de Nomaison, quelques années après, per-
fectionna ce procédé. 11 employa de la vapeur sèche, un
appareil plus léger, démontable, pouvant se transporter en
forêt. L'écorce est d'aussi bonne qualité que celle enlevée
par les autres procédés. G. Boyer.
ÉCORCES (Les). Com. du dép. du Doubs, arr. de
Montbéhard, cant. de Maîche; 407 hab.
ÉCORCHAGE (V. Charcuterie, t. X, p. 609).
ÉCORCHÉ (Beaux-arts). Reproduction, en dimension
réelle ou réduite, d'un corps d'homme ou d'animal, dépouillé
de sa peau, et montrant la disposition extérieure des muscles.
L'étude de l'écorché est des plus utiles à l'artiste, et l'im-
portance que lui ont toujours donnée les grands maîtres
permet d'affirmer que, sans elle, un peintre est exposé à
commettre de nombreuses incorrections de dessin. Les meil-
leurs modèles d'écorchés offerts aux études ont été exécutés
par Houdon et Salvage ; celui du premier est dans l'atti-
tude d'un homme debout, le bras étendu, celui du second
présente les formes et l'attitude du Gladiateur combattant,
Michel-Ange aussi a sculpté un très bel écorché ; mais sa
pose violente, contorsionnée, le rend peu propre à l'étude
et le fait considérer comme une de ces œuvres audacieuses
qu'un puissant génie peut se permettre, mais qu'il serait
plus que dangereux d'imiter. Les anciennes œuvres de l'école
florentine sont du reste remarquables par la perfection ana-
tomique de leurs figures ; les études sérieuses que ces artistes
faisaient d'après l'écorché sont encore attestées par les écrits
qu'ils ont laissés. 4.a rénovation artistique à laquelle David
a donné la plus puissante impulsion remit en honneur les
études anatomiques dans l'école française ; on en vit même
l'exagération dans de nombreuses figures peintes avec une
musculature fouillée et redondante comme celle d'un écorché.
Ce fut probablement pour réagir contre cet excès que l'un
des grands chefs d'école de l'époque suivante, Ingres, pros-
crivit de son enseignement les études d'écorché,^ comme
contraires à la sincérité du rendu de la nature. Géricault,
qui étudia les chevaux avec tant de passion, a laissé un bel
écorché de cheval, et des études analogues ont été faites,
pour les grands carnassiers, par les sculpteurs Barye et
Rouillard. Ad. T.
ÉCORCHES. Com. du dép. de l'Orne, arr. d'Argentan,
cant. de Trun; 303 hab.
ÉCORCHEURS. Gens de guerre qui, vers le milieu du
xv^ siècle, exercèrent dans toute la France un véritable
brigandage. On pourrait donner ce nom aux bandes de
mercenaires, grandes compagnies, armagnacs, routiers,
qui, pendant toute la guerre de Cent ans, commirent par-
tout les plus horribles ravages; mais il s'applique particu-
lièrement aux aventuriers qui, de 4435 à 4445, se signa-
lèrent par une recrudescence de déprédations et de férocité.
Après le traité d'Arras (20 sept. 4435), quand il fallut
évacuer les places rendues au duc de Bourgogne, les garni-
sons de la Champagne licenciées par le connétable de
Richement formèrent des bandes qui s'associèrent^ bientôt
avec d'autres pour le pillage et le butin. Elles avaient des
chefs renommés qui, pour la plupart, avaient été ou étaient
encore au service de Charles VII, comme La Hire, Sain-
trailles, A. de Chabannes, L. de Bueil, Rod. de Villan-
drando, etc. Le pillage, la dévastation, l'incendie, le viol,
le meurtre marquaient partout le passage des écorcheurs.
Après eux venaient encore les retondeurs, ainsi nommés
parce que « ils retondoient tout ce que les premiers avoient
failly de happer » (01. de La Marche, I, 245). Ni les
ordonnances royales, ni la sévérité, pourtant si redoutée,
du connétable, ne purent même atténuer le mal. La résis-
tance des écorcheurs fut, avec celle de la féodahté, le prin-
cipal obstacle aux réformes militaires si ardemment ré-
clamées par les Etats généraux de 4439, et la principale
cause de la Praguerie (4440). Quand la trêve de Tours
(20 mai 4444) suspendit les hostilités entre la France et
l'Angleterre, le péril devint encore plus menaçant. Pour
délivrer la France de ce fléau, Charles VII et le dauphin
conduisirent les écorcheurs en Lorraine et en Alsace, où
ils périrent en grand nombre. Ces expéditions (4444-4445)
mirent à peu près fin à Vécorcherie. La réforme de
l'armée et la création des compagnies d'ordonnance (4445)
-499 —
ÉCORCHEURS - ECOSSE
permirent ensuite de mieux réprimer les excès des gens de
guerre, mais non de les faire cesser entièrement. E. C.
BiBL. : Les chroniqueurs de Tépoque, surtout Ol. de La
Marche, édit. de la Soc. de Fhist. de Fr., I, 243, 215, etc.
— MoNSTRELET, id., V, 317, ctc. — Th. Basin, id., I, 56,
. 102, etc. — J. CiiARTiER, édit. Vallet de Viriville, I,
217, etc. — Le Bourgeois de Paris^ éd. A. Tuetry, 150,
347, etc. — Martial d'Auvergne, les Vigiles de Charles V/Z,
édit. Le Coustelier; Paris, 1724, 2 vol. in-12, I, 147. — La
Chronique Martinie7ine, édit. gothique d'Anthoine Vérard,
fol. CCLXXXV, CCLXXXVI, — Vallet de Viriville,
Hist. de Charles V/I, II,'420 et suiv. — A. Tuetey, les Ecor-
cheurs sous Charles VII; Montbéliard, 1874, in-8. — De
Beaucourt, Hist. de Chartes YI/, t. III, pp. 13 et suiv.,
385 et suiv., t. IV, ch. i. — J. Quicherat, Rodrigo de
Villandrando^ 121 et suiv. — E. Cosneau, le Connétable
de Richemont, 237, 282 et suiv., 298, 313 et suiv., 341, 351,
347 et suiv. - Mns. fr. 5022, passim; 5054, fol. 87 ; fr. 25,
711, n» 137, à la Bibl. nat.; JJ. 185, fol. 215 v% K. 65
n° 2 X^'^ 1482, fol. 104 ; Y^ fol. 25, 26, aux Arch. nat.
ÉCORDAL. Corn, du dép. des Ardennes, arr. de Vouziers,
cant. de Tourteron ; 791 hab.
ECO R PAIN. Com. du dép. de la Sarthe, arr. et cant. de
Saint-Calais ; 523 hab.
ECOS. Ch.-l. de cant. du dép. de l'Eure, arr. des An-
delys; 561 hab.
ECOSSAISE (Philosophie). On a, pendant longtemps,
désigné chez nous, sous le nom d'école écossaise, l'école
inaugurée au xviii^ siècle par Thomas Reid, représentée
ensuite par Dugald Stewart et Th. Brown, illustrée enfin
par William Hamilton. L'histoire de <!ette école se confond
presque avec l'histoire d'un problème ou plutôt d'une am-
bition spéculative. Reid, au xviii^ siècle, s'était proposé
d'établir sur des fondements psychologiques inébranlables
la légitimité de la croyance à la réalité du monde sensible ;
et avec lui, jusqu'à William Hamilton, la philosophie écos-
saise traversa une crise réaliste. Il ne faut pas confondre
ce que l'on a, peut-être assez improprement, appelé « école
écossaise » avec la philosophie écossaise. La première dure
à peu près un siècle, depuis l'époque à laquelle Reid com-
mence d'écrire jusqu'à la mort d'Hamilton, en 1856. On
peut faire commencer la seconde vers 1710, et son dévelop-
pement historique n'est pas près de prendre fin. Il ne faut
pas croire non plus que les traits dominants de la philo-
sophie écossaise ne se rencontrent que chez Reid. Reid est
remarquable comme psychologue, ou, du moins, il a long-
temps eu la renommée d'être le plus sage et le plus exact
des observateurs de l'àme humaine. Mais Hume n'est guère
moins exact, et il est, à coup sûr, plus avisé. Reid tient la
métaphysique en grande défiance ; Hume la tient pour
inaccessible, et si, en Hume, le psychologue est doublé d'un
incomparable dialecticien, ce qui n'est certainement pas le
cas de Reid, la valeur de Hume comme psychologue est
tout à fait hors de pair. La psychologie de Reid reste à
fleur d'expérience ou plutôt d'observation ; il ne veut voir
que le visible à l'œil nu. Hume regarde au microscope.
C'est donc faire preuve d'un défaut de sens historique et
philosophique tout ensemble, que d'entreprendre, ainsi que
l'a tenté Victor Cousin, une histoire de la philosophie
écossaise, en considérant tous les prédécesseurs de Reid
comme ses précurseurs et en supprimant David Hume.
Reid, loin d'inaugurer une période d'apogée, pourrait bien
inaugurer une période de décadence. Certains l'ont pensé,
et leurs arguments portent. Il est évident que la philoso-
phie de Reid est en pleine réaction sur celle de Hume ; il
l'est moins que Reid soit un philosophe réactionnaire, dans
le sens défavorable attaché à l'épithète. Quoi que l'on puisse
penser à cet égard, il est permis de soutenir que Reid doit
beaucoup à David Hume, et l'on ne saurait trop insister sur
h i^ârt â'inÛuence positive exercée par Hume sur Reid. Il
est presque de tradition d'admettre que la dogmatique de
Reid est sortie des excès de la critique sceptique de Hume.
Elle en est sortie sans doute, mais mainte page des Essais
philosophiques sur V entendement humain pourrait
servir de préface aux œuvres de Reid ; en effet, il n'a pas
échappé à Hume que, si la critique mène au scepticisme, la
« nature » en détourne. Hume savait donc que la nature
est impérieusement dogmatique et que sa philosophie allait
à rencontre du sens commun. S'il n'a pas été Reid, c'est
qu'il n'a pas voulu l'être.
_ De ce rapprochement entre Hume et Reid, qu'on ne peut
ici qu'indiquer, et de tout un ensemble de remarques con-
duisant à des inductions analogues, on est autorisé à conclure
qu'il faut désormais ne plus séparer l'histoire de l'école
écossaise de celle de la philosophie écossaise, ou du moins,
qu'en se bornant à la première, on expose simplement
l'une de ses phases. De ce qui vient d'être dit, le lecteur
peut aisément se rendre compte à l'aide de la Scottish
Philosophy du professeur James Mac Cosh. Sous ce titre,
en un fort volume, se trouvent réunies plus de cinquante
études, consacrées chacune à un philosophe écossais. Shaf-
tesbury est le premier, Hamilton est le dernier de la galerie
à travers laquelle l'auteur nous promène, et l'on s'aperçoit
que, si les doctrines d'Hamilton, de Brown, de Stewart et
de Reid y sont très exactement et très finement analysées,
d'autres, beaucoup moins connues, tiennent dans le livre à
peu près autant de place, et elles en semblent dignes. On
s'aperçoit encore d'autre chose, c'est que, si les philosophes
écossais sont curieux de psychologie, cette curiosité ne se
suffît pas à elle-même ; une fois satisfaite, elle prépare ou
même commence la solution des problèmes de la morale et
de la religion naturelle. A ce point de vue, Reid ne fait
point exception. Mais la très grande étendue qu'il donne
dans ses ouvrages aux recherches de psychologie dispose
le lecteur à oublier qu'il était avant tout un homme de
raison pratique. Il a côtoyé maintes fois le kantisme et,
pour être Kant, le génie seul lui a manqué.
Cette remarque n'a pas échappé à l'un des historiens
français de Reid, Charles de Rémusat {Essais de philoso^
phie) ; elle s'applique non seulement à Reid, mais à presque
tous les Ecossais. Et cela explique pourquoi l'Ecosse, qui
a été la patrie de psychologues observateurs, tels que Reid
et Stewart, de psychologues dialecticiens tels que Hume,
Brown, Hamilton et Stuart Mill, est représentée, au mo-
ment oti nous écrivons, par des maîtres destinés, semble-
t-il, à une renommée moins éclatante, mais dont les doc-
trines ont fait subir à la philosophie, dans ce pays, un
changement de caractère assez notable. Nous croyons
cependant qu'il n'y a pas eu métamorphose, mais simple
évolution. En ce moment, l'Ecosse, en dehors de l'illustre
Bain, n'a qu'un psychologue, M. Mac Cosh. Elle a un logicien
distingué, M. Veitch, disciple d'Hamilton, éditeur de ses
œuvres. Elle compte d'excellents et distingués moralistes,
et des moralistes qui savent être métaphysiciens. S'ils sont
métaphysiciens, à peine est-il besoin de le dire, c'est en
vue de fonder une philosophie de la raison pratique. L'his-
torien du criticisme anglais au xix^ siècle, à supposer qu'il
se rencontre un jour, devra consacrer de nombreux et im-
portants chapitres aux successeurs des Reid et des Hamilton
dans les universités d'Ecosse.
Le livre de M. Mac Cosh est le meilleur guide à
suivre pour l'histoire de la philosophie écossaise jusqu'à
Hamilton. Le livre de Victor Cousin, la Philosophie écos-
saise, est excellent pour qui veut lire Thomas Reid en
abrégé, et, de même, on doit louer sans réserves les essais
consacrés à ce philosophe par Charles de Rémusat. Un
autre livre, dû au professeur de Saint-Andrews, M. André
Seth, destiné à relever le crédit de Reid et à réclamer pour
lui une place voisine de celle que l'histoire assigne à Kant,
Scottish Philosophy, sera lu avec fruit par tous ceux qui
aimeront à s'expHquer comment le pays d'élection de la
psychologie exacte et sagace est devenu, au moment où nous
écrivons, le pays de refuge d'une métaphysique religieuse
animée d'un double esprit criticiste et chrétien. — En
France, Reid a eu pour disciples Royer-Collard.Jouffroy,
Adolphe Garnier (V. ces noms). Lionel Dauriac.
ECOSSE. Généralités. — Limites, superficie. —
L'Ecosse (Scotland) est une des trois parties du Royaume-
Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande. Elle occupe la partie
septentrionale de l'île de Grande-Bretagne. Elle est limitée
ECOSSE
— 500
de trois côtés par la mer, à TE., au N. et à l'O. ; au S.,
elle confine à l'Angleterre. Elle comprend, outre la traction
septentrionale de la Grande-Bretagne, un grand nombre
d'îles plus ou moins distantes du littoral. Elle s étend depuis
54«38Musqu'à58H0^30^aat.N.etde4«6^à8«35Mong.O.
en ne tenant pas compte des îles. Le pomt le plus septen-
trional est Dunnet Head ; le plus méridional, le Mull de
Galloway ; le plus oriental est Peterliead ; le plus occi-
dental, la pointe d'Ardnamuchan. Mais, si l'on tient compte
des îles, les points extrêmes se trouvent au N. par 60^ 51 oO
(Outsack, dans les îles Shetland), à l'E., par 30M3^ long. 0.
dans les îles Shetland), à l'O. par 10« 56^ (île de Samt-
Kilda). Pour nous en tenir à ce que nous appellerons la
terre ferme, en l'opposant aux petites îles, l'Ecosse mesure
463 kil. de Dunnet Head au Mull de Galloway ; sa plus
grande longueur du N. au S., de Durness (comté de
Sutherland), à Burrow Head (comté de Wigtown) serait de
437; sa plus grande largeur, de l'E. à l'O., de Peter-
head (comté d'Aberdeen) à Applecross (comté de Ross),
serait de 250 kil. Sa plus petite largeur entre l'estuaire du
Forth et celui de la Clyde, de Grangemouth (comté de
Stirline) à Bowling (comté de Dumbarton) n'est que de
57 kil. La forme de l'Ecosse est extrêmement irrégulière.
Elle est très profondément découpée par la mer ; à première
vue, on y distingue trois tronçons (sans parler des îles) ;
de la frontière méridionale à l'étranglement entre le Forth
et la Clyde ; depuis celui-ci jusqu'à la dépression du Glen-
more entre les golfes de Moray et du Loch Linnhe, distants
de 415 kil. ; enfin le tronçon septentrional. Si l'on fait abs-
traction des archipels des Orcades et des Shetland placés
au N., les îles se trouvent presque toutes du côté occi-
dental', le plus capricieusement entaillé par la mer. La
frontière orientale est formée par la mer du Nord, la fron-
tière septentrionale et occidentale par l'océan Atlantique ;
au S.-O. est le canal du Nord qui sépare l'Ecosse de l'Ir-
lande ; au S. sont le golfe de Solway, dépendance de la mer
d'Irlande, et la frontière terrestre qui sépare l'Ecosse de
r Angleterre. Cette frontière terrestre est formée par l'en-
clave de Berwick, la Tweed, une ligne qui se dirige vers
le S. pour gagner la crête des monts Cheviots, qu'elle suit
du N.-E. au S.-O., puis le ruisseau de Kershope (affluent
du Liddell),le Liddell (affluent de l'Esk), entin le ruisseau
de Sark qui débouche dans les grèves du golfe de Solway.
Cette ligne assez irrégulière mesure 145 kil. de la mer du
Nord au golfe de Solway ; mais, à vol d'oiseau, la distance
n'est que de 112 kil. Le développement des côtes, en fai-
sant abstraction des îles, des petites baies et anfractuosités
du littoral, est de 3,540 kil. L'Ecosse est donc une contrée
essentiellement maritime. Aucun point n'est distant de la
mer de plus de 120 kil. , , , ,^ ^ c
La superficie de l'Ecosse est évaluée (Ordnance Sur-
vey 1881) à 80,435 kil. q., dont environ 9,600 kil. q.
pour les îles. Ce total comprend 1,240 kil. q. pour la
laisse de mer et 1,600 kil. q. d'eau (lacs et nvieres) de
sorte que la terre proprement dite n'occupe que 77,400 kil. q.
environ. . „r /. t> \
Géographie physique (V. Grande-Bretagne).
Géographie politique. — L'Ecosse est un royaume
réuni depuis l'acte du 16 mars 1707 à celui d'Angleterre.
Elle est subdivisée en 33 comtés. Elle envoie à la Chambre
des lords 16 pairs élus par l'ensemble de la haute noblesse
écossaise à chaque renouvellement du Parlement; à la
Chambre des communes 72 députés, dont 39 élus par les
comtés, 31 par les bourgs et 2 par les universités. Au
moment de l'Union, l'Ecosse conserva ses lois et son admi-
nistration modelées sur celles de France ; elles ont été
rapprochées depuis de celles d'Angleterre, mais l'Ecosse a
aardé ses tribunaux. La Court of Session (créée en 15o2)
répondait au parlement de Paris; elle a été modifiée
depuis; elle compte 13 juges répartis entre la chambre
intérieure (8) et la chambre extérieure (5). Les appels
doivent être portés à la Chambre des lords. Une haute
cour de justice, instituée en 1672 pour les afi'aires crimi-
nelles, comprend 7 juges dont le lord-justice général ,
président. .
Divisions politiques actuelles. — La division admi-
nistrative est le comté, mais les comtés sont groupés en
huit divisions. De plus, on peut adopter d'autres cadres
que ceux des comtés pour une série de cas (administration,
police, élections, etc.). A la tête de chaque comté est un
lord-lieutenant nommé à vie par la couronne ; il a les
pouvoirs militaires et ceux d'un haut sherifi". Mais le pou-
voir réel appartient à des commissaires qui règlent les
questions d'impôts, de finances, de police, et aux sheriffs
(V. ce mot). Dans les bourgs, les pouvoirs de ces derniers
appartiennent aux baillis. On compte 70 bourgs royaux,
dont 4 ont moins de 500 habitants ; Earlsferry (comte
de Fife) en a 286 seulement. Les Registrations Counties,
comtés administratifs, difi'èrent un peu des anciens comtés
historiques parce que, quand une paroisse est située sur
deux ou trois comtés, elle est entièrement attribuée à
celui où se trouve l'église paroissiale.
Mouvement de la population.— A la fin du xv« siècle,
la population de l'Ecosse est évaluée très approximative-
ment à un demi-million d'habitants: Edimbourg en comp-
tait 20,000, Perth 9,000, Aberdeen et Dundee 4,000.
Au début du xviii« siècle, la population s'élevait à un
million d'habitants; en 1755, on l'évaluait à |,265,000.
Le recensement de 1801 donna le chifi^re de 1,608,420.
Les recensements décennaux qui ont suivi ont marqué un
progrès constant; en 1881, il y avait 3,735,573 hab.;
en 1886, on en comptait 3,950,000 environ. Le tableau
inséré ci-contre indique la répartition par comtés et régions
de cette population. La densité totale est relativement
faible, guère plus du quart de celle de l'Angleterre. Cela
tient à la grande étendue du territoire montagneux. En
effet, dans 'les comtés du Nord-Ouest qui occupent près du
quart de l'Ecosse, il y a moins de 9 hab. par kilomètre
carré; dans ceux du Nord, la proportion n'est que de 13.
Si l'on y ajoute les comtés d'Argyll et de Perth, on aura
une superficie totale de 43,000 kil. q., avec seulement
500,000 hab., soit une moyenne de 12 par kdometre carre.
D'autre part, la région montagneuse du Sud n'a pas
210,000 hab. pour plus de 8,000 kil. q., soit 26 hab.
par kilomètre carré. En revanche, la région dite du
Sud-Ouest avait, en 1881, 1,385,000 hab. plus du
tiers de la population de l'Ecosse, sur 5,800 kil. q., une
densité de 237 hab. par kilomètre carré. La plame de la
Clyde et du Forth (jusqu'au Tay), qui sépare des Highlands
la rédon montagneuse du Sud, nourrit beaucoup plus de
la moitié des Ecossais. On y trouve sept des huit grandes
villes : Glasgow, Edimbourg, Dundee, Greenock, Pais-
ley, Leith et Perth; la seule qui soit en dehors est
Aberdeen.
Voici quels sont les chiffres des recensements décennaux
de ce siècle : ^ , ,
1801 1.608.420 hab.
48ll". 1.805.864 —
182l! 2.091.621 -
1831 2.364.386 —
4841 !* 2.620.484 —
1851 * 2.888.742 —
1861 '. 3.062.294 —
1871*.* 3.360.018 —
1881.*. 3.735.573 --
L'accroissement de la population fut général dans tous
les comtés, de 1801 à 1841 , et partout dépassa 1 0 <>/ , saut
dans les comtés d'Argyll, Perth et Sutherland. Mais, depuis
1841 plusieurs comtés ruraux ont perdu, surtout ceux
des Highlands. Ceux dont la population a diminué sont :
Sutherland, Ross et Cromarty, Inverness, Argyll, Perth,
Kinross, Wigtown. Dans un seul (Kinross), elle est tombée
au-dessous du chiffre de 1801. La population msujaire a
diminué de près de 5,000 hab. en trente ans (18ol-
1881), la population rurale de plus de 125,000 en vingt
ans (1861-1881). Dans la période 1861-1881, la popula-
— 501 —
ECOSSE
tion rurale du comté de Caithness est tombée de 28,2 ^^9 hab.
à 24,309; celui de Sutherland de 21,560 à 18,696; celui
de Ross et Cromarty de 59,447 à 49,882; celui d'Inver-
ness de 67,355 à 74,439; celui d'Argyll de 60,109 à
46,081. Une des causes les plus actives de la dépopulation
des Highlands est que les propriétaires expulsent les petits
fermiers pour créer de vastes domaines de chasse. Ceux-ci
occupaient, dès 1877, plus de 800,000 liect. (V. Grande-
COMTES
1. Shetland...
2. Orkney
3. Caithness ..
4. Sutherland .
I. Northern.
5. Ross et Cromarty.
6. Inverness
II. North. Western.
7. Nairn
8. Elgln
9. Baniï'
10. Aberdeen. ..
11. Kincardine .
m. North Eastern.
12. Fozfar (Angus),
13. Perth
14. Fife
15. Kinross
16. Clakmannan
IV. East Midland.
17. Stirling
18. Dumbarton.
19. Argyll
20. Bute
V. West Midland..
21. Renfrew .
22. Ayr
23. Lanark. . .
VI. South Western.
24. Linlithgow (WeslloUian).
25. Edinburgh (Midlolhian). . .
26. Haddington (Easllolhian) .
27. Berwick
28. Peebles
29. Selkirk....
VII. South Eastern..
3i). Roxburgh
31. Dumfries
32. Kirkcudbright.
33. Wigtown
VIII. Southern..
Total..
CHEFS-LIEUX
Lerwick.
Kirkwall.
Wick.
Dornoch.
Dingwal, Cromarty.
Inverness.
Nairn.
Elgin.
Banff.
Aberdeen.
Stonehaven.
Forfar.
Perth.
Cupar.
Kinross.
Clackmannan.
Stirling.
Dumbarton.
Inverary.
Rothesay.
Renfrew .
Ayr.
Lanark.
Linlitligow.
Edinburgh.
Haddington.
Greenlaw.
Peebles.
Selkirk.
Jedburgh.
Dumfries.
Kirkcudbright.
Wigtown .
SUPERFICIE
1.428
973
1.775
5.250
9.ii26
8.103
10.584
18.681
463
1.232
1.659
5.062
993
9.^09
2.266
6.544
1.274
188
123
10.395
1.158
625
8.318
564
10.665
634
2.922
2.283
o
.839
311
937
701
1.192
918
666
4.725
1.722
2.751
2.324
1.257
8.054
77.200
POPULATION
au
recensement
du 4 avr. 1881
29.705
32.044
39.859
22.376
123.98^1
79.467
86.389
'1657856'
8.847
45.108
59.783
269.047
35.465
kl8.250
268.653
130.282
172.131
7.330
24.025
602.^21
106.883
78.182
80.761
17.634
283.^60
225.611
217.630
942.206
1.385.^^7
44,005
388.836
38.510
35.273
13.688
26.316
"5^676^58'
POPULATION
calculée
au 30 juin 1886
28.758
32.460
39.268
21.911
122.391
78.122
87.575
165769 f
9.108
45.408
60.262
280.932
35.662
U31.312
284.116
131.202
177.758
7.039
25.028
625.1^3
52.592
76.167
42.290
38.448
114.411
88.977
81.353
17.997
302.138
242.613
226.239
1.032.397
1.501.2'i9
45.463
423.768
38.918
34.705
14.529
30.733
588.116
209.^91
3.735.573
55.031
76.879
42.398
38.373
212.681
3. 949 -393
DENSITE
de la population
Habitants
par kil. carré
21
33
22
4,3
134
9,8
8,2
8,9
19
37
36
53
36
44
118,6
20
135
39
195
58
92
125
9,7
_31
~26^6 '
356
74
413
231
141
415
55
30
15
40
"iilT
31
28
18
31
26
48
Bretagne, § Géographie économique). Cette diminution
de la population rurale, étant due non seulement à l'immi-
gration dans les villes, mais à l'émigration hors de l'Ecosse,
a eu ce résultat que l'accroissement de la population totale
de l'Ecosse s'est proportionnellement moins accrue de 1841
à 1881 que 1801 à 1841 ; dans la période récente, l'ac-
croissement a été de 42 et demi ""/q ; il était précédemment
de 63 °/o. Dans la période 1871-1881, l'accroissement a
été de 11,18 0/^. Il a été de 37,65 dans le comté de Sel-
kirk, quia passé de 18,572 hab. à 25,564; de 28 7o dans
le comté de Dumbarton, qui a passé de 58,857 hab. à
75,333 ; de 21 ,4 °/o dans le comté de Renfrew, qui a passé
de 216,947 hab. à 263,374; de 18,17 «/, dans le comté
de Lanark, qui a passé de 765,339 hab. à 904,412 ; de
18,51 % dans le comté d'Edimbourg, qui a passé de
328,379 hab. à 389,164. L'influence des grandes villes
est manifeste. D'autre part, les comtés suivants ont vu
décroître le chiffre de leur population : Kinross, de 7 ^jo ;
Shetland, de 6 %; Sutherland, de 3,9 '^/o; Berwick, de
3 0/0 ; Ross et Cromarty, de 3 «/o; Caithness, de 2,8 *^/o;
Wigtown, de 0,6 7o; Kincardine, de 0,5 7o- La popula-
tion des villes était en 1861 del,616,314hab.; en 1881,
de 2,306,852; — celle des villages était en 1861 de
339,740 hab.; enl881, de 447,884; —celle des districts
ruraux était en 1861 de 1,106,420 hab.; en 1881, de
980,387. La population des villes a donc gagné 335,570
hab. et représente 61,75 7o du total au lieu de 58,09 «/o,
tandis que celle Ses campagnes a décru de 85,099 hab.
et ne représente plus que 26,26 7o du total au lieu de
30,39 7o.
Le tableau de la page 502 montre comment la popula-
tion a varié dans les principales villes depuis le début du
XIX® siècle.
Au point de vue de la nationahté, on comptait en
Ecosse en 1881 :
Ecossais 3.397.759
Irlandais 218.745
Anglais et Gallois 91.823
ECOSSE
- 502 -
Natifs des colonies britanniques . . 12.874
Sujets britanniques 7 . 024
Natifs des îles anglo-normandes . 949
Etrangers 6.399
D'autre part, on a recensé la même année en Iriande
22,328 Ecossais et en Angleterre 253,528 Ecossais ; c.-à-d.
qu'il y a dans le Rovaume-Uni environ 310,000 Anglais et
VILLES
1801
1821
1841
1861
1881
Edimbourg (avec
Leith)
81.404
77.058
26.992
27.396
25.058
17.190
16.388
136.351
140.432
43.821
32.126
38.102
21.719
18.197
158.961
261.004
63.288
64.269
48.263
36.169
20.407
201.749
394.864
73.805
90.417
47.406
42.098
25.250
287.842
551.415
105.189
140.239
55.638
66.704
28.980
Glasgow
Aberdeen
Diindpe
Greenôck
Perth
Iriandais établis en Ecosse contre environ 254,000 Ecos-
sais établis en Angleterre et en Iriande. On émigré donc
plus de ces contrées vers l'Ecosse que de l'Ecosse vers elles.
Une quantité considérable d'Ecossais ont émigré hors du
Royaume-Uni; de 1853 à 1885, il en est parti 568,790.
Le mouvement tend à se développer; de 1853 à 1855, il
émisra 62,514 Ecossais; de 1856 à 1860, 59,016; de
1861 à 1865, 62,461; de 1866 à 1870, 85,621; de
1871 à 1875, 95,055; de 1876 à 1880, 70,596; de
1881 à 1885, 133,527.
Le chiffre des naissances fut, dans la période 1861-71,
de 1,120,791; dans la période 1871-81, de 1,254,351.
Celui des décès fut, dans la période 1861-71, de 706,196 ;
dans la période de 1871-81, de 765,468 ; ce qui fait res-
sortir un excédent de 414,595 naissances sur les décès
de 1861 à 1871, et un excédent de 468,833 de 1871 à
1881. La proportion des célibataires était, pour le sexe
masculin, de 66,28 «/o ; pour le sexe féminin, de 62,85 «/o ;
celle des gens mariés, de 30,44 «/^ pour les hommes,
28,90 °/o pour les femmes; celle des veufs, de 3,28 %;
celle des veuves, de 8,19 °/o. La population se répartissait
comme suit d'après ses occupations :
Improductifs 2.128.589
Industriels 932.653
Agriculteurs . 269 . 537
Commerçants 132 . 126
Domestiques 176 . 565
Professions libérales . . 96 . 1 03
On trouvera le complément de ces renseignements dans
l'article Gr\nde-Bretagne, § Géographie économique.
Au point de vue de la langue et de l'ethnographie, on
distin2;ue deux groupes fondamentaux : celui des Highlands
ou Hautes Terres et celui des Lowlands, plaines et col-
lines du S. et de l'E. La population des Highlands parle
encore en grande majorité le gaélique, dialecte celtique ;
celui-ci domine sur près de 40,000 kil. q. (Sutheriand, Ross
et Cromarty, Inverness, lies Hébrides, Argyll, partie
montagneuse du Perthshire), bien qu'il ne soit usité que
par 231,594 personnes. Ce chiffre montre combien est
faible la densité de la population dans les Highlands. Là,
le gaélique est encore la langue ecclésiastique, mais il perd
sans cesse du terrain devant l'anglais. La population anglo-
phone des Basses Terres est de sang très mélangé; sur le
fond celtique se sont superposés des Angles et des Scan-
dinaves. Le produit de ces croisements, l'Ecossais du Sud,
est un homme de taille moyenne, aux longues jambes, aux
pommettes accentuées, aux yeux clairs, intelligent, réfléchi
et persévérant, très attaché à sa patrie, plus sociable que
l'Anglais et d'abord plus agréable, mais assez méfiant et
très économe. Les Highlanders, Celtes à peu près purs, ont
perdu beaucoup de leur originalité, et l'on n'y reconnaîtrait
plus les héros des romans de Walter Scott. Hs n'ont plus
le régime patriarcal des clans, aboli au siècle dernier, ni le
costume national. Le caractère est resté le même, vaillant,
indépendant, hospitalier, loyal, fidèle à la parole donnée
et à l'attachement pour le chef de la tribu, mais très
superstitieux. Le costume classique ne se retrouve plus
guère : il comprenait une veste, un plaid ou tartan accro-
ché au-dessus de l'épaule gauche et un bonnet. Le modèle
et les couleurs du plaid variaient selon les clans. Le
régime patriarcal des clans fondé sur la coutume tradi-
tionnelle fut attaqué au xvii« siècle et détruit au xvIIl^
L'attachement des chefs des Highlanders à la cause
des Stuarts amena leur ruine. Les progrès de la civili-
sation rendirent leurs pillages intolérables aux Lowlan-
ders, gens des Basses Terres, qui les pourchassèrent.
Cromwell désarma les clans et leur imposa une vie paci-
fique. Fortifiés par la Restauration, ils furent attaqués après
l'insurrection de 1715 (V. ci-après le § Histoire). Leur
mécontentement se traduisit par l'insurrection de 1745-46,
qui décida leur ruine. On les désarma, on interdit le cos-
tume national, on supprima le régime patriarcal et l'auto-
rité des chefs héréditaires.
Divisions historiques. Les divisions administratives ac-
tuelles de l'Ecosse, les trente-trois comtés, ne correspondent
qu'imparfaitement aux anciennes divisions historiques.
Nous indiquerons donc brièvement celles-ci telles qu'elles
étaient établies au xvi^ siècle, et nous y ajouterons un
tableau des anciens clans des Highlands. La distinction
fondamentale était en Highlands et Lowlands, Hautes et
Basses Terres. Les Lowlands occupaient le S. et l'E. de
l'Ecosse; les Highlands, l'O. et le N. La séparation peut
être marquée par une ligne droite tirée à partir de l'es-
tuaire de la Clyde à l'O. de Dumbarton, et dirigée vers le
N.-E. jusqu'au voisinage des sources de l'Esk, coupant le
Forth près de Kippen (à l'O. de Stirling), le Teith, à TE.
de Callander, l'Earn, vers Criefl, le Tay,prèsde Dunkeld,
prenant à l'O. de Blairgowrie et d'Alyth. A partir des
monts Battack et Keen, cette hgne de démarcation s'incurve
vers le N., coupe la Dee vers Balmater, les sources du
Doveran, la Spey vers Charlestown, et vient aboutir sur
le golfe de Moray, à l'O. de l'embouchure de Findhorn.
Ainsi, le N.-O. du comté actuel de Dumbarton, la moitié
occidentale de celui de Stiriing, celui de Perth moins la
lande orientale, appartenaient aux Highlands ; la frontière
de celui d'Angus coïncide à peu près avec la ligne de démar-
cation indiquée ; l'extrémité occidentale du comté d' Aber-
deen, la moitié septentrionale de ceux de Banff et d'Elgin
appartenaient aux Highlands, qui possédaient en entier les
territoires formant les comtés actuels de Bute, Argyll, In-
verness, Ross et Cromarty, Nairn et Sutheriand ; celui de
Caithness en était distingué. — Au xvi*^ siècle, les divisions
n'étaient pas les mêmes, mais il y avait aussi une série de
comtés divisés entre les Highlands et les Lowlands : Lennox,
Menteith, Strathearn, Mar, Moray.
Voici quelles étaient les provinces ou comtés de l'Ecosse
du XVI® siècle, en commençant par le S. anglais. Nous
indiquons la concordance avec les comtés actuels. Gallo-
way (Kirkcudbright est le Galloway oriental, Wigtown le
Galloway occidental avec le château de Kenmure et de
Thrieve sur la Dee). — - Ayr, comté actuel où l'on distin-
guait trois territoires, Carrick au S., Kyle au centre, Cun-
ningham au N. ; sur le littoral, les châteaux de Turnberry
et Dunure, en face l'île de Bute, les îles de Cumbray. —
Nithsdale, bassin de la Nith, avec la ville de Dumfries et
le château de Drumlonrig ; réuni à VAnnandale, bassin
de l'Annan, il forme le comté actuel de Dumfries. — Te-
viotdale, bassin du Teviot, comté actuel de Roxburgh ;
c'était cette région des Cheviots où la guerre de frontière,
le brigandage, étaient à l'état endémique; outre les châteaux
d'Herïnitage etdeCessford, signalons sur la Tweed l'abbaye
de Melrose, l'abbaye de Dryburgh, le château de Roxburgh.
Au S.-O. du Teviotdale, le Liddesdale, bassin du Lidde,
formait un canton à part. — Merse répond à notre comté
de Berwick, avec les cant. occidental de Lauderdale et
septentrional de Lammermoor. — Tweeddale, bassin supé-
rieur de la Tweed, avec le château de Neidpath, correspond
Grande Encyclopédie _ Tome X\'.
ECOSSE
0 Mér. de Greenwnch \ 1
10
91
O.de Paris
59
îîoms des Comtes pai^ Jivjsïons et Jem^s Mivèviahons
II
CAITH CaùTine^^
ORKIiEY" (ORCADES)^Mr^^
SHETLAND Sheti^^u^.
SUTH.L SïcÛLÉThind^
M
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BU. Bute.
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Le<f norrup de^ che/à'-fieMOcy de. oomùétP j'orvt iwub^ni
Vocabulaire spécial el Abréviations
B . Ben 7eV>î , J'ovrurte.t
L. Loofv. LccC' (oity^Baie/J
Aher^ _ iTvoer^ Bœor-ey
Cf.. aien. J^'at^.- VaJldey éù^'oUey
l\u .ffY> . Fù^tA....l^ondy
Cra-ié" Hoo/ve?^ Skeir Eoiteily
]^îota, _ Voïn aUiS\fiy Ze^ Vocajf)idcu\ne de- Za.y
Dundalk B. -
1
MER
Pt'o^hefla. '
58
S*Abb's"Head
IHoty
I.Rathlin .^ ' <? •'^ '^
'"; "Mullof Cantine ^"iSanda ^^
FairH«' , KJ^IM^"
' -n ^ •< / Craitf >
1 >^^ /^ h
; ' Copsewall P*^ V ^^
Ft>rt PatricA^
K. ShieVls
'l^gr^fT'dy Loi^Tv
Osupé/eéocoT^y
'FiamborougW H . i.
5^
R Ij a. N D \ E ^^'^^p'^^<\
y"^-iinigy^
10
9
Echelle du 2.5oo.ooo^
^^«^Je eu ïmp. pa^Erhard. F^^-^ J8^2
- 503 -
ECOSSE
aux comtés actuels de Peebles et Selkirck, le second ayant
absorbé l'Ettrickf Forest, les vallées de l'Ettrick et du
Yarrow, célèbres dans les fastes militaires de l'Ecosse. —
Clydesdale, bassin de la Clyde, était une des régions les
plus importantes avec ses châteaux de Douglas, Hamilton,
Bothwell, la ville de Glasgow. C'est à peu près notre comté
de Lanarck. — Non moins important était le Lothian,
la plaine riveraine de l'estuaire du Forth, avec la capitale
Edimbourg, les châteaux de Blackness, Niddry, Craig-
millar, Borthwick, Crichton, Carberry, Tantallon, etc.
On y découpa trois comtés, oriental, central, occidental
(Haddington, Edimbourg, Linlithgow). — L'ancien comté
de Stirling ne comprenait que la partie orientale du comté
actuel (plus Linlithgow) ; mais il s'étendait au N. du Forth
sur le canton qu'on en a détaché pour former le comté de
Clackmarnnan. — Le comté de Fife, entre Forth et Tay, a
joué un grand rôle dans l'histoire écossaise ; on en a détaché
celui de Kinross. Les villes principales étaient Dunfermline
et Saint- Andrews ; citons aussi les châteaux de Leven, Falk-
land, Bambrieck. — Le comté à'Angus est devenu celui
de Forfar avec sa ville de Dundee, ses châteaux de Claver-
house, AirJie, Kinnaird, etc. — Celui de Mearns est devenu
Kincardine (château de Dunnottar). — Dans toute cette
région des Lowlands, les cadres ont peu varié ; les comtés
actuels répondent à peu près exactement aux anciens. Il
n'en est plus de même quand nous abordons les Highlands.
Le comté de Lennox, à cheval sur l'estuaire de la
Clyde, auquel il ajoutait le bassin du lac Lomond, a été
démembré entre les comtés de Renfrew, de Dumbarton
(qui a pris l'O. du lac Lomond) et de Stirling auquel on
a ajouté la bande entre ce lac et le Forth. Dans le Len-
nox étaient les châteaux de Balglass, Buchanan, Duckray. —
Le Menteith s'étendait au N. du Forth, sur les rives
du loch Katrine et du Teith, avec les châteaux de Ichma-
home. Donne, Dunblane; c'est aujourd'hui la fraction
méridionale du comté de Perth. — Celui-ci comprend en
outre les comtés de Strathearn, de Breadalbane, d'Athole,
sans parler des cant. de Rannoch, Glenshie, Stormont
Gowrie, etc. — Le Strathearn était le bassin de l'Earn avec
Drummond, Perth et Scone, — Le comté de Breadalbane
appartenait entièrement aux Highlands ; c'était le bassin
supérieur du Tay, avec les châteaux de Lawers, Finlarig,
Garth. — Le pays à'Athole, au N. de notre comté de
Perth, embrassait les régions du lac Rannoch et le bassin
moyen du Tay. Sauf Inverqueich, il appartenait aux High-
lands. — Le comté de Marr comprenait le bassin supé-
rieur de la Dee (dont le cours inférieur le limitait au S.)
et celui du Don (cant. d'Alford) avec les châteaux d'In-
verey, Braemar, Balmoral, Kildrummy, Lesmore, Balquham.
Hallforest et la ville d'Aberdeen; il a été absorbé par le
comté d'Aberdeen, lequel renferme en outre l'ancien comté
de Buchan avec les cant. de Garrioch (sur l'Ury) et de
Formartin (le long de l'Ythan). — Ce comté de Buchan
à la pointe N.-E. de l'Ecosse appartenait aux Lowlands,
à peu près en entier, avec les châteaux de Slains, Cairn-
bulg, Pitsligo, Findlater, Huntly. La moitié occidentale du
Buchan a formé le comté actuel de Banff, lequel possède
en outre la vallée de F Avon, prise sur le pays de Marr.
— Le Moray allait du Spey au Glass, en embrassant les
bassins du Findhorn, du Nairn, du loch Ness. Sauf la bande
riveraine, qui a formé le comté d'Elgin, il appartenait aux
Highlands (comté de Nairn et N. de celui d'Inverness).
On y peut signaler les districts de Aird, Strathspey,
Sthrathdearn, Strathnairn, Stratheurick, Glenurqhart, Glen-
moriston, Strathglass, les châteaux d'Urqhart, Moy, Grant,
Dunphail, la ville d'Inverness. — Au centre de l'Ecosse, aux
sources du Spey et autour du lac Laggan, entre les pays
d'Athole, Moray et Lochaber, était le Badenoch (S.-E. du
comté d'Inverness). — Le comté de Ross était un peu plus
étendu au N.-O., un peu moins auS.-O. qu'il n'est actuel-
lement ; on y distinguait les districts d'Ardross, Ardmea-
nach, Ferindonald, Strathcarron, Gairloch, Lochbroom,etc.
— Le Sutherland actuel a absorbé l'ancien Sutherland
au S. et le Strathnavern au N., avec les districts de la
côte occidentale, Assynt, Eddrachilles. — Le comté de
Caithness a gardé ses limites historiques. — Sur la côte
occidentale, où la terre est déchiquetée par les fiords et
lochs, les îles (Hébrides, Skye, etc.) étaient partagées
entre les clans ; nous en parlerons tout à l'heure. La terre
ferme et les îles côtières se partageaient entre le Lochaber
au N., l'Argyll au S. — Le Lochaber répond au S. du
comté d'Inverness, autour du Ben Nevis, avec les châteaux
d'inverlochy, Ardgower, etc. ; on y peut rattacher les dis-
tricts de Knoidart, Arisaig, Moidart, Locheil, Ardgower,
Sunart, Ardnamuchan, Morvern; ces derniers ont été rat-
tachés au comté à'Argyll, lequel répond à l'ancien comté
avec ses districts de Lorn, Argyll, Knapdale, Corval, Can-
tyre (ou Kintire), et les îles avoisinantes. — Enfin, les
grandes îles méridionales de Bute (château de Rothesay)
et à'Arran ont toujours gardé leur autonomie.
n nous faut maintenant dire comment ces vallées, ces
pâturages et ces îles des Higlands se partageaient entre les
seigneurs et les clans. Cette division historique ne répond
guère aux grands compartiments que nous venons d'indi-
quer, et naturellement les limites ont varié d'une période
à Fautre selon la puissance relative des clans ; beaucoup
ont péri, d'autres se sont agrandis ou bien subdivisés. Le
tableau que nous en tracerons ne sera donc qu'approxima-
tivement exact, même pour le xvi® siècle.
L'île d'Arran appartenait aux Hamilton, L'île de Bute
aux Steiuarts ou Stuarts, lesquels étaient également ré-
pandus à la lisière S. orientale des Higlands. — Dans le
Lennox, nous trouvons au S.-O. du lac Lomond les Gal-
braiths, au N. de ceux-ci les Calqiihouns, puis les Mac-
far la7ies; le long de la mer, contigus aux Galbraiths, les
Macaulays (vers Hellensburg). A FE. du lac Lomond, les
Buchanans, au N. de ceux-ci les Mac-Gregors, entre* le?
lacs Lomond et Katrine. — Au N. du Forth et sur le lac
Katrine, dans le Menteith, étaient les puissants Grahams,
bornés au N. par le clan Lauren Maclarens. — Dans la
vallée supérieure de FEarn (Strathearn) et sur le lacVoil,
nous retrouvons les Stewarts au milieu desquels s'enclave
le clan précédent. AuN.de l'Earn, dans le Strathearn, sont
les Murrays, puis le comte de Gowrie; sur le Tay moyen
et supérieur (Athole) encore les Stewarts dont les terri-
toires s'enchevêtrent avec ceux des Robertsons et des Men-
zies. Le principal noyau du clan Donachy ou Robertsons
borne le lac Rannoch; plus à l'O., entre les lacs Rannoch
et Ericht est le centre des Menzies. Au N. des Robertsons
sont les terres des comtes d'Athole ou Atholl, sur le
Garry, auprès le petit clan des Mackintoshes deClentilt;
sur l'Ericht les Macthomas et les Fergusons; au S., sur
la même rivière, les Spaldings. A l'E. de cette vallée,
confinant àl'Angus, le lord Ogilvy d'Airlie. —A FO. du
comté de Mar, sur la Dee supérieure, les Farquharsons
(Balmoral, Inverey) ; auN. de ceux-ci, aux sources du Don,
le comte de Himtly. — Entre celui-ci et les Grants,
maîtres du bassin moyen du Spey, s'intercalent les Shaws,
débris du clan Quhele, jadis redoutés. Aux sources du
Spey, sur le Findhorn sont les descendants du clan rival
de Chattan, les Macphersons et les Mackintoshes, les
premiers dans le Badenoch oriental, les autres au N. et au
centre du Moray. Les terres du comté de Murray confi-
nent à la baie de Moray et au Findhorn inférieur. A l'O.
du lac Ness, nous retrouvons les Grants, encadrés entre
les Frazers qui sont établis à FE. du Glenmore, depuis le
lac Lochy jusqu'à Inverness et dans le bassin du Beauly et
du Farar. Sur le Glass sont les Chisholms. — Le comté
de Ross est occupé par la puissante tribu des Mackenzies,
A l'O. du fiord de Gromarty, autour de Fowlis, sont les
Munroes. Entre ce fiord et celui de Dornoch, le clan An-
rias, ou de Ross. Sur l'autre rivage, près du loch Broom,
la tribu de Glengarry, également étaWie plus au S., sur le
loch Carron, en face de l'île de Skye. — Le Sutherland
appartient aux Murray s, au N. desquels nous trouvons, sur
F unie, le clan Ciinn contigu au comté de Caithness.
ECOSSE
— 504
Dans le Strathnavern est le clan Morgan ou des Mackays.
— Nous voici parvenus aux clans insulaires, un moment
très importants. La plus grande des Hébrides, l'île Lewis,
est occupée par les Macleods, divisés en deux branches:
au N.les Macleods de Lewis ^ au S.ksMadeods d'IIarris;
ils se sont établis aussi sur la terre ferme : dans le district
d'Assynt; au loch Enard; entre les lochs Eive et Torridon,
dans le Gairloch; enfin au pied du Ben Scrial, au N. du
loch Hourn. L'île de Raasay et celle de Saint-Rona sont
aux Macleods (MacgiUiechallum) . L'O. de l'île de Skye est
aux mains des Macleods d'Harris. — Les Hébrides cen-
trales, North Uist et Soulh Uist, appartiennent au clan
Do7iald; North Uist aux Donalds du Nord; South Uist
aux Macdonalds. Les Donalds du Nord ont aussi la pres-
qu'île septentrionale de l'île de Skye et la partie S.-E. de
cette île avec les îles Rum, Canna, Eigg et Muck; nous
avons dit que le troisième tronçon (occidental) de Skye
était aux Macleods; le quatrième (N.-E., avec l'île Scalpa)
est aux Mackinnons. Sur la terre ferme, nous retrouvons
les Macdonalds. Le clan Ranald Macdonald s'étend depuis
la mer jusqu'au lac Oich, sur le Moidart (au N. du lac
Shiel), l'Arisaig, le Knoidart, le glen Garry. Au S. du lac
Shiel est le clan Machian^ ou des Macdonalds d'Ardna-
muchan et Sunart.Dâns leBadenoch, sur le Spean, dans
le district de Lochaber, sont le clan Ranald de Lochaher
et un peu au S. les Macdonalds de Keppoch, sur le lac
Treag, confinant aux Macphersons à l'E., aux Camerons à
rO. et au S. Enfin une dernière tribu des Macdonalds
habite le long du loch Leven, au S. des Camerons. Une
autre branche de cette grande tribu, le clan Donald du
Sud^ possède l'île Islay, le S. de l'île Jura et la presqu'île
de Cantyre. Aux limites du Cantyre et du Knapdale est le
petit clan des Macallisters . — Les Hébrides méridionales
(Eriskay, Barra, Mingulay, etc.) appartiennent aux Mac-
neils. — La grande île Mull avec les îles voisines (Tirée,
Coll, etc.) est au clan Gillean., ou des Macleans, auxquels
s'adjoignent les Macquaries (îles de Stafifa, Ulna, etc.).
Les Macleans s'étendent entre les lochs Sunart et Linnhe
jusqu'au loch Eil, sur les districts de Morvern et d'Ard-
gower. Hs ont encore le N. de l'île de Jura et les petites
îles de Luing et Scarba. — Les îles Colonsay et Oronsay
sont habitées par le clan Duffy ou des Macfies. Revenus
à la terre ferme, le S. du Glenmore, le loch Eil et les
pentes du Ben Nevis jusqu'au loch Leven, sont le domaine
du clan Cameron, — Nous voici enfin parvenus au terri-
toire du plus puissant des clans écossais, celui de Campbell,
auquel appartiennent les comtes d'Argyll et qui a fini par
s'emparer de presque tous les comtés d'Argyll et de Brea-
dalbane en refoulant ou soumettant d'autres clans plus
faibles. Hs s'étendent depuis le lac Tay jusqu'à la mer
(firth of Lorn) et de l'estuaire du Forth au loch Linnhe.
Le centre de leur puissance est le loch Fyne sur lequel
est leur capitale Inverary. Les clans dépossédés par eux ou
refoulés sont : au S. du loch Linnhe les Stewartsd'Appin ;
au S. du loch Etive les Macdougals ; au N. d'Inverary les
Macnaughtan; au N. du lac Awe le clan Gregor ou des
Mac Gregors qui, anciennement, s'étendait du lac Lomond
au loch Leven et au lac Laidon, mais fut dépossédé parles
Campbells de presque toutes ses terres, particulièrement du
district de Glenorchy. Maîtres des deux rives du lac Tay,
les Campbells confinent aux Stewarts, aux Robertsons, au
comté de Gowrie. Dans la vallée ou glen Docharl, qui aboutit
au lac Tay, se sont maintenus les Macnabs. A. -M. B.
Géographie économique (V. Grande-Bretagne).
Histoire. — La première période de l'histoire d'Ecosse
s'étend depuis l'expédition du Romain Agricola dans le
nord de la Grande-Bretagne jusqu'à l'évacuation de l'île
par les Romains. Sur les temps antérieurs, on ne pos-
sède aucun document écrit ; l'anthropologie et l'archéo-
logie seules jettent sur la préhistoire de ces âges une
lumière douteuse (cf. J. Andersen, Scotland in pagan
Urnes, the Bronze and Stone Ages; Edimbourg, 4886,
in-8 ; W.-F. Skene, Celtic Scotland, 3 vol. in-8). Qu'il
nous suffise de dire que, dans les îles écossaises et même
dans certains districts des Highlands, ont persisté jusqu'à
nos jours des sociétés archaïques, de très anciens procédés
de culture et de partage du sol, qui sont, sans doute, des
vestiges d'une civilisation bien antérieure à l'ère chrétienne
(cf. G.-L. Gomme, The Village Commiinity ; Londres,
1890, in-12, passim). Agricola est le premier Romain qui
ait franchi la Solway; deux routes, dont les traces sont
encore reconnaissables, sillonnèrent le pays conquis : l'une
part de Carlisle, passe par Dumfries et Lanark pour aboutir
au delà de la Clyde ; l'autre part de High Riechester en
Northumberland, traverse le Lothian et aboutit au Forth,
à Cramond. En 79, Agricola campa dans les comtés actuels
de Stirling et de Perth. H fit construire une ligne de forts
entre le Forth et la Clyde, remplacée sous Antonin le
Pieux par un mur continu, afin de défendre les Lowlands
romanisés contre les incursions des Calédoniens (c'était le
nom générique que les Romains donnaient aux sauvages
habitants des Hautes Terres). En 84, la bataille dite des
Grampians, livrée par le chef calédonien Galgacus aux
environs de Blairgowrie, décida pour toujours que les
aigles ne dépasseraient point le cours du Tay.
Sous Adrien, trois légions furent chargées de défendre
un mur construit d'une mer à l'autre entre Newcastle et
Carlisle; c'est le fameux mur d'Adrien contre les Calédo-
niens, haut de i 6 pieds, épais de 6, protégé par une tranchée
de 34 pieds de large, long de 80 milles anglais. On a dit avec
raison que ce mur d'Adrien fut à la fois un symbole de la
grandeur de Rome et de la valeur des Bretons du Nord, que
Rome semblait ainsi renoncer à subjuguer jamais. Sous
Antonin le Pieux, le général Lollius Urbicus reconquit tou-
tefois le district compris entre le mur d'Adrien et les forts
d'Agricola, qu'il relia, nous l'avons déjà dit, par un second
mur (Graham's dyke). On ne sait pas exactement combien
de temps la contrée comprise entre les deux murs demeura
soumise aux empereurs ; on y a trouvé peu de monnaies
romaines postérieures au règne d' Antonin. Septime Sévère,
en 208, fit cependant un puissant effort pour entamer les
Highlands ; il répara les brèches pratiquées dans les murs
d'Adrien et d' Antonin et s'avança jusque sur la Dee, mais
il mourut à York en 214 , et l'entreprise de la conquête fut
abandonnée. Pendant cent ans, l'histoire est muette après
cela sur les barbares de Calédonie, géants à cheveux rouges,
dit Tacite, tatoués, armés de courtes épées et de boucliers
légers, au rapport des annalistes de Sévère. Au iv^ siècle,
apparaissent les noms de Pietés (305) et de Scots (360,
dans Ammien Marcellin) ; la région enfermée entre les
deux murs fut recouvrée pour la dernière fois en 368 par
un général qui lui donna, en l'honneur de l'empereur ré-
gnant, le nom de Valentia; mais, avant 409, non seule-
ment la province intermédiaire était reperdue, mais les
garnisons romaines s'étaient rephées jusque sur le conti-
nent ; la Grande-Bretagne tout entière était derelicta a
Romanis, abandonnée par les légions.
Quelle était, à cette époque, la population de l'Ecosse?
Elle se composait de deux groupes : une population au-
tochtone, réduite à Tétat de servage, d'une autre race
que les Aryens; au-dessus d'elle, à l'état d'aristocratie
guerrière, les conquérants celtes. Ceux-ci étaient divisés
eux-mêmes en plusieurs peuplades : Bretons ou Kymris,
au sud, apparentés étroitement aux Bretons de l'Angle-
terre, Pietés et Scots. Au vi^ siècle, les Pietés, qui se
donnaient le nom de Cruithne, occupaient le nord et le
centre des Highlands; on a une chronique des Pietés,
en latin, du x^ siècle, qui donne de longues généalogies
royales ; c'est à peu près tout ce que nous savons sur
ce peuple. Les Scots, à la même date, étaient étabhs à
Argyll et dans les îles ; ils étaient venus de l'île d'Irlande
qui, jusqu'au xiii^ siècle, a porté le nom de Scotia ma-
jor. Scots et Pietés d'Ecosse étaient, à cette époque,
beaucoup plus barbares que leurs frères d'Irlande et du
pays de Galles; ils ne nous ont point laissé, en effet,
de monuments juridiques comparables au Senchiis Mor,
— 505 —
ECOSSE
de monuments annalistiques comparables aux Iriades gal-
loises (cf. W.-F. Skene, Chronicles of the Picts and
Scots and other early Memorials of scottish history;
Edimbourg, 1867, in-8). Le christianisme ne parvint
pas jusqu'à eux avant le v^ siècle ; saint Ninian, fils d'un
chef breton de Galloway, fut le premier apôtre des Pietés ;
il évangélisa les comtés modernes de Stirling, Perth et
Forfar ;i\ eut pour successeurs Palladms, Kentigern, plus
connu sous le nom de Mungo, saint Patrick, Çolumban
(V. ces noms). Çolumban, de naissance irlandaise, fonda,
à la fm du vi« siècle, le fameux monastère d'Iona (Hy) et
acheva la conversion des Pietés ; parmi ses disciples,
Machar créa l'église d'Aberdeen ; Cormac, l'apôtre des
Orcades ; Drostan, le premier abbé du monastère de Deer.
Ces fondateurs apportèrent en Ecosse le christianisme sous
la forme que cette religion avait reçue dans les premiers
pays celtiques qui l'avaient adoptée, sous la forme monas-
tique ; il ne semble pas qu'ils aient éprouvé de sérieuses
difficultés à extirper les superstitions antérieures (cf. Dun-
can Keith, A History of Scotland, civil and ecclesias-
ticaU from the earliest times to the death of David L ;
Edimbourg, 1886, 2 vol. in-8).
Après la conversion au christianisme, l'événement le plus
important de l'histoire d'Ecosse est l'unification des diverses
peuplades sous le sceptre de Kenneth Mac Alpine. La période
de deux siècles pendant laquelle cette union fut préparée est
malheureusement très obscure. Les Angles de Northumber-
land s'établirent dans le Lothian, c'est là un fait certain et
capital. Mona, File sacrée des Celtes, devint l'ile des Angles,
Anglesey. Les Celtes de Strathcl^jde et d'Ecosse furent
désormais séparés de leurs compatriotes du pays de Galles
par l'interposition d'une province anglaise. Le roi germain
Edwin étendit son royaume jusqu'au Forth et donna son
nom à la future capitale de l'Ecosse (Edwinsburgh, Edim-
bourg). Or, la région écossaise ainsi recouverte par les
Angles de Northumberland fut le siège d'un très fécond
mélange des deux races. Les Celtes, déjà chrétiens, conver-
tirent les Angles (V. Cuthbert [Saint]) et leur communi-
quèrent la science, alors fameuse, qui se transmettait dans
leurs monastères : Bède, Csedmon, Alcuin en ont bénéficié.
D'autre part, le Lothian anglicisé fut le centre d'où la
langue et la civilisation teutoniques ont rayonné plus tard
dans l'Ecosse celtique. Notons ici une importante différence
entre l'Angleterre et l'Ecosse : en Angleterre, l'élément
germanique a supprimé l'élément celtique ; en Ecosse, il
se l'est assimilé. — Hors du Lothian anglicisé, les Pictes
furent les premiers à former, par le groupement successif
des clans, un grand royaume. Leur roi, Angus Mac Fergus
(731-76-1), exerça une suprématie effective sur plus de la
moitié de l'Ecosse actuelle. On ignore comment cette domi-
nation fut renversée ; mais, au milieu du n.^ siècle, un
certain Kenneth Mac Alpine, roi des Scots, gouvernait à la
fois les Pictes et les Scots, soit que les premiers aient été
subjugués par les seconds, soit, ce qui est plus probable,
que Kenneth fût à la fois l'héritier des lignées royales des
deux peuples. Il n'y eut plus dès lors qu'un royaume
(royaume de Scone, Alhania, Scotia) au N. de la hgne
du Forth et de la Clyde. Deux circonstances avaient cer-
tainement contribué à rendre facile cette fusion des prin-
cipautés primitives en une seule : IMe triomphe de la
liturgie romaine sur l'ancienne liturgie de l'Eglise celtique,
l'organisation du pays en diocèses, l'introduction de la hié-
rarchie toute monarchique de l'Eglise romaine ; 2° les
invasions des Normands, qui firent sentir le besoin de
l'union; les pirates norvégiens ne s'en étabhrentpas moins
solidement, du reste, dans les Hébrides, dans les Shetlands,
à Caithness, à Sutherland et dans l'ancien royaume des
Angles de Northumbrie. Kenneth Mac Alpine régna seize
ans (844-860) et ne cessa pas de guerroyer dans toutes
les directions ; il combattit les Danois (qui s'avancèrent
cependant jusqu'à Dunkeld) ; les Bretons du district de
Strathclyde (qui brûlèrent Dunblane) ; les gens du Lothian,
chez qui il ne fit pas moins de six invasions. L'œuvre
de ses descendants fut justement de continuer toutes ^ ces
guerres, d'annexer le Lothian, d'annexer le district celtique
de Strathclyde, de réduire les clans encore indépendants
de l'extrême Nord : Angus, Mearns, Moray ; de rejeter les
Danois à la mer et de constituer ainsi une Ecosse unie et
libre. Les rois scots de la dynastie de Kenneth, qui se sont
succédé, non de père en fils, mais suivant l'ordre établi
parla coutume celtique appelée tanistry (V. ce mot) furent,
au ix^ siècle, Donald P^, Constantin I^'\ Grig, Donald II
(V. ces noms). Donald II fut remplacé par le plus grand
prince de cette lignée, Constantin II, qui régna quarante
ans (900-940) ; Constantin ne put, toutefois, que se tenir
sur la défensive : les Danois étaient encore trop forts et
les Saxons de Wessex, sous Edouard l'Ancien, étaient au
plus beau moment de leur expansion ; mais son fils Indulf
chassa les Northumbriens d'Edimbourg; Malcolmll (1005-
1034) gagna la bataille de Carham (1018), qui dévolut
pour toujours le Lothian à l'Ecosse. A sa mort, le royaume
de Scone comprenait, outre les districts primitifs des Pictes
et des Scots, Angus et Mearns, Fife, Aberdeen, le Lothian.
AMalcolm II succéda son petit-fils, Duncan (1034-1040),
et c'est ici que se place la fameuse légende de Macbeth,
immortalisée par Shakespeare, d'après Holinshed. Macbeth
(V. ce nom) était fils d'un chef de Moray qui, par sa femme
Gruoch, avait des prétentions à la couronne ; il assassina
Duncan, qui, par son mariage avec la fille du Danois Nor-
thumbrien Siward, avait manifesté des tendances àTalliance
de l'Ecosse celtique avec les races germaniques du Sud.
Macbeth, représentant du celtisme intransigeant, régna
seize ans, jusqu'en 1057, non sans habileté ni vigueur ;
il succomba cependant à la bataille de Lumphanan in Mar,
gagnée par le jeune Malcolm, fils de Duncan, et Tostig,
son allié, comte saxon de Northumberland.
L'avènement de Malcolm III Canmore marque une ère
toute nouvelle dans les destinées du royaume. La période
préparatoire, qui s'achève à la mort de Macbeth, avait été,
en somme, très utile; pendant deux siècles, les Ecossais
s'étaient montrés capables de vivre unis et de se défendre,
ce que les Irlandais, par exemple, n'ont jamais su faire. Mais
il y avait encore beaucoup de progrès à accomplir ; il n'y
avait pas de lois écrites, pas d'institutions régulières, pas
de commerce, pas d'industrie, pas même de monnaie.
L'existence du royaume de Scone reposait tout entière sur
la fidélité personnelle des chefs de clan au roi, leur suze-
rain. Dans la période qui va s'ouvrir, les Anglo-Saxons du
Lothian et les Normands donneront aux Ecossais ce qui
leur manque encore ; ils introduiront en Ecosse le régime
féodal, la culture occidentale, et certaines qualités viriles
que le Celte pur possède rarement. « Le royaume celtique
d'Ecosse se civilisa, à partir de Malcolm III, sous des
influences normandes et saxonnes, sans rien perdre de sa
vigueur native. » La prospérité de l'Ecosse indépendante,
au xu^ et au xiii^ siècle, fut la conséquence de cette heu-
reuse évolution. — Malcolm Canmore (1058-1093) avait
été élevé à la cour d'Edouard le Confesseur, roi des Anglo-
Saxons, cour entièrement soumise à l'influence des Nor-
mands de Neustrie. Malcolm n'y reçut point une éducation
anglo-saxonne, mais bien une éducation anglo-normande,
fait capital, car il eut pour conséquence de faire passer
l'Ecosse du xi« et du xii^ siècle, sans transition, de la civi-
lisation celtique à la civilisation du continent. Les institu-
tions proprement saxonnes n'ont eu aucune fortune chez
les Scots, qui n'imitèrent leurs voisins d'Angleterre que
lorsque ceux-ci eurent été normannisés. Cependant, Malcolm,
après la conquête de Guillaume le Bâtard, accueillit dans
ses Etats l'atheling saxon Edgar, petit-fils d'Edmond Côte
de Fer, et, quand les Normands eurent atteint le Northum-
berland, il engagea contre eux une lutte inégale; il fut
contraint de prêter hommage à Guillaume le Conquérant
et à Guillaume le Roux. A sa mort, en 1093, le royaume
était borné au S. par la Tweed, les Cheviots et la Solway ;
mais les borders étaient l'objet de revendications contra-
dictoires : les rois normands d'Angleterre avaient des
ECOSSE
— 506 —
prétentions sur le Lothian, comme héritiers des Angles de
l'ancien royaume de Northumbrie ; les rois d'Ecosse récla-
maient, en revanche, le Cumberland anglais en s'appuyant
sur des conventions du temps d'Edgar. La femme de Mal-
colm, Marguerite, fille de l'atheling Edouard et d'une prin-
cesse de Hongrie, contribua beaucoup, au xi^ siècle, à
adoucir les mœurs rudes des montagnards du Nord ; elle
restaura, avec l'aide de l'archevêque de Canterbury, Lan-
franc, la liturgie romaine en Ecosse, et fonda des établisse-
ments charitables ; surtout elle donna aux sujets de Mal-
colm l'idée et le modèle de la sainteté féminine.
Le vieil esprit celtique ne pouvait pas, néanmoins, dis-
paraître sans quelques protestations violentes. Les Celtes,
attachés aux anciennes coutumes, choisirent pour roi, suivant
la coutume traditionnelle de la tanistry, non le fils, mais le
frère de Malcolm, Donald Bain. L'héritier légitime (légitime
au point de vue du droit normand), Edgar, fils de Malcolm
et de Marguerite, ne fut installé sur le trône qu'après une
guerre acharnée et grâce à l'appui d'une armée normanno-
saxonne. Il fut, ainsi que son frère Alexandre P'* (1107-
d1-24), un partisan résolu de l'alliance et de la culture
anglo-normandes ; il avait épousé une fille naturelle de
Henri P»" Beau-Clerc. A l'exemple de son père, il appela
des ecclésiastiques de Canterbury et de Durham pour réor-
ganiser les cadres de l'Eglise celtique ; on trouve pour la
première fois, à sa cour, un connétable, un chanceher, un
sheriff d'Ecosse, des comtes, des germes d'institutions et
d'étiquette féodales. David P>* (4124-1153), élevé à la
cour de Henri P',fut, dit-on, encore mieux « dégagé de la
rouille de la barbarie écossaise » ; il épousa une Saxonne,
héritière du comté de Huntingdon, veuve d'un comte nor-
mand de Northampton, et s'entoura de Normands ; il
administra même le comté de Northampton pendant la
minorité de son beau-fils, et entra, à ce titre, dans d'intimes
relations féodales avec le roi normand d'Angleterre. Cela
n'empêcha pas, du reste, David de maintenir, comme son
frère Alexandre, l'indépendance des évêchés écossais à
l'égard des sièges métropolitains d'York et de Canterbury.
Mais, comme baron anglais, il s'immisça dans les affaires
intérieures de l'Angleterre, prit le parti de sa nièce Mathilde
contre Etienne, après la mort de Henri P^ Sa cour fut
entièrement modelée sur celle du royaume voisin ; il eut
un justiciarius ; il institua des juges itinérants ; ses chartes
sont rédigées dans le style des actes émanés de la chan-
cellerie anglaise; il distribua force terres du domaine
royal sous réserve de charges féodales, et il confirma des
concessions analogues consenties par plusieurs de ses sujets.
H fit des édits fiscaux et de procédure criminelle « avec
le conseil des grands du royaume », à l'exemple de ce qui
se passait à Londres ou à Winchester. L'Ecosse devint
même, sous le règne de David, un Etat féodal plus
régulièrement féodal que l'Angleterre elle-même, car, en
Angleterre, le droit normand eut à compter avec la per-
sistance des coutumes saxonnes, qui ont laissé des traces
si profondes dans la common law ; en Ecosse, il fut
adopté intégralement; la seule législation qui ait influé sur
la common law écossaise, en dehors du droit féodal nor-
mand, n'est pas d'origine celtique ; c'est le droit romain à
travers le droit canonique.
Malcolm IV, fils de David (1154-1165), continua la
politique paternelle ; il suivit même Henri H Plantagenet
dans l'une de ses expéditions contre Toulouse et lui céda
le Cumberland ; c'était aller loin dans la voie de la défé-
rence; on estima, en Ecosse, que c'était aller trop loin,
et quelques soulèvements l'indiquèrent, mais les insurgés
furent vaincus ; le pays de Moray (ou Murray), entière-
ment soumis, fut partagé par Malcolm entre des colons
normands et flamands ; ainsi fut éteint le dernier foyer
du celtisme (1160). Guillaume le Lion (1165-1214)
servit d'abord dans les armées de Henri II contre la
France, en qualité de comte de Huntingdon, comme avait
fait son prédécesseur ; mais, n'ayant pu obtenir la resti-
tution du Cumberland qui lui avait été promise, il entama
des négociations avec Louis VII de France. Ces négocia-
tions sont la première manifestation authentique de cette
alliance franco-écossaise qui, cimentée par une haine com-
mune de l'Angleterre, a été si solide pendant près de six
cents années. Dès lors, l'Ecosse s'émancipa de la tutelle
anglo-normande ; c'est en France que les Ecossais iront
chercher désormais la science et la civilisation ; c'est la
France qui sera leur initiatrice et leur suzeraine intellec-
tuelle. Les rapports de Guillaume le Lion et de Louis VII
restèrent toutefois stériles. Au cours de la rébellion du
jeune Henri contre son père Henri II, Guillaume le Lion,
qui avait pris le parti du rebelle, fut fait prisonnier à
Alnwick par Ranulf de Glanville, et interné à Falaise, en
Normandie. Le désastreux traité de Falaise rendit la liberté
à Guillaume, mais à condition de prêter hommage à la
couronne d'Angleterre pour l'Ecosse et de renoncer à l'in-
dépendance de l'Eghse écossaise à l'égard du siège d'York.
Les quatre villes du Lothian, Edimbourg, Stirfing, Ber-
wick, Roxburgh, furent livrées comme garantie aux Anglo-
Normands. Heureusement pour Guillaume, ce traité ne
resta pas longtemps en vigueur ; Henri II, vieilli, n'eut
pas la force de veiller à ce qu'il fût rigoureusement exé-
cuté ; le clergé écossais put refuser impunément de payer
la dime saladine, et, à son avènement (1189), Richard
Cœur de Lion consentit, moyennant une somme de
10,000 marcs, à abroger les conventions de Falaise. Guil-
laume employa la seconde partie de son règne à l'adminis-
tration pacifique du royaume ; il fut grand protecteur des
villes, auxquelles il donna des chartes, qui lui fournirent
des subsides et acquirent par là certains droits (lesquels se
transformèrent plus tard en droits parlementaires) à se
mêler des affaires publiques. Presque toutes les chartes
municipales d'Ecosse datent de Guillaume le Lion; citons:
Perth, Aberdeen, Inverness, Dumfries, Lanark, Irvine,
Ayr , Forfar , Dundee , Arbroath , Montrose , Kintore ,
Banff, Cullen, Nairn (cf. Ch. Gross, The Gild Mer-
chant; Oxford, 1890, in-8, t. I, appendice D). Mêmes
tendances sous Alexandre II (1214-1219). Alexandre II
fut un prince populaire, nullement imbu d'idées autocra-
tiques ; il s'aUia aux barons anglais pour arracher au roi
Jean la grande charte ; son nom figure parmi ceux des
signataires de ce document. Alexandre chercha contre Jean
un appui dans l'alliance française : il prêta hommage à
Louis, fils de Philippe-Auguste, à Douvres, lorsque celui-
ci envahit l'Angleterre (1216). La paix faite avec Henri III,
il s'employa à combattre les dernières convulsions des
Celtes et des Scandinaves des districts septentrionaux et
occidentaux, et il épousa Marie de Couci, fille d'une noble
maison française. Le fils né de ce mariage, Alexandre III
(1249-1285), hérita, à l'âge de huit ans, d'un royaume
florissant et paisible, entièrement féodalisé, qui pouvait,
au dire de Mathieu de Paris, mettre sur pied dix mille che-
vaux et cent mille fantassins. Il fut le dernier de la lignée
des rois féodaux de l'Ecosse, dont Malcolm Canmore avait
été le premier. Il mit le comble aux services rendus par
cette dynastie au pays en réduisant les Hébrides et l'île de
Man, forteresses jusque-là inexpugnables des descendants
des Scandinaves du ix® siècle. De quelle popularité les
noms des deux Alexandre du xiii^ siècle ont joui de leur
temps (et surtout dans l'Ecosse des âges suivants), on
l'imaginera aisément en comparant leurs règnes heureux
et tranquilles aux trois siècles de guerres incessantes, et
souvent malheureuses, qui ont suivi. Jamais l'Ecosse ne
fut plus riche, plus unie, aussi indépendante. Des querelles
de succession, qui donnèrent aux rois d'Angleterre l'occa-
sion de poser leur candidature au gouvernement de l'Ecosse,
mirent fin, à la mort d'Alexandre III, à cet âge d'or. La
« guerre de l'indépendance » commença avec les tentatives
d'Edouard P^ d'Angleterre pour faire subir à l'Ecosse le
sort des principautés galloises, et ne s'acheva qu'à l'avène-
ment de la maison de Stuart.
Alexandre III avait vu mourir l'un après l'autre tous
ses héritiers mâles ; le Parlement écossais de 1284 re-
— 507 -
ECOSSE
connut, comme la future reine, Marguerite, sa petite-fille,
née du mariage de sa fille unique avec Eric de Norvège.
Mais la Norvégienne {îhe Maid of Norivay) mourut, et la
question de sa succession fut posée. Treize prétendants se
trouvèrent en présence. Edouard P^ d'Angleterre fut
choisi comme arbitre ; mais il n'accepta de départager les
rivaux qu'à la condition d'être reconnu tout d'abord comme
suzerain du royaume ; entre Bruce et Baliol, les deux
seuls prétendants sérieux, Edouard (17 nov. 1292) choisit
Baliol, petit-fils d'une fille aînée de David P^ choix très
défendable au point de vue du droit féodal. Ce qui était
moins défendable, c'était la prétention d'Edouard à la suze-
raineté sur l'Ecosse ; il s'appuyait sur l'histoire d'Edouard
l'Ancien, de Cnut, sur le traité de Falaise, consenti par
Guillaume le Lion ; il oubliait le traité par lequel Richard
Cœur de Lion avait annulé la convention de Falaise, et le
refus des deux Alexandre de revenir sur cette annulation.
Les conséquences du droit de suzeraineté consenti par Ba-
liol ne tardèrent pas à se dessiner. Sur un appel frivole du
fils du comte de Fifo, Baliol fut cité à comparaître à
Londres, comme justiciable ; les procès entre Ecossais
furent portés devant et tranchés par la cour du roi d Angle-
terre en dernier ressort. Là-dessus, les barons écossais mirent
Baliol, trop faible, en tutelle, et envahirent les comtés anglais
du Nord, d'accord avec le roi de France (mars 1296). Mais
ils n'étaient pas en état de résister à Edouard : dès la pre-
mière campagne, celui-ci prit Roxburgh, Yedburgh, Edim-
bourg, Stirling, Perth, Scone, villes ouvertes, et il trans-
porta à Westminster la pierre sacrée de Scone, sur laquelle
les chefs celtiques étaient couronnés à leur avènement.
Baliol abdiqua. Edouard reçut et fit consigner sur les
Ragman Rolls les hommages des nobles et des évêques
écossais. Il appointa un gardien, un trésorier et un justi-
cier d'Ecosse. Il fit fortifier Berwick, la capitale commer-
ciale de l'Ecosse, désormais place anglaise, clef des
Lothians. Il semblait donc que c'en fût fait quand parut le
libérateur populaire : Wallace (V. ce nom). Wallace était
le fils cadet d'un gentilhomme des environs de Paisley :
pour venger le meurtre de sa femme, il tua le sheriff d'Ayr
et brûla Lanark, au début de l'année 1297. A la tête de
bandes de paysans (car les nobles, à quelques rares excep-
tions près, refusèrent de se joindre à cette jacquerie), il
gagna la célèbre bataille du pont de Stirling (11 sept.),
la première qui ait été gagnée par des rustres sur une
armée féodale régulièrement équipée. Wallace fit tout ce
qu'il put pour utiliser ce succès : il écrivit à l'étranger ;
il récompensa ses partisans par des charges ; il entra en
Angleterre jusqu'à Hexham. Mais Edouard, mquiet à juste
titre, se hâta de revenir en Flandre avec des troupes for-
midables, et la bataille de Falkirk (22 juil. 1298) annula
l'effet de celle de Stirling. La résistance continua néan-
moins, désespérée, malgré les exhortations à la soumission
que Boniface VIII envoya en 1302, aux « rebelles » écos-
sais. Cependant, après la prise de Caerlaverock (1300) et
de Stirling (24 janv. 1304), après que Wallace eût été
livré et exécuté à Londres (23 août 1305), la cause natio-
nale parut plus compromise que jamais. Edouard, avec le
concours de dix représentants élus de l'Ecosse, rédigea
une Ordinatio pro stabilitate terre Scotie, analogue
aux règlements déjà promulgués par lui pour l'Irlande et
le pays de Galles. Sa pohtique « impériale » triomphait. Il
nomma en Ecosse des fonctionnaires anglais pour admi-
nistrer la justice suivant les lois locales, sauf recours au
roi à Westminster. L'ordonnance de 1305 n'est point,
comme on l'a dit, un monument de tyrannie ; c'est un code
sage, libéral et évidemment composé avec l'intention de
gagner le peuple conquis (cf. Documents illustrative of
\he history of Scotland from the death of the King
Alex, lîL to the accession ofR. Bruce, p. p. J. Stevenson,
Londres, 1870, 2 vol. in-8). — Il n'atteignit pas toutefois
le but, parce que le but ne pouvait pas être atteint. Le
patriotisme écossais, surexcité par la lutte, était trop incoer-
cible. Edouard P^ n'était pas encore mort que son œuvre
était compromise, et qu'un émule de Wallace s élevait en
Robert Bruce. Bruce, d'une très noble famille, alliée à la
maison royale, s'était tenu à l'écart du mouvement dirigé
par Wallace, et avait même rendu des services aux Anglais,
lors du siège de Stirling (1303). Mais, en 1305, il se tourna
ouvertement contre ses alliés de la veille et fit revivre les
prétentions à la couronne qu'il avait jadis présentées sans
succès en regard de celles de Baliol. Le 10 fevr. 130b,
il tua dans l'église des Frères mineurs de Dumfries, Jean
le Rouge Comyn de Badenoch, neveu de Baliol (de la
grande famille anglophile des Comyn, très probablement
originaire de Commines en Flandre). Cet éclat marqua le
commencement des hostilités, d'autant que Bruce se fit
aussitôt après couronner à Scone par l'evêque de Samt-
Andrews. Battu d'abord, le roi national se réfugia dans
l'île de Rathlin, sur les côtes d'Irlande; mais toute l'Ecosse
était pour lui. Edouard P^ fit un suprênie effort pour
écraser le nouveau Wallace ; en vain ; il mourut lui-
même, en campagne, le 7 juin 1307, et sa mort changea
la face des choses. Bruce sut pousser si| bien ses avan-
tages qu'à la fin de 1313, deux villes seulement en Ecosse
étaient encore au pouvoir des Anglais : Berwick et Stirlmg.
Le mémorable combat de Bannockburn (24 juil. 1314)
décida enfin que l'Ecosse serait libre. Bruce régna encore
heureusement quinze années après Bannockburn, assez
longtemps pour conclure avec Edouard II le traité de Nor-
thampton (avr. 1328) aux termes duquel l'Ecosse, « telle
qu'elle était au temps d'Alexandre IV, demeurerait perpé-
tuellement à Bruce et à ses descendants, libre de toute
subjection, vassalité ou servitude vis à-vis de la couronne
d'Angleterre ». Ce fut un prince militaire, bon justicier,
actif, libéral, pieux ; il est resté le héros légendaire de sa
nation. — Son fils, David II (1329-1370), ne lui ressem-
blait pas, et son long règne revit des malheurs presque
égaux à ceux qui avaient frappé le pays à la fin du
xiii^ siècle. Edouard III suscita et appuya la candidature
d'un nouveau Baliol, chef de la noblesse anglophile, et
l'issue du combat de Halidon Hill (20 juil. 1333) força
Bruce à se réfugier en France, où il resta sept ans. Pen-
dant ce temps, les épigones de Wallace et de Robert Bruce
maintinrent vaillamment la cause écossaise : Moray of
Bothwell, Douglas of Liddesdale, sir Alexandre Ramsay of
Dalhousie, etc. David ne revint du reste que pour se faire
battre et prendre à Neville's Cross (17 oct. 1346). Sa
captivité dura onze ans ; il ne fut libéré que par le traite
de Berwick (3 oct. 1357), moyennant une énorme rançon.
Mais il avait trouvé le séjour de la cour d'Angleterre tort
agréable ; comme le roi Jean de France, son compagnon
de captivité à Londres, il avait pris la passion des amuse-
ments de Londres au point que, libre, il y retourna tous
les ans ; comme Baliol, il aurait volontiers abandonné son
royaume à Edouard III en échange d'une ignominieuse pen-
sion. Mais les barons écossais ne souffrirent pas cette
honte; ils refusèrent de reconnaître l'héritier anglais
(Lionel de Clarence) que David désignait à leur choix. Ils
profitèrent même de la faiblesse du roi pour lui arracher
des garanties constitutionnelles et limiter la monarchie. Le
Parlement écossais de 1367 imposa à David II une espèce
de grande charte, analogue à celle de Runnymede, qui
plaça la loi au-dessus de la volonté royale. David, quoiqu'il
eût épousé plusieurs de ses maîtresses, mourut sans enfants
(21 févr. 1370), et la couronne passa au premier des
Stuarts, Robert, petit-fils de Bruce par sa fille Marjory.
La période de l'histoire d'Ecosse qui s'étend de l'avène-
ment des Stuarts à la Réforme est médiocrement intéres-
sante. Les relations avec la France, la diffusion obscure des
doctrines de Wicleff et de Huss dans ce pays d'hommes
pauvres et graves, enfin des tragédies de palais, en com-
posent la trame. Robert II (1370-90) fut un roi maladif et
paresseux, qui ne fit rien. Sous Robert III (1390-1406),
les premiers grands écrivains de l'Ecosse chantèrent les
exploits de l'âge de Bruce : Barbour, Fordun, Wyntoun ;
mais Robert III lui-même, brave homme et cœur faible,
ECOSSE
- 508 -
vécut sur la gloire de ses ancêtres. Son règne fut désolé par
des guerres privées, notamment entre les clans sauvages
des Highlands. Un frère cadet du roi, Alexandre, surnommé
le Loup de Badenoch, brûla impunément la cathédrale
d'Elgin ; un fils bâtard de cet aventurier épousa malgré
elle la comtesse de Mar. Le fils aîné du roi, duc de Rothe-
say, mourut de faim dans la prison où on l'avait enfermé
à cause de ses débauches ; on accusa le duc d'Albany, son
oncle, de l'avoir assassiné. Robert, effrayé, pour soustraire
son second fils Jacques (James) au même sort, l'envoya en
France, mais le vaisseau qui le transportait fut capturé en
mer par les Anglais, et l'héritier du trône d'Ecosse resta
prisonnier en Angleterre pendant dix-neuf ans. Jacques P^,
quoique captif, fut néanmoins proclamé à la mort de son
père (1406), mais la régence fut confiée à Albany, qui pré-
para les voies à son ambition par un gouvernement pater-
nel et par une pluie de faveurs répandue sur des grands
seigneurs tels que les Douglas (d'origine flamande comme
les Comyn), les comtes de March et de Mar. Sa régence ne
fut marquée par aucun événement ; à peine peut-on citer
le supplice, à Perth, en 1407, d'un prêtre anglais, James
Resby, disciple de Wicleff, le premier martyr pour la foi en
Ecosse ; et les victoires remportées sur le continent par
les régiments écossais au service du roi de France : les
Douglas, les Buchan (connétable de France), les Wigtown
s'illustrèrent aux combats de Verneuil, de Crevant et de
Beaugé. Albany étant mort en 1419, sans autres héritiers
qu'un fils et des petits-fils incapables, on s'arrangea enfin
pour faire revenir Jacques P^ d'exil. Celui-ci fut couronné
à Scone le 21 mai 1423. C'était un homme. Son esprit
était très cultivé ; il était poète, mais c'était en même
temps un excellent soldat et un politique décidé. Il comprit
fort bien que le mal dont souffrait l'Ecosse depuis la mort
de Bruce, c'était, en l'absence d'un gouvernement fort,
l'anarchie aristocratique. Il résolut, avec l'aide du clergé
et du peuple, d'y porter remède. Ses premiers actes furent
décisifs : il interdit les guerres privées, fit dresser la liste
des biens de la couronne qui avaient été indûment aliénés,
admit dans son conseil privé des gens de médiocre nais-
sance, à l'exclusion des grands seigneurs, fit juger et dé-
capiter les descendants d'Albany. Il put oser ces actes
hardis parce qu'il était sûr de l'appui du peuple, du clergé
et des puissances du continent. Le dauphin de France était
fiancé à sa fille Marguerite. Il entretenait d'excellentes re-
lations avec les villes flamandes, avec la Norvège, avec le
pape. Il avait fait brûler, dans son zèle pour l'orthodoxie,
un docteur bohémien, disciple de Jean Huss. En 1426, il
établit la « Session », tribunal royal pour les causes civiles,
destiné à distribuer aux sujets la justice exacte qu'ils trou-
vaient trop rarement dans les cours seigneuriales. 11 ne tint
pas moins de treize parlements en quatorze ans, désireux
de corroborer son autorité par celle de la nation assem-
blée ; car il ne combattait pas les libertés légitimes, mais
bien la licence des privilégiés. Il fit décider dans l'un de
ces parlements que les propriétaires ruraux et les bourgeois
seraient armés. Grâce à la popularité qu'il mérita de la
sorte, il fut le maître : le lord des îles et les autres chefs
de clan turbulents des Highlands se mirent à sa merci, à
la suite d'expéditions bien conduites : bien plus, il enleva
à plusieurs grands personnages des domaines qu'ils déte-
naient illégalement et réunit de la sorte au patrimoine
royal les comtés de March, de Mar, de Strathearn. Cela
souleva naturellement bien des haines ; la confiscation de
Strathearn décida un seigneur, lésé par cette mesure, sir
Robert Graham, non pas à tenter la fortune d'une rébel-
lion, mais à tendre au roi un piège et à le tuer. Jacques P'
fut assassiné au monastère dominicain de Perth par Graham
et son clan, en févr. 1437. — Son fils Jacques II (1437-
1460) n'avait que six ans. C'a été la fatalité de la dynastie
des Stuarts que tous ses meilleurs princes sont morts
jeunes et que de désastreuses minorités ont compromis leur
œuvre. La minorité de Jacques II fut signalée par une
recrudescence de ces guerres privées, plaie des nations
celtiques : guerre entre les Douglas, les Crawfords, les
Ross, les Livingstones. Jacques II avait hérité cependant
de l'énergie paternelle, de sa solHcitude pour les paysans,
en faveur desquels il promulgua plusieurs statuts, de sa
hardiesse à réprimer les empiétements de la haute noblesse.
Il n'a vécu que jusqu'à sa trentième année, ayant été tué
le 3 août 1460 par l'explosion accidentelle d'une pièce
d'artillerie ; pendant le court espace de temps où il gou-
verna en personne, il a fait cependant de grandes choses :
il tua de sa propre main le chef de la puissante maison de
Douglas et partagea les fiefs immenses de cette maison entre
ses fidèles serviteurs, les Hamilton et les Buccleuch, jusque-
là gentilshommes obscurs; VAct of annexation de 1455
lui permit de multiplier les confiscations, et il en usa ; il
accueillit enfin les chefs de la Rose rouge et prit avec leur
aide Roxburgh, qui avait défié depuis un siècle les efforts
de ses prédécesseurs. — Nouvelle minorité sous Jacques III
(1460-1488). Les premières années en furent assez tran-
quilles, grâce à l'habileté de Kennedy, évêque de Saint-
Andrews, chef du gouvernement de la régence. Mais,
Kennedy disparu, on revit les factions se disputer, pour
l'accaparer, la personne du roi mineur. Le « justicier »
Robert Boyd de Kilmarnock, s'empara du jeune prince
(oct. 1466) et régna quelque temps sous son nom ; sa chute,
du reste, fut aussi rapide que l'avait été son élévation.
Jacques, marié avec une princesse de Norvège qui apporta
en dot à l'Ecosse les Orcades et les Shetlands, secoua le
joug et fit chasser, exécuter ou ruiner tous les membres
de la famille des Boyd, sous prétexte de trahison (1469).
Ce ne fut pas malheureusement pour suivre les exemples
de son père et de son aïeul. Tout au moins, comme il fut
moins heureux qu'eux, il passe généralement pour avoir
été moins habile. De même que son contemporain Louis XI
de France, il voulut gouverner par de petites gens, des
créatures à lui : un Cochrane qui, dit-on, avait été maçon ;
un musicien anglais nommé Roger ; un astrologue nommé
Andrews. La fortune insolente de ses favoris exaspéra la
noblesse, qui avait des chefs naturels dans le duc d'Albany
et le comte de Mar, frères du roi, ornés de toutes sortes
de qualités chevaleresques. Les intrigues d'Albany en France
et en Angleterre troublèrent le règne d'un bout à l'autre.
Les barons mêmes qui restèrent attachés au roi contre
Albany, lorsque celui-ci envahit l'Ecosse avec des secours
fournis par Edouard III, se mutinèrent (1483), et, à Lon-
dres, pendirent Cochrane sous les yeux de son maître. En
1487, il y eut un soulèvement général de l'aristocratie ;
les Angus, les Argyll, les Hepburns en furent les leaders
et conduisirent la campagne au nom de l'héritier présomptif,
le futur Jacques IV. Jacques III fut tué à Sauchie, le
11 juin 1488, à trente-cinq ans. On ne peut s'empêcher de
croire qu'il aurait pu mieux profiter, pour régner, des dis-
cordes de ses adversaires, des querelles intestines des clans,
des très sanglantes luttes des partisans des Deux Roses qui,
de son temps, épuisèrent l'Angleterre. Il était trop faible,
avec une nature féminine et des goûts maladifs d'artiste.
Son triste règne est comme une préfiguration de celui de
Marie Stuart. — Jacques IV, âgé de seize ans à la mort
de son père, réussit mieux dans le métier de roi ; il mé-
nagea tout le monde et s'en trouva bien ; aussi libéral que
Jacques III était avare, aussi amoureux de la magnificence
chevaleresque que l'autre avait l'âme simple, et, pour ainsi
dire, bourgeoise, il séduisit. Sa cour fut brillante, luxueuse,
immorale. Henri VII, qui recherchait l'alliance de l'Ecosse,
contrairement à la politique ancienne des Plantagenets,
lui donna en mariage sa fille Marguerite. Mais Jacques IV
voulait une guerre, et une guerre anglaise, pour gagner
ses éperons. L'Ecosse, depuis le temps de Bruce, s'était
fait une belle flotte ; sur terre, elle pouvait, disent les
chroniqueurs anglais, mettre aisément cent mille hommes
sur pied. L'occasion se présenta peu de temps après l'avè-
nement de Henri VIII (1509). Henri VIII avait vu d'un
mauvais œil le mariage de sa sœur ; il refusait toute satis-
faction pour les pillages commis par ses pirates au détri-
- 509 —
ECOSSE
ment du commerce écossais. Jacques renouvela la vieille
alliance avec la France et déclara la guerre (11 août 1513)
dès que Henri VIII fut arrivé à Thérouanne pour envahir la
France. La bataille de Flodden (9 sept.) livrée, comme
celles de Crécy et de Poitiers avec une témérité folle et
sans aucune précaution stratégiqne, fut le plus grave
désastre qui eût encore frappé les armes écossaises ;
douze mille Ecossais et parmi eux le roi, son fils, l'arche-
vêque de Saint-André ws, deux évèques, douze comtes, res-
tèrent parmi les morts. — Jacques V, le nouveau roi
(1513-42), n'avait que dix-huit mois; et la Réformation
allait venir compliquer et envenimer encore le conflit, inévi-
table pendant une minorité, des ambitions et des haines.
La Renaissance et la Réforme remuaient l'Europe dans
ses profondeurs à l'époque où Jacques IV et Jacques V
régnaient en Ecosse. Ce royaume lointain, si pauvre qu'on
n'en exportait que des matières premières, poissons, four-
rures, laines, et que les vaisseaux français et néerlandais
devaient y apporter tous les produits manufacturés sans
exception (nous le savons par les livres d'un notable com-
merçant écossais, André Halyburton, établi à Middelbourg,
en Hollande, de 1492 à 1503, qui nous ont été conservés),
n'échappa pas à la contagion. Elphinstone, évêque d'Aber-
deen, fonda sous Jacques IV une université dans sa ville
épiscopale et y amena l'historien Hector Roèce. L'Ecossais
Buchanan s'imprégna à Paris de l'esprit de la réformation
qu'il rapporta dans son pays. Edimbourg eut de bonne
heure des imprimeries (W. Chepman, 1507). Toutefois, ce
n'est que sous Marie Stuart que les nouveautés se firent
jour avec éclat. Le règne de Jacques V ressembla encore à
celui de ses prédécesseurs. D'abord une minorité orageuse,
des luttes atroces pour la régence, l'anarchie dans les
Highlands, la guerre civile en permanence entre une faction
française, forte dans les comtés de l'Est, dirigée par James
Beaton, archevêque de Glasgow et chancelier, Arran,
Lennox, Cassilis, et une faction anglaise, subventionnée
par Henri VIH, forte dans les comtés de l'Ouest, et dirigée
par Angus, Crawford, Glamis et la majorité des évèques.
Jacques V, à l'âge de dix-sept ans, échappa à la tyrannie
d' Angus et commença à gouverner par lui-même. On revit
alors ce que l'on avait déjà vu quatre fois : l'Ecosse, fati-
guée de troubles, se jette dans les bras d'un roi jeune, actif
et aimable. Jacques V fit des expéditions heureuses contre
les barons des borders et des hautes terres : Argyll fut
emprisonné, Bothwell décapité ; on confisqua les biens du
comte de Crawford. La « court de session », cour de jus-
tice centrale pour tout le royaume, institution si chère aux
Stuarts, fut réorganisée à Edimbourg (15 mai 1532). A
l'extérieur, Jacques V, conseillé par le cardinal Beaton, le
« Wolsey » de l'Ecosse, adhéra très étroitement à l'alliance
française, et, par contre-coup, au catholicisme (bien qu'il ait
été l'ami, le protecteur du fameux poète anticlérical sir David
Lindsay [V. ce nom]) : il épousa en 1537 Madeleine, fille de
François P^\ et, après la mort de celle-ci, Marie de Guise;
les barons catholiques du nord de l'Angleterre, persécutés
par Henri VIII, regardèrent vers lui comme vers un protec-
teur. Malheureusement, la désaffection de la noblesse était
venue avec les années. Jacques V se vit abandonné par ses
troupes féodales dans une expédition le long du border. Ce
qui lui resta de fidèles éprouva (25 nov. 1542) une défaite
à Solway Moss. Il en mourut de chagrin, accablé des malé-
dictions des réformés, déjà nombreux dans le royaume. Sa
fille, qui venait de naître, Marie Stuart, lui succéda.
On n'attend pas que nous traitions ici avec l'ampleur
qu'elle comporte l'histoire des vingt-cinq ans qu'a duré le
règne tragique de Marie ; on la trouvera au mot Marie
Stuart, De brèves remarques sur le cours général des évé-
nements suffiront. « La couronne est entrée dans la maison
de Stuart par une fille, avait dit Jacques V en apprenant la
naissance de sa fille Marie; elle en sortira par une fille. »
A peine le roi était-il mort que la main de Marie, encore
en nourrice, devint le point de mire de la diplomatie an-
glaise et de la diplomatie française. Henri VIII aurait voulu
fiancer l'héritière d'Ecosse à son fils Edouard VI, mais le
patriotisme écossais avait été trop violemment blessé à
Solway Moss : la reine régente et le cardinal Beaton firent
tout ce qui était en leur pouvoir pour réchauffer les ran -
cunes du temps de la guerre de l'indépendance; ils furent
aidés dans cette tâche par les cruautés que les Anglais com-
mirent, pour brusquer les choses, dans les villes et les
villages du Lothian, où les soldats iconoclastes du protec-
teur Somerset détruisirent les abbayes illustres de Kelso,
de Jedburgh, de Melrose, de Dryburgh, de Roxburgh, du
Coldingham. Somerset fut vainqueur à Pinkie (18 sept.
1547) et détruisit Edimbourg. Tout espoir d'union entre
les deux royaumes héréditairement ennemis fut ainsi perdu.
Les excès du Protecteur déterminèrent même les Etats
d'Ecosse à consentir au mariage de Marie Stuart, qui fut
envoyée en France (1548), avec le fils aîné de Henri IL L'al-
liance française parut à ce moment nécessaire à tous les
patriotes, tant catholiques que réformés. — Les semences
de réforme avaient en effet commencé à lever à cette date.
Le prédicant Georges Wishart avait été brûlé comme cal-
viniste à Saint-Andrews ; quelques semaines après, le car-
dinal Beaton, défenseur de l'orthodoxie, avait été assassiné
par des vengeurs de Wishart, au nombre desquels était
Knox. L'archevêque Hamilton, successeur de Beaton, publia
en 1552 un catéchisme où le nom du pape n'est pas pro-
noncé et qui propose une sorte de transaction entre les
anciennes et les nouvelles doctrines ; il n'en fit pas moins
brûler un puritain fanatique, AdamWallace. L'Ecosse, entre
1550 et 1560, vacilla entre les deux confessions et fut le
théâtre de la plus active propagande : les réformés Harlaw,
Knox, Willock, refoulés dans leur pays natal quand l'avè-
nement de Marie Tudor les eût expulsés d'Angleterre, y
firent quantité de prosélytes, en dépit de l'habile et sage
régente, Marie de Guise, et du mariage de la reine avec le
dauphin (4 juil. 1558). Knox recruta des adhérents dans
toutes les classes de la société : marchands, ouvriers et
seigneurs. Les lords convertis à la réformation (entre autres
Argyll, Glencairn, Morton, Lorne, Erskine) formèrent dès
le mois de déc. 1557 une ligue pour défendre la « congré-
gation » de Christ. On les appela les Lords de la Congré-
gation. Leur ligue est la première en date des covenants
religieux en Ecosse. Mais l'archevêque Hamilton crut, sur
ces entrefaites, de son devoir de sévir; il fit prononcer
quelques bannissements et brûler à Saint-Andrews un prêtre
paroissial des environs de Montrose, Walter Myln, âgé de
quatre-vingt-deux ans (8 avr. 1558). Myln a été le dernier
martyr écossais du protestantisme. Des pétitions furent
incontinent présentées à la régente, au Parlement, pour
rendre légale la prédication en langue vulgaire et l'exercice
libre de la religion de Genève. Un sermon de Knox à
Perth, ville célèbre pour son zèle calviniste, qui enflamma
la population au point de lui faire saccager les églises
locales, mit le feu aux poudres. La régente, avec des
troupes françaises et catholiques, trouva entre elles et les
coupables les contingents des Lords de la Congrégation.
Elle entra, il est vrai, dans Perth, mais seulement avec
la permission de ceux-ci, et dut bientôt se replier vers
Dunbar, abandonnant aux covenanters Stirling, Linlith-
gow, Edimbourg. Elle ne cessait de réclamer des secours
de France tandis que ses adversaires, réconcihés avec l'idée
d'une union avec l'Angleterre, depuis que la protestante
Elisabeth y était reine, faisaient appel à leurs coreligion-
naires anglais. L'intérêt d'Elisabeth était évidemment d'ap-
puyer les calvinistes d'Ecosse; elle hésita cependant :
Knox, en effet, l'avait personnellement offensée ; l'Eglise
angUcane, si docile, ne l'avait pas habituée, tant s'en faut,
à la raideur du puritanisme écossais, qui la choquait et qui
lui faisait peur ; ajoutez que le jeune comte d'Arran, pro-
testant, héritier présomptif du trône après Marie Stuart,
désigné par les Covenanters pour épouser Elisabeth, lui
déplut. Peut-être, avec de la prudence, Marie et François II
auraient-ils pu fortifier ces répugnances au profit de leur
cause ; mais, au contraire, ils multipKèrent les provoca-
ECOSSE — ^10
tions ; ils protestèrent contre l'avènement d'Elisabeth à cause
de rillégitimité de sa naissance et de son hérésie : Marie
Stuart, qui, par Marguerite d'Angleterre, femme de Jac-
ques IV, avait des droits certains à la couronne anglaise,
plaça les armes royales d'Angleterre dans son blason. Le
ministre d'Elisabeth, Cecil, était, du reste, partisan déclaré
de l'union avec les Lords de la Congrégation : un traité
d'alliance offensive et défensive contre la France intervint
donc en janv. 4560 entre les réformés des deux royaumes
insulaires. Les Français au service de la régente furent
assiégés dans Leith par une armée anglo-écossaise. En juin,
Marie de Guise mourut, et cet événement fut suivi d'une
trêve, connue soûs le nom de traité d'Edimbourg. Le
10 juil. 4560 s'assembla à Edimbourg le fameux Parlement
qui consomma la rupture de l'Ecosse et de la catholicité
(Re formation Parliament); il vota, le 48 août, une
confession protestante, préparée par Knox et cinq autres
pasteurs; et l'acte abolissant toute juridiction de l'évêque
de Rome dans le royaume fut voté le 24 du même mois. Il
ne s'agissait plus alors de permettre l'exercice de la reli-
gion réformée ; le Parlement de 4560 l'imposa, édictant
des pénalités contre les personnes qui observeraient à
l'avenir les rites romains. La hiérarchie épiscopale fut
conservée, mais jusqu'à l'année suivante seulement. Le
Parlement de 4564, après avoir rejeté un premier projet
de réorganisation ecclésiastique, très radical, dû à Knox, et
à des amis (First Book of Discipline) en adopta une édi-
tion abrégée et revisée [Second Book of Discipline), dont
il sera longuement parlé au mot Presbytérianisme.
Le 6 dec. 4560, la mort de François II laissa Marie
Stuart veuve, à l'âge de dix-neuf ans. Elle revint en Ecosse.
Les circonstances étaient tellement changées depuis son
enfance qu'elle eut de la difficulté à faire célébrer la messe
dans son palais d'Holyrood. Knox avait coutume de dire
qu'il craignait plus une seule messe que vingt mille enne-
mis en campagne ; il lançait la populace contre les chape-
lains de la reme. Il eut du reste avec elle-même des en-
trevues, où il lui reprocha durement son obstination, son
mépris pour les prédications évangéliques, son goût pour
la danse et d'autres frivolités. Appuyé par le frère bâtard
de Marie, Jacques, comte de Mar et de Murray, premier
ministre, Knox réussit même à arracher l'ordre d'entamer
de véritables persécutions contre les catholiques, notamment
contre l'archevêque de Saint-Andrews pour avoir célébré
la messe et reçu des confessions. Ce chef de la démocratie
puritaine fut un moment le maître absolu, et il exerça le
pouvoir avec la férocité des anciens juges d'Israël, ses mo-
dèles. Il osa défendre à Marie d'épouser en secondes noces
un catholique et se vanta de ne s'être point laissé émouvoir
par ses larmes, tant la royauté écossaise était tombée en
tutelle. On verra à Farticle Marie Stuart et sous les noms
des divers personnages intéressés, comment la reine épousa
à l'improviste, son cousin, Henri Stuart, lord Darnley, et
les malheurs qui s'ensuivirent : le meurtre de Rizzio, le
meurtre de Darnley (40 fév. 4567) par Bothwell, enfin le
remariaae extraordinaire de Marie avec le meurtrier de son
second époux, la fuite de Bothwell attaqué par un parti
de lords, enfin l'emprisonnement et l'abdication forcée de
la reine à Lochleven Castle. Le jeune roi, fils de Marie et
de Darnley, fut couronné à Stirling le 29 juil. 4567.
L'ex-reine resta près d'un an prisonnière à Lochleven ;
mais, ayant réussi à s'échapper, elle réunit autour d'elle
les forces des lords catholiques et livra bataille aux lords
protestants commandés par son frère, le régent Murray.
Battue à Langside, près de Glasgow (49 mai 4568), elle
s'enfuit en Angleterre, comme jadis Baliol, et se remit à
la générosité de sa rivale Elisai3eth. A partir de ce jour,
elle disparait de la scène de l'histoire d'Ecosse, quoique elle
ait continué encore longtemps à entretenir secrètement, du
fond de l'exil, les espérances des catholiques dans son an-
cien royaume. — Quatre régents se succédèrent rapidement
en Ecosse après l'expulsion de Marie; tous quatre pé-
rirent d'une manière tragique. Cet âge fut un âge de
sang, d'anarchie aristocratique et de querelles religieuses.
Le premier régent, Murray, persécuteur de Marie Stuart,
et, comme il semble, l'inventeur des fameuses lettres de la
cassette (casket letters), la colonne du protestantisme, le
maître selon le. cœur de Knox, fut assassiné le 23 janv.
4570 à Linhthgow par un Hamilton. Le second, Lennox,
père de Darnley, instrument d'Elisabeth et des Anglais,
fut tué le 3 sept. 4574 à Stirling par un autre Hamilton.
Le troisième, Mar, mourut le 28 oct.4572, et l'on crut
qu'il avait été empoisonné. Le quatrième, Morton, protestant,
personnage fort avare, enrichi des dépouilles de l'Eglise
catholique, afficha une tendance à favoriser l'adoption
d'une solution du problème rehgieux analogue à celle qui
avait prévalu en Angleterre : le roi, chef {head) de
l'Eglise nationale et de la hiérarchie épiscopale. ^ Il se mit
ainsi à dos les presbytériens rigides, dirigés, depuis la mort
de Knox, par Andrew Melville, sans se reconcilier, bien
entendu, avec les catholiques. Ceux-ci ne tenaient plus que
dans une seule place forte, le château d'Edimbourg ; Mor-
ton, avec de l'artillerie anglaise, en eut raison; les der-
niers fidèles de Marie, Kirkaldy, Lethington, furent exécutés
à cette occasion. Ce furent cependant les catholiques qui
profitèrent de la désaffection des presbytériens pour abattre
le régent. Argyll, Athole, Erskine, catholiques romains,
s'emparèrent, suivant l'usage des révolutionnaires en
Ecosse, de la personne du roi et le proclamèrent majeur,
à l'âge de douze ans. Morton céda, mais pour quelques
temps seulement, car il fit empoisonner Athole et revint
encore une fois au pouvoir. Il en fut définitivement chassé
par un cousin du roi, lord Stuart d'Aubigny, élevé en
France, qui devint le favori de Jacques VI, séduit par le
charme de ses manières. D'Aubigny fut fait lord Lennox,
chambellan, gardien du château de Dumbarton. Il fut bien-
tôt assez fort pour accuser ouvertement Morton, dans une
séance du conseil tenue à Holyrood, de complicité dans le
meurtre de Darnley. Morton fut exécuté sous ce prétexte
le 2 juin 4584. — Le nouveau comte, puis duc de Len-
nox, régna sur l'esprit de Jacques VI pendant un an et
demi, de déc. 4580 au mois d'août 4584. Bien qu'il eût
adhéré nominalement à la Réforme, sa politique secrète
paraît avoir tendu au rappel de Marie Stuart, au rétablis-
sement du catholicisme, à un renouvellement de l'ancienne
aUiance française et à une guerre avec l'Angleterre. Le
22 août 4582, Jacques VI étant en visite chez le comte de
Gowrie, près de Perth, fut, en l'absence de Lennox, cap-
turé par les lords presbytériens : Lennox s'enfuit en
France, où il mourut, et la balance oscilla encore une fois
du côté des partisans du puritanisme les plus intransigeants ;
c'est ce qu'on appela le raid de Ruthven. Mais ce coup
d'Etat n'eut d'effet que pendant dix mois. Le roi n'était
plus un enfant ; les presbytériens le fatiguaient ; il s'échappa
de leurs mains, qualifia de trahison lerazt^de Ruthven, et
rappela auprès de lui le capitaine James Stuart, qu'il avait
fait comte d'Arran et qui avait partagé le poids du^ gou-
vernement avec Lennox en 4584. Les lords presbytériens
furent bannis ; Melville se retira en Angleterre. C'est^ alors
qu'eut lieu l'effort le plus considérable c[ui ait jamais été
tenté pour faire triompher l'épiscopahsme anglican en
Ecosse, avec les cours ecclésiastiques, les synodes, le ré-
gime des déclarations de conformité imposée au clergé, et
l'absolutisme de la couronne tant au spirituel qu'au tem-
porel. Ces projets devaient plaire à Ehsabeth, qui, d'ail-
leurs, n'avait qu'une sympathie très médiocre pour les
lords et les prédicants puritains réfugiés chez elle depuis
l'échec final du raid de Ruthven. Toutefois, comme Arran
n'était pas non plus persona grata auprès d'elle, elle se
laissa persuader d'appuyer un nouveau favori de Jacques VI,
Grey, qui renversa Arran, fit rappeler les presbytériens
bannis, et amena son maître à signer avec Elisabeth une
ligue « pour la défense de la vraie religion » contre les
catholiques, ligue ratifiée par les Etats d^Ecosse en juil. 4585.
L'alliance de 4585 trancha définitivement la question
de savoir si l'Ecosse serait protestante et si elle préférait
— 511 —
ECOSSE
l'union avec l'Angleterre à l'union avec la France. Elisa-
beth vieillissait ; Jacques VI était son héritier présomptif;
c'en était assez pour tout décider. Pour satisfaire Elisabeth,
non seulement Jacques, à l'instigation de Grey, pardonna
aux exilés duraiddeRuthven — Glamis,Angus,Mar, etc.
— mais il rendit leurs bénéfices aux pasteurs presbyté-
riens qu'il en avait dépouillés, et il souffrit presque sans
protestation l'exécution de sa mère Marie Stuart, à Fothe-
ringay (8 févr. 1587). A cette époque, Jacques, marié à
Anne de Danemark, paraît avoir été assez disposé à renon-
cer à ses convictions épiscopalistes ; un acte parlementaire
de 1587 conféra à la couronne les biens d'église confisqués,
à l'exception de ceux que les grands seigneurs s'étaient
appropriés ; le roi, qui avait des ambitions littéraires, ré-
digea un Commentaire de l'Apocalypse à la manière des
puritains. C'était le temps où l'archevêque Adamson de
Saint-Andrews rétractait publiquement tout ce qu'il avait
écrit dans sa vie contre le presbytérianisme. Le Parlement
de 1592 rétablit l'organisation ecclésiastique presbyté-
rienne conformément aux plans de Melville et de sir John
Maitland, lord Thirlestane, qui avait succédé à Grey comme
favori personnel du roi ; tous les actes antérieurs au sujet
des droits de juridiction des évêques furent rapportés.
L'histoire des onze années qui suivirent cette réaction
presbytérienne est extrêmement confuse. Ce sont toujours
les mêmes acteurs, engagés dans la même lutte avec des
succès alternatifs : épiscopaliens, presbytériens, catholiques,
et, au milieu de cette anarchie, le faible Jacques VI perdu
dans des rêves de toute-puissance qu'il a consignés dans
son livre sur le droit des couronnes, Basilicon Doron.
L'événement le plus marquant de cette période fut (5 août
1600) la conspiration de Gowrie, ourdie par les chefs de
la noblesse puritaine en vue, sinon de tuer, au moins de
capturer le roi. Cette conspiration fut découverte, et cela
donna à Jacques VI la force et le courage nécessaires pour
se débarrasser des presbytériens, dont la tyrannie lui était
devenue insupportable. Le 24 mars 1 603 mourut Elisa-
beth ; elle avait désigné, comme son successeur en Angle-
terre, son cousin le roi d'Ecosse, qui lui succéda sans dif-
ficulté. Ainsi fut accomplie pacifiquement l'union des deux
royaumes insulaires, tant désirée depuis des siècles. Com-
bien profitable elle devait être à l'Ecosse ! On ne s'en aper-
çut pleinement qu'au xvni^ siècle ; mais ne pouvait-on le
prévoir dès 1603 ? Plus de guerres de frontières, le Lo-
thian enfin tranquille, de nouveaux débouchés pour le
commerce et pour l'activité de la race, le pays pauvre et
barbare ouvert largement à la civilisation, à la science, à
la littérature, aux arts de l'Angleterre, alors en pleine flo-
raison. Ces bienfaits furent malheureusement peu sen-
sibles d'abord, et c'est ce qui exphque pourquoi des années
se passèrent avant la pacification complète du royaume du
Nord. — Jacques avait promis en 1603 de revenir visiter
l'Ecosse au moins tous les trois ans, mais, trop heureux
d'échanger la cour écossaise, simple et souvent insolente,
pour la cour policée et servile des Tudors, il n'y remit les
pieds que quatorze ans après. Il n'en eut pas moins une
politique très nette à l'égard de son pays d'origine, qui
peut se résumer ainsi : unir l'Ecosse à l'Angleterre, non
pas seulement par la fusion des deux couronnes sur la
même tête, mais en unifiant les lois, les Parlements et les
Eglises des deux royaumes ; en second lieu, aider au
triomphe, dans les deux royaumes, de l'Eglise épiscopale, et
d'une solution du problème religieux intermédiaire entre
les solutions radicales en sens contraire de Rome et de Ge-
nève. Le roi essaya de faire adopter le principe que les
post nati, c.-à-d. les sujets anglais ou écossais nés depuis
le 24 mars 1603, jouiraient dans les deux royaumes des
droits de citoyen. En 1612, il rétablit officiellement de
nouveau la hiérarchie épiscopale en Ecosse, malgré le vœu
de la nation ; et, en 1618, les « cinq articles de Perth »
furent promulgués pour uniformiser le rituel de l'Eglise
épiscopale en Ecosse, et celui de l'Eglise anglicane. Jacques
aurait bien voulu réduire aussi le Parlement d'Ecosse à
la condition où les Tudors avaient réduit celui d'Angle-
terre, pourvu cependant de précédents bien plus formels
et d'une organisation meilleure. Il y réussit jusqu'à un
certain point, mais son succès éphémère accumula les res-
sentiments qui devaient éclater sous son fils avec tant
de violence. On s'accorde à louer, malgré cela, une idée
qui fut très chère à Jacques VI : celle de la colonisation.
Jacques VI chercha des débouchés au surplus de la popula-
tion qui, en Ecosse, augmente très vite quand la guerre ne
décime pas les générations. Des gens du comté de Fife
furent encouragés à créer des « plantations » dans les Hé-
brides. Des fermiers écossais (presbytériens) colonisèrent
le comté d'Ulster, en Irlande. Enfin une «nouvelle Ecosse »
fut fondée au delà de l'Atlantique, par les précurseurs des
innombrables pionniers écossais qui, depuis, ont défriché
tant de terres d'outre-mer. — Jacques VI laissa (22 mars
1625), un lourd héritage à son fils Charles P^ qui, pen-
dant les douze premières années de son règne, se contenta
de continuer la tradition paternelle, surtout en vue de la
restauration de l'autorité épiscopale sur les sectes presby-
tériennes. Conseillé par Laud (V. ce nom), il agit avec
une extrême vigueur. Les nobles, la gentry, qui s'étaient
enrichis des dépouilles de l'ancienne Eglise, furent mena-
cés d'avoir à restituer ce qu'ils avaient usurpé ; et, pour
commencer, les dîmes; Edimbourg devint le siège d'un
évêché nouveau. Les cinq articles de Perth furent réédic-
tés. Laud conseilla d'imposer aux Ecossais l'usage du
Prayer Book anglais. Le Parlement de 1633 passa, sous
l'œil et la pression du roi, trente et un actes d'un carac-
tère absolutiste et menaçants pour les convictions des pres-
bytériens. L'un d'eux allait jusqu'à investir le roi du droit
de réglementer le costume ecclésiastique (et l'on sait jus-
qu'à quel point les passions furent excitées au xvii^ siècle
par la question du « surplis »). Enfin neuf évêques fu-
rent admis au conseil privé, et un livre canonique (fiookof
Canons) fut pubKé en 1636 à Aberdeen; il contenait une
hturgie épiscopalienne qui devait entrer en vigueur le
23 juil. 1637, combinaison de cûX^àix Prayer Book avec
des additions empruntées au rituel romain. Or, le 23 juil.
il y eut des émeutes à Edimbourg ; il fallut suspendre
l'exécution des ordres du roi, auquel de nombreuses péti-
tions furent envoyées de tous côtés. Charles P*" s'obstma ;
alors les lords Rothes, Loudon, Montrose, le légiste
Johnston de Warriston, Alexandre Henderson, pasteur, pré-
parèrent un Covenant qui fut signé le 1^"^ mars 1638, à
Greyfriars Church, Edimbourg, par plus de trois cents
ministres de l'Evangile, et une grande multitude de peuple.
Des copies de ce Covenant furent répandues à profusion,
et bien accueillies partout, sauf à Saint-Andrews. Beau-
coup, dit-on, les signèrent avec leur sang. Le fanatisme était
arrivé à un si haut degré d'intensité, que les concessions du
roi, effrayé par l'unanimité du mouvement, ne servirent à
rien. Les covenanters assemblés à Glasgow déposèrent en
bloc tous les évêques, dénoncèrent les articles de Perth et
restaurèrent le pur gouvernement presbytérien de l'Eglise.
La guerre fut ainsi déclarée. Les presbytériens entrèrent
immédiatement en campagne sous les ordres d'un ancien
général de Gustave- Adolphe, Alexandre Leslie. Charles P^,
sans argent, temporisa ; il espérait des subsides du Parle-
lement anglais, qu'il réunit à cette occasion, mais le Parle-
ment anglais avait tant de griefs de son côté à présenter, et il
les présenta de telle manière, que le roi se trouva amené à
faire au contraire sa paix avec les Ecossais, et à recher-
cher leur appui contre ses sujets d'Angleterre. Un Parle-
ment se réunit à Edimbourg en août 1641, où Charles P^,
confirmant solennellement les réformes décidées à l'assem-
blée de Glasgow, consentit à toutes les limitations de la
prérogative que les presbytériens réclamaient, et à l'éta-
blissement d'une périodicité triennale des Parlements écos-
sais. La guerre civile commença l'année suivante en An-
gleterre ; et les Ecossais se trouvèrent tout d'un coup
arbitres entre le roi et le Parlement anglais rebelle, solli-
cités par les deux partis. Presbytériens, ils penchaient,
ECOSSE
- 512 -
comme il était naturel, vers la cause parlementaire, et, à
l'automne de 1643 des commissaires du Long Parlement,
sous la conduite de sir Henry Vane, jurèrent à Edimbourg
le Covenant écossais. Mais contre l'attente générale, les
troupes des covenanters rendirent peu de services à la
cause de la révolution ; elles se seraient fait battre à Mars-
ton Moor, si les indépendants de Cromwell n'avaient pas
regagné la partie. Les Highlanders, traditionnellement dé-
voués à la maison de Stuart, se soulevèrent sous Montrose
en faveur des royalistes, et Montrose vainquit Argyll,
chef suprême des presbytériens, à Inverlochy, après avoir
pris Perth. Il fut encore vainqueur à Auldearn, à Alford,
à Kilsyth ; il ne fut arrêté que par Leslie à Philiphaugh
(13 sept. 1644). Si malheureux à la guerre, les presby-
tériens se querellèrent en outre avec les soldats de Crom-
well et avec les commissaires anglais qui leur devaient
400,000 livres d'arriéré de solde; si bien que, quand
Charles P^ eut été vaincu à Naseby, il crut possible de
trouver un abri dans les rangs de l'armée de Leslie, campée
à Newark. Là, Henderson l'exhorta avant toutes choses à
accepter le Covenant. Mais les commissaires anglais ayant,
sur ces entrefaites, versé l'arriéré de solde, le roi fut livré.
Pendant la captivité du roi à l'île de Wight, son agent Ha-
milton réussit à détacher une fraction considérable, la plus
modérée, du parti des covenanters. Charles P^ sanction-
nerait le Covenant ; liberté de conscience serait laissée à
ceux qui n'y adhéreraient pas. Hamilton envahit l'Angle-
terre à la tête de ces nouveaux royalistes, mais il fut battu
par Cromwell à Preston (17 août 1648). Charles P^ et
Hamilton furent jugés et exécutés bientôt après.
Tandis que la République était proclamée en Angleterre
par le dictateur militaire, les presbytériens envers lesquels
ce dictateur n'avait jamais été tendre, et surtout les modérés
attachés au principe de l'hérédité monarchique, procla-
mèrent Charles II en Ecosse. Charles II, le 9 mai 1650,
promit de respecter la constitution presbytérienne et d'ap-
pliquer les lois contre les catholiques ; à ce prix, il eut
une armée écossaise. Mais cette armée fut dispersée par
Cromwell à Dunbar (3 sept. 1650). Charles n'en reçut
pas moins la couronne à Scone(l®^ janv. 1651) des mains
d' Argyll, le patron du Covenant, et le presbytérianisme fit
un dernier effort. L'Angleterre fut envahie, et les Ecossais
royalistes pénétrèrent jusqu'à Worcester ; leur défaite devant
cette ville consolida définitivement Cromwell. Charles II
s'exila en France. Ce fut Monk que Cromwell chargea de
tenir l'Ecosse en bride. Monk y régna par la terreur, comme
en pays conquis. L'administration fut enlevée aux indigènes
et remise tout entière au conseil de Cromwell siégeant à
Londres. La « Court de session » fut suspendue et remplacée
par une commission de justice, composée de quatre Anglais
et de trois Ecossais, qui jugea d'après le common law d'An-
gleterre. Des impôts très lourds furent levés (environ
140,000 livres st. par an). Ce gouvernement de Cromwell
en Ecosse, qui dura huit ans, fut très dur, mais, somme
toute, bienfaisant : on n'entendit plus parler de ces pil-
leries seigneuriales qui désolaient le paysan depuis des
siècles ; on établit le libre-échange avec l'Angleterre. La
bourgeoisie, la classe moyenne, les commons furent élevés
aux dépens de la noblesse. Cromwell aurait voulu con-
sommer la fusion parfaite des deux Etats insulaires : il con-
voqua des représentants de l'Ecosse à ses Parlements de
Westminster : c'était un centralisateur ; le hoïne rule lui
faisait horreur. Néanmoins la mort du Protecteur fut sa-
luée en Ecosse comme une délivrance : Charles II restauré
fut accueilli comme un libérateur, destiné à rétablir dans
tout leur éclat les privilèges nationaux. Mais une profonde
désillusion attendait, sous la Restauration, les presbytériens
écossais. Charles II ne les avait jamais aimés ; il n'avait
supporté le joug de leurs prédicants que lorsqu'il avait eu
besoin d'eux. D'autre part, Cromwell avait montré qu'il
était possible, avec de l'énergie et de bonnes troupes, de
mater tous ces gens-là et de leur faire par-dessus le mar-
ché verser de fortes sommes au trésor public. Ces leçons
du protectorat ne furent pas perdues pour le roi. L'Ecosse
était passée, au temps de Monk et de Cromwell, à l'état de
province soumise ; elle ne retrouva point l'indépendance
au temps de Charles IL Et elle était devenue incapable de
la reconquérir les armes à la main, car le presbytéria-
nisme y était désormais divisé, les sectes s'y étaient mul-
tipliées et s'y dévoraient. Middleton, le Monk du gou-
vernement de la Restauration, exerça impunément les
vengeances de son maître. Argyll fut exécuté, ainsi que deux
autres personnages du parti presbytérien exalté, le mi-
nistre Guthrie, Johnston de Warriston. Un Parlement tenu
en respect par Middleton abolit tous les actes passés de-
puis 1640, et en même temps le Covenant. Dès 1662, le
régime épiscopal fut réintroduit en Ecosse, et Charles II
trouva aisément des presbytériens modérés pour accepter
des titres d'archevêque et d'évêques ; les ministres intran-
sigeants furent privés de leurs bénéfices. Après Middle-
ton, disgracié à cause de sa rivalité avec Lauderdale, qui
remplissait en quelque sorte à Londres les fonctions de
secrétaire pour l'Ecosse, son successeur, Rothes, agit de
même. Le nouvel archevêque de Saint-Andrews, Sharp,
obtint la création d'une cour de haute commission, analo-
gue à celle qui avait été si impopulaire du temps de Laud
pour connaître des infractions aux lois ecclésiastiques. Les
presbytériens rigides souffrirent des persécutions ; les
prêches « au désert », dans les champs, furent interdits.
Un soulèvement des vieux convenanters échoua ; Dalziel,
un officier écossais jadis au service de la Russie, que
Charles II s'était attaché, écrasa les fanatiques à Rullion
Green, et d'atroces exécutions suivirent. Des garnisons
d'Anglais et de Highlanders catholiques occupaient toutes
les forteresses ; l'état de siège était permanent ; on cal-
cule que dix-sept mille personnes furent frappées de pri-
son ou d'amende jusqu'en 1678, pour avoir assisté à des
conventicules prohibés. Fut exilée à partir de 1672 toute
personne qui ferait baptiser ses enfants par un pasteur
privé de son bénéfice, ou qui s'absenterait trois dimanches
de suite de l'égHse paroissiale. Le roi ne convoqua plus
de Parlement à partir de 1674. Ces rigueurs ne pouvaient
manquer d'entraîner une réaction violente. Le 3 mai 1679
l'archevêque Sharp, qui avait déjà été l'objet de plusieurs
tentatives d'assassinat, fut tué par une bande de covenan-
ters. Un certain Hamilton, dans l'Ouest, groupa autour du
drapeau du. Covenant assez d'hommes pour infligera Lou-
don Hill une défaite au fameux Graham de Claverhouse.
Mais, vingt jours après, le duc deMonmouth, fils naturel de
Charles H, répara cet échec au pont de Rothwell. Confis-
cations, suppHces, bannissements en masse aux colonies,
tels furent les châtiments infligés par Lauderdale aux
vaincus. Le duc d'York, frère de Charles II, converti au
catholicisme, et Claverhouse exercèrent pendant plusieurs
années une véritable inquisition ; ce fut «'un âge de sang »
(Killing Times) ; une foule de presbytériens de haute
naissance comme Dalrymple, président de la Court of Ses-
sion, Argyll, etc., cherchèrent un refuge en Hollande ;
les membres de la société secrète populaire fondée par un
prédicant nommé Cameron, échappé au massacre de Roth-
well Rridge, furent appliqués à des tortures raffinées. Le
martyrologe du presbytérianisme pendant les années 1680
à 1685 est extrêmement riche. — Le duc d'York, on le sait,
devint roi d'Angleterre et d'Ecosse après la mort de son
frère Charles II sous le nom de Jacques II dans le premier
royaume et de Jacques VII dans le second. Fervent catho-
lique, il décida plusieurs grands seigneurs écossais à ren-
trer dans le sein de l'Eglise romaine : Perth, lord chance-
Her, son frère Melfort, le comte de Moray, etc. Il refusa
de prêter le serment royal où se trouvait une promesse de
protection envers l'Eglise établie. La terreur était si forte
que le Parlement de 1685 ne réclama point et protesta au
contraire de son loyaUsmedans des termes d'une bassesse
extrême. Jacques II supprima les anciens actes qui inter-
disaient aux catholiques l'exercice de leur culte ; mais en
févr. 1688, un presbytérien nommé Renwick fut encore
513 -
ECOSSE
exécuté à Edimbourg pour avoir tenu un prêche aux
champs. Quand Guillaume d'Orange eut renversé son beau-
père avec l'aide et à l'instigation des Anglais et des Ecos-
sais réfugiés en Hollande, l'Angleterre accepta sans oppo-
sition l'avènement de Guillaume III. Il n'en fut pas tout à
fait de même de l'Ecosse. Les épiscopaliens restèrent fidèles
à la maison de Stuart, et aussi, naturellement, les catho-
liques, nombreux dans les Highlands : ils formèrent un
parti jacobite ou légitimiste, qui résista pendant cinquante
ans à la nouvelle dynastie. Les presbytériens, en majorité
dans les villes des Lowlands, accueillirent cordialement, au
contraire, le régime qui accorda pour la première fois à
l'Ecosse de sérieuses garanties constitutionnelles. Le pre-
mier soulèvement jacobite eut pour chef Claverhouse, devenu
vicomte Dundee, un nouveau Montrose ; il défit à Killiecrankie
(29 juil. 1689) les troupes de Guillaume III, mais il fut
tué dans le combat, et les clans se débandèrent. Le Par-
lement écossais reconnut donc Guillaume et Marie après
avoir voté un Claim of Right, identique au Bill of Rights
du Parlement d'Angleterre. Le presbytérianisme rede-
vint la discipline officielle. Cependant le gouvernement de
Guillaume III ne paraît pas avoir été populaire en Ecosse :
au point de vue commercial, il sacrifia trop souvent les
intérêts de ce pays à ceux de l'Angleterre proprement
dite; en second lieu, le massacre célèbre des Macdonald,
à Glencoe, par Campbell, de Glenlyon, approuvé par le
roi dans le but de jeter la terreur parmi les Highlanders,
indigna tout le monde et convertit beaucoup d'indifférents
au parti jacobite.
Il était réservé à la reine Anne d'opérer cette union
intime des deux royaumes, qui avait été le rêve de tant de
souverains, depuis Edouard P^ jusqu'à Cromwell. Ce ne
fut pas sans difficulté. L'Ecosse s'était crue lésée par la poli-
tique anglophile de Guillaume ; elle paraissait, au contraire,
toute prête, au commencement du xviii^ siècle, à assumer
une attitude séparatiste. Il fallut toute l'habileté de Queens-
berry pour décider le Parlement écossais à désigner, en
1705, 31 commissaires pour élaborer de concert avec
31 commissaires du Parlement anglais un plan d'union des
deux royaumes en toute matière autre que l'organisation
ecclésiastique. Les 62 délibérèrent à Whitehall du 16 avr.
au 23 juil. Ils décidèrent sagement de laisser de côté les
lois civiles ; chaque pays garderait les siennes, camme il gar-
derait son Eglise. Le traité d'union stipula seulement : 1^ que
les deux couronnes ne seraient plus séparées et iraient, après
la mort de la reine Anne, aux descendants hanovriens de
l'électrice Sophie ; 2^ que le libre-échange régirait désor-
mais les rapports commerciaux des deux royaumes ; 3^^ uni-
fication des systèmes d'impôts et des dettes nationales;
4° 45 représentants de l'Ecosse seraient admis à la Chambre
des communes, et 16 pairs d'Ecosse (élus) à la Chambre
des lords. Cette union était assurément avantageuse aux deux
parties contractantes; mais les Ecossais de 1705 ne la rati-
fièrent point avec enthousiasme : l'orgueil national, la crainte
d'une absorption prochaine et d'autres raisons qu'on ima-
gine aisément devaient l'empêcher d'être populaire. L'Ecosse
n'en pouvait tirer profit que dans un avenir éloigné (par
l'augmentation de son industrie et de son commerce), et
elle perdait en attendant beaucoup de choses qui lui étaient
chères. Il y eut une forte opposition à la ratification de
l'acte d'union, tant de la part des jacobites que de la part
des démocrates à demi républicains dont Fletcher de Salton
était le leader. L'acte d'union ne fut voté par le dernier
Parlement écossais qu'à une majorité de 41 voix (69 contre
LIO), quelle qu'eût été la pression ministérielle. Il entra
en vigueur le 1^^ mai 1707. Un secrétaire d'Etat pour
l'Ecosse dirigea dès lors (jusqu'en 1746; charge ressus-
citée en 1885), de Londres, les affaires écossaises.
Les jacobites, au xviii^ siècle, essayèrent deux fois de
faire revivre au profit des descendants de Jacques II l'indé-
pendance de l'Ecosse. Les Highlands furent ainsi une
Vendée jacobite. La première rébellion eut lieu en 1715;
Argyll l'apaisa par sa facile victoire de Sherilfmuir sur le
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
comte de Mar. La seconde dirigée par le jeune prétendant,
Charles-Edouard, ressembla à un roman d'aventures.
Charles-Edouard, en 1746, prit Edimbourg, et, renforcé
par quelques catholiques anglais, s'avança jusqu'à Derby
sur le chemin de Londres. Il fut encore vainqueur à Fal-
kirk, mais la bataille de Culloden (16 avr.) détruisit sa
fortune. H s'enfuit aux Hébrides, puis en France. Après
Culloden, les jacobites furent décimés avec une impitoyable
sévérité. Les souvenirs de Culloden et de Glencoe ont
empêché bien longtemps les Celtes des Highlands de se
réconcilier avec la dynastie protestante. Ils s'y sont rési-
gnés pourtant, surtout à partir du moment où, sous Pitt,
ils furent organisés en régiments et contribuèrent, aux Indes
et au temps de Napoléon P"", à tant de victoires anglaises.
— A la fin du xvni^ siècle, le jacobitisme n'était déjà plus
qu'une conviction littéraire. D'innombrables satires ridi-
culisèrent alors ces lourdes brutes, les Hanovriens, les Cove-
nanters, en les opposant aux partisans élégants et héroïques
du jeune Edouard. Le légitimisme finit en Ecosse par des
légendes et des chansons.
Les craintes des patriotes écossais à la veille de l'acte
d'union ont-elles été justifiées depuis deux siècles? — « On
a laissé de côté, disait Fletcher de Salton, l'organisation
ecclésiastique ; eh bien, quand l'union sera faite, l'Eglise
presbytérienne sera peu à peu atteinte et lésée. » Cette
prophétie s'est réalisée. Dans les dernières années du règne
d'Anne, le parti tory restaura en Ecosse, malgré les pro-
testations des presbytériens, le droit de patronage, et ac-
corda la liberté de conscience et de culte aux épiscopaliens.
Cette question du patronage est restée brûlante pendant un
siècle. Il est question aujourd'hui de « désétablir » l'Eglise
presbytérienne, du reste fort affaiblie par des sécessions
répétées. — « La représentation de l'Ecosse à Westminster,
ajoutait-on, sera insuffisante. » Elle l'a été longtemps, à
cause des vices de la procédure électorale et du caractère
de l'électorat. En ce siècle, la franchise a été fort étendue;
la représentation du peuple écossais n'est plus fictive, et les
représentants de l'Ecosse ont un vif sentiment de leur soli-
darité : beaucoup d'entre eux sont partisans du home rule,
non seulement pour l'Irlande, mais pour le pays de Galles
et pour leur patrie. — Quant aux avantages à longue
échéance que l'union promettait, ils ont été considérables.
Le peuple écossais, qui a conservé de nos jours sa phy-
sionomie à part, son Eglise, son droit civil, son système
d'instruction publique original, depuis les plus humbles
écoles jusqu'aux universités, voire son dialecte et sa litté-
rature propres, a été convié par l'Angleterre à partager
avec elle l'empire de domaines coloniaux immenses, de la
mer, de l'industrie et du commerce. Toujours les pauvres
montagnards d'Ecosse, laborieux et actifs, ont cherché à
l'étranger des débouchés pour leur énergie, comme mis-
sionnaires du christianisme au temps de Columban, de la
science au temps de Charlemagne, comme soldats pendant
la guerre de Cent ans : l'Angleterre leur a ouvert l'Amé-
rique, l'Australie, le Cap et les Indes. Aidée par les capi-
taux et les exemples anglais, l'Ecosse elle-même est devenue
riche. Glasgow est une des capitales industrielles de la
Grande-Bretagne : la Clyde rivalisa avec la Mersey. L'An-
gleterre, enfin, a fait profiter les poètes nationaux de
l'Ecosse, Burns, Walter Scott ; ses historiens, Gibbon,
Burton, Carlyle ; ses philosophes et ses économistes,
Adam Smith, Thomas Reid, etc., de l'audience dont sa
langue jouit dans le monde. Quelle différence entre l'Ecosse,
qui a accepté franchement un acte d'union honorable,
et l'Irlande, qui, traitée en pays d'exploitation, ne s'est
débarrassée de la tyrannie que pour vouloir l'indépen-
dance, l'indépendance dans la pauvreté et peut-être dans
l'anarchie. Ch.-V. Langlois.
Eglise d'Ecosse (V. Église d'Ecosse).
Littérature (V. Angleterre).
Beaux- Arts (V. Angleterre).
Numismatique. — Les premières monnaies nationales
de l'Ecosse ne remontent pas au delà du x^ siècle de notre
33
ECOSSE - ÉCOUEN
- 514 —
m
ère; auparavant, on peut dire que le monnayage écossais,
s'il 'exista, se confond avec celui du royaume saxon de
Northumberland ou avec celui qu'on attribue aux rois des
îles Hébrides, Anegmund et Somerled. Sur certains deniers
très barbares, quelques savants croient reconnaître les noms
des rois écossais Malcolm III et Donald VIII, mais ces attri-
butions sont bien conjecturales; on peut en dire presque
autant des deniers qu'on classe à Alexandre P^ On n'arrive
à une certitude scientifique qu'avec les monnaies de David P""
(1 124-11 33) qui sont nombreuses et d'une lecture indu-
bitable. Ce sont des deniers fort semblables aux deniers
anglais contemporains. Au droit, on lit DAYIT REX, autour
de'la tète royale; au revers est le nom de l'atelier et du
monnayer, autour d'une croix cantonnée d'annelets. Les
mêmes types persistent sous les règnes postérieurs: devant
la tête du roi, il y a un sceptre fleuronné, et la croix du
revers coupe la légende en quatre tronçons. Les ateliers qui
frappent monnaie sont Berwick, Edimbourg, Perth et Rox-
burgh. Alexandre III (1249-1283) est le premier qui émit,
outre le denier (penny), des oboles et des farthings (un
quart de denier). Le premier à son tour, David II
(1329-1371) fit frapper des monnaies d'or, à l'imitation
des rois d'Angleterre : ce sont des nobles d'or à la légende
DAVID DEI GRA • REX SGOTORVM et représentant le roi
sur une salère. Au revers, une croix très ornée, avec la
légende ÛC • A VTEM TRANSIENS P • MEDIVM • ILLORVM-
IBAT. Bientôt, sous les règnes suivants, les espèces d'or
se multiplient; sous Robert II parait le Saint-André repré-
sentant le saint les bras en croix; viennent ensuite les
pièces dénommées d'après leurs types, le lion, le rider,
l'unicorne ou licorne, l'écu, la pièce au chapeau, le ryal,
la couronne, le sceptre, l'ange, la pistole, le dollar à l'épée,
le dollar au chardon. La monnaie d'argent comprend, à
partir du xiv"^ siècle, des gros, des demi-gros, des deniers,
des demi-deniers, des oboles et des farthings, jusqu'au
règne de Marie (1342-1367). Le buste royal, au lieu d'être
deVofi^est souvent de face. Sous Marie apparaît le teston
et le ryal avec leurs divisions; la couronne d'argent est
adoptée en 1363; puis vient le marc d'argent et d'autres
espèces. Sous Jacques VI, les pièces d'argent sont très
nombreuses. On distinguait d'ailleurs avec beaucoup de
soin la monnaie d'argent ou monnaie blanche de la monnaie
de billon ou monnaie noire : cette dernière n'était en
Ecosse, comme dans les autres pays, qu'un acheminement
à la monnaie de cuivre. La monnaie de cuivre écossaise
commence sous Jacques III (1460-1488) avec des farthings
de cuivre au type de la croix de Saint- André ; à partir de
Jacques VI (1367-1623), il y a le denier (penny) et ses
multiples ou ses divisions, le turner, le bawbee, le bodle,
le atkinson, le plack, le hardhead. Jacques VI, étant devenu
roi d'Angleterre, continua à faire frapper des monnaies
écossaises : ces monnaies sont, au point de vue des types,
pareilles à celles que le même prince faisait frapper en
Angleterre. Mais ce qui les distingue, c'est que l'écusson
qui' y figure est écartelé aux 1 et 4 d'Ecosse, au 2 de
France-Angleterre et au 3 d'Irlande. En 1707, lorsque les
deux royaumes d'Angleterre et d'Ecosse furent réunis en
une seule monarchie, la monnaie écossaise cessa d'être
émise : on la retira du commerce pour l'envoyer au creuset.
Guillaume d'Orange (1694-1702) est le dernier prince qui
fit frapper des monnaies écossaises. E. Babelon.
BiBL. : GÉOGRAPHIE. — SINCLAIR, Stalistical View of
ScoUand; Edimbourg, 1794-1796, 21 vol. ; abrégé en 2 vol.;
Kdimbouro-, 1823.— Playfair, Geoçjrapliical and btatis-
iical Descmptlon of Scotland; Edimbourg, 1819. -Logan,
The Scotlisfi Gael; Inverness, 1877.— V. aussi le t. IV de
la Géograjyhie universelle d'Elisée Reclus, les guides de
Black, de Murray. ^ ^
Histoire.— Histoires d'Ecosse de Buciianan, Burton,
RoBERïSON. - John Mac-Intosch, The History of Civili-
83Ltion in Scotland; Aberdeen, 1878-1888, 4 vol. in-8.— Duc
d'ARGYLL, Scotland as it is and as it was; Edimbourg,
1887 2 vol. in-8. — Œ.-J.-C. Mackay, dans Encyclopedia
Braan722ca, XXI, 471-520, et les ouvrages cités au cours de
l'article. — M. Philippson, Histoire du règne de Marie
Stuart; Paris, 1890, in-8, t. I, pp. 1-205. - Fr. Michel, ?es
Ecossais en France et les Français en Ecosse; Pans, 1858,
2 vol in-8. — Scottish Record Publications. — Teulet,
Relations de la France et de V Espagne avec l'Ecosse.
Numismatique.— A. de Cardounel, A umisma^aSco^œ;
Fdimbourf^, 1786, in-4. — Cochran-Patrick, Records of the
Coinaqeof Scotland; Edimbourg, 1876, 2 vol. in-4.- Edw.
BuRNS, The Coinage of Scotland; Edimbourg, 1887, 3 vol.
in-i. — J.-D. Rob'ertson, Handbook to the Coinage of
Scotland ; Londres, 1878, in-4.
ECOSSE (Nouvelle-) (V. Nouvelle-Ecosse).
ECOT. Com. du dép. du Doubs, arr. de Montbéliard ,
cant, de Pont-de-Roide ; 394 hab.
ÉCOT. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr. de Chau-
mont, cant. d'Andelot; 187 hab.
ÉCOTAY-l'Olme. Com. du dép. de la Loire, arr. et cant.
de Montbrison; 507 hab.
ÉCOTS. Com. du dép. du Calvados, arr. de Lisieux,
cant. de Saint-Pierre-sur-Dives ; 193 hab.
ECO U AIL LES. Nom donné aux laines provenant de
moutons abattus, quelle qu'en soit du reste la provenance .
ECOUCHARD-Lebrun (V. Lebrun).
ÉCOUCHÉ. Ch.-l. de cant. du dép. de l'Orne, arr.
d'Argentan, dans une plaine entre l'Orne, la Cance et
rUdon; 4,453 hab. Stat. du chem. de fer de l'Ouest,
ligne de Paris à Granville. Haras; commerce important de
chevaux, de laines et de farines ; fabrique de tissus ; tan-
nerie; teinturerie; carrières de pierres; marne. Eglise
inachevée, mélange de style gothique et de la Renaissance.
Hospice dont la chapelle conserve un curieux retable de
pierre sculptée et peinte.
ÉCOUEN [Iticiniscoa, Esconium), Ch.-l. de cant. du
dép. de Seine-et-Oise, arr. de Pontoise; 4,360 hab. Stat.
du chem. de fer de Paris à Beauvais par Beaumont. On
trouve Ecouen mentionné en 632 sous le nom à'Iticiniscoa
dans un acte par lequel Dagobert P^ donne ce village à
l'abbave de Saint-Denis. Au xi^ siècle, la terre appartenait
aux sires de Montmorency, qui y firent sans doute élever
un château fort. Vers 4540, le connétable Anne de Mont-
morency confia à l'architecte célèbre Jean Bullant (V. ce
nom) la construction du château actuel, qui passe à juste
titre pour un des meilleurs spécimens de l'art de la Renais-
sance. Bien que mutilé en 4787, sous prétexte de restau-
ration, ce bel édifice se compose encore aujourd'hui de trois
corps de bâtiment (il formait auparavant un quadrilatère),
dont le sty+e est fort remarquable. On ne saurait mieux le
comparer *qu'aux parties des châteaux de Blois, de Cham-
bord et de Chaumont (Y. ces mots) qui datent du même
temps. Comme dans ces deux derniers, notamment, l'ar-
chitecture militaire du moven âge se trahit encore par
l'existence de larges fossés et de tourelles flanquant l'édi-
fice ; mais ce qu'il y a d'un peu rude dans ce système de
défense, plus apparent que réel, est corrigé de la façon la
plus heureuse par l'élégance des constructions. La façade qui
a disparu devait être charmante; elle se composait d'un
avant-corps s'élevant à la hauteur de trois étages et sur-
monté d'un attique dans l'évidement duquel était la ^atue
équestre d'Anne de Montmorency. Jean Goujon, Paul Ponce,
Bernard Palissy contribuèrent à embellir le château ; les
Captifs enchaînés de Michel-Ange, qui sont maintenant
au Louvre, s'v vovaient jadis ; la chapelle montre encore ses
mosaïques, qui sont peut-être l'œuvre de Pahssy, et les
peintures de ses voûtes.
Avec la Révolution, le château d'Ecouen devint domaine
national. On l'eût démoli sans l'intervention opportune de
l'évêque Grégoire. H fut tranformé alors en prison militaire,
puis successivement en hôpital, en prison politique et en
caserne. En 4807, Napoléon P'^ le choisit pour être l'une des
maisons d'éducation des filles de légionnaires, avec M^^Cam-
pan pour directrice. En 4844, le château fut rendu au
prince de Condé, et les pensionnaires transférées à Saint-
Denis; en 4830, le prince le donnait au duc d'Aumale
avec une rente de 400,000 fr., à la charge d'y faire élever
cent fils de chevaliers de Saint-Louis ayant servi dans
l'armée de Condé. Cette disposition fut annulée peu après.
La Légion d'honneur est rentrée en possession d'Ecouen
- 515 -
ÉCOUEN — ÉCOULEMENT
depuis 1838; toutefois les pensionnaires n'y revinrent qu'au
mois de mai 1851. L'église, dédiée à saint Acheul, est aussi
un remarquable édifice de la Renaissance, reconstruit presque
entièrement en 1545 aux frais d'Anne de Montmorency.
Jean Bullant y fut inhumé le 10 oct. 1578; malheureu-
sement la pierre tombale qui recouvrait ses restes a disparu,
et l'on ignore quel sort elle a subi. Fernand Bournon.
BiBL. : L'abbé Lebeuf, Histoire du diocèse de Paris,
t. II, pp. 180-186 de Téclit. de 1883. — Uabbé Chevalier,
curé d'Ecouen, Ecouen, la paroisse^ le château^ la maison
d'édiicatio7i ; Versailles, 1865, in-18. — Bonneville de
Marsangy, M^^ Campan à Ecouen ; Paris, 1879, in-8.
— V. aussi au t. VI des Archives de l'art français, pp.
805-339, une dissertation portant ce titre : Jean Bullant,
architecte du connétable de Montmorency. Actes extraits
des registres de la 7nairie d'Ecouen (1556-1518), commu-
îiiqués par MM. Emile Regnard et Jacquin, avec une
notice de M. A. de Montaiglon sur la biographie de Jean
Bullant., sur la bibliographie de ses livres, sur la date de
la construction du château dEcouen, sur la part que Jean
Goujon peut y avoir eue, et sur la grotte rustique faite
par Bernard Palissy pour le connétable,
ÉCOUFLANT. Com. du dép. de Maine-et-Loire, arr. et
cant. (N.-E.) d'Angers, au confluent de la Sarthe et delà
Mayenne; 948 hab. Stat. du chem. de fer de l'Ouest,
ligne du Mans à Angers. Château d'Eventard, ancienne
résidence des évoques d'Angers. Ruines de l'abbaye cister-
cienne du Perray-aiix-Nonnams^ fondée au xiii^ siècle.
Champ de courses.
ÉCOUIS. Com. du dép. de l'Eure, arr. des Andelys,
cant. de Fleury-sur-Andelle ; 880 hab. C'est un marché
agricole assez important. L'église paroissiale est une collé-
giale fondée (1310) par Enguerrand de Marigny, lequel
y fut enseveli. C'est un édifice intéressant du style gothique.
Les fenêtres sont terminées par des rosaces à quatre lobes,
sauf aux extrémités, où sont des rosaces à six lobes. Les
deux clochers font grand effet, en raison de l'heureuse
situation de l'église. Le tombeau d'Enguerrand a été
détruit, mais celui de son frère Jean de Marigny (statue en
marbre blanc, sur tombe en marbre noir) a été conservé.
ÉCOULEMENT. I. Technologie. — La rupture par
cisaillement ou glissement des corps solides présente, avec
la rupture par extension, une différence notable. Dans cette
dernière, les particules du corps rompu, qui se détachent
de leurs voisines, se trouvent en même temps séparées de
toutes les autres et la rupture se traduit par une disjonc-
tion complète des deux parties. Dans la rupture par cisaille-
ment, au contraire, les particules de l'une des portions du
corps se séparent bien des particules correspondantes de
l'autre partie, mais elles restent, par rapport aux voisines,
à des distances comparables, de sorte que le soHde ne subit
pas, tout d'abord, une disjonction définitive. Le phénomène
offre quelque analogie avec ce qui se passerait dans un
liquide : l'une des parties du corps continuant à se déplacer
par rapport à l'autre sans s'en éloigner, à la manière
d'une couche liquide qui s'écoulerait sur une couche infé-
rieure. L'effort n'augmente plus avec le déplacement qui,
une fois commencé sous un effort déterminé, continue à
se produire sous le même effort. Les phénomènes d'écou-
lement des solides, étudiés d'abord par Tresca, se rat-
tachent donc d'une façon tout à fait intime à ceux de rup-
ture par cisaillement. Lorsqu'un corps solide, sous l'action
d'une forte pression extérieure, acquiert ainsi des caractères
de plasticité, de telle manière que les particules qui le
constituent gHssent les unes sur les autres sans se séparer,
l'effort tangentiel, sur chacun des points où le glissement
se fait sentir, est égal à celui qui produit la rupture par
cisaillement. En soumettant à de très fortes pressions des
sohdes de diverses natures : matières plastiques, telles que
les pâtes céramiques ; matières pulvérulentes, comme les
grès; matières grenues, telles que le plomb de chasse;
matières plus ou moins compactes, comme le plomb, le fer,
l'acier, Tresca est arrivé à constater pour les solides forcés
par la pression à passer à travers des ouvertures prati-
quées dans une enveloppe rigide, des lois d'écoulement
pareilles, comme nous le disions plus haut, à celles qui
régissent l'écoulement des liquides. Il a même observé dans
les solides les phénomènes de torsion et de contraction de
la veine, tels qu'on les remarque dans l'écoulement des
liquides. L'auteur a tiré de ses expériences des consé-
quences remarquables concernant les phénomènes géolo-
giques ; il en a déduit aussi des applications intéressantes
relativement aux métaux étirés sous le laminoir ou étendus
sous le marteau. L. Knab.
II. Physique. — Ecoulement des gaz. — L'écoulement
des gaz est un phénomène dont les lois varient considérable-
ment avec la nature du chemin que les gaz ont à suivre pour
s'écouler. Ainsi, un cas simple et très intéressant étudié à
l'art. Diffusion consiste dans l'écoulement à travers un ori-
fice infiniment étroit percé dans une cloison infiniment mince.
Le passage des gaz à travers diverses substances poreuses,
qui a reçu le nom de transpiration ou de diffusion selon la
nature de la substance, donne lieu à des résultats plus
compliqués, étudiés dans le même article. Nous ne nous
occuperons ici que des principaux phénomènes présentés
par l'écoulement des gaz dans les tuyaux. Lorsqu'un gaz
s'écoule, le vase qui le contient éprouve une réaction de
sens contraire ; c'est ainsi que l'écoulement des gaz produit
dans la déflagration de la poudre donne à la fusée où elle
se produit un mouvement de recul qui lui permet de s'élever
dans les airs. Lorsqu'un gaz s'écoule d'un orifice d'une façon
continue, il constitue une veine gazeuse analogue à la veine
liquide, présentant comme elle une section contractée située
à une petite distance de l'embouchure, puis des renflements
animés de mouvements vibratoires. Ces phénomènes peu-
vent être mis en évidence soit par l'emploi de gaz colorés,
l'acide hypoazotique par exemple, qui est d'un rouge foncé,
soit en mettant en suspension dans le gaz de la poudre de
lycopode très fine; la fumée du tabac peut aussi être em-
ployée dans cette expérience. Lorsque l'écoulement est
brusque, plus ou moins analogue à une explosion, le gaz
sort sous forme d'une couronne, d'un tore, animé de mou-
vements de translation et de rotation ; cet aspect se ren-
contre constamment avec les bulles de phosphure d'hy-
drogène qui s'enflamment à l'air et quelquefois dans la
vapeur lancée, dans un air calme, par les cheminées des
locomotives. On peut reproduire aisément ce phénomène
en emplissant sa bouche de fumée de tabac, l'ouvrant un
peu et en frappant légèrement sur sa joue : il sort alors
une bouffée qui affecte souvent cette forme d'anneau.
L'écoulement des gaz dans les tuyaux présente des phé-
nomènes de pression remarquables : souvent la pression
exercée sur les parois de l'ajutage est moindre non seule-
ment que celle que possède le gaz dans le réservoir, mais
même que celle de l'atmosphère dans le({uel s'écoule le gaz.
Quand on dirige, d'autre part, un jet gazeux sortant d'une
lame plane contre une autre lame plane, celle-ci éprouve,
selon sa distance à l'orifice, des répulsions ou des attrac-
tions : quand la lame est placée très loin, il y a répulsion
faible ; cette répulsion augmente quand la distance à l'orii
fice diminue, conformément à ce que l'on pouvait prévoir;
mais ensuite, pour une distance assez petite, la répulsion
diminue, se change même en une attraction. Ce phénomène
curieux, signalé d'abord par Griflith, a été étudié par Clé-
ment Desormes, qui a montré qu'il était dû à ce que, à une cer-
taine distance de l'orifice, le gaz qui s'écoule entre les deux
lames possède en certains points une tension inférieure à la
pression atmosphérique ; l'attraction observée a pour mesure
la différence entre l'action de l'atmosphère sur toute la surface
extérieure de la lame et la résultante des pressions qu'exerce
le gaz qui s'écoule sur la face interne de la même lame.
Vitesse cV écoulement. La vitesse d'écoulement d'un gaz
est l'espace parcouru pendant une seconde par une molé-
cule de gaz qui conserverait pendant ce temps la vitesse
(définie comme en mécanique) qu'elle possédait au moment
où elle franchissait l'orifice. Bernouilli a appliqué aux gaz
la formule v = sj^gh donnée par TorricelH pour les liquides,
formule dans laquelle v représente la vitesse d'écoulement,
ÉCOULEMENT - ÉCOUVILLON
— 516
g l'accélération due à la pesanteur et h la hauteur d'une
colonne de gaz de section 1 dont le poids est égal à la diffé-
rence des pressions P — P^ du gaz dans le réservoir et du
milieu où il s'écoule. Cette formule devient :
:394
^'
P8
a étant la densité du gaz à la température de l'expérience ;
on déduit de là que la vitesse d'écoulement de l'air dans
le vide est de 394 m. par seconde et celle de l'hydrogène
de 1,500 m. Cette formule de Bernouilli a été vérifiée ex-
périmentalement d'une façon assez satisfaisante pour des
différences de pression ne dépassant guère 1 m. d'eau.
D'Aubuisson, qui a étudié l'écoulement des gaz à travers
les tuyaux cylindriques, a trouvé que la quantité Q de gaz
écoulé était alors sensiblement exprimée par la formule sui-
vante : •
Q=z2279
P est la pression du gaz en colonne de mercure, D le dia-
mètre du tuyau, L sa longueur et (^ le diamètre de l'orifice
qui a laissé échapper le gaz. On a 0 = c?, et la formule se
simplifie un peu quand le tuyau est librement ouvert à
l'air par son extrémité. L'écoulement des gaz est accom-
pagné de refroidissement puisqu'il provient de la détente
d'un gaz; l'abaissement de température peut être calculé
à l'aide des formules de la théorie mécanique de la chaleur
(V. Détente).
Écoulement des liquides. — Il y lieu de distinguer
plusieurs cas, selon que l'écoulement a lieu avec ou sans
frottement. Ecoulement par un orifice percé en mince
paroi. On peut alors considérer comme nul le frottement
du liquide sur l'épaisseur de la paroi; la vitesse d'écoule-
ment est alors donnée par la loi suivante énoncée par Torri-
celli : la vitesse du liquide à sa sortie est égale à celle
qu'aurait un corps tombant en chute libre d'une hauteur
égale à la distance du niveau du liquide à l'orifice de sortie,
c.-à-d., si l'on désigne par v cette vitesse et par h cette
hauteur, on a z^ = sj^. Mariette a vérifié cette loi et
D. BernouiUi en a donné le premier la démonstration théo-
rique. Cette formule permet de résoudre un certain nombre
de problèmes relatifs à l'amplitude des jets paraboliques
qui s'échappent de réservoirs à parois minces, quand on
néghge la résistance de l'air, ou à la dépense d'eau pendant
un temps donné. Ainsi, l'on peut calculer à l'aide de cette
formule le temps nécessaire pour qu'un vase cylindrique
contenant de l'eau à la hauteur h se vide. Ce temps est
égal à
- étant le rapport des sections du vase et de l'orifice. Ce
temps est le double de celui qu'il aurait fallu employer
pour obtenir la même quantité d'eau si le niveau avait été
maintenu au niveau constant. Newton a observé le premier
un phénomène important présenté par les veines d'eau ; il
a montré que la section de la veine va en diminuant jus-
qu'à une certaine distance de Torifice qui peut égaler et
même dépasser le diamètre de celui-ci, et la section con-
tractée est en moyenne les deux tiers de l'orifice. On a
d'abord attribué ce phénomène au frottement, mais on a
montré qu'il n'en était rien et qu'il fallait plutôt l'attribuer
à la tension superficielle, car, si l'on dispose une expé-
rience de façon que le jet traverse une atmosphère conte-
nant des vapeur d'éther ou d'alcool qui diminuent beaucoup
le tension superficielle en se dissolvant en petite quantité
dans le jet, on augmente beaucoup non la vitesse d'écoule-
ment, mais la quantité d'eau écoulée, la contraction de la
veine étant moins considérable. Savart a montré en outre
que la veine, au delà de la section contractée, allait en
s' amincissant légèrement par suite de l'accélération due à
la pesanteur et qu'elle ne possédait une transparence qui l'a
fait justement comparer à une tige de cristal que jusqu'à une
certaine distance de l'orifice ; au delà, la veine se trouble;
elle présente une série de ventres et de nœuds due à ce que
la veine se brise et se résout en gouttelettes animées de
mouvements vibratoires qui produisent ces renflements et
ces nœuds. Les sons musicaux émis dans le voisinage
d'une veine changent son aspect en déplaçant les ventres.
On avait autrefois cherché à expliquer la résolution de
la veine en goutelettes par l'accélération de la pesanteur,
mais cette cause n'agit que pour amincir la veine, car la
résolution en goutte se fait toujours, que le jet soit dirigé
vers le haut ou vers le bas. Plateau a montré par ses ex-
périences sur la capillarité qu'un cylindre liquide ne pou-
vait subsister dès que sa longueur atteignait, par rapport à
son diamètre, une certaine valeur ; il se réduit alors en
gouttes isolées de grosseurs inégales.
Les écoulements de l'eau par des ajutages, dans des
tuyaux ou des canaux, sont très compliqués. Quand l'aju-
tage est un cône se rétrécissant d'une forme semblable à
la' contraction naturelle de la veine, la dépense est peu
changée (diminuée de 6 ^o avec un cône de lo*"). Quand
l'ajutage est cylindrique, la dépense n'est plus que les
quatre-vingt-deux centièmes de la dépense sans ajutage.
En employant comme ajutage un cône rétrécissant suivi
d'un cône divergent, on a pu tripler la dépense (Yenturi).
Si, au lieu d'ajutages toujours courts on emploie des tuyaux,
des frottements considérables prennent naissance ; ainsi,
dans un tuyau parcouru par un courant d'eau d'une vitesse
V, la pression n'est pas la même en tous les points ; si ou
appelle d la distance de deux points, S la surface, C le pé-
rimètre de la section, on a pour la différence des pressions
Pj^ — P^ en ces points :
Pi-P, = ^(aV + èV2),
a et b étant des constantes. A. Joânnis.
III. Médecine (V. Blennorrhagie, Flueurs blanches,
Leucorrhée, Hémorragie, Oreille, etc.).
BiBL. : Technologie. — Comptes rendus de l'Académie
des sciences, 1861. — Mémoire sur le poinçonnage des mé-
taux et la déformation des corps solides, dans Recueil des
savants étrangers de l'Académie des scieiices, 1872, t. XX. —
Flamant, Résistance des matériaux; Paris, 1886.
ÉCOURT-Saint-Quentin. Com. du dép. du Pas-de-Ca-
lais, cant. de Marquion; 4,890 hab.
ÉCOUST-Saint-Mein. Com. du dép. du Pas-de-Calais,
arr. d'Arras, cant. de Croisilles; 779 hab.
ÉCOUTE (V. Voile).
ÉCOUTÈTE (en lat. sciiltetus). On donnait ce nom au
moyen âge dans les pays germaniques et spécialement en
Flandre à un officier seigneurial, chargé des attributions
judiciaires et de police qui, en France, étaient dévolues aux
prévôts et aux baillis.
ÉCOUVIEZ. Com. du dép. de la Meuse, arr. et cant.
de Montmédy; 303 hab.
ÉCOUVILLON (Artill.). L'écouvillon est un instrument
servant à nettoyer et à graisser l'âme d'une bouche à feu.
Il se compose d'une hampe en bois portant à l'une de ses
extrémités une tête en paillets lardés (pour le nettoyage) ou
une brosse en soies de porc (pour le graissage) ; il est sou-
vent terminé à l'autre extrémité par une tête formant re-
fouloir pour décharger la pièce s'il y a lieu. L'écouvillon
des canons de campagne est transporté sous l'affût ; pour
écouvillonner l'âme de la pièce, on l'assemble avec le re-
fouloir. Avec les pièces se chargeant par la culasse, il n'est
pas nécessaire d'écouvdlonner pendant le tir, à moins qu'on
n'exécute le tir en blanc. Avec les pièces se chargeant par
la bouche, cette opération se faisait après chaque coup ;
elle était indispensable pour nettoyer l'âme et assurer l'ex-
tinction des résidus incandescents avant l'introduction de
— M7 —
ÉCOUVILLON - ÉCRAN
la nouvelle charge. Pour écouvillonner, la lumière étant
bouchée par le pointeur, les premiers servants enfonçaient
la brosse jusqu'au fond de l'âme, tournaient l'écouvillon
trois fois dans un sens, trois fois dans l'autre sens, puis
retiraient l'écouvillon sans que la lumière cessât d'être
bouchée (V. Doigtier).
ÉCOUVOTTE. Com. dudép. duDoubs, arr. de Baume-
les-Dames, cant. de Roulans; 67 hab.
ECO Y EUX. Com. du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. de Saintes, cant. de Burie; 1,016 hab.
ECPHANTE DE Syracuse, philosophe grec, de l'école
pythagoricienne. Nous savons peu de chose sur ce phi-
losophe ; il paraît avoir vécu après Philolaùs, avoir été
contemporain d'Archytas de Tarente et, selon une conjec-
ture plausible de Boekh, il fut le disciple de cet Hicétas
de Syracuse qui eut le premier l'idée du mouvement de la
terre autour de son axe. Ecphante modifia notablement la
doctrine de Pythagore. Trouvant sans doute que les nombres
et les unités du maître étaient des principes trop abstraits,
il les remplaça par des atomes conçus comme corporels,
ayant pour attributs la grandeur, la forme et la force. Ces
atomes ne tombent pas sous les sens ; ils sont séparés par
le vide. Malgré ces analogies avec la philosophie de Démo-
criie, la doctrine d'Ecphante en est fort différente, car,
admirant l'unité du monde, ce philosophe l'expliquait non
par des causes mécaniques, mais par l'action de la Provi-
dence ; par là il se rapprochait d'Anaxagore. Il paraît avoir
écarté la théorie de la pluralité infinie des mondes, et il
admit avec Hicétas le mouvement de la terre autour de
son axe. V. Brochard.
ECPHANTIDES, poète comique d'Athènes, du vi*^ siècle
av. J.-C. Il fut vraisemblablement le contemporain plus
âgé de Cratinos qui l'attaqua dans ses comédies. Il lui repro-
chait de se faire aider pour la composition de ses pièces, par
un esclave nommé Chœrilus, comme Aristophane accuse
Euripide d'avoir usé de la collaboration de son esclave Cé-
phisophon. C'est encore Cratinos qui donnait à son rival le
nom de KaTuviaç, l'homme de fumée, probablement à cause
de l'obscurité de son style. On connaît le titre d'une de ses
comédies, Satupoi, mais nous n'avons de lui qu'un petit
nombre de fragments insignifiants ; dans l'un d'eux il
déclare abandonner la comédie mégarienne, sans doute à
cause de la grossièreté de ces sortes de pièces (V . le scho-
liaste d'Aristophane, Gren., V, 151 et lt82; Meineke,
Fragm. Comicomm Grœcorum, 1. 1, pp. 35-38 ; II, pp. 12
et suiv.). A. W.
ECQUEDECQUES. Com. du dép. du Pas-de-Calais,
arr. de Béthune, cant. de Norrent-Fontes ; 454 hab.
ECQUEMICOURT. Com. dudép. du Pas-de-Calais, arr.
de Montreuil-sur-Mer, cant. de Champagne-lès-Hesdin ;
134 hab.
ECQUES. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. de
Saint-Omer, cant. d'iVire, sur un affluent de la Melde ;
1,381 hab. Source del'Eaubonne jaillissant de puits arté-
siens creusés au xvii^ siècle. Eglise avec clocher roman.
ECQUETOT. Com. du dép. de l'Eure, arr. de Louviers,
cant. du Neubourg; 345 hab.
ECQUEVILLY. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr. de
Versailles, cant. de Meulan ; 534 hab.
ECQUEVILLY (Armand -François Hennequin, mar-
quis d'), général français, né à Paris le 30 sept. 1747,
mort à Paris le 9 sept. 1830. Capitaine du vautrait, il de-
vint, en 1774, mestre de camp du Royal-cavalerie, et en
1788 maréchal de camp. Il émigra et servit dans l'armée
de Condé, où il exerça les fonctions de chef d'état-major. Il
accompagna le prince à Saint-Pétersbourg, s'établit ensuite
en Hongrie et ne revint en France qu'en 1814. Lieutenant
général, il fut nommé pair de France le 17 août 1815,
présida la commission qui jugea le général Gilly en 1816
et, avant sa mise à la retraite (1819), occupa les fonctions
de directeur du dépôt de la guerre, d'inspecteur général des
ingénieurs géographes, de président du comité de la guerre.
Il a écrit : Campagnes du corps sous les ordres du prince
de Condé (Pans, 18i8, 3 vol. in-8). H avait reçu son
titre de marquis le 15 janv. 1821.
ÉCRAINIER (V. Layetier).
ECRAINVILLE. Com. dudép. de la Seine-Inférieure,
arr. du Havre, cant. de Godervilie; 928 hab.
ÉCRAIYIMEVILLE. Com. du dép. du Calvados, arr. de
Bayeux, cant. de Trévières ; 438 hab.
ÉCRAN (Ameubl.). Meuble portatif qui se place devant
la cheminée pour garantir de l'ardeur du feu. L'usage des
écrans remonte à une date reculée, et les miniatures des
anciens manuscrits montrent des écrans d'osier placés der-
rière les seigneurs à table, en face des cheminées à plusieurs
âtres, où brûlaient des arbres entiers afin de réchauffer
les salles immenses des châteaux. L'écran n'était alors qu'un
ustensile mobile qui ne se prêtait à aucune décoration artis-
tique. Au XVII® siècle, l'écran devmtun objet de luxe, et de
portatif il devint permanent. Les pieds et l'encadrement en
furent délicatement sculptés, tandis que la surface était
tendue de riches étoffes brochées ou brodées. L'établissement
de la manufacture des Gobelins développa le luxe des écrans.
En même temps que leurs montants étaient sculptés par les
plus habiles ornemanistes, on y encadrait des panneaux de
tapisserie dont les gracieux motifs étaient dessinés par
Berain , par Marot et par Loir. La manufacture de basse-
lisse de Beauvais a exécuté des garnitures d'écran qui sont
Ecran en tapisserie, d'après Boucher, monture en bois
sculpté (xvin" siècle).
des merveilles de goût et de travail. Les Pastorales de Bou-
cher succédèrent aux Arabesques d'Audran et de Gillot qui
avaient remplacé les maîtres de l'école de Lebrun. L'art de
Louis XV s'y montre moins noble et moins élégant qu'au
siècle précédent , mais il rachète cette infériorité de style
par des quaUtés de fantaisie et de grâce facile qui sont
restées sans rivales. Il serait impossible d'énumérer les
transformations que l'ingéniosité de nos artistes et de nos
ouvriers avait fait subir à l'écran vers le milieu du xviii« siècle.
On ne peut connaître toutes les recherches du mobilier de
ce temps qu'en parcourant les gravures de Moreau le Jeune
et celles qui illustrent les ouvrages contemporains. Ce ne
sont que des tables à écran, des écrans à coulisse, des écrans
ÉCRAN - ÉCREVISSE
— 518 —
de flambeau ou de candélabre, et des écrans à main dont il
existe de charmants modèles publiés par Boucher, par
Marinier et par Huquier. La sculpture des montants suivait
également les variations du goût ; après avoir été décorée de
rocailles, elle prit un caractère plus régulier dans la der-
nière partie du règne de Louis XV, et elle devint classique
sous le règne suivant. Ranson fut alors chargé de dessiner
des garnitures d'écran qu'il décorait de fleurs et d'attributs
pastoraux. On y joignit bientôt des médaillons en camaïeu
et des arabesques qui rappelaient les peintures murales
antiques. Les cheminées, en diminuant de dimensions, ont
rendu moins nombreux les écrans placés devant l'âtre, mais
l'usage des écrans à main est général, et le Japon inonde les
marchés européens de ces ustensiles peints sur soie.
ÉCRASEMENT. I. Construction. — Ecrasement des
MÉTAUX, DES PIERRES (V. RÉSISTANCE DES MATÉRIAUX),
II. Chirurgie. — L'écrasement linéaire est un procédé
de destruction des tissus qui a pour effet de les sectionner
par pression et avec lenteur, en prévenant les hémorragies.
L'écraseur linéaire de Chassaignac, le ligateur de Maison-
neuve sont utihsés dans ce but. L'écraseur est formé d'une
chaîne articulée qu'on manœuvre au moyen d'une crémail-
lère fixée sur une tige ou vis. Pour l'appliquer, on embrasse
la base d'une tumeur ou des portions de tumeur, on passe
la chaîne ou le fil de fer autour d'elles ; on endort ensuite
l'opéré et l'on serre, selon la vascularité de la région, en
avançant d'un cran ou d'un tour de vis toutes les dix
secondes, toutes les minutes ou toutes les deux minutes.
Lorsqu'on sent une résistance vaincue, les organes sont
coupés. Pour enlever l'instrument, on le tourne sur lui-
même jusqu'à ce qu'il se détache. Pendant cette manœuvre
d'écrasement, les vaisseaux s'oblitèrent de la façon suivante :
les tuniques artérielles résistent inégalement aux tractions,
la couche interne et la couche moyenne se rompent d'abord,
se rétractent et forment un bourrelet qui oppose une pre-
mière digue à la circulation ; la couche externe celluleuse'
s'étire, s'effile comme un verre à la lampe de l'émailleur,
et les tissus se fusionnent en véritable cul-de-sac, second
obstacle à l'eff'usion du sang (Forgue et Reclus). D'après
ces auteurs, malgré ses propriétés hémostatiques indiscu-
tables, les occasions de faire l'écrasement linéaire se sont
bien réduites, grâce au perfectionnement de l'arsenal chi-
rurgical actuel. Dans une cavité étroite, malaisée à atteindre,
s'il faut sectionner un point peu accessible on très vascu-
laire, l'écraseur peut l'emporter sur lethermo, le bistouri
et les ciseaux courbes. C'est le cas de certains polypes de
l'utérus, des fosses nasales ou de l'arrière-pharynx.
D^ A. COUSTAN.
ÉCRASEUR DE PLATINE. Instrument employé en calo-
rimétrie (V. ce mot, t. VIII, p. 974, fig. 9).
ÉCREHOU (Iles). Ilots rocheux situés dans la Manche,
entre l'île de Jersey et la côte française du Cotentin, vis-à-
vis de Portbail. Les deux principaux sont Marmoutier et
Matire. — Les Ecrehou sont en dehors des zones territo-
riales française et anglaise, que la Convention du 2 août
4839 limite à trois milles des côtes. Us sont donc neutres.
On a prêté (notamment en 1886) aux Anglais le projet d'y
élever un fort ou simplement de les occuper. L'intérêt
principal serait d'étendre au profit de leurs pêcheurs les
limites de leur mer territoriale au détriment des pêcheurs
français. Les susceptibilités éveillées à ce sujet semblent
sans fondement, la possession des Ecrehou ne pouvant à
aucun titre être revendiquée par l'Angleterre.
ÉCRÉMAGE (V. Beurre, t. VI, p. 546).
ÉCRENNES (Les). Corn, du dép. de Seine-et-Marne,
arr. de Melun, cant. du Ghâtelet; 300 hab.
ÉCRETTEVILLE-les-Baons. Com. du dép. de la Seine-
Inférieure, arr. et cant. d'Yvetot; 554 hab.
ÉCRETTEVILLE-sur-Mer. Com. du dép. de la Seine-
Inférieure, arr. d'Yvetot, cant. de Valmont, à l'entrée
d'un vallon ouvrant sur la mer; 185 hab. Vestiges d'un
ancien château consistant en une enceinte carrée, flanquée
de tourelles du xvi® siècle et entourée de douves. Une
ancienne maison a conservé une jolie pièce du xiii® siècle
dite Salle de l'audience à laquelle on accède par un bel
escalier ancien. La ferme du Catel a conservé des restes
de constructions romanes.
ÉCREVISSE. I. Zoologie. — Nom français du genre
Astacus de Fabricius. Les Astacus sont le type d'une
famille de Crustacés Décapodes Macroures, qui comprend
encore, comme genres principaux, les Nephrops et Homa-
nis. Les Astacus ont l'appendice frontal triangulaire, le •
dernier anneau thoracique mobile ; les pinces de la pre-
mière paire de pattes sont fortement renflées, à surface
convexe ; le premier anneau de l'abdomen est muni, chez le
mâle, d'appendices sexuels. Ce sont des animaux qui habitent
exclusivement l'eau douce. Il existe en Europe plusieurs
espèces d'Ecrevisses : A. fluviatilis Fabr. (Ecrev. à pieds
rouges, la plus grosse et la plus estimée pour l'ahmentation) ,
A.pallipes Lereb. (E. à pieds blancs), A. torrentium Schr.
[A. longicornis Lereb.), A . leptodactylus Rathke, etc. Les
Ecrevisses recherchent les eaux courantes et pures, dans les-
quelles elles s'abritent sous les racines des arbres et sous les
pierres ; elles ne sortent de leurs abris que pour chercher
leur nourriture qui consiste en toutes sortes d'animaux
aquatiques. Crustacés, Mollusques, Insectes, Poissons ; elles
ne dédaignent pas la chair des animaux morts et ne refusent
pas une nourriture végétale : il paraît même qu'elles s'accom-
modent à merveille de ce dernier genre d'aliments et que,
si on les met à ce régime exclusivement, leur chair devient
plus blanche, plus ferme et d'une déhcatesse parfaite.
L'accouplement de ces animaux se fait vers la fin d'oc-
tobre ; le mâle et la femelle se placent ventre à ventre,
s'enlaçant étroitement à l'aide de leurs pattes ; le sperme,
contenu dans des spermatophores, est fixé sur le sternum
et à la partie supérieure de l'abdomen de la femelle ; c'est
seulement du vingtième au vingt-cinquième jour que la
ponte s'eff'ectue et que les spermatozoïdes, sortant de leur
enveloppe, peuvent féconder les ovules. La femelle fixe ses
œufs sur les fausses pattes de l'abdomen, par une matière
visqueuse sécrétée par des glandes spéciales ; ceux d'entre
eux qui ne sont pas fécondés n'évoluent pas et se détruisent ;
les autres se développent très lentement et c'est seulement
six mois après la ponte, vers la mi-mai, qu'a lieu l'éclosion.
Pendant toute sa portée, l'Ecrevisse reste cachée dans un
trou étroit qu'elle a creusé et dont elle ne sort que pour
prendre sa nourriture. La jeune Ecrevisse mesure environ
1 cent, et demi de longueur à sa naissance ; pendant près
d'un mois, elle ne quitte guère sa mère, sous l'abdomen
de laquelle elle se réfugie à la moindre alerte. Par suite
de l'extensibihté de sa carapace, l'Ecrevisse ne peut grandir
qu'au moment de chaque mue ; mais, comme elle ne mue
qu'une fois par an, vers la mi-juin, son accroissement est
fort lent, à telle enseigne que les Ecrevisses marchandes
ont au moins neuf ou dix ans d'âge. La durée de la vie de
cet animal est d'environ vingt ans, pendant lesquels il
continue à s'accroître — on a dit qu'il pouvait vivre qua-
rante et même cinquante ans : dans ce cas, l'Ecrevisse
pourrait atteindre le poids exceptionnel de 200 gr. Les
plus belles Ecrevisses de nos régions, sinon les meilleures,
sont celles de la Meuse et du Rhin ; l'Yonne et la Nièvre
en nourrissent aussi de très bonnes. La chair de ces ani-
maux est très recherchée parce que, convenablement assai-
sonnée, elle est savoureuse.
La pêche des Ecrevisses se fait de diverses manières :
d'abord, avec un filet que l'on suspend le soir au-dessous d'un
morceau de chair putréfiée, ou, dit-on, de viande arrosée
d'essence de térébenthine ; ces animaux sont parfois attirés
en grand nombre par l'appât. On met aussi quelquefois de
la viande dans un fagot menu que l'on retire quand les
Ecrevisses ont pénétré de toutes [parts entre les branches.
D'autres emploient des baguettes fendues : on met dans la
fente un appât et on place le piège dans les points où les
Crustacés sont abondants : ils ne tardent pas à s'attacher à
l'appât ; on retire alors les baguettes de l'eau avec précaution
519
ÉCREVISSE
et on glisse sous chacune d'elles un panier. A peine sortie de
l'eau, TEcrevisse abandonne le corps qu'elle dévorait et
tombe dans le panier; quelques pêcheurs, mettant à profit
le goût de rEcrevisse pour le sel, se servent de morue salée
comme appât. On peut également prendre ces animaux à la
main en fouillant leurs retraites. Ils se pèchent aussi au
feu, et surtout à la balance, la nuit, enfin par des procédés
plus compliqués que ceux-ci, mais qui ne sont pas d'un
emploi courant.
Quand on veut conserver quelque temps les Ecrevisses
et qu'on ne dispose pas d'un appareil dans lequel l'eau se
renouvelle constamment, il faut se garder de les placer
dans des herbes ou de la paille humide, mais les essuyer
avec soin et les placer, dans un filet ou dans un panier,
dans un endroit frais : elles peuvent vivre, ainsi pendant
dix ou quinze jours, lorsqu'elles sont dans de bonnes con-
ditions d'aération.
Les Ecrevisses sont attaquées par des ennemis assez nom-
breux ; en laissant de côté ceux qui s'attaquent aux œufs
(Crevettes d'eau douce, Annélides, Insectes), il faut signaler
en première ligne une production végétale appartenant à
la famille des Algues Saprolégniées, le Mycosis astacina,
formé par un mycélium qui envahirait peu à peu tous les
organes et déterminerait la mort — ce parasite est encore
mal connu et assez discuté dans ses effets — ; un Distome
(D.cirrhigeru7n)sG rencontre aussi, en certaines localités,
enkysté par centaines dans les muscles du Crustacé dont il
détermine la mort ; et enfin, on a également trouvé, répan-
dues en quantité énorme dans les tissus de cet animal, en
outre du Psorospermium Hseckel des productions très niai
connues, qui ont été rapportées aux Grégarines et qui se
rattachent peut-être aux Saprolégniées dont nous venons de
parler. Beaucoup moins nuisibles sont les Dreissena,
Mollusques bivalves qui s'attachent parfois aux pattes des
Ecrevisses vieilles ou malades, le Distoma isostomum
qui se trouve libre entre les muscles de la queue ; deux
espèces de petites Hirudinées, longues de 5 à 40 millim.,
s'observent souvent sur les branchies, mais elles n'apportent
point de troubles à la santé de leur hôte : ce sont les Bran-
chiobdella astaci et parasitica. La mortalité due aux
parasites et surtout l'altération des cours d'eau, par le fait
de l'industrie a causé, en beaucoup de pays d'Europe, un
véritable dépeuplement des Ecrevisses, d'où les nombreuses
tentatives faites de divers côtés pour repeupler les eaux et
l'extension qu'a pris l'élevage artificiel de ces animaux,
surtout en Allemagne : c'est de ce dernier pays qu'arrivent
la plupart des Ecrevisses qui alimentent le marché de Paris,
rapport de nos cours d'eau pouvant être considéré comme
à peu près nul.
La consommation de l'écrevisse devient en effet, de plus
en plus considérable ; la consommation annuelle pour Paris
seulement atteint environ six milHons de pièces, le prix de
vente s'élevant sans cesse; voici quelques détails sur la
culture rationnelle de l'écrevisse. Pour l'écrevisse à pieds
rouges [et pour l'écrevisse de la Meuse, il faut disposer
d'eaux calcaires; l'écrevisse à pieds blancs, l'écrevisse des
fontaines, peuvent à la rigueur vivre dans des eaux sili-
ceuses, à condition que l'eau se renouvelle fréquemment ;
le fond de l'étang doit être composé de gravier et les berges
garnies de nombreux refuges. Le peuplement se fait en
avril, au moyen de six reproducteurs âgés de quatre ans
par 30 m. q. de vivier ; dans un vivier convenablement
aménagé, on peut pêcher chaque année de quinze à vingt
ecrevisses marchandes par mètre carré, soit huit à dix
mille francs de valeur annuelle par hectare d'eau ; on
cultive généralement du cresson dans les viviers à écrevisse,
ce qui augmente les bénéfices. L'écrevisse ayant des mœurs
nocturnes, la nourriture doit être principalement donnée le
soir ; elle consiste en vers de terre, en larves d'insectes,
en détritus de toute sorte.
L'élevage de l'Ecrevisse pratiqué par les Romains et dont la
tradition, alternativement perdue et retrouvée ensuite, con-
servée finalement en France par quelques communautés
religieuses jusqu'à la Révolution, a été repris dans notre
pays, à Claire fontaine, près de Rambouillet, et surtout à
VilHers, près de La Ferté-Alais, dans l'arr. d'Etampes,
par M. de Selve : cette dernière exploitation, qui était des
plus florissantes en 1870, fut détruite à cette époque, de
fond en comble, par les Allemands ; elle n'a pas été relevée
de ses ruines.
Signalons enfin que certaines régions de la Russie d'Eu-
rope sont extrêmement riches en Ecrevisses et que, depuis
quelque temps, il s'est établi d'importantes fabriques de
conserves de queues d' ecrevisses, qui ont aujourd'hui un
débit fort important, tant en Russie qu'à l'étranger. On a
beaucoup écrit sur l'Ecrevisse considérée à différents points
de vue, et nous ne pouvons mieux faire que renvoyer le
lecteur à quelques-unes de ces publications : Huxley,
l'Ecrevisse [Bibliothèque scientifique internationale,
1883) ; P. Carbonnier, l'Ecrevisse (Paris, 1869) ; Schiem-
kewitsch, Caractères spécifiques et distribution géogra-
phique du genre Astacus (1887) ; Harz, Die sogenannte
Krebspest, ihre Ursache und Verhiltung (Vienne, 1887).
R. MONIEZ.
II. Paléontologie et distribution géographique.^ —
Les Ecrevisses d'eau douce ont eu des ancêtres marins ;
d'ailleurs, à l'époque actuelle, la famille des Astacidœ (ou
Astacomorpha) comprend encore les Homards, qui ne dif-
fèrent guère des Ecrevisses que par leurs métamorphoses
compliquées, et le genre Nephrops, dont certaines espèces
habitent les eaux douces. Par contre, de véritables Ecre-
visses (genre Parastacus) vivent dans l'eau saumâtre, à
l'embouchure des grandes rivières de rhémisphère sud. Les
genres fossiles marins, Eryma et Pseudastacus, qui sont
du lias et du jurassique d'Europe, peuvent être considé-
rés comme les ancêtres communs de tous les Astacidœ
(Ecrevisses et Homards). Les genres d'eau douce Astacus
et Cambarus se montrent dans le tertiaire et peut-être
même dans le crétacé d'Europe et de l'Amérique du Nord.
A l'époque actuelle, les Ecrevisses ont une distribution
géographique très remarquable. Ce type d'eau douce ne se
trouve que dans les régions tempérées du globe. Des deux
sous-familles, les Astacince (ou Potamobiidœ des au-
teurs), sont propres à l'hémisphère boréal tandis que les
Parastacinœ sont de l'hémisphère austral. Le genre Asta-
eus, qui renferme nos Ecrevisses d'Europe, s'étend sur une
grande partie de la région paléarctique, jusque dans l'A-
mour et au Japon. L'Afrique et l'Inde n'ont pas d'Ecre-
visses, mais le genre Astacus se retrouve de l'autre côté
du Pacifique, sur le versant occidental des montagnes Ro-
cheuses, de l'Orégon à la Californie. La partie orientale de
la région néarctique (Etats-Unis) est habitée par le genre
Cambarus, qui pénètre dans la région néotropicale, s'éten-
dant des grands lacs au Guatemala. Les Parastacinœ sont
surtout abondants en Australie, où le Parastacus serra-
tus du fleuve Murray atteint la taille de nos Homards.
Engœus vit en Tasmanie, et Paranephrops à la Nouvelle-
Zélande et aux îles Fidji. Le genre Parastacus se retrouve
au Chili et dans le S. du Brésil. Enfin, Astacoïdes re-
présente Parastacus dans le S. de Madagascar. La dis-
tribution disjointe de ce type, semblable à celle d'autres
organismes d'eau douce, est l'indice et la conséquence de
son origine ancienne. ' E. Trouessart.
HL Art culinaire. — Les ecrevisses constituent un
aliment fort apprécié, très nourrissant, mais peu digestible
pour certains estomacs. Elles font l'objet d'un grand nombre
de préparations. La plus simple et la plus fréquemment
employée consiste à préparer d'abord un court-bouillon
avec un morceau de beurre, du persil en branches, du
thym, du laurier, un oignon, des carottes, du poivre, du
sel et du vin blanc sec, ou à son défaut de l'eau et du
vinaigre en égale proportion. Après avoir lavé les ecrevisses
dans plusieurs eaux, et les avoir vidées en tirant doucement
l'écaillé du milieu du bout de la queue et en détachant
ainsi un petit boyau noir qui, s'il n'était pas enlevé, leur
communiquerait un goût amer, on les plonge encore toutes
ÉCREVISSE — ÉCRITOIRE
— 520 —
vivantes dans le court-bouillon, où on les laisse cuire pen-
dant dix minutes environ. On les égoutte et on les main-
tient chaudes jusqu'au moment de les servir. Comme
entremets, on les dresse sur un plat en forme pyramidale,
la tête en haut ; on forme alors ce que les praticiens
appellent un buisson. Les écre visses servent aussi à faire
des coulis et des potages excellents connus sous le nom
de bisques (V. Coulis et Bisque). S'il est nécessaire de
les réchauffer, on le fait dans le court-bouillon qui a
servi à leur cuisson. On sait que la cuisson fait passer la
carapace de l'écrevisse du brun au rouge ; ce phénomène
tient à ce que des deux pigments qui existent dans l'épi-
derme, l'un rouge et l'autre bleu, ce dernier se détruit
par la chaleur et il ne reste de visible que le rouge. —
L'estomac de l'écrevisse renferme, lorsqu'elle est sur le
point de muer, des concrétions pierreuses, dont la médecine
faisait autrefois usage comme absorbants ; on les désignait
sous le nom à'yeux d'écrevisses.
IV. Astronomie. -- Constellation zodiacale la plus diffi-
cile à distinguer à cause de ses faibles étoiles, mais aussi la
plus boréale. Elle est située entre le Petit Lion et le Lynx,
les Gémeaux, le Petit Chien, l'Hydre et le Lion. Sa plus
belle étoile, a ou Sertan, de quatrième grandeur, a pour
coordonnées moyennes en d892 :
M^S^ 52^ 34%80 ; P =:^ 77« 43' 28'^4.
On remarque dans cette constellation un groupe d'étoiles
très petites qu'on nomme TEtable, la Ruche, la Nébuleuse
ou Prœcepe, entre les deux quartaires 8 et y, qui sont les
Anes (V. ce mot). Le nom d'Ecrevisse a probablement été
donné à cette constellation en raison de ce que le mouve-
ment ascendant du soleil en déclinaison s'arrête au solstice
d'été, et que cet astre semble revenir sur ses pas et reculer,
selon l'opinion vulgaire, à la manière de l'écrevisse. On
appelle aussi cette constellation le Cancer (V. ce mot).
L. Barré.
V. Musique (V. Canon).
VI. Technologie. — Nom d'un instrument destiné à
saisir des fardeaux ou à retirer du fond de l'eau des ma-
tériaux, des canons ou autres objets. Les dimensions de
l'écrevisse varient suivant les usages spéciaux auxquels
elle est destinée. Dans son état le plus général, elle a la
forme de grandes tenailles, composées de deux branches
articulées en leur milieu sur un axe commun et figurant
assez bien un compas d'épaisseur. L'écrevisse est employée
dans les forges pour porter du foyer à l'enclume les pièces
rougies au feu. L. K.
VIL Archéologie (V. Costume, t. XII, p. 1163).
ÉCRIENNES. Com. du dép. de la Marne, arr. de
Vitry-le-François, cant. de Thiéblemont ; 784 hab.
ÉCRILLE (Pêche). On nomme ainsi une sorte de clô-
ture de clayonnage qui se place à la décharge d'un étang
pour empêcher les poissons de s'échapper.
ÉCRILLES. Com. du dép. du Jura, arr. de Lons-le-
Saunier, cant. d'Orgelet; 109 hab.
ÉCRIN (Arch.). On donne ce nom à des cassettes et à
des petites boîtes dans lesquelles on serre les bijoux ou les
objets précieux. Les dimensions de l'écrin primitif étaient
moins réduites que de nos jours, et il y en avait de toutes
les grandeurs et destinés à tous les usages. C'étaient des
sortes de coffres dont quelques-uns étaient en bois sculpté.
Les ouvriers qui produisaient cette fabrication spéciale
s'appelaient des escriniers. Au commencement ils avaient
fait partie de la corporation des menuisiers-huchiers, mais
par la suite ils furent autorisés à former la communauté
spéciale des maîtres layetiers-écrainiers de la ville et fau-
bourg de Paris. Ils avaient le privilège de fabriquer les
huches de bois de hêtre, les écrins et layettes à gorge ou
autrement, les ratières, les cages, les coffres de bois
cloués, les boîtes à balances, les pupitres, les écritoires et
les boîtes d'épinettes. Les plus remarquables des écrins qui
nous soient restés datent de la Renaissance et sont recou-
verts en cuir gaufré et doré. On rencontre quelques écrins
du xiii*^ siècle et du moyen âge dans les trésors des églises,
où ils préservaient des objets précieux. Il y a également un
certain nombre de coffrets du xv^ siècle recouverts en cuir
gravé et gaufré qui ont peut-être servi primitivement d'écrins.
Les inventaires du moyen âge joignent souvent à la descrip-
tion des pièces d'orfèvrerie celle des écrins qui les renfer-
Ecrin couvert en cuir gaufré et doré (xvip siècle),
au musée de Cluny,
maient. Le terme d'écrin, vers le xviii® siècle, ne servit plus
qu'à désigner le coffret renfermant les bijoux. Il a conservé
ce sens dans le langage moderne, mais en détournant sou-
vent le mot de son application primitive. Prenant le contenu
pour le contenant, on dit souvent : l'écrin d'une dame, pour
désigner l'ensemble des bijoux qui lui appartiennent et qui
sont conservés dans ce meuble. A. de Champeaux.
ÉCRITE AU (ArchéoL). Inscription tracée sur une plan-
chette pour porter un avis à la connaissance du public. Dans
les temps primitifs, les écriteaux étaient nombreux dans les
églises et il y avait des cadres en bois pour les recevoir.
Avant l'invention de l'imprimerie, c'était une sorte de journal
destiné à solliciter les aumônes ou à rappeler aux fidèles les
pratiques de la religion. Ils remplirent un rôle moralisateur
considérable pendant toute la durée du moyen âge , et ils
ne cessèrent d'être en usage que vers la fin du xvi^ siècle.
Une grande partie des tableaux et des tapisseries anciennes
est accompagnée de longues banderoles et de parchemins
déroulés sur lesquels sont inscrites les explications des sujets
qui y sont représentés. On donnait aussi ce nom aux tableaux
que les maîtres écrivains suspendaient à leurs portes pour
faire connaître leur habileté calligraphique. A. de Ch.
ÉCRITOIRE (Ameubl.). Ce mot servait à la fois pour
désigner l'encrier portatif dont le scribe faisait usage et le
meuble sur lequel il s'appuyait pendant son travail. Au
moyen âge, où la copie des manuscrits était très active, il
y avait dans les couvents une chambre nommée escriptoire^
où travaillaient les calligraphes et les clercs. Un grand
nombre de miniatures représentent des moines ou des auteurs
assis dans une chaire devant un pupitre carré ou circulaire,
sur lequel ils transcrivent leurs ouvrages, et qui est garni
de tous les ustensiles spéciaux. Les seigneurs possédaient
des écritoires en matières précieuses, sortes de nécessaires
qui les suivaient dans leurs voyages et qui contenaient tout
ce qu'il fallait pour écrire. Les écrivains et les officiers
ministériels portaient, suspendu à la ceinture de leurs robes,
un étui long où étaient renfermés l'encrier et les plumes.
Quelques-uns de ces étuis sont en cuir gaufré d'un travail
très soigné ; l'usage en persista au Palais de justice jusqu'à
l'époque de la Révolution. Ces ustensiles étaient fabriqués
par les gainiers. — Le célèbre C.-A. Boulle créa des écri-
toires dont les formes et la décoration s'harmonisaient
avec les grands bureaux incrustés de cuivre et d'écaillé qu'il
fabriquait pour la cour et pour les grands financiers de son
temps. Ce sont des sortes de plateaux supportés par quatre
pieds recourbés à mascarons, dans lesquels sont évidées
deux larges rainures pour les plumes, qui sont séparées par
un ressaut à cases où se trouvent l'encrier et le poudrier.
Ballin et les orfèvres de Louis XIV composaient des écri-
toires plus importantes, supportées par des pieds à balustre
et dans lesquelles le récipient à l'encre était entouré de
bobèches à bougies. Ils s'inspiraient, pour l'exécution de ces
belles pièces disparues à la fonte, des modèles de Lebrun
et de Bérain. Le dessinateur du cabinet de Louis XV,Meis-
sonnier, a publié plusieurs écritoires de style rocaille, d'une
grande richesse ; il nous est parvenu des imitations de ces
petits meubles en bronze ciselé. Les orfèvres Germain ont
aussi exécuté de grandes écritoires de vermeil pour la cour
et pour les souverains étrangers. Les fortunes plus modestes
se contentaient d'encriers moins dispendieux. On en fabri-
quait en plomb et surtout en faïence et en grès. Les poteries
d'Urbino, au xvi^ siècle, celles de Rouen et de Moustiers au
Ecritoire enTfaïence de Rouen (xvip siècle).
xvn® ont produit des écritoires qui ont mérité d'être re-
cueillies dans nos musées et dans les collections publiques.
Les fabriques de Nevers inondèrent plus tard la France de
leurs encriers dont la forme et le décor sont également infé-
rieurs. Il serait impossible de relever toutes les transforma-
tions que le goût ou les besoins particuliers de chaque époque
ont fait subir à ces ustensiles d'usage courant, dont la ma-
tière et la disposition n'ont jamais eu aucune fixité. On trouve
dans certains inventaires anciens la mention d'écritoires en
forme de table et disposées comme des pupitres. Ce n'étaient
à que des exceptions de définition, et ces meubles doivent
rentrer plus exactement dans la série des tables à écrire
et des pupitres. On trouvera également des renseignements
sur les divers genres d'écritoires au mot Encrier.
ÉCRITURE. I. Ethnographie. — L'idée de communi-
quer graphiquement sa pensée à un autre, dans le temps
et dans l'espace, devait naître chez l'homme dès l'origine de
la civilisation ; mais que d'étapes n'a-t-elle pas dû parcourir
pour se réaliser dans ce système si simple et si ingénieux
que l'on appelle l'écriture alphabétique ! Avant d'inventer
récriture phonétique en général, l'homme a dû passer par
la période de l'écriture idéographique, et cette dernière
écriture est déjà un progrès sur d'autres moyens de figurer
et de communiquer sa pensée, moyens beaucoup plus
simples que Ton peut appeler d'une façon générale Viisage
des objets symboliques et des marques mnémoniques.
Ces moyens primitifs sont encore en vigueur aujourd'hui
chez beaucoup de peuplades sauvages ou mi-civilisées.
Comme type de l'usage des objets symboliques, on peut
citer les messages des Malais de Sumatra ; ils sont for-
més de paquets contenant différents objets : morceaux de
sel, de poivre, de bétel, etc., ayant respectivement la signi-
fication de l'amour, de la haine, de la jalousie, etc. ; sui-
vant la quantité et la disposition des objets dans le paquet,
le message sert à exprimer tel ou tel sentiment. Dans le
même ordre d'idée, on peut rappeler le fameux message
des rois scythes à Darius, formé d'un oiseau, d'un rat,
d'une grenouille et d'une flèche. Ce système atteint sa per-
fection dans les Wampoums des Peaux-Rouges (série de
perles de différentes couleurs enfilées sur des cordes). Les
bâtons-messages en usage chez les Mélanésiens, les Niam-
Niam, les Achantis, les paysans de la Lusace, de la Si-
lésie, etc., ont la même signification. C'est ordinairement
une sorte de passeport ou de convocation à une assemblée :
la forme du bâton, ainsi que les marques particuhères qu'il
porte, sont autant de signes particuliers pour faire connaître
les commandements d'un chef, l'ordre du jour de l'assem-
_ 521 — ECRITOIRE — ÉCRITURE
blée, etc. Les encoches que portent parfois ces bâtons
forment le passage vers les marques mnémoniques, que les
peuples les moins civiHsés ont l'habitude de graver sur des
arbres, sur des morceaux d'écorce ou des pièces de bois.
C'est le premier pas vers l'écriture proprement dite. On a
trouvé des planchettes en bois de cerf portant des encoches
dans les grottes sépulcrales de la période quaternaire à
Aurignac (Dordcgne) ; on en signale l'usage chez les an-
ciens Mongols (les planchettes Khe-mou, qui se sont trans-
formées ensuite en Paï-tsé couverts d'écriture carrée en
caractères Pagba ou Passe-Pa) et actuellement chez les
Esquimaux, les Iakoutes, les Ostiaks, les Macusis de la
Guyane, les Nègres de la côte
occidentale d'Afrique, les Lao-
tiens, les Mélanésiens, les Micro-
nésiens et même chez les Euro-
péens, à l'état de survivance, sous
forme des bâtonnets de compte des
boulangers, etc. Le nom allemand
pour désigner les lettres (Buchs-
taben) n'est qu'un souvenir de
l'usage des marques sur les bâ-
tonnets de hêtre chez les anciens
Germains. Les planchettes à en-
coches servent surtout à compter.
Voici, par exemple, la traduction
de ce que veut dire une plan-
chette à encoches des Laotiens
que Harmand a trouvée à l'entrée ^ |||^ 2Q,
d'un village atteint d'une épidémie
de choléra (fig. 4) : D'ici douze
jours (12), tout homme, qui osera
pénétrer dans notre palissade,
restera prisonnier ou nous payera
quatre buffles (4) ou douze ticales
de rançon (12). De l'autre côté,
mais avec doute, le nombre des
hommes, des femmes et des en-
fants du village.
Un instrument mnémonique
analogue, c'est la corde à nœuds
que l'on rencontre chez les Ostiaks,
les Nègres Angolais et Loangos,
les Malgaches, les Alfourus de
Célèbes, etc. Suivant le nombre
et la couleur des cordes, suivant
le nombre de nœuds qu'elles
portent, on se remémore les évé-
nements, on établit les comptes
pendant l'échange, etc. Chez les
Micronésiens des îles Palaos,
quand deux individus se donnent
un rendez-vous à une certaine
date, ils fonf, chacun sur une
corde, autant de nœuds qu'il
reste de jours jusqu'à cette date ;
dénouant ensuite chaque jour un nœud et arrivant au dernier
juste le jour du rendez-vous, ils se le rappellent forcément.
Suivant la tradition chinoise, les premiers habitants des
bords du Hoang-ho, avant l'invention de l'écriture pro-
prement dite, se servaient, eux aussi, de cordelettes nouées
à des bâtons comme instruments mnémoniques. On ratf
tache même à ces bâtons noueux les mystérieux diagrammes
dont il est traité dans le Yih-King. D'ailleurs, notre usage
de mettre un nœud au mouchoir pour se rappeler quelque
chose, n'est-ce pas une survivance de cette coutume ? Le
moyen d'exprimer certains événements et certaines idées à
l'aide de nœuds faits de différentes façons et diversement
disposés a été poussé au dernier degré de perfection
dans les Quiposdes anciens Péruviens: ce sont des anneaux
en corde ou en bois, auxquels sont attachées, en grand
nombre, des cordelettes de couleurs différentes sur chacune
desquelles se trouve deux ou plusieurs nœuds diversement
/^
Fig. 1. — Planchette à
encoches des Lao-
tiens.
ÉCRITURE - ^22 -
façonnés (fig. 2). Enfin, pour en terminer avec les moyens
mnémotechniques, notons les différentes marques de pro-
2. — Quipo péruvien.
priété, de parenté, de tribut (les Totems des Peaux-Rouges,
les Tamgas des Kirghis, etc.), que Ton a Fhabitude de
graver sur les armes, sur les habitations, sur les animaux
et même sur le corps des hommes (tatouages des Maoris).
Les moyens que nous venons de signaler ne sont que
les précurseurs de la véritable écriture ; cette dernière
ne commence réellement qu'avec les dessins, exprimant
une suite d'idées, avec la pictographie. On en trouve des
essais imparfaits dans les dessins des Mélanésiens, repré-
sentant différents événements de leur vie, dans les gra-
vures sur os des Esquimaux, dans certains tableaux
rupestres des Bochimans, des Australiens, ou bien dans
ceux que nous ont laissés les peuplades inconnues sur les
bords du léniséï. Mais c'est chez les Indiens de l'Amé-
rique du Nord que la pictographie a pris le plus haut degré
de développement. On peut en juger par l'exemple ci-dessous
(fig. 3), emprunté à une pétition présentée par les Indiens
au président des Etats-Unis, pour réclamer la possession
de certains lacs situés dans le voisinage du lac Supé-
rieur. La figure n° 4 représente le principal chef péti-
tionnaire par l'image d'une grue, totem de son clan ; les
animaux qui suivent sont les totems de ses copétition-
naires. Leurs yeux sont tous reliés aux siens, pour expri-
mer l'unité de vues, leur cœur au sien, pour exprimer
l'unité de sentiments. L'œil de la grue, symbole du chef
principal, est en outre le point de départ d'une ligne qui
se dirige vers le président et d'une autre qui va rejoindre
les lacs. Dans d'autres inscriptions, le symbolisme des
figures est poussé beaucoup plus loin. Les signes, non
encore déchiffrés des « bois parlants » en usage chez les
Polynésiens de l'île de Pâques (fig. 4) se rapprochent de la
Fig. 3. — Pictographie des Indiens Peaux-Rouges.
pictographie américaine, tout en offrant en même temps
des signes symboliques pour le chant.
C'est aussi d'une pareille pictographie un peu perfectionnée
qu'est issue l'écriture figurative en hiéroglyphes des Mexi-
cains duplateau d'Anahuac et celle de leurs voisins, les Maya
Fig. 4. — Signes des « bois parlants » des Polynésiens.
de la presqu'île de Yucatan (fîg. 5). Cette écriture consti-
tue un pas en avant en ce que certaines figures ont une
valeur phonétique en même temps qu'une signification
réelle. La meilleure preuve est fournie par la transcription
des deux premiers mots du Pater en hiéroglyphes mexicains
(fig. 6). C'est le système du rébus. La valeur phonétique
des hiéroglyphes égyptiens a été déduite à peu près de la
même façon d'après le son du langage parlé désignant
l'objet figuré. On peut poursuivre la transformation des
figures d'objets en signes conventionnels de plus en plus
simplifiés, c.-à-d. en représentations ou peintures des sons,
dans l'écriture cunéiforme (V. ce mot) des Assyriens
aussi bien que dans les écritures égyptienne et chinoise,
comme on le voit sur les fig. 7 et 8. Dans la fig. 7
la première ligne représente les hiéroglyphes anciens et la
deuxième les caractères modernes pour le chinois; dans
la fig. 8 la première colonne montre les hiéroglyphes et
la seconde les caractères hiératiques des Egyptiens, qui en
sont dérivés. Souvent ces caractères simplifiés ont gardé néan-
moins leur signification première, et l'association de ces
figures avec les signes purement phonétiques constitue tout
le secret de l'écriture chinoise ; les deux cent quatorze « clefs »
ou idéogrammes représentant les catégories d'objets ou sym-
bolisant des idées générales, joints à un millier de signes pho-
nétiques, suffisent pour attribuer, par leurs combinaisons,
un sens exact à des séries des hiéroglyphes homophones consti-
tuant les quarante-quatre mille quatre cent quarante-neuf
caractères de l'écriture chinoise. Ainsi, le mot ou la syllabe
pa signifie bananier, char de guerre, cicatrice, cri, etc.
Pour distinguer ces diverses acceptions du mot, il faut
joindre au signe phonétique pa (dérivé d'un mot dont le
sens propre est oblitéré depuis longtemps) la clef des plantes
ou celle du fer, des maladies, de la bouche, suivant le sens
que Ton veut lui donner. La structure monosyllabique du
chinois se prête à merveille à cette écriture hiéroglyphique,
et réciproquement ce système graphique, si bien élaboré
de très bonne heure dans tous ses détails, a peut-être
empêché la langue chinoise d'évoluer vers le polysyllabisme.
O O
^
O O O
^9
oo ooo
ooooo
&
o o
o o o o
oo o o
qOOOO
o
9
8
OO O O
3
_ 523 — ECRITURE
religion et aux progrès de la civilisation de ces peuples.
Ainsi tout le monde musulman adopte l'écriture arabe ;
les bouddhistes du Nord, sans distinction de race, ont en
grande estime les « saints » caractères tibétains, tandis que
ceux du Sud vénèrent l'écriture pâli. Les alphabets mon-
gol et mandjou sont les restes de l'influence ouïgoure
et du nestorianisme qui a importé de l'écriture syriaque en
Asie centrale, comme l'alphabet javanais est le reste de la
0
OQO OO
ooo oo o
o ooooo
sQ
Fig. 5. — Signes du calendrier mexicain
Les caractères chinois n'ont été adoptés que par un seul
peuple à langue agglutinative, les Japonais, qui d'ailleurs
ont inventé à côté une autre écriture (Kata-Kana)^ sylla-
j,a
Le jiotc êe
Fig. 6. — Pafer no^tQV en hiéroglyphes mexicains.
bique celle-là, sans compter l'écriture courante (Hina-
Kana), Les Egyptiens, parlant une langue à flexion, ont
dû quitter, au contraire, de bonne heure, l'écriture hié-
Sûleil LuRÇ Moiikpe Mre Qien
ÂRdcii o |) ^ $ ^
0 ^ 0) 7l^ ;^
'odernç
Aurore foret
Ancien.. Q % %
Modem, e ]Q y^ yj?
Fig. 7. -
• Dérivation des caractères chinois des hiéro-
glyphes anciens.
roglyphique pour passer à l'écriture phonétique des carac-
tères hiératiques et démotiques. C'est de cette écriture que
dérive l'alphabet dit phénicien, le prototype de la plupart
des alphabets de la terre (V. Alphabet). La propagation
des différentes écritures anciennes et modernes et leur
adoption par différents peuples sont étroitement liées à la
Fig. 8.
Dérivation des caractères hiératiques égyptiens
des hiéroglyphes.
domination civilisatrice des Hindous à Java. Avecl'expan-
sion qu'a prise la colonisation européenne, les caractères
de l'alphabet latin s'imposent de plus en plus ; en Europe
même, ils tendent à reléguer au deuxième plan les autres
caractères (gothiques, cyrilliques, etc.). En même temps, il
surgit de nouveaux modes d'écriture , l'alphabet télégra-
phique, la sténographie, les signes du phonographe, pré-
curseurs d'une écriture de l'avenir, universelle, interna-
tionale, simple et rapide. J. Deniker.
II. Histoire. — Les recherches modernes ont conduit
à observer, dans l'histoire de l'écriture, comme on a déjà
pu le constater en lisant le paragraphe précédent, une
évolution analogue à celle de l'histoire des langues. Le
besoin de fixer la pensée, pour la transmettre à d'autres ou
pour conserver le souvenir de certains faits, a donné nais-
sance à l'écriture sur un grand nombre de points du globe.
A une époque de civilisation peu avancée a correspondu
une forme primitive d'écriture qui consiste soit en signes
conventionnels et purement mnémoniques, soit dans la
représentation plus ou moins grossière et abrégée des objets
dont on voulait rappeler le souvenir (V. Pictographie).
Ces procédés ont été plus ou moins variés, perfectionnés
et compliqués ; ils n'en représentent pas moins une ten-
tative encore fort imparfaite et fort insuffisante de fixer la
pensée, condamnée à n'exprimer ainsi que des idées simples
et des faits concrets. Aussi ne se sont-ils conservés que dans
les pays d'une civilisation rudimentaire ; partout ailleurs,
ils ont dû, ou bien se transformer, ou bien céder la place
à des systèmes plus perfectionnés.
Un pas important fut fait par les écritures qui, d'images
plus ou moins incertaines ou simplement figuratives, ont
passé à un système dans lequel les signes figuratifs ont
acquis, avec une fixité et une régularité conventionnelles,
une indépendance plus grande de l'objet figuré, dans lequel,
enfin, aux représentations des objets réels, se sont ajoutés
des symboles propres à rendre les idées abstraites ; c'est ce
que l'on nomme ndéographisme (V. ce mot), apte déjà à
exprimer un nombre d'idées beaucoup plus considérable
que les systèmes primitifs, et corrélatif, par conséquent, à
un état de civilisation notablement plus avancé. Observons
que, jusqu'ici, l'écriture demeure totalement indépendante
du langage. Mais les idéogrammes, qui d'abord n'avaient été
que la fi'guration ou le symbole des objets ou des idées,
devaient, par la force même des choses, en arriver à
exprimer des sons, et, par là, l'écriture devait se lier inti-
mement aux langues. A l'idéographisme devait à la longue
se substituer naturellement le phonétisme. Voici comment
ECRITURE
524 -
cette révolution, capitale dans Thistoirede l'écriture, a dû
s'accomplir. Lorsqu'on voulait exprimer par le langage les
idées exprimées par des images ou des symboles, ou, en
d'autres termes, lire les idéogrammes, on les traduisait
tout naturellement par les mots attachés dans le langage à
l'expression de ces mêmes idées. A la longue, les signes
figuratifs en arrivaient à éveiller dans l'esprit, d'abord les
deux idées associées de la chose et de son expression dans
le langage parlé. Puis, la notion de l'idée s'afFaiblissant,
d'autant plus que les images conventionnelles étaient plus
abrégées et partant plus altérées, d'autant plus surtout que
les symboles y étaient plus multipliés et plus complexes,
que les rapports des représentations avec les idées à noter
étaient plus éloignés et plus fictifs, les signes en vinrent
à ne plus rappeler à l'esprit la chose même, mais seulement
le son du mot par lequel elle était exprimée. Le passage
de l'idéographisme au phonétisme s'est donc fait par un
système très analogue à celui du rébus. C'est ainsi qu'il est
arrivé que les idéogrammes, transformés en hiéroglyphes
(V. ce mot) en sont venus à exprimer plusieurs mots,
divers par le sens, mais semblables par le son.
Quatre systèmes d'écritures hiéroglyphiques sont connus
dans l'ancien monde : l'écriture chinoise, l'écriture cunéi-
forme, les hiéroglyphes égyptiens, et les hiéroglyphes hit-
tites, récemment découverts et encore imparfaitement
déchiffrés (V. Hittites). Dans une langue comme le chinois,
où les mots n'ont qu'une seule syllabe, le phonétisme pro-
duisait naturellement une écriture où chaque signe repré-
sentait à la fois une syllabe et un mot (V. Chine, t. XI,
p. 112). Mais dans les langues où les mots peuvent
être polysyllabiques, le phonétisme ne permettait point
d'isoler les syllabes et de les représenter par des signes
fixes et invariables. Il n'est pas très facile de se rendre
compte de la manière dont il arriva que certains caractères
furent choisis pour représenter non plus toutes les syl-
labes composant le mot dont ils étaient l'image, mais seu-
lement l'une de ces syllabes et ordinairement la première.
Mais au point de civilisation que suppose la transition de
l'idéographisme au phonétisme, peut-être n'est-il pas témé-
raire de conjecturer que l'ingéniosité et le travail réfléchi
d'hommes de génie et de savants ont pu avoir une action
sur cette transformation de l'écriture. Quoi qu'il en soit, les
Chaldéens et les Egyptiens ont ainsi transformé leurs idéo-
grammes primitifs en syllabaires. On comprendra que les
anciennes représentations figurées, du moment qu'elles
n'avaient plus la valeur d'idéogrammes, devaient rapide-
ment s'altérer et se transformer en s'éloignant toujours
davantage de leur forme primitive. Cela arriva en efiet :
les signes se simplifièrent, devinrent peu à peu, en quelque
sorte, plus maniables; ils s'adaptèrent à la fois aux ins-
truments qui servaient à les écrire et aux matières sur
lesquelles on les traçait, en un mot, comme le dit très
justement M. Berger, ils ont subi la loi du moindre effort,
commune à toutes les transformations de l'industrie
humaine. C'est ainsi que les très anciens idéogrammes chal-
déens sont devenus les caractères semblables à des paquets
de clous, qui ont donné leur nom aux écritures cunéiformes,
et que les hiéroglyphes égyptiens, tout en se maintenant
pour les inscriptions décoratives, se sont peu à peu défi-
gurés lorsqu'on écrivit au calame, et ont produit l'écriture
dite hiératique^ qui se simplifia plus tard encore et devint
entre la xvi® et la xv® dynastie, l'écriture populaire ou
démotique.
Les écritures ainsi développées et perfectionnées consti-
tuaient un progrès déjà considérable ; aussi devaient-elles
nécessairement se propager au delà des frontières des
peuples chez lesquels elles s'étaient formées, et remplacer
des écritures plus imparfaites en s'adaptant à des langues
différentes de celles qui leur avaient donné naissance. C'est
ainsi que les Japonais empruntèrent aux Chinois les élé-
ments de leur écriture (V . Japon) , et que l'écriture cunéiforme
des Chaldéens fut adoptée par les Assyriens, d'où elle
se propagea ensuite en Arménie, en Médie, en Susiane,
en Perse, où elle subit des transformations fécondes, et
jusque dans l'île de Chypre, où elle fut employée à écrire
un dialecte grec (V. Cunéiformes [Inscriptions], t. XIÏI,
p. 618, et Chypre, t. XI, p. 338).
L'écriture égyptienne devait avoir une fortune plus
extraordinaire encore. Mais, avant de l'indiquer, il convient
de faire observer que, même sous la forme hiéroglyphique
et à une époque fort ancienne, elle avait atteint un degré
de plus que les autres écritures dans la voie du perfection-
nement. Non seulement, en effet, elle avait donné à ses idéo-
grammes une valeur syllabique, mais dans cette voie du
développement phonétique, elle ne s'était point arrêtée à la
syllabe, elle en avait décomposé les éléments et en avait isolé
la lettre. Plus de trois raille ans avant notre ère, les Egyp-
tiens avaient senti le besoin de dégager par l'écriture un
certain nombre d'articulations et ils l'avaient fait en attri-
buant à certains signes figuratifs la valeur de la première
articulation formée en prononçant le mot auquel chacun de
ces signes correspondait dans leur langue. Ils avaient, de
la sorte, créé un certain nombre de véritables lettres.
L'écriture égyptiennne était devenue de la sorte à la fois
idéographique, syllabique et alphabétique. Quelques mois
d'un emploi général continuaient à être exprimés par des
signes purement idéographiques et, d'autre part, des
idéogrammes en assez grand nombre, sans valeur phoné-
tique, placés après les mots, servaient à en déterminer le
sens. La plupart des mots eux-mêmes étaient exprimés par
des combinaisons de signes syllabiques et alphabétiques.
Cette combinaison de l'idéographisme et du phonétisme
avait fait de l'écriture égyptienne un instrument très
compliqué, mais en même temps très savant et très riche.
Elle lui donnait une supériorité très marquée sur toutes les
autres écritures du monde ancien ; mais, si sa richesse'Ja ren-
dait propre à exprimer un grand nombre d'articulations, sa
complication empêchait qu'elle fût facilement assimilable.
La simplification nécessaire à la propagation de l'écriture,
et qui devait en constituer le dernier perfectionnement, fut
l'œuvre d'un peuple que le commerce mettait en relation
constante avec les Egyptiens. La science moderne a com-
plètement confirmé sur ce point les traditions de l'antiquité
classique. Les Phéniciens, guidés en cela par le besoin
pratique et les nécessités de leur commerce, en arrivèrent
à débarrasser l'écriture qu'ils empruntèrent aux Egyptiens
des idéogrammes et des signes syllabiques qui l'encom-
braient, pour n'en retenir que vingt-deux caractères, cor-
respondant à des articulations simples, soit vingt-deux
consonnes; leur langue, qui laissait les voyelles assez
indistinctes, les avait prédisposés à décomposer ainsi la
syllabe sans en préciser le vocalisme. L'alphabet était créé;
les éléments primordiaux de la parole avaient été isolés et
représentés par des signes ; et, comme ces éléments sont
sensiblement les mêmes chez tous les peuples, ces signes
pouvaient, avec quelques modifications, s'appliquer à toutes
les langues. C'est une question encore controversée de
savoir si les caractères de l'alphabet phénicien ont été
empruntés directement aux signes hiéroglyphiques ou aux
caractères de l'écriture hiératique. Quoi qu'il en soit,
l'invention des Phéniciens fut portée, grâce à leurs relations
commerciales dans toutes les parties du monde antique et
se propagea de proche en proche, d'une part dans tout le
bassin de la Méditerranée et jusque dans le N. de l'Eu-
rope, principalement par l'intermédiaire des Grecs, d'autre
part dans le monde sémitique et chez les Indiens, par
l'influence des Araméens, si bien que les alphabets du
monde entier ont pour origine la merveilleuse invention des
Phéniciens (V. Phénicien et Alphabet).
Ce n'est pas ici le lieu d'expliquer comment l'alphabet
grec est sorti de l'alphabet phénicien ; il sufiîra d'indiquer
en quelques mots que, pour l'approprier à leur génie propre,
les Grecs en ont, à la longue, changé la direction, qu'ils
en ont redressé et régularisé les caractères, mais surtout
que, pour l'adapter à leur langue sonore, ils en ont, par
une véritable et nouvelle création, tiré les voyelles, choisis-
sant pour cela des caractères représentant des gutturales
et des semi-voyelles dont ils n'avaient pas besoin.
Ainsi transformé et porté ainsi à un haut degré de per-
fection, l'alphabet grec se propagea avec la civilisation
hellénique : les alphabets phrygien, lycien et dorien en
sont des dérivés. On a cru longtemps que les Etrusques
avaient directement emprunté leur alphabet aux Phéniciens,
mais les recherches nouvelles tendent à prouver qu'ils l'ont,
eux aussi, reçu des Grecs (V. Etrusque). Dans tous les
cas, l'écriture étrusque a donné naissance aux autres al-
phabets italiotes, à ceux du centre de l'Italie : ombrien^
osque^ sabellique^ comme à ceux du Nord : euganéen^
salasse^ rhétique (V. ces mots). La question est plus
controversée en ce qui touche l'origine de l'alphabet latin.
On a admis longtemps, et beaucoup de savants admettent
encore, que les Romains ont emprunté leur alphabet aux
Grecs du S. de l'Italie et de la Sicile, et que les caractères
de l'alphabet latin dérivent de ceux de l'alphabet éolo-
dorien usité dans ces colonies. L'histoire semble confirmer
sur ce point les données fournies par la comparaison et
l'analyse des inscriptions; néanmoins, M. Michel Bréal
croit pouvoir démontrer que la dérivation du grec ne s'est
faite là encore que par l'intermédiaire de l'étrusque.
Nous n'avons pas à faire ici l'histoire du développement
et des transformations de l'écriture latine, qui est du res-
sort, pour les inscriptions, de Vépigraphie (V. ce mot), et
pour les manuscrits, de la paléographie (V. ce mot).
L'alphabet latin a continué à se transformer et à subir de
lentes modifications, amenées pour la plupart par la tendance
constante à simplifier les caractères et à les tracer d'un
seul trait. C'est lui qui a donné naissance aux écritures
usitées de nos jours chez les peuples de races latine et ger-
manique : on peut, en se reportant aux articles consacrés à
chaque lettre de l'alphabet dans la présente Encyclopédie,
se rendre compte d'une part de leur dérivation et d'autre
part des transformations qu'elles ont subies jusqu'à nos
jours.
D'autres écritures du bassin de la Méditerranée et du
monde occidental doivent encore se rattacher à l'alphabet
phénicien, les unes directement, les autres par l'intermé-
diaire des Grecs. Après l'établissement du christianisme
sur les bords du Nil, les descendants des anciens Egyptiens,
les Coptes,|adaptèrent à leur langue l'alphabet grec, auquel
ils joignirent quelques lettres empruntées à l'alphabet dé-
motique (V. Egypte). Au ix® siècle, l'apôtre du monde
slave, Cyrille, tira de l'alphabet grec un alphabet nouveau,
mêlé d'éléments hébreux et syriaques, l'alphabet slavon^
qui se répandit dans les pays slaves (Russie, Serbie, Bul-
garie) et qui a donné naissance à l'alphabet civil des Russes
(V. Cyrille [Saint]). Auparavant déjà, certains peuples de
race slave, et notamment les Serbes, se servaient d'un
autre alphabet dit glagolithique (V. ce mot), que certains
auteurs disent tiré des lettres minuscules de l'alphabet
grec, que d'autres prétendent rattacher aux runes. Les
runes elles-mêmes (V. ce mot), qui furent l'écriture des
peuples de l'Europe septentrionale, se rattachent certaine-
ment à l'alphabet phénicien ; mais on n'a pas déterminé
encore avec certitude comment elles se sont formées ; les
uns les prétendent dérivées directement de l'écriture des
Phéniciens; d'autres, au contraire, les croient en rapport
de filiation avec les alphabets grec ou lathi. A cette influence,
il faut ajouter celle d'une autre écriture beaucoup plus
rudimentaire, celle de l'ancienne écriture de l'Irlande ou
écriture ogamique (V. ce mot). A leur tour, les runes
combinées avec les lettres onciales donnèrent naissance à
l'ancienne écriture gothique (V. ce mot), créée au iv^ siècle
par l'évêque Ulphilas. En Espagne, on rencontre aussi, à
l'époque ancienne, un alphabet particulier, apparenté cer-
tainement à l'alphabet phénicien, l'alphabet ibérique (V.
ce mot), mais il est imparfaitement classé, et on n'a pas
réussi encore à en déterminer avec certitude la filiation.
On voit quelle a été la force d'expansion de l'alphabet
phénicien dans l'Europe occidentale. Nous allons voir qu'elle
525 — ÉCRITURE
n'a pas été moins grande dans le monde oriental. Chez les
peuples sémitiques qui ne conçoivent pas la voyelle indé-
pendante de la consonne, l'alphabet phénicien n'avait be-
soin, pour être employé, d'aucune adaptation à la langue ;
aussi son histoire n'y est-elle marquée que par des modi-
fications, mais souvent assez profondes, dans les formes
des caractères. Sans parler des transformations que subit
l'écriture phénicienne pour aboutir à la forme cursive de
l'époque romaine, connue sous le nom de néo-punique ,
c'est elle qui a donné naissance à l'ancienne écriture hé-
braïque (V. ce mot) dont s'est détaché comme un rameau
isolé l'alphabet samaritain (V. ce mot). Mais les princi-
paux propagateurs de l'alphabet en Asie furent les Ara-
méens ou Syriens (V. Aram). Après avoir transformé
l'écriture phénicienne en une écriture cursive, ils l'impor-
tèrent en Perse, oti elle se substitua à l'ancienne écriture
cunéiforme, en Arabie et jusqu'en Egypte. A la longue,
l'alphabet araméen fut adopté par tous les peuples semi-
tiques. V hébreu carrée qui s'est substitué vers le v® siècle
av. J.-C. à l'ancienne écriture hébraïque, est un dérivé non
de celle-ci, mais de l'écriture araméenne; il s'est transformé
plus tard à son tour en une écriture cursive qui est Vhé-
breu rabbinique. Il en est de même de l'écriture palmy-
rénienne ou écriture usitée à Palmyre, à l'époque où cette
ville de Syrie fut un centre de civilisation, c.-à-d. aux
trois premiers siècles de notre ère (V. Palmyre); de même
de l'écriture nabatéenne , dont les inscriptions [de la
vallée d'El-Hedjr nous ont conservé de nombreux spécimens
datant de l'époque des Hérodes (V. Nabatéen); de même
encore, mais par l'intermédiaire du palmyrénien, de l'écri-
ture syriaque ou estranghelo (V. ce mot) telle qu'on la
trouve dans quelques rares inscriptions du i^^ siècle, mais
surtout dans les manuscrits si nombreux depuis le com-
mencement du V® siècle de notre ère; de même enfin, sous
l'influence syriaque, de l'écriture arabe, dont quelques
spécimens de l'époque préislamique montrent comment se
sont formées, d'une part la belle écriture monumentale
connue sous le nom de koûfique et d'autre part l'écriture
courante ou naskhi restée en usage jusqu'à nos jours et
dont la diffusion est due en grande partie à ce qu'elle a été
l'écriture du Coran et a été ainsi imposée à tous les peuples
qui ont adopté l'islamisme. Cette écriture a elle-même donné
naissance aux écritures du Maghreb (Y. Arabe, t. III,
p. 487, et les mots Koûfique et Naskhi). Notons ici que
les ressources de l'alphabet phénicien ont été chez les
peuples sémitiques augmentées par la création de signes
complémentaires destinés à exprimer les voyelles dont les
Phéniciens ne paraissent pas avoir jamais senti le besoin.
Après avoir tenté de noter les voyelles, comme l'avaient
fait les Grecs, à l'aide de certaines lettres de l'alphabet,
gutturales ou semi-voyelles, les Sémites s'arrêtèrent à un
système artificiel, d'origine savante, consistant à préciser
le vocalisme par l'emploi de points ou de traits ajoutés aux
consonnes ; ce système semble avoir pris naissance dans
l'écriture syriaque; il s'est développé chez les Hébreux, où
on le rencontre au x« siècle, dans les plus anciens manus-
crits de la Bible, et a passé avec quelques modifications
dans l'écriture arabe. D'autres écritures du monde sémi-
tique , les écritures sabéemies (V. Saba) , Vhimyarite
(V. ce mot) dont de nombreuses inscriptions ont été dé-
couvertes dans l'Yemen, le ghe% et Vamharique, les deux
formes de l'écriture des Ethiopiens (V. Ethiopie) et les
écritures safaïtiques (V. Safa) proviennent certainement
aussi de l'alphabet phénicien, mais on n'a pas encore dé-
terminé exactement par quelle voie. Peut-être faut-il encore
rattacher à l'alphabet phénicien, par l'intermédiaire de
l'éthiopien, l'écriture ly bique ou berbère usitée par les
anciennes populations de la Numidie et de la Maurétanie et
dont on trouve en Kabylie de nombreuses inscriptions.
Dans tous les cas, cette écriture a été la forme primitive
de l'écriture tefinagh ou écriture sacrée des Touaregs
(V. ce mot).
Il nous faut maintenant revenir à l'autre extrémité du
ÉCRITURE
— 526 —
monde oriental pour suivre en Asie la diffusion de l'alpha-
bet, toujours par l'intermédiaire de l'écriture araméenne.
C'est à l'époque perse que de cette écriture est née l'écri-
ture indienne (V. l'art. Alphabet indien, t. II, p. 49!2) et
l'écriture indo-bactrienne qui ont produit à travers de
nombreuses transformations l'écriture moderne du sanscrit
classique qui porte le nom de devanâgari. La propagande
bouddhique a répandu cette écriture dans une grande partie
de l'Asie et jusqu'en Corée. Bien que leur classification soit
encore imparfaite, il est clair cependant que tous les alpha-
bets modernes de l'Inde dérivent de l'écriture sanscrite et
il en est de même de ceux de la plupart des pays soumis
à l'influence de la civilisation hindoue ; citons l'écriture
du Tibet qui, importée en Chine au xiii^ siècle de notre
ère, y a donné naissance à l'écriture alphabétique connue
sous le nom de Pa'-sse-pa; les écritures sacrées de la
Birmanie et du Cambodge, l'écriture singhalaise, les écri-
tures de Java et de la Malaisie, et enfin l'écriture coréenne,
qui aurait à son tour donné naissance à une écriture
alphabétique usitée au Japon et à laquelle les Japonais au-
raient substitué plus tard l'écriture chinoise.
A l'écriture araméenne encore se rattachent l'écriture
des livres sacrés de Vb^an, ou zend, et l'écriture pehlvi
qui toutes deux se sont fixées à l'époque perse.
Cette revue, nécessairement fort rapide, de l'histoire de
l'écriture permet de se rendre compte de son évolution ;
elle suffit à montrer comment les perfectionnements de l'écri-
ture ont suivi les progrès de la civilisation, comment les
écritures perfectionnées ont peu à peu supplanté les sys-
tèmes primitifs, et comment enfin la merveilleuse invention
des Phéniciens, l'alphabet, a fini par prévaloir dans le monde
civilisé presque tout entier. Aujourd'hui, les écritures en
usage se peuvent réduire à quelques types principaux. Ce
sont : l'écriture chinoise, qui s'est perpétuée à l'écart de
toute influence occidentale, l'écriture arabe, employée par
tous les peuples soumis à l'islamisme en Asie et en Afrique,
les écritures indiennes, l'écriture grecque, l'écriture russe,
l'écriture allemande, et enfin l'écriture latine, adoptée par
une grande partie des nations de l'Europe et par tous les
peuples civilisés de l'Amérique et de l'Australie. A. G.
Ecriture en lettres d'or. — L'art d'écrire en lettres
d'or ou d'argent a préoccupé beaucoup les scribes de l'an-
tiquité et du moyen âge. Il n'y a pas moins de quinze ou
seize formules sur ce sujet, dans le papyrus égyptien de
Leyde, et il a été traité aussi à plusieurs reprises dans les
manuscrits de nos bibliothèques ; Montfaucon et Fabricius
ont aussi publié plusieurs recettes tirées de ces derniers.
Rappelons-en brièvement quelques-unes. — Feuilles d'or
broyées avec de la gomme. Ce procédé figure encore de
nos jours dans le Manuel Roret (1832, t. II, p. 136 ;
[triturer une feuille d'or avec du miel et de la gomme,
jusqu'à pulvérisation, etc.].— • Or amalgamé et gomme.—
Amalgame d'or. — Dans une autre recette, on prépare
d'abord un alliage d'or et de plomb, auquel on fait subir
certaines préparations. — Dans les recettes précédentes, l'or
forme le fond du principe colorant. Mais on employait aussi
des succédanés pour écrire en couleur d'or, sans or : par
exemple, un mélange intime de soufre natif, d'alun et de
rouille, et délayés dans du vin; — et encore : litharge
couleur d'or ; safran et bile de tortue. — Cuivre rendu
semblable à l'or par un enduit de cumin. — Fleur de car-
thame et bile de tortue ou de veau. — D'autres recettes
suivantes reposent sur l'emploi de l'orpiment (arsenic des
anciens), parfois avec addition de safran. — Dans une
autre préparation plus compliquée, l'orpiment, la chélidoine,
la bile de tortue et le safran sont associés, suivant une
recette composite. L'orpiment apparaît ici comme matière
employée pour sa couleur propre, et non comme colorant
des métaux, emploi qu'il a pris plus tard. — On trouve
encore une recette pour écrire en lettres d'asèm (alliage
d'argent et d'or), au moyen de la couperose, du soufre et
du vinaigre, c.-à-d. sans or ni argent ; — et une recette
pour écrire en lettres d'argent, avec de la litharge délayée
dans la fiente de colombe et du vinaigre. — Il existe au-
jourd'hui des recettes analogues dans le Manuel Roret
(1832, t. II, p. 140 ) : « Etain pulvérisé et gélatine, on
forme un enduit, on poht au brunissoir ; on ajoute une
couche de vernis à l'huile ou à la gomme laque, ce qui
fournit une couleur blanche ou dorée, sur bois, sur cuir,
fer, etc. » — Si j'ai donné quelques détails sur ces recettes
pour écrire des lettres d'or ou d'argent, c'est en raison
de l'importance qu'elles présentaient avant l'invention de
rimprimerie. M. B.
III. Pédagogie. — Tous les pédagogues sont una-
nimes pour reconnaître que l'enfant doit être exercé à
écrire dès son entrée à l'école et qu'il ne faut pas attendre
pour cela qu'il soit en état de lire couramment. « La
lecture et l'écriture, dit M. Gréard, sont nécessairement
le fond de l'enseignement élémentaire. » De plus en plus
on comprend la vérité de cet axiome pédagogique : « Des-
sin, écriture et lecture s'appellent et se soutiennent. » Il
n'y a pas, à proprement parler, de méthodes distinctes
pour l'enseignement de l'écriture : il y a seulement des
procédés divers. Les principaux sentie calque, Vimitation
des modèles, les cahiers préparés. Le calque et l'emploi
des transparents ont été longtemps en usage, mais on a
généralement renoncé à ce procédé trop mécanique. Les
cahiers préparés, où l'enfant n'a d'abord qu'à calquer,
mais où les lignes d'écriture deviennent de plus en plus
rares à mesure qu'on avance, sont la méthode qui con-
vient le mieux à l'enfant qui commence à écrire. Ce
système est la combinaison du calque et de l'imitation. Il
doit être admis, au début, à condition qu'on ne prolonge
pas plus qu'il ne faut cet exercice mécanique et trop com-
mode. L'élève doit être le plus tôt possible exercé à
imiter librement des modèles. Il y a, d'ailleurs, diffé-
rentes façons de lui présenter ces modèles, soit en les lui
offrant écrits sur le papier, soit en traçant les caractères
et les mots au tableau noir, ce qui, entre autres avan-
tages, a celui de favoriser l'enseignement collectif. Une
autre différence dans l'enseignement de l'écriture provient
de la préférence accordée tantôt à l'emploi de l'ardoise et
du crayon, tantôt à celui du papier et de la plume. Pesta-
lozzi, qui subordonnait l'écriture au dessin, a vivement
recommandé l'usage de l'ardoise, pour cette raison que
l'enfant manie le crayon plus aisément que la plume et
aussi parce que sur l'ardoise il efface rapidement ses
fautes. D'autres pédagogues, en revanche, ont fait remar-
quer que l'ardoise, «"le papier du pauvre », n'est qu'un
expédient et, qu'en outre, l'usage de l'ardoise rend la
main lourde et contracte les doigts. Une autre distinction
dérive encore du choix que l'on fait entre diverses formes
d'écriture, les uns recommandant l'écriture cursive ou
anglaise, les autres l'écriture française, mélange de la
bâtarde et de la coulée. M. Buisson, dans son Rapport
sur r Exposition de Vienne, en 1873, constatait déjà
qu' « il y a partout réaction contre l'abus de l'anglaise ».
Les programmes officiels français n'exigent plus aujour-
d'hui que la cursive, la bâtarde et la ronde. Nous n'avons
pas à insister sur tous les détails pratiques de l'enseigne-
ment de l'écriture, sur les précautions que l'on prend
pour assurer la bonne position du corps, du bras, de la
main, la bonne tenue de la plume. Quoiqu'elle n'attache
pas la même importance qu'autrefois au mérite d'une belle
écriture, la pédagogie actuelle a multiplié les recomman-
dations et les conseils sur les moyens de rendre plus facile
et en même temps moins machinale l'acquisition de cette
connaissance instrumentale. Elle appelle l'attention sur
les nombreux cas de déviation de la taille, sur les défor-
mations scolaires qui peuvent provenir de mauvais prin-
cipes appUqaés à l'enseignement de l'écriture. Elle prescrit
au maître de ne plus se contenter de mettre un cahier
et une plume aux mains des élèves, en les laissant faire,
mais d'intervenir constamment dans le travail des enfants ;
de descendre de sa chaire après avoir donné sa leçon au
. tableau noir ; de circuler de banc en banc pour suivre de
- mi —
ECRITURE — ECROU
près les exercices des élèves, pour corriger les fautes,
pour redresser les lettres mal faites. Elle demande qu'on
renonce au vain luxe calligraphique, aux puérils chefs-
d'œuvre de l'écriture, aux traits de plume qui ne visent
qu"^ l'ornement. Elle veut, non qu'on fasse, comme autre-
fois dans les écoles des frères, de parfaits calligraphes,
mais qu'on mette simplement les enfants à même d'écrire
couramment et lisiblement. Elle exige, avec le programme
officiel, que l'écriture en gros soit le plus tôt possible
remplacée par l'écriture moyenne, une écriture expédiée,
courante, répondant aux besoins de la vie pratique. Une
autre prescription des règlements otficiels, c'est que le
temps consacré aux exercices d'écriture proprement dite
se réduise graduellement, les divers devoirs dictés ou
rédigés pouvant en tenir lieu. Enfin, c'est avec raison
qu'on rappelle que la leçon d'écriture elle-même peut
devenir un exercice de jugement, si l'instituteur a soin
d'appeler l'attention des élèves sur le sens des mots qu'ils
copient, sur la signification morale des phrases qu'ils
écrivent. Sans aller jusqu'à dire avec certains maîtres
d'écriture, dont les exagérations rappellent celles du
maître à danser du Bourgeois Gentilhomme, que
l'étude de la calligraphie « doit cultiver le sentiment du
beau et du bien », qu' « elle peut développer le sentiment
artistique et, par conséquent, exercer une influence salu-
taire sur le sentiment moral », nous croyons qu'il est
possible d'introduire un peu d'intelligence jusque dans les
exercices d'écriture et, par le choix des modèles tout au
moins, qui ne saurait être indifférent, agir déjà sur
l'esprit et le cœur des élèves. G. Compayré.
IV. Cryptographie. — Ecriture secrète (V. Crypto-
graphie) .
BiBL. : Ethnographie. -- R. André, Ethnographische
Paralleen und Vergeiche ; Stuttgard, 1878, in-8, p. 184. —
Du môme, Neue Folge; Leipzig, 1889, pp. 56 et 74.
Histoire.— On trouvera la bibliographie spéciale à cha-
cune des écritures dont il a été parlé ci-dessus à la suite des
articles auxquels il a été renvoyé; nous ne pouvons indi-
quer ici que les ouvraires généraux où est traité l'ensemble
de la question. — G. Maspéro, les Ecritures du monde
oriental, à la fin de son Histoire ancienne des peuples de
l'Orient. — Fr. Lenormant, Essai sur la propagation de
Valphahet phénicien dans V ancien monde; Pans, 1874, t. I
et l^e part, du t. II (seuls parus), in-8.— Ph. Berger, His-
toire de l'écriture dans Vantiquité; Paris, 1891, in-8.
ÉCRITURES saintes (Hist. relig.) (V. Bible et Nou-
veau Testament).
ÉCRIVAIN. I. Mœurs et coutumes. — Ecrivain
PUBLIC. — Pour l'histoire de la profession d'écrivain,
V. les art. Scribe et Manuscrit. La corporation des écri-
vains et enlumineurs se confondit pendant tout le moyen
âge avec celle des libraires (V. ce mot). Elle n'eut
d'existence séparée qu'à dater du xvi^ siècle. Pour la
question de l'authenticité et des vérifications de l'écriture,
constamment discutée en matière juridique et financière,
V. Expert et Faux. C'est également là qu'on trouvera
riiistoire de la corporation des experts-écrivains ou
maîtres écrivains formée en 4570, et des privilèges qui
lui furent accordés pour l'enseignement de l'écriture aussi
bien que pour les vérifications. Nous ne parlerons ici que
des écrivains publics, ({m 'èQmQiXtxii au service des illet-
trés pour rédiger leurs lettres ; ils subsistent tant bien que
mal dans les grandes villes, rédigeant, outre les correspon-
dances, les pétitions, demandes d'emploi, etc., adressées
aux administrations ou aux gens influents. La lithogra-
phie leur a enlevé la copie des lettres de faire part, de
mariage, de décès, etc. Ils sont à l'occasion employés
comme copistes, mais c'est plutôt une classe à part et plus
instruite qui fait la besogne de copiste, surtout dans les
bibliothèques et archives et même pour les pièces juridi-
ques. Il en sera parlé au mot Scribe.
II. Entomologie (V. yVnoxus).
ÉCROMAGNY. Com. du dép. delà Haute-Saône, arr.
de Lure, cant. de Melisey ; 373 hab.
ÉCROSNES. Com. du dép. d'Eure-et-»Loir, arr. de
Chartres, cant. de Maintenon; 704 hab.
Fig. 1 et2.-
- Ecrou à six pans et écrou
à chapeau.
ÉCROU. I. Technologie. — Pièce de fer découpée ou
forgée qui est percée d'un trou cylindrique à l'intérieur
duquel règne, en hélice, une partie saillante, à section carrée
ou rectangulaire et à laquelle on donne le nom de filet. Ce
trou reçoit une vis dont le filet, aussi en hélice, s'engage
exactement dans les cannelures formées par le filet de l'écrou .
Tantôt c'est la vis qui pénètre dans l'écrou, en avançant
dans le sens de son axe et en tournant autour de cet axe,
tantôt c'est, au contraire, la vis qui est fixe et l'écrou qui est
mobile. Extérieurement, l'écrou est limité par des pans ou
faces planes au nombre de quatre ou de six par exemple,
en forme de carré ou d'hexagone régulier, qui permettent
de le saisir dans la mâchoire d'une clef quand on veut le
tourner pour le serrer. Les écrous reçoivent des dénomi-
nations diverses suivant leur mode de construction ; nous
signalerons particulièrement l'écrou carré, destiné, dans la
construction, le charronnage, la carrosserie, etc., au ser-
rage des boulons nécessaires à l'assemblage des bois entre
eux ou avec le fer ; l'écrou à six pans (fig. 1), utilisé, dans
la construction métallique et en mécanique, au serrage des
boulons (V. Bou-
lon, t. VII, p.
699 ) ; l'écrou à
chapeau (fig. 2),
qui porte à l'une
de ses bases une
sorte de rondelle,
formant chapeau,
obtenue à la forge
et servant à limi-
ter le jeu latéral
des boulons d'ar-
ticulation; l'écrou
d'essieu qui se fait
carré et particu-
lièrement à six
pans, il offre
cette particularité que l'écrou de la fusée de droite est taraudé
à droite, et celui de gauche taraudé à gauche, afin que les
coins tournant dans le sens de l'avancement ne puissent
desserrer cet écrou employé spécialement pour les grosses
voitures de transport ; l'écrou borgne, dont le trou taraudé
est arrêté à l'intérieur de la pièce et n'est pas débouché ;
l'écrou à oreilles
(fig. 3) qui porte
deux petits ap-
pendices en
forme d'oreilles,
destinés à facili-
ter le serrage à
la main ; l'écrou
à molette (fig.
4); l'écrou rond
à encoches ou
entailles (fig. 5);
l'écrou trapézoï-
dal, etc. Dans
l'industrie des
pompes, le bou-
lon et son écrou
se font en bronze. Les écrous différentiels comprennent
deux pièces, dont l'une est un écrou ordinaire vissé sur la
partie extérieure d 'un second écrou vissé lui-même sur un
boulon taraudé. Cette combinaison de mouvement est ap-
pliquée sur certains appareils de précision.
Les écrous que l'on rencontre continuellement dans l'in-
dustrie ne sont que de deux formes, et ils ont leurs dimen-
sions déterminées par celles des boulons correspondants :
les écrous à six pans en forme d'hexagone régulier, dont la
hauteur est égale au diamètre du boulon , le diamètre du
cercle circonscrit à l'hexagone étant égal à deux fois la
hauteur ; les écrous carrés, dont la hauteur est égale^ an
diamètre du boulon correspondant, et la largeur du côté du
Fig. 3 et 4. -
■ Ecrou à oreilles et écrou
à molette.
ÉCROU - ÉCROUISSAGE
— 528 -
Fig. 5. — Ecrou
à entailles.
carré égale à deux fois la hauteur. L'extension toujours
croissante qu'a prise ces dernières années l'emploi du bou-
lon a amené une transformation de l'outillage. On a dis-
posé des machines spéciales qui permettent de les fabriquer
mécaniquement d'une manière beaucoup plus rapide et plus
économique que par le travail à la main. Nous décrirons
sommairement les deux modes de fabrication. Pour forger
une série d'écrous du même type dans le travail à la mam,
l'ouvrier prend une barre de fer de section rectangulaire,
dont la largeur fournira la hauteur de Técrou et l'épaisseur
donnera la quantité de métal nécessaire pour former l'écrou
par enroulement de la tige. La barre, chauffée sur 1 une
des extrémités, est enroulée au-
tour d'un axe dont le diamètre
représente le trou du taraudage
de l'écrou, puis coupée et soudée.
Lorsque le soudage est suffisant,
le forgeron comprime la rondelle
ainsi obtenue dans une matrice
présentant trois côtés de l'hexa-
gone de l'écrou ; il obtient ainsi
deux pans, fait faire un sixième
de tour environ, refoule le métal
dans la matrice, obtient ainsi les
deux pans suivants, et enfin les deux derniers par une
troisième et semblable opération. Ilpare ensuite son écrou
et vérifie s'il est du calibre voulu. La barre, pendant ce
travail, est réchauffée pour procéder à un nouveau for-
geage. L'opération exige de la part de l'ouvrier de l'habi-
leté' et une attention soutenue.
La machine à forger les écrous remplace avantageusement
le forgeage à la main, tant au point de vue de la bonne
exécution que de la rapidité de fabrication. Nous donnerons
le principe de ces machines, généralement assez comphquées.
La machine comprend une cisaille verticale servant de
matrice, placée à l'avant du bâti et qui est destinée à
ébaucher la forme de l'écrou à l'extrémité de la barre
chauffée que l'ouvrier présente perpendiculairement au bâti
dans un logement spécial destiné à la recevoir. La cisaille
est commandée par une came calée sur l'arbre moteur; elle
exécute un va-et-vient pour chaque tour de rotation de cet
arbre, et dans son mouvement descendant elle vient appuyer
sur l'extrémité de la barre en la refoulant dans la matrice
et lui donne la forme d'un écrou plein retenu par un seul
pan. L'ébauche ainsi formée est détachée par deux pomçons
horizontaux placés en avant du bâti, de part et d'autre de
la cisaille et commandés eux-mêmes par des cames calées
sur des arbres tournants, qui viennent les refouler sur 1 ecrou
en temps convenable. Chacun de ces poinçons, de forme
hexagonale, est traversé lui-même par un poinçon central
de forme ronde, destiné à enlever la débouchure de l'écrou.
Ce second poinçon, indépendant des premiers, est commandé
lui-même par une barre spéciale calée sur le même arbre.
Les trois arbres moteurs portant les cames sont rattachés
entre eux par des roues d'engrenage, qui conservent ainsi
la dépendance nécessaire de leurs mouvements. Le poinçon
hexasonal de droite saisit le premier l'ébauche une fois
formée ; il la détache de la barre et la fait pénétrer dans la
matrice du porte-outil, tandis que le poinçon rond qui était
en retraite à l'intérieur est repoussé lui-même par la came
directrice et vient refouler le métal de l'écrou. Il s arrête
lorsqu'il fait une saillie de 5 millim. sur le poinçon hexa-
gonal et le poinçon rond de gauche avance lui-même à une
distance de 5 miUim. de celui de droite. Le pomçon hexa-
gonal de gauche qui n'a pas encore été actionné par la
came est repoussé par le refoulement du métal jusqu à
faire équilibre à un système de ressorts Belleville à ron-
delles, dont la tige, articulée sur un levier, oscille autour
de l'une de ses extrémités, tandis que la butée se produit
sur une vis placée sur l'autre extrémité de ce levier. Lorsque
les deux poinçons ronds sont à 5 centim. l'un de l'autre,
celui de droite, dont le coulisseau est dégagé de sa came,
est repoussé par celui de gauche, qui avance en découpant
la débouchure comprise entre les deux poinçons et la loge
dans le poinçon hexagonal de gauche, qui est resté un ins-
tant stationnaire. Celui-ci recule alors sous l'action de la
came en entraînant le poinçon rond par suite de la pré-
sence de la débouchure. Pendant ce mouvement, le poinçon
hexagonal de gauche pousse l'écrou terminé en dehors de
la matrice et en avant de la cisaille, où un chasseur, com-
mandé par un bossage fixé latéralement sur la roue du
milieu, vient le rejeter définitivement. Lorsque cet écrou est
tombé, la came qui commande le poinçon rond de droite
chasse la débouchure placée dans le poinçon hexagonal du
même côté, et une came de ramenage ramène ce poinçon à
sa position initiale pour une nouvelle opération. Les écrous
en sortant de la machine à forger, ont des faces planes avec
des arêtes vives qu'il faut ébarber à la machine ; on n'a
plus qu'à tarauder les écrous à l'aide de machines spéciales
(V. Taraudage). La machine à forger, qui fait quarante-
cinq tours par minute, permet d'obtenir vingt écrous à la
minute, soit, en tenant compte des pertes de temps, huit
mille écrous par jour. L. Knab.^
Droit criminel. — L'écrou est un acte ou procès-
verbal constatant qu'un individu en état d'arrestation a
été remis au gardien d'une prison, et faisant mention du
jour et de la cause de l'emprisonnement. Cet acte est con-
signé sur le registre à ce destiné, dit registre des empri-
sonnements ou registre d'écrou, que sont tenus d'avoir
les gardiens des maisons d'arrêt, des maisons de justice et
des prisons. Le registre d'écrou est signé et parafé, à toutes
pages, par le juge d'instruction, pour les maisons d'arrêt ;
par le président de la cour d'assises, ou, en son absence,
par le président du tribunal de première instance, pour les
maisons de justice ; par le préfet-, pour les prisons pour
peines(C. instr. crim., art. 607). L'écrou est dressé, quelle
que soit la cause de l'emprisonnement. Il a pour but de
donner décharge du prisonnier aux officiers publics qui ont
fait ou ont ordonné la capture et d'en charger le gardien
de la prison ; l'écrou est aussi appelé acte de remise : tout
exécuteur de mandat d'arrêt, d'ordonnance de prise de
corps, d'arrêt ou de jugement de condamnation, est tenu,
avant de remettre au gardien la personne qu'il conduit,
de faire inscrire sur le registre l'acte dont il est porteur ;
l'acte de remise est écrit devant lui ; le tout est signé tant
par lui que par le gardien ; le gardien lui en remet une co-
pie signée de lui, pour sa décharge (C. instr. crim., art.
608). Sur le registre d'écrou, en marge de l'acte de re-
mise, est mentionnée la date de la sortie du prisonnier,
ainsi que l'ordonnance, l'arrêt ou le jugement en vertu
duquel elle a heu (C. instr. crim., art. 610). Aujourd'hui
l'écrou n'a plus d'application qu'en matière criminelle;
mais, avant la loi du 22 juil. 1867 abolitive de la contrainte
par corps en matière civile et commerciale, il intervenait
également comme suite d'une arrestation pour dettes. Les
formes de l'écrou d'un prisonnier pour dettes étaient ré-
glées par l'art. 789 du C. de procéd. civ. Louis iVNDRÉ.
ÉCROU ELLES. Nom vulgaire delà scrofule (V. ce
mot). Les rois de France possédaient le don de guérir
les écrouelles par le simple toucher ; la cérémonie du
toucher du roi remonte aux premiers siècles de la mo-
narchie française; déjà Clovis, après son sacre, jouit de
cette prérogative, dont Louis le Gros usa fréquemment ;
Guibert, de Nogent, en fait foi. Depuis saint Louis, le
toucher des scrofules fut une cérémonie purement reli-
gieuse, qui s'est continuée jusqu'à Louis XVI et^ qu'on
a essayé de faire revivre sous la Restauration ; habituelle-
ment le Roi Très-Chrétien touchait les malades aux quatre
grandes fêtes de l'année : Pâques, Pentecôte, la Toussaint
et Noël ; on accourait de toute l'Europe à la cérémonie.
N'oublions pas que les rois d'Espagne et d'Angleterre ont
disputé aux rois de France cette précieuse prérogative. Des
savants éminents, tels que Du Laurens, Du Val, etc., ont
parlé de cette coutume superstitieuse avec la foi la plus
absolue. D' L- Hn.
ÉCROUISSAGE (Indust.). Chaque fois que l'on travaille
— 529 —
un métal à une température inférieure à celle où ses mo-
lécules peuvent reprendre leur équilibre, celui-ci subit un
changement d'état qui le rend plus aigre, plus élastique
et cassant : on dit qu'il estécroui. Il ne faut pas confondre
cette action avec celle du forgeage, qui modifie simplement
la forme à une température où le métal est plus ou moins
pâteux, tandis que l'écrouissage a lieu lorsqu'on le soumet
à des opérations dépassant à la fois et sa limite d'élasti-
cité et la température où il pourrait la reprendre, comme
dans l'étirage, le laminage, la traction, flexion, torsion et
la compression à froid. L'écrouissage, en resserrant les mo-
lécules du métal, augmente sa densité, lui donne plus
de nerf, de dureté et une texture fibreuse plus résistante,
surtout pour le fer. On détruit cet efîet de l'écrouissage par
le recuit, opération consistant à réchauffer le métal à une
température où cette propriété permanente ne peut plus
préexister. L'étirage à froid du fil de fer exige qu'on le
recuise de temps en temps, car le métal s'écrouit, devient
aigre et finirait par se briser à la traction. Le recuit à l'abri
de l'air, en lui rendant sa douceur et sa malléabilité primi-
tives, permet de nouveaux passages à la filière.
ÉCROUVES. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr.
et çant. (N.) deTouI; 1,747 hab.
ÉCRU. Les matières textiles, quel que soit leur état,
brutes, filées ou tissées, sont dites écrues lorsqu'elles con-
servent leur couleur naturelle sans avoir subi de blanchi-
ment ou de teinture.
ÉCRUAGE (Chim. indust.). On donne le nom d'écruage
aux opérations qui ont pour but de donner aux lins la cou-
leur gris jaunâtre dite teinte écrue. Quand les lins sont de
bonne qualité, que leur rouissage a bien réussi, l'écruage
ou blanc à fleur nécessite deux fortes lessives, qui portent
plus particulièrement le nom d'«écruage ». Ces lessives sont
suivies de lavages à chaud avec de l'eau alcaline, puis le
lin est passé en bains décolorants et en bains acides, inter-
calés de lavages jusqu'à ce que la fibre ait la teinte voulue ;
l'opération est terminée par un vitriolage. Pour les lins de
mauvaise qualité, mal rouis, chaque traitement alcalin est
suivi d'un traitement acide. Les fils simplement essorés,
légèrement acides, sont ensuite passés en bain décolorant.
Deux vitriolages sont parfois nécessaires. Ch. Girard.
ECTACODON (Paléont.) (V. Coryphodon).
ECTHESIS ou Exposition de la foi. Consultation théo-
logique rédigée par le patriarche de Constantinople Sergius
et publiée en 638 par HéracHus, sous forme de décret
impérial, pour mettre un terme à la querelle du monothé-
hsme { V. Monothélites, Héraclius) . En proposant aux deux
partis une formule de conciliation, Héraclius espérait réta-
blir l'unité dans l'Empire, et dans ce but il tenta d'imposer
par la force l'ecthesis à l'approbation des pontifes romains;
mais l'opposition des papes Séverin et Jean IV ruina les
espérances de l'empereur; et son successeur Constant II,
en promulguant le type, se décida à abroger l'ecthesis (649) .
ECTHYMA (PathoL). On désigne, en pathologie, sous le
nom d'ecthyma une affection cutanée, constituée par des
lésions pustuleuses, arrondies, plus ou moins larges, évo-
luant sur une base enflammée, se recouvrant de croûtes
foncées et laissant souvent à leur suite des taches violacées
ou même de véritables cicatrices. L'ecthyma s'observe
surtout chez les sujets afi'aiblis par l'âge, la maladie ou de
fâcheuses conditions hygiéniques. L'alcoolisme, l'albumi-
nurie, le diabète, l'arthritisme, le Ivmphatisme, la fièvre
typhoïde, la scarlatine, la rougeole "et principalement la
variole, doivent être rangés au nombre des causes prédis-
posantes. L'affection se rencontre souvent chez les enfants
soumis à un allaitement défectueux ou atteints de troubles
gastro-mtestmaux. Elle n'est pas rare dans les prisons, les
asiles, dans les quartiers pauvres des grandes villes, par-
tout où la nourriture est malsaine, l'air insufiîsant, le tra-
vail excessif. On voit l'ecthyma naître avec la facilité la
plus grande sous l'influence de la malpropreté. La phti-
riase etla gale jouent un rôle considérable dans l'étiologie
de l affection. Les frôlements, les grattages répétés, 'le
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
ÉCROUISSAGE - ECTINOSOMA
décubitus prolongé, les contacts irritants, favorisent aussi
le développement de l'éruption. D'après Bazin, le type de
la pustule ecthymateuse se trouve réahsé par la lésion que
produit sur les téguments l'application du tartre stibié. Le
même auteur signale la fréquence de l'ecthyma chez les
artisans qui manient des substances acres ou irritantes,
des produits métalliques, etc., chez les épiciers, cuisi-^
niers, maçons, teinturiers, apprêteurs de couleurs, niégis-
siers, criniers, tanneurs, fondeurs, mineurs, etc. (ecthyma
professionnel). Les recherches de M. E.Vidal ont démontré
que, par inoculation, le liquide des pustules peut facilement
et indéfiniment reproduire des lésions de même nature, non
seulement sur la peau du malade, mais encore sur celle
de toute personne saine.
Symptômes, Pronostic, La lésion n'est tout d'abord
qu'un point rouge prurigineux. Celui-ci se transforme
rapidement en papule, puis en une petite vésicule. En même
temps, la zone inflammatoire s'élargit ; une auréole rou-
geâtre et dure, sensible à la pression, circonscrit la vésicule
qui s'acumine et se trouble. Dès le troisième ou quatrième
jour, la lésion est franchement pustuleuse ; peu à peu sa
surface s'élargit, s'aplatit et se transforme en une croûte
jaunâtre plus ou moins mêlée de sang. L'affection a une
marche rapide ; chaque élément évolue en une dizaine de
jours au plus. Lorsque la croûte tombe, elle ne met ordi-
nairement à nu qu'une surface excoriée qui mérite à peine
le nom d'ulcération. Mais sur les organismes débilités, chez
les nouveau-nés, les vieillards, chez tous les malades
cachectiques, on voit quelquefois se produire un processus
destructif d'une réelle gravité et pouvant même aboutir au
sphacèle. Si chaque pustule, considérée en elle-même, dure
seulement quelques jours, il faut toutefois reconnaître que
l'affection, dans son ensemble, peut persister autant que la
cause qui l'a fait naître ; et les poussées éruptives se pro-
longent d'autant mieux que l'ecthyma, nous l'avons vu,
est auto-inoculable. L'affection peut à la rigueur se montrer
sur tous les points des téguments; mais les épaules, le
dos et principalement les membres doivent être considérés
comme les sièges d'élection. La poussée d'ecthyma se fait
en général sans déterminer de réaction fébrile. Le pronostic
de l'ecthyma, en tant que lésion locale, est toujours favo-
rable. Quelques semaines suffisent à amener la guérison des
pustules, lorsque le traitement est judicieusement institué
et régulièrement suivi.
Traitement, Le premier devoir du médecin, dans le
traitement de l'ecthyma, est de s'attaquer aux causes de
l'éruption. La connaissance d'une prédisposition interne
accidentelle ou diathésique fixera, s'il y a lieu, la conduite
à tenir dans le choix d'une médication générale. Les causes
extérieures (pediculi, acares, applications irritantes, etc.)-
seront immédiatement supprimées. Ce premier point acquis,
chaque élément éruptif devra être antiseptisé avec soin.
Pour atteindre ce but, on fera tomber toutes les croûtes
en se servant de bains, de cataplasmes, d'enveloppement
par le caoutchouc, puis chaque plaie sera lavée avec une
solution boriquée, phéniquée ou sublimée. Enfin, pour
éviter les inoculations secondaires, qui font si souvent
traîner en longueur les poussées d'ecthyma, chaque lésion
sera exactement recouverte par une rondelle d'emplâtre qui
pourra joindre, par surcroît, à sa propriété isolante une
action à la fois antiseptique et siccative. A. Pignot.
ECTI N OSO M A (ZooL). Genre de Crustacés Copépodes'na-
geurs de la famille des Harpactides, établi par Bœck en 1 864.
Le corps chez ces animaux est grêle, la XeiQ petite, soudée
avec le premier segment thoracique, les antennes antérieures
sont très courtes et portent des soies nombreuses; les
postérieures sont fortes, à trois articles, avec une branche
secondaire bi ou triarticulée ; les mandibules sont grêles,
profondément fendues à la pointe; la première paire de
pattes-mâchoires est pourvue de deux crochets terminaux
puissants; la deuxième est grêle, son second article est le
plus long; il existe quatre paires de pattes natatoires, bira-
mées, chaque branche formée de trois articles presque égaux;
34
ÉCTINOSOMA - ECTROPION
- 530
la cinquième paire est formée de deux lames sétifères. Les
mâles ne sont pas connus chez la plupart des espèces. Poppe
a fait connaître celuidel'E. curticome, et de Guerne celui de
VE. Atlanticum. Mer du Nord, Atlantique, Méditerranée.
ECTOCARPÉES (Bot.). Tribu d'Algues, de Tordre des
Phéophycées et de la famille des Phéosporées, à thalle fila-
menteux articulé, monosiphoné, de coloration foncée, fiU-
forme. Double fructification sur la même plante ou deux
plantes différentes. Sporanges globuleux ou ovales, sessiles
ou pédicellés. Cette tribu comprend les genres Ectocar-
pus, Desmaretia, Arthrocladia, Mesogœla, Myriactis,
Elachistea, Castagnea, Liebmannia, H. F.
ECTOCARPUS (Bot.). Genre d'Algues Ectocarpées, à
fronde filiforme, rameuse, à filaments tous semblables, tantôt
opposés, ou verticillés, ou alternes ; zoosporanges déve-
loppés aux dépens de certaines cellules du thalle qui se
cloisonnent. Dans les logettes se forment des gamètes à
deux cils qui, mis en liberté, se fixent et se réunissent deux
à deux pour former un œuf qui développe ensuite un nou-
veau thalle. H. F.
ECTOCION ou HCTOCIUIVl (Paléont.) (V. Brontothêre
et Lambdotherium).
ECTOCYNODON (Paléont.). Cope a décrit sous ce nom
un Reptile du terrain permien du Texas, caractérisé par le
crâne court et large, l'orbite grande, les dents du type
rhizodonte, comprimées, à bord tranchant, la dent située
entre le niveau de l'orbite et la narine plus forte que les
autres ; la symphyse mandibulaire est ligamenteuse. Le
type du genre est E. ordmatus, E. Sauvage.
DiDL. : Proc. Amer. Philos. Soc, 1878, t. ^vVII.
ECTOGANUS (V. Calamodon etliLLonoNTE).
ECT0PA6ES (Tératol.) (V. Monstre double).
ECTOPARASITES (Zool.). On désigne ainsi les para-
sites, animaux ou végétaux, qui vivent à la surface du
corps ou qui, venus directement du dehors, se sont enfon-
cés plus ou moins profondément dans le tégument. En ce
qui concerne les animaux, les ectopara sites appartiennent
à des groupes très divers : sans parler des Bactéries ou des
Champignons, on peut ranger dans cette catégorie toute
une série d'Insectes, d'Acariens, de Crustacés, de Vers et
de Protozoaires ; les uns sont de vrais parasites, les autres
sont plutôt des commensaux (V. Parasite). R. Bl.
ECTOPIE (Tératol.). Les anomalies de situation recon-
naissant pour cause une perturbation du développement em-
bryonnaire sont d'importance fort variable. Entre les i7iver-
sions splanchniques portant sur la totalité des viscères
thoraciques ou abdominaux, ou sur les deux à la fois
(V. Inversion, Hétérotaxie) et les simples variations ana-
tomiques telles qu'une déviation de direction modifiant le
trajet des troncs vasculaires ou nerveux de moyen calibre,
l'insertion vicieuse d'une dent, etc., viennent se placer les
ectopies proprement dites. Ce nom est habituellement
réservé, en efîèt, au déplacement ou au changement de
rapports d'un organe isolé ou d'un petit nombre d'organes
voisins. La plupart de ces anomalies s'expliquent par un
arrêt de développement. Dans un premier groupe, les or-
ganes se trouvent hernies par suite de l'aplasie d'une por-
tion plus ou moins notable de la paroi de l'une des grandes
cavités du corps. Comme exemples les plus communs, nous
citerons l'ectopie du cœur qui vient battre sous la peau, ou
même faire entièrement saillie en dehors de la poitrine
lorsque le sternum est largement fissuré ou qu'il fait
défaut avec la partie avoisinante des côtes; les hernies
ombilicales [exomphale), Vexstrophie de la vessie, toutes
anomaUes dont les degrés plus avancés confinent à l'éven-
tration (V. Célosomie, Exstrophie, etc.). D'autre part, les
viscères thoraciques peuvent empiéter sur l'abdomen, ou
réciproquement, lorsque le diaphragme est incomplètement
formé. On doit ranger sous le môme chef les hernies des
centres nerveux ou de leurs enveloppes à travers des défec-
tuosités de la boîte crânienne ou du rachis, constituant les
■différentes formes de Vencéphalocèle (V. la description des
monstres exencèphaliens au mot Anencéphalie; V. aussi
Spina bifida).
Une deuxième catégorie comprend les organes ayant à
subir un déplacement au cours du développement normal
et n'accomplissant leur migration que d une façon impar-
faite. De là la position anormale du cœur lorsqu'il reste
dans la région cervicale au lieu de descendre dans le thorax ;
celle des reins ou des glandes génitales, principalement des
testicules, qui demeurent fixés dans l'abdomen ou dans le
trajet inguinal, au lieu d'aller se loger dans les bourses
(cryptorchidie) (V. les articles relatifs aux différents or-
ganes). Au lieu de suivre le mouvement de rotation qui lui
donne sa position transversale, l'estomac conserve parfois la
direction verticale qu'il affecte chez le jeune embryon, etc.
On a signalé enfin certaines ectopies que l'embryologie est
impuissante à expliquer jusqu'à ce jour : fusion des deux
poumons dans la cavité pleurale gauche, le cœur étant placé
à droite ; ectopie lombaire du cœur, etc. G. Herrmann.
ECTOPROCTES (Zool.). Nitsche a réuni sous ce nom,
formé par opposition à Endoproctes, tous les Bryozoaires
dont l'orifice anal est situé on dehors du lophophore. Le
lophophore et les tentacules sont rétractiles dans une
gaine. Ils comprennent la plupart des Bryozoaires et se
divisent en deux ordres, suivant que le lophophore est
circulaire, Gymnolœmes, ou en fer à cheval, Phylacto-
lœmes (V, ces mots). ^L. Cabry.
ECTOT-l'Auber. Com. du dép. de la Seine-Inféricure,
arr. d'Yvetot, cant. d'Yerville, 417 hab.
ECTOT-les-Baons. Com. du dép. de la Seine-Infé-
rieure, arr. d'Yvetot, cant. de Yerville; 317 hab.
ECTRODACTYLIE (V. Doigt).
ECTROMÉLIE (Tératol.). Anomalie consistant dans
Farrêt de développement plus ou moins complet d'un ou de
plusieurs membres. I.-G. Saint-Hilaire a groupé artificielle-
ment en trois genres les monstres de la famille des Ectro-
méUens : 1° genre Phocomèle, membres réduits aux
mains ou aux pieds qui semblent s'insérer directement sur
le tronc ; 2° genre Hémimèle, membres thoraciques ou abdo-
minaux très incomplets, terminés en moignon, doigts nuls
ou rudimentaires ; 3° genre Ectromèle, membres à peu près
nuls. Quant aux simples malformations des doigts ou des
orteils, cet auteur les range parmi les hémitéries, genre
Ectrodactyle. On conçoit qu'il soit très difficile d'assigner
des caractères généraux à une monstruosité se prêtant à
des combinaisons aussi multiples que Fectromélie. Les indi-
vidus des deux premiers genres sont généralement viables, et
l'on peut observer parfois sur eux de curieux exemples de
suppléance : c'est ainsi qu'on voit des hémimèles, privés de
leurs membres supérieurs, arriver à exécuter avec leurs
pieds les ouvrages les plus délicats, devenir même peintres
ou musiciens. Dans le genre ectromèle, il y a souvent arrêt
de développement des organes génitaux ; quant aux malfor-
mations concomitantes des centres nerveux, on ne sait
encore si elles sont la cause de Fectromélie ou si elles en
sont une conséquence. L'influence de l'hérédité a été cons-
tatée dans un certain nombre de cas, notamment chez les
mammifères où l'on trouve parfois des ectroméiiens en
même temps que des petits bien conformés, dans plusieurs
portées successives. Pour la pathogénie de cette anomalie,
on a mis en cause principalement la compression exercée par
les enveloppes fœtales. C'est à tort que quelques auteurs
ont confondu Fectromélie avec les cas ^'amputation con-
génitale^ dont elle est absolument distincte.
ECTROPION (Pathol.). Ce mot désigne le renversement
de la paupière en dehors. De cette éversion, il résulte que
la portion de muqueuse conjonctivale correspondante est
en contact permanent avec l'air libre, et que le bord cihaire
se trouve éloigné du globe de l'œil. Cette disposition mala-
dive n'atteint ordinairement que l'une des paupières. Fin-
férieure, se montre à des degrés différents et a des causes
multiples. La trame même de la paupière est comprise entre
deux plans, le plan conjonctival et le plan cutané. Ce sont
presque toujours les modifications survenues dans l'un de
- 531 -
ECTROPION -. ECU
ces deux plans qui amènent l'eetropion. Du côté de la con-
jonctive, les inflammations chroniques, telles que le tra-
chome, les infiltrations prolongées de cette membrane (ché-
mosis), son épaississement sarcomateux donnent lieu à une
augmentation de volume, qui se traduit finalement par
une éversion plus ou moins limitée, tendant à progresser
chaque jour, par suite de la déviation du point lacrymal,
de la non-absorption des larmes et de leur écoulement au
dehors. L'origine dans ce cas est nettement conjonctivale.
La plupart du temps elle est cutanée. Le renversement de
la paupière dépend alors des excoriations de la peau et des
rétractions consécutives. Par conséquent, nous devons
mettre en première ligne les brûlures et les morsures ;
toutes les plaies en général, aussi bien celles qui résultent
de phlegmons ou d'abcès pustuleux, que celles qui succèdent
à la carie du rebord orbitaire ; toutes finissent par amener
des cicatrices rétractiles ou adhérentes qui attirent le rebord
palpébral. Une troisième cause de l'eetropion réside dans
le plan musculaire de la paupière. Chez les vieillards, le
muscle orbiculaire perd de sa force, il se paralyse quel-
quefois, et la paupière est déjetée en dehors par suite de
la prédominance des autres muscles. Il est rare qu'on ait
affaire à un véritable ectropion dans les cas d'exophtalmie
ou de tumeurs de l'orbite.
^Sijmptômes. Le point lacrymal étant dévié, et les larmes
n'étant plus absorbées, le premier signe est un épiphora
plus ou moins abondant. Il suffit dans quelques cas, pour
remédier à un ectropion sénile non cicatriciel, de fendre le
point lacrymal et de rétablir le trajet des larmes par le
cathétérisme. Pour peu que la maladie soit ancienne, la
conjonctive, sans cesse irritée par le contact de l'air, s'épais-
sit, devient granuleuse et revêt les caractères de l'épi-
derme, tandis que la peau constamment lubréfiée s'excorie
et se rétracte encore davantage. Par le fait de l'occlusion
incomplète des paupières, l'œil est protégé d'une manière
insuffisante, et il arrive souvent que la cornée s'enflamme,
ne fût-ce que par le contact des poussières ou la pénétra-
tion des corps étrangers.
Traitement, Le traitement de cette difformité est entiè-
rement chirurgical. Je n'indiquerai par les différents pro-
cédés de mobilisation et de remise en place delà paupière.
Ils sont innombrables. Chaque chirurgien a le sien (V. Blé-
phâroplastie). Le plus usuel consiste à faire l'excision
d'un lambeau triangulaire de la peau, après l'incision de la
commissure externe des paupières et l'avivement des bords
palpébraux. On décolle finement la peau avec le bistouri;
au voisinage de l'excision, on réunit d'abord la plaie verti-
cale, puis ensuite celle de la commissure externe, par des
points de suture. Le chirurgien anglais Adams taillait un
large lambeau dans toute réj)aisseur de la paupière, et il rap-
prochait à l'aide d'une suture entortillée les lèvres de la plaie.
Le professeur Richet a imaginé un procédé qui consiste dans
une incision curviligne parallèle au bord palpébral, située à
2 ou 3 milhm. de ce bord. Cette incision préliminaire sert
uniquement cà libérer la paupière et à permettre de pratiquer
facilement l'occlusion palpébrale. Une deuxième incision est
faite à 1 centim. plus bas, dans le même sens ; la peau
est soigneusement disséquée, divisée par un coup de ciseaux,
et les deux lambeaux ainsi formés sont remontés en haut,
suturés à la paupière et réunis entre eux. Cette opération se
complète par une petite partie de substance triangulaire,
dont les lèvres sont rapprochées par des nouveaux points
de suture. D^ Ad. Piéghaud.
BiRL. : Fricke, Blepharoplastih. — Wartiion Jones,
Adams, Rigaud, AiUoplastie. — Démée, Aiitoplastie. —
MiRAULT (d'Angers) , Cruveilhier, Ectropion, etc.
ECTYPE (Sculpt.). Relief obtenu au moyen d'un moule
en creux. On applique ce terme à la reproduction d'une mé-
daiUe, au moulage d'une inscription antique, etc.
ECU. I. Archéologie. — On donne ce nom au bouclier
porté par l'homme d'armes pendant le moyen âge, par oppo-
sition au bouclier rond dont se couvraient les gens de pied.
Il est ordinairement en forme d'amande, un peu courbe, avec
Fig. 1. — Face interne d'un
écu laissant voir les
énarmes, composées de
deux courroies en sau-
toir et d'une courroie ver-
ticale pour passer le bras.
La main saisissait les
courroies croisées en-
semble ou séparément.
le chef coupé plus ou moins carrément et la partie infé-
rieure taillée en pointe plus ou moins prononcée. Une
courroie sert à le suspendre au cou : c'est la guige ;
d'autres à y passer le bras et à l'empoigner : ce sont les
énarmes. Le champ de l'écu est sa surface extérieure, sur
laquelle sont peintes des armoiries ou des aires de cou-
leurs tranchées qui sont les reconnaissances, car elles ser-
vaient à faire reconnaître
l'homme d'armes dans la mê-
lée. Son chef est la partie
supérieure, sa pointe la région
inférieure. Sa face interne est
ordinairement matelassée
pour que le bras ne souffre
pas des chocs. L'écu ne porte
la bosse centrale ou umbo
qu'aux époques anciennes, au
xii« siècle; il était alors
haut de quatre pieds et plus ,
de forme très allongée, fait
de planches de bois soigneu-
sement assemblées, collées,
recouvertes d'un épais enduit,
sorte de ciment très dur sur
lequel on marouflait même de
la peau. Les contours étaient
affermis par des orles de mé-
tal ; des dispositions des énar-
mes, au nombre de quatre,
réparties par groupes de demx,
il résulte qu'on pouvait le
tenir vertical ou horizontal.
L'umbo, très saillant, était
une calotte de fer en forme
de demi-coquille d'œuf. —
Souvent, quand les hommes
d'armes combattaient à pied,
ils fichaient la pointe de l'écu en terre, formant ainsi un
front de bataille abrité, fraisé de fers de lance. Déjà, sur
la tapisserie de Bayeux, les Normands sont figurés armés
de ces grands écus dont sont dérivés les pavois des gens
de pied. Vers la fin du xii*^ siècle, les dimensions de l'écu
diminuent, et il est représenté comme un triangle
presque équilatéral ; ses énarmes sont fournies par les
prolongements des courroies de guige rivées au champ
intérieur. Pour combattre à clieval, l'homme d'armes
gardait l'écu pendu au col par la guige et l'empoignait
I)ar les énarmes ; c'est ce qu'on appelait enchanteler
l'écu, ou porter l'écu en chantel (ou cantel). Au
xiv« siècle la forme de l'écu varie un peu; ses bords, à
partir du chef, restent parallèles dans la {)remière moitié
de leur longueur ; sa hauteur ne dépasse guère cinquante
centim., sa courbure est moyenne, mais va en s'exagé-
rant à la fin du siècle, disposition tendant à faire passer
les coups d'estoc sur son champ convexe. En môme temps
que ses bords tendent pour ainsi dire à se rejoindre et à
lui donner la forme d'un demi-cylindre, une courbure con-
cave se creuse en son champ, reportant la pointe en avant,
et celle-ci devient de plus en plus mousse. Les énarmes
disparaissent ; seule la guige fixe l'écu au-dessus de la
saignée, sous l'épaule, laissant ainsi la main gauche libre
de manier les rênes. Ainsi se firent ces modifications qui
changèrent au xv'' siècle l'écu en farge, puis en manteau
d'armes, pièces destinées à garantir l'épaule et le côté
gauches que la position du cavalier chargeant exposait
davantage aux coups.
L'écu était un insigne de noblesse, la personnification
même de l'homme d'armes qui le portait. Il joue un grand
rôle dans la cérémonie des tournois et des pas d'armes,
et, dans les combats entre vilains, on donnait à ceux-ci des
écus, mais dont la pointe était à la place du chef. Frapper
ou renverser l'écu d'un chevalier était considéré comme
une provocation ou un outrage. Maurice Maindron*
ECU
532
II Numismatique.— Monnaie d'origine française qui
avait' pour signe distinctif un écu sur l'une de ses faces.
Ecu d'or. — Le nom d'écu s'est appliqué d'abord à des
monnaies d'or, puis à des monnaies d'argent. Vers la fin de
son règne, saint Louis créa le denier dï)r a Jecu (tig. i),
dont Yoici la description : + LVDOVICS : DE : GRACIA :
FRANCOR REX. Ecu semé de fleurs de lis dans une
rosaœ Br+ XPC-VINCIT-XPC-REGNAT-XPC-i™^^
Croix feuillue, cantonnée de quatre fleurs de lis. Cette
pièce est d'or pur, à 24 carats ; elle était taillée à raison
de 58 au marc : elle aurait donc dû peser 4^r21. L exem-
plaire du cabinet de France ne pèse toutefois que 4- Uo.
L'écu d'or est la seule pièce de ce métal qu ait fait Irapper
saint Louis. M. de Marchéville a récemment prouvé que
l'agneld'or qu'on attribue généralement à saint Louis est
postérieur à ce prince (Revue numismatique, 18«y, p. 1)^
L'écu d'or fut abandonné après saint Louis pour ne^ reap-
paraître que sous Philippe de Valois. En janv. 133/, aux
parisis d'or fin de 34 3/5 au marc, ayant cours pour 1 livre
5 sous, on substitua des deniers à l'écu d'or fin, de o4 au
marc et courant pour 1 livre. Le type de celte monnaie
était tout différent du type adopté par saint Louis ; c était,
au droit, le roi assis sur un siège gothique, tenant une
épée de la main droite, la gauche appuyée sur 1 ecu de
France; au revers, une croix feuillue dans une rosace qua-
drilobée (V. Hoff'mann, Monnaies royales, pi. XVI, n« 3).
Le 13 juin 1346, une ordonnance régla le cours de qua-
torze espèces d'or d'ancienne fabrication laissées dans la
petit écu à la couronne, d'or fin et de 96 au marc, valant
15 sols tournois. Le 10 mai 1417, fut ordonnée la frappe
de moutons d'or à 23 carats et 96 au marc, valant 20 sous
Fig. 2.
circulation, et, le 2 oct., on les décria pour leur substituer
une pièce nouvelle, le denier d'or à la chaise, qui était taille
sur le pied de 52 au marc et valait une livre. En janv.
1348 il fut remplacé par un nouveau denier à l'écu n'ayant
plus que 23 carats de loi, de 54 au marc et courant pour
18 sols 9 deniers. Le 23 août 1348, le titre de cette pièce
fut abaissé à 22 carats 3/4 ; le 11 mars, à 22 carats, et
le 6 mai, à 21 carats ; malgré cette diminution de titre,
son cours fut successivement fixé à 18 sols 9 demers, à
1 livre, à 1 livre 5 sols, pour revenir à 18 sols 9 deniers
le 12 avr. 1350. ^ ^
Sous le roi Jean, les aff"aiblissements de la monnaie
furent fréquents et désordonnés, à ce point qu'on a pu
dire que les assignats ne furent pas plus désastreux pour
la France. Le tvpe du denier à l'écu resta le même que
sous PhiHppe de'Valois. Du mois d'août 1350 à la fin de
1354, on frappa des deniers d'or à l'écu de 54 au marc,
mais leur titre fut abaissé successivement de 24 carats a
18 carats (22 sept. 1351). Pendant cette même période, le
cours varia entre 1 livre 5 sous tournois et 12 sous 6 de-
niers. Le denier d'or à l'écu fut remplacéle 17 janv. 13do
par le denier d'or à l'agnel, qui était au titre de 24 carats,
mais à la taille de 52 au marc. Cependant, le denier d or
à l'écu demeura dans la circulation ; le 22 août loo8, son
cours fut fixé à 1 livre tournois. On ne frappa point de
denier à l'écu sous Charles V. Une nouvelle pièce dor
apparut sous Charles VI, l'écu à la couronne (fig. 3), crée
par ordonnance du 11 mars 1384, d'or fin, de 60 au marc,
ayant cours pour 22 sous 6 deniers tournois. Cette pièce
tire son nom de l'écu aux trois fleurs de lis timbré d une
couronne, gravé sur Tune de ses faces. La taille fut bien-
tôt modifiée et portée successivement à 61 1/3 au marc
(28 févr. 1387), 62 (29 juil. 1394), 64 (2 nov. 1411).
Une ordonnance du 3 juil. 1413 prescrivit la frappe d un
Fig. 3.
tournois. La fabrication des écus fut interrompue. Une
ordonnance du 7 mars 1418, qui, probablement, n a pas
été exécutée, prescrivit la frappe d'écus à la couronne a
23 carats, 63 au marc, valant 50 sous tournois.
Une ordonnance du 7 mars 1418 fixa le titre de 1 ecu a
23 carats, sa taille à 67 au marc et sa valeur a 30 sous
tournois. L'ordonnance du 19 déc. 1420 re eva le titre a
24 carats, abaissa la taille à m et rétablit 1 ancien cours
de 22 sous 6 deniers tournois. On a des écus a la couronne
du dauphin Charles frappés de 1418 à 1422. L ecu heaume
et le demi-écu heaume, créés par ordonnance du J nov.
1417, sont ainsi appelés parce que leur type est ecu de
France timbré d'un heaume couronne (Hoflmann, pi. aav,
n«^ 5 et 6). Sous le règne de Charles ^'H, 1 ecu à la cou-
ronne varia incessamment comme titre (entre 24 et Ib ca-
rats), comme poids (entre 72 et 64 au marc) ; son cours
varia peu : il fut presque constamment de 25 sous tour-
nois; il s'abaissa cependant à 1 livre et, à la fin du règne,
se releva à 27 sous 6 deniers. Nous ne saurions donner
ici le tableau de ces variations, qu'on trouvera dans 1 ^n-
nuaire de la Société française de numismatique (!«//,
t V, pp. 143 et suiv., v° les Ecus a la couronne ^^v
F. de Saulcy). L'écu à la couronne de Charles Vil est
reconnaissable à ce que l'écu est accosté soit de deux tleurs
de lis couronnées (Hoffmann, pi. XXXI, n° 2 , soit de
deux petites couronnes {ihid., n° 3). On appelle ecu au
briquet l'écu à la couronne qui présente au revers une
croix feuillue cantonnée de deux petites couronnes et de
deux briquets. Charles VII fit frapper des demi-ecus.
Louis XI fit continuer la fabrication des écus à la couronne
au même type que ceux de son père. De 1461 a 14/4,
Fécu à la couronne était au titre de 23 1/8 carats, a la
taille de 72 au marc ; son cours fut fixé successivement a
1 livre 7 sous 6 deniers, 1 livre 8 sous 4 demers 1 livre
10 sous 3 deniers et 1 livre 12 sous 1 denier. En nov.
1475 Louis XI créa l'écu au soleil ou écu sol, qui était un
écu à la couronne présentant au-dessus de |aj:ouronne
l'image d'un petit soleil (Hoff'mann, pi. XXXVl, n i).
L'écu au soleil était taillé à raison de 70 au marc et eut
cours d'abord pour 1 livre 13 sols tournois. Loms XI emit
aussi des demi-écus à la couronne et au soleil. La trappe
des écus et demi-écus au soleil continua sous Charles Vlii,
Louis Xn, François P^ i ^ * ^r.+
Les écus de Charles VÏÏI frappés pour la Bretagne ont
l'écu de France accosté de deux hermines couronnées (Hott-
mann, pi. XXXVÏH, n° 7) ; ceux qui sont frappes pour le
Dauphiné ont le champ écartelé de France et de Dauphine
{ibid,, n^ 8). Le cours des écus d'or resta fixe, sous le
règne de Charles VIH jusqu'au 31 juil.^ 148 ^ ou il tut
polté de 33 sols tournois à 36 sols 3 deniers. On conserve
au Cabinet des médailles de Paris un triple écu dor qui
n'est probablement qu'un essai monétaire. Des ecus ont ete
émis en ItaUe au nom de Charles VIH. Sur les ecus de Pise,
le roi de France porte le titre de Pisanorum liberator
(Hoffmann, pi. XL, n« 47). A Naples, le mênie roi fit
frapper des écus et doubles écus où il prend le titre de
Rex Francorum etSicilie; mais, sur ces monnaies, i ecu
— 533
ECU
qui orne le droit est toujours celui de France. Louis XII
ne fit fabriquer d'autres monnaies d'or que des écus et
demi-écus au soleil et au porc-épic ; les uns et les autres
étaient de môme titre et même poids que les écus d'or au
soleil du règne précédent, c.-à-d. de 70 au marc et à
23 1/8 carats. Le cours fut porté de 36 sols à 36 sols
3 deniers. On ne commença les écus au porc-épic que le
19 nov. 1510. Cette monnaie tirait son nom des porcs-
épics qui accostaient Fécu (Hoffmann, pi. XLIII, n° 6).
Louis XII frappa à Asti, dont il était seigneur, des mon-
naies d'or qui portaient l'écu de France, mais qui s'appelaient
ducats (V. ce mot) ; il en est de même des monnaies d'or
de Naples et de Milan, au nom de Louis XII ; des écus au
soleil furent frappés à Gênes, sur lesquels Louis XII s'in-
titule Francorum rex et Janue diix (Hoffmann, pL LI,
n« 104).
Sous François P^', on ne fabriqua en France, comme
monnaie d'or, que des écus et demi-écus au soleil ; leur
titre, leur poids, leur valeur varia. Les premiers écus d'or
furent de mêmes titre et poids que ceux du règne précédent ;
l'an 1519, on diminua le titre d'un quart de carat, et le
poids fut affaibli d'un grain trois quarts ; on les distingua
des premiers en plaçant deux F aux côtés de l'écu (Hoff-
mann, pi. LIV, no H) ; en 1558, le titre fut affaibli de
3 carats; depuis le 18 août 1519 jusqu'en 1539, les écus
d'or furent au titre de 23 carats et à la taille de 71 1/6 au
marc. Ce titre et ce poids durèrent presque pendant tout
le règne de François P^" et pendant tout celui de Henri II.
Quant au cours, il fut d'abord fixé à 2 livres tournois,
puis fut porté, en 1533, à 2 livres 5 sols. Les diverses
émissions furent distinguées par de petits signes qui don-
nèrent lieu à des appellations populaires. On appela écus
d'or à la croisette ceux qui ont au revers une petite croix
carrée à la place delà croix fleurdelisée (Hoffmann, pi. LIV,
n^ 12), et écus à la salamandre ceux oti l'écu du droit est
accosté de deux salamandres (Hoffmann, pi. LV, n° 26).
Un certain nombre de pièces d'or au nom de François P''
et portant d'un côté une tête, de l'autre un écu, sont, non
pas des écus d'or, mais des essais sur or de monnaies d'ar-
gent (testons). François P'^ a émis des écus d'or à Milan.
Henri II, outre les écus et demi-écus d'or, fit fabriquer des
quarts d'écu. Une nouvelle pièce d'or parut : le double
écu, qui fut appelé henri (V. ce nom) et au droit duquel
était gravé le portrait du roi. Sous Charles IX, on fit des
écus d'or toujours au même type de l'écu couronné, au
droit, et de la croix fleurdelisée, au revers, mais dont le
poids fut diminué d'un grain ; le cours fut porté à 50 sols
en 1561, puis à 54 sols en 1573. Les écus d'or frappés
pour le Dauphiné portaient, comme sous les règnes précé-
dents, un écu écartelé de France et de Dauphiné. Sous le
règne de Henri III, on fit des doubles écus d'or, des écus
d'or et des demi-écus d'or. Le 22 sept. 1574, le cours de
l'écu fut fixé à 58 sols et, en 1575, à 60 sols. Mais le
peuple poussa le prix de l'écu jusqu'à 68 sols. Pour arrê-
ter ce désordre, la cour des monnaies présenta au roi et
aux Etats généraux de Blois des remontrances sur le règle-
ment de la monnaie. Un édit conforme fut rendu au mois
de sept. 1577, publié et enregistré au Parlement les 13 et
i8 nov. suivants, et en la cour des monnaies, le 20 du
même mois. Cet édit fixait le prix des écus à 60 sols ; de
plus, le compte par sols et livres fut aboli et remplacé par
le compte à écu ; le compte à sol était une des causes du
surhaussement des espèces, parce que les débiteurs s'effor-
çaient de mettre celles-ci au plus haut prix possible pour
en donner le moins possible ; si l'écii valait 3 livres, il n'en
fallait que trente-trois et un tiers pour faire 100 livres,
au lieu que, s'il ne valait que 50 sous, il en fallait quarante
pour faire la même somme. En 1590, Charles X, cardinal
de Bourbon, fit frapper des écus et demi-écus où il prenait
le titre de roi de France. Depuis la mort de Henri III jus-
qu'en 1594, le peuple fit hausser le cours des monnaies et
donna à l'écu d'or une valeur de 64 sols. En 1594, le roi
fit défense d'exposer l'écu ni de le recevoir pour plus de
60 sols. L'an 1602, le compte à écu fut aboli et le compte
à livre rétabli. L'écu d'or fut mis à 3 livres 5 sols. Henri IV
fit frapper des doubles écus, des écus et des demi-écus. La
croix du revers affecte sur ces espèces des formes diffé-
rentes suivant les émissions ; on appelle écu aux quatre H
celui où les branches de cette croix sont formées de quatre
H fleurdelisés, disposés autour d'un centre quadrilobé.
Louis XIII fit fabriquer des écus et demi-écus du même
titre et du même poids que ceux de son prédécesseur. Le
cours fut porté à 3 livres 15 sols par ordonnance du 5 déc.
1614.
En févr. 1630, on permit par provision que l'écu d'or
s'exposât pour 4 livres 3 sols, et, en juil. 1633, pour
4 livres 6 sols. Le 5 mars 1636, un édit fixa le cours
de l'écu d'or à 4 livres 14 sols ; mais, le 28 juin suivant,
on dut l'augmenter de 10 sols. L'écu et le demi-écu d'or
continuèrent d'être frappés sous le règne de Louis XIV,
toujours au même type et au même titre jusqu'en 1656.
Après cette date, on ne fabriqua plus d'écus d'or. Mais cette
monnaie continua d'avoir cours pendant quelques années
encore. Par déclaration du 4 avr. 1652, le prix de l'écu d'or
fut fixé à 5 livres 14 sols. Puis son cours fut porté en mars
1653 à 6 Hvres 4 sols ; en juin 1653, à 5 livres 19 sols ;
puis diminué, en septembre, à 5 livres 14 sols ; en dé-
cembre, à 5 livres 9 sols ; en avr. 1654, à 5 livres 4 sols.
Mais ce rabais ayant provoqué le transport des monnaies
hors du royaume, le 1^^ janv. 1666, on remit l'écu d'or
au prix de 5 livres 11 sols 6 deniers. L'édit sur les mon-
naies du mois de déc. 1689 fixa le cours de l'écu à 6 livres;
mais jusqu'au 31 avr. 1690 seulement ; ce terme passé,
l'écu ne devait plus avoir cours et ne serait plus payé dans
les hôtels des monnaies. Cependant, nous voyons que le
terme fut prorogé, car un arrêt du conseil du 20 mai
1692 fixait le prix de l'écu d'or à 5 livres 16 sols 6 deniers.
Ce cours resta le même jusqu'à l'arrêt du 16 juin 1693,
qui est le dernier qui mentionne l'écu d'or.
Le type de l'écu a été très répandu, et de nombreuses
pièces d'or ont été frappées par les seigneurs français et les
souverains étrangers à l'imitation de l'écu français. Des
écus d'or ont été frappés en Bretagne, par les ducs Fran-
çois pr (1442-1450), François II (1458-1488); en Aqui-
taine, par Edouard III, roi d'Ani^leterre ; en Béarn, par
Gaston de Foix (1436-1472), François-Phœbus (1472-
1482); en Navarre, par Henri d'Albret (1518-1555),
Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret (1556-1572) ; à
Avignon, par divers papes, et spécialement par Paul III,
en 1535 ; en Flandre, par Philippe le Hardi et Philippe le
Bon ; à Cambrai, par l'archevêque Maximilien de Berghes
(1556-1570), etc.
Ecu d'argent. — On donne le nom de quart d'écu à une
pièce d'argent frappée, pour la première fois, par le roi
Henri III, en oct. 1580. Cette pièce valait le quart de l'écu
d'or, d'où son nom. Elle était au titre de 11 deniers d'ar-
gent fi.n, à la taille de 25 1/5 au marc et avait cours pour
15 sols. Voici la description de cette pièce : HENBICVS*
HPDEPG-FR-ET-POL-REX. Ecu de France, timbré de la
couronne royale, accosté des lettres numérales II II (c.-à-d. 4) ;
en bas, G, lettre indiquant l'atelier de Poitiers. iV4- SIT*
NOMEiN-DOMINPBENED-1587. Croix fleurdehsée (fig. 4).
On frappa en même temps des demi-quarts d'écu, d'un
ECU
- 534 —
Fig.
module plus petit, et où l'ccu est accosté des lettres numé-
rales VllI. La fabrication de ces espèces fut continuée sous
Henri IV, Louis XIII et Louis XIV. Bien qu'un assez grand
nombre de pièces d'argent portent, en France et à l'étran-
ger, depuis le xw^ siècle, un écu dans le champ, on
réserve le nom d'écu à la pièce dont la fabrication fut
ordonnée par Louis XIII, le 23 déc. 1641. Cette pièce est
aussi désignée par les noms de louis d'argent et écu blanc.
Elle était au titre de 11 deniers et à la taille de 8 pièces
11/12 au marc. Elle eut cours pour 60 sols. Voici sa des-
cription : LVDOVICVS-XIII-D-C-FR-ET-NAV-REX. Buste
du roilauré adroite. iV SIT'NOMEN-DOMINLBENEDICTVM-
1641. Ecu de France couronné ; au-dessous, la lettre indi-
quant l'atelier mo-
nétaire (fig. 5). On
fit aussi des écu s de
30 sols, 15 sols et
5 sols. Le cours
des écus varia. En
mars 1653, la va-
leur de l'écu blanc
fut portée à 3 livres
10 sols ; elle fut
ramenée à 3 livres
enavr.l654.L'édit
de déc. 1689 pres-
crivit la fabrication
d'écus d'argent au
titre de 11 deniers
et à la taille de 9 au
marc, ayant cours
pour 66 sols, en d'autres termes 3 livres 6 sols ; les demi-
écus et quarts étaient à proportion ; les écus et demi-écus
devaient avoir sur la tranche la légende Domine salvum fac
regem. Le cours des écus varia sans cesse au xviii® siècle,
mais de 1689 à n09 il ne s'éleva jamais plus haut que 3 livres
16 sols. Le type fut modifié à chaque émission. C'est ainsi
qu'on distingue l'écu du Parlement (avec le Saint-Esprit
portant la sainte Ampoule au-dessus de la tête du roi),
l'écu aux colliers (avec les colliers des ordres autour de
l'écu), l'écu de Flandre dit carambole (avec l'écu de France
écartelé de Bourgogne ancien et moderne), l'écu aux huit L,
de 1689 (où l'écu est remplacé par huit L disposées en
croix). Par édit de mai 1709, il fut ordonné une nouvelle
fabrication d'écus de 8 au marc, appelés écus aux couronnes
à cause des trois couronnes qui ornaient le champ du revers
et y remplaçaient l'écu; ils eurent cours pour 5 livres. En
1713 (30 sept.), ces écus furent réduits à 4 Uvres 17 sols
6 deniers. Le cours de l'écu fut afi'aibh peu à peu et tomba,
au l''^ août 1714, à 3 livres 10 sols. Louis XV ordonna
par édit de déc. 1715 la fabrication d'écus de 8 au marc
qui eurent cours pour 4 livres. Ce furent les vertugadins,
au revers desquels est gravé un écu de France, de forme
ronde, timbré d'une couronne. Un édit du mois de mai 1718
ordonna une refonte générale des espèces et une fabrication
d'écus à la taille de 10 au marc, qui eurent cours pour
6 livres. Ce fut l'écu dit de Navarre, parce que l'écu du
revers est écartelé de France et de Navarre. Le cours de
l'écu fut soumis à des variations incessantes sous le règne
de Louis XV. Le type changea également. On distingue
l'écu de France, l'écu aux huit L, l'écu aux lauriers, l'écu
au bandeau, l'écu de six livres. Des divisions de l'écu, demis,
tiers, sixièmes, huitièmes, douzièmes, seizièmes, etc., furent
émises à plusieurs reprises. De 1726 jusqu'à sa disparition,
Fécu valut 6 livres. On désigne sous le nom d'écu de
Calonne une pièce d'argent frappée en 1786 portant au
droit le buste lauré du roi, tourné à gauche, et au revers
deux L formées de palmes, affrontés et enlacés, timbrés
d'une couronne royale. En 1792, fut frappé l'écu dit
comtitiitionneU dont voici la description : LOUIS XVI
ROI DES FRANÇAIS. Buste du roi à gauche ; au-dessous,
1792. n RÈGNE DE LA LOI. Un géiîie ailé, nu, debout,
tourné à droite, écrivant sur une table le mot CONSTITU-
TION; à l'exergue, L'AN IV DE LA LIBERTÉ. Le dernier
écu frappé fut l'écu dit républicain ayant pour type le
génie de la France, comme au revers de l'écu constitu-
tionnel, et au revers, la valeur de la pièce au milieu d'une
couronne de chêne, avec la légende RilPUBLIQUE FRAN-
ÇAISE, et à l'exergue, L'AN II. Sur la tranche, LIBERTÉ,
EGALITE séparés par le bonnet phrygien, le niveau et
divers ornements. L'adoption du système décimal fit
remplacer l'écu par la pièce de 5 fr. ; mais le nom d'écu
resta longtemps à cette pièce, qu'on appelait vulgairement
écu de 5 fr. L'écu de 6 livres et ses fractions conti-
nuèrent de circuler jusqu'à la promulgation de la loi du
14 juin 1829 qui en ordonna la démonétisation. — On
désigne aujourd'hui
vulgairement par le
mot écu une somme
de 3 fr.
Nous ne saurions
donner ici l'indica-
tion de toutes les
pièces d'argent
étrangères des
xvni^ et xix^ siècles
désignées en France
sous le nom d'écus.
On en trouvera la
liste dans le Traité
des monnaies d'or
et d'argent qui
circulent chez les
différents peu-
ples, par Bonneville (Paris, 1806, in-fol.).
Actuellement, les pièces appelées écus sont : Bolivie,
l'écu d'or, du poids de 4^^388, au titre de 901 mill.
valant 4 piastres 1/4, soit 22 fr. 95 ; le demi-écu du
poids de 2s'-194, valant 2 piastres 1/8, soit 11 fr. 47. —
Chili, l'escudo ou pièce de 2 pesos, du poids de 3&'^050,
au titre de 900 mill., valant 9 fr. 45. — Espagne, la
pièce d'or de 4 escudos, du poids de 3^^355, valant
10 fr. 40, celle de 2 escudos, du poids de lg^'677,
valant 5 fr. 20, toutes deux au titre de 900 millièmes ;
l'escudo d'argent, du poids de 12^^980, au titre de 900
milHèmes, valant 10 réaux ou 2 fr. 60. — Etats pon-
tificaux (anciennes monnaies), les pièces d'or de 10 scudi,
5 scudi et 2 scudi 1/2, pesant respectivement 178^336,
8g^668 et4g''334, au titre de 900 mill., valant 53 fr. 60,
26 fr. 80 et 13 fr. 40; le scudi, pesant 18^33, valant
5 fr. 36; en argent, les scudi de 100, 50 et 20 bajocci
au même titre que les pièces d'or pesant respectivement
268^835, 13^^417 et 5^^ 367, valant 5 fr. 36, 2 fr. 65,
1 fr. 08 ; les scudi de 10 et 5 bajocci, du poids de 2-^683
et 1S'-341, au titre de 800 mill., valant 0 fr. 59 et 0 fr. 26.
— ISaples et Deux-Siciles (anciennes monnaies) . En argent,
l'écu de 12 carlins, pesant 278'' 619 et valant 5 fr. 10 ;
l'écu de 18 carlins pesant 228^810, valant 4 fr. 25, ces
deux pièces au titre de 833 mill. M. Prou.
IIL Art héraldique. — Fond sur lequel sont repré-
sentées les figures héraldiques composant un blason, terme
générique des armoiries d'un chevalier, d'une famille, d'une
nation : Vécu de France. 11 symbolise le bouclier, la cotte
d'armes, la bannière ; aussi sa forme n'est-elle pas identique
à tous les temps et dans toutes les nations. L'écu français
eut d'abord la forme exacte du bouclier, et les hérauts
d'armes lui assignèrent celle qui est encore en usage de nos
jours (V. Blason), mais on en vit de triangulaires et de
carrés. Ces derniers se nomment des écus en bannière. L'écu
d'une fille non mariée a la forme d'un losange ou d'un
ovale ; celui d'une femme mariée est placé à côté de celui
de son époux (lorsqu'on regarde deux écus ainsi accolés,
celui de dextre est celui du mari, celui de senestre celui de
la femme) ; une seule couronne les surmonte, celle du mari.
Deux écus d'Etats réunis sous la même souveraineté sont
aussi accolés et surmontés de la couronne du souverain :
^ 535 -
ECU - ECUBIER
tels les écus de France et de Navarre. Les écus étrangers
se reconnaissent à leur forme particulière, aux angles du
chef prolongés en pointe (fig. 6). Les anciens écus alle-
mands ont la forme représentée fig. 7 ; toutefois, les mo-
dernes ont la même forme que les écus français. Les écus
Fig. 6.
Fig. 7.
italiens sont souvent représentés comme dans la fig. 8.
Les écus de la Russie du Nord et surtout de la Pologne,
ont d'ordinaire la forme donnée dans la fig. 9. Le blason
en usage dans la Confédération helvétique est représenté
Fis. 8.
Fig. 9,
fig. 40; Técu espagnol et l'écu portugais ressemblent à
l'écu français, avec cette différence qu'il est rond dans le
bas (fig. 11). On rencontre aussi sous cette forme l'an-
cien écu flamand. Tous les écus d'une nation ne sont pas
Fig. 10.
Fig. 11.
semblables à ceux ci-dessus désignés, mais tous ceux qui
ont la forme décrite appartiennent aux Etats indiqués. On
voit aussi en France, comme ailleurs, des écus penchés
à droite ou à gauche. Cette posture n'a aucune significa-
tion; elle est due généralement à des exigences décora-
tives, quand il s'agit d'orner un dessus de porte, un
cadre, etc. Il reste, après avoir constaté la provenance par
la forme, à la deviner par quelques autres indices : beau-
coup de blasons français sont d'azur (bleu) à l'imitation
de celui du souverain, de même que nombre d'écus bretons
sont d'hermine, parce que les ducs de Bretagne portaient
d'hermine. Au contraire, les fonds de gueules (rouges)
dénotent des écus de Bourgogne. Beaucoup de croix meu-
blent les écus français en souvenir des croisades ; beau-
coup de tours et de châteaux sur les écus de Guyenne, de
Gascogne. Sur ceux de Picardie,, nombre de lions et de
léopards ; sur ceux du Dauphine des chefs, etc. Les écus
anglais sont beaucoup plus chargés que ceux de France,
beaucoup de partitions et de pièces les meublent, de même
que les écus espagnols et portugais. Chacun d'eux est une
véritable carte d'échantillons; à côté de pièces honorables,
on y voit des objets d'un usage journalier, puis des lions,
des fleurs, des coquilles. Les écus hollandais sont fré-
quemment de sinople (verts), symbole du sol couvert de
prairies, les fasces ondées ; les pals sont très employés ; ils
représentent les rivières et les canaux. Les écus suédois
sont aussi couverts de fasces, de bandes ondées, des ins-
truments de pêche ou de chasse, occupations des nobles.
L'écu itahen exprime souvent par sa composition le nom de
son possesseur, les armes parlantes y sont très répandues.
L'usage est de placer l'écu dans un cartouche. La plupart
des écus danois sont diaprés ; les écus polonais sont presque
tous de gueules ; les écus russes sont fertiles en figures
d'animaux, de chasse et de guerre ; le gueules étant la
couleur caractéristique des premiers habitants de la Suisse,
il se retrouve sur beaucoup d'écus de la Confédération.
L'écu représenté sur un blason change de nom et devient
un bouclier qu'on appelle targe. C'est un symbole de la
noblesse militaire. H. Gourdon de Genouillac.
IV. Ordres. — Ordre de l'Ecu d'or. — Créé en France
le l^^janv. 1369, par Louis II dit le Bon, duc de Bourbon,
dans le dessein de récompenser, lors d'une assemblée qui
se tint à Moulins, les principaux gentilshommes de sa cour
qui lui avaient donné des preuves d'aftection et de dévoue-
ment. Les chevaliers portaient comme signe distinctif un
écu d'or à la bande d'azur chargée du mot allen allen.
L'ordre fut réuni à celui de Notre-Dame-du-Chardon peu
de temps après 1403. H. Gourdon de Genouillac.
V. Astronomie. — Ecu de Sobieski. — On nomme
ainsi une constellation placée par Hévélius dans l'hémis-
phère austral entre Antinous, le Sagittaire, le Serpent, le
Serpentaire, le Taureau royal de Poniatowski et l'Aigle.
BiBL. : Archéologie. — Viollet-le-Duc, Dictionnaire
du mobilier français^ t. V, p. 340, art. Ecu. — Wendelin
Bœheim, Handbuch der Waffenkunde ; Leipzig, 1890,
in-4. — H. DE CuRzoN, la Règle du Temple^dans la Société
de l'histoire de France; Paris, 1886. — Antoine de La
Salle, Traité des tournois. — La Curne de Sainte-
Palaye, Mémoires sur l'ancienne chevalerie ; Paris, 1779-
1780, 3 vol. in-12. — Le Père Ménétrier, Traité des
tournois^ etc. ; Lyon, 1669, in-4. — Meyrick, History
of ancients armours ; Londres, 1830, 3 vol. in-4, atlas
paru en 1854. — Hefner-Alteneck, Costumes du moyen
âge chrétien; Mannheim, 1840-54.— Hewit, Ancients
Armours and weapons ; Londres, 1859, 3 vol. in-8. —
Specht, Gesicht der Waffen; Leipzig, 4 vol. in-8. —
Marc VuLSON de La Colombière, le Vrai Théâtre d'/ion-
neur ; Paris, 1648, 2 vol. in-fol. — Et les traités sur les
tournois : les Tournois du roi René ; Paris, 1889, in-4. —
Les Tournois de Chauvency, décrits par Breton; Valen-
ciennes, 1835, in-8. — L'Epervier d'or (description des
joutes et tournois à Lille) ; Paris, 1839, in-8. — Le Pas
d'armes de la bergère. Cérémonies des gages de bataille
(dans la collection Crapelet). — Olivier de La Marche,
Traité des tournois; Paris, 1870, in-8. •— Godefroy, Céré-
monial français; Paris, 1649, in-5. — Maurice Maindron,
les Armes ; Paris, 1890, in-8 (Bibliothèque de TEnseigne-
ment des Beaux-Arts). — Demay, le Costume d'après les
sceaux., 1885, in-8.
Numismatique. — Le Blanc, Traité historique des mon-
noies de France ; Paris, 1690, in-4. — Prix des monnoies
de France; Nantes, 1732, in-4. — Abot de Bazinghem,
Traité des monnaies., Paris, 1764, in-4. — Hoffmann, les
Monnaies royales de France; Paris, 1878, in-fol. — De
Saulcy, les Ecus d'or à la couronne., dans Annuaire de la
Soc. de num.., t. V, p. 143. — R. Vallentin, les Ecus d'or
avignonais du pape Paid III ; Paris, 1890, in-8 (extrait de
l'Annuaire de la Soc. de num.).
ECUADOR (V. Equateur [République de 1']).
ÉCUANTEUR (Carross.). Inclinaison des raies sur le"
moyeu d'une roue (V. Carrosserie, t. IX, p. 556).
ÉCUBIER (Mar.). Les écubiers sont des trous horizon-
taux et ronds pratiqués sur l'avant dans les joues du navire,
pour livrer passage aux câbles et aux chaînes attachés aux
ancres. Ils sont situés à gauche et à droite de l'étrave ;
leurs axes sont parallèles à la quille ; ils s'alignent sur
les seuillets de sabords des batteries. Leur nombre varie sui-
vant la force et le type du bâtiment. Ils sont garnis de
manchons munis d'oreilles épaisses, en fonte de fer, qui
protègent les vaigres et le bordé, c.-à-d. les deux côtés de
la muraille du navire contre le frottement des chaînes.
Chaque écubier est entouré d'un encadrement qui dépasse,
par l'épaisseur des tringles, le dehors de l'oreille exté-
rieure du manchon : cet encadrement reçoit un mantelet
de fermeture. Un chemin de fer destiné à facihter la course
des câbles, chaînes, ainsi que l'action de linguet qui a pour
ÉCUBIER — ÉCURAGE
— 536
but de les arrêter à volonté, s'y prolonge quelquefois jus-
qu'au dehors de l'écubier. On donne aussi le nom d'écu-
biers aux ouvertures pratiquées sur le pont et garnies d'un
manchon de fer qui servent de passage aux chaînes qu'on
haie de l'intérieur du navire.
ECU BLE. Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. de Dreux,
cant. de Châteauneuf-en-Thimerais ; 400 hab.
ECU BLENS. Village de Suisse, cant. de Vaud, à 8 kil. à
rO. de Lausanne ; 640 hab. Ce village, qui est fort ancien
— on le trouve mentionné déjà en 969 — était le siège
d'une ancienne famille féodale qui remonte au xii"^ siècle
et a joué un certain rôle dans l'histoire de l'évêché de Lau-
sanne. La famille d'Ecublens s'est éteinte vers la fin du
XV® siècle. E. K.
ECU El L. Com. du dép. de la Marne, arr. de Reims,
cant. de Ville-en-Tardenois ; 302 hab.
ECU El LIÉ. Ch.-l. de cant. du dép. de l'Indre, arr. de
Châteauroux; 1,939 hab.
ÉCUELIN. Com. du dép. du Nord, arr. d'Avesnes, cant.
de Berlaimont ; 445 hab.
ECU ELLE. L Archéologie. — Vase de métal, de faïence
ou de bois, à deux oreilles, dont on se sert pour prendre
du bouillon ou pour manger la soupe. L'écuelle est de tous
les temps, et son usage est général. La matière seule dont
elle est formée varie suivant les classes auxquelles elle est
destinée. Dans les palais et les châteaux, elle était d'or et
d'argent ; dans les maisons bourgeoises, de métal commun
ou de faïence, tandis que le pauvre et le paysan se conten-
taient d'écuelles de bois. De nos jours, l'usage de l'écuelle
a été remplacé par celui des assiettes ; à peine en trouve-
t-on de rares spécimens dans les provinces reculées. Pen-
dant le moyen âge, l'écuelle (escuelle) était un des meubles
essentiels du service de la table. Celles que possédaient
les souverains de la race des Valois sont détruites pour
la plupart; mais on conserve dans nos musées et dans
nos collections particulières des pièces datant des xvi® et
xvn® siècles, que la richesse de leur matière et la finesse de
leur exécution condamnait à n'être jamais que des orne-
ments de buffet d'apparat. On possède également des
écuelles en émail peint que le talent de Léonard Limosin
et des artistes de Limoges ont transformées en chefs-
d'œuvre de l'art. Il entrait dans les habitudes anciennes
d'offrir, aux femmes accouchées, la soupe dans une écuelle
à oreilles et à couvercle placée sur une assiette. Les faïen-
ciers de l'Italie, et plus tard ceux de Rouen, se plurent à
revêtir ces humbles vases de leurs peintures les plus har-
monieuses. La mode des écuelles d'accouchées, exécutées en
argent ciselé ou en étain gravé, persista en France jusqu'à
la fin du xviii® siècle.
II. Botanique. — Ecuelle d'eau (V. Hydrocotyle) .
ÉCUELLE (Scutella). Com. du dép. de la Haute-
Saône, arr. de Gray, cant. d'Autrey; 173 hab. Tuilerie.
Entre le bois de la Gravotte et le village, voie antique,
autour de laquelle on a trouvé des tuiles, des monnaies,
des objets en bronze et des morceaux de sculpture remon-
tant à répoque romaine. Les bénédictins de l'abbaye de
Montiéramey avaient fondé au xii® siècle à Ecuelle un
prieuré qu'ils transférèrent à Morey au xvii^. Les derniers
seigneurs d'Ecuelle furent M. de Lacoré et M^« de Lorges.
ÉCUELLES (Scovella, Scutella). Com. du dép. de
Saône-et-Loire, arr. de Chalon-sur-Saône, cant. de Verdun-
sur-le-Doubs, sur la Saône; 665 hab. L'abside de l'église
est du XV® siècle. Le château, dont les quatre tours remon-
tent au moyen âge, mais dont la façade a été décorée de
médaillons de la Renaissance, a appartenu à Anne de La
Tour et à Philippe Lebel au xvii® siècle, et aux de Tessey
au XVIII®. Au hameau de Molaise, il y avait avant la Ré-
volution une importante abbaye de femmes de l'ordre de
Cîteaux. L-x.
ÉCUELLES. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr. de
Fontainebleau, cant. de Moret; 334 hab.
ÉCUILLÉ. Com. du dép. de Maine-et-Loire, arr. d'An-
gers, cant. de Tiercé, à la source de la Suine; 586 hab.
Source minérale. Sur le territoire de cette commune est le
château de Plessis-Bourré, qui doit son nom au ministre de
Louis XI, Jean Bourré, dont il fut la propriété. Le château
actuel, entouré de larges douves, date de la seconde moitié
du XV® siècle; c'est un quadrilatère presque régulier dont
les côtés ont de 60 à 70 m. et dont chaque angle est pro-
tégé par une tour engagée. Celle du S-E., plus forte que
les autres, constituait le donjon. La salle des gardes a
conservé un curieux plafond de bois dont les peintures, qui
datent du xv® siècle, représentent des proverbes en action
accompagnés de légenc^es en vers.
ECU IRES. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. et cant.
de Montreuil-sur-Mer ; 600 hab.
ÉCUISSES. Com. du dép. de Saône-et-Loire, arr. de
Chalon-sur-Saône, cant. de Buxy, près le canal du Centre;
1,724 hab. Carrières, moulin, fours à chaux, tuilerie, bri-
queterie, huilerie. Ancien château de la Motte.
ÉCULLEVILLE. Com. du dép. delà Manche, arr. de
Cherbourg, cant. de Beaumont-Hague ; 102 hab.
ÉCULLY. Com. du dép. du Rhône, arr. de Lyon, cant.
de Limonest, sur une colline dominant le faubourg de Vaise;
3,336 hab. Pépinières. Ateliers de construction de matériel
de chemins de fer. Fontaine pétrifiante.
ÉCUME. I. Minéralogie. — Ecume de mer. — Va-
riété de magnésite, silicate hydraté de magnésie. Ce minéral
doit son nom à sa faible dureté (2,5) et à sa faible densité
(1,2 à 1,6) jointes à une grande porosité. Il est blanc ou
jaunâtre, happe à la langue, est doux au toucher et sus-
ceptible de prendre le poli. On le trouve en Asie Mineure,
en Grèce, etc., en rognons à cassure terreuse. L'écume de
mer est employée dans l'industrie pour la fabrication des
pipes. Au chalumeau, cette substance s'arrondit, noircit,
puis blanchit en fondant sur les bords en émail blanc. Dans
le tube fermé, elle donne de l'eau. Attaquée par l'acide
chlorhydrique. A. Lacroix.
II. Chimie industrielle. — Ecume de défécation
(V. Sucre).
III. Métallurgie. — ■ Dans la fonte des métaux, on
appelle écume les parties impures du métal qui remontent à
la surface et se trouvent en contact avec l'air. Avant la
coulée d'une statue, on enlève cette partie, au moment de
verser le liquide dans le moule, à l'aide d'un ringard.
IV. Botanique. — Ecume printannière (V. Aphro-
phore).
ÉCURAGE. Les produits employés pour l'écurage ou le
récurage du cuivre, du fer et, en général, des ustensiles de
cuisine sont très nombreux. Sans compter les feuillages ou
herbes à sucs acides, très employés dans les campagnes ,
on peut les diviser en deux classes : les compositions acides
dissolvant les oxydes et les sulfures formés à la surface du
métal, et celles à base de corps gras qui ont pour but de
détacher, de détruire l'adhérence de ces oxydes et du métal.
Compositions acides. Un des produits les plus em-
ployés est l'acide oxalique, qu'on appelle communément
dans le commerce « acide de sucre », ou le bioxalate de
potasse, plus connu sous le nom de sel d'oseille, en solu-
tion dans l'eau à raison de 3 <^/o. On les additionne sou-
vent d'acide chlorhydrique ou sulfurique, d'alun et de terre
pourrie ou de tripoli. Voici une composition que l'on ren-
contre assez souvent dans le commerce : eau, 1,000 gr. ;
acide oxalique, 10 gr. ; acide sulfurique, lOgr., ou acide
chlorhydrique, 15 gr. ; a^un, 20 gr. L'acide oxalique entre
dans presque toutes les compositions de ce genre à cause
de la facilité avec laquelle il se combine aux oxydes et de
la solubilité des sels formés.
Compositions grasses. Celles-ci sont de beaucoup les
plus nombreuses ; presque toutes les matières grasses ont
été employées, les huiles végétales aussi bien que les
graisses, animales ou minérales, soit seules soit mélangées
entre elles. Elles sont toujours additionnées d'une matière
pulvérulente qui a pour action de faciliter le départ des
537 —
ÉCURAGE — ÉCUREUIL
oxydes et surtout de polir la surface métallique nettoyée ;
quelques-unes contiennent même un acide dissous ou émul-
sionné dans la matière grasse. Nous ne donnerons pas leur
composition ; elle est peu intéressante, les proportions entre
les différents éléments n'influant pas sensiblement sur le
résultat final. Nous nous contenterons de citer les corps les
plus employés. En première ligne arrive l'oxyde de fer,
désigné sous le nom de colcotar ou rouge d'Angleterre,
puis le tripoli qui est parfois simplement délayé dans l'eau,
la terre pourrie, la terre d'infusoires, le blanc d'Espagne
et certains grès à grains excessivement fins. On vend enfin
dans le commerce un mélange de caoutchouc ou de gutta-
percha et de rouge d'Angleterre pour nettoyer les objets
en cuivre, laiton et acier. Ch. Girard.
ECU RAS. Com. du dép. de la Charente, arr. d'Angou-
léme, cant. de Montbron; 1,641 hab.
ECU RAT. Com. du dép. de la Charente-Inférieure, arr.
et cant. (S.) de Saintes; 326 hab. On y a trouvé des
tombelles et monuments celtiques, et on y remarque
l'église romane de Saint-Pierre-ès-liens.
BiDL. : R.-P. Lesson, Fastes historiques du dép. de la
Charente-Inférieure ; Rochefort, 1842-1845, II, p. 52. —Du
même. Lettres historiques sur la Saintonge et l'Aunis ;
La Rochelle, 1840, pp. 52 et suiv.
ECUREUIL(Scmrws). I. Zoologie. — Genre de Mammi-
fères de l'ordre des Rongeurs, devenu le type d'une nom-
breuse famille {Sciuridœ) qui présente les caractères
suivants : molaires au nombre de quatre paires à chaque
mâchoire et souvent de cinq paires à la supérieure ; sur ce
chiffre il y a une ou deux prémolaires en haut suivant les
espèces et toujours une seule en bas. Ces dents sont radi-
culées et à couronne tuberculeuse, au moins dans le jeune
âge. Crâne muni d'apophyses postorbitaires bien dévelop-
pées ; trou sous-orbitaire petit, ordinairement situé en avant
de l'arcade zygomatique ; le palais est large, Msse. La queue
est cylindrique, poilue. Les clavicules sont bien dévelop-
pées ; tous les animaux de cette famille se servent de leurs
pattes antérieures comme de mains. — Les Sciuridés se
subdivisent en deux sous-familles : Sciurinœ ou Ecureuils
proprement dits, qui renferment les formes arboricoles;
Arctomyinœ ou Marmottes (V. ce mot), qui sont des
Ecureuils à formes plus lourdes, à mœurs terricoles, ayant
les pattes conformées pour fouir et non pour grimper. —
Les véritables Ecureuils se reconnaissent à leurs incisives
comprimées, leurs formes légères et leur queue longue.
Ils sont cosmopolites, à l'exception de la région austra-
lienne, et leurs nombreuses espèces ont été réparties
entre les genres Pteromys, Eupetaurus, Sciurus, Rhei-
throsciurus, Rhinosciurus, Xerus et Tamias. La taille
varie de celle d'un Lièvre ou d'une Marmotte à celle d'une
Souris. ^ .
Les Pteromys (Cuv.) ou Ecureuils-volants, dont le
genre Sciuropterus (F. Cuv.) ou Polatouche, qui com-
prend les plus petites espèces, constitue tout au plus un
sous-genre (Alston), se distinguent des autres Ecureuils
par le prolongement de la peau des flancs qui enveloppe
les quatre membres jusqu'aux pieds, formant ainsi une sorte
de parachute que l'animal déploie à volonté ; la queue est
longue, touffue. Les molaires ont ordinairement leur cou-
ronne usée de très bonne heure, mais chez quelques
espèces (sous-genre Sciuropterus) cette couronne reste tu-
berculeuse toute la vie. Il y a deux prémolaires supérieures,
dont la première est rudimentaire. — Une espèce de ce
genre vit dans le N. de l'Europe : c'est le Polatouche
(Sciuropterus volans) que l'on trouve dans les forêts de
la Volhynie (Pologne russe), et de là vers le N. jusqu'en
Laponie et dans la plus grande partie de la Sibérie. C'est
un gracieux animal, un peu plus petit que notre Ecureud
d'Europe, à pelage doux et fin, d'un gris cendré dessus,
blanc dessous avec la queue touffue et distique, c.-à-d.
ayant les poils disposés comme les barbes d'une plume. Il
vit sur les arbres, se nourrissant de graines et de fruits;
mais, comme il est nocturne, ce n'est guère que le soir
qu'il se met en mouvement. Il déploie alors une très grande
agilité, se servant du parachute que lui fournit la mem-
brane de ses flancs pour sauter d'un arbre à l'autre avec
une légèreté comparable à celle d'un oiseau : c^est ce qui
lui a valu le nom à' Ecureuil-volant. Ce prétendu vol n'est
qu'une sorte de glissade, dans laquelle l'animal utilise la
résistance de l'air et atténue l'action de la pesanteur de
manière à rendre ses sauts moins obliques et à les rap-
procher de la ligne horizontale. L'Assapan de Sibérie, con-
fondu à tort avec le S, volucella, ne diffère pas du Pola-
touche que le 5. momoga remplace au Japon, et le
S. volucella dans toute l'Amérique du Nord.On trouve aussi
des Polatouches dans les régions montagneuses et boisées
de la zone intertropicale : tels sont les 5. sagittaei S. ge-
nibarbis de Java, S. spadiceus. S, Horsfieldiy S, mela-
notis et S. pulverulentus de Cochinchine ; plus au N.^ on
trouve dans le Yunnan, le Népaul et le S. de la Chine,
les 5. alboniger et 5. Pearsonii,
Les Pteromys sont des Polatouches de plus grande taille
et à molaires plus rapidement usées et dépourvues de
tubercules, ce qui semble indiquer une nourriture plus
dure et moins choisie que celle des précédents, bien qu'elle
consiste également en fruits et en jeunes pousses que ces
animaux cherchent sur les arbres. On a constaté qu'ils
s'engourdissent pendant l'hiver. Tous sont nocturnes, et les
Fig. 1. — Pteromys alborufus.
espèces, assez nombreuses, sont propres au continent asia-
tique et aux îles qui en dépendent. Elles sont généralement
parées de couleurs vives et tranchées, mais sujettes à varier,
suivant l'âge, les localités et les saisons comme celles de
tous les Ecureuils. Le Pétauriste {Pt. petaurista) ou
Taguan de Ruffon est marron foncé tiqueté de blanc. Il
habite l'Inde continentale et Ceylan. Jerdon dit avoir vu
un de ces animaux franchir d'un seul élan, grâce à son
parachute, une distance de plus de 50 m. Le Pt. magni-
ficus d'Hodgson est marron dessus, roux vif dessous, avec
la face et la queue de cette même couleur et celle-ci ter-
minée de noir. Il est des monts Himalaya. C'est aussi la
patrie du Pt. albiventer qui s'étend jusqu'au Cachemire
et duP^. fimbriatus. LePt. fuscocapillus est du S. de
l'Hindoustan (monts Nilgherries) et de Ceylan. Plus à PE.
on trouve, dans la Malaisie, les Pt. elegans, Pt. nitidus
(Desmarest), Pt. phœomelas et Pt. tephr orne las (àe Java,
Sumatra, Bornéo et Malacca). Le Pt.pectoralis est de l'île
de Formose et le Pt. leucogenys du Japon. Au N. des
monts Himalaya, le genre est aussi représenté, en Chine
par le Pt, xanthipes, au Tibet par les Pt, melanopterus
ECUREUIL
- 538
eialborufus (Milne Edwards). Ce dernier atteint une assez
grande taille, comme le montrent les beaux exemplaires
rapportés récemment par Bonvalot et le prince d'Orléans
de leur voyage dans l'Asie centrale. Le pelage est marron
avec une grande tache rousse sur le milieu du dos, le des-
sous et la tête variés de blanc et la queue noire. Le genre
Eupetaiirus (Thomas) a pour type une espèce du Cache-
mire [E. cinereus) qui se distingue de tous les Sciuridœ
par ses dents molaires très élevées et semblables à celles
des Hystricomorpha,
Le genre Ecureuil {Sciurus) proprement dit comprend
toutes' les espèces dépourvues de parachute, à habitudes
franchement arboricoles, à formes légères et élancées, à
queue généralement longue et touffue, en panache, à oreilles
bien développées, souvent terminées par un pinceau ou
touffe de poils. Il n'y a pas d'abajoues. La première pré-
molaire supérieure est tantôt présente et bien développée,
tantôt rudimentaire ou nulle, suivant les espèces. La taille
varie depuis celle du Lièvre jusqu'à celle d'une Souris. Le
nombre des espèces de ce genre, presque cosmopolite (plus
de soixante-quinze d'Europe, d'Asie, d'Afrique et des deux
Amériques) a encore été exagéré par les auteurs qui ont
fondé de nombreuses espèces nominales sur des variations
de saisons et d'âge. On peut se faire une idée des pre-
mières d'après les changements qui s'opèrent chez notre
Ecureuil d'Europe qui, roux en été, devient d'un gris foncé
en hiver. Ce changement est surtout manifeste dans la
variété de cette espèce propre au N. de la Russie et de la
Sibéri e et désignée sous le nom de Petit-Gins, Une autre
variété propre'à nos montagnes d'Europe (Sciurus alpi-
nus F. Cuv.) est presque noire avec des tiquetures jau-
nâtres. — Chez certaines espèces propres au S. de l'Asie
et à la Malaisie, on constate des variations de pelage plus
considérables encore, comparables à celles que l'on con-
naît chez les Oiseaux et constituant un véritable pelage de
noces. C'est ainsi que le mâle du Sciurus caniceps (Cray)
de Cochinchine, ordinairement de couleur grise, prend en
décembre une robe d'un bel orangé vif (Se, erythrœus
Desm.), quelquefois entièrement noire (Se. Germani)^ qu'il
garde jusqu'en mars, c.-à-d. pendant toute la saison des
noces. Une autre espèce encore plus variable, le Se, Pre-
Fig. 2. — Sciurus Prevostii (de la Malaisie).
vostii (Desmarest), qui s'étend de l'Indo-Chine à Célèbes
à travers toute la Malaisie, est remarquable par les bandes
de couleur tranchées (ordinairement une ligne noire au-
dessous d'une ligne blanche) que présentent les flancs, et
ses teintes sont si variables qu'on trouve difficilement deux
individus absolument semblables. D'après Andersen, ces
bandes constituent une livrée de passage entre la livrée du
jeune et le pelage de l'adulte. Le jeune est d'abord gris
avec le ventre roux ou blanc ; à mesure qu'il devient adulte,
le gris du dos passe au noir en commençant par la ligne
médiane et envahissant peu à peu les flancs, et le ventre
passe au roux bai. Les lignes latérales plus ou moins larges
que portent beaucoup d'individus sont des restes de la
livrée du jeune âge : l'adulte (décrit sous le nom de Se.
atricapillus) est noir dessus, marron dessous, sans bandes
latérales, ou même entièrement noir {Se, pluto). Un grand
nombre d'espèces nominales ne sont fondées que sur ces
livrées de passage, que des variations locales viennent
encore compliquer. — On a essayé de subdiviser le genre
Sciurus d'après les caractères dentaires et la distribu-
tion géographique : mais ces coupes n'étant pas toujours
naturelles, nous ne tiendrons compte ici que de l'ordre
géographique , les espèces eurasiatiques , africaines ou
américaines ayant chacune un faciès particulier (teintes du
pelage, etc.) qui permet de reconnaître à première vue
leur patrie d'origine. Tous d'ailleurs ont, à peu de choses
près, les mêmes mœurs que notre Ecureuil d'Europe.
L'Ecureuil commun ou d'Europe (Sciurus communis)
est la seule espèce qui habite notre pays. Il est de taille
moyenne (2 décim. de long et à peu près autant pour la
queue), avec les oreilles terminées par une longue touffe
de poils (pinceau), et la queue touffue, relevée en panache.
Comme nous l'avons dit, son pelage d'été est d'un roux bai
brillant, blanc en dessous ; celui d'hiver est plus ou moins
mêlé de gris avec le bout de la queue brun foncé, et dans
les montagnes (Alpes, Pyrénées) on trouve une variété
(Se, alpinus) de couleur brun foncé tiquetée de jaune
avec le dessous blanc. Ce n'est que dans les pays du Nord
que cette fourrure prend, en hiver, cette belle teinte grise
uniforme, tranchant avec le blanc du ventre, qu'on appelle
petit-gris. L'espèce s'étend à travers tout le N. de l'Asie,
jusqu'aux environs de Pékin, en Chine, et les individus
provenant de cette localité ont la même teinte d'un brun
foncé qui caractérise l'Ecureuil alpin. On trouve d'ailleurs
tous les intermédiaires. La même espèce vit aussi dans le
N. du Japon. On rencontre, même en France, des Ecu-
reuils noirs, gris perle et même entièrement blancs (albi-
nisme). — L'Ecureuil habite de préférence les grandes
forêts de pins, où iL passe facilement d'un^arbre à l'autre
en sautant de branche en branche avec une agilité extrême.
Il se nourrit de fruits tels que glands, famés, noix et
noisettes, de semences et de bourgeons de pins et de sa-
pins, quelquefois d'œufs d'oiseaux. Il construit son nid à
la cime d'un arbre élevé ; ce nid, formé de bûchettes en-
trelacées, est un abri couvert, de forme ronde et garni de
mousse. Un couple a souvent plusieurs de ces nids. En
outre l'Ecureuil fait de petits magasins où il amasse des
fruits et des graines pour l'hiver et les jours de pluie ou
de vent, qu'il redoute beaucoup, et pendant lesquels il ne
quitte pas sa demeure. En tout temps il y dort 'une bonne
partie de la journée. Ses ongles pointus et recourbés lui
permettent d'escalader les arbres les plus élevés, et tous
ses mouvements sont vifs et gracieux ; même à terre il
court avec rapidité. Sa voix est un petit murmure qui
indique la satisfaction et se change en un sifflement aigu
quand il est effrayé ou poursuivi. Son principal ennemi,
après l'homme, est la Martre quia comme lui des habitudes
arboricoles.
La reproduction commence en mars ; les mâles se battent
pour la possession des femelles. La gestation est de quatre
semaines et chaque portée de trois à sept petits. La femelle
choisit pour mettre bas l'un des nids, ou de préférence le
creux d'un tronc d'arbre, qu'elle garnit mollement. Les
petits n'ouvrent les yeux qu'au bout de neuf jours :1a mère
veille sur eux et les transporte, quand elle est inquiétée,
d'un nid à l'autre. En juin, il y a d'ordinaire une seconde
portée moins nombreuse et la mère veille alors sur les
petits des deux portées, car on rencontre des bandes de
douze à quinze individus. — L'Ecureuil est incontestable-
ment un animal nuisible dans les grandes forêts, où il se
multiplie beaucoup, détruisant les bourgeons et les jeunes
pousses des pins et des sapins, saccageant le nid des oiseaux
insectivores. Malgré sa petite taille, sa chair est assez
bonne pour qu'on le considère comme un gibier, et sa peau
n'est pas sans valeur, bien que celle des Ecureuils du Nord
soit seule recherchée comme fourrure.
L'Asie, en y comprenant la Malaisie, peut être consi-
dérée comme la véritable patrie des Ecureuils, car elle
possède à elle seule plus d'espèces que l'Europe, l'Afrique
— 539 —
ÉCUREUIL
et TAmérique ensemble. En outre, c'est là que l'on trouve
à la fois les plus grandes et les plus petites espèces. L'Eu-
rope n'a qu'une seule espèce, l'Amérique dix, l'Afrique
seize, tandis que l'Asie possède plus de trente véritables
Ecureuils. Le nombre et la variété de ces animaux aug-
mente en allant du N. au S., et c'est dans les grandes îles
de Sumatra et Bornéo qu'ils sont le plus nombreux. On
n'en trouve plus à l'E. de Célèbes, mais le Japon en pos-
sède au moins deux espèces. — Un premier groupe {Eos-
ciurus Trt.) comprend de grandes espèces, deux ou trois
fois plus grosses que l'Ecureuil commun, à queue très
touffue, plus longue que le corps, parées, comme tous les
Ecureuils asiatiques, de couleurs vives et tranchées. Tous
habitent les forêts montagneuses de la région orientale.
Tel est l'EcuREuiL du Malabar (Sciurus indiens ou
maximus) qui habite l'Inde (monts Ghats et Tarai). Il
est d'un brun marron pourpré dessus, fauve orange des-
sous, avec la queue unicolore, d'un brun presque noir. Les
oreilles sont terminées par une longue touffe de poils mar-
ron. — Des espèces très voisines sont : les Se, giganteus,
de l'Himalaya, de la Cochinchine et de Bornéo ; Se. bico-
lor de Sumatra et Java ; Se. albiceps de l'Indo-Chme et
des trois grandes îles malaises avec Malacca : ce dernier
n'a pas de pinceaux aux oreilles, et le ventre est souvent
blanc et non fauve doré. Une espèce plus différente est le
Se. zeylanieus de Ceylan, qui a deux prémolaires supé-
rieures bien développées (tandis que les autres grandes
espèces n'en ont qu'une); la queue est d'un blanc pur, et
les oreilles portent un pinceau.
Les espèces dg la taille de rEcureuil commun ou un peu
plus grandes sont nombreuses en Asie. Leur queue dé-
passe rarement la longueur du corps ou est plus courte.
La plupart ont deux prémolaires supérieures. Notre Seiu-
Tus vulgaris est l'espèce qui remonte le plus vers le N. ;
sa limite méridionale s'étend du Caucase au Japon à travers
le Tibet et le N. de la Chine. Dans le S. du Japon, il est
remplacé par le Se. lis, qui se trouve près de Yeddo. En
Asie Mineure et même déjà dans le S. de la Russie et de
là dans le N. de l'Arabie et la Perse, on trouve le Se. sy-
riaeus qui est d'un fauve pâle. Le Se. Alstoni, de Bor-
néo, a de longs pinceaux blancs aux oreilles. Le Se. hip-
purus, de Malacca, Sumatra et Bornéo, a la queue si
touffue qu'on lui a donné le nom à'Eeureuil ci queue de
cheval. Les Se. erythrœus, Se. lokriah, Se. lokroïdes,
Se. Permji, Se, Davidianus (celui-ci muni d'abajoues
rudimentaires qui
indiquent un pas-
sage aux TamM^),
Se. eanieeps,
Se. atrodor salis,
Se. quinques-
triatus (remar-
quable par son
ventre rayé).
Se. eastaneoven-
tris, Se. pygery-
thruSfSc.Diardi,
Se. tenuis , Se.
Jeniinki, Se. mu-
rinus, Se. ruhri-
venter, Se. Rosen-
bergii, Se. Steeri,
Se. Prevostii,
Se. plantani, Se.
mierotis, etc.,
s'étendent du Tibet
à travers le centre
et le S. de la
Chine et toute l'Indo-Chine jusqu'aux îles malaises et
aux Philippines. C'est dans ce groupe que l'on observe
les curieux changements de pelage que nous avons décrits
plus haut sous le nom de pelage de noees et de Im^ée de
passage. — Un petit groupe à part (Nannoseiurus Trt.)
Fig. 3. — Sciurus WMteheadi.
comprend quatre très petites espèces, dont la taille dépasse
peu celle delà Souris : Se. exilis, le plus petit de tous,
est de Malacca, Sumatra et Bornéo ; Se. sorieinus (ou
melanotis) est de Sumatra, Banka, Bornéo et Java;
Se. eoneinnus (Thomas) est des Philippines; enfin
Se. Wliiteheadi (Thomas), dont les oreilles portent de
longs pinceaux blancs, est des montagnes du N. de Bornéo,
Un groupe à part {Funambulus Lesson) comprend les
espèces asiatiques dont le dos est rayé (à tous les âges)
comme chez les Tamias. Elles ont généralement deux
prémolaires supérieures. Tels sont : Se. insignis, de la
Malaisie et du S. de la Chine ; Se. sublineatus, du S. de
l'Inde et de Ceylan ; Se. Berdmorei, de l'Indo-Chine ;
Se. tristriatus, qui ^es monts Himalaya s'étend jusqu'à
Ceylan à travers l'Hindoustan ; Se. palmarim, du Ben-
gale et de Ceylan ; enfin. Se. maclellandii, qui s'étend
du Tibet à Formose et vers le S. jusqu'à Siam. — Pour
en finir avec les Ecureuils asiatiques, il nous reste à
signaler deux espèces dont les caractères sont assez tran-
chés pour qu'on en ait fait deux genres à part.
Le Genre Rhinosciurus (Gray) se distingue des précé-
dents par son museau pointu comme celui des Tupaias : le
Rhinosciurus laticaudatus (de Bornéo).
crâne est allongé, comprimé, et il y a deux prémolaires
supérieures. La queue est plus courte que le corps, touffue
seulement à son extrémité. L'unique espèce (Rh. laticau-
datus ou tu-
paoïdes) est de
taille moyenne, et
le pelage, de teinte
variable, est brun
plus ou moins
foncé dessus, blanc
ou fauve dessous,
avec la queue an-
nelée. Cet Ecu-
reuil habite Ma-
lacca et Bornéo. —
Plus remarquable
encore est le genre
Rheithrosciu-
Rus (Gray) qui n'a
qu'une seule pré-
molaire supé-
rieure. Les inci-
sives sont sillon-
nées de sept à dix
lignes longitudi-
nales, ce qui est
exceptionnel chez les Ecureuils, et les molaires ont une
couronne très simple : le Rh.7naerotis est un Ecureuil do
la plus forte taille, à queue très touffue, à oreilles munies
d'un long pinceau. Son pelage est d'un gris plus ou moins
foncé, relevé sur les flancs par des bandes alternativement
blanches et noires. H habite Bornéo.
Les Ecureuils africains {Helioseiurus Trt.) se distin-
guent de leurs congénères par leurs teintes tirant tantôt sur
Fis. 5.
Rheithrosciurus macrotis.
ECUREUIL
— 540 —
l'olivâtre ou le vert, tantôt sur Tisabelle, teinte qui est
l'uniforme des animaux du désert. En outre, ce pelage est
plus court, peu fourni, souvent sec et raide. Les oreilles
n'ont jamais de pinceaux, et la queue, généralement cylin-
drique, est moins touffue que celle des Ecureuils asiatiques.
Plusieurs ont les incisives supérieures sillonnées. On peut
les grouper de la manière suivante : 1** Ecureuils sans
raies dorsales ou n'ayant qu'une très petite raie sur chaque
flanc : Sciurus Stangeri, de l'Afrique 0. (Gabon) ;
Se. Ebii, de la Côte d'Or ; Se. Auhini, de Libéria et de la
Côte d'Or; Se. rufobraehiahis, de Libéria, du Gabon et
d'Angola ; Se. palliatus, de l'Afrique E. (Galla, Zanzi-
bar, Mozambique, Natal); Se. mutabilis, du Mozambique;
Se. punetatus, de l'Afrique 0. (Achantis, Gabon, etc.);
Se. annulatus, du Sénégal et de là jusqu'en Abyssinie
à travers le Soudan ; Se. eepapi, du Zanzibar et de là jus-
qu'au Cap; Se. poensis, de l'Afrique 0. (Gabon, Libéria),
et Se. minutus, ce dernier très petit (42 centim. avec la
queue qui n'a que 5 centim.), des montagnes du Kendo,
dans l'intérieur de l'Afrique 0.; 2^ Ecureuils avec deux
raies sur chaque flanc : Se. pyrropus, du Sénégal, du
Gabon et de toute l'Afrique 0.; Se. eongieus, du Congo,
d'Angola et de là jusqu'au Mozambique et à Mombaça;
3° Ecureuils avec des raies nombreuses sur le dos et les
flancs (Tamias africains : Funiseiurus Trt.) ; le pelage est
doux: une seule espèce. Se. lemniseatus, des Cameroons,
du Gabon et d'Angola; 4° Ecureuils rayés à pelage sec et
dur (sous-genre Spermoseiurus hesson); une seule espèce,
l'EcuREUiL BARBARESQUE (Se. getu.lus), quï habite le Maroc
et une partie de l'Algérie. Par son pelage à poils aplatis,
épineux, cette espèce se rapproche plus qu'aucune autre des
Eeureuils terrestres (genre Xerus) dont nous parlerons
bientôt.
Les Ecureuils américains diffèrent moins des Ecureuils
asiatiques et européens que les Ecureuils d'Afrique. Comme
les premiers, ils présentent de grandes variations de pelage
qui paraissent dues surtout à leur répartition sur une vaste
étendue de pays (du cercle arctique à l'équateur) et de
l'influence des différents climats sur une même espèce, ré-
pandue souvent, du N. au S., sur tout le continent nord-
américain. Le nombre des prémolaires supérieures paraît
moins constant que chez les Ecureuils asiatiques, la pre-
mière étant probablement caduque. Il en est de même du
pinceau des oreilles, qui est présent ou fait défaut, dans une
même espèce, suivant les localités ou les saisons. L'Ecu-
reuil GRIS DE LA Caroline (Se. Carolinensis) est l'espèce
la plus anciennement connue : elle s'étend du Canada au
Guatemala et au Honduras; le Se. Hudsoniiis est l'espèce
qui s'étend le plus au N. , atteignant la limite septentrionale
des forêts et, de là, vers le S. jusqu'au Mexique ; le
Se. fossor est de l'Orégon et de la Californie ; le Capis-
trate ou CoQUALLiN de Buffon (Se. niger) est des Etats-
Unis, s'étendant à l'O. jusqu'à l'indiana et au S. jusqu'au
Texas ; le Se. alberti est du Colorado, de l'Arizona et
du N. du Mexique ; le Se, variegatus, delà Californie et
du Mexique, s'étend à travers l'isthme jusqu'à l'Equateur ;
le Se. stramineus est de l'Equateur et du Pérou ; le
Se. variabilis s'étend de Costa-Rica jusqu'au Brésil, en
Bolivie et dans le N. du Chili ; c'est l'espèce la plus méri-
dionale du groupe; le Se. ehrysuros se trouve du Mexique
à la Nouvelle-Grenade et à la Colombie ; le Guerlinguet
(Se. œstuans), du Nicaragua au Pérou et à la Bolivie à
travers la Colombie, les Guyanes et le Brésil. — D'après
Jentink (1883), il faudrait rapporter, à l'une ou l'autre de
ces dix espèces, toutes les espèces nominales décrites par
les naturalistes américains. Alston, dans sa Biologia een-
trali-Americana (1882), admet neuf espèces dans l'Amé-
rique centrale, les S. arizonensis, S. griseoflavus,
S. hypopyrrhas et S. Deppei étant considérés comme
espèces distinctes des précédents. J.-A. Allen et Merriam
ont aussi décrit récemment (1889-1890) de nouvelles
espèces telles que Se. Alstoni, du Mexique (nom préoc-
cupé par une espèce ,de Bornéo nommée par Anderson et
que nous proposons de changer en Se. Alleni), Se. Fre-
monti de Californie et des montagnes Rocheuses, etc.
Les Tamias (Tamias, Illiger) sont^ des Ecureuils à
mœurs terrestres, à queue moins fournie que celle des pré-
cédents, à oreilles plus courtes et sans pinceau. Le nombre
des prémolaires varie suivant les espèces, et les molaires
ont des tubercules assez saillants. Ils ont des abajoues. Ils
forment le passage des Ecureuils aux Spermophiles et aux
Cynomys (V. Marmotte). Les Tamias habitent le N. des
deux continents et renferment la seule espèce du groupe
qui soit commune à l'Asie et à l' Amérique : c'est I'Egureuil
suisse (Tamias asiatieus), qui vit dans les forêts du N. de
l'Europe (Suède, Laponie), de la Sibérie, du Japon et de
l'Amérique du Nord. Il est plus petit que l'Ecureuil com-
mun, roux avec cinq lignes noires sur le dos. Il vit plus
souvent à terre que sur les arbres, se creuse un terrier à
deux ouvertures et muni de chambres latérales où il
amasse des provisions d'hiver consistant surtout en graines.
Toutes les autres espèces sont propres à l'Amérique du
^^Ài'^.o.^M'
Fig. 6. — Tamias striatus (de rAmérique du Nord).
Nord. Tels sont les T. striatus (ou americanus) qui n'a
qu'une seule prémolaire supérieure, tandis que le précédent
en a deux, et qui remplace celui-ci sur le versant atlan-
tique des montagnes Rocheuses ; T. Harrisi et T. latera-
lis, de CaUfornie et d'Arizona; T.einereieollis (Allen),
de Californie; T. leucurus (Merriam), du même pays, et
plusieurs autres formes des territoires de l'Est récemment
décrites par ce dernier.
Le genre Xerus (Ehremberg) comprend des Ecureuils
terrestres africains à pelage clairsemé, dur et épineux, à
oreilles très courtes ou presque nulles, à ongles longs, peu
recourbées, avec le doigt médian dépassant les autres. Les
poils sont aplatis, pointus; le ventre est presque nu. Ce
sont des animaux essentiellement fouisseurs qui se creu-
sent un terrier entre les racines des arbres dans les ré-
gions sablonneuses de l'Afrique. La couleur de leur pelage
est celle du désert, c.-à-d. le fauve Isabelle, mais varie
cependant dans d'étroites limites. Jentink réduit le nombre
des espèces à trois qui se répartissent en deux groupes.
Dans le premier, qui a deux espèces, l'oreille externe est
encore représentée par des replis qui ressemblent à ceux
Fig. 7. — Xerus rutilus (d' Abyssinie
de l'oreille humaine. Tel est le Xerus rutilus, qui n'a
qu'une seule prémolaire supérieure, les incisives teintées
d'orange et vit en Abyssinie, dans le pays des Somalis, et
de là jusqu'au Sénégal et au Gabon, à travers tout le Sou-
dan. En Abyssinie, on le trouve jusqu'à une hauteur de
4,oOO pieds. Le X. erythropus en diffère par une bande
blanche latérale et une très petite molaire supérieure
de plus. Il habite l'Afrique 0., du Sénégal au Loango, et
de là à travers rx\frique centrale jusqu'à l'Abyssinic et au
Zanzibar. — Le X. eapensis, type et unique espèce du
second groupe, n'a plus trace de conque auditive et pré-
sente aussi une bande blanche latérale; il n'a qu'une
u\ —
ÉCUREUIL — ECUSSON
prémolaire supérieure. Cette espèce habite la colonie du
Cap, notamment les Sneenbergen et le pays des Nama-
„yQJs^ E. Trouessart.
IL Paléontologie. — Le type de l'Ecureuil se montre
dès le début de l'époque tertiaire. Les genres fossiles Co-
lonomys, Taxymys et Tillomys de Marsh sont de l'éocène
du Wyomming (Amérique du Nord) . Les genres Allo^nys
(Marsh) et Meniscomys (Cope), du miocène de l'Orégon,
se rapprochent, par leurs dents, àesPteromys. En Europe,
notamment en France, on trouve de véritables Ecureuils
dans les couches oligocènes (Sciurus fossilis ou Ecureuil
desplâtrièresàe Cuvier, Se, CayluxU Se. Dubius, etc.,
des Phosphorites du Quercy, et les genres Sciurodon,
Seiuroïdes peu différents du Seiurus proprement dit).
Dans le miocène d'Europe, on trouve Sciurus sansanien-
sis, Pseudosciurus suevicus, etc., et des espèces du genre
Sciurus dans le miocène des Etats-Unis. Enfin les espèces
pliocènes et quaternaires d'Europe, d'Asie et de l'Amérique
du Nord diffèrent peu de celles qui vivent encore dans les
mêmes pays. L'absence de ce type dans le tertiaire de
l'Amérique du Sud prouve que les Ecureuils sont origi-
naires des forêts de l'hémisphère boréal, comme leur dis-
tribution géographique actuelle semble bien l'indiquer.
E. Trouessart.
BiBL. : Zoologie et Paléontologie.— Outre les traités
erénéraux de Mammalogie, consultez : E. Trouessart,
Cataloque des Mammifères, II, Rongeurs, dans Bull
Soc. d'Etudes scient. d'Angers, 1880, p. 63 - Du même.
Revision du genre Ecureuil, dans le Naturaliste, l««U,
p 90._ A. M.-Edwards, Note sur l'Ecureuil ferrugineux,
dans Bull Soc. PMiom., 1877, p. 16. — Du môme, lîe-
cherches sur les Mammifères, 1868-1872. — H. Schlegel,
Note sur les Ecureuils à ventre rouge et flancs rayés de
l'archipel Indien, dans Nederl Tijds. Dierkunde, 1864. —
J -A. Allen, Synonymie List of the American Sciuri,
dans Bull, geol and geog. Survey, 1878 - E.-R. Alston,
Biologia centrali-Americana, Mammalia, 1880. — Huet,
Recherches sur les Ecureuils africains, dans Nouv. Arch.
du Muséum, 1880. — F.-A. Jentink, Monograph of the
African Squirrels, dans Notes from the Leyden Museurn,
1882 — Du môme, List of spécimens ofthe genus Sciurus
in the Leyden Muséum, dans Notes, 1883. — Anderson,
Zooloqical and Anatom. Researches from Yunnan, 1878.
— V aussi, de divers auteurs : Proc. Zool Soc. London
de 1878 à 1890.— Allen, Bull Amer. Mus. NatHisl, 1889.
— Merriam, Contrib. to the N or th- American Fauna, dans
U. S. Dept. of Agricult, 1890. — Schlosser, Die Nœger
des Europœisch. Tertisers, dans Palœontographta, 1887,
t. XXXI, p. 323.
ÉCUREY. Com. du dép. de la Meuse, arr. de Mont-
médy, cant. de Damvillers; 505 hab.
ECURIE. I. Economie rurale (V. Bâtiments ruraux,
V, p. 778).
II. Histoire. — Ecuries du roi. — Sous l'ancienne
monarchie, le roi avait la grande et la petite écurie.
Celle-ci comprenait les chevaux, voitures, pages et valets
de pied dont il se servait constamment, ainsi que les litières
et chaises. La livrée des ducs était à peu près semblable.
Le personnel de la grande écurie comprenait : le grand
écuyer, un premier écuyer de la grande écurie, trois écuyers
ordinaires, trois écuyers cavalcadours, cinquante pages,
quarante-deux valets*^ de pied, quarante palefreniers, cin-
quante aides, un corps de musique, le roi et les hérauts
d'armes, des médecins, chirurgiens, aumôniers, etc., etc.
Magnifiquement réorganisée en 1666, la grande écurie
renfermait plus de deux cents chevaux de manège. A la fin
du règne de Louis XIV, près de cent coureurs anglais à
courte queue dont le roi se servait pour la promenade ou
pour la chasse. — La petite écurie avait dix-neuf écuyers,
vingt pages, etc., commandés par le premier écuyer. Les
pages de la grande et de la petite écurie devaient, pour
être admis, faire preuve de six degrés de noblesse héré-
ditaire. — Les bâtiments des deux écuries avaient été
construits par Mansard de 1679 à 1685 en face du château
de Versailles. La grande écurie renfermait des selleries
splendides et un manège utilisés parfois pour des carrousels
ou des représentations théâtrales. Tout cheval venant à
Paris devait être présenté, d'après les règlements du 14 avr.
1613 et du 14 févr. 1724, aux écuries du roi, et l'on retenait
ceux qui pouvaient convenir. En 1663,Colbert réorganisa
le haras du roi à Saint-Léger près de Rambouillet , trans-
féré au Pin en 1715. L. Delavaud.
BiBL. : Dussieux, le Château de Versailles, t. II, p. 160.
— Etat de la France, 1698, t. I«s p. 539. — Saint-Simon,
Mémoires, éd. de M. de Boislile, t. VI, p. 396. — Le P.
Anselme, t. VIII. — Guyot, Traité des Droits annexés à
chaque dignité, 1780, t. I.
ÉCURIE. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. et cant.
(N.) d'Arras; 295 hab.
ÉCURY-le-Repos. Com. du dép. de la Marne, arr. de
Châlons-sur-Marne, cant. de Vertus; 131 hab.
ÉCURY-suR-CooLE. Ch.-l. de cant. du dép. de la Marne,
arr. de Châlons-sur-Marne ; 339 hab. Stat. du cliem. de
fer de l'Est, sur la ligne de Châlons à Troyes. Carrière
de craie, huileries, moulins. Relie église romane, avec
flèche du xiii^ siècle. Une galerie souterraine, creusée dans
le tuf crayeux, règne tout le long du village, du côté
oriental.
ÉCUSSON. L Généralités.— Cartouche destiné à re-
cevoir des armoiries ou une inscription. La forme de
l'écusson rappelle le plus souvent celle de l'écu armorié.
Il est placé habituellement sur le fronton ou dans la partie
centrale de l'édifice dont il complète la décoration. L'écusson
est souvent confondu avec l'écu armorié, et on les plaçait,
au moyen âge, aussi bien sur les murailles et sur les pla-
fonds intérieurs des châteaux, que sur les meubles et les
ustensiles, et même sur les vêtements des chevaliers et des
dames nobles. Les peintres étaient chargés de les repré-
senter sur les miniatures des manuscrits et sur les torches
qui étaient portées dans les cérémonies funèbres. Le fron-
tispice des volumes imprimés montre fréquemment l'écus-
son des personnages auxquels l'ouvrage est dédié ou celui
des imprimeurs ou des hbraires qui ont mis l'ouvrage dans
la circulation. De nos jours, des écussons de métal doré
servent encore à indiquer les études des notaires et des
huissiers. A. de Champeaux.
IL Art héraldique. — Petit écu, considéré comme une
pièce héraldique meublant un blason ; il est généralement
posé en abîme. La famille M usaroy
porte de gueules, à un écusson
d'argent. Il peut être en nombre.
C'est souvent une concession ; on
le voit aussi placé sur le tout,
c.-à-d. au miUeu d'une écartelure.
C'est à tort qu'on emploie vulgai-
rement le mot écusson pour écu;
l'écu, c'est le blason, et l'écusson
est une figure représentée seule ou
en nombre sur l'écu ; il peut être
lui-même chargé et accompagné
d'autres figures. Nous donnons ci-dessus un blason écarlelé
de gueules et d'argent,s\ir\Q tout un écusson d'argent,
à la barre d'azur, H. Gourdon de Genouillac.
m. Armurerie. — C'est le point massif de la garde
d'une épée représentant son centre et par où passe la soie.
De chaque côté naissent les branches de la croix, croisil-
lons ou quillons. L'écusson est ainsi nommé parce que sa
région inférieure est le plus souvent abattue en pointe,
tandis que son plan supérieur est horizontal et ses côtés
parallèles, ce qui lui donne la forme d'un écu. Le trou
carré qui le traverse de haut en bas et par où passe la soie
de la lame, s'évase inférieuremont en un évidement qui
divise la pointe en deux portions symétriques qui s'appli-
quent sur la lame et la serrent entre elles, disposition très
marquée dans les sabres turcs. Là, les pointes de l'écus-
son sont dégagées et viennent serrer la chape du fourreau,
tandis que supérieurement l'écusson présente deux pointes
semblables qui embrassent la fusée (V. Sabre et Epée).
Maurice Maindron.
IV. Entomologie. — Chez les Insectes, Fécusson (scutel-
lum) est cette pièce, de forme et de grandeur très varia-
bles, qui s'avance plus ou moins entre la base des ailes
supérieures. Parfois, réduit à un point presque imperceptible.
ÉCUSSON - ÉCUYER
- 542 -
comme dans les Copris, l'écusson peut, dans certains cas,
se développer tellement, qu'il recouvre l'abdomen tout
entier ; c'est ce qui arrive notamment chez les Hémiptères-
Hétéroptères, du groupe des Scutellérides. Sa forme la
plus générale est celle d'un triangle ; mais il peut être aussi
rond, carré, cordiforme, arrondi au sommet, échancré ou
fourchu en arrière et être pourvu d'appendices variés
(épines, cornes, etc.), qui fournissent d'utiles caractères
spécifiques. l^d. Lef.
V. Arboriculture (V. Greffe).
YI. Pharmacie. — On donne le nom à'écussons à des
préparations pour usage externe, qu'on étend en couches
minces sur divers tissus, de la toile, du sparadrap, de la
peau, de la baudruche, etc. On les désigne vulgairement
sous le nom à' emplâtres. Leur forme, qui est très variée,
est ordinairement fixée par le médecin. On les prépare
avec des onguents, des résines, des électuaires, des pom-
mades, etc., la masse devant être assez consistante pour ne
pas se liquéfier à la chaleur du corps. Pour confectionner
un éeusson, on découpe dans une feuille de papier un moule
dont l'intérieur représente exactement la grandeur du médi-
cament. Ce moule étant disposé sur une peau ou sur du
sparadrap, par exemple, on étend dans l'intérieur, en
couche mince, la masse emplastique, soit avecle doigt, soit
avec un fer légèrement chauffé; on lisse la surface, on
enlève le moule et on ajuste le pourtour. Les électuaires,
les onguents, les extraits, etc., qui ont naturellement une
consistance molle ou qui peuvent être amenés à cet état
par l'eau chaude ou la chaleur de la main, sont simplement
étendus dans le moule avec une spatule ; on lisse la surface
avec un peu d'eau ou avec une lampe à alcool. Parfois on
recouvre la surface d'une poudre médicamenteuse. Il faut
alors ramollir la surface à une douce chaleur ou au moyen
d'un peu d'alcool, afin d'obtenir une adhérence suffisante.
On se sert aussi de teintures et de divers solutés médica-
mentaux. C'est ainsi que \)0\iv camphrer un vésicatoire, on
dissout le camphre dans un peu d'éther et on étend le liquide
uniformément à la surface : le véhicule s'évapore rapidement
et laisse le camphre en couche mince sur le médicament.
Enfin, quelquefois, le médecin prescrit d'entourer l'écusson
d'une bande de diachylon gommé, afin de donner plus de
fixité au médicament et Tempêcher de s'étendre au delà de
la limite qui lui a été tracée. Ed. Bourgoin.
ÉCUTIGNY. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Beaune, cant. de Bligny-sur-Ouche ; 209 hab.
ÉCUVILLY. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Compiègne,
€ant. de Massigny; 292 hab.
ÉCUYER. Ce titre a eu, dans l'ancienne société fran-
çaise, deux acceptions principales, dont l'une dérive de
l'autre : 1° dans son sens primitif, c'était la quaUté portée
par le jeune noble, pendant la durée du service qu'il faisait
auprès du seigneur féodal qui l'élevait et le préparait à la
chevalerie ; 2^ dans son sens dérivé, c'était la qualifi-
cation ordinaire de la simple noblesse, par opposition à
la noblesse de chevalerie et à la noblesse titrée.
l» Le mot écuyer, qui apparaît dans la langue française
au xi« siècle sous la forme esquier (Chanson de Roland),
plus tard escuier, venait du latin scutarkim ou scutife-
rum et désignait étymologiquement l'homme qui porte le
bouclier ou l'ecu (scutum). Il est à remarquer que l'époque
où ce mot entre en usage est précisément celle où le bou-
cher rond et bombé, dont se servaient les Francs, prit, en
devenant plus long, plus lourd et pointu à sa partie infé-
rieure, la forme nouvelle qui reçut le nom à'écu (V. ce
mot). Les ciievaliers, dont c'était la principale arme
défensive, faisaient porter leur écu, avant et après le
combat, par des gens de leur suite, que l'on nomma pour
cette raison scutiferi, escuiers. Ainsi, comme le mot, la
fonction qu'il désigne date de l'époque féodale. Par consé-
quent, il n'y alieu'de faire aucun rapprochement historique,
comme on l'a quelquefois tenté, entre les écuyers du moyen
âge et les scutarii ou scutiferi de l'empire romain. Ceux-
ci étaient des soldats de police organisés en corps régu-
liers par Constantin pour la garde du palais impérial et
qui avaient pour signe distinctif d'être armés du bouclier
carré usité dans V armée romaine {Y, ce mot), tandis que
les écuyers étaient atteichés iiiaividuellement au service
des chevaliers, et ne tiraient pômt leur nom d'une arme
défensive qui leur fût propre, mais de la fonction qu'ils
exerçaient auprès de ces chevaUers en portant leurs armes
et spécialement leur écu.
Les_ écuyers paraissent avoir été d'abord des gens de
condition inférieure, confondus avec les garçons ou valets
d'armée que l'on chargeait des ouvrages vulgaires et des
charrois. Mais, à partir du xii^ siècle, ils furent toujours
pris parmi les jeunes nobles. A cette époque, tout fils de
gentilhomme était envoyé dès l'enfance par son père à la
cour d'un baron voisin ; il y restait en qualité de damoi-
seau [domicellus) ou de valet [vassaletus), jusqu'à ce
qu'il fût en âge de devenir chevalier, recevant l'éducation
qui convenait à sa naissance, et remplissant auprès du baron
divers offices domestiques, tels que l'habiller, le servir
à table, faire à ses hôtes les honneurs du château. Vers
l'âge de douze ans, il était attaché au service personnel
d'un chevalier, dont il devenait l'écuyer. Ce nouveau titre
ne le dispensait pas des fonctions domestiques, qu'il conti-
nuait à exercer au château avec les autres damoiseaux ;
mais, en outre, il était chargé du soin de l'écurie et du
dressage des chevaux ; il accompagnait le chevalier à la
chasse et au tournoi et s'exerçait sous sa direction au
maniement des armes ; il le suivait à la guerre, portant
ses armes, conduisant « à destre » son cheval de bataille
ou destrier, se tenant près de lui dans la mêlée pour le
secourir au besoin et garder ses prisonniers. — Le service
d'écuyer durait ordinairement de cinq à sept années,
c.-à-d. jusque vers l'âge de dix-huit ans : le jeune noble était
alors admis aux épreuves solennelles qui précédaient l'en-
trée dans la chevalerie (V. ce mot). Toutefois, il n'y avait
pas de règle fixe à cet égard, et il n'était point rare qu'un
écuyer fût armé chevalier avant cet âge, ou qu'il prolon-
geât au contraire son service au delà de ce terme ; depuis
le XIII® siècle, la tendance fut même de reculer jusqu'à
vingt et un ans l'âge où il devenait chevalier.
La vie des écuyers était généralement rude et laborieuse,
et leur condition en tous points inférieure à celle des che-
valiers. Dans les premiers temps de la féodalité, les armes
distinctivcs de la chevalerie, l'épée, la lance, le heaume,
le haubert et la cotte armoriée leur étaient absolument
interdites : ils ne pouvaient se revêtir que d'un gambeson,
d'un plastron d'acier et d'un chapeau de fer. Mais peu à
peu cette rigueur s'adoucit : on leur permit au xiii*^ siècle
de porter l'épée, et dès lors, avant d'être admis au rang
d'écuyer, le damoiseau dut être présenté à l'autel par son
père et sa mère pour recevoir cette arme des mains d'un
prêtre, suivant les usages que l'Eglise avait établis. Plus
tard, les autres armes leur furent également permises ; au
xiv^ siècle, ils furent admis à combattre avec les cheva-
liers dans les tournois et ne se distinguèrent plus d'eux
que par leurs éperons qui étaient d'argent, tandis que ceux
des chevaliers étaient d'or. Ils ne pouvaient porter ni
velours, ni drap d'écarlate, ni fourrures de vair ou d'her
mine, vêtements réservés aux chevaliers. Dans les rela-
tions de la vie civile, même infériorité : ils ne pouvaient
prendre^ que le titre de damoiseau ou donzel, jamais celui
de messire ; leur femme n'était point dame, mais damoi-
selle ; dans les actes, leurs noms ne devaient figurer
qu'après celui des chevahers. En justice, ils n'étaient point
leurs pairs, et ne pouvaient réclamer contre eux ni le duel
ni les gages de bataille ; toutefois, en cas d'injure faite à
un écuyer par un chevalier, quelques coutumes autorisaient
le duel à conditions égales, c.-à-d. à pied, sans autres
armes que l'épée et l'écu.
Lorsque la chevalerie tomba en décadence, au xiv® et
au XV® siècle, les fonctions d'écuyer changèrent de carac-
tère. Elles cessèrent peu à peu d'être une préparation à la
vie de chevalier, pour devenir de plus en plus un ser-
— S43 —
ECUYER
vice domestique, ennobli par la condition sociale du maître
et du serviteur. Comme les chevaliers désertaient les
champs de bataille, les écuyers ne s'exerçaient plus au
métier des armes que pour prendre part aux tournois, ou
pour courir les aventures à la suite de quelque chevalier
errant; le plus souvent leur vie s'écoulait au château,
dans Texercice de fonctions de plus en plus spécialisées.
Tout seigneur de quelque importance avait de nombreux
écuyers, entre lesquels étaient répartis, à tour de rôle ou
d'une manière permanente, les divers offices précédemment
énumérés. C'est ainsi qu'on distinguait Vécuyer de corps
ou écuyer d'honneur^ attaché au service personnel du
seigneur ou de la dame, les accompagnant partout, portant
au tournoi et à l'armée la bannière de son maître ; Vécuyer
de la chambre ou chambellan, à qui était spécialement
confié le soin de la vaisselle d'or et d'argent ; Y écuyer
tranchant^ qui découpait les viandes et veillait au service
de la table ; Vécuyer d'échansonnerie; Vécuyer de panne-
terie; Vécuyer d'écurie^ qui dressait les chevaux ; Vécuyer
servant, qui faisait fonction de valet de chambre, etc.
Pour expliquer comment ces fonctions, dont quelques-unes
avaient le caractère de la plus basse domesticité, avaient
été confiées à des écuyers, on a supposé que primitivement
elles étaient exercées par des valets d'ordre inférieur dont
les titres (scurarii^ scutellarii, escariï)^ dérivés des mots
scuria (écurie), scutellce (vaisselle), esca (nourriture),
auraient, par leur assonance avec le mot escuier, rendu
possible la confusion. Cette hypothèse gratuite, qui soulève
de graves objections philologiques, est tout à fait inutile :
la notion d'écuyer, telle qu'elle était entendue dans les
premiers temps de la féodalité, contenait en germe tous ces
services, les plus vulgaires aussi bien que les plus nobles.
— De même que les maisons seigneuriales, la cour du roi
de France entretenait un grand nombre d'écuyers, chargés
des fonctions les plus variées, sous l'autorité du grand
écuyer (V. ci-dessous) et de quelques autres officiers
(V.EcumE DU ROI, Maison du roi).
2^ Le titre d'écuyer, à l'époque féodale, impliquait,
comme on vient de le voir, deux conditions : la première,
que celui qui le portait était noble ; la seconde, qu'il rem-
plissait auprès d'un chevalier certaines fonctions subal-
ternes. Suivant que l'on s'attacha de préférence à l'idée de
noblesse ou à celle de domesticité, on en vint à donner à
ce titre deux sens assez différents de son acception primi-
tive. On appela écuyers, tantôt des gens qui exerçaient dans
une maison des fonctions domestiques, alors même qu'ils
n'étaient pas de condition noble ; tantôt des nobles qui
n'avaient point reçu la chevalerie, alors même qu'ils n'étaient
attachés au service d'aucun autre gentilhomme.
Le premier sens ne se rencontre que d'une manière
exceptionnelle, dans quelques textes du xiii®, du xiv^ et
du xv^ siècle, relatifs à des maisons ecclésiastiques, où le
titre d'écuyers (escuerii^ escuderii) était donné aux gens
de service (cf. valet, vassaletus: d'abord jeune noble, fils
d'un vassal; puis serviteur).
Au contraire, le second sens se générahsa au point de
devenir, à partir du xvi*^ siècle, le sens principal du mot
écuyer. Dès le xni® siècle, beaucoup de nobles, arrivés à
l'âge de la majorité, s'abstenaient d'entrer dans la cheva-
lerie, parce qu'ils n'étaient point assez riches pour faire
les dépenses et mener le train de vie qu'elle exigeait. En
droit féodal, tout suzerain, ayant intérêt à être servi par
le plus grand nombre possible de chevaliers, pouvait for-
cer ses vassaux à recevoir la chevalerie, lorsqu'ils avaient
atteint l'âge requis et que leur fief donnait un revenu suf-
fisant pour leur permettre de vivre honorablement. Le roi
de France eut le même intérêt, tant que les chevaliers
firent la })rincipale force des armées royales, et un man-
dement de Philippe le Bel, en 1293, punissait d'une
amende l'écuyer qui ne s'était pas fait armer chevalier à
vingt-quatre ans accomplis. Mais les nobles qui étaient
trop pauvres pour qu'on pût exiger d'eux cette dé-
pense, gardaient toute leur vie le rang et le titre d'écuyer :
écuyers simples, s'ils étaient fils d'un simple bachelier,
écuyers bannerets^ s'ils descendaient d'un chevalier à
bannière. Ils suivaient à l'armée leur suzerain, non plus
comme gens attachés à son service, mais comme vassaux
d'ordre inférieur. Ils combattaient avec les mêmes armes
que les chevaliers, dont ils ne se distinguaient que par
leurs éperons : mais ils devaient leur céder le pas, n'ayant
le droit de marcher qu'avant les sergents, les arbalétriers
et les autres roturiers. Leur dépense en temps de guerre,
et par conséquent leur solde, était ordinairement évaluée à
la moitié de celle des chevaliers : 5 sous par jour sous
Philippe m (1283) et sous Philippe le Bel (1294) ; 7 sous
à l'époque de Philippe VI (133o) et de Jean II (1351) ;
20 sous à la fin du xiv*^ siècle. Le nombre des gentils-
hommes qui ne recevaient pas la chevalerie augmenta au
XIV® et au XV® siècle, à mesure que la vie chevaleresque,
détournée de son idéal primitif, devenait plus fastueuse et
plus frivole. D'autre part, il arriva que des seigneurs
inféodaient des terres peu importantes sous la charge que
le détenteur leur devrait le service mihtaire dans les mêmes
conditions qu'un écuyer (feodascutiferorum), et alors le
vassal tenu de cette obligation prenait le titre d'écuyer,
bien qu'il n'en ait jamais rempli la fonction. Enfin les
possesseurs d'autres fiefs inférieurs, tels que des vavasso-
ries ou des sergenteries, qui devaient à leur suzerain un
service militaire de même ordre, furent souvent désignés
pour cette raison sous la dénomination générale d'écuyers.
— Il résulta de ces diverses circonstances qu'au xvi® siècle
ce titre remplaça dans l'usage celui de noble homme
ou noble personne,' dont on se servait jusque-là pour dési-
gner communément les gentilshommes qui n'avaient pas
reçu la chevalerie et les détenteurs de fiefs nobles d'ordre
inférieur. Le mot est pris en ce sens dans l'ordonnance de
Blois (1579) et dans les édits du mois d'août 1583 et du
mois de mars 1600; et, lorsque les feudistes de cette
époque arrêtèrent les cadres de la hiérarchie nobiliaire,
ils distinguèrent trois catégories de gentilshommes : en
premier lieu les seigneurs titrés (ducs, princes, marquis,
comtes, vicomtes ou barons) ; en deuxième lieu les cheva-
liers (châtelains et possesseurs de fiefs de haubert), en troi-
sième heu les écuyers, qui comprenaient tout le reste de
la noblesse, aussi bien les gentilshommes de robe, de ville
ou d'office que les gentilshommes d'épée (cf. en Angle-
terre le titre d'esquire devenu synonyme de gentleman) .
Il faut bien remarquer que ce nouveau sens du mot écuyer,
quelque général qu'il fût, ne détruisit pas l'ancien, qui sub-
sistait dans les maisons seigneuriales et à la cour de France ;
mais lorsqu'on voulait parler de la fonction d'écuyer, on
faisait suivre ce titre du nom spécial de l'office qui le carac-
térisait : écuyer de corps, de chambre, d'écurie, etc. ,
tandis qu'on l'employait d'une manière absolue (X..., écuyer)
pour désigner le gentilhomme de simple noblesse par oppo-
sition au chevalier et au seigneur titré.
La quahté d'écuyer était héréditaire, à la différence de
celle de chevalier, qui ne fut jamais transmissible, sauf
dans quelques cas exceptionnels (ord. de 1629), à moins
de concession expresse du roi : en règle générale, le fils
d'un chevalier naissait écuyer et gardait cette quahté jus-
qu'à ce qu'il eût reçu les lettres royales qui lui conféraient
le titre de chevaher. La qualité d'écuyer pouvait s'acquérir
non seulement par la naissance, mais aussi par concession
gracieuse du roi, par achat d'une terre noble ou d'un
office auquel ce titre était attaché : ainsi les gardes du
corps du roi, les commissaires et contrôleurs des guerres
avaient le droit de prendre la qualification d'écuyers. On
perdait ce titre par les causes qui entraînaient déchéance
ou suspension de la noblesse (V. ce mot). Divers édits
et règlements eurent pour objet de maintenir la distinction
sociale qui séparait les écuyers des chevaliers d'une part
et des roturiers de l'autre : notamment une déclaration
de janv. 1624 frappa d'une amende de 2,000 hvres tous
1 ceux qui usurperaient le titre d'écuyer ; et un arrêt du
I règlement du 13 août 1663 interdit, sous peine de
ÉGUYER — ECZÉMA
544
1 ,500 livres d'amende, à quiconque n'était pas noble de
prendre le titre d'écuyer, et à tout écuyer de prendre le
titre de messire, qui ne convenait qu'aux chevaliers.
Ch. MORTET.
Grand et premier écuyers. — Fonctionnaires de la cour
sous l'ancienne monarchie. Le maître de l'écurie du roi
hérita des fonctions originelles et des prérogatives du con-
nétable et des maréchaux au fur et à mesure du déve-
loppement de l'importance de ces officiers, et en raison de
leur spécialisation dans un rôle particulièrement militaire ;
il veillait à l'administration de l'écurie du roi ; il portait
l'épée royale dans le fourreau aux entrées solennelles et
autres cérémonies ; pour marque de sa dignité, il la mettait
de même, avec le baudrier, de chaque côté de l'écu de
ses armes ; le connétable qui a cessé d'avoir la Garde de
l'épée du roi à une époque indéterminée, et qui de fonc-
tionnaire de la maison du roi, est devenu un haut digni-
taire de l'Etat et le chef de l'armée, portait l'épée au
sacre du roi, et la mettait, nue, de chaque côté de ses
armes. Le P. Anselme donne (t. VllI) une longue liste
des maîtres de l'écurie du roi depuis 4294 ; cette charge
fut occupée à partir du xv^ siècle par les plus grands
seigneurs, avec le titre de premier ou de grand écuyer ;
les charges de premier et de grand écuyers furent dis-
tinctes à partir du xvii« siècle. Voici quels furent les
grands écuyers de 1470 à 4789: Alain de Goyon (4470),
Pierre d'Urfé (4483), Galéus de Saint-Séverin (4505),
Jacques de Gourdon de Genouillac (4524), Claude de
Gouffier (4546), Léon de Chabot (4570), le duc d'Elbeuf
(1597), Roze de Saint-Lary, duc de Bellegarde (1605),
César-Auguste de Saint-Lary, marquis de Termes (4647);
le duc de Bellegarde, de nouveau (1624); Henri Coëffier de
Ruzé, marquis de Cinq-Mars (4639-1642); Henri de Lor-
raine, comte d'Harcourt (1643); son fils Louis, comte
d'Armagnac (1666); son fils Charles, prince de Lorraine
(1718); son frère Louis, comte de Brionne (1751); son fils
Charles, prince de Lambesc (1761).
Le grand écuyer, qu'on appelait d'ordinaire « Monsieur
le grand », était un des sept grands officiers de la couronne
depuis 1617. Les droits et prérogatives de sa charge furent
fixés en dernier lieu par les règlements du 22 oct. 4745,
du 6 janv. 4747, du 23 mai 4723 et du 46 févr. 4724. H
avait la haute main sur la grande écurie ; il ordonnait des
dépenses, pourvoyait aux charges, recevait les serments.
Ses appointements étaient de 3,600 livres seulement, mais
il percevait de nombreux droits sur les entrées et charges,
prestation de serment, etc. A la mort du roi, tous les che-
vaux des écuries et les harnais lui revenaient de droit. C'est
lui qui réglait les duels et qui disposait des fonds ordonnés
pour les sacres, les couronnements, etc. Aux entrées so-
lennelles, il marchait devant le roi. Il avait séance
aux lits de justice aux pieds du roi. Les haras dépendaient
de lui. C'est encore de lui que relevaient les pages et le
juge d'armes, les chevaucheurs et courriers de cabinet,
le héraut d'armes, etc. — Le premier écuyer, chef de
la petite écurie, était indépendant du grand écuyer. Cette
charge lui donnait des relations fréquentes avec le roi,
qu'il accompagnait en carrosse ou à cheval. H avait
3,000 livres d'appointement ; à la mort du roi, la dépouille
de la petite écurie lui appartenait. Les titulaires de cette
charge furent : François de Baradat (4625),le duc Claude
de Saint-Simon (4627); Henri de Beringhen (4645); son
fils Jacques, marquis de Beringhen (4692); son fils
Jacques (4723); son fils Henri-Camille (4723); le duc de
Coigny (1774). — Sous Napoléon P% le grand écuyer était
grand officier de la couronne ; cette charge fut exercée par
le général de Caulaincourt, duc de Yicence, en 1808, qui
avait sous ses ordres un premier écuyer, un écuyer caval-
cadour, etc. Louis XVIH et Charles X ne pourvurent pas à
la charge de grand écuyer : les fonctions en furent remplies
par le duc de Polignac, premier écuyer, ayant sous ses
ordres un écuyer commandant, des écuyers cavalcadours, des
écuyers chefs de manège, des écuyers de manège, des écuyers
ordinaires, des élèves écuyers, des pages, un inspecteur-
contrôleur, un secrétaire général, etc. Louis-Philippe n'eut
qu'un écuyer commandant. Napoléon HI créa grand écuyer
le maréchal de Saint-Arnaud (1852-1854), puis, après
une vacance de neuf ans, le général Fleury. L. Del.
Ecuyer tranchant. — On donnait ce nom en France,
sous l'ancienne monarchie, à des officiers de la couronne.
Le premier écuyer tranchant, ou simplement premier-
tranchant, avait, depuis le xiv^ siècle au moins, la garde
de l'étendard royal ou cornette blanche et marchait, à
l'armée, derrière le roi. Ses fonctions se conservèrent
jusqu'au cœur du xvii® siècle.
BiBL. : LoYSEAu, Traité des ordres et simples dignités ;
1610, chap. IV. — De La Roque, Traité de la noblesse,
1734. — La Curnede Sainte-Palaye, Mémoires sur l'an-
cienne chevalerie, Vib9, t. I.— Gvyot, Répertoire de juris-
prudence, 1784, v° Ecuyer, Noblesse. — Ducange, Glossa-
rium médise et infimœ latinitatis, éd. Didot,1840, v^» Armi-
ger, Escuerius, Scutifer, Scutarius. — Boutaric, les
Institutions militaires de la France, 1863. — A. de
Barthélémy, De la Qualification d'écuyer, dans Revue
nobiliaire, 2« série, 1865, t. I, p. 33. — L. Gautier, la
Chevalerie, 2^ éd., 1890, p. 196.
ECZÉMA (PathoL). L'eczéma, type populaire des affec-
tions cutanées, est moins en réalité une dermatose auto-
nome et distincte qu'un syndrome éruptif pouvant être réaUsé
dans des conditions très diverses. Bazin a défini l'eczéma :
« Une affection de la peau caractérisée à sa période d'état
par l'existence de vésicules petites, acuminées, agglomérées
sur une surface plus ou moins étendue, et contenant un
liquide séreux et transparent, vésicules qui s'affaissent
lorsque le liquide qu'elles contiennent est résorbé, mais
qui le plus souvent se rompent après vingt-quatre ou qua-
rante-huit heures d'existence, et auxquelles succèdent
l'exhalation et la sécrétion d'un liquide séreux et trans-
parent qui se concrète en lamelles plus ou moins épaisses,
et ensuite une simple exfoliation épidermique. » Ainsi
défini, l'eczéma se distingue cliniquement de l'herpès, dont
les vésicules plus volumineuses persistent pendant un temps
plus long ; des sudamina, de la miliaire et de la varicelle,
affections qui occupent toute la surface du corps et dont
l'élément vésiculeux ne disparaît pas aussi rapidement que
celui de l'eczéma ; du pemphigus, constitué par des pous-
sées successives de bulles ; de l'impétigo, enfin, dont les
éléments groupés, il est vrai, sont pustuleux et non vési-
culeux. Mais la définition longtemps classique de Bazhi ne
peut être acceptée comme complète, puisqu'elle n'indique
ni la pathogénie, ni le critérium anatomique de l'affection;
d'ailleurs, même à ne considérer que le point de vue^ cli-
nique, elle a le tort de faire une part trop grande à l'état
vésiculeux et de ne pas assez indiquer que l'eczéma est,
au premier chef, une dermite polymorphe. Pendant long-
temps on a divisé l'eczéma, au point de vue étiologique,
en deux grandes catégories : l'eczéma de cause externe et
l'eczéma de cause interne. Le premier était dû soit à l'ac-
tion de parasites (pedieuh, acares, microphytes, etc.), soit
à des agents irritants (pressions, frottements, grattages ;
contact des sueurs ou de l'urine ; cantharides, croton,
moutarde, thapsia, térébenthine, arnica, mercure, chaux,
potasse, etc. ; influence chimique des rayons électriques
ou solaires, etc.). On pouvait adjoindre à cette classe les
eczémas dits pathogénétiques, c.-à-d. résultant de l'inges-
tion de certaines substances alimentaires ou médicamen-
teuses qui s'éliminent par les glandes de la peau. Quant à
l'eczéma de cause interne, il était le symptôme d'un état
névropathique ou d'une maladie constitutionnelle telle que
la scrofule ou l'arthritis.
Cette manière éclectique de comprendre la pathogénie
de l'eczéma avait au moins le mérite de la simplicité et fut
longtemps acceptée ; aujourd'hui elle ne satisfait plus per-
sonne, et elle a contre elle les deux grands courants qui
partagent actuellement les dermatologistes. L'école aUe-
mande considère avant tout l'eczéma comme une lésion
locale. Hébra et ses disciples professent qu'il est toujours
possible de déterminer artificiellement sur un point quel-
conque de la peau et sur le premier individu venu toutes
les variétés de l'eczéma; ils ne reconnaissent à aucune
dyscrasie le pouvoir d'engendrer directement l'affection ;
tout au plus admettent-ils que certains états morbides déter-
minent, par altération secondaire des tissus, une irritabilité
des téguments et que ceux-ci peuvent alors devenir le siège
d'eczéma sous l'influence de telle ou telle cause extérieure.
Pour l'école française, au contraire, l'eczéma résulte avant
tout d'une prédisposition personnelle. Le rôle capital que
les auteurs allemands prêtent à l'irritation locale, les der-
matologistes français l'attribuent à l'état général, à l'apti-
tude morbide du sujet. N'est pas eczémateux qui veut. Il
existe une série d'affections qualifiées ajuste titre d'eczémas
qui défient toute reproduction expérimentale. La provoca-
tion externe locale, quand elle existe, n'est que peu de
chose, si une cause d'ordre plus élevé n'intervient. Les
applications irritantes pourront faire surgir une éruption
plus ou moins eczématoïde ; mais la lésion ainsi produite
s'atténuera rapidement si la cause disparaît et si le terrain
n'est pas spécialement propice : il y aura épidermite ou
dermite, il n'y aura pas eczéma. Pour que l'affection, telle
que nous la concevons, se réalise, il faut véritablement le
concours d'un vice interne, constitutionnel ou autre. Pro-
voqué ou non par des irritations venues du dehors,
l'eczéma, dit M. Besnier, comporte toujours au nombre de
ses facteurs, qui sont multiples, une condition individuelle
avec prédisposition héréditaire ou acquise. L'eczéma est
certainement la plus commune des dermatoses; d'après une
statistique de l'hôpital Saint-Louis, il entre environ pour
un tiers dans le total des affections cutanées.
Symptomatologie. L'affection se présente sous la forme
aiguë ou chronique. Dans la forme la plus commune de
l'eczéma aigu, le malade, sans prodromes généraux mani-
festes, éprouve, dans une région donnée, une sensation de
prurit, de cuisson qui, chez les arthritiques, est souvent
très marquée. Puis la région se couvre d'une teinte éry-
thémateuse variant du rose pâle au rouge sombre et se
tuméfie plus ou moins selon la laxité des tissus. Elle devient
bientôt le siège de papules minuscules et d'une nuée de
vésicules miliaires remplies d'une sérosité alcaline, citrine,
transparente et légèrement gommeuse qui n'est autre que
du sérum sanguin (Kaposi). L'exsudation peut être assez
intense pour produire de véritables bulles (E. phlycté-
noïdé) ; mais elle reste parfois si faible que les vésicules
demeurent imperceptibles et peuvent même manquer tota-
lement par places (E. sec). Lorsque la vésicule eczéma-
teuse se remplit de leucocytes sans que ses parois éclatent,
la lésion élémentaire devient une vésico-pustule (E, im-
pétigineux). Dans certains cas, surtout aux membres
inférieurs et chez les sujets variqueux, le liquide exsudé
renferme, en proportions notables, des globules rouges qui
prêtent aux vésicules et aux bulles une coloration légère-
ment sanguinolente. L'état vésiculeux n'a qu'une existence
éphémère. Les vésicules se rompent, et le liquide concrète
se mélange aux débris de l'épiderme altéré pour former
des croûtes jaunâtres plus ou moins épaisses et plus ou
moins adhérentes. La surface laissée à vif est rouge, poin-
tillée, chaude, humide, suintante, mal limitée ; ses bords,
irréguliers et diffus, se perdent peu à peu dans les régions
restées saines. Le suintement qui constitue l'apogée de
l'évolution morbide mérite bien à l'eczéma la dénomination
d'inflammation catarrhale de la peau qui lui est donnée par
quelques auteurs. Sa durée est très variable. Lorsqu'il
s'arrête, les croûtes se dessèchent, s'émiettent et dispa-
raissent, montrant à leur place une pellicule épidermique
lisse, luisante, très mince, non viable, qui ne tarde pas à
se flétrir et est elle-même remplacée par une série suc-
cessive d'épidermes transitoires et, pour ainsi dire, d'essai,
s'en allant à leur tour en squames et en poussière (E. squa-
meux), jusqu'à ce que la kératinisation se refasse dans les
cellules cornées. La peau reprend alors sa souplesse et sa
coloration habituelles, et il ne reste bientôt plus trace de
la poussée eczémateuse. Ces états divers du processus mor-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
^^^ — ECZÉMA
bide ne sont rigoureusement successifs que si l'on consi-
dère un point donné de l'éruption ; mais on les trouve le
plus souvent confondus si l'on étudie l'affection dans l'en-
semble de ses manifestations : souvent, chez un même
sujet, les vésicules se montrent à peine sur un point que
déjà, dans une région voisine, la réparation de l'épiderme
est achevée.
L'étendue de l'éruption varie dans des limites énormes ;
elle peut n'intéresser que quelques millimètres de la surface
tégumentaire ou l'envahir presque en entier. Dans ce der-
nier cas, l'inflammation cutanée est violente, les symptômes
généraux s'accentuent et se rapprochent assez de ceux
des fièvres éruptives {E. mbrum). Le plus souvent
l'eczéma se présente sous l'aspect de placards irréguliers,
de dimensions variables et très imparfaitement limités;
dans d'autres formes, on voit les vésicules rester dissémi-
nées çà et là (E, sparsiim), on s'assembler en petits groupes
discoïdes et nettement circonscrits (E. nummulaire), La
forme chronique de l'eczéma peut se montrer d'emblée ou
survenir à la suite d'une ou plusieurs poussées aiguës. Les
lésions fondamentales de l'eczéma chronique ne sont autres
que celles de l'eczéma aigu ; seule l'évolution diffère. La
peau ^ perd sa souplesse et sa coloration normales ; elle
s'épaissit, s'infiltre, parfois même se fissure et se gerce ;
les régions malades d'une teinte rouge violacé, et fortement
prurigineuses, se recouvrent de lamelles et de squames qui
se renouvellent indéfiniment. On peut ainsi, pendant des
semaines et des mois, constater simultanément toutes les
phases et toutes les variétés possibles du mal : ici dévelop-
pement ou exacerbation, plus loin régression ou rémission
de l'éruption. M. Quinquaud a signalé comme fait excep-
tionnel, à la suite de l'eczéma chronique, la transformation
ichtyosoïde de certains territoires cutanés. Quelle que soit
son ancienneté, l'eczéma chronique peut toujours revenir à
l'état aigu sous des influences locales ou générales.
MM. Besnier et Brocq ont attiré l'attention sur ce fait que,
chez les eczémateux, les poussées aiguës ont souvent pour
point de départ une plaque chronique solitaire dont la vita-
lité vient à se réveiller : d'où l'indication formelle de ne
jamais abandonner à elles-mêmes les plaques isolées, et en
apparence négligeables, d'eczéma chronique. Certaines loca-
lisations de l'affection offrent un intérêt très réel, tant au
point de vue de leur aspect et de leur marche qu'à celui
du traitement. Tels sont les eczémas du cuir chevelu, de
la barbe, des narines, du mamelon, des parties génitales,
des mains et des pieds; mais nous ne pouvons en donner
ici une description même succincte. Les ongles peuvent être
le siège d'eczéma, avec ou sans lésion concomitante des
doigts. Primitif ou secondaire, l'eczéma unguéal se présente
sous deux formes bien distinctes : tantôt l'ongle se racor-
nit, se décolle et tombe en laissant à nu une surface épaissie,
enflammée, érodée et suintante {forme périonyxiqué) ;
tantôt l'inflammation matricielle fait totalement défaut et
l'on voit simplement l'ongle, dégénéré, athrepsié, se ternir,
se strier et se déformer peu à peu jusqu'à ce qu'il s'exfolie
et s'effrite.
L'eczéma des muqueuses, dont l'existence n'est pas dis-
cutable aujourd'hui, résulte le plus souvent de la propa-
gation d'un eczéma cutané. Il peut à la rigueur se produire
spontanément, mais on trouve alors, presque toujours sur
la peau ou le cuir chevelu, la coexistence d'une lésion de
même nature. Toutes les muqueuses ne sont pas aptes à
produire l'eczéma : l'affection ne se développe jamais que
sur celles qui ont avec la peau la plus grande analogie de
structure (conjonctives, muqueuses des narines et des fosses
nasales, des lèvres, de la bouche, de la langue ; muqueuses
giando-préputiale, vulvaire, vaginale, anale ; muqueuse du
col utérin. Nous avons indiqué plus haut le rôle considé-
rable joué par la constitution du malade dans l'apparition
de l'affection. Ce rôle n'est pas moindre dans la physionomie
revêtue par les poussées eczémateuses. Chez les sujets lym-
phatiques, la réaction inflamn/atoire se fait vivement sentir,
les ganglions s'engorgent, le suintement est considérable
35
ECZÉMA — EDDA
- 546 -
et produit ces croûtes mellifornies qui constituent la variété
dite impétigineuse. Chez les arthritiques, les poussées
fluxionnaires sont souvent rapides et intenses et récidivent
très facilement. Dans les périodes régressives, il est assez
commun d'observer chez eux les variétés cannelées et cra-
^^Aucun âge n'est à l'abri de l'eczéma. On connaît chez
le nouveau-né trois formes de l'affection (croûtes de lait) :
l'eczéma nerveux de dentition, l'eczéma strumeux et 1 eczéma
séborrhéique de Unna (V. Séborrhée). Dans la seconde
enfance, la forme impétigineuse prédomine. L adolescence
et la jeunesse semblent plus particulièrement exposées aux
poussées consestives, rapides, mais récidivantes : 1 eczéma
svmptomatique de l'arthritisme et de la goutte se montre
principalement à l'âge mûr. C'est surtout à cette époque de
la vie qu'il est possible de voir des alternances curieuses
se produire entre la manifestation cutanée et certaines
manifestations viscérales du côté des poumons, des rems,
du cœur, de l'encéphale, etc. (Brocq, Gaucher, Thibierge) .
Les eczémas répétés peuvent aboutir chez le viei lard a
l'état décrit par Bazin sous le nom d'herpétide exfoliatrice
maligne ; mais il est plus commun de voir les progrès
de l'âge amener dans l'affection une sorte d atténuation,
d'affaissement qui n'est pas sans rapport avec l'altération
régressive de la peau. Chez la femme, la période des règles
etla ménopause sont assez souvent l'occasion d'éruptions
eczémateuses plus ou moins accentuées. D'après Brocq,
certains érysipèles menstruels ne sont que des eczémas.
Unna (de Hambourg) a décrit récemment un eczéma
séborrhéique, pour l'histoire duquel nous renvoyons au
mot Séborrhée. Veczéma marginé de Hebra est carac-
térisé par des cercles ou segments de cercle de dimensions
très variables, circonscrits à leur périphérie par une rangée
de papules rouges, de vésicules et de croutelles, présentant
une aire foncée, ordinairement excoriée et se développant
excentriquement autour d'une papule centrale (Kaposi).
Cette création de l'école viennoise ne représente pas une
affection univoque ; pour les plus autorisés des dermatolo-
eistes français, elle n'est qu'un mode éruptif, quune
manière d'être possible de plusieurs causes très distinctes:
tricophytie, pityriasis versicolore, erythrasma, etc.
Pronostic. Sauf aux âges extrêmes, l'eczéma est toujours
d'un pronostic favorable, quant à la vie du malade. Mais
même dans les cas les plus bénins en apparence, le médecin
devra garder la plus grande réserve sur les questions de
durée, d'extension et de récidive. C'est que, en effet, la
marche de l'affection, ainsi que nous venons de le voir, est
soumise avant tout à l'état général et à la constitution du
sujet. Vouloir condenser dans une formule unique^ le pro-
nostic général des affections eczémateuses serait s exposer
sans excuse à de fâcheux mécomptes. .
Traitement. Il y a dans l'eczéma deux éléments a soi-
cner : la lésion et la maladie. D'oii la nécessité d'un trai-
tement à la fois local et général. Nous ne pouvons entrer
à cette place dans de longs développements sur les innom-
brables procédés mis en œuvre pour guérir l'eczéma. Nous
dirons simplement que, dans la forme aiguë, le médecin doit
se garder avant tout des remèdes trop énergiques. Une
médication violente transforme souvent en une affection
étendue et rebelle ce qui n'était au début qu'un eczéma
lé^er. Les applications émollientes et adoucissantes se-
ront conseillées de préférence, surtout au début du mal,
lorsque Tinflammation est vive et le suintement abondant.
Plus tard, si la lésion persiste, on arrivera graduellement
aux préparations plus actives. Quand l'eczéma est nette-
ment chronique, les topiques résolutifs ou substitutifs
peuvent être employés de préférence, mais non sans pru-
dence et sans choix, surtout chez les vieux arthritiques
et chez les sujets atteints de troubles viscéraux graves.
Quelque important que soit le traitement local, il ne pourra
le plus souvent réussir qu'avec le concours de l'hygiène et
d'une médication interne s'adressant à la maladie générale,
cause première de l'éruption. On conçoit d'ailleurs qu'il
n'existe point, à proprement parler, de remède spécifique
contre l'eczéma. Il n'y a pas, dit M. Besnier, de traitement
général de l'eczéma ; il n'y a que des eczémateux qu'il faut
traiter non seulement selon l'espèce particulière d'eczéma
dont ils souffrent, mais encore selon leur état diathésique,
selon les conditions d'organes et de fondions qu'ils pré-
sentent. D'' PiGNOT.
EDA* (Ile). L'une des îles Orcades, au N. de l'Archipel,
entre Westra, Rowsa et Strousa ; bon mouillage du Calf
Sound; 800 hab, environ (V. Orcades).
EDAM. Ville des Pays-Bas, prov. de Hollande septen-
trionale, arr. de Hoorn, près d'Amsterdam, sur le Zuy-
derzée; dans la baie de l'Y, par 52° 30' 46^'' de lat. N.et
22» 42' 43'' de long. E; 4,000 hab. Port de mer (cons-
tructions de navire), raffinerie de sel, fonderie d'huile de
baleine, commerce de bois et de fromage ; grandes foires
aux fromages. Cathédrale avec de beaux vitraux. En 4825,
les digues d'Edam furent rompues par la mer, ce qui
causa de grands désastres. M. d'E.
EDAM. Ile de la Malaisie (archipel de la Sonde), près de
la côte N. de Java, à 24 kd. N. de Batavia ; circonfé-
rence de 3 kil. Elle est couverte de bois.
ÉDAPHODON (Paléont.). Buckland a établi ce genre
pour des Chimérides des terrains tertiaires inférieurs d'An-
gleterre caractérisés par les maxillaires supérieurs munis
de trois tubercules, deux situés au bord interne de l'os,
l'autre, plus long et étroit, au bord externe ; au maxil-
laire inférieur se trouvent un large tubercule plat, qui
occupe presque toute sa surface interne, et deux petits
tubercules, placés obliquement sur le bord dentaire ; l'in-
termaxillaire est concave en dedans, convexe en dehors.
BiBL. : Agassiz, Poissons fossiles, t. III, p. 351.
ÉDAPHOSAURE (Paléont.). Cope a établi ce genre pour
un Batracien du terrain permien du Texas, allié aux Pan-
tylus. Les dents de la mandibule et du maxillaire sont
subconiques, subégales ; la partie postérieure du mandibu-
laire est étendue et porte de nombreuses dents serrées ;^le
ptérygoïde et probablement l'expansion interne de l'os
malaire sont armés de dents nombreuses et serrées ; le con-
dyle occipital n'est pas divisé. Le type du genre est E. po-
qonias, E. Sauvage.
BiBL. : Cope, Américain Philosophical Society, 1882.
EDAR. Ville de l'Inde, dans le Goudjerat, ch.-l. d'une
principauté de la confédération du Mahikanta (V. ce
nom), au S. des monts Doungars; la ville a 1,000 hab.,
la principauté 220,000 environ.
EDBAÏ, ETBAH ou ETBAYE. Massif montagneux delà
Nubie orientale qui s'étend jusque dans la mer Rouge, oii il
a donné son nom au cap dit Elbea (altération de Edbaï) qui
se trouve par 22» 2' de lat. N. Ce massif contenait des
mines d'or célèbres que les pharaons d'Egypte avaient
exploitées. La ville maritime d'Aïdab paraît également
avoir été ainsi dénommée d'après une forme altérée du
nom de ce massif montagneux.
EDDA (Aïeule). Recueil de traités en prose islandaise,
composé au commencement du xiii^- siècle par l'historien
Snorré Sturluson (f 1241). H comprend: l^ Gylfagin-
ning ou fascination de Gylfé, sorte de catéchisme de la
mythologie Scandinave, avec les Récits de Bragé, ainsi
qu'un Prologue et un Epilogue où l'auteur s'efforce de
concilier les traditions sur les émigrés troyens avec celles
des anciens peuples établis en Scandinavie ; 2° Skalds--
kaparmdl ou Skalda, traité de la diction poétique (péri-
phrases, métaphores, épithètes, synonymes, etc.), avec de
nombreux exemples tirés des chants des Skalds ; 3° Hat-
tataU métrique avec des exemples des diverses espèces de
vers et de strophes composés par Snorré. Ces traités sont
accompagnés de pièces généralement bien différentes, dans
les plus anciens manuscrits qui les contiennent, mais ce sont
les seuls auxquels on ait donné le nom d'Edda au moyen âge.
Comme ce recueil renfermait aussi des vers et même des
poèmes entiers, le savant évêque Brynjulf Sveinsson appela
de même un autre recueil qu'il attribuait à Ssemund Sig-
— 547 —
EDDA — EDELINCK
fùsson (f 1133) et qui se compose de poèmes mythiques,
éthiques et héroïques, accompagnés de courtes explications
en prose. Saemund ayant vécu une centaine d'années
avant Snorré, cette Edda fut appelée ancienne ou poé-
tique par opposition à la nouvelle ou prosaïque. Ces
chants, composés dans le mètre archaïque {fornyrdalag)
oii ses variétés sont, dans leur simplicité grandiose, du
nombre des plus beaux de la vieille littérature norraine.
Quoiqu'ils aient été transcrits, remaniés ou tout au moins
rajeunis par des chrétiens, leur caractère est essentielle-
ment païen et les sujets historiques remontent jusqu'au
m® siècle de notre ère. Comme la plupart des poésies po-
pulaires, ils sont anonymes. L'ensemble n'est conservé que
dans un seul manuscrit du xiii® siècle, le fameux Codex
regius ou de la bibliothèque royale de Copenhague, mais
quelques fragments ou des morceaux de même genre, qui
se trouvent dans VEdda de Snorré ou ailleurs leur ont été
adjoints dans différentes éditions. Ils peuvent être ainsi
classés: 1° chants mythiques : Vœluspd, Vegtamskvida
ou Rêves de Baldr, Thrymskvida^ Eymiskvida^ Loka-
senna ou OEgisdrekka , Hdrbardsljod, Skirnisfœr ,
Vafthrudnismdl, Grimnismdl, Alvissmdl ; 2^ poème
éthique : Hdvamdl; 3° poèmes généalogiques : Rigsmdl,
Hyndluljod ; ¥ chants légendaires : Helgakvida Hjœr-
vardssonar, Helgakvida Hundingsbana (I et II), 5m-
fjœtlalok, Sigurdarkvida Fdfnisbana (l,II, III), Fdfni-
smdU Sigrdrifumdl, Gudrunarkvida (I, II, III), Helreid
Brynhildar, Drap Niflunga, Oddrunargrdt, Atlakvida,
AtlamdU Gudrunarfiv it, Ramdismdl. Les poèmes my-
thiques analogues sont : Grottasœng^ Grogaldr^ Fjœls-
vinnsmdl, Hrafnagaldr Odins, Darradarljod et So-
larljod. Beauvois.
BiBL. : Ancienne Edda. — Codex regius^ reproduction
phototypique ; Copenhague, 1891. ■— Edda Ssemundar hins
froda^ edit. arnama,Q:néenne avec trad. et comment, en
latin; Copenhague, 1787-1828, 3 vol. in-4. — Texte édité par
Rask et Afzelius ; Stockholm, 1818, in-8 ; — par P.-A.
MuNCH ; Christiania, 1847, in-8 ; — par Th. Mœbius ;
Leipzig, 1860, in-12 ; — par S. Bugge ; Christiania, 1867,
in-8 -, — par Svend Grundtvig ; Copenhague, 1868 ; 2« édit.,
1874 ; — par Gudbrand Vigfusson et F. y. Powell,
dans le t. I de Corpus poeticum boréale, avec trad. an-
glaise : Londres, 1883; —par B. SiJMONS,av.trad. allem,;
Halle, 1888, in-8; — par Finn Jonsson; Halle, 1888-89,
2 vol. in-8. — Traduit en danois: par Finn Magnusën;
Copenhague, 1821-1823, 4 vol. in-8 ; — par V.-B. Hjort,
ibid., 1865 ; — par G.-H. Mœller, ihid.^ 1871 ; — par
A. Gjessing ; (^hristianssand, 1862. — En suédois , par
Afzelius; Stockholm, 1818; — par P.-A. GŒDEGKE,z6id.,
1877. — En allemand, par K. Simrock ; Stuttgart, 1861 ;
8« édit., 1882; — par W. Jordan ; Francfort-sur-le-Main,
1889.— En français, par Mii« R. du Puget; Paris, 1844;
2o édit., 1865. — En anglais, par B. Thorpe ; Londres,
1865, in-12.
Nouvelle Edda. —Edda Islandorum, édit. par Resen,
avec trad. lat. de M. Olavii; Copenhague, 1665, in-4. —
Snori^a Edda^ édit. par Rask ; Stockholm, 1818, in-8. —
Edda Snorra Sturly,sonar, éd. par Sveinbjœrn Egilsson;
Reykjavik, 1848, in-8 ; par la commission arnama-
gnéenne, 1848, 1. 1 ; 1852, t. II; Copenhague, 1880-1887, t. III,
3 vol. in-8, avec trad. latine ; — par Th. Jonsson, ibid., 1875.
Pour les éditions et traductions partielles des deux
Eddas, les vocabulaires et les commentaires dont elles
ont été l'objet, V. les deux catalogues de Mœbius ; Leip-
zig, 1856 et 1880, in-8, et les bibliographies périodiques ou
annuelles publiées dans Germanïa, dans Skyrslur de la
Société de littérature islandaise et dans Arfeiu for nordisk
Filologi,
EDDIS (E.-U.), peintre anglais du. xix® siècle. Ses
tableaux se distinguent par une belle ordonnance et un
coloris harmonieux. On cite une Ruth et Noémi et de
beaux portraits.
EDDYSTONE. Récif de la côte méridionale d'Angleterre,
dans la Manche, au large du comté de Cornouailles, à
22 kil. S.-O. de Plymouth, par 50M0'49'' lat. N. et
6^36^3^^ long. O.Le rocher à fleur d'eau est long de 183 m. ;
il se prolonge sous la mer de 142 m. vers le S., 115 à l'E.
et 274 au N.-E; à l'O., on trouve au pied même 20 m. de
fond. A marée haute, la mer recouvre tout le rocher ; bien
que d'un gneiss très dur, il est rongé par les vagues qui dé-
ferlent à 60 m. de haut. La fréquence des naufrages fit
décider en 1696 l'érection d'un phare à Eddystone ; achevé
en 1700 par Winstanley, il fut emporté par les flots, dès
1 703, avec l'architecte. On en reconstruisit un autre de 1706
à 1709, en bois comme le premier, mais avec des fonda-
tions en pierre; il avait 30 m. de haut; il brûla en 1755.
Dès l'année suivante, Smeaton le rebâtit (1756-1759) dans
des conditions de solidité très admirées des ingénieurs, sur
le modèle d'un tronc de chêne. Il était bâti en blocs d'oo-
lithe de Portland et de granit du poids de deux tonnes,
avait 85 pieds de haut, 263 de diamètre à la base et 15 au
haut ; le feu était à 72 pieds de haut et visible à une dis-
tance de 21 kil. Le rocher ayant été rongé en dessous par
la mer, on rebâtit à 37 m. plus loin un nouveau phare
(1879-1882) qui remplaça celui de Smeaton et dont le feu
a une portée de 27 kil. (V. Phare).
EDÉBALI, savant cheik, célèbre par sa sagesse et son
érudition et particulièrement par le rôle qu'il a joué dans
la vie du fondateur de l'empire ottoman. Il était natif
d'Adana, ville de laKarmanie, et après avoir fait ses études
en Syrie, il venait s'établir à ïtbourouni, village voisin
d'Eskichehr, pour enseigner la foi et les lois de l'islamisme
aux Turcs. Sa réputation d'un sage et grand savant se ré-
pandait bientôt et même le prince Othman, fils d'Ertog-
lirul, allait souvent le visiter et le consulter. Mais ce n'était
pas seulement la sagesse du cheik qui attira le jeune prince.
Edébali était père d'une fille, Malkhatoun (femme-trésor),
dont la beauté enchanta tellement Othman, qu'il la demanda
pour épouse à son père. Cependant celui-ci, vu la diffé-
rence entre la condition du jeune prince et celle de sa fille,
la lui refusa, et ce ne fut que grâce à un hasard heureux
qu'Othman atteignit son but. Othman, passant une fois la
nuit chez le cheik, eut un songe étrange qu'il raconta, à
son réveil, au cheik. Celui-ci croyant reconnaître dans ce
songe une prédiction de la grandeur future d'Othman, réuni
avec sa fille, céda enfin et accorda sa fille au prince. Elle
fut la mère d'Ourkhan, second sultan ottoman. J. I.
BiBL. : J. DE Hammer, Histoire de l'Empire ottoman^
trad. par J.-J. Hellert, 1835, t. I. — A. de Lamartine, HiS"
toire de la Turquie^ 1854, t. I.
E D E L (Terre d') . Ancien nom de la côte occidentale d'Aus-
tralie, entre 26° et 31° lat. N. C'était celui du navigateur
hollandais qui en prit connaissance le premier (1619).
EDELCRANTZ (Abraham-Niklas) (V. Clewberg).
E D E L F E LT (Albert-Gustaf-Aris tides) , peintre finlandais ,
né à Kiala, près de Borgâ, le 21 juil. 1854, où son père
était directeur en chef des travaux publics. Il hérita des
goûts artistiques de ce dernier, et il était encore étudiant à
l'université de Helsingfors (1871-72) qu'il commençait déjà
d'exposer des copies, des portraits et même des tableaux
de genre, ce qui lui valut une subvention de l'Etat pour
aller étudier à Anvers (1873). De là il vint en France
(1874), 011 il travailla dans l'atelier de Gérôme. Il retourne
chaque année dans sa patrie, et il a voyagé en Italie (1876
et 1886), en Espagne (1881), en Angleterre (1884), mais
c'est à Paris qu'il réside d'ordinaire. Il a fourni des des-
sins à divers journaux illustrés de Paris, de New- York, de
Copenhague ; on lui doit aussi des pastels et des aquarelles,
mais ce sont ses peintures qui ont fondé sa réputation. Le
coloris en est moelleux, la touche vive et sûre, le dessin
élégant. Il faut se borner à citer parmi ses œuvres mul-
tiples quelques-uns de ses tableaux : la Reine Blanche
(1877) ; le Duc Charles (IX) devant le cadavre de Clas
Fleming (1878) ; le Village en feu; Convoi d'enfant
(1880) ; Deux Amis; Office religieux dans les récifs du
Nyland (1882), acheté pour le musée du Luxembourg;
la Grand' Maman de dix ans; Sur mer (1884) ; Portrait
de Pasteur (1886), le Samedi soir; Au Jardin du
Luxembourg ; les Lingères; Horace et Lydie, B-s.
EDELFORSITE (Miner.). Syn. OEdelforsite. Silicate de
chaux trouvé à OEdelforss en Smâland (Suède). Il se trouve
en masses fibreuses ou compactes, blanches ou grisâtres.
Dureté, 5.5 ; densité, 2,5. Soluble dans les acides en
faisant gelée. Fusible au chalumeau. A. Lacroix.
EDELINCK (Gérard), célèbre graveur français, d'origine
EDELINCK — EDEN
— 548 —
flamande, né à Anvers vers 1640, mort à Paris le 2 avr.
1707. Fils de Bernard Edelinck, tailleur d'habits, il eut
pour premier maître Corneille Galle le Jeune, le moins habile
des artistes de cette famille. A cette date, la haute renommée
de la gravure flamande était déjà presque éteinte et celle
de l'école française venait de commencer à briller. Edelinck
vint donc, en 1666, à Paris, où son frère Jean l'avait déjà
précédé. Il y trouva l'appui et l'amitié de son ancien con-
disciple, Nicolas Pitau, graveur d'un grand talent, mort pré-
maturément. Celui-ci refit en quelque sorte l'éducation artis-
tique de son compatriote, et l'on constate, en effet, de sérieux
progrès dans l'estampe Jésus et la Samaritaine qu'Ede-
linck a gravée en 1670 d'après Philippe de Champaigne. Cet
illustre peintre le prit à son tour en affection et lui confia
des tableaux à graver ; au surplus, en ardent janséniste qu'il
était, il exerça sur lui une puissante influence morale qui
se reflète dans la vie entière d'Edelinck. Notre jeune artiste
fut heureux en tout, et partout il trouva des sympathies.
François de Poilly le fit travailler chez lui, Nanteuil l'attira
ensuite dans son atelier et lui fit même épouser sa nièce,
Madeleine Regnesson (1^^ mai 1672). Le tout-puissant
Le Brun le recommanda à Colbert, qui lui fit graver, pour
la thèse de son fils, le futur archevêque de Rouen, la
Sainte Famille, dite de François P^ Ce fut la première
interprétation d'un tableau de Raphaël digne de ce peintre,
et cette estampe classa Edelinck parmi les maîtres de la
gravure. Dans la Tente de Darius, d'après Le Brun, il sut
faire ressortir toutes les qualités du modèle et en atténuer
les défauts. Dès lors, il fut chargé de graver toute une
série de tableaux de ce peintre, entre autres la Madeleine
repentante qui passe pour être le portrait de W^^ de la
Yallière. NaturaUsé par lettres du 25 oct. 1675, il entra
à l'Académie royale de peinture le 6 mars 1677 et, le jour
de sa réception, il reçut le titre de conseiller de l'Académie,
faveur sans précédent. Le roi le nomma son premier gra-
veur et lui accorda un logement aux Gobelins, où il dirigea
jusqu'à sa mort la petite « académie étabhe pour l'instruc-
tion des artistes-tapissiers ». Le pape le fit plus tard
chevalier romain, Edelinck méritait tous ces honneurs par
les hautes qualités de son art et la rare souplesse de son
talent. Graveur d'histoire incomparable (cette partie de
son œuvre compte environ cent quarante pièces), il égala
presque Nanteuil comme portraitiste. Le plus remarquable
de ses portraits est celui de Philippe de Champaigne, chef-
d'œuvre de l'art et qui rend on ne peut mieux la dignité et
le calme philosophique de ce grand artiste. Parmi les deux
cents autres effigies, une place d'honneur est due à celles de
Ch. Le Brun, d'après Largillière ; du sculpteur Desjardins,
d'après Rigaud; de l'abbé Claude de Sainte -Marthe,
d'après Jouvenet ; du ministre protestant NathanaëlDilger,
La grande suoériorité d'Edelinck comme graveur consiste
en ce qu'il n'eut recours qu'au burin seul, mais qu'il mania
avec une aisance sans égale, sachant en varier le style et
le procédé seion les caractères du modèle. Dessinateur
accompli, il fut le premier à donner de la couleur à ses
estampes, et la réunion exceptionnelle de tant de qualités
diverses font de lui le plus complet des graveurs, comme
M. le vicomte Delaborde l'a démontré dans sa brillante
monographie. S'il n'a formé aucun élève direct d'une valeur
réelle, il fut l'instituteur de tous les maîtres qui vinrent
après lui. G. Pawlowski.
BiBL. : Mémoires sur la vie et les ouvrages des membres
de l'Académie royale de peinture et de sculpture, 1854,
t. II. — Mariette, Abecedario, t. IL— Robert-Dumesnil,
le Peintre-Graveur français, t. VII et XI. — Jal, Diction,
critique d'hist. et de biogr. — A. Firt.iin-Didot^ les Gra-
veurs de portraits en France. 1. 1. — G. Duplessis, His-
toire de la gravure.— V*» H. Delaborde, Gérard Edelinck,
1886, in-4, avec 34 grav.
EDELINCK (Jean), graveur français, né à Anvers vers
1643, mort à Paris le 14 mai 1680. Frère du précédent et
élève comme lui de Corneille Galle, il vint s'établir à Paris
avant 1666. Il montra du talent dans quelques vignettes
de son invention et dans des frontispices ingénieusement
agencés. Ses estampes, telles que : la Sainte Vierge mon-
trant la tunique de son fils, d'après J.-B. de Champaigne ;
Apollon servi par les Nymphes, d'après le groupe de
Girardon, cinq planches faisant partie de la suite intitulée
la Grotte de Versailles; plusieurs portraits, entre autres
celui de Nicolas Sanson, géographe, attestent qu'il eût
conquis une place distinguée parmi les burimstes de l'époque
sans sa mort prématurée. Il eut le titre de graveur du roi.
EDELINCK (Gaspard-François), graveur au burm,né à
Anvers vers 1644, mort à Paris le 21 mai 1722. Elève de
son frère Gérard, il fit preuve d'un talent réel, au point
que certaines de ses planches ont été attribuées au maître,
telles que les portraits du comédien Poisson et du chanoine
Feuillet. On lui doit encore ceux de Langer on de Maule-
vrier, abbé général de Saint -Antoine, et du cardinal
Ximenès. Son œuvre n'est pas encore reconstitué et les
iconographes le passent généralement sous silence.
EDELINCK (Nicolas -Etienne), graveur, né à Pans le
9 avr. 1681, mort à Paris le 11 mai 1767. Fils et élève
de Gérard, il travailla également dans l'atelier d'Amling,
à Munich, puis séjourna longtemps à Venise et à Rome.
Mariette constate qu'une grande indolence Tempècha d exer-
cer avec succès un art pour lequel il avait d'heureuses dispo-
sitions. Sa meilleure œuvre est une Sainte Vierge^ tenant
r Enfant Jésus endormi, d'après un tableau attribué au Cor-
rège, estampe datée 1708. On lui doit un certain nombre
de portraits, généralement peu connus, entre autres ceux de
Raphaël, de Malebranche, du peintre Poerson, d'Houdart
de La Motte, de Saint-Evremond, de M*^^ de Sévigné,
de Philippe d'Orléans, régent, et celui de son père,
Gérard Edelinck, d'après Tortebat. G. P-i. ^
EDELMANN (Jean-Frédéric), compositeur français, ne
à Strasbourg le 6 mai 1749, mort à Paris, sur l'échafaud,
le 17 juil. 1794. Il se produisit d'abord comme pianiste,
publia de nombreuses sonates pour son instrument, puis fit
exécuter au concert spirituel un oratorio, Esther , et une
cantate, la Bergère lyrique. En 1782, il donna à l'Opéra
le Feu, un acte, et Ariane dans Vile de Naxos, un acte,
son meilleur ouvrage, qui obtint un grand succès. Pen-
dant la Révolution, il retourna à Strasbourg, s'y mêla aux
événements politiques, fut amené devant le tribunal révo-
lutionnaire à Paris, condamné à mort et exécuté avec son
frère, qui était facteur d'instruments à Strasbourg. Edel-
mann avait été le maître de Méhul. .
EDELSHEIM (Ludwig, baron von), homme politique
allemand, né à Karlsruhe le 24 oct. 1823, mort le 23 fevr.
1872. Il entra au service de la Hesse-Darmstadt, puis du
grand-duché de Bade (1861) qu'il représenta à Vienne; il
fut président d'un ministère progressiste (oct. 1865), décida
en 1866 le grand-duc à faire la guerre à la Prusse et dut
se retirer le 23 juil. 1866. Il rentra dans la vie privée.
EDELSHEIM-Gyulai (Leopold-Wilhelm, baron d'), gé-
néral autrichien, né à Carlsruhe le 10 mai 1826, frère du
précédent. Adopté en 1860 par son cousin le comte Gyulai,
il en ajouta le nom au sien. Il entra au service de 1 Au-
triche dans la cavalerie, combattit en Italie et en Hongrie
(1848-49), était colonel de hussards dans la campagne de
1859 ; il commandait une division de cavalerie légère dans
la campagne de Bohême (1866). Il fut chargé de reorga-
niser la cavalerie avec le titre d'inspecteur.
EDELWEISS (V. Gnaphalium).
EDEN ou jardin d'Eden, c.-à-d. de délices. C est le nom
donné au jardin ou parc où la Bible place le premier couple
humain (V. Chute [Histoire religieuse], t. XI, p. 331).
EDEN. Fleuve d'Angleterre, comtés de Westmoreland
et Cumberland (V. ces mots). Il coule vers le N.-N.-O.
entre les monts Cumbriens et la chaîne Pennme, arrose
Appleby, Kirkoswald, Carlisle, et débouche dans le golte
de Solway après un cours de 113 kil. Sa vallée est pitto-
resque, n reçoit à droite le Croglin et l'Irthmg, à gauche
l'Eamont et le Caldew. C'est le principal cours d eau de
cette région. Ses pêcheries de saumon sont renommées. ---
11 y a en Ecosse un fleuve côtier du même nom, long de
30 kil. qui traverse le comté de Fife, de l'O. et lE., et
— 549 —
EDEN
arrose Cupar. En outre, un affluent de gauche de la Tweed
porte le même nom.
ÉDEN-Théàtre. C'est à l'imitation d'un théâtre nouvel-
lement construit sous ce nom à Bruxelles et dont les pre-
miers succès avaient été brillants, qu'on eut l'idée d'élever
à Paris, rue Boudreau, à deux pas de l'Opéra, un établis-
sement luxueux du même genre, consacré surtout au grand
ballet scénique. Les directeurs de l'entreprise étaient
MM. Plunkett, Cantin et Ernest Bertrand, qui inaugurèrent
le nouveau théâtre, le 7 janv. 4883, par la première
représentation d'un grand ballet italien, Excelsior, de
M. Manzotti, musique de M. Marenco. Le genre était abso-
lument neuf pour les spectateurs français ; l'ouvrage était
monté avec une somptuosité extraordinaire; le succès fut
énorme, et tout Paris voulut voir Excelsior, Malheureu-
sement, les frais étaient tels qu'ils ne pouvaient même être
couverts par l'abondance des recettes. A Excelsior suc-
céda un autre ballet du même genre, Sieba, mais moins
heureux. Les difficultés commencèrent ; la première direc-
tion passa la main à M. Paul Clèves, qui eut bientôt pour
successeur M. Plunkett, seul. On vit tour à tour plusieurs
grands ballets, la Cour d'amour^ Messalina^ Speranza,
Djemmah, où se firent remarquer plusieurs excellentes
danseuses : M^^^^ Cornalba, Zucchi, Laus, Saracco, Carmen,
Rivolta. Un autre ballet italien, Brahma^ puis Viviane^
entremêlés ou accompagnés de petites pantomimes moins
importantes : Folie parisienne, un Théâtre au Japon,
la Phalène, la Fille mal gardée, le Roman comique,
Pierrot en voyage, etc., ne purent maintenir la première
vogue du théâtre, qui dut fermer ses portes. C'est alors
que M. Lamoureux loua la salle pour la transformer en
un théâtre lyrique consacré surtout à Wagner, et qu'il y
donna, le 3 mai 1887, la première représentation de
Lohengrin, Des troubles extérieurs ayant arrêté net cette
nouvelle exploitation, le théâtre reprit son genre primitif
avec un nouveau ballet italien, Rolla, sous la direction de
M. Comy. M. Bertrand, ayant succédé à ce dernier, eut
l'idée d'introduire l'opérette et la féerie à l'Eden, et y
donna des reprises de la Fille de Madame Angot, du
Pied de mouton et du Petit Duc, après quoi il monta,
sans aucun succès, une grande opérette de M. Ch. Lecocq,
Ali-Baba, dont la fortune avait pourtant été grande à
Bruxelles. On vit ensuite encore un ballet italien, Armida,
puis une revue de MM. Blondeau et Monréal, Paris après
l'Exposition; mais rien de tout cela n'était heureux, et
le théâtre cessa de nouveau ses représentations. C'est à ce
moment que M. Verdhurt, ancien directeur du théâtre de
Rouen, voulut à son tour y établir un théâtre lyrique, et
offrit au pubhc un fort bel opéra de M. Saint-Saëns,
Samson et Dalila, encore inconnu à Paris et joué par
M^^^ Bloch, MM. Talazac et Bouhy, et la reprise de la
Jolie Fille de Perth', de Bizet, avec M^^^ Caroline Méze-
ray, MM. Engel, Boyer et Isnardon. Mais M. Verdhurt
était sans ressources aucunes, et, malgré la faveur avec
laquelle son entreprise fut accueillie, elle ne put se sou-
tenir au delà de quelques représentations. Depuis lors,
TEden-Théâtre végète misérablement, et c'est à peine si le
public connaît encore l'existence de cette salle superbe,
assez mal aménagée, mais dont on pourrait faire un ma-
gnifique théâtre. Arthur Pougin.
EDEN (Richard), écrivain anglais, né dans le comté
d'Hereford vers 1521, mort en 1576. Il est connu par
diverses traductions, entre autres : la Cosmographie de
Munster (1553) ; le de Natura magnetis de Taisner
(1574) ; le Voyage de Ludovico Barthema aux Indes
(1577) et surtout par un recueil de relations de voyages
fort intéressantes, publié sous le titre : The Décades of
the newe worlde or West India (1555). Chassé d'An-
gleterre pour hérésie, il était entré, en 1562, au service
du vidame de Chartres, Jean de Ferrières. En 1573, il
revint à Londres après avoir échappé, non sans peine, aux
massacres de la Saint-Barthélémy.
EDEN (William), premier lord Auckland (V. ce nom).
EDEN (Morton), premier baron Henley, diplomate an-
glais, né le 8 juil. 1752, mort le 6 déc. 1830. Aussitôt
après avoir terminé ses études à Oxford, il entra dans la
diplomatie, fut ministre plénipotentiaire à la cour de Ba-
vière, ministre à la diète de Ratisbonne (1776), envoyé
extraordinaire à Copenhague (1779), à Dresde (1782), mi-
nistre plénipotentiaire à la cour de Saxe-Gotha (1791),
puis à la cour de Berlin la même année. En 1793^ il était
nommé ambassadeur à Vienne et, en 1794, ambassadeur
extraordinaire à Madrid. Mais il fut rappelé presque aus-
sitôt à Vienne, où il demeura jusqu'en i 799. En nov. 1799,
il se retira de la carrière et reçu le titre de baron Henley.
C'était un savant, et il fit partie de la Société royale. —
Son fils, Robert Eden, second baron Henley, né en 1789,
mort à Londres le 1^^" févr. 1841, inscrit au barreau de
Londres en 1814, maître à la chancellerie (1826-1840),
représenta Fowey à la Chambre des communes de 1827 à
1830 et entra à la Chambre des lords à la mort de son père.
Il a publié divers ouvrages : Décisions oflord Northing-
ton in the court of chancery (1823, 2 vol.); Memoir
ofthe life of Robert Henley, earl of Northington (1 831 ) ;
A Practical Treatise on the bankrupt Law (1825) ; A
Digest of the bankrupt Law (1832) ; A Plan for a new
arrangement and increase in number of the diocèses
of Englaîid and Wales (1834). R. S.
EDEN (Sir Frederick Morton), économiste anglais, né
en 1766, mort à Londres le 14 nov. 1809. Il fit ses études
et prit ses grades à Oxford. Il consacra sa vie entière à
des travaux économiques. Il fut un des fondateurs et un
des présidents de la Compagnie d'assurances le Globe,
Nous citerons de lui : The State of the poor, or an his-
tory of the labouriîig classes in England (Londres,
3 vol. in-4) ; Porto Bello or a plan for the improve-
ment of the Port and city of London (Londres, 1798) ;
An Estimate ofthe number of the inhabitants in Great
Britain and Ireland (Londres, 1800) ; Observations on
friendly societies for the maintenance of the indus-
trions classes during sickness, infirmity, old âge and
other exigencies {Lonàv^^, 1801) ; Eight Letters on the
peace and on commerce and manufactures of Great
Britain (1802) ; Address on the maritime rights of
Great Britain (1807); The Vision (1820).
EDEN (George), homme d'Etat anglais, né à Eden Farm
(comté de Kent) le 25 août 1784, mort à La Grange
(Hampshire) le \^^' janv. 1849, fils de lord Auckland
(V. ce nom). Après avoir fait ses études à Oxford, il fut
inscrit au barreau de Londres en 1809, et le dO mars
1810, il succédait à son frère comme représentant de Wood-
stock à la Chambre des communes où il siégea jusqu'en
1812. Réélu par le même bourg en 1813, il hérita du titre
et des prérogatives de son père le 28 mai 1814 et entra
alors à la Chambre des lords. Membre influent du parti
whig, il reçut dans le cabinet Grey (1830) le portefeuille
du commerce, et succéda à sir James Graham, en 1834,
comme premier lord de l'amirauté. Tombé avec lord Mel-
bourne en déc. 1834, il reprit ces fonctions d'avril à sept.
1835. A ce moment, il fut nommé gouverneur général de
l'Inde. Ce fut sous son administration et grâce à ses menées
que s'ouvrit la campagne contre les Afghans, qui débuta
par son manifeste du 1®^ oct. 1838, enlevant le trône à
Dost Mohammed. Les premiers succès de cette campagne
excitèrent en Angleterre le plus vif enthousiasme. Auckland
fut créé, le 21 déc. 1839, lord Eden of Norwood et comte
d'Auckland. Mais survinrent les désastres de 1841, cau-
sés en grande partie par son imprévoyance. Auckland fut
rappelé. En 1846, il redevint premier lord de l'amirauté
dans le cabinet de John Russell. — Ses titres passèrent à
son frère, Robert-John Eden, né le 10 juil. 1799, mort
le 25 avr. 1870, chapelain de Guillaume IV (1831-4837),
puis de la reine Victoria (1837-1847), évêque de Sodor
etMan (1847), évêque de Bath et Wells (1854). Le troi-
sième baron Auckland a écrit Charges of the Bishop of
Bath and Wells (1855-1861, 2 vol.) et édité le Jour-
EDEN — ÉDENTES
— 550 —
nal et la Correspondance de William lord Auckland
(1860). R. S.
EDEN (Emily), femme auteur anglaise, née à Westmins-
ter le 3 mars 1797, morte près de Richmond le 5 août
4869. Elle accompagna aux Indes son frère George, deuxième
baron Auckland (1835-1842) et, de retour en Angleterre,
écrivit le récit de son séjour : Portraits of P copie and
Princes of India (Londres, 1844) et Up the Coimtry
(i 866) . Citons encore d'elle deux romans qui obtinrent un
succès énorme : The Semi-detached Bouse (Londres,
1859); The Semi-attached Couple (iMO), et une traduc-
tion de Marion Delorme en vers blancs. Son salon, à
Londres, était fréquenté par les personnalités littéraires et
politiques les plus considérables.
EDEN (Charles-Page), écrivain anglais, né à Bristol en
1807, mort le 14 déc. 1885. Il entra dans les ordres,
devint vicaire d'Aberford en 1850 et fut pourvu du cano-
nicat de Riccall en 1870. Il a donné un certain nombre
d'éditions d'ouvrages de théologie, considérées comme
excellentes, publié les OEuvres de Jeremy Taylor (10 vol.
in-8) et imprimé ses Sermons preached at St, Mary's
in Oxford (1855).
EDEN (Sir Ashley), troisième lord Auckland, adminis-
trateur anglais, né à Hertingfordbury le 13 nov. 1831,
mort le 9 juil. 1887. Il occupa, à partir de 1852, divers
emplois dans l'administration de l'Inde, devint, en 1860,
secrétaire du gouvernement du Bengale, signa en 1861 un
heureux traité avec le rajah de Sikkim, mais échoua dans
une mission semblable auprès du rajah du Bouthan, échec
qui amena la guerre entre l'Angleterre et cet Etat. En 1871 ,
Eden fut nommé gouverneur de la Birmanie anglaise, où il
réalisa d'habiles réformes administratives. Il succéda, en
1877, à sir Richard Temple dans le gouvernement du Ben-
gale où il se signala. En 1882, il fut nommé secrétaire au
conseil d'Etat.
ED EN ATE S. Peuple celtique des Alpes, qu'on n'a pas
encore pu localiser d'une manière certaine. Il n'est connu
que par l'inscription du Trophée des Alpes, rapportée par
Pline l'Ancien (H. nat., III, xxiv, 4). Certains savants le
rapprochent des Adanates, dont le nom est inscrit sur l'arc
de Suse, tandis que d'autres, comme Honoré Bouche,
d'Anville et plus tard M. Deloye, cherchent la cité des
Edenates à Seyne, ch.-l. de cant. de l'arr. de Digne
(Basses-Alpes). L. W.
BiBL. : Honoré Bouche, Histoire de Provence^ I, 104-
105 ; 268. — D'Anville, Notice de la Gaule ancienne^ pp.
293-294. — Jacopo Durandi, Il Piemonte cispadano an-
tico; Turin, pp. 24-25. — Augustin Deloye, Des Edenates
et des monnaies de la ville de Seyne en Provence^ dans
Bibl. de l'Ecole des chartes, V, pp. 393-412, 2« série.
EDENDALE. Village du Natal, à quelques kil. S.-O.
de Pieter-Maritzburg, centre principal de la propagande
d'éducation dirigée par les missionnaires wesleyens.
EDEN KO BEN. Ville d'Allemagne, roy. de Bavière, Pa-
latinat rhénan, près de Landau ; 4,900 hab. Eaux sulfu-
reuses ; vin réputé. Villa de Ludwigshœhe et ruines de
l'abbaye d'Heilsbrûck,
ÉDENTÉS. I. Zoologie. — On désigne sous ce nom, et
quelquefois sous le nom latin de Bruta, un ordre ou plutôt
un groupe supérieur (sous-classe) des Mammifères placen-
taires qui comprend des animaux de formes et d'habitudes
très diverses, mais présentant en commun les caractères
suivants : mammifères terrestres homodontes^ c.-à-d. à
dents toutes semblables, sans racine et sans revêtement
d'émail, n'ayant jamais d'incisives aussi bien en haut qu'en
bas; pattes terminées par des doigts libres dont la dernière
phalange -est enveloppée d'un ongle généralement très épais
et très'fort, plus semblable à un sabot qu'à un ongle véri-
table. Ce dernier caractère place les Edentés entre les On-
guiculés et les Ongulés. L'absence des incisives, qui leur
a valu le nom à' Edentés, est constante, bien que chez cer-
tains Tatous (Dasypus sexcinctus) la première paire de
dents de la mâchoire supérieure, d'ailleurs semblable aux
autres, soit implantée dans l'os intermaxillaire qui porte
habituellement les incisives. De même, il n'y a pas de
canines, bien que dans le genre Cholœpus (V. Bradype)
la première paire de dents en haut et en bas soit forte et
pointue comme une canine. Toutes les dents, considérées
par conséquent comme des molaires, ont une constitution
uniforme : elles sont sans racine, ouvertes par leur base
et à pulpe persistante : l'émail manque toujours (saut
dans quelques formes fossiles), mais il y a une couche
épaisse de cément qui recouvre l'ivoire ou dentine et
pénètre même quelquefois entre les prismes dont est for-
mée la dent (Oryctérope). Les Edentés sont pour la plupart
Monophyodontes (sauf les genres Tatusia et Oryctero-
pus), c.-à-d. qu'il n'y a pas de dents de remplacement et
que la dentition dite de lait n'existe pas. Même chez ceux
qui présentent deux dentitions, le remplacement se fait sui-
vant un mode plus semblable à celui des Beptiles qu'à celui
des Mammifères supérieurs. Dans plusieurs types {MyrTne-
cophaga, Manis), les dents font complètement défaut.
Les Edentés se distinguent des autres Mammifères pla-
centaires par diverses particularités anatomiques. Leur
cerveau est assez variable, mais généralement lisse ou cou-
vert de circonvolutions peu compliquées, indiquant une
intelligence très faible. Tous ont l'apophyse coracoïde de
l'omoplate très développée et sont pourvus d'une clavicule,
bien que les ongles énormes dont la dernière phalange est
enveloppée comme d'un dé ne leur permettent guère de se
servir du membre antérieur en guise de main. Ce ne sont
donc pas de véritables Onguiculés, bien qu'on les place
généralement dans ce groupe. Le bassin, d'une forme par-
ticulière, comprend un nombre de vertèbres plus considé-
rable que celui des autres Mammifères. Les organes de la
reproduction sont aussi très différents : chez les Pares-
Type d'Edentés (Oryctérope du Cap).
seux {Cholœpus [V. Bradype]), le pénis du mâle, peu
visible extérieurement même à l'époque du rut, est très
peu développé, en forme de clitoris, et le vagin de la
femelle est divisé en deux parties latérales par une cloison
médiane. Chez les Tatous (Dasypus), le pénis est plus
développé bien que dépourvu de gland et de bulbe, et les
testicules restent en tout temps renfermés dans l'abdomen
comme chez les précédents. Le vagin est simple. Enfin
chez les Pangolins (Manis), le pénis est bien développé et
les testicules descendent dans le canal inguinal. Le vagin
est simple et l'utérus bicorne, comme chez les autres
Mammifères placentaires. La forme des membranes foetales
paraît très variable suivant les genres : chez les Bradypes
(Cholœpus) le placenta est décidu, discoïde ou formant
plusieurs lobes réunis en forme de cloche ; chez les Pan-
golins (Manis), cet organe est diffus comme chez la plu-
part des Ongulés ; enfin, chez les Oryctéropes, le placenta
est zonaire comme chez les Carnivores. Les téguments ont
une organisation très variable suivant les groupes : cou-
verts de poils généralement grossiers, secs et durs chez les
Paresseux (Bradypidœ), les Fourmiliers (Myrmecopha-
gidœ) et les Oryctéropes (Orycteropidœ), ils sont revêtus
d'écaillés imbriquées, formées par la soudure des poils,
chez les Pangolins (Manidœ),ei de plaques ossifiées, dispo-
sées par bandes articulées et en forme de damier, chez les
Tditous (Dasypidœ),
Les mœurs et le régime ne sont pas moins variables :
les Paresseux et les petites espèces de Fourmiliers vivent
sur les arbres ; tous les autres ont des habitudes presque ex-
clusivement terrestres. Les Paresseux se nourrissent exclu-
sivement de matières végétales ; les Tatous sont omnivores,
se nourrissant indifféremment de fruits, de racines et de
matières animales en décomposition, notamment de ca-
davres ; enfin, les Fourmihers, les Pangolins et les Oryc-
téropes sont insectivores, faisant leur nourriture à peu près
exclusive des fourmis, qui abondent dans leur patrie
d'origine.
La distribution géographique des Edentés est fort re-
marquable. On peut dire, d'une façon générale, que tous
habitent, à l'époque actuelle, V hémisphère austral. Les
Bradypidœ, Myrmecophagidœ et Dasypidce, c.-à-d. le
551 — EDENTES
plus grand nombre d'entre eux, sont propres à la région
néotropicale (Amérique centrale et méridionale) ; les Ma-
nidœ et les Orycteropidœ habitent, sur l'ancien conti-
nent, la région orientale (Asie méridionale, Malaisie et
Afrique au'S. du Sahara). Les Edentés placentaires font
défaut à la région australienne, mais y sont représentés par
les Monotrèmes {y . ce mot), qui sont de véritables Edentés
aplacentaires. Tout ce qui est relatif à la classification et à
la phylogénie des Edentés sera exposé ci-dessous, § Pa-
léontologie (V. aussi Bradype, Fourmilier, Oryctérope,
Pangolin, Tatou).
IL Paléontologie. — Le groupe des Edentés est un
groupe en voie d'extinction et qui a été représenté, à
répoque tertiaire, par des formes beaucoup plus nom-
breuses et variées dont plusieurs étaient de tadle colossale.
Tels sont les Megatheridœ (Gravigrades), qui, par leurs
caractères, se rattachent au type des Bradypes, et les Glyp-
Bradypodidse.
Tableau phylogénétique des Edentés.
Myrmecophagidse.
Dasypodidse.
Orycteropidse.
Nomarthra (primitifs)
todontidœ qui appartiennent à celui des Tatous (V. Glyp-
todon, Megatherium). Le nombre des espèces connues à
l'état fossile est bien supérieur à celui des espèces encore
vivantes. Ainsi qu'on devait s'y attendre, d'après la dis-
tribution géographique actuelle de cet ordre, c'est dans
l'Amérique du Sud que se montrent les premiers Edentés.
Déjà dans l'éocène le plus ancien de laPatagonie, Ameghino
signale le genre Dasypus ou un genre voisin, et une es-
pèce indéterminée du groupe des Mégathères. Bientôt
après, dans le santacruzien, ou éocène inférieur, les
Edentés sont représentés par des types nombreux apparte-
nant aux Megatheridœ, aux Glyptodontidœ, aux Dasy-
podidœ et, ce qui est plus intéressant, aux Orycteropidœ
(genre Scotœops) actuellement confinés sur l'ancien conti-
nent. Des groupes désignés par Ameghino sous le nom de
Pleiodonta (Entelops) et de Peltatoïdea (Stegotherium)
n'ont déjà plus de représentants à l'époque suivante (pata-
gonien ou oligocène), et les Orycteropidœ ont déjà émi-
gré vers d'autres contrées. Mais les Mégathères et les
Glypto doutes n'atteignent leur entier développement qu'aux
époques miocène et phocène dans l'Amérique du Sud. Plu-
sieurs de leurs espèces avaient une taille comparable à celle
des Rhinocéros et des Eléphants, et ces Edentés gigan-
tesques ont été contemporains de l'homme primitif améri-
cain et ne se sont éteintes que vers le milieu de la période
quaternaire. Sur l'ancien continent, les Edentés n'appa-
raissent qu'assez tard dans le miocène. En Europe, on trouve
des Mammifères fossiles de grande taille qui se rapprochent
beaucoup, notamment par la forme de leurs membres, des
Edentés; mais les découvertes récentes semblent prouver
que ces Mammifères éteints, désignés sous les noms d'Ancy-
lotheriîim^ Macrotherium, etc. (V. ces mots), n'étaient
EDENTATA'
ou
BRUTA
pas de véritables Edentés par leur dentition et appartenaient
en réalité à un type d'Ongulés très modifiés (V. Chalico-
therium), intermédiaire aux Ongulés et aux Edentés. Ceci
nous met sur la voie de l'origine des Edentés que l'on doit
considérer comme des Ongulés dégénérés, ayant perdu leurs
dents par défaut d'usage, cette spécialisation ayant eu Heu
de très bonne heure (dès l'époque éocène).
Flower a proposé de subdiviser les Edentés en quatre
sous-ordres comme l'indique le tableau suivant qui tient
compte à la fois des formes fossiles et des formes actuelles :
' ( Bradypodidse.
1 S.-O. i. Pilosa < Megatheridae.
( Myrmecophagidœ.
{ - 9 ToRirATÀ s Dasypodidœ.
i - I. LoRicATA I Glyptodontidse.
f — 3. Squamata .... Manidœ.
\ — 4. Tubulidentata. Orycteropidse.
De son côté, FI. Ameghino, après avoir étudié les formes
fossiles sud-américaines, les a classées de la manière sui-
vante :
/l. Pleiodonta. — Entelopsidœ,
"^ Anicanodonta. — a. Vermihnguia : Orycteropidœ,
Phororhacosidœ, — b, Gravigrada : Megatheridœ ,
Orthotheridœ , Megalonycidœ , Lestodontidœ ^
Scelidotheridœ, Mylodontidœ,
HicANODONTA. — a, Glyptodoutia : Glyptodontidœ,
Hoplophoridœ, Dxdicuridœ, — b. Dasypoda :
Chlamydotheridœ ^ Praopidœ, Dasypidœ. —
c, Peltatoïdea: Stegotheridœ,
Enfin Cope, dans un mémoire sur les Edentés nord-amé-
ricains, qui descendent tous, de la façon la plus évidente,
ÉDENTÉS — EDESSE
- 552 —
w f
des Edentés sud-américains par suite d'une migration \ers
le Nord, divise les Edentés de la façon suivante :
1. NoMARTHRA. — Articulation des vertèbres dor-
sales avec les vertèbres lombaires normale : Oryc-
teropidœ^ Manidœ,
2. Xenarthra. — Articulation des vertèbres dor-
sales avec les vertèbres lombaires se faisant par
l'épisphène et les zygantrapophyses (Flower) qui
portent des surfaces articulaires : Bradypodidœ,
Megatheridœ, Myrmecophagidœ, Dasypodidce,
Glyptodontidœ,
Les rapports pbylogénétiques de ces différents groupes
sont indiqués dans le tableau de la page précédente.
E. Trouessart.
BiBL. : Flower, On the Mutual Affinities of ihe Eden-
tata, dans Proc. Zool. Soc. Lond., 1882, p. 358. — Ameghino,
Los Mamiferos fosiles de la Republ. Argentina., 1889. —
CoPE, The Edentata of North-America, dans The Ame-
rican Naturalist, 1889, p. 657.
EDER. Rivière d'Allemagne, affluent de la Fulda, qui
descend du Westerwald, arrose la Westphalie, la Hesse-
Nassau, la principauté de Waldeck. Elle a d35 kil. de
long. Aux xv^ et xvi® siècles, on exploita ses sables auri-
fères, et le comte Philippe II, les landgraves de Hesse,
Charles et Frédéric II frappèrent en 1480, 1677 et 1777
des ducats de VEder,
EDER (Joseph-Karl), historien hongrois, né à Kronstadt
le 21 janv. 1760, mort à Hermannstadt le 11 janv. 1810.
Il a réuni beaucoup de manuscrits (conservés au musée
de Budapest) et publié trois ouvrages principaux en latin :
Supplex libellus Valachorum Transilvaniœ (Klausen-
bourg, 1791); De Initiis juribusque primœvis Saxo-
niim Transilvaniœ (Yienne, 1792), et Scrivtores rerum
transilvanarum (Hermannstadt, 1797-1800, 4 vol.).
EDER (Joseph-Maria), chimiste autrichien, néàKrems
le 6 mars 1855, professeur à l'Ecole d'arts et métiers de
Vienne ; il a publié des travaux estimés sur la photographie
au moyen des sels de chrome, du bromure et du chlorure
d'argent, et un manuel Ausfuhrliches Handbuch der
Photographie (Halle, 1882-1885, 2 livr.).
E D E R I . Oasis de Tripolitaine (Fezzan) , à environ 250 kil .
N.-O. de Mourzouk, dans la vallée desséchée appelée Ech-
Chiati, sur une haute butte, avec une muraille assez forte
pour enceinte; 800 hab. environ. Elle a été visitée, en
1850, par Richardson, Barth et Overweg, et en 1876 par
E. von Bary. E. Cat.
ÉDERN. Com. dudép. du Finistère, arr. de Châteaulin,
cant. de Pleyben; 2,293 hab. Eglise de la Renaissance,
du XVI® siècle, avec beaux vitraux et statue du saint repré-
senté sur un cerf; menhirs et tombelles.
ÉDESSE. Capitale de la Macédoine. Son ancien nom
était Mgdd. Située à l'O. de Thessalonique, JEgse-Edesse
était la résidence des rois de Macédoine, puis, quand la ca-
pitale fut transférée à Pella, elle resta nécropole royale.
Pyrrhus pilla la ville en 287 av. J.-C. Après la conquête
romaine, elle devint nobilis urbs. Il existe des monnaies
impériales frappées depuis Auguste jusqu'à Gallien avec la
légende EAESHAIQN. A l'époque byzantine, elle avait
pris le nom slave {voda^ eau, à cause de ses sources) de
Bodena, qui est resté dans le nom moderne Vodena, C'était
une place importante. E. Drouin.
ÉDESSE (mod. Or fa). I. Histoire et Géographie. —
Ancienne ville du N. de la Mésopotamie, sise sur le Scir-
tos ou Dâïçan, petite rivière tributaire du Balikh, lequel se
jette dans l'Euphrate, et au pied d'une colline (le Torâ-d-
Ourhoï des écrivains syriaques), sur laquelle se sont
élevés, à l'époque chrétienne, de nombreux monastères. La
ville existait probablement au temps des campagnes des rois
d'Assyrie, mais on n'a pu encore l'identifier avec une des
nombreuses villes dont Assurbanipal nous a laissé la liste.
Le nom asiatique d'Edesse est Osroé^ tiré sans doute du
nom du satrape Osroès (forme arménienne de Khosroès),
qui avait gouverné la contrée de VOsroène, C'est cette
dernière forme, en grec 'Oaporjvri, devenue 'Op^orjvTi, quia
donné naissance au syriaque Ourhoï, arménien Ourhâï,
arabe Er-Roha (d'où, par changement de h en /", le nom
moderne Or fa). Dans la ville même étaient des sources
auxquelles les Grecs donnèrent le nom de xaXXippoT[ (d'où
on a voulu faire venir à tort le mot d'Orrhoène) et qui sont
restées célèbres jusqu'à nos jours. Quant au nom d'Edesse,
nous savons par Appien et Etienne de Byzance qu'il fut
donné par Séleucus Nicator lorsqu'il reconstruisit la ville,
en 303 av. J.-C, en souvenir de la capitale de la Macé-
doine (V. l'art, précédent), et la peupla, ainsi que Nisibe et
plusieurs autres villes, de vétérans de son armée (d'où le
nom de Mygdonie, prononciation macédonienne du mot
Macedonia donné à la contrée). Un peu plus tard, sous
Antiochus IV, cette même ville fut appelée Antiochia près
Kallirrhoëj ainsi que l'attestent des monnaies portant
cette légende.
En dehors de quelques rares renseignements que l'on
trouve dans les auteurs classiques, on ne connaît l'histoire
d'Edesse que par les chroniques syriaques, telles que la
Chronique anonyme d'Edesse, rédigée vers 540 de notre
ère, et la Chronique de Denis de Tell-Mahrê, composée
vers 776 sur des documents anciens, et, pour la période
chrétienne, par les auteurs arméniens, qu'il ne faut toute-
fois consulter qu'avec réserve. C'est par ces documents
que nous savons que, vers l'an 136 av. J.-C, Edesse se-
coua le joug arménien. Son premier roi fut Ariou (défiguré
par Denis en Orhaï pour en faire un éponyme) ; on trou-
vera, à la fin de l'article, la liste des souverains, qui
ont gouverné le petit royaume d'Osroène pendant près de
quatre siècles. Sauf quelques-uns d'origine iranienne (Par-
thes ou Arméniens), la plupart de ces souverains étaient
d'origine nabatéenne ou arabe. Pline appelle du reste ce
royaume celui des Arabes Aroei, Arabiam Arœon
dictam regionem. Il s'étendait à l'O. et au N. juscju'à
l'Euphrate, qui le séparait de la Comagène, et à l'E. jus-
qu'au Tigre, qui le séparait de l'Adiabène ; il comprenait
des villes importantes et connues, comme Carrhes, Nisibe
(pendant quelque temps), Saroug, Zeugma sur l'Euphrate
(où était le passage des caravanes, mod. Biredjek), Rhe-
saena, Singara et même Tigranocerte, Samosate et Mé-
litène. A l'époque des conquêtes de Lucullus, de Pompée
et de Crassus en Arménie, les rois d'Edesse eurent la pru-
dence de se faire les alliés des Romains. Plutarque et Dion
Cassius sont pleins de détails intéressants sur quelques-
uns de ces rois de l'Osroène, notamment sur Abgar II
Ariamnès qui, tout en trahissant Crassus pour le livrer
aux Parthes, parvint à sauvegarder son indépendance.
D'après une légende syriaque, ce fut sous Abgar V Ou-
kâma (13-50 de J.-C), que le christianisme aurait été
prêché à Edesse par Thaddée ou Addaï, disciple du Christ ;
on croyait même que Jésus avait écrit une lettre au roi
d'Edesse. Il a été expliqué au mot Abgar que cette légende
avait pris naissance au m® ou iv^ siècle et que le christia-
nisme n'avait été introduit dans l'Osroène que sous Ab-
gar VIII, vers l'an 200. Tous les récits de persécution qui
se trouvent dans la Doctrine d' Addaï, les Actes de
Char bit, deBarsamia, et de Habib, et qui placent différents
martyrs sous Trajan en 104, se réfèrent en réalité à des
événements du iv® siècle, ainsi que l'a montré M. R. Duval.
Vers Pan 50, un roi d'Adiabène, Sanatrouk, s'empara
de Nisibe, dont il fit sa résidence, et d'Edesse, mais en 109
la dynastie indigène reprend le pouvoir en la personne
d' Abgar VII qui fut, il est vrai, dépossédé par Trajan en 116.
Après une occupation de quelques années par les armées
romaines et deux princes étrangers, la royauté légitime
fut rétablie en 123, avec Manu VII, frère d'Abgar. A partir
de cette époque, nous possédons des monnaies frappées
par les rois d'Edesse avec l'effigie de l'empereur au revers,
ce qui permet de faire une classification (V. ci-dessous,
§ Numismatique). On sait qu'Adrien abandonna toutes les
conquêtes de Trajan au delà de l'Euphrate, mais ses succes-
seurs continuèrent à exercer les droits de haute suzeraineté
sur tous les petits Etats du N. et du S. de la Mésopotamie
— 553 —
EDESSE
En 216, Caracalla s'empara définitivement d'Edesse, et le
royaume d'Osroène fut réduit en province romaine. Il
existe cependant des monnaies au nom d'un Abgar avec la
tête et la légende de Gordien III qui laisseraient supposer
que ce royaume fut rétabli un moment vers 242. A cette
époque, c.-à-d. vers le milieu du ni^ siècle, le christia-
nisme avait fait de rapides progrès à Edesse, qui devint
peu à peu le centre d'une culture intellectuelle rayonnant
dans tout l'Orient. Les Chaldéo-Persans chrétiens, chassés
de la Perse par les Sassanides, se réfugièrent à Edesse et
contribuèrent ainsi à donner de l'éclat à son académie. On
y fit sans doute à ce moment la version syriaque de l'Ecri-
ture dite pechito. Mais les querelles religieuses, la lutte
des orthodoxes et des nestoriens divisèrent la ville au
v^ siècle et amenèrent la rupture entre les deux sectes. Il
se forma alors deux écoles : à Edesse restèrent les ortho-
doxes (plus tard jacobites et monophysites),et les nestoriens
se retirèrent à Nisibe, qui devint à son tour le centre lit-
téraire de toute la société chaldéo-persane. On a conservé
la liste de la plupart des évêques, docteurs et grammairiens
qui ont illustré les deux académies, jacobite et nestorienne.
C'est à la suite de cette séparation que le syriaque se divisa
en deux langues littéraires : celle d'Edesse ou jacobite,
usitée dans le N. de la Mésopotamie, en Syrie et en Pales-
tine, et le dialecte de Nisibe ou nestorien, employé en Adia-
bène, dans le Khorassan, l'Asie centrale et tous les pays où
Inscription collective en mémoire des diacres Elias, Abra-
ham et Jean, de Tan 494 de J.-C, trouvée dans la grotte
de Nimroud Dagh, près du château d'Edesse, par Sachau
en 1879, en caractères estranghelo-édesséniens.
pénétrèrent les missionnaires nestoriens. Mais le syriaque
édessénien resta partout la langue ecclésiastique et litté-
raire ; c'est celle des grands écrivains de la littérature
syriaque comme Jacques de Nisibe, saint Ephrem (f 380) ;
Jacques d'Edesse (f 709) ; Théophile d'Edesse (f 791) ;
et le grammairien-historien Bar-Hebraeus (f 1282).
Pendant le moyen âge, Edesse fut très éprouvée par les
guerres entre les empereurs byzantins et les Sassanides.
Prise une première fois par les Arabes en 640, elle retomba
au pouvoir des Grecs. Sous la première croisade, elle de-
vint le siège d'une principauté franque, érigée en faveur
de Baudoin, frère de Godefroy de Bouillon ; lorsque celui-ci
devint roi de Jérusalejn, il laissa la principauté d'Edesse à
son cousin Baudoin II (1100). Celui-ci devint roi à son
tour (1118), fut remplacé par son cousin Joscelin de Cour-
tenay (mort en 1131). Sous son successeur Joscelin II, les
Turcs assiégèrent Edesse, en 1144, la prirent d'assaut et
la livrèrent au pillage. Ce fut la fin de la principauté
franque. La prise d'Edesse par les Turcs causa en Europe
une profonde émotion et détermina la seconde croisade.
Edesse fut ensuite successivement incendiée et ravagée en
1148, en 1234 et en 1400 par les différents souverains
atabeks, mongols et turcs qui se sont succédé en Mésopo-
tamie. Elle fait partie aujourd'hui de l'empire turc sous
le nom d'Orfa et dépend du vilayet d'Haleb; la ville
a environ 56,000 hab., dont un tiers de chrétiens et
de juifs ; le reste est musulman. En dehors des mosquées,
il existe quelques monuments, anciens couvents, églises,
et les établissements modernes où sont logées les mis-
sions catholiques et protestantes (américaines). Edesse a
été visitée à plusieurs reprises par de savants voyageurs
et, en dernier lieu, en 1879, par le professeur Sachau,
de Berlin, qui y a trouvé des inscriptions en grec et en
syriaque des ii®, iii^ et v® siècles, notamment l'inscription
d'Amathchemech, princesse de la famille de Manu, datée
de 163, une de la reine Chalmath, fille de Manu IX, de
l'an 206, et une inscription funéraire de l'an 494.
Voici la liste des souverains d'Edesse, d'après le dernier
travail de von Gutschmid : Ariou, 136 av. J.-C. — Abdu
barMazûr,127.— PhradastbarGebarù, 120.— BakrùP%
115. — BakrùII, 112. — Manu P', 94.— Abgar P^ 92.
— Abgar II Ariamnès, 68. — Domination parthe, 53-52.
— Manu II Alaha, 52. — Pacore, 34. — Abgar III, 29.
— Abgar IV, 26. — Manu III, 23. — Abgar V Oukâma,
4 av. J.-C. à 7 après. — Manu IV, 7 à 13. — Abgar V
(restauré), 13 à 50. — Manu V, 50, — Manu VI, 57. —
Abgar VI, 71. — Sanatrouk, 91-109. — Abgar VII, 109.
— Domination romaine, 116. — Djalûd et Phratamâspat,
118-123. — Manu VII, 123. — Manu VIII, 139. —
Vâïl, 163. — Abgar VIII, 165. — Manu VIII (restauré),
167. — Abgar IX, le Grand, 179. — Abgar X, 214-
216.-2^ royaume d'Edesse : Manu IX, 216 (de nom).
— Abgar XI, 242-244. E. Drouin.
II. Numismatique. — Sous Antiochus IV, roi de Syrie
(175-164 av. J.-C), la ville d'Edesse, à cause de la colonie
d'Antiochéens qui vinrent s'y établir, prit le nom d'Antioche
près Kallirrhoé : c'est ainsi que l'appellent quelques rares
monnaies de bronze qu'elle frappa à l'efligie d' Antiochus IV.
Après la mort de ce prince, Edesse reprit son ancien nom
qu'elle ne quitta plus : elle cessa d'ailleurs aussi de frapper
monnaie à l'effigie des princes syriens. Plus tard, les
rois d'Edesse eux-mêmes ne frappèrent pas monnaie tout
d'abord : les Parthes, leurs suzerains, ne leur octroyèrent
ce droit que tardivement. Les premières pièces jusqu'ici
connues des rois d'Edesse sont de petits bronzes qui ont
des légendes araméennes en écriture estranghelo. Ces
légendes nous fournissent les noms d'un Manu , qui doit
être le contemporain de Trajan et d'Adrien, et de Vâïl
qui, vers 163-164, fut soutenu parles Parthes contre les
Romains. Après le rétablissement de l'influence romaine
en Osroène, les rois de ce petit pays bénéficièrent du
privilège de frapper des deniers d'argent et des monnaies
de bronze. Ces pièces, à légendes grecques, portent sur une
face le nom et l'effigie de l'empereur romain régnant et de
l'autre le nom du dynaste osroénien, Manu ou Abgar,
autour de son effigie caractérisée par une haute tiare arrondie
en son sommet. Dans la légende monétaire, le roi d'Edesse
s'intitule souvent (ï)IAOPQMAIOS, ami des Romains,
Le dernier prince qui frappa monnaie est Abgar, contem-
porain de Gordien III le Pieux. A l'époque de Domitien et
de Marc-Aurèle, l'atelier d'Edesse émit, en même temps
ÈDESSE — EDGAR
— S54 -
que les monnaies royales, des deniers romains à l'effigie
de l'empereur, mais sans nom d'atelier et sans le nom ou
l'effigie du roi d'Edesse : les légendes grecques de ces
espèces commémorent les victoires des Romains sur les
Parthes. Enfin, depuis Caracalla jusqu'à Trajan Dèce,
Edesse fit frapper en abondance, à l'effigie des empereurs
romains, des monnaies de bronze municipales, c.-à-d.
indépendantes du monnayage royal, sur lesquelles on lit
simplement l'ethnique EAESSHNQN, ou bien sur les-
quelles la ville prend, en l'honneur de Macrin, le nom de
colonie macrinienne, métropole de la Mésopotamie.
BiBL. : Histoire et Géographie. — Outre les ouvrages
déjà cités sous les mots Abgar, Aram, on peut encore
mentionner : A. von Gutschmid, Kônigreich Osroëne^
1887, in-4. —G. Bonet-Maury, la Légende d'Abgar et de
Thaddée^ 1887. — Tixerond, les Origines de VEglise
d'Edesse^ 1888.— Martin, les Origines de l'Eglise d'Edesse
et des Eglises syriennes^ 1889. — Dashian, Zur Abgar-
Sage, 1890. — R. Duval, Mémoire sur Edesse, dans le
Journ. asiat., 1891-1892,
EDESTOSAURUS (V. Pythonomorphes).
EDESTUS (Paléont.). Trantschold a désigné sous ce
nom, en 1879, des épines de poissons trouvées dans le ter-
rain carbonifère de Moscou; ces aiguillons de nageoires
sont libres, garnies des dents non sillonnées et soudées avec
la carène de l'aiguillon.
EDEY EN. Pluriel du mot berbère edehi, employé parles
Touareg pour désigner les régions de grandes dunes. Il
est appliqué particulièrement à cette partie du Sahara qui
s'étend à l'E. de Temassinim jusqu'au Fezzan, suf une
largeur qui varie de 30 à 200 kil. C'est une des parties les
plus désolées du désert.
EDFOU (Archéol. égypt.). Cette ville de la Haute-
Egypte avait pour nom antique Teb, et, en égyptien mo-
derne ou copte, Atbô^ d'où Edtbu ; c'est la même ville
qu'Apollinopolis Magna. A Edfou, s'élevait un temple con-
sidérable, dont le déblaiement est dû aux soins de notre
savant et regretté compatriote Mariette Pacha. Les ins-
criptions d'une chapelle en granit placée dans le sanctuaire,
et le sanctuaire étant toujours le noyau primitif de ces
édifices, permettent d'attribuer la fondation de ce temple
à Nekhtaneb II (xxx® dynastie), mais l'ensemble du monu-
ment est ptolémaïque. Deux pylônes gigantesques, séparés
par une énorme porte, annoncent l'entrée du temple; à
l'extérieur, de larges rainures, réservées dans le plan incliné
des murailles, étaient destinées à recevoir des mâts. La
Temple d'Edfou.
porte donne accès dans une grande cour entourée d'une
galerie couverte qui n'en occupe que trois côtés; elle
s'arrête devant la façade du pronaos, oti l'on entre par
une grande porte centrale. Le pronaos est soutenu par
dix-huit grandes colonnes couvertes de sculptures comme
toutes les autres parties de l'édifice. A l'intérieur, à droite
delà porte d'entrée, un petit édicule, appliqué contre le
deuxième entre-colonnement de la façade, était la biblio-
thèque du temple; ^l'autre côté, un autre, tout sem-
blable, était destine à recevoir les vases socrés et les
instruments du culte. Vient ensuite, et toujours dans le
grand axe de l'édifice, une salle moins élevée que le pro-
naos, couverte par d'énormes dalles et supportée par douze
colonnes; puis on trd|ive une salle encore assez large,
mais moins profonde. E|e est suivie d'une troisième salle
à peu près semblable, m^ maintenant entièrement décou-
verte et qui précède le %inctuaire contenant la chapelle
monolithe dont il a été pfrlé plus haut. Les trois salles
qui viennent d'être mentionnées donnent accès dans un
certain nombre de chapellesV-couloirs, cachettes sombres,
escaliers conduisant aux terrasses, etc. Les parois latérales
de la cour sont prolongées de manière à former un couloir
qui règne tout autour du monument ; on pouvait y entrer
du pronaos et des salles suivantes par des portes de côté.
Les parois très élevées de ce couloir ne sont pas moins
richement décorées que les autres parties de cette admi-
rable construction, qui donne une idée très complète de
ce qu'était un temple égyptien. Les innombrables textes
qu'elle contient nous offrent une mine abondante de ren-
seignements sur la religion et aussi sur la division topo-
graphique de l'Egypte. On y trouve un véritable plan du
temple, décrit en style poétique, sous forme de dialogue
entre le dieu et le roi. Le roi offre à Horus l'édifice qu'il
vient de construire ; le dieu témoigne sa satisfaction, et le
roi commence ensuite la description du temple. Nous pou-
vons ainsi connaître l'usage de chaque partie, de chaque
chambre intérieure, et nous trouvons en même temps des
renseignements précieux sur les mesures égyptiennes, car
les dimensions sont partout indiquées et il est facile, sur
place, de les réduire en mètres. Les inscriptions nous ap-
prennent que ce magnifique édifice représente un travail
de quatre-vingt-quatorze années. Paul Pierret.
EDGAR (John), théologien et philanthrope irlandais, né
à Ballykine en 1798, mort à Belfast en 4866, où il avait
succédé à son père comme professeur de théologie. 11
s'occupa très activement des questions de tempérance, de
protection de l'enfance et de la femme, et fut un des fon-
dateurs de la Religions Book and Tract Society. Ses
principaux écrits ont été réunis en un volume, sous le titre
de Select Works of John Edgar. B.-H. G.
EDGAR (John-George), publiciste anglais, né en 1834,
mort le 22 avr. 1864. D'abord employé de commerce, il
voyagea aux Indes pour affaires et abandonna bientôt un
métier qui lui déplaisait. Il débuta dans les lettres par Boy-
hood of great men (Londres, 1853) et un autre ouvrage
de même nature, Footprints of famous men (Londres,
1853), et écrivit un grand nombre de volumes pour les
enfants (romans historiques et biographies). 11 donna encore
des articles politiques à la presse conservatrice de Londres.
EDGAR LE Pacifique, roi d'Angleterre, né en 944,
mort en 975, Fils d'Edmond le Magnifique, il fut proba-
blement élevé à la cour de son oncle Eadred. A l'avène-
ment de son frère aîné Edwy, en 957, il lui fut opposé
par un parti d'insurgés. A la mort de son rival, en 959,
il fut seul roi de Wessex, de Mercie et de Northumbrie.
Son règne fut pacifique et heureux, grâce à la sagesse de
- 555 -
EDGAR — EDGEWORTH
son ministre, saint Dunstan, archevêque de Canterbiiry.il
entretint d'excellentes relations avec les colonies danoises
de Northumbrie, au grand scandale des Saxons de la vieille
roche, et prétendit le premier ne faire aucune différence
entre ses sujets « anglais, danois et bretons ». Oswald,
qu'il tit nommer en 972 archevêque d'York, était un Da-
nois d'origine. Oswald et Dunstan prirent part côte à côte
au couronnement solennel du roi à Bath, le 44 mai 973,
dont la Vita 5^ Oswaldi nous a conservé une descrip-
tion minutieuse, — sorte d'intronisation d'Edgard comme
« empereur » de toutes les nations de la Grande-Bretagne,
unies sous son sceptre. Edgar s'intitule dans ses chartes
Albionis imperator Augustiis. Les princes du pays de
Galles, d'Ecosse et de l'Irlande danoise reconnaissaient sa
suprématie. Hors des îles, le nom du roi d'Angleterre était
connu, et l'on vit ses ambassadeurs à la cour des deux
premiers Othon. Edgar était jeune, beau, vigoureux, à
l'époque du couronnement de Bath. La gloire de son
rè^ne fit une profonde impression sur ses contemporains,
et toute une littérature épique et lyrique s'est formée autour
de son nom. Les moines chroniqueurs le vantent comme
protecteur de l'Eglise et promoteur de l'institution monas-
tique, à l'exception du vieux chroniqueur saxon de Peterbo-
rough qui déplore « ses faiblesses pour les étrangers ». Mais
la tradition populaire lui est moins favorable ; elle le repré-
sente comme cruel et exceptionnellement luxurieux. Le fait
est qu'il punissait très sévèrement les atteintes à son autorité;
l'île de Thanet, en 968, fut entièrement ravagée par ses
ordres à la suite d'une rébeUion. Quant à ses débauches
précoces, elles ont donné lieu à mille légendes. Edgar
fut toutefois surnommé le Pacifique parce que la paix
qu'il maintint est encore le trait de son règne qui trappa
le plus les hommes de son temps. Il mourut à trente-deux
ans et fut enterré à Glastonbury. En 4052, l'abbé^ de ce
monastère imagina d'exposer ses restes dans un reliquaire
à la vénération des fidèles de Glastonbury ; il paraît que ces
pseudo-reliques firent des miracles. Ch.-V. L.
EDGCUMBE (Sir Richard), homme d'Etat anglais, mort
le 8 sept. 4489. Après avoir représenté Tavistock au Par-
lement en 4467, il leva des troupes pour soutenir la cause
de Buckingham, fut mis en jugement pour cet acte de
rébellion et réussit à échapper à toutes les poursuites.
Il combattit ensuite à Bosworth avec Henry Tudor, qui
l'avait pris en amitié, fut nommé contrôleur de la maison
du roi, chambellan de l'échiquier, membre du conseil privé.
' Sheriff de Devonshire en 4487, il prit part à la bataille de
Stoke et fut chargé de négocier un armistice avec l'Ecosse.
D accomplit une autre ambassade en Irlande en 4488, fut
envoyé en Bretagne auprès de la duchesse Anne et conclut
un arrangement avec elle, puis auprès de Charles VHI en
4489. C'est au cours de cette mission qu'il mourut à Mor-
laix. — Son 'fils, Piers Edgcumbe, sheriff de Devonshire
en 4493-94 et 4497, organisa l'expédition de 4543 en
France. Il mourut le 44 août 4539. — Son fils, Richard,
né en 4499, mort le 4^'^ févr. 4562, sheriff de Devonshire
en 4543 et 4544, commissaire de recrutement en 4557,
leva des troupes en Cornouailles. Ce fut un esprit cultivé
et il s'occupa d'astrologie avec passion. — Le premier
baron Edgcumbe, Richard, descendant de la même famille,
né en 4680, mort le 22 nov. 4758, fit de fortes études
classiques à Cambridge, où il publia d'élégantes pièces de
vers latins. Représentant de Cornouailles au Parlement en
4704, de Saint-Germans en 4702, il fut élu par Plympton
la même année et réélu par cette circonscription jusqu'à
son élévation à la pairie. Lord de la trésorerie en 4746 et
en 4720, vice-trésorier, payeur général en 4724, créé
baron [en 4742, il fut encore nommé chancelier du duché
de Lancastre en 4743. Il leva un régiment contre les
rebelles en 4745 et devint garde des forêts royales en
4758. — Son fils, Richard, né en 1746, mort en 4764,
eut une certaine renommée littéraire et artistique (V. ci-
après). — Son frère, George, né le 3 mars 4724, mort le
4 févr. 4795, entra dans la marine et se distingua dans les
croisières de 4745 à 4748, échappa habilement aux Fran-
çais à Minorque en 4756, se distingua au combat du cap
Mola, à la prise de Louisbourg et à la bataille de la baie
de Quiberon (4759). H continua à servir sous Hawke et
Boscawen jusqu'en 4764 et fut promu contre-amiral le
24 oct. 4762. H commanda en chef à Plymouth de 4766 à
4770 et devint amiral en 4778. Créé le 47 févr. 4784
vicomte Mount Edgcumbe, en 4789 comte de Mount
Edgcumbe, il occupa d'importantes situations officielles,
entre autres celle de vice-trésorier d'Irlande. — Son fils,
Richard, né le 43 sept. 4764, mort à Richmond le
26 sept. 4839, représenta Fowey au Parlement de 4786
à 4795, entra au conseil privé en 4808, et se distingua
surtout par ses goûts artistiques. H a écrit : Musical Rémi-
niscences ofan old amateur (4827, plus. éd.). — Son
fils, Ernest- Augustus, né en 4797, mort en 4864, est
l'auteur d'un volume assez intéressant : Extracts from
Journals kept during the révolutions at Rome and
Palermo (4849; 2^ éd., 4850). R. S.
EDGCUMBE (Richard), poète anglais, né en 4746,
mort le 40 mai 4764, fils du premier baron Edgcumbe
(V. ci-dessus). Entré dans l'armée, il quitta le service peu
après avoir obtenu le grade de major général. Elu membre
du Parlement par le bourg de Lostwithiel en 4747, il le
représenta jusqu'en 4754, fut alors élu par Penryn et, en
4755, fut nommé lord de l'amirauté. En 4756, il deyint
contrôleur de la maison du roi et membre du conseil privé.
Le même année, il héritait de la pairie de son père et était
nommé lord lieutenant et custos rotulorum du comté de
Cornouailles. Extrêmement spirituel, Edgcumbe a écrit des
poésies dont il ne reste que peu de chose et sur lesquelles
il ne faudrait pas le juger : The Fable ofthe Ass, Nightin-
gale and Kidet une Ode to Health. H avait aussi beau-
coup de goût pour les arts, dessinait agréablement et fut un
des premiers à apprécier le talent de Reynolds. R. S.
EDGEWORTH (Richard-Lovell), inventeur et écrivain
anglais, né à Bath le 43 mai 4744, mort le 43 juin 4847.
Une jeunesse assez irrégulière, des travaux de mécanique :
inventions d'un système télégraphique, de voitures à voile,
de vélocipèdes, de machines à arpenter, etc., des voyages
sur le continent, où il essaya de changer le cours du Rhône
et montra à J.-J. Rousseau son fils, qu'il élevait suivant les
principes de VEmile, quatre mariages, des travaux agri-
coles dans ses domaines d'Irlande, une part active prise à la
défense organisée en ce pays contre les menaces d'invasion
française (4797-4798), tel est le résumé de la vie de cet
homme énergique et exubérant. Au milieu de tant d'oc-
cupations diverses, il trouvait du temps pour les travaux
littéraires, et sa fille. Maria Edgeworth, eut en lui, au
début de sa carrière d'écrivain, un collaborateur zélé.
Parmi les ouvrages qu'il publia seul, les plus curieux sont
sa lettre à lord Claremont sur le Tellographe et la dé-
fense de l'Irlande (4797) et son Essai sur les routes et
les chemins de fer (4847). B.-H. G.
EDGEWORTH (Maria), femme de lettres anglaise, née
à Black Bourton (Oxfordshire) le 4^^ janv. 4767, morte à
Edgeworthstown le 22 mai 4849. Fille du précédent, elle
débuta en 4798 par un roman de mœurs irlandaises, Castle
Rackrent, le meilleur de ses livres, où elle déploie de
grandes qualités d'humour et d'observation. Comme toutes
les œuvres remarquables, Castle Rackrent vit naître quan-
tité d'imitations, et à Maria Edgeworth la littérature de la
Grande-Bretagne doit l'invasion de tous ces romanciers et
surtout ces romancières, qui se sont mis à dépeindre dans
de longs fatras ennuyeux et puérils les mœurs particulières
du pays de Galles, de l'Irlande et de l'Ecosse. Avec une
fécondité toute féminine, rachetée d'ailleurs par un réel
talent, miss Edgeworth publia d'année en année des histoires
morales, populaires, des traités d'éducation, des contes, des
romans. Ses livres pour enfants sous les titres de Parent's
Assistant et Early Lessons, obtinrent un légitime succès
et ont été imités et traduits à l'étranger. Entre ses romans,
il faut citer, par ordre chronologique, Relinda (4804),
EDGEWORTH — EDILE
— 556 —
Leonora (1806), Patro7iage (1814), tableau des folies et
des vices des classes aristocratiques; Harrington (1817),
plaidoyer en faveur des juifs; Ormond (1817). Le style
de miss Edgeworth est simple, nerveux , tout en restant
élégant, et, ce qui est rare chez les femmes, sans afféterie.
Son père, il est vrai, corrigeait et émondait ses écrits, ce
qui fit supposer à tort qu'ils collaboraient ensemble. Elle
est douée d'une grande imagination et sait attacher le lec-
teur par un plan bien coordonné et un intérêt constamment
soutenu. Ses œuvres complètes publiées à Londres en 1 825,
(14 vol.) furent suivies d'autres éditions en 1832, 1848,
1857. Presque toutes ont été traduites en français. Elle a
aussi complété et publié l'autobiographie de son père {Me-
moirs, 1820, 2 vol.). Hector France.
EDGEWORTH de Firmont (Henry-Essex), confesseur
de Louis XVI, né à Edgeworthtown (Irlande) en 1745,
mort à Mittau le 22 mai 1807. Descendant par sa mère
de l'archevêque Ussher, fils d'un clergyman anglais con-
verti au catholicisme, il fut élevé au collège des jésuites de
Toulouse, et entra au séminaire des missions étrangères à
Paris. Quand les tantes du roi quittèrent, en févr. 1791,
la France pour Rome, elles emmenèrent avec elles Madier,
chapelain de M^^ Elisabeth, et Edgeworth remplaça Madier.
Il assista Louis XVI le jour de sa mort, et cet acte de cou-
rage l'a rendu célèbre. La légende royaliste veut qu'il ait
dit, au moment oîi le couteau tomba : « Fils de saint Louis,
montez au ciel » ; mais il est prouvé que cette phrase
fameuse a été inventée par Lacretelle (cf. Louis Combes,
Episodes et curiosités révolutionnaires ; Paris, s., d.,
in-16, pp. 101-111). L'abbé Edgeworth a déclaré lui-même
qu'il n'avait aucun souvenir de l'avoir prononcée. Après
l'exécution du roi, son confesseur quitta la France, mais
accepta le titre de chapelain de Louis XVIII, pendant les
séjours de ce prince à Blankenberg et à Mittau ; puis, ayant
été ruiné, une pension de Pitt. Il mourut de fièvres contrac-
tées au chevet de prisonniers français. Ses Mémoires^
recueillis par C. Sneyd Edgeworth, ont été trad. en franc.
(Paris, 1815), de même que ses Lettres écrites à ses
amis depuis 1777 (Paris, 18i8). Ch.-V. L.
EDGEWORTHIA (Bot.). Genre de Thyméléacées, établi
par Meissner pour le Daphne papyrifera Reinw., dont
l'écorce sert, au Japon, à fabriquer un papier d'excellente
qualité. On le cultive en Europe, dans les serres froides. Le
genre se distingue des Daphne (V. ce mot) par les fleurs
tétramères et par le style cylindracé, longuement linéaire
à son extrémité stigmatifère. Ed. Lef.
ED6IVE, EDWIGE ou OGIVE, reine de France, fille du
roi anglo-saxon Edouard l'Ancien; elle épousa, en 919,
le roi Charles III le Simple, se retira en Angleterre pendant
la captivité de son marL1923), puis, en 951, elle épousa
le comte de Troyes, J|Mftt II de Vermandois. On ignore
la date de sa mort.^^#
EDGREN (Anna-Cfearlotta-Gustava Leffler), auteur
drama|^que et romancière suédoise, née le 1®' oct. 1849.
Le jugé G.-E. Edgren, qui lui donna (1872) le nom sous
lequel elle est le plus connue comme écrivain, ayant fait
prononcer le divorce (12 févr. 1889), elle épousa en 1890
le duc di Cajanello. Après avoir débuté dans la littérature
par un recueil de nouvelles. Par hasard (1869), elle fit
jouer plusieurs pièces de théâtre : V Actrice (1873) ; Sous
la férule (1876) ; le Pasteur adjoint (1876) ; le Lutin
(1880) ; les Vraies Femmes (Î883) ; rA7ige sauveur
(1883), toutes imprimées en 1883 et dont quelques-unes
eurent beaucoup de succès, et plus tard : Comment on
fait le bien (1885) ; Lutte pour le bonheur (1887),
deux drames parallèles. Ses cinq recueils de Scènes de la
vie (1882-1890) contiennent quelques-unes des meilleures
nouvelles de la littérature suédoise. Elle sait esquisser
d'une main légère, mais sûre, les situations qu'elle observe
avec perspicacité. Au reste, ces qualités n'ont pas seules
contribué à attirer sur ses écrits l'attention publique déjà
éveillée par ses tendances socialistes et ses théories sur
l'émancipation de la femme. Beâuvois.
EDHEM Pacha, homme d'Etat ottoman, né de parents
grecs dans l'île de Chios, en 1820 ou en 1823. Amené en
France par Amédée Jaubert dès 1831, il y fit de sérieuses
études, s'appliqua surtout à bien connaître l'exploitation
des mines, voyagea pour son instruction en Suisse et en
Allemagne et, rentré en Turquie, devint capitaine d'état-
major. D'importants travaux topographiques lui valurent
de bonne heure le grade de colonel. Membre du conseil
des mines, il fut, en 1849, pris comme aide de camp par
le sultan Abdul-Medjid, qui le prit en grande affection,
réleva au rang de général de division et le mit à la tête
de sa maison militaire. Disgracié un moment en 1856, il
fut fort peu après nommé ministre des affaires étrangères,
mais perdit sa place Tannée suivante. Sous Abdul-Azziz,
il fit partie de divers ministères et tint notamment deux
fois le portefeuille des travaux publics. Ambassadeur à
Berlin en 1875, il fut, à la fin de 1876, un des repré-
sentants de la Porte à la conférence de Constantinople.
Après la chute de Midhat Pacha, il occupa (févr. 1877),
dans les circonstances les plus diflîciies, le grand vizirat
qu'il dut résigner après le triomphe de la Russie sur
les armes turques (févr. 1878). Depuis, il a été quelque
temps ambassadeur à Vienne. A. Debidour.
EDI6A ou EDI G El, khan de Crimée, fondateur du kha-
nat de cette province. Il ravagea la Lithuanie, assiégea
Moscou (1408) et pilla Kiev en 1416.
EDIGER, prince sibérien du xvi® siècle. Il demanda la
protection d'Ivan III et promit de lui envoyer un tribut de
trente mille fourrures. Il fut tué en 1563 par Koutchoum,
prince des Kirghizes.
EDIGER Mahmet, prince héritier de Kazan, devint tsar
de Kazan vers le milieu du xvi® siècle. Après la prise de
cette ville par Ivan le Terrible (1552), il se fit chrétien et
épousa une Koutousov. Il servit dans l'armée russe contre
la Crimée (1555), contre les Lithuaniens et contre
Kourbsky (1564). L. L.
ÉDILE. Les édiles, en latin œdiles, sont des magistrats
romains chargés de la police des rues, de la surveillance
des constructions publiques et privées (œdes : d'oii, selon
toute vraisemblance, l'origine de leur nom). Ils furent ins-
titués, suivant la tradition, en 494 av., J.-C, en même
temps que les tribuns de la plèbes au nombre de deux (on
disait duoviri œdiles), choisis parmi les plébéiens, ils ne
furent pendant longtemps que les auxiliaires des tribuns :
ils tenaient près d'eux la même place que les questeurs près
des consuls. Ils étaient nommés pour un an, étaient sacro-
saints comme les tribuns. Les deux fonctions sont d'ail-
leurs étroitement unies au début : les édiles exécutent,
dans les procès, les sentences prononcées par les tribuns ;
ils peuvent infliger des amendes, saisir des gages. Ils sur-
veillentles archives de la plèbe, sous la haute direction des
tribuns (elles étaient renfermées dans le temple de Cérès).
Peu à peu, on leur confia le soin de la voirie et de la police
municipale ; en 463, on les voit prendre en main l'admi-
nistration intérieure de Rome, au moment d'une grande
peste. En 428, on les voit même s'occuper des détails du
culte et de la police religieuse. En 366, sur le modèle des
édiles plébéiens, on créa deux édiles patriciens, œdiles
curiales. En 44, Jules César institua deux nouveaux
édiles, les œdiles ceriales. Il y eut dès lors six édiles,
dont deux seulement patriciens. Le mode de nomination
des édiles (dans l'assemblée par tribus et pour un an) ne
fut pas changé, mais leurs fonctions se modifièrent légè-
rement. Ils furent exclusivement chargés de ce que nous
appellerions aujourd'hui la police municipale : surveillance
des marchés, des poids et mesures ; approvisionnement de
Rome {cura annonce) ; nettoyage, entretien des rues de
Rome et des édifices publics ; police des rues, des établis-
sements publics, des mœurs ; direction des jeux publics et
privés ; exécution des lois somptuaires ; arrestation des
malfaiteurs. Ils ont par suite un certain pouvoir judiciaire ;
ils peuvent infliger des contraventions, exproprier pour
cause d'utilité publique, mettre des biens sous séquestre et
- 5o7 —
EDILE — EDIMBOURG
sans doute aussi ils sont juges de paix en matière civile et
commerciale, et juges correctionnels en matière de police.
C'est à l'aide des édits rendus par les édiles qu'on a pu
rédiger une sorte de code de commerce (edictum œdih-
tium). Sous l'Empire, les édiles se virent enlever succes-
sivement leurs différentes attributions, qui passèrent aux
préteurs, aux questeurs et surtout aux fonctionnaires im-
périaux, comme le préfet de la ville. Il ne leur resta que
la police des rues et des marchés, et il est même probable
que, dès le second siècle, l'édilité n'est plus qu'une magis-
trature honorifique. Elle est, à ce moment, dans hcursiis
honorum, supérieure à la questure, inférieure à la pré-
ture : elle est, dans les derniers siècles de son existence,
placée sur le même pied que le tribunat. Elle disparaît vers
la fin du iii^ siècle, et ce qui lui restait de compétence a
dû passer aux mains des tribuns. — Il y avait dans les muni-
cipes ou les colonies des édiles, duumviri ou guatuorviri
œdiles, qui avaient les mêmes attributions que les édiles
romains. C. Jullian.
BiBL. : Outre les manuels de Mommsen et de Bouché-
Leclerq, consulter Labatut, les Ediles et les mœurs;
Paris, 1867.
EDIMBOURG. Ville. ~ I. Géographie. —Edimbourg
(Edinburgh) est la capitale de l'Ecosse et du comté d'Edim-
bourg ou de Midlothian; 1,680 hect. ; 228,357 hab. en
4884 ; 296,444 en y comprenant Leith et Granton qui lui
servent de ports. Elle est située par 55° 57^ lat. N. et 5^
23^ long. G., dans une position extrêmement pittoresque, au
pied des collines dePentlands. Elle s'étend sur la rive droite
d'une petite rivière qui débouche dans l'estuaire du Forth,
le Water of Leith, à l'E. de celle-ci, au S. du golfe, au
N. des hauteurs qui dominent le Lothian. Toute cette région
côtière du Lothian est très accidentée, sillonnée de col-
lines. Edimbourg occupe trois de ces collines orientées de
l'E. à rO. et les vallées qui les séparent. Toute la ville
est dominée par les hauteurs basaltiques à'Arthurs Seat
(251 m.) ; la colline méridionale part de la pente escarpée
des Salisbury Crags ; la colline centrale est celle du Châ-
teau (447 m.) ; la colline septentrionale s'appelle Calton
mil (407 m.). Les rues basses sont à 30 m. d'alt., les
rues hautes à 80 m., les pentes très raides. La sombre
masse du Château est le trait caractéristique de la ville. Les
collines sont reUées les unes aux autres par des ponts qui
enjambent les vallées intermédiaires. On distingue la Vieille-
Ville qui est placée au S. de la Ville-Neuve qui s'est déve-
loppée au N. ; entre les deux passe le chemin de fer ; au
N.-E. est le port de Leith. Telles sont les trois principales
parties de l'agglomération urbaine d'Edimbourg. Nous dé-
crirons successivement les deux premières, renvoyant pour
Leith à l'article consacré à cette ville.
La Vieille- Ville occupe la colline centrale, depuis le Châ-
teau jusqu'au palais d'Holyrood, qui en est distant de
4,600 m. ; ses rues s'étendent au midi jusqu'au parc des
Meadoivs (prairies) au delà duquel sont la promenade des
Links, les faubourgs de Newington, Merchiston, Mor-
ningside ; à l'E. la vieille ville atteint le pied des pentes
d'Arthurs Seat. L'ancien Edimbourg a conservé sa phy-
sionomie historique et demeure une des villes les plus
intéressantes d'Europe, avec ses hautes maisons de dix
et douze étages, ses ruelles étroites {close) et ses rues à
peine plus larges (wynd), mais accessibles aux voitures.
Contrairement aux habitudes anglaises, chaque maison est
divisée entre plusieurs familles, dont chacune a un étage
(flat), La principale rue est celle qui mène sur la colline
centrale, de l'esplanade du Château au palais d'Holyrood
(High Street, Cano7igaté) ; des deux côtés s'embranchent
les rues et ruelles ; dans la partie orientale, entre la voie
centrale de Canongate, il y a des deux côtés deux autres
rues parallèles limitant ce quartier {ISorth Bach of Ca-
nongate et South Bach of Canongate), Sur l'artère cen-
trale, on remarque la cathédrale (Saint-Giles), le palais du
Parlement, la maison de Knox, etc. Au pied de la colline de
la Vieille- Ville, du côté du S., est la vallée qui séparait
celle-ci des anciens faubourgs qu'elle a absorbés. Au fond
sont le marché aux herbes (Grassmarket) et Cowgate (qui
se prolonge par South Bach of Canongate). Puis nous re-
montons sur la colline méridionale. Celle-ci est réunie au
noyau central et à la rue Haute [High Street) par deux
viaducs : George IV Bridge, construit en 4825-4836 et
South Bridge, construit en 4785-4788. Celui de South
Bridge, qui est le premier en date, se prolonge du N.
(North Bridge) et forme ainsi une voie perpendiculaire à
la rue Haute. C'est autour de cette rue, qui prend au S. le
nom de Nicolson Street^ que sont les principaux édifices de
la ville méridionale, l'Université, le Muséum des arts et
métiers ; l'hôpital Heriot est plus à l'O., entre Grassmarket
et la rue Lauriston qui le sépare de l'Hospice royal (Boyal
Infirmary). Le quartier méridional fut jadis celui de la
noblesse et des riches. Il a été depuis la fin du xviii® siècle
abandonné pour la nouvelle ville, de sorte que l'ancien
Edimbourg renferme les éléments pauvres de la population.
Le noyau historique de la cité n'a plus ses maisons nobi-
liaires ou royales ; il a perdu sa prison, la fameuse Tol-
booth^ le « cœur de Midlothian », comme on l'appelait iro-
niquement. Mais il a conservé son aspect romantique, et les
travaux exécutés depuis un demi-siècle, tout en détruisant
maint édifice cher aux archéologues, ont respecté la physio-
nomie générale de la vieille ville.
La Ville-Neuve, au N. de l'ancienne, présente avec celle-
ci un contraste frappant ; au lieu de ces rues et ruelles en
pente, distribuées irrégulièrement autour du Château et au
pied des rochers escarpés de Salisbury Crags et d'Arthurs
Seat, une ville moderne, avec ses alignements géométriques,
ses larges voies se coupant à angle droit, ses squares ver-
doyants. Rien n'y manque, pas même le ridicule d'une
reproduction de l'Acropole d'Athènes sur la colline de
Calton. Une ligne de démarcation est tracée entre ces
deux parties par le chemin de fer. Jadis la séparation était
encore plus tranchée. Au N. du Château se trouvait un
grand étang (loch North), dont les eaux baignaient les
pentes de Calton Hill. C'est au delà de cet étang qu'on com-
mença en 4767 la Ville-Neuve. En 4846, on dessécha
l'étang, qui fut transformé en un jardin (Princes Gardens) ,
puis on y traça le chemin de fer. Au milieu de ce jardin,
on a établi un remblai, large de 50 m., long de 295 m.
(the Mound), formé avec les matériaux excavés des fon-
dations des maisons de la rue du Prince; il a été régularisé
lorsqu'on y éleva les palais qui le surmontent actuellement,
et relie la vieille et la nouvelle cité; plus à l'E., les com-
munications sont complétées par le viaduc ou pont de
Waverley, surplombant la gare centrale et par le viaduc
du Nord (iVor^/i Bridge), qui prolonge le viaduc du S.
et rejoint la rue Haute. Sur jle Mound sont deux édifices
modernes (Royal Institution et National Gallery) édifiés,
le premier de 4823 à 1836, le secoSl* 4850 à 4854.
Au N. de Princes Gardens s'allonge un beau boulevard
rectiligne (Princes Street) qui aboutit au viaduc septen-
trional et à l'éminence de Calton Hill, au pied de laquelle
est la plaine verdoyante de Waterloo. Ce boulevard est le
centre de la ville actuelle et la région la plus élégante ; le
long s'élèvent la Poste, le palais des Archives, le monument
de Walter Scott, baldaquin de style gothique, recouvrant
la statue, œuvre de Steell, les statues de Wellington, John
Wilson, AUan Ramsay, Livingstone. Au N. se trouve la
Ville-Neuve, dont les maisons monumentales sont bâties en
pierre de Craigleith. Le premier quartier de la Ville-Neuve
forme un long rectangle déUmité par Princes Street au S.,
Queens Street au N. ; au milieu est la place Saint-André
(Saint-Andrew Square), avec la colonne de lord Mel-
ville et plusieurs banques, les plus affairées de la ville. La
rue Saint-George relie la place Saint-André à la place Char-
lotte plus à rO., sur laquelle est l'église Saint-George.
Dans la rue Saint-George, on remarque les monuments de
Pitt, Chalmers et George IV ; sur la place Charlotte, celui
du prince Albert. AuN. de Queens Street est un jardin
(Queens Garden),Sin delà duquel on a construit les maisons
EDIMBOURG - '^S8 -
les plus aristocratiques et les plus somptueuses d'Edim-
bourg; une place octogone (Moray Place), confinant à la
rivière de Leith, est la plus belle de ce quartier. Un pont,
long de 136 m., élevé de 63 m. au-dessus du fond de la
vallée, le pont de Stock Bridge, conduit au faubourg de
Dean, sur la rive gauche du Water of Leith, Au pied
jaillit une source minérale. Sur la rive droite, entre la
rivière et le chemin de fer, la ville s'étend vers Haymarket,
PLAN D' É D I IVI BOURG
ÉCHELLE DU 4U.U00"
Albert Dock (Dock Albert).
Archives.
A. D.
Ar. XXI v^iii Y V..C.
C. E, Corn Exchange (Bourse des blés).
Ed. D. Edinburgh Dock (Dock d'Edimbourg).
E. 0. D. East old Dock (ancien Dock de FEst).
M. The Mound.
N. North Bridge.
P, Poste,
P. P.
Pr.
Parc public.
Prison.
S. 'W. M. W. Scott Monument (Monument de W.Scott),
St. Station.
T. C. Throne Church (Eglise du Trône),
Y. D. Victoria Dock (Dock Victoria),
W, Waverley Bridge.
W. 0, D. West old Dock (ancien Dock de FOuest).
Leith, bien que formant une ville distincte, un bourg
parlementaire avec ses magistrats municipaux, tend à se
confondre avec Edimbourg, chacune des villes rapprochant
ses maisons de l'autre ; une large chaussée les met en rela-
tions (Leith walk) sans parler des autres routes ^ et du
chemin de fer qui passe entre les deux villes. La cité mari-
time se prolonge le long de la mer à PO., par d'autres
agglomérations, Annfield, Newhaven, Irinity, Granton
(V. Leith).
A l'extrémité orientale de la nouvelle ville culmine la
colline de Calton. On l'a comparée à l'Acropole d'Athènes,
et cette comparaison flattant l'amour-propre écossais, on a
— 589
EDIMBOURG
tenté de reproduire sur le sommet les merveilles de l'art
grec. On aédifié unParthénon, monument national, com-
mémoratit de la bataille de Waterloo ; mais on n'a pas eu
de quoi l'achever ; on a édifié en l'honneur de Dugald Ste-
wart une copie du monument choragique ; à côté, on a
mis la colonne de Nelson, haute de 37 m., une statue de
Playfair ; au pied de la colonne, un temple rond consacré à
Robert Burns.
Edimbourg renferme un très grand nombre de monu-
ments anciens ou récents. Les plus remarquables ne sont
pas les édifices religieux dont peu méritent une mention,
bien qu'il y en ait 442. De ces églises, la moitié sont
presbytériennes : 31 appartiennent à l'Eglise d'Ecosse,
40 à l'Eglise libre (V. Eglise), 50 à des sectes protes-
tantes diverses, 16 à l'Eglise épiscopale, 3 à l'Eglise ca-
tholique. La plus intéressante est Saint-Giles, ancienne
église collégiale et cathédrale de la capitale. Elle possède
une tour de 47 m. en style gothique, un chœur du xv® siècle
avec chaire en pierre et stalles en bois, mais elle a été
abîmée par les remaniements modernes. On y voit les
tombes du régent Murray, du marquis de Montrose, de
Napier. Citons encore l'église du Trône (1637-4663) et la
cathédrale édifiée pour les épiscopaux à l'instigation de miss
Walker de Coates et Drumsheugh; les plans furent établis
par Gilbert Scott et l'église commencée en 1874. Elle est
dans le style ogival du xiv^ siècle ; la plus haute de ses
tours a 84 m. d'alt. Les autres églises, sans avoir de mérite
particulier, ont cet avantage que leurs dômes, leurs flèches,
leurs tours contribuent à l'aspect |)ittoresque d'Edimbourg.
Les églises profanes sont plus importantes. En premier
lieu, il faut nommer le Château; il occupe, au sommet
de la colline, une superficie de deux hectares et demi; une
esplanade, l'ancienne place de justice, aujourd'hui place
d'exercices, le sépare de la ville. Il a succédé à un fort
romain (V. ci-dessous le § Histoire), Il renferme actuel-
lement des constructions de dates fort différentes. La cha-
Château d'Edimbourg (d'après une photographie).
pelle Sainte-Marguerite (Saint-Margaret) remonterait
au xi® siècle et serait une fondation de l'épouse de Malcolm
Canmore; en tout cas, elle existait au temps de David P^.
Les autres bâtiments ne sont pas antérieurs au xvi*^ siècle.
Deux ailes subsistent du vieux palais royal, en haut du
rocher, du côté méridional; c'est dans ces appartements
que logeait la régente Marie de Guise, avec sa fille Marie
Stuart, et on montre encore la chambre où naquit Jacques II
(Jacques P^ d'Angleterre). Auprès est la chambre royale
{Crown Room) où sont conservés les insignes de la cou-
ronne d'Ecosse (the Honours of Scotland), les joyaux
restitués à la mort du cardinal d'York, dernier des Stuarts,
l'épée offerte à Jacques IV par le pape Jules II ; non loin
est la prison d'Etat où furent massacrés les partisans des
Stuarts. L'arsenal, construit à l'époque moderne sur le côté
0. du rocher, renferme des armes pour 30,000 hommes,
outre une belle collection des temps anciens et un canon
géant fondu à Mous en l'an 1476, la Mons Meg, souvent
mentionnée dans l'histoire locale. Le Château a encore des
casernes pour 2,000 hommes et des batteries, notamment
la batterie d'Argyll, au S. de la chapelle Sainte-Margue-
rite, où figurait la Mons Meg; mais ces défenses n'ont
qu'une valeur historique.
Le palais aHolyroocl, l'ancienne résidence des rois
d'Ecosse, était primitivement une abbaye d'augustins, fondée
par David P^ en 1128; le vaisseau de l'église abbatiale,
en ruine, renferme encore quelques débris de l'édifice
original, au N.-E. du palais. Celui-ci a été en grande partie
restauré en 1850, et il subsiste peu de chose de celui des
Stuarts du xvi"^ siècle. Gontigus à l'église ruinée, sont les
anciens appartements de Marie Stuart et la chambre où
fut égorgé Rizzio ; c'est ce qui reste du palais de Jacçjues IV
et Jacques V. L'abbaye formait alors un ensemble irrégu-
Her dans lequel la tour actuelle du N.-O. était reliée par
un cloître à l'édifice principal. Mais elle fut brûlée par les
Anglais du comte de Hertford en 1344 et 1547. On re-
construisit un véritable palais qui fut incendié par accident
en 1630, tandis que les soldats de Cromwell l'occupaient.
Le Protecteur le fit rebâtir, mais le nouveau palais ne fut
achevé qu'au temps de Charles II, sur les plans de William
Bruce de Kinross, par Robert Mylne auquel on doit la
belle cour entourée d'une colonnade. La plus belle_ salle
est une galerie de 30 m, consacrée aux tableaux historiques.
On y voit les 106 portraits de rois mythiques de l'Ecosse,
descendants présumés de Fergus P'; un triptyque de 1484
avec les portraits de Jacques III et de sa femme Margue-
EDIMBOURG
— 560 —
rite ; c'est dans cette galerie que le prétendant Charles-
Edouard tint sa cour en 4745; c'est là qu'ont lieu les
élections des pairs écossais. Le château d'Holyrood fut la
résidence du dernier des Bourbons de France ; le comte
d'Artois y résida avec sa suite d'émigrés jusqu'en août
4799. Il y revint sous le nom de Charles X, après la révo-
lution de 4830. Le prince Albert a décoré le palais avec
une élégante fontaine copiée sur celle du palais de Linlithgow.
Lepalaisdu Parlement (Parliament House) est le troi-
sième des grands monuments historiques de la capitale.
Il a été bâti de 4632 à 4640. Le Parlement écossais s'y
réunit jusqu'à sa suppression, après l'union de 4707. Il
est encore le siège de la plus haute juridiction écossaise
(V. Ecosse). La grande salle des séances de l'ancien Par-
lement, remarquable par ses belles boiseries de chêne,
sert de vestibule ou salle des pas perdus. Elle a 43 m. de
long et 43 m. de large. Autour on a construit des annexes
modernes, salle des tribunaux, bibliothèques, etc. Des deux
bibliothèques (Advocates Library et Signets Library) la
première est importante; elle renferme près de 300,000 vol. ;
fondée en 4682 par sir George Mackenzie, elle est une
des cinq bibliothèques anglaises auxquelles on attribue le
dépôt légal. C'est une sorte de bibliothèque nationale. La
seconde (60,000 vol.), a un caractère professionnel ; les
avocats et notaires continuent de l'enrichir. — A l'extrémité
orientale de la rue du Prince, est le palais des Archives
(Register Office) surmonté d'une coupole de 45 m. C'est
une institution annexe de la cour suprême et, comme telle,
parfaitement organisée et rendant les plus grands services
pour tout ce qui concerne les titres, actes de l'état civil,
et aussi les renseignements démographiques et statistiques,
sans parler des pièces proprement historiques. — En face
est la Poste, bâtie en 4864 dans le style italien.
Les deux édifices modernes qui bordent le Mound, au
centre des jardins du Prince, sont consacrés à la culture
intellectuelle et esthétique. Royal Institution est en style
dorique. National Gallery en style ionique. Royal Insti-
tution fut construit par sir Jones Steell, de 4823 à 4836.
Il abrite un musée d'antiquités nationales, une galerie de
sculpture et les locaux de la Société royale et de la Société
des antiquaires d'Ecosse. Celle-ci fut fondée en 1780 chez
le comte de Buchan et sur-le-champ constitua son musée;
les grands seigneurs écossais y prirent une part active et,
après un grand nombre de déménagements, on jugea indis-
pensable la possesion d'un monument spécial pour contenir
les collections archéologiques; on obtint en 4849, du gou-
vernement, une partie de celui de Royal Institution, d'abord
atfecté à l'Académie royale des artistes. Le musée archéolo-
gique est très riche; la Société publie des Archœlogica
Scotica. La Société royale (Académie des sciences, sur le
modèle de celle de Londres) est logée dans le même édifice
avec sa bibliothèque. — L'Académie royale de peinture,
sculpture et architecture, fondée en 4826, fut dotée en
4850 d'un palais à elle (achevé en 4854) qui supprima
les bâtisses provisoires de VEarthen Mound et compléta
assez heureusement le coup d'oeil offert par cette région de
la ville, au pied du Château et de la Vieille- Ville. L'Aca-
démie des beaux-arts y tient ses expositions annuelles et
y a placé un musée de peinturp et de sculpture.
V Université d'Edimbourg remonte au règne de Jac-
ques VI ; elle a été réorganisée en 4858 par un acte qui
l'a mise sous le patronage et le contrôle de la munici-
palité (V. ci-dessous le § Université), Le véritable fon-
dateur ne fut pas le roi dont elle garde le nom {Collège
of King James) ; cet honneur revient à des citoyens de
la ville, WilUam et Clément Little et James Lawson. L'édi-
fice actuel, qui tient l'emplacement de l'ancienne église
collégiale de Saint-Mary in the Field ou de Kirk of
Field, fut construit de 4789 à 4827 sur les plans de
Robert Adam et de W.-H. Playfair autour d'une cour
quadrangulaire ; on admire le portique orné de colonnes
doriques. Au S.-O. fut édifié récemment (4878) un nouvel
institut destiné à la faculté de médecine. De celle-ci dé-
pend l'hospice royal (Royal Infirmary) précédemment situé
à l'E. de l'Université, puis reconstruit sur un plan plus vaste
au N. des Meadows. Un jardin botanique est également
adjoint à l'Université ; il a été fondé en 4670, occupe une
dizaine d'hectares au N. de la ville, à gauche de la rivière
de Leith, près d'Inverleith, Il possède un aquarium et un
observatoire magnétique. Un observatoire astronomique
s'élève au sommet de Calton Hill dont il complète la déco-
ration. A rO. des bâtiments de l'Université est logée une
autre institution annexe, le Muséum (Muséum of science
and art), bâti en 4864. C'est un grand édifice en style
gothique vénitien, analogue au musée anglais de Kensing-
ton. Auprès de collections scientifiques très complètes, il
renferme des échantillons de tous les produits du travail
humain : c'est donc à la fois un musée scientifique et un
musée des arts industriels. On peut encore rattacher à
l'Université le collège des chirurgiens établi au voisinage
(Nicolson Street) qui remonte au début du xvi« siècle. En
revanche, le collège des médecins (privilège de 4681), logé
dans Queens Street, ne prend pas part à l'œuvre éducatrice
de l'Université. — Celle-ci est prospère et c'est le princi-
pal établissement d'enseignement supérieur de l'Ecosse ;
elle comptait, en 4884, 46 professeurs et plus de 3,000 élè-
ves. Sur son organisation, V. ci-dessous, § Université.
Le nouveau collège (New Collège) est un des édifices
caractéristiques d'Edimbourg. Il est situé au N. du Mound,
auprès du palais de National Gallery, sur un point très
élevé et bien en vue, où était jadis le palais de Marie de
Guise. Il a été construit il y a une quarantaine d'années
en style flamboyant ; à l'angle N.-E. est l'église flanquée
de trois tours. Le nouveau collège a été fondé par l'Eglise
libre, après le schisme de 4843 ; primitivement, il devait
être une sorte d'université ; ce n'est qu'une faculté de
théologie ; dans la grande salle se tiennent les assemblées
générales qui forment la cour suprême de TEglise libre. —
Sur la terrasse du Château est une institution rivale, celle
de l'Eglise presbytérienne unie, établie à la place d'un
théâtre (New Edinburgh Théâtre). — On peut encore citer
comme établissement d'enseignement supérieur la Philoso-
phical Institution (Queens Street) et VEdinburgh Lite-
rary Institute (South clerk Street) dont les conférences
sont très suivies.
Les écoles d'enseignement secondaire ou primaire sont
nombreuses. La plus illustre est High School fondée au
début du xvi*^ siècle (1549) ; elle fut longtemps installée
dans l'antique couvent de Black-Friars ; en 4825, on l'a
transportée au pied de Calton Hill. L'éducation moderne
scientifique et professionnelle y est associée à l'éducation
classique. V Académie, fondée en 4824, est une autre
école secondaire classique. On cite encore à Edimbourg
3 séminaires théologiques, 3 écoles normales, 2 collèges
de jeunes filles et dames, 2 écoles vétérinaires, 4 école
dentaire, 4 école de pharmacie, des écoles de dessin,
4 école d'arts industriels (Watt Institution), l'Académie
de Merchiston établie dans la tour de Napier, etc. —
Il y faut ajouter les fondations charitables dans lesquelles
les fondateurs ont associé l'idée d'éducation à celle d'assis-
tance. Tel est l'hospice Heriot, fondé par testament de
George Heriot, orfèvre du roi Jacques VI (4624) en faveur
des orphelins d'Edimbourg. C'est un bel édifice quadran-
gulaire, bâti sur la colline méridionale au lieu dit High
Rigs, entre Grassmarket et les Meadows, beau type de l'ar-
chitecture de transition du début du xvi® siècle. On y
entretient 480 orphelins, qui sont ensuite placés en appren-
tissage ou bien envoyés à l'Université durant quatre années.
Sur le même modèle furent créés successivement les hos-
pices George Watson, John Watson, Donaldson, Stewart ;
enfin, on adapta à la même fin les hospices des marchands
(Mer chant Maiden et Trades Maiden Hospital) pour
les fils et filles de bourgeois et commerçants. L'hospice
Heriot possédant les terrains sur lesquels on éleva la ville
neuve, ses revenus devinrent tels qu'on les affecta à la
création d'une série de nouvelles écoles primaires, si bien
561 —
EDIMBOURG
qu'il y a actuellement à Edimbourg une vingtaine de ces
fondations assurant l'éducation et, au besoin, l'entretien
à 4,400 enfants des deux sexes. L'hospice George Watson,
fusionné avec celui des Marchands, est devenu une école
secondaire. De même Fettes Collège, fondé sur le modèle
de l'hospice Heriot. Au point de vue architectural, il faut
signaler l'hospice Donaldson et le collège Fettes (au N. de
la ville).
Les fondations hospitalières proprement dites sont éga-
lement très développées. Sans parler du grand hôpital
(Royal Infirmary, 600 lits), nous mentionnerons l'hospice
de la Trinité, l'hospice Chalmers, au-dessus de Meadows,
l'hospice des convalescents près de Corstorphine, l'hospice
des enfants, celui des incurables, la Maternité, l'asile
d'aliénés (840 malades) dans le faubourg de Morningside,
l'asile des aveugles, etc. — Les prisons sont groupées au
pied de la terrasse méridionale de Calton Hill, entre Canon-
gate et la place Waterloo ; dominées par la maison du
gouverneur, elles offrent un peu l'aspect d'un château féodal.
Ainsi qu'on a pu en juger, l'activité intellectuelle est
considérable dans la capitale de l'Ecosse. A toutes les ins-
titutions officielles que nous avons énumérées, il convient
d'ajouter plusieurs sociétés importantes : celle d'agriculture
(Highland and Agricultural Society of Scotla?id), la
Société géologique, la Société météorologique, diverses
sociétés médicales, la Société d'astronomie, la Société de
géographie, la Société de phrénologie, etc. Les grandes
revues d'Edimbourg comptent parmi les premières d'Europe
(Edinburgh Review et Blackwoods Magazine). La ville
possède deux théâtres, plusieurs salles de concert, un
jardin d'hiver. La population adore h danse {go If). Cepen-
dant elle observe strictement le sabbat. — Edimbourg est
le centre de la vie reHgieuse de l'Ecosse. A l'époque où on
imposa l'épiscopat, la capitale fut un évêché et l'église
Saint-Giles devint cathédrale. Aujourd'hui, c'est à Edim-
bourg que se tient annuellement au mois de mai la grande
assemblée générale de l'Eglise d'Ecosse ; le représentant de
la reine s'établit au palais d'Holyrood ; il se rend à High
Church, puis sur la colline du Château pour y présider ;
la municipalité lui présente solennellement les clefs de la
ville: les réceptions et banquets officiels rendent au palais
quelque chose de son ancienne splendeur. L'Eglise libre et
l'Eglise presbytérienne unie tiennent leurs synodes au même
moment, de sorte que le mois de mai est celui où Edimbourg
redevient tout à fait capitale de l'Ecosse.
L'administration de la ville appartient à un conseil mu-
nicipal composé d'un lord-prévôt, de 6 baillis {bailies),
d'un représentant des huit corporations (dean of giiild),
d'un délégué des commerçants (convener of Trades) et
de 32 conseillers. Le lord-prévôt est aussi sheriff de
Leith. Canongate a conservé son conseil municipal dis-
tinct, sous la direction du lord-prévôt. La ville est bien
pourvue d'eau (22 millions de litres par jour) par un
aqueduc construit en 4 849 et amenant les eaux des vallées
méridionales où des réservoirs les emmagasinent. Elle est
bien pavée, bien éclairée et ses odeurs ne lui mériteraient
plus le sobriquet à'Old Reekie. — La population s'accroît
rapidement; de 136,294 hab. en 1831, elle a passé en
1881 à 228,537 (V. Ecosse). Cependant Edimbourg n'est
pas du tout une cité industrielle. Sa situation n'est pas
comparable à cet égard à celles de Glasgow et de Dundee.
Elle n'a de manufactures et de commerce que ce qui est
nécessaire à toute grande ville ; on ne pourrait guère nom-
mer comme industries locales florissantes que la brasserie,
l'imprimerie, la librairie. C'est essentiellement une capitale;
elle doit sa prospérité à ses tribunaux, à ses écoles, à ses
établissements d'assistance publique. Mais il est remar-
quable qu'écoles et hospices sont dus à l'initiative de ses
citoyens, lesquels ont été les artisans principaux de la
fortune de leur ville natale.
Histoire. — Le rocher du Château, masse basaltique
abrupte qui émerge du sol sablonneux de la plaine, dut
attirer de bonne heure l'attention; facile à mettre en
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
défense, il fut le noyau d'Edimbourg. Il y eut probablement
là un fort romain ; la convergence des ruines romaines
l'indique; mais on rejette l'hypothèse de Camden qui l'iden-
tifiait avec Alata Castra, le STpài:o:^£8ov HispcoTov de
Ptolémée. Plus tard, ce fut un lieu fortifié du royaume des
Pietés; on a voulu l'identifier avec la colline d'Agned,
théâtre d'une victoire d'Arthur. Le rocher du Château por-
tait le Magh Dun (Maiden Castle) au pied duquel se
forma un hameau. On admet que la paroisse de Saint-
Cuthbert fut la première de la ville. Le nom actuel vien-
drait du roi Edwin de Northumbrie (616-633), lequel
aurait occupé le Château et appuyé sur Edwins-burgh (la
forteresse d'Edwin) la domination des Angles sur les rives
du Forth. Cette tradition est douteuse, et durant des siècles
toute cette région de la Tweed et Forth fut disputée entre
les Anglo-Saxons, les Danois et les Pietés (V. Ecosse
[Histoire]). Edimbourg n'était qu'un fort de la frontière.
Sous le règne de Malcolm Canmore, on y construisit un
palais royal où la pieuse reine Marguerite, petite-nièce
d'Edouard le Confesseur, mourut en 1093. Les fils de
Malcolm et de Marguerite (Continuèrent d'y habiter, et la
ville grandit rapidement dans les premières années du
xii^ siècle. L'église Saint-Gilles fut fondée par Alexandre P"^
vers 1110; le Château fortifié de nouveau par David P'',
dont le donjon ne fut détruit qu'en 1572. C'est aussi
David l^^ qui fonda l'abbaye de Holyrood, où les rois
d'Ecosse vinrent souvent, de même qu'à leur château. Le
bourg de Canongate s'accrut, grâce à ce voisinage de l'ab-
baye. Néanmoins, Edimbourg était toujours regardé comme
une place frontière ; les souverains y venaient de temps à
autre. En 1215, on y rassembla un parlement. Le véritable
essor de la ville date du xv^ siècle, lorsque les Stuarts en
firent leur capitale et y fixèrent leur résidence. C'est alors
que la cité du Château absorba les bourgs et villages voisins
de Calton, Portsburgh, Saint-Cuthbert, Montries Hill,
Broughton, Canonmills, Sillvermills, Deanhaugh, compris
dans la Vieille-Ville. Déjà, pourtant, Edimbourg était regardé
comme un des quatre principaux bourgs d'Ecosse ^avec
Stirling, Roxburgh et Berwick, et la réunion de leurs
coutumes formait, en matière commerciale, le premier
corps de la législation écossaise. Cependant, jusqu'en 1450,
la ville ne dépassait pas la région du Château et de la rue
Haute. C'est à cette date qu'une enceinte commune y
réunit les bourgs voisins et constitua la Vieille- Ville. Ainsi
abritée, elle se développa rapidement. Après l'assassinat de
Jacques P^ (d436) à Perth, on avait transféré la capitale et
la cour des rives du Tay à celles du Forth. Jacques ÏI fut
couronné à Holyrood et non à Scone, et le jeune roi, avec sa
mère, s'installa dans le Château. De ses quatorze parlements,
huit furent tenus à Edimbourg, où son père n'en avait
assemblé qu'un sur treize. Jacques III, bien qu'il préférât
la résidence de StirHng, tint ses parlements à Edimbourg.
Il lui conserva les privilèges, concédés par Jacques II,
qui l'avait, en 1452, placé en tête des bourgs royaux. H en
ajouta de nouveaux ; la Charte d'or (Golden Charter) de
1482 conféra au prévôt et à la municipalité l'office héré-
ditaire de sheriff' avec des pouvoirs judiciaires et financiers
étendus. Ces privilèges furent confirmés et accrus par
la suite, en dernier lieu dans la charte de 1603, con-
cédée par Jacques VI. Après le désastre de Flodden, les
bourgeois construisirent à la hâte une seconde enceinte
comprenant Cowgate et la coUine méridionale (Grey Friars
et l'hospice Heriot), mais Canongate, dépendant de l'abbaye
de Holyrood, resta encore en dehors. C'est pour entasser
la population chaque jour plus dense à l'intérieur de cette
enceinte que furent élevées ces maisons à dix étages qui
font d'Edimbourg une ville si diff'érente des villes anglaises.
La Vieille- Ville, formée de la réunion d'Edimbourg et de
Canongate, conserva jusqu'à la fin du xviii^ siècle l'aspect
de cité du moyen âge, sans autres rues carrossables que la
rue Haute et Cowgate. Elle devint le rendez-vous de la
noblesse écossaise et de tout le monde officiel, et prit le
caractère qu'elle a conservé. Il est vrai que les avantages
36
EDIMBOURG
— 562 -
du rang de capitale n'allaient pas sans inconvénients corré-
latifs. Devenue le rempart de la nationalité écossaise, elle
connut plus que par le passé les maux de la guerre. Ce
qu'avait épargné l'incendie de 1330 fut détruit, en 1544,
par les Anglais du comte de Hertford. Ils revinrent trois
ans après. Le Château, Holyrood et Saint-Gilles furent les
seuls monuments qui survécurent à ces dévastations. La cita-
delle résista même après la prise delà ville ; si Cromwell la
prit, elle tint en échec les jacobites. Mais, dès cette époque,
la principale gloire d'Edimbourg fut due à l'intelligence ;
ce fut la métropole intellectuelle de l'Ecosse. C'est là qu'en
1507 fut établie la première imprimerie du royaume. A la
cour de Jacques II brillèrent les poètes Dumbar, Walter
Kennedy, Gawin-Douglas ; c'est à Greenside, au N. de
Calton llill, que sir David Lindsay fit jouer sa Satire of
the Three Estâtes, Au xvi^ siècle, il faut nommer Knox,
Buchanan, Alexander Montgomery; au xvii% Drummond
de Hawthornden; au xviii% Allan Ramsay, Smollet, Fer-
gusson et Burns. Enfin, à la fin du xviii^ siècle et au
commencement du xix^, une pléiade d'hommes célèbres :
les deux Monros, Cullen, Black, Playfair, Dugald Stewart,
Leslie, professèrent à l'Université; Hume, Adam Smith,
Kobertson, Henry Mackensie les surpassèrent ; autour de
Walter Scott, le romancier et poète national, on peut citer
Wilson, Brougham, Jeffrey, Cockburn, Chalmers, puis
Carlyle qui s'efforcent de justifier le surnom d'Athènes
moderne. Autour de la cour suprême se groupent des
jurisconsultes renommés ; l'école de médecine peut citer
des savants connus dans toute l'Europe. Les noms de
Nasmyth, Wilkie, Mac Culloch, Watson Gordon, Haryey,
Drummond, sont presque aussi connus que ceux des litté-
rateurs. Edimbourg, qui n'avait que 20,000 hab. en 1678,
en comptait le double en 1722, le quadruple en 1801.
Comté. — Comté d'Ecosse, appelé aussi Midlothian ;
situé au S. du golfe ou estuaire du Forth, borné auN.-O.
par le comté de Linlithgow (Westlothian), au S.-O. par
celui de Lanark, au S. par ceux de Peebles et de Selkirk ,
à l'E. par ceux de Roxburgh, Berwick et Haddington. Il
mesure 937 kil. q. et comptait, en 1881, 388,836 hab.,
soit 415 par kil. q. Le sol en est extrêmement accidenté ;
les Pentland Hills, qui occupent la zone méridionale,
s 'avançant jusqu'à 8 kil. de la mer, ont une altitude de 3
à 400 m. ; les sommets les plus élevés sont de Scald Law
(579 m.), le Carnethie (577 m.), le Cairn Hill oriental et
occidental (562 m.), le West Kip (551 m.). Ils sont de
forme arrondie et revêtus d'herbe ou de bruyère. A l'angle
S.-E. du comté sont les Morfoot Hills, prolongement des
collines de Lammermoor, dont le point culminant est le
Blackhope Scar (651 m.). On peut citer encore les éminen-
ces isolées de Blackford au S. d'Edimbourg, Arthurs Seat à
l'E., Corstorphine à l'O. Toutes les eaux du comté vont à
la mer du Nord, presque toutes par l'estuaire du Forth ;
" au S.-E. le Gala en conduit un peu à la Tweed. Le prin-
cipal de ces fleuves côtiers, dont aucun n'est navigable, est
l'Esk, formé par la jonction de deux rivières, dont l'une
(méridionale) vient du Blackhope Scar, reçoit le Redside,
le Middleton Burns et arrose l'abbaye de Newbattle ;
l'autre (septentrionale) descend des Pentlands par une val-
lée pittoresque où sont Roslin, Lasswade, Eskbank ; l'Esk
ainsi constitué arrose Dalkeith. Les autres fleuves côtiers
sont le Braid Burn, qui débouche à Portobello; le AVater of
Leith, qui baigne Balerno, Currie, Juniper Green, Colinton,
Edimbourg et Leith; l'Almond, venu du comté de Lanark,
dont un affluent de droite , le Breich Water, forme la
limite entre les comtés d'Edimbourg et de Linlithgow. Le
seul lac est celui de Duddington près d'Edimbourg. — La
géologie du comté a été étudiée par des savants connus
(llutton. Hall, Jamieson, Cunningham, Hugh Miller, Fle-
ming, etc.) ; il eu sera question à l'art. Grande-Bretagne,
de même que du climat. — Au point de vue de l'agricul-
ture, les Pentland Hills sont la seule région peu fertile.
En 1884, il y avait 39 ^/o de la superficie en champs,
21 7(3 en prairies, 5 ^[^ en bois. On comptait plus de
20,000 bœufs et de 166,000 moutons. On tire du sol de
7 à 800,000 tonnes de charbon (vallée de l'Esk), 260,000
tonnes d'huile minérale, 25,000 de fer (vallée de l'Esk
septentrional); les carrières de Craigleith, Craigmillar,Barn-
ton Mount fournissent de bonne pierre. Les trois quarts de la
population étant concentrés à Edimbourg et Leith, l'indus-
trie et le commerce ont une certaine importance : imprimerie
et librairie, brasserie, verrerie, savonnerie, etc. — Les prin-
cipales villes sont Edimbourg, Leith, Dalkeith, Musselburgh,
Portobello. Compris dans la province romaine de Valetitia,
puis dans le royaume de Northumbrie, ce comté renferme
encore des domaines féodaux, les châteaux de Borthwick et
de Craigmillar, la chapelle de Roslin. A. -M. B.
Université d'Edimbourg.— L'université d'Edimbourg
est sortie d'un petit collège (the town's collège) qui fut
fondé en 1583 par le conseil de ville d'Edimbourg. Ce col-
lège posséda dès l'origine le droit de conférer des degrés,
privilège qui lui fut confirmé par acte du Parlement de
1621. Peu à peu, le collège municipal, ou, comme on l'ap-
pelait aussi, le collège de Jacques VI, assuma le nom et la
dignité d' « Université d'Edimbourg », mais l'institution
demeura sous le contrôle immédiat et le patronage du con-
seil municipal d'Edimbourg jusqu'en 1858, date de VUni-
versities (Scotland) Act, qui conféra de nouvelles constitu-
tions autonomes à tous les étabHssements d'enseignement
supérieur de l'Ecosse. — L'université d'Edimbourg est une
corporation composée d'un chanceHer, d'un recteur, d'un
principal, de professeurs, de gradués enregistrés et d'étu-
diants immatriculés. De 1858 à 1890, le gouvernement en
a été exercé par le Senatus academicus, sous réserve du
contrôle de VUniversity Court. Depuis VUniversities
(Scotland) Act de 1889, VUniversity Court est devenue
une corporation perpétuelle, pourvue d'un sceau; elle ad-
ministre les revenus et les biens de l'université. Quant au
Senatus academicus, il surveille et régente l'enseigne-
ment et la discipline. Le nombre des étudiants immatriculés
s'élevait à 1,336 en 1858; il a été de 3,551 en 1889. Le
chancelier est élu à vie par le General Council; il est le
chef de l'université ; il désigne le vice-chancelier. Le recteur
(auj. M. Goschen) est élu tous les trois ans par les étu-
diants immatriculés. VUniversity Court comprend : le
recteur, président, le principal, le lord prévôt d'Edim-
bourg, un assesseur nommé par le chancelier, un asses-
seur nommé par le recteur, un assesseur nommé par le
lord prévôt, quatre assesseurs élus par le General Coun-
cil, quatre autres élus par le Senatus academicus, quatre
représentants (au plus) des collèges afTdiés. En 1858, le
patronage des dix-sept chaires de l'université fut enlevé au
conseil municipal d'Edimbourg et transféré à sept cura-
tors, désignés trois parl'University Court et quatre par le
conseil municipal; les curators sont élus pour trois ans.
Le principal est élu à vie. par le collège des curators; il
demeure dans le collège dont il est le chef et préside le
Senatus academicus, constitué lui-même par le corps
des professeurs. Il y a quatre facultés : arts, théologie,
droit et médecine. On appelle enfin General Council
l'assemblée, présidée par le chancelier, des membres de
VUniversity Court, des professeurs, des gradués, etc.
(6,622 membres au 1^^" janv. 1891). Le General Council
de l'université d'Edimbourg, d'accord avec celui de l'uni-
versité de Saint- Andrews, élit un représentant à la Chambre
des communes. Les bâtiments de l'université (South Bridge
Street) ont été élevés sur les plans de Robert Adam à la
fin du XVIII'' siècle et au commencement du xix^. La biblio-
thèque universitaire possède 177,000 volumes et 3,00j) ma-
nuscrits. — Le budget annuel des dépenses est de 15,922
livres sterling. Le principal reçoit 1,000 livres; les chaires
des quatre facultés coûtent 10,280 livres : la mieux rému-
nérée est celle de critique biblique (630 l.) ; la moins payée
est celle de grec (238 L). Le capital en la possession de
l'université (à cause de legs, donations, etc.,) monte à
plus de 442,000 livres; son revenu total à 40,983 livres.
— Consulter, pour les règlements intérieurs des facultés.
- 563 —
EDIMBOURG — EDISON
les programmes et les statistiques qui ne peuvent être
indiquées ici, The Edinburgh University Calendar (offi-
ciel) publié chaque année par l'imprimeur de l'Université,
James Thir. Ch.-V. Langlois.
BiBL. : Ville. — Maitland, History of Edinburgh^ 1753.—
Arnot, History o f Edinburgh^ 11S9.—.R. Chambers, Tradi-
tions of Edinburgh, 1824. — D. WiLSON, M emorials of Edin-
burgh in the Olden Time, 1846-48. — Du même, Réminis-
cences of old Edinburgh^ 1878, 2 vol. — Anderson, His-
tory of Edinburgh^ 1856. — Dalzel, History of the Uni-
versity of Edinburgh^ 1862, 2 vol. — H. Miller, Edinburgh
and its neighbourhood; 1870, 4^ éd. Tous ces ouvrages
ont été édités à Edimbourg.
Université d'Edimbourg. — A roccasion du troisième
centenaire de la fondation du collège d'Edimbourg, de
grandes fêtes ont été célébrées en 1884 ; elles ont donné
lieu à de nombreux écrits, en toutes langues, sur l'his-
toire de rUniversité. V. surtout W. Hole, Quasi Cur-
sores, portraites of the high officers and professors of
the University of Edinburgh al its trecentenry festival;
Edimbourg, 1884, in-4.
EDIMBOURG (Alfred-Ernest-Albert, duc d'), second fils
de la reine Victoria, né à Windsor le 6 avr. 1844. Il acheva
ses études à Genève, entra ensuite dans la marine et devint
vice-amiral en nov. 1882, commanda l'escadre de la Médi-
terranée en 1886 et, promu amiral en 1887, devint en 1890
commandant en chef de la marine à Devonport. Son titre
de duc d'Edimbourg lui a été conféré le 24 mai 1866. Il
a épousé, le 23 janv. 1874, la grande-duchesse de Russie,
Marie Alexandrovna.
EDINA. Village d'Afrique, sur la côte de Guinée, Etat
de Libéria, à l'embouchure du Saint-John, en face de Grand-
Bassa (ou Buchanan). C'est là que l'on croit retrouver l'em-
placement de Petit-Dieppe, établissement fundé vers 1354
par deux navires dieppois. Buchanan et Edina réunis for-
ment un groupe de population de 5,000 hab.
EDIS (Robert-William), architecte anglais, né à Hun-
tingdon en 1839. Architecte de talent, il présida à deux
reprises l'Association des architectes et devint membre de
l'Institut royal des architectes anglais en 1832 et de la
Société des antiquaires en 1870. Il fut aide de camp de lord
Bury durant la guerre franco-allemande de 1870-71 et se
trouvait à Paris pendant la dernière période de la Commune.
On lui doit un grand nombre de publications sur l'archi-
tecture et l'hygiène de l'habitation, une étude sur the
Fireproof materials (1871), etc. 11 a construit d'importants
bâtiments tant en Angleterre qu'en Amérique.
EDISON (Thomas-Xi va), physicien américain, né à Milan
(Ohio) le 11 févr. 1847. L'histoire de la première moitié
de sa vie semble un de ces contes intitulés : « L'odyssée
d'un petit savant ». Son père, de grands parents hollan-
dais, avait été sans succès tailleur, potier, pépiniériste,
grènetier, et exerçait en dernier lieu à Port Huron (Michi-
gan), où il s'était établi en 1854, la modeste profession
de brocanteur. C'est dans une humble arrière-boutique que
Thomas reçut de sa mère,- ancienne institutrice, des notions
fort rudimentaires de calcul, de littérature et de dessin.
Sa vive et curieuse intelligence lui faisait, il est vrai,
dévorer avidement de la première à la dernière ligne tous
les livres d'histoire et de science que le hasard mettait à
sa disposition; mais ces lectures, entreprises sans méthode
et poursuivies sans but, lui profitaient médiocrement, et
lorsque, en 1859, son père, incapable de le nourrir plus
longtemps, le fit embaucher comme train-boy (homme
d'équipe) sur le Grand Trunk Railway of Canada and
Central Michigan, le futur geôlier de la parole (qui ne
devait jamais fréquenter une école) possédait une instruc-
tion très ordinaire pour un garçon de douze ans. Il partit
avec quelques dollars en poche. Le propriétaire du bufiet
lui ouvrit un petit crédit, et il s'occupa, entre les stations,
de colporter d'un bout à l'autre du train des journaux, des
pâtisseries, des sirops et des cigares. En moins d'un an,
il gagna à ce commerce plusieurs milliers de francs, qu'il
fut fier de remettre à ses parents. Il s'était d'ailleurs
bientôt adjoint deux ou trois gamins, « ses commis », qu'il
chargeait de placer la marchandise, tandis que lui-même,
enfermé dans le fourgon, pouvait s'adonner sans trêve à
sa passion pour la lecture. Un jour qu'à Détroit, pendant
un arrêt, il vit vendre un vieux matériel d'imprimerie, il
l'acheta, se mit en rapport avec une agence de renseigne-
ments, qui lui promit des télégrammes de station en station,
et fonda The Grand Railroad Trunk Herald, devenu
ensuite The Weekly Herald, journal d'informations et de
réclames rédigé, composé, tiré et plié par lui seul pendant
la marche du train et vendu aux voyageurs, au numéro
d'abord, puis par abonnement (8 cents par mois!). Les
nouvelles en étaient on ne peut plus fraîches, le succès
fut grand et le Times en parla alors avec éloges. Thomas
n'avait pas treize ans ! Vers le même temps, une traduction
du Traité d'analyse qualitative de Fresenius lui ayant
inspiré le goût de la chimie, il installa, toujours dans son
fourgon, une espèce de petit laboratoire. Malheureusement,
un flacon de phosphore renversé mit un jour le feu au
plancher, et le chef de train, furieux, fit passer par dessus
bord cornues, produits chimiques, presse, livres, et admi-
nistra une correction au jeune préparateur. Enhardi par
son premier succès de presse, Thomas créa alors à Port
Huron une nouvelle feuille plus sédentaire, qui justifiait
son titre de Paul Pry (Paul l'indiscret) par toutes sortes de
critiques et de révélations plus ou moins diffamatoires. Un
des malmenés se fâcha, saisit par le fond de la culotte le
rédacteur en chef de quatorze ans et le jeta dans le bassin
du port. Notre héros savait nager. Mais ces mésaventures
le dégoûtèrent du métier de journaliste aussi bien que de
celui de train-boy. Il avait tâté de beaucoup d'autres, de
celui de cordonnier par exemple ; ce fut cependant une
circonstance fortuite qui lui ouvrit sa véritable voie. Un
chef de gare, dont il avait courageusement sauvé le baby
au péril de sa propre vie, lui avait enseigné pendant des
arrêts du train la manœuvre et le vocabulaire du télé-
graphe. Il s'était souvent ingénié depuis à improviser
divers petits appareils électriques et, comme il avait fini
par acquérir à ces amusements d'assez sérieuses con-
naissances en mécanique et en physique, il pensa à en
tirer parti et obtint facilement une place dans les bureaux
du télégraphe de Port Huron (1862). Habile opérateur, il
fut un détestable employé. Toujours occupé à des travaux
étrangers, jamais à son poste, il se vit imposer, pour assu*
rer sa présence, la transmission du mot « six » toutes les
demi-heures. Il imagina aussitôt un appareil à déclenchement
accomphssant automatiquement cette tâche. C'était en 1864.
La même année, il conçut et indiqua un moyen pratique pour
faire passer simultanément deux dépêches télégraphiques
en sens inverses sur le même fil ; on ne connaissait pas
encore les récents essais des physiciens allemands et sué-
dois, et on haussa les épaules. On l'avait successivement
envoyé à Stratford, à Adrian, à Indianapolis, à Cincinnati,
à Memphis. Bans cette dernière ville, il voulut étabHr une
communication télégraphique entre deux trains en marche;
ayant mal pris ses dispositions, il occasionna une ren-
contre. Cette fois, on le remercia tout à fait (1868). Il se
rendit alors à Boston, où diverses sociétés et fabriques
l'employèrent. Il y poursuivit d'importantes recherches sur
les appareils vibratoires et y ouvrit, en 1869, un premier
atelier pour la réalisation de ses inventions. En 1870, il
vint à New- York. Des études et des expériences très dis-
pendieuses et assez peu heureuses l'avaient réduit au
dénuement le plus complet; mais il ne tarda pas à être
attaché, en qualité d'ingénieur électricien, d'abord à la
Laws Gold Reporting Co,, agence télégraphique financière
dont il avait habilement et prestement réparé un indicateur
automatique du cours des valeurs, puis à la Gold and
Stock Co, et à la Western Union Telegraph Co, Sa
fortune était faite. Ces deux dernières sociétés, qui lui
avaient acheté dès le premier jour, moyennant une rente
annuelle de 6,000 dollars, le droit d'appliquer son système
duplex, lui assurèrent en commun, outre un fixe consi-
dérable, l'acquisition, à des prix déterminés par arbitre,
du plus grand nombre de ses inventions. Elles lui firent
d'autre part construire à Newark, près de New- York, un
EDISON — EDIT
— 564 —
atelier qu'il dirigea pendant six années et où il occupa
jusqu'à trois cents ouvriers. Il le quitta en 1876, pour
pouvoir consacrer plus de temps aux recherches et à l'étude,
et fonda, quelques milles plus loin, à Orange (New-Jersey),
sur la ligne de Pennsylvanie, le laboratoire désormais his-
torique de Menlo Park, où, secondé par un nombreux et
savant état-major de chimistes, de physiciens, de mécani-
ciens et de mathématiciens, il devait réaliser coup sur coup
tant de découvertes. Le bâtiment avait son rez-de-chaussée
occupé par les machines, les bureaux et la bibliothèque ;
le premier étage était pris tout entier par le cabinet de
travail du maître. Il y a quelques années, ce local
étant devenu insuffisant, il a élevé à peu de distance un
nouvel établissement formant, avec ses deux mille ou-
vriers, une grande cité industrielle. Lui-même habite
non loin de là le coquet chalet de Leweln qui, con-
struit presque entièrement en bois, n'est somptueux que
pour le pays et où, naturellement, tout marche à l'élec-
tricité. D'autres usines lui appartiennent encore en pleine
propriété ou pour partie : à Newdjeasin, à New-York, à
Brooklyn, à Philadelphie, à Chicago, etc. En 4886, V Edi-
son Electric Illuminating Co. possédait, aux Etats-Unis
seuls, près de 150 stations centrales et alimentait plus de
125,000 lampes. La Compagnie continentale Edison,
société fondée à Paris en 1881, a, d'autre part, le mono-
pole de l'exploitation en Europe de ses brevets relatifs à
l'éclairage électrique ; son capital, de 3,500,000 fr. d'abord,
a été porté à 10 millions de francs en 1889, et elle pos-
sède, entre autres, les atehers de fabrication d'ivry (Seine),
les usines du faubourg Montmartre, de l'avenue Trudaine
et du Palais-Royal à Paris. Bien qu'il dépense sans compter
pour ses recherches et ses expériences, l'ancien camelot
du Gra7îd Trunk Railroad a aujourd'hui une fortune
personnelle de plusieurs millions de dollars. Il s'est marié
deux fois : en 1873, à une de ses ouvrières de Newark;
en 1887, à la fille d'un riche négociant de l'Ohio, miss Miller
d'Akron. De haute taille, les épaules larges, le visage pâle
et imberbe, les cheveux blonds et longs, l'œil bleu et pro-
fond, l'air un peu distrait, grand conteur et musicien pas-
sionné, le « sorcier de Menlo Park », comme l'appellent ses
compatriotes, est aussi modeste qu'affable. Les Parisiens
lui ont fait une chaleureuse réception lors de sa visite à
l'Exposition universelle de 1889.
Telles sont, rapidement esquissées, les plus notables
étapes de la vie romanesque de cet homme extraordinaire
qui, parti de la plus humble origine et grandi dans les
conditions les plus défavorables, excite aujourd'hui la curio-
sité et l'étonnement du monde entier autant par le carac-
tère merveilleux que par la multiplicité de ses inventions.
Il en compte déjà plus de six cents, et il est âgé de qua-
rante-cinq ans à peine (1892). Certaines ne constituent
à la vérité que des perfectionnements; mais d'autres, abso-
lument originales, lui sont exclusivement personnelles.
Nous nous contenterons de citer, en renvoyant d'ailleurs
pour les détails aux articles spéciaux : un répétiteur auto-
matique (1863); le télégraphe duplex (\S64^), dont la
priorité d'invention semble revenir à Gintl (1853), mais
qu'il a imaginé de son côté et considérablement amélioré ;
la plume électrique ; le télégraphe quadruplex, qui est
une combinaison des systèmes duplex et diplex et qu'il a
réaUsé pratiquement en 1874 ; le phonoplex ou way-
duplex; un télégraphe automatique, qu'à la demande du
gouvernement anglais il vint, en 1873, expérimenter avec
un plein succès entre Londres et Liverpool ; un appareil
typo-télégraphique, qui figurait à l'exposition d'électricité
de Paris de 1881 ; le téléphone à courant électrique ou
micro-téléphone (1877), qui constituait un progrès capital
sur le téléphone, jusque-là sans utilité pratique, de Graham
Bell : il avait d'abord simplement adapté à ce dernier son
transmetteur à pastille de charbon, puis il en avait rem-
placé le récepteur lui-même par son nouvel électromoto-
graphe ; le phonographe, « la plus remarquable, la plus
incontestable et la moins contestée de ses inventions »,
qui date de 1877, mais qui n'a reçu sa dernière forme
qu'en 1888, et dont la combinaison avec le transmetteur
à charbon et l'électromotographe a récemment donné nais-
sance à la téléphonographie ; le relais à pression ; le
mégaphone (1878); l'aérophone (1878); un rhéostat à
charbon; \ harmonie engine ; une encre à impressions
multiples; le phonomètre; le microtasimètre, thermoscope
d'une très grande sensibilité ; le « compteur de courant »
galvanoplastique, enregistrant la consommation d'électricité
au moyen d'un dépôt de cuivre; le voltamètre sonore; la
subdivision de la lumière électrique, réalisée pour la pre-
mière fois dans son usine centrale d'électricité de New-York
dont les plans figuraient à l'exposition de Paris de 1881 ;
la lampe électrique incandescente, dont il n'a pas imaginé
le principe, mais qu'il a rendue pratiquement utilisable en
produisant un vide plus parfait par la substitution de la
pompe de Sprengel à la machine pneumatique et en obte-
nant, par l'emploi de filaments de bambou du Japon car-
bonisés, des fils susceptibles de brûler huit cents heures;
une machine dynamo-électrique à courant continu d'une
grande puissance (celles de l'usine de New-York peuvent
alimenter chacune 1,200 lampes de 16 bougies); un sépa-
rateur magnétique du minerai de fer à fonctionnement
continu et automatique; la poupée ou baby phonographique,
dont le corps en étain renferme un phonographe rudimen-
taire et minuscule et qui peut réciter de petits contes,
chanter, etc. ; une machine dynamo-pyromagnétique pour
la production directe de l'électricité par le combustible
(1887). Il travaille actuellement à un bateau-volant et à
l'achèvement d'un « téléphote » devant permettre la vision
à la distance de plusieurs kilomètres d'une personne sous-
traite aux regards directs. On lui prête enfin l'intention de
chercher à emmagasiner les forces développées par le mou-
vement des vagues de la mer et à transporter à Bufialo,
à l'aide d'un câble immergé, l'énergie développée par une
habile utilisation des chutes du Niagara. Partisan de l'em-
ploi exclusif de courants continus pour les distributions
souterraines d'électricité dans les villes, il a, dans plusieurs
articles de revues, exprimé la conviction que les courants
alternatifs à haute tension ainsi canalisés présentent les
plus graves dangers pour la sécurité publique. — Villiers
de risle-Adam a fait d 'Edison le principal personnage d'un
de ses derniers romans : VÈve future, Léon Sagnet.
BiBL. : J.-B. Mac-Clure, Edison and hîs inventions;
Chicago, 1879, in-8. — Prescott, The Speahing Téléphone,
electric light, etc. ; New-York, 1879. — Marie Colombier,
Voyage de Sarah Bernhardt en Amérique; Paris, 1881,
in-12. — La Lumière Edison; Paris, 1882, in-8. — Ed. Ligne-
REUx, Edison et le Phonographe ; Paris, 1882. — Gaston
TissANDiER, Th.- A. Edison, dans la Nature du 31 août
1889.— Exposition universelle de 1889, Notice sur la Com-
pagnie continentale Edison; Paris, 1889, in-4. — Le Figaro
des 10, 12, 16 et 27 août 1889. — Em. Durer, Edison, sa
vie, ses œuvres; Paris, 1889, in-8. — Louis Figuier, le
Roman d'Edison, dans la Lecture des 25 août et 10 sept.
1890. _ G. DuMONT, Dictionnaire d'Electricité; Pans,
1889, in-4 (aux différents mots cités).
EDISTO. Fleuve des Etats-Unis, Etat de la Caroline du
Sud. Il prend sa source près de Brancheville, sur un pla-
teau qui s'étend à l'E. des monts Appalaches entre les
fleuves Cougarec et Savannah. L'Edisto est navigable pen-
dant 150 kil. et se jette dans l'océan Atlantique en deux
branches qui forment entre elles l'île Edisto.
ÉDIT. I. Antiquité romaine. — Les édits {edicta)
sont des communications adressées au public qui, d'après
l'étymologie {ex dicere), ont d'abord été orales et qui,
dans le sens postérieur du mot, sont en outre publiées par
voie d'affiches. Dans cette acceptation large, les édits
pourraient venir de n'importe qui, même de particuliers,
et il n'est pas impossible de relever des textes en ce sens.
Mais sans avoir peut-être un caractère absolument di fiè-
rent, ils prennent naturellement une toute autre portée sous
le rapport des conséquences juridiques quand ils émanent
d'autorités qui recourent à cette voie pour adresser au
peuple ou à des citoyens isolés, soit des ordres, soit des
notifications, soit de simples avis, par exemple pour con-
— 565 —
EDIT
voquer les citoyens à des comices ou à des conciones, pour
faire des citations de procédure, pour annoncer des fêtes
mobiles, pour faire connaître aux intéressés en entrant en
charge les principes qu'ils comptent suivre dans leur admi-
nistration, dans la confection du cens pour les censeurs,
dans l'administration de la justice pour les préteurs, les gou-
verneurs, les édiles curules. C'est à ce point de vue qu'on
se place pour parler du jus edicendi de certaines autorités
ou pour énumérer les édits qui nous ont été transmis.
Les autorités que l'on cite comme investies du jus edi-
cendi sont : d'abord les magistrats supérieurs du peuple
et de la plèbe, consuls, gouverneurs, préteurs, tribuns ;
puis certains magistrats moins élevés, ainsi les édiles
curules et plus étroitement les censeurs ; enfin certains
prêtres, non seulement le grand pontife, mais d'autres en-
core que des inscriptions récemment découvertes montrent
avoir exercé ce droit plus largement qu'on ne le soupçon-
nait. Les édits de ces diverses autorités étaient d'abord lus
à haute voix ; mais ils étaient en outre en général affichés
dans un endroit public plus ou moins nettement déterminé,
pendant un délai qui dépendait de leur but, mais qui ne
pouvait en principe guère excéder la durée des pouvoirs de
celui qui les avait rendus.
Il nous a été transmis quelques édits de magistrats ou
de prêtres que l'on trouve rassemblés dans les recueils
spéciaux et auxquels sont même venus tout récemment
s ajouter les assez nombreux édits sacerdotaux auxquels
nous avons déjà fait allusion, édits relatifs aux jeux sécu-
laires du temps d'Auguste et de Sévère, découverts à Rome
en 1890 et publiés par M. Mommsen à la fin de 1891.
Mais, à côté de ces édits particuliers qui nous ont été con-
servés textuellement, il y a d'autres édits, infiniment plus
précieux pour le droit et l'histoire qui, s'ils ne nous sont
pas parvenus directement, sont aujourd'hui connus par
une quantité d'informations en permettant une restitu-
tion d'ensemble. Ce sont les édits qui étaient rendus
par les magistrats judiciaires, préteurs urbains et péré-
grins à Rome et gouverneurs en province ayant à côté
d'eux pour la juridiction des marchés les édiles curules à
Rome et les questeurs dans les provinces du Sénat, et qui,
après être devenus progressivement un corps de législa-
tion complet, ont reçu une codification définitive sous
Adrien (117-138), par les soins du jurisconsulte Salvius
Julien. La manière dont l'édit prétorien a peu à peu jux-
taposé une législation nouvelle à la législation civile a déjà
été expliquée à l'art. Droit prétorien. Il ne nous reste ici
qu'à signaler les divers éléments dont il se compose. L'étude
de ces éléments soulèverait deux questions : l'examen de
leur antiquité respective, ou l'étude de la formation pro-
gressive de redit, et la détermination de leur disposition
finale ou la restitution de l'édit de Juhen. Mais la seconde
des deux questions est seule résolue. La première, qui serait
pour l'histoire générale du droit du plus haut intérêt, a été
jusqu'à ce jour à peu près complètement négHgée. Le seul
travail moderne qui lui soit directement consacré est une
courte dissertation de M. Dernburg où il s'est efforcé de
découvrir dans les dispositions de l'édit des diversités de
rédaction qui permettraient un classement chronologique et
où il a proposé dans ce sens deux critériums qui ont été con-
testés par certains, admis par d'autres, mais qui ne seraient
en tout cas qu'un des éléments de solution. Tous les autres
matériaux juridiques, historiques et philologiques qui exis-
tent en assez grand nombre et dont certains même ont déjà
été utilisés pour des recherches spéciales, mais qu'un grou-
pement d'ensemble pourrait seul permettre d'apprécier
correctement, attendent encore une mise en œuvre systé-
matique. Tout ce que nous pouvons dire ici, c'est qu'à peu
près tous les éléments de l'édit y avaient déjà pris place au
début de l'Empire et qu'à part quelques magistrats excep-
tionnellement actifs et compétents tels que^Cassius Longinus,
consul en l'an 30, et Julien lui-même, les préteurs du Prin-
cipat n'y changèrent plus rien que sur l'ordre du Sénat ou
de l'empereur. — Quant à la rédaction de Julien, qui ne
paraît avoir différé qu'assez peu de l'édit antérieur — car
elle garde encore, aussi bien dans sa structure générale
que dans ses détails, tous les traits d'une formation cou-
tumière faite au jour le jour — elle nous est au contraire
parfaitement connue, surtout depuis la publication de
l'ouvrage magistral de Lenel qui, principalement à l'aide
des fragments de commentaires de l'édit, est arrivé non
seulement à rétablir l'ordre et les divisions de l'édit de
Julien, mais à retrouver des quantités d'édits et de formules
dissimulés et défigurés dans les compilations de Justinien.
L'édit du préteur comprenait : d'une part, quatre parties
principales contenant des édits et des formules d'actions et
relatives, avec beaucoup d'interversions et de digressions,
la première à l'introduction de l'instance jusqu'à la litis
contestation la quatrième à l'exécution depuis la senten-
tia^ la deuxième et la troisième aux divers moyens prin-
cipaux répartis , suivant un critérium découvert par
M. Lenel et depuis généralement admis, en moyens rentrant
ou dans la juris clictio ou dans Yimperium des magis-
trats ; d'autre part, un appendice ou plutôt trois appen-
dices renfermant les formules des interdits, des exceptions
et des stipulations prétoriennes. Et symétriquement, l'édit
des édiles, également codifié par Julien, comprenait une
partie principale contenant des édits et des formules d'ac-
tions et un appendice donnant la formule de la stipulatio
duplœ. Maintenant, outre cette division du fond qui ne se
manifestait probablement pas extérieurement, l'édit préto-
rien était divisé matériellement en un certain nombre de
titres désignés par des rubriques et peut-être numérotés.
Ensuite chaque titre était à son tour ordinairement subdi-
visé en plusieurs sections distinguées, semble-t-il, par des
rubriques. Enfin, que le titre fût ou non divisé en plusieurs
paragraphes, il contenait : dans les trois appendices à peu
près exclusivement des formules ; dans le corps de l'édit
des édits et des formules d'actions, des édits quand le pré-
teur promettait de faire quelque chose, que ce fût de donner
une action prétorienne ou un autre moyen, des formules
quand le moyen auquel se référait la rubrique était une
action civile ou prétorienne. Et, par suite, on peut rencon-
trer sous une rubrique soit des formules sans édits, comme
dans les appendices pour les interdits, les exceptions et
les stipulations et dans le corps de l'édit pour les actions
civiles — que le préteur n'a pas à promettre, suivant une
doctrine de M. Wlassak qu'ont singulièrement confirmée
les recherches postérieures sur l'édit, — soit des édits sans
formules, quand, dans le corps de l'édit, le préteur promet
autre chose qu'une action, — une bonorum possessio, un
moyen dont la formule est dans l'un des appendices, —
soit enfin à la fois des édits et des formules quand le préteur
promet à titre abstrait une action prétorienne et en donne
en même temps la formule concrète. P.-F. Girard.
Edit du prince (V. Constitutions impériales, t. XII,
p. 635).
II. Histoire. — Le terme edictum fut conservé au
moyen âge et appliqué aux actes législatifs émanés des rois
que l'on a pris l'habitude d'appeler plus ordinairement
capitulaires (V. ce mot). Cependant certaines de ces lois
sont communément nommées édits; ce sont par exemple
celles qui émanent des rois lombards; quelques-unes aussi
de celles des monarques francs; par exemple l'édit de
Pistes, qui est un capitulaire promulgué par Charles le
Chauve en 863. Les souverains de la France ayant à peu
près cessé, depuis la fin du ix« siècle, de promulguer
des lois générales, le mot édit, quoiqu'il soit demeuré
encore en usage dans les formules et qu'il ait été fréquem-
ment appliqué aux actes émanés des rois, n'est cepen-
dant pas employé pour désigner ces documents dans le
langage scientifique. On lui préfère les termes de préceptes,
privilèges, etc. Lorsque les monarques capétiens exercèrent
de nouveau depuis Louis VII et Philippe-Auguste le pouvoir
législatif, ils désignèrent parfois encore leurs actes par le
mot edictum, mais l'usage s'est établi de les nommer
plutôt des ordonnances (V. ce mot). Au xvi« siècle seule-
ÉDIT — ÉDITION
- 566 —
ment on distingua entre redit et Tordonnance. Ce dernier
terme fut appliqué aux lois générales contenant un assez
grand nombre de dispositions sur des matières différentes
et en particulier sur l'administration de la justice, rendues
le plus souvent ensuite de remontrances des Etats ; l'édit
au contraire était ordinairement un acte législatif qui ne
réglait qu'une seule matière. Les édits royaux étaient géné-
ralement expédiés par la grande chancellerie en forme do
grandes lettres patentes, c.-à-d. qu'ils sont adressés « à
tous présents et à venir », datés de l'année et du mois,
sans indication de quantième, et scellés du grand sceau
de cire verte. Il y a eu toutefois des exceptions. Les
édits, rendus sous cette forme, ont constitué essentiellement
avec les ordonnances, les lois de l'Etat pendant toute la durée
de l'ancienne monarchie. On les désignait généralement sous
le nom de la ville où ils avaient été rendus : édits d'Am-
boise, de Chàteaubriant, de Nantes, etc. On trouvera des
renseignements sur les plus célèbres do ces édits aux noms
des localités par les({uell{;s ils sont désignés. A. G.
CiiAMimi': Di-; l'Edit (V. Ciiamuuk, t. X, p. 379).
Eorrs uklatifs aux protestants. — La plupart de ces
édits sont indiqués et résumés au mot Nantes (Edit de).
Bihl. : Antiquiti': uomaink. — V. principalement sur le
jus edicendU Mommsen, Droit public romain^ 1892, I, pp.
230-238, 2" éd. fr. — Les principaux édits qui nous ont été
transmis directement sont reproduits ou énumérés dans
Bruns, Fontes juris RomanL 1887, pp. 215-221, 5" éd. donnée
par Mommsen et Girard, Textes de droit romain^ 1890,
pp. 141-145. — Les édits relatifs aux jeux séculaires ont
été publiés et commentés, Monumenti antiqui publicati per
cura délia R. A cademia dei lincei^ 1891, pp .602-672.— L'éi ude
de M. Dernburg sur la date des dispositions de l'édit se
trouve dans les Festgabe fur Heffter, 1873, pp., 93 et suiv.
Cf. Karlowa, Rômisctie Rechtsgeschichte^ 1885, I, p. 467,
n» 4, et Krueger, Geschicfite der Quellen des rômischen
Rechts, 1888, p. 37, n» 28, et en général pp. 30-39. — Pour
redit de Julien, l'ouvrage de M. Lenel, jDas Edictum per-
peiuum, 1883, a rendu à peu près inutiles tous les ouvrages
antérieurs, saut' peut-être, pour certaines indications his-
toriques, celui de Rudorff, De luris dictione edictum,
1809. — Pour la littérature plus récente, on peut notamment
consulter Gi.asson, Etude sur Gaius^ 1885, pp. 271-302,
2« éd.; Kaui.owa, op. cit.^ pp. ()28-61l: Krueger, op. cit.,
pp. 84-92. et les tableaux Ht>mnuuroH do l'édit donnéH dans
Girard, i'e.Yics, pp. 115-145. et par M. Lenel lui-même dans
Bruns, op. cit., pp. 188-214, ot Palingoncsia iuris civiUs^
1889, t. H, pp. 1247-125G.
ÉDITEU R. Ce mot a aujourd'hui une signification double.
A l'origine et pendant plusieurs siècles, il désignait exclu-
sivement un érudit, un savant ou un simple lettré qui
publiait une œuvre quelconque d'autrui, soit pour la faire
connaître lorsqu'elle était inédite, soit pour on donner un
texte meilleur ou un commentaire nouveau, quand elle était
déjà connue.
Vers la fin du xvii° siècle, on a appliqué le môme quali-
ficatif à tout libraire (V. ce mot) qui imprimait ou faisait
imprimer des livres pour son compte ou pour celui des
auteurs. Toutefois, il ne fut adopté officiellement que dans
notre siècle. Dans cette dernière acception, ce mot s'ap-
plique non seulement à des libraires, mais aussi à des
sociétés savantes ou à de simples particuliers publiant des
livres, et encore à ceux qui mettent dans le commerce soit
dos estampes, soit dos pièces do musique, soit dos cartes
géographiques, ctc, — Sous la Restauration, il fut introduit
mémo dans lo journalisme par la loi do 1819 sur la presse,
loi qui exigea pour chaque publication périodique la dési-
gnation d'un « éditeur responsable. » chargé Je répondre
légalement de tout ce qui s'y imprimait (V. Ivresse). Aujour-
d'hui, cette responsabilité incombe au gérant (Y. ce mot),
dont le nom doit figurer sur chaque numéro d'un journal
ou d'une revue. G. P-i.
EDITH (Sainte), née en 961, morte en 984 (fête le
16 sept.). Elle était fille ^naturelle du roi de Northumbrie,
Edgar, et de Wullrith, plus tard sainte Wulfrith, abbesso
de Wilton, à laquelle le roi avait fait violence. Elevée dans
lo monastère de sa mère, elle prit le voile à quinze ans,
refusa plusieurs riches abbayes et même la couronne qu'on
lui ollrit après l'assassinat d'Edouard, son frère (978).
Diinstaii (V. ce nom) assista à ses derniers moments et
lui fit élever un monument somptueux. Le biographe
d'Edith, un moine du nom de Goscellin, qui vivait au
XI® siècle, et dont l'ouvrage a été édité par Surius (Vîtes
Sanci. ; Cologne, \ 570) et dans les Acta Sanctorum^^îmiQ
l'inépuisable et humble charité de son héroïne. F.-H. K.
EDITH (en anglo-saxon Eadgytk)^ reine d'Angleterre,
morte en 4075. Elle était fille de Godwin, comte de Wes-
sex, fut élevée à l'abbaye de Wilton et épousa en 1045 le
roi Edouard le Contesseur qui, par piété, s'abstint de toute
relation conjugale avec elle. La légende la représente comme
très belle, très pieuse et très libérale ; mais des documents
irréfragables la montrent violente, avide et sans scrupules,
comme tous les membres de la famille du comte Godwin.
En 1051, la disgrâce de Godwin entraîna l'exil de sa fille
dans un monastère; elle revint en faveur avec lui en
1052. Dans les querelles de ses frères Tostig et Ilarold,
elle prit le parti du féroce Tostig, dont Edouard dut cepen-
dant ordonner le bannissement. Après la mort d'Edouard lo
Confesseur, elle se retira dans sa cité de Winchester, fai-
sant (les vœux pour la réussite 'do l'expédition do Tostig
contre ilarold, dont elle fut peut-être 1 inspiratrice et qui
éciioua. Quand, après la bataille d'IIastings, Guillaume lo
Conquérant fit demander le tribut aux gens de Winchester,
il n'éprouva aucune résistance; en récompense, Edith no
fut jamais molestée par les Normands. Sur son lit de mort,
elle éprouva le besoin de nier solennellement les désordres
et les débauches dont le bruit public l'accusait (V, une
curieuse anecdote sur le baiser qu'elle donna un jour,
suivant l'habitude anglaise, à l'abbé Gervinus de Saint-Ri-
quier, dans le Chronicon Centulense, IV, 22). Ch.-Y. L.
ÉDITION. Parallèlement à celui d'éditeur, ce mot aune
acception double. Tout d'abord il s'applique à la publi-
cation par quelqu'un d'une oeuvre d'autrui, inédite ou non,
qui, dans ce cas, est le plus souvent accompagnée d'un
commentaire, de notes et éclaircissements. — Une édition
s'appelle « diplomatique » lorsqu'elle reproduit un texte
manuscrit, tel qu'il est, sans aucune, modification ; aujour-
d'hui on a recours, dans ce but, à des procédés de repro-
duction héliograpbi(iuo pour assurer la fidélité matériollo
du texte et en faire connaître le caractère paléographiquo.
— Une édition est dite « critique » lorsqu'elle se propose do
fixer ou de restituer môme hypothétiquement un texte plus
ou moins altéré ou tronqué, soit par la faute des copistes
successifs à travers les âges, ce qui a généralement lieu
pour des œuvres antérieures à l'invention. de l'imprimerie,
soit par la négligence des typographes, ou bien du fait des
exigences extérieures du moment, lorsqu'il s'agit des
œuvres déjà propagées par la typographie. La valeur d'une
édition critique dépend de la science ot du talent de son
éditeur, et les règles pour l'établissement d'un texte ont
déjà été exposées ici (V. Critique de textes, t. XII, p. 410).
Le même mot signifie aussi l'impression d'un livre ou
l'ensemble des exemplaires d'une publication, c.-à^d. la
matérialité du fait. Dans la pratique, on désigne l'édition
d'un livre publié en dehors de la participation de son
auteur, tantôt par le nom de son éditeur intellectuel (par
oxomplo, les Mémoires do Saint-Simon, édition (Jhéruel, ou
édition do Doislille), tantôt sous celui do son éditeur coin-
mercial (par exemple Aristoto, édition Didot ; Buffon, édi«
tion Garnier, etc.). . ^
Une première édition est appelée en bibliographie édi-
tion princepSy lorsqu'il s'agit d'une œuvre de l antiquité
classique ; on emploie le terme d'édition ofiginale pour
des productions des littératures modernes. Les unes et les
autres ont joué et jouent encore un rôle important çn
bibliophilie, en raison surtout de leur rareté. Quelquefois
aussi elles ont une grande importance philologique ou litté-
raire, attendu que telle édition « princeps » reproduit le texte
d'un manuscrit aujourd'hui disparu et en tient lieu, tandis
que telle édition « originale » d'une œuvre nous la donne
dans son état primitif, avant les modifications ou les
transformations que l'auteur a pu lui faire subir ultérieu-
rement. !
- .^07
EDITION — EDMOND
, Au point (lo viio do la bibliographie, uno édition n'est
réellement nouvelle que si elle est le produit d'une impres-
sion nouvelle; quand bien même elle n'apporterait aucun
changement au texte de la précédente et n'en offrirait
qu'une réimpression pure et simple. Cependant, déjà au
XVII® siècle, les libraires, pour faire écouler plus aisément
les exemplaires non vendus d'un livre et leur redonner
l'attrait de la nouveauté, en renouvelaient simplement le
litre, avec la mention que c'était une édition nouvelle. Cette
supercherie devint à la longue uno habitude constante. De
nos jours, il s'est introduit en France une pratique plus
abusive encore à cet égard. Afin de créer autour d'un livre
une renommée factice de succès et d'allécher ainsi le
public, certains éditeurs changent le titre à chaque mille
d'exemplaires (souvent même à chaque cinq cents ou même
moins), pour y ajouter la mention mensongère do 2®, 3°,
4®, etc., édition. Quelquefois même, une dixième prétendue
édition est lancée dans le commerce avant qu'on ait touché
à la seconde, et il ne manque pas de gens qui s'y laissent
prendre.. Dans certains pays étrangers, on a riionnôteté
d'avertir le public compétent, dans des bulletins pério-
diques de la librairie, que telle édition, qualifiée de nou-
velle, n*est qu'une réimpression de la précédente ou bien
n'a de nouveau que le titre avec le millésime du jour. On
sait alors à quoi s'en tenir. G. Pawlowski.
EDKINS (John), sinologue anglais et missionnaire de la
« London Missionary Society ». Envoyé en Chine, il arriva
le 2 sept. 1848 à Chang-hai, qu'il quitta en 1860 pour
habiter successivement Tche-fou, Tien-tsin etPeking (1863).
Depuis 1880, il est attaché aux douanes impériales chi-
noises et réside à Chang-haï. Outre un grand nombre
d'ouvrages en chinois, ce savant a donné : Grammar of
CoLloquial Chinese,as exhibited in the Shang-haï
/)ia/^c^ (Chang-haï, 1853, in-8 [réimpr.]); Grammar of
the Chinese Colloquial Langtiage commonly called the
Mandarin Dialect (Chang-hai,' 1857, in-8 [réimpr.]);
Chine' s Place in Philology (Londres, 1871, in-8), ou-
vrage de philologie comparée qui a soulevé de nombreuses
'Controverses lors de son apparition; l\eligio7i in China
(Londres, 4878, in-8, plusieurs éditions; la première est
de 1859); de nombreux mémoires dans les journaux de la
Société asiatique de Chang-haï, de la Société orientale de
Peking, etc., dont le dernier, The Effect of Nomad Life on
the Growth of Language^ a été lu récemment au Congrès
des orientalistes de Londres (1891). 11. G.
BiBL. : H. CoRDiER, Bibl. sinica.
EDKÔ. Lac d'Egj^pte, dans le delta du Nil, d'une forme
triangulaire, 340 kil. q. de superficie, compris entre le
canal Mahmoudièh au S. et la branche de Rosette à TE. Il
communique avec la mer par un passage ouvert au N.-O.
sur la baie d'Aboukir. Ijî lac, très poissonneux il y a encore
un siècle, paraît se dessécher graduellement et se transfor-
mer en marécage.
EDLUND (Erik), physicien suédois, né à Nériko le
14 mars 1810, mort 'd Waxiiolm, près de Stockholm, en
1888. Il était professeur de sciences physif|uos à l'Acadé-
mie royale des sciences de Suède. Les principaux mémoires
qu'il a publiés sont relatifs à l'électricité. Dans ses recher-
ches sur le phénomène de Peltier, sur la force électro-
motrice de l'arc voltaïque, sur la polarisation électrique, sur
la dilatation électrique, sur la force électromotricc produite
par l'écoulement d'un liquide, il s'est montré physicien dis-
tingué. La télégraphie a été aussi l'objet de ses études ; il
' a montré en particulier, l'un des premiers, dès 1855, qu'on
pouvait transmettre simultanément, mais en sens inverses,
deux dépêches télégraphiques sur le même fil. Au point de
vue théorique, l'une des plus intéressantes recherches
d'jEdlund se rapporte à ce qu'il a appelé l'induction unipo-
laire; il explique par cette théorie l'origine de l'électricité
atmosphérique qui serait un phénomène d'induction magné-
tique produit par la rotation de la terre et des couches supé-
rieures do l'atmosphère. L'air tend h. prendre une charge
positive dans les régions supérieures, la terre une charge
négative. L'air, qui est pou conducteur i\ la surface du sol,
sort do diélectrique ; au contraire, l'air d(5S couches supé-
rieures, à une pression beaucoup plus faible, est beaucoup
meilleur conducteur; c'est dans ces couches que se pro-
duisent des courants électriques qui conduisent l'électricité
vers les pôles.^ Dans les régions cquatoriales, la résistance
à la recombinaison du fluide des couches supérieures de l'air
et de celui de la terre est maximum; aussi ces recombinai-
sons se font sous forme de décharges disruptivcs et don-
nent lieu aux terribles orages de ces régions. Dans les
régions polaires, c'est l'inverse, la recombinaison est facile :
les orages sont très rares; mais les aurores boréales, qui no
sont autres que les phénomènes lumineux produits par
cette recombinaison, sont au contraire très fréquentes.
Cette théorie d'Edlund est très ingénieuse ; c'est en outre
lapreniière théorie vraiment scientifique faite pour expliquer
l'origine et ^ les modes d'action de rélcctricitô atmosphé-
rique. Aussi a-t-elle valu ii son auteur le prix Bordin dé-
cerné par l'Académie des sciences do Paris en 1887.
EDMOND .(en anglo-saxon Eadmund), roi d'Est-
Anglie, saint et martyr, né à Nuremberg (Saxe) en 841,
mort en 870. Il fut adopté en 854 par Offa, roi d'Est-
Anglie, et à la mort de ce prince, décédé au retour d'un
pèlerinage au Saint-Sépulcre, en 855, il fut couronné, à
i'ûge de quinze ans. C'était le temps des plus formidables
invasions des Danois. Après la malheureuse bataille de
Thetford, Edmond, ayant refusé de s'enfuir et d'abjurer, fut
martyrisé par les hommes du Nord. Ses restes furent
d'abord ensevelis à Iloxne ; comme ils firent des miracles,
on les transporta dans un magnifique reliquaire à Pabbaye
de Bury, qui fut enrichie plus tard par le Danois chrétien
Cnut. L'arbre auquel, suivant la tradition, saint Edmond
avait été attaché par les païens qui le criblèrent de flèches,
dans lo parc do lloxne, a été abattu en 1849. On y a re-
trouvé des pointes de flèche. Ch.-V. L. .
EDMOND, roi des Anglo-Saxons, né vers 922, mort en
040. A la mort d'Athelstan, lo 27 oct. 940, il devint roi
et essaya immédiatement do réduire les pays danois du
Nord, {|ui avaient choisi Olaf, Normand d'Irlande, pour
leur roi. La campagne fut indécise, et, par lo traité qui
intervint, Edmond dut se contenter, comme jadis Alfred,
de la contrée située au S. de Watling Street, sous réserve-
d'une vassalité nominale des chefs du Nord envers la cou.
ronne saxonne. En 941, Edmond paraît avoir été plus heu
roux, mais on manque de détails. Il s'occupait en même
temps de défendre son neveu Louis contre les entreprises
du duc Hugues de Erance. A l'intérieur, il fut un patron
zélé du clergé, ci U Dimstan (V. ce nom) abbé du (ilas-
tonbury. 11 fut assassiné à Pucklcchurch dans le Glouces-
tershire par un seigneur appelé Liofa. Ch.-V. L.
EDMOND, surnommé Ironside ou Côte-de-Fer, roi des
Anglo-Saxons, né vers 981, mort en 1016. Fils d'Etlielred,
il épouse en 1015, malgré la volonté do son père, Eadgyth,
de la famille d'un comte danois banni. Il se rendit cepen-
dant fameux par sa lutte opiniâtre contre les Danois do
Cnut. Choisi comme roi h la inoi't d'I'^îhelrcd par les par-
tisans do rindépendanco anglo-saxonne, avec iiiie armée où
les Bretons ou Gallois étaient nombreux, il battit Cnut à
Selwood (en Somerset), puis àSherston (Wilts). On trouve
un récit épique de la bataille sanglante do Sherston dans
lo ch. X do la Knytlinga Saga. Mais la fortune l'aban-
donna à Ashington (Essex). Toutefois, par la convention
qui intervint, l'Angleterre fut partagée entre Edmond et
Cnut, et lo royaume entier fut promis au dernier survi-
vant. Edmond mourut quelques jours après, probable-
ment assassiné. D'après Guillaume de Malmesbury, deux
chambellans ferreum 'uncum Eadmiindo, ad natara
requisita sedenti, in locis posterioribus adegerunt.
La culpabilité de Cnut n'est pas prouvée, mais celle do
Eadric, comte de Mercie et beau-frère d'Edmond, est très
probable. Ch.-V. L.
EDMOND ou EDMUND (Saint), archevêque de Canter-
bury, ne en 1190, mort en 1240. Il fit ses études en partie
EDMOND — EDOCEPHALE
— 568 —
à Paris, en partie à Oxford, oiiil contribua à faire connaître
les œuvres d'Aristote. Son talent oratoire le fit désigner
comme l'un des prédicateurs de la sixième croisade (1227).
Quelques années plus tard, il fut nommé primat d'Angleterre
et occupa le siège de Canterbury (1233). Ses revendications
politiques lui firent encourir l'hostilité du roi Henri III, qui
sut détacher de lui son protecteur, le pape Innocent III.
Edmond présida plusieurs assemblées politiques et ecclé-
siastiques dans lesquelles il revendiquait contre la couronne
le maintien de la grande charte et l'exclusion des étrangers
de toutes les fonctions publiques. Ne se croyant pas en
sécurité en Angleterre, Edmond se réfugia en France, près
de Blanche de Castille (1240). Il mourut peu de temps
après son arrivée dans ce pays. Il fut canonisé par Inno-
cent IV en 1249. G. Q.
EDMOND (Charles) (V. Charles-Edmond).
EDMONDES (Sir Thomas), diplomate anglais, né à
Plymouth vers 1563, mort le 20 sept. 1639. Grâce à la
protection de sir Francis Walsingham, il entra dans le
service diplomatique et débuta comme agent auprès
de Henri IV à Paris en 1592. Nommé, en 1596, secrétaire
de la reine, il revint en Angleterre, remplit diverses
missions à Paris en 1597 et 1598, et en déc. de cette
dernière année fut chargé d'organiser entre les envoyés
anglais et l'archiduc Albert une conférence qui eut lieu à
Boulogne et qui ne put aboutir. Il obtint alors un emploi
de secrétaire au conseil privé. En 1601, il revint encore
en France pour tenter de négocier une alliance entre
Henri IV et l'Angleterre contre l'Espagne. Membre du Par-
lement pour Liskeard le 29 sept. 1601, pour Wilton en
1604, il occupa le poste d'ambassadeur à Bruxelles du
18 août 1604 à 1609. En 1610, après avoir essayé de
conclure une alliance défensive avec la France, il fut
chargé, en quaUté d'ambassadeur, de faire une enquête sur
les conséquences possibles de l'assassinat de Henri IV. H
fut ensuite fort occupé à négocier un mariage entre le prince
Henry et la sœur de Louis XIII, puis entre le prince
Charles et cette princesse, et assista à la conférence de
Loudun entre les protestants et le gouvernement français
(1616). Nommé contrôleur de la maison de Jacques P^, le
20 déc. 1616, il accompHt une nouvelle ambassade en
France en 1617, devint trésorier de la maison royale le
19 janv. 1618, fut élu membre du Parlement en 1620 à la
fois par Dorchester et Bewdley, en 1624 par Chichtsster,
par Oxford en 1625 et 1626, par Penryn en d628 et sou-
tint avec zèle, à la Chambre des communes, la poHtique
de Charles P^\ Il fut encore envoyé comme ambassadeur
à Paris en 1629 pour ratifier un traité de paix entre la
France et l'Angleterre. Il rentra ensuite dans la vie privée.
Il jouit de son temps, comme diplomate, d'une renommée
considérable. Sa correspondance existe au British Mu-
séum (Stowe mss. 707, 12 vol. in-fol.) ; une partie a été
imprimée dans VHistorical View of the négociations bet-
ween the courts of England^ France and Brussels de
Thomas Birch (Londres, 1749), dans les Memoirs of
queen Elizabeth (Londres, 1754) et autres publications
historiques. R. S.
EDMOND SON (Joseph), peintre d'armoiries et généalo-
giste anglais, mort à Londres le 17 févr. 1786. En peignant
des armes sur des panneaux de voitures, Edmondson prit le
goût de la science du blason et se fit recevoir de la Society
of Antiquaries ; il obtint peu après un grade dans le Collège
des hérauts d'armes (1764), sans pour cela cesser son
métier de peintre, que son fils continua après sa mort. Il a
laissé plusieurs ouvrages, dont les deux plus importants sont
une nouvelle édition, corrigée et augmentée, du Barona-
gium Genealogicum de sir William Segar, en 6 vol. in-
fol. (1764), et A Complète Body of Heraldry (1780,
2 vol. m-fol.). B.-H. G.
EDMONDSON (George), éducateur anglais, né à Lan-
caster le 8 sept. 1798, mort le 15 mai 1863. Elevé par
ses^ parents dans les convictions de la secte des quakers,
le jeune Edmondson accompagna Wheeler en Russie en
1817. Il revint en Angleterre pour se marier, mais il
retourna bientôt à Okta, près de Saint-Pétersbourg, où il
rendit, avec un désintéressement bien rare, de grands
services à l'agriculture en desséchant des marais et défri-
chant des terres incultes. La seconde partie de sa vie fut
consacrée à l'enseignement. Il reprit, après un ou deux
essais ailleurs, l'école de Queenvood Hall, dans le Hamp-
shire, qui avait été fondée par les disciples de Robert
Owen, et en fit une institution modèle, où il formait les
jeunes gens à l'agriculture et aux différents métiers, tout
en leur donnant une solide instruction. Archer Hirst,
Frankland, Tyndall enseignèrent dans son école ; Henry
Fawcett en sortit. Sa femme, fille d'un maître d'école des
environs de SheflQeld, nommé Singleton, fut sa collabora-
trice assidue et contribua largement à ses succès.
EDMONDSTON (Laurence), naturaliste écossais, né à
Lerwick, dans les îles Shetlands, en 1795, mort en 1879.
Frère puîné d'Arthur Edmonston, qui a laissé d'intéres-
sants écrits sur leurs lies natales, Laurence s'engagea
d'abord dans le commerce ; mais, cédant à ses goûts scien-
tifiques, il étudia la médecine et s'établit à Unst, la plus
septentrionale des Shetlands. Linguiste éminent, très versé
dans tous les dialectes Scandinaves, il étudiait avec passion
les vieilles légendes norses ; mais on lui doit surtout des
découvertes et des observations importantes en minéralo-
gie et en ornithologie. Il a publié beaucoup d'articles et de
brochures, parmi lesquelles nous ne citerons que Observa-
tions on the Distinctions, History, and Hunting of
Seals in the Shetland Islands (1837). — Ses trois fils
ont hérité de son goût pour les sciences naturelles, et sa
fille, Jessie-Margaret, mariée à un naturaliste distingué,
Mr. Henry-L. Saxby, auteur de The Birds of Shetland,
a publié plusieurs volumes de vers et de récits inspirés
par les légendes Scandinaves. B.-H. G.
EDMONSTON E (Robert), peintre anglais, né à Kelso
en 1794, mort à Kelso le 21 sept. 1834. Après avoir été
apprenti horloger, il alla étudier le dessin à Edimbourg,
puis à Londres, où on le trouve en 1819 fréquentant l'ate-
lier de Harlow et élève de l'Académie royale. Après un
voyage de deux ans en Italie, il revint à Londres, où il fit
de nombreux portraits et surtout des portraits d'enfants,
de 1824 à 1829. En 1830, il exposa son tableau le plus
important, J^w/2^5 Italiens jouant aux cartes, et repartit
l'année suivante'par l'Italie, où il fut atteint de fièvres palu-
déennes, dont les suites l'emportèrent une fois qu'il fut
revenu dans son pays natal.
EDMONSTONE (Sir Archibald), voyageur et écrivain
anglais, né à Londres le 12 mars 1795, mort à Londres
le 13 mars 1871. Un voyage qu'il fit en Egypte en 1819
lui fournit le sujet de son plus important ouvrage, A
Journey to Two of Oases of the Upper Egypt (1822).
Il a laissé, en outre, des vers religieux, deux ou trois tra-
gédies, et d'autres écrits déjà oubliés. B.-H. G.
EDMONTON. Faubourg de Londres, dans le Middlesex,
à 13 kil. du pont de Londres (V. Londres).
EDMUNDS (George), homme politique américain, né à
Richmond le 1^^ févr. d828. Membre de la Chambre de
l'Etat de Vermont de 1854 à 1859 et président de cette
assemblée pendant trois ans, il entra au Sénat en 1861 et
en devint également président. Envoyé au Sénat des Etats-
Unis en 1866 en remplacement de Foote, il devint un des
leaders républicains de cette assemblée, et il a même re-
cueilli un certain nombre de voix pour la présidence de
l'Union aux élections de 1880 et d884.
ÉDOCÉPHALE (Tératol.). Monstre unitaire présentant
concurremment les anomalies delà cyclopie, del'astomie et de
la synotie (troisième genre des Otocéphadiens de I.-G. Saint-
Hilaire). L'édocéphale a un œil, ou du moins un orbite médian
et unique, surmonté d'une trompe; les mâchoires sont très
atrophiées, et à la place de la bouche absente se voient les
deux oreilles, rapprochées ou réunies sous la tête. Cette
monstruosité, fort rare chez l'homme, est plus commune chez
les mammifères domestiques (V. Cyclopie et Synotie).
— 569 —
EDOM — EDOUARD
EDOM, EDOMITES (V. Idumée).
ÉDON. Corn, du dép. de la Charente, arr. d'Angoulême,
cant. de Villebois-la-Valette ; 612 hab.
ÉDON ES (Géogr. anc). Peuple de Trace, annexé à la
Macédoine par Philippe II; il occupait le pays entre le
Strymon e1 le Nestus où se trouvaient les villes d'Eion,
Amphipolis, Philippes, Daton, Drabescus, Neapolis.
EDOUARD l'Ancien, roi des Anglo-Saxons, mort en
924, fils d'Alfred. Il se distingua aux côtés de son père
dans les guerres contre les Danois, et reçut dès 898, bien
qu'aucune partie du royaume paternel ne lui fut alors spé-
cialement attribuée, le titre de roi. C'est en 901 qu'il fut
choisi par le luitan pour succéder à son père mort, en dépit
des efforts d'un fils d'Ethelred, son c§mpétiteur, nommé
iEthelwald. Cet ^Ethelwald troubla jusqu'à sa mort, en 905,
le règne d'Edouard, avec l'appui des Danois. Mais la guerre
contre les Danois ne fut pas arrêtée par la disparition du
prétendant; elle se réveilla en 910 (victoire de Tetten-
hall), en 911 (bataille de Wodensfield). A la mort de
l'ealdorman de Mercie, son beau-frère, Edouard détacha
de la Mercie, pour l'annexer au royaume proprement dit des
Saxons, les districts de Londres et d'Oxford. En 915, nou-
velles invasions des Normands, venus, cette fois, des côtes
de Bretagne, qui s'attaquèrent au pays de Galles ; Edouard
les rejeta en Irlande. La chronologie de la fin du règne est
très confuse. On entrevoit que le roi, toujours victorieux,
réduisit successivement plusieurs des Five Boroughs da-
nois : Nottingham, Derby, Leicester, et réunit la Mercie au
royaume des Saxons à la mort de sa sœura4^thelfled, veuve
de l'ealdorman régional. Que le roi d'Ecosse l'ait choisi à
cette époque comme patron, c'est ce qu'on lit à l'année 924,
dans la chronique anglo-saxonne de Winchester, mais on a
eu bien tort de voir dans cet épisode, peut-être apocryphe
et interpolé, la première trace historique de la supré-
matie de la couronne d'Angleterre sur celle d'Ecosse. Les
« lois » du temps d'Edouard l'Ancien attestent les progrès
que fit sous son règne prospère la prérogative royale, dégagée
par la victoire des entraves du compagnonnage germanique.
De sa concubine Ecgwyn, ce roi avait eu un fils qui lui
succéda. L'une de ses filles, Edwige^ épousa, en 919,
le roi franc Charles le Simple; une autre, Edith ^ le futur
empereur Othon, en 930.
EDOUARD LE Martyr, roi des Anglo-Saxons, né vers
963, mort le 18 mars 978. Il devint roi en 975 à la mort de
son père Edgar (Y, ce nom) et fut assassiné par les partisans
d'une faction rivale. Son tombeau à Shaftesbury fit des mi-
racles. Dès 1001 , on y allait en pèlerinage.
EDOUARD LE Confesseur, roi d'Angleterre, né à Islip
(Oxfordshire) vers 1004, mort le 5 janv. 1066. Fils du roi
Ethelred et d'Emma, fille de Richard sans Peur, duc de Nor-
mandie, il fut élevé au monastère d'Ely. Quand Emma, chas-
sée pour les succès du roi danois Sweyn, fut obhgée, en
1013, d'aller chercher un refuge en Normandie, auprès de
son frère, elle emmena son fils, qui continua son éducation
à la cour ducale de Rouen. Vers la fin du règne de Cnut,
le duc Robert essaya de rétablir l'exilé sur son trône, mais
la tempête dispersa la flotte d'invasion qu'il avait réunie à
Fécamp. Edouard ne retourna en Angleterre, pour y régner,
qu'en 1042, à la mort de son demi-frère Harth Cnut,
accompagné d'une suite de personnages normands et fran-
çais. Il fut couronné à Winchester le 3 avr. 1043. Il devait
en grande partie son élévation au comte Godwin de Wessex ;
il épousa sa fille Edith en 1045 : l'Angleterre fut partagée
entre les trois grands comtes, chefs du parti qui avait
préparé la restauration du représentant de la vieille dynas-
tie : Godwin (Wessex), Leofric (Mercie), Siward (Northum-
brie). C'était un homme de moyenne taille, avec la barbe
et les cheveux tout blancs dès l'adolescence, un albinos; de
manières simples, tempérant, dévot, charitable, mais colé-
rique et trop peu soucieux de ses devoirs royaux. Il était
très faible et se laissa toujours diriger, notamment par des
favoris originaires du continent, camarades de son long
exil, qu'il accabla de pensions, de charges palatines et de
dignités ecclésiastiques. On dit (mais ce fait n'est pas signalé
par les contemporains ; on ne l'a tenu communément pour
certain qu'au xu® siècle) qu'il ne se prévalut jamais de
ses droits conjugaux dans ses rapports avec sa femme bien
qu'il l'ait faite tori <^/i^sco7i5oda. Peut-être était-il impuis-
sant aussi bien physiquement que moralement. On raconte
de lui, en son âge mur, des traits d'une extrême puérilité.
La discorde ne tarda pas à éclater entre le faiseur de rois
anglo-saxon Godwin et le principal des favoris étrangers
du nouveau roi, Robert, abbé de Jumièges en Normandie,
évêque de Londres dès 1044. En oct. 1050, mourut l'ar-
chevêque saxon de Ganter bury ; Alfric, un parent de God-
win, canoniquement élu à ce siège, fut rejeté par le roi,
décidé à élever Robert de Jumièges au rang primatial. En
1051, autre incident : les gens de Douvres, molestés par
les domestiques d'un seigneur du continent, Eustace de Bou-
logne, beau-père du roi, les battirent; et, quoi qu'ils puis-
sent invoquer la légitime défense, Edouard enjoignit à God-
win (qui avait Douvres dans sa circonscription) de les
châtier. Godwin refusa, et, dans le ivitan qui fut tenu à
l'occasion de cette désobéissance, il fut abandonné par les
comtes Leofric et Siward, qui embrassèrent la cause du roi ;
Godwin et son fils Harold se virent refuser même un sauf-
conduit; ils durent s'enfuir ; l'archevêque Robert persuada
à Edouard, sinon de divorcer, au moins de saisir les biens de
sa femme, fille de Godwin, et de l'enfermer dans un couvent.
Les Normands furent alors les maîtres absolus à la cour
d'Angleterre ; Guillaume, duc de Normandie, vint dans l'île
faire une visite à son cousin, et put se croire chez lui, tant
il rencontra de compatriotes. Il est probable que le faible
Edouard lui promit en cette occasion de faciliter un jour
par tous les moyens en son pouvoir les prétentions encore
cachées de Guillaume à la couronne d'Angleterre. Mais la
fortune changea bientôt. Godwin et son fils Harold débar-
quèrent en 1052 à Southw^ark près de Londres, à l'impro-
viste, et le roi capturé dut leur accorder leur pardon. A
cette nouvelle, les favoris normands s'empressèrent de pas-
ser sur le continent. Edouard tomba dès lors dans l'escla-
vage de Godwin, de la reine, rappelée de son monastère,
de Stigand, évêque de Winchester depuis 1047, à qui God-
win donna, au mépris de toutes les règles canoniques, le
siège de Canterbury dont le titulaire, Robert de Jumièges,
avait pris la fuite. Godwin, à la vérité, mourut en 1053,
mais son fils Harold lui succéda dans son comté et dans sa
toute-puissance. Cependant le frère d'Harold, Tostig, homme
violent et brutal, avait pris sur le roi une grande influence
personnelle depuis le départ des Normands ; il était égale-
ment préféré à Harold par la reine, leur sœur. Il réussit en
1055, à la mort de Siward, à se faire attribuer le grand
comté de Northumberland. Edouard chassait avec Tostig,
en oct. 1065, dans les forêts voisines de Wilton quand
Harold, qui avait passé les dix dernières années en guerres
sanglantes et heureuses contre les Gallois, lui apporta la
nouvelle d'une rébellion formidable du Northumberland.
Les Northumbriens avaient été fort choqués d'être négligés
par Tostig, qui les faisait gouverner par procureur; et
l'absence du maître les avait encouragés à le rejeter. Ils
avaient choisi Morkère, fils du comte de Mercie, et vou-
laient l'imposer à la place de Tostig à l'agrément du roi.
Or, Harold avait épousé la sœur de ce Morkère, et, comme
il n'était point en excellentes relations avec Tostig, celui-ci
l'accusa formellement à l'assemblée de Britford, près de
Salisbury, d'avoir fomenté la rebelHon contre lui. Harold
se purgea de cette accusation par serment, mais il refusa
de marcher avec les siens contre les révoltés de Northum-
brie. Tostig dut quitter l'Angleterre. Cette dernière humi-
liation brisa la santé d'Edouard. Depuis 1051, il n'avait
cessé de s'occuper de la construction d'une grande abbaye
à Thorney, près de la porte 0. de Londres (West-Mins-
ter) et d'une église en style normand. Cette église, d'une
architecture jusque-là inconnue dans l'île, fut inaugurée
solennellement le 28 déc. 1065; mais le roi ne put assis-
ter à la cérémonie ; il était ce jour-là couché sur son lit de
EDOUARD
— 570 -
mort. Son tombeau, à Westminster, fit aussitôt des mi-
racles. Guillaume le Conquérant, qui se prétendit toujours
l'héritier légitime du Confesseur, encouragea la dévotion
à sa mémoire. Mais la canonisation officielle ne fut pro-
noncée qu'en 4161 par le pape Alexandre III. Henri III
Plantagenet avait une dévotion spéciale pour Edouard, à
qui il ressemblait sur plus d'un point ; c'est ce qui le dé-
termina à choisir le Confesseur comme patron de son fils
aîné, Edouard P^ (V. ce nom). — On appelle « lois
d'Edouard le Confesseur » le résumé des déclarations faites
sous serment sur le droit ancien du pays par des jurys de
douze témoins réunis dans chaque comté en 1070. A cette
date, le Conquérant normand promit à ses sujets saxons
de les laisser vivre selon la « loi d'Edouard », c.-à-d.
d'après leurs vieilles coutumes nationales. Ainsi Cnut avait
jadis promis aux Saxons assujettis de les laisser vivre sui-
vant les « lois » d'Edgar.
BiBL. : E.-A. Freeman, History of the norman Con-
quest, t. II.
EDOUARD 1^^, roi d'Angleterre, fds aîné de Henri lïl et
d'Eléonore de Provence, né à Westminster le 1 7 ou 18 juin
1239, mort à Burgh, près de Carlisle, le 7 juil. 1307. Il
fut élevé à Windsor, sous la direction de Hugh Gififard.
En 1252, Henri III lui donna en apanage le duché de Gas-
cogne. Craignant que les Gascons, peu dociles, ne trou-
vassent de l'appui en Castille, Henri négocia, pour son fils,
dès 1254, un mariage avec Eléonore, sœur d'Alfonse X.
Le mariage eut lieu en octobre, au monastère de las Huel-
gas ; Henri donna en dot aux époux, avec la Gascogne,
l'Irlande, le pays de Galles, Bristol, Stam for d et Grantham.
Le prince avait alors un goût décidé pour les exercices
violents et chevaleresques, tels que les tournois. On se sou-
vint longtemps de ses prouesses au tournoi de Blythe (4 juin
1256). L'administration de ses vastes domaines, il l'aban-
donnait à son entourage, composé d'étrangers sans scru-
pules. Son règne futur s'annonçait mal; fils d'un père
francisé et d'une mère provençale, il n'avait rien d'anglais.
Les Gallois furent les premiers à protester contre les exac-
tions de ses agents ; Llewellyn, fils de GrufFydd, envahit
ses marches et fit une alliance avec les barons écossais ;
or Edouard n'avait pas d'argent pour résister ; il fut obligé
d'en emprunter, en engageant ses biens à son oncle avide,
Guilhem de Valence. Cette malheureuse affaire de Galles
contribua fort à porter au paroxysme le mécontentement
des barons anglais, qui firent jurer à Henri III et à son fils
les fameuses provisions d'Oxford (V. Henri III, Oxford).
Edouard, se retournant contre son père, fit même quelque
temps des avances à Simon de Montfort.En 1262 et 1263,
il parcourut la Bourgogne et la France, toujours assidu aux
tournois, tantôt vainqueur, tantôt battu. Mais, en 1264,
eut lieu, entre les partisans de la couronne et ceux de
Simon de Montfort, leader du parti des barons, le décisif
combat de Lewes. Edouard mit en fuite les troupes de
Londres qui lui étaient opposées ; malheureusement, il
s'attarda à les poursuivre ; quand il revint, sa journée était
perdue. D'abord enfermé à Kenilworth, il réussit à s'échap-
per des mains du comte de Leicester et trouva un appui
chez les Mortimer, chefs des marches galloises. Il recruta
une nouvelle, armée et gagna la bataille d'Evesham où Simon
de Leicester fut tué : succès suivi de beaucoup d'autres,
moins importants, sur les tenants obstinés de la révolution
manquée, à Axholm, à Winchelsea, à Kenilworth. Encore
en 1267, Edouard fut occupé à comprimer par la force une
rébellion des comtés du Nord et à réduire les barons réfu-
giés dans une citadelle sise au milieu des marais inabor-
dables d'Ely. Le 24 janv. 1268, en accomplissement d'un
vœu qu'il avait fait, il se croisa: il devait faire partie de
l'expédition organisée par saint Louis contre Tunis; mais,
quand il arriva à Aigues-Mortes, Louis IX et les Français
en étaient déjà partis ; quand il arriva à Tunis, Louis IX
était mort et les croisés de France avaient fait la paix avec
le sultan des infidèles. Il refusa d'imiter cette conduite et
cingla avec ses treize vaisseaux vers Saint-Jean-d'Acre, où
il débarqua en mai 1271. Il n'avait guère qu'un millier
d'hommes avec lui ; il fit cependant de grandes prouesses.
Il releva la ville d'Acre, qui était ruinée, prit Nazareth,
gagna le combat d'Haifa et s'avança jusqu'à Château-
Pèlerin. Cependant, ses succès ne pouvaient avoir de résultat
sérieux; le 17 juin 1272, il fut victime d'une tentative
d'assassinat par un musulman fanatique qui lui donna un
coup de couteau dans le bras; fatigué, ses troupes déci-
mées, il conclut une trêve de dix ans avec le sultan et
partit le 15 août. En Sicile, il apprit la mort de son père,
qui le faisait roi d'Angleterre, celle de son oncle Bichard,
celle de Jean, son fils aîné. C'était alors un homme vigou-
reux, un soldat, mais, en même temps, un organisateur
expérimenté, « législateur par instinct ». Son règne marque
une ère nouvelle dans l'histoire constitutionnelle de l'An-
gleterre au moyen âge.
Edouard, sachant que son royaume était en bonnes mains,
sagement gouverné par les régents Walter, archevêque
d'York, Boger Mortimer, Bobert Burnell, mit plus de deux
ans à revenir de Sicile en Angleterre. Il passa par l'Italie,
où il eut une entrevue, à Orvieto, avec le pape Grégoire X;
traversa les Alpes au mont Cenis ; près de Lyon, il fut invité
par le comte de Chalon à un tournoi qui dégénéra en mêlée
sanglante et qu'on a appelé, pour cette raison, « la petite
bataille de Chalon». A Paris, le roi prêta hommage à Phi-
lippe III pour la Gascogne et se rendit dans cette province où
Gaston de Béarn, qui s'était révolté, le tint en échec pendant
un an. Il ne débarqua à Douvres que le 2 août 1274 et fut
couronné à Westminster, avec la reine Eléonore. Il s'appliqua
aussitôt à la politique intérieure, avec l'aide de Burnell,
qu'il fit chancelier, du trésorier John Kirkby et de son
conseiller François Accurse, fils du fameux légiste de
Bologne, qu'il avait emmené dTtalie. Dès 1274, une en-
quête fut ordonnée sur les droits des seigneurs féodaux.
En 1275 fut passé le « Premier Statut de Westminster »,
qui réédite plusieurs clauses de la Grande Charte, fixe le
montant des charges féodales, des aides et des reliefs. Des
mesures de pardon furent prises en 1276 en faveur des
« déshérités » du règne précédent et l'on se prépara à la
guerre inévitable contre les Gallois; au Parlement d'oc-
tobre furent passés les statuts de Bigamis et Rageman,
L'année suivante, Llewellyn fit sa soumission au château
neuf, bâti par les ordres d'Edouard, à Bhuddlan, sous
condition d'hommage et de tribut. En 1278, le statut de
Gloucester amenda l'organisation des juridictions territo-
riales, et, en vertu de ce statut, Edouard lança des ordres
de quo ivarranto pour obliger les seigneurs à fournir le
titre {warrant) sur lequel ils s'appuyaient pour exercer
leur juridiction ; au mois de novembre, il fit arrêter tous
les juifs de son royaume et en fit pendre deux cent
soixante-sept à Londres, comme usuriers, en avr. 1279.
La mort de la reine mère, à qui appartenait le comté de
Ponthieu, obligea Edouard et sa femme à aller en France
en 1279. Le 11 mai, il prêta hommage à Philippe IH pour
cette province et renonça définitivement, en cette occasion,
à toute prétention sur la Normandie. A la place de Kild-
warby, démissionnaire, il aurait voulu placer sur le siège
archiépiscopal de Canterbury son ami et ministre Bobert
Burnell, mais le pape Nicolas III préféra John Peckham.
Cet archevêque ne tarda pas à offenser le roi en prescri-
vant d'afficher à la porte de chaque église paroissiale un
exemplaire de la Grande Charte ; c'est pour répondre à ce
procédé qu'Edouard fit voter au Parlement de 1279
le statut De religiosis ou de « mainmorte », où se
trouvent développées les précautions de l'une des Provisions
de 1259 contre l'accroissement indéfini des biens d'Egfise.
— Pendant qu'Edouard célébrait à Devizes la fête de
Pâques 1282, il apprit que Llewellyn et son frère David,
qu'il avait comblé de faveurs, avaient repris traîtreusement
les armes. La campagne, dirigée par Edouard, de Bhuddlan
comme quartier général, fut d'abord malheureuse; mais
Llewellyn fut tué le 10 déc. à Badnor, et cet événement
rétablit les affaires. Un pont fut commencé pour joindre
- 574 -
EDOUARD
Anglesey à la terre, et plusieurs châteaux bâtis sur le mo-
dèle de ceux de Rhuddlan et de Flint, par exemple à Aber-
conway. Les Gallois livrèrent au vainqueur la couronne
d'Arthur et leur chef David qui fut condamné à la peine
capitale par une assemblée de ses pairs à Shrewsbury.
Quelques jours après, à Acton Burnell, Edouard publia
une ordonnance, le Statut d' Acton Burnell, célèbre dans
l'histoire de la législation commerciale anglaise. De 1284
date le « Statute of Wales » qui imposa au pays de Galles
conquis les cadres de l'administration anglaise et le droit
criminel anglais. En 1285, Edouard fut convoqué, comme
duc d'Aquitaine, par Philippe III, pour prendre part à la croi-
sade d'Aragon (V. Philippe III); il employa, pour ne point
s'y rendre, une procédure dilatoire, qui réussit, et cette
année 1285 est précisément celle où son activité législative
fut le plus notable. Il édicta au Parlement d'été tenu à
Westminster le second statut de Westminster, qui est un
véritable code, et il limita étroitement la juridiction ecclé-
siastique par le fameux writ Circumpecte agatis. Le
Statut de Winchester, promulgué au Parlement d'octobre,
fit revivre et développa les anciennes lois relatives à l'orga-
nisation de la police en vue du maintien de la paix publique.
Après la mort de Phihppe III, Edouard annonça son
intention de se rendre sur le continent. Français et Ara-
gonais se disputaient alors la Sicile. Dès 1282, Charles
d'Anjou et Pierre d'Aragon avaient choisi le roi d'Angleterre
comme arbitre du combat qu'ils se proposaient d'engager
à Bordeaux, en champ clos, l'un contre l'autre. En 1286,
les fils de Charles d'Anjou, Philippe IV, les nobles de Pro-
vence, invoquaient son intervention pour régler leurs diffé-
rends. Il fut d'abord à Amiens, où il prêta hommage pour ses
possessions continentales. A Bordeaux, il présida une sorte
de congrès diplomatique auquel prirent part les représen-
tants des rois d'Aragon, de France, de Castille et de Ma-
jorque et deux légats du pape. Une trêve y fut arrangée,
le 25 juil., entre la France et l'Aragon. En 1287, Edouard
demeura en Aquitaine, se croisa et expulsa les juifs du duché.
En 1288, il travailla à la délivrance de Charles le Boiteux
et lui prêta des sommes considérables pour sa rançon, en
même temps qu'il faisait présenter au pape Nicolas IV
l'expression des sentiments qu'il éprouvait à voir un pape
exciter la guerre entre chrétiens, alors que les infidèles triom-
phaient en Syrie. Ayant appris qu'enfin on se lassait en
Anglelerre de sa longue absence, il y revint au mois d'août
et eut aussitôt à redresser les iniquités commises par plusieurs
juges de la couronne, qui furent punis. Il visita sa mère, qui
avait pris le voile à Amesbury et s'acquitta de divers pèleri-
nages aux tombeaux des saints Thomas, Edmond, etc.
C'était en effet un homme très pieux, de goûts ecclésias-
tiques, quoique viril et sagement incrédule à l'égard des su-
perstitions populaires. Le Parlement de 1289 fut marqué
par la promulgation du statut Quia emptores qui interdit
les sous-inféodations, et par un statut pour l'expulsion des
juifs. La mort de la reine, arrivée à Harby (Nottinghamshire) ,
le 28 nov., attrista beaucoup Edouard, qui se retira, pour
y passer plusieurs mois dans la retraite, au couvent des Bons-
Hommes d'Ashridge. En mai 1291, il eut à s'occuper de la
succession d'Ecosse : Alexandre III d'Ecosse était mort en
1286, laissant comme héritière Marguerite de Norvège, qui
fut fiancée en 1288 à Edouard, fils d'Edouard P^, avec dis-
pense du pape et approbation de la noblesse écossaise. Les
Etats d'Ecosse, réunis à Brigham, près de Roxburgh, le
10 mars 1290, manifestèrent publiquement leur satisfaction,
sous réserve des droits et des lois du royaume. Là-dessus,
Edouard avait envoyé en Ecosse, comme gouverneur, son
fidèle Antony Bek, évêque de Durham. Mais Marguerite mou-
rut dans la traversée de Norvège aux Orcades, et il n'y avait
pas moins de treize compétiteurs à sa succession. Edouard
fit d'abord reconnaître par tous les compétiteurs son droit
de suzeraineté sur la couronne d'Ecosse ; il désigna ensuite
Baliol{\, ce nom) comme le roi légitime (17 nov. 1292).
Sur ces entrefaites commença la guerre avec la France.
Les hostilités étaient continuelles entre les marins des Cinq-
Ports et ceux des côtes de Normandie ; elles prirent, en 1293,
de très graves proportions ; de même, les frontières de l'Aqui-
taine étaient le théâtre de conflits perpétuels entre les sujets
des rois de France et d'Angleterre. Philippe cita Edouard
à comparaître devant le Parlement de Paris, comme duc
d'Aquitaine, et saisit le duché, faute de comparution. La
guerre fut ainsi déclarée. Edouard, toutefois, n'y prit pas
part en personne, étant retenu par une insurrection des
Gallois sous Madoc, fils de Llewellyn, qui l'obhgea à taxer
le clergé à la moitié de ses revenus pendant un an. Cette
guerre de Galles l'occupa jusqu'au mois de mai 1295. Pour
la guerre de France, il en remit le soin à John of Saint-
John, son sénéchal en Aquitaine, et à ses alliés, le comte
de Bar, les princes des Pays-Bas et le roi des Romains,
Adolphe de Nassau. Les Français, cependant, faisaient
souvent des descentes sur les côtes anglaises de la Manche.
Un certain chevalier nommé Turberville fut persuadé,
dit-on, de livrer à Philippe les Cinq-Ports. Mythe fut
attaquée, Douvres fut brûlée. L'Ecosse remuait. Edouard
convoqua dans ces circonstances critiques, pour nov. 1295,
un Parlement qui différa des précédents en ce que, dans les
writs de convocation envoyés aux évêques, fut insérée
})Our la première fois la clause Prœmunientes qui leur
enjoignait d'amener au Parlement des représentants du
clergé inférieur de leurs diocèses. Le Parlement de 1295
fut le type normal des Parlements à venir, car il fut com-
posé des représentants des comtés, des villes, du clergé et
des barons. Il vota des subsides ; mais, ces subsides, Edouard
ne put pas encore les employer contre la France. Ce furent
les affaires d'Ecosse qui absorbèrent son activité. — Macduff,
comte de Fife, ayant appelé d'une décision de Baliol au roi
d'Angleterre, celui-ci, comme suzerain, fit citer à sa cour
le roi d'Ecosse, qui comparut. Les nobles écossais furent
peu satisfaits de cette conduite et, en vue de profiter des
embarras de leurs voisins, entamèrent des négociations
avec Philippe de France. Dès mars 1296, ils ravagèrent le
Cumberland et tentèrent un coup de main sur Carlisle.
Edouard ne fut pas pris au dépourvu ; deux armées enva-
hirent PEcosse; Berwick fut prise, et ses habitants furent
massacrés; Dunbar, Roxburgh, Jedburgh tombèrent, ainsi
qu'Edimbourg et Stirling. Le 10 juil., à Montrose, BaUol
remit son royaume entre les mains d'Edouard, à qui vingt
semaines avaient suffi pour faire la conquête du pays tout
entier. Le 28 août fut tenu le Parlement de Berwick où le
clergé, les barons et la noblesse d'Ecosse jurèrent fidélité à
leur nouveau maître. Le roi institua des officiers pour
l'Ecosse et retourna en Angleterre tenir (en novembre) son
parlement anglais à Bury-Saint-Edmond. — Là, le clergé,
par l'organe de l'archevêque Winchelsey, fit savoir qu'il
lui était impossible d'accorder quelque aide pécuniaire que
ce fût, à cause de la bulle Clericis laicos, récemment
lancée par le pape Boniface VIII. Cette déclaration, le
clergé la renouvela encore, après de longues délibérations,
le 20 janv. 1297, à l'exception des prélats de la province
d'York, qui cédèrent. La colère du roi en présence de
l'obstination de la province du Sud fut extrême, d'autant
qu'il apprit à cette époque quelques revers de ses armes en
Gascogne. Il convoqua donc, à Salisbury, en février, les
lords, pour les prier individuellement de l'accompagner
outre-mer. Tous refusèrent, et, au premier rang, Humphrey
Bohun, comte d'Hereford, connétable, et Roger Bigod,
comte de Norfolk, maréchal du royaume. Les deux comtes
prirent même la campagne avec quinze cents hommes et
empêchèrent les sheriffs de réunir des provisions de
guerre dans leurs ressorts. Edouard vit bien qu'il fallait
pher : il se réconcilia avec l'archevêque de Canterbury ;
il promit de salarier ceux de ses tenanciers qui l'accompa-
gneraient en Flandre ; il promit de confirmer la Grande
Charte et la Charte des forêts ; il fit une sorte de discours
au peuple d'une plate-iorme élevée devant Westminster Hall
(14 juil.). — En Flandre, ses soldats se querellèrent avec
les Gantois dès le début de la campagne et c'est à Gand
qu'Edouard dut (5 nov.), en exécution de ses promesses.
EDOUARD
572 —
confirmer les chartes anglaises, non sans d'importantes addi-
tions ; il s'engagea, par ces additions, à ne plus lever de
taxes arbitraires sans le consentement des Etats du royaume
assemblés. Les articles additionnels sont rédigés sous deux
formes, l'une en français, l'autre en latin, beaucoup plus
précise, sous le titre de De Tallagio no7i concedendo.
Cette dernière n'est pas originale, mais elle a acquis l'au-
torité d'un statut, bien qu'elle n'ait été en son temps qu'une
traduction et une paraphrase, depuis qu'elle a été citée
officiellement dans le préambule de la Pétition des droits
de 1628. Edouard ne fit rien en Flandre et, par les soins
de Boniface VIII, une trêve de deux ans fut signée entre
la France et l'Angleterre; Edouard, de plus, épousa Mar-
guerite, sœur du roi de France; son fils et héritier fut en-
gagé à Isabelle, fille de Philippe le Bel. Le mariage du roi
avec Marguerite eut Heu à Canterbury le 10 sept. 1299 et
la trêve, prorogée plusieurs fois, fut transformée en paix
définitive le 20 mai 1303. La Gascogne fut rendue au
Plantagenet, mais il abandonna en revanche son allié, le
comte de Flandre, à la vengeance du Capétien.
En Ecosse, le feu couvait sous la cendre. Wallace infligea
une désastreuse défaite aux Anglais le 11 sept. 1297, au pont
de StirHng. En 1298, cet échec fut vengé, il est vrai, par
une victoire personnelle d'Edouard à Falkirk; mais, aban-
donné par Norfolk et Hereford, mécontents du lot qui leur
avait été assigné dans le partage des biens des Ecossais
rebelles, le roi fut obHgé de quitter le pays en 1299, avec
la crainte qu'une nouvelle insurrection ne le forçât prochai-
nement à y retourner. Il dut confirmer plusieurs fois en-
core les Chartes avec des additions {Articuli super cartas
de 1300); mais, à chaque saison favorable, il faisait, grâce
à l'argent que les confirmations lui procuraient, des che-
vauchées en Ecosse. Celle de 1300 fut signalée par le
fameux siège du château de Caerlaverock, défendu pendant
quelque temps contre toute l'armée anglaise par soixante
hommes seulement; le 30 oct., il conclut avec les Ecossais
une trêve jusqu'à la Pentecôte. — A partir de 1302, tou-
tefois, il se trouva plus à l'aise ; jusque-là, l'opposition
constitutionnelle acharnée des barons, dirigés par Hereford
et Norfolk, le pape Boniface et le roi de France, l'avaient
gêné de diverses manières dans ses entreprises sur l'Ecosse.
Or Hereford mourut et son fils épousa une fille du roi ; en
second lieu, Edouard réussit à brouiller l'aristocratie laïque
avec l'aristocratie ecclésiastique, et il cessa d'avoir à les
craindre. Philippe de France, acharné contre les Flamands,
consentit, nous l'avons vu, à la paix d'Amiens qui restitua
la Gascogne aux Anglais ; enfin Boniface, désireux de se
faire des alliés dans sa lutte contre Philippe, abandonna,
pour se concilier Edouard, la cause, qu'il avait défendue
jusque-là avec zèle, de l'indépendance écossaise. Dès lors,
Edouard agit. Le 24 févr. 1303, Comyn avait gagné la
bataille de Roslin sur l'armée anglaise commandée par sir
John Segrave. Il fut contraint, au premier choc du roi d'An-
gleterre', de faire amende honorable, à Dunfermline. Stirling,
seule, résistait encore en 1 304 ; cette ville fut prise le 24 juil. ,
après un siège héroïque. Wallace fut livré l'année suivante
et exécuté à Londres comme traître.— De retour à Londres,
le roi, informé de certaines atteintes à la paix publique
qui s'étaient produites durant son absence, promulgua un
statut (avr. 1305), dit de Trailbaston, pour la punition
de ces crimes. — Cette année-là, un noble gascon, Ber-
trand de Goth, fidèle ami d'Edouard P^ fut élevé à la pa-
pauté sous le nom de Clément V. Le roi lui envoya aussitôt
des ambassadeurs pour traiter avec lui « d'une certaine
matière qui lui tenait fort à cœur » ; il s'agissait des pro-
messes qui lui avaient été arrachées au sujet des chartes.
Ses sujets n'avaient-ils pas abusé de ses embarras pour
empiéter sur les droits les plus légitimes de la couronne ?
Clément V s'empressa de le délier en effet des engagements
par serment qu'il avait pris en 1297. Il défendit en outre
à tous ecclésiastiques de l'excommunier sans l'assentiment
du siège pontifical; c'était désarmer totalement l'Eglise
d'Angleterre et particulièrement son chef, Winchelsey, qui
Pavait dirigée dans sa résistance à la fiscalité royale.
Edouard détestait Winchelsey; il obtint , en 1306, la
suspension de ce personnage, qui fut obligé de quitter
l'Angleterre. — L'Ecosse remuait encore; la rébellion de
Robert Bruce est de 1306. Le 22 mai, jour de la Pentecôte,
à Londres, Edouard ¥"" célébra une fête splendide : il
investit son fils Edouard du duché d'Aquitaine, le fit che-
valier et promit de partir pour la croisade aussitôt après
avoir fait justice de Robert Bruce. Bruce vit bientôt ses
adhérents se disperser, et s'exila en Irlande; des châtiments
terribles frappèrent les siens, car le roi était malade, aigri,
furieux de voir l'œuvre de sa vie s'écrouler toujours, quand
il avait des raisons de la croire solide. Avant de mourir, il
avait fait promettre à son fils d'envoyer son cœur en Terre
sainte, avec une escorte de cent chevaliers, et de ne pas
enterrer son corps avant d'avoir définitivement réduit
l'Ecosse, n fut néanmoins enterré dès le 27 oct., à West-
minster Abbey. De sa première femme, Eléonore de Castille,
il eut quatre fils et neuf filles. De sa seconde femme, Mar-
guerite, il eut deux fils (Thomas de Norfolk, Edmond de Kent)
et une fille. — On annonce comme devant" paraître prochai-
nement dans la collection dite Tivelve english statesmen
une monographie sur le règne d'Edouard P^. Ch.-V. L.
EDOUARD 11 DE Caernarvon (1284-1327), roi d'An-
gleterre, quatrième fils d'Edouard P^ et d'Eléonore de
Castille, né à Caernarvon le 25 avr. 1284, assassiné à
Berkeley Castle le 21 sept. 1327. Il devint héritier pré-
somptif peu de mois après sa naissance, par la mort de
ses aînés. En 1297, il fut régent (nominal) pendant Pab-
sence de son père en Flandre, et dut rééditer le 10 oct., en
présence de l'agitation des barons, la Confirmatio car-
tarum. Dès 1299, des négociations furent engagées entre
la France et l'Angleterre au sujet d'un mariage à interve-
nir entre Edouard et Isabelle, fille de Philippe le Bel, roi
de France, mais le projet n'aboutit que le 20 mai 1303,
date à laquelle eut lieu, à Paris, la célébration officielle de
cette union. Le 7 févr. 1301, Edouard avait été créé
prince de Galles, mesure qui fut accueilHe avec enthou-
siasme par les Gallois. A partir de 1302, il accompagna
toujours son père dans ses campagnes contre les Ecossais.
Il semble que dès cette époque il ait montré du penchant
pour les amusements frivoles et grossiers, pour les excen-
tricités à l'anglaise. Il perdait beaucoup d'argent au jeu,
se faisait accompagner partout par un lion et par des mu-
siciens génois ; il fut obligé de payer des dommages
intérêts à un fou qu'il avait, pour rire, cruellement mal-
traité. Un de ses compagnons, d'origine gasconne, Pierre
de Gaveston, avait déjà acquis sur son esprit un funeste
ascendant, ainsi que son précepteur Walter Reynolds. En
juin 1305, ayant empiété sur les chasses del'évêqueLangton,
trésorier du royaume, il répondit par des insultes aux re-
montrances de l'offensé ; cette frasque lui valut un exil
de six mois loin de la cour paternelle. Cependant, au mo-
ment de la révolte de l'Ecosse, Edouard I«^, qui sentait ses
forces diminuer, fit un nouvel effort pour rendre son fils
digne de lui succéder. A Pâques 1306, le prince de Galles
reçut la Gascogne en apanage ; à la Pentecôte, il fut fait
chevalier avec trois cents autres jeunes nobles et reçut le
commandement de l'avant-ggirde contre les Ecossais. Le
7 juil. 1307, la mort de son père le fit roi.
C'était alors un homme de fort belle mine, comme
Edouard P^, et d'une force physique exceptionnelle, bien que
d'un tempérament mou. Il n'aima pas la guerre. Sa volonté
était des plus faibles. Il buvait beaucoup. H avait les goûts
de la canaille et la fréquentait volontiers. H excellait, paraît-
il, aux arts mécaniques ; il était bon forgeron et bon terras-
sier, remarquable athlète, excellent coureur, homme de
cheval par-dessus tout. Il avait une espèce d'écurie de
courses, de haras, à Ditchling en Sussex. Il était très fier
de ses meutes de chiens gallois et de leurs sauvages piqueurs,
venus de ses montagnes natales. On dit qu'en outre il
aimait la musique, et que Walter Reynolds gagna sa faveur
par son habileté in ludis theatralibus* Avec cela fort
573 —
EDOUARD
ignorant (il ne savait pas le latin), amoureux de la pompe
extérieure, bavard, sans dignité, toujours accroché à quelque
favori dont il était le jouet. Son premier acte, comme roi,
fut d'élever Pierre de Gaveston à la pairie, sous le titre de
comte de Cornouailles, malgré la désapprobation des barons.
Puis il renvoya brutalement les ministres de son père,
non sans se venger particulièrement de Langton, qu'il fit
dépouiller et enfermer à la Tour. Le successeur de Lang-
ton à la trésorerie fut Walter Reynolds. Gaveston fut ré-
gent du royaume, pendant le voyage du roi en France, oti
Edouard se rendit pour prêter hommage comme duc d'Aqui-
taine et épouser brillamment sa femme Isabelle. Le cou-
ronnement d'Edouard et d'Isabelle eut lieu à Westminster
le 25 févr. 4308. Mais déjà la nation était indignée de
l'amour du roi pour Gaveston ; quand le grand conseil se
réunit le 10 avr., il exigea l'expulsion de ce parvenu d'une
manière si énergique qu'il fallut céder. Edouard se consola
en faisant l'exilé vice-roi d'Irlande et en commençant im-
médiatement à intriguer pour sa restauration. Gaveston
était en effet de retour dès juil. 1309 : le roi avait accepté,
pour l'obtenir, plusieurs remontrances du Parlement et
gagné individuellement par des dons les principaux barons.
Cependant Lancastre donna le signal d'une opposition ou-
verte ; d'accord avec les comtes de Lincoln , Warwick,
Oxford et Arundel, il refusa de paraître au conseil convo-
qué à York en octobre. C'est en vain qu'Edouard chercha
à échapper à des difficultés qu'il prévoyait en prolongeant
la session et en tenant sa cour à Noël, dans son château
favori de Langley ; ses barons lui imposèrent, en mars
1310, le concours de trente et un « lords ordonnateurs » ;
il essaya de s'y soustraire en prétextant une expédition sur
les frontières de l'Ecosse. Quand, en 1311, les lords or-
donnateurs lui présentèrent leurs cahiers, il n'y vit qu'une
chose : la destitution de Gaveston ; mais, s'il ne cédait pas,
c'était la guerre civile : Gaveston s'en fut en Flandre. En
févr. 1312, toutefois, le tenace Gascon était de retour, et
la guerre commença. Lancastre et Pembroke prirent Gaves-
ton dans Scarborough en lui promettant la vie sauve ; mais
Warwick le fit exécuter, contre la foi jurée, à Black-
low Hill, le 19 juin. Le roi ne put qu'assurer à son « frère
Pierre » la plus honorable sépulture à Langley où il fonda
un couvent de moines noirs.— Cet excès de violence ramena,
du reste, des partisans à Edouard IL Warenne, Hugues le
Despenser formèrent dès lors un parti pour s'opposer aux
entreprises de Lancastre sous la prérogative royale. En mai
1313, ce fut le vieil ami du roi, Reynolds, qui succéda à
Winch elsey comme archevêque de Canterbury. Les « trois
comtes » se réconcilièrent avec la couronne en 1313. Des
querelles qui avaient troublé la première partie du règne, il
semblait, à cette date, que rien ne restât.
L'année 1314 fut marquée par une grande bataille en
Ecosse. Bruce reprit aux Anglais Edimbourg, Roxburgh,
Stirling. Edouard tenta la fortune dans un combat décisif,
à Bannockburn (23 juin) et fut vaincu. Cette défaite le
rejeta pieds et poings Ués sous la coupe de Lancastre et des
barons, qui le mirent en tutelle, reformant sa maison, chas-
sant son nouveau conseiller Despencer, le réduisant à une
maigre pension de 10 livres sterhng par jour. Mais Lancastre •
ne se montra pas plus digne qu'Edouard du pouvoir. L'Ir-
lande fut envahie par Bruce; les Gallois se révoltèrent; les
Ecossais s'avancèrent jusqu'à Furness ; la famine qui désola
l'Angleterre en l'année 1316 fut la plus cruelle du moyen
âge. Le roi reprit quelque confiance et quelque autorité à
la suite des échecs du leader de ses adversaires, bien
qu'au parlement d'York (oct. 1318), il ait été encore
obligé de feindre une réconciliation avec Lancastre. Sa
passion se portait maintenant sur Hugh de Despenser, l'un
des trois cohéritiers, par sa femme, de la maison de Glou-
cester. Une guerre privée éclata, en 1321, dans les marches
galloises entre les trois cohéritiers. Despenser, Audley et
Amory. Edouard prit ouvertement le parti du premier; les
barons, conduits par Lancastre, Pembroke et Badlesmere,
celui des autres. Sur ces entrefaites, lady Badlesmere
ayant fait fermer les portes de son château de Leeds pour
ne pas recevoir la reine Isabelle qui se rendait à Canterbury,
le roi se servit de cet incident pour secouer le joug des
barons. Il prit et rasa le château de Leeds ; il profita de ce
succès pour marcher sur le pays de Galles, où il reçut la
soumission des Mortimer ; Roger d'Amory fut pris ; Lan-
castre lui-même s'enfuit, mais fut capturé à Boroughbridge
(Yorkshire), sommairementjugéàPontefract, et décapité. Le
triomphe d'Edouard et des Despenser fut complété par la
pendaison de Badlesmere et la condamnation de Mortimer
et d'Audley à la prison perpétuelle. Le 2 mai 1322 se
réunit le Parlement d'York, qui effaça les dernières traces
des « Ordinances » imposées à la couronne après Bannock-
burn. La tenue de ce parlement royaliste fut suivie d'une
nouvelle expédition contre l'Ecosse et d'une trêve de treize
ans avec ce pays. — De 1322 à 1326, Edouard régna à
peu près tranquillement, sous l'ascendant des Despenser
(V. ce nom). Mais la reine Isabelle parut alors sur la scène,
comme ennemie furieuse du jeune Despenser, qui l'avait
fait mettre en surveillance et en quelque sorte en tutelle le
28 sept. 1324. Roger Mortimer s'enfuit vers le même temps
de la Tour et se réfugia en France. Or Charles IV, frère
d'Isabelle, régnait alors en ce pays ; il avait maintes fois
réclamé, depuis son avènement (1322), l'hommage'd'Edouard
pour l'Aquitaine et le Ponthieu ; il menaçait de déclarer la
guerre au roi d'Angleterre si cet hommage ne lui était pas
prêté. Le 9 mars 1325, Edouard eut l'imprudence de dé-
pêcher sa femme à Paris pour faire prendre patience au
roi son frère ; il eut l'imprudence plus grande encore d'en-
voyer son fils aîné et héritier, Edouard, rejoindre sa mère
en France (12 sept.), à charge de rendre hommage à
Charles IV, en son lieu et place, pour l'Aquitaine. Quand
l'hommage eût été dûment prêté à Vincennes (fin de sept.
1325), Edouard II pria sa femme et son fils de le rejoindre,
mais ceux-ci refusèrent de repasser la mer tant que les
Despenser resteraient en faveur. Prières, menaces, lettres
des évêques assemblés, rien n'agit sur Isabelle, qui avait
trouvé un conseiller (et un amant) dans l'exilé Roger Mor-
timer. Le comte de Hainaut, dont la fille était fiancée au
jeune Edouard d'Aquitaine, était du complot de la reine.
Isabelle, du reste, prit bientôt l'offensive. Le 24 sept. 1326,
elle débarqua à Orwell (Suffolk) avec les exilés du parti
des barons. Edouard II était à Londres ; il s'enfuit dans les
possessions galloises des Despenser, mais le vieux Despen-
ser fut pris et exécuté à Bristol. Le 26 oct., le duc d'Aqui-
taine (Edouard III, fils d'Edouard II) lança, comme « gardien
du royaume » une proclamation montrant clairement que
les conjurés de Paris avaient d'autres visées encore que de
chasser les Despenser ou de venger la mort de Lancastre.
Le roi fut pris le. 16 nov., près de Llantrissaint. Le 7 janv.
1327, le Parlement de Westminster, à la requête du chan-
celier Adam d'Orlton, élut roi le duc d'Aquitaine ; Edouard II
était déposé; il fut enfermé à Kenilworth. Mais le gouver-
nement d'Isabelle et de Mortimer ne pouvait lui laisser la
vie ; il n'était pas assez fort pour être généreux. Le mal-
heureux fils d'Edouard P^ fut traîné de château en château
par ses deux atroces geôhers, Thomas de Gournay et John
Maltravers. A Berkeley, sa dernière résidence, on essaya
de le faire mourir de faim, de froid ; on le fit loger au-
dessus d'un charnier pour le faire mourir de maladie; mais
sa robuste constitution résistait à tout ; il fut enfin tué
dans son lit le 21 sept, par un procédé épouvantable (em-
palé avec une broche de cuisine). Il fut enterré à Glou-
cester ; son tombeau est l'un des chefs-d'œuvre de la sculp-
ture du moyen âge. Comme Thomas de Lancastre, il fut, à
cause de sa fin tragique, bientôt canonisé par la supersti-
tion populaire. Les Gallois, qui aimaient en lui leur premier
« prince de Galles », ont conservé nombre de chansons sur
ses malheurs. Beaucoup de gens restèrent persuadés que
le roi martyr n'était pas mort à Berkeley ; on croyait en-
core au milieu du xiv® siècle qu'il s'était échappé et avait
fini ermite en Lombardie, après de romanesques aventures
en Irlande, dans les Pays-Bas et en France.
EDOUARD — ^'74 —
BiBL. : Le rév. C.-H. Hartshorne a publié Fitinéraire
d'Edouard II dans Collectanea Archeologica , I, 113-44
{British Archeological Association). — Cf. S. -A. Moore,
Documents relating to the death and burial of Edward 11^
dans Archœoloqia, I, 215-226. — Archseological Journal,
XVII, 297-310. -Archceoio.r/ia, XXVI, 318-45- XX VIII, 246-54.
— Stubbs, Chronicles o'f the reigns of Edward I and
Edward II, Rolls séries.— Lettre deMhnueldeFiesque sur
les dernières années dEdouard II, publ. par M. A. Ger-
main, dans Mém. de la Soc. arch. de Montpellier, 1877.
EDOUARD III, roi d'Angleterre, né à Windsor le 13 nov.
4312, mort à Sheeenle 21 juin 1377. Fils aîné d'Edouard II
et d'Isabelle de France, il fut pourvu dès sa naissance des
comtés de Chester et de Flint, mais ne porta jamais le titre
de prince de Galles. Son précepteur fut Richard de Bury,
évêque de Durham, le fameux bibliophile. Pour ne pas
avoir à prêter hommage personnellement à Charles IV, son
père lui transporta en sept. 1323 le Ponthieu et l'Aqui-
taine. Accompagné de sa mère, il partit pour la France à
cette date, prêta l'hommage au roi de France, et se rendit
à la cour du comte de Hainaut, dont sa fille Philippa lui fut
fiancée. On a vu au mot Edouard II comment sa mère et
Mortimer l'entraînèrent 'dans leur expédition contre son
père, et comment par la déposition d'Edouard II il devint
roi(janv. 1327). Le pouvoir réel demeura toutefois pen-
dant près de quatre années après l'avènement aux mains
d'Isabelle et de Mortimer. Pendant ce temps-là, le jeune
roi fit (1327) une expédition médiocrement honorable sur
les frontières d'Ecosse et épousa Philippa de Hainaut, à
York (24janv. 1328). Il envoya aussi des ambassadeurs
à Paris, à la mort de Charles IV, pour réclamer le trône
de France, comme héritier, par sa mère Isabelle, de Phi-
lippe le Bel ; mais le trône fut adjugé à Philippe de Valois,
fils d'un puîné de Philippe le Bel. Il était admis que les
femmes n'avaient pas de droit au trône de France ; eus-
sent-elles eu le droit d'en transmettre, celui d'Edouard
aurait encore été primé par celui de Charles d'Evreux, fils
d'une autre fille de Philippe le Bel, Jeanne de Navarre.
Cependant le règne du favori, Mortimer, paraissait intolé-
rable à bien des gens. Lancastre, chef du parti des lords
« ordonnateurs » pendant le règne précédent, organisa, le
2janv. 1329, une conspiration des barons pour mettre fin
à la domination scélérate des assassins d'Edouard II, mais
l'archevêque de Canterbury s'interposa cette fois entre les
deux partis. Cependant Edouard III devenait un homme ;
en juin 1329, il prêta solennellement hommage, à Amiens,
à Phihppe VI, non sans réserver ses droits à la couronne
de Franee ; et un fils, qui fut le prince Noir, lui naquit.
Isabelle et Mortimer ayant mis le comble à leur tyrannie
en faisant juger et exécuter arbitrairement Edmond de
Woostock, oncle du roi, sous prétexte qu'il répandait le
bruit que Edouard II n'était pas mort, Edouard III saisit
Mortimer à l'improviste, pendant la nuit, dans le château
de Nottingham, et le fit pendre sommairement (29 nov.) .
Une pension fut allouée à la reine mère Isabelle, qui reçut
comme résidence Castlerismg en Norfolk, oii le roi alla
chaque année, jusqu'à sa mort, lui faire une visite de cé-
rémonie.
Quand, parla chute de Mortimer, Edouard III devint roi
en fait comme de nom, il avait dix-huit ans ; il était de
belle prestance, fort, actif, grand chasseur. Il parlait cou-
ramment le français et l'anglais, comprenait l'allemand. Il
avait les qualités chevaleresques, mais il était dur, et,
dans sa vie privée, il fut, à la fin de sa carrière, immoral.
Comme roi, il eut l'ambition d'un conquérant, mais pas
de principes fixes en matière de politique intérieure. Il
considérait la royauté comme son patrimoine, point du
tout comme un office public. Quoique son règne ait été
fort glorieux, il ne fut pas aimé du peuple, qui souffrit
de son luxe extravagant. Le commerce anglais fit, pendant
les cinquante années qu'il présida aux destinées nationales,
de remarquables progrès. L'organisation du Parlement se
compliqua; la Chambre des communes et celle des lords se
formèrent aux dépens de la masse primitivement homo-
gène. De grands changements sociaux furent amenés par
la « grande peste ». Mais Edouard IIÏ n'a fait qu'assister à
ces événements considérables; il n'y contribua pas, et,
dans le présent article, on ne s'occupera que de sa bio-
graphie personnelle. — Edouard, à la chute de Mortimer,
choisit comme ministre deux anciens membres du parti de
Lancastre : l'archevêque Melton qu'il fit trésorier, et l'évèque
Strafford qui fut chancelier. Deux exilés qui vinrent cher-
cher asile à sa cour le lancèrent bientôt dans les aventures.
Le premier, Baliol, était candidat au trône d'Ecosse, et
promettait, s'il l'obtenait, de prêter bommage-lige à la
couronne d'Angleterre. Edouard gagna, le 20 juil. 1333,
la grande bataille de Berwick ; Baliol redevint roi d'Ecosse
et abandonna aux Anglais tout l'ancien district de Lothian.
Le second était Robert d'Artois, chassé de France à cause
de ses querelles avec Philippe VI, qui ne cessa point d'ex-
citer son hôte contre les Français. Le roi de France, d'ail-
leurs, fournissait aux Ecossais hostiles à Baliol des secours
de toute nature. Les années 1334-1336 furent employées
à de continuelles campagnes en Ecosse et à des prépara-
tifs contre la France, grâce à des subsides libéralement
votés par le Parlement ; des intrigues furent nouées diplo-
matiquement avec Jacques d'Artevelde, qui dirigeait les
grosses villes flamandes, avec le duc de Brabant, avec le
margrave de Juliers, avec les comtes de Gueldre et de Hai-
naut. Edouard fit un traité pour louage de troupes avec
l'empereur Louis de Bavière et essaya de se faire nommer
vicaire impérial. Sans que la guerre fût encore déclarée,
les hostilités avaient commencé entre la France et l'Angle-
terre, dans la Manche, sur les frontières d'Aquitaine. Les
Français brûlèrent Portsmouth, ravagèrent Guernesey et
Jersey ; devant Southampton, ils capturèrent les meilleures
« cogues » royales d'Angleterre. De son côté, Edouard
fit le siège de Cambrai et pilla le Vermandois. C'est pen-
dant son séjour à Anvers que sur les conseils d'Artevelde
il prit pour la première fois ouvertement le titre de roi de
France (les villes flamandes, au sentiment d'Artevelde, lui
obéiraient plus aisément si, en lui obéissant, elles pou-
vaient dire qu'elles obéissaient au roi de France, leur sei-
gneur naturel). Le 26 janv. 1340, à Bruxelles, Edouard
fit écarteler pour la première fois ses armes des lis de
France posés à côté des léopards d'Angleterre. Le 24 févr.
il gagna sur les Français et leurs alliés une grande bataille
navale à Sluys, mais échoua au siège de Tournai, tandis
que Robert d'Artois était vaincu à Saint-Omer et qu'en
Ecosse, Baliol faiblissait. Ces contre-temps irritèrent vive-
ment Edouard, qui revint brusquement des Pays-Bas à
Londres, où il destitua son chancelier, son trésorier et
divers officiers de justice, qui l'avaient laissé manquer
d'argent. Il choisit pour chancelier, le 14 déc, sir Robert
Bourchier, le premier laïque à qui ait été confié le grand
sceau, et entama une violente campagne de libelles contre
Strafford, archevêque de Canterbury, qui avait prêché contre
les taxes, et qui, étant chancelier, avai«t fait échouer le
siège de Tournai par des retards dans l'expédition des
fonds. Il profita de sa présence dans l'île pour se montrer
de nouveau en Ecosse, en cette année 1341. C'est alors
qu'il serait tombé amoureux de la comtesse de Salisbury et
-qu'il l'aurait violée parce qu'elle lui résistait. Cette même
année, l'empereur Louis de Bavière, qui l'avait fait son
vicaire impérial en Flandre, lui enleva ce titre et s'allia avec
la France. Ainsi tous les efforts qu'Edouard avait faits
pour pénétrer en France par la Flandre et avec l'appui
des Allemands et des Flamands avaient échoué. Il cher-
chait une autre voie d'invasion. Elle s'offrit à lui. Jean
de Montfort, qui disputait le duché de Bretagne à Charles
de Blois, vint lui offrir la suzeraineté de la Bretagne s'il
voulait l'aider. Le 20 mars 1342, le roi d'Angleterre en-
voya une armée en Bretagne sous sir Walter Manny et
débarqua lui-même à Brest en octobi^e. Il resta dans la
péninsule, sans faire de besogne bien utile, jusqu'à la
trêve conclue près de Vannes le 19 janv. 1343. Les années
1343 et 1344 furent employées à de nouveaux préparatifs
contre la France, et Edouard tint en janv. 1344, à Wind-
— 575 —
EDOUARD
sor, la fameuse « Table ronde » à rimitation du légendaire
Arthur. C'est à cette occasion que la tour ronde de Wind-
sor fut construite. Le 20 mai 1345, la guerre fat déclarée
à l'occasion de prétendues violations des trêves commises
par les gens de Philippe VI en Bretagne, en Aquitaine et
ailleurs. Elle commença pour le roi d'Angleterre sous de
tristes auspices ; son allié, Jacques d'Artevelde, qui tra-
vaillait à soulever en sa faveur les villes flamandes, fut as-
sassiné à Gand ; les banquiers florentins de la couronne,
les Bardi et les Peruzzi de Florence, firent faillite à cause
des avances imprudentes qu'ils avaient consenties à
Edouard. Malgré cela, à l'été de 1346, il aborda à La
Hogue avec une petite armée, tandis que les forces fran-
çaises étaient engagées du côté de l'Aquitaine. Le 26 juil.
il était à Caen. Son projet était de rejoindre les Flamands
à travers la France du Nord et de tout ravager sur sa
route. Il ne put prendre Rouen, les ponts ayant été coupés ;
et il ne réussit même à passer la Seine qu'à Poissy, le
13 août. Pendant ce temps, Philippe VI avait réuni des
troupes, et se mit à la poursuite des envahisseurs. Le
choc eut lieu à Crécy en Ponthièu (26 août) ; il fut dé-
sastreux pour l'armée de France qui laissa sur le champ de
bataille un nombre de cadavres égal à celui des combat-
tants de l'armée anglaise, et, parmi ces cadavres, ceux du
roi de Bohême, du duc de Lorraine, des comtes d'Alençon,
d'Harcourt, de Flandre, de Blois, d'Aumale, de Nevers
et de quatre-vingts bannerets. Le 28, sans se reposer,
Edouard III met le siège devant Calais, nid de pirates qui
avaient fait beaucoup de mal jusque-là au commerce an-
glais et flamand. Les Ecossais étaient simultanément battus
à Nevill's Cross (Durham), et le roi David, rival de BaHol,
fait prisonnier, était enfermé à la Tour de Londres. En
1347, le comte de Derby se rendit maître de toute l'Aqui-
taine, et, en Bretagne, Charles de Blois fut fait prison-
nier. Le siège de Calais fut long, mais Philippe VI essaya
en vain de débloquer la place ; elle se rendit à discrétion
le 2 août 1347 ; tous les habitants en furent chassés et
remplacés par des colons anglais. Edouard conclut ensuite
une trêve (28 sept.) et alla jouir de son triomphe en An-
gleterre. Ce furent des fêtes prodigieuses, à Bury, à
Eltham, d'un luxe insensé, alimenté par les dépouilles de
la France, Le 23 avr. 1349, fut fondé l'ordre fameux de la
Jarretière. Au milieu de ces réjouissances tomba la peste
noire, compliquée d'épizootie et de famine, qui resta endé-
mique en Angleterre jusqu'en 1357. Ce n'est pas exagérer
que de dire que la population fut largement diminuée de
moitié. Les gages doublèrent à cause de la rareté de la
main-d'œuvre ; et pour empêcher cette naturelle évolution
économique fut édicté le 9 févr. 1351 le fameux « Statut
des laboureurs » qui ramenait légalement les salaires au
taux usuel avant la peste, dans l'intérêt des employeurs.
Le même parlement de févr. 1351 édicta le statut des
Proviseurs (V. ce mot), et celui de 1353 l'acte non moins
célèbre dit de Prœmunire^ dirigé, comme le précédent,
contre les abus de l'autorité pontificale en Angleterre.
La paix avec la France n'était que provisoire et continuel-
lement troublée par des hostilités irrégulières. En 1351,
Guines fut Hvrée à Edouard par la garnison. C'est dans cette
ville qu'eurent lieu, en 1353, sous la médiation d'Inno-
cent IV, des négociations en vue de la paix : les préten-
tions d'Edouard n'étaient pas minces ; il demandait en
échange d'une renonciation à ses droits sur la couronne
de France la Normandie, l'Aquitaine et le Ponthièu en pleine
souveraineté, sans compter les conquêtes en Bretagne et en
Flandre, avec la suzeraineté de la Flandre. Sur ces entre-
faites, Charles de Navarre, qui possédait plusieurs villes
fortes de Normandie, se brouilla avec le roi de France et
s'entendit avec les Anglais pour leur faciliter une invasion
décisive ; mais son alliance n'était pas sûre : tandis que le
prince Noir cinglait vers l'Aquitaine, Edouard se rendit à
Calais (août 1355) où il conduisit des troupes mercenaires
de Brabançons au pillage des frontières. Il fut toutefois rap-
pelé bientôt par la nouvelle que les Ecossais s'étaient em-
parés de Berwick. Le 20 déc, Baliol abdiqua en sa faveur
à Roxburgh, et Edouard ravagea le Lothian pendant l'hiver
de 1355-56 sans succès marqué. La bataille de Poitiers,
gagnée par le prince Noir, fut naturellement accueillie en
Angleterre avec une grande joie ; le roi de France, pri-
sonnier, entra à Londres le 24 mai 1357, où David, roi
d'Ecosse, était déjà enfermé. Il s'agissait de profiter des
malheurs des deux rois pour conclure avec eux des traités
favorables. Le premier traité fut passé à Londres, le 3 oct.
1357, avec David d'Ecosse qui s'engagea à payer une ran-
çon de 100,000 livres. Avec le roi de France, la paix ne
fut conclue qu'en mars 1359 : Jean céderait à Edouard,
en pleine souveraineté, tout le S.-O. de la France depuis
le Poitou jusqu'à la Gascogne avec Calais, Guines et le
Ponthièu, et se rachèterait lui-même pour 4 millions de
couronnes, à condition qu'Edouard renoncerait aux pro-
vinces situées au N. de la Loire. Mais les Etats généraux
de France refusèrent de ratifier ce fait honteux, et la guerre
recommença. Edouard vint mettre le siège devant Reims
avec le dessein de s'y faire couronner de la couronne des
Capétiens ; obligé de lever ce siège le 11 janv. 1360, il
passa en Bourgogne, où il prit Tonnerre, menaça Paris de
son camp de Montlhéry, mais, n'ayant pu décider le régent
à lui livrer bataille, il se replia sur la Bretagne avec f in-
tention d'y faire reposer ses gens et d'en repartir la sai-
son suivante pour une nouvelle campagne. Cependant les
marins normands avaient pillé Winchelsea (15 mars 1360).
Edouard consentit à traiter à Brétigny, près de Chartres.
Les plénipotentiaires des deux partis signèrent, le vendredi
8 mai 1360, une trêve qui devait durer jusqu'à la Saint-
Michel de l'année suivante, et le traité proprement dit
de Brétigny qui fut ratifié à Calais par les deux rois et
par leurs fils amés le 24 oct. (V. E. Cosneau, les Grands
Traités de la guerre de Cent ans; Paris, 1889, p. 36,
in-8). L'Aquitaine, Calais, Guines et le Ponthièu étaient
cédés à l'Angleterre ; Edouard renonçait aux Flandres et
aux provinces au N. de la Loire. La question de la suc-
cession de Bretagne restait pendante, mais les deux rois
s'engageaient à ne plus se brouiller au sujet des querelles
des compétiteurs.
Le roi, désormais tranquille, ne songea plus qu*à se
livrer aux plaisirs ; son indolence et ses débauches étaient
déjà le sujet de chansons populaires ; il se laissa aller
hbrement à ses goûts. On le pria d'Espagne, de Chypre
et d'Arménie, d'entreprendre une croisade ; il refusa à
cause de son âge ; il se débarrassa des soucis qu'en-
traînait la possession de l'Aquitaine en faisant de cette
province un apanage pour son fils ; il s'abstint de réunir
régulièrement les Parlements. On remarque cependant que
le Parlement de 1362 fut le premier qui obtint que, à cause
de l'ignorance générale de la langue française, les plaidoi-
ries auraient lieu désormais en anglais, et que les arrêts
seraient rédigés en latin. En 1363"^ le chancelier ouvrit la
session du Parlement par un discours en anglais. L'au-
tomne de 1363 vit de grandes fêtes à la cour d'Angleterre,
où Edouard réunit jusqu'à quatre rois : V^aldemar IV de
Danemark et le roi Pierre de Chypre, venu pour l'exhorter
à la croisade; les rois de France et d'Ecosse ramenés
à Londres pour traiter des questions litigieuses rela-
tives à leurs rançons. Jean de France avait fort regretté
les plaisirs de sa captivité à la cour d'Edouard III ; il y
revint très volontiers et y mourut (dans le palais de Savoy)
le 8 avr. 1364. La victoire, pendant ce temps, restait
fidèle aux armes anglaises : Chandos et Calveley détrui-
sirent à Auray l'armée de Charles de Blois, le prétendant
français au duché de Bretagne, qui fut tué. En politique,
Edouard était moins heureux : il avait formé le projet
d'unir son fils Edmond de Cambridge à Marguerite, héri-
tière de Flandre, et veuve de Philippe de Rouvre, duc de
Bourgogne; mais il avait besoin d'une dispense cano-
nique. Charles V s'arrangea pour faire refuser cette dis-
pense par le pape Urbain V, et fit épouser l'héritière à son
propre frère Philippe. Le prince Noir fut encore vainqueur,
EDOUARD
576 —
à Navarette, des grandes compagnies amenées par Du
GuescUn au secours de Henri de Transtamare, candidat au
trône de Castille ; mais ce fut le dernier triomphe. La paix
avait mis sur le pavé une foule de mercenaires anglais et
gascons. Après la campagne de Castille, le prince Noir, pour
en débarrasser l'Aquitaine, leur persuada d'aller chercher
leur vie sur le territoire français. Charles V trouva dans
ce procédé un commode casas helli. Il s'était sagement
préparé depuis Brétigny à une guerre de revanche ; il
s'était assuré des intelligences en Guyenne ; le sire d'Al-
bret et le comte d'Armagnac appelèrent à sa cour de la
conduite du prince Noir, comme si le traité de Brétigny
n'avait pas cédé en toute souveraineté l'Aquitaine aux An-
glais; il reçut cet appel (janv. 4369), et la guerre fut ainsi
déclarée de nouveau. Edouard reprit aussitôt le nom et
les armes de roi de France. Mais il avait vieilli; son fils
aîné était atteint d'une maladie mortelle ; les opérations
furent médiocrememt menées du côté des Anglais ; elles se
bornèrent à des razzias, vengées du reste par les marins
français qui incendièrent Portsmouth. Le 15 août 1369
mourut la reine Philippa de Hainaut; Edouard l'avait alors
remplacée déjà par une de ses suivantes, Alice Perrers,qui,
après la mort de Philippa, prit sur l'esprit du vieillard le
plus funeste ascendant. L'année 1370 se passa en escar-
mouches : les Anglais perdirent du terrain au Midi ; les
bandes de sir Robert Knolles furent refoulées en Bretagne ;
le prince Noir reprit Limoges. En 1372, le mariage d'un
fils du roi, Lancastre, avec l'héritière de Pierre le Cruel,
tué en 1369, et les prétentions de celui-ci au trône de Cas-
tille, amenèrent Henri de Transtamare à se déclarer nette-
ment pour la France. Le comte de Pembroke, en essayant
de débloquer La Rochelle avec une grosse flotte de renfort,
fut battu par des vaisseaux espagnols et fut pris en même
temps que l'argent et les renforts qu'il apportait en Aqui-
taine. Cette bataille navale livra aux Français Poitiers
et La Rochelle, le Poitou, la Saintonge, l'Angoumois. Cet
échec et les désordres de la cour mécontentèrent grande-
ment la nation, qui s'exprima sévèrement à ce sujet par
l'organe des communes. Edouard n'en garda pas moins une
confiance entière en son fils Jean de Gand, duc de Lancastre,
le chef de la méprisable clique de courtisans qui, d'accord
avec Ahce Perrers, gaspillait les ressources du royaume.
Le 12 juin 1373, Lancastre, investi du titre de capitaine
général en France, parut avec une grande armée à Calais,
et traversa toute la France de Calais à Bordeaux en pillant,
mais sans livrer bataille, si bien que son expédition fut
inutile; il laissa sur son chemin la fleur de la chevalerie, qui
périt de faim, de maladie ou sous les coups des maraudeurs.
Quand Lancastre revint en Angleterre (avr. 1374),
deux villes seulement dans toute l'Aquitaine, Bayonne et
Bordeaux, tenaient encore pour les Anglais. Le 27 juin
1375, une trêve d'un an fut conclue à Bruges sous la mé-
diation du pape entre l'Angleterre d'une part, la France
et la Castille de l'autre, trêve qui fut tacitement renou-
velée d'année en année jusqu'à la fin du règne. Alice Per-
rers devenait chaque jour plus insolente; le 8 août 1373,
elle s'était fait donner les joyaux de la défunte reine Phi-
lippa ; elle se mêlait des choses de la justice. L'impopu-
larité personnelle de la favorite et de son allié Jean de
Gand se fit jour au « Bon Parlement » de 1373. Le
speaker des communes à ce Parlement, Pierre de La Mare,
d'accord avec l'évêque de Winchester et le prince de Galles,
alors mourant, s'étendit audacieusement sur les abus de
l'administration du royaume et sur les maux causés par les
favoris. H accusa nommément lord Latimer, chambellan du
roi, etLyons, un de ses agents financiers, de malversations.
Les biens de ces personnages furent en conséquence con-
fisqués, et Alice Perrers fut bannie. La mort du prince de
Galles, leur protecteur, ne diminua pas la hardiesse des
communes ; elles demandèrent à voir Richard, l'héritier du
trône, le principal obstacle désormais à l'ambition de Jean
de Gand ; elles voulurent imposer à la couronne un conseil
de lords élu et la périodicité annuelle des Parlements. Mal-
heureusement, dès que le « Bon Parlement » fut dissous
(9 juil.), Lancastre reprit tout son pouvoir ; Alice Perrers
fut rappelée. Pierre de La Mare et l'évêque de Winchester
furent emprisonnés. Edouard, dans son testament daté du
7 oct., désigna Latimer et Lancastre comme ses exécuteurs
testamentaires. Le Parlement de 1377, élu sous l'influence
de Lancastre, désormais allié au parti anticlérical de Wi-
cleff {y, ce nom), abolit tous les actes de celui de 1376.
Edouard HI mourut abandonné d'Ahce Perrers et de toute
sa cour. Il fut enterré à Westminster, près de la reine
Philippa, qui lui avait donné douze enfants.
BiBL. : J. Barnes, Li/'e of Edward III, 1688. — Longman,
Life and times of Edward III; Londres, 1869, 2 vol. in-8.
EDOUARD lY, roi d'Angleterre, né à Rouen le 28 avr.
1442, mort le 9 avr. 1483. H était fils de Richard, duc
d'York, et descendant direct d'Edouard III par ses aïeux
Lionel de Clarence (troisième fils d'Edouard III) et Edmond
d'York (cinquième fils), dont les droits à la couronne avaient
été primés par ceux des descendants de Jean de Gand (le
quatrième fils), rois d'Angleterre, depuis Henri IV, sous le
nom de dynastie de Lancastre. Edouard porta d'abord le
titre de comte de March. En 1459, avec les comtes de
Salisbury et de Warwick, il défendit très heureusement
Calais sous le drapeau de la Rose blanche. Les trois comtes
traversèrent la mer en juin 1460, entrèrent triomphale-
ment dans Londres, battirent l'armée de Henri VI à Nor-
thampton, et firent prisonnier le malheureux roi. Richard
d'York revint aussitôt d'Irlande et afficha ouvertement ses
prétentions à la couronne. Il finit par consentir à un com-
promis. Henri VI resterait roi jusqu'à la fin de sa vie;
mais ce serait la lignée d'York qui lui succéderait au pré-
judice de son fils. C'est à quoi la femme d'Henri, Margue-
rite d'Anjou, ne voulut pas consentir. A la tête d'une
armée de rudes gentilshommes des comtés du Nord, elle
vainquit et tua en décembre le duc d'York à Wakefield.
Edouard, qui était alors à Gloucester, ne fut pas abattu
par ce désastre ; il le répara à demi par une victoire sur
Jasper Tudor à Mortimer's Cross (2 fév. 1461). H s'établit
ensuite à Londres, ville toute dévouée à la Rose blanche,
d'où, après la seconde bataille, de Saint- Albans, Margue-
rite d'Anjou avait réussi à enlever Henri VI. Il y fut pro-
clamé roi sous le nom d'Edouard IV, le 3 mars. A la san-
glante bataille de Towton, les Lancastriens furent vaincus ;
on dit que les deux armées laissèrent vingt-huit mille
hommes sur la neige du champ de bataille ; Henri et Mar-
guerite durent s'enfuir en Ecosse. Le 28 juin eut heu la
cérémonie solennelle du couronnement d'Edouard IV, con-
soUdé, entouré de ses deux frères Clarence et Gloucester.
Cependant Marguerite, infatigable, avait trouvé des aUiés
dans les ennemis héréditaires de l'Angleterre, Français et
Ecossais ; Edouard, de son côté, épuisé par de juvéniles
débauches, n'était pas assez vigilant. Les comtés du Nord
étaient toujours des foyers d'intrigues où les nobles atta-
chés à la Rose rouge, les lords Somerset, Ross, Hungerford,
entretenaient la rébellion. Les lords furent complètement
vaincus, à la vérité, par lord Montagne, en 1464, à Hed-
gley Moor et à Hexham. Mais ces victoires ne tranchèrent
point les racines de l'opposition lancastrienne.
A cette époque, Edouard IV était devenu fort amoureux
d'une certaine Elisabeth Woodville, fille de Richard Wood-
ville, lord Hivers, et de sa femme, mariée en premières noces
au duc de Bedford, frère de Henri V. EUsabeth elle-même
était veuve de sir John Grey de Groby. Le roi l'épousa
secrètement à Grafton, bien qu'on lui proposât en ce temps
là même l'aUiance d'Isabelle de Castille et de Bonne de
Savoie. Ce dernier mariage avait été soigneusement pré-
paré par l'un des principaux conseillers de la Rose blanche,
Warwick; quand, à la Saint-Michel, Edouard annonça offi-
ciellement à Reading qu'il était marié, le dépit de Warwick
et d'une bonne partie de la noblesse yorkiste fut sans
bornes ; il fut encore accru par la pluie d'honneurs et de
largesses qui ne tarda pas à tomber sur la tête de tous les
membres de la famille (lancastrienne d'origine) des Wood-
— 577
EDOUARD
ville. Toutefois Edouard IV n'eut pas à se repentir immé-
diatement de son imprudence. La fortune travaillait pour
lui. Henri VI fut pris en juin 1465 dans le Lancashire
et fut enfermé à la Tour de Londres. Le jeune roi se crut
assez fort pour se séparer complètement de Warwick ;
il rejeta dédaigneusement Falliance française à laquelle
Warwick avait apporté tous ses soins diplomatiques ; il
rechercha celle de la maison de Bourgogne ; il retira les
sceaux à l'archevêque d'York, frère de Warwick ; il annonça
l'intention de faire revivre les vieilles prétentions de ses
ancêtres sur la couronne de France ; il maria sa sœur Mar-
guerite à Charles le Téméraire. C'était plus que le « fai-
seur de rois » n'en pouvait supporter ; il commença, pour
se venger, à détacher d'Edouard IV son frère Clarence,
personnage sans scrupules, à qui il fit épouser l'héritière
de la maison de Warwick. L'archevêque d'York suscita
sous main dans le Nord l'insurrection de Robin de Redes-
dale, victorieux des troupes galloises de la Rose blanche à
Edgcote (46 juil. 1469); lord Rivers et son fils John Wood-
ville furent décapités à Coventry après cette affaire d'Edg-
cote. Ils organisèrent un autre soulèvement en faveur des
Lancastre dans le Lincolnshire sous la conduite de sir
Robert Welles ; mais, quand ce soulèvement eut été ré-
primé à la journée de Losecoatfield, on y reconnut leur
main ; ils durent s'enfuir d'abord dans le Nord, puis en
France.
A la cour du roi de France, à Angers, se rencontrèrent
donc en 1470, Warwick, Clarence, Marguerite d'Anjou et
le fils de celle-ci, Edouard. Tous étaient des adversaires
prononcés d'Edouard IV, mais ils étaient aussi adversaires
les uns des autres. Louis XI réussit cependant à les recon-
cilier pour l'œuvre commune à accomplir. Marguerite d'An-
jou elle-même fut persuadée de pardonner à Warwick, qu'elle
considérait comme l'auteur de tous ses malheurs, et de
fiancer son fils à la seconde fille du faiseur de rois, à con-
dition que Henri VI serait rétabli. Sur des vaisseaux du
roi de France, Warwick et les Lancastriens abordèrent
en Angleterre : Edouard comptait pour le défendre sur
l'armée levée par lord Montague, frère de Warwick;
celle-ci cria : « Vive le roi Henri ! » Edouard IV fut heu-
reux de trouver à Lynn un vaisseau pour le transporter
en Hollande. — Henri VI fut tiré de sa prison et proclamé
roi une fois de plus. — Charles le Téméraire, l'ennemi de
Warwick, beau-frère d'Edouard, ne pouvait cependant le
laisser sans secours ; il lui fournit secrètement les moyens
de retourner en Angleterre avec douze mille combattants.
Cette armée débarqua à Ravenspur le 14 mars 1471, à
l'endroit même où Henri IV avait jadis débarqué. Comme
la province tenait pour Lancastre, Edouard faisait crier à
ses soldats : « Vive le roi Henri ! » et prétendait n'être re-
venu que pour réclamer son duché d'York. Mais, arrivé à
Nottingham, en pays ami, il réassuma le titre royal, et
entra en campagne contre Warwick, du parti duquef il dé-
tacha d'abord par de belles promesses l'incapable Clarence.
Le 11 avr.,il entra à Londres, où l'archevêque d'York lui
livra, pour obtenir sa grâce, la personne de Henri VI. C'est
à Barnet qu'il rencontra l'armée lancastrienne, commandée
par Warwick, Exeter, Montague et Oxford. Le premier et le
troisième restèrent sur le champ de bataille, qui demeura
à la Rose blanche. Nouvelle bataille le 4 mai à Tewkes-
bury; Marguerite d'Anjou y fut prise; son fils fut assas-
siné après le combat, ainsi que le duc de Somerset, au mé-
pris de toutes les lois de la guerre et de la foi jurée. Le
21 mai, Henri VI mourut à Londres, d'une manière sans
doute tragique. Le 26 mai, la capitulation du bâtard Fal-
conbridge dans Sandwich aboht les dernières espérances
du parti lancastrien. Aussi bien, la descendance de Jean de
Gand était désormais éteinte ; elle n'était plus représentée
qu'indirectement par Henri Tudor , comte de Richmond, dont
les ancêtres, les Beaufort, étaient de légitimité douteuse.
Edouard IV, débarrassé désormais de toute compétition
en Angleterre, songea à faire revivre ses prétentions sur
la couronne de France, avec l'alliance du duc de Bour-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
gogne. Il leva à cet effet de nombreuses contributions, de
1472 à 1474, taxes soi-disant volontaires, connues sous
le nom ironique de henevolences. Quand tout fut prêt, il
passa la mer avec une armée magnifique, et s'installa à
Calais ; une armée pareille devait se rendre au secours du
duc de Bretagne. Mais Louis XI réussit à persuader aux
Anglais qu'ils allaient combattre moins pour eux-mêmes
que pour le Bourguignon, lequel, à ce moment, venait
justement de gaspiller ses forces au siège de Neuss. Avant
qu'un seul coup de canon eût été tiré, un traité intervint
stipulant une paix de sept ans. Louis devait payer à
Edouard une pension annuelle de 75,000 couronnes. Le
dauphin devait épouser la fille aînée d'Edouard, Elisabeth,
dès qu'elle serait d'âge. Ce fut la paix de Picquigny
(29 août) peu glorieuse pour l'un et l'autre des contrac-
tants. Charles le Téméraire mourut devant Nancy le 5 janv.
1477, ne laissant qu'une héritière, Marie. Clarence pré-
tendit à sa main, et raviva ainsi la vieille jalousie de son
frère Edouard, qui s'efforça de le faire échouer ; Clarence
en fut indigné, ne s'en cacha pas et fut envoyé à la Tour ;
il fut accusé devant le Parlement (1478), condamné et
exécuté secrètement ; le bruit courut qu'on l'avait noyé
dans un tonneau de malvoisie. — Edouard était devenu,
au temps où la mort de Clarence le laissa autocrate absolu,
très corpulent, paresseux, pacifique. L'héritière du Témé-
raire, Marie, l'implora vainement contre Louis XI, qui lui
enleva la Picardie. Il tenait à la pension de France et au
mariage conclu à Picquigny. Mais il n'en fut que plus fu-
rieux quand il apprit le traité d'Arras (23 déc. 1482) entre
Louis XI et Maximilien d'Autriche, veuf de Marie. Le dau-
phin, en vertu de ce traité, devait épouser, non plus la fille
d'Edouard IV, mais celle de Maximilien, Marguerite, à qui
l'Artois et une partie de la Bourgogne seraient attribuées
en dot. Le roi d'Angleterre, qui venait précisément (en
mai 1482) d'entreprendre contre le roi d'Ecosse une expé-
dition facile, demanda de nouveaux subsides ; il parlait de
recommencer la campagne contre les Français, quand il
mourut. — Edouard IV était un homme très vigoureux,
brave, populaire, résolu à l'occasion, et vert-gaîant. Ses
bonnes fortunes auprès des bourgeoises de Londres étaient
célèbres, et ne contribuèrent pas peu, dit-on, à confirmer
la fidélité des maris à la dynastie d'York. — De sa femme
il eut dix enfants, dont sept lui survécurent (deux fils et
cinq filles).
EDOUARD Y, roi d'Angleterre, né à Westminster le 2
ou le 3 nov. 1470, mort en 1483, fils aîné du précédent, eut
pour précepteur l'évêque Alcock. Il n'avait que treize ans
quand de prince de Galles il devint roi. Son court règne fut
rempli par les querelles de son oncle paternel, Richard de
Gloucester, et de sa famille maternelle, les Woodville. Ri-
chard de Gloucester eut le dessus et ne tarda pas à songer
à se substituer à son neveu (V. Richard III). Le 22 juin
1483, le D"^ Shaw, frère du lord-maire de Londres, prêcha
à la Croix de Saint-Paul contre la légitimité des enfants nés
d'Elisabeth Woodville, et proposa de reconnaître comme roi
véritable le duc de Gloucester. Une députation des lords et
des communes, escortée des principaux bourgeois de Londres,
alla le 25 juin supplier Richard d'accepter la couronne, qu'il
ne refusa pas. Ainsi cessa de régner Edouard V, qui fut
bientôt tué par ordre de Richard III, à la Tour, avec son
frère, le duc d'York. Des documents réunis par sir Thomas
More, il résulte que Richard III, peu après son couronne-
ment, dépêcha un messager nommé John Green à sir Ro-
bert Brackenbury, connétable de la Tour, le priant de
mettre les deux princes à mort. Brackenbury refusa, et
reçut peu après l'ordre de remettre pour une nuit ses pou-
voirs à sir James Tyrell. Un valet de Tyrell, Dighton, et
un geôlier nommé Miles Forest auraient pénétré dans la
chambre des enfants d'Edouard et les auraient étouffés
sous des oreillers. On aurait enterré les deux cadavres sous
une marche d'escalier. Sous Charles II, on retrouva en
effet deux squelettes d'enfant au pied d'un escalier de la
White Tower. Toutefois, on ne saurait encore affirmer avec
37
EDOUARD
- 578
certitude comment sont morts les fils d'Edouard IV, ni à
quelle date ils sont morts.
EDOUARD VI, roi d'Angleterre, ne le 12 oct. 1537, mort
le 6 iuil. 1533, fils de Henri VIII et de sa troisième femme,
Jane Seymour. Holbein fit son portrait à l'âge d'un an ainsi
que celui de sa nourrice, « mother Jak ». Il fut élevé par des
femmes jusqu'à l'âge de six ans, etpassa ensuite aux mams
du D^ Richard Cox, d'Ascham, de sir John Cheke et de
sir Anthony Cooke. A l'âge de huit ans, il écrivait déjà en
latin à son parrain l'archevêque Cranmer. Le British Mu-
séum et la bibliothèque Rodléienne d'Oxford^ conservent
trois de ses cahiers d'exercices scolaires datés de 1548-
1530. A l'âge de treize ans, il avait lu toute V Ethique
d'Aristote et traduisait en grec des opuscules de Cicéron.Il
parlait français et jouait du luth ; il s'intéressait à l'astro-
nomie, et, en 1551, écrivit pour la défense de cette science.
n était d'un naturel très studieux ; on le considérait una-
nimement comme un petit prodige de science. Son cama-
rade le plus cher était Barnaby Fitzpatrick, héritier de
Barnaby, lord of Upper Ossory, avec qui il a entretenu plus
tard une correspondance imprimée par Horace Walpole en
4772. — A son avènement, il avait neuf ans (21 janv.
1547). Son oncle maternel, Hertford, fut protecteur du
royaume et se fit attribuer le duché de Somerset ; le frère
d'Hertford, sir Thomas Seymour, devint amiral et lord Sey-
mour of Sudeley. Ces personnages étaient fort attachés au
parti de la réforme religieuse; le jeune Edouard VI parta-
geait leurs sympathies à cet égard ; dès juin 1548, il s'abs-
tint de faire aucune offrande suivant le rite catholique à
l'offertoire des dimanches. Ridley et surtout Hugh Latimer
étaient ses prédicateurs favoris ; mais il entendait avec
plaisir jusqu'à des prédicants puritains comme Hooper et
John Knox. Edouard VI promettait à l'Angleterre un roi
puritain ; les réformés de toute l'Europe étaient enthou-
siasmés de sa piété précoce. Le 15 mai 1550, Martin Bu-
cer écrivait : « H n'y a pas d'étude qui passionne autant
le roi que celles des saintes écritures. Il en lit dix chapitres
par jour avec la plus grande attention. » En avr. 1551,
Calvin lui envoya une longue lettre de louange et d'exhor-
tation. C'était le nouveau Josias. Mais la dévotion savante
et fervente n'allait pas de pair chez Edouard avec la simple
bonté naturelle. Sauf Fitzpatrick, il parait n'avoir aimé
personne. Il avait dès son enfance quelque chose de la sé-
cheresse et de la dureté d'Henri Vliï. Il n'avait que de
l'indifférence pour son oncle, le protecteur Somerset. Tan-
dis que Somerset dirigeait en 1547 une expédition contre
l'Ecosse, son frère, lord Seymour, essaya traîtreusement
de le perdre dans l'esprit du roi. H lui représenta un jour
que le protecteur se faisait vieux. — « Sans doute, repar-
tit Edouard, il vaudrait mieux qu'il fût mort. » Mais lord
Seymour ayant été décrété de haute trahison au retour de
Somerset, Edouard donna avec une égale froideur son con-
sentement à'i'exécution du coupable. En oct. 1549,1e con-
seil, à l'instigation de Dudley, se révolta contre le protec-
teur qui s'em^essa de transporter le roi d'Hampton Court,
oîi l'on aurait pu le lui enlever, à Windsor. Là-dessus, il
fut accusé d'avoir inquiété Edouard sans raison, et d'avoir
compromis sa santé par un voyage précipité. Celui-ci, qui
avait en effet souffert d'un rhume, consentit à l'éloignement
de Somerset, et nota, en ces termes, sur le journal personnel
qu'il tenait depuis son avènement, lestantes qui avaient mé-
rité à son oncle cette disgrâce : « Ambition, vanité, avidité. . . ;
il a voulu tout faire de sa propre autorité. » Le pouvoir
passa aux mains du comte de Warwick, qui ne changea
rien du reste à la politique religieuse de son prédécessj3ur.
Somerset, à la vérité, fut rappelé à la cour en févr. 1550,
mais il n'y eut plus de prestige, et, dès le 16 oct. 1551,
Warwick, devenu duc de Northumberiand, trouva moyen
de le faire envoyer à la Tour, puis à l'ôchafaud : « Le duc
de Somerset, note tranquillement le roi dans son journal,
a eu la tète coupée le 22 janv. à Tower Hill. » Cependant
le jeune roi se roidissait de plus en plus dans un protes-
tantisme intransigeant. H n'était pas d'avis de laisser sa
sœur Marie (Tudor) avoir une chapelle catholique. Sa santé,
du reste, fut profondémentatteinteenl552 par une attaque
de petite vérole ; son journal s'arrête au mois de novembre
de cette année. L'un de ses derniers actes fut de donner le
palais royal de Bridewel à la « corporation » de la ville^de
Londres pour y établir un « workhouse ». En juin 1553,
son état parut désespéré; Northumberiand, qui dominait
entièrement son esprit, résolut de lui faire signer un testa-
ment politique en faveur de sa belle-fille, lady Jane Grey
(V. Dudley), au détriment de Marie Tudor et d'Elisabeth,
n y réussit. Le roi s'éteignit le 6 juii. en répétant une
prière de sa composition. Il fut enterré dans la chapelle
d'Henri VH, àWhitehall. — Au physique, Edouard VI était
un enfant mahngre, pâle, avec des yeux gris, faibles et un
air calme. On a de lui d'innombrables portraits qui le re-
présentent à tous les âges ; beaucoup ont été gravés. — ■
Son « Journal » autographe est conservé à Londres, au
British Muséum, sous la cote Nero, C. X. Cf. J.-G. Ni-
chols, Literarij Remains of Edward F/(Roxburgh Club,
1875). Ch.-V.L. ^
EDOUARD, prince de Galles, dit le prince Noir, ne
à Woodstock le 15 juin 1330, mort à Westminster le
8 juil. 1376. Fils aîné d'Edouard HI et de Phdippa de
Hamaut, il fut élevé par le Dr. Walter Buriey, de Merton
Collège, Oxford, sous le nom de comte de Chester, duc de
Cornouailles. En 1343, il fut créé prince de Galles, et,
le 11 juil. 1345, il fut de l'expédition que le roi son père
commença par le débarquement de ses troupes à La Hogue.
n commandait l'aile droite à Crécy, et, suivant l'expres-
sion d'Edouard HI, « gagna ses éperons » ce jour-là. On
dit communément que le prince de Galles fut appelé des
lors « prince Noir » à cause de l'armure noire qu'il por-
tait à Crécy; mais le nom de « prince Noir » ne se trouve
point dans les textes antérieurs à la fin du xv^ siècle.
On dit aussi qu'il emprunta les plumes d'autruche qui
ornent les armes des princes de Galles et la devise Ich
dien au roi de Bohême, tué à Crécy. Mais plusieurs érudits
anglais, combattant cette opinion, font d'abord observer que
le cimier de Jean de Bohême portait deux ailes de vautour,
semées de feuilles de tilleul argent, et non pas une plume
d'autruche ; ils établissent ensuite que les plumes d] autruche
sur écusson noir appartenaient à la reine Philippa, soit
comme armoirie de famille, soit comme armes adoptées en
vertu de sa souveraineté sur le territoire d'Ostrevant; c'est
donc aux armes de sa mère que le prince Noir aurait
emprunté les plumes d'autruche. Quoi qu'il en soit, après
la prise de Calais, le prince Edouard retourna en Angleterre
(12 oct. 1347). En août 1350, il se distingua dans un
combat naval dans la Manche, contre une galiote castil-
lane. En 1354, il réprima des troubles dans ses domaines
du Cheshire et veilla à ce que les juges itinérants y tins-
sent leurs assises en paix. Quand le roi résojut de recom-
mencer les hostilités contre la France, en 1355, il ordonna
au prince d'agir en Aquitaine, tandis que Lancastre opé-
rerait en Bretagne et lui-même en Normandie. Le lOjuil.
il appointa son lieutenant en Gascogne avec pleins^ pou-
voirs. La première campagne du prince Noir en Aquitaine
ne fut guère qu'une maraude ; il pilla les comtés d'Arma-
gnac, d'Astarac, de Comminges, presque sans résistance.
Montgiscar fut brûlé avec tous ses habitants. Les villes de
Carcassonne, Narbonne, Avignon et Castelnaudary furent
ravagées par les avides Gascons de son armée. L'expédi-
tion dura deux mois; il ne fut pas Uvré de bataille, mais la
France n'en souffrit pas moins un très grave préjudice. En
juil. 1356, il forma le projet hardi de traverser la France
de part en part pour rejoindre son père en Normandie. H
franchit la Dordogne à Bergerac le 4 août et désola tout
sur sa route jusqu'à Bourges, dont il brûla les faubourgs;
mais la ville même résista, ainsi. que celle d'Issoudun. H
prit Vierzon. Là, il apprit qu'il lui serait impossible de
percer jusqu'à la Bretagne ou jusqu'à la Normandie, et il
résolut de retourner à Bordeaux par le Poitou. Romoran-
tin ne résista que trois jours. Mais le roi de France avait
579 —
réuni une grosse armée pour lui couper la retraite. C'est
près de Poitiers, probablement à la Cardinerie, commune
de Beauvoir, qu'eut lieu le 19 sept, la fameuse bataille de
Poitiers où, malgré Finfériorité numérique, la stratégie
l'emporta d'une façon si signalée sur la témérité. Les Fran-
çais perdirent onze mille hommes, et, parmi leurs deux mille
prisonniers, les Anglais eurent, outre le roi de France en
personne et son fils Philippe, cent chevaliers bannerets.
De retour à Bordeaux le 2 oct., le prince Noir y resta jus-
qu'en avr. 1357, date à laquelle il partit pour l'Angle-
terre avec ses principales prises.
Son entrée triomphale à Londres, aux côtés du roi Jean,
eut lieu le 24 mai. En oct. 1359, il repartit avec son père
pour une nouvelle expédition sur le continent. A la fin de
cette campagne, il eut grande part aux négociations qui
amenèrent la conclusion du traité de Brétigny. Le 10 oct,
1361, il épousa sa cousine Jeanne, comtesse de Kent, fille
d'Edmond de Woodstock, fils cadet d'Edouard P^ et déjà
veuve de sir Thomas Holland. Le 19 juil. 1362, Edouard III
lui fit don de toutes ses possessions d'Aquitaine et de
Gascogne, constituées en principauté. Il passa la fin de
l'année à recevoir les hommages de ses nouveaux vassaux
dans des cours magnifiques tenues à Bordeaux, à Angou-
lême, à Périgueux, à Agen, à Niort, à Poitiers. 11 appointa
Chandos connétable de Guyenne. Un luxe exagéré et la
faveur exclusive témoignée par le prince à ses compatriotes
d'outre-Manche ne tardèrent pas cependant à susciter du
mécontentement. Les seigneurs d'Albret et de Foix, pour ne
citer que ceux-là, étaient Français de cœur; Charles V les
encourageait ; la position du prince ne fut pas d'abord fort
agréable. Mais la guerre avait recommencé en Bretagne ;
Edouard permit à Chandos de lever des troupes et d'aller
soutenir le parti de Montfort ; c'est Chandos qui gagna la
bataille d'Auray. En 1365, Du Gueschn, à la tête d'un cer-
tain nombre de grandes compagnies, força le roi Pierre de
Castille à quitter son royaume et mit en sa place le
bâtard Henri de Transtamare. L'exilé, qui était un allié
d'Edouard III, chercha un refuge dans les possessions du
prince Noir. Celui-ci, par horreur chevaleresque pour l'usur-
pation d'un bâtard, séduit d'ailleurs par les promesses du
roi détrôné, prêta à Pierre des sommes considérables et
leva une grosse armée. Il quitta Bordeaux dans les premiers
jours de fèvr. 1366 et marcha sur Pampelune, par Saint-
Jean-Pied-de-Port, car le roi Charles de Navarre lui avait
accordé, moyennant finance, libre passage sur ses terres.
Les compagnies au service de Henri de Transtamare étaient
en grande partie commandées par des aventuriers anglais,
comme Hugh de Calveley, ou gascons. Elles passèrent dès
le début des hostilités du côté du prince d'Aquitaine. La
bataille de Navarrette, en avril, fut aisément gagnée par
les Anglo-Gascons sur les dernières troupes du bâtard. Les
vainqueurs prirent leurs quartiers de printemps près de
Burgos, attendant l'argent promis. Mais Pierre n'avait pas
l'intention de s'acquitter. H s'était engagé à livrer la Bis-
caye jusqu'à parfait payement de ses dettes ; il refusa sous
prétexte que les Biscayens ne consentiraient point à servir
d'otages. L'armée anglaise souffrit terriblement de la cha-
leur à Valladolid au cours des négociations ; elle fondit au
soleil d'Espagne. Pendant ce temps, Henri de Transtamare
avait franchi les Pyrénées et ravageait Bagnèr es. Le prince
Edouard revint lui-même à Bordeaux, escorté de ses mer-
cenaires, mécontents, non payés, qui se mirent à piller le
pays ; Charles V ne manqua pas d'exploiter en cette occa-
sion les mécontentements de la noblesse d'Aquitaine : le
seigneur d'Albret, qui avait épousé Marguerite de Bourbon,
sœur de la reine de France, et le comte d'Armagnac, fu-
rent entièrement gagnés à la cause française. Quandle prince,
malgré l'avis de Chandos, résolut d'imposer un fouace de
dix sous pour cinq ans, Albret, Périgord, Armagnac et Com-
minges appelèrent au roi de France comme à leur suzerain
supérieur. Charles en profita pour citer Edouard à compa-
raître devant le Parlement de Paris, garni des pairs de
France, pour y être jugé. Le prince répondit en emprison-
EDOUARD
nant les porteurs de la citation, ce qui était déclarer la
guerre. Mais il ne s'était jamais remis depuis son séjour en
Castille, où le bruit courait que Pierre lui avait fait absor-
ber un poison lent. Il était si faible qu'il ne pouvait plus
chevaucher. En avr. 1369, il n'en commença pas moins
les hostilités, aidé des comtes de Cambridge et de Pem-
broke et du partisan sir Robert Knolles, que son père lui
avait envoyés. La désaffection de la Gascogne était pro-
fonde ; Chandos mourut le I^^ janv. 1370 ; Jean de Gand
intriguait contre le prince son frère à la cour même
d'Angleterre; deux armées françaises se préparaient à
envahir l'une la Guyenne, l'autre le Limousin. Cette der-
nière, cominandée par le duc de Berry, prit Limoges grâce
à une trahison de l'évêque. Le prince Noir jura de venger
ce désastre, et, après un mois de siège, il reprit effecti-
vement la ville où plusieurs milliers de personnes furent
massacrées. Après le sac de Limoges, Edouard retourna à
son quartier général, Cognac; mais il dut bientôt renoncer
à tout espoir de conduire en personne la défense du duché ;
il était très bas; son fils aîné venait de mourir; les méde-
cins lui conseillèrent l'air natal. Il débarqua en Angle-
terre en janv. 1371, ruiné de toutes les manières ; le 5 oct.
il donna sa démission de prince d'Aquitaine, alléguant
comme motif l'insuffisance des revenus de la principauté.
A l'époque de la réunion du « Bon Parlement » (avr. 1376),
il était communément regardé comme le chef de l'opposi-
tion constitutionnelle (si forte dans les Communes) contre
les abus de l'administration royale. Il était d'accord avec
William de Wykeham pour lutter contre l'influence de la
petite cour qui s'était groupée autour de Jean de Gand, et
qui devait être si funeste à son fils Richard IL II fit une
fin édifiante. Son tombeau est encore aujourd'hui, intact,
dans la cathédrale de Canterbury. Çh.-V. Langlois.
BiBL. : CoLLiNS, Life ofE., prince ofWales. — G.-P.-R
James, History of the life of Edw., the Black Prince, 1822.
— Le Prince Noir, poème du héraut Chandos, publié par
Fi\ Michel. — L. Creighton, Life of Edw. the Black
Prince; Londres, 1890, in-16. — M. Fabbé Moisant prépare
un livre sur le Prince Noir en Aquitaine.
EDOUARD (Duarte), onzième roi de Portugal, né à Viseu
le 30 oct. 1391, mort à Tomar le 9 sept. 1438. Fils aîné
de l'illustre Jean P^ fondateur d'une nouvelle dynastie, et
de Philippa de Lancastre, modèle de toutes les vertus
féminines, il hérita des hautes qualités de ses parents. Il
était brave, éloquent, instruit, noble de cœur, et il ne lui
manqua pour devenir à son tour un grand roi qu'un peu de
bonheur et plus de fermeté de caractère. Son règne de cinq
années ne fut marqué que par des catastrophes. A son
avènement (1433), le Portugal jouissait d'une paix profonde
et d'une grande prospérité. L'esprit aventureux des infants
Henrique et Fernando, frères du roi, l'entraîna, malgré
lui, à consentir à une expédition contre Tanger (1437).
Entreprise sans réflexion, avec des forces insuffisantes,
elle aboutit à une défaite complète, et l'infant Fernando
fut retenu en otage jusqu'à la reddition de Ceuta, conquise
sous le règne précédent. C'est lui qui fut immortalisé par
Calderon sous le nom de « Prince constant ». La peste qui
envahit le Portugal empêcha de le délivrer, et le roi lui-
même en fut victime. Celui-ci avait été le promoteur de
l'unification des lois du royaume, réforme qui ne fut accom-
plie que sous le règne de son fils. Ce fut encore un phi-
losophe et un écrivain de valeur. Son ouvrage principal,
0 Leal Conselheiro, expose ses vues sur les règles de la
vie et celles du gouvernement, en partie d'après ses pro-
pres expériences et méditations; la politique s'y fonde avec
la morale pratique, dictée par un cœur pur et un jugement
droit. Un autre ouvrage important, 0 Liuro da enssy-
nança de bem cavalgar, est le fruit de sa passion pour
le dressage des chevaux, art dans lequel il n'eut pas de .
rival. L'un et l'autre ont été publiés ensemble à deux
reprises d'après le précieux manuscrit de la Bibliothèque
nationale de Paris (Paris, 1842, gr. in-4, et Lisbonne,
1843). On doit encore au roi Edouard de nombreux mé-
moires sur des sujets divers ; quelques-uns ont été édités
580
EDOUARD - ÉDRISITES
par Sousa, Provas, 1. 1. Partout il se montre écrivain facile,
substantiel et d'une grande clarté.
De son mariage avec Eléonore d'Aragon (V. ce nom),
il eut six enfants : Alphonse F, qui lui succéda ;^jr-
nand, duc de Viseu, connétable de Portugal ; Philippe
mort jeune; Eléonore, mariée à l'empereur Frédéric 111,
Jeanne, épouse de Henri IV, roi de CastiUe; et Catherine,
inortej^une. , , "^^l^TVulrte
Rnu • Ru Y DE Pin A, Cronica do senhor rey D. Duarie,
danfi;- CoUecçào de livras inédites dehrst Portug ^nU
par J. Correa da Serra; Lisbonne, 1790, t. 1. - ^J^^""]^
KuNES DE Leâo, Cronica del reyD Dufvte ;Lish.mO
N. DE La Clède, Hist. gén. de Portugal ; Pans, 1735, Z ^ oi.
in-4 — Ferd. Denis, Hist. de Portugal.
EDOUARD (Albert- Jules), peintre français contempo-
rain, né à Caen en 1845. Elève de Cornu, Léon Cogniet,
Gérôme et Delaunay, cet artiste peint simultanément le
portrait et Fhistoire. Depuis son début au Salon de 4«b«,
où il exposa une Idylle, on peut citer comme les {meilleures
de ses toiles : Caligula et le Cordonnier (S. I88i), la
Reine Khiomara apportant à son époux la tête au
centurion qui Vavà violée (S. 1884) ; Briseis et m
Compagnes pleurant sur le corps de Patrocle (^-^1 ^«^^) ;
Ses dernières œuvres sont des portraits (b. imi). Le
talent de cet artiste est correct, sa composition bien pon-
dérée, mais l'ensemble est froid, sans origmalite et sans
vigueur. . ,,
EDOUGH. Massif montagneux d'Algérie, dans le dep.
de Constantine. Il s'étend sur le bord de la mer, du cap de
Fer à l'O. jusque près de Bône à l'E., et court dans la
direction de l'O. au S.-E.en projetant quelques contreforts
sur le bord des flots. Sa partie culminante, qui s eleve a
l'horizon 0. de Bône, atteint 1,008 m. au village de
Buseaud. L'Edough a de magnifiques forêts de chenes-lieges
des sources et cascades, et présente un aspect des plus pit-
toresques. - Un hameau de 100 Européens, siège de la
Société anonyme des lièges de l'Edough, porte le nom
à'Edough et forme une annexe de la commune de plein
exercice de Bugeaud. Ej ^^^' .
EDRED, roi des Anglo-Saxons, mort en 9Db, choisi
en 946 pour succéder à son frère Edmond, dont les deux
fils n'étaient pas en âge de régner. Lui-même était tort
ieune, toujours malade, et le gouvernementsous son règne
fut exercé par sa mère Eadgifre, par son mimstre saint
Dunstan. Il eut cependant à combattre plusieurs rebellions
des ^ens de Northumbrie (947, 952), et il fut oblige de
reconnaître aux Danois de ce pays une certaine indépen-
dance sous le comte qu'il leur donna, Oswuff. Il mourut a
Frome (Somersetshire) sans postérité, et i ut enterre a
Winchester. ^, ^^''^ ' ^'
ÉDREDON (Mob.). Duvet chaud et léger qm couvre
l'estomac de l'eider, canard habitant les mers glaciales, et
avec lequel on remplit un grand sac de soie ou de coton
pour servir de couvre-pied. Par extension, on a donne le
nom d'édredon à cet objet de literie. Toutefois le duvet
étant d'un prix élevé, n'entre qu'en petites quantités dans
la fabrication des édredons ; on le mélange avec de la plume
d'oie et de canard, et même le plus souvent ces dernières
seules sont employées (V. Duvet). L- K.
EDREM I D. Ville de la Turquie d'Asie, sandjak de Karasi,
à 12 kil au N.-E. de l'ancienne Adramyttium, en face
de Mytilène, dans la plaine qui domine les ramifications
de rida : 8,000 hab. Le port est aujourd'hui envase.
ÉDRIOPHTHALWIES. I. Zoologie. — Division impor-
tante des Crustacés Malacostracés dénommée par Leach et
synonyme de Arthrostracés. Les animaux qui la tonnent
ont les yeux latéraux sessiles, ce qui les met en opposition
avec les Crustacés Thoracostracés dont la plupart ont les
yeux pédoncules; ils ont d'ordinaire sept anneaux thora-
ciques séparés, et non plus réunis sous une carapace, plus
rarement six anneaux ou moins encore, avec un nombre
correspondant de paires de pattes. Les Edriophthalmes com--
prennent les deux ordres des Amphipodes, sous lequel
rentrent les Lœmodipodes, et des Isopodes. R. Moniez.
IL Paléontologie (V. Amphipodes, Isopodes et Crus-
tacés [Paléont.]).
EDRIS ECHZ-CHAFIY (V. Chafiy).
EDRISI (AbouAbd Allah Mohammed Ibn Ahmed, connu
sous le nom de Ach-chérif al-), descendant du fondateur
de la dynastie marocaine des Edrisites, né à Ceuta en
1099, mort vers 1180. Il vint étudier à Cordoue, où il
s'adonna principalement à l'étude de l'astronomie, de la
géographie et de la médecine. Il se mit ensuite à voyager,
visita le S. de Tltalie, la Grèce, l'Asie Mineure, le Maroc,
le Portugal et même, dit-on, les côtes de France et d'An-
deterre. Etant venu en Sicile, il fut retenu par Roger II,
roi normand des Deux-Siciles, qui le combla de ses faveurs.
Suivant le désir de ce prince, Edrisi grava sur un plani-
sphère (daïra) d'argent la forme de la terre tdle qu on la
supposait alors, divisée en sept climats parallèles, le pre-
mier commençant vers l'équateur et le septième comprenant
les pays de l'extrême Nord et limité par l'océan Ténébreux.
Il écrivit ensuite, pour l'intelligence de ce planisphère, un
traité qu'il intitula Nozhat Al Mochtâq fi Ikhtirâq al
Afâq (récréation de celui qui désire parcourir les horizons).
Cet ouvrage, divisé d'après l'ordre des sept climats, chaque
climat comprenant à son tour dix sections, est le traité
Lvéoeraphique le plus complet que les Arabes nous aient
laissé. L'exactitude avec laquelle Edrisi indique les mesures
itinéraires et l'intérêt des détails qu'il rapporte font de
cette œuvre un document précieux pour la géographie du
commencement du moyen âge. Des exemplaires manuscrits
de l'ouvrage se trouvent dans les bibliothèques de Pans et
d'Oxford. Un abrégé en arabe imprimé à Rome en 1592 a
été traduit en latin sous le titre de Geographia Nubiensis
(Paris, 1619). Plusieurs parties ont été pubhées séparément :
Edrisli Africa, par Hartmann (Gœttingue, 1796) ; Edrisu
Hisvania, par le même(Marbourg, 1803) ; Descripciôn de
Espana, par Gonde (Madrid, 1799). A. Jaubert en a donne
une traduction française complète : Géographie dLdrisi
(Paris 1836-1840, 2 vol.). Enfin une excellente édition de
la partie concernant l'Espagne et l'Afrique a été publiée par
Dozy et de Gœje : Edrisi, Description dej Espagne et
de rAfrique, avec trad. franc, et notes (Leyde, 18bb).
Non moins remarquables sont : Saavedra, La Geogratia
de Espana (Madrid, 1881) ; Amari et Schiaparelli, L Italia
(Rome, 1883); Gildemeister, Palaestina und Syria
Bonn, 1885). L- Leriche.
BiBL. -.Reinaud, Géographie d'Ahoulféda, 1. 1, p. cm.
ÉDRISITES ou IDRISITES. Cette dynastie musul-
mane, qui régna de 788 à 985 sur le Maghreb extrême et
sur une partie du Maghreb moyen, fut fondée Pf Edris,
fils d'Abdallah, fils de Hasen III, fils de Hasen II, fils de
Hasen es-Sibt, fils de Fatime, femme d'Ali et fille du pro-
phète. Vaincu à la bataille d'Elfakkh(786), où il avait pris
parti pour son neveu Hoseïn contre le khalife abbasside
El-Mehdi, Edris s'enfuit en Egypte. Après être demeure
environ deux ans au Caire en compagnie de son hdele
afiranchi Rached, il dut, pour éviter la colère du khali e,
fuir dans le Maghreb et vint s'établir à Oulili, petite ville
située dans la montagne de Zerhoun, tout près de Mequmez.
Rien accueiUi en sa qualité de descendant du prophète,
Edris prit bien vite un grand ascendant sur les tribus
berbères au milieu desquelles il vivait, et en 788 il se ht
proclamer souverain des peuplades qui entouraient Uuhli.
Peu à peu il agrandit ses Etats en s'avançant vers le b.
jusqu'à Tedlaet vers l'E. jusqu'à Tlemcen, qui se rendit a
lui. En même temps il contraignait les populations chré-
tiennes et juives qu'il rencontrait sur sa route à embras-
ser l'islamisme, et semblait devoir soumettre à son autorité
tous les Berbers, lorsqu'il fut empoisonné par un émissaire
du khalife iïaroun er-Rachid, en 783. Edris n ayant point
laissé d'enfant, sa mort allait mettre fin à la dynastie qu il
avait voulu fonder, lorsque Rached obtint des Berbers
qu'ils reconnaîtraient comme successeur de son maître
l'enfant qu'une concubine de ce dernier devait mettre au
monde deux mois après. Cet enfant, auquel on donna le nom
d'Edris le Jeune ou Edris II, succéda donc à son père, mais
il ne reçut le serment de fidélité qu'en 80 4 à Fâge de onze
ans. Durant sa minorité, Rached exerça le pouvoir jusqu'en
802, époque à laquelle il fut assassiné par un agent des
Aghlabites ; il fut remplacé dans sa tutelle par Abou-Kha-
led Yezid. Un corps dévoué de cinq cents guerriers arabes,
qui vinrent se ranger sous la bannière d'Edris II, permit
à ce prince d'étendre ses conquêtes et de n'avoir plus à
redouter les détections des Berbers, qui étaient poussés à la
révolte par les Aghlabites. Il put alors faire périr impu-
nément Ishaq ben Mahmoud, le chef des Aureba, qui avait
donné asile à son père, et dont l'influence pouvait faire
échec à la sienne ; enfin pour mieux affirmer qu'il n'enten-
dait pas rester dans la dépendance des tribus qui avaient
confié l'autorité à son père, il abandonna Oulili pour aller
établir sa capitale dans la ville de Fez, qu'il fonda en 807.
Edris II lutta d'abord avec succès contre les Aghlabites,
et étendit la frontière de ses Etats à l'E. jusqu'aux rives du
Chélif, mais la versatilité des Berbers, qui se laissaient vo-
lontiers corrompre par ses ennemis, l'empêcha de pousser
ses conquêtes plus loin. Mohammed succéda à son père
Edris II en 828. Sur les conseils pernicieux de sa grand'-
mère Kenza, Mohammed partagea son empire avec sept de
ses frères. Cette mesure impoUtique amena bientôt des
guerres civiles qui furent, il est vrai, réprimées, mais qui
jettèrent dans le nouvel empire, les germes d'une déca-
dence prochaine. Néanmoins Ali, qui succéda à son père
Mohammed en 836, et Yahia P^ qui succéda à son frère
Ali en 848, administrèrent sagement leur royaume ; ils
agrandirent leurs Etats et leur assurèrent une prospérité
plus grande encore que celle dont ils avaient joui jus-
qu'alors. En 859, sous le règne de Yahia P^ on construisit
à Fez la célèbre mosquée dite d'Elqarouïn, et la capitale
édrisite, grâce aux embellissements dont elle fut l'objet,
prit rang parmi les grandes cités du Maghreb. La conduite
scandaleuse de Yahia II, fils et successeur de Yahia P^
occasionna une révolte qui lui fit perdre la couronne ;
son cousin Ali II, qui lui succéda, fut également chassé de
Fez et remplacé par son cousin Yahia III. Malgré le gou-
vernement paisible de Yahia III, qui cependant mourut
assassiné en 904, la dynastie édrisite ne put parvenir
à rétablir son prestige affaibli par les tristes règnes de
Yahia II et d'Ali II. Après avoir exercé le pouvoir sans trop
de difficultés jusqu'en 917, Yahia IV fut attaqué par Mes-
sala, le caïd du chiite Obeïd-Allah qui gouvernait à Qai-
rouan. Assiégé dans Fez, sa capitale, Yahia IV dut bientôt
se rendre et se reconnaître vassal d'Obeïd-Allah. A cette
condition, il conserva ses Etats pendant quatre ans encore,
mais en 921 il fut arrêté, chargé de chaînes et exilé à
Asila. L'empire édrisite fut alors livré par Messala à
Rihan Elketami, qui s'établit à Fez et gouverna le pays du-
rant près de deux ans. El-Hasen, surnommé El-Haddjam,
essaya de rétablir en sa personne la dynastie édrisite, et
en 922 il chassa Rihan de Fez, Cette tentative heureuse
au début ne tarda guère à échouer. Mousa, fils d'Abou'lafia,
émir miknacien, attaqua El-IIasen, le vainquit et s'empara
de Fez (92o). Désormais les Edrisites ne devaient plus
posséder que leRif et le pays de Ghomara ; cependant l'un
d'eux, Kennoun, réussit à étendre son autorité sur une autre
partie du Maghreb. Mais ni son premier fils Abou'l-Aïch
Ahmed qui se plaça sous la suzeraineté des Omeyyades
d'Espagne, ni son second fils El-Hasen qui succéda à son
frère en 954 n'avaient la valeur nécessaire pour s'imposer
aux Berbers et lutter contre les khalifes d'Espagne. Après
avoir d'abord abdiqué en 974, El-Hasen reprit le pouvoir
sur les quelques villes qui avaient reconnu son autorité ;
deux ans après, en 985, il mourait et avec lui s'éteignait
pour toujours la dynastie édrisite qui, en réalité, avait cessé
d'exister dès l'année 917. 0. Houdas.
BiBL • A. Beaumier, Roudh el-Kartas ; Pans, 1860.
— De Slane, Histoire des Berbères; Alger, 1854. —
E. Mercier, Histoire de l'Afrique septentrionale ; Pans,
1888-1891, 3 vol. . . . „,, •
ÉDUCATION, n ne sera question ici que de 1 éducation
_ 581 — EDRISITES — ÉDUCATION
humaine, car le mot a un sens beaucoup plus large ; il
désigne toute action, même involontaire, qui dirige le
développement d'un être vivant vers sa fin naturelle ou le
modifie en vue d'une fin qu'on lui assigne. EUminant la part
do l'hérédité, celle du million et de toutes les influences
inconscientes, il faut d'abord restreindre le mot à l'action
intentionnelle et méthodique d'un être sur le développe-
ment d'un autre. On peut ainsi à la rigueur dire que l'oi-
seau fait l'éducation de ses petits en leur apprenant à
voler, et, plus exactement, que le dresseur fait l'éducation
du cheval, le chasseur celle du chien d'arrêt. Mais le seul
éducateur, au sens propre, c'est l'homme, parce que seul
il se représente nettement l'avenir et combine des moyens
pour le préparer ; et de même la seule éducation digne de
ce nom est celle de l'homme. Elle comprend tout le tra-
vail réparti jadis entre la nourrice, le gouverneur et les
maîtres, selon ce passage de Varron : educit obstetrix,
educat nutrix, instituit pœdagogus, docet magister;
c.-à-d. tout l'ensemble des soins et des opérations inten-
tionnelles par lesquels on conduit le développement de
l'enfant pour en faire un homme : « C'est l'art de former
les hommes », dit Rousseau, art dont la première règle
est d'ailleurs de tenir compte de V éducation des choses,
comme l'appelle le même écrivain, c.-à-d. des influences
sociales et même physiques plus ou moins indépendantes
de notre volonté. Car un homme est formé par tout ce
qu'il éprouve depuis le berceau... et même avant. S'il faut
en croire, en effet, M. de Frarières, après Malebranche, il
y aurait, moralement même, une « éducation antérieure»
ou intra-utérine, une influence de l'état mental de la mère
pendant la gestation sur les prédispositions morales et in-
tellectuelles des enfants. Mais l'éducation proprement dite
est essentiellement œuvre de volonté et de raison, et toutes
ces actions inconscientes ne l'intéressent que dans la mesure
où la volonté peut ou s'emparer d'elles ou s'y soustraire.
D'autre part, un être doué comme l'homme de volonté
et de raison a seul besoin d'éducation. La_ nature se
charge de pourvoir au développement de l'animal comme
tel. Une intervention n'a de raison d'être que lorsque la
nature toute seule ne mènerait pas sûrement ni le mieux
possible l'être dont il s'agit à sa destination : tel est le cas
pour l'homme seul, dit Kant, das einzige Geschôpf das
erzogen werden muss, parce que, seul des animaux, il ne
saurait accomplir sa destinée par son simple développement
naturel sans le secours de son semblable adulte et cultivé.
Physiquement même, avant d'être en état de subsister et
de se mouvoir sans danger au milieu des forces naturelles,
il a besoin de soins infiniment plus longs et plus délicats
que n'importe quel autre animal. Mentalement et morale-
ment, la culture doit chez lui suppléer, compléter, corri-
ger les instincts ; car sa destination est de faire prédomi-
ner en lui l'humanité sur l'animalité, de devenir au sens
fort une personne, ce qui n'a lieu que par l'éducation, la
nature livrée à elle-même développant plutôt l'animalité.
Ce n'est pas à dire que l'éducation elle-même ne doive
pas suivre la nature, comme Rousseau l'a établi. On n'agit
sur la nature qu'en lui obéissant. La connaissance des lois
de la vie tant psychique que physiologique est la base né-
cessaire de la science de l'éducation, de toute action ra-
tionnelle exercée sur le développement humain. Kant va
bien, à la suite de Rousseau, jusqu'à accorder que tous
les penchants naturels sont bons en eux-mêmes ; mais c'est
à condition de se développer avec proportion. Ils ont besoin
d'être soumis à une règle. L'animal reçoit de la nature sa
règle toute faite et inviolable; l'homme doit se faire la
sienne et, en attendant, la recevoir d'un autre homme. Né
pour la raison, il n'est rien que par elle. L'absence de règles
étant pour lui la source de tout mal, « l'éducation est la
source de tout bien... La discipline empêche seule l'ani-
malité et la sauvagerie d'étouffer en nous l'humanité. »
On le voit, la notion même d'éducation implique celle
d'un idéal, d'une perfection supérieure à la nature simple-
ment donnée. C'est ce qu'expriment diversement toutes les
ÉDUCATION
582 —
définitions. « L'éducation, dit J. Stuart Mill, embrasse tout
ce que nous faisons nous-mêmes et tout ce que les autres
font pour nous, en vue de nous élever plus près de la per-
fection de notre nature. » Et ailleurs : « C'est la culture
que chaque génération donne exprès à ceux qui doivent lui
succéder, afin de les rendre aptes à conserver au moins,
à accroître s'il se peut les progrès de tous genres accomplis
jusqu'à eux. » — « Elever un enfant, dit M»^^ Necker
de Saussure, c'est le mettre en état de remplir un jour le
mieux possible la destination de sa vie. » Pour Stein, le
but de l'éducation est « le développement harmonieux de
toutes les facultés de l'homme... Elle doit déployer toutes
les puissances de l'âme, exciter et aUmenter tous les prin-
cipes de vie, en évitant toute culture exclusive, en s'ap-
pliquant à mettre en œuvre toutes les tendances qui font
la force et la valeur des hommes. » Pour Herbert Spencer,
elle doit « préparer à la vie complète ». Autant de ma-
nières de dire avec Kant que l'éducation a pour objet de
« développer dans l'homme toute la perfection que sa na-
ture comporte ». — Il suit de là que la fin de l'éducation
est dans l'enfant lui-même et non hors de lui ; cette fin,
c'est le bien supérieur de l'enfant, non la satisfaction per-
sonnelle des parents et des maîtres. En ce sens, l'abnéga-
tion est littéralement le premier devoir de l'éducateur. Ce
n'est pas à dire, bien entendu, qu'il faille laisser l'enfant
se prendre lui-même pour fin : le respect des autres et de
leurs droits, l'esprit de sacrifice même, font partie au pre-
mier chef des qualités à développer en lui ; mais c'est pour
son bien même avant tout, c'est pour accroître sa valeur
d'homme qu'il faut l'habituer au respect. En le corrigeant
dans une autre intention, en le mettant au pas, par exemple,
avec humeur, pour nous défendre contre ses empiétements,
nous pouvons user d'un droit et faire encore œuvre utile
socialement ; nous ne faisons pas œuvre sereine d'éduca-
teurs. Cette vue domine toute la théorie des punitions, et
aussi celle des récompenses.
A la perfection individuelle ainsi donnée pour fin su-
prême à l'éducation se rattachent toutes les fins secon-
daires. Le bonheur, par exemple, tant de la société que de
l'individu, ne peut manquer d'être aussi grand que pos-
sible si la valeur de tous est tout ce qu'elle peut être.
Mais la réciproque n'est pas vraie ; aussi est-il imprudent
de dire avec James Mill que « le but de l'éducation est de
faire de l'individu autant que possible un instrument de
bonheur pour lui-même et pour les autres ». D'abord le mot
instrument sonne faux : il s'agit de faire une 'personne^
et non, selon le mot de Guizot « un outil humain». Puis,
il n'est pas vrai que l'éducation doive se proposer avant
tout le bonheur. Le bonheur, chacun l'entend à sa guise
et le prend où il le trouve. Il n'y a donc là ni principe
fixe, ni garantie. Le bonheur doit venir par surcroît si
l'éducation est bonne ; mais elle n'est bonne que si elle
apprend à trouver le bonheur où il convient, voire à s'en
passer au besoin, non à tout subordonner à sa recherche.
Une autre conséquence de la définition adoptée, est de
faire apparaître l'éducation comme une œuvre infinie. Elle
commence au berceau et nul ne peut dire quand elle finit ;
car l'idéal recule à mesure qu'on avance. Ni notre carac-
tère ne cesse d'être plastique, ni notre esprit de pouvoir
acquérir, à l'âge où l'on sort de la sujétion des parents et
des maîtres. L'éducation, qui est censée prendre fin alors,
continue donc; elle continue aussi longtemps que nous
sommes perfectibles ; elle change seulement de mains, de-
vient l'œuvre de tous ceux dont la volonté et l'exemple
ont prise sur nous, l'œuvre du mari, pour la femme,
l'œuvre de la femme, pour le mari ; elle devient surtout
l'œuvre propre de chacun, puisque chacun est responsable
de soi et tenu d'achever son développement lui-même. De
là pour les maîtres et les parents une indication capitale,
un critérium infaillible de l'éducation. La meilleure est
celle qui met le mieux l'enfant en état de se gouverner
lui-même et en goût de continuer seul son perfectionne-
ment-. « Apprendre à l'homme à s'élever lui-même lorsque
d'autres auront cessé de l'élever », c'est là le but suprême,
suivant Guizot. Tout bon éducateur aspire à se rendre inu-
tile, non en formant des machines, mais des personnes
guidées par le sentiment ferme de leur responsabilité,
l'amour et la claire vue d'un idéal. C'est la condamnation
absolue de toute éducation servile et mécanique, de tous
les moyens bas, comme les coups, l'espionnage, la déla-
tion, l'excès des menaces et des promesses. Il n'y a de bon
en éducation que ce qui élève. Il ne s'agit pas de faire des
manequins dociles, d'élégants automates, mais des hommes.
Et la perfection de l'homme n'est pas de faire ceci ou cela
sous une volonté extérieure, c'est d'agir librement à ses
risques et périls, de vouloir le bien et d'aspirer au mieux.
A ce point de vue, tel enfant qui passe pour très bien
élevé l'est fort mal, ou plutôt ne l'est pas du tout
(V. Discipline).
Enfin l'éducation déborde la vie individuelle ; elle fait,
avec l'hérédité, le lien des générations successives ; elle
est l'affaire de toute l'espèce. « Pour faire de grandes choses,
a dit Vauvenargues, il faut vivre comme si l'on ne devait
jamais mourir. » L'individu meurt, mais il se survit dans
ses enfants : l'espèce subsiste. Par l'éducation, chaque gé-
nération épargne à la suivante, autant que possible, un
apprentissage hasardeux et lui lègue, accru de ce qu'elle a
pu y ajouter, le patrimoine reçu des ancêtres. Il y a sans
doute dans la nature et dans l'hérédité des limites aux
acquisitions et aux perfectionnements possibles ; mais l'hé-
rédité elle-même peut, comme l'habitude, être un agent de
transformation aussi bien que de conservation ; et par l'ac-
cumulation des petits effets, les suites d'une éducation vont
à l'infini. Car l'homme élève l'homme; bien élevé, il l'élève
bien à son tour. Et il n'y a aucune contradiction à se
soucier ainsi de l'avenir de l'espèce humaine et de ses
progrès possibles, après avoir assigné pour objet à l'édu-
cation le perfectionnement de chaque enfant. Car, si le but
est de faire réahser à l'homme toute la perfection que sa
nature comporte, cela s'entend évidemment de l'homme en
général et non pas seulement de l'individu ; mais, pour tra-
vailler au progrès général, il n'y a qu'un moyen et qui est
d'ailleurs infaillible, c'est d'améliorer les individus. En
plaisir, en bonheur même, le gain d'un particulier peut
constituer une perte pour d'autres; mais, en perfection,
l'individu ne peut rien gagner que l'humanité n'en profite.
Comment concevoir d'ailleurs un homme vraiment bon,
qui se contente de sa perfection pour ainsi dire solitaire,
s'y enferme et s'y endorme, sans souci d'accroître le bien
des autres ? L'homme est un être essentiellement sociable.
Sa destination comme individu coïncide et concorde avec
celle des groupes naturels dont il fait partie, famille, na-
tion, humanité ; et le seul moyen pour lui de ne pas man-
quer sa fin personnelle est de travailler au bien collectif.
C'est ce qu'il faut répondre à l'objection spécieuse et su-
perficielle qu'on élève parfois, au nom de la patrie, par
exemple, contre notre conception de l'éducation comme
accordant trop à l'individu pris pour centre. L'individu
n'est rien par lui seul, et il le sent d'autant mieux qu'il vaut
plus. Il ne s'épanouit que dans la famille, laquelle ne
subsiste et ne prospère que dans la nation ; et c'est du
concert des nations, à la fois indépendantes et unies, que
sera fait à son tour le bien de l'humanité. Chacun doit se
subordonner, se sacrifier au besoin à ces collectivités dont
il fait partie; et il appartient à l'éducation de nous
apprendre à les servir toutes en concifiant ce qu'on doit à
chacune. Mais le sacrifice n'a de prix que s'il est conscient
et libre; la première condition pour se dévouer utilement,
c'est d'être quelqu'un et de valoir quelque chose. Nous
avions donc raison de dire qu'il faut avant tout élever
l'enfant pour lui-même, développer l'individu comme tel
de façon à lui donner toute sa valeur d'homme : en dehors
de là il n'y a que dressage ; mais l'élever pour lui-même,
en ce sens supérieur, c'est l'élever en même temps pour la
famille, la nation et l'humanité ; c'est l'élever non seule-
ment pour le présent, mais pour l'avenir, non seulement
— 583 —
ÉDUCATION - EDWARDES
pour qu'il joue son rôle d'homme dans le monde tel qu'il
est aujourd'hui, mais pour qu'il contribue, s'il se peut, à
laisser le monde un peu meilleur. L'éducation vraiment
digne de ce nom, même quand elle arme et prépare l'en-
fant pour les rudes luttes de la vie actuelle, ne doit jamais
cesser d'avoir en vue, selon la belle parole de Kant, « la
perspective d'une humanité meilleure et plus heureuse ».
Les fins de l'éducation ainsi fixées, ses grandes divisions
en découlent. Il faut d'abord distinguer de Y éducation
générale, la seule dont il s'agisse, Y éducation profes-
sionnelle,({vi ne peut venir qu'après et quifprend autant
de formes qu'il y a de catégories de métiers ou de fonctions
demandant une préparation technique : celle-ci n'est pas
non plus à dédaigner, mais elle est moins de l'ordre de
l'éducation que de celui de l'apprentissage. Le mot de
Montaigne, qu'il faut apprendre aux enfants ce qu'ils doi-
vent faire étant hommes, n'est juste que si on le prend
dans un sens très large et très élevé. Sans doute pour
déterminer le mode précis et le degré d'éducation, surtout
le mode et le degré de culture qu'il faut donner à un en-
fant, il convient d'avoir égard à sa condition et à sa vie
probables. Mais, comme le dit Rousseau, nous ne sommes
plus au temps où le fils était obligé d'embrasser l'état de
son père; et, si les rangs demeurent, les hommes en chan-
gent sans cesse. Au contraire, « leur vocation commune
est l'état d'hommes, et quiconque est bien élevé pour
celui-là ne peut mal remplir ceux qui s'y rapportent. Qu'on
destine mon élève à l'épée, à l'église, au barreau... la na-
ture avant tout l'appelle à la vie humaine. Vivre est le mé-
tier que je lui veux apprendre. En sortant de mes mains,
il ne sera ni magistrat, ni soldat, ni prêtre ; il sera pre-
mièrement homme; tout ce au'un homme doit être, il
saura l'être au besoin... ; et la fortune aura beau le faire
changer de place, il sera toujours à la sienne. » Sans faire
fi de Futilité, il faut donc dire résolument qu'elle ne doit
venir qu'en seconde ligne dans l'éducation, parce qu'on
n'élève pas l'enfant à la vie complète, si on a en vue d'abord
le métier. L'éducation proprement dite est générale par
définition, et libérale, puisqu'elle doit former l'homme
tout entier, et l'homme libre.
Elle se divise en autant de parties qu'il y a d^élé-
ments essentiels dans la nature humaine : Y éducation
physique préside au développement du corps, assure
l'épanouissement des énergies vitales, support et base
de tous les autres. Car « ni ange ni bête », si l'homme
est plus qu'un simple animal, il est un animal premiè-
rement, et, pour accompHr sa destinée en ce monde, il
faut qu'il commence, selon le mot d'H. Spencer, par être
« un bon animal ». Parallèlement doit se faire Y édu-
cation intellectuelle et morale, qui dirige le développe-
ment psychique, et qui repose sur la connaissance des
lois de la vie mentale, comme l'éducation physique sur
celle des lois de la vie organique. Il faut y distinguer l'édu-
cation morale proprement dite, qui forme le caractère,
c.-à-d. la volonté et le cœur, et l'éducation intellectuelle
qui façonne l'esprit. Cette dernière comprend Y instruction,
mais n'y est pas simplement identique, car autre chose est
instruire l'esprit, c.-à-d. le munir de connaissances qui
peuvent le remplir sans le nourrir et n'ajoutent pas toutes
également à sa qualité, — autre chose est le fortifier, l'as-
soupHr et l'affiner par l'exercice, en visant à lui donner,
indépendamment de tel et tel savoir, tout ce qu'il com-
porte de vigueur et d'ouverture, de netteté, de justesse et
de précision. On pourrait encore nommer à part Yéduca-
tion esthétique, qui forme le goût, apprend à discerner
et à sentir la beauté. Mais les divisions deviennent factices
si on les multiplie. Mieux vaut dire et redire que tout se
tient dans l'éducation, que toutes les parties en sont so-
hdaires, que l'unité en est la qualité maîtresse, puisqu'elle
doit développer l'homme harmonieusement et que l'unité
seule, l'accord avec soi-même fait la beauté d'une vie,
comme la valeur d'un caractère.
Sans quitter les généralités les plus hautes, que n'y au-
rait-il pas à dire sur Y éducation civique, sur Y éducation
religieuse, etc., c.-à-d. sur le développement à donner à
certains sentiments, exaltés outre mesure par les uns,
comprimés ou faussés systématiquement par les autres !
La place nous ferait défaut môme pour indiquer tous les
problèmes généraux, à plus forte raison pour descendre
ici dans l'infini détail des questions, des discussions, des
théories auxquelles donne lieu l'éducation. On les trouvera
exposées chacune à leur place (V. par exemple les articles
Caractère, Discipline, Ecole, Enseignement, Pédagogie).
Sous cette dernière rubrique viendra naturellement la
question de savoir dans quelle mesure il y a une « science
de réducation » et en quoi elle consiste. C'est sous ce
titre, on le sait, qu'a été institué chez nous récemment
un enseignement public de la philosophie de l'éducation.
Remonter aux principes d'une part, dégager d'autre part
de l'histoire des doctrines et des institutions, puis de l'ex-
périence des nations diverses les règles fondamentales de
l'éducation ; chercher enfin l'application de ces principes
et de ces règles à nos conditions sociales et à nos mœurs,
— c'était évidemment un des grands besoins de notre
temps, une des fonctions de l'enseignement supérieur dans
notre démocratie, au moment oùTéducation nationale, sous
toutes ses formes et à tous ses degrés, prenait le premier
rang parmi les préoccupations publiques. — On ne trou-
vera coordonnés et condensés que dans les ouvrages spé-
ciaux (et dans aucun sans doute d'une manière complète
ni qui satisfasse absolument) les éléments d'une doctrine
qui, par définition, touche à tout, emprunte à toutes les
sciences, engage tous les intérêts, confine à la fois à la
plus haute philosophie et à la plus humble pratique, enfin
a pour elle seule ses encyclopédies. H. Marion.
BiBL, : Les ouvrages qui traitent de Téducation sont
innombrables en France et à l'étranger : la liste en rem-
plirait un volume de la Grande Encyclopédie. Les plus
importants en français sont analysés dans G. Compayre,
Hist. critique des doctrines de Véducat. en France; on en
trouvera aussi Findication dans Buisson, Dictionnaire de
Pédagogie, art. Education. Un répertoire excellent parmi
les plus récents est : O. Gré ard, Education et Instruction;
Paris, 1887-1889, 4 vol. in-12. En Allemagne, la littérature
pédagogique est plus riche encore, ce qui ne veut pas dire
plus intéressante, ni plus originale. Tout le medleur en
est inspiré par VEmile de Rousseau. Après le traite de
Kant, il faut surtout mentionner les Discours de Fictite à
la nation allemande. En Angleterre, citons les ouvrages
de Herb. Spencer, Education intellectual, moral andptiy-
sical; Londres, 1860, in-8, et d'A. Bain, Education as a
science, 1878, in-8, tous deux trad. en français. En Amé-
rique, M. Stanley Hall a donné Hints Towards a sélect
and descriptive Bibliography of Education; Boston, _188b,
in-12- et M W. H. Payne, Contributions to the science
or Education ; New-York, 1886, in-12. Partout enfin abon-
dent et se multiplient de jour en jour les publications pé-
riodiques spécialement consacrées aux choses de 1 édu-
cation. V. PÉDAGOGIE.
ÉDUCATION chrétienne (Sœurs de F). Neuf maisons,
cent trente-sept sœurs (recensement spécial de 1861);
maison centrale à Argentan (Orne).
ÉDUENS (V, iEnui).
ÉDUTS (Les). Com. du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. de Saint-Jean-d'Angely, cant. d'Aulnay; 118 hab.
EDWARDES (Sir Herbert-Benjamin), officier anglais, né
à Frodesley (Shropshire) le 12 nov. 1819, mort à Londres
le 23 déc. 1868. Entré comme cadet en 1841 dans l'in-
fanterie du Bengale, il occupa ses loisirs à l'étude des
dialectes de l'Inde et à la publication dans la Delhi Gazette
d'articles qui furent remarqués (Letters ofBrahminee Bull
in India to his cousin John in England). Il entra bientôt
dans l'état-major de sir Hugh Gough et prit part avec lui
aux sanglants combats de Moudkee et de Sobraon. Il fut
ensuite attaché à Henry Lawrence, travailla à la réforme
de l'administration civile et gagna une grande influence sur
les indigènes. En 1843, il réprima presque seul et sans
autre aide que celle de tribus alliées une sérieuse rébel-
lion, gagnant les batailles de Kineyri (18 juin) et de
Sadusam (3 juil.), et prenant une part prépondérante au
siège de Multan. Edwardes fut récompensé de ces services
par le brevet de major, Tordre du Bain et une médaille d'or
EDWARDES - EDWARDS
— 584 —
de la Compagnie des Indes. Il revint en 1850 en Angleterre,
où il reçut un accueil enthousiaste et publia A Year on
the Punjab Frontier (Londres, 1850), récit de ses aven-
tures. Il retourna en 1851 aux Indes, où il occupa le poste
de vice-commissaire du district de Djalandar (Jalundhur).
En 1853, il passa en même qualité à Hazara, puis à
Péichavèr (Peschawer), où il fut chargé de négocier un
traité avec Dost Mohammed, et, lors de la grande révolte
de 1856, réussit à maintenir les Afghans dans la stricte
neutralité. Mais il s'était tellement surmené qu'il réclama
son rappel en 1859. Après deux années passées en An-
gleterre, il fut nommé commissaire d'Ambala (Umballa),
mais il dut revenir en Europe en 1865, emportant la
renommée d'un administrateur hors ligne. Il fut promu
major-général et passa les trois dernières années de sa vie
fort occupé des querelles religieuses suscitées par la ques-
tion du ritualisme dans l'Eglise anglicane. R. S.
BiBL. : Memorials of the Life and Letters of Major gêne-
rai sir H. Edv^ardes ; Londres, 1886. — Bosworth Smith,
Life of John Lawrence. — Edwardes et Merivale, Life
of Henry Lawrence. — H.-G. Këene, Life of Edwardes,
dansLeslie Stephen, t. XVII.
EDWARDS (Richard), poète et dramaturge anglais, né
dans le Somers et vers 1523, mort à Londres le 31 oct. 1566.
Il étudia à l'université d'Oxford et abandonna le barreau
auquel on le destinait pour s'occuper de musique. Il prit
des leçons de George Etheridge, devint gentleman de la
chapelle royale et maître des enfants de la chapelle. En
1564, il leur fit jouer à Richmond, devant Elisabeth, une
pièce de son cru. Deux ans après, il suivit la reine dans
son voyage à Oxford et donna en son honneur, dans un des
collèges de l'Université, Palamon and Arcyte, première
tragédie anglaise sur un sujet antique, qui excita l'admira-
tion générale. Cette pièce, pas plus que la précédente, ne
nous est parvenue. La seule qui existe, et plusieurs fois
réimprimée, parut en 1571 sous le titre The Excellent
Comédie of two the moste fait h fui lest Freendes, Da-
mon and Pithias, tragi-comédie dont Beaumont et Flet-
cher reprirent et développèrent l'idée plus tard dans The
Two noble Kinsmen, Ses poésies, Eglogues, Epi-
grammes, Sonnets, Chansons, non dépourvues de grâce,
étaient fort admirées par ses contemporains ; aussi Thomas
Twine appelait-il Richard Edwards « la fleur de notre
royaume, le phénix de notre âge ». Il eut l'heureuse idée
de réunir sous le titre Paradise of Dainty Devices les
meilleures poésies de son temps, ce qui sauva beaucoup
d'œuvres charmantes de la destruction. Mais il oublia
d'assurer le même sort aux siennes, car, outre ses deux
premières pièces, quantités de petites histoires comiques
écrites par lui ont été perdues. Hector France.
EDWARDS (Thomas), poète anglais de la fin du xvi^ siè-
cle. Il est l'auteur de deux jolis poèmes : Cephalus and
Procris et Narcissus, publiés en un volume par John
Wolfe en 1595, et dont on ne connaît qu'un exemplaire,
découvert dans la bibliothèque de la cathédrale de Peter-
borough en 1878. Ce Th. Edwards est probablement le
même que l'auteur de cinquante-cinq hexamètres latins sur
les villes d'Italie, qu'on trouve dans le Parvum Theatrum
Urbium d'Adrianus Romanus (Francfort, 1595). On ne
sait d'ailleurs rien sur sa vie. B.-H. G.
EDWARDS (Thomas), théologien anglais, né en 1599,
mort le 24 août 1647. Fougueux puritain, Edwards fut sou-
vent persécuté pour ses sermons et pour ses écrits, dont rien
ne saurait dépasser la violence. Celui qui eut le plus de
retentissement est intitulé Gangrœna ou Catalogue et expo-
sition de nombreuses erreurs, hérésies, propositions blas-
phématoires et pratiques pernicieuses des sectaires de ce
temps; la première partie, publiée en 1646, fut suivie de
deux autres. L'année suivante, l'intolérant polémiste jugea
nécessaire à sa sûreté de se réfugier en Hollande ; mais il
mourut de la fièvre peu après y être arrivé.
EDWARDS (Charles), écrivain gallois, mort en 1691.
Après avoir été fellow de Jésus Collège (Oxford), il reçut
un bénéfice en 1653 dans le pays de Galles, mais, après
l'avènement de Charles II, il fut dépouillé. Abandonné (on
ne sait pourquoi) par sa femme et par ses enfants, il re-
tourna à Oxford en 1666 et se consacra dès lors tout en-
tier à la littérature galloise. Il publia en 1671 son livre le
plus connu, H ânes y Ffydd Ddiffuant, sorte de concor-
dance des œuvres des anciens bardes et des préceptes du
christianisme, qui a eu sept éditions (la dernière à Carmar-
then, en 1856). Il semble qu'à la fin de sa vie il ait été
libraire. Sa curieuse autobiographie, intitulée AnAfflicted
Man's testimony concerning his troubles, parut en 1691,
quelques mois, on le suppose, avant sa mort. Ch.-V. L.
EDWARDS (John), théologien anglais, né à Hertfordle
26 févr. 1637, mort le 16 avr. 1716. Il prit ses grades à
Cambridge, fut ordonné diacre en 1661, et prêcha avec
grand succès à l'église de la Trinité de Cambridge. Lectu-
rer à Bury S. Edmunds après 1664, il fut obligé de se
démettre, à cause de ses opinions calvinistes, et fit alors du
droit. Il redevint pasteur à la paroisse du Saint-Sé-
pulcre de Cambridge, puis fut nommé, en 1683, vicaire
de Saint-Pierre à Colchester, situation qu'il abandonna en
1686 pour se livrer entièrement à l'étude. Il a écrit un
grand nombre d'ouvrages et acquis une renommée consi-
dérable dans sa sphère spéciale. Nous citerons seulement
de lui : Cometomantia (i6M-, in-4) ; A Démonstration
of the existence and Providence ofGod (1690, in-8) ;
Some Thoughts concerning the several causes and oc-
casions of atheism (Londres, 1695, in-4) ; Socinianism
unmasked (1696, in-8); The Socinian Creed (1697,
in-8); Brie f Remarks on Mr. Whiston's new theory of
earth (1697, in-8); ^oXu7co^/.'.Xo; Socpia, a compleat
history of ail dispensations and methods of Religion
(1699, 2 vol. in-8) ; A Free Discourse concerning truth
and error especially in matters of Religion (1701,
in-8) ; The Arminian Doctrines condemned by the Holy
Scripture (1711, in-8); Theologia reformata (1113,
2voL in-fol.),etc. R. S.
EDWARDS (Thomas), écrivain anglais, né en 1699,
mort le 3 janv. 1757. Il est surtout connu par sa polé-
mique avec Warburton, l'éditeur de Shakespeare, dont il
avait relevé les grotesques audaces dans un volume intitulé
The Canons of criticism, and aglossary, being a sup-
plément to sir Warhurton's édition of Shakspear
(Londres, 1747 ; 7« éd., 1765). On a d'Edwards un cer-
tain nombre de Sonnets et une volumineuse correspondance
avec les principaux littérateurs de l'époque, notamment
Richardson.
EDWARDS (Jonathan), théologien anglais, né dans le
Connecticut en 1703, mort en 1758. Après avoir rempli,
pendant deux ans, les fonctions de pasteur dans une com-
munauté congréganiste à New-York, il passa quelque temps
au collège de Y aie en qualité de répétiteur et fut appelé,
en 1726, à Northampton comme suffragant de son grand-
père. Il y resta pendant vingt-quatre ans, occupé des de-
voirs du ministère sacré et de l'étude des questions théolo-
giques ou philosophiques. En 1750, à la suite d'un désaccord
avec les membres de son église sur les conditions de l'ad-
mission des fidèles à la table sainte, il se fit missionnaire
chez les Indiens. A son retour, en 1757, il fut nommé
président du collège de New-Jersey. Il conserva cette dignité
jusqu'à sa mort. Le principal ouvrage d'Edwards confine à
la fois à la théologie et à la philosophie, An Inquiry in--
to that modem prevailing notion of that freedom of
will which is supposed to be essential to moral agency
(1754). C'est un exposé des idées calvinistes sur la ques-
tion de la Hberté, d'un raisonnement serré et d'un style
clair. Naturellement l'argumentation d'Edwards est entiè-
rement dirigée contre le libre arbitre. V History of Rédemp-
tion parut en 1778, vingt ans après sa mort. G. Q.
EDWARDS (William), ingénieur et prédicateur anglais,
né à Eglwysilaw (comté de Glamorgan) en 1719, mort
à Eglwysilaw en 1789. Ayant appris la construction à
Cardiff, ville où il fit élever plusieurs usines, William
Edwards revint dans son pays natal vers 1744, époque où
— 585 —
EDWARDS
il essaya d'édifier un pont en pierre sur le Taff.Ce premier
pont ayant été emporté par les eaux deux ans après son
achèvement, Edwards le reconstruisit en métal et d'une
seule arche de 140 pieds de portée; après un nouvel acci-
dent ainsi que d'importantes modifications dans sa struc-
ture, ce pont fut achevé en 1755 et passa alors pour le
plus remarquable ouvrage de ce genre existant dans le,
monde entier. A la suite de ce succès, Edwards fut appelé
à construire, dans le S. du pays de Galles, plusieurs ponts,
dont il arriva à réduire notablement la flèche des arcs et
la masse des piles, en conservant cependant toujours à la
maçonnerie de ces dernières un caractère archaïque. Ayant
été ordonné ministre de la secte des Indépendants , Wil-
liam Edwards prononça, dans les dernières années de sa
vie, de nombreux sermons, tous en langue gaélique et qui
excitèrent un grand enthousiasme. — David Edwards, se-
cond fils et élève de William, fit construire les ponts de
Landélo sur le Towy et de Newport sur le Usk. Ch. Lucas.
EDWARDS (Edward), peintre et graveur anglais, né
à Londres le 7 mars 1738, mort à Londres le 19 déc.
1806. Il était fils d'un ébéniste, dont il commença par
apprendre le métier. Mais son père lui fit donner des leçons
de dessin, et, en 1759, on le trouve étudiant la peinture
dans la galerie du duc de Richmond. En 1773, il devint
membre de la Royal Academy. Parmi ses principaux
tableaux on cite : Bacchus et Ariane ; une Partie de
chasse dans laquelle il a placé les portraits du duc de
Beaufort et de ses fils, etc.
EDWARDS (Bryan), marchand et historien anglais, né
à Westburv (Wiltshire) le 21 mai 1743, mort à Sou-
thampton le 15 ou 16 juil. 1800. Ayant hérité d'un oncle
fort riche, colon à la Jamaïque, il prit une grande part à la
pohtique locale dans cette colonie. Il revint une première
fois en Angleterre en 4782 pour disputer à un protégé
du duc de Richmond le bourg pourri de Chichester, et, en
1792, pour s'étabUr définitivement dans l'île comme ban-
quier, à Southampton. Elu membre de la Chambre des
communes en 1796 pour le bourg cornouaillais de Gram-
pound, il parla en faveur du maintien de l'esclavage. Il est
surtout connu, comme historien, par son History of the
british coloniesin the West J?iciz^s (1793). La cinquième
édition de cet ouvrage est de 1819. Edwards a publié
aussi en 1797 une Histoire de la colonie française de
Saint-Domingue qui l'entraîna dans d'assez vives polé-
miques avec des Français, M. Venault de Charmilly par
exemple. On dit aussi qu'il aida Mungo Park à rédiger le
récit de ses expéditions en Afrique. Ch.-V. L.
EDWARDS (Arthur), archéologue anglais, mort à Lon-
dres le 22 juin 1743. Membre de la Société des antiquaires
en 1725, il fut le collaborateur assidu de lord Winchelsea
et du D^' Stukeley (V. ces noms). Il est connu aussi par
le legs important (175,000 fr.) qu'il fit à la Cotton Li-
brary, 11 appartenait à l'armée et parvint au grade de
major des horse guards,
EDWARDS (John), poète gallois, appelé par ses com-
patriotes SioN Ceiriog, né à Crogen Wladys en 1747, mort
en 1792. Il fut, avec Owen Jones (Myfyr) et Robert
Hughes (Robin Ddu o Fon), un des trois fondateurs de la
Venedotian Society, en l'honneur de laquelle il composa
une ode, et dont il fut tour à tour secrétaire et président.
EDWARDS (John), poète irlandais, né en 1751, mort
en 1832. On a de lui, entre autres ouvrages en vers, une
tragédie, Abradates andPanthea (1808), et un poème,
The Patriot Soldiers. Il était heutenant-colonel de dra-
gons dans l'armée volontaire d'Irlande. Son livre, Inter-
ests of Ireland (1815) peut encore être consulté avec
fruit. B.-H. G.
EDWARDS (George), médecin et publiciste anglais, né
en 1752, mort à Londres le 17 févr. 1823. Il a laissé un
grand nombre d'écrits politiques où il expose des idées de
réformes sociales et des plans de bonheur universel qui
font plus d'honneur à son cœur qu'à sa raison. On a de
lui, en français, une Adresse aux Citoyens français sur
la Nouvelle Constitution, et Idées pour former une
Nouvelle Constitution et pour assurer la prospérité
et le bonheur de la France et d'autres nations
(Paris, 1793).
EDWARDS (James), libraire et bibliographe anglais, ne
en 1757, mort à Harrow le 2 janv. 1816. Un grand
nombre de bibliothèques célèbres furent vendues par ses
soins ; citons seulement celles de Pinelli, de Venise, de
Salichetti, de Rome, de Meyzien, de Paris et de la duchesse
de Portland. Les catalogues d'Edwards sont encore aujour-
d'hui précieux pour les bibliographes. Il était l'ami de
Dibdin, qui le peint sous le nom de Rinaldo. Il se retira
des affaires vers 1804, et eut pour successeur Robert Har-
ding Evans. B.-H. G.
EDWARDS (Sydenham-Teak), peintre anglais, né vers
1768, mort le 8 févr. 1819. Il a dessiné pour des ouvrages
sur l'histoire naturelle, et a collaboré au Botariical Maga-
zine et au Cynographia Britannica, puis s]est surtout
consacré au Botanical Register, fondé par lui.
EDWARDS (William-Frédéric), médecin et philosophe,
né à la Jamaïque en 1777, mort à Versailles le 23 juil.
1842. Reçu docteur à Paris en 1815, il se livra à des
travaux de physiologie qu'il présenta à l'Académie des
sciences et qui furent plusieurs fois récompensés. Les plus
importants de ces travaux sont réunis dans de r Influence
des agents physiques sur la vie (Paris, 1824, in-8).
Citons encore : des Caractères physiologiques des races
humaines (Paris, 1829, in-8) ; Recherches sur les
langues celtiques (Paris, 1844, in-8). Edwards^ était
membre de l'Académie de médecine et de l'Académie des
sciences morales et poHtiques. D^ L. Hn.
EDWARDS (Henri-Milne), célèbre zoologiste français,
frère du précédent, né à Bruges le 23 oct. 1800, mort à
Paris le 29 juil. 1885. Reçu docteur en médecine à Paris
en 1823, il se livra quelque temps à la pratique et publia
plusieurs ouvrages de vulgarisation médicale, puis par ses
Recherches anatomiques sur les Crustacés (Paris,
1828) inaugura sa carrière de naturaHste. En 1838, il
succéda à Cuvier à l'Académie des sciences, puis en 1841
obtint la chaire d'entomologie du Muséum, en 1843 celle
d'entomologie et de physiologie comparées à la Faculté des
sciences; en 1862, il succéda au Muséum à Geoffroy
Saint-Hilaire dans la chaire de zoologie et fut nommé, en
1864, directeur de cet établissement. En 1854, il fut élu
membre associé libre de l'Académie de médecine ; en 1861,
il obtint la croix de commandeur de la Légion d'honneur.
— Henri-Milne Edwards dirigea, depuis 1837, la partie
zoologique des Annales des sciences naturelles, qui
renferment une foule de mémoires de lui. Parmi ses ou-
vrages les plus importants, nous nous bornerons à signa-
ler : Eléments de zoologie, ou Leçons sur l'anatomie,
la physiologie, la classification, etc., des animaux
(Paris, 1834-35, en 4 part, in-8 ; nouv. éd. sous fe titre:
Cours élémentaire de zoologie, 1851, in-12, fig.);
Histoire naturelle des Crustacés, etc. (Paris, 1837-41,
3 vol. in-8, av. pi.) ; Histoire naturelle des Coralliaires
ou Polypes proprement dits (Paris, 1858-60, 3 vol.
in-8, av. pi.) ; Recherches pour servir a l'histoire des
Mammifères (Paris, 1868-74, 2 vol. in-4, texte et atlas) ;
il rédigea avec Deshayes Y Histoire naturelle des ani-
maux sans vertèbres deLamarck (Paris, 1836-45, 11 vol.
in-8). Son ouvrage le plus considérable, ses Leçons sur
la physiologie et Vanatomie comparées de l'homme
et des animaux (Paris, 1855-1884, 14 vol. in-8), n'a
été terminé que peu avant sa mort. — Milne Edwards le
premier a nettement exprimé le principe de la division du
travail physiologique et montré que cette division devait
être le critérium du degré de perfection de chaque espèce et
du rang qu'elle doit occuper dans l'échelle des êtres. Dans
son hitroduction à la zoologie générale (1853), il expose
ses idées sur le plan du monde animé et sur la création des
êtres ; il rejette comme trop hypothétique les doctrines mo-
dernes de l'évolution et du transformisme. D"^ L. Hn.
EDWARDS
— 586 —
BiBL. : Berthelot, Eloge de Milne Edwards, dans Ac.
des sciences^ déc. 1891.
EDWARDS (Lewis), théologien et publiciste gallois, né
en 4809, mort en 4887. Il appartenait à la secte des mé-
thodistes calvinistes, peu nombreux dans son pays. Il créa
et dirigea Bala Collège pendant cinquante ans. La plus im-
portante des revues écrites en gallois, Y Traethodydd ou
Tfie Essayiste fut fondée par lui, et il y inséra de remar-
quables études sur différents sujets littéraires et philoso-
phiques qui ont été réunies en deux volumes in-8 (4867).
Il est aussi le fondateur d'une feuille populaire, intitulée
Geiniogwerth (le Journal à deux sous). B.-H. G.
EDWARDS (Edward), publiciste et bibliographe anglais,
né en 4842, mort en 4886. Un écrit de lui sur le Britisfi
Muséum lui valut d'être désigné, avec John-Winter Jones,
Thomas Watts et Serjeant Parry, pour établir, sous la
direction de Panizzi, les bases du catalogue de la grande
bibliothèque londonienne. Il avait auparavant travaillé,
pour les propriétaires du procédé Collas en Angleterre, à
un grand ouvrage sur les sceaux anglais et sur les mé-
dailles frappées en France pendant le premier Empire.
Nommé, en 4850, bibliothécaire de la première Free Li-
brary^ qui venait d'être fondée à Manchester, il ne s'en-
tendit pas longtemps avec les directeurs et donna sa démis-
sion en d858. Il fut occupé pendant quelques années à
cataloguer la bibHothèque de Queen's Collège, à Oxford, et
passa le reste de sa vie à Niton, dans l'Ile de Wight, pour-
suivant jusqu'à la fin ses études bibliographiques. On lui
doit des travaux d'une grande valeur, tels que Memoirs of
Libraries (4859) avec son complément : Libraries and
their Founders (4865); une biographie de sir Walter
Raleigh (4865, 2 vol.) ; Chapters on the Biographical
History ofthe French Academy (4864), et Lives ofthe
Founders ofthe British Museujn (4870). B.-H. G.
EDWARDS (Henry-Sutherland), publiciste et littérateur
anglais contemporain, né à Londres en 4828. Envoyé comme
correspondant d'un journal au couronnement de l'empereur
Alexandre II, il fit un long séjour en Russie et publia
The Russians at home (Londres, 4858 ; nouv. éd., 4879).
Il y retourna, en qualité de correspondant du Times, à
l'époque de l'émancipation des serfs, puis assista à toutes
les péripéties de l'insurrection polonaise de 4863, dont il
a écrit une intéressante histoire intime : Private History
of a Polish insurrection (1865, 2 vol.). Pendant la
guerre de 4870-4874, il suivit toutes les opérations mili-
taires dans les camps allemands et en publia une relation
critique sous le titre de The Germans in France (4874).
A l'occasion de la guerre russo-turque, il exposa ses vues
sur la question d'Orient dans The Slavonian Provinces of
Turkey (4876). Grand connaisseur en musique, il publia
sur ce sujet plusieurs ouvrages de mérite : History ofthe
Opéra (4862, 2 vol.); Life of Rossini (4869); Rossini
and his school (4884); The Lyrical Brama; essays on
subjects, composers and exécutants of the modem
opéra (4884, 2 vol.). Il s'était encore fait connaître comme
romancier par les ouvrasjes suivants : The Three Louisas
(1866, 3 vol.); The Governor's daughter {iS6S, 2 vol.);
Matvina (i SU, 3 \ol). G. P-i,
EDWARDS (Amélia Blandford), romancière anglaise et
égyptologue distinguée, née à Londres en 4834. Elle dé-
buta très jeune dans les revues et les journaux, et son pre-
mier roman, My Brother's Wife, paru en 4855, obtint
du succès et fut suivi d'une douzaine d'autres, dont voici
les titres : Hand and Glove (4859) ; Barbara History
(4864) ; Half a Miltion of Money (4865) ; Bebenham's
Voiv (4869) ; In the Bays of my Youth (4873) ; Mon-
sieur Maurice (4873) ; Lord Brackenbury (4880). En
4865, elle publia un volume de Ballades^ puis en 4873 et
4877 deux livres de voyages, Untrodden Peaks and Un-
frequented Valleys et A Ihousand Miles up the Nile.
Miss AméUa Edwards mena une existence fort active ; en
4889, elle faisait dans les grandes villes des Etats-Unis
une série de conférences sur la terre des pharaons. Elle
fut une des fondatrices de la Société d'exploration égyp-
tienne (Egypt Exploration Fund) et écrivit de nom-
breux et intéressants articles sur ce sujet au journal The
Academy et à VEncyclopedia Britannica. Elle est, en
outre, membre de la Biblical Archeological Society, de
la Society for the Promotion of Hellenic Stndies, et
vice-présidente de la Bristol and West England Natio-
nal Society for Women's Suffrage. La plupart de ses
livres comptent plusieurs éditions et ont été traduits en
français, en allemand et en russe. Hector France.
EDWARDS (Alphonse Milne-), naturaliste français con-
temporain, fils de Henri-Milne Edwards, né à Paris le
43 oct. 4835. Docteur en médecine de la faculté de Paris
en 4860, docteur es sciences en 4864, il fut nommé aide-
naturahste au Muséum d'histoire naturelle en 4862, agrégé
de l'Ecole supérieure de pharmacie en 4864, professeur
titulaire de zoologie à ladite Ecole en 4865, directeur ad-
joint du laboratoire de zoologie de l'Ecole des hautes études
en 4869, et directeur en 4880, professeur de zoologie au
Muséum d'histoire naturelle en 4876, membre de l'Institut
en 4879, membre de l'Académie de médecine en 4885,
et enfin directeur du Muséum d'histoire naturelle en 4 892.
Ses premiers travaux se rapportent à la physiologie médi-
cale, ainsi : Influence de la proportion de phosphate de
chaux contenu dans les alimeîits sur la formation du
cal (4856) ; Etudes chimiques et physiologiques sur les
os (4860), etc. M. Alph. Milne-Edwards a publié depuis
une longue suite d'ouvrages et de mémoires consacrés à
l'anatomie des mammifères, à la zoologie en général et à
la paléontologie. Nous citerons les principaux : Recherches
anatomiques, zoologiques et paléontologiques sur la fa-
mille des chevrotains (4868) ; Observations sur quelques
points de V embryologie des lémuriens (4874) ; V\e-
cherches pour servir a l'histoire des mammifères {iÈ6S) ;
Recherches anatomiques et paléontologiques pour ser-
vir à l'histoire des oiseaux fossiles de la France
(4866-74). L'exploration des grandes profondeurs de la
mer, en ce qui concerne leur population zoologique, a été
l'objet de plusieurs missions dirigées par M. Alph. Milne-
Edwards de 4880 à 4883, missions dans lesquelles il a pu
explorer le golfe de Gascogne et l'océan Atlantique jus-
qu'au Sénégal, la Corse, etc. Des animaux variés ont été
capturés jusqu'à 5,000 m. et des centaines de formes nou-
velles sont venues s'intercaler entre des types que l'on
supposait fort distincts. L'auteur a déjà fait connaître
entre autres les modifications des organes des sens que
présentent les animaux des grandes profondeurs. Ajoutons
que ces campagnes de dragages sont en cours de publi-
tion sous le titre de Expéditions scientifiques du « Tra-
vailleur » et du « Talisman ». D^ A. Bureau.
EDWARDS (Miss Matilda-Barbara Betham), femme de
lettres anglaise, née à Westerfield (Suffolk) en 4836.
Elle a fourni aux journaux et magazines anglais un grand
nombre de romans qui ont eu un succès considérable et
dont quelques-uns ont été traduits en plusieurs langues.
Nous citerons parmi les plus connus : The White House by
the Sea, John and /, Boctor Jacob, Kitty, Love and
Mirage, etc. Dans d'autres genres, elle a publié : A Winter
with the Swallows in Algeria, A Year in Western
France, The Roof of France, des Poems et une édition
des Voyages en France d'Arthur Young (Londres, 4889).
EDWARDS (F.), journaliste français contemporain, né
à Constantinople le 40 juil. ^1856. Fils d'un riche financier
anglais établi en Orient et d'une mère française, il a fait
ses études à Paris, au lycée Bonaparte, et entra au Figaro,
en 4876, pour y inaugurer le grand reportage à la façon
américaine. En 4879, il passa au Gaulois comme reporter
en chef et fut ensuite, pendant plus de deux ans, secrétaire
de la rédaction du Clairon, dirigé par M. Cornély. Après
avoir fondé un journal anglais d'informations, The Morning
News, il a créé, en 4884, sur le même type, le Matin,
qui a conquis de suite une place importante, en raison de
l'originalité de sa conception et surtout à cause de ses
— 587 —
EDWARDS — EECKHOUT
articles de fond rédigés à tour de rôle par des journalistes
appartenant à tous les partis politiques, tels que MM. Jules
Simon, Cornély, Paul de Cassagnac, Jules Vallès, John
Lemoine, Emm. Arène, A. Ranc, H. Maret, J. Delafosse,
Ch. Laurent et le chroniqueur Aurélien Scholl. G. P-i.
EDWARSIA. I. Zoologie. — (Edwarsia Qmtveî^ges).
Genre de Zoanthaires constitué par de petites Actinies à seize
tentacules. Leur corps, plus ou moins claviforme, plus gros
en arrière qu'en avant, présente huit sillons longitudinaux
séparés par huit arêtes sur lesquelles se voit une rangée
de petites épines ; il est divisé en trois régions. Le segment
antérieur, sorte de petite tête, a des téguments délicats et
porte les tentacules. Le moyen, ou tronc, est protégé par
une enveloppe de nature chitinoïde. Enfin , la région pos-
térieure, ou vésicule terminale, est plus renflée, trans-
parente et rétractile ; elle est dépourvue de pore. La larve
est le calliphobe Busch. — Il y a trois espèces : VE. Cla-
paredii (Vmo-.) Andr. présente des tentacules de 1 centim.
de long, tachetés ; la tête, jaune-rouge, montre huit points
blancs jaunâtres et des sillons vers son extrémité posté-
rieure ; le corps, qui peut atteindre 6 centim., est d'un
jaune sale, et la vésicule postérieure est très déhcate. Cette
espèce se trouve dans la Méditerranée, dans le sable, le
creux des rochers, sur les zostères, etc. J. Kunstler.
II. Botanique. — Genre de Légumineuses-Papilio-
nacées, établi par Salisbury pour certaines espèces de
Sophora (V. ce mot) qui ont l'étendard plus court que
la carène et les gousses parcourues par quatre ailes longi-
tudinales. VE. grandiflora Salisb. (Sophora tetraptera
Willd.) est un arbuste de la Nouvelle-Zélande que l'on
cultive fréquemment dans les orangeries pour ses belles et
grandes fleurs jaunes, disposées en grappes pendantes.
EDWIN, roi de Northumbrie, né vers 585, mort en 633.
Fils de OElla, roi de Deira, il fut chassé de ses Etats pendant
son enfance par le roi de Bernicie et trouva un refuge chez
le roi de Mercie, puis chez celui d'Est Anglie, Radwald,
qui refusa de le livrer aux Berniciens, et, à la suite de vic-
toires décisives sur ceux-ci, lui restitua même son royaume.
Edwin réunit le Deira à la Bernicie sous son sceptre, avec
York comme capitale. Il s'étendit ensuite dans toutes les
directions ; il s'annexa l'Ecosse jusqu'à Edimbourg ; il en-
leva aux Bretons le West Riding de Yorkshire ; après la
mort de Radwald, il exerça sa souveraineté sur l'Est An-
glie. En 625, il épousa Aethelborh, fille d'Aethelbert, le
premier roi chrétien de Kent. La reine amena à sa suite à
la cour d'York des missionnaires chrétiens, entre autres
Paulinus, évêque. Edwin promit de se convertir à la reli-
gion du Christ si celui-ci lui donnait la victoire dans sa
guerre contre le roi des Saxons de l'Ouest. Il fut vainqueur
et devint ainsi souverain de toute l'Angleterre, le Kent
excepté, où régnait son beau-père : Bède le compte, dans
sa Chronique, comme le cinquième des princes (qu'il appelle
Bretwalda) qui ont exercé une suprématie effective sur
tous les autres rois de l'île. Il reçut le baptême des mains
de Paulinus, le premier archevêque d'York, et fit détruire,
avec l'assentiment de son luitan, les temples des anciens
dieux. L'empire d'Edwin se convertit presque tout entier
(sauf la Bernicie) à son exemple. Mais le roi païen de Mer-
cie, Penda, se posa en champion des vieilles divinités per-
sécutées : la grande bataille d'Heathfield (près de Doncaster)
fut désastreuse pour les chrétiens. Edwin fut tué avec son
fils aîné; son empire fut dissous; le christianisme disparut
pour longtemps du royaume du Nord (42oct. 633). Le roi
martyr, dont Bède le Vénérable fait le plus grand éloge,
est honoré par l'Eglise le 4 oct. (V. les Acta sanctorum
des Bollandistes, VP vol. d'oct., p. 108). Ch.-V. L.
EDWIN (Sir Ilumphrey), lord-maire de Londres, né à
Ilereforden 4642, mort le 14 déc. 1707. Riche marchand
de laine, il fut nommé alderman de la Tour le 11 oct.
1687 et la même année sherifl* du Glamorganshire. En
1688, il devenait sheriff de Londres et Middlesex ; en 1689,
commissaire de l'excise, et était élu lord-maire le 30 sept.
1697. Il présida, en cette qualité, à la magnifique entrée
de Guillaume III de retour en Angleterre après le traité de
Ryswick. D'opinions non conformistes, Edwin eut de reten-
tissants démêlés avec l'Eglise d'Angleterre, et ces querelles
donnèrent Heu à une infinité de pamphlets où se distin-
guèrent Swift (Taie ofa Tub) et de Foe (An Enquirij into
the occasional conformity of Dissenters in cases of
prefermcnt, etc.). R« S.
EDWY, roi des Anglo-Saxons, mort en 955. Il succéda
à son oncle Edred (V. ce nom) à 1 âge de quinze ans en-
viron, en 955. On le surnomma le Beau. Le jour de son
couronnement, il quitta la salle du banquet pour aller avec
des femmes : il fallut que saint Dunstan le ramenât près
de ses hôtes en le tirant par l'oreille. A l'instigation de
l'une des femmes en question, Dunstan fut banni et Edwy
épousa une certaine Aelfgifu. Le gouvernement alla à la
dérive. Il y eut en 957 une insurrection de la Mercie
et de la Northumbrie qui se termina par un compromis.
Edwy dut se séparer de sa femme et se contenter du pays
situé au S. de la Tamise; le Nord fut régi désormais par
Edgar, frère cadet du roi. Celui-ci mourut le 9 oct. 959,
sans enfants, et fut enterré à Winchester. Les chroniqueurs
monastiques du parti de Dunstan ont naturellenent maltraité
sa mémoire; mais Henry de Huntingdon, qui est souvent
l'écho d'anciennes traditions populaires saxonnes, parle de
lui avec attendrissement. Ch.-V. L.
EDZARD (Esdras),hébraïsant allemand, né à Hambourg
le 26 juin 1629, mort le 2 janv. 1708. H acquit à Leip-
zig, à Bâle et à Strasbourg, entre les années 1647 et
1655, une grande connaissance de l'hébreu et d'autres
langues orientales. Sa fortune lui permit de vivre indé-
pendant à Hambourg ; il y enseignait d'une manière toute
privée l'hébreu, et un grand nombre d'étudiants séjour-
nèrent à Hambourg uniquement pour le fréquenter. Au
dernier tiers du xvii® siècle, la plupart des chaires de
langues orientales étaient occupées par des élèves d'Edzard.
De là sa renommée ; il n'a publié que quelques opuscules
de controverse ; il considérait comme le but de sa vie la
conversion des Juifs. F. -H. K.
BiBL. : C.-W. Gleiss, Esdr. Edzard ; Hambourg, 1871,
2o éd. — D'- H. RiNN, Der Hamburger Judenfreund Esdr.
Edzard, dans Nathanaël ; Karlsrulie, 1886, pp. 05 et suiv.
EECKE. Com. du dép. du Nord, arr. de Hazebrouck,
cant. de Steenvoorde; 1,'172 hab.
EECKEREN. Com. de Belgique, prov. et arr. d'Anvers ;
5,000 hab. Stat. du ch. de fer d'Anvers à Rotterdam.
Fabriques de chicorée; tanneries, moulins à huile et à
farine. Le 30 juin 1703, le maréchal de Boufflers défit à
Eeckeren une armée hollandaise commandée par le général
Obdam .
EECKHOUT (Gerbrand Van den), peintre et graveur
hollandais, né à Amsterdam le 19 août 1621, mort le
22 sept. 1674. Pour les admirateurs passionnés des élé-
gances itahennes, Van den Eeckhout est un maître dont
l'idéal indulgent a fait trop bon accueil aux formes vulgaires
et qui ne s'est pas suffisamment défendu contre l'invasion
de la laideur ; mais pour ceux qui tiennent compte de l'his-
toire et qui acceptent le génie hollandais, ce peintre, au
pinceau résolu, aux colorations chaleureuses, sera toujours
un des meilleures élèves de Rembrandt, un de ceux qui ont i
le mieux appliqué ses méthodes. Fils d'un orfèvre d'Ams-
terdam, il entra jeune dans l'atelier de Rembrandt, et il fut
toujours fidèle aux leçons de son maître. Il lui emprunte sa
manière de peindre et sa façon de penser ; il lui prend non
seulement sa couleur, mais ses types et le bizarre orienta-
lisme de ses costumes, quand il raconte des scènes bibliques,
sorte de sujets qu'il a traités avec une véritable prédilec-
tion. Van den Eeckhout a peint aussi des portraits, dans
lesquels le sentiment moral n'est pas creusé très profond
et qui ne donnent que l'aspect physique du personnage,
mais où l'exécution, la force du pinceau et la manière
d'éclairer les chairs révèlent un artiste tellement conquis
par Rembrandt qu'il va jusqu'à abdiquer sa personnalité.
Van den Eeckhout a fait de grands tableaux, parfois un
EECKHOUT — EËTION
- 588 -
peu lâchés et sans style, et aussi de petites peintures oh
la forme est étudiée de plus près et où les tètes sont sou-
vent touchées avec esprit. Volontiers ses colorations sont
brunes ou fauves ; elles s'enveloppent de lumières am-
brées et se relèvent cà et là de beaux rouges rompus et ra-
battus au bénéfice de l'harmonie générale. Les tableaux de
Van den Eeckhout ne sont pas rares, et nous en rencontrons
dans presque tous les musées. Le Louvre ])0SSQàe Anne con-
sacrant son fils au Seigneur ; on voit de Van den Eeckhout
à Amsterdam la Femme adultère, qui appartient à sa ma-
nière la plus soignée, et un Chasseur au repos; à La Haye,
r Adoration des Mages; à Rotterdam, Ruth et Booz
(1655), Balaam, un portrait d'enfant (contesté parBur-
ger); Berlin expose une Présentation de Jésus au temple
et un Mercure tuant Argus (4666); Munich a Jésus
parmi les docteurs (1662), Abraham chassant Agar,
Isaac bénissant Jacob. L'Ermitage est plus riche encore :
nous y trouvons Crésus montrant ses trésors, Quatre
Enfants dans un parc (iQli), le Savant, les Deux Offi-
ciers (1655) et la Famille de Darius (1662), curieux
tableaux où l'on voit, comme dans la Continence de Sci-
pion du musée de Lille (1679), quelle conception Van den
Eeckhout s'était faite de l'antiquité. Dans ces compositions
à base historique, le dédain de la couleur locale et du
costume est poussé jusqu'à l'impertinence. De loin, les
peintures de Van den Eeckhout font illusion : on croirait
voir des Rembrandt; mais, quand on les examine avec plus
d'attention, on s'aperçoit bien vite qu'il y manque l'émo-
tion personnelle, le sentiment et le mystère que le grand
maître a seul connus. P. Mantz.
BiBL. : W. BuRGER, les Musées de la Hollande, 1858-
1860. — VosMAER, Rembrandt, sa vie et ses œuvres, 1877.
— Havard, Peinture hollandaise, 1882.
EECKHOUT (Jacques-Joseph), peintre flamand, né à
Anvers en 1793, mort à Paris en 1861. Artiste d'une
école en pleine décadence, Eeckhout se forma à l'Académie
d'Anvers. En 1831, il s'établit à La Haye et plus tard il
fut nommé directeur de l'Académie de cette ville où l'on
avait oublié Tart de peindre (1839). Revenu en Belgique
en 1844, il habita Mahnes et Bruxelles. En 1859, il se
fixa à Paris. Il peignait le portrait, le genre, le tableau à
costumes. On voit de lui au musée de Gand le Jeu d'échecs
qui remporta le prix au concours de 1823, et à Amsterdam
le Mariage de Jacqueline de Bavière, signé et daté 1839.
Eeckhout a vécu dans un moment douloureux pour l'école
flamande et sa peinture sans caractère se ressent de l'heure
néfaste où elle a été faite. P. M.
BiBL. : SuNAERT, CataloQue du musée de Gand, 1870.
EECLOO. Ville de Belgique, ch.-l. d'arr. de la Flandre
orientale, sur la Lieve; 11,600 hab. Stat. du ch. de fer de
Bruges à Gand. Fabriques de tissus et de toiles, amidon-
neries, distilleries, commerce agricole très important. Les
armoiries d'Eecloo sont : d'argent à un rinceau de
chêne de sinople glandé de 7nême et posé en orle
autour de Vécusson de Flandre. Eecloo a donné le jour
au célèbre poète flamand Ch, Ledeganck.
EEKHOUD (Georges), littérateur belge, né à Anvers en
1854. Il débuta comme critique littéraire au Précurseur
d'Anvers, puis à V Etoile belge et publia dès 1877 un
recueil de poésies. Myrtes et Cyprès; vinrent ensuite les
Zigzags poétiques elles Pittoresques (187 9). Ces œuvres
brillent par la couleur et le souffle, mais on y remarque un
excès de néologisme et des négligences de style fort re-
grettables. Eekhoud a fait preuve d'un réel talent d'obser-
vation et de description dans ses romans Kees Doorik et
les Kermesses (1884), études sur les mœurs des campagnes
flamandes, et dans la Nouvelle Carthage, tableau peu flatté
de l'Anvers bourgeois et enrichi. Tandis que la plupart
des auteurs belges s'évertuent à imiter servilement les ro-
manciers français, Eekhoud a su rester vraiment original
et personnel.
EELKAMA (Eelke-J elles), peintre hollandais, né à Leu-
warden le 8 juil. 1788, mort le 27 nov. 1839. Devenu
sourd et muet à la suite d'une maladie, il entra à sept ans
à l'école des sourds-muets de Groningue, puis reçut des
leçons de dessin du peintre G. de San, et obtint du roi de
Hollande, qui l'avait remarqué dans une visite à l'Institut
des sourds et muets, une pension pour aller continuer ses
études à Paris. Il y resta quatre ans, visita la Suisse et le
N. de l'Italie, séjourna à Turin et revint se fixer à
Leuwarden, où il a laissé des paysages et des tableaux
de fleurs.
EEM. Rivière navigable des Pays-Bas, prov. d'Utrecht.
Elle est formée de plusieurs ruisseaux et se jette non loin
de Naarden, dans le Zuyderzée.
EEN DRAC HT. Bras de l'Escaut, entre lesprov. de Zélande
et Brabant septentrional.
EEN EN S (Alexis-Michel), général et historien belge, né
à Bruxelles en 1805, mort à Schaerbeek en 1883. Il entra
comme oflîcier d'artillerie dans l'armée hollandaise, se rallia
au gouvernement belge en 1831, se distingua à la bataille
de Louvain et contribua puissamment à faire échouer les
complots orangistes ourdis par plusieurs chefs de l'armée.
Il parcourut rapidement tous les grades et devint lieutenant
général aide de camp du roi. Elu en 1847 représentant de
Bruxelles, il siégea dans les rangs de la gauche et se dis-
tingua par la haute compétence dont il fit preuve dans la
discussion des questions militaires. Admis à la retraite en
1870,Eenens consacra ses loisirs à la rédaction d'un grand
ouvrage intitulé les Conspirations militaires de 18SI.
Il voulait, disait-il, laver le stigmate de honte que les évé-
nements des premiers mois de 1831 et la défaite du mois
d'août de la même année avaient imprimé à la nation belge.
Les faits sont exposés avec sincérité et conscience, mais
les jugements manquent peut-être d'équité. L'auteur ne
fait pas assez la part des circonstances, de l'état troublé
de la société belge en 1830, de la difficulté avec laquelle
beaucoup d'officiers honnêtes pouvaient alors discerner la
vraie voie à suivre. D'autre part, son livre avait le grand
tort de réveiller des souvenirs douloureux qui, pour la
masse indifférente, se perdaient dans la nuit de l'oubli, et
de jeter ainsi, aux quatre vents de la publicité, la défaveur
sur des noms très honorablement portés aujourd'hui par
les fils des personnages incriminés. Les Conspirations
militaires de iSSJ donnèrent lieu à une polémique des
plus violentes, tant en Hollande qu'en Belgique, et le roi
des Belges, fort mécontent de tout ce bruit, révoqua Eenens
de ses fonctions d'aide de camp. On trouvera la nomencla-
ture de tous les mémoires publiés à cette occasion dans de
Koninck, Bibliographie nationale, t. Il, pp. 4-5. E. H.
EERENS (Dominique -Jacques de), homme de guerre
hollandais, né à Alkmaar le 17 mars 1781, mort à Bui-
tenzorg le 30 mai 1840. Il s'engagea de bonne heure dans
l'armée, prit part aux campagnes de 1800 et 1801 et fut
nommé lieutenant sur le champ de bataille. Plus tard, il
devint aide de camp du roi Louis et suivit Napoléon dans
les campagnes de Prusse, d'Espagne, de Russie et de
France. En 1814, il était colonel d'état-major; il rentra
alors dans l'armée du royaume des Pays-Bas et devint lieu-
tenant général. Le roi Guillaume l'appela en 1834 au poste
de gouverneur général des Indes : de Eerens rendit les ser-
vices les plus signalés ; il fit régner l'ordre le plus parfait
dans l'administration et les finances, maintint les princes
vassaux dans le devoir, aplanit très habilement des litiges
pendants avec l'Angleterre, enfin, il créa de nombreuses
écoles, fit dresser les premières bonnes cartes de Java et
favorisa de tout son pouvoir l'étude des sciences naturelles
en subventionnant des explorateurs distingués. E. H.
EETION (Mythol.). Ce nom a été porté par plusieurs
personnages légendaires de la Grèce ancienne. Le plus
connu est le roi de Thébé en CiUcie, tué par Achille avec
ses sept fils dans une des expéditions, qui préludèrent au
siège de Troie. Il était le père d'Andromaque, femme
d'Hector, d'où le nom d'Eetione que porte quelquefois
cette dernière ; sa femme, ravie par Achille, fut délivrée
moyennant une forte rançon, mais périt sous les coups
d'Artémis. Parmi le butin remporté de Thébé par Achille
figuraient un énorme disque en airain qui fut donné en prix
aux jeux funèbres en l'honneur de Patrocle, le cheval
Pedasus dont parle également Homère, et une lyre d'ar-
gent. Achille honora son ennemi vaincu en le brûlant avec
toutes ses armes et en lui élevant de ses mains un tom-
beau. J.-A. H.
EFAT. Ile de la côte 0. d'Afrique, dans le golfe d'Aden;
elle fut vendue en 1858 aux Anglais par le sultan de
Zeila. On y a signalé des gisements de guano. Elle est
inhabitée.
EFAT (Ile) (V. Nouvelles-Hébrides).
EFEN bl et non Effendi comme on a coutume de l'écrire.
Mot turc qui signifie maître^ seigneur et est corrompu
du grec âuOsvrr]?. Il s'emploie comme titre après un nom
de personne, mais seulement quand il s'applique à un
fonctionnaire civil, les titres à'agha et de bey étant spé-
cialement réservés aux fonctionnaires militaires. Le plus
souvent ce mot sert à désigner les gens de lettres et les
magistrats.
EFERDING. Ville d'Autriche, prov. de Haute-Autriche,
près de Wels, dans la vallée du Danube; 2,409 hab. Belle
éghse gothique du xv® siècle, avec tombeaux des familles
Schaumburg et Starhemberg. Château des Starhemberg.
Ancien hôtel de ville. C'est une vieille ville dont il est
question dans les Niebeluîigen,
EFFACÉ (Dessin). Ligne ou modelé auquel Tartiste a
renoncé et qu'il a enlevé à l'aide d'un procédé quelconque.
On lui donne quelquefois encore le nom caractéristique de
repentir. Souvent aussi l'effacement d'un dessin est pro-
duit par son ancienneté même, le peu de sohdité du fusain
ou du crayon qui a servi à l'exécuter.
EFFANAGE DU blé (Agric). Cette opération, encore dé-
signée sous le nom à'épamprement, consiste à couper ou
à enlever, en avril ou en mai, alors que l'épi n'est pas en-
core sorti, les extrémités des feuilles ou fanes des céréales
dont la végétation est trop exhubérante et qui, de ce fait,
seraient exposées à la verse (V. ce mot). L'effanage peut
être appliqué à toutes les céréales, mais c'est surtout sur
les blés qu'on le pratique le plus habituellement. Par cette
opération, la vitaUté de la plante se trouve ralentie et le but
poursuivi est atteint, si l'opération a été bien conduite.
On l'exécute de deux manières : d'abord avec la dent
des moutons, puis à l'aide d'un instrument tranchant. En
faisant passer les moutons au sortir de l'hiver sur les blés
trop forts, on retarde la végétation, on évite la verse, on
favorise le tallage et, de plus, le sol se trouve affermi par
le piétinement des animaux et engraissé par leurs déjec-
tions. Néanmoins, on préfère appliquer aujourd'hui les
instruments tranchants, faux ou faucille, qu'on dirige plus
facilement. Avec la faux, qui est de beaucoup le moyen le
plus expéditif, l'ouvrier déplace la poignée de celle-ci en la
rapprochant de la lame de manière à équilibrer l'instrument
à la hauteur voulue, après quoi il fauche franchement en
inclinant un tant soit peu le tranchant de la lame vers le
haut. Un faucheur peut exécuter ainsi 45 à 50 ares par
jour. Mais il est de première importance de ne pas effaner
trop tard et surtout de ne pas couper trop haut, autrement
toute la récolte serait compromise. Lorsque les tiges ont
environ le tiers de leur développement, c.-à-d. lorsque
le germe, encore renfermé dans la partie inférieure de la
tige, se trouve à 15 ou 18 centim. de terre : en coupant
à 4 ou 5 centim. au-dessus, on ne court aucun risque. L'ef-
fanage, tout en empêchant la verse, a en outre l'avantage
de supprimer les seigles et les orges qui peuvent se trouver
dans le champ de blé et qui ont déjà épié au moment où
on le pratique ; de plus, la suppression des fanes supé-
rieures permet aux tiges de se développer plus rapidement
et de mieux profiter de l'air et de la lumière ; la récolte
en profite comme quantité et comme quahté. — Les effa-
nines ou fanes supérieures, mises en tas, peuvent être
données comme nourriture au bétail; elles constituent même
un excellent fourrage vert. Alb. Larbalétrier.
EFFECTIF MILITAIRE. C'est le nombre de mihtaires
— 589 — EETION — EFFET
de tous grades composant un corps de troupes. On distingue :
1<* l'effectif complet qui est fixé par la loi pour le pied de
paix et pour le pied de guerre ; 2^ l'effectif moyen annuel
qui est fixé tous les ans par la loi du budget ; 3° l'effectif
total journalier comprenant pour chaque corps les présents
et les absents ; 4° l'effectif présent qui se compose de tous
les hommes disponibles pour le service et prêts à marcher.
La loi du 13 mars d875 a fixé l'effectif des régiments et
corps de chaque arme ; mais d'assez nombreuses modifica-
tions lui ont été successivement apportées, notamment en
ce qui concerne l'infanterie, l'artillerie et le génie.
EFFERVESCENCE (Chim.). Phénomène physique qui
consiste dans un dégagement gazeux plus ou moins tumul-
tueux. Tel est le cas d'un acide qu'on verse sur les pierres
calcaires, de certaines eaux qui bouillonnent en arrivant
au contact de l'air, par suite d'un dégagement de gaz car-
bonique, retenu jusque-là en dissolution par la pression.
L'effervescence peut être due à d'autres gaz que l'acide car-
bonique : on l'observa parfois dans la préparation du chlo-
roforme, lorsqu'il se produit un vif dégagement d'oxygène ;
dans certaines fermentations, par exemple lorsque les sucs
sucrés dégagent brusquement des vapeurs nitreuses, etc.
EFFET. I. Philosophie (V. Cause).
II. Mécanique. — I. Effet d'une force. — Quelle que
soit l'idée métaphysique adoptée au sujet de la nature des
forces, leur étude se réduit, dans le domaine de la mécanique,
à celle de leurs effets qui, seuls, nous sont directement
connus. Le cas le plus simple est celui d'un corps de dimen-
sions négligeables (point matériel), entièrement libre dans
l'espace et soumis à l'action d'une force unique. Si la force
n'existait pas, le point matériel devrait, en vertu du prin-
cipe de l'inertie, rester perpétuellement en repos ou se
mouvoir avec une vitesse rectiligne et uniforme. V effet de
la force se traduit par une modification de cet état de repos
ou de mouvement. Soient v et v-i-dv les grandeurs géo-
métriques qui représentent les vitesses au bout des temps t
et t-j- dt, La grandeur dv qui, composée avec v^ donne
v-h dv^ est, par définition, la vitesse acquise élémen-
taire pendant le temps dt; c'est elle qu'on prend pour
mesure de l'effet de la force pendant le même temps. La
dv
grandeur géométrique -rr est V accélération totale due à
la force. Ceci posé, on admet que l'effet d'une même force
agissant pendant le même temps dt sur un même point ma-
tériel est indépendant de l'état de repos ou de mouvement
et se traduit toujours par la même vitesse acquise élémen-
taire dv : c'est ce que l'on appelle le principe de Vindé-
pendance des effets d'une force et du mouvement an-
térieurement acquis. Considérons maintenant plusieurs
forces agissant simultanément sur un même point matériel.
Chacune d'elles, agissant isolément, produirait dans le
temps dt une vitesse élémentaire dv. On admet que, dans
l'action simultanée, la vitesse acquise élémentaire est la
résultante géométrique de toutes ces vitesses partielles :
c'est le principe de r indépendance des effets des forces
agissant simultanément sur un point matériel. Ces
deux principes, joints à celui de l'inertie et à celui de l'éga-
lité entre l'action et la réaction, forment les quatre postu-
lata de la mécanique rationnelle.
II. Effet utile. — Dans une machine quelconque, le travail
moteur est égal au travail résistant, mais celui-ci est ab-
sorbé en partie par les résistances passives de toute nature
(frottements, chocs, etc.). Le reste constitue le travail utile.
Le rapport entre le travail utile et le travail résistant me-
sure Veffet utile de la machine. L'effet utile porte aussi
le nom de rendement (V. ce mot). L. Lecornu.
III. Effet de billard (V. Billard).
III. Physique. — Effet Peltier (V. Phénomène de
Peltier).
Effet Thomson (V. Phénomène de Thomson).
IV. Jurisprudence. — Effet rétroactif (V. Loi).
V. Peinture. — Impression donnée aux yeux et à
EFFET - EFFETS
590 -
l'esprit par l'ensemble des lignes, des formes, et surtout du
clair-obscur et du coloris, dans un tableau. Cette impres-
sion, acceptée d'une façon presque inconsciente par le
spectateur, l'artiste doit aisément en comprendre et en
faire jouer tous les éléments divers. Ce terme s'emploie le
plus généralement, dans une acception plus restreinte, pour
désigner le jeu du clair-obscur dans une composition ; c'est
dans ce sens ([u' on dit mettre un dessin à l'effet. Le Cara-
vage, Valentin, et par-dessus tous Ribera et Rembrandt ont
produit des tableaux saisissants d'effet. Certains artistes,
épris de cette manière de composer, se sont adonnés d'une
manière exclusive aux effets de nuit éclairés parla lune, aux
effets de lumière factice, etc. Mais indépendamment de cette
acception, la plus fréquemment employée, il en est d'autres
qui doivent être précisées. Un dessin peut avoir un effet très
puissant, dans un éclairage calme et diffus, lorsque les
contours sont indiqués avec fermeté et simplicité; cette
impression, que donnent souvent les anciennes fresques,
se retrouve plus particulièrement dan^ les travaux de Michel-
Ange. L'effet dans le coloris consiste à grouper les tons
selon la loi des complémentaires, à les soutenir les uns par
les autres, ou à les faire contraster en oppositions violentes ;
les ouvrages d'Eug. Delacroix, et particulièrement le plafond
de la galerie d'Apollon au Louvre, offrent de remarquables
exemples de cette conception artistique. ^ Ad. T.
VI. Musique. — Le mot effet a, musicalement, deux
sens principaux : un sens esthétique, lorsque le terme
s'applique à des passages écrits en vue de produire une
vive impression sur l'auditeur (effet vocal, effet instrumen-
tal, effets de rythme, de sonorité, de timbres, etc.), et un
sens technique, relatif à la différence qu'il y a souvent
entre la réalité des sons écrits et la notation employée pour
les écrire. Par exemple, la partie de contrebasse est géné-
ralement écrite une octave au-dessus de sa hauteur vraie :
on dit alors que l'effet réel ou simplement l'effet est une
octave plus bas. Les instruments Iranspositeurs, tels que
le cor anglais, les clarinettes autres que la clarinette en
ut, les cors et trompettes qui ne sont point non plus dans
ce ton, et la plupart des instruments de musique militaire,
supposent un eff'et différent de la note écrite . Si un mor-
ceau est écrit dans le ton de mi bémol, la partie de clari-
nette en si bémol sera écrite sur une portée munie d'un
bémol unique, c-à-d. paraîtra écrite en fa, et l'effet sera
réellement un ton plus bas que les notes marquées. Dans
le cor anglais, l'effet est plus grave d'une quinte que la
note écrite. Alfred Ernst.
EFFETS. I. Administration militaire (V. Habille-
ment, Equipement).
ÎI. Droit civil. — Effets mobiliers. — Les biens se
distinguent en meubles et en immeubles ; les meubles comme
les immeubles sont ou corporels ou incorporels (V. Bien). Ce
sont les seules expressions juridiques employées pour dé-
signer ces deux catégories de biens qui aient de la précision.
En ce qui concerne les biens meubles, corporels ou incor-
porels, on fait souvent usage dans le langage courant,
pour spécifier certaines espèces ou catégories de meubles,
d'expressions équivalentes dont la valeur juridique, quand
on les rencontre dans les actes, n'est pas toujours facile à
déterminer. Telle est entre autres celle (T effets mobiliers.
Le législateur de 1804 avait espéré prévenir toutes les
difficultés qui s'étaient présentées dans Tancien droit en
en déterminant le sens légal. L'art. 535 du C. civ. porte :
L'expression biens meubles, celle de mobilier ou d'effets
mobiliers comprennent généralement tout ce qui est censé
meuble...; en d'autres termes ces mots comprennent tout
ce qui n'est pas immeuble par nature ou par destination.
Cette idée de définir législativement le sens des mots mo-
bilier et effets mobiliers n'était pas heureuse ; elle était,
de plus, dangereuse, car elle n'est pas d'accord avec le lan-
gage usuel qui lui-même attache à ces mots une valeur
variable. Quoi qu'il en soit d'ailleurs de ce que ces mots
offrent de sens vague à l'esprit, il est au moins certain,
comme le dit Laurent, que dans le langage usuel on n'en-
tend pas par là l'argent comptant, bien moins encore les
créances, rentes, obligations et actions. Le rédacteur
de l'art. 535 n'a pas réfléchi qu'en pareil cas l'accep-
tion en usage ici ou là primerait fatalement l'acception
contraire qui froisse la notion commune des mots, et
que les personnes qui auraient à les employer leur conser-
veraient instinctivement une valeur différente de celle que
la loi a voulu leur donner. Interpréter les actes d'après la
définition légale serait donc, en pareille occurence, fausser la
volonté des parties ; aussi enseigne-t-on généralement que
les tribunaux saisis de difficultés élevées sur l'étendue d'une
disposition relative à du mobilier ou à des effets mobi-
liers, doivent s'attacher plutôt à rechercher quelle a dû être
la véritable intention des parties, qu'à la définition légale.
C'est plus particulièrement en matière de libéralités testa-
mentaires que les cas douteux se présentent. Pour en citer
quelques exemples, la jurisprudence a décidé : que le mot
meubles précédant effets mobiliers n'a été employé qu'en
vue de restreindre le sens général et absolu que l'art. 535
donne à ces dernières expressions ; que le legs de tous les
meubles et effets mobiliers, or, argent monnayé, provi-
sions et denrées, peut, par une interprétation de la volonté
résultant de la combinaison des dispositions d'un testa-
ment, être considéré comme excluant les rentes consti-
tuées ; que le legs de tous les effets mobiliers généralement
quelconques que le testateur laissera dans sa maison, ne
comprend pas les titres de créances ou valeurs industrielles,
ni les rentes ou fermages. C'est donc seulement lorsqu'il
n'y a pas de preuve de l'intention contraire du testateur
que l'on devra décider que les mots meubles et effets mobi-
liers comprennent tout ce qui est censé meuble aux termes
de l'art. 535 du C. civ.
Le législateur a employé l'expression effets mobiliers dans
diverses autres circonstances où il lui a donné le même sens
général (art. 948) ; il en est d'autres où l'on pouvait se
demander s'il avait lui-même voulu être aussi compréhensif
qu'il l'avait été dans l'art. 535 ; c'est le cas, notamment,
de l'art. 2102, § 4, qui confère un privilège au vendeur
d'effets mobiliers non payés sur le prix de ces mêmes
objets. Il ne s'agissait plus ici d'interpréter un contrat
d'après l'intention présumable des parties, mais la vo-
lonté même du législateur. L'opinion généralement admise
aujourd'hui est que l'expression en question a le même
sens dans l'art. 2102 que dans l'art. 535, et qu'il faut y
comprendre les choses incorporelles, créances, actions,
obligations, cessions d'offices. Il eût en eff'et été au moins
bizarre que le législateur, qui avait pris le soin de fixer le
sens des mots (?^t'^cSmo/?i/i(?r5 par une disposition expresse,
lui eût attribué une valeur restrictive dans une des cir-
constances où il avait eu occasion de les employer.
La raison de douter est que, lorsqu'il s'occupe de la vente
des effets mobiliers, il fait une distinction, en ce qui con-
cerne la délivrance des effets mobiliers, entre les effets
mobiliers proprement dits et les droits incorporels. En effet,
la propriété des effets mobiliers se transfère par le seul
effet des conventions aussi bien que celle des immeubles.
Mais la vente des effets mobiliers comporte une formalité
complémentaire, la délivrance ou tradition qui est effec-
tive, manuelle en quelque sorte, quand elle s'applique aux
meubles, tandis qu'elle n'est que fictive pour les immeubles.
Le vendeur est obligé de délivrer la chose à l'acheteur
(C. civ., art. 1603). Cette délivrance est le transport de
la chose en sa puissance et possession ; elle s'effectue, pour
les effets mobiliers, ou par la tradition réelle, ou par la
remise des clefs des bâtiments qui la contiennent, ou même
par le seul consentement des parties, si le transport ne
peut pas s'en faire au moment de la vente, ou si l'acheteur
les avait déjà en son pouvoir à un autre titre. S'il s'agit
de droits incorporels, la tradition se fait par la remise des
titres ou par l'usage qu'en fait l'acquéreur du consentement
du vendeur (art. 1606 et 1607). La délivrance s'effectue
au lieu où la chose se trouve au moment de la vente, à
moins que le vendeur ne soit obligé de la livrer au demi-
— o91 —
EFFETS
cile de l'acheteur, ou d'un tiers désigné, ou en tout autre
endroit déterminé. La délivrance a pour but de mettre
l'acheteur à même de prendre possession, de se saisir de la
chose ; les frais en sont à la charge du vendeur. Mais, cela
fait, il reste encore quelque chose à accomplir pour l'acqué-
reur, c'est la prise de possession de l'effet mobilier dont il
est désormais propriétaire ; elle est à sa disposition ; il faut
qu'il s'en saisisse, qu'il V enlève, qu'il la retire. En ce qui
touche cet acte terminal de la vente, la différence que nous
venons de constater pour la délivrance entre les effets mo-
biliers et les droits incorporels se retrouve dans le mode
de prise de possession par l'acquéreur. Pour les effets mo-
biliers, l'appréhension est matérielle, manuelle, en quelque
sorte, si les effets sont sur place. S'il s'agit de marchan-
dises à transporter d'une place à une autre, la livraison
se fait soit au point de départ, soit au point d'arrivée et, si
l'on emploie un intermédiaire pour effectuer le transport,
cet intermédiaire, ce voitiirier^ suivant la qualifica-
tion juridique sous laquelle on désigne tous les entrepre-
neurs de transports, est l'agent, le représentant du vendeur
ou de l'acheteur suivant que la délivrance est faite au point
de départ ou au point d'arrivée, ou qu'à l'inverse le reti-
rement doit avoir lieu à l'un ou à l'autre de ces points; c'est
à lui, suivant les mêmes distinctions, que les frais de trans-
port sont payés par l'acheteur ou le vendeur. — Pour les
créances autres que celles consistant en valeurs au porteur,
l'acquéreur n'est valablement saisi, à regard des tiers,
que par la signification au débiteur cédé, s'il s'agit de
créances sur particuliers, ou par la constatation sur les
registres du débiteur, s'il s'agit de titres nominatifs, rentes
sur l'Etat français ou étranger, actions ou obligations de
villes, grandes compagnies ou sociétés industrielles ou com-
merciales. Tant que ces formalités ne sont pas remplies,
les tiers, aussi bien que les débiteurs cédés, ignorent léga-
lement, et souvent en fait, la cession, et tout ce qu'ils ont
fait à rencontre du cédant ou de concert avec lui est va-
lable et ne peut être critiqué par l'acquéreur, qui n'a,
contre son vendeur, en cas d'éviction, qu'une action en res-
titution du prix, s'il a payé, ou en dommages-intérêts.
La preuve de la vente des effets mobiliers se fait par les
mêmes moyens que celle de tous les contrats (V. ce mot).
Celle des marchandises entre commerçants se fait en outre :
par le bordereau de l'agent de change ou du courtier ; par
la facture acceptée ; par la correspondance ; par les hvres
de commerce (G. de com., art. 109). Les possesseurs
d'effets mobiliers jouissent en principe d'un avantage par-
ticulier, celui de la possession même, qui les dispense de
toute preuve, en principe du moins : « En fait de meubles
possession vaut titre », dit l'art. 2279 du G. civ. ; néan-
moins celui qui a perdu ou à qui il a été volé une chose
peut la revendiquer pendant trois ans, à compter du jour
de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel
il la trouve. » V. encore les art. du G. civ, suivants :
715, 716, 717, 948, 1713, 1874, 1875, 1917, 1918 et
suiv., 1949 et suiv., 1961 et suiv.,2072, et les mots Ac-
cession, Dépôt, Donation, Gage, Magasins généraux,
MoNT-DE-PiÉTÉ. Les cftcts mobilicrs corporels peuvent
devenir immeubles par destination dans les conditions déter-
minées par les art. 517 et suiv. du G. civ. (V. Immeuble).
E. Dramard.
Effets PUBLICS. — Anciennement, on appelait effets pu--
blics tout contrat de rente, tout titre de créance dont le roi
avait autorisé la création, en réservant le nom d'effets
royaux aux titres qui devaient être acquittés directement
par le roi, soit au Trésor royal, soit dans d'autres caisses
lui appartenant. Gette distinction des effets publics dans
l'ensemble des valeurs mobilières se fait encore d'une façon
analogue, et l'on considère comme tels tous les titres qui,
directement ou indirectement, ont demandé l'intervention
de l'Etat. Les effets publics comprennent ainsi : les rentes
sur l'Etat français ou les Etats étrangers, les titres émis
par les départements, les villes, les bons du Trésor qui
représentent la dette flottante, les actions et obligations des
compagnies de chemins de fer, les actions et obligations des
sociétés anonymes créées avec l'autorisation de l'Etat. Les
agents de change ayant le privilège de faire seuls les né-
gociations des effets publics et autres susceptibles d'être
cotés , cette séparation des valeurs mobilières en deux
catégories distinctes n'avait pour eux aucune importance ;
elle n'avait d'utilité qu'au point de vue pénal, les art. 421
et 422 réprimant les paris à la hausse et à la baisse sur les
effets publics; l'exception de jeu (art. 1965 du G. civ.)
était applicable aux opérations sur effets publics, mais
elle était généralement appliquée de même aux autres opé-
rations de bourse rentrant dans la catégorie des jeux de
bourse. Mais, depuis la loi du 28 mars 1885, qui a reconnu
la légalité des marchés à terme, la distinction des valeurs
mobilières en effets pubUcs et en effets non publics n'^a
plus aucune raison d'être. G. François.
IIL Droit commercial. — Effets de commerce. —
On réunit sous ce nom les divers titres transmissibles par
endossement et qui résultent en général d'actes de com-
merce : lettres de change, mandats, billets à ordre, chèques,
et même warrants; mais il est à remarquer que, sauf pour
la lettre de change, les obligations qui en dérivent ne sont
pas nécessairement commerciales, et ce notamment pour
les billets à ordre et les chèques ; il serait plus exact
d'appeler ces titres effets de circulation, si ce terme n'avait
pas déjà une signification particuKère (V. ci-dessous
§ Effets de complaisance). On trouvera aux mots Ghange
(Lettre de). Mandat, etc., tous les détails nécessaires.
Effets de complaisance. — On désigne ainsi , et quel-
quefois sous le nom de valeurs ou effets de circulation,
des lettres de change, mandats ou billets à ordre, ne re-
posant sur aucune opération réelle, acceptés quelquefois
par complaisance et plus souvent par complicité, et dont
les fonds sont faits à l'échéance par le tireur ou bénéfi-
ciaire, au moyen de la négociation d'un renouvellement du
même genre. Lorsque les effets de complaisance ne sont
échangés qu'entre deux personnes, il est facile à un ban-
quier de s'apercevoir de la fraude ; mais si, comme cela
arrive le plus souvent, l'échange se fait entre un certain
nombre de négociants se prêtant mutuellement leur signa-
ture, ce n'est guère que le jour oii l'un d'eux suspend ses
payements que la fraude peut se découvrir. Il existe en
fait des agences où s'opèrent de semblables échanges de
signatures (V. un jugement du tribunal de la Seine du
18 juil. 1876), et où des négociants gênés arrivent ainsi,
pour quelque temps, à retrouver un peu de crédit. Ges
manœuvres peuvent donner lieu à des poursuites pour
escroquerie; mais en général les tribunaux se montrent
trop indulgents pour ces procédés, qui constituent réelle-
ment un abus de confiance de la part de celui qui les em-
ploie. Sous l'empire du code de 1807, si les signatures de
crédit et de circulation données par le failli excédaient le
triple de son actif, il devait obligatoirement être pour-
suivi comme banqueroutier ; d'après le projet adopté par
la Ghambre des députés (25 mars 1835), l'emploi des va-
leurs de complaisance suffisait pour que le failli fût con-
sidéré comme banqueroutier, mais la Ghambre des pairs
(10 mai 1837) en fit un cas de banqueroute facultatif.
Actuellement, l'usage des valeurs de crédit et de circula-
tion fait par un commerçant failli, pendant une assez
longue période, rentre dans les cas prévus par l'art. 585,
§ 3 du G. de comm. (Nancy, 16 mai 1882), et suffit pour
faire déclarer la banqueroute simple ; mais ces dispositions
ne sont que très rarement appliquées. G. François.
IV. Fiscalité. — Les effets négociables de toute
nature, sauf les chèques (V. ce mot), sont passibles du
timbre proportionnel. Gette taxe, dont l'introduction
remonte à la loi organique du 13 brumaire an VU, est
graduée à raison de la somme portée dans l'effet. Sa quo-
tité, fixée à 5 cent. % par la loi du 5 juin 1850, a été
doublée par la loi du 23 août 1871, et triplée par celle
du 19 févr. 1874. Depuis le 1^^ mai 1879, le tarif est
revenu au taux primitif de 5 cent. 7o (loi du 22 déc. 1878).
EFFETS
— 592 —
Le droit de 5 cent. % s'applique : aux lettres de change,
billets à ordre ou au porteur, traites et tous autres effets
négociables ou de commerce ; aux billets simples et obli-
gations non négociables ne contenant pas un engagement
synallagmatique ; aux billets, obligations, délégations et
mandats non négociables, servant à procurer une remise
de fonds de place à place ; aux warrants des magasins géné-
raux, endossés séparément des récépissés , et aux effets
négociables venant de l'étranger ou des colonies dans
lesquelles le timbre n'aurait pas encore été établi. Le
tarif de 5 cent. % est gradué de 100 fr. en 100 fr.,
sans fraction (loi du 29 juil. 1881). Ainsi, un effet de
250 fr. est considéré, pour l'application de l'impôt, comme
étant de 300 fr., et supporte, par conséquent, une taxe de
15 cent.
Les effets négociables et billets passibles du droit de
5 cent, ^/o peuvent être timbrés de quatre manières diffé-
rentes : 1^ par l'emploi d'un coupon de papier timbré de la
débite ; 2^ par le timbrage à l'extraordinaire ; 3° par l'ap-
position de timbres mobiles ; 4« par le visa pour timbre.
Les papiers timbrés de la débite sont mis à la disposition du
public dans les bureaux de l'enregistrement et les distribu-
tions auxiliaires de papier timbré. Ces coupons ne sont
gradués de 100 fr. en 100 fr. que jusqu'à 1,000 fr. A
partir de ce chiffre, la graduation va de 1,000 fr. en
1,000 fr. Si donc on voulait souscrire sur un coupon de la
débite un effet de 1,100 fr., il faudrait appliquer sur le
coupon timbré à l'avance pour 1,000 fr., un timbre mo-
bile supplémentaire de 5 cent. Ajoutons que les bu-
reaux de timbre ne débitent pas de papier timbré pour les
effets de plus de 20,000 fr. Les billets supérieurs à cette
somme peuvent toutefois être écrits sur un coupon de
20,000 fr., visé pour supplément de timbre ou revêtu de
timbres mobiles supplémentaires.
Le timbrage à l'extraordinaire des papiers à vignette
en blanc n'a lieu qu'à Paris, dans les bureaux de l'atelier
général. Les commerçants qui veulent faire timbrer leurs
formules de lettres de change doivent les déposer au
bureau de l'enregistrement de leur résidence et verser,
en même temps, le montant des droits. Les vignettes
sont transmises à l'atelier général et réexpédiées après le
timbrage, à la personne intéressée, par l'intermédiaire
du receveur. Les négociants qui ne jugent pas à propos
d'acheter du papier timbré de la débite ou de recourir au
timbrage à l'extraordinaire, peuvent acquitter le droit de
timbre au moyen de timbres mobiles, qu'ils apposent
eux-mêmes sur leurs effets. Ces timbres sont mis en vente
dans les bureaux d'enregistrement et dans un grand
nombre de débits de tabac. Ils doivent être collés au
recto de l'effet, au moment même de sa rédaction, à côté
de la signature du souscripteur et oblitéré immédiate-
ment par celui-ci. L'oblitération résulte de l'inscription,
sur le timbre mobile, à l'encre noire, du lieu et de la date
où elle est effectuée et de la signature du souscripteur. Le
timbre mobile peut être annulé aussi, au moyen d'une griffe
à encre grasse noire, faisant connaître le nom et la raison
sociale, le lieu et la date de l'oblitération. L'empreinte de
cette griffe doit être déposée au bureau d'enregistrement
de la résidence du négociant qui veut en faire usage. —
Quant au visa pour timbre, qui est donné par les receveurs
d'enregistrement, il est surtout employé pour acquitter le
droit de timbre des effets venant de l'étranger et les sup-
pléments de taxe pour les billets de plus de 20,000 fr.,
créés sur les coupons de la débite. Le souscripteur, l'ac-
cepteur, le bénéficiaire ou premier endosseur d'un effet
négociable non timbré encourent chacun une amende de
6 °/o du montant de l'effet. Si la contravention résulte de
l'emploi d'un timbre insuffisant, l'amende n'est calculée que
sur la différence. Sont considérés comme non timbrés les
effets de commerce revêtus d'un timbre mobile ayant déjà
servi ou incomplètement oblitéré. Les amendes et le droit
de timbre sont dus soUdairement par les contrevenants
et doivent être avancés par le porteur de l'effet. Les mai-
sons de banque qui encaissent un effet de commerce
non timbré deviennent passibles d'une amende de 6 *^/o.
La loi du 5 juin 1850 a corroboré ces sanctions pé-
nales par une sanction civile, en décidant que le porteur
d'un effet négociable non timbré n'a d'action que contre
le souscripteur ou le tireur (et contre l'accepteur, en cas
d'acceptation).
Indépendamment des effets de commerce proprement dits,
la loi fiscale assujettit à des droits de timbre spéciaux, les
billets de la Banque de France (lois des 30 juin 1840 et
13 juin 1878), les obligations et lettres de gage du Crédit
foncier (lois des 8 juil. 1852 et 30 mars 1872) et les obli-
gations négociables des sociétés, compagnies, villes, dépar-
tements et établissements publics (lois des 5 juin 1850,
23 juin J857, 29 juin 1872). Pour les billets de banque,
le droit de timbre est perçu chaque année, au taux de
50 cent, ^^loo sur la moyenne des billets au porteur ou à
ordre en circulation pendant l'année précédente. Toute-
fois, le tarif de 50 cent, ^^joo ne porte que sur la quotité
des billets correspondant à l'escompte, aux avances et
autres opérations productives. L'ensemble des billets émis
par la Banque en représentation de dépôts de numéraire
bénéficie du tarif réduit de 20 cent. ""^o. Les obliga-
tions et lettres de gage du Crédit foncier de France sont
assimilées aux effets de commerce ordinaires, quant à
la quotité du droit de timbre et, par suite, sont passibles
du droit de 5 cent. °/o. Mais, à la différence des simples
particuliers, le Crédit foncier est admis à se libérer de
cette taxe, par voie d'abonnement annuel, à raison de
5 cent. °°/oo du montant des lettres de gage et obliga-
tions en circulation. — Quant aux obligations négociables
des sociétés, communes, départements et établissements
publics, elles sont frappées d'un droit de timbre de 1 %
du montant du titre. Le législateur, estimant que le paye-
ment immédiat de cet impôt pourrait nuire, dans cer-
taines circonstances, au succès d'une entreprise, a auto-
risé les sociétés et autres collectivités à s'affranchir de
cette obligation, en contractant avec l'Etat un abonnement
annuel pour toute la durée des titres. Cet abonnement,
dont le taux est de 6 cent, '^/o du montant des titres émis,
est réglé, par trimestre, au bureau de l'enregistrement du
siège social. Les titres admis à l'abonnement sont revêtus
d'un timbre spécial dont la légende est : obligation-abonne-
ment. Cette taxe d'abonnement est acquittée, en ce qui
concerne les sociétés, villes et établissements publics étran-
gers dont les titres circulent ou sont cotés en France,
d'après une quotité imposable fixée par le ministre, sur
l'avis d'une commission spéciale.
C'est seulement en cas de protêt que les effets de com-
merce sont assujettis à l'enregistrement. Ce droit est de
50 cent. °/o du montant de l'effet (62 cent, et demi %
avec les décimes) . Les lettres de gage du Crédit foncier
doivent être enregistrées au droit fixe de 15 cent., en
même temps que f acte de prêt en représentation duquel
elles sont émises. Enfin, les obligations négociables des
sociétés et compagnies de toute nature, des départements,
communes et établissements publics supportent une taxe
proportionnelle de transmission (lois des 23 juin 1857 et
16 sept. 1871). Ce droit, qui frappe la circulation des
titres, comporte deux quotités. Pour les obligations nomi-
natives, dont la cession s'opère par un transfert sur les
registres de la société, le droit est perçu à chaque trans-
fert, au taux de 50 cent. %. Pour les obhgations au
porteur et pour les titres nominatifs cessibles autrement
que par voie de transfert, le droit de 50 cent. % est
converti en une taxe annuelle et obfigatoire de 20 cent. %
du capital des obligations. Le droit de 50 cent. ^/oCt la taxe
d'abonnement dont il s'agit sont versés, chaque trimestre,
par la société ou l'établissement public, dans les caisses
de l'administration de l'enregistrement.
Les effets de commerce, billets et obhgations négociables
de toute nature ont, en 1889, procuré au budget les
recettes ci-après :
— 593
4<^ Timbre proportionnel 14.392.547 fr.
2<^ Droit de timbre des obligations fran-
çaises et étrangères négociées à la
Bourse 44.940.436 —
3<* Droit d'enregistrement des billets à
ordre, lettres de change, etc 3.154.782 —
4® Droit d'enregistrement des lettres de
gage du Crédit foncier »
5° Droit de transmission des obligations
cotées à la Bourse 25.667.604 —
Ensemble 58.455.366 fr.
Emmanuel Besson.
BiBL. : Droit CIVIL. —Effets mobiliers. Tous les traités
et commentaires généraux du code civil. — Malapert,
Essai sur la distinction des biens; Paris, 1846, in-8.
EFFEUILLAGE (Arboric). Par cette opération on enlève
les feuilles qui recouvrent les fruits. Elle a pour but de
hâter leur maturation et de les colorer en les aérant et les
soumettant^ à l'action directe du soleil. Elle les préserve
encore de l'excès d'humidité lorsque les rameaux traînent
sur le sol. Il faut se garder de la pousser trop loin et de
l'exécuter trop tôt : le but serait manqué et, ce qui est plus
grave, les fruits, mal nourris, resteraient petits, durs, sans
saveur agréable. On pratique l'effeuillage lorsque les fruits
ont acquis les trois quarts environ de leur développement
complet. Q^ g^
EFFIAT. Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr. de Riom,
cant. d'Aigueperse ; 4,384 hab. — Les environs d'Effiat
furent pillés en 4432 par Rodrigue de Villandrando. En
4557, la seigneurie d'Effiat fut achetée par Gilbert Coëffier,
trésorier général des finances de Dauphiné, Savoie et
Piémont, et resta dans sa descendance jusqu'à la mort
d'Antoine Coëffier-Ruzé, dernier marquis d'Effiat, en 4719.
Acheté alors par Law, elle fut, après son renvoi, vendue à
la famille de Rehès de Sampigny d'Issancourt qui la pos-
sédait encore en 4789. — L'église a été reconstruite sous
Louis Xm par le maréchal d'Effiat, père de Cinq-Mars
(V. ce nom), qui fit bâtir également le château et un col-
lège d'oratoriens, tranformé en 4776 en une école militaire
d'où sortit Desaix. L. F.
EFFIAT (Antoine Coëffier, marquis d'), maréchal de
France, surintendant des finances, né en4584,mortàLuzell-
stem, en Lorraine, le 27 juil. 4632. Il resta orpheHn de
bonne heure et reçut une grande partie des biens de son oncle
maternel, Martin Ruzé de Beaulieu, à condition qu'il adop-
terait le nom et les armes des Ruzé. Il se distingua à la fois
comme diplomate, homme de guerre et administrateur.
D'abord réformateur général des mines et minières de
France, il attira l'attention du cardinal de Richelieu. En
1616, il fut nommé premier écuyer de la s^rande écurie, et,
l'année suivante, capitaine des chevau-Iégers de la garde du
roi ; il servit en qualité de maréchal de camp au siège de
La Rochelle, et fut fait en 4625 chevalier des Ordres.
Ambassadeur à Londres en d624, ce fut lui qui négocia le
mariage d'Henriette de France avec Charles P^ Devenu
peu après surintendant des finances, il présenta en 4626
aux Notables l'état des finances du royaume, et put réduire
le taux de l'mtérèt du denier 40 au denier 48. Grand
maître de l'artillerie par commission en 4629, il fut choisi
par Louis XIII, en 4630, pour commander dans le Pié-
mont, et se fit remarquer à Veillane, à Carignan, à la
prise de Saluées. Maréchal de France en 4634 , if commanda
l armée d'Alsace, mais il succomba à une fièvre inflamma-
toire au moment où, commençant la campagne, il marchait
sur l électorat de Trêves. Il était gouverneur du Bourbon-
nais, de l'Auvergne et de l'Anjou. Il reste de lui plu-
sieurs écrits : l'Etat des affaires des finances (4626) ;
Discours sur son ambassade en Angleterre; Lettres
du marquis d'Effiat sur les finances ; les Heureux
Progrès des armées de Louis XHI en Piémont (4632) ;
/I^Q^r^i- ^^^^^^^^^^ ^^s dernières guerres d'Italie
(4 532) ; divers Mémoires et recueils de lettres manuscrites.
BiBL. : Le Père Anselme, Histoire des grands officiers.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. ■— XV.
EFFETS — EFFIGIE
EFFIAT (Antoine RuzÉ, marquis d'), petit-fils du précé-
dent, fils de Martin Ruzé, marquis d'Effiat, et d'Isabelle
d Escoubleau de Sourdis, né en 4638, mort le 3 juin 4749
Il fut premier écuyer de Monsieur, puis du Régent. A la
mort de Madame, duchesse d'Orléans, on le soupçonna d'avoir
administré du poison à la duchesse; mais l'accusation n'eut
pas de^suites. En 4668, Louis XIV le promut chevalier du
bamt-Esprit, et le duc d'Orléans le fit entrer au conseil de
régence. Il soutint, avec Villeroi et Besons, les doctrines
du gallicanisme en 4747, et, l'année suivante, se signala
par son opposition au traité de la quadruple alliance.
^^^'^'i Q? Père Anselme, Histoire des grands officiers.
— Saint-Simon, Mémoires, t. III et XIV.
EFFIAT (Benolt-Jean-Gabriel-Armand Ruzé, comte d'),
homme politique français, né à Tours le 6 sept. 4780
mort au château de Chezelles (Indre-et-Loire) le 7 sept'
4870. Il émigra sous la Révolution et, rentré en France à
la Restauration, fut élu conseiller général d'Indre-et-
Loire et maire de Chinon. Le 9 mai 4822, il devint député
d'Indre-et-Loire, siégea à l'extrême droite et fut réélu le
25 févr. 4824. Le 5 nov. 4827 il était créé pair de France.
En 4830, il n'adhéra pas au gouvernement de Juillet et
rentra dans la vie privée.
^ EFFIGIE. On entend par effigie, en numismatique, une
tête ou un buste fait pour donner les traits d'un per-
sonnage. Les plus anciennes monnaies perses, connues
sous le nom de dariques, montrent déjà la figure du
grand roi ; mais comme le corps tout entier est figuré sur
ces pièces, on ne saurait y voir une véritable effigie. Vers
380 avant J.-C, on voit paraître dans les provinces occiden-
tales de l'Asie Mineure de belles monnaies de travail grec
qui portent une tête barbue, couverte de la tiare perse et
dans laquelle il faut certainement reconnaître un portrait
de satrape. Toutefois, on s'est demandé s'il ne s'agissait
pas d'un type général de satrape plutôt que de véritables
portraits destinés à représenter chaque prince ou gouver-
neur. Le premier portrait indiscutable est celui d'Alexandre
le Grand que Ptolémée Soter fit mettre sur la monnaie
qu'il frappa comme régent; Lysimaque, de son côté, émet
des monnaies nombreuses avec la tête du conquérant déifié,
portant le diadème et les cornes d'Ammon qui rappellent
son origine divine. A partir de cette époque, aux têtes de
divinités qui avaient jusqu'alors tenu la plus grande place
dans la numismatique, on vit succéder des séVies de por-
traits tels que ceux des Séleucides, des Ptolémées et des
rois de Bactriane et de Macédoine dont la valeur est grande
au double point de vue de l'art et de l'iconographie. Les
anciens rois grecs ne mettaient pas leur tête sur les mon-
naies; Alexandre lui-même s'était borné à donner ses traits
à la tête d'Hercule que l'on voit sur des tétradrachmes. Le
droit d'effigie devint un honneur qui rapprochait de la divi-
nité ; c'est pourquoi la monnaie porte souvent la tête d'un
prince mort. Ainsi le portrait d'Alexandre se voit sur les
tétradrachmes de Lysimaque, et celui de Séleucus sur les
pièces de Philétaire, tandis que ce dernier prince, après
sa mort, est honoré de la même façon par Attale P^', roi de
Pergame. En Egypte, Ptolémée 11 Philadelphe et Arsinoé II
mettent sur leurs belles monnaies leurs portraits accolés et,
au revers, ceux de Ptolémée P^ Soter et de Bérénice P^.
Le droit d'effigie ne semble pas avoir été soumis à des
règles bien établies, car on voit des reines ou des prin-
cesses figurées tantôt seules, tantôt avec leur époux ou leur
frère. A Syracuse, la reine Philistis, sur laquelle on sait
peu de chose, met sur de nombreuses pièces d'argent son
portrait et son nom seuls. Sur les monnaies des villes,
l'effigie d'un prince est une marque de respect et de sou-
mission que les cités sont heureuses de montrer: c'est
ainsi que plusieurs villes de la Phénicie et de la Grèce pla-
cent sur leurs espèces la tête d'un roi de Syrie, etSmyrne
accorde le même honneur à Mithridate.
A Rome, les portraits ne firent leur apparition que fort
tard, ce qu'explique facilement la constitution démocra-
tique de cet Etat. L'année même de la mort de César, le
38
EFFIGIE — EFFLUVE
Sénat ordonna de mettre sa tête sur les monnaies (44 av.
J -C). Après le meurtre du dictateur, les généraux reçu-
rent ou prirent le droit de placer leur effigie sur les mon-
naies qu'ils frappaient; c'est ainsi que nous avons les têtes
de Brutus, de Labienus, de Domitius Ahenobarbus, etc. Du
reste certains proconsuls reçurent le droit d'effigie moné-
taire •' ainsi, Africanus Fabius Maximus, proconsul d'Afrique,
et P. Sittius, gouverneur de Cirta, et encore Marcus
Annius Afrinus, gouverneur de Galatie. Sous l'empire
romain, la tête du souverain devient le type principal de
la monnaie. Mais on trouve aussi d'autres portraits qui
sont ceux de princes et de princesses de la famille impé-
riale Les villes grecques émettent un nombreux numéraire
sur lequel paraissent les têtes de l'empereur et des mem-
bres de sa famille. Quelquefois, comme sur les monnaies
grecques criées plus haut, on voit paraître un personnage
mort : c'est ce qui arrive pour le père de Trajan, pour
Aususte, pour Tibère et pour un certain nombre d'empe-
reurs dont on possède des monnaies dites de restitution.
L'effisie présente un grand intérêt iconographique jus-
qu'au iv« siècle; à partir de cette époque, l'art devient de
plus en plus incapable de produire des portraits véritables.
Dans certaines contrées, on continue à mettre sur les mon-
naies un buste qui représente le souverain, mais qui est le
plus souvent informe; c*est le cas des monnaies mérovin-
giennes. Après avoir été reprise par Charlemagne et Louis
le Débonnaire, l'effigie disparut complètement des mon-
naies carolingiennes, tandis qu'à la même époque, les
Byzantins, loin d'abandonner la représentation du souve-
rain, mettent quelquefois plusieurs figures sur la même
pièce : un exemple curieux entre tous est celui du sou
d'or portant les bustes de Théophile, de Théodora sa femme,
de Thécla, d'Anna et d'Anastasia, leurs filles. Les mon-
naies françaises présentent un certain nombre défigures à
pied et à cheval qu'on ne peut considérer comme de véri-
tables effigies royales. Sous l'influence de la Renaissance
italienne, ^certaines monnaies de Louis XIÏ reçoivent une
tête comme type principal et prennent le nom^ de testons.
Cette innovation amena une réforme dans l'organisation
monétaire. Henri II créa, en 1547, l'office de graveur géné-
ral des monnaies de France en faveur de Marc Bechot qui
fut chargé de fournir des coins dont la perfection devait
empêcher les contrefaçons. Cette réforme ne fut pas suffi-
sante et on se vit obligé de créer un contrôleur gênerai
des effigies qui fut le célèbre sculpteur Germain Pilon,
pourvu par lettres patentes de Charles IX, en date du
29 oct. 4572, afin de veiller à ce que l'effigie du roi
fût bien représentée sur toutes les monnaies. Gervais
Pilon succéda à son père en 1593 et fut suivi par Phihppe
Danfrie le Jeune (1596), Jean Pilon, second fils de Ger-
main (1604), Guillaume Dupré (1604), Abraham Dupre
(1639) et Jean Warin qui fut le dernier contrôleur géné-
ral des effigies (1648-1672). ..,,,, ,
L'effigie est naturellement le type principal de la plupart
des monnaies modernes. Les pièces des Etats-Unis nous
fournissent quelques remarques curieuses. Un projet de loi
avait proposé de mettre la tête de Washington sur la mon-
naie mais, après les réclamations des ultra-démocrates, on
adopta une tête idéale de la Liberté (loi du 2 avr. 1792).
On fit d'abord quelques pièces avec le portrait de Washington
dans sa jeunesse, puis la femme du président servit de modèle
pour la tète de la Liberté. De 1796 à 1838, les graveurs
reproduisirent dans cette tête les traits de l'Indienne
Pocahontas, puis ceux de M""^ Madison, femme du président
(1808) etceuxdeM°^^Patterson, femme du directeur général
de la monnaie (1816-1838). J. -Adrien Blanchet.
Des effigies plus complètes que celles des médailles,
de véritables bustes (V. ce. mot) ou statues, en cire ou en
bois, furent parfois employées dans des cérémonies publiques.
Dans la Rome ancienne, les bustes des ancêtres peints au
naturel et ornés de barbes postiches, figuraient toujours
aux cortèges funèbres des membres de familles patri-
ciennes. En France, la coutume subsista jusqu'au xvii^ siècle
594 —
d'exposer en effigie, sur un lit de parade, les rois et divers
grands personnages, pendant le mois qui suivait leur décès.
Il faut rappeler enfin que, dans notre législation criminelle,
l'incarcération et l'exécution en effigie, stigmate infamant
dont on chargeait le nom du criminel qui s'était soustrait
à l'action des lois, avaient pris naissance au xii® siècle et
se conservèrent jusqu'au xvii®. Ad. T.
BiBL. : F. Lenormant, la Monnaie clans l'antiquité, t. II,
pp. 168 etsuiv. — Imhoof-Blumer Portrâtkôpfe auf anti-
ken Mûnzen, 1865. — Mommsen, Blacas, de Witte, His-
toire de la monnaie romaine, t. III, p. 2.— Waddington,
Mélanges de numismatique, 1867, p. 133. — E. Babelon,
Revue numismatique, 1887, p. 109. — A. Barre, Graveurs
généraux et particuliers des monnaies de France, 1867. —
Alex. Vattemare, Collection de monnaies et médailles
de l'Amérique du Nord, 1861, p. 25.
EFFILÉ (Tissage). Les petites serviettes sont souvent
entourées d'une sorte de frange, appelée effilé, qui est pro-
duite en disposant, lors du tissage, à droite et à gauche de
la chaîne qui formera le fond de l'étofiTe, et à des distances
égales à la longueur des effilés que l'on veut produire,
quelques fils qui lient et retiennent la trame à chacun de
ses passages à travers l'étoffe; en coupant ensuite ces fils,
les franges sont immédiatement formées. Pour celles qui
terminent la serviette à ses extrémités, il suffit de faire
avancer la chaîne sans tisser de la quantité voulue. On
donne également le nom d'effilés à des passementeries gar-
nies de franges.
EFFILOCHAGE (Papeterie) (V. Défilâge).
EFFINCOURT. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr.
de \Yassy, cant. de Poissons; 207 hab.
EFFLORESCENCE (Chim.). Sorte dépoussière blanche
ou jaunâtre, formée de petits groupes disposés en chou-fleur
qu'on rencontre tantôt sur le sol ou sur les murs salpêtres,
tantôt sur certains sels qu'on nomme, pour cette raison,
sels efflorescents ; tels sont le carbonate de soude, le sulfate
de fer, etc. Cet efîet est dû à l'évaporation d'une partie ou
de la tolaUté de l'eau de cristallisation de ces sels. Par
suite de ce phénomène, la matière diminue de poids , perd
sa transparence, se désagrège et tombe en poussière plus
ou moins lentement. Pour empêcher un sel de cette nature
de s'effleurir, il suffit de le placer dans un miheu saturé
d'humidité , dans un vase fermé contenant un peu d'eau.
On donne aussi le nom d'efflorescence au phénomène lui-
même du passage d'un corps sohde à l'état pulvérulent,
par suite d'un dégagement de son eau de cristallisation.
L'efflorescence est l'inverse de la déliquescence.
EFFLUVE. I. Médecine. — Autrefois, on désignait sous
ce nom les émanations de nature animale ou végétale,
quelles qu'elles fussent. Aujourd'hui, il sert exclusivement
à désigner les émanations qui se dégagent des terrains
marécageux, c.-à-d. une variété d'émanations miasmatiques
(V. Miasme).
II. Physique. — L'effluve est un mode particulier de de-
charge électrique ; on l'obtient toutes les fois qu'un corps
électrisé possède sur sa surface des régions où le rayon de
courbure est très petit, par exemple lorsqu'il présente des
pointes ou des arêtes ; un fil fin peut facilement donner
naissance à des effluves. Un autre cas, beaucoup plus em-
ployé dans la pratique, consiste dans l'emploi de corps
conducteurs en regard, chargés à des potentiels très diffé-
rents et séparés par des substances diélectriques de résis-
tance électrique assez forte pour s'opposer au passage de
l'étincelle proprement dite. Il y a lieu d'étudier dans
l'effluve les actions qu'elle produit et qui sont d'ordre calo-
rifique et d'ordre chimique, la dépendance possible de ces
deux ordres de phénomènes, enfin l'énergie mise en jeu.
Nous ne nous occuperons pas ici des phénomènes chimiques
produits par l'effluve. Les phénomènes calorifiques peuvent
se calculer par les procédés ordinaires qui servent^ à la me-
sure de la chaleur dégagée par les courants, si l'on con-
naît la différence de potentiel des deux armatures et le
débit de l'électricité. Ce dernier se mesure à l'aide d'un
galvanomètre introduit dans le circuit qui relie au sol l'une
des armatures ; les potentiels ou plutôt le plus souvent
— 595 —
EFFLUVE — EFFORT
le potentiel de l'autre armature est déterminé à l'aide d'un
électromètre. Mais si l'on fait passer dans l'appareil à
effluve un gaz capable d'éprouver une réaction chimique, la
chaleur correspondante viendra augmenter ou diminuer
d'autant, suivant que la réaction est exothermique ou endo-
thermique, la chaleur dégagée par l'effluve. Ainsi dans une
expérience de MM, Bichat etGuntz, ces savants ont trouvé
en opérant sur l'oxygène se transformant en ozone, une
chaleur dégagée totale égale à IGQ^'^^S ; en calculant, d'après
le poids de l'ozone formé et la chaleur de formation de l'ozone,
la quantité de chaleur qui avait disparu, ils ont trouvé 0,64.
D'autre part, les mesures fournies par l'électromètre et le
galvanomètre montraient que le débit électrique de cette expé-
rience correspondait à un nombre de calories égal à 469,95,
nombre qui est à très peu près la somme des deux précé-
dents. Si au lieu d'une formation endothermique on avait
considéré une réaction exothermique, le dernier nombre
aurait été la différence des deux premiers. On pourra donc,
dans tous les cas, calculer le phénomène thermique de l'ef-
fluve, connaissant d'une part la différence de potentiel qui
le produit, le débit, et d'autre parties données chimiques,
c.-à-d. la quantité de substance nouvelle produite et la quan-
tité de chaleur qui correspond à sa formation. L'énergie
mise en jeu dans un phénomène d'effluve est proportionnelle
à la quantité de chaleur produite dans ce phénomène quand
on la calcule à l'aide des données électriques, sans tenir
compte des réactions qui peuvent se passer. Ainsi dans l'expé-
rience citée plus haut i69<'^i95 était la chaleur électrique en
petites calories ; l'énergie correspondante évaluée en ergs
était égale à 169,95 X 425 X 10^ =7222875000. Véner-
gie utile de l'effluve est celle qui, dans le cas d'une réaction
endothermique comme la précédente, sert à transformer le
corps. Dans l'exemple cité plus haut, le rapport de l'éner-
gie utile à l'énergie dépensée étant très faible, il n'atteignait
pas ~5 , mais dans une expérience faite à — 20°, en em-
ployant un appareil à effluve de M. Berthelot, et avec un
courant d'oxygène très rapide, MM. Bichat et Guntz ont
obtenu pour ce rapport, c.-à-d. pour rendement, les nombres
0,934 et 0,996 dans deux expériences. Quand on se place
dans ces conditions, c.-à-d. pour des rendements voisins
de l'unité, on trouve que la quantité de substance formée
par l'effluve, la quantité d'ozone par exemple, est pro-
portionnelle au carré de la différence de potentiel des arma-
tures. A. JOANNIS.
III. Chimie (V. Energie [Chimie], ^Réactions électro-
chifitioues^ .
EFFONDREMENT (Géol.). Les effondrements étant
intimement liés aux actions chimiques exercées par^ les
eaux d'infiltration dans leur circulation souterraine,
V. Caverne, Eboulement, Rivière souterraine.
EF FORCEMENT. Ordre par lequel un suzerain or-
donnait à un des vassaux d'aller compléter la cour féodale
d'un autre qui est son égal ou son inférieur en dignité.
En principe, lorsqu'un seigneur n'avait pas un nombre
suffisant d'hommes pour tenir sa cour, les causes étaient
dévolues au suzerain. Pour éviter cela, on admettait, dans
certaines coutumes, notamment dans les assises de Jéru-
salem, que le seigneur pouvait, dans ce cas, demander au
suzerain de lui fournir des hommes qu'il s'engageait à ré-
tribuer. D'après le droit féodal, une cour ne devant se com-
poser que de pairs, les seigneurs, placés à un degré supé-
rieur de la hiérarchie, n'étaient pas obligés de s'y rendre
puisque aucune foi ni obligation de service ne les engageaient
vis-à-vis du seigneur de la cour. Il fallait que le suzerain
intervînt pour les y contraindre. On disait qu'il les donnait
au seigneur de la cour en efforcement. Efforcer une cour,
c'était la compléter. J. Declareuil.
EFFORT. I. Mathématiques. — Le mot effort est em-
ployé, dans la théorie de l'élasticité, pour désigner l'action
d'un ensemble des forces agissant d'une manière déter-
minée sur une partie d'un corps solide. Ex. : effort de trac-
tion, effort de compression, effort de flexion, effort tran-
chant, etc. L. Lecornu.
II. Physiologie. — L'effort consiste dans la contrac-
tion musculaire intense de plusieurs groupes musculaires,
ayant pour but de vaincre une résistance extérieure
ou d'accomplir une fonction. Ce qui caractérise l'effort,
c'est l'intensité de la contraction et la simultanéité de
la contraction d'un certain nombre de muscles. Il est in-
dispensable, en effet, pour obtenir une certaine force, qu'un
certain nombre des points d'attache des muscles soient
fixés. Or le point d'appui essentiel est constitué par la
cage thoracique. Tout effort est donc précédé de la con-
traction de tous les muscles inspirateurs. L'air ayant
pénétré dans les poumons, la glotte se ferme, les muscles
expirateurs se contractant immobilisent tout le squelette de
la cage thoracique et c'est alors seulement que les groupes
musculaires spéciaux entrent en jeu pour produire l'effort
voulu. Il résulte de ce fait que l'occlusion de la glotte est
un des éléments importants de l'effort, important mais non
rigoureusement nécessaire au moins pour les efforts d'une
intensité moyenne. On a vu en effet que les hommes et les
animaux pourvus d'une canule trachéale pouvaient encore
faire certains efforts, mais ces derniers sont toujours moins
énergiques et surtout moins soutenus. Une autre théorie
a été émise pour expliquer l'immobilisation de la cage
thoracique qui précède toujours l'effort : par suite de
l'arrêt des échanges respiratoires, il se produit une accu-
mulation d'acide carbonique dans le sang, d'où augmen-
tation d'excitabilité des centres moteurs spinaux et bul-
baires et par suite incitations plus énergiques envoyées
aux groupes musculaires. Cette explication bio-chimique
ne nous parait pas aussi plausible que la théorie purement
mécanique des points d'appui immobilisés. Un certain nombre
d'actes physiologiques s'accompagnent souvent d'effort : tels
la défécation dans les conditions ordinaires, l'accouchement
dans lequel l'effort atteint son maximum d'intensité.
L'effort peut être volontaire, comme lorsqu'il s'agit de
soulever un pesant fardeau, de pousser un cri puissant; il
est au contraire involontaire et d'acte réflexe dans les dou-
leurs de Taccouchement, dans les vomissements. La com-
pression violente de l'air thoracique ou des viscères abdo-
minaux dans l'effort peut quelquefois produire des accidents
de nature diverse. Dans l'effort fait pour se moucher, l'air
comprimé pénètre par la trompe d'Eustache dans l'oreille
moyenne, tend la membrane du tympan qui bombe en
dehors , et il en résulte une certaine surdité momentanée,
à laquelle on remédie facilement en avalant de la salive et
en faisant par suite tomber la pression dans la trompe. Les
organes comprimés dans la cavité abdominale font quelque-
fois saillie par les points de moindre résistance des parois,
d'où l'apparition de hernie. Cette cause est si commune
qu'on emploie vulgairement les mots d'effort et de hernie
comme synonymes. La compression de l'air thoracique reten-
tit également sur le cœur et les gros vaisseaux. Le cœur
gauche envoie tout son sang à la périphérie, la tension
augmente et on s'explique ainsi les hémorragies cérébrales^
les ruptures des vaisseaux constatées à la suite d'un vio-
lent effort. D'' P. Langlois.
III. Art vétérinaire. — On désigne, par effort, dans le
langage vétérinaire usuel, un certain nombre de maladies
causées par des actions violentes. C'est ainsi qu'on dit : effort
de reins, effort d'épaule, effort de hanche, effort de jarret,
effort de boulet. L'effort d'épaule constitue l'écart ; l'effort de
hanche constitue l'allonge ; l'effort de boulet constitue l'en-
torse du boulet, c.-à-d. de l'articulation métacarpe ou mé-
tatarso-phalangienne. L'effort de boulet est le résultat du
travail exagéré, de la course excessive, d'un faux pas,
d'une chute, d'un coup violent ; l'effort peut se produire et
sur les ligaments latéraux de la jointure, et sur ses liga-
ments postérieurs, suspenseur du boulet, tendons des
fléchisseurs des phalanges. L'effort de boulet varie dans
sa gravité comme dans la lésion des parties intéressées;
tantôt il y a dilacération du tissu cellulaire, tantôt dila-»
cération ou rupture partielle des tendons et des muscles
dont ils procèdent, des ligaments articulaires, avec ou sans
EFFORT — EFFRAYE
— 596 —
déplacement des os et de leurs abouts articulaires. La dou-
leur et la boiterie sont les premiers symptômes de Teffort
de boulet, boiterie variable dans son mode d'expression
depuis Tappui diminué sur le membre souffrant jusqu'à
l'appui complètement nul. Quelques heures après l'appa-
rition de ces premiers symptômes, l'articulation forcée
devient le siège d'un engorgement œdémateux, chaud et
douloureux, causé par l'infiltration dans les mailles du
tissu cellulaire de la sérosité inflammatoire et du sang
extravasé. Puis les membranes synoviales articulaires et
tendineuses deviennent à leur tour le siège d'une hyper-
sécrétion morbide, hypersécrétion se dessinant à l'extérieur
par des tumeurs saillantes sur les parois du boulet au-
dessus et au-dessous des sésamoïdes. L'effort de boulet,
conséquence d'une entorse légère, se guérit par les douches
d'eau froide, des bandages astringents et des frictions vési-
cantes; s'il résulte d'une entorse grave, il devient dès lors
une affection des plus redoutables et le plus souvent diffi-
cile à guérir. La première indication est de laisser l'animal
à un repos absolu. On appliquera ensuite sur la région
malade un vésicatoire énergique; le vésicatoire agit comme
révulsif et comme moyen de contention. S'il ne suffit pas
pour faire cesser la boiterie, il faut recourir à la cautéri-
sation, soit en raies, soit en pointes. L. Garnier.
IV. Philosophie. — Le sentiment de l'eff'ort joue un
grand rôle non seulement en psychologie, mais en métaphy-
sique, depuis que Maine de Biran a placé là l'origme de
l'idée de cause, dont on connaît l'importance peut-être
sans égale dans la philosophie tout entière (V. Cause). Avec
Maine de Biran, le sens commun voit généralement dans
l'eff'ort la manifestation par excellence de l'énergie volon-
taire, par suite le type même de l'activité spontanée, en
tant du moins qu'elle rencontre des résistances dans l'inertie
ou dans l'action contraire des choses environnantes. Mais
de nos jours, l'analyse psycho-physiologique tend à réduire
le sentiment de l'effort aux seules sensations passives
qui, en effet, y entrent comme composantes : sensations
de contraction musculaire, d'occlusion de la glotte, de
la respiration suspendue, de la circulation modifiée, etc.
(V. ci-dessus § Physiologie), si bien que ce qui se passe
communément pour la conscience vive de notre activité
libre ne serait au contraire que le sentiment confus
de l'impression que font sur notre cerveau des change-
ments mécaniques survenus dans nos autres organes. Cette
vue originale a été exposée surtout, et avec beaucoup de
force, par M. William James, et, depuis ses études sur
ce sujet (V. la Critique philosophique, 1880-1881), la
« psychologie de l'effort » a donné lieu de toutes parts à des
recherches et à des spéculations de valeur d'ailleurs fort
inégale. .
Il y a certainement une large part de vente dans cette
analyse. Il est incontestable, par exemple, que tels senti-
ments qu'on pourrait croire d'origine purement psychique,
comme la colère, sont ampHfiés dans une proportion sin-
gulière, sinon exclusivement produits, par les mêmes trou-
bles organiques qui les manifestent au dehors. On croit
que la Vougeur, l'agitation, le trépignement sont seule-
ment des signes de la colère ; c'en sont des causes en même
temps que des signes ; ce sont au moins des facteurs de ce
sentiment si complexe.
Cependant, jusqu'à plus ample informé, j'incline à croire
que ce sont des facteurs seulement, et même des facteurs
secondaires ; que la colère, en son essence et dans son prin-
cipe, est avant tout un trouble psychique, c.-à-d. produit
dans la sphère des idées, ou, physiologiquement parlant,
dans les centres, organes de l'idéation. De même, et à plus
forte raison pour l'effort. Il faut admettre sans hésiter que
le sentiment que nous en avons est accru, décuplé peut-
être, centuplé, si Ton veut, par tout l'ensemble des faits
psycho-physiologiques qui constituent ou accompagnent
l'effort musculaire, lequel est de beaucoup le plus ordinaire
et le plus facilement observable. Mais, d'abord, il y a des
efforts de volonté qui sont et restent tout intérieurs : ceux-
là échappent à la théorie, semble-t-il, ou du moins n'y
rentrent que d'une manière assez hypothétique, si l'on
admet, comme équivalents des phénomènes de contraction
musculaire et autres concomitants, je ne sais quelle
tension cérébrale et des modifications de la circulation
encéphalique qui accompagnent, je le crois, l'effort pure-
ment mental, mais que personne pourtant n'a pu encore
observer scientifiquement dans leurs rapports avec lui. Et
d'autre part, dans l'effort musculaire lui-même, il faudra
toujours, croyons-nous, distinguer des impressions orga-
niques multiples dont est faite pour une grande part en
effet la sensation complexe de l'effort, mais qui sont con-
sécutives plutôt qu'essentielles au nisus psychique, le sen-
timent initial de ce nisus, sentiment simple, indescrip-
tible comme tout ce qui nous est le plus intime, et qui
est précisément le sentiment même de l'effort dans ce qu'il
a d'irréductible. Car personne ne confondra jamais avec
l'effort, qui par définition vient de nous, quelque ensemble
que ce soit de sensations respiratoires, contractiles et
autres, produites en nous mécaniquement ou à titre de
réflexes, et purement subies de notre part. Or, tant qu'on
n'aura pas effacé la différence profonde qui sépare dans la
conscience le sentiment de la passivité de celui de l'action
spontanée , il restera quelque chose , tout le principal
même restera de l'analyse de Maine de Biran, et par con-
séquent, de ce qui s'en déduit touchant notre notion de la
causalité et son application aux problèmes de philosophie
générale. Ce n'est pas à dire, tant s'en faut, que ces spé-
culations échappent à la critique; mais il n'est pas exact
qu'elles soient ruinées, dès à présent, par la psychologie
de l'effort. H. Marion.
EFFRACTION (V. Vol).
EFFRAYE (Ornith.). Les Effrayes ou Effraies (Strix)
méritent de constituer, dans le sous-ordre de Rapaces noc-
turnes (V. Rapace et Oiseau de proie), une famille dis-
tincte, celle des Strigidés. Elles se distinguent, en effet, des
Hibous, des Chouettes ordinaires et des Chats- Huants
(V. ces mots), à la fois par certaines particularités ostéo-
logiques et par divers caractères extérieurs, tels que l'ab-
sence d'aigrettes, la réunion des disques faciaux au-dessus
Effraye commune.
du bec, la dénudation des doigts, la présence des denticu-
lations sur le bord interne du doigt médian, et les teintes
claires du plumage qui est, sur les parties intérieures du
corps, d'un blanc pur ou légèrement jaunâtre avec des
flammèches plus ou moins distinctes, et sur les parties su-
périeures d'un jaune roussàtre, tacheté et vermiculé de
noir, de brun, de gris et de blanc. Les mêmes caractères
et le même système de coloration s'observent chez l'Effraye
commune {Sirix flammea L.),qui est presque cosmopo-
lite, chez l'Effraye blanche (Strix candida L.) de l'Asie
méridionale, chez l'Effraye du Cap {Strix capensis Smith),
chez l'Effraye de la Nouvelle-Hollande {Strix novœ-hol-
597 —
EFFRAYE — ÉGALITÉ
landiœ Steph.), etc. Ces différentes espèces ne peuvent
être distinguées les unes des autres que grâce à des modi-
fications dans la taille, dans les proportions des diverses
parties du corps et dans les nuances du plumage.
L'Effraye commune présente du reste, elle-même, d'une
contrée à l'autre, de légères variations auxquelles certains
ornithologistes ont attribué à tort une trop grande valeur.
Cette espèce, de taille assez forte, mesurant à l'âge adulte
environ 36 centim . de long, est plus répandue dans notre pays
qu'on ne le croit généralement, mais passe souvent inaper-
çue en raison de ses habitudes nocturnes. Pendant la jour-
née elle se tient cachée dans les clochers, dans les vieilles
tours ou dans les greniers et ne sort qu'à la nuit close
pour donner la chasse aux Mulots, aux Campagnols et aux
Souris. En volant au-dessus des campagnes endormies,
l'Effraye pousse de temps en temps un cri désagréable, et
au printemps elle fait entendre des sortes de gémissements
que beaucoup de gens s'obstinent encore à considérer
comme un funeste présage, comme un signal de mort.
Aussi l'Effraye partage-t-elle la réprobation dont sont
l'objet les Hibous et les Chouettes et est-elle généralement
persécutée au lieu d'être protégée comme elle mériterait de
l'être en raison des services qu'elle rend à l'agriculture. —
Comme tous les oiseaux de nuit, l'Effraye pond des œufs
d'un blanc pur. Elle élève avec beaucoup de sollicitude ses
petits, qui sont couverts d'un duvet blanc. E. Oustalet.
BiBL. : Daubenton, PL enl de Buffon, 1770, t. I, pi.
440. — J. GouLD, Birds of Europa, 1838, pi. 36; Birds of
Australie, pi. 28, 29 et 31. — Degland et Gerbe, Ornith.
europ., 1867, t. I, p. 133, 2« édit.
EFFRY. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Vervins,
cant. de Hirson; 343 hab.
EFFUSION (Loi de l') (Phys.) (V. Diffusion).
EFRAÏM LE Bonn (fils de Jacob), écrivain et liturgiste
juif, né en 1123. Il avait treize ans lors de la deuxième
croisade qui, comme la première, avant tout se dirigea
contre les juifs. Il fut témoin oculaire de toutes les
cruautés et persécutions dont ses malheureux coréhgion-
naires étaient les victimes et auxquelles lui-même n'échappa
pas. Dans les dernières années de sa vie, il composa une
relation concise de ces calamités et d'autres qui avaient
frappé les juifs en la continuant jusqu'à l'an 1196; ce
martyrologe, qui a été publié pour la première fois par
M. M. Wiener comme appendice à la traduction alle-
mande de VEmek ha-Bakha de Joseph Kohen (Leipzig,
18o8), représente une source très précieuse pour l'histoire
des juifs au xii*^ siècle. Ses poésies, dont deux sont com-
posées en langue araméenne, sont d'un caractère élégiaque
et pleines d'allusions aux tristes événements de son temps.
Il est aussi auteur d'un commentaire sur quelques parties
du Mahzor (cycle des prières pour les fêtes) qui s'est
conservé en partie dans un manuscrit d'Oxford (catalogue
Neubauer n^ 1317), et d'un autre sur Aboth.
BiBL. : Literaturblatt des Orients^ 1845, n" 47. — Zunz,
Syna.goga.le Poésie; Berlin, 1858. — Du môme, Literatur-
geschictite der synagogalen Poésie ;BerVm,lSQb. — L. Lands-
HUTH, Amude ha-Aboda, onomasticon auctorum hymno-
rum hebrœoriim; Berlin, 1857.
EFREMOV. Ville de Russie, ch.-l. de district du gou-
vernement de Toula; 7,402 hab.
EGA. Nom de plusieurs villes de l'antiquité (V. Mgje).
EGA. Rivière d'Espagne, formée par la réunion de plu-
sieurs ruisseaux dans la province d'Alava, court d'abord
du N. au S., puis de l'O. à l'E., entre dans la Navarre par
le défilé de Arquijas, passe à Éstella et va se jeter dans
l'Ebre. L'Ega reçoit sur ses deux rives des ruisseaux très
nombreux, mais de peu d'importance ; lui-même n'est guère
qu'un torrent qui roule l'hiver d'énormes masses d'eau,
mais est presque à sec pendant l'été. E. Cat.
ÉGADES (Iles) (V. agates).
ÉGAGROPHILES (ZooL). On désigne sous ce nom des
concrétions que l'on trouve dans le canal digestif des Mam-
mifères ruminants et qui sont essentiellement formées des
poils que l'animal avale en se léchant et que les mouve-
ments de l'estomac rassemblent sous forme de boules feu-
trées. Ces boules sont aussi désignées sous le nom de
bézoards d'Allemagne. Outre les poils, on y trouve sou-
vent des débris de végétaux et des substances calcaires.
Lorsque ces pelotes sont anciennes, leur surface s'use et
se polit par le frottement au point de ressembler à de vé-
ritables calculs. Ces concrétions, par leur volume, peuvent
quelquefois causer des accidents en obstruant l'intestin, et
même causer la mort de l'animal (V. Rézoard). E. Trt.
EGAI. Dépression de l'Afrique centrale par laquelle se
continue vers le N.-O. la longue et large vallée du Fêdé,
ou Bahr el Ghazâl, ancien lit d'un puissant tributaire du
Tchad. L'humidité du sous-sol y entretient des pâturages
renommés, dont les peuplades pastorales du Kanem et du
Bodelé se disputent la possession. Nachtigal a visité l'Egaï
en 1871.
ÉGALES (Méthode des racines) (V. Racine).
EGA LITÉ. I. Mathématiques.— L'égalité a souvent besoin
d'être définie ; elle ne saurait l'être d'une façon générale,
mais elle peut et doit l'être ordinairement dans chaque cas
particulier ; ainsi, en géométrie, on dit que deux figures sont
égales quand elles sont susceptibles de coïncider ou de se
décomposer en parties susceptibles de coïncider chacune à
chacune. Deux temps sont égaux quand ils sont la durée
de phénomènes identiques, etc. On exprime que deux
nombres sont égaux, c.-à-d. mesurent des quantités égales
en les séparant par le signe =:. Lorsque dans une égalité
on a néghgé certains multiples de quantités connues, on
remplace le signe =: par = ; elle porte alors les noms de
congruence, équivalence (V. ces mots et Equation,
Identité). H. Laurent.
IL Astronomie. — On employait beaucoup dans le système
de Ptoléméeles cercles d'égalité ouéqiiants (V. ce mot).
III. Sociologie. — Dans l'organisation sociale, et parti-
culièrement en ce qui concerne les droits poHtiques et
privés, l'égalité suppose l'appHcation des mêmes règles à
tous les citoyens sans exception ; droits et devoirs sont les
mêmes pour tous, et la loi est la même sans distinction.
L'égalité est le principe fondamental des démocraties mo-
dernes, et c'est le seul qu'elles aient à peu près réahsé.
Nous renvoyons pour les détails aux art. Classes so-
ciales, Constitution, Démocratie, Etat, Société, etc.
La déclaration des droits de l'homme et du citoyen, inspirée
des idées philosophiques sur le droit naturel, affirme dans
son premier article : « Les hommes naissent et demeurent
libres et égaux en droits. » Une série d'autres constitutions
affirment expressément l'égalité des citoyens devant la loi
(Prusse, Bavière, Saxe, Italie, Grèce, etc.). On remarquera
que cette formule est moins compréhensive que celle votée
par l'Assemblée constituante. En fait, celle-ci est plus
philosophique que réelle, et il y a lieu de distinguer trois
points de vue selon qu'il s'agit de l'égalité dans les droits
privés, de l'égalité politique, de l'égalité sociale. L'égalité
devant la loi en matière privée a été presque complètement
réalisée dans l'Europe et l'Amérique modernes. C'est le
grand progrès accompli depuis l'eff'ondrement du système
féodal, lequel reposait essentiellement sur l'inégahté des
droits et des devoirs (V. Classes sociales. Etat, etc.).
Dans l'Etat moderne, chaque homme, quel qu'il soit, est
envisagé comme un individu dans ses rapports avec d'autres
individus, et ceux-ci sont réglés sans tenir compte de la
qualité personnelle. On fait même très peu de distinction
entre les nationaux et les étrangers. Tel est le résultat d^
la Révolution française. Le principe de l'égalité des droits
naturels, qu'elle proclamait, a prévalu. Même le souverain
et l'Etat, dans les aff'aires de droit privé, sont traités
comme les autres individualités sans privilège. Cette égalité
n'est pas absolue, toutefois. Elle comporte des restrictions
fondées sur le sexe et sur l'âge, sur l'état de santé et -
d'équilibre moral des individus ; ni les femmes, ni les mi-
neurs n'ont l'égalité de droits; les aliénés, les interdits,
les condamnés en sont privés. D'autre part, il subsiste dans
certains pays des privilèges spéciaux pour le souverain et
sa famille, notamment en ce qui touche le mariage et les
ÉGALITÉ - ÉGAULT
- 598-
unions morganatiques. D'ailleurs, cette condition parti-
culière de la famille souveraine est plutôt restrictive
des droits individuels de ses membres. Ajoutons que 1 éga-
lité devant la loi n'est réelle qu'en droit. En fait, les com-
plications de la procédure et les délais qu elle impose
rendent très souvent impossible au pauvre lusage de cet
appareil compliqué, et, dans les pays les plus avances il
subsiste, au profit des riches et des puissants, une inégalité
très marquée. Toutefois, c'est un progrès immense que
d'avoir inscrit l'égalité dans la loi, si l'on songe que 1 an-
tiquité reposait sur Vesclavage (V. ce mot) et que, jusqu a
la fin du siècle dernier en France, jusqu'à il y a un vingtaine
d'années dans de grands pays européens, les droits indivi-
duels privés variaient d'une classe à l'autre (Y. Classes so-
ciales). Il subsiste quelques traces de cette inégalité dans
le réeime de la propriété en Allemagne, en Angleterre, etc.
Malgré toutes ces restrictions, notre civilisation est fondée
sur l'éaalité des droits civils.
L'égalité politique est moins réalisée ; si 1 on excepte les
républiques fondées sur le suff'rage universel, on trouve des
droits prépondérants constitués, soit au bénéfice d un sou-
verain héréditaire, soit au profit d'une aristocratie de cen-
sitaires. Dans des pays très libres, comme les Etats Scan-
dinaves, les droits électoraux ne sont pas égaux entre les
individus ; ils sont encore exercés par des groupes sociaux,
par des classes; ailleurs (Angleterre, Belgique, Italie) les
pauvres en sont destitués. Même en France, le jury est
recruté exclusivement dans une minorité et ne représente
que l'opinion de la classe capitaliste. L'égahté, au point de
Yue des charges, n'est pas complète; les très grosses for-
tunes échappent aux exigences du fisc. Pour le service
militaire en France, l'égalité complète ne date que de la
loi de 1889, le privilège du remplacement ayant jusqu alors
en partie survécu dans l'institution du volontariat d un an.
Depuis 1889, il n'y a plus d'avantage fait qu'à l'instruction
et l'on peut admettre que le système des bourses permet
aux pauvres comme aux riches de recevoir l'instruction ;
par là il constitue un élément essentiel de l'égalité démo-
^^ Si^nous arrivons à l'égalité sociale, nous constatons
qu'elle n'existe à peu près nulle part ; je ne dis pas seule-
ment l'éealité de fortune, ni même l'égalité de rémuné-
ration pour des efforts égaux, mais simplement cette égalité
qui fasse que le riche et le pauvre, le noble et le plébéien
soient considérés seulement en raison de leur mérite indi-
viduel. Malgré les progrès faits par le sentiment démo-
cratique nous sommes encore loin de cet idéal. Dans un
échange de services celui qui donne l'argent se juge supé-
rieur en dienité à celui à qui il le remet. 11 faut aller dans
les pays de vieille démocratie rurale, comme la Norvège
et quelques cantons suisses, pour voir le salarié se consi-
dérer comme l'égal de celui qui paye, et le traiter comme
tel sans lui marquer cette déférence instinctive qui, dans
nos mœurs, paraît presque due à ce qu'on appelle une
situation sociale plus élevée. La jeune démocratie des
Etats-Unis est aussi à peu près égalitaire; n'ayant pas
d'aristocratie héréditaire, voyant la fortune se modifier
sans cesse par l'action de l'énergie individuelle, elle n a
pas nos préjugés sur les rangs sociaux. Rappelons enfin,
pour conclure, que l'école socialiste, chaque jour plus
puissante, prétend établir entre les hommes, non seulement
résalité dans la hiérarchie sociale, mais l'égalité réelle :
de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins
(V. Collectivisme). .,, , i-^o
E6AN (Pierce), pubhciste anglais, ne à Londres en 177!2,
mort à Londres le 3 août 1849. 11 se fit une grande noto-
riété en écrivant dans les journaux les comptes rendus du
sport et fonda en 1818 une revue spéciale, Boxiana, qui
parut jusqu'en \ 824, et en 1 821 un recueil mensuel illustré,
Life in London, qui obtint un succès colossal. Les per-
sonnages excentriques Jerry, Tom et Bob Logic qu'il pro-
mena à travers les mille spectacles de Londres devinrent
populaires. Une légion d'imitateurs et de plagiaires surgirent,
entre autres Real Life in London et Life in Paris, et 1 on
produisit à la scène les aventures de Tom, de Jerry et de
Losic. Dégoûté à la fin de ces plagiats, Egan écrivit :
Finish tothe adventures of Tom, Jerry and Logic m
their pursuits through Life in and out London
(Londres, 1828). Ses autres œuvres, presque toutes humo
ristiques, sont nombreuses. Nous citerons : The Mistress of
Boyalty (Londres, 1814); The Life and extraordinary
Adventures of S. D. Hayward, denominated the mo-
dem Macheath (1822) ; The Life of an actor (1824) ;
Anecdotes of the turf, the chase, the ring and the stage
(1827) ; Walks through Bath (1828) ; The Show folks
(1831) ; Mattews's comic annual (1831) ; Book of
sports and Mirror of Life (1832) ; The Pilgrims ofthe
Thames in search of the national (mS), La plupart
de ces ouvrages sont fort bien illustrés. R. ^»
EGAN (Pierce), romancier anglais, né à Londres en
1814, mort à Londres le 6 juil. 1880, fils du précédent.
Dessinateur et graveur de talent, il illustra notamment
les Pilgrims of the Thames de son père et une série
de ses propres romans. Sa production est considérable : il
fut le fournisseur attitré et très lu des feuilletons de
Vlllustrated London News, du Home Circle, du London
Journal, etc. Nous citerons de lui : Wat Tyler (1841,
3 vol.) ; Adam Bell, Clym o' the Cleugh, and William
ofCloudeslie (1842) ; The Waits (1857); Clifton Grey
(1857); Flower ofthe Flock (1857) ; The Make m the
grass (1858) ; Love me leave me not (1860) ; ThePoor
Girl (1863) ; Eve or the Angel of innocence (1807) ;
The Blue eyed ivitch (1869) ; Ever my queen (187^)]
Two Young Ecarts (1876) ; Loved in secret (l^'^) î ^
Shadow on the future (1880). R- p».
E6AS (Annequin de), architecte et sculpteur d origine
flamande et dont le véritable nom est Hantje Vander
Eycke7iAUut,àeU^9 kU9^,maestromayor àestr&yaux
de la cathédrale de Tolède et, en cette qualité, il dirigea, vers
la fin du xv^ siècle, la construction de la superbe façade dite
des Lions, aidé de son appareilleur Juan Fernandez de
Liena et probablement de son fils Henrique. P. L.
EGAS (Henrique), architecte et sculpteur, fils du pré-
cédent et plus habituellement désigné dans les documents
espagnols par le surnom de maître Henrique. A la mort
de son père, le chapitre de la cathédrale de Tolède 1 appela
à lui succéder dans son emploi de maestro mayor qu il
conserva jusqu'en 1534, date que l'on suppose être celle
de sa mort. En 1480, il dirigeait déjà la construction, à
Valladolid, du grand collège de Santa Cruz, fondé par le
cardinal Pedro Gonzalez de Mendoza, et, en 1504, il édifiait
l'hôpital des Enfants trouvés, à Tolède, fondé par le naerne
cardinal, dont il éleva le tombeau dans la cathédrale. 11 lut
chargé, également en 1504, de tracer les plans du grand
hôpital de Santiago en GaUce, fondé par les « rois catho-
liques». En 1519, il faisait modifier la coupole de la cha-
pelle mozarabe à la cathédrale de Tolède. 11 fut consulte
au sujet des travaux de la coupole de la cathédrale de
Séville (4512 et 1515), de la cathédrale de Salamanque
(1529 et 1534), de celles de la Seu à Saragosse (1505),de
Malaga (1528) et de Ségovie. — Henrique Egas laissa
quatre enfants, dont l'un, nommé comme son père Hen-
rique, fut architecte; un autre, Diego, fut sculpteur et
décora avec Melchor de Salmeron la chapelle de los Reyes
nuevos (1531 et suiv.); Pedro, le troisième, fut peintre
et travailla à décorer la cathédrale de Tolède. Il avait marie
sa fille, Maria, au célèbre architecte Alonso de Covar-
rubias
BiiiL. : Zarco DEL Valle, Documentos inedif os; Madrid,
1870. — Laguno y Amirola, Noticias de los Arquitectos
y Arquitectura de Espana; Madrid, 1829.
ÉGAT. Corn, du dép. des Pyrénées-Orientales, arr. de
Prades, cant. de Saillagousse ; 120 hab.
EGAIES (Géogr. anc.) (V. ^Egates).
ÉGAULT DES NoÈs (Pierre-Marie-Thomas), ingénieur
français, né à Dinan le 16 juin 1787, mort à Moulms le
- 599 -
ÉGAULT - EGEDE
22 janv. 1839.11 appartenait au corps des ponts et chaus-
sées et a donné son nom à un niveau à bulle d'air qui
constituait un grand progrès à Fépoque (1806) de son
invention; on se sert encore couramment du niveau
d'Egault. Egault a été chargé en 1805 delà distribution
des eaux de l'Ourcq dans Paris. Il a publié en 1814 un
grand mémoire sur les inondations de la Seine à Paris, tra-
vail important que l'on consulte encore. M.-C. L.
EGBA. Peuple nègre de la Guinée orientale, delà famille
des Nagos. Leur pays s'étend au S. de l'Yorouba, entre
le Dahomey àl'O. et le Bénin à l'E. LesEgbas, d'un carac-
tère plus sociable que les Dahoméens et les Minas, étaient
particulièrement recherchés par les négriers pour le recru-
tement de l'esclavage du Brésil et de Cuba ; Abéokouta est
leur capitale actuelle (à 75 kil. à vol d'oiseau de Lagos).
Les Egbas sont adonnés au fétichisme ; mais leur fétichisme
n'a rien de farouche. Leur constitution, plus complexe que
celle de la plupart des tribus nègres, est un mélange de
coutumes indigènes et de principes inspirés par les mis-
sionnaires anglais. Les Egbas passent pour les meilleurs
agriculteurs des deux Guinées.
E6BERT (Eambercth, Eggberht, Hechbertus), arche-
vêque d'York dès 732 ou 734, mort en 766 ou 767. Il
appartenait à la famille des rois de Northumbrie ; son frère
fut roi en 738. Après avoir reçu sa première éducation
dans un monastère de son pays, il était allé à Rome et y
avait été ordonné diacre ; en 735, il reçut le pallium, de
Grégoire III. Il fonda et dirigea l'école cathédrale d'York
et la dota d'une bibliothèque. Les étudiants y affluèrent
bientôt de tous les pays de l'Europe. Alcuin y fut son dis-
ciple, puis professeur et directeur. — (ouvres : Pontifi-
cale^ imprimé d'après un manuscrit de notre Bibliothèque
nationale, provenant de l'église d'Evreux. Martène {DeAn-
tiquis Ecclesiœ ritibus; Rouen, 1700, 4 vol. in-fol.) en
a reproduit des extraits. Succintus dialogus Ecclesias-
ticœ institutionis^ traité, par demandes et par réponses,
sur divers points de discipline ecclésiastique (Dublin, 1664).
Escarpsum de Canonibus Catholicorum Patrum, vel
Pœnitentiale ad remedium animarum, imprimé dans
la Veterum Scriptorum et monumentorum,.. amplis-
sima collectio de Martène et Durand (Paris, 1724-1733,
9 vol. in-fol.). On a attribué à Egbert des Excerptiones^
extraits des Pères et des canons de l'Eglise ; mais Wasser-
schleben(Z)i> irische Canonensammlung ; Giessen, 1874)
a démontré que cet ouvrage ne provient pas d'Egbert,
parce qu'il contient des extraits des capitulaires de Charle-
magne. E.-H. Vollet.
BiBL. : Cave, Historia litteraria scriptorum ecclesiasti-
corum ; Oxford, 1740-1743, 2 vol. in-fol. — Wasserschle-
BEN, Die Bussordnungen der abendlândischer Kirche;
Halle, 1851, in-8. — J. Brice, dans le Dictionary of Chris-
tian biography de W. Smith et H. Wace ; Londres, 1877-
1887, 4 vol. in-8.
EGBERT LE Grand, roi des Saxons, mort en 839. Il
passa sa jeunesse dans l'exil, à la cour de Charlemagne,
refuge des bannis des divers pays anglo-saxons. Il y arriva
probablement en 789 et y resta treize ans. Il retourna en
Angleterre en 802 et fut accepté par les Saxons de l'Ouest
comme roi. Les commencements de son règne sont obs-
curs : il livra bataille, en 824, aux Gallois de Cornouailles
et aux gens de la Mercie, qu'il vainquit près de Winchester.
A la suite de cette victoire, il conquit le Kent, sur lequel il
avait des droits, puis la Mercie (828). En 829, il marcha
contre les Northumbriens, qui se soumirent à lui sans
combat. La Chronique anglo-saxonne note qu'en cette
année 829 Egbert devint le huitième Bretwalda, c.-à-d.
le huitième suzerain général de tous les royaumes anglo-
saxons de l'île. Ce n'est pas qu'Egbert ait détruit les
royautés locales ; on n'avait pas l'idée en ce temps-là de
l'unité territoriale ; mais il a exercé dans toute l'Angleterre
une espèce d'autorité impériale. La fin de la vie d'Egbert
fut attristée, comme celle de Charlemagne, par les inva-
sions normandes. En 834, les pirates Scandinaves enva-
hirent ses domaines et pillèrent l'île de Sheppey. L'année
suivante, Egbert fut battu par eux à Charmouth (Dorset-
shire). En 837, une grande flotte de Normands d'Irlande
envahit le Wessex par la Cornouailles avec l'appui des Cor-
nouaillais. La bataille fut livrée à Hengestdune et fut pour
Egbert une victoire complète. Le roi mourut en paix et eut
pour successeur son fils Ethelwulf. Ch.-V. L.
EGEDE (Hans), premier missionnaire des Esquimaux,
né le 31 janv. 1686 à Senjen (Norvège), mort à Stubbek-
jôbing (Falster) le 5 nov. 1758. Vers 1707, il était pas-
teur luthérien à Vaagen (Lofoten), quand il entendit parler
des Esquimaux à peine connus alors ; de vieilles chroniques
qu'il étudia à ce propos lui révélèrent l'ancienne colonisa-
tion norvégienne du Groenland ; il confondit les anciens et
les nouveaux habitants et prit la résolution d'aller faire
revivre le christianisme au Groenland. Aucune objection ne
l'arrêta; il surmonta tous les obstacles ; en 1721, il réus-
sit à former à Bergen une société grœnlandaise à laquelle
le roi Frédéric IV, qui s'intéressait au projet, accorda des
privilèges. Egede partit le 3 mai 1721 avec quarante-cinq
personnes. Ils débarquèrent dans une baie qu'il nomma
Godthaab (Bonne-Espérance). Il dépensa des trésors de
patience et d'amour pour apprivoiser les Esquimaux, et,
avec le secours de ses propres enfants, finit par apprendre
leur langue. Les colons ne donnèrent guère moins de peine
à Egede que les naturels, surtout quand, en 1728, il arriva
une cargaison de forçats, La même année la « Société
grœnlandaise » liquida ses affaires ; le bateau annuel de
1731 apporta au Groenland la nouvelle de la mort de Fré-
déric IV et la suppression de toute l'entreprise. Les colons
se rembarquèrent pour l'Europe et Egede resta seul. Une
épidémie de variole importée par un Esquimau qui avait été
en Danemark dépeupla les environs de Godthaab en 1734.
Egede vit mourir sa femme Gertrude Rask, sa fidèle com-
pagne; en 1736, il se décida à retourner en Europe. Il
dirigea le séminaire grœnlandais à Copenhague, et fut
nommé, en 1740, surintendant de l'Eglise grœnlandaise.
En 1747, il se retira sur l'île de Falster, où il mourut.
Il avait publié : Beretning am den Grônlandske Mis-
sion (Copenhague, 1738) et Detgamle Grônlands nye
Perillu stration (ibid., 1741). F.-Herm. Krijger.
BiBL.: Grônlands historiske Mindesmœrker; Copenhague,
1883, l'-" partie. — N. -M. Petersen, H. Egfedes Lei;nei ;
Copenhague, 1849. — Fenger, Bidrag til H. Egedes og den
Grônl. Missions Historié 1121-1160; Copenhague, 1879. —
KocH, Kirkehist. Samling ; Copenhague, 1886.
EGEDE (Paul), fils du précédent, né en 1708, mort à
Copenhague en 1789. Son père l'envoya faire ses études
théologiques à Copenhague en 1721 ; puis il fut l'aide et
le successeur de son père au Grœnlandde 1734 à 1740.
On a de lui plusieurs travaux linguistiques, en particulier
un Dictionnaire grœnlandais-danois-latin(Copenhai^uG,
1750), une Grammaire grœnlandaise (Copenhague,
1760) ; il compléta la traduction du Nouveau Testament que
son père avait commencée et la publia en 1766, ainsi que
quelques autres traductions en grœnlandais. Après la mort
de son père, il fut nommé surintendant de l'Eglise grœn-
landaise, avec le titre d'évêque. — Son fils, Hans-E.-
Saabye Egede, fut également missionnaire au Grœnland
de 1770 à 1778. F.-H. K.
EGEDE (Christian-Thestrup), explorateur danois, né
le 14 nov. 1761,mortle 17 oct. 1803. Petit-fils du précé-
dent, il prit part, en qualité de sous-Heutenant de marine
(1782) à l'expédition de P. de Lœvenœrn sur les côtes
orientales du Grœnland, que son chef ne put attendre ;
chargé de la continuer avec le yacht Nye-Prœve, monté
par neuf hommes (1786-87), il put, malgré les glaces qui
obstruaient le détroit de Danemark, se rapprocher assez
du littoral pour en donner des vues exactes de 65° à
66"^ W de lat. N. Sa relation a paru sous le titre de, :
Rejsebeskrivelse til OEstergrœnlands Opdagelse (Co-
penhague, 1789 ; 2^ édit., 1796). Devenu lieutenant en
premier (1789), il se distingua au combat naval dans la
rade de Copenhague en 1801 et fut nommé capitaine la
même année. Beauvois.
EGEDESMINDE — EGERTON
— 600 —
EGEDESMINDE. Etablissement danois de la côte du
Grœnland, dans une île de la baie Disco ; il fut fondé en
4759, par Hans Egede, fils de Paul (V. ce mot). C'est un
groupe de quatre villages avec une population d'un millier
d'âmes. On recueille le duvet de l'eider dans les îles
voisines.
EGÉE. Ancien nom de la mer de V Archipel (V. ce mot).
Suivant certains auteurs, la mer Egée aurait tiré son nom
du roi Egée, père de Thésée, qui s'y était précipité. D'après
Strabon, ce nom viendrait de la ville d'JEga, dans l'île d'Eu-
bée ; d'autres écrivains grecs le font venir de aiysç, chèvres,
c.-à-d. « vagues bondissantes ».
EGÉE, roi d'Athènes (V. Thésée).
EGELN. Ville d'Allemagne, royaume de Prusse, district
de Magdebourg; 5,000 hab. On y fabrique du sucre et
une bière renommée (Egelei), C'est une ancienne sei-
gneurie annexée au Brandebourg en 1659. Aux environs
est le couvent de femmes de Marienstuhl, fondé en 1262.
EGENOLFF (Christian), imprimeur, libraire et graveur
allemand, né à Hadamar (Nassau) le 26 juil. 1502,
mort à Francfort-sur-le-Main le 9 févr. 1555. Il fit ses
humanités à Mayence , y apprit l'art typographique et
s'établit à Strasbourg en 1529; mais, dès le début de
l'année 1531, il transporta son imprimerie à Francfort et
fut le premier typographe de cette cité. Il édita nombre
d'ouvrages illustrés, notamment avec gravures sur bois
des célèbres Hans Sebald Beham et Virgil Solis. Son éta-
blissement ne subsista que jusqu'à la mort de sa veuve
en 1577.
BiBL. : H. Grotefend, Christian Egenolff; Francfort,
1881, gr. in-4, fig.
EGER (tchèque Ohré). Rivière de Bohème, affluent de
gauche de l'Elbe. L'Eger prend sa source en Bavière, dans
le Fichtelgebirge, à 720 m. d'alt., près du Schneeberg;
il serpente sur un haut plateau, arrose Weissenstadt et
Rœslau, reçoit le Rœslau, puis il descend en Bohême par
une gorge très encaissée, près de Hohenberg. A partir de
la ville d'Eger, la pente s'adoucit ; la rivière coule dans
VEgerland, bassin encaissé entre le Bœhmerwald et ses
contreforts (Teplergebirge) et l'Erzgebirge ; ce bassin, large
de 15 à 22 kil., est un ancien lac rempli de terrains ter-
tiaires, entre les schistes cristallins et les roches érup-
tives (granit, etc.) qui forment la Bohême occidentale et
septentrionale ; dans la région moyenne, vers Kaaden, les
roches volcaniques se sont épanchées, le terrain tertiaire
reparaît ensuite jusque vers Laun où l'Eger entre dans le
crétacé. Le bassin de l'Eger forme une région nettement
délimitée. La rivière y arrose Eger, Kœnigsburg, Falkenau,
Elbogen, Karlsbad, Klosterle, Kaaden; d'Elbogen à
Kaaden, son cours est gêné par des rochers ; elle s'infléchit
au N.-E. pour contourner le Hengsberg ; elle passe ensuite
à Saatz, Laun, Lebochowitz, Budin, puis tourne au N.,
baigne Theresienstadt et se jette dans l'Elbe en aval de
cette ville et en face de Leitmerilz, à 128 m. d'alt. Son
cours est de 310 kil. ; la direction générale est vers l'E. ;
les eaux ont une teinte d'ocre ; les rochers et les rapides
de son lit ne permettent que le flottage. Les principaux
affluents sont à droite le Tepl, l'Au, à gauche la Zwodau,
le Rœhlau. La vallée de l'Eger jusqu'à Laun est habitée par
des Allemands ; ceux-ci ont, surtout autour d'Eger, con-
servé les mœurs et le costume d'autrefois.
EGER. Rivière du Wurttemberg et de la Bavière, affluent
de la Wœrnitz, qui arrose Nœrdlingen; elle a 52 kil.
de long.
EGER (tchèque Cheb), Ville de Bohême, sur la rive
droite de VEger (V. ci-dessus), à 410 m. d'alt.; 17,148 hab.
C'est un centre commercial important ; elle a (juelques
scieries, brasseries, filatures, tissages, cordonneries, etc.
Elle n'a conservé que des ruines de son château où furent
égorgés les amis de Wallenstein (Terzky, Illo, Kinsky,
Neumann), les murs de la grande salle, la tour noire^ la
chapelle gothique avec substructions romanes. De ses cinq
églises, il faut citer l'église paroissiale avec ses deux tours ;
on remarque encore des couvents de dominicains (fondé
en 1276), de franciscains (fondé en 1256), la maison de
ville (qui date de 1600) où fut assassiné Wallenstein,
l'hôtel de ville qui date de 1728, etc. L'importance straté-
gique d'Eger, due à sa situation à l'angle N.-O. de la
Bohême, entre la Bavière et la Saxe, est encore accrue par
ce fait que c'est un centre de croisement de voies ferrées
qui se dirigent vers Vienne au S.-E., Prague à l'E., Dresde
au N.-E., Leipzig au N., la vallée du Main à l'O., Ratis-
bonne et Munich au S. — On ignore l'origine de la ville; elle
appartint aux margraves du Nordgau qui y résidèrent. Ils
la transmirent à Frédéric Barberousse (1149) qui en fit
une ville impériale (1179). Elle fut conquise par Ottocar II,
reperdue par la Bohême, mais acquise de nouveau en 1322,
les empereurs l'ayant donnée en gage. C'est là qu'en 1432
fut négociée une transaction entre les hussites et les délé-
gués du concile de Bâle. Pendant la guerre de Trente ans,
les Suédois l'occupèrent deux fois (1631, 1647); Wallen-
stein y fut tué le 25 févr. 1634. Les Français la prirent
le 19 avr. 1742, l'évacuèrent l'année suivante. Elle fut
démantelée en 1809.
BiBL. : Gradl, Die Chroniken der Stadt Eger ; Eger,
1885. — Drivok, JElteve Geschichte des deutchen Reich-
stadt Eger ; Leipzig, 1874.— Grueber, Die Kaiserburg zu
Eger; Prague, 1864.
EGER. Ville de Hongrie (V. Erlau).
EGER! (Unter-) ou /EGERl. Grand village de Suisse,
cant. de Zug ; 2,378 hab. Cette localité, qui est située à
l'extrémité N.-O. du petit lac d'^Egeri, sur le torrent de la
Lorze, a formé pendant longtemps une république démo-
cratique indépendante et était entrée dans l'alliance conclue
par les trois cantons primitifs, Uri, Schwytz et Unterwal-
den, avant le cant. de Zug lui-même.
ÉGÉRIE. 1. Mythologie. — Nom d'une nymphe, adorée
à Rome et dans leLatium. Elle habitait d'abord une source
située aux portes mêmes de Rome, entre les voies Latine et
Appienne. C'était elle, disait-on, qui avait inspiré au roi
Numa sa législation religieuse ; et Numa parlait volontiers,
d'après Tite-Live, de ses colloques nocturnes avec la nymphe
Egérie. Après la mort de Numa, elle se retira dans le La-
tium, à Aricie, où elle donna naissance à une autre source.
Ovide a raconté sa légende en vers touchants. En réalité,
Egérie paraît avoir été dans l'ancienne religion latine une
divinité locale, adorée également à Aricie et à Rome, et à
laquelle on attribuait d'aider les femmes dans leur déli-
vrance; jus(jue dans les derniers temps de Rome, les
femmes enceintes avaient coutume de lui sacrifier. C. J.
II. Astronomie. — Nom du 13® astéroïde (V. ce mot).
BiBL.: Preller, Rœmische mythologie, t. Il, p. 129,2«éd.
EGERTON. Duc de Bridgewater (V. ce nom).
EGERTON (Sir Thomas), baron Ellesmere, vicomte
Brackley, homme d'Etat anglais, né vers 1540, mort le
15 mars 1617. Fils naturel de sir Richard Egerton de
Ridley, il entra en 1556 à la Chambre des communes pour
Oxford, se fit inscrire au barreau de Londres en 1572 et
acquit une grande renommée d'avocat. Soliciter gênerai le
26 juin 1581, attorney gênerai le 2 juin 1592, il fut nommé
en 1593 chambellan de Chester. Devenu maître des rôles
en 1594, il fut promu lord keeper en 1596, en remplace-
ment de sir John Puckering, et entra au conseil privé. Très
en faveur auprès d'Elisabeth, il usa de son influence pour
protéger Francis Bacon. Il joua un rôle prépondérant dans
le jugement du comte d'Essex (1601), avec lequel il avait
été fort lié. Egerton continua à se maintenir en faveur à
la cour de Jacques P*". Il reçut le grand sceau le 19 juil.
1603, avec le titre de baron Ellesmere, et eut part aux
affaires les plus importantes. Il fut notamment un des pro-
moteurs de l'acte d'union entre l'Ecosse et l'Angleterre
(1606-1607) et conseilla l'emprisonnement de Whitelocke
à la Tour (1613). Créé vicomte Brackley le 7 nov. 1616, il
supplia le roi de le relever de ses fonctions de lord chance-
lier à cause de sa mauvaise santé. Jacques l^^ ne voulut
y consentir que douze jours avant sa mort (3 mars 1617).
— Son fils John fut alors créé comte de Bridgewater
(V. ce nom). I^- S.
BiBL. : F.-H. Egerton, Life of sir Thomas Egerton;
Londres, 1793. — Egerton Papers, publ. par la Camden
Society, 1840.
EGERTON (Francis Leveson-Gower-), comte (I'Elles-
MERE (V. ElLESMERe).
EGERTONIA (Paléont.). Cocchi a établi ce genre pour
des plaques dentaires de poissons voisins^ des Labres ; il
n'existe qu'une plaque pharyngienne supérieure, armée de
dents égales ou presque égales aux dents latérales ; la
plaque pharyngienne inférieure porte au bord des dents
arrondies. Le type du genre est E, isodonta du terrain
tertiaire inférieur de Tîle de Sheppey. E. Sauvage.
BiBL. : Cocchi, Monografîa dei Pharyngodopelidœ, 1866.
E66A. Ville du Soudan occidental, sur la rive droite du
Niger, à 110 kil. en amont du confluent delà Binoué et à
576 kil. de l'embouchure du Niger; Egga s'élève au milieu
de marécages, sur la berge occidentale du fleuve. Egga
occupe, avec ses maisons, ses magasins et ses appontements,
une longueur de 3 kil. Le mouvement des barques y est
très actif; les navires anglais remontentjusque-là. Les deux
principaux objets de commerce sont l'ivoire et les coton-
nades bleues appelées guinées, fabriquées par les métiers
indigènes. Egga a été comprise, par la convention anglo-
française du 5 août 1890, dans la sphère d'action de la
Compagnie anglaise du Niger.
EGGEBAS. Poids de 21^^44, usité en Guinée.
EGGEBI. Ville du Soudan occidental (Etat de Sokoto).
La population est adonnée à l'agriculture et à l'élève du
bétail. La principale industrie consiste dans l'ornementa-
tion des calebasses, décorées de fines gravures représentant
des animaux domestiques.
EGGELING (Jules), sanscritiste allemand, né dans le
duché d'Anhalt en 1842. Après avoir fait ses études à
Breslau et à Berlin, il se rendit à l'Angleterre et s'établit à
Londres, où il fut d'abord nommé bibliothécaire de la Royal
Asiatic Society, et plus tard professeur de sanscrit à l'Uni-
versity Collège. En 1875, il fut appelé àl'université d'Edim-
bourg'pour la chaire du sanscrit et de linguistique 11 est
surtout connu parla publication d'une série de textes,
parmi lesquels les plus remarquables sont : le Kâtantra
avec le commentaire de Durgasinha (Calcutta, 1874-78);
Tanaratnamafiodadhi de Vardhamâna (Londres, 1879-
80) ; The Gatapatha-Brâhmana, translated according
the text of the Mâdhyandina School (Oxford, 1882). Il a
aussi rédigé en collaboration avec M. Cowell de Cambridge
le catalogue des manuscrits sanscrits et bouddhistes, ap-
partenant à la Royal Asiatic Society (1871).
EG6ER (Emile), philologue français, né à Paris le
18 juil. 1813, mort à Paris le 1^' sept. 1885, d'une fa-
mille originaire de la Carinthie. Elève de l'Ecole normale,
agrégé de grammaire en 1834, docteur es lettres en 1837,
il professa au collège Saint-Louis, au lycée Charlemagne ;
devint maître de conférences à l'Ecole normale (1839) ; en
1840, il fut nommé au concours agrégé près la Faculté des
lettres et devint professeur suppléant de littérature grecque
à la Faculté des lettres de Paris. A partir de 1855, il fut
titulaire de cette chaire qu'il conserva jusqu'à sa mort. Il
fut élu en 1854 à l'Académie des inscriptions. Ses publi-
cations sont extrêmement nombreuses. Une édition de
Varron [DeLingua Mina; Paris, 1837,in-8),de Longin
(Paris, 1837, in-16), de Festus et Verrius Flaccus (Paris,
1839), correctes, mais sans originalité. Il se fit connaître
par son Examen critique des historiens anciens de la
vie et du règne d'Auguste qui obtint un prix académique
en 1839 et fut publié en 1844 (Paris, in-8) ; puis il donna
Latini sermonis vetustioris reliquiœ selectœ (Paris,
1843, in-8) ; Recherches sur les Augustales (V&r'is, 1844,
in-8). Il aborda ensuite la littérature grecque où il se spé-
cialisa de plus en plus : Méthode pour étudier V accen-
tuation grecque (avec Galusky; Paris, 1844, in-12);
Epigraphices grœcœ specimina selecta in usum prœ-
601 - EGERTON - EGGER
lectionum academicarum (Paris, 1844, in-8) ; Aperçu
sur les origines de la littérature grecque (Paris, 1846,
in-8) ; Essai sur rhistoire de la critique chez les Grecs,
suivi de la Poétique d'Aristote et d'extraits de ses pro-
blèmes (Paris, 1850, in-8); cet ouvrage est peut-être le
plus intéressant et celui qui a conservé le plus sa valeur ;
les Notions élémentaires de grammaire comparée pour
servir à l'étude des trois langues classiques (Paris,
1852, in-12 ; 8^ éd., 1880), eurent un très vif succès et
classèrent définitivement M. Egger en tête des philologues
français de son temps. Il fit paraître ensuite Apollonius
Dyscole, essai sur l'histoire des théories grammaticales
dans r antiquité (?aocis, 1854, in-8) ; une série de mémoires
lus en séances publiques de l'Institut : de l'Etude de la
langue latine chez les Grecs de l'antiquité (Paris, 1855,
in-8) ; Considérations historiques sur les traités inter-
nationaux chez les Grecs et les Romains (1856, publié
en 1866, in-8) ; Observations historiques sur la fonc-
tion de secrétaire des princes chez les anciens (1858);
S'il y a eu chez les Athéniens de véritables avocats
(1860) ; de la Langue et de la nationalité grecque?»;
Réflexions sur quelques documents historiques du
temps de la prise de Constantinople par les Turcs
(1864). En même temps, il publiait des recueils de Mémoires
de littérature ancienne (Paris, 1862, in-8) ; Mémoires
d'histoire ancienne et de philologie (Paris, 1863, in-8) ;
des Observations sur un procédé de dérivation très
fréquent dans la langue française (Paris, 1864, in-8) ;
le Recueil des papyrus grecs du Louvre, avec Brunet de
Presle (Paris, 1866) ; le Papier dans l'antiquité et dans
les temps modernes (Paris, 1867, in-18), et enfin son
grand ouvrage resté classique : l'Hellénisme en France,
leçons sur l'influence des études grecques dans le dévelop-
pement de la langue et de la littérature françaises (Paris,
1869, 2 vol. in-8). Il faudrait ajouter à cette liste ses
articles du Journal de l'Instruction publique, de la Re-
vue des Deux Mondes, de la Revue archéologique, de
l'Enseignement public, de la No2ivelle Revue encyclo-
pédique, de la Revue française, de l'Encyclopédie du
xix« siècle, de la Nouvelle Biographie générale de Didot,
du Dictionnaire des sciences philosophiques, etc., dans
lesquels il vulgarisait les résultats obtenus par les autres
érudits et par lui-même. Ses dernières publications furent :
un Ménage d'autrefois, étude de morale et d'écono-
mie domestique (?9iris, 1867, in-18) ; les Derniers Jours
de l'éloquence athénienne (?ms, 1868, in-8); l'Egypte
moderne et l'Egypte ancienne (Paris, 1868, in-8);
Etude d'histoire ancienne; les projets de réforme sociale
dans l'antiquité (Paris, 1868, in-8) ; de l'Histoire et
du bon usage de la langue française (Paris, 1868, in-8);
Observations sur l'Erotnos (Paris, 1871, in-8) ; Notice
sur un papyrus gréco-égyptien inédit (appartenant à la
bibliothèque de l'université d'Athènes (Paris, 1873, in-8) ;
Observations sur le genre de drame appelé satyrique
(Paris, 1873, in-8); un Sénatus-Consulte romain contre
les industriels (Paris, 1873, in-8) ; les Substantifs
verbaux formés par l'apocope de IHnfinitif (Paris,
1875) ; des Documents qui ont servi aux anciens
historiens grecs (Paris, 1875, in-8) ; Observations et
réflexions sur le développement de r intelligence et du
langage chez les enfants (Paris, 1879, in-8) ; Histoire
du livre (Paris, 1880, in-8) ; la Tradition et les ré-
formes dans l'enseignement universitaire {^2x\s>, 1883,
in-8). Cette énumération suffit à montrer l'activité intel-
lectuelle d'Egger et l'étendue de sa science. Bien que ce
n'ait pas été un grand philologue original, il mérite
d'être placé haut. Ce fut un érudit sagace, profondément
consciencieux ; son savoir fut parfois de seconde main,
mais son esprit critique fut rarement en défaut, et il avait
des connaissances presque encyclopédiques. On ne peut
d'ailleurs le juger seulement sur ses ouvrages. Ce fut un
professeur remarquable ; il réagit contre les tendances trop
littéraires et superficielles des professeurs d' « éloquence »
EGGER — EGGERS
— 602
classique et fut le rénovateur des études philologiques en
France. Estimé et aimé de tous ceux qui l'approchaient, il
exerça une influence considérable.
EGGER (Victor-Emile), philosophe français, né à Paris
le 44 févr. 1848, fils du précédent et petit-fils de l'hellé-
niste F.-D. Dehèque. Il fit ses études aux lycées Saint-
Louis et Charlemagne et fut élève de l'Ecole normale supé-
rieure (4867-4870). Chargé de cours au lycée de Bastia
(4874), puis agrégé de philosophie (4872), il a été pro-
fesseur au lycée d'Angers (1872-77) et maître de confé-
rences à la faculté de Bordeaux (4877-82) ; il est profes-
seur à la faculté de Nancy depuis mai 4882. Comme
ouvrages, il n'a publié que ses thèses de doctorat : de
Fontibus Diogenis Laertii (Paris, 4881, in-8), et la
Parole intérieure {ihid., 4884, in-8). Mais il a collaboré
à la Revue des Deux Mondes (la Physiologie cérébrale
et la psychologie^ 4^^ nov. 4877), à la Revue philoso-
phique [les Illusions visuelles, 188S et 4886), à la
Revue scientifique [la Vision des monuments élevés,
44 déc. 4889), aux Annales de la faculté des lettres de
Bordeaux {la Certitude scientifique, 4879 ; la Nais-
sance des habitudes, 4880 ; VOEU et l'Oreille, 4886),
à la Critique philosophique (Intelligence et conscience;
Vesprit est irréductible à l'âme, 4885 ; le Sommeil,
la certitude et la mémoire, 4888), à la Revue inter-
nationale de renseignement (Science ancienne et
science moderne, 4890). Il a aussi donné de nom-
breux articles dans le Dictionnaire usuel des sciences
médicales (1885), dans la Gazette hebdomadaire de
médecine (4884-89) et les articles Expérience, Expé-
rimentation et InducUon dans le Dictionnaire ency-
clopédique des sciences médicales (4888-89). Psy-
chologue avant tout, M. V. Egger est partisan d'une
psychologie pure, indépendante à la fois de la physiologie
et de la métaphysique. Il a contribué à l'avancement de
cette science surtout par une théorie du signe, une théorie
de l'habitude, une théorie de la perception externe et de
la reconnaissance, développées dans ses cours et dans sa
Parole intérieure. En philosophie générale, sa méthode
est la méthode psychologique; sa doctrine, inspirée du
criticisme de M. Renouvier, est un phénoménisme décidé,
mais dégagé de tout déterminisme et à tendance franche-
ment spiritualiste. H. M.
EGGERS (Bartholomeo), sculpteur hollandais, né à
Amsterdam auxvii^ siècle. Des œuvres d'Eggers dans son
pays natal, on ne connaît que le beau tombeau des princes de
Wassenaer-Obdam.A Berlin, outre les statues des princes
de la maison des Hohenzollern, on cite : les empereurs /usfi-
nien, Constantin, Charlemagne et Rodolph II, diverses
cariatides et figures décoratives.
EGGERS (Jakob, baron d'), militaire suédois, né Dorpat
le 25 déc. 4704, mort à Danzig le 42 janv. 4773. B fut
emmené par les Russes en captivité à Arkhangel avec sa
mère et dut son instruction militaire à des prisonniers sué-
dois. Libéré en 4722, il entra dans l'armée suédoise, s'oc-
cupa surtout de fortification. Il vint en France en 4728,
servit Stanislas Leczynski de 4733 à 1735, et défendit
Danzig. Il passa au service de la Hesse et fortifia Rhein-
fels (1735), puis de la Saxe avec le grade de capitaine,
voyagea dans l'Europe méridionale, fit les campagnes de
4744 avec les Saxons, 4743 avec les Suédois contre les
Russes, rentra en 4744 dans l'armée saxonne, prit part en
4747 avec les Français au siège de Berg-op-Zoom, dont il
publia une relation, Journal du siège de Bergopzoom
(Leipzig, 4750), fut le précepteur militaire des princes
Xavier et Charles de Saxe, rédigea Neues Kriegs, Ingé-
nieur, Artillerie, See und Flotten Lexicon (Dresde,
4757, 2 vol.), fut promu colonel et élevé à la noblesse par
le roi de Suède (4749), et appelé par le roi de Pologne
électeur de Saxe à commander la place de Danzig avec le
titre de général (4758).
BiBL.; H. -K. Eggers, Geschichte des Geschlechts
Eggers;P\œn, 1879.
EGGERS (Heinrich-Petervon), écrivain holsteino-danois,
né à Segeberg le 29 déc. 4754, mort à Copenhague le
49 mars 4836. Après avoir été employé à la chancellerie
allemande (4776-4794), il entra dans les postes et fut
directeur de celle du Danemark à Hambourg (4808-4846).
Son remarquable mémoire sur la situation de l'Eystribygd
ou colonie orientale du Groenland fut couronné par la
Société d'économie rurale et inséré dans le t. IV de ses
Skrifter (Copenhague, 4794, in-8). Il y démontre avec
beaucoup d'érudition et de perspicacité que les épithètes
d'oriental et d'occidental ne doivent pas être prises dans un
sens absolu par rapport à l'ensemble du Grœnland, mais
s'appliquent Tune et l'autre à la] côte occidentale seule dont
la partie méridionale est plus à l'E. que la partie septen-
trionale. En se plaçant à Gards, l'ancien chef-lieu civil et
ecclésiastique, l'Eystribygd et le Vestribygd se trouvent en
efi'et, celui-là à l'E., celui-ci à l'O. Beauvois.
EGGERS (Christian-Ulrich-Detlev, baron d'), écono-
miste et écrivain holsteino-danois, frère du précédent, né
à Itzeho le 44 mai 4758, mort à Kiel le 24 nov. 4843.
Après avoir étudié à Kiel et aux universités allemandes,
il fut professeur de droit à celle de Copenhague (4785). Il
publia ses leçons en danois et en allemand (4785-86) et,
même après avoir été dispensé de faire des cours (1789),
il continua de traiter de ces matières dans de nombreux
ouvrages, entre autres : sur l'Histoire de la liberté de
la presse en Danemark (4794) ; Institutiones juris
civitatis publici et gentium universalis (4 796) ; Lehr-
buch des Natur und Privatrechts und gemeinen
preussischen Rechts (Berlin, 4797, 3 vol.) ; Gesetzbuch
filr Schleswig und Holstein (Kiel, 1808). Membre d'une
commission islandaise, il publia : Beschreibung von Is-
land (4786, t. I), et Schilderung der gegenwœrtigen
Verfassung von Island (Altona, 4786). Il prit part au
congrès de Rastadt (4797-98) comme conseiller de léga-
tion, devint député au collège des finances (4800), puis
à la chancellerie allemande (4802), enfin président à Kiel
(4843). Le gouvernement autrichien le consulta sur des
questions législatives (4805) et le nomma baron de l'Em-
pire (4806). Parmi les soixante-dix volumes dus à ce
fécond écrivain, il faut encore citer : Denkwûrdigkeiten
der franzœsichen Révolution (Copenhague, 4794-4804,
6 vol.) ; Denkivilrdigkeiten ans dem Lebendes Staats-
minister P. A, Grafen von Bernstorf (ibid., 4800 ;
en franc., 4804) ; Memoiren ilber die dœnischen Fi-
nanzen (Hambourg, 4800-4804, 2 vol.) ; Bemerkungen
auf einer Reise durch das sûdliche Deutschland, den
Elsazund die Schweiz (Copenhague, 4804-4805, t. I-
VI; Brunswick, 4809, t. VII-VIII) ; Ueber den neuen
franzœsischen Erbadel (Hambourg, 4808) ; Reise durch
Franken, Baiern, OEsterreich, Preussen und Sachsen
(Leipzig, 4810, 4 vol.). — Son frère, Friedrich-Ludwig
von Eggers, né à Glûckstadt le 5 juin 4763, mort le
26 oct. 4812, fut auditeur (4787), archiviste (4794) et
conseiller (4797) à la cour d'appel de Gottorp. Avec
Brockdorff, il publia Corpus statutorum Slesvicensium
(4794-4842, 3 vol.). Beauvois.
BiBL. : H.-K. Eggers, Geschichte des Geschlechts Eq-
gers, 1879-1887, 2 vol.
EGGERS (Johann-Karl), peintre d'histoire allemand, né
àNeustrelitzen4790, mort en 4863. H étudia avec Matthseis
à Dresde, puis séjourna à Rome, où il exécuta des fresques
au Braccio nuovo du Vatican. On a de lui une Vénus en-
dormie (4849) ; le Christ avec Marthe et Marie, etc. Il
laissa aussi des portraits, entre autres celui du Grand-Duc
de Mecklembourg-Strelitz au palais du roi à Berlin.
EGGERS (Friedrich), écrivain d'art allemand, né à
Rostock le 27 nov. 4819, mort à Berlin le 44 août 4872.
Rédacteur du Kunstblatt et professeur d'histoire de Part
à l'Académie des beaux-arts de Berlin, il a rédigé une
biographie de Ranch achevée par son frère, ^ar/ Eggers
(Berlin, 4873-4881, 3 vol.) et des Poésies également en
collaboration avec son frère (Breslau, 4874 et 4875; les
— 603 —
EGGERS — EGGS
dernières en dialecte mecklembourgeois sous le titre Trem-
EGGERS (Heinrich-Franz-Alexander, baron von), voya-
geur et botaniste danois, né à Slesvig le 4 déc. 1844.
11 servit dans la guerre contre TAllemagne (4864), ensuite
dans Tarmée de l'empereur Maximilien (1865), fut fait
prisonnier à Oaxaca (1866) et fit à travers le Mexique
des excursions qu'il a décrites dans Erindringer fra
Mexico (Copenhague, 1869) et dans le recueil Fra aile
Lande (1867). Rentré dans l'armée danoise comme sous-
lieutenant (1868), il fut envoyé dans les Antilles, devint
capitaine (1878) et obtint sa retraite en 188o. Il a rap-
porté de ses voyages de riches collections botaniques et des
matériaux pour un grand nombre d'articles dans des
revues danoises, allemandes, américaines, françaises. B-s.
EGGERT (Franz-Xaver), peintre de vitraux allemand,
né à Hochstsedt sur le Danube en 1802, mort à Munich le
14 oct. 1876. Formé à Augsbourg et Munich à l'Académie
royale de peinture sur verre', il a publié de nombreux cahiers
de plans de décoration, travaillé pour la cathédrale de Co-
logne, l'église de l'Au (Munich) et fourni celles des cathé-
drales de Bâle, de Constance, etc., exécutées dans la maison
fondée par lui en 1851.
EGGERT Ôlâfsson (en danois Olafsen ; en latin
Egerhardus Olavius), poète et voyageur islandais, né à
Svefney le l^'^ déc. 1726. Il périt le 30 mai 1768 avec toute
sa famille et une partie de ses collections et de ses manus-
crits, en traversant le Breidifjœrd, à l'O. de l'Islande,
pour s'établir dans une nouvelle demeure. Après avoir
terminé ses études à l'université de Copenhague, il fut
chargé, avec son compatriote Bjarné Pâlsson (Povelsen),
d'étudier la statistique, Téconomie rurale et l'histoire na-
turelle de l'Islande. Les importants résuUats de leur
voyage, qui dura de 1757 à 1759, sont consignés dans
Rejse iyjennem Island (Sorœ, 1772, 2 vol. in-4 ; en
allemand par Geuss ; Copenhague, 1772-74, 2 vol. m-4 ;
en français par Gauthier de Lapeyronie ; Pans, 1802,
5 vol. in-8 avec atlas). Il devint vice-président des assises
du S. et de l'E. de l'Islande. Il publia en latin : Enar-
rationes historicœ de Islandiœ natura et construc-
tione (Copenhague, 1749, in-8); De Ortu et progressu
super stitionis circa ignem Islandiœ subterraneum
(ibid., 1751), et des poésies de circonstance; en islandais,
des géorgiques qui font encore les délices des paysans de
l'île (Bunadarbâlk ; Hrappsey, 1783, in-8 ; en vers
danois par Finn Magnusen dans Skandinavisk Muséum,
1803, t. I, pp. 17f-210), réunies avec d'autres poésies
dans ses Kvœdi (Copenhague, 1831) (Notice sur lui par
Bjœrn Haldorsson; Hrappsey, 1784). Beauvois.
EGGESTEYN ou Ecksteyn (Heinrich), imprimeur stras-
bourgeois du xv^ s. Maître es arts et en philosophie, il fut
reçu bourgeois de Strasbourg en 1442 et devint chancelier
épiscopal. Vers 1460, il établit dans cette ville une typo-
graphie rivale de celle de Jean Menhelin, et ne fut nulle-
ment son associé comme certains l'ont prétendu. Ses nom-
breuses impressions les plus anciennes, parmi lesquelles
figurent deux précieuses Bibles latines et une allemande,
ne portent aucune indication de lieu, de date et de nom,
et ne lui ont été restitués qu'en raison des caractères
employés spécialement par ce typographe. Il ne se nomma
pour la première fois que dans son édition du Decretum
Gratiani (1471,in-fol.) qui est en même temps le premier
livre imprimé à Strasbourg avec date. Son nom figure
encore dans le colophon des Constitutiones de Clément V
(1471) et dans les Institutiones de Justinien (1472), et
il disparaît ensuite des annales de la typographie. G.P-i.
EGGIS (Etienne), poète suisse, né à Fribourg le 25 oct.
1830, mort à Berhn le 13 févr. 1867. Neveu par alliance
de M. de Sénancour, l'auteur à'Obermann, Eggis s'éprit
tout jeune d'une véritable passion pour la Httérature. Pré-
cepteur chez un comte bavarois, il abandonna son poste
pour mener en Allemagne la vie de l'étudiant errant. Il prit
goût à la vie de bohème et la continua jusqu'à la fin de ses
jours, d'abord à Paris, où il vécut quelques années et pubha .
ses vers, puis à Berlin, où il végéta péniblement et mou-
rut de phtisie, peut-être de misère. Arsène Houssaye et
Maxime Du Camp furent de ses amis et lui ont consacré des
pages intéressantes. Jules Janin remarqua celui qu'il appe-
lait avec justesse « un poète gallo-allemand ». Il fit l'éloge
des deux recueils qu'il fit paraître : En causant avec la
lune (1850); Voyages au pays du cœur (1852). Eggis
est un vrai romantique, un Petrus Borel suisse, comme on
l'a appelé. C'est un des seuls représentants de la poésie
allemande en langue française : il chante les clairs de lune,
les sérénades, les buveurs mélancoliques, et ne manque m
de charme ni de style. M. Philippe Godet a réuni ses meil-
leures œuvres dans un volume précédé d'une notice fort
attachante (Neuchàtel, 1886). E. K.
EGGMUHL ou ECKNIUHL Village de Bavière, prov. de
Bavière-Inférieure, sur les bords de la Grande-Laber, au
S. de Ratisbonne ; 120 hab. Château. Il est célèbre parce
qu'il a donné son nom à la bataille livrée le 22 avr. 1809
entre les Français et les Autrichiens. Cette bataille acheva
la défaite de l'armée autrichienne qui avait envahi la Bavière.
L'aile gauche des Autrichiens avait été vaincue à Abensberg
le 19 avr., coupée du corps principal et refoulée au delà de
la Petite-Laber, sur la route de Landshut. Le 21 avr., son
chef Hiller fut attaqué par Napoléon et pris à revers par
Masséna qui le rejetèrent sur la rive droite de l'Isar en lui
infligeant de grandes pertes. Pendant ce temps, l'archiduc
Charles, s'avançant plus auN., avait occupé Ratisbonne le
20 avr. et fait sa jonction avec Kolowrat. Il avait réuni
quatre corps d'armée (Rosenberg, Hohenzollern, Kolowrat,
Liechtenstein) et s'était porté à Eggmùhl, d'où il menaçait
le flanc de l'armée française et pouvait la couper de
Donauwerth. Davout, chargé de le contenir, y réussit pen-
dant la journée du 21 avr. Le lendemain, Napoléon, chargeant
Bessières de poursuivre Hiller, se porta au N. par la route
de Landshut à Ratisbonne avec les corps de Lannes et de
Masséna, les Wurtembergeois de Vandamme, les divisions
de cuirassiers Nansouty et Saint-Sulpice. Le pont d'Eggmuhl
était la clef de la position. Davout obligea Rosenberg à se
replier ; Lannes et les Wurtembergeois attaquèrent Eggmuhl
qui fut vaillamment défendu; la division Morand passa la
Laber, la cavalerie (Nansouty et Saint-Sulpice) chargea
l'infanterie autrichienne, tandis que les Bavarois enlevaient
une batterie de seize pièces. Davout emporta les redoutes
d'Unterlaichling appuyé par la division Friant. Malgré la
perte des bords de la rivière, les Autrichiens se défendaient
sur les hauteurs qui la dominaient. Le corps de Rosenberg
supportait le principal eff'ort. L'archiduc Charles ne voulut
pas engager ses réserves de crainte de faire détruire toute
son armée. H donna l'ordre de la retraite sur Ratisbonne.
Rosenberg se retira par les bois de Santing et Eglofsheim.
Mais, lorsque les Français furent maîtres des hauteurs, le
danger devint grand. L'archiduc Charles jugea nécessaire
de sacrifier sa cavalerie. Il la massa devant Eglofsheim et
une sanglante mêlée s'ensuivit. Les cuirassiers français 1 em-
portèrent et sabrèrent ensuite deux carrés de grenadiers
hongrois. On s'arrêta alors, d'épuisement. Les Français
avaient fait une marche de plus de douze lieues pour arriver
au champ de bataille. L'archiduc Charles évacua Ratisbonne
pendant la nuit et se retira en Bohême. L'armée autrichienne
avait durant ces quatre journées perdu 25,000 hommes
tués ou pris, une centaine de canons, douze drapeaux,
une partie de ses bagages. Elle avait dû laisser hbre la
route de Vienne. Davout, qui s'était particulièrement dis-
tingué, fut créé par l'empereur jç?nn(?^ d'EckmûhL ^
EGGS (Jean-Ignace), antiquaire suisse, né à Rheinfeld
en 1618, mort à Lauff'enbourg le l^'-févr. 1702. H servit
comme aumônier à bord d'un vaisseau vénitien et alla
comme capucin en mission dans le Levant. Durant ses
voyages, il recueillit soigneusement toutes les antiquités
qu'il rencontra en Asie Mineure et en Terre sainte, ou il
accompagna le comte Octave de La Tour et Taxis. A son
retour en Suisse, il donna ses antiquités à divers musées,
EGGS - EGIL
-« 604
et, tout en s'occupant de la conversion des protestants, il
publia la relation de son voyage sous le nom d'Ignace de
Rheinfeld, avec le titre suivant : Relation du voyage de
Jérusalem et description de toutes les missions apos-
toliques de l'Ordre des capucins (Fribourg en Brisgau,
\QQQ, in-4).
EGHAM. Village d'Angleterre, comté de Surrey, sur la
Tamise, en aval de Staines; 2,500 hab. Asile de conva-
lescents, collège de femmes. Auprès sont l'école d'ingé-
nieurs indiens (Coopers Hill) et la prairie de Runnimead
où le roi Jean signa la Grande Charte en 4215.
EGHIN (Turquie d'Asie) (V. Akin).
É6HISHÉ ou ÉLISE (latinisé en £/i5fiPW5), historien
et théologien arménien, mort à Rhechtounikh vers 480.
Disciple de Sahaq et de Mesrop, il accompagna comme se-
crétaire le prince Vartan dans sa malheureuse campagne
contre les Perses. Il fut ensuite nommé évéque d'Amatou-
liek. Son principal ouvrage, qui lui assigne une place d'hon-
neur à côté de Moïse de Khorèn, est une Histoire des
guerres de Vartan ; il raconte comme témoin oculaire, et
en se servant de documents officiels aujourd'hui perdus,
les persécutions du christianisme par les Perses et les
guerres qui en résultèrent. Cet ouvrage fut d'abord im-
primé à Constantinople en 1764, puis plusieurs fois à
Venise ; la meilleure de ces éditions est celle de 1852. Il a
été traduit en plusieurs langues, en français par Cabaradji
(Paris, 1844). Les écrits théologiques d'Eghishé ont moins
d'intérêt ; une édition de ses OEuvres complètes a été im-
primée à Venise en 1838. F. -H. K.
EGHRIS (V. Egris).
ÉGIALÉEou >€GIALÉE. I. Géographie ancienne. —
Nom ancien de la côte septentrionale du Peloponèse, qui
devint VAckaïe, lorsque les Achéens y eurent remplacé les
Ioniens (V. Achaïe).
II. Mythologie. -— Fille d'Adraste ou de ses fils Mgh-
leus et d'Amphithea, d'où, chez les poètes, son surnom
à'Adrestiné, Femme de Diomède, roi d'Argos, elle resta
fidèle longtemps à son époux lorsqu'il partit pour Troie.
Mais Aphrodite, pour se venger de la blessure que lui avait
faite Diomède, jeta l'égarement dans l'esprit d'Egialée ;
celle-ci trompa Diomède avec plusieurs jeunes Argiens et
attenta même à sa vie après son retour. Le héros fut
obligé de se réfugier en Hespérie. La légende ne dit rien
sur la fin de l'infidèle. J.-A. Hild.
EG I B L Nom d'un chef de tribu dans l'ancienne Babylone.
Les habitants de cette grande cité étaient divisés, en dehors
des étrangers et des esclaves, en castes d'un très grand
nombre. Ces castes ou tribus étaient ou des corps de mé-
tiers de toute nature, ou bien c'étaient des tribus qui se
distinguaient par le nom d'un ancêtre. Les familles qui se
dénommaient ainsi d'un nom de personne s'élèvent dans
les documents babyloniens à plusieurs centaines ; ils sem-
blent avoir formé l'élite de la société babylonienne, avec
les castes des prêtres et des juges. L'ancêtre s'appelle en
assyrien Banû, générateur, et le descendant de ce per-
sonnage patronymique se nomme Mar BanU^ fils d'an-
cêtre, un hidalgo^ un ingenors.
Parmi les différents noms d'ancêtres se distingue celui
à'Egibi; à la famille qui dérive de cet aïeul, appartient
toute une série de riches négociants qui, depuis Nabopo-
lassar jusqu'à Artaxerxès, vendaient, achetaient des im-
meubles, des produits agricoles, des esclaves, prêtaient de
l'argent sur intérêts avec ou sans gages. On connaît sur-
tout la filiation de Nabu-zir-ukin (vers 600 av. J.-C);
de Sula (jusqu'à 582); de Nabu-akhê-iddin (jusqu'à
543); à'Itti-Morduk-balat (jusqu'à 521); de Marduk-
nazir-abal (jusqu'à 486) ; de Nidintabel, sous Xerxès.
Ces six générations semblent avoir conservé leurs richesses
pendant plus d'un siècle et demi ; à côté de cela il y a des
descendants à'Egibi, qui ne sont rien moins que fortunés,
puisque quelques-uns ont été soumis à des saisies.
Le nom à'Egibi, tout individuel qu'il soit, semble être le
dérivé d'un pluriel, et représente une collectivité. Le nom
d'Egibi doit signifier « les presseurs de vin » et a des ana-
logies avec d'autres ancêtres personnifiés, tels que Dabibi
« les plaignants, les avocats » ; Mandidi^ « les arpenteurs ».
Un savant allemand qui s'occupe d'assyriologie, M. De-
ll tsch, a voulu exciter l'attention du grand pubhc, en
parlant de la maison de banque Egibi à Babylone, et flatter
l'antisémitisme en assurant que cette maison de banque
était un établissement israélite. Il y eut donc déjà des
banquiers israéUtes à Babylone? car Egibi serait la forme
babylonienne de Jacob. Mais le nom est plus ancien que
Jacob qui, d'ailleurs, se nomme dans les textes cunéiformes
YaqUbu et Yuqûbu, Le nom à'Egibi est babylonien et
nullement juif. J. 0.
ÉGIDE. Nom donné par Homère soit au bouclier de
Zeus, soit à un emblème analogue, manteau ou cuirasse,
d'Apollon et d'Athéna, qui le tiennent de Zeus lui-même.
L'égide est le symbole de la nuée d'orage, sombre et ter-
rible, que sillonnent les éclairs et qui verse les torrents de
pluie. Dans l'épopée homérique, lorsque Zeus, appelé
aiy^o'/^o; (qui porte l'égide), saisit cet attribut pour mani-
fester sa colère, le mont Ida se couvre de nuages et la
foudre retentit. Il se confond dans l'imagination populaire,
peut-être en vertu d'un simple rapprochement de mots à
consonance identique (al'Ç, chèvre, et àïÇ, mouvement
violent, d'où aiaaw, s'élancer), avec la peau d'une chèvre
que la divinité roule autour du bras gauche en guise de
bouclier ou dont elle se couvre la poitrine comme d'une
cuirasse. Zeus s'en est servi pour la première fois dans la
lutte contre les Titans et les Géants ; Athéna et Apollon la
portent sur les champs de bataille. Elle est l'œuvre d'Hé-
phaistos, qui l'a garnie tout à l'entour de glands d'or étin-
celants ; au centre est fixée la tête terrible de la Gorgone
(V. ce nom) . Les artistes lui ont donné la forme d'une cui-
rasse, le plus souvent imbriquée, dont le gorgoneïon est
l'ornement principal et qui est fixée sur la poitrine par
des nœuds figurant des serpents, comme on peut voir au
mot Athéna (Athéna de Velletri et Athéna Parthénos). Les
mythographes en ont fait la peau d'un monstre fabuleux
tué par cette dernière divinité et aussi la peau de la chèvre
Amalthée, nourrice de Zeus. J.-A. Hild.
EGIDIO Antonini, connu sous le nom de Gilles de
Viterbe, évêque, prédicateur et écrivain, né à Viterbe,
mort à Rome en 1532. Il paraît avoir été un des prédica-
teurs les plus éloquents de son temps. [Général des ermites
de Saint-Augustin, depuis 1507, il fut nommé patriarche
in partibus de Constantinople et évêque de Viterbe, ou-
vrit, en 1512, le concile de Latran, et fut chargé par le
pape de missions en Allemagne (1 5 1 7) et en Espagne (1518).
Outre quelques commentaires sacrés, Egidio a écrit de
petites poésies ; il rivalisait dans ce genre avec P. Bembo
(V. ce nom), mais fut loin de l'égaler.
EGIDIUS (V. .Egidius).
EGIDIUS CoLONNA (V. Colonna).
EGIL ou EIGIL Skallagrimsson, célèbre skald islan-
dais, né vers 900, mort vers 980. Issu d'une famille nor-
végienne, les Myramen, que l'hostilité de Harald Hârfagr
avait forcés d'émigrer et qui étaient aussi remarquables
par leurs talents poétiques que par leur force, leur lai-
deur ou leur beauté, il partit tout jeune avec son frère
Thôrôlf pour faire la course dans la Baltique et la mer du
Nord. Ils firent des descentes en Courlande, en Skanie, où
ils brûlèrent Lund, en Jutland, en Frise, en Flandre, puis
ils se mirent au service du roi d'Angleterre iEthelstân
(925) qui les fit ondoyer et les plaça à la tête des cor-
saires qui se battirent à Weondune (Vinheide). Egil com-
posa en l'honneur de ce monarque une drapa dont il ne
reste qu'une strophe et le refrain. Rentré en Islande
(927) après douze ans d'absence, il en repartit (933) pour
recueillir en Norvège un héritage échu à sa femme, tua
son beau-frère, qui lui refusait sa part, se vengea du roi
Eirik Blodœxe et de la reine Gunnhilde, qui avaient pris
parti contre lui, en faisant égorger leur fils Rœgnvald
(934) ; mais, deux ans plus tard, naufragé sur le littoral
605
EGIL — ÉGINE
du Northumberland, il tomba en leur pouvoir et ne put
sauver sa vie qu'en déclamant vingt magnifiques couplets de
facture à la gloire d'Eirik, en partie conservés et appelés
Hœfudlausn ou « rançon de la tète », traduits et expli-
qués en suédois par Per Sœrensson (Lund, 1868, in-8),
mais si obscurs même pour les plus savants Islandais que
Bjœrn Jonsson de Skardsâ passa toute une année à les
commenter (1634). Après avoir gagné beaucoup de ri-
chesses comme vainqueur dans deux combats singuliers,
il s'établit (938) dans son domaine de Borge, dans la
partie S.-O. de l'Islande. Mais les intérêts qu'il avait
en Norvège le rappelèrent (950) dans ce pays, où régnait
alors le frère et vainqueur d'Eirik Blodœxe, Hâkon le Bon,
qui lui en voulait d'avoir tué son neveu et qui lui par-
donna pour s'être acquitté avec succès d'une périlleuse
mission dans le Vsermland (95i). Les courses qu'il fit
dans le pays des Frisons furent ses dernières aventures à
l'étranger. Retiré dans son domaine de Borge, où il menait
un grand train de vie, il vécut désormais en paix, tantôt
contant ses prouesses à son ami le poète Einar Skâlaglam,
tantôt composant des drapas sur la perte de son fils {So-
nartorrek, 960) ou à la louange de son ami Arinbjœrn
{Annbjarnar drapa, 975, traduite et expliquée en sué-
dois par Bjœrlin, 1864), ou bien sur le bouclier de Hâkon-
jarl {Skjaldar drdpa, 910^ eiBerudrdpa, 975). Mais il
vécut trop longtemps ; plus qu'octogénaire, aveugle, privé
de ceux qu'il avait aimés et de la vigueur extraordinaire
dont il avait abusé, il devint le jouet des jeunes ; pour se
venger, à la veille de sa mort, il cacha tout l'or et les objets
précieux qu'il avait rapportés de ses courses. Ce qui reste
de ses poèmes se trouve soit dans la véridique saga dont
il est le héros, VEigla^ qui comprend beaucoup d'autres
fragments de ses chants, soit à la suite du texte dans les
éditions de 1809, 1856 et 1886-88. Beauvois.
BiBL. : Eigils saga Skalla-grimssonar ; Hrappsey, 1782,
in-4. — Eg'ils saga, édit. arna-magnéenne avec trad.
latine et commentaire ; Copenhague, 1809, in-4. — Sagan
af Agli Skallagrimssyni^ édit. par Jôn Thôrkelsson ;
Reykjavik, 1855, in-8. — Ègils saga, édit. par Finn Jôns-
TON, avec commentaire -, Copenhague, 1886-88, in-8. — Tra-
ductions danoises par T. N., 1738 ; — par N.-M. Petersen,
1839; 2° éd., 1862 \ par Lefolti et Sv. Grundtvig, 1867; —
suédoise, par Baath ; Stockholm, 1886 ; — allemande,
par Ferd. Kuhll ; Vienne, 1887. — Commentaires par
Magnus Grimsson, dans Safn til sœgu Islands^ t. II ; —
par E. Jessen, dans Historische Zeitsschrift de Sybel,
t. XIV ; — par Finn Jônsson, dans Kritiske Studier ;
Copenhague, 1884.
E6ILSS0N (Sveinbjœrn), savant islandais, né à Gull-
bringa (Islande) le 24 févr. 1791, mort à Reykjawik le
17 août 1852. Il fut un des fondateurs de la Société litté-
raire d'Islande (Islenzka Bôkmentafélag, 1816) et de la
Société des antiquaires du Nord (Nordisk Oldokrift Sels-
kab, 1825); il prit part, avec Rask, Petersen, Rafn, etc., à
la publication des historiens islandais (Fornmanna Sôgur;
Copenhague, 1825-1837; trad. en latin, Scripta historica
Islandorum; Copenhague, 1828-1846), publia la nouvelle
Edda (1848-1849) et un grand nombre d'articles ou de
dissertations philologiques et archéologiques. Enfin il pré-
para un dictionnaire, édité après sa mort par la Société
des antiquaires du Nord, Lexicon poeticum antiquce
linguœ septentrionalis (Copenhague, 1855-1860). On a
réuni ses écrits en trois volumes publiés à Reykjawik
(1855-1856). Dans le second, John Arnason a inséré la
biographie de l'auteur.
ÉGINE (Astron.). Nom du 91® astéroïde (V. ce mot).
ÉGl N E (Aly^va). I. Géographie. — Ile des côtes orien-
tales de la Grèce, dans le golfe d'Egine (ancien golfe Saro-
nique), entre les côtes de l'Argolide, de la Mégaride et de
l'Attique. Elle appartient aujourd'hui au nome d'Attique
et Béotie, dont elle forme une éparchie; elle a 86 kil. q.
de superficie; 6,000 hab. Sa forme est celle d'un trapé-
zoïde ayant sa grande base au N., la petite au S. Au centre
s'élève une montagne de forme conique, le mont Saint-
Elie (534 m.), le Panhellenius des anciens; avec ses con-
treforts, il occupe toute la partie méridionale de l'île, tandis
que l'Ouest forme une plaine bien cultivée et fertile ; il y a
une assez haute colline au N.-E. (190 m. d'altitude). Egine
est entourée de rochers et d'écueils qui rendent difficile
l'approche de ses rivages. Le côté occidental est le seul
accessible aux navires. Elle est entièrement déboisée et n'a
presque pas d'eaux courantes. Le sol calcaire produit de
l'orge, du vin, des amandes, de l'huile, des figues. On en
retire une excellente argile à potier, et, auN., des pierres
de taille. Dans le golfe et l'île d'Egine, la pêche des
éponges est très pratiquée. — Le chef-lieu est la ville
d'Egine (3,000 hab.). Il possède une rade ouverte et les
deux ports artificiels des anciens, celui du S. restauré par
Capo d'Istria.
Dans l'antiquité, la principale ville qui portait le même
nom que l'île était située dans la plaine nord-occidentale.
Elle a été décrite par Pausanias et les ruines en sont encore
visibles. L'édifice principal était VMaceium, enclos con-
sacré à Eaque (V. ce nom). Près de la mer était un vaste
théâtre; la ville possédait aussi un stade et plusieurs
temples. Elle avait deux ports, le principal près du temple
d'Aphrodite, le second, appelé « port secret », près du
théâtre. Les ruines qui sont encore visibles consistent en
substructions de murailles, en blocs épars et en tombeaux.
Près du rivage sont deux colonnes doriques ; non loin, au
S., un port ovale fermé par deux môles et jadis défendu
par deux tours : l'entrée en est très étroite ; un peu plus
loin, au S., un second port ovale d'une amplitude double,
également fermé par deux môles de 5 à 6 m. d'épaisseur.
Les remparts de la cité sont encore apparents du côté de la
terre. Ils ont environ 3 m. d'épaisseur. On y discerne trois
portes principales. — Sur la colline du N.-E. de Tîle sont
les ruines du fameux temple d'Egine. On l'a d'abord con-
fondu avec le temple de Zeus Panhellenius, mais Stackel-
berg a fait admettre que celui-ci se dressait au sommet de
la montagne du S. de l'île (c'était un autel entouré d'une
muraille semi-circulaire et remplacé depuis par la chapelle
de Saint-Elie) ; le temple de la colline du N.-E. était con-
sacré à Athéna. Il était situé dans une très belle position,
dominant la mer, en face de la côte de l'Attique. Une partie
des colonnes, d'ordre dorique, sont encore debout. Les
belles sculptures du tympan ont été exhumées en 1811
et transportées au musée de Munich (V. le § Histoire de
Vart), M. Garnier a donné une remarquable restauration
de ce temple en rétablissant la décoration polychrome. —
A l'intérieur de l'île, à une lieue environ de la cité d'Egine,
était la ville d'CEa, peut-être la première capitale de l'île.
On discute au sujet de sa position, que quelques-uns fixent
à Paleœ Khora, la capitale moderne. On ignore l'empla-
cement des temples d'Alphsea, d'Héraklès, mentionnées
par Pausanias et Xénophon.
IL Histoire. — Cette petite île a joué un grand rôle
dans l'histoire de l'ancienne Grèce. Elle fut le siège d'une
cité florissante dont les artistes ont conquis un renom im-
périssable. Les origines de cette cité remontent au delà de
la période historique. On raconte que l'île, s'appelait d'abord
OEnone ou OEnopia^ nom qui se rapproche de celui de la
ville d'OEa. Elle aurait emprunté le nom d'Egine à une fille
du fleuve Asopus, amante de Zeus, par qui elle fut trans-
portée dans cette île et où elle enfanta Eaque, né des œu-
vres du dieu (V. Eaque). Une autre légende, combinée
ultérieurement avec celle-ci, portait que l'île, d'abord dé-
serte, fut peuplée par des fourmis que Zeus changea en
hommes, créant ainsi le peuple des Myrmidons sur lequel
régna Eaque. On a supposé que ces légendes font allusion
à une colonisation d'Eoine par des gens de Phlionte (vallée
de l'Asopus) et de Phtia, en Thessalie, pays des Myrmi-
dons. Le héros national, patron de l'île, était Eaque. Mais
la famille des Eacides ne s'y fixa pas, puisque l'on faisait
régner son fils Pelée à Phtia, et son autre fils Télamon
à Salamine. La population de l'époque homérique, de race
achéenne, fut submergée plus tard par des Doriens venus
d'Epidaure, lesquels imposèrent leur dialecte et leurs cou-
tumes.
ÉGINE
— 606 —
Au viii^ siècle encore, Egine dépendait d'Epidaure et fut
soumise avec elle au tyran Phidon. A cette époque remonte
l'origine de la monnaie (V. ci-après le § Numismatique),
La situation insulaire d'Egine et l'activité de ses habitants
lui assurèrent un grand développement durant la période
de la colonisation (V. ce mot) ; elle devint une des places
commerciales les plus riches de la Méditerranée. Les Egi-
nètes s'affranchirent alors de l'autorité d'Epidaure (vers
550 av. J.-C); afin d'assurer leur autonomie et de pro-
téger leurs navires marchands, ils équipèrent de nombreuses
galères, furent presque les maîtres de la mer Egée. Ils
commerçaient non seulement avec le Péloponèse et les
rivages de la mer Egée, mais avec le Pont, la Crète d'où
ils. tiraient du blé, et Tltalie. Ils envoyèrent des colons en
Crète (à Cydonie) et jusqu'en Ombrie ; ils avaient un comp-
toir à Naucratis, en Egypte. Le gouvernement, qui était
aristocratique, comme dans les autres cités doriennes,
paraît s'être montré assez sage. L'apogée de la prospérité
d'Egine se place vers la fin du vi« siècle, dans la période
qui précède immédiatement les guerres médiques. Aristote
nous dit qu'elle possédait plus de 400,000 esclaves : ceci
supposerait une population totale de plus d'un demi-milhon
d'âmes. Comme on s'étonne de la voir concentrée sur un
si petit espace, on a supposé que ce chiffre d'esclaves
s'applique à ceux que les citoyens d'Egine possédaient dans
l'île et dans leurs comptoirs du dehors. Egine fut sup-
plantée par Athènes, qu'elle avait devancée pour l'art
comme pour le commerce. Lorsque l'Etat athénien se fut
constitué et se tourna vers la mer, il rencontra la concur-
rence des Eginètes, et un conflit devint inévitable. Situées
dans le même golfe, à cinq lieues de distance, les deux cités
ne pouvaient guère vivre en paix, d'autant que l'une était
dorienne et aristocratique, tandis que, dans l'autre, la
race ionienne organisait la démocratie. Leur proximité était
telle que la sécurité de chacune exigeait la ruine de sa
voisine. La guerre éclata en 505 av. J.-C. Les Thébains,
aux prises avec les Athéniens, obtinrent l'alliance des Egi-
nètes. Ceux-ci commencèrent les hostilités sans déclaration
préalable et dévastèrent les côtes de l'Attique ; la lutte se
prolongea pendant un quart de siècle, jusqu'à la seconde
guerre médique. Lorsque Darius fit demander la terre et
l'eau aux cités grecques, Egine, comme Thèbes, se soumit.
Les Athéniens portèrent plainte à Sparte, cité directrice
de l'Hellade, exposant les dangers que créait le « mé-
disme » de leurs adversaires. Pour les mettre à l'abri, au
moment de la première guerre médique, les rois de Sparte
Cléomène et Léotychide vinrent à Egine, où ils compri-
mèrent le parti médique, se saisirent d'otages qu'ils
remirent aux Athéniens pour les garantir contre une
attaque éventuelle des Eginètes. Plus tard, ceux-ci, après
la mort de Cléomène, réclamèrent leurs otages, qu'Athènes
refusa de rendre à Léotychide. Une conspiration démocra-
tique fut fomentée par les Athéniens. Elle était dirigée
par Nicodrome. Les conjurés furent découverts :^ 700
furent pris et mis à mort ; un d'eux s'était réfugié à l'autel
de Déméter Thesmophore ; n'osant l'en arracher, on lui
coupa les mains, puis on le tua. Nicodrome et une partie
des démocrates s'étaient réfugiés en Attique : on les étabht
à Sunium, d'où ils harcelèrent leurs compatriotes. Au
moment de la seconde guerre médique, une réconciliation
fut imposée à Athènes et Egine. Mais celle-ci n'en fut pas
moins victime de cette guerre.
Les Athéniens, obligés de devenir une puissance mari-
time, avaient mis à flot un nombre de navires qui leur
assurait la prépondérance. Contre les Perses, les Eginètes
envoyèrent 80 galères ; mais, bien qu'on leur ait décerné
le prix de la vaillance à Salamine, leur rôle ne fut pas
comparable à celui des Athéniens. Ceux-ci l'emportèrent
décidément. En 460, la guerre reprit ; malgré l'alliance
de Corinthe, Egine eut le dessous. Après la défaite de
Kekryphaleia, sa flotte fut détruite dans une grande bataille
navale où 70 vaisseaux furent perdus ; la cité, assiégée,
succomba après une énergique résistance (456). Egine fut
annexée aux possessions athéniennes. Périclês, qui l'appe-
lait « la taie (sur l'œil) du Pirée », n'était pas encore
satisfait. Au début de la guerre du Péloponèse, pour
éviter une insurrection qui eût pu reconstituer en face
d'eux un centre ennemi si dangereux, les Athéniens dé-
portèrent en masse la population de l'île et la remplacèrent
par des colons athéniens. Les Eginètes se retirèrent à
Thyrea, sur les côtes de Laconie. Ils furent réintégrés
dans leur patrie par Lysandre, après la bataille d'^Egos-
Potamoi. Instruits par l'expérience, ils voulaient vivre en
paix ; les Spartiates les forcèrent de guerroyer contre leurs
rivaux. Ils engagèrent une guerre d'escarmouches qui fut
très désagréable aux Athéniens dont les corsaires d'Egine
gênaient les navires. Le débarquement de Chabrias dans
l'île, la surprise et le pillage du Pirée par Téleutias, furent
les principaux épisodes de cette lutte, qui contribua fort à
décider les Athéniens à l'acceptation du traité d'Antal-
cidas (387). — Jamais Egine ne recouvra son ancienne
puissance. Elle tomba successivement aux mains des Ma-
cédoniens, des Etoliens, d'Attale, roi de Pergame, et enfin
des Romains.
IIL Histoire de l'art. — Ecole d'Egine. —On désigne
ainsi une des plus grandes écoles de sculpture de la Grèce
antique. Le mouvement artistique qu'elle représente corres-
pond surtout à la fin du vi® siècle avant notre ère : il s'ar-
rête peu après les guerres médiques, dans le premier tiers
du V® siècle, après la conquête de l'île d'Egine par les
Athéniens. Le style de l'école se rattache par certains côtés
aux traditions de l'archaïsme dorien : on y retrouve les
qualités et les défauts de la plastique péloponésienne, la
sohdité de la construction, la sobriété et la précision presque
géométrique du modelé, mais aussi l'uniformité des types,
la raideur de l'exécution, le manque d'expression dans les
visages. Les œuvres de l'école d'Egine ont toutes sur les
lèvres ce sourire insignifiant et béat que l'on a pour cette
raison qualifié d'éginétique. Mais, si engagée qu'elle soit
encore dans les conventions de l'archaïsme, l'école marque
un effort notable vers l'imitation de la nature vivante et la
vérité du rendu anatomique. On connaît quelques-uns des
artistes qui l'ont illustrée, Smilis, Callon, Glaukias, Anaxa-
goras, Callitélès, Simon, Synnoon, Ptolichos, Aristonoos,
Serambos, Theopropos, Ouatas. A l'école d'Egine appar-
tient un ensemble de statues fort important qui provient
des ruines du temple d'Athéna, découvertes à Egine en 4 8 1 4 .
Ces statues, qui sont aujourd'hui à la Glyptothèque de
Munich et dont on peut voir les moulages à l'Ecole des
beaux-arts à Paris, décoraient les frontons de l'édifice.
Elles se rapportent à l'histoire légendaire des héros de l'île :
Télamon, dont un des frontons représentait le combat sin-
gulier avec Heraklès, Ajax et Teucer, fils de Télamon, que
l'autre fronton montrait luttant contre les Troyens pour
défendre le corps de Patrocle. J. M.
IV. Numismatique. — Primitivement, les populations
de la Grèce, comme celles du monde entier, échangeaient
dans la circulation commerciale des lingots de métal précieux
qui étaient acceptés pour leur valeur pondérale intrinsèque.
L'île d'Egine fut la première des contrées de l'Europe qui
adopta l'usage de la monnaie proprement dite : ses pièces
primitives ont encore la forme de pastilles ovoïdes et len-
ticulaires, portant sur une face l'image d'une tortue de mer
et, sur Eautre face, un carré creux partagé en cinq com-
partiments par des Hgnes en relief. Ces monnaies d'argent,
qui remontent environ à l'an 700 avant notre ère, sont-
elles plus anciennes que les premières pièces d'or et d'elec-
trum des rois de Lydie ? Les témoignages des anciens sont
contradictoires sur ce point : pour les uns, les plus anciennes
sont celles que Phidon, roi d'Argos, fit frapper au type de
la tortue, dans l'île d'Egine, dont il était le maître; pour
d'autres, notamment Hérodote, c'est aux rois de Lydie que
revient l'honneur d'avoir inventé la monnaie. Aujourd'hui,
la question est encore controversée : nous penchons per-
sonnellement en faveur de l'antériorité ^es monnaies d'or
et d'electrum d'Asie Mineure (V. Monnaie). Il existe d'ail-
607 —
EGINE — EGINHARD
leurs de très rares monnaies d'electrum au type éginétique
de la tortue de mer, qui prouvent que ce sont les marchands
phéniciens ou ioniens qui introduisirent le statère d'elec-
trum asiatique dans l'île d'Egine : Phidon inaugura dans
l'île la monnaie d'argent, en copiant ces pièces d'electrum
aussi bien pour le type que pour le système métrique.^
Les plus anciennes monnaies d'argent d'Egine pèsent
environ 13s''T0, poids qui n'est qu'une dégradation légère
de l'étalon phénicien d'argent, usité dans un grand nombre
des villes de la côte d'Asie Mineure. Un peu plus tard, c.-à-d.
vers l'an 600, le poids des monnaies d'Egine s'étant gra-
duellement et lentement affaiblie devient fixe avec un étalon
de i2^''60. Les divisions de la monnaie d'Egine présentent
alors l'échelle suivante :
Statère 12,60 gr.
Drachme 6,30 —
Triobole 3,45 —
Diobole 2,40 —
Trihémiobole 4,57 —
Obole 4,05 —
Hémiobole 0,52 —
Tétartémorion 0,26 —
Tel est le système éginétique ; il se répandit rapidement
dans la plupart des contrées grecques, et d'après lui
furent frappées les monnaies de nombreuses villes du Pélo-
ponèse, des colonies chalcidiennes de l'Italie et de la Sicile,
de la Crète, des Cyclades et même de certaines villes d'Asie
Mineure, comme Téos et peut-être Cymé. L'étalon éginé-
tique fut un des plus usités dans le monnayage de la Grèce
jusqu'au iv^ siècle. A l'origine même il dominait exclusive-
ment : c'est d'après lui qu'à Athènes on mesura le poids
des métaux précieux et qu'on tailla les monnaies jusqu'à la
réforme de Solon (V. Athènes).
Quant aux monnaies de l'île d'Egine, elles étaient popu-
laires dans la circulation commerciale sous le nom de
tortues (x£)^tjSvai), à cause de leur type constant, aussi
uniforme que celui des monnaies d'Athènes. L'image de la
tortue, pourtant, se transforme graduellement au fur et à
mesure des progrès de l'art. A partir de l'an 404, date de
Monnaie archaïque d'Egine (argent).
l'émancipation des Eginètes par rapporta Athènes, la tortue
est particulièrement bien gravée, avec tous les détails de
sa carapace ; au revers, les pièces portent, dans les compar-
timents du carré creux, un dauphin avec les lettres AI FI
(vr]Twv). A partir d'Alexandre, le monnayage d'Egine est
tout différent ; la tortue et le dauphin n'y paraissent plus
qu'à l'état de symboles accessoires; les types principaux
pour les pièces "d'argent sont ceux mêmes des monnaies
d'Alexandre. Les pièces de bronze de la même période ont
des types varies. Sous l'empire romain, Egine a encore un
monnayage de bronze avec la légende AIFEINHTpN,
qui ne va pas au delà de la famille des Sévère. Parmi les
types de revers de ces monnaies impériales, nous citerons
celui qui représente le plan, à vol d'oiseau, du port d'Egine
et du temple d'Aphrodite qui le dominait. E. Babelon.
BiHL. : GÉOGRAPHIE ET HISTOIRE. Outre les géographies
et histoires générales de la Grèce, V. Mûller. JEgineti-
corum liber ; Berlin, 1817. — About, Mémoire sur Vile
d'Egine^ dans Arch. des missions scientifiques, 3 articles.
Histoire DE l'art. — Owerbegk^ Geschichte d. gr. Plas-
tik. — Beulé, Histoire de l'art grec avant Périclès.— Mur-
RAY, History of greek sculpture from the earliest times
do-wn the âge of'Pheidias. — Collignon, Manuel d'ar-
chéologie grecque. — Brunn, Beschreibung der Glyp-
tothek (Munich).
Numismatique. — Barclay Head, Historia numorum,
pp. 331 et suiv.
ÉGINHARDou El N H ARD, historien de l'époque caro-
lingienne, né de parents nobles, à Maingau, dans le bassin
du Main, vers 770. Il fut élevé au célèbre monastère de
Fulda, avec lequel il resta toujours en relations et qui était
alors un des centres les plus actifs de la civilisation chré-
tienne dans la France orientale. Les aptitudes qu'il y
montra étaient telles que l'abbé Baugulf l'envoya à la cour
de Charlemagne, entre 791 et 796, afin qu'il y pût com-
pléter son éducation dans le commerce des hommes ins-
truits qui y étaient réunis. Il y compta bientôt parmi les
beaux esprits de l'Ecole palatine et y gagna de nombreux
amis ; si on y raillait sans aigreur sa petite taille qui lui
fit donner le surnom de Nardulus (diminutif de Nardus,
Einhardus), on estimait beaucoup son savoir et son carac-
tère. Théodulf d'Orléans, dans un de ses poèmes, disait de
lui : « Le Nardulus qui court çà et là à petits pas comme
une fourmi loge une grande âme dans un petit corps. »
Il était poète, prosateur ; il était aussi architecte, d'où le
surnom de Béséleel sous lequel on le désignait à l'Ecole
palatine. Il prit part aux travaux de construction du palais
impérial d'Aix-la-Chapelle. Charlemagne lui témoigna une
grande confiance qu'attestent plusieurs faits : en 806, il
l'envoya en mission auprès du pape pour obtenir de celui-
ci l'approbation du partage éventuel de l'empire entre ses
fils; en 813, ce fut en partie d'après ses conseils, paraît-
il, qu'il couronna empereur son fils Louis. Après la mort
de Charlemagne, Eginhard conserva la faveur de son suc-
cesseur. En 815, par exemple, Louis le Pieux donnait
à Eginhard et à sa femme Imraa, la terre de Michelstadt.
Ce fut là qu'il songea d'abord à élever un monastère, en
827, lorsqu'il se fut procuré des reliques des saints Mar-
cellin et Pierre, mais une vision le fit changer d'avis et
l'église destinée à contenir ces reliques fut construite à
Miihlheim-sur-le-Main, qui prit le nom de Seligenstadt. Au
milieu des luttes qui agitèrent alors l'empire carolingien,
Eginhard, par la modération de son caractère, s'efforça
toujours de ramener la concorde. Louis le Pieux l'avait,
en 817, donné comme conseiller à son fils Lothaire; plus
tard, Eginhard travailla à réconcilier le père et le fils. Ces
dissensions l'affligeaient ; il se retira peu à peu de la cour,
n'y apparaissant plus que de temps à autre. En 830, il
s'étabht à Seligenstadt. En 836, la mort de sa femme
Imma, qui était peut-être la sœur de l'évêque de Worms,
Bernard, lui causa une profonde douleur; il mourut lui-
même le 14 mars 840. On a de lui des œuvres nom-
breuses ; la plus célèbre est sa Vie de Charlemagne*
L'influence de la littérature romaine, si sensible dans toutes
les œuvres de la littérature carolingienne, y domine,
Eginhard imite le plan et le style de Suétone dans ses Vies
des Césars; il lui emprunte jusqu'à l'ordonnance des récits,
jusqu'à des expressions. De là une trop grande absence
d'originalité; Eginhard ne donne évidemment qu'une image
aff'aiblie et latinisée à l'excès de son héros. Il déclare lui-
même qu'il n'a pas voulu composer une histoire complète
du grand empereur et que son but a été surtout d'indiquer
les traits principaux du caractère de Charlemagne et de son
gouvernement. On a même pu relever dans cette courte
biographie des erreurs de dates et de faits graves et nom-
breuses. Malgré tout, on ne trouve nulle part ailleurs un
tableau plus complet de la cour de Charlemagne. Eginhard
écrivit cet ouvrage peu de temps après la mort de l'em-
pereur ; on le trouve déjà mentionné en 820 ; le succès
en fut grand et durable; aujourd'hui encore on connaît
plus de soixante manuscrits de la Vie de Charlemagne,
Une autre œuvre historique lui a longtemps été attribuée
sans discussion : il s'agit d'un remaniement des Annales
de Lorsch qui comprendra période de 741 à 829. On les
appelait les Annales d'Eginhard ; aucune source n'est
plus importante pour le règne de Charlemagne et pour la
première partie de celui de Louis le Pieux. Aujour-
d'hui, on s'accorde en général pour y reconnaître l'œuvre
d'un personnage qui a vécu à la cour ; quelques critiques
veulent même y voir une véritable chronique officielle, des
ÉGINHARD — ÉGLETONS
608
annales royales (Reichsannalen) , mais Tattribution à
Eginhard a été fort contestée. Depuis trente ans environ,
en Allemagne, les dissertations relatives à cet ouvrage se
sont multipliées : quelques-uns des plus illustres historiens
modernes au delà du Rhin, Ranke, Giesebrecht, Sybel ont
pris part à ce débat. Il n'est pas possible de donner ici
une analyse de cette polémique, ni des arguments qui ont
été échangés de part et d'autre. L'ancienne opinion trouve
encore de savants défenseurs : ainsi, en 1882, M. Mani-
tius, après un long examen du style de la Vie de Char-
lemagne et des Annales, déclarait que les Grandes
Annales de Lorsch de 796 à 829, les Annales de Fulda
de 714 à 794, les Annales dites à' Eginhard étaient
Tœuvre d'Eginhard. On s'abstiendra ici de toute conclusion,
et on se contentera d'indiquer que les anciennes affirma-
tions ne doivent plus tout au moins être acceptées avec la
même confiance. D'autres écrits d'une valeur historique
moindre sont certainement d'Eginhard. Dans la Transla-
tion des reliques des saints Marcellin et Pierre, il a
raconté la passion de ces martyrs sous Dioclétien, com-
ment il se procura leurs reliques, comment il les transféra
à Seligenstadt, quels miracles s'accomplirent grâce à elles :
c'est m document curieux pour l'histoire des croyances
et des pratiques religieuses de ce temps. Les Lettres
d'Eginhard donnent aussi d'intéressants détails sur la
société à cette époque. G. Bayet.
BiBL. : Histoire littéraire de la France. — Frese , de
Einhardi vita et scriptis , 1845. — Watteinbach, Deut-
schlands Geschichtsquellen, 1885, 5« éd., t. I, pp. 169 et
suiv. — Ebert, Histoire de la littérature latine au
moyen âge^ trad. Aymeric et Condamin, 1884, t. Il, pp. 105
et suiv. — Bâcha, Etude biographique sur Eginhard;
Liôire, 1888. — Principales éditions : Œuvres complètes
d'Emnhard, avec trad. fr. par Teulet, dans les publica-
tions de la Société de Vhistoire de France, 1840-1843, 2 vol.
— Pertz, Monumenta Germ. historica, Script., 1. 1 et H;
Einharti epistolœ et Vita Caroli, dans les Monumenta
Carolina de Jaffé ; Vita Caroli, éd. Wattenbach, 1876.
— Principaux travaux critiques sur les écrits d'Eginhard :
Ranke, Zur Kritik frânkisch-deutscher Reichsannalisten,
dans les Abhandlungen der Berliner Akademie, 1854. —
Waitz, Zu den Lorscher undEinhards Annalen, dans les
Goettingische Nachrichten, 1857. — Simson, de Statu
Quœstionis, sintne Einhardi necne sint quos et scribunt
annales imperii, 1860. — Giesebrecht, Die frankischen
Kôniqsannalen und ihr Ursprung, dans le Mûnchner
Hist.Jahrbuch, 1864. — Monod, Revue critique, 1873. —
Ebrard, Reichsannalen und ihre Umarbeitung, dans
les Forschungen zur deutsche Geschichte , t. XIII. —
Dûnzelmann, Beitrage zur Kritik der karolingischen
Annalen, dans le Neues Archiv der Gesellschaft fur
altère deutsche Geschichtshunde,t. II. — Sybel, Die karo-
lingischen Annaten, dans VHistorische Zeitschrift, 1880. —
Bernays, Zur Kritik der karolingischen Annalen. —
Manitius, Einharts Werke und ihr Stil, dans le Neues
Archiv., 1882, etc. — Cette liste, fort incomplète, prouve
avec quelle ardeur érudite cette question a été discutée.
EGI NTON (Francis), peintre sur verre, né à Birmingham
en 4737, mort à Birmingham le 25 mars 1805. Il a fait
des vitraux remarquables par l'intensité de leur coloris,
mais exécutés trop souvent avec la préoccupation d'arriver
à l'effet d'un tableau. On cite parmi les principaux : une
Résurrection d'après Schwartz, dans le Magdalen Collège,
à Oxford, huit vitraux avec portraits d'évêques dans la
chapelle du même collège, etc. F. Courboin.
EGI PAN (V. JEgipan).
EGISTHE (Myth. gr.). L'un des Pélopides, né de
l'union incestueuse de Thyesteet de sa propre fille Pélopia.
Exposé après sa naissance, élevé par des bergers, son
oncle Atrée l'adopta. Sa mère ayant découvert l'inceste
s'était suicidée. Atrée voulut faire tuer par Egisthe son
pèreThyeste; mais Egisthe égorgea son oncle tandis qu'il
sacrifiait à l'autel ; puis Thyeste et Egisthe devinrent rois
de Mycènes. Il est malaisé de fixer l'origine de ces légendes
compliquées que nous transmet Hygin ; notons seulement
qu'Homère les ignore. Ce qu'il raconte est suffisamment
tragique. Egisthe, cousin d'Agamemnon (fils d'Atrée) , pro-
fite de l'absence de celui-ci pour séduire sa femme Clytem-
nestre. Revenu de Troie, l'époux trompé est égorgé. Egisthe
règne alors sur Mycènes sept ou huit années jusqu'à ce
qu'Oreste venge son père. D'après Homère, le meurtrier
d'Agamemnon serait Egisthe. Les poètes tragique donnent
le principal rôle à Clytemnestre (V. Agamemnon et Oreste).
EGIUM ou >€61UM. Ville de la Grèce ancienne (auj.
Vostitza). Elle fut une des douze villes qui se parta-
geaient le territoire de l'Achaïe. Dans le catalogue des
vaisseaux, Homère nous dit qu'elle dépendait du royaume
d'Agamemnon ; elle était formée par la réunion de sept ou
huit dèmes, comme la plupart des localités du Péloponèse
mentionnées par Homère. Par l'adjonction des territoires
d'i^ga et d'Hélice, détruites par un tremblement de terre,
Egium devint un centre de population assez considérable.
Lors de la Ligue achéenne, cette ville fut le siège des assem-
blées générales de la nation. D'après la tradition, Jupiter
y naquit, et la chèvre Amalthée l'y nourrit de son lait.
BiBL. : Homère, Iliade, II, 574. — Strabon, VIII, 7. —
TiTE LivE, XXXVIII, 30. — Pausanias, VII, 23-24.
EGIZIO (Matteo, comte), littérateur et savant italien, né
à Naples le 23 janv. 1674, mort le 40 mai 1745. Après
avoir rempli diverses fonctions dans l'administration, il
entra dans la diplomatie, où il se distingua; Louis XV l'es-
timait particulièrement. Ayant donné sa démission, il se
consacra entièrement à l'érudition et fut nommé bibliothé-
caire royal. Ses écrits sont d'une médiocre érudition.
ÉGLANTIER (Bot.). Nom donné indistinctement à plu-
sieurs rosiers sauvages, notamment au Rosa caniîia L. et
au R, eglanteria L. (V. Rosier).
ÉGLÉ. I. Mythologie. — Personnification de l'éclat
lumineux ou du ciel ou de la mer. L'étendue et la variété
de ce mot explique qu'il soit devenu l'appellation d'un
grand nombre de figures divines, nymphes et héroïnes,
d'ailleurs sans importance. La plus connue est la fille de
Panopeus, qui triompha de l'amour d'Ariane dans le cœur
de Thésée. J.-A. H.
IL Astronomie. — Nom du 96® astéroïde (V. ce mot).
III. Paléontologie (V. ^Eglina).
EGLE (Joseph von), architecte allemand, né à Dellmen-
singen (Wurttemberg) en 1818. Elève de l'Ecole polytechni-
que de Vienne et de l'Académie de Berlin, il s'est signalé par
ses constructions religieuses ou civiles, notamment par la
construction de l'église catholique de Stuttgart, de la nou-
velle Ecole polytechnique dans la même ville, ainsi que par
beaucoup d'autres édifices. Il devint, en 1852, professeur
à l'Ecole polytechnique de Stuttgart.
ÉGLEFIN (V. Égrefin).
ÉGLENY. Com. du dép. de l'Yonne, arr. d'Auxerre,
cant. de Toucy ; 598 hab.
EGLESTON (Thomas), minéralogiste américain, né à
New-York le 9 déc. 1832. Il a été élève de l'Ecole des
mines de Paris (1860). H a fondé aux Etats-Unis, en 1864,
une école analogue, dont il occupe, depuis cette époque,
la chaire de minéralogie et de métallurgie. Il est membre
de l'Académie des sciences de New- York. Il s'est acquis la
réputation d'un savant naturaliste, d'un habile chimiste et
d'un ingénieur distingué. Outre une centaine d'intéressants
mémoires insérés dans divers recueils et revues scienti-
fiques, il a publié : Tables for the détermination of
minerais (New-York, 1867) ; Metallurgical Tables (^eyf-
York, 1868 et 1869, 2 vol.) ; Tables of weights, mea-
sures and coins ofthe United States and France (New-
York, 1868) ; Lectures on mineralogy (New-York,
1871) ; The Metallurgy ofgold, silver and mercuryin
the United States (New-York, 1887). L. S.
ÉGLETONS (De Glotone, deGlotonibus), chef-lieu de
cant. du dép. de la Corrèze, arr. de Tulle, sur le chemin
de fer de Brive à Ussel; 1,890 hab. Entouré de murailles
au moyen âge, Egletons appartenait aux seigneurs de Ven-
tadour, et c'est là que siégea de 1578 à 1612 la sénéchaus-
sée que le comté de Ventadour, érigé en duché, avait obte-
nue du roi. L'égHse, qui a un curieux porche, appartient à
la période de transition, fin du xii® ou commencement
du XIII® siècle. Elle possède quelques reliquaires émaillés
du XIII® siècle.
609
ÉGLETONS — ÉGLISE
BiBL.: René Fage, Excursions limousines, 2« série :De
Tulle à Ussel et Eygurande, 1880.
EGLI (Raphaël), théologien suisse, né à Frauenfeld en
1559, mort à Marbourg le 20 août 1622. Après avoir étu-
dié à Coire, Bàle et Genève, il vint se fixer à Zurich en
1583, et s'y fit vite un nom comme prédicateur et profes-
seur de théologie. Mêlé plus ou moins directement à une
affaire d'alchimie, il dut quitter Zurich en 1605 et fut
choisi par le landgrave de Hesse pour professer la théologie
à Marbourg, oii il passa le reste de sa vie. Outre ses écrits
théologiques, il a laissé des chants religieux. E. K.
EGLI (Jean-Henri), musicien suisse, né à Seegreben
(Zurich) le 4 mars n42, mort à Zurich en 1810. Il ne
commença qu'à quinze ans l'étude de la musique avec le
pasteur de Wetzikon. Bientôt il fut employé comme musi-
cien dans les églises, et dès lors sa vie entière fut consacrée
au développement de l'art dans son pays. Il passe pour un
des meilleurs compositeurs suisses, surtout dans le domaine
du chant rehgieux. On a de lui beaucoup de cantiques sur
des paroles de Klopstock, de Cramer, de Lavater, des chan-
sons populaires, les odes sacrées de Gellert avec mélodies
chorales et un grand nombre d'autres œuvres musicales,
parues à Zurich de 1775 à 1807. Quelques-unes ont eu jus-
qu'à sept éditions. E. K.
EGLI ( Johann- Jakob), géographe suisse, né à Laufsen
(Zurich) le 17 mai 1825, professeur à l'université et à l'école
polytechnique de Zurich. Il a publié entre autres : Neue Erd-
kunde (SaLÏnt-GsàU 1881, 6« éd.); Neue Schweizer-
kunde(S3iini-G3i\UiSS3,l^éà,);NeueHa7idelsgeographie
(Leipzig, 1882, 3^ éd.), et surtout Nomina geographica
Versuch einer allgemeinen geographischen Onoma-
tologie {Leipzig, 1870-1872), dont il a été détaché un
lexique étymologique de géographie (1880); il a donné
encore Gesch, der geographischen Namenkunde (Leip-
zig, 1886).
EGLI (Emile), théologien et historien suisse né à Flaach
(Zurich) le 9 janv.1848, pasteur à Metmenstetten et actuel-
lement (1892) professeur libre d'histoire ecclésiastique à
l'université de Zurich. Outre les Origines du Nouveau Tes-
tament (1874), on lui doit de nombreux travaux sur la
réformation à Zurich : Bataille de Rappel, Adversaires
de la Réforme zurichoise, etc.
ÉGLIGNY. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr. de
Provins, cant. de Donnemarie; 4i3 hab. Sur le territoire
de la commune, au lieu dit la Pêcherie, subsistent quelques
vestiges d'un château fort.
EGLINTON (Comtes d') (V. Montgomerie et Seton).
EGLI SA U. Petite ville de Suisse, cant. de Zurich, sur
le Rhin, à 25 kil. au N. de la ville de Zurich ; 1,326 hab.
Les environs de cette ville ont été le théâtre de nombreux
combats entre les Français, les Russes et les Autrichiens
en 1797. Château historique.
ÉGLISE. 1. Architecture. — Le mot église signifie as-
semblée, et comme ce mot fut employé par les premiers chré-
tiens pour désigner leurs réunions le plus souvent secrètes et
aussi les confréries ou groupes religieux qu'ils organisèrent
dans les différentes parties de l'empire romain pendant les
trois premiers siècles de notre ère, au temps des persécutions,
ce mot prévalut plus tard pour désigner les édifices qu'ils cons-
truisirent sur un plan spécial en vue de célébrer en commun
et au grand jour les mystères de leur religion. Le sens de
ce mot église indique déjà la grande différence qui dut
exister, même à l'origine, entre les temples consacrés par
les Grecs et les Romains à leurs divinités et les églises que
les chrétiens élevèrent à leur Dieu. En effet, dans l'anti-
quité, les prêtres et ceux qui participaient aux cérémonies
religieuses pouvaient seuls entrer dans les temples, lesquels
n'étaient^ à proprement parler, que la maison de la divi-
nité représentée par sa statue et où l'on gardait les plus
riches des offrandes qui lui étaient apportées, tandis que,
dès l'ère nouvelle, tous les fidèles, même avant le baptême
qui les faisait chrétiens, pouvaient et devaient se réunir dans
les églises et y accomplir certains offices communs. De là
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
le nombre et l'étendue des églises dans les grands centres
de population. De cette participation plus ou moins grande
des ministres du culte et des assistants aux cérémonies
ainsi que de la nature même de ces cérémonies et du sym-
bolisme particulier à la nouvelle religion, découlèrent les
dispositions intérieures et les formes extérieures des éghses,
lesquelles devinrent beaucoup plus compliquées que celles
des temples grecs ou romains. Ce ne fut cependant pas
immédiatement après que Constantin eut, par l'édit de
Milan en 313, proclamé le christianisme religion de l'Empire,
que les lieux d'assemblée des chrétiens prirent le nom
d'églises ; car, parmi les premiers fidèles, si ceux qui
vivaient dans les cités, dissimulés au milieu de la société
civile, se réunissaient dans des catacombes, comme à Rome,
ou dans des locaux écartés et dont rien ne trahissait la
destination, comme dans nombre de villes de l'Empire, et
si ceux qui vivaient dans la solitude où ils habitaient des
cellules, comme les plus anciens religieux des déserts de la
Thébaïde, se construisaient, à proximité de leurs cellules,
une cellule plus grande où ils se rendaient à certaines heu-
res pour prier en commun, d'où le nom d'oratoire appli-
qué à ce premier sanctuaire des moines, quand les chrétiens
purent pratiquer librement leur religion, ils ne manquèrent
pas d'aller au plus pressé et d'approprier aux besoins de
leur culte les édifices, si nombreux et en partie abandonnés
par suite de la dépopulation considérable, qui, sous le nom
de basiliques (V. ce mot), servaient, près des forums des
villes, à rendre la justice, et les chrétiens conservèrent leur
ancienne dénomination à ces édifices auxquels ils donnèrent
ainsi une destination nouvelle.
La basilique romaine se prêtait au reste à merveille aux
données du culte chrétien primitif, ce qui explique, la tra-
dition aidant, comme, malgré d'importantes modifications,
ses principales dispositions se perpétuèrent dans les édifices
chrétiens, qui furent érigés par la suite. L'église devant
représenter la barque de saint Pierre, l'ancien pêcheur,
l'avenue centrale de la basilique fut appelée nef, et cette
nef fut divisée en plusieurs parties à l'aide de balustrades
basses de bois, de pierre ou de marbre ; dans la partie
près de l'entrée, délimitée parfois dans les grandes basi-
liques par une colonnade parallèle à la façade, se tenaient
les catéchumènes n'ayant pas encore reçu le baptême, et les
pénitents retranchés provisoirement de la communauté,
lesquels ne pouvaient, les uns et les autres, assister à tout
le sacrifice, tandis que, dans la partie milieu, se réunis-
saient ceux appartenant à la communion des fidèles, et que,
plus en avant, était le chœur occupé par tout le personnel
des serviteurs de l'église, ceux qui n'étaient pas ordonnés,
tels que les diacres, pour lesquels étaient disposés des
ambons ou pupitres destinés à la lecture de TEpître et de
l'Evangile, les chantres, les instrumentistes, etc. ; enfin,
au haut bout de la nef, au milieu du chalcidique ou tran-
sept (V. ce mot), lequel formait aveclanefunTqui, pour
les chrétiens primitifs, figurait la croix, fut placé l'autel et
derrière cet autel, dans f hémicycle ou abside (V. ce mot),
sur le banc circulaire où siégeaient autrefois le préteur et
ses assistants, étaient assis les prêtres ordonnés, à droite
et à gauche de l'évêque ou de son délégué. Ce dernier occu-
pait, au milieu de ce banc, un siège plus élevé, chaire ou
cathedra, lequel donna plus tard son nom à l'église cathé-
drale, la principale église d'un épiscopat ou d'un archiépis-
copat. Dans les avenues latérales, nefs latérales, basses
nefs ou bas côtés, se groupait l'assistance, laquelle, dans
les temps primitifs plus rapprochés du judaïsme, observait
la séparation des sexes, les hommes occupant la droite et
les femmes la gauche de la nef centrale. Mais autant les
Grecs et les Romains élevaient les façades de leurs temples
presque sur la voie publique, autant les chrétiens s'effor-
cèrent, à l'origine et même assez avant dans le moyen âge,
d'isoler leurs églises de cette voie publique, et, dans ce but,
ils les faisaient précéder d'une cour carrée entourée de
portiques, dont un plus large juxtaposé à la façade de
l'éghse et, dans cette cour comme plus tard dans les mos-
39
ÉGLISE
- 610 -
quées arabes, une fontaine servait aux ablutions. La basi-
lique de Saint-Clément, à Rome, reconstruite dans la pre-
mière moitié du ix^ siècle, et surtout Tancienne basilique de
Saint-Pierre, dans la même ville, et dont le plan nous a été
conservé par
Fontana(fig.i),
donne bien
ridée de ce que
pouvait être une
grande basi-
lique chrétienne
de Tère latine,
vaste édifice au
corps principal
duquel s'ajou-
taient des tours
pour les cloches
qui appelaient
les fidèles ; des
absidioles ou pe-
tites absides, à
l'extrémité des
nefs latérales,
pour recevoir
des autels consa-
crés à des mar-
tyrs dont ces
autels recou-
vraient le tom-
beau ou des
reliques; des
pièces à usage
de sacristie, de
trésor, de biblio-
thèque, d'école,
de salle syno-
dale et même,
autour d'un
cloître, des habi-
tations pour les
prêtres et les
clercs, des lo-
gettes pour les
pénitents, etc.
Après tant de
siècles, pendant
Fif^. 1. — Plan de l'ancienne basilique
de Saint-Pierre, à Rome (d'après Fon-
tana).
édifices des premiers siècles du christianisme triomphant, le
mausolée de Sainte-Constance, à Rome, l'église de Samte-
Sophie, à Constantinople, et l'église primitive de Saint-
Marc, à Venise, tous édifices construits du iv« au x« siècle,
servirent de types à des églises bien différentes comme plan
des basiliques romaines et dans lesquelles des modifications
profondes, comme dispositions intérieures, comme construc-
tion et comme aspect extérieur, découlèrent du rôle domi-
nant qu'y joua la coupole (V. aux mots Architecture chré-
tienne PRIMITIVE et Architecture byzantine, la description
de ces trois édifices). Cependant, dans l'érection de 1 église
du Saint-Sépulcre, à Jérusalem, église comprenant juxta-
posés un mausolée de forme circulaire et une basilique rec-
taneulaire, on vit au iv« siècle, réunis en un seul édifice,
les deux types qui devaient, pendant plus de quinze siècles,
servir de modèles à l'architecture du monde entier.
Nous ne suivrons pas, dans leurs développements suc-
cessifs, ces deux formes principales des églises et, tout en
constatant qu'àtoutes lesépoques et dans toutes les régions,
furent érigées, dans les campagnes, des églises de peu
d'importance consistant en une seule salle, parfois ronde,
polygonale ou carrée, mais le plus souvent rectangulaire,
nous renverrons aux art. spéciaux Abside, Bas Côtés, Cha-
pelle, Chœur, Clocher, Narthex, Nef, Porche, Sacristie,
Transept, etc., pour tout ce qui concerne les diverses par-
ties des églises ; aux art. Architecture romane, gothique,
DE LA Renaissance et des Temps modernes, pour tout ce
qui est de leur style, et à de nombreux articles de cons-
truction, de décoration ou d'ameublement, pour tout ce qui
lesquels, dans presque tous les pays de l'Europe, les grandes
basiliques et les cathédrales ont été incendiées par accident,
dévastées par les guerres civiles et religieuses et enfin par-
fois reconstruites de fond en comble, on peut cependant,
dans quelques villes d'Italie, d'Allemagne ou d'Angleterre,
plus encore qu'en France, se faire une idée exacte, par ce
qu'il en subsiste, de l'ensemble des bâtiments qui entou-
raient les grandes églises du moyen âge et qui formaient
comme une petite ville sainte dominée par la masse impo-
sante de l'église et les silhouettes élancées de ses clochers.
Mais un autre type, commun à la fois à l'Occident et à
l'Orient, vint apporter un nouvel élément des plus impor-
tants dans la composition du plan ainsi que dans la cons-
truction et par suite dans la forme extérieure des églises.
Les chrétiens, tout en s'appropriant, pour célébrer les céré-
monies de leur culte, les basiliques romaines au plan rec-
tangulaire et à la couverture à deux versants, voulurent
cependant, dès le iv^ siècle de notre ère, créer des édifices
distincts et sur des plans difiërents du plan des basiliques,
et ces édifices, mausolées, baptistères, oratoires, utilisés
aussi comme églises, affectèrent en plan des formes rondes,
carrées ou polygonales, pendant que, pour leur couverture,
il était fait appel à la coupole (V. ce mot), cet élément
connu de toute antiquité, dont le Panthéon d' Agrippa, à
Rome, offrait un type qui n'a pas été surpassé, mais dont
les architectes chrétiens devaient, surtout en Orient, mul-
tiplier les exemples et aussi modifier la structure. Parmi ces
Fig. 2. — Pian de la cathédrale d'Angoulême,
se rapporte à leur structure, à leur aspect extérieur et
intérieur, ainsi qu'à leur aménagement, nous bornant seule-
ment à reproduire ici quelques exemples, pris entre mille,
de plans d'églises intéressantes par leur forme et par
leur importance, églises dont les façades ou des vues
extérieures sont données aux noms des villes qui les ont
vu élever.
— 611 —
ÉGLISE
La cathédrale d^Angoulême (V. au mot Angoulême, t. II,
p. 44 68, une vue de cette cathédrale) est un édifice de l'archi-
tecture romane datant du xii® siècle et construit à l'exemple
de l'église Saint-Front de Périgueux, elle-même imitée au
x^ siècle de l'église Saint-Marc de Venise. Cette cathédrale
était composée à l'origine (V. fig. 2 le plan de la cathédrale
d'Angoulême) d'une seule nef à quatre travées, ayant ses con-
treforts légèrement saillants à l'intérieur et surmontées de
coupoles dont la dernière s'élevait à l'intersection de la nef
et des deux bras du transept. Cette nef était prolongée au
delà du transept par une abside circulaire avec quatre
petites chapelles rayonnantes ; mais, au miHeu du xii® siècle,
au moment de la reconstruction ou de l'agrandissement des
principales cathédrales chrétiennes, on ajouta, dans cette
église, aux deux bras du transept, des tours dont, seule,
celle du nord existe aujourd'hui. Des colonnes engagées
furent aussi incrustées, à l'intérieur de la nef, dans les
pieds-droits recevant les retombées des arcs portant les
coupoles, et la façade fut reconstruite et ornementée de
sculptures. Cependant,
malgré ces modifica-
tions, la cathédrale
d'Angoulême a conservé
les grandes lignes de son
plan primitif et de sa
construction première:
une seule nef couverte
à l'aide de coupoles,
réunissant ainsi les dis-
positions de la basilique
romaine à la couverture
en coupole des édifices
du premier âge du chris-
tianisme.
Datant à peu près de
la même époque, la ca-
thédrale de Worms
( Hesse - Darmstadt ) a
trois nefs qui aboutis-
sent à un transept, ce
qui donne à l'ensemble
du plan (fig. 3) la forme
d'une croix latine ; mais
cette église a, particu-
larité assez rare,
deux chœurs, dont l'un,
à l'orient, se termine à
l'extérieur par une par-
tie carrée masquant l'hé-
micycle intérieur, et
dont l'autre, à l'occi-
dent, à la place habi-
tuelle du grand portail
des cathédrales, est de
forme polygonale. En
outre, les nefs sont cou-
vertes par des voûtes
d'arêtes sans arcs dou-
bleaux et la coupole qui
surmonte la croisée du
transept est octogonale et, comme dans certaines églises
byzantines, repose en partie sur des niches voûtées en quart
de cercle qui rachètent le passage de plan carré à l'octogone.
C'est aussi au milieu du xii« siècle qu'il faut faire re-
monter la construction de la cathédrale de Noyon ou tout
au moins du chœur et du transept (les parties les plus
anciennes), dont les deux bras (V. fig. 4 le plan de cette
cathédrale) sont demi-circulaires, probablement, ditM.Vitet
(Monographie de l'église Notre-Dame de Noyon; Paris,
4845), « pour complaire aux souvenirs et aux prédilec-
tions des chanoines » ; car la vieille église que l'on rempla-
çait avait probablement, comme sa sœur la cathédrale de
Tournai (autrefois suffragante du diocèse de Noyon), des
Fig. 3. .
■ Plan de la cathédrale
de Worms.
bras de transept ainsi arrondis suivant un ancien type
byzantin qui s'est perpétué dans plusieurs églises de Cologne
et des bords du Rhin. Dans la cathédrale de Noyon, comme
dans l'église abbatiale de Saint-Denis, qui lui est de fort peu
antérieure et qui semble lui avoir servi de type, le chœur
Fig. 4. — Plan de la cathédrale de Noyon.
est accompagné de cinq chapelles circulaires et de quatre
chapelles carrées que l'on retrouve dans le plan de nombre
d'autres grandes cathédrales, ainsi que la galerie voûtée
qui surmonte les collatéraux au premier étage; enfin les
arcs doubleaux et les arcs ogives des voûtes, ces derniers
peut-être remaniés postérieurement, et le système des
contreforts font pressentir la grande époque de l'art go-
thique ou ogival dont la cathédrale de Reims montre le plus
complet épanouissement.
La cathédrale de Reims, qui fut commencée en 4242,
est, dit M. Corroyer (U Architecture gothique; Paris,
4892), « la superbe expression des inventions antérieures
des constructeurs de l'Aquitaine et de l'Anjou réunies à
celles des architectes de l'Ile-de-France. Elle est la mani-
festation la plus complète de leurs efforts persévérants pour
établir un système de construction qui a comme principe
de maintenir en équilibre un édifice dont les poussées des
voûtes, sur croisée d'ogives (V. ce mot), sont contrebutées
par des arcs-boutants extérieurs. » Quelles que soient les
critiques méritées que l'on puisse faire à un pareil système
de construction, le plan si bien étudié, malgré quelques
hésitations ou retouches, de la cathédrale de Reims, œuvre
de Robert de Coucy, frappe par les masses puissantes de
son périmètre et la légèreté de ses points d'appui intérieurs
ainsi que parla disposition logique de ses contreforts (V. ce
plan, fig. È), Et M. Corroyer ajoute : « Ce qu'il faut admirer
sans réserve à Reims, c'est la magnifique ordonnance de
sa façade occidentale (V. cette façade au mot Champagne,
t. X, p. 433) et la parfaite convenance de l'ornementation,
ÉGLISE
— 612 —
étudiée et appliquée avec autant de sobriété que de justesse,
qui fait de la statuaire, des chapiteaux, des frises, des cro-
chets et des fleurons autant d'exemples de l'art décoratif
du moyen âge. »
Afin de donner une idée de ce qu'aurait pu être une ca-
thédrale française de cette époque, complètement conçue et
achevée dans les données de composition et dans le style
architectural de la cathédrale de Reims, Viollet-le-Duc a
Fig. 5. — Plan de la cathédrale de Reims.
I une vue cavalière que nous réduisons (fig. 6) et
qui montre bien l'importance relative du grand portail ou
portail occidental, avec ses deux hautes flèches reliées à la
base par une galerie, et des portails du transept avec leurs
flèches de moindre hauteur et aussi de la tour centrale sur
la partie carrée de laquelle viennent se buter les combles
de la nef et du transept et que surmonte un clocher accom-
pagné de clochetons. Quoique due tout entière à l'imagina-
tion de cet artiste, archéologue sans rival dans l'étude de
l'architecture religieuse du moyen âge, cette composition
fait concevoir la masse imposante et élégante à la fois d'une
cathédrale française qui aurait été conçue et achevée au
XIII® siècle, sans les défaillances et aussi les incendies qui
en entravèrent souvent la construction.
Il est cependant une cathédrale, sinon française, du moins
française d'inspiration, remontant au milieu du xiii® siècle,
Fig
6. — Vue cavalière d'une cathédrale du xiii* siècle
(d'après Viollet-le-Duc).
et dont notre époque contemporaine a vu terminer l'œuvre
architecturale d'une parfaite régularité et d'une remarquable
Fig. 7, __ Plan de la cathédrale de Cologne.
exécution de détail. La cathédrale de Cologne (V. Cologne,
t. XI, p. 995), dont le plan (fig. 7) est imité du plan de la
cathédrale d'Amiens et du plan resté inachevé de la cathe-
— 613 —
ÉGLISE
drale de Beauvais, a été complètement tenninée de nos jours
d'après les projets primitifs du xiii® siècle, dit-on, mais,
dans tous les cas, suivant une conception originale respectée
dans ses grandes lignes et dont l'achèvement fait grand
honneur à la persévérance et au patriotisme de l'Alle-
magne.
A côté de cette influence, surtout française, qui se fit
sentir si longtemps dans la composition, la construction et
la décoration des grandes églises à plusieurs nefs du moyen
âge, il ne faut pas croire que la forme circulaire, celle que
Ton disait inspirée de la rotonde du Saint -Sépulcre de
Jérusalem, fut tout à fait abandonnée : loin de là, on
construisit toujours , dans tous les pays de la chrétienté ,
Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Angleterre, Suède, Dane-
mark, Espagne, Portugal, Italie et aussi en France, surtout
à partir des'croisades, des égHses circulaires et polygonales,
Fig. 8.— Plan de l'église du Temple, à Londres
(d'après Britton).
quelquefois accompagnées d'absides, de nefs ou de porches,
et dont un curieux exemple, remontant pour la partie cir-
culaire à la fin du xii^ siècle et existant encore de nos jours,
est fourni par l'église du Temple, à Londres, église dont le
nom même rappelle les chevaliers templiers, ses fondateurs.
Le plan de cet édifice (fig. 8) se compose de deux parties
bien distincte^ communiquant l'une avec l'autre : la rotonde,
de beaucoup la plus ancienne, et un vaisseau ajouté posté-
rieurement et du style ordinaire des églises gothiques.
Edifice de transition du style anglo-normand au style ogival,
la rotonde montre l'emploi simultané de l'arc plein cintre,
d'arcatures formées d'arcs entrelacés et de l'arc ogival :
aussi est-elle une page curieuse de l'architecture religieuse
anglaise du moyen âge.
Mais, malgré le grand enthousiasme excité chez les na-
tions du N. de l'Europe par les grandes cathédrales de
style ogival et par leurs admirables sculptures faisant si
bien corps avec les lignes de leur architecture et en aug-
mentant l'effet monumental, l'Italie et surtout la ville de
Rome, siège de la papauté, n'avait jamais cessé, malgré les
guerres continuelles qui désolèrent ce pays pendant tout le
Fig. 9. — Plan du Panthéon, à Paris.
moyen âge, de conserver un certain culte des édifices an-
tiques, et se mit à chercher, aussi bien dans leurs ruines
que dans les constructions byzantines de l'empire grec,
dans les salles des thermes romains comme à Sainte-Sophie
de Constantmople ou au Saint -Sépulcre de Jérusalem, la
Fig. 10. — Plan de l'église Saint-Paul, à Malmo (Suède).
solution du problème que présentait aux architectes chré-
tiens la nécessité de réunir les fidèles autour ou tout au
moins en vue d'un autel principal dont la position serait
accusée extérieurement par une masse architecturale impo-
sante. Aussi, pendant que, dans le N. de l'Europe, les
maîtres d'œuvres du xvi® siècle s'efforçaient de décorer
d'ordres classiques des églises dans la construction desquelles
entraient, comme dans l'église Saint -Eustache de Paris,
EGLISE
— 614
les éléments de l'architecture ogivale, la coupole reprenait
faveur dans l'Italie centrale et, après Buschetto et la cathé-
drale de Pise au xii® siècle et Brunelleschi et Sainte-Marie-
des-Fleurs de Florence au commencement du xv« siècle,
Michel-Ange élevait, à Saint-Pierre de Rome, au xvi® siècle,
le dôme du Panthéon d'Agrippa au-dessus du centre de la
croix grecque que Bramante avait donnée pour plan primitif
à cette basilique suprême du catholicisme. L'influence
exercée dans le monde entier par ce retour aux traditions
classiques et par leur application aux églises chrétiennes
fut des plus considérables et dure encore. Toutes les grandes
villes métropolitaines voulurent posséder un ou plusieurs
sanctuaires dans lesquels des ordres antiques décorèrent des
nefs et les bras d'un transept dont la croisée fut surmontée
d'une coupole, et, entre autres exemples, Paris put s'en-
orgueillir, à la fin du dernier siècle, de la nouvelle égUse
Sainte-Geneviève, aujourd'hui le Panthéon. Le plan de cet
édifice (fig. 9) figure exactement une croix grecque pré-
cédée d'un vaste portique et au centre de laquelle s'élève,
sur un tambour monumental, une triple coupole dont l'une,
inférieure et hémisphérique, tronquée à son sommet, laisse
voir les peintures décorant une seconde coupole ovoïde que
recouvre une troisième coupole, également ovoïde, portant
la couverture (V. au mot Coupole, t. XIII, p. 69, une coupe
de la partie supérieure du dôme des Invalides de Paris, dont
la construction précéda et inspira celle du dôme du Pan-
théon).
Laissant de côté, dans cette étude, les édifices consacrés
spécialement au rite grec, lesquels ont conservé les traditions
de l'empire byzantin au milieu duquel ce rite a pris nais-
sance et s'est développé, nous avons bien peu de choses à
dire des églises protestantes au point de vue de leur forme
architecturale. Partout, dans tous les pays où a dominé la
Réforme et dans ceux où elle s'est partagé avec le cathoUcisme
la majorité des chrétiens, d'anciennes éghses catholiques ont
été affectées à la religion nouvelle et, de nos jours, suivant
les nationalités et aussi la différence des confessions et des
sectes protestantes, les architectes s'inspirent, dans la cons-
truction des églises qui leur sont destinées, de tel ou tel
style d'architecture, se bornant le plus souvent à suppri-
mer les chapelles qui sont sans destination dans le culte
protestant, à modifier l'importance, la nature et la place
du mobilier fixe et surtout à donner à leurs œuvres une
extrême sobriété dans la décoration extérieure et intérieure.
Cependant, une tentative qui mérite d'être signalée est
faite actuellement en Suède par un architecte de talent,
M. Langlet, auteur de nombreuses églises protestantes,
afin de donner à ces églises une forme en rapport avec les
nécessités du protestantisme (V. fig. 40 le plan de l'église
Saint-Paul, à Malmo). Cet architecte cherche, autant que pos-
sible, dans le plan des églises qu'il élève et à défaut d'une
forme absolument circulaire, une forme polygonale ou de croix
grecque, aux angles coupés et aux bras très courts. Cette
forme, qui concentre bien l'auditoire auprès du pasteur et
qui, de plus, met ce dernier presque en vue de tous, rap-
pelle assez bien l'unité de l'église et l'égalité des fidèles.
En outre, il est facile, avec un tel plan, de faire converger
les différents pans de la couverture vers le cintre au-
dessus duquel une lanterne vitrée éclaire l'égHse par le
haut et supporte un petit campanile recevant une cloche.
Les angles de la croix grecque ou du polygone réguher
sont rachetés par les escaHers des tribunes et de petites
sacristies ou dépôts de mobilier et de livres, pendant que
le vestibule d'entrée, avec, au-dessus, la tribune d'orgue,
fait face à l'emplacement de l'autel et de la chaire. On ne
saurait nier qu'il y a là une tentative tout au moins digne
d'attention et essayant de faire revivre, à notre époque, et
dans les églises protestantes, les sentiments d'égalité et les
formes d'architecture qui imprimaient leur caractère aux
édifices consacrés, à l'origine du christianisme, à abriter
les premières assemblées des fidèles.
Par rapport aux dispositions de leur plan, les églises sont
dites simples, si elles n'ont que la nef et le chœur sans
bas côtés; a bas côtés et à doubles bas côtés ^ suivant
qu'elles ont la nef principale accompagnée d'un ou de deux
rangs de promenoirs ou de galeries, souvent de deux étages
de hauteur et avec ou sans chapelles latérales ; — quelques
églises même, appartenant à des ordres mendiants, n'ont
qu'un bas côté accolé à la nef principale ou encore l'éghse
est divisée en deux nefs presque égales. On dit encore que
l'église est en forme de croix grecque^ de croix latine ou
de croix de Lorraine^ suivant les dimensions égales ou
différentes des bras de la croix ou le double transept for-
mant une croix archiépiscopale appelée aussi croix de
Lorraine. Enfin une église est dite orientée, lorsque l'axe
de la nef ou du diamètre de sa partie circulaire passant par
la porte principale et par le maître-autel, suit la direction
de l'occident à l'orient, direction parfois infléchie vers la
gauche, en souvenir, croit-on, de l'inclinaison de la tête
du Christ sur la croix. Charles Lucas.
II. Droit ecclésiastique et Liturgie. — Ce mot dé-
signe ici l'édifice dans lequel les fidèles se réunissent pour
la célébration normale du culte catholique. — Les églises
portent différents titres suivant leur destination. Le nom
appartient essentiellement à l'église cathédrale^ c.-à-d.
affectée au siège de l'évêque. Cette église est aussi appelée
matrice^ parce qu'elle est censée avoir produit toutes les
autres églises du diocèse, lesquelles sont dites ses filiales.
Cependant, dans un sens plus étendu, on donne le titre
de matrices à toutes les églises qui en ont d'autres sous
leur dépendance ; on le donne même à toutes les églises
baptismales, c.-à-d. à toutes les églises qui possèdent des
fonts baptismaux : dicitur matrix quia générât per
baptismum. Parmi les églises cathédrales, les espèces sont
caractérisées par les mots patriarchale, primatiale^
archiépiscopale ou métropolitaine, épiscopale. Viennent
ensuite les églises collégiales^ desservies par un chapitre
ou collège de chanoines autres que ceux de la cathédrale
(V. Chanoine). Les églises de paroisse desservies par un
curé s'appellent paroissiales. Les églises de communautés
qui font office de paroisses, sont dites conventuelles ;
celles qui sont le siège d'un abbé ou d'un prieur, abba-
tiales ou priorales. Pour les lieux de culte d'un ordre
inférieur, Y. Chapelle, t. X, p. 557, col. 2. A ces divers titres
correspondent des droits sacerdotaux, des droits litur-
giques, des droits lucratifs, des préséances et des honneurs
minutieusement énumérés par les canonistes. Il n'y a plus
en France d'éghses collégiales ni d'églises conventuelles
proprement dites. — A ces anciennes distinctions la poli-
tique des papes a ajouté une hiérarchie nouvelle, en attri-
buant à quelques églises le titre de basilique, aujourd'hui
fort prisé par le clergé ultramontain et comportant cer-
tains insignes et certains privilèges. Dans les basiliques
majeures, appelées aussi patriar châles ou sacrosaintes,
le maître-autel est dit autel papal, parce que le pape seul
peut y célébrer. Les basiliques mineures possèdent pré-
séance sur toutes les autres églises, à l'exception des
cathédrales. Elles se classent entre elles selon l'ancienneté
de la concession, sans tenir compte du qualificatif perin-
signis donné à quelques-unes. Le qualificatif insignis est
concédé à certaines collégiales. Les privilèges des basiliques
mineures, les seules qu'on trouve en France, résultent
des deux décrets de la Sacrée Congrégation des Rites du
22 mai 1817 et du 27 août 1836. Le premier est la pré-
séance, dont il vient d'être parlé et qui vaut même en
dehors du diocèse. Leur insigne le plus important est le
pavillon, immense parasol, dont l'armature est recouverte
de bandes alternativement rouges et jaunes. Ces couleurs,
qui sont celles du gouvernement pontifical, attestent une
sujétion plus immédiate au pape. Le pavillon est porté, en
tête de toutes les processions, par un employé de l'église,
vêtu d'une grande robe ou sac de toile blanche, lié à la
taille par un cordon blanc ou une lanière de cuir. Le second
insigne est la clochette, appareil d'une structure et d'une
ornementation compliquées, qui dans les processions pré-
cède toujours le pavillon. Elle est portée et tintée par un
- 615 -
ÉGLISE
homme vêtu comme le porteur du pavillon. Le pavillon et
la clochette appartiennent de droit à toutes les basiliques
mineures. Le troisième insigne ne peut être porté que là
où il existe un chapitre. C'est la cappa canoniale, qu'il
faut distinguer de la cappa épiscopale. — Depuis 1805
jusqu'en 1886, trente-quatre églises de France ont été
décorées du titre de basiliques mineures. Parmi elles,
Notre-Dame de Paris (1805) ; Notre-Dame du Sacré-Cœur
d'Issoudun, l'égHse paroissiale de Paray-le-Monial, Notre-
Dame de Lourdes et Notre-Dame de la Salette.
Des documents très anciens mentionnent l'autorisation
de l'évêque comme nécessaire à la construction des églises.
Notre droit civil-ecclésiastique en reconnaît encore la
nécessité (Articles organiques, 44, 77). Suivant le Ponti-
fical romain et le droit canon, le plan de l'église étant
tracé, l'évêque fait planter une croix au lieu où doit être
l'autel ; puis il bénit la première pierre et les fondements,
avec des prières qui font mention de Jésus-Christ, la pierre
angulaire, et des mystères signifiés par la construction
matérielle. — Lorsque l'édifice est achevé ou assez avancé
pour qu'il soit possible d'y célébrer l'office divin, l'évêque
en annonce la dédicace ou consécration par un mande-
ment ordonnant un jeûne préparatoire. La dédicace d'une
éghse est la plus longue et la plus compliquée de toutes les
cérémonies ecclésiastiques. La veille on jeûne et on chante
des vigiles devant les reliques qui doivent être mises sur
l'autel ou dedans, mais qui sont provisoirement déposées
dans une église voisine ou dans une tente disposée à cet
effet. Le matin, l'évêque entre dans la nouvelle église,
où sont peintes douze croix, chacune surmontée d'un
cierge. Quand les cierges sont allumés, il sort, ne laissant
à l'intérieur qu'un seul diacre. Il va prier au lieu où sont
les reliques, et il revient . faire des aspersions autour
de l'église ; quand il se présente devant la porte, il la
trouve fermée ; il la frappe avec sa crosse pastorale, mais
elle ne s'ouvre pas. Seconde procession autour des murs
avec aspersion : deuxième coup frappé à la porte, qui reste
toujours fermée. Après une troisième aspersion des murs,
l'évêque frappe encore la porte; enfin, il y fait une croix
en disant : Ecce Crucis signum, fugiant phantasmata
cuncta; la porte s'ouvre. La cérémonie se continue dans
l'intérieur avec des chants et des actes symboliques ana-
logues aux précédents. L'évêque trace avec sa crosse, sur
la cendre dont le pavé a été légèrement couvert, une croix
figurant la lettre X. Sur les branches de cette croix il
forme l'alphabet grec et l'alphabet romain. Puis, il bénit
un mélange d'eau, de sel, de vin et de cendre, matières
essentiellement purificatrices et figures, prétend-on, d'un
Dieu-homme, mort et ressuscité ; il en fait aspersion sur
les murs et sur l'autel. (}uand il a commencé la consécra-
tion de l'autel avec l'eau, l'huile des catéchumènes et le
saint chrême, on va chercher les reliques au lieu où elles
sont déposées, et on les apporte processionnellement dans
la nouvelle église. La consécration de l'autel est ^ achevée
par une effusion d'huile sainte ; et on termine la cérémonie
en faisant des onctions sur les douze croix et sur les
murs, et en brûlant cinq grains d'encens sur l'autel, pen-
dant qu'on chante : Ascendit fumus aromatum in cons-
pectu Domini, de manu angeli. Le rite de la consé-
cration est attribué au pape Sylvestre, qui en fit, dit-on,
la première cérémonie sur l'église du Sauveur, bâtie par
Constantin, en son palais de Latran. D'après des conciles
de Carthage, d'Epaone, d'Agde, de Paris, de Mayence et
une épître du pape Félix IV (526-530), on ne peut célé-
brer la messe et offrir les sacrifices au Seigneur que dans
les lieux et sur les autels consacrés par l'évêque. — Néan-
moins, dans Pusage, on se contente souvent de bénir une
église, sans la consacrer. Les chapelles ne reçoivent ordi-
nairement qu'une simple bénédiction. La bénédiction des
églises et des chapelles, n'étant point attachée au caractère
épiscopal, peut être commise à un grand vicaire, à un curé
ou à tout autre prêtre. — Plusieurs docteurs estiment que
l'entrée dans une église consacrée remet, comme l'aspersion
d'eau bénite, les péchés véniels. D'après saint Thomas,
il y a vraiment une vertu divine dans ce lieu, car Celui
qui a son habitation dans le ciel le visite et le protège
(Summa theologica, p. Ill, q. 88, art. 3). Parmi les
inscriptions gravées sur la façade on lit fréquemment :
Domus Dei, porta cœli. La visite des églises est d'ail-
leurs puissamment incitée par le nombre des indulgences
et faveurs spirituelles qui y sont affectées. — Pour la pro-
priété et l'entretien des églises, V. Commune, t. XII, p. 129,
col. 1. et p. 134, col. 2 ; Domaine public et Fabrique.
E.-H. VOLLET.
III. Théologie. — Le mot église ne se trouve que
dans deux passages des Evangiles. Dans le premier
(S. Matthieu, xvi, 18-19), il désigne un édifice spiri-
tuel que Jésus-Christ doit bâtir et contre lequel les puis-
sances de l'enfer ne prévaudront point. A cette déclaration
sont adjointes la promesse des clefs du royaume de Dieu
et la délégation d'un pouvoir de lier et de délier s'éten-
dant dans les cieux comme sur la terre. Dans le second
passage (5. Matthieu, xvni, 17-18), il s'agit d'une assem-
blée locale investie d'un droit de juridiction sanctionné
par la réprobation et l'exclusion de ceux qui refusent
d'écouter cette assemblée. D'autres textes, sans produire
le nom, paraissent ne pouvoir se rapporter qu'à l'Eglise.
En effet, ils contiennent la formule d'une commission
qui ne pouvait être rempHe que par l'œuvre de nom-
breuses générations humaines et la promesse d'une assis-
tance continuée jusqu'à la fin du monde : « Toute puis-
sance m'est donnée dans le ciel et sur la terre. Allez
donc et instruisez les nations, les baptisant au nom du ,
Père, du Fils et du Saint-Esprit ; leur apprenant à garder
tout ce que je vous ai commandé. Et voici, je suis toujours
avec vous jusqu'à la fin du monde (S. Matthieu, xxviii,
19-20). Allez par tout le monde et prêchez l'Evangile à
toute créature. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé;
mais celui qui ne croira point sera condamné (5. Marc,
xvi, 16-17). » — Dans les Actes des Apôtres, les
Epîtrès et V Apocalypse, le mot est employé avec trois
acceptions différentes. Il désigne tantôt un fait local et
momentané, c.-à-d. l'assemblée des personnes se trouvant
réunies dans un même endroit, à un instant donné ; tantôt
la totalité des fidèles habitant la même ville ; enfin, dans
un sens mystique, l'universalité des croyants, quel que
soit le lieu de leur habitation.
Chez les Grecs, le mot 'Exx).Y]afa désignaitliabituelle-
ment une assemblée délibérante. Les chrétiens, qui com-
mencèrent à l'adopter, de préférence au mot synagogue,
lorsque leur séparation d'avec les juif s devint plus pronon-
cée, y ajoutaient parfois un déterminatif, pour en indiquer
la valeur nouvelle et essentiellement religieuse ; ils disaient
l'Eglise de Dieu ou l'Eglise du Christ (I, Cor, xv, 9 ;
Ach i/?., XX, 28). En ce sens, l'Eglise était la commu-
nauté ou l'universaUté de tous ceux qui avaient été appelés
et étaient parvenus au salut par Jésus-Christ (Act. Ap.,
II, 47). Suivant saint Paul, tous les fidèles forment
ensemble un seul peuple, le peuple particulier du Christ
(Tite, II, 15). Chez ce peuple-là, il n'y a plus ni juif,^ ni
Grec, ni esclave, ni homme, ni femme. Tous ne sont qu'un
en Jésus-Christ (Galates, m, 28). Le baptême a fait d'eux
un seul corps en Christ (I, Cor., xii, 13 ; Rom,, xii, 5),
un corps dont Christ est la tête (Ephés., iv, 15 ; V, 23).
Des fonctions diverses ont été assignées aux divers membres
de ce corps (I, Cor., xii, 4-31; Rom., xii, 4-8) ; mais
dans la diversité des ministères, il n'y a qu'un seul Sei-
gneur (I, Cor., xii, 5), et dans la diversité des opérations,
un même Dieu qui opère toutes choses en tous (5). L'es-
prit qui se manifeste dans chacun lui est donné pour
Futilité commune (7). Les membres qui paraissent les plus
faibles sont les plus nécessaires (22). Le même apôtre
caractérise l'unité de l'Eglise par ces mots : un seul corps
et un seul esprit, une seule espérance, un seul baptême,
un seul Dieu et père de tous, qui est au-dessus de tous,
parmi tous et en tous. La grâce est donnée à chacun selon
EGLISE
— 616 —
la mesure du don de Christ (Ephés., iv, 4-7). Tous les
fidèles doivent s'efforcer de conserver Tunité de l'esprit
par le lien de la paix (3). Le symbole de leur union et le
gage de la Nouvelle Alliance, scellée avec le sang du
Christ, c'était la Sainte-Cène, le souper du Seigneur,
repas commun auquel tous les fidèles venaient prendre
part et à la fin duquel le pain, après avoir été rompu,
était distribué entre tous et le calice présenté à tous
(I, Cor,, XI, 20-34; x, 16-17). — Avec Vunité, la
sainteté. En la plupart de ses épîtres, Paul appelle ceux
à qui il les adresse : bien-aimés de Dieu, saints en Jésus-
Christ, appelés. Pierre écrit aux frères dispersés : vous
êtes la race élue, sacrificateurs et rois, la nation sainte,
le peuple acquis, le peuple de Dieu (U Pierre, ii, 9-10).
Les réalités constatées par les documents apostoliques
ne répondent que de fort loin à ces affirmations d'unité et
de sainteté. Il est vrai que l'Eglise primitive était indemne
des spéculations métaphysiques que l'histoire montre pro-
duisant ordinairement tant de confusions et parfois des
dissensions si haineuses. Toute la théologie consistait alors
dans cette déclaration : Jésus de Nazareth est le Messie,
le Christ. Tous les fidèles croyaient à sa résurrection et
attendaient son retour. Même accord vraisemblablement
sur ce que VEpître aux Hébreux appelle le fondement :
la repentance, la foi en Dieu, la doctrine du baptême, l'im-
position des mains, la résurrection des morts et le juge-
ment éternel (vi, 1-2). Mais, d'autre part, nous avons montré
(au mot Christianisme, t. XI, pp. 273 et suiy.) quelle
diversité de croyance et de pratique se produisait sur des
points de la plus haute importance, tels que la nécessité
de la circoncision et l'observance de la loi mosaïque ; quelles
différences et quels différends cette diversité déterminait
parmi les premiers fidèles ; le caractère défectueux de la
décision arrêtée, au nom du Saint-Esprit, par la confé-
rence de Jérusalem, pour établir l'accord sur ces points :
décision dont l'effet ne dura que pour ce qu'elle tolérait,
mais nullement pour ce qu'elle prohibait, et qui laissa
subsister le conflit entre les partis contemporains. Nulle
autorité centrale vraiment dirigeante : d'un côté, les douze
apôtres, vénérés par les judaïsants, mais qui semblent
inconscients de la nécessité et des conditions de l'évan-
gélisation du monde païen, et qui se laissent devancer
par d'autres dans l'initiative de cette œuvre ; parmi ces
apôtres, Pierre qui parle et agit comme s'il ignorait com-
plètement la suprématie que ceux qui s'appelleront ses
successeurs, prétendront exercer en son nom, plusieurs
siècles après. En face des douze, un treizième apôtre qui,
à leur insu, avait reçu l'imposition des mains de quelques
docteurs et prophètes d'Antioche, Paul, proclamait l'indé-
pendance absolue de son ministère, et, à l'occasion, n'hé-
sitait point à censurer Pierre publiquement. — Les faits
que révèle une lecture quelque peu attentive des docu-
ments apostoliques ne permettent aucune illusion sur
la sainteté spécifique attribuée par la légende aux chré-
tiens de l'Eglise primitive. En ce qui concerne parti-
culièrement les communautés recrutées parmi les païens
et qui n'avaient point reçu du judaïsme une éducation pré-
paratoire, cette légende n'est évidemment que l'effet du
mirage qui montre l'âge d'or au début de toutes les sociétés
humaines, et fait oublier que tout ce qui doit se développer
sur la terre est soumis aux lois du progrès et subit des
commencements difficiles. Il est infiniment plus facile d'in-
duire au martyre des païens convertis, que de les mener à
la sainteté, et même de les tenir soumis aux inspirations
de la charité ou aux lois de la chasteté et de la moralité
chrétiennes. L*indice de cette difficulté résulte de la nature
des recommandations et des reproches adressés par les
apôtres aux églises et des méfaits visés en ces recomman-
dations et ces reproches. Ainsi dans l'église favorite de
saint Paul, V Eglise de Dieu qui était à Corinthe, l'église
de ceux qui avaient été sanctifiés et appelés, lorsque les
chrétiens s'assemblaient pour célébrer le souper du Sei-
gneur, chacun se hâtait de manger ce qu'il avait apporté
pour son propre repas, de sorte que les uns restaient avec
leur faim, tandis que les autres étaient rassasiés (I, Cor.,
XI, 18-21). En cette même éghse, un chrétien entrete-
nait la femme de son père, notoirement et sans encourir
aucune mesure manifestant l'affliction ou la réprobation
des autres (v, 1-6). Il fallut une sommation indignée de
saint Paul pour contraindre les Corinthiens à punir ce
scandale par l'exclusion du coupable.
Aux mots EvÊQUE, Hiérarchie ecclésïastioue on trou-
vera des indications sur l'origine, la formation et l'orga-
nisation des ministères et des charges, l'introduction d'un
sacerdoce et d'un clergé dans les églises. Parallèlement à
ces institutions se produisit l'idée de catholicité (V. ce
mot), dont le développement fut stimulé par la lutte contre
les hérésies. Dès le commencement et malgré les diversités
que nous avons mentionnées précédemment, les chrétiens
avaient considéré comme une chose essentielle de sentir
qu'ils formaient une unité resserrée par les liens d*une
même foi, d'une même espérance et d'un même amour.
Mais cette unité était purement spirituelle, les relations
qui devaient rattacher les diverses communautés, les unes
avec les autres, n'étant point encore réglementées et
n'étant entretenues que par des individus. Aux sectes qui
s'efforçaient d'altérer la foi, tout en se prétendant chré-
tiennes, les communautés orthodoxes opposèrent l'unité
d'une entité imposante, qu'elles appelèrent V Eglise catho-
lique, c.-à-d. universelle. En conséquence, elles s'appli-
quèrent à donner à l'unité interne et spirituelle qui cons-
tituait cette église une forme extérieure et visible, non
seulement en la faisant ressortir de l'accord dans la doc-
trine ou dans les formules, ou des similitudes d'organisa-
tion et d'usage chez les diverses communautés, mais aussi
en la consolidant par une union plus intime et mieux
réglementée des communautés entre elles. — Le déve-
loppement de la catholicité produisit l'institution d'une
Règle de foi générale (Kavwv x^ç (xIt^^eIolç, Régula fidei),
résumant l'ensemble des doctrines essentielles au christia-
nisme. Celte règle, destinée à assurer Vunité dogma-
tique, consistait, non dans un formulaire officiellement
rédigé, mais dans toute une série d'articles que chacun
était libre d'exprimer comme il l'entendait, à la condition
de ne point altérer le fond. Il ne faut point la confondre
avec le Symbole, courte confession de foi qui devait être
faite par ceux que l'on baptisait. Le symbole était une
formule, mais cette formule différait dans les diverses com-
munautés, chacune y ajoutant les articles qu'elle croyait
devoir faire ressortir, à cause des conditions particulières
dans lesquelles elle était placée, surtout à cause du voisi-
nage de certains partis hérétiques. La règle de la foi n'était
point tirée de l'interprétation des Saintes Ecritures, car
les livres du Nouveau Testament n'étant point encore ras-
semblés, n'étaient répandus que isolément. Elle était
empruntée à la tradition apostolique, c.-à-d. à ce qui
s'était propagé, sous ce nom, dans les communautés chré-
tiennes. En cas de doute ou de contestation, on s'adressait
ordinairement aux églises apostoliques, c.-à-d. aux églises
dont le siège avait été ou était censé avoir été occupé par
les apôtres (Jérusalem, Antioche, Alexandrie, Rome,
Ephèse), et qui, pour cette raison, semblaient avoir été
constituées dépositaires et gardiennes de leur doctrine.
ïrenée (120 ? - 202 ?) désigne l'Eglise catholique comme
le vase dans lequel les apôtres ont déposé la vérité et
comme la porte de la vie (Adversus hœreses, 1. III, c. iv).
Tertullien (160? -245 2) écrit que l'Eglise est le corps
mystique des trois personnes divines (De baptismo, v) ;
il la compare déjà à l'arche de Noë (viii). Cette comparai-
son fut reprise et développée par Cyprien (200? -258),
qui en appliqua les conséquences non seulement aux païens
et aux hérétiques, mais aux schismatiques, et identifia
l'Eglise avec la hiérarchie dont l'épiscopat était devenu
le sommet : « Que personne ne trompe les fidèles et n'al-
tère la vérité. L'épiscopat est un et chaque évêque en pos-
sède solidairement une partie. De même, l'Eglise est une,
et elle se répand, par sa técondité, en plusieurs personnes :
comme il y a plusieurs rayons de soleil, mais il n'y a
qu'une lumière; comme un arbre a plusieurs branches,
mais n'a qu'un tronc et qu'une racine... C'est elle qui
nous fait naître, nous nourrit de son lait et nous anime
de son esprit. L'épouse de Jésus-Christ ne peut être cor-
rompue, car elle est chaste et incorruptible. Elle ne con-
naît qu'une maison et n'a qu*une seule couche, qu'elle
garde pure et inviolable... Quiconque se sépare de l'Eglise
et s'unit à une adultère (c.-à-d. à une église autre que
celle où Cyprien était évêque) n'a point de part aux pro-
messes qui lui ont été faites. Celui qui abandonne l'Eglise
de Jésus-Christ ne recevra jamais les récompenses de
Jésus-Christ. C'est un étranger, un profane, un ennemi.
Celui-là ne peut avoir Dieu pour père, qui n'a point
l'Eglise pour mère. Il est tout aussi impossible de se sauver
hors de l'Eglise, qu'au temps de Noë de se sauver hors de
l'arche... Le schisme est un crime si énocme, que la mort
ne le saurait expier. Celui-là ne peut être martyr qui n'est
point dans l'Eglise... Un schismatique qui est tué hors de
l'Eglise ne peut avoir part aux récompenses de l'Eglise...
11 faut fuir un homme qui est séparé de l'Eglise, quel qu'il
soit, c.-à-d. quand même il aurait confessé sa foi devant la
menace du supplice ou dans les tourments (De unitate
Ecclesiœ). Enfin Cyprien aperçoit et signale dans les
schismes sévissant de son temps le signe de la fin prochaine
du monde ; en conséquence, il exhorte les chrétiens à
veiller, fidèles et unis, en attendant l'avènement imprévu
de leur suprême pasteur.
Dès le temps de ïertullien, on faisait déjà mention de
l'Eglise dans le baptême (Z)^ baptismo, V) ; mais les sym-
boles ecclésiastiques, alors en usage, ne le mentionnaient
qu'à l'occasion des grâces dont elle est l'instrument ou des
vérités dont elle est la messagère : ù'edo remissionem
peccatorum et vitam eternam per sanctam Ecclesiam
(Cyprien, Epist,, 70 et 76, éd. Baluze). Plus tard, on fit
de la foi à l Eglise l'objet d'un article spécial : Credo sanc-
tam Ecclesiam. Il est vraisemblable que l'insertion de
cet article dans le Credo fut déterminée par les nécessités
de la controverse di\ec les novatiens (V. ce mot). Ceux-ci,
s'élevant contre les communautés catholiques à cause de
la tolérance ou plutôt de la complicité qu'ils leur repro-
chaient à l'égard des apostats et des pécheurs manifestes,
prétendaient que ces communautés ne pouvaient représenter
l'Eglise, dont le caractère distinctif est la sainteté. Les ca-
tholiques, inaugurant un procédé qu'ils ont fréquemment
renouvelé depuis et qui fait partie de leur tradition, écar-
tèrent les arguments de fait par une distinction subtile et
une affirmation superbe ; ils proclamèrent comme article
de foi que l'Eglise est sainte, substantiellement sainte, et
ils exphquèrentque sa sainteté, reposant sur son institution,
sa base et son essence, est indépendante de l'indignité per-
sonnelle de ses membres et de ses ministres. — Dans plu-
sieurs symboles, fut ajouté ensuite le mot unam, dirigé
contre les sectes hérétiques qui prétendaient pareillement
former de véritables églises. — Enfin, au iv® siècle, on
inséra le mot catholicam, auquel on attacha l'idée que
l'Eglise catholique, précédemment définie, renferme tous les
vrais chrétiens ; qu'on n'est chrétien qu'à la condition de
lui appartenir et que en dehors d'elle il n'y a ni christia-
nisme, ni vérité, ni salut. — Pour«n quatrième caractère,
adjoint à la sainteté, à Vunité et à la catholicité, V. Apos-
TOLICITÉ (t. III, *p. 374).
Le besoin d'union qui provoqua l'élaboration des dogmes
de l'unité et de la catholicité et l'introduction dans l'Eglise
d'une hiérarchie de plus en plus puissante, résultait, non
seulement de la nécessité d'écarter les divisions et les
causes d'afî'aiblissement amenées par les hérésies et les
schismes, mais aussi de la situation des chrétiens dans le
monde païen. Au milieu de ce monde, dont ils haïssaient la
religion et les mœurs, dont ils répudiaient le passé et dont
ils menaçaient l'avenir, l'Eglise leur apparaissait comme
l'arche de Noé, hors de laquelle tous les hommes devaient
— 617 — ÉGLISE
périr. En outre, suspects eux-mêmes et parfois persécutés,
ils formaient parmi les païens une société étrangère, sinon
une armée ennemie, qui ne pouvait subsister qu'en accep-
tant la direction d'une autorité énergique et en se soumet-
tant à une discipline sévère. Lorsque cette contrainte morale
fut rendue inutile par la victoire du christianisme, elle fut
remplacée par l'action des lois impériales qui ne recon-
nurent qu'aux catholiques seuls la qualité de chrétiens et
sévirent contre les dissidents. Dès lors, quand il surgit des
divergences périlleuses, on fit décréter la catholicité de la
doctrine et de la discipline sur les points débattus par des
conciles œcuméniques, qui devinrent les cours suprêmes de
TEglise tout entière et se trouvèrent investis de Vinfail-
libilité (V. ce mot). La foi à cette infaillibilité ne fut point
définie d'abord et imposée par un canon, mais elle provint
de la nature des choses. La conférence de Jérusalem avait
parlé au nom du Saint-Esprit (Act. Ap,, xv, 28). Par
suite, tous les conciles furent censés être placés sous une
direction spéciale du Saint-Esprit. Les décisions des con-
ciles œcuméniques ne pouvant être réformées par aucune
autre autorité, il était inadmissible qu'elles pussent con-
sacrer des erreurs sur la foi ou sur les mœurs : on les
attribua à une inspiration plénière du Saint-Esprit ; tandis
que, en réalité, elles dépendaient en grande partie des pa-
triarches, auxquels les autres évêques étaient habitués à
obéir, et que, parfois même, elles étaient déterminées par
les impulsions des empereurs.
Nous avons déjà dit que saint Paul considérait la sainte
cène comme le symbole du lien qui doit unir les chrétiens
avec le Christ et les unir entre eux. Cette idée prévalut
dans l'Eglise primitive. Le pain et le vin étaient envoyés
aux absents, parfois même par une communauté à une autre,
en témoignage de communion fraternelle. Exclure quel-
qu'une delà sainte cène, c'était l'exclure de la communion
de l'Eglise. D'après un usage qui prit naissance au ii® siècle,
les parents des chrétiens décédés, pour exprimer la per-
suasion que ceux-ci continuaient à participer à cette com-
munion, offraient en leur nom et comme s'ils étaient en-
core présents, des oblations qu'on apportait comme celles
des vivants, avant la célébration de la cène, et leurs
noms étaient prononcés dans la prière faite en cette occa-
sion, ainsi que les noms de ceux qui assistaient réellement
à la cérémonie (V. Diptyque). Le développement de cette
croyance aboutit vers le vi^ siècle au dogme de h commu-
nion des saints (V. ce mot) et finalement à la division de
l'Eglise en deux parties : l'Eghse triompfiaîite, composée
de ceux qui, après avoir vaincu le monde, la chair et le dé-
mon, sont délivrés des épreuves et des misères de la vie ter-
restre et jouissent delà béatitude éternelle ; l'Eglise mili-
tante, formée par les fidèles vivant encore sur la terre :
elle est ainsi appelée, parce qu'elle soutient une guerre
perpétuelle contre le monde, la chair et Satan (Catéchisme
du concile de Trente) . A ces deux parties une doctrine
plus moderne encore a ajouté l'Eglise souffrante, compre-
nant les âmes du purgatoire.
La scolastique ajouta peu à la doctrine sur l'Eglise, les
spéculations sur ce sujet étant devenues inutiles et surtout
fort dangereuses. Ce qui pouvait être dit de meilleur ou
de plus spécieux sur ce sujet avait été formulé dès les cinq
premiers siècles, dans la lutte contre les hérésies et les
schismes. D'autre part, à l'époque où la scolastique floris-
sait, ceux qui prétendaient représenter l'Eglise imposaient
leur autorité avec une force irrésistible. Toute apparence
de contradiction, peut-être même tout examen, eût semblé
une tentative de rébellion ; et dans ce cas la réfutation
était confiée non aux docteurs, mais aux bourreaux. Pour
que la doctrine dominante fût examinée et discutée avec la
liberté nécessaire, il fallut une révolution provoquée par
les infidélités et les abus reprochés à l'EgHse romaine. —
Aux mots Apostolicité et Catholicité, nous avons résumé
les arguments par lesquels les protestants estiment démon-
trer que l'éghse qui a le moins de droits aux titres d'apos
tohque et de catholique est précisément celle qui se les
ÉGLISE
- 618
arroge, par privilège exclusif. Contre la sainteté d'une
église qui compte des chefs suprêmes tels que les papes
Benoît IX et Alexandre Vl, ils invoquent le témoignage de
l'histoire attestant l'indignité scandaleuse d'un grand
nombre de ses dignitaires, la violence et l'iniquité des pro-
cédés employés par elle pour établir et maintenir sa domi-
nation. A son unité ils opposent les diversités des anciennes
communautés chrétiennes, la liste des schismes irréduc-
tibles et le développement toujours croissant des églises
dissidentes ; à son infaillibilité, l'incertitude oii elle était
avant 4870, sur l'organe de cette infaillibilité, les contra-
dictions des décisions des papes entre elles, leurs contra-
dictions avec l'Ecriture sainte et les dogmes de leur
église, et même les contradictions de plusieurs de ces
dogmes avec la Bible ; à son antiquité, les nouveautés
de ses doctrines, de ses institutions, de ses ordonnances et
même de ses sacrements. — Enfin et comme base de
leur argumentation, ils signalent une équivoque, une con-
fusion entre deux choses essentiellement distinctes, quoique
désignées par le même nom : confusion de l'église mys-
tique, dont le Christ est le chef permanent et incom-
mutable, de l'Eglise qui est le corps du Christ et dont
tous les vrais fidèles sont les mem-bres, composée de
tous ceux qui sont parvenus, parviennent ou parviendront
au salut, avec les communautés établies pour préparer et
édifier cette Eglise, c.-à-d. pour annoncer l'évangile, ad-
ministrer les sacrements, rassembler, instruire et diriger
les chrétiens. L'Eglise mystique étant composée de tous
ceux qui sont ou seront sauvés, il est incontestable que en
dehors d'elle il n'y a point de salut; ne comprenant que
des âmes qui sont parvenues ou qui parviendront à la sain-
teté, elle mérite indubitablement le titre de sainte; pa-
reillement, celui de catholique, puisqu'elle renferme la
« grande multitude que personne ne peut compter de toute
nation et de toute tribu, de tout peuple et de toute langue,
qui doit se tenir devant le trône et devant l'Agneau (Apo-
calypse, VII, 9). Elle est une, puisqu'il ne pourrait y avoir
deux églises réunissant ces caractères. Mais cette Eghse-là
est invisible. Dieu seul en connaît les membres. A pro-
prement parler, il n'y a point une Eglise visible pour les
hommes sur la terre. Ce qu'on appelle ainsi n'est qu'une
somme ou une fédération d'unités distinctes, comme étaient,
au premier âge, les églises de Jérusalem, d'Antioche,
d'Ephèse, de Smyrne, de Pergame, de Rome, de Corinthe,
de Thessalonique, etc., unies par la foi en Jésus-Christ,
le baptême et la cène, mais différenciées par des diver-
gences sur des points importants et par leurs préférences
pour Pierre ou pour Paul ou pour Jacques. Non seulement
plusieurs de ces églises différaient entre elles à l'origine ;
mais siècle par siècle, chacune d'elles a différé sensiblement
d'elle-même, à ce point que, bien avant le xv® siècle, il eût
été impossible de trouver en Occident une église repro-
duisant l'image quelque peu ressemblante d'une église pri-
mitive. A ces différences correspondent des altérations plus
ou moins profondes du type originel, quant à la doctrine,
quant au culte et quant à l'organisation. Quelques-unes de
ces altérations peuvent être acceptées comme des disposi-
tions d'ordre local ou comme de simples modifications jus-
tifiées par les lois du développement. D'autres, au contraire,
affectent la substance même du christianisme et ont fait
perdre aux églises qui les ont commises le caractère chré-
tien. Quand il s'agit de décider si une église possède ce ca-
ractère, tout le débat doit être ramené à ces deux questions
principales : Cette éghse annonce-t-elle purement tout
l'évangile, sans addition et sans retranchement ? Admi-
nistre-t-elle les sacrements fidèlement, suivant l'esprit et la
forme essentielle de leur institution ? Si oui, elle est une
église véritable, quelles que soient les particularités acces-
soires; si non, elle est une fausse église, quelles que
soient ses prétentions pour le reste. — Pour le droit que
les protestants dénient à toute église de décréter des ar-
ticles de foi et des commandements, V. Commandements de
l'Eglise et Foi. E.-H, Vollet.
IV. Sociologie (V. Classe et Etat).
V. Musique (V. Musique religieuse).
BiBL. : Architecture. Dict. de VAcadémie des Beaux-
Arts ; Paris, 1868, t. II, in-8, fig. — Viollet-le-Duc,
Dict. de l'Architecture ; Paris, in-8, fig. -- Congrès inter'
national des architectes de 1818; Paris, 1881, in-8, flg.
— Ch. Lucas, les Eglises circulaires d'Angleterre ;"Parïs,
1882, in-8, fig. — Àlph. Gosset, l'Evolution des églises
chrétiennes, dans la Revue générale de VArchitecture ;
Paris, t. XLIII, fig., in-8. — Ed. Corroyer, l'Architecture
romane, l'Architectwe gothique; Paris, in-8, fig.
ÉGLISE (Etats de 1') (V. Etats de l'Eglise).
ÉGLISES apostoliques (V. ci-dessus § Théologie),
ÉGLISE catholique romaine. Le premier document
qui mentionne d'une manière précise l'Église de Rome est
l'épître adressée, vers l'an 58, par saint Paul, aux chré-
tiens de cette ville. Il leur dit qu'il souhaite fort de trouver
une occasion de les aller voir, pour leur faire part de
quelque don spirituel, afin qu'ils soient affermis (i, 8-11).
Il est vraisemblable que ces chrétiens étaient judaïsants
et qu'ils furent médiocrement reconnaissants des éloges
de Paul et du dessein qu'il avait « d'aller cueillir quelque
fruit parmi eux, comme parmi les autres nations (43) ».
Lorsque l'apôtre fut amené prisonnier à Rome, ils le lais-
sèrent sans assistance et sans consolation (I, Colossiens,
IV, 11 ; II, Timothée, iv,16). Il y serait resté dans l'indi-
gence, si les Philippiens ne lui avaient envoyé des secours
(Philippiens, ii, 25; iv, 18). — On ne possède aucun
renseignement certain sur la fondation de cette Eglise. La
légende catholique l'attribue à l'apôtre Pierre, qui serait
allé une première fois à Rome, vers 42 ou 43, puis y serait
retourné et enfin y aurait été martyrisé, vers 65 ou 66,
Il est impossible de trouver dans le Nouveau Testament le
moindre texte indiquant ces faits, qu'il serait d'ailleurs
fort difficile de concilier avec l'attitude de Paul en son
épître aux Romains et le projet qu'elle annonce, et avec
les renseignements qu'il donne en d'autres épîtres sur sa
propre captivité. Le silence de ces dernières épîtres à l'égard
de Pierre serait inexpHcable ou injurieux, si Pierre avait
gouverné l'Eglise de Rome au temps où elles ont été écrites.
De même, le silence des Actes des Apôtres (xxviii, 15, 31)
racontant l'arrivée à Rome de Paul, prisonnier, et sa pré-
dication en cette ville. Il n'est point absolument improbable
que Pierre soit mort à Rome; mais les motifs que nous
venons d'indiquer et plusieurs autres nous semblent écarter
l'hypothèse de la fondation de l'Eglise de Rome par cet
apôtre, et celle d'un pontificat ayant duré vingt -deux ou
vingt-cinq années (V. Pierre [Saint], apôtre). Du reste,
l'histoire de ces commencements est fort obscure ; à ce
point qu'il est impossible de constater avec certitude les
noms et d'établir la succession des premiers évêques. Non
seulement elle est obscure, mais elle est à peu près nulle ;
pendant la plus grande partie des deux premiers siècles,
elle ne présente guère que des listes de noms. Reaucoup
de ces noms sont d'origine grecque ou orientale et con-
courent avec d'autres indices à démontrer que, pendant
plusieurs siècles, cette Eghse contint une forte proportion
d'éléments étrangers, les Romains étant restés longtemps
attachés au culte de leurs dieux et de leurs empereurs,
qu'ils identifiaient avec la gloire et la prospérité de l'Em-
pire. La première évangélisation de l'Occident, notamment
de la Gaule, fut, pour la plus grande part, entreprise par
des chrétiens venus d'Orient et opérée sur des immigrés
originaires des mêmes contrées. La population indigène des
villes ne se convertit que lentement ; plus lentement encore
celle de la campagne. De là, le mot paganisme.
Pendant les premiers siècles, non seulement le nombre
des chrétiens de langue latine était faible, en comparaison
de l'Eglise grecque, mais l'Eglise latine ne formait guère,
quant à l'activité intellectuelle, qu'une dépendance de
l'Eglise grecque. Ne possédant point encore de littérature à
eUe, elle se rattachait à celle du christianisme oriental. C'est
en grec qu'ont écrit les plus anciens auteurs de l'Occident,
tels que Clément de Rome et Irénée. TertulUen lui-même
avait rédigé plusieurs ouvrages en grec ; en sorte que cette
- 619
ÉGLISE
langue, dans laquelle les apôtres avaient déjà exprimé les
idées chrétiennes, fut longtemps considérée, même dans
l'Eglise occidentale, comme le seul organe qui put les
rendre d'une manière satisfaisante. Plus tard, tous les
conciles œcuméniques jusqu'en 869 furent assemblés dans
la partie orientale de l'Empire et rédigèrent leurs canons
en grec. De là, le grand nombre de mots provenant de
cette langue, introduits et conservés dans le vocabulaire
ecclésiastique. — Ce n'était point seulement la définition
des dogmes qui se faisait en Orient, c'était aussi leur éla-
boration. A cet égard, il convient de noter ici une diffé-
rence essentielle entre le caractère de la théologie ou le
tempérament des théologiens dans les deux Eglises. Tandis
que les théologiens grecs, notamment les alexandrins, pé-
nétrés consciemment ou inconsciemment de philosophie, se
livrent aux spéculations les plus téméraires sur les objets
de la métaphysique religieuse, les théologiens latins ré-
prouvent la philosophie, comme la mère des hérésies, et se
gardent contre les hardiesses de la pensée ; ils acceptent
comme inviolables toutes les doctrines transmises par la
tradition ou énoncées par les conciles, et ils se contentent
de les expliquer et de les défendre. Quand ils se permettent
un effort original, ils le font porter sur des sujets pratiques
et positifs : apologétique, culte, sacrements, moyens de
salut, morale, discipline, gouvernement ecclésiastique.
C'est en Afrique, par Tertullien, Cyprien et Augustin, que
le latin a été adapté à la théologie. L'œuvre de ces écri-
vains, même celle d'Augustin, le plus aventureux, présente
le caractère que nous venons d'indiquer ; pareillement, celles
de Jérôme et de Grégoire le Grand. Cette tendance persista
lorsque l'Eglise latine, séparée de l'Eglise grecque, se mit
à confectionner des dogmes, à son tour.
Dès la fin du ii^ siècle, on trouve en Occident la recon-
naissance d'une certaine supériorité de l'Eglise de Rome.
Irénée préconise « la tradition et la foi prêchée à tous dans
l'Eglise romaine, cette EgUse si grande, si ancienne, si
connue de tous, que les glorieux apôtres saint Pierre et
saint Paul ont fondée et établie ; tradition qui est venue
jusqu'à nous par la succession des évoques Il faut qu'à
cette Eglise, à cause de son éminente supériorité, se con-
forme toute autre Eglise, c.-à-d. les fidèles qui sont de
toutes parts ; parce que la tradition des apôtres y a tou-
jours été observée par ceux qui y viennent de tous côtés. »
Dans la controverse avec les protestants, les théologiens
cathoUques nous semblent avoir tiré de ce témoignage des
conséquences excessives. Il ne faut ni en amoindrir ni en
exagérer la valeur, mais en bien lire le texte. La supério-
rité reconnue par Irénée à l'EgUse de Rome ne résulte ni
de la primauté de Pierre, ni d'un droit de lier et de délier
attribué aux évêques de Rome, en qualité de successeurs
de cet apôtre, mais du fait que cette Eglise, ayant été,
suivant lui, fondée par Pierre et par Paul, a reçu l'ensei-
gnement de ces deux apôtres, qu'elle en a été cons-
tituée dépositaire et qu'elle en est restée fidèle gardienne.
Il s'agit ici de transmission, de tradition, nullement de
décision ou de juridiction. Cette interprétation est confirmée
par la conduite d'Irénée lui-même à l'occasion de faits se
rapportant aux diversités qui persistaient encore dans
les Eglises. Victor, évêque de Rome, voulait rompre la com-
munion avec les Eglises d'Orient qui, suivant la coutume
ancienne, célébraient la fête de Pâques un autre jour
que l'Eglise de Rome. Irénée intervint et amena Victor à
renoncer à son dessein.
Suivant les copies les plus récentes (suspectes d'interpo-
lation) de ses lettres, saint Cyprien aurait écrit que l'unité
sacerdotale provient de la chaire de Pierre et de l'Eglise
principale (Epist. LX, ad Cornelium). Mais dans le texte
incontesté de son traité Sur l'Unité de l'Eglise, il affirme
la complète égalité de tous les apôtres, pari consortio
prœditi et honoris et potestatis ; il professe que l'épis-
copat est un et indivisible, et que chaque évêque en possède
solidairement une portion. Il sut défendre, avec énergie et
avec succès, l'égalité épiscopale. Il considérait comme nul
le baptême administré par des hérétiques. Au contraire,
Etienne, évêque de Rome, le déclarait valable, prétendant
énoncer la tradition [nil innovetur). Dans ce conflit, les
EgUses de l'Asie Mineure, dont l'opinion fut exprimée par
saint Firmillien, évêque de Césarée en Cappadoce, attestè-
rent que la doctrine de Cyprien était conforme à la vérité
et à la coutume. Elle fut solennellement adoptée par un
concile de Carthage (2o6) . Dans une allocution adressée à .
ce concile, Cyprien, réprouvant les prétentions et les pro-
cédés de l'évêque de Rome, disait : Il n'y a parmi nous
aucun évêque s 'établissant l'évêque des autres évêques, et
réduisant par une terreur tyrannique ses collègues à la
nécessité de lui obéir. Chaque évêque jouit de son propre
arbitre, pro licentia libertatis et potestatis, tanquam
judicari ab alis non possit, cum nec ipsepossit alterum
'judicare (V. Carthage [Conciles de], t. IX, p. 640,
col. 2). — Dans la querelle des deux Denys (V. Denys,
pape, et Denys, évêque d'Alexandrie) ces évêques discu-
tent, sur le pied d'une parfaite égalité. Au iv® siècle et au
commencement du v^, les évêques de Rome, écrivant à
d'autres évêques, prenaient encore et tout simplement le
titre d'évêque de la ville ou d'évêque de l'Eglise de Rome.
Parmi les causes qui ont concouru à l'extension de l'au-
torité des évêques de Rome, la première, suivant nous, est
ce fait, attesté par l'histoire des premiers siècles, que l'im-
portance des évêques était généralement proportionnée à
l'importance de la ville où leur siège était placé. La seconde
appartient au même ordre de faits, et résulte de l'établis-
sement et du développement, avec ou sans ce nom, du
régime métropolitain (V. Métropole). Le VP canon du con-
cile de Nicée (325) constate que le pouvoir de l'évêque de
Rome s'exerçait déjà sur les régions sub urticaires, et il
reconnaît à l'évêque d'Alexandrie un pouvoir analogue sur
l'Egypte, la Lybie et la Pentapole. Il ajoute que les droits
et les privilèges de l'Eglise d'Antioche et des autres Eglises
seront pareillement conservés. Les régions suburbicaires
comprenaient la Campanie, la Toscane avec l'Ombrie, le
Picenum, la Sicile, la Calabre avec l'ApuHe, la Lucanie
avec le Rrutium, le Sammium, la Sardaigne, la Corse, la
Valérie ; elles ne s'étendaient pas au delà du golfe de
Spezia, au N., et de l'embouchure du Rubicon, à l'E.,
laissant en dehors Aquilée, Ravenne et Milan. Telle était
aussi la circonscription de ce qui fut appelé le Synode
romain. Le texte grec du VI® canon de Nicée ne men-
tionne nullement la primauté du siège de Rome; mais une
copie latine portait cette addition : V Eglise romaine a
toujours eu la primauté. L'interpolation tut signalée au
concile de Chalcédoine, lors de la lecture du texte, à la
confusion des légats romains (Mansi, Sacrosancta con-
cilia, t. XX, p. 168).
Aux causes précédemment indiquées il convient d'ajouter,
d'une part, la propagation, la consolidation de la légende
de Pierre et l'emploi hardi qu'en firent les évêques de
Rome ; d'autre part, le besoin instinctif, dès que le chris-
tianisme fut devenu la rehgion de l'Etat, de faire refléter
dans l'EgUse l'image de l'Empire. Dans ces conditions, le
siège de Rome se trouvait naturellement désigné pour
l'honneur suprême. Le principe de l'appel à Rome, en
faveur des évêques, même contre les synodes provinciaux,
fut admis par le concile de Sardique (347) ; mais les orien-
taux ont toujours protesté contre ce concile, auquel ils
avaient refusé d'assister (V. Arianisme, t. III, p. 892, col. 2).
L'Eglise d'Afrique réprouva longtemps et énergiquement
ce qu'elle nommait les appellations d'outre-mer (V. Car-
thage, concile de 449, t. IX, p. 611). Persistant dans la doc-
trine de Cyprien, elle décida qu'aucun primat quelconque
ne pourrait être appelé prince des prêtres, ni souverain
pontife. — Le canon III du concile œcuménique de Cons-
tantinople (381) statua que l'éghse de cette ville aurait la
préséance d'honneur, xà 7rp£a6£Ta t^ç Ttfxyjç, après l'Eglise
de Rome. En résumé, les quatre premiers siècles s'écou-
lèrent sans que la suprématie effective de Rome fût
positivement reconnue. Saint Jérôme lui-même, exposant la
ÉGLISE
— 620 —
nécessité d'une autorité centrale et^unigue, la montre dans
le chef de chaque subdivision de l'organisme ecclésiastique,
évéque, archidiacre, archiprêtre ; mais il ne parle point de
l'évêque de Rome et n'ose point l'indiquer comme le chef
de l'Eglise entière (Ad Rusticum), TertuUien, Cyprien,
Lactance, avaient ignoré les droits particuliers de l'évêque
de Rome ; ils ne parlent jamais d'un droit supérieur c[ui
lui aurait appartenu en matière de doctrine. Chez les prin-
cipaux écrivains de l'EgHse grecque, Eusèbe, Athanase,
Basile le Grand, les deux Grégoire, les deux Cyrille, on ne
peut trouver un seul mot sur ces privilèges ; non plus
chez les Latins Hilaire, Pacien, Zenon, Lucifer, Sulpice,
Ambroise. Dans sa controverse avec les donatistes, Augustin
se tait sur la nécessité de la communion avec Rome comme
centre de l'unité, argument qui aurait été d'une valeur
décisive. Aucun des Pères du iv« et du v^ siècle, traitant
exégétiquement les passages de l'Evangile relatifs à Pierre
(S. Matthieu, xvi, 18 ; S. Jean, xxi, 18), n'en fait
l'application aux évêques de Rome, comme successeurs de
Pierre.
Dès le commencement du v® siècle. Innocent I«' s'ap-
pliqua à revendiquer et à exercer l'autorité qu'il préten-
dait lui appartenir, à titre de successeur de saint Pierre.
Il fut imité par ses successeurs et dépassé par Léon le
Grand (440-461). Le concile œcuménique de Chalcé-
doine (451) rappela aux évêques de Rome que leur siège
devait la préséance qui^lui avait été précédemment reconnue
à la situation politique^ de la ville. En son XXVÏII^ canon,
il déclara que « le Très-Saint Siège de la nouvelle Rome
(Constantinople) devait jouir des mêmes privilèges que
celui de l'ancienne Rome... La ville honorée de la couronne
et du Sénat, qui jouit des mêmes honneurs que l'ancienne
Rome, doit être glorifiée dans les affaires de l'Eglise autant
qu'elle, étant la première après elle. » (V. Chalcédoine [Con-
ciles de], t. X, p. 228). Suivant les instructions qu'ils avaient
reçues, les légats protestèrent à Chalcédoine. Léon déclara
ce canon nul et le cassa. Ses successeurs persistèrent dans
cette opposition. Néanmoins, la décision du concile, qui
conformait la condition de l'Eghse à celle de l'Empire et
qui appliquait aux mêmes situations la même règle, reçut
son entier efiet. Elle a déterminé depuis lors le régime de
l'Eglise d'Orient, en même temps que sa conduite et sa
doctrine à l'égard des prérogatives de Rome. L'obstination
des papes'à n'en point'^' tenir compte fut la cause originelle,
la cause profonde du schisme d'Orient (V. ce mot).
En 455, Léon le Grand obtint de Valentinien III, empe-
reur d'Occident, un édit qui soumettait absolument à
l'évêque de Rome tous les évêques de son^Empire. Cet édit
est motivé sur le canon du concile de Sardique précédem-
ment mentionné, sur l'importance politique^de Rome et
surtout sur les prérogatives de saint Pierre, argument favori
de Léon ; il ordonne aux officiers impériaux de con-
traindre les évêques à l'obéissance. Mais ces officiers auraient
été fort empêchés, s'ils avaient voulu prêter main-forte
aux prétentions du siège romain. L'empire d'Occident était
disloqué ; les Vandales occupaient l'Afrique, les Baléares,
la Sicile, la Corse, la Sardaigne et saccageaient Rome ; les
Wisigoths tenaient l'Espagne et le midi de la Gaule; auprès
d'eux, les Burgondes. Tous ces conquérants étaient ariens.
Les Francs, qui se trouvaient dans les provinces du Nord,
étaient encore païens. La Bretagne était abandonnée depuis
près de cinquante ans. D'ailleurs, les chrétiens bretons^se
considéraient comme absolument indépendants de Rome.
Ils montrèrent cette indépendance lorsque Grégoire P'
envoya chez eux des missionnaires pour convertir les
Anglo-Saxons. — L'organisation normale des Eghses de
ces contrées était ce que nous appellerons l'organisation
métropolitaine-synodale, commune, en ses traits princi-
paux, à toutes les Eglises de la chrétienté ; diversifiée, en
des particularités accessoires, par des coutumes locales. Ses
divisions avaient été adaptées à celles de l'Empire. Au chef-
lieu de chaque province, un évêque, qui était le président
des autres ; lorsque l'un d'eux mourait, il convoquait les
évêques du voisinage pour la consécration de son succes-
seur ; il certifiait aux autres Eglises de la catholicité la
validité de l'élection et de la consécration, et, au besoin,
les défendait contre les contestants, ce qui aboutit au droit
de confirmation. Le canon IX du concile d'Antioche, tout
en réservant les droits de chaque évêque pour les matières
concernant exclusivement son diocèse, exige dans toutes
les assemblées délibérant sur des questions d'intérêt géné-
ral la présence du métropolitain. Celui-ci présidait les
conciles qui devaient se tenir deux fois par an pour statuer
sur les accusations portées contre les évêques, et sur les
appels de leurs décisions ; il veillait à l'exécution des réso-
lutions. Lorsque la nécessité en apparaissait, les évêques de
plusieurs provinces et même tous ceux d'une même contrée
se réunissaient en des conciles que dirigeait l'un de leurs
métropolitains. Chaque région avait certaines ordonnances
et certains usages particuliers, non seulement pour l'admi-
nistration et la discipline, mais aussi pour le culte et la
liturgie (V. Canon, t. IX, p. 57, col. 2). Toutes, d'ailleurs,
professaient un religieux attachement à la tradition catho-
lique et acceptaient les définitions doctrinales des conciles
œcuméniques.
Ce régime, qui suffisait au gouvernement des Eglises,
ne faisait aucune part à la juridiction des évêques de
Rome. Cependant Hilaire, successeur de Léon (461-467),
adressa aux évêques de la Gaule une lettre dans laquelle il
exprimait des prétentions impliquant une autorité, non
seulement universelle, mais immédiate (Thiel, Rom, pont.
Epist., I, 141-146). Les évêques de Rome avaient déjà
pour eux le prestige qui entourait le nom de leur ville,
encore plus grand, peut-être, aux yeux des barbares qu'aux
yeux des populations latinisées ; la recrudescence du senti-
ment romain et cathoHque, stimulé par le ressentiment
contre les conquérants ariens ; la succession de saint Pierre,
alors généralement admise ; par conséquent, le caractère
apostolique, que leur siège possédait seul en Occident. Ce
titre incontesté leur valait d'être consultés sur les questions
qui ne pouvaient être bien résolues qu'en connaissance
exacte de la doctrine et de la coutume apostoliques. Leurs
réponses ont reçu le nom de décrétâtes (V. ce mot). La
plus ancienne ne remonte pas au delà de la dernière partie
du IV® siècle. A ce propos, on a remarqué que les évêques
romains des quatre premiers siècles, dont les successeurs
se prétendent les organes suprêmes et infaillibles du
dogme, ont laissé passer les nombreuses occasions que leur
offraient les hérésies de leur temps, sans promulguer
aucune décision définissant la foi de l'Eglise. — En Orient,
les métropolitains étaient confirmés et consacrés par les
exarques ou les patriarches ; en Occident, ils étaient consa-
crés par les autres évêques de leur province. Lorsque Rome
voulut exercer le pouvoir patriarcal sur tout l'Occident, elle
émit la prétention de sanctionner la nomination des métro-
politains par la remise du pallium (V. ce mot). Dès le
VI® siècle, un pape (nous donnerons désormais ce titre aux
évêques de Rome, quoiqu'il semble que ce fût seulement à
la fin du VI® siècle qu'il leur fut attribué exclusivement
en Occident avec la signification de pater patrum), un
pape avait envoyé le pallium à l'évêque d Arles comme
insigne de la qualité qu'il lui attribuait de vicaire perpé-
tuel du saint-siège dans la Gaule. Grégoire le Grand fit
de même à l'égard de certains autres métropolitains.
Néanmoins ceux-ci n'étaient point obligés d'attendre le
pallium pour exercer leurs fonctions. Ce fut seulement
au concile de Francfort (742) que Boniface, légat de
Zacharie, obtint une décision obligeant les métropolitains
à solliciter le pallium et à obéir aux ordres légitimes du
pape. Cette exigence fournit plus tard l'occasion d'imposer
aux métropolitains une promesse d'obéissance, que Gré-
goire VII transforma en un serment formel de vassalité
dont les termes furent empruntés au droit féodal séculier.
Elle devint aussi une source féconde de revenus : au
XV® siècle, les métropolitains allemands payaient vingt
mille florins pour la réception du pallium.
Au nom de Boniface (V. ce nom), apôtre de la Ger-
manie, que nous venons de mentionner, doit se rattacher
l'indication de deux causes qui ont puissamment contribué
à développer la domination des papes : la conversion des
peuples restés païens, par des missionnaires envoyés de Rome
ou s'y rattachant, et l'alliance de la papauté avec les Caro-
lingiens. Les Eglises formées en Germanie par Boniface et
ses compagnons avaient été organisées en vue de la sou-
mission au siège de Rome. Il en avait été de même de
celles qui avaient été précédemment fondées chez les Anglo-
Saxons par Augustin. En conquérant une partie de la Ger-
manie au christianisme, Boniface, comme on l'a dit, avait
travaillé à la fois pour les princes austrasiens et pour
l'Eglise romaine. D'autre part, ce fut Boniface que Zacharie
chargea de sacrer Pépin roi de France. La réciprocité, la
communauté d'intérêts qui devaient unir les papes et les
Carohngiens, et les résultats de leur alliance relativement
à l'Eglise et à l'Empire sont des faits trop connus pour qu'il
soit nécessaire de les exposer ici. Pour deux épisodes fort
instructifs de cette histoire et qui consistent en deux faux
célèbres : la Lettre de saint Pierre aux Francs et h Dona-
tion de Constantin^ nous renvoyons au dernier de ces mots.
— Pour une falsification plus célèbre encore, nous renvoyons
pareillement aux mots Canon, t. IX, pp. 62,63, et Décré-
TALE, t. XIII, pp. 1094, i095. Ce n'est point sans raison que
les théologiens et les canonistes gallicans ont attribué aux
Fausses Décrétâtes l'origine d'un changement profond,
quelques-uns même disent d'une révolution, dans la discipline
et le gouvernement des Eglises d'Occident. Non seulement
elles ajoutaient à la primauté des papes la juridiction univer-
selle et soumettaient à leur arbitre les métropolitains et les
conciles particuliers, mais elles montraient le siège de Rome
possédant et exerçant, dès le commencement de TEgHse, les
prérogatives qu'elles lui adjugeaient frauduleusement. Les
papes étaient restés étrangers à la fabrication des Fausses
Décrétâtes^ mais ils s'empressèrent d'en profiter. Dès 864,
Nicolas I^^ s'en servit, à l'occasion de l'appel de Rothade,
évêque de Soissons, contre Hincmar, archevêque de Reims,
pour établir qu'aucun concile ne pouvait se réunir sans
l'assentiment du pape : innovation manifeste, car les nom-
breux conciles tenus en Gaule et en France depuis le
IV® siècle avaient été convoqués sans qu'on se fût adressé
à Rome. On dit même que Nicolas prétendit que les origi-
naux des Fausses Décrétâtes se trouvaient dans les
archives romaines. — Jean VIII obtint de Charles le Chauve
l'acceptation des canons d'un concile tenu à Ravenne(877),
décidant que désormais l'investiture des métropolitains
serait soumise à l'approbation pontificale.
Après avoir amoindri l'autorité et la juridiction des
métropolitains, les papes s'emparèrent d'une partie de la
juridiction de tous les évêques indistinctement, en s'appro-
priant certains de leurs justiciables et certaines de leurs
causes. On trouvera aux mots Cas réservés, Causes
MAJEURES, Exemptions, l'indication des faits relatifs à cette
entreprise. A part quelques cas peu importants, intéressant
spécialement les églises d'Italie ou de Germanie directe-
ment soumises au siège de Rome, la première des exemp-
tions fut établie en faveur de la congrégation de Cluny
(V. Appellations ecclésiastiques, t. III, p. 417). Des pri-
vilèges analogues furent accordés successivement à toutes
les congrégations ou ordres quelque peu considérables, et
même à des chapitres de cathédrale. Us finirent par
s'étendre sur presque tout le clergé régulier, dont ils firent
une milice dévodée aux papes et qui les aida puissamment
dans leurs entreprises contre la simonie et le concubinage
des prêtres, contre les princes et l'Empire, contre les
évêques et les Eglises nationales. — De 1049 à 10o2,
Léon IX présida six conciles en France, en Allemagne et
en Italie. L'un d'eux, tenu à Reims (1049) malgré l'op-
position du roi Henri P^, déclara que l'évêque de Rome
est le primat apostolique de l'Eghse universelle. Léon
déposa quelques prélats coupables de simonie et excom-
munia ceux qui s'étaient abstenus d'assister au concile. —
— 621 — ÉGLISE
Sous son successeur, Victor II, s'accompHt définitivement,
par excommunication réciproque (1054), le schisme
d'Orient (V. ce mot). En conséquence, l'Eglise orientale
resta étrangère aux grands conciles du moyen âge, tenus
depuis 1123, et que la plupart des historiens classent
parmi les conciles œcuméniques (V. Latran, Lyon, Vienne
[Conciles de]. Ces assemblées ne furent en réalité que des
conciles généraux de l'Eglise latine. D'ailleurs, leur carac-
tère diffère profondément de celui des anciens conciles
œcuméniques. Les papes s'en servent pour associer les
Eglises à leur cause ; mais ils les convoquent seuls et les
réduisent au rôle d'assemblées consultatives. Les décisions
sont préparées et prises par eux ; le concile les écoute, et
elles sont publiées, sacro approbante concilio.
D'après les idées exprimées par Grégoire VII dans ses
lettres et résumées dans les propositions du Dictatus
Gregorii, l'Eglise romaine n'a jamais erré dans le passé;
jamais elle n'errera dans l'avenir. Le pontife romain,
canoniquement consacré, devient saint par le mérite de
l'apôtre Pierre, dont il est le successeur. Lui seul peut
être appelé le pontife universel. Il ne peut être jugé par
personne, mais il juge tous les autres, et nul ne peut
appeler de sa sentence. Selon la nécessité des temps, il
peut faire des lois sur l'organisation ecclésiastique. Il peut
déposer et transférer tous les évêques ; lui seul le peut.
Ses légats ont la préséance dans les conciles. Aucun con-
cile n'est œcuménique s'il n'est convoqué par lui. Celui
qui est investi de ces pouvoirs dans l'ordre spirituel doit,
à plus forte raison, les exercer dans le domaine temporel;
il peut déposer les empereurs et les rois, et délier de leur
serment de fidélité les sujets des princes qu'il a condamnés.
— Cette doctrine fut juridiquement hbellée et amplifiée
par Anselme de Lucques, Bonizon et d'autres canonistes
grégoriens de ce temps-là, reproduisant les falsifications
et les erreurs de fait déjà indiquées et en ajoutant d'autres.
Gratien les dépassa ; il écrit que « la sacrosainte EgHse
romaine communique le droit et l'autorité aux canons,
mais qu'elle n'est point liée par eux... Ita ergo auctori-
tatem sacris canonibus prœstat, ut se ipsam non sub-
jiciat eis. Quand les papes y obéissent, ils font comme
Jésus, qui obéissait à la loi, tout en étant et en restant le
maître de la loi. Nonnunquam vero, seu jubendo, seu
definiendo^ seu aliter agendo, se decretorum dominos
et conditores ostendunt (Causa XXV ^ quœst. i, c, 11,
12, 16). On sait quelle autorité Gratien exerçait. Par les
soins de la cour de Rome, son livre devint bientôt le code
et le traité juridique de l'Occident. Toute la législation des
décrétâtes de 1159 à 1320 est édifiée sur \e Decretum»
Il en est de même de la dogmatique de Thomas d'Aquin
sur les sujets correspondants. Du reste, toute la dogma-
tique scolastique, concernant la constitution de l'Eglise, se
soumettait entièrement à la jurisprudence. — Il avait suffi
à Grégoire VII et à Alexandre III d'être appelés vicaires
de saint Pierre^ Innocent III dédaigna d'être le vicaire d'un
simple homme : il se qualifia de vicaire de Dieu ou de
Jésus-Christ, De ce titre, des glossateurs déduisirent que
ce que fait le pape est fait par Dieu lui-même. Il peut
changer la nature des choses, en appliquant aux unes les
propriétés substantielles des autres, par exemple, changer
l'injustice en justice. Ce qui est condamnable de la part
des autres hommes ne l'est plus si l'auteur est le pape :
« En cour de Rome, il n'y a point de simonie. » Il a le
droit de donner toute espèce de dispenses (V. ce mot) ; il
peut même en accorder pour des infractions futures. —
Dépassant encore Grégoire VII sur un autre point, Inno-
cent III posa en principe que, le pape seul ayant la plé-
nitude de la puissance^ tous les évêques ne sont institués
que pour expédier, en qualité d'aides ou d'assistants, la
portion des affaires qu'il veut bien leur confier. Cette pré-
tention, qui correspond au titre &' évêque universel^ abaisse
tous les évêques au niveau de simples serviteurs, auxquels
le pape communique telle portion de son autorité qu'il juge
convenable ; ils ne peuvent pas même résigner leurs fonc-
EGLISE
- 6n
lions sans être déliés par lui des liens qui les attachent à
leur église. Jean XXII en vint même à formuler la règle
que la nomination à révêché vacant appartient au pape.
Anciennement, un évêque pouvait se démettre de son office
lorsque sa conscience le lui conseillait ; cette résignation
avait lieu ordinairement dans les conciles provinciaux.
Après s'être emparé de tout le spirituel de l'Eglise, les
papes entreprirent de s'approprier le temporel des églises.
Ils avaient commencé par pousser au partage de leurs
biens en favorisant la constitution distincte des bénéfices,
puis ils en envahirent subrepticement la collation; enfin,
ils s'en déclarèrent les maîtres, ainsi que de tous domaines
ecclésiastiques (V. Biens du clergé avant la Révolution,
t. VI, p. 740 ; Collation des bénéfices, t. XI, p. 933 ;
Dévolut, Dévolution, Indult, Mois du pape, Taxes). Pour
d'autres mesures fiscales, V. Annates, Denier de Saint-
Pierre, Décimes, Dispenses, Indulgences. Le clergé des
Eglises nationales se montra plus sensible à la diminution
de ses avantages temporels qu'à celle de ses prérogatives
spirituelles. En plusieurs pays, notamment en France, il
sentit le besoin de s'associer à la résistance des princes,
menacés ou frappés par les papes dans les droits de leur
souveraineté temporelle ou dans ceux dont ils avaient
acquis la possession sur les choses ou les affaires de leurs
égHses. Déjà, les empereurs avaient pu réunir des conciles
condamnant et déposant le pape ; ils avaient trouvé, même
dans les ordres monastiques, des théologiens pour réfuter
les prétentions de Rome. Cette résistance prit un caractère
désisif dans la lutte entre Philippe le Bel et Boniface VIII
(V. ce nom). Ce pape, qui avait entrepris d'appliquer, en
leurs dernières conséquences, les maximes proclamées à
Rome et de couronner l'œuvre de Grégoire VII et d'Inno-
cent m, en imposant à tous les princes chrétiens sa sou-
veraineté absolue, tant dans l'ordre temporel que dans
Tordre spirituel, fut vaincu ; et l'insuccès de ses efforts,
pour porter la papauté au sommet de la puissance, la pré-
cipita dans une décadence dont elle ne s'est jamais relevée
complètement. Le pontificat qui succéda au sien ne dura
que neuf mois. Il y eut ensuite un interrègne de plus de
huit mois ; puis le siège apostolique fut transféré en France,
où il resta pendant ces soixante-huit années (1309-1377),
qui ont été appelées la Captivité de Bahilone et qui
aboutirent au grand schisme d'Occident : 4378-1429
(V. ce mot).
Le schisme de la papauté obUgea l'Eglise à chercher un
tribunal supérieur, qui pût juger les papes rivaux.
On le trouva dans le concile général, juridiction déjà
réclamée au xiv® siècle, par Philippe le Bel, Louis de
Bavière et les franciscains rigides, dans leurs conflits avec
Rome. Un concile, convoqué par les cardinaux des deux
papes, se réunit à Pise en 1409. Il s'y trouva vingt-deux
cardinaux, plus de deux cents archevêques et évêques
assistant en personne ou représentés, près de trois cents
abbés et prieurs, les généraux des ordres mendiants, les
supérieurs des autres congrégations monastiques, les grands
maîtres des ordres chevaleresques, les députés d'une cen-
taine de chapitres et ceux des universités françaises, an-
glaises, allemandes, italiennes; plus de trois cents docteurs
en théologie ou en droit canon, les ambassadeurs des rois
et des princes. Grégoire XII et Benoît XIII, invités à com-
paraître, protestèrent et s'abstinrent. Le concile, stimulé
par un mémoire amplement motivé de Gerson,D^ auferi-
bilitate papœ ab Ecclesia, les déposa comme hérétiques
et schismatiques, coupables de crime de parjure, scanda-
lisant l'Eglise de Dieu par leur obstination manifeste
. (V. Pise [Concile de]). Alexandre V fut élu pour les rem-
placer et reconnu par les Eglises de France, d'Angleterre,
d'Allemagne, de Portugal, de Bohême, de Hongrie, de
Pologne, des royaumes du Nord, de la plus grande partie
de ritalie, et même par TEglise de Rome, qui reçut comme
légitime Jean XXIII, son successeur immédiat.
Cependant, les papes déposés conservaient des partisans,
et, d'autre part, Jean XXIII scandalisait la chrétienté par
ses vices et s'aliénait ses adhérents par ses exactions.
L'Université de Paris, l'empereur Sigismond et la grande
majorité des catholiques réclamèrent, avec une insistance
menaçante, la convocation d'un second concile général, pour
abolir définitivement le schisme et pour réformer l'Eglise
dans son chef et dans ses membres. Jean XXIII se résigna
à le convoquer à Constance (1414-1418). Dès sa IV® ses-
sion (20 mars 1415) ce concile décréta qu'étant un « con-
cile général, légitimement assemblé au nom du Saint-
Esprit, il représentait l'Eglise militante, qui a reçu
immédiatement de Jésus-Christ une puissance à laquelle
toute personne, de quelque état et de quelque dignité que
ce fût, même papale, était obligée d'obéir en tout ce qui
appartenait à la foi, à l'extirpation du schisme et à la
réformation de l'Eglise dans son chef et dans ses membres ».
Dans sa X® session (14 mai), il déclara Jean XXIII con-
tumax, atteint et convaincu de soixante-dix chefs d'accu-
sation, et le suspendit de toutes ses fonctions de pape et
de toute administration, tant spirituelle que temporelle.
Dans la XIP session (29 mai), ce pape fut formellement
déposé « comme notoirement simoniaque, dissipateur des
droits et des biens de l'Eglise romaine etdes autres Eglises,
ayant mal administré le temporel et le spirituel, scandalisé
le peuple chrétien par ses mœurs déréglées, et persévéré
dans cette mauvaise conduite, de manière à se montrer
incorrigible ». Il fut condamné à être enfermé sous la garde
de l'empereur aussi longtemps que le concile le jugerait
convenable. Le 4 juil. 1415, fut reçue et approuvée la
renonciation de Grégoire XII, présentée par son mandataire,
Charles de Malatesta, seigneur de Rimini, en des formes
qui revendiquaient la légitimité antérieure des fonctions
qu'il abdiquait. Le concile mit cet ex-pape au nombre des
cardinaux. Benoît XIII, s'obstinant à résister, fut condamné
dans la XXXVII® session (26 juil. 1417) comme parjure,
ayant scandalisé l'EgUse universelle, fauteur de schisme et
de division, indigne de tout titre; en conséquence, déposé
et dégradé de tous ses offices et dignités. Dans la
XXXIX® session (9 oct. 1417), cinq décrets. Le premier
sur la nécessité de tenir tous les dix ans des conciles pour
prévenir les hérésies et les schismes. Le second regarde les
schismes : il ordonne que, lorsqu'il y aura deux contendants
à la papauté, le concile se tienne l'année suivante, et que
les contendants soient suspens de toute administration dès
que le concile sera commencé. La troisième règle la pro-
fession de foi qui devra faire le pape élu, en présence des
électeurs. Dans cette profession étaient les huit premiers
conciles œcuméniques : Nicée, Constantinople, Ephèse,
Chalcédoine, Constantinople, Constantinople, Nicée, Cons-
tantinople; en outre, les conciles latins de Latran, Lyon
et Vienne. Le quatrième décret défend la translation des
évêques sans une extrême nécessité, et prescrit que le pape
n'en fasse aucune que du conseil des cardinaux et à la
plurahté des voix. — Dans laXL®session (30 oct. 1417),
il fut décidé que le nouveau pape ferait, d'accord avec le
comité, une réforme sur dix-huit articles, dont le trei-
zième concerne les cas dans lesquels on peut corriger un
pape et le déposer et comment. Pour les autres, V.
Constance (Concile de), t. XII, p. 564. Les réformations
ainsi projetées ne furent arrêtées que sur quelques articles :
exemptions, dispenses, simonie. Pour d'autres, le pape fit
des concordats particuliers, mais presque identiques, avec
les Français, les Anglais et les Allemands. — Après avoir
délivré l'Eglise de ses trois papes, le concile avait décrété
la nomination d'un autre, qui serait, pour cette fois, élu
dans un conclave comprenant les cardinaux avec adjonction
de six prélats ou ecclésiastiques de chaque nation (fran-
çaise, anglaise, italienne, allemande, espagnole). Le 4nov.,
Otto Colonna fut élu et prit le nom de Martin V. Avant de
le couronner, il fallut le sacrer prêtre, puis évêque. Entre
la XLII® et la XLIIP session, il publia une bulle portant
que celui qui sera suspect d'hérésie, devra jurer (ju'il reçoit
tous les conciles généraux et en particulier celui de Cons-
tance, représentant l'Eglise universelle, et que tout ce que
623 -
EGLISE
le concile a approuvé et condamné doit être approuvé et
condamné par tous les fidèles (Labbe, Sacrosancta Con-
cilia, t. XII, p. 258).
Dans la XLIV® session de Constance, Martin V avait fait
lire une bulle dans laquelle, pour satisfaire à un des dé-
crets précités, il désignait, avec-le consentement des pères,
la ville de Pavie pour la tenue du prochain concile, cinq
ans après. Ce concile, ouvert à Pavie, fut transféré à
Sienne, à cause d'une peste. Il eut peu d'assistants. Les
dangers dont l'Eglise était menacée par les hussites déci-
dèrent Martin V à convoquer un concile général pour le
mois de mars 1431 , dans la ville de Bâle. Ce pape mourut
avant l'ouverture. Son successeur, Eugène IV, élu le 3 mars,
jura d'entreprendre avec le concile la réforme « de la cour
de Rome dans son chef et dans ses membres », ainsi que
celle « de l'Eglise, quanta la foi, la vie et les mœurs ».
La première session générale eut lieu le 14 déc. 1431.
Dans la seconde (15 févr. 1432), le concile confirma et
renouvela les décrets de Constance sur la convocation et la
suprématie des conciles généraux. Il les dépassa bientôt
et considérablement, entreprenant d'exercer la souverai-
neté ecclésiastique dans toute son étendue et s'immisçant
même dans le gouvernement des possessions du pape. Fina-
lement (25 juin 1439), il déposa Eugène ÏV et élut un
antipape (Félix V), qui reçut l'adhésion empressée de la
plupart des universités, mais qui ne fut reconnu que par
la Savoie, les rois d'Aragon et de Hongrie, les ducs de
Bavière et d'Autriche et la Confédération suisse. L'histoire
de ce long concile (1431-1449), qui est celle d'un conflit
presque incessant avec la papauté, tantôt sourd, tantôt
éclatant, est résumée au mot Bâle. — Avant la déposition
d'Eugène IV, l'Eglise et le royaume de France avaient
accuedli avec grande faveur les décrets du concile. Les vingt-
trois articles de la Pragmatique sanction de Bourges (V. ce
mot), édictée le 7 juil. 1438, enregistrée le 13 juil. 1349
n'en sont guère que la reproduction, intégrale pour la
plupart, accommodée pour quelques autres, aux temps,
mœurs et personnes du royaume, mais avec déclaration
expresse que ces modifications n'avaient point pour objet
de mettre en doute la puissance du concile. Principales
dispositions : I. Les conciles généraux seront célébrés
tous les dix ans. Le pape, de l'avis du concile finissant,
désignera le lieu de l'autre concile, lequel ne pourra être
changé que pour de graves raisons, et par le conseil des
cardinaux... Cette sainte assemblée tient sa puissance im-
médiatement de Jésus-Christ. Toute personne, même de
dignité papale, y est soumise... Tous doivent y obéir, même
le pape, qui est punissable, s'il y contrevient... Le con-
cile ne peut être dissous, ni transféré, ni prorogé, par per-
sonne, pas même par le pape, sans le consentement des
pères. II. Il sera pourvu aux dignités des églises cathé-
drales, collégiales et monastiques, par voie d'élection ; le
pape, au jour de son exaltation, jurera d'observer ce dé-
cret... m. Toutes réserves de bénéfices, tant générales que
particulières, sont abolies (sauf quelques exceptions spéci-
fiées dans la Pragmatique). IV. Les expectatives faisant
souhaiter la mort d'autrui et donnant lieu à une infinité de
procès, les papes n'en accorderont plus dans la suite (sauf
certaines exceptions spécifiées). V. Toutes les causes ecclé-
siastiques des provinces à quatre journées de Rome seront
terminées dans le lieu même, hors les causes majeures et
des églises qui dépendent immédiatement du Saint-Siège.
Dans les appels, on gardera l'ordre des tribunaux ; jamais
on n'appellera au pape, sans passer auparavant par le tri-
bunal intermédiaire. IX. On n'exigera plus rien, soit en
cour de Rome, soit ailleurs, pour la confirmation des
élections, ni pour toute autre disposition en matière de
bénéfices, d'ordres, de bénédictions, de droits de pal-
lium; et cela sous quelque prétexte que ce soit, de bulles,
de sceau, d'annates, de menus services, de premiers fruits
et de déports. On se contentera de donner un salaire con-
venable aux scribes, secrétaires et copistes des expéditions.
Si quelqu'un contrevient à ce décret, il sera soumis aux
peines portées contre les simoniaques. Si le pape venait à
scandaliser l'Eglise en se permettant quelque chose contre
cette ordonnance, il faudra le déférer au concile général.
XXIU. Conclusion de l'Eglise gallicane pour la réception
des décrets de Bâle, avec les modifications apportées. Les
évêques prient le roi d'accepter tout ce corps de discipline,
de le faire publier dans son royaume et d'obliger les ofli-
ciers de son parlement et des autres tribunaux à s'y con-
former ponctuellement.
Les décrets reproduits parla Pragmatique, à l'exception
de deux, les plus modérés (De collationibus et De causis),
édictés après la rupture définitive, avaient été implicite-
ment approuvés par Eugène IV, en conséquence d'un accord
qu'il avait fait avec le concile. Mais en réalité, ils renver-
saient l'édifice élevé par la papauté avec tant de hardiesse,
d'habileté et de persévérance. Ruinant tout leur système
gouvernemental et financier, ils ne laissaient guère aux
papes qu'une primauté subordonnée et une juridiction loin-
taine et gratuite. Ils laissaient aussi fort peu de chose aux
princes. Les papes et les princes s'entendirent pour re-
prendre et partager ensemble ce que l'œuvre de Bâle avait
rendu à l'Eglise et aux Eglises (V. Concordat, Election,
Etat, § Etat et Eglise, Pragmatique-sanction). Néanmoins,
plusieurs Eglises, notamment celle de France, restèrent
longtemps attachées fermement aux maximes fondamentales
énoncées à Constance, dans le décret relatif à la suprématie
des conciles généraux (V. Déclaration du clergé. Gallica-
nisme). — D'autre part, les exactions des papes, la récla-
mation faite par eux aux Anglais de trente-trois années
arriérées du tribut auquel ils prétendaient sur leur pays,
l'ébranlement occasionné par le schisme, et vraisemblable-
ment aussi, les mœurs du clergé, les abus entachant cer-
taines institutions, certaines doctrines et certaines pra-
tiques, avaient provoqué des soulèvements de pensée et de
conscience, des prédications et des écrits attaquant non
seulement la papauté, mais toute la conduite et toute la
hiérarchie de l'Eglise, et réclamant le retour au christia-
nisme primitif, dans la doctrine, la constitution et le culte.
Ces premiers mouvements furent violemment réprimés. Le
concile de Constance ordonna de brûler les écrits et les
ossements déterrés de Wiclef, et lui-même fit brûler Jean
Huss et Jérôme de Prague ; les lollards furent exterminés
en Angleterre et les hussites comprimés en Bohême. Mais
les aventures politiques des papes, et des pontificats tels
que celui d'Alexandre VI, ne pouvaient relever le prestige
de l'Eglise, dont la plus haute représentation était la pa-
pauté. Précisément au moment où Léon X venait de con-
clure avec François P^ le concordat qui les débarrassait de
la Pragmatique sanction, la protestation de Luther contre
le trafic des indulgences émises par le pape commença une
révolution qui devait enlever à l'Eglise catholique romaine
plusieurs contrées de l'Europe et peupler d'adversaires les
meilleures parties du monde nouvellement découvertes
(V. Protestantisme, Réformation).
Vers le même temps, se formait un ordre nouveau, qui
devint bientôt une puissance dans le monde et dans l'Eglise
et qui contribua singulièrement à arrêter les progrès du
protestantisme, la Société de Jésus, vouée à la proclama-
tion de l'infaillibilité et au service de la souveraineté absolue
du pape. Le succès définitif de cette partie de son œuvre
se fit longtemps attendre. Le concile de Trente n'arrêta
aucun canon décisif sur l'autorité suprême dans l'Eglise,
le pape et les prélats devant s'unir pour résister à l'en-
nemi commun et écarter toutes les questions qui pouvaient
les diviser. En France, les rois, le clergé et les parlements
persistèrent à affirmer et à défendre contre les papes les
libertés de l'Eglise gallicane. Leurs maximes prévalurent
dans toutes les monarchies appartenant à la maison de
Bourbon; elles furent dépassées en Allemagne (V. Ems
[Ponctations de], Fébronianisme, Joséphisme), en Toscane,
à Venise et en Portugal. L'ordre des jésuites fut supprimé
par le pape lui-même. A la fin du xviii® siècle, la cause de
, la suprématie plénière de la papauté semblait perdue. Elle
ÉGLISE
— 624 —
fut sauvée par les changements que la Révolution amena
en France et en plusieurs autres contrées dans le régime
des églises. Dépouillé de la totalité ou de la plus grande
partie de ses biens, exclu de la participation directe aux
affaires publiques, le clergé n'avait plus à défendre les
droits de l'Etat ou son propre patrimoine contre les entre-
prise de Rome.D'ailleurs, en perdant les assemblées où ses
députés se réunissaient périodiquement, il avait perdu son
centre, sa cohésion, sa représentation, en quelque sorte,
une partie de sa taille. Il se trouvait composé de fonction-
naires plus ou moins isolés, salariés sur le budget et recru-
tés d'ordinaire dans des familles fort humbles. Dans ces
conditions, il était naturellement induit à chercher le
prestige du lointain, à tirer du dehors le lustre qui lui fai-
sait défaut au dedans et à demander à l'Eglise de Rome ce
qui manquait à l'Eglise de sa nation. D'autre part, entouré
de sceptiques ou d'adversaires, il devenait dangereux pour
lui de prolonger l'incertitude ou de continuer le débat sur
la question de l'autorité suprême ; et, puisqu'il fallait opter,
il était expédient de se rallier à la doctrine du plus obstmé,
laquelle, d'ailleurs, rehausse l'Eglise, dans son représen-
tant le plus en vue.
Le 48 juil. 1870 fut décrétée, dans le concile du
Vatican, la constitution Pastor JEternus^ qui consacre
toutes les prétentions de la papauté. En voici, littérale-
ment extraites, les principales dispositions : « Tous les
fidèles sont obligés de croire que le Saint-Siège Aposto-
lique et le Pontife romain ont la primauté sur le monde
entier ; que le même Pontife romain est le successeur du
bienheureux Pierre, prince des Apôtres, le vrai Vicaire de
Jésus-Christ, le chefde toute l'Eglise, le père et le docteur
de tous les chrétiens, et qu'à lui a été confié, par Notre-
Seigneur Jésus-Christ, le plein pouvoir de paître, de régir
et de gouverner l'Eglise universelle... — L'Eglise ro-
maine, par une disposition divine, a la principauté de
pouvoir ordinaire sur toutes les autres Eglises. Ce pouvoir de
juridiction du Pontife romain, pouvoir vraiment épiscopal,
estimmédiat. Les pasteurs et les fidèles, chacun et tous, quels
que soient leur rite et leur dignité, lui sont assujettis par le
devoir de la subordination hiérarchique et d'une vraie obéis-
sance, non seulement dans les choses qui concernent la
foi et les mœurs, mais aussi dans celles qui appartiennent à
la discipline et au gouvernement de l'Eghse répandue dans
l'univers... — De ce pouvoir suprême du Pontife romain
de gouverner l'Eglise universelle résulte pour lui le droit
de communiquer librement, dans l'exercice de sa charge,
avec les pasteurs et les troupeaux de l'Eglise... En consé-
quence, sont condamnées et réprouvées les maximes de
ceux qui prétendent que cette communication du chef su-
prême avec les pasteurs et les troupeaux peut être légiti-
mement empêchée ou qui la tout dépendre du pouvoir
séculier... — Le Pontife romain est le juge suprême
des fidèles : on peut recourir à son jugement dans toutes
les causes qui sont de la compétence ecclésiastique. Au
contraire, le jugement du siège apostolique, au-dessus
duquel il n'y a point d'autorité, ne peut être réformé par
personne ; il n'est permis à personne de juger son juge-
ment. Ceux-là donc dévient du droit chemin de la vérité,
qui affirment qu'il est permis d'appeler des jugements des
Souverains Pontifes au Concile œcuménique, comme à une
autorité supérieure au Pontife romain... — Le Pon-
tife romain, lorsqu'il parle ex cathedra^ c.-à-d. lorsque
remplissant la charge de pasteur et de docteur de tous les
chrétiens, en vertu de sa suprême autorité apostolique, il
définit qu'une doctrine sur la foi ou les mœurs doit être
crue par l'Eglise universelle, jouit pleinement, par l'assis-
tance qui lui a été promise dans la personne du bienheu-
reux Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur
a voulu que son Eglise fût pourvue en définissant la doc-
trine touchant la foi et les mœurs. Par conséquent, de
telles définitions du Pontife romain sont irréformables d'elles-
mêmes, et non en vertu du consentement de l'Eglise. Que
si quelqu'un, ce qu'à Dieu ne plaise, avait la témé-
rité de contredire cette définition, qu'il soit anathème. »
— Ces décisions transforment en hérésies posthumes les
affirmations de beaucoup de docteurs longtemps vénérés,
et en hérésie permanente la doctrine de toute l'Eglise
orientale-orthodoxe. Il est vraisemblable qu'elles ont élevé
entre cette Eglise et l'Eglise latine une barrière infran-
chissable. — Aux mots Câthéchèse, t. IX, p. 822, col. 2 ;
Liturgie, on trouvera des indications sur ce qui a été
fait et s'achève pour compléter l'unité par l'uniformité et
remplacer les catéchismes diocésains et le rit local par un
catéchisme unique et le rit romain.
D'après les statistiques les plus récentes, mais encore
plus ou moins conjecturales, la totalité des chrétiens serait
ainsi répartie : Catholiques romains ou unis à l'Eglise de
Rome, 217,000,000; Protestants, 429,000,000; Orien-
taux schismatiques, 420,000,000; Abyssins monophy-
sites, 4,000,000 ; Arméniens grégoriens (monophysites),
2,000,000; Coptes monophysites, 450,000; Nestoriens
non réunis, 400,000. Le développement rapide des nations
protestantes et de l'empire russe modifie fort sensiblement,
d'année en année, les proportions réciproques de ces
diverses parties de la chrétienté. — Cette notice, étant
principalement affectée à l'histoire de la formation et de
la constitution spécifique de l'Eglise catholique romaine,
omet plusieurs choses qu'on cherche parfois au nom de
cette Eglise. On en trouvera la plupart dans les notices
suivantes : Canon (Droit), Cardinal, Célibat, Chasteté
(Vœu de). Dogme, Election, Etat, § Etat et Eglise^
EvÊQUE, Gallicanisme, Hérésie, Hiérarchie, Infaillibi-
lité, Liberté de conscience. Liberté des cultes, Liturgie,
Ordres religieux. Pape, Persécution, Protestantisme,
§ Protestantisme et Catholicisme^ Réformation, Sacre-
ment , Syllabus , Synodes , Ultramontanisme , Vatican
(Concile du). — Pour la bibliographie^ V. les notices
qui viennent d'être indiquées et toutes celles auxquelles
des renvois sont faits dans le présent article, et Histoire
ecclésiastique E.-H. Vollet.
ÉGLISE d'Afrique. On comprend sous ce titre l'Eglise
de l'Afrique proprie dicta ^ suivant le terme romain
(V. Afrique, 1. 1, p. 752). L'importance et le caractère de
cette province ecclésiastique ont été indiqués à l'art. Car-
thage (t. IX, p. 640). Il s'agit de tracer ici le cadre his-
torique général qui embrasse les principaux épisodes des an-
nales de l'Eghse africaine. Les renvois aux articles spéciaux
seront faits à leur place. — Les origines du christianisme
dans l'Afrique romaine sont obscures ; mais, en l'absence
de documents, des conjectures sérieuses élèvent à un haut
degré de probabilité l'opinion qui fait passer le christianisme
de Rome à Carthage. Les débuts de ce mouvement remon-
tent peut-être au dernier tiers du i^^ siècle. Les pre-
miers documents historiques sur le christianisme africain
sont des Actes de martyrs : des chrétiens de Scili
(V. ce mot) furent exécutés à Carthage en 180 ; d'autres
périrent vers la même époque à Madaure, en Numidie. Peu
après, les écrits de Tertullien (V. ce nom) jettent une
vive lumière sur le caractère, la force numérique et la
puissance du christianisme africain aux environs de l'an
200. La réaction connue sous le nom de montanisme
(V. ce mot), qui protestait au nom de l'enthousiasme pri-
mitif contre la réglementation administrative de l'Eglise
chrétienne, commençait à se faire sentir alors en Afrique
(V. Perpétue [Sainte]). Tertullien prit lui-même parti pour
les montanistes vers 206. On peut juger de l'étendue de
l'Eglise vers 220, en notant qu'un concile réuni alors à Car-
thage par A grippinus comptait soixante-dix évêques présents.
— Deuxième période. La génération qui vécut en Afrique
entre 220 et 250, put librement professer et propager le
christianisme; mais, en 250, l'édit de Dèce déchaîna la
persécution (V. ce mot) contre les chrétiens africains. Les
défections furent nombreuses ; les difficultés causées par
la réadmission des renégats donnèrent naissance au schisme
de Felicissimus (V. ce nom et l'art. No vatiens). Les écrits
de saint Cyprien (V. ce nom, t. XIH, p. 709), en parti-
625
culier ses lettres, dessinent clairement la situation ecclé-
siastique durant Fépiscopat de ce prélat (248-258). Au
concile assemblé àCarthage en 256, on vit quatre-vingt-
sept évoques, dont environ cinquante de l'Afrique procon-
sulaire, une trentaine de la Numidie et quelques-uns de la
Maurétanie. Après cela, quarante années de paix agran-
dirent l'ère géographique du christianisme en Afrique et
affaiblirent son énergie spirituelle. Les édits de Diocîétien
(303) furent exécutés avec une certaine mollesse en Afrique
et pendant deux ans seulement. Cependant le trouble créé
par cette persécution fut suivi d'un schisme dont l'origine
est caractéristique et dont le développement fut décisif
pour l'histoire ultérieure de l'Afrique chrétienne (V. Dona-
TisME, t. XIV, pp. 901-903). Les péripéties de cette lutte
ecclésiastique occupent plus d'un siècle ; et il se fit, pen-
dant ces querelles, une polarisation de plus en plus visible de
deux éléments hostiles, celui des indigènes et celui des immi-
grés. La personnalité de saint Augustin (V. ce nom, t. IV,
p. 663), évêque d'Hippone de 395 à 430, marque l'apogée
du christianisme en Afrique. La conférence de 441 réunit
à Carthage deux cent quatre-vingt-six évêques oificiels et
deux cent soixante-dix-neuf évêques donatistes. Toutefois,
on découvre aisément dans ces rivalités des germes de ma-
ladie qui préparent l'affaiblissement et la disparition de
l'Eglise africaine au vn^ siècle (V. encore Mmucius F. , Arnobe
[t. III, p. 1071], P. Orose). — Troisième période. Saint
Augustin mourut (430) pendant que les Vandales assié-
geaient Hippone. L'irruption de ces Germains, qui avaient
accepté le christianisme sous sa forme arienne (V. Arianisme,
t. III, p. 894) introduit comme une sorte de grande paren-
thèse dans l'histoire africaine. Dès leur entrée en Afrique
(429), ces chrétiens ariens persécutèrent les chrétiens catho-
liques au même titre que les donatistes, sauf ceux d'entre
ces derniers qui, avec le gros de la population indigène, firent
cause commune avec les envahisseurs. Victor de Vite (V. ce
nom) raconte l'histoire de cette période en témoin oculaire.
Les règnes de Genserich (mort en 477) et de Hunerich (mort
en 486) ne furent qu'une longue et cruelle persécution.
Une grande conférence convoquée par le roi à Carthage en
484 réunit quatre cent soixante et un évêques, dont quatre-
vingts périrent pendant la conférence, par suite des sévices
qu'on leur fit subir ; quarante-six furent exilés en Corse,
plus de trois cents chassés dans le désert, vingt-huit réus-
sirent à échapper à leurs persécuteurs et à se réfugier
sur les côtes septentrionales de la Méditerranée. Comme
il y avait alors seize sièges vacants, on voit que le nombre
des diocèses africains était de quatre cent soixante-dix-sept.
La victoire que le général de Justinien, Bélisaire (V. ce
nom), remporta à Tricaméron, en 533, mit fin à la domi-
nation des Vandales. Un synode composé de deux cent dix-
sept évêques, sous la présidence de l'archevêque Reparatus
de Carthage, réorganisa, en 535, l'Eglise catholique. Les
rébelhons incessantes des Berbers, les troubles politiques,
les subtilités théologiques de Constantinople compliquées
encore par des intrigues de cour ne permirent pas à l'Eglise
d'Afrique de se raffermir. La Johannide de Corippus (V. ce
nom, t. XII, p. 972) peut donner une idée de ce que fut
la prétendue restauration byzantine en Afrique. Quand
l'Islam, jeune et enthousiaste, apparut à l'horizon, le sort
de l'Eglise d'Afrique était facile à prévoir. Le patrice Gré-
goire, qui s'était rendu indépendant de Byzance, fut vaincu
en 648 dans la Tripolitaine, par Abdalla-ibn-Sâd ; en 670,
Sidi Okba courut jusqu'à l'Atlantique, puis fonda Kairouan,
la future ville sainte ; la destruction de ce qui restait de
Carthage, en 699, fut le signal du départ vers l'Europe
des immigrés cathohques qui étaient encore en Afrique. Le
christianisme des indigènes s'éteignit assez rapidement et
sans qu'il y eût besoin de persécutions (V. encore Ful-
GENGE de Ruspe, Fulgenge Ferrand, Fagundus d'Hermiane,
Liber ATus de Carthage). F.-H.Kruger.
BiBL. : Im. ScHELSTRATE, Ecclesia Africana, sub pynmatu
Carthaginiensi ; Paris, 1679. — M. Leydecker, Historia
eccl. Afric. illusirata; Utrecht, 1690. — I.-A. Sanchez,
Historia eccl. A /"rie.; Madrid, 1784. — A. Morcelli, A/*rica
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
EGLISE
christiana; Brescia, 1816, 3 vol. in-4. — F. Mûnter Pri^
mordia eccles. Afric; fcopenhague, 1829, in-4. - J -B
tiossi, UeChristianis titulis Car thaginiensibus, dans Svi-
cilegium Solesmense ; Paris, 1858, éd. D. Pitra, t IV p 497
- Menden, Nordafrik. Kirche; Mûnstereifel, 1876.
^ ÉGLISE GRECQUE ou orientale-orthodoxe. Cette Eglise
n est autre que l'ancienne Eglise chrétienne d'Orient, sé-
parée définitivement de l'Eglise romaine, à la suite des
asathèmes lancés par le pape Léon IX contre Michel Ceru-
larius, patriarche de Constantinople (16 juil. 1054). Elle
comprend les débris des anciens patriarchats de Byzance,
d'Antioche, d'Alexandrie et de Jérusalem, soumis à la do-
mination turque ; et d'elle, comme métropole, sont issues les
églises orthodoxes de Grèce, deBulgarie, de Roumanie et de
Serbie, de Géorgie et de Russie, ainsi que les Raitzen, ou
Grecs orthodoxes de l'Autriche-Hongrie.
Caractères distingtifs.— 1° En dogmatique, Aristote
avait déjà remarqué qu'autant l'Oriental se plaît à la « méta-
physique, autant les Occidentaux se plaisent à la morale».
En effet, ce qui distingue de prime abord l'Eglise orientale de
l'Eglise romaine, c'est une tendance spéculative très forte,
le goût des subtihtés dialectiques et des discussions théolo-
giques : toutes les grandes controverses dogmatiques sont
nées chez les Grecs. Seulement, tandis qu'en Occident
l'évolution dogmatique s'est poursuivie à travers la sco-
lastique du moyen âge et dure encore, en Orient la vie
des dogmes s'est pour ainsi dire figée à la fin du vn« siècle,
après la controverse monothélite. Le symbole de la foi
orthodoxe, que professent encore aujourd'hui Grecs et
Russes, fut complètement achevé par le concile de Nicée
et par le premier concile de Constantinople. De là, dans la
doctrine des chrétiens d'Orient quelque chose de plus an-
tique et de plus stable que dans celle des Latins et qui la
rapproche des temps apostoliques. C'est ainsi que les Grecs
orthodoxes admettent que le Saint-Esprit procède, par un
acte éternel, du Père {a Pâtre), seul principe de la Trinité,
mais rejettent le Filioque ajouté au Credo des La-
tins par le synode de Tolède (589). De même, ils adorent
la vierge Marie, en qualité de mère de Dieu (Osoto/.o?),
vierge avant, pendant et après la naissance du Christ,
mais rejettent le dogme de l'immaculée conception ; ils
enseignent que l'homme doit concourir à son salut par les
bonnes œuvres, mais nient les mérites surérogatoires des
saints, et par suite les indulgences. Enfin, ils croient qu'en
attendant le jugement dernier, les âmes qui n'ont pas en-
couru, à la mort, la damnation, demeurent dans une sorte
de stage d'épreuves où nous pouvons leur venir en aide
par nos prières, nos bonnes œuvres et la célébration de
l'eucharistie, mais ils repoussent le purgatoire et la pré-
destination.
2^ En discipline et organisation. En fait d'organisation
et de discipline, l'Eglise orientale ne diffère pas moins de
l'Eglise romaine. Dans celle-ci, le gouvernement a revêtu
la forme d'une monarchie absolue depuis que l'évêque de
Ronie a été déclaré supérieur au concile général, autocrate
et infaillible. Chez les Grecs, au contraire, l'autorité su-
prême réside toujours dans le concile œcuménique ; chaque
évêque prend part au gouvernement général de l'Eglise ;
chaque Eglise nationale est autocéphale, c.-à-d. se gou-
verne elle-même par le moyen de ses évêques et d'un
exarque ou d'un métropolitain, réunis en concile. A la tête
de l'Eglise orientale, au lieu d'un pape unique et infaillible,
se trouvent les quatre patriarches de Constantinople,
d'Antioche, d'Alexandrie et de Jérusalem, qui ont conservé
chacun sa juridiction et qui, réunis en synode, sous la
présidence du premier, décident en dernier ressort toutes
les affaires d'intérêt général et de justice.
La discipline de l'Eglise grecque a aussi un caractère
plus paternel ; elle est plus semblable à celle des apôtres,
sauf sur l'article des jeûnes, qui sont plus rigoureux que chez
les Latins. Le mariage est autorisé et même général dans le
clergé séculier, mais les deuxièmes noces sont interdites ;
les moines d'Orient, soumis à la règle de Saint-Basile,
ont conservé le caractère laïque et les'allures indépendantes
40
ÉGLISE
- 6^6 —
qu'ils avaient dans les premiers temps : ce sont les caloyers ;
la minorité seule reçoit l'ordination, d'où le nom de hiéro-
nomaques; c'est parmi ces derniers que se recrutent les
évoques et les archimandrites. Les Grecs reconnaissent
quatre-vingt-cinq canons disciplinaires, proclamés aposto-
liques par le concile in Trullo, dit Qidnisexte, tandis que
les Latins n'en admettent que cinquante (V. Canon).
30 Liturgie et rites du culte. Les Grecs sont encore
plus conservateurs en fait de rites qu'en matière ^ de
dosmes. Leur liturgie, comme dans l'Eglise des premiers
siècles, se divise en trois parties : liturgie préparatoire,
liturgie des catéchumènes, liturgie des fidèles, et renferme
beaucoup de formules de prières et des hymmes qui re-
montent à saint Basile, à saint Jean Chrysostome et plus
haut encore. La liturgie, ainsi que la lecture de la Bible,
doit être dite à haute voix etdansune langue intelligible de
tous, c.-à-d. en langue nationale. Les fidèles, à l'église, se
tiennent debout, sauf à la Pentecôte, où l'on s'agenouille ;
les hommes sont séparés des femmes par un treillis, et la
musique instrumentale est interdite. Quant aux sacrements,
ils en ont sept comme les Latins, mais les administrent
suivant des rites sensiblement différents. C'est ainsi qu'ils
donnent le baptême par triple immersion et, aussitôt après,
la confirmation. Ils célèbrent l'eucharistie, dans laquelle
ils voient d'ailleurs une transsubstantiation, sous les deux
espèces, se serventde pain avec levain (prosphores), la dis-
tribuent aux enfants ; donc plus de catéchumènes m de
première communion. C'est seulement sur le chapitre des
fêtes et des images que les Orientaux se sont montrés
novateurs : ils ont ajouté aux grandes fêtes fondamentales
une quantité de fêtes en l'honneur de la Vierge et des
saints ; tout en proscrivant les représentations en relief des
saints (sculptures ou bas-reliefs), ils vénèrent les images
peintes et célèbrent une grande fête : la Panégyrie de
rOr^/ioctoi^ en l'honneur du triomphe du culte des images
au septième concile général, à Nicée (787). Enfin, par suite
du déclin des études théologiques dans le clergé et de la vie
religieuse chez les laïques, la grande masse des chrétiens
orthodoxes en est venue à attacher aux formules litur-
giques et aux gestes de l'officiant une importance telle que
la foi dégénère souvent en croyance magique et l'adora-
tion en ritualisme machinal.
Historique. — L'histoire de l'Eglise grecque pendant
les huit premiers siècles peut se ramener à celle des grands
conciles œcuméniques, qui se tinrent sans exception en
Orient. Il faut seulement signaler ici le fait que, outre les
sept conciles généraux reconnus par les Latins jusqu'à
787, les Grecs admettent l'autorité du concile in Trullo
dit Qui7iisexte, réuni par Justinien II pour compléter
l'œuvre des cinquième et sixième œcuméniques tenus à
Constantinople et qui avaient négligé d'édicterla disciphne.
Ces conciles eurent d'ailleurs pour effet de démembrer
successivement le grand corps de l'Eglise d'Orient, _ en
produisant une série de schismes. Ainsi, le concile de Nicee
fut suivi du schisme des ariens, celui d'Ephèseet de Chal-
cédoine causèrent l'émigration des nestoriens et des Armé-
niens (451). Enfin, le schisme des monophysites (ou
iacobites), celui des monothélètes et celui des iconoclastes
furent déterminés par les décrets des deuxième (553)
et troisième (660) conciles de Constantinople et par le
deuxième concile de Nicée (787). Tandis que l'Eglise
orientale se déchirait ainsi de ses propres mains, les Arabes
accouraient à cheval, animés par une foi nouvelle et ardente,
et, levant l'étendard vert du prophète Mohammed, ils lui
arrachaient ses plus belles provinces, celles qui avaient été
le berceau même de l'Eglise: la Syrie et la Palestine (635-
38) ; l'Egypte (638-49), Rhodes et Chypre et, traversant
toute l'Asie Mineure, ils s'avançaient jusqu'à Byzance
(668-718). Cependant l'Europe chrétienne, indignée de
voir le Saint-Sépulcre aux mains des infidèles, se levait,
à la voix de Pierre l'Ermite et de saint Bernard, et, orga-
nisant les croisades, se ruait contre l'Orient. Mais le
patriarche de Constantinople, au lieu de se prêter à un
accommodement, rompit irrévocablement avec Rome (1054),
et les croisés latins, au lieu de venir en aide aux Eglises
grecques, exploitaient les égHses ou les couvents byzantins,
persécutaient le clergé orthodoxe et finissaient même par
s'emparer de Constantinople et y fonder l'empire latm
(1024-1261). Les croisades n'eurent pour effet que de
suspendre pendant deux siècles l'invasion des Turcs Seld-
joucides.En 1326, ils reprirent de plus belle leur marche
en avant, envahirent la Macédoine et la Thrace (prise
d'Andrinople : 4361), achevèrent la conquête de l'Asie
Mineure, de la Bosnie et de la Serbie, et, enfin, prirent
Constantinople (1453). Depuis cette époque, l'Eglise grecque
d'Orient a végété sous la domination ottomane, conservant
certains privilèges, mais soumise à tous les caprices du
sultan.
Or, tandis que le tronc même de l'Eglise orientale était
sapé par les coups de l'Islam, les missionnaires byzantins
convertissaient au christianisme un certain nombre de races
jeunes et vaillantes, qui allaient former comme de vigou-
reux rejetons. C'est ainsi que se dressèrent les Eglises de
Géorgie (ou Ibérie dép. 332), de Bulgarie et de Serbie
(ix^ siècle), de Russie (988). D'autre part, dans notre
siècle, l'affranchissement de quelques nations du joug otto-
man a amené la constitution d'Eglises orthodoxes aatocé-
phales telles que : l'Eglise hellénique (1833); l'Eghse
roumaine, l'Eglise du Monténégro; l'Eglise bulgare (1870) ;
cette dernière a été déclarée schismatique par le synode de
Constantinople en 1872. — D'autre part, les papes ont
réussi à rallier à l'Eglise romaine quelques branches de
l'EgHse orientale; par exemple les Maronites (1182 et
1445), les Grecs-Unis de la Russie blanche et de la Lithua-
nie (1596) et les Arméniens-Unis (fin du xvii^ siècle) qui
possèdent le couvent célèbre fondé par Mekhitar à Venise
(1717). Les branches réunies à Rome ne comptent guère
qu'une population de 5,000,000 d'âmes.
On peut évaluer le total des personnes se rattachant à
l'Eglise grecque à environ 120 millions, dont la grande
majorité habitent l'Europe orientale ; plus des quatre cin-
quièmes appartiennent à l'Eglise russe (V. Russie).
G. Bonet-Maury.
BiBL. : M, Le Quien, Oriens christianus; Paris, 1730-40
3 vol. in-fol. — J . -E . Assem ANi,De Catholicis seu patriarchis
Chaldseomm et Nestorianorum ; Rome, 1775, 5 vol. in-fol. --
J.-M.NEALE,Hisiory ofthe EasternChurch ;Londr es A8b0,
2 vol. in-8. — F. Micklosigh et J. Muller, Acta et diplo-
mata grseca Medii JEvi ; Vienne, 1860 et suiv., 3 vol.
ar in-8 (en cours).— A.-P. Stanley, Lectures on the History
ofthe Eastern Church ; Londres,1873, in-8. — J. Moshakis,
art. Eglise grecque, clans l'Encyclopédie des Sciences
religieuses de Liciitenberger. — ŒcOiNOMOs, Histoire de
l'Eglise de Grèce; Athènes, 1864. - Philarèthe (de
Tcherniiïoff), Histoire de l'Eglise russe; Moscou, 1860
(traduit "en allemand par le D-^ Blumenthal, Leipzig, 1862,
imité en français par Boissard, Paris, 1867). — W. CtAss,
Symholik der griechischen Kirche ; Leipzig, 1872. -7
A. Leroy-Beaulieu, VEmpire des Tsars, t. 111, la Reli-
gion, Paris, 1889, in-8.
ÉGLISE COPTE. L'Eglise copte est un débris de l'ancien
Orient chrétien ; elle est isolée depuis l'invasion musul-
mane et est intéressante, non à cause de son énergie ac-
tuelle, mais à cause de ses origines et de l'antiquité des
coutumes qu'elle a maintenues. — On estime les membres
de l'Eglise copte à environ 150,000. Ils ne forment pas
une population compacte : la communauté la plus nom-
breuse est celle du Caire ; elle compte environ 10,000
chrétiens; les autres communautés sont dispersées sur
toute l'Egypte ; elles sont plus denses qu'ailleurs dans le
Fayoûm. Le clergé copte a pour chef unique et indépen-
dant un patriarche qui réside au Caire, mais continue à
porter le titre historique de métropolitain d'Alexandrie;
il est considéré par les Coptes comme le successeur de
saint Marc, missionnaire et premier évêque d'Alexan-
drie. Il peut être désigné par son prédécesseur ; à défaut
de cela, il est élu par les évêques, le clergé et quelques
laïques ; et si ce collège ne réussit pas à s'entendre, on a
recours au sort. De toute façon, le candidat est pris parmi
les moines du couvent de Saint-Antoine. On n'exige pas du
627 —
EGLISE
candidat une grande science ; des secrétaires particuliers
sont chargés de la correspondance du patriarcat. Il n'est
pas nécessaire non plus que le futur patriarche soit dans
les ordres ; une fois élu ou désigné, le candidat, s'il est
laïque, est ordonné diacre un jour, prêtre le lendemain et
archiprétre le jour suivant ; alors seulement on procède à
sa consécration de patriarche.
La juridiction du chef de l'Eglise copte s'étend à V Eglise
éthiopienne (V. ci-dessous), dont il consacre le métropolitain
ou « abonna ». Les évêques, actuellement au nombre de
douze, ne peuvent avancer au rang de patriarche. Ils sont
entièrement dépendants de celui-ci, approuvés et consacrés
par lui. Ce sont toujours d'anciens moines, quoique les
canons coptes exigent seulement que l'évêque soit veuf ou
non marié. Le clergé inférieur se compose d'archiprêtres,
de prêtres et de diacres. Pour être ordonné diacre, on peut
être marié en premières noces ou non marié ; une fois dans
les ordres, on ne peut plus se marier. Les prêtres sont
choisis parmi les diacres âgés d'au moins trente-trois ans ;
leur culture littéraire est d'habitude peu développée ; la
plupart savent lire la liturgie copte, mais peu d'entre eux
comprennent la langue copte ; ils ne reçoivent aucun traite-
ment fixe et se trouvent souvent réduits à des expédients
indignes de leur ministère. Les moines et les nonnes sont
très nombreux dans l'Eglise copte ; on sait que l'Egypte
fut le berceau du monachisme. Le moine copte ne s'occupe
ni de science théologique ni d'oeuvres de charité ; sa vie
doit être purement contemplative ; tout au plus cultive-t-il
un carré de terre et tend-il la main pour mendier. Les
nonnes sont presque toutes de pauvres femmes, veuves pour
la plupart.
Les églises sont d'assez chétives constructions, sauf au
Caire, où l'église Sainte-Marie est très remarquable, et à
Alexandrie, qui possède une église neuve depuis 4871. Dans
l'intérieur de l'église, on distingue surtout, à l'extrémité
orientale, le « heykal » ou sanctuaire, avec l'autel, le tout
séparé du reste de l'église par une cloison. Dans la nef
principale, un autre compartiment treillissé est réservé aux
femmes. Il n'y a point de statues dans les églises, mais
les murs sont ornés de peintures. Les fidèles restent debout
pendant le culte, sauf lorsqu'ils se prosternent ; comme le
service est généralement très long, on s'appuie souvent sur
une sorte de béquille spéciale pour éviter la trop grande
fatigue. L'assemblée prend une part assez considérable au
culte par ses répons, qui sont un indice de l'antiquité de la
liturgie. En effet, la liturgie copte est du type de celle dite
de Saint-Marc, l'antique liturgie alexandrine, la plus inté-
ressante de l'ancienne EgHse orientale (V. Liturgie). Les
prières sont en langue copte, la lecture de l'épitre et de
l'évangile en copte est généralement accompagnée d'une
traduction arabe, la seule langue comprise aujourd'hui. —
Le texte de la Bible copte, dans les trois dialectes connus,
est un élément assez important pour la critique du texte
original soit de l'Ancien, soit du Nouveau Testament, vu
que les versions coptes du Nouveau Testament, par exemple,
sont antérieures aux plus anciens manuscrits grecs que l'on
possède ; mais la collation des manuscrits coptes de la Bible
est encore fort peu avancée.
Chaque service à l'église se termine par l'eucharistie,
sans toutefois que les fidèles participent toujours au sacre-
ment; lorsqu'ils le font, les hommes s'avancent vers le
« heykal » (sanctuaire) et reçoivent la communion sous
les deux espèces, tandis que les femmes restent à leur place,
où le prêtre leur apporte le pain aspergé de vin. On croit
à la transsubstantiation, et on ne conserve jamais l'eucha-
ristie. Le baptême est administré par trois immersions,
aux garçons quarante jours, aux filles quatre-vingts jours
après leur naissance. L'immersion est précédée d'onctions
compliquées et nombreuses de saint chrême et d'une huile
bénite pour les exorcismes. Aussitôt après le baptême,
l'enfant est confirmé et reçoit la communion sous forme
d'une goutte de vin consacré. Il est à remarquer que les
Coptes pratiquent la circoncision, mais non comme une
cérémonie religieuse ; cette coutume leur vient des anciens
Egyptiens, leurs ancêtres. La confession est exigée de qui-
conque veut communier et a dépassé vingt-cinq ans ; avant
cet âge, on est considéré comme mineur et innocent, à moins
que l'on ne soit marié ; le mariage émancipe et rend la con-
fession obligatoire. — Les chrétiens coptes sont grands
observateurs du jeûne ; ils font quatre carêmes stricts dans
l'année ; mais, même en carême, on ne jeûne jamais les
samedis, non plus que les dimanches. — Le mariage est
précédé des fiançailles pour lesquelles un prêtre se trans-
porte au domicile des parents de l'un des futurs époux afin
de s'enquérir sur les empêchements canoniques et de réci-
ter ensuite quelques oraisons sur les fiancés. La cérémonie
du mariage s'accomplit à l'église ; les époux y sont couron-
nés et couverts d'un voile blanc ; la communion termine
le service. Les canons coptes n'autorisent le divorce qu'en
cas d'adultère ; mais, en partie sous l'influence des mœurs
musulmanes, le patriarche ou les évêques usent assez fré-
quemment du droit d'accorder le divorce et l'autorisation
de contracter un nouveau mariage. — Ce qui est devenu
l'extrême-onction dans l'Eglise romaine est connu dans
l'Eghse copte sous le nom de sainte onction et se rap-
proche beaucoup du précepte contenu dans VEpître de saint
Jacques (v, 44). Le prêtre n'est jamais seul pour admi-
nistrer cette onction, et elle est donnée non seulement aux
malades, mais aux pécheurs et aux affligés. Le chrétien
copte prie beaucoup : sept fois par jour, il récite des prières ;
l'office du clergé est plus long que celui des laïques, et à
mesure que l'on monte dans la hiérarchie, l'office s'al-
longe ; il est le même tous les jours. — En somme, on
remarque dans l'organisation et dans le culte de l'Eglise
copte un formalisme touffu, funeste à la vie religieuse, et
un conservatisme tenace, extrêmement intéressant pour
l'archéologue.
Quant à la doctrine, l'Eglise copte prétend professer la
foi chrétienne telle qu'elle a été exprimée avant le concile
de Chalcédoine, en 454 . En réaUté, le clergé copte, sans
parler des laïques, est très ignorant en matière de dogme
et se contente d'anathématiser toutes les communautés
chrétiennes autres que celles qui sont demeurées fidèles au
monophysisme (V. ce mot). Cela nécessite quelques mots
sur les origines de l'Eglise copte, aussi intéressantes pour
l'histoire de l'Orient chrétien que les rites ecclésiastiques
coptes le sont pour l'archéologie chrétienne. Deux causes
ont contribué à la formation de l'Eglise copte : la situation
politique du siège patriarcal d'Alexandrie et la curieuse
évolution du christianisme en Egypte entre le m® et la fin
du V® siècle. Le patriarche d'Alexandrie, de même que
l'évêque de Rome, fier de sa longue possession, considérait
le patriarche de la jeune capitale de Byzance comme un
parvenu dont l'autorité provenait et dépendait en quelque
sorte d'un accident pohtique. Comme le souverain de
Byzance soutenait son patriarche, l'antipathie du métro-
politain d'iVlexandrie s'étendit peu à peu au gouvernement
central de l'Empire. Ce n'est que quand l'évêque de Byzance
était mal en cour que le patriarche alexandrin se mettait
d'accord avec l'empereur pour renverser son rival de la
capitale. L'exemple le plus connu de cette combinaison
insolite est fourni par l'histoire de Chrysostome. D'autre
part, Alexandrie qui, entre le n^ et le m® siècle, avait
entendu les Pantenus, les Clément, les Oripène et avait
été le foyer le plus brillant de la philosophie chrétienne,
vit, vers la fin du iii^ siècle, descendre des déserts et de
la haute Egypte un monachisme exalté, fanatique, ignorant
et barbare ; c'était la forme nationale égyptienne du chris-
tianisme en réaction contre le christianisme alexandrin,
plus grec qu'égyptien. Cent ans plus tard, les patriarches
d'Alexandrie, que leur politique d'opposition contre Byzance
obligeait à chercher un point d'appui en Egypte, firent cause
commune avec les moines de la Thébaïde. Le patriarche
Théophile détruit le Sérapéion et fulmine contre les
origénistes en 391 ; en 415, sous Cyrille, son neveu et suc-
cesseur, Hypatie est assassinée. La scission s'opérait ainsi
ÉGLISE — 628 —
entre la pensée grecque et le siège patriarcal d'Alexandrie,
là même où, deux siècles auparavant, s'était consommée
l'union entre l'hellénisme et le christianisme. Il suffit alors
d'une divergence doctrinale pour transformer cette scis-
sion en un schisme dont la conséquence est incarnée jus-
qu'à nos jours dans l'Eglise copte. Pour les développements,
V. Chalcédoine (Concile de), Ephèse (Concile de), Dios-
coRE (t. XIV, p. 620), Melkite, Monophysisme, Eutychès,
Protère.
L'histoire de l'Eglise copte, à partir du vii^ siècle, tient
tout entière dans le cadre de l'histoire du régime arabe et
turc en Egypte. On peut dire que, depuis le milieu du
v^ siècle, l'Eghse chrétienne d'Egypte n'a plus pensé ; elle
n'a plus guère agi non plus ; elle a vécu ou plutôt végété
sous les vexations et les persécutions de l'Islam, marquées
parfois par de terribles massacres ; elle a subi sous ce
régime une lente et constante décroissance jusqu'à nos
jours. F--H- K.
BiBL. : Eus. Renaudot, Hisioria patriarch. alex-jaco-
bitarum; Paris, 1703, in-4. — Du môme, LUurgiarum
orient, collectio ; Paris, 1715 ; 2« éd. à Francfort, 1847. —
Choix de lettres édifiantes ; Paris, 1824, 2« éd., t. V, pp.
216-339. — Makrizi, Histoire des Coptes, texte arabe et al-
lemand par Wûstenfeld ; Gœttingue, 1845, in-4 — But-
ler, The Ancient Churches of Egijpt ; Oxford, 1885,2 vol.
in-8. — E. Amélineau, Monuments pour servir à l histoire
de VEgypte chrétienne aux iv^ et v siècles, dans les Mé-
moires de la mission archéologique française au Caire;
Paris 1888 t. IV, in-4. — Du même. Monuments pour ser-
vir à Vhistoire de l'Egypte chrétienne au iv« siècle, dans
les Annales du musée Guimet; Pans, 1889, t. XVII, m-4.
ÉGLISE éthiopienne. Cette Eglise dépend entièrement
de V Eglise copte (V. ci-dessus). Son chef, V abonna (notre
père), qui réside à Gondar, est non seulement nommé et
investi par le patriarche d'Alexandrie, mais depuis le
xiv^ siècle aucun Abyssin n'a revêtu cette dignité ; on ne la
confère qu'à un Copte (Y. ci-dessous). Les pouvoirs de
l'abouna sont très étendus : seul il ordonne les prêtres et
les diacres ; seul aussi il peut sacrer le roi ; parfois l'in-
succès de ce dernier a pour cause le mauvais vouloir du
chef de l'Eglise éthiopienne. Pour être ordonné diacre, il
suffit de savoir lire le gheez, l'ancien éthiopien, qui est
resté la langue liturgique. Le prêtre doit en outre savoir
réciter la confession de foi du concile de Nicée et connaître
les rites; il paye pour son ordination deux morceaux ^de
sel, ancienne monnaie courante du pays. Les diacres, s'ils
ne sont déjà mariés, se marient généralement avant de
demander la prêtrise; ordonnés prêtres, ils ne peuvent ni
se marier, ni se remarier, le cas échéant. Jusque vers le
xv« siècle, il y avait eu des évêques; il n'y en a plus aujour-
d'hui. Les qômôs sont des sortes d'archiprêtres, chefs du
clergé paroissial. Valaka, attaché d'office à presque toutes
les églises abyssiniennes, est un laïque incarnant en quelque
sorte le conseil de fabrique. Les debtera sont des scribes.
Le clergé régulier, fort nombreux, est gouverné par Vetch'égê
qui doit obéissance à l'abouna, mais dont l'autorité est con-
sidérable. Il est d'office prieur du couvent de Debra-Libanos,
dans le Choa, fondé par Tekla-Haïmânot (V. ci-dessous) au
xiii^ siècle. Les couvents les plus importants sont, outre ce
dernier, ceux de Debra-Dammo, où plus de trois cents
moines vivent en cénobites dans des cases séparées, puis
ceux d'Axoum, d'Abba-Garîma, de Waddoubba et de Saint-
Etienne. Les moines et les nonnes s'occupent quelquefois
de l'instruction de la jeunesse. -— Les églises extrêmement
nombreuses et généralement situées sur une hauteur et
ombragées d'arbres, sont le plus souvent de forme circu-
laire, couvertes d'un toit de chaume conique et construites
sans aucun art. Elles ont des portes sur les quatre points
cardinaux. Elles sont entourées d'un parvis, oii se tiennent
les laïques. L'intérieur, décoré de vives images sans goût,
représentant la Vierge, les saints et parfois le diable, est
divisé en deux parties : le saint et le très saint où même les
diacres ne pénètrent pas ; c'est là que se trouve une sorte
d'arche (tabot). Le culte consiste en lectures liturgiques et
en litanies psalmodiées; le tout en gheez, que le peuple ne
comprend point, que la plupart des prêtres lisent seulement
sans l'entendre. La circoncision, pratiquée le huitième jour,
précède le baptême, qui est administré aux garçons le qua-
rantième jour, aux filles le quatre-vingtième ; en souvenir
du baptême, tout Abyssin porte autour du cou un cordon de
soie bleue (mateb) qui le distingue des non-chrétiens.
L'onction du saint chrême et la communion sous les deux
espèces suit immédiatement le baptême ; le prêtre célèbre
la communion tous les jours ; les fidèles l'obtiennent sur leur
demande ; le pain est ordinairement levé sauf durant la
semaine sainte. La transsubstantiation n'est pas formulée. La
bénédiction nuptiale n'est pas indispensable pour que le
mariage soit légalement contracté. Le baptême et la com-
munion sont donc apparemment les deux seuls sacrements
de l'Eglise éthiopienne, bien que le mot mister par lequel
on les désigne, signifie aussi les dogmes fondamentaux,
surtout la doctrine monophysite sur la personne du Christ
(V. Monophysisme). Le clergé et les scribes, dépourvus de
toute culture scientifique ou théologique, discutent passion-
nément sur la double ou triple naissance de Jésus-Christ.
Les partisans de la double naissance se contentent d'affirmer
la génération éternelle du Fils et l'incarnation ; c'est la
doctrine officielle, strictement monophysite. Les adversaires
y ajoutent ce qu'ils nomment une troisième naissance , la
communication du Saint-Esprit au Christ lors du baptême.
Ces disputes ont été très vives sous le règne de Théodoros
et sont un élément des guerres du négus Jean contre le
Choa. Une autre controverse sur le titre de « mère de
Dieu » accordé à la Vierge est la conséquence de la précé-
dente. Le canon des saintes Ecritures s'appelle semanya
ahâdon, c.-à-d. quatre-vingt-un ; il se compose, en efiet,
de quatre-vingt-un Uvres comprenant ceux de l'Ancien
Testament, ceux du Nouveau ainsi que les Apocryphes,
sauf les Macchabées. On accorde presque la même autorité
à la didaskalia, un recueil de constitutions apostoliques et
au haïmânota-abou (foi des pères), autre recueil formé
d'extraits des canons antichalcédoniens et des pères grecs,
ainsi qu'au fetha-nagoust ou code des rois. Outre le diman-
che, on célèbre le sabbat et environ cent quatre-vingts jours
de fête, dont plusieurs sont des jours de jeûne. Comme dans
l'Eghse copte, le jeûne est, d'ailleurs, le grand moyen pour
s'assurer la rémission des péchés ; on y doit joindre sou-
vent les aumônes et parfois les retraites spirituelles. Les
prêtres se chargent contre remboursement d'accompHr ces
expiations (pour les Falacha et les Kamantes, V. ces
noms).
L'introduction du christianisme en Abyssinie remonte
au commencement du iv^ siècle. Les traditions qui font
remonter plus haut le christianisme éthiopien ou qui font
régner le judaïsme en Abyssinie avant l'adoption du chris-
tianisme, sont légendaires. Frumence (V. ce nom) et
Edesius, deux chrétiens de la côte phénicienne, firent nau-
frage sur la côte africaine de la mer Rouge, furent conduits
à la cour d'Axoum, vers 330, et devinrent les instruments
de la conversion du roi et d'une partie du peuple. Frumence
se fit ensuite ordonner prêtre et sacrer éyêque par Atha-
nase, patriarche d'Alexandrie, d'où provient jusqu'à nos
jours la dépendance de l'Eghse éthiopienne à l'égard de
l'Eglise copte. Avec cette dernière, les Abyssins embrassèrent
le monophysisme (V. Eglise copte) qui paraît avoir été pro-
pagé dans les montagnes de l'Ethiopie surtout par neuf
moines vénérés depuis comme des saints. Ce sont Aragawi,
Pantaléon, Garîma, Alef, Çahma, Aftsê, Imata, Lykanos et
Goubha, qui tiennent une grande place dans les légendes
abyssiniennes. Le premier est considéré comme celui qui
introduisit le monachisme en Ethiopie. Un de ses successeurs
qui fut en même temps abonna^ c.-à-d. métropolitain de
l'Eghse éthiopienne, et qui joue un rôle considérable dans
rhi'stoire politique de l'Abyssinie, devint au xiv^ siècle le
réformateur des couvents abyssiniens ; c'est Tekla Haï-
mânot. Il y avait encore de son temps des districts païens
qu'il convertit au christianisme. Il n'avait d'ailleurs qu'une
faible confiance dans le clergé éthiopien, et, désespérant de
le voir jamais capable de se diriger lui-même, il fixa la règle,
629 -
EGLISE
encore en vigueur, que l'abouna doit être un Copte. — Au
commencement du x\i^ siècle, des relations s'établirent, par
l'intermédiaire d'un Arménien du nom de Mathieu, entre
le Portugal et l'Abyssinie, affaiblie alors par les musulmans
et menacée par les Galla. De cette façon, des jésuites
portugais partirent, en 1555, de Rome pour l'Abyssinie.
Leurs efforts et ceux de leurs successeurs, surtout de Pedro
Paez (mort en 4623), pour soumettre l'Eglise éthiopienne
à Rome, sont intimement mêlés à l'histoire pohtique de cette
époque : en 1626, avec l'arrivée du jésuite Alph. Mendez,
sacré patriarche d'Abyssinie à Lisbonne en 4624, l'entre-
prise sembla un instant devoir être couronnée de succès ;
mais dès 4632, sous Fasilidas (Basilidès), l'ancienne Eglise
nationale fut rétablie, et les jésuites durent quitter le pays en
4633. Le premier abonna qui monta, après ces événements,
d'Alexandrie en Abyssinie, futaccompagné par un Allemand,
Pierre Heyling (V. ce nom), qui séjourna quelque temps
dans le pays. Puis les relations furent de nouveau inter-
rompues assez longtemps. De 4808 à 4848, un moine
éthiopien, Abi-Roukh, arrivé à Alexandrie avec le voyageur
/. Bruce (V. ce nom), traduisit à la requête du consul de
France, Asselin, toute la Bible en langue amharique, c.-à-d.
en éthiopien vulgaire. Ce fut pour la Société anglicane de
mission l'occasion d'envoyer vers 4830 le missionnaire
Gobât (V. ce nom) en Abyssinie. En 4856, d'autres mis-
sionnaires protestants, envoyés par la Chrischona (près
Bâle), se fixèrent dans le pays. Vers 4864, Théodoros les
mit en prison, où ils furent bientôt rejoints par l'ambassa-
deur anglais, ce qui devint la cause de la campagne contre
Théodoros en 4868. Dès 4839, les lazaristes avaient éga-
lement pénétré en Abyssinie , parmi eux Mgr de Jacobis,
nommé patriarche en 4849. Son cinquième successeur est
actuellement Mgr Crouzet, dont les prêtres ont souvent
servi d'intermédiaires dans les récentes affaires entre les
Italiens et les Négous. F.-H. K.
BiBL. : LuDOLF, Historiœ selhiopicx lib. IV ; Francfort,
1681, in-fol. — Du môme, Commentarius ad hist. œthiop.,
ibid., 1691. — Veyssier la Croze, Hist. du christianisme
d'Ethiopie... ; La Haye, 1739. — Flad, Zwôlf Jahre in
Abessinien ; Basel; 1869-
ÉGLISE ARMÉNIENNE. Il ost indispeusablo, pour com-
prendre la situation religieuse actuelle des Arméniens, de
rappeler brièvement l'origine du christianisme parmi eux,
et les faits décisifs de son histoire en Arménie. Les rap-
ports d'Abgar, roi d'Edesse, et sa correspondance avec le
Christ appartiennent à la légende (V. Abgar, 1. 1, p. 88) ;
mais il pourrait bien y avoir un noyau historique dans la
légende tissée autour des noms de Thaddée et d'Addée.
Quoi qu'il en soit, l'histoire chrétienne de l'Arménie ne
commence qu'au iv^ siècle. C'est Grégoire V Illumina--
teur (V. ce nom), mort en 334, qui propagea dans sa pa-
trie, sous le règne de Tiridate (Terdat) III, le christianisme
qu'il avait accepté lui-même en Cappadoce ; il fut du reste
ordonné évêque par Léonce de Césarée. Il s'ensuit que le
christianisme arménien est d'origine grecque. Dès 366, ce-
pendant, le synode arménien de Vagharchabat rompit le
lien avec le diocèse de Césarée en décidant que le patriarche
d'Arménie serait désormais nommé par les évêques armé-
niens. On sait que la littérature arménienne est toute chré-
tienne (V. Arménie, t. III, p. 4048) ; elle remonte à Mes-
rop (V. ce nom) et à son contemporain, le patriarche Sahaq
(Isaac). Ces mêmes hommes réglèrent le culte au synode
de 426. Puis, dans la seconde moitié du v^ siècle, l'Eglise
syrienne, surtout par l'école d'Edesse, exerça une influence
considérable sur l'Arménie christianisée. A cette époque
appartiennent également les premières méprises qui finirent
par faire de l'Eglise arménienne une Eghse monophysite.
Des élèves de Sahaq et de Mesrop, envoyés par leurs
maîtres en Occident pour s'y familiariser avec la culture
hellénique, rapportèrent en Arménie les décisions du con-
cile d'Ephèse de 434 ; elles furent acceptées et sanction-
nées dès 432 par le synode d'Achtichat ; trois ans plus tard
les écrits de Théodore de Mopsueste et de Diodore de Tarse
furent formellement condamnés. Mais, pendant que le qua-
trième concile œcuménique délibérait à Chalcédoine (454),
l'Arménie luttait pour sa foi contre les Perses; elle n'ob-
tint que des rapports contradictoires sur ce concile. Par
contre, vers le dernier quart du v® siècle, alors qu'il y avait
comme une détente politique en Arménie, on y reçut Vhé-
noticon (V. ce mot) de l'empereur Zenon (482) ; cet acte
ne mentionne que les trois premiers conciles œcuméniques.
Le katholikos (patriarche) Babkên convoqua un synode à
Vagharchabad en 494 : l'hénoticon fut adopté et les déci-
sions du concile de Chalcédoine, que l'on interprétait faus-
sement du reste, furent rejetées. Ainsi l'Eglise arménienne
accepta lemonophysisme (V. ce mot) sans se rendre exac-
tement compte de ce qu'elle faisait. — L'histoire des
querelles dogmatiques et des nombreuses variations qui
suivirent peut être passée sous silence ici : une série de
métropolitains entament, à partir du xii« siècle, des négo-
ciations avec Ryzance ou avec Rome. Des dominicains, en-
voyés par Jean XXII, arrivèrent en Arménie vers 4348.
C'est par eux que le vartabet (docteur) Jean de Kherrni
fut gagné à l'union avec Rome, et devint le fondateur d'une
branche arménienne de dominicains qu'il appela les « Unis-
seurs ». L'union proclamée au concile de Florence (4439)
ne fut qu'une formalité ; elle ne comprend que les Armé-
niens dispersés et une partie de l'Arménie occidentale. Ces
Arméniens unis professent le dogme de Rome et sont sou-
mis au pape, mais ils conservent leurs rites ; ils forment
la partie la plus cultivée de la nation ; il en existe des
communautés au Liban, en Perse, en Russie, en Pologne,
en Galicie, en Itahe et à Marseille (V. Mékhitar, Has-
souN [Mgr], Koupélian). Quant aux Arméniens grégoriens
ou non-unis, quahfiés de schismatiques par Rome, leur
centre religieux est depuis 4444 la ville d'Etchmiadzin
près d'Erivan ; c'est là que réside le katholikos le plus
respecté ; mais il y en a aussi un à Aghthamar sur le lac
Van, et un troisième à Sis en Cilicie, qui ont parfois des
velléités d'indépendance. Le patriarche arménien de Jéru-
salem jouit d'une certaine autonomie depuis que le sultan
lui a accordé en 4344 le titre de patriarche et de malik
en-neçâra (chef des chrétiens). Enfin, il y a un patriarche
arménien à Constantinople, dont l'office est surtout de re-
présenter auprès de la Porte les intérêts des Arméniens
appartenant à l'empire ottoman. Cet office devint la cause
de conflits qui durent encore et où se mêle de plus en plus
l'antagonisme de la Russie et de la Turquie dans l'Asie
antérieure. Le clergé arménien travaille depuis longtemps
à réduire le pouvoir du patriarche de Constantinople et
surtout à soumettre son autorité à celle du katholikos
d'Etchmiadzin qui est dans l'Arménie russe.
Voici maintenant l'organisation ecclésiastique des Armé-
niens grégoriens. Le katholikos ou métropolitain d'Etch-
miadzin est soit désigné par son prédécesseur, soit élu par
les évêques présents dans la ville. Il nomme ou du moins
investit tous les évêques qui d'habitude sont pris dans le
clergé noir, c.-à-d. parmi les moines. Ceux-ci se distin-
guent du clergé blanc ou séculier, qui est marié, mais en
premières noces seulement. La culture théologique est à
peu près nulle ; la préparation au ministère consiste plu-
tôt en exercices ascétiques ; cependant il faut que le prêtre
sache lire le missel en arménien littéral. Avant l'ordina-
tion, il passe quarante jours dans l'église. Durant le festin
qui termine cette retraite, la femme du prêtre demeure
assise sur un escabeau les yeux bandés, les oreilles bou-
chées, la bouche fermée, pour marquer la retenue qu'elle
doit avoir à l'égard des fonctions de son mari. Les varta-
bed ou docteurs tiennent un rang intermédiaire entre le
clergé noir et le clergé blanc ; ils sont très honorés ; leur
science est variable suivant les cas, mais toujours purement
traditionnelle. En général, le clergé arménien est pauvre;
son revenu consiste dans les aumônes qu'il reçoit et
dans les cadeaux qu'on lui fait pour les cérémonies reli-
gieuses qu'il accomplit. Les ressources du métropolitain
proviennent du saint chrême, qu'il bénit tous les sept ans
à Etchmiadzin, et dont la distribution dans toutes les pa-
EGLISE
630 —
roisses provoque de riches cadeaux. -- Les églises sont
orientées; la coutume est de se déchausser en entrant.^ Le
sanctuaire est séparé de la nef par un grand rideau. L'au-
tel est de pierre, simple et sans reliques. L'Eglise armé-
nienne reconnaît sept sacrements. Le baptême est admi-
nistré à l'enfant le huitième jour par une triple immersion
complète après l'onction d'huile bénite. La confirmation
suit aussitôt, ainsi que l'administration de la communion.
Pour cette dernière, on emploie du pain levé et du \in
pur. Le prêtre qui dit la messe passe la nuit précédente
dans l'égHse. Une sorte d'extrême-onction est administrée
aux prêtres seulement et immédiatement après leur mort.
Le culte de la Vierge et des saints est assez développé. Les
fêtes sont nombreuses, toujours précédées d'un ou de plu-
sieurs jours de jeûnes. F.-H. K.
BiBL • Clém. Galanus, Historia armena ecclesiastica
etvolitica ; Cologne, 1686, in-fol. — G. deSerpos, Corn-
pendio storico di memorie cronologiche concernenti La
reliqione e La morale délia nazione Armena; Venise,
1786, 3 vol. in-8. — Hamachod, Chronological Succession
of Armen. Patriarchs; Londres, 1865. — S.-C. Malan, T/ie
Life and times ofS. Gregory; Londres, 1868. — Du même,
The Divine Liturgy of the Armenian Church ; Londres,
1870. — M. Ormanian, le Vatican et les Arméniens;
Rome, 1873.
ÉGLISE LUTHÉRIENNE. Ou appelle ainsi l'Eglise issue de
la réforme de Luther, et qui s'est constituée le jour où
elle a formulé sa foi et ses principes dans la confession
d'Augsbourg. Elle doit son nom à ses adversaires.^ Les
luthériens s'appelèrent longtemps « protestants » ou « éyan-
géliques », en opposition aux réformés aussi bien qu'aux
catholiques ; mais ils finirent par adopter le nom de luthé-
riens que leur donnaient leurs ennemis, pour affirmer leur
fidélité à la foi et aux principes de leur Eglise. Née au
xvi^ siècle dans la Saxe électorale, l'Eglise luthérienne s'est
répandue dans la majeure partie de l'Empire germanique,
puis dans le Danemark, la Norvège, la Suède, les pro-
vinces baltiques, la Finlande ; elle a pénétré en Pologne,
en France par l'Alsace et l'ancien comté de Montbéhard ;
dans notre siècle, enfin, elle a fait de grands progrès aux
Etats-Unis, grâce à l'immigration de nombreux luthériens
d'Europe. L'Église luthérienne doit son caractère particulier
au réformateur qui Ta marquée de son empreinte. Luther
n'a jamais voulu fonder une Eglise nouvelle, indépendante
de l'Eglise catholique, mais uniquement réformer celle-ci,
dont il prétendait être l'enfant le plus dévoué et le plus
fidèle ; il ne pensait s'attaquer qu'à des abus, à des inno-
vations qui, dans le cours des siècles, auraient déformé
l'Eglise des apôtres. C'est l'Ecriture sainte qui servit de
règle à sa réforme. Tout ce qui lui paraissait manifestement
contraire à l'Ecriture, il le rejetait ; tout ce qui, par
contre, n'était pas en opposition avec elle, il le conservait.
Tandis que les zwingliens et les calvinistes faisaient table
rase pour reconstruire l'Eglise apostolique d'après l'Ecri-
ture, en brisant avec toute tradition, Luther admettait le
développement historique de l'Eghse. Pour lui, il ne s'agis-
sait pas de tout renouveler, comme si, depuis le temps des
apôtres, l'Eglise avait cessé d'exister, de vivre et de se déve-
lopper, mais de remettre l'Evangile en honneur, en le déga-
geant des superfétations qui le défiguraient. Aussi Luther
lut-il essentiellement conservateur ; il conserva bien des
choses de l'EgUse cathohque, que les réformés puritains
considéraient comme des abominations du papisme, tels
que le crucifix, le signe de la croix, l'autel, les images, les
chants liturgiques, etc. 11 se gardait bien de proscrire Fart
du culte : « Je ne suis pas d'avis, disait-il, que l'Evangile
doive proscrire et anéantir les arts, comme le veulent
quelques spiritualistes à outrance ; je voudrais, au con-
traire, voir tous les arts, en particulier la musique, au
service de celui qui les a créés et qui nous les a donnés. »
Aussi les confessions de foi de l'Eglise luthérienne n'avaient-
elles pas d'autre but que de montrer et de prouver que
l'on ne fondait pas une Eglise nouvelle ; on y cite les Pères
tout autant que l'Ecriture, on y montre que l'enseignement
des docteurs luthériens est l'enseignement authentique de
l'Eglise catholique, apostolique et romaine. Aussi en appe-
lait-on, à toute occasion, à un concile œcuménique libre ;
on ne perdait pas l'espoir de convaincre Rome même ; de
là ces nombreux colloques et essais de conciliation, qui se
continuèrent encore après la mort de Luther. On ne re-
nonça à cet espoir que lorsque le concile de Trente eut
sanctionné officiellement tous les abus et toutes les erreurs.
Pour les luthériens, c'était l'Eglise de Rome qui faisait
défection ; désormais, c'est l'Eglise luthérienne qui est la
vraie Eglise catholique, apostolique. Et en effet, elle a
gardé un certain caractère de catholicité ; elle n'a jamais
voulu être une Eglise nationale, comme les Eglises réformées
dont les confessions de foi s'appellent gallicana, belgica,
anglica, scoticana, etc. Dans tous les pays où elle a pé-
nétré, l'Eglise luthérienne a les mêmes confessions de foi,
soit le livre de la concorde tout entier, soit seulement la
confession d'Augsbourg invariata et le petit catéchisme
de Luther (V. Confessions de foi protestantes). Quant à
son organisation, sa constitution, il faut remonter aux
origines pour la bien comprendre. Luther avait voulu, dans
les commencements, donner à l'Eglise une organisation
démocratique ; il rêvait une sorte de république religieuse
où fût appliqué de la manière la plus complète le sacerdoce
universel, où chaque fidèle fût « prêtre et roi ». Mais
quand il eût vu le peuple de plus près, il abandonna ses
illusions; ce peuple n'était pas mûr pour la liberté ; il
était grossier, ignorant, abusant de la liberté évangélique
pour se livrer sans contrainte à tous ses instincts grossiers ;
Luther le trouva tout à fait incapable de se gouverner soi-
même. Par contre, il eut affaire à des princes de grand
mérite et d'une vraie piété, tels que Frédéric le Sage, Jean
le Constant et autres. 11 se résigna donc, bien que sans
enthousiasme, à faire son œuvre par eux. Aussi les princes
eurent-ils une grande autorité dans l'Eglise ; ils présen-
taient et signaient les confessions de foi avec les pasteurs
et les docteurs et conduisaient le mouvement de la Réforme.
Mais la conséquence en fut une sorte de césaropapisme,
en vertu duquel, dans la plupart des pays d'Allemagne, le
souverain était aussi le summus episcopus. Plus d'un a
abusé de son pouvoir pour appliquer le principe si fréquem-
ment pratiqué aux xvi« et xvii^ siècles : Cujus regio,
illius religio, et changer l'Eglise luthérienne de son pays
en EgHse réformée, ou pour imposer V Union (V. ce mot),
qui était aussi un anéantissement de l'Eglise luthérienne.
Bien que l'on considérât les questions d'organisation comme
secondaires et libres, c'est le système épiscopal qui pré-
valut généralement dans l'Eglise luthérienne, soit que,
comme en Suède, Danemark, Finlande, etc., on conservât
des archevêques et des évêques, soit qu'on nommât ces
dignitaires prélats, surintendants ou inspecteurs.
On compte aujourd'hui environ trente millions de luthé-
riens. En Allemagne, l'Union a été introduite dans divers
pays, notamment\lans la Prusse qui, dans l'origine, était
luthérienne; mais, dans tous ces pays, il se forma des com-
munautés luthériennes séparées (V. Vieux Luthériens) ;
par contre, l'Eglise luthérienne s'est maintenue jusqu'à ce
jour dans le Hanovre, la Saxe, le Slesvig, la Bavière, les
deux Mecklembourg, le Wurttemberg, etc. Dans le Dane-
mark, l'Islande, la Suède et la Norvège, sauf une ving-
taine de mille dissidents, toute la population est luthérienne.
En Russie (en y comprenant la Finlande, qui est entière-
rement luthérienne), il y a environ 4 millions de luthé-
riens. Dans les Pays-Bas, il n'y en a que 70,000, en face
de 2 millions de réformés et de plus de 1 million de catho-
liques. En Autriche-Hongrie, on compte 1,365,835 luthé-
riens (252,327 en Autriche, 4,113,508 en Hongrie), en
face de 2,143,178 réformés. Ces deux Eglises ont une
autorité supérieure commune, le consistoire de Vienne,
dont récemment encore le président devait être un laïque
catholique. En France, l'Eglise luthérienne a été très
réduite par la perte de l'Alsace. H ne lui reste plus que
les deux circonscriptions synodales ou inspections de Mont-
béhard et de Paris (cette dernière comprend Lyon, Nice
— 631 —
ÉGLISE
et l'Algérie) comptant environ 80,000 fidèles et une cen-
taine de pasteurs titulaires et auxiliaires. C'est aux Etats-
Unis que l'Eglise luthérienne a fait le plus de progrès. Elle
compte 7,948 paroisses avec 4,692 pasteurs; ce qiu la
caractérise, c'est qu'elle est comme une image de l'Eglise
luthérienne tout entière ; la doctrine luthérienne y est
prêchée en quatorze langues différentes : en allemand,
norvégien, suédois, danois, islandais, anglais, finnois, let-
ton, wende, polonais, czèque, slavon, magyare et français.
Cependant les trois quarts des paroisses sont allemandes ;
4,438 sont norvégiennes, 582 suédoises. Il s'y publie cm-
quante et un journaux luthériens allemands et quarante-
huit anglais. Les luthériens des Etats-Unis se sont groupés
en synodes ou Councils, dont quelques-uns sont d'un
grand rigorisme doctrinal (par exemple le synode de Mis-
souri), mais en même temps d'une grande activité mission-
naire. L'Eglise luthérienne s'est montrée moins entrepre-
nante, moins hardie que les Eglises réformées, mais elle
s'est distinguée par la science de ses théologiens, et c'est
elle qui a produit les ouvrages ascétiques les plus popu-
laires, comme aussi elle a excellé dans la poésie et la mu-
sique religieuse. Ch. Pfender.
ÉGLISE ANGLICANE ÉPiscopALE. Communion religieuse qui
occupe une position intermédiaire entre le catholicisme et le
protestantisme. Elle s'intitule, en Angleterre, Chiirch of
England; en Irlande, Church of Ireland; enEœsse, où
l'Eglise nationale est presbytérienne, Scottish [Episcopal)
Church; aux Etats-Unis, Protestant episcopal Church
ou American hranch ofthe Church Catholic. — L'Eglise
anglicane a été fondée par Henri VIII quand ce prince, à
l'occasion de son divorce d'avec Catherine d'Aragon, se
brouilla avec la cour de Rome, dont il avait d'abord sol-
licité et obtenu le titre de « défenseur de la foi ». L'an-
glicanisme ne consista d'abord qu'à substituer le roi au
pape comme chef de l'Eglise d'Angleterre. L'hérésie, luthé-
rienne, calviniste ou wiclefiste, qui avait poussé de profondes
racines en Angleterre, fut persécutée par Henri VHI avant
comme après la rupture avec Rome. L'anglicanisme eut
pour raison d'être et comme moyen du succès, à l'origine,
une vaste spoliation des monastères et des biens ecclésias-
tiques. H fut adopté et maintenu par les classes qui s'enri-
chirent, au xvi^ siècle, des dépouilles de l'Eglise catho-
lique du moyen âge. L'Eglise anglicane est toujours restée,
en effet, celle des classes moyennes et supérieures de
l'Angleterre monarchique ; elle a toujours approprié son
enseignement au goût de ces classes; de là, son loyalisme,
son respect pour l'ordre établi et le décorum, sa haine
du mysticisme, la médiocrité de sa théologie, qui est
toute morale. L'anglicanisme n'a point produit de livres
comparables à ceux des catholiques Thomas a Kempis ou
François de Sales, ni au Pilgrim's Progress du puritain
Bunyan. Son Book of Common prayer, le plus beau
livre liturgique peul-être qui existe en langue vulgaire,
est traduit et composé d'anciennes hymnes du moyen âge,
et beaucoup de ceux qui s'en servent ne le conservent
qu'à regret. L'Eglise anglicane, en résumé, est une cons-
truction artificielle des Tudors, dont les seuls principes
vivants sont le loyalisme monarchique, et, de nos jours, le
prestige de la tradition. Partout ailleurs qu'en Angleterre,
où les institutions, même peu viables en principe, durent
quand elles sont établies, quitte à se transformer et à
s'adapter à de nouveaux modes d'existence, l'étàbUssement
anglican se serait décomposé de bonne heure ; la moitié de
ses fidèles serait retournée au catholicisme romain, dont
l'anglicanisme a gardé la hiérarchie et presque tous les
dogmes ; l'autre moitié l'aurait abandonné pour le protes-
tantisme proprement dit. Cette évolution naturelle n'a pas
eu lieu, ou, du moins, elle ne s'est produite que sur une
très faible échelle. L'Eglise anglicane a subsisté depuis
trois siècles et demi à côté des confessions rivales, et elle a
même poussé des rejetons vigoureux dans les pays nou-
veaux (Etats-Unis, Cap, Australie, etc.), oti les conquêtes
de la race anglo-saxonne l'ont portée. Assurément, le
conflit entre les deux factions qui s'y trouvèrent, dès le
début, en présence : l'élément conservateur, traditionna-
liste, sacerdotal, et l'élément réformateur, bibliciste, puri-
tain, n'a pu manquer de s'engager ; mais ce conflit s'est
engagé dans le sein même de l'Eglise, où des partis se
sont créés, assez différents pour ne conclure que des com-
promis fragiles, pas assez intransigeants cependant pour
recourir à l'extrémité d'un schisme. L'histoire de l'Eglise
angUcane au xvi^ et au xvii« siècle se compose de l'histoire
des combats violents que s'y Uvrèrent les conservateurs
et les réformateurs, en vue de s'expulser réciproquement.
Henri VHI, Elisabeth et les premiers Stuarts (V. Laud)
appuyèrent de tout leur pouvoir les conservateurs et persé-
cutèrent les radicaux presque aussi durement que les catho-
liques romains. La Révolution de 1649 fut une revanche
pour le parti à tendances calvinistes ; mais la restauration
de Charles H destitua deux mille clergymen anglicans
qui refusèrent, en 1662, de souscrire à VActe d'unifor-
mité. Les dénominations de high church et de low
church furent, vers cette époque, appliquées respective-
ment aux traditionnalistes et aux réformés. Guillaume III
favorisa les plus modérés des low churchmen, (\m avaient
du penchant pour les idées arminiennes et sociniennes, et
qui étaient appelés « latitudinaires », tels que Tillotson,
Gilbert Burnet, etc. Sous la reine Anne, les deux tendances
se trouvèrent en concurrence acharnée. Les « latitudi-
naires », ou, comme on commençait à les nommer, broad
churchmen, également éloignés des exagérations préla-
tistes et puritaines, revinrent au pouvoir sous les Georges,
au grand dépit du clergé rural, très généralement high
church. Aussi bien, le règne de George P"^ fut marqué
par un refroidissement général du zèle ; le scepticisme fit
des adeptes ; une école, dirigée par Collins et Tindal,
exprima ouvertement ses doutes au sujet des révélations
et des miracles {English Deists) ; c'est contre cette école
que J. Butler, évêque de Durham, écrivit son fameux
livre, Analogy of religion (1736). En même temps,
dans le peuple, la grossièreté des mœurs devint très
choquante.
C'est alors que l'Eglise engourdie fut réveillée par l'en-
thousiasme du fameux fondateur du méthodisme, John
Wesley (V. ce nom). Le réveil méthodiste réagit sur
l'Eglise établie, y ranima la vie chrétienne dans le sens
puritain, bien que ses promoteurs en aient été de
bonne heure écartés. Le « mouvement évangéUque » fut,
au sein de l'anglicanisme, comme un contre-coup du mou-
vement non conformiste de John Wesley. On doit aux
évangéliques, gens étroits, mais pieux et foncièrement mo-
raux^ la suppression d'un grand nombre d'abus sociaux, la
création d'une foule d'institutions de bienfaisance et d'en-
treprises de mission à l'intérieur et au dehors. Les pre-
miers « évangéliques » furent Toplady, auteur de l'hymne
Rock of âges ; Grimshaw, vicaire d'Haworth ; Berridge,
vicaire d'Everton. Les plus fameux sont : W. Romaine,
qui se retira de la société dite Lady^ Huntingdon's Con-
nexion, en 1781, quand elle manifesta du penchant au
non-conformisme, en même temps que H. Venu, vicaire
d'Huddersfield, auteur du Complète Duty of man ; John
Newton (1725-1807), l'ancien marchand d'esclaves;
Thomas Scott (1747-1821), commentateur de la Bible;
J. Milne (mort en 1797), auteur d'une histoire ecclésias-
tique ; parmi les laïques de cette tendance, il faut citer :
W. Cowper, le poète, et W. Wilberforce, l'ami de Pitt.
Les évangéliques fondèrent la London Missionary So-
ciety (1795), la Church Missionary Society (1799), la
Religions Tract Society (1799) et la Bible Society
(1802). L'établissement des « écoles du dimanche » (Sun-
day schools) fut une des conséquences du mouvement
évangélique; la Sunday school Society date de 1785.
— Au commencement du xix« siècle, les évangéliques
formaient la partie du clergé anglican où la vie spirituelle
était le plus active, mais ils n'étaient ni très nombreux ni
très influents, malgré la notoriété de quelques-uns de leurs
ÉGLISE
— 632 —
chefs : Charles Siméon (de Cambridge), mort en d 836 ;
Ch.-J. Blomfield, évêquede Londres de 1828 à 4836. Les
vieux préjugés de la high church régnaient toujours ; la plu-
part des clergymen étaient des nobles ou des fils de nobles,
entrés dans l'Eglise sans vocation, indifférents aux devoirs
de leur profession, scandaleusement mondains. Le poète
Crabbe a esquissé en ces termes le portrait de la grande
majorité des clergymen campagnards sous George III :
A jovial youth, who thinks his sunday task
As much as God or man can fairly ask;
The rest he gives to loves and labours light,
To fields the morning and to feasts the night ;
None better skilled the noisy pack to guide,
To urge their chase, to cheér them or to chide.
A sportsman keen, he shoots through half the day
And, skilled at whist, dévotes the night to play.
Entre ces high churchmen pharisaïques et les « évangé-
liques », enfermés dans un dogmatisme sec et déplaisant,
recommandables à cause de leur zèle pratique, mais sans
portée intellectuelle, il y avait place, vers 1830, au mo-
ment où triomphait l'école littéraire dite romantique, pour
une réaction dans le sens mystique et catholique. Oriel
Collège, à Oxford, devint le centre, à cette époque, d'un
intéressant mouvement théologique ; on remarquait parmi
ses fellows John Keble (1792-1866), le poète discret et
gracieux qui écrivit le Christian Yea ; E.-D. Pusey
(1808-1882), professeur d'hébreu, homme prudent, savant
et riche ; J.-H. Newman, depuis cardinal de l'Eglise ro-
maine. Ces jeunes ecclésiastiques anglicans se réunirent
pour publier en commun des pamphlets (tracts) « sur
l'Eglise, le ministère et les sacrements ». Nourris de la
lecture des Pères de l'Eglise, ils entreprirent de restaurer
des coutumes et des croyances qui étaient tombées en
désuétude dans la communion anglicane. « Ils vénéraient
l'antiquité catholique, et, s'ils rejetaient l'absolutisme
papal comme une excroissance du système, ils n'éprou-
vaient que de la sympathie pour l'orthodoxie orientale. Ils
reniaient, en revanche, toute compromission avec la réforme
calviniste, hérétique à leurs yeux.» (Chaponnière.) Cesidées,
ils les exposèrent, à partir de 1833, dans leurs fameux
Tracts for the Times, La masse des fidèles ne fut que super-
ficiellement remuée par cette agitation puséiste, dont elle
était incapable de goûter les raffinements esthétiques ; mais
le vieux parti high church, une partie de l'aristocratie,
toute l'Eglise épiscopale d'Ecosse, en contact avec les
formes les plus prosaïques de la croyance calviniste, se
précipitèrent dans la doctrine nouvelle. Le mouvement
puséiste fut un réveil de la haute EgHse comme le mouve-
ment évangélique avait été un réveil de la basse. Il devint
puissant vers 1837 et fut propagé par des hommes comme
II.-J. Rose, W.-F. Hook, H. Phillpotts, évèque d'Exeter
(1831-69). Le « mouvement puséiste, tractarien ou
d'Oxford » (car toutes ces expressions sont synonymes) « fit
refleurir l'intelligence de l'antiquité chrétienne et de l'art
religieux ; il ranima dans la partie du clergé et du trou-
peau qui avait échappé à l'influence méthodiste, l'ardeur
pour les œuvres de piété et de charité ; il provoqua l'érec-
tion d'un grand nombre d'églises et de chapelles » (Cha-
ponnière). Quelques-uns de ses adeptes allèrent très loin
dans la voie archaïque où ils s'étaient engagés ; Newman
et plus de cinq cents ecclésiastiques anglicans se conver-
tirent, à partir de 1837, au cathoHcisme romain. Mais
cette défection ne mit pas en péril le puséisme qui, grâce à
l'habileté du 0"^ Pusey, arriva à compter dans ses rangs
la majorité du clergé anglican. On donna aux puséistes
le nom de ritualistes, à cause de leur goût pour les rites
sensibles, et quoique leurs chefs eussent toujours attaché
beaucoup plus d'importance à leurs revendications dog-
matiques qu'à la restauration de l'ancien rituel. Le juge-
ment dans l'affaire Bennett, à la cour des Arches (1870),
a autorisé l'enseignement des doctrines caractéristiques
de la high church puséiste dans les églises de la com-
munion anglicane. Les évangéliques avaient obtenu une
autorisation analogue pour leurs doctrines particulières en
1847 (jugement Gorham). Quant aux continuateurs mo-
dernes des latitudinaires du xviu^ siècle, des Tillotson et
des Burnet, les broad churchmen, ils se sont fait recon-
naître également une place au soleil. Ils représentent la
tendance libérale, critique, rationaliste; ils admettent
ridée du progrès doctrinal ; quelques-uns d'entre eux vont
jusqu'à rejeter totalement la notion du surnaturel. Ils ont
en ce siècle des leaders comme F.-D. Maurice (mort en
1872), F. Robertson de Brighton, Charles Kingsley, rec-
teur d'Eversley, poète et romancier (mort en 1875), le
doyen Stanley de Westminster, M. Mathew Arnold. L'un
d'eux, le D^ Rowland Williams, vice-principal de Saint-
David Collège, Lampeter, fut traduit devant le conseil
privé, sous l'inculpation d'Iiérésie, en 1861 ; il fut acquitté.
Ce jugement et ceux qui furent rendus dans les affaires
Gorham et Bennett ont placé sur le même pied de tolé-
rance les doctrines si opposées des broad churchmen, des
évangéliques et des puséistes. « L'Eglise épiscopale tend
donc à n'être plus qu'un faisceau de sectes. Quelques
penseurs distingués n'en soutiennent pas moins, avec une
sorte de ferveur passionnée, que le caractère composite et
complexe de l'anglicanisme est, en réaUté, sa force, sa
richesse et sa gloire. » (Chaponnière.)
Est-ce donc l'anarchie doctrinale et liturgique qui règne
dans l'Eghse anglicane de nos jours ? On le croirait, en ce
qui touche le rituel, à jeter les yeux sur des statistiques
comme celle-ci. Il y a à Londres environ 850 églises an-
ghcanes ; dans 390, la communion est célébrée une fois
par semaine, chaque jour dans 40. Il y a des services
tous les jours dans 140, le dimanche seulement dans 138.
Il y a une maîtrise vêtue de surphs dans 350 ; le chant
grégorien est en usage dans 115 ; les places sont gratuites
dans 250 ; il y a un offertoire par semaine dans 450 ; on
prêche en surplis dans 460. On se sert d'encens dans 14,
de cierges allumés dans 58, de cierges non allumés dans
41. Le célébrant, au moment de la communion, se tourne
vers l'orient dans 180 éghses. La fête de la Dédicace est
observée dans 150 ; 120 sont ouvertes tous les jours aux
personnes qui veulent y faire des prières particulières. Au
point de vue doctrinal, nous avons déjà vu que trois sectes
au moins s'abritent fraternellement sous le toit anglican.
Ne confond-on pas sous le nom d'angUcans ces puséistes
si amoureux d'étoles brodées et de vitraux, « qui parlent
plus souvent de l'Eglise que du Seigneur », qui croient au
purgatoire, à la régénération par le baptême, recomman-
dent la confession auriculaire et la commémoration des
saints, et, d'autre part, les latitudinaires extrêmes, à
peine chrétiens, qui se servent des termes ordinaires de la
théologie dans un sens ésotérique, qui parlent de la « vie
divine du Christ » sans se prononcer par là sur la question
de la divinité du Christ. Si le D'^ Pusey était anglican,
M. Mattliew Arnold l'était aussi; or, le premier croyait à la
continuité de la tradition apostohque, à l'efficacité des sacre-
ments et même à la présence réelle, tandis que le second
considérait l'EgHse anghcane comme « une société natio-
nale pour la diffusion de la bonté », un conservatoire de
bonnes manières, d'humanité, de culture, de raffinement re-
ligieux, toutes choses mises en péril, à son avis, par le zèle
aveugle des non-conformistes. L'Eglise anglicane a toute-
fois un symbole, les Trente-neuf articles, et un livre litur-
gique, le Book of Common prayer. Mais ni ce symbole,
ni ce livre ne sont des instruments efficaces d'uniformité.
L'Eglise épiscopale des Etats-Unis a fait subir aux Trente-
neuf articles des changements conçus dans le sens protes-
tant. En Ecosse, le Prayer Book, quoique déjà suffisam-
ment imprégné de la tradition catholique, a été retouché
dans un esprit puséiste ; en revanche, il a été revisé dans
un esprit calviniste en Irlande (pays où les épiscopalistes
sont en contact avec le catholicisme romain) et aux Etats-
Unis, où l'on en a supprimé complètement le symbole
d'iVthanase. D'ailleurs, comme le remarque en bons termes
M. Chaponnière, « étant donné qu'aucun des partis qui
coexistent dans l'Eglise ne peut souscrire à l'ensemble de
— 633 —
EGLISE
ses professions de foi sans éluder le sens naturel de telle
ou telle de leurs déclarations, cet engagement de fidélité
n'est interprété littéralement par personne ». Les formu-
laires anglicans sont devenus assez élastiques pour pouvoir
être souscrits, sous bénéfice de quelques réserves men-
tales, par les high^ low et broad churchmen. Si l'on
veut déterminer de nos jours précisément les contours de
la dogmatique anglicane en général, ce n'est pas aux
Trente-neuf articles qu'il faut recourir, c'est au corps de la
jurisprudence accumulée depuis le commencement du siècle
par les cours ecclésiastiques et le Conseil privé à l'occasion
des procès intentés, à propos de questions doctrinales, à
des clergymen ou à des évêques. Or la jurisprudence est
susceptible de changer ; les contours de la dogmatique an-
glicane ont donc cessé d'être rigides. En fait, elle admet
toutes les opinions, à l'exception des plus radicales ; en-
core celles-ci ont-elles chance d'être admises un jour. Le
rév. Gorham ne croyait pas à la régénération par le bap-
tême et refusait en conséquence de lire les paroles du
rituel : Puis donc que cet enfant est régénéré ; il a été
jugé qu'il pouvait croire ou ne pas croire à la régénéra-
tion, mais que, en tout cas, il devait prononcer les paroles.
Le ministre Bennett croyait à la présence réelle dans l'Eu-
charistie ; il a été jugé que cette croyance était permise,
pourvu qu'on n'adhérât pas ouvertement au catholicisme
romain. Les auteurs du livre Essays and reviews ne
croyaient pas à l'éternité des châtiments, à l'imputation des
mérites du Christ, à l'inspiration des livres saints ; il a
été jugé que des ministres avaient le droit de professer ces
opinions sans perdre leurs bénéfices, pourvu qu'on ne niât
pas ouvertement l'idée du salut par la médiation du fils de
Dieu. De même en ce qui concerne la liturgie. Les pu-
séistes ont essayé de réintroduire subrepticement la plu-
part des coutumes catholiques : le surplis, l'étole, la mitre
dorée, la crosse, les chantres, les jeûnes, les retraites, les
exercices spirituels. « Jadis, dit le D^ Ince, professeur de
théologie à Oxford, on disputait dans les écoles sur la
prédestination, la rédemption, la grâce; il n'est plus ques-
tion aujourd'hui que d'encens, de cierges, de pain sans
levain et de vestiaire. » Les évangéliques ont essayé d'en-
rayer les innovations puséistes ; ils l'ont fait non seule-
ment en lançant dans la circulation des ballades comme
celle où une vieille paroissienne, choquée des nouveautés
introduites par un jeune vicaire ritualiste, déclare que
les vitraux sont sans doute très beaux, mais qu'elle re-
grette tout de même le temps, où, à travers la vitre trans-
parente des fenêtres, elle pouvait voir le ciel bleu et les
roses grimpantes ; ils Font fait aussi en traduisant les mi-
nistres trop suspects de faiblesse pour les rites papistes
devant les cours ecclésiastiques (procès Tooth, Ridsdale,
Purchas, etc.). Les jugements prononcés ont mis à l'index
un certain nombre de rites comme trop évidemment imités
des rites catholiques, mais les ritualistes se sont hâtés de
généraliser tous les usages qui n'ont pas été expressément
condamnés et ils n'ont pas hésité à conserver môme ceux-ci
en les altérant un peu. En vain, la Chambre des lords
est-elle intervenue à plusieurs reprises, la Convocation, où
siègent les représentants du bas clergé, s'est toujours
opposée à des mesures législatives propres à faire échec aux
progrès du ritualisme.
Tout cela n'empêche pas que l'Eglise anglicane ne
soit très prospère, très riche, et continuellement en voie
d'enrichissement. Pendant les cinquante dernières années,
plus de trois mille paroisses nouvelles ont été créées en
Angleterre, sous les Peel's Church Building Acts. Huit
nouveaux évêchés ont été établis : à Ripon, Manchester,
Saint-Albans , Truro, Newcastle, Liverpool, Southwell,
Wakefield. Outre-mer, quantité de diocèses ont surgi ; si
bien qu'en 1878, un synode pananglican a réuni à Londres
jusqu'à quatre-vingt-quinze évêques de la communion; le
nombre des pères a été encore plus considérable au synode
de 1888. Enfin, des réformes ont amélioré grandement l'or-
ganisation matérielle de l'Eglise.
L'Eglise anglicane a succédé sans révolution au xvi® siècle
à TEglise catholique d'Angleterre ; elle garde donc beau-
coup de traits de ressemblance avec l'ancienne Eglise du
moyen âge à laquelle elle a succédé. Le pape, à la vérité,
a été remplacé comme « chef suprême » par le roi qui
exerce par l'intermédiaire de son Parlement, de son con-
seil privé et de son ministère, l'autorité en dernier ressort
sur le corps ecclésiastique. Mais tous les membres du clergé
anglican revendiquent le bénéfice de la succession aposto-
lique; le caractère sacerdotal est très fortement imprimé
en eux ; ils se divisent, comme les membres du clergé
cathohque, en diacres, prêtres et évêques. L'éducation
du clergé se fait dans les universités (Oxford, Cambridge,
Durham, DubKn), ou dans les collèges tels que celui de
Lampeter (pays de Galles) ou de Glenalmond (près de
Perth, Ecosse). Or, on sait que, jusqu'à une époque tout à
fait récente, les études ont été très faibles dans ces grands
séminaires du clergé anglican, les universités anglaises. Ce
clergé a donc été longtemps très ignorant, surtout en théo-
logie, mais il se flattait par compensation d'être exclusi-
vement composé de ^m^/<?m^w,c.-à-d. de gens bien élevés :
« Il faut, disait-on, qu'il y ait au moins un gentlemen dans
chaque village : le vicaire, » Effectivement, les clergymen
anglicans ont été longtemps recrutés dans la classe riche,
et^ils avaient généralement cette correction, cette dignité
que donnent l'usage du monde et la possession héréditaire
d'une large aisance. A la tête du clergé sont en Angleterre,
les deux archevêques deCanterbury et d'York, les évêques
de Londres, Winchester, Durham, Bangor, Bath and Wells,
Carlisle, Chester, Chichester, Gloucester, Hereford, Lich-
field, Liverpool (1880), Llandaff, Newcastle (1882), Nor-
wich, Oxford, Peterborough , Rochester, Saint-Albans
(1877), Saint-Asaph, Saint-Davids, Southwell (1884),
Truro (1877), Worcester, Lincoln, Ripon, Manchester,
Wakefield. Là plupart de ces prélats jouissent de con-
sidérables privilèges civils et de revenus magnifiques. Ils
sont choisis par le premier ministre de la couronne parmi
les individualités à la fois les plus distinguées et les
plus modérées (cf. cependant le procès récent [1890] de
l'évêque de Lincoln, accusé de ritualisme), de l'une ou
l'autre des trois grandes écoles théologiques. Les évêques
de Londres, Winchester et Durham, siègent ex officio à la
Chambre des lords ; les autres évêques n'y prennent place
qu'à leur tour, quand, par suite d'extinctions dans le corps
épiscopal, ils figurent parmi les vingt et un plus anciens
évêques du royaume. En Amérique, les évêques sont élus
par le synode diocésain. Les archidiacres de chaque diocèse
sont appointés par l'évêque et exercent, chacun dans leur
circonscription, une autorité subordonnée à la sienne ; ce
sont les hommes d'affaires du diocèse, qu'ils visitent chaque
année pour vérifier l'état matériel des l3âtiments ecclésias-
tiques, etc., assistés de deux church wardens, l'un repré-
sentant du clergyman dont l'église est inspectée, l'autre élu
par la congrégation. L'archidiacre est, comme au moyen âge,
« l'œil de l'évêque ». Il est généralement en possession d'un
canonicat dans l'éghse cathédrale. Les chanoines de l'église
cathédrale forment un chapitre gouverné par un doyen (dean) .
Le dean, qualifié de very révérend, le premier personnage
du diocèse après l'évêque, est choisi par la couronne, sauf
dans le pays de Galles, où il l'est par l'évêque ; il touche
de 25,000 à 50,000 fr. par an. Les chanoines, qui tou-
chent de 12,500 à 25,000 fr., sont appointés à ces siné-
cures, soit par la couronne, soit par l'évêque, en récompense
(théoriquement, mais la théorie est fréquemment mise en
pratique) d'éminents services. L'évêque n'a pas d'autorité
sur le corps capitulaire de la cathédrale, à l'exception d'un
droit nominal d'inspection. L'évêque ne peut même prêcher
dans la cathédrale que sur l'invitation expresse des doyen et
chapitre. Les chanoines résident à tour de rôle près de leur
cathédrale pendant une période de trois mois ; c'est la seule
obligation à laquelle ils soient astreints. — Les dignités de
doyen, de chanoine et d'archidiacre ont été supprimées
chez les anglicans des Etats-Unis. — Le doyen rural n'a
ÉGLISE
- 634 —
rien de commun avec le doyen de la cathédrale ; il dépend
étroitement de Févêque ; son office et ses droits sont de
pure courtoisie ; il réunit parfois les curés de son doyenné,
mais il n'a pas le droit de les forcer à faire acte de pré-
sence; il y a environ six cents doyennés ruraux en Angle-
terre. — Au premier rang du clergé paroissial se trouvent
les recteurs, auxquels seuls appartient le titre très honorable
de « parson » (quia personam ecclcsiœ gerunt). Recteurs,
vicaires et curés perpétuels sont également des bénéficiés
(inciimbents) ; ils ne diffèrent que par le salaire. Les rec-
teurs perçoivent tous les revenus des manses paroissiales,
tandis que les vicaires n'en touchent qu'une partie, aban-
donnant le reste à Vimpropriator ou patron, évêque, cor-
poration ou personnage laïque, par suite d'inféodations des
dîmes qui remontent au xiii^ siècle. Quant aux curés per-
pétuels (perpétuai curâtes), ils datent de la Restauration.
Les prêtres ayant charge d'àmes étaient souvent réduits à
la misère par des recteurs non résidents qui gardaient le
revenu des cures et ne laissaient à leurs suppléants qu'une
misérable portion congrue. Aux suppléants furent attri-
buées, dès lors, pour remédiera cet abus, la dignité de curé
perpétuel, et une rente fixe, annuelle, assise sur les do-
maines rectoraux. Il y a une vingtaine d'années que le
titre de curé perpétuel est tombé en désuétude ; les curés
sont confondus aujourd'hui avec les vicaires. C'est à la
pauvreté relative de cet ordre de bénéficiés que l'EgUse an-
glicane est redevable de l'institution connue sous le nom
de Queen Anne' s Bounty. Il parut au commencement du
xviii^ siècle que les salaires des curés perpétuels étaient
si faibles que la gêne de ces fonctionnaires déshonorait
l'établissement. La reine Anne, en conséquence, proposa au
Parlement de consacrer certains revenus de la couronne à
l'amélioration perpétuelle du sort des curés. Les adminis-
trateurs de la Queen's Anne Bounty prêtent encore au-
jourd'hui fréquemment de grosses sommes aux clergymen
dans l'embarras, notamment en vue de réparations aux
églises et aux presbytères. — Pour la nomination des béné-
ficiés, le système du patronage existe encore. Pour qu'un
ecclésiastique soit pourvu d'un bénéfice, il faut qu'il soit
présenté ^2iV le patron, dont le droit de vocation (aclvoivson)
est une propriété qui se vend, s'achète et se transmet par
héritage ; admis par l'évêque ; institué par le même,
après la prestation du serment d'obéissance canonique ;
m5^ât//^'(inducted) par l'archidiacre. En Irlande, en Ecosse,
aux colonies et aux Etats-Unis, ce sont les assemblées de
paroisses qui font la présentation des candidats. Tous les
abus que le système de patronage entraînait dans l'Eglise
catholique du moyen âge (simonie, népotisme, favoritisme,
avec les conséquences : nomination de pasteurs mondains
et indignes), le même système les a produits, naturelle-
ment, dans l'Eglise anglicane. Le progrès des mœurs a
rendu les scandales plus rares, mais il y en a encore ; on
propose, pour les empêcher, de faciliter le veto de l'évêque
et d'en attribuer un aux paroissiens, jusqu'ici nullement
consultés. Le cumul des bénéfices et la non-résidence sont
d'autres abus du moyen âge, dont l'Eglise anglicane n'a
été purgée que par un acte de 4838; les bénéficiers sont
aujourd'hui forcés de résider et de rétribuer convenable-
ment les auxihaires qu'ils se donnent, s'ils ne veulent rien
faire. — D'oti viennent les revenus pécuniaires attachés
aux bénéfices des cures ? Ce n'est pas l'Etat qui les four-
nit. L'Eglise anglicane, la plus riche du monde, coûte
très peu au budget anglais ; mais elle tient de la loi le droit
de percevoir des taxes pour son entretien, entre autres la
dîme, convertie depuis 1833 en redevance pécuniaire. On
estime le revenu fixe des biens de l'Eglise d'Angleterre à
plus de quatre millions de livres sterling, dont le quart
étant tombé dans l'appropriation privée est perçu par des
laïques. Près de six millions de livres sont en outre four-
nies annuellement par des contributions volontaires.
L'Eglise épiscopale d'Irlande a été, comme on dit,
« désétablie », séparée d'avec l'Etat en 4868, mais elle
n'y a pas perdu, chaque bénéficier ayant reçu à titre de
compensation une rente viagère égale au traitement qu'il
avait, ou bien un capital correspondant. Les intéressés ont
préféré le capital et l'ont versé à la caisse centrale de
l'Eglise épiscopale (libre) d'Irlande, qui leur a, à son tour,
servi une rente convenable, mais qui s'est constitué ainsi
une fortune durable. La question du désétablissement et
du disendoivment de l'Eghse épiscopale du pays de Galles
est à l'ordre du jour. — La générosité des fidèles angli-
cans est d'ailleurs sollicitée par un très grand nombre
d'œuvres dont quelques-unes ont une réputation méritée
par des services positifs, comme la S. F. P. C. K. (Society
for promoting Christian Knowledge^ fondée en 1698),
la Society for the propagation of the Gospel in foreign
parts ^ fondée en 1701, la Church Missionary Society.
L'Eglise anglicane d'Angleterre est trop étroitement liée
à l'Etat pour pouvoir jouir d'une large autonomie. Les an-
ciennes assemblées politiques du clergé anglais, les Convo-
cations d'York et de Canterbury, divisées en deux chambres,
à l'instar du Parlement : une chambre haute et une chambre
basse, furent tenues régulièrement jusqu'au xvin® siècle.
Mais le gouvernement, qui avait essayé de se servir d'elles
pour certaines réformes ecclésiastiques qui lui tenaient à
cœur, les trouva trop indépendantes à son gré (surtout les
chambres basses) et prit l'habitude de les proroger indéfi-
niment. Le Parlement seul fut désormais consulté au sujet
de la législation ecclésiastique. Ce n'est qu'en 1854 que,
grâce aux efforts et au tact de l'évêçjue d'Oxford, S. Wil-
îSerforce (1805-1873), les Convocations furent de nouveau
autorisées à délibérer quelques jours chaque année. Leurs
décisions ne sont toutefois considérées que commode simples
avis. Les puséistes voudraient bien faire revenir, entre
autres vieilleries, les anciens synodes diocésains, à la place
des conférences officieuses qui sont réunies aujourd'hui
dans la plupart des diocèses. — Hors d'Angleterre, le pou-
voir législatif de l'Eglise épiscopale réside dans le Synode
général^ composé de deux chambres : archevêques et
évêques dans l'une, délégués du bas clergé et du corps des
laïques dans l'autre.
Le tribunal suprême de l'Eglise d'Angleterre est celui
du souverain qui a délégué ses pouvoirs, depuis 1832, au
comité judiciaire du conseil privé. Ainsi le dernier mot, en
matière de juridiction ecclésiastique, appartient à des
laïques. Mais l'Eglise n'en a pas moins conservé des tribu-
naux de première instance et d'appel qui lui sont propres.
La fusion des deux cours archiépiscopales de Canterbury
et d'York a constitué en 1875 la Cour métropolitaine,
dite Cour des Arches parce que le tribunal de l'arche-
vêque de Canterbury siégeait jadis à Londres, en l'église
de Bow (Sancta-Maria deArcubus). 11 y a dans chaque
diocèse une cour consistoriale présidée par le chancelier
de l'évêque ; des cours archidiaconales présidées par Voffi-
cial de l'archidiacre.
Le bizarre édifice de Henri VIII est-il destiné à durer
longtemps encore ? L'avenir le dira. On peut constater
seulement que les puséistes et les broad churchmen y
sont fort attachés et ne paraissent pas près de l'aban-
donner. L'Eglise anglicane est trop richement dotée pour
que ses membres en veuillent, de gaieté de cœur, compro-
mettre l'existence en se montrant intolérants à l'égard les
uns des autres. Ils ne retrouveraient point ces beaux ca-
nonicats qui font de si nobles loisirs à tant d'esprits déli-
cats, portés aux spéculations morales ou théologiques. Le
danger qui menace l'Eglise anglicane n'est donc pas interne.
C'est l'esprit révolutionnaire, anticlérical, du dehors. N'a-
t-on pas déjà parlé de « nationaliser » les biens de la
Church of Éngland et de donner les canonicats près des
splendides cathédrales du moyen âge comme récompense et
comme retraite aux grands savants, aux grands écrivains,
aux grands artistes? A vrai dire, une telle extrémité n'est
pas à redouter; on en est très loin. Mais la question du
« désétablissement », de la suppression des dîmes est déjà
brûlante ; elle figure dans le programme des grands partis
politiques. L'anglicanisme abrite des abus colossaux, qui
635
ne peuvent manquer d'offenser l'Angleterre démocratique,
nouvelle, qui point à l'horizon. Ch.-V. L.
BiBL. : Histoires ecclésiastiques de V Angleterre, par
Collier, J. Grant, K.-F. Stœudlin, Carwitiien, Stou-
GHTON, Perry et DixoN. — G. BuRNET, Aîi Exposition of
the XXXIX articles; Oxford, 1845, in-8. — Cxjrteis, Dis-
sent in ils relation to the Churchof England; Londres,
1876, in-8. — Blunt et Phillimore, The Book of Church
law; Londres, 1876, in-8. —A. Weir et W. Dalrymple-
Maclagan, The Church and the âge ; Londres, 1870-72,
2 voL in-8. — WiLBERFORCE, Hist. of the protestant episc.
Church in America^ 1856. — Chaponnière, dans VEiicy-
clopédie des sciences religieuses de M. Lichtenberger.
ÉGLISE d'Ecosse. Les écrits de Luther pénétrèrent en
Ecosse vers 1525. Les principes de la Réforme y furent
activement propagés par le jeune Patrick Ilamilton, de la
famille des comtes d'Arran, qui mourut sur le bûcher, en
d52T, à peine âgé de vingt-quatre ans. Par des mesures
d'une rigueur extrême, le cardinal Beaton s'efforça d'en-
traver les progrès du protestantisme. Mais l'exécution de
Wishart (4546) mit le comble à l'exaspération populaire.
Le cardinal périt lui-même assassiné peu de temps après.
Dans les années qui suivirent, la lutte fut ardente entre les
réformateurs soutenus par le peuple et la noblesse d'une
part, et l'Eglise défendue parla couronne, de l'autre. C'est
dans ces conjonctures que parut sur la scène John Knox, le
véritable organisateur du parti protestant en Ecosse. A son
instigation, les membres de la noblesse protestante forment
une ligue puissante sous le nom de The Lords of the con-
grégation. Ils dominent bientôt tout le pays. Aussi, quand
le Parlement se réunit en 1560, un de ses premiers actes
fut-il d'interdire l'exercice de la religion catholique. Le
17 juil., une confession de foi [Confessio Scotica) repro-
duisant les principales doctrines de V Institution chrétiemie
de Calvin et rédigée en grande partie par Knox, fut solen-
nellement adoptée. Quelques mois plus tard, la première
assemblée générale de l'Eglise se réunit (décembre) et
s'occupe de la rédaction du Livre de discipline. On y traite
toutes les questions relatives à l'organisation dos congré-
gations individuelles. Le Second Livre de discipline parut
seulement à l'assemblée générale de l'Eglise de 1578. Il
complète le premier et a surtout pour objet de régler les
rapports des congrégations avec les cours ecclésiastiques
supérieures. Le point de départ du système presbytérien
qui prévaut en Ecosse est l'administration de l'Eglise par
des ministres et des anciens nommés par les fidèles. Toutes
les questions pendantes ressortissent à quatre tribunaux
ou cours ecclésiastiques : 1^ le conseil presbytéral ou kirk-
session; 2« le consistoire ou presbytery; 3° le synode
provincial ; 4« l'assemblée générale. Chaque cour est pré-
sidée par un modérateur éîu par ses collègues. Les minis-
tres sont éligibles. On peut appeler des sentences de ces
tribunaux à l'assemblée générale, dont les décisions sont
irrévocables.
Dans la seconde moitié du xvi^ siècle, la cause protes-
tante, défendue par Knox sous Marie Stuart et par André
Melville sous Jacques VI, ne cesse de gagner du terrain.
A la mort de Marie Stuart (1586), l'Angleterre et l'Ecosse,
longtemps ennemies, se rapprochent dans la poursuite
d'un but commun : l'étabUssement du protestantisme chez
elles. Telle était la situation de ces deux pays quand Jac-
ques VI monta sur le trône d'Angleterre (1603).^ Tout sem-
blait annoncer l'avènement d'une ère de paix intérieure.
Mais les Stuarts, mal conseillés par Laud, en imposant
l'usage de la liturgie anglicane aux protestants d'Ecosse,
s'ahènent l'affection de leurs sujets. Les presbytériens se
révoltent contre le parti des prélats. Ils s'engagent par le
Solemn leagiie and Covenant (1638) à exterminer leurs
adversaires et contribuent, avec les parlementaires d'Angle-
terre, à l'établissement de la répubhque et du protectorat
de Cromwell. Leur triomphe est le triomphe de leur Eghse.
Ils complètent son organisation en abolissant le droit que
s'arrogent les seigneurs de nommer les titulaires aux fonc-
tions pastorales. Renchérissant sur les doctrines de la con-
fession de foi de Knox, ils adoptent la confession plus rigide
ÉGLISE
de Westminster (1647). Mais à la restauration des Stuarts,
en 1660, l'épiscopat fut réintégré dans tous ses privilèges.
Pendant vingt-huit ans, sous les règnes de Charles II et de
Jacques II, les presbytériens furent persécutés sans merci.
Aussi accueillirent-ils avec enthousiasme la révolution qui
renversa ce dernier. Un des premiers actes du Parlement
qui appela Guillaume III d'Orange à monter sur le trône
d'Angleterre fut de ratifier l'établissement du presbytéria-
nisme en Ecosse (1690). Pour cette histoire, V. Ecosse.
Les attaques venant du dehors ne tardèrent pas à être
remplacées par des luttes incessantes entre les congrégations
et les seigneurs, au sujet du patronage. Tant que régna
Guillaume III, les églises n'eurent pas à soufi^rir de 1 m-
triision (c'est ainsi qu'on désignait la prétention des sei-
gneurs de nommer les titulaires aux chaires vacantes) et
s'administrèrent elles-mêmes. Mais, quand le traité d'union
entre l'Angleterre et l'Ecosse fut définitivement signé
(1707), le patronage qui était tombé en désuétude fut re-
mis en honneur. C'était un moyen pour la couronne de se
conciher les sympathies de la noblesse écossaise. Quelques
années plus tard, en 1712, quand le parti tory, représenté
par Haiiey et Bolingbroke, arriva au pouvoir, on se hâta
de confirmer les privilèges accordés aux seigneurs. L'Eglise
d'Ecosse se trouva dès lors divisée en deux camps : 1° les
mod^m^^5, partisans de la soumission à tout prix, quelque
peu indifférents sur les questions de doctrine, disposés à
faire de l'Eglise une institution de l'Etat; 2° les évangéy
tiques, presbytériens convaincus, conservateurs des tradi-
tions primitives, hostiles à Vintrusion sous toutes ses
formes. Telle était la situation intérieure de l'Eghse au
xviii® siècle. L'organisation presbytérienne était ouvertement
foulée aux pieds. Aussi, devant la violation de leurs droits,
vit-on de nombreux fidèles quitter l'Eghse à différentes
époques et fonder des congrégations nouvelles avec des
pasteurs de leur choix. La première en date de ces commu-
nautés dissidentes fut créée par Ebenezer Erskme, pasteur
de Stiriing (1733) et fut désignée sous le nom de Asso-
date Synod. Les séparatistes (seceders) , m^({ueh se joi-
gnirent trois autres pasteurs, Wilson, Moncrieff, Fisher,
attaquèrent l'Eglise au double point de vue doctrinal et dis-
ciplinaire. Leur exemple fut imité par d'autres. En 1761,
un groupe important de fidèles suivit le pasteur Thomas
Gillespie révoqué par l'assemblée générale pour avoir refusé
d'installer un titulaire imposé à une congrégation en vertu
du patronage. Ce parti forma le Presbytery of relief ou
Eglise de la déhvrance. Malgré la division de ïAssociate
Synod, en 1747, en burghers et antiburghers sur la
question de la prestation du serment en matière politique,
les deux puissantes communautés dissidentes fondées par
Erskine et Gillespie eurent, pendant de longues années,
une existence très prospère. Une foi commune et une situa-
tion semblable vis-à-vis de l'Eglise d'Ecosse devaient opérer
tôt ou tard entre elles un rapprochement. En 1847, elles
se constituèrent en un seul corps sous le nom de Sy7iod of
united original seceders ou Eglise presbytérienne unie.
Cependant, FEglise d'Ecosse continuait à subir le système
des intrusions. Les plaintes des congrégations devinrent de
jour en jour plus nombreuses et plus pressantes. L'assem-
blée générale des Eghses se vit forcée, en 1834, d'accorder
aux fidèles le droit de veto contre l'installation de tout
pasteur n'ayant pas leur confiance. Mais le conflit ayant été
porté devant les tribunaux, ceux-ci se déclarèrent contre
les congrégations en faveur des patrons. Cette décision pro-
voqua une indignation générale. Thomas Chalmers, prési-
dent de l'assemblée, se mit à la tête des mécontents. Il se
sépara de l'Eglise établie d'Ecosse avec quatre cent soixante-
dix pasteurs (18 mars 1843) et fonda VEglise libre. A partir
de ce moment, l'Eghse d'Ecosse ne comprend plus que la
minorité des habitants de ce pays.— Son union avec 1 Etat
lui a été fatale. En 1874, l'abolition du patronage a consacre
le triomphe du parti évangélique. Ainsi, dans cette longue
lutte entre les congrégations et les patrons, la victoire est
restée aux congrégations. G, de La Quesnerie.
ÉGLISE
— 636 -
BiBL. : John Knox, Histoire de la Réforme en Ecosse^
1572. — Marc Wilks , Précis de Vhistoire de l'Eglise
d'Ecosse, 1844. — W. Hanna, Memoirs of Chalmers by his
son-in-law^ 1849-1852. — Merle d'Aubigné, Trois Siècles
de lutte en Ecosse^ 1850.
ÉGLISE MÉTHODISTE. En 1729, deux jeunes théologiens
protestants d'Oxford, deux frères, John et Charles We'sley,
fondèrent, avec une trentaine d'étudiants, une société dont
le but était d'appliquer à la \ie quotidienne les préceptes
de l'Evangile. Leurs mœurs ascétiques et la régularité qu'ils
apportaient à l'accomplissement de nombreux exercices de
piété valurent à ces nouveaux réformateurs l'appellation
dédaigneuse de méthodistes. Cette société fut le point de
départ du réveil de la conscience religieuse en Angleterre
au xviii^ siècle. Elle recruta bientôt de fervents adhérents,
parmi lesquels George Whitefield (1732) se signala par son
zèle et un grand talent d'orateur. Avec John Wesley, le
véritable organisateur de l'œuvre, il entreprit de faire
pénétrer la lumière de l'Evangile dans toutes les classes
de la société, même les plus déshéritées. La parole ardente
de ces deux apôtres trouva un écho dans toute l'Angleterre
et au delà des mers, dans les colonies de l'Amérique. En
1735, Wesley partit pour la Géorgie et Whitefield l'y re-
joignit bientôt. Après quelques années, ils quittent cette
colonie, en y laissant les promesses d'une abondante récolte
spirituelle, et reviennent en Europe, Wesley en 1738 et
Whitefield en 1739. — Ce voyage fut pour le développe-
ment de Wesley d'une importance capitale. Membre de
l'Eglise anglicane, il en avait jusque-là accepté sans dis-
cussion les dogmes et la discipline. Mais les expériences de
l'apostolat, et sans doute aussi l'influence qu'eut sur lui la
notion mystique de la foi de quelques émigrants moraves
dont il fit la rencontre dans ses voyages, l'amenèrent à
attacher toujours plus de valeur à l'idée" de la régénération
intérieure, à la conscience de Dieu dans le cœur de l'homme.
Dès son retour, il se mit en rapport avec Bohler, le pasteur
de la communauté morave de Londres. Celui-ci le confirma
dans sa nouvelle manière de voir. Les circonstances sem-
blaient d'ailleurs favoriser un rapprochement entre les
méthodistes et les moraves. Au début de leur œuvre, Wesley
et Whitefield avaient, il est vrai, trouvé dans les membres
du clergé anglican des auxiliaires pleins de bonne volonté.
Mais, devant les succès toujours croissants de leur prédica-
tion, ces sentiments s'étaient peu à peu transformés en une
hostilité plus ou moins déguisée. Les ministres refusaient
quelquefois de leur prêter leurs églises. De là, la nécessité
pour Wesley et pour Whitefield "de se contenter d'abord
des salles de réunion des moraves et bientôt après (1739)
d'inaugurer à Kingswood, près de Bristol, et à Moorfield, près
de Londres, des prédications en plein air devant des foules
comprenant, d'après des témoins dignes de foi, jusqu'à
trente mille personnes. Malgré l'opposition de plus en plus
ouverte del'Eghse anghcane, Wesley ne rompit point avec
elle. L'alliance qu'il avait contractée avec les frères moraves
n'eut, au contraire, qu'une durée éphémère. Il se sépara
d'eux au bout d'une année. Homme d'action avant tout, le
(juiétisme mystique des disciples de Zinzendorff pouvait
former un élément de sa foi, mais ne pouvait être toute sa
foi. La doctrine exagérée du repos en Dieu fut son principal
grief contre les frères moraves, auxquels il reprochait aussi
leur antinomisme. C'est à ce moment critique (1739) que
Wesley entreprit de donner une organisation indépendante
aux sociétés locales d'où sortirent plus tard les églises mé-
thodistes. Mais à peine son plan recevait-il un commence-
ment d'exécution que l'union spirituelle qui avait jusque-là
existé entre lui et Whitefield cessait subitement. En 1741,
la question du péché et de la grâce divisa les méthodistes
en deux camps. Wesley adopta la solution large d'Armi-
nius, condamnée par le synode de Dordrecht en 1618 ;
Whitefield se fit le défenseur des doctrines calvinistes. Ce
schisme fit de Wesley le chef incontesté des méthodistes.
Mais ce titre, il le mérite surtout par le travail d'organi-
sation dont nous venons de parler.
Ce fut en 1743 que parurent, au nom des deux frères
John et Charles Wesley, les règles des sociétés unies.
Les fidèles sont considérés à la fois collectivement et indi-
viduellement. Leur ensemble forme la société. Celle-ci
est elle-même composée de classes comprenant des subdivi-
sions désignées sous le nom de circuits. A la tête des
classes sont des présidents laïcs, leaders ou assistants^
qui entretiennent le zèle des fidèles et dirigent le culte,
sauf l'administration des sacrements, la communion no-
tamment. Ces présidents ont des subordonnés ou helpers.
Dans ce cadre, on trouve encore des bands où entrent les
hommes et les femmes, séparés en mariés et célibataires.
Les membres de ces diverses catégories sont individuelle-
ment l'objet de visites à domicile et, quand les circonstances
l'exigent, de secours matériels. Chaque société a un conseil
de discipline formé par l'assemblée des leaders. En même
temps, Wesley institue un ordre de prédicateurs chargés
de visiter les sociétés et d'en fonder de nouvelles, sans
qu'ils aient le droit de rester plus de trois ans dans le
même poste. Ces prédicateurs remplissent les fonctions pas-
torales, à l'exclusion de l'administration des sacrements que
les frères Wesley se réservèrent dès le début dans toutes
les sociétés. Les fidèles pouvaient toutefois prendre la
communion des mains des pasteurs anglicans quand, pour
des raisons de distance ou toute autre cause, les frères
Wesley n'avaient pu se rendre à leur réunion. Mais, devant
le refus assez fréquent de l'autorité ecclésiastique d'admettre
les méthodistes à la table sainte de l'Eglise paroissiale,
Wesley se vit forcé d'investir ses pasteurs de tous les pou-
voirs sacerdotaux. A partir de ce moment, on peut parler
d'Eglises méthodistes, puisque les réunions primitives ont
rompu les derniers liens qui les rattachaient à l'Eglise
anglicane. Enfin, l'organisation du méthodisme se complète
par l'institution de conférences annuelles (1744). Ces
conférences sont composées de cent prédicateurs nommés
directement par Wesley (^/i(? légal hundred) pour discuter
les questions d'intérêt général. Tant que vécut Wesley, les
décisions de l'assemblée furent subordonnées à son appro-
bation personnelle. Mais à sa mort (1791), la conférence,
qui nomme elle-même ses membres quand des vides se pro-
duisent dans son sein, se trouva investie de l'autorité su-
prême sur toutes les sociétés. Elle délègue, dans certains
cas, ses pouvoirs à des comités locaux.
L'Amérique était trop loin pour que l'action spirituelle et
sacerdotale de Wesley s'y exerçât directement. Les fidèles
des colonies étaient par conséquent souvent exposés à ne
pouvoir prendre la communion, d'autant plus que l'Eglise
anglicane, en ces années où on luttait pour conquérir l'in-
dépendance politique, n'avait pas leurs sympathies. Wesley,
dans ces circonstances, ordonna un évêque, le docteur
Coke, auquel il confia l'autorité spirituelle sur les sociétés
wesléyennes du nouveau monde. C'est ce Coke, assisté
d'Asbury, qui fonda l'Eglise méthodiste épiscopale d'Amé-
rique (1784). Elle est actuellement très florissante. Les
détails de l'organisation intérieure de cette EgHse sont con-
formes à ceux que nous avons donnés plus haut. C'est en
Amérique que les Réveils religieux (Revivais)^ chers au
méthodisme, ont pris tout leur développement. La célébra-
tion des Love Feasts ou agapes fraternelles, renouvelée
des pratiques de l'Eghse primitive, aboutit à l'institution
des cafnp-meetings. Les fidèles, campés en grandes masses
dans un endroit retiré, forêt ou lande déserte, poursuivent
quelquefois pendant plusieurs jours leurs exercices religieux ,
sans aucune interruption. Le chant des cantiques et les
prières succèdent aux exhortations et aux appels à la
repentance. La confession publique des péchés, au milieu
des larmes des assistants, et les cris enthousiastes quand le
pécheur rentre en grâce sont des phénomènes fréquents dans
ces immenses assemblées. (Juoique les méthodistes en Amé-
rique soient restés, pour la plupart, fidèles aux institutions
épiscopales, on rencontre dans ce pays des méthodistes
congrégationalistes repoussant la centralisation ecclésias-
tique. — En Ecosse, l'Eglise méthodiste fut organisée,
en 1785, par Wesley. Pour les mêmes raisons que nous
637 -
EGLISE — EGLOMISÉ
avons exposées plus haut en parlant de l'Amérique, il fut
obligé de confier à ses prédicateurs l'administration des
sacrements. La même nécessité d'étendre les pouvoirs des
prédicateurs s'imposa ailleurs encore. Peu à peu, ce qui
était l'exception, du moins en Angleterre, est devenue la
règle partout. Les prédicateurs sont aujourd'hui de véri-
tables ministres remplissant toutes les fonctions sacerdo-
tales. — Au point de vue doctrinal, il convient d'ajouter
que la théologie wesléyenne est essentiellement évangélique.
Si elle insiste sur le péché originel, elle repousse les doc-
trines extrêmes de Calvin sur la prédestination et la
grâce. La justification par la foi, la rédemption générale
par l'expiation de Jésus-Christ, mort pour tous les hommes,
le témoignage du Saint-Esprit dans la conscience, consti-
tuent le fond de l'enseignement de Wesley. Il aimait à le
résumer en cette formule : A présent^ free and full sal-
vation (un salut immédiat, libre et complet). — Statis-
tique d'après le Wesley an Methodist Calendar pour 4891 :
Grande-Bretagne et missions, non compris le Canada :
Méthodistes wesléyens : 3,517 ministres, 760,098 mem-
bres ; Méthodistes de la Nouvelle Connexion : 202 ministres,
35,775 membres; Chrétiens de la Bible : 271 ministres,
32,335 membres; Méthodistes primitifs : 1,049 mi-
nistres, 193,658 membres ; Eglises méthodistes hbres
unies : 417 ministres, 85,461 membres; Méthodistes
indépendants : 335 ministres, 6,666 membres; Union
wesléyenne réformée : 19 ministres, 8,096 membres. Total
pour la Grande-Bretagne: 5,810 ministres, 1,122,089
membres. — Etats-Unis et missions : Eglises épiscopales :
27,938 ministres, 4,572,177 membres; Eglises non épis-
copales : 4,072 ministres, 201,264 membres. Total pour
les Etats-Unis: 32,010 ministres, 4,773,441 membres.
Canada: 1,588 ministres, 227,034 membres. — Total
pour toutes les branches du méthodisme : 39,408 ministres,
6,122,564 membres. Comme il a été dit au mot Baptisme,
les Eglises méthodistes étant des Eglises de professants,
il convient de quadrupler au moins le nombre des membres,
pour évaluer celui des adhérents : ce qui donnerait ici en-
viron 25,000,000. G. DE La Quesnerie.
BiBL. : Smith, Histoire du méthodisme ; Londres, 1857-
1862.— Bangs, Histoire du m,éthodisme américain; New-
York, 1839-1841. — Ch. DE RÉMUSAT, Wesley et le Métho-
disme, dans Revue des Deux Mondes, 15 janv. 1870. —
Math. Lelièvre, John Wesley: Paris, 1891.
ÉGLISES BAPTisTES (V. Baptisme).
ÉGLISE CONSTITUTIONNELLE (V. El AT, § Etat et Eglise,
et Election).
ÉGLISE (Petite) (V. Etat, § Etat et Eglise).
ÉGLISE GALLICANE (V. FrANCE ECCLÉSIASTIQUE Ct GALLI-
CANISME).
ÉGLISES PROTESTANTES (V. Eglise [Théologic], Eglise
ANGLICANE, Eglise d'Ecosse, Eglise luthérienne. Eglise
MÉTHODISTE, Baptisme ct PROTESTANTISME, § Organisation
des églises protestantes).
ÉGLISES RÉFORMÉES (V. Protestantisme, § Organisa-
tion des églises protestantes).
ÉGLISE presbytérienne (V. Protestantisme, § Orga-
nisation des églises protestantes, et Presbytéria-
nisme).
ÉGLISE catholique et apostolique (V. Irvingiens).
ÉGLISE-Aux-Bois (L'). Coin, du dép. de la Corrèze,
arr. de Tulle, cant. de Treignac; 522 hab.
Église-Neuve. Com. du dép. de la Dordogne, arr. de
Périgueux, cant. de Vergt; 310 hab.
ÉGLISE-Neuve-d'Entraigues. Com. du dép. du Puy-
de-Dôme, arr. d'Issoire, cant. de Besse; 2,493 hab.
Armurerie, fromages.
EGLISE-Neuve-des-Liards. Com. du dép. du Puy-de-
Dôme, arr. d'Issoire, cant. de Sauxillanges ; 562 hab.
Eglise du xii^ siècle, clocher du xiv^.
ÉGLISE-Neuve-d'Issag. Com. du dép. de la Dordogne,
arr. de Bergerac, cant. de Villamblard ; 362 hab.
ÉGLISE-Neuve-près-Billom. Com. du dép. du Puy-
de-Dôme, arr. de Clermont-Ferrand, cant. de Billom;
d,5d3 hab.
ÉGLISES-d'Argenteuil (Les). Com. du dép. de la
Charente-Inférieure, arr. et cant. de Saint- Jean-d'An-
gely; 757 hab.
EGLISIA (Malac). Genre de Mollusques Gastéropodes,
de l'ordre des Prosobranches-Pectinibranches, étabh par
J.-E. Grayen 1840 pour une coquille turriculée, dépourvue
d'ombihc, à tours nombreux, renflés, arrondis, striés
transversalement et séparés par une suture profonde ; ou-
verture arrondie, petite; bord interne aplati, épaissi, an-
guleux, mais non réfléchi en avant. Un opercule corné ;
spiral à tours de spire peu nombreux et à nucléus
presque central. Type : Eglisia spirata Sowerby. Les
Eglisies vivent dans l'océan Atlantique et dans l'océan Pa-
cifique ; on les trouve à une certaine profondeur sur les côtes
d'Europe, d'Afrique ; sur celles du Japon, etc. J. Mab.
EGLISOLLES. Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr.
d'Ambert, cant. de Viverols; 1,097 hab.
ÉGLISOTTES-et-Chalaure (Les). Com. du dép. de
la Gironde, arr. de Libourne, cant. de Contras, au pied
des collines de la Double, sur la Dronne, où tombe le Cha-
laure; 1,221 hab. Stat. du cliem. de fer d'Angoulême
à Bordeaux. Papeterie de Mont four at, sur la Dronne;
fabrique de toiles peintes; vins de Brande-Bergère ;
vignobles.
EGLOFF (Louise), femme poète suisse, née à Baden
(Argovie) en 1803, morte le 3 janv. 1834. Devenue
aveugle quelques semaines après sa naissance, ses parents
la placèrent à l'Institut des aveugles de Zurich. On a d'elle
un recueil de Poésies publiées en 1823 : d'un style élé-
gant et facile, d'une inspiration élevée, ce sont des poésies
intimes toutes de grâce et de charme.
EGLOFS. Village de Wurttemberg, cercle du Danube,
près de la frontière bavaroise. Château. C'est l'ancien siège
d'un comté (Megelolves, puis Meglof) vendu en 1243 à l'em-
pereur Frédéric IL Rodolphe de Habsbourg lui accorda l'im-
médiateté. Plus tard, Eglofs appartint aux comtes d'Avens-
berg-Traun, fut acheté par le prince Windischgrsetz en
1804, annexé au Wurttemberg en 1810.
ÉGLOGUE. Ce mot vient du grec exXoyrj. Il désignait
primitivement toute espèce d'extrait, de fragment littéraire.
11 fut employé ensuite pour nommer toute espèce de petit
poème. Ainsi Pline le Jeune, envoyant ses hendécassyllabes
à un ami (ép. IV, 14), lui dit: « Donne-leur le nom que
tu voudras, épigrammes, idylles, éclogues ou petits poèmes
(poematia). » Les satires et les épîtres d'Horace sont de
même appelées eclogœ par Suétone, dans la vie de ce poète,
et par Porphyrion (ép. I, 7, 1). Cicéron appelle Eclogarii
des extraits choisis d'un livre {Ad Att., XVI, 2), et Ausone
donne le titre d'Eclogarium à un recueil de poésies. Enfin
le mot ecloga désignait en particulier les petits poèmes
pastoraux de Virgile et de Calpurnius ; c'est par là qu'il est
devenu chez nous synonyme d'idylle (V. Bucoliques). A. W.
ÉGLOMISÉ. On appelle églomiser, revêtir une plaque
de verre de peintures et de dorures qui, par transpa-
rence, semblent être un émail (Darcel, Catalogue des
émaux du Louvre). Tel est, en effet, le sens attribué
de nos jours à cette expression par les rédacteurs de Cata-
logues, qui se sont empressés de l'appliquer à toute une série
de pièces de verre du xvi'^ siècle, décorées de peintures sur
fond doré à froid et généralement d'origine vénitienne.
Mais ce terme est loin d'avoir une origine aussi ancienne.
L'habileté de Glomy, peintre, restaurateur de tableaux,
estimateur ou simplement encadreur au xviii^ siècle, nous
ne savons lequel, lui donna naissance. Glomisé, qui devint
plus tard églomisé, se dit tout d'abord d'un dessin collé
en plein sur carte forte, grise ou bleutée, encadré de filets
noirs, tracés à l'encre de Chine, avec accompagnement
parfois d'un filet blanc et toujours d'un filet de papier doré
étroit (Montaiglon). Glomy dut prendre à ce moment pour
ÉGLOMISÉ - EGMONT
— 638 -
modèle une des montures de Mariette, qui encadrait ses
dessins d'une décoration toujours différente. Mariette avait
emprunté cette manière à Vasari, qui, lui, montait ses
dessins sur carton blanc et leur faisait de sa main un
entourage très décoratif. Plus tard, églomisé désigna cer-
tains petits fixés du xviii^ siècle, sortis probablement de
l'atelier de l'encadreur réputé; et c'est ainsi que, dans
l'argot des curieux du siècle passé, les modernes érudits,
sans se préoccuper de ses origines, ont découvert cette
expression qu'ils ont appliquée à des pièces d'une facture
toute différente et beaucoup plus ancienne que celles dési-
gnées dans le principe par le mot églomisé. F. de Mély.
' ÉGLY (L'). Rivière de France (V. Agly [L'J).
ÉGLY. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr. deCorbeil,
cant. d'Arpajon; 353 hab.
EGWIOND AAN Zee. Village des Pays-Bas, prov. de Hol-
lande, arr. et à l'O, d'Alkmaar, sur la mer du Nord;
4 ,^200 hab. Phare. Non loin de là s'élevait autrefois l'abbaye
des bénédictins et le château qui a donné le nom à la célèbre
famille des comtes d'Egmond. L'abbaye fut détruite en
4572 par les réformés, le château le fut par les Espagnols.
En 4799, combat entre les Russes et les Français.
EGMONT (Iles). Groupes d'Iles coralliaires de l'archipel
des Chagos (V. ce mot); cocotiers, huile de palme
(25,000 litres par an).
EGMONT (Mont) ou Pukehaupapa. Volcan éteint de la
Nouvelle-Irlande, au S.-O. de l'île du Nord, prov. de
Taranaki; il a 2,524 m. de haut et domine un cap riverain
du détroit de Cook.
EGMONT Bay. Baie et bourg du Canada, sur la côte
méridionale de l'île du Prince-Edouard (V. ce mot);
mouillage médiocre.
EGMONT ou EGMOND (D') (selon l'orthographe hol-
landaise). L'une des plus puissantes et des plus illustres
familles des Pays-Bas, qui tire son nom du château, bourg
et seigneurie d'Egmond (V. ci-dessus) dans la Nord-Hol-
lande. Elle est authentiquement connue depuis lexii® siècle.
Jean II d'Egmont (mort en 4452), surnommé « aux son-
nettes », grand guerrier, qui jouissait d'une autorité souve-
raine dans ses possessions, eut deux fils : Arnould et
Guillaume. L'aîné devint duc de Gueldre et comte de
Zutphen (4423) du chef de son aïeule maternelle, Jeanne
de Juliers, fille du duc de Juliers et de Marie, duchesse de
Gueldre. Il fut le père à' Adolphe et l'aïeul de Charles
(V. ci-dessous), qui ne laissa pas de postérité. La sœur
de celui-ci, Philippote, épousa René II, duc de Lorraine. —
Guillaume, l'auteur de la branche cadette, eut pour fils
aîné Jean lll, qui devint stathouder de Hollande en 4483
et obtint en 4486 l'érection de sa terre d'Egmont en comté.
L'un des fils de celui-ci, Jean IV, épousa Françoise de
Luxembourg, en faveur de laquelle le comté de Gavre fut
érigé en principauté en 4540. Leur second fils fut le célèbre
Lamoral (V. ci-dessous), dont la sœur Marguerite, épouse
de Nicolas de Lorraine-Vaudemont, fut la mère de Louise
de Lorraine, femme de Henri HI, roi de France. La descen-
dance mâle des comtes d'Egmont, princes de Gavre, s'étei-
gnit en la personne de Procope-François, mort en 4707,
et son nom et ses titres furent dévolus à son neveu, fils de
sa sœur et de Nicolas Pignatelli (V. ce nom), duc de Bi-
saccia. — La branche des comtes de Buren, formée au
xY® siècle par Frédéric d'Egmont, second fils de Guillaume
et père lui-même de Florent (V. ci-dessous), qui fut l'aïeul
maternel du comte de Bornes, décapité en 4568, était déjà
éteinte depuis 4548. G. P-i.
EGMONT (Charles d'), duc de Gueldre, né^à Gavre
le 9 nov. 4467, mort à Arnhem le 25 juin 4538. Fils
d'Adolphe d'Egmont qui avait dû céder la Gueldre à Charles
le Téméraire, il passa sa vie à tenter de reconquérir l'hé-
ritage paternel. Constamment soutenu parles rois de France,
il lutta successivement contre Phihppe le Beau et contre
Charles-()uint. En 4528, le traité de Gorcum lui rendit la
Gueldre, mais il dut reconnaître la suzeraineté de l'empe-
reur qui devenait son héritier à défaut de postérité légitime.
Mais, en 4537, d'Egmont notifia aux Etats de Gueldre son
intention d'assurer sa succession au roi de France et il
demanda que le serment de fidélité fût prêté immédiatement
à François P^ Ce fut le signal d'une guerre civile dans
laquelle Charles eut le dessous. La convention de Nimègue
déclara héritier de la Gueldre Guillaume de Clèves^ qui dut
bientôt se soumettre à Charles-Quint. E. H.
BiDL. : A. riEiXNE, Histoire durègne de Charles-Quint dans
les Pays-Bas; Bruxelles, 1858-1860, 10 vol. in-8. — I. Juste,
Charles-Quint et Marguerite d'Autriche; Bruxelles, 1858,
in-8.
EGMONT (Florent d'), comte de Buren, né en 4469, mort
à Buren le 14 oct. 4539. H fut appelé au conseil de Philippe
le Beau, créé chevalier de la Toison d'or en 4505 et envoyé
en Frise comme stathouder en 4545. H y réprima la révolte
fomentée par son parent Charles d'Egmont (V. ci-dessus) et
devint en 4522 capitaine général des bandes d'ordonnance.
Il fit, en cette qualité, la campagne de Picardie, prit Doullens
et Hesdin et s'avança jusqu'à onze lieues de Paris. E. H.
EGiVîONT (Maximilien d'), comte de Buren, fils du précé-
dent, né en 4 500, mort à Bruxelles le 22 déc. 4548. H prit
une part brillante aux guerres de Charles-Quint contre la
France et, en 4546, sauva Charles-Quint, pressé par les
luthériens d'Allemagne, en lui amenant à Ingolstadt un corps
de quinze mille hommes. H s'empara de Darmstadt et de
Francfort et reçut en récompense de sa valeur le collier de la
Toison d'or. La branche des comtes d'Egmont-Buren s'étei-
gnit avec lui. — Sa fille unique, An7ie d'Egmont, devint la
femme de Guillaume le Taciturne. E. H.
BiBL. : J. ScHELTEMA, IdL Néerlaude politique (en hol-
landais); Amsterdam, 1826, 6 vol. in-8. — A. Henné, His-
toire du règne de C harles - Quint dans les Pays-Bas;
Bruxelles, 1858-1860, 10 vol. in-8.
EGMONT (Lamoral, comte d'), prince de Gavre, fils
de Jean IV, né au château de La Hamaide (Hainaut)
le 48 nov. 4522, exécuté à Bruxelles le 5 juin 4568. Chef
d'une des plus riches familles des Pays-Bas, d'Egmont fit
ses premières armes en Afrique, sous les ordres de Charles-
Quint et se signala ensuite dans les guerres contre Fran-
çois I«^ Sa bravoure fut récompensée, dès 4546, par le
commandement d'une compagnie des bandes d'ordonnance
et par le collier de la Toison d'or. En 4554, il fut chargé
par l'empereur de négocier le mariage de l'infant Philippe
avec Marie Tudor. La guerre avec la France ayant recom-
mencé en 4557, le comte d'Egmont se couvrit de gloire à
Saint-Quentin et à Gravelines. Il fut alors nommé capitaine
général de la Flandre et membre du conseil d'Etat. Ce
conseil, chargé d'assister Marguerite de Parme dans le gou-
vernement des Pays-Bas, était composé de Granvelle,
Viglius et Berlaimont (V. ces noms), trois personnages
aveuglément soumis à Philippe H, et, d'autre part, de
d'Egmont et du prince d'Orange qui représentaient la no-
blesse belge et les aspirations nationales. Les trois pre-
miers formaient un comité secret ou consulte, investi par
le roi de l'autorité effective. Dès que d'Egmont eut deviné
l'existence de ce pouvoir occulte, il envoya sa démission à
Philippe H, ne voulant pas, disait-il, avoir à répondre de
ce qui se faisait sans lui. Le roi refusa cette démission et
promit qu'aucune affaire ne serait désormais traitée si ce
n'est de l'avis de tout le conseil. Bientôt de graves dissi-
dences se produisirent : le roi voulait lever en Flandre des
troupes pour aider Charles IX à combattre les huguenots;
le prince d'Orange et d'Egmont demandèrent que la ques-
tion fût soumise aux Etats généraux ; mais Granvelle et
Marguerite de Parme étaient d'accord pour refuser tout
recours à cette dangereuse expression de la volonté natio-
nale. Alors d'Egmont envoya au roi une requête dans
laquelle il attribuait le mécontentement du pays à Poutre-
cuidance du cardinal et à l'influence excessive qu'il exer-
çait sur la gouvernante ; il demandait donc son éloignement,
ajoutant qu'il se retirerait du service jusqu'au jour où une
politique plus sage et plus tolérante serait inaugurée parla
cour d'Espagne." On peut croire que Philippe s'était laissé
convaincre, car il donna à Granvelle l'ordre de quitter les
Pays-Bas. L'année suivante (4565), le comte se rendit à
— 639 —
EGMONT
Madrid pour faire un suprême appel à la sagesse du roi et
lui faire comprendre la nécessité d'accorder des concessions
et de se rendre à Bruxelles sans être accompagné d'Espa-
gnols. Philippe l'écouta d'un air bienveillant et lui promit
d'examiner avec maturité les plaintes de la nation. Aussi
d'Egmont rapporta-t-il de son voyage une grande confiance
dans les intentions royales; mais bientôt arrivèrent des
dépêches prescrivant d'exécuter les édits avec plus de
rigueur que jamais. La révolution ne devait pas tarder à
éclater. D'Egmont n'y prit aucune part et voulut môme
détourner ses amis de s'associer au Compromis des nobles.
'Il craignait que les Français ne profitassent delà situation
des esprits pour s'emparer des villes frontières. Il conseilla
à la gouvernante d'adopter des mesures de transaction ;
mais la duchesse, constatant que les excès des iconoclastes
avaient provoqué une réaction, maintint l'exécution des
placards et exigea de tous les officiers un nouveau serment
de fidélité. Le Taciturne forma alors une ligue pour em-
pêcher l'entrée des troupes espagnoles dans les Pays-Bas ;
si d'Egmont s'y était joint, il aurait pu, grâce à l'immense
popularité dont il jouissait, soulever le pays et arrêter les
excès de la vengeance royale, dont il devait être la première
victime; mais il s'y refusa obstinément. Au mois de
juil. 1567, le duc d'Albe arriva en Belgique. Deux mois
plus tard, d'Egmont était arrêté avec le comte de Hornes,
mis au secret dans la citadelle de Gand et, au mépris des
privilèges de la Toison d'or, traduit devant le conseil des
troubles. Il était accusé d'avoir favorisé les ennemis de la
religion catholique et médité le renversement du roi. Il
protesta de son innocence et démontra qu'il avait loyale-
ment accompli ses devoirs de vassal et de conseiller. Il n'en
fut pas moins condamné à mort et exécuté sur la grand'-
place de Bruxelles, en même temps que le comte de Hornes.
La ville de Bruxelles a élevé une statue aux deux nobles
victimes du despotisme étranger. E. H.
BiBL. : Les historiens du règne de Philippe IL — L Juste,
le Comte d'Egmont et le comte de Hornes, d'après des
documents authentiques et inédits; Bruxelles, 1862, in-8.
— De Bavay, Procès du comte d'Egmont et pièces justifi-
catives ; Bruxelles, 1853, in-8.
EGMONT (Phihppe d'), fds du précédent, né à Bruxelles
en 1558, tué à Ivry le 14 mars 1590. Après la mort de
son père, il devint colonel d'un régiment wallon et défendit
vaillamment Anvers en 1576 contrôles Espagnols mutinés.
Pendant le gouvernement de don Juan, il demeura fidèle à
la cause nationale, mais il accepta plus tard les propositions
de Farnèse et tenta même, mais sans succès, de reprendre
Bruxelles pour le compte du roi d'Espagne. Après cet acte
de trahison, il lutta ouvertement contre l'armée des Etats-
Généraux et fut fait prisonnier à Ninove en 1580. Après
cinq ans de captivité, il fut échangé et reçut de Philippe II
le collier de la Toison d'or et le poste de gouverneur de
l'Artois. En 1590, d'Egmont reçut l'ordre de se porter
avec un corps espagnol au secours de Mayenne ; il fut tué
en conduisant une charge de cavalerie à la bataille d'Ivry.
Il avait épousé la comtesse Marie de Hornes et n'eut
point de postérité. E. H.
Bibl. : Kervyn de Volkaersbeke et Diegerick, Docu-
ments historiques inédits concernant Vhistoire des troubles
aux Pays-Bas; Gand, 1850, in-8. — Gachard, Correspon-
dance d'Alexandre Farnèse avec Philippe II; Bruxelles,
ip-4, — A. Henné et A. Wauters, Histoire de la ville
de Bruxelles; Bruxelles, 1815, 3 vol. in-8.
EGMONT (JoostVan) ou JUSTUS Verus d'Egmont,
peintre hollandais-flamand, né à Leyde en 1602, mort à
Anvers le 8 janv. 1674. La biographie de ce maître, qui a
longtemps travaillé en France, présente plusieurs problèmes
dont la solution est douteuse encore. Il a été certainement
confondu avec des peintres qui portaient le même nom et
qui appartenaient sans doute à la même famille. Ne tenons
compte que des certitudes : parmi ces homonymes, le seul
qui importe à l'histoire, c'est Joost Van Egmontquià Paris
se faisait appeler Juste et dont Tallemant des Réaux et les
poètes du temps ont parlé plusieurs fois. Dès sa jeunesse,
il est fixé à Anvers. En 1615, il entre dans Fatelier de
Kaspar Van den Iloecke. Il obéit à la mode flamande : il
part pour l'Italie (1618). A son retour, Juste d'Egmont
se tourna du côté du soleil qui illuminait alors l'école; il
fréquenta chez Rubens, dont il devint le collaborateur dé-
voué. Ses relations avec le grand maître sont attestées par
un curieux document. Le 19 août 1628, Rubens veut dé-
livrer un certificat en faveur de Deodat del Mont qui a été
son camarade en Italie : la pièce doit être signée par un
témoin ; Rubens appelle l'élève qu'il a ce jour-là sous la
main, et cet élève est Juste d'Egmont, qui appose sa signa-
ture sur le certificat attendu. Quelque temps après. Juste
est à Paris ; il a rejoint le groupe de ses compatriotes, et
un document de 1633 nous apprend qu'il était alors « mar-
guillier » de la nation flamande. L'acte lui donne déjà le
titre de peintre du roi, et l'appelle Justin. Par deux fois,
en 1636 et en 1638, il est parrain à Saint-Sulpice, et il est
désigné sur les registres paroissiaux comme peintre de la
chambre. Juste d'Egmont peignait alors des portraits, et
c'est en quaUté de portraitiste que Tallemant des Réaux le
môle à diverses aventures. Ses œuvres étaient recherchées
dans le grand monde. En 1646, Scudéry l'introduit dans
son Cabinet et célèbre en vers d'une parfaite platitude
son portrait de la duchesse d'Aiguillon. Il avait connu Si-
mon Vouet et paraît avoir été associé à ses travaux. On
raconte, sans preuves, il est vrai, qu'il l'aida dans l'exé-
cution de ses modèles de tapisseries. Quoi qu'il en soit,
Juste prit part aux conférences préliminaires qui abou-
tirent en 1648 à la création de l'Académie royale de pein-
ture. Il fut au nombre des fondateurs, et son nom figure
parmi les douze membres qui prirent le titre d'anciens.
Il s'acquitta de tous ses devoirs envers la compagnie à qui
il donna le portrait de Gaston d'Orléans. En 1651, nous
le voyons signer le contrat de jonction qui devait rétablir
la paix entre la corporation des maîtres et l'Académie
royale. Comme portraitiste, il n'échappa point aux ennuis
auxquels sont exposés ses pareils. Les Archives de l'art
français ont publié des renseignements sur un procès
qu'il dut intenter en 1654 à une certaine M"^® Duverger,
dont il avait fait le portrait et qui refusait de le payer.
Mais, en cette même année 1654, on le revit à Anvers, et
l'on suppose que ce fut vers cette époque qu'il peignit le
portrait de la reine Christiiie représentée en Pallas, dont
Paul Pontius nous a conservé la gravure. On sait par une
date authentique inscrite au revers d'une de ses peintures
qu'en 1655 il était à Bruxelles. On doute qu'il soit re-
venu à Paris : il faut cependant le reconnaître dans le
« M. Juste le père » qui en 1673 prend part à l'exposition
académique où il montre les portraits de M. et de M^^ Fer-
seval et celui de M. Perse val leur fils.
Cette biographie de Juste d'Egmont paraissant provi-
soirement étabHe, car un document nouveau peut être dé-
couvert demain, nous ne savons trop quelle place doit être
donnée aux artistes du même nom dont l'existence nous
est révélée par des actes indiscutables. Les mots em-
ployés par l'iicadémie royale « M. Juste le père » démon-
trent qu'il a eu au moins un fils. Les notes relevées par
Jal dans les registres des paroisses mettent en scène un
Constant ou Constantin d'Egmont qui, en 1654, est par-
rain à Saint-Roch. Il se marie à Saint-Etienne-du-Mont
le 29 nov. 1656, et l'acte le dit natif d'Anvers et lui
donne le titre d'écuyer, mais Constantin d'Egmont était
peintre, car lors du baptême de ses filles jumelles, le
13 sept. 1667, il est quahfié de peintre ordinaire du roi
et de gentilhomme de sa chambre. D'autre part, la Revue
de Vart français mus raconte comment, en 1668, Cons-
tantin-Juste d'Egmont, poursuivi à la requête d'une créan-
cière de méchante humeur, fut enfermé à la Conciergerie
et relâché quelques jours après. Le 25 janv. 1672, il assista
à l'enterrement de son frère Théodore qui, lui aussi, était
peintre. Enfin, nous avons la date de son décès. Il mourut
le 29 janv. 1679. L'acte le désigne comme peintre ordi-
naire du roi et de M""* le duc d'Orléans. Il ne fut pas de
l'Académie.
EGMONT - EGNATIUS
— 640 -
Pour en revenir à Juste d'Egmont le père, le seul dont
la critique puisse s'occuper quant à présent, il a été véri-
tablement célèbre sous Louis XIII et pendant le commen-
cement du règne de Louis XIV. Les vers de Scudéry ne
sont pas significatifs, mais l'abbé Cotiu lui consacre dans
ses Œuvres galantes une phrase qui donne la note du
temps. « Qui a jamais cru, écrit-il, en voyant les tableaux
de Titien et du Corrège, un portrait de Juste et de Cham-
paigne, que ces miracles de la peinture ne fussent qu'un
pur effet du hasard ? » Ajoutons que la renommée de Juste
d'Egmont s'était répandue jusqu'en Italie. Dans le Micro-
cosmo délia pittura publié en 1657, Scannelli mentionne
avec éloge Giusto^pittore oltramontano, ne ritratti stra-
ordinario. Cette réputation durait encore au xvin« siècle :
« Personne, dit Mariette, n'estoit plus capable de bien
peindre une teste. J'en ai vu qui sont dignes de Van Dyck,
tant elles sont peintes avec fraîcheur. » Cette appréciation
est d'une importance capitale pour reconnaître et recons-
tituer l'œuvre de Juste d'Egmont. Elle prouve que l'artiste
avait conservé le caractère flamand et qu'il était resté
l'élève de Rubens. Ses peintures sont extrêmement rares.
On ne peut guère citer de lui que les portraits de Louis XI V
et de Maine-Thérèse du musée de La Haye, un grand ta-
* bleau (1663) chez le baron Borrekens à Anvers, et au
musée de Vienne deux portraits de Philippe IV et celui de
ï Rvchiàuc Léopold-Guillaume, cuirassé et appuyé sur
un lion, figure dont J.-A. Wauters signale le « grand air
et la belle tenue ». A ces œuvres, il faut ajouter deux por-
traits de femme conservés en Suède (collection Ohrman, à
Vingâker; collection de M""® Barkman, à Stockholm). Ce
dernier portrait, qui est encore sur sa toile vierge, porte
au revers l'inscription Jiistus Verus d'Egmont fc. A^.
i 65 5 ^Bruxelles, Il doit exister ailleurs d'autres peintures
de Juste, mais elles ont été débaptisées et les amateurs ne
les reconnaissent plus. En raison du moment historique
où il a vécu. Juste d'Egmont a dû faire des dessins aux
crayons de couleur comme son contemporain Daniel Du-
moustier. Nous ne connaissons pas ces dessins, mais nous
en soupçonnons l'existence et nous les cherchons. Notre
attention a été appelée sur ce point par l'abbé Cotin qui,
dans ses Œuvres galantes (1663), introduit un sixain
adressé à Juste et intitulé: Sur un crayon pour S.A.R.
La reconstitution de l'œuvre du maître exige évidemment
de nouvelles investigations : il faudra dans cette recherche
se souvenir que l'artiste appartient à l'école d'Anvers.
Etudions les Rubens suspects : il y a peut-être là de vé-
ritables Juste d'Egmont. Paul Mantz.
BiBL. : Jal, Dictionnaire de biographie, 1867. — Nou-
velles Archives de l'art français^ 1872. — Catalogue du
musée d'Anvers. — Granberg, Collections privées de la
Suède; Stockholm, 1886. — Revue de l'art français, 1890.
EGMONT (Sophie-Jeanne-Armande-Elisabeth-Septima-
nie DE ViGNEROT DU Plessis-Richelieu, comtesse d'), fille
du maréchal de Richelieu et d'Elisabeth-Sophie de Lor-
raine, de la branche des comtes d'Harcourt, princes de
Guise, née à Montpellier le 1^^ mars 1740, morte à Braisne
le 14 oct. 1773. Son enfance se passa à Montpellier,
résidence de son père, d'où, en 1747, elle passa sous l'au-
torité de sa tante. M™® de Richelieu, abbesse des béné-
dictines du Trésor, près de Vernon, et reçut d'elle une bril-
lante et solide éducation. La duchesse douairière d'Aiguillon
présida ensuite à l'éducation mondaine de M^^® de Richeheu,
qui, le 18 août 1750, fut pour la première fois présentée
à la cour, et habita tantôt l'hôtel d'Aiguillon , tantôt les
châteaux de Rueil et de Véretz. Le 10 févr. 1756, sans
avoir été consultée par son père, elle fut mariée à Casimir,
marquis de Pignatelli, duc de Bisaccia, comte d'Egmont, veuf
de Blanche de Saint- Séverin, et âgé alors de vingt-neuf ans.
Vers 1760, elle ouvrit, dans son hôtel de la rue Louis-le-
Grand, voisin de celui de Richelieu, et aussi chez le maré-
chal, un salon très choisi où l'on remarquait, parmi les
diplomates, le comte de Mercy, lord Stormont, le baron de
Gleichen, le comte de Creutz, le marquis de Castromonte,
le comte de Fuentès ; parmi les artistes et les littérateurs,
Roshn (qui fit son portrait), J. Vernet, Le Moyne (auteur
d'un buste d'elle), Chardin, Hall, Grétry, Monsigny, J.-J.
Rousseau, Rulhière surtout, qu'elle introduisit auprès du
duc de Choiseul, du baron de Breteuil qui l'emmena avec
lui en Russie. Hostile aux réformes du chancelier Maupeou,
elle se distingua alors, avec son amie la comtesse de
Brionne, par la vivacité de son opposition. Mise en rapport
de très bonne heure, par le comte de Creutz, avec Gus-
tave III, alors qu'il était encore prince royal, elle l'encou-
ragea et l'aida, pendant son voyage à Paris, en 1771,
dans ses démarches pour obtenir l'appui de la France
dans les projets qu'il méditait en Suède. Une affection très
vive, et qui paraît avoir été pure, naquit entre le prince
et la jeune comtesse. Nous lui devons une correspondance
qui a été en partie publiée par M. Geffroy et la comtesse
d'Armaillé. Peu sympathique aux encyclopédistes, elle avait
patronné Palissot et sa comédie des Philosophes (1760) qui
souleva tant d'orages. Atteinte de consomption, elle s'étei-
gnit au château de Braines, où elle passait ordinairement
ses étés. E. Asse.
BiBL. : Comtesse cI'Armaillé, la Comtesse d'Egmont;
Paris, 1890, in-12. — Geffroy, Gustave III et la cour de
France; Paris, 1867, 2 vol. in-12; et dans Notices et Ex-
traits sur les ms. des Biblioth. suédoises ; Paris, 1856, in-8,
pp. 456, 465.— Marmontel, Mém., édit. Tourneux ; Paris,
1891, II, 107. — C. Roussel, le Comte de Gisors ; Paris,
1868. — Rulhière, Œuvres. — Du môme. Anecdotes sur
Richelieu, éd. E. Asse; Paris, 1890, p. 62. — Bachaumont,
Mém., IV, 266 ; VII, 72; XIII, 61; XXIV, 304.
EGNACH. Bourg de Suisse, cant. de Thurgovie, sur le
lac de Constance. Vignobles renommés. Grand commerce
de poires, prunes, etc.
EGNATIUS. Nom d'une famille originaire du Samnium
(gens Egnatia) ; elle vivait d'abord à Teanum. Après la
guerre sociale , les membres de cette famille se transpor-
tèrent à Rome. Voici les plus connus d'entre eux :
Egnatius (Gellius), chef samnite, prit part à la guerre
des Samnites contre Rome, en 288 ; il réussit à soulever
les Etrusques contre les Romains ; mais, dans une première
rencontre, il fut battu par les consuls Appius Claudius et
Volumnius. Dans une nouvelle campagne (295) , il poussa
les Ombriens à faire défection et les Gaulois à entrer dans
la ligne samnite ; la Campanie fut dévastée, mais le consul
Volumnius parvint à chasser les rebelles de cette province.
Néanmoins Egnatius forma une nouvelle confédération, où
entrèrent les quatre peuples déjà cités. Une légion romaine
fut battue près de Clusium. Egnatius fut tué dans la bataille
de Sentinum.
Egnatius (Marins), chef samnite, fut, dans la guerre
suscitée contre les Romains par les Marses, un des généraux
les plus habiles de la confédération italienne (90 av. J.-C).
Il surprit Venafrum, place forte de la Campanie, et en
massacra la garnison romaine, grâce à la complicité des
habitants. Peu de temps après, il surprit le consul L. César
dans les défilés du mont Massique, et lui fit subir des pertes
sérieuses. Au passage du Vulturne, Egnatius battit l'arrière-
garde de l'armée romaine qui marchait sur Teanum. En
l'année 89, il força le préteur Cosconius à lever le siège de
Venouse, mais il fut lui-même vaincu et tué sur les bords de
l'Aufide. Sa défaite livra aux Romains presque toute l'Apulie.
Le préteur de Teanum, battu de verges, en 123, devant les
habitants de cette ville, était peut-être le père d'Egnatius.
Egnatius (Caius) vivait à Rome dans le premier siècle
avant notre ère. Il prit part à la vie politique, fut admis
dans le Sénat, mais les censeurs l'en expulsèrent, à cause
de la mauvaise réputation qui s'était attachée à sa personne.
Egnatius., fils du précédent, fut sénateur ainsi que son
père, et conserva son rang lorsque celui-ci eut été chassé
du Sénat. Son père le déshérita.
Egnatius^ peut-être le fils du précédent, fut un des lieu-
tenants de Crassus dans la guerre contre les Parthes. Il prit
part à la bataille où périt Crassus, en 53 av. J.-C, et par-
vint à échapper aux ennemis. Appien raconte que, pendant
les proscriptions de l'an 43, qui suivirent le second trium-
virat, deux Egnatius, le père et le fils, furent égorgés.
— 641 —
EGNATIUS — ÉGOUT
Egnatius, poète romain de la première partie du premier
siècle av. J.-G. Sa vie ne nous est pas connue. Macrobe cite
deux passages de cet écrivain, qui avait composé un poème
« sur la nature des choses ». G. Ganiayre.
EGNAZ10*(Giovanni-Battista Gipelli, dit), savant ita-
lien, né à Venise en 1473, mort le 4 juil. 1553. Disciple
d'Ange Politien et ami de Léon X, il professa les belles-
lettres à Venise, avec un certain éclat, même en un temps
où les érudits étaient si nombreux et si distingués; mais de
cette science il reste peu de chose, et ses ouvrages n'en
donnent qu'une faible idée ; ce sont : De Cœsaribus
libri m a didatore Cœsare ad Constantinum Palœo-
logum hinc a Carolo M. ad Maximiliammi Cœsarem
{Venise, iM 6); Racemationes, dansGruter, Lampassive
Fax artium liberalium, hoc est thésaurus criticus, etc.
(Francfort, 1602-1612, 6 vol. in-8, et Florence, 1737-
1747, 3 vol. in-fol.). Egnazio avait un caractère d'une
extrême violence, et, tout ecclésiastique qu'il était, il n'en
donna pas moins, un jour, au milieu d'une discussion, un
grand coup d'épée dans le ventre à un interlocuteur qui le
censurait trop vivement à son gré. R. G.
BiBL. : Fabricius, Bibliographia antiquaria sive Intro-
ductio in notitiam scriptorormn qui antiquitates hebraicas^
grœcas , romanas et christianas scriptis illustrariint ;
Hambourg, 1713, in-4. — David Clément, Bibliothèque
curieuse, historique et critique, des livres difficiles à trou-
ver ; Gôttingue, 1750-1760, 9 vol. in-4.
ÉGOBOLE (V. /Egobole).
ÉGOCÈRE (V. yEcocÈRE, Antilope).
ÉGOHINE (Hortic). Scie à lame étroite que l'on manie
d'une seule main et destinée à couper les grosses branches
des arbres fruitiers. Pour que le jeu en soit facile, il im-
porte que le bord denté soit plus épais que le bord opposé.
ÉGOISM E (Psychol. et morale). L'égoïsme est une habi-
tude de la volonté individuelle qui dans toutes ses démarches
ne se propose plus d'autre fin que ses propres intérêts.
L'égoïsme ne doit pas se confondre avec l'amour-propre.
L'amour-propre, très bien analysé par Jouffroy (Premiers
Mélanges), n'est autre chose que l'inclination naturelle
par laquelle l'homme est porté à s'aimer lui-même. En soi
une telle inclination n'a rien de blâmable, pourvu qu'elle
soit contenue dans de justes bornes. Chaque individu, en
effet, a sa raison d'existence, et il n'y a rien que de raison-
nable à ce que l'individu lui-même adhère à la raison qui
légitime son être. Mais l'amour-propre est subtil et envahis-
sant de sa nature. Larochefoucauld (Maximes) et la plu-
part des moralistes ont très bien montré comment il pous-
sait l'homme à sortir de la raison, à se voir en toutes choses
et à se chercher partout, c.-à-d. à devenir égoïste. Ainsi
l'amour-propre est la tendance naturelle dont l'égoïsme est
une exagération. L'amour-propre peut être contenu dans
des limites raisonnables ; l'égoïsme est toujours déraison-
nable et vicieux. Et comment pourrait-il en être autrement
puisque la raison consiste à agir conformément à la loi,
c.-à-d. selon des fins impersonnelles et universelles, et que
l'égoïste au contraire n'agit qu'en vue de ses fins person-
nelles et singulières ? — Il ne serait pas juste de confondre
l'égoïsme avec ce que quelques contemporains appellent
Végotisme (Maurice Barrés, Un Homme libre; Paris,
1889, in-18) et qui consiste dans la culture attentive des
diverses facultés du moi et dans la jouissance des senti-
ments raffinés qui résultent de cette culture. La première
partie ou la culture du moi, loin d'être égoïste, est au
contraire le résultat d'un noble souci de la perfection ;
mais la seconde partie, qui n'est qu'une sorte de dilettan-
tisme psychologique et moral, ne peut guère se défendre du
reproche d'égoïsme. G. Fonsegrive.
EGOPHONIE (Méd.). Laënnec a désigné sous ce nom
une modification de la voix thoracique caractérisée par un
chevrotement particulier qui rappelle le bêlement d'une
chèvre ou mieux le son produit quand on parle dans l'ori-
fice d'un mirliton. Le plus souvent, le chevrotement accom-
pagne la voix et se lie à l'articulation même des mots ; s'il
est associé à la bronchophonie, il constitue la broncho-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
égophonie, caractérisée par la voix de polichinelle ou par
un timbre qui rappelle la voix passant par un roseau fêlé
ou celle produite en parlant avec un jeton entre les dents
et les lèvres. Le siège d'élection de l'égophonie est au
niveau de l'angle inférieur de l'omoplate et dans une zone
de quelques travers de doigt en dedans et en dehors ; elle
est généralement limitée à un côté. Elle est la plus' fré-
quente dans la pleurésie aiguë avec épanchement et se
manifeste en général du troisième au cinquième jour ; si
l'épanchement prend de grandes proportions et dilate mani-
festement la poitiujie, l'égophonie disparaît. Elle se ren-
contre parfois aussi dans V hydrothorax double qui accom-
pagne l'anasarque et certaines affections cachectiques ; elle
est alors bilatérale et coïncide avec un souffle tubaire très
doux. La broncho-égophonie se remarque surtout dans
la pleur o-pneumonie. — D'après Laonnec, l'égophonie
vraie n'existe pas en l'absence d'épanchement liquide dans
la plèvre ; cette opinion, très controversée depuis, paraît
cependant la seule exacte. Les théories les plus disparates ont
été produites pour expliquer l'égophonie ; nous n'y insiste-
rons pas ; pour H. Barth l'égophonie est le résultat des vibra-
tions indépendantes d'une lame de poumon détendue en raison
de la diminution du vide pleural, mais cependant perméable
à l'air, et en contact avec une couche de liquide mobile qui
laisse à ces vibrations toute leur amplitude. D^ L. Hn.
EGOR, EGORII. Forme russe de Georgii, Georges. Il
désigne dans la poésie populaire saint Georges le Victorieux.
Il est le héros de nom breux poèmes et de nombreuses légendes
EGORIEVSK. Ville de Russie d'Europe, chef-lieu de
district du gouvernement de Riazan; 5,100 hab. Elle pos-
sède des fabriques importantes ; le district d'Egorievsk est
couvert en partie de lacs et de forêts ; il est très pauvre en
céréales.
EGORLYK ou JAGERLYK. Rivière de Russie, affluent
du Manych (rive droite). On distingue le grand et le petit
Egorlyk qui sépare le gouvernement de Stavropol du ter-
ritoire des Cosaques du Don.
EGOROV (Alexis-Egorovitch), peintre russe, né en 1776,
mort en 1851. Il fit son éducation artistique à Moscou et
en Italie. L'un de ses meilleurs tableaux est la Flagel-
lation du Sauveur.
ÉGOTiSME (V. Egoïsme).
ÉGOUT. I. Travaux publics. — On donne le nom
d'égout à tout conduit établi dans le sol et destiné à l'écoule-
ment des eaux nuisibles ou usées. Primitivement, leségouts
n'étaient autre chose que des rigoles en terre, de simples
fossés, qu'on a été amené peu à peu à revêtir de matériaux
résistants et à recouvrir d'une voûte : souvent de petits
cours d'eau ont été transformés ainsi par un usage constant
en véritables égoiits. Les égouts qu'on établit aujourd'hui
sont des conduits souterrains, fermés, en matériaux résis-
tants. Si la quantité d'eau à écouler est faible, on em-
ploiera le plus souvent de simples tuyaux en poterie ou
mieux en grès vernissé, parfois en béton de ciment
moulé, ou de petits conduits en maçonnerie à section cir-
culaire. S'il s'agit de volumes d'eau plus considérables, la
section augmente et il faut nécessairement recourir à la
maçonnerie de moellons ou de briques, mais en conser-
vant toujours les formes arrondies qui facilitent l'écoule-
ment, évitent les dépôts et proscrivent absolument les
liieds-droits verticaux et les radiers plats en usage autrefois
et dont on a reconnu les graves inconvénients: On s'attache
à éviter les angles rentrants, à obtenir des surfaces lisses
au moyen A' enduits, de jointoiements soignés, ou par
l'emploi de blocs de grès vernissé. Souvent, pour faciliter
la surveillance et le curage, on veut avoir des égouts visi-
tables : ce sont alors des sortes de galeries souterraines,
auxquelles la forme ovoïde convient particulièrement et
qui doivent recevoir une hauteur minima de i™80, afin
qu'un homme y puisse circuler debout. Ces galeries peu-
vent alors rendre bien des services accessoires ; c'est ainsi
qu'à Paris on y a placé les conduites d'eau, les fils télé-
graphiques et téléphoniques, les tubes pneumatiques de la
41
EGOUT
- 642 -
poste, les canalisations de distribution de la force mo-
trice, etc. Et, afin d'y faciliter à la fois l'écoulement des
eaux et la circulation des ouvriers, on est conduit à y dis-
poser, à côté d'une cunette (V. ce mot) formant lit mineur
pour les eaux ordinaires, une ou deux banquettes que
recouvrent ordinairement les eaux d'orage. Le plus souvent
les égouts reçoivent les eaux pluviales et les eaux ména-
gères. Depuis quelque temps, l'usage s'est introduit d'y
déverser aussi les eaux vannes et les matières de vidange,
en pratiquant ainsi le tout à F é goût. Certains ingénieurs
préconisent au contraire le dédoublement des égouts et
veulent qu'on établisse deux réseaux de conduits distincts,
l'un pour les vidanges et les eaux ménagères, l'autre
pour les eaux de pluie seules : c'est le separate System.
Dans une ville, les égouts forment un ensemble auquel
on donne le nom de réseau. Ils aboutissent à des con-
duits principaux, de plus grande dimension, qui consti-
tuent les collecteurs. Ces collecteurs, qui réunissent toutes
les eaux amenées par leurs affluents, conduisent ensuite ces
eaux vers les points choisis comme débouchés^ soit sur
la rive d'un fleuve ou d'un lac, soit dans un port
ou sur le rivage de la mer, soit en tête d'un système de
rigoles d'irrigation, soit même dans le puisard d'une usine
élévatoire où les eaux sont pompées pour être refoulées à
distance. Ils sont, le plus souvent, munis de déversoirs
par oii s'échappent, en certains points du parcours, les
eaux pluviales surabondantes, lors des averses exception-
nelles. Les égouts comportent de nombreux ouvrages acces-
soires, parmi lesquels il convient de citer : les bouches, qui
reçoivent les eaux de la rue, les orifices de diverse forme,
munis ou non de grilles, par où s'y déversent les eaux des
cours, etc. ; les branchements, qui relient ces bouches,
ces orifices, ainsi que les tuyaux de chute des maisons au
corps de l'égout ; les regards ou cheminées de descente
ou d'inspection, généralement fermés par des plaques mo-
biles en fonte et munis d'échelles fixes en fer ; les siphons
ou intercepteurs hydrauliques, placés au pied des tuyaux de
chute et qui ont le double objet d'arrêter les corps sohdes
jetés dans ces tuyaux et d'empêcher le reflux des gaz
d'égout dans l'intérieur des habitations ; les paniers à
sable ou à ordures placés sous les bouches et qui retiennent
les corps soHdes qu'on y projette ou qui sont entraînés par
les eaux, etc., etc.
Le curage des égouts est tantôt automatique, tantôt
pratiqué de main d'homme. Le premier cas se rencontre
dans les réseaux de conduits de petite section, qui coulent
souvent à gueule bée et où les eaux se mettant en pression
produisent des chasses de temps à autre ; on en améliore
le fonctionnement en disposant des appareils spéciaux qui
y déterminent périodiquement des chasses, aUmentées soit
par les eaux sales elles-mêmes, soit par des eaux propres
empruntées à la distribution. Le second mode est le seul
applicable aux galeries de grande dimension et à faible
pente ; il comporte l'emploi d'outils appropriés, balais,
rabots en bois, etc., et il est grandement facilité par des
retenues d'eau réalisées au moyen de barrages mobiles
ou par des chasses périodiques, comme dans le cas précé-
dent. Dans les très grands égouts, on est amené à employer
des engins spéciaux, comme le ivagon-vanne et le bateau-
vanne dans les collecteurs de Paris, qui circulent sous la
poussée de l'eau et chassent devant eux les sables amon-
celés sur le radier. Il est à recommander d'assurer une
parfaite ventilation des égouts : c'est le moyen d'y em-
pêcher la fermentation putride des matières organiques et
le développement des odeurs fétides, d'y permettre la res-
piration des personnes obligées d'y séjourner. Cette venti-
lation se produit naturellement le plus souvent par les
bouches de la rue, les tuyaux de chute des maisons ou par
des cheminées et des prises d'air spéciales. Quelquefois
aussi on a eu recours à des moyens artificiels, tels que
foyers aspiratoires, ventilateurs mécaniques, etc., mais ces
procédés ne se sont pas généralisés.
Les eaux d'égout sont, en général, opaques, d'un gris
sale. Par le repos, les matières solides s'en séparent et
forment un dépôt au-dessus duquel reste un liquide, de
couleur blonde le plus souvent, très chargé encore d'impu-
retés de toute nature et qui contient notamment beaucoup
de produits azotés. La composition des eaux d'égout ^^i
nécessairement variable d'une localité à l'autre, suivant les
quantités d'eau distribuées, la nature des industries, etc.
Elles sont moins chargées au moment des grandes pluies
qu'en temps sec, dans les villes où les matières fécales ne
sont pas reçues à l'égout que dans celles où cette pratique
est admise, mais toujours elles contiennent en proportion
notable des substances azotées, de l'acide phosphorique, de
la chaux, des alcalis, du sable, de la terre, des détritus
animaux et végétaux, etc. « Elites constituent, a dit M. de
Freycinef, la plus puissante et la plus générale de toutes
les causes de souillure », car « elles réunissent dans leur
sein toutes les impuretés que l'activité humaine peut enfan-
ter, depuis les rebuts de la fabrique jusqu'à ceux de l'habi-
tation. » Il est évident que de pareilles eaux, lorsqu'elles
sont exposées à la fermentation, deviennent bien vite un
danger pour la salubrité, et l'on conçoit qu'une des grandes
préoccupations de l'hygiène urbaine soit de les éloigner au
plus vite de tout centre d'agglomération. On les conduit
d'ordinaire aux nappes superficielles les plus voisines. Les
petites rivières qui reçoivent ces apports en quantité un
peu considérable sont iiientôt absolument contaminées : on
sait dans quel état les eaux d'égout ont mis la Bièvre à
Paris, la Senne à Bruxelles, la Vesle à Reims, l'Espierre
à Roubaix, l'Irwell à Manchester, etc. ; l'eau des fleuves
elle-même est gravement altérée de la sorte, ainsi qu'on
l'a constaté pour la Tamise à Londres, la Seine à Paris, la
Sprée à Berlin ; plus d'un port maritime est infecté par les
eaux d'égout, et l'envoi à la mer n'aboutit le plus souvent
qu'à la contamination progressive du littoral.
D'autre part, en raison précisément de la grande quan-
tité des matières organiques qu'elles renferment, les eaux
d'égout sont un engrais précieux : si les substances ferti-
lisantes y sont très diluées, par contre la diffusion peut
en être obtenue aisément et régulièrement par voie d'zm-
gation. Aussi, dans tous les temps et dans tous les pays,
ont-elles reçu, quand les circonstances locales s'y prêtaient,
une utilisation agricole : sans remonter à l'antique Jéru-
salem, il convient de citer la huerta de Valence, les mar-
cites de Milan, les prairies de Craigentinny près d'Edim-
bourg, comme des exemples célèbres de l'emploi agricole
des eaux d'égout. Depuis que les hygiénistes ont préconisé
l'irrigation agricole comme un précieux moyen d'épura-
tion des eaux d'égout, des applications remarquables de
ce procédé ont été faites par diverses villes anglaises, puis
en France à GenneviUiers près de Paris, à Reims, à Mon-
télimar, en Allemagne à Berlin, Breslau, Danzig, etc.,
tandis qu'ailleurs on tentait, mais sans obtenir le même
succès, de réaliser l'opération par des procédés chimiques
multiples et variés. Parfois on a combiné les deux systèmes,
et en Angleterre, notamment, on fait souvent subir aux
eaux d'égout une préparation spéciale avant l'épandage
sur les champs : tantôt c'est une décantation qui les débar-
rasse des matières solides inertes, tantôt on y additionne
des substances chimiques qui ont pour objet de précipiter
les éléments inutiles pour la culture. G. Bechmann.
II. Agriculture. — Emploi des eaux d'égout. — L'uti-
lisation des eaux d'égout constitue une question de la plus
haute importance, au double point de vue de l'hygiène pu-
bhque et de la fertilisation des terres, ou plutôt de la mise
en valeur des principes utiles que ces eaux renferment. Si
la solution de cette question n'est pas encore absolument
résolue au point de vue pratique, on peut néanmoins affir-
mer, suivant la juste remarque de M. Romain, que le prin-
cipe de cette solution est assez nettement posé, pour qu'il
n'y ait plus qu'à se préoccuper des moyens matériels de la
réalisation, et l'on peut espérer voir bientôt les cités do-
tées d'une installation avantageuse à tous les points de
vue. Il n'est pas besoin d'insister beaucoup pour établir
— 643 —
ÉGOUT
l'importance de cette grande opération : débarrasser les
centres peuplés des masses d'eau plus ou moins chargées
d'impuretés qui se ramassent à la surface du sol, et qui
atteignent jusqu'à 600 et 700,000 m. c. par jour à Lon-
dres par exemple, et 400,000 à Paris. Cet enlèvement doit
être aussi prompt que possible, et c'est à cela que servent
les égouts. Mais que faire ensuite de cette masse d'impu-
retés? L'envoyer dans une rivière voisine qui la conduira
à la mer semblerait au premier abord la solution la plus
simple. L'infection de la Seine, de la Tamise sont des
faits trop connus de tous pour qu'il soit besoin de réfuter
cette solution. Substituer à cette rivière une canalisation
spéciale, close, ayant la même destination? Ici intervien-
nent des questions de dépenses telles qu'on ne peut les
omettre. Ainsi de Paris à la mer, outre les difficultés pro-
venant de la faiblesse de pente, on évalue la dépense à
100 millions de francs. Et encore, comme le fait remar-
quer M. Durand-Claye, qui peut nous garantir de ne pas
rencontrer au débouché de ce canal les mêmes inconvé-
nients qu'au débouché des collecteurs dans les rivières,
inconvénients accrus encore par la différence entre le mou-
vement continu d'une rivière et celui intermittent par le
flux et le reflux de la mer. En outre, cette évacuation des
eaux d'égout vers la mer laisse perdre tous les principes
fertilisants qu'elles renferment et dont l'agriculture , quoi
qu'on en ait dit, peut tirer un si utile profit. Voyons donc
tout d'abord la composition de ces eaux et examinons si
celles-ci valent la peine qu'on les utilise.
Composition chimique des eaux d'égout. — Cette com-
position, on le comprend sans peine, est très variable ;
néanmoins toujours elle montre des matines minérales et
surtout des matières organiques ; en première ligne nous
y voyons figurer l'azote, qui s'y trouve surtout sous forme
organique et ammoniacale ; en outre, il y a de l'acide phos-
phorique et de la potasse. La moyenne de dix-huit années
d'observations, sur les produits du collecteur de Clichy,
conduit à admettre comme composition moyenne par m. c, :
Matières organiques j ^ ^^^^ S'.Sl \ O'^^^
Acide phosphorique 0,017 \
Potasse 0,081 /
Chaux 0,331 1,733
Résidu insoluble dans les acides 0,704 \
Produits divers 0,630 /
2,548
Les analyses faites par MM. Hervé-Mangon et Léon Du-
rand-Claye assignent aux eaux de Tégout de Saint-Denis
une composition un peu différente :
Matières organiques
l',%18
1,943
Azote . 0,140
Autres matières. 1,378
Acide phosphorique 0,040
Potasse 0,089
Soude 0,214
Matières minérales diverses 1,600 )
"M6Î
Dans les eaux d'égout de Londres, Vœlcker a trouvé :
Matières organiques 0,428, contenant :
Ammoniaque 0,099
Matières minérales 0,856, contenant :
Acide phosphorique ... 0,014
Potasse 0,043
Matières inertes 0,799
1,284
D'après M. A. Muller, la composition des eaux d'égout
serait :
. , . kg
Azote organique 0,010
— ammoniacal 0,090
Potasse 0,040
Acide phosphorique 0,040
Magnésie 0,017
Carbonate de chaux 0,150
0,347
Comme on le voit, les résultats trouvés sont très dissem-
blables et la teneur en principes fertilisants est en général
assez faible, mais il convient de faire remarquer que ces
chiffres s'appliquent à un mètre cube; aussi, pour se faire
une idée exacte de la valeur des eaux d'égout, faut-il com-
biner les chiffres résultant des analyses avec ceux prove-
nant des jaugeages ; en ce qui concerne les eaux d'égout de
Paris, le grand nombre des uns et des autres permet, à ce
point de vue, une précision indiscutable. On obtient alors
pour les deux collecteurs de Chchy et de Saint-Denis, les
résultats contenus dans le tableau ci-dessous.
Rien qu'en ce qui concerne l'azote : 6,996,000 kilogr.
Ce n'est pas une quantité négligeable, loin de là, car en ne
l'évaluant qu'au prix de 1 fr. le kilogr. qui est un mini-
COLLECTEURS
De Clichy (par mètre cube)
De Saint-Denis (par mètre cube)
De Clichy (débit par an : 116.000.000 m. c.)
De Saint-Denis (débit par an : 16.000.000 m. c.)
Total général
MATIERES ORGANIQUES
Azote
0?041
0.140
4.756.000
2.240.000
6.996.000
kff
0:815
1.518
94.540.000
24.288.000
118.8
1.000
Acide
phosphorique
MATIERES MINERALES
Potasse
0^017
0.040
1.972.000
640.000
2.612.000
0!031
0.089
3.596.000
1.424.000
5.020.000
Matières
totales
ï^733
1.943
201.028.000
31.088.000
232.116.000
mum, on a de ce fait pour les égouts de Paris une valeur
de 6,996,000 fr. On voit donc, et c'est là que nous vou-
lions en venir, l'importance capitale qu'il y a de détourner
les eaux d'égout des rivières qu'elles infectent et d'utiliser
les matières qu'elles charrient au profit de l'agriculture.
Comme dit Victor Hugo : « Une grande ville est le plus
puissant des stercoraires... Il n'est aucun guano compa-
rable en fertilité aux détritus d'une capitale. ^ Employer la
ville à fumer la plaine, ce serait une réussite certaine...
Si notre or est fumier, en revanche notre fumier est or.
Que fait-on de cet or-fumier? On le balaye à l'abîme. A
cette négligence, deux résultats : la terre appauvrie et l'air
empesté. La faim sortant du sillon et la maladie sortant
du fleuve. »
Altérabilité des eaux d'égout. — Les eaux d'égout,
chargées de matières si diverses, sont éminemment alté-
rables et putrescibles ; c'est par millions que les bactéries
s'y comptent au centimètre cube. On peut admettre que :
4° la quantité d'azote organique croît brusquement en aval
des débouchés des collecteurs et va ensuite en diminuant
graduellement par suite des combustions de la matière
organique ; 2° l'oxygène dissous dans Peau suit une marche
inverse ; il diminue brusquement en aval des collecteurs et
revient peu à peu à son niveau normal quand l'action des
EGOUT
— 644 —
ferments commence à se ralentir, ainsi qu'il résulte des
recherches de M. Duclaux. Les produits de désagrégation
de la matière organique varient suivant que le milieu est
oxygéné ou dépourvu d'oxygène. Si l'oxygène fait défaut,
les microbes anaérobies se développent et produisent des
réductions qui donnent naissance à une véritable putréfac-
tion. Il y a production d'ammoniaque et de sulfures, et le
fleuve et les environs sont infestés. Si l'eau est aérée, il se
produit une véritable combustion ; les matières azotées se
nitrifient, les matières carbonées disparaissent, les eaux
s'épurent. Mais, en présence de la grande altérabilité de ces
résidus et de la mauvaise odeur qu'ils répandent, on a dû
chercher des procédés pour épurer les eaux d'égout. Les
systèmes proposés sont excessivement nombreux ; mais ils
se rattachent tous à trois types bien distincts : 1" épuration
par filtrage et décantation, moyens mécaniques ; 2« épuration
chimique, précipitation; S'^ épuration parle sol, irrigation.
4« Epuration par filtrage et décantation. Ce sys-
tème, employé en Angleterre dans un grand nombre de
villes, est loin de donner les résultats qu'on est en droit
d'exiger : il consiste à amener les eaux dans des bassins,
de telle sorte que la vitesse du courant ne dépasse pas 7 à
Smillim. par seconde. Les matières les plus lourdes, dit
à ce sujet M. F. Bertrand, se déposent au fond des bassins
d'où elles doivent être extraites, puis égouttées ; les ma-
tières les plus légères sont en partie retenues par un filtre
grossier que les eaux sont obligées de traverser. On obtient
ainsi un engrais d'une faible valeur et dont la vente est
excessivement difficile ; et de plus, l'épuration est telle-
ment incomplète que l'infection des rivières n'est que re-
tardée. Enfin les fosses de décantation sont souvent elles-
mêmes un foyer d'émanations malsaines. Ce procédé a été
appliqué à Birmingham où un bassin de 410 m. de long
sur 30 m. de large et2"^10 de profondeur, divisé en trois
compartiments, recevait chaque jour 55,000 m. c. d'eau
d'égout provenant de 250,000 hab. Des filtres établis
sur le passage du liquide ont dû être abandonnés. Le dé-
pôt solide, qui atteignait 60 tonnes par jour, était offert
gratuitement aux cultivateurs. Le résultat, désastreux au
point de vue économique, n'est guère meilleur au point de
vue hygiénique. Des procédés très voisins ont été appliqués
à Plymouth, à Blackburn, à Rugby, etc. ; dans ces deux
dernières villes on a dû y renoncer. A Ashby-de-la-Zouch,
les résultats sont un peu moins mauvais, mais la perte
moyenne annuelle est encore de 200 fr., et cela pour une
ville de 4,000 hab.
2° Epuration chimique. Les procédés chimiques sont
également très nombreux; ils consistent dans l'emploi de
substances ou réactifs, dont l'action est de coaguler les
matières en suspension et les matières dissoutes et d'en
faciliter ainsi le dépôt. Ordinairement, on ajoute en même
temps que le réactif chimique une matière poreuse telle
que du charbon ou de l'argile, etc., destinée à compléter
son action. Les principaux agents qu'on a proposés ou em-
ployés sont : la chaux, le sulfate d'alumine, le perchlorure
de fer, etc. La chaux a été employée en Angleterre, no-
tamment à Tohenham; on a dû y renoncer. A Leicester,
ville de 70,000 hab., on a aussi obtenu un engrais assez
actif, mais d'un prix trop élevé; deux ans après on y re-
nonçait. A Coventry, à Cheltenham et même à Londres on
a fait des essais du même genre; partout l'opération est
mauvaise au point de vue économique ; d'ailleurs, le pro-
cédé est imparfait, car avec la chaux l'eau est chaulée
mais non épurée. En étudiant à ce point de vue les eaux
de Reims, M. Hervé-Mangon a trouvé que la chaux diminue
au plus la masse des impuretés de 52 «/o ; en outre, ces
eaux entrent facilement en fermentation. Le chlorure de
chaux proposé par M. Letheby a donné les mêmes résul-
tats. Le sulfate d'alumine, essayé à Londres en 1852, en
mélange avec le sulfate de zinc et le charbon, n'a pas
donné de résultats meilleurs. Le sulfate d'alumine, essayé
à Paris dès 1866, a un peu mieux réussi; néanmoins la
purification était encore très incomplète, car après l'opé-
ration l'eau renfermait encore 0*^021 d'azote, 0^240 de
matières organiques et 0^^724 de matières minérales par
mètre cube. Le perchlorure de fer, essayé en Angleterre
vers 1860 par Hoffmann et Franckland, n'a pas mieux
réussi; les eaux ainsi épurées fermentaient au bout d'une
huitaine de jours.
Voici l'analyse de produits obtenus par ces actions chi-
miques; elles sont dues au D"^ Vœlcker : le n« 1 provient
de la précipitation faite avec la chaux et le perchlorure de
fer ; le n** 2 est un précipité obtenu avec le sulfate d'alu-
mine ; enfin le n° 3 a été obtenu en traitant les eaux
d'égout par de l'alun, du sang et de l'argile:
N" 1 N" 2 N" 3
Eau 60.83 47.36 57.20
Azote..; 0.41 0.69 0.31
Acide phosphorique. 0.30 0.80 0.35
Potasse... 0.30 0.20 0.39
Carbonate de chaux. 8.18 7.30 5.60
En résumé, aucun procédé chimique ne parvient à épurer
les eaux d'égout; ils les clarifient tout au plus. Aussi sont-ils
complètement abandonnés aujourd'hui, au triple point de
vue du résultat final, des difficultés pratiques et de la va-
leur minime des produits obtenus.
3» Epuration par le sol. Emploi agricole des eaux
d'égout. Nous arrivons ici aux procédés les plus pratiques
à tous les points de vue. Dans ce système, on a eu re-
cours, lors des expériences, à l'action du sol naturelle-
ment ou artificiellement perméable, combinée avec la végé-
tation pour obtenir un double résultat : 1° la purification
absolue de ces eaux qui, prises à la sortie des égouts, sont
employées à irriguer convenablement des emplacements
particuliers, pour ressortir de ce filtre naturel complète-
ment débarrassées de toutes leurs impuretés, et plus pro-
pres à la consommation que les eaux de la plupart des ri-
vières ordinaires ; 2^ l'utilisation de toutes les matières
retenues pour déterminer la fertilité d'un sol pauvre,
impropre auparavant à la culture et devenu désormais un
jardin maraîcher de premier ordre. Voici d'après M. Ro-
main, ingénieur des mines, le principe de ce système :
les eaux versées sur un terrain perméable se filtrent com-
plètement dans leur passage à travers les couches superfi-
cielles, les matières organiques se divisent dans les cou-
ches du sous-sol, et là, sous l'influence de l'oxygène et
des multitudes de microgermes, se nitrifient. Ces faits re-
marquables ont été établis par MM. Schlœsing et Mùntz.
Ils ont montré expérimentalement qu'un gramme d'eau
d'égout à l'état naturel renferme 20,000 microgermes,
1 gr. d'eau de Seine pris à Bercy 1,400, àClichy 3,200,
1 gr. d'eau de la Vanne 62, alors que les eaux d'égout à
leur sortie des drains de Gennevilhers où elles sont aussi
épurées n'en contiennent plus que 12. L'eau de Gennevil-
liers est donc plus pure que la plus belle eau potable de la
Vanne qu'on boit à Paris. Ces résultats si considérables
obtenus par la persévérance des ingénieurs, tant en France
qu'en Angleterre et en Allemagne, n'ont cependant pas été
acquis sans une lutte pénible contre les préjugés. Et pour-
tant il n'y a qu'à voir ce qu'on a obtenu à Gennevilhers ;
aussi Berlin, Danzig, Breslau, Bruxelles et plus de cent
trente villes anglaises appliquent aujourd'hui ce système.
Emploi des eaux d'égout à Gennevilliers. — Les eaux
prises dans le collecteur d'Asnières sont aspirées au dé-
bouché de cet égout par deux puissantes machines qui les
refoulent par des conduites fermées passant sur le pont de
Chchy et gagnant la presqu'île ; celles du collecteur de
Saint-Ouen y descendent par la seule action de la pesan-
teur. Toutes ces eaux sont ensuite dirigées sur les divers
points de la plaine par des conduites fermées en maçonnerie,
munies de bouches d'arrosage, lesquelles versent l'eau
dans des rigoles secondaires à ciel ouvert, qui suivent les
chemins à un niveau un peu supérieur à celui des terres
cultivées. Ces bouches d'arrosage sont au sommet d'un
tuyau formant ventouse avec déversoir limitant la pression
— 6i5 —
EGOUT
dans les conduites en maçonnerie en cas d'excès de débit
ou de charge. Le tuyau-ventouse porte un flotteur avec un
petit drapeau indiquant de loin aux ouvriers chargés du ser-
vice des irrigations les variations de charge, et par suite
le débit, pour les guider. On fait ensuite circuler ces eaux
dans des rigoles séparées les unes des autres par des ados
plus ou moins larges, sur lesquels on cultive les végétaux.
Le travail des ados et des rigoles peut être fait à la char-
rue, ce qui le simplifie considérablement. A GenneviUiers,
l'usage de l'eau est libre; aucun propriétaire n'est obligé
d'en prendre ; chacun peut en consommer autant qu'il lui
plaît et l'appliquer à la culture qu'il juge convenable. La
nature de la culture est assez variable. Voici, sinon une
règle absolue, au moins un usage assez suivi à Gennevil-
hers. Le chou est la plante qui réussit le mieux et cela
plusieurs années de suite; cette plante n'en fournit pas
moins par an un million de tètes pesant 5 kilogr. en
moyenne chacun ; les carottes, les céleris, les artichauts
s'adjoignent à la culture du chou. L'eau est distribuée sur
un même emplacement, d'une façon intermittente, tous les
trois ou quatre jours, à raison de 50,000 m. c. environ
par an et par hectare ; il résulte de ce mode d'emploi que
les terres sont humectées sans être détrempées. Une com-
mission s'est spécialement occupée de l'influence de l'emploi
de ces eaux sur la culture. Elle a conclu : 4° à l'abon-
dance des produits obtenus par ce procédé ; le rendement
comparé s'élève du simple au triple et même au quintuple ;
2° la culture des arbres fruitiers et des pépinières offrent
des résultats de même nature ; 3^ l'industrie horticole pré-
sente un succès complet, notamment en ce qui concerne les
feuilles et les tiges ; 4<* la qualité des produits égale celle
de la culture ordinaire et lui devient même supérieure ;
5° l'emploi des eaux d'égout a rendu possible la mise en
culture de terres absolument improductives autrefois ; il a
élevé le rendement et par suite la valeur de ces terres au
niveau de celui des terres restées jusqu'ici le centre de la
production de même nature.
Ces documents laissent prévoir que l'emploi des eaux
d'égout dans la presqu'île de GenneviUiers a dû être
accueilli avec empressement par les cultivateurs, et prendre
tous les jours une plus grande extension : les chiffres qui
suivent, relevé officiel des terrains irrigués, en sont la
preuve : en 1870, on a irrigué 21 hect. avec 640,000 m. c.
d'eau ; en 1872, 51 hect. avec 4,765,000 m. c. d'eau; en
4874, 445 hect. avec 7,078,000 m. c. d'eau; en 4876,
295 hect. avec 40,660,000 m. c. d'eau; en 4878,
379 hect. avec 4 4 ,756,000m. c. d'eau ; en 4880, 422 hect.
avec 45,000,000 m. c. d'eau; en 4884, 500 hect. avec
49,000,000 m. c. d'eau.
La valeur des terrains a augmenté en proportion. Ainsi
la valeur locative de ces terres sablonneuses qui était,
avant les irrigations, de 90 à 450 fr. l'hectare, s'élève au-
jourd'hui à 450 et 500 fr. dans le périmètre arrosé. La
valeur foncière est de 40,000 à 42,000 fr. l'hectare. Il
convient de faire remarquer que la porosité du sol de
GenneviUiers n'a pas subi de modifications depuis que les
irrigations à l'eau d'égout y ont été pratiquées. En com-
parant des échantUlons de terres irriguées depuis sept ans
et d'autres non irriguées, M. Schlœsing a trouvé les ré-
sultats suivants, pour 400 kilogr. de terre :
Surface du sol
A 0'n50 de profondeur.
A 1 m. de profondeur.
TERRAIN LIMONEUX
IRRIGUE
Carbone Azote
kg
2.20
0.83
0.61
kg
0.23
0.11
0.10
NON IRRIGUÉ
Carbone Azote
kg
1.90
0.57
kg
0.19
0.07
0.06
Surface du sol
A O^'ôO de profondeur.,
A l'nôO de profondeur. ,
TERRAIN GRAVELEUX
Carbone
1.63
0.32
0.04
Azote
kg
0.150
0.035
0.006
NON IRRIGUÉ
Carbone Azote
kg
1.250
O.ir.O
0.022
kg
0.100
0.027
0.004
Comme on peut le voir par ces chiffres, l'apport des
eaux d'égout a enrichi le sol en principes carbonés et azo-
tés, et cet enrichissement doit être attribué en majeure
partie aux matières tenues en suspension. A Berhn, l'uti-
lisation des eaux d'égout se fait de la même manière; la
municipalité a acheté deux domaines présentant une super-
ficie totale de 1,506 hect. Les terrains y sont consacrés à
la culture courante et au patinage.
Système du « tout à l'égout ». — Ce système, qui a sou-
levé beaucoup de controverses, consiste en ceci : y a-t-il
avantage, dans les grandes villes comme Paris, à déverser
dans les égouts les déjections humaines à mesure de leur
production, supprimant ainsi les fosses et leurs inconvé-
nients? Ce système du « tout à l'égout » est vivement com-
battu au point de vue de l'hygiène même des villes, par
des hommes autorisés qui signalent les dangers suivants :
i^ infection de l'air à la suite des dégagements de gaz fé-
tides, tels que l'hydrogène sulfuré et l'ammoniaque, se ré-
pandant par les bouches d'égout ouvertes sur les voies
publiques, dégagements d'autant plus à redouter, font
remarquer MM. Mûntz et A.-C. Girard, que les égouts
ayant moins de pente laissent déposer et s'accumuler des
vases et des boues, et que le niveau des eaux, subissant
des alternatives de hausse et de baisse, laisse à découvert
sur les parois des matières fermentescibles ; 2° infiltration
des eaux dans le sous-sol, par suite de la non-étanchéité ou
de l'usure des parois de l'égout. Ce système ne saurait
donc être appliqué que si les égouts sont placés dans des
conditions parfaites d'imperméabilité et d'obturation, si
leur pente est suffisante, si le déversement d'eau est assez
considérable pour diluer les matières fécales, et le lavage
des égouts fréquemment répété, enfin, si les eaux chargées
d'excréments peuvent être répandues sur de grandes surfaces
capables de les épurer. Les eaux d'égout sont déjà assez
malsaines et assez nauséabondes pour qu'il n'y ait aucun
besoin de les surcharger encore de matières fécales. D'ail-
leurs, ces dernières, dans toutes les villes bien administrées,
peuvent être avantageusement recueillies et transportées au
loin sans que l'hygiène publique en souffre. C'est pour-
quoi le système du « tout à l'égout » n'est pas recom-
mandable ; il coûterait très cher, beaucoup trop cher même
en proportion des services,' bien problématiques d'ailleurs,
qu'il rendrait. " Albert Larbalétrier.
III. Droit civiL — Egout des toits. — Cette expres-
sion désigne soit les eaux pluviales recueillies par le toit
d'un bâtiment, soit les conduites qui les amènent de ce toit
jusqu'au sol, soit, mais plus rarement, l'emplacement même
sur lequel elles tombent. D'après l'art. 681 du C. civ.,
« tout propriétaire doit établir ses toits de manière que les
eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie
publique ; il ne peut les faire verser sur le fonds de son
voisin ». Cette prescription de l'art. 681 est une conséquence
du principe posé par l'art. 640 d'après lequel les fonds
inférieurs ne sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés
qu'à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans
que la main de l'homme y ait contribué, et d'après lequel
aussi le propriétaire inférieur ne peut rien faire qui aggrave
la servitude du fonds inférieur. — Le seul moyen pour le
propriétaire de se conformer à l'art. 681 consiste à élever
son bâtiment non pas à la limite exacte de sa propriété,
mais en retrait de quelque distance, de façon que l'eau tom-
bant naturellement du toit tombe encore sur son terrain :
ÉGOUT - ÉGRENAGE
— 646 —
il est donc d'usage de laisser une bande de terre entre
le parement extérieur du mur et Théritage contigu : la lar-
geur de cette bande de terrain n'est fixée par aucun texte,
mais on a l'habitude de la porter au double de l'avance-
ment du toit ou à 3 pieds, c.-à-d. 1 m. — Remarquons
que le propriétaire du bâtiment ne saurait faire avancer
son toit sur l'héritage voisin, sauf à en conduire les eaux,
par un tuyau coudé, sur son propre terrain, car d'après
l'art. 552 le propriétaire du fonds voisin, étant proprié-
taire du « dessus et du dessous » est en droit de s'oppo-
ser à ce qu'une construction quelconque s'avance au-dessus
de son terrain, un pareil agencement constituant pour lui
une servitude. Notons encore que, d'après la jurisprudence
la plus récente, l'art. 681 précité n'établit pas au profit
du propriétaire du toit une prescription légale de propriété
de la partie du terrain que couvre la saillie de son toit et
sur laquelle se déversent les eaux pluviales. Il n'établit
qu'une simple présomption abandonnée à l'appréciation des
juges et qui peut être combattue par des preuves ou pré-
somptions contraires. En résumé, la disposition de l'art. 681
s'oppose simplement à ce que les eaux pluviales tombent
directement du haut du toit sur le fonds du voism : le pro-
priétaire doit les recevoir sur son terrain, mais il n'est pas
tenu à davantage, et, à partir du moment où elles ont tou-
ché terre, il a le droit de les laisser couler naturellement,
suivant la pente du terrain, et, si cette pente les conduit
chez le voisin, celui-ci doit les recevoir, par application de
l'art. 640, sans pouvoir les repousser.
Ù' ailleurs, le propriétaire d'un bâtiment peut acquérir le
droit de laisser tomber directement l'eau du haut de son
toit sur le fonds du voisin : il jouit dans ce cas de la ser-
vitude d'égout ou stillicide. Cette servitude se manifestant
soit par l'avancement du toit, soit par des tuyaux^ ou gar-
gouilles, et s'exerçant indépendamment du fait de l'homme,
est une servitude continue et apparente (V. art. 688) et
peut s'acquérir par prescription ou par destination du
père de famille ou par convention : elle ne doit pas, quel
que soit son mode d'acquisition, être aggravée par le pro-
priétaire du fonds dominant. Disons enfin, en terminant,
que si l'art. 681 permet au propriétaire de déverser les
eaux pluviales sur la voie publique, ce n'est qu'à la condition
de se conformer aux règlements de police et de voirie, et
notamment à ceux qui exigent que les eaux soient amenées
jusqu'au sol par des conduites et ne tombent pas du haut
du toit par des gargouilles, au préjudice des passants et
de la voie publique elle-même. F. Girodon.
BiBL. : Agriculture. — J.-A. Barral et Sagnier, Dic-
tionnaire d'aqriculture ; Paris, 1890, t. H. — O. J-ami,
incUonnaire^de Vindustrie; Paris, 1884, t. IV. -Enquête
de la commission d'assainissement de Pans, publiée par
la Préfecture de la Seine. — Mûntz et A. Girard, les
Enqrais ; Paris, 1888, t. I. — Duclaux, Chimie biologique;
Paris, 1882.
ÉGOUTIER. Les égoutiers de la ville de Paris sont au
nombre d'environ 850. Ils se divisent en 130 chefs can-
tonnier s-égoutiers, 400 cantonniers-égoutiers, 200 auxi-
liaires et 120 stagiaires. Les cantonniers-égoutiers ont un
salaire de 130 à 138 fr. par mois, les auxiliaires 4 fr. 80
par jour et les stagiaires 4 fr. pour dix heures de travail.
La Ville leur fournit des bottes hautes et solides qui sont
renouvelées tous les six mois. Au bout de six mois de ser-
vice, les bottes rentrent aux magasins généraux de la Ville,
qui les vend à la criée à peu près 120 à 125 fr. le cent.
Les tiges servent à faire des chaussures de luxe; les pieds
deviennent des galoches fabriquées surtout à Méru. Les
égoutiers sont répartis en brigades volantes qui sont diri-
gées selon les besoins du service.
É6RAIN0IRE (Archéol.). Petites cages dans lesquelles
les oiseliers étaient tenus de garder les oiseaux de sexe
différent qu'ils mettaient en vente. Les mâles chanteurs
devaient être placés dans des cages hautes et les femelles
dans des cages basses dites égrainoires, afin d'empêcher la
vente abusive des femelles, en les donnant pour des mâles
dont le prix était plus élevé.
ÉGRAPPAGE (Vitic). Opération vinicole qui consiste à
séparer les grains de raisin de la rafle, dans des propor-
tions déterminées ou complètement suivant la nature des
vins et les conditions de la maturité des fruits. Elle a pour
but de corriger certains défauts et d'augmenter la finesse
des vins (V. Vinification). P- V.
ÈGRE (L'). Rivière de France (V. Aigre [L']).
ÉGREFIN ou ÉGLEFIN (ïchtyoL). Nom vulgaire d'une
espèce de Morue (Gadus), le Gadiis œglefinus (V. Morue).
ÉGREMONT (Baron et comte d') (V. Wyndham).
ÉGRENAGE. -L Agriculture. — L'égrenage consiste à
séparer les graines des plantes cultivées des enveloppes qui
les recouvrent. Néanmoins, cette expression est plutôt réser-
vée maintenant à l'action de séparer les grains de maïs de
la partie centrale de l'épi ou rafle, à laquelle ils sont adhé-
rents. Pour les autres céréales, la séparation du grain se
fait par le dépicage et le battage (V. ces mots) . Dans le Midi,
on emploie plusieurs systèmes d'égrenoirs à mais. Un des plus
répandus consiste en deux disques en fonte, dont la surface
est couverte de petites aspérités; les épis sont engagés
dans une sorte de goulotte en fer dont la partie inférieure
est fortement pressée contre le disque par un ressort
d'acier que l'on règle à volonté au moyen d'une vis. L'épi
se trouve donc comprimé sur le disque, et en même temps,
par leur mouvement de rotation, les aspérités détachent les
grains de maïs qui tombent avec les rafles sur un plan
inchné et de là dans un tarare, où ils subissent un premier
nettoyage. Un arbre avec manivelle et deux volants donne
Egrenoir de maïs.
le mouvement au plateau par l'intermédiaire d'un pignon.
Dans les égrenoirs de graines fourragères, le batteur
affecte la forme d'un tronc de cône muni de battes en
fer lisses ou cannetons. Le batteur est renfermé dans un
contre-batteur de même forme en tôle perforée; l'écarte-
ment peut être réglé au moyen d'une vis qui rapproche
plus ou moins du contre-batteur l'extrémité étroite du bat-
teur. Les graines de trèfle et de luzerne sont séparées des
bourres par le passage entre le batteur et le contre-batteur ;
elles tombent à l'autre extrémité de l'appareil ainsi que
les bourres sur un crible et de là s'engagent dans un ven-
tilateur qui achève le nettoyage. A. Larbalétrier.
IL Filature. — Opération par laquelle on sépare
les fibres du coton des graines auxquelles elles sont plus
ou moins adhérentes suivant les variétés des cotonniers qui
les ont produites. Cette opération se fait mécaniquement
sur les lieux de production; l'appareil le plus simple, et
qui ménage le mieux les fibres, se compose simplement de
deux rouleaux en bois de 3 à 5 centim. de diamètre et envi-
ron 35 centim. de longueur, appuyés l'un sur l'autre et
que l'ouvrier fait tourner au moyen d'une manivelle en
même temps qu'il leur présente le coton ; il a été trans-
formé en une véritable machine par la maison Platt par
— 647 —
ÉGRENAGE - EGUILAZ
l'adjonction d'une table sur laquelle on répand le coton,
de cylindres à dents et de fourches transporteuses facilitant
le travail et permettant d'obtenir environ 75 à 80 kilogr.
de coton égrené par jour. En Egypte et plusieurs autres
pays, on fait usage d'égreneuses à lames de scie [saw-gin)
composées d'une trémie dans laquelle on jette le coton et
où pénètrent, entre les barreaux d'une grille, des sortes de
lames de scies circulaires disposées les unes à côté des
autres sur un tambour; les dents dont ces lames sont
armées arrachent et entraînent les fibres tandis que les
graines sont retenues par la grille. Une machine armée
d'environ quatre-vingt-dix lames peut fournir environ
800 kilogr. de fibres par jour. Différents autres types
d'égreneuses, notamment celui de Mac Carthy, sont encore
d'un usage plus ou moins fréquent.
EGRESSY (Gabriel), acteur hongrois, né à Laszlofalu
en 1807, mort à Pest le 30 juil. 1866. Après diverses aven-
tures, il devint, en 1837, l'étoile du nouveau théâtre national
en langue magyare. Un séjour à Vienne, un autre séjour
qu'il fit à Paris en 1843 le perfectionnèrent dans son art.
Il joua un rôle politique pendant la guerre de 1849 et
fut obligé de s'enfuir en Turquie, puis il reparut sur
les planches et ne les quitta plus. Il excellait également
dans la comédie et la tragédie, notamment dans les rôles
de Shakespeare. Il écrivit en langue hongroise des études
shakespeariennes et un Manuel de l'art dramatique
(1866). — Son fils, Akusius Egressy, l'a continué sur la
scène. — Son frère. Benjamin Egressy, né en 1813,
mort le 19 juil. 1851, a aussi été acteur; mais la vraie
gloire qu'il a conquise en sa courte existence est celle du
musicien populaire. Ses mélodies , d'un rythme essentiel-
lement national, sont répandues aujourd'hui dans toute
l'Europe.
ÉGREVILLE. Com.dudép. de Seine-et-Marne, arr.de
Fontainebleau, cant. de Lorrez-le-Bocage ; 1,738 hab.
Stat. des chem. de fer départementaux (ligne de Montereau
à Souppes). Château du xvi® siècle.
EGRILIA (Gens). Famille romaine, connue surtout par
des inscriptions d'Ostie. Elle compta parmi ses membres :
i. Egrilius Plarianus, consul suffect sous les Flaviens;
Q. Egrilius Plarianus, légat propréteur d'Afrique sous
les Antonins. G. L.-G.
ÉGRILLON (Pêche). Pour empêcher les poissons de
s'échapper d'un étang, tout en permettant à l'eau de passer,
on place à la décharge une sorte de grille formée de pieux
fichés et liés ensemble.
E6 RI PO. Nom moderne àeChalcis (Y, cemotetEuBÉE).
ECRIS on EGHRIS. Plaine d'Algérie, dép. d'Oran, au
S. de Mascara, à une ait. moyenne de 500 m.; elle est
particulièrement fertile en céréales et en vignes. Les Fran-
çais, surtout des habitants de Mascara, y ont, depuis une
trentaine d'années, établi de grandes fermes très prospères.
Les villages européens, créés dans cette plaine qui appar-
tenait jadis aux Hachem, la puissante tribu d'Abd-el-
Kader, sont : Palikao, Maoussa, Froha, Thiersuille,
Tizi, Cacher ou, E. Cat.
ÉG RISÉE. L'égrisée est de la poudre de diamant obte-
nue en usant l'un contre l'autre deux diamants bruts co-
lorés ou tachés, rendus impropres à la taille et appelés dia-
mants de nature. Ces diamants sont solidement enchâssés
dans des manches en bois et frottés pointe contre pointe
à la main ou à la machine. La poudre qui résulte de cette
opération vaut environ 60,000 fr. le kilogr. et est soi-
gneusement recueillie dans une petite boîte appelée égri-
soir, placée sous les mains de l'ouvrier. L'égrisée vient
plus spécialement d'Amsterdam où depuis longtemps s'est
concentrée l'industrie de la taille du diamant. On l'em-
ploie surtout pour tailler et polir les pierres précieuses
très dures, diamant, rubis, saphir, grenat, etc.
ÉGRISELLES-LE-BocAGE. Com. du dép. de l'Yonne,
arr. et cant. de Sens; 1,182 hab.
ÉGRUGEOIRE (Archéol.). Petit mortier de bois dans
lequel on égruge le sel de cuisine au moyen d'un pilon
rond. On appelait aussi égrugeoire une râpe sur laquelle
on frottait des substances culinaires.
ÉGRY. Com. du dép. du Loiret, arr. de Pithiviers, cant.
de Beaune-la-Rolande ; 579 hab. ^
EGUAL (Maria), marquise de Castelfort, née le 6janv.
1698, morte le 23 avr. 1735. Mariée au marquis de
Castelfort, elle vécut à Valence. Elle est célèbre par son
savoir et son talent pour la poésie. Son salon était très
fréquenté par les gens de lettres, et c'est chez elle que fut
représentée la comédie de Salazar y Terres, Tambien se
ama en et abismo^ pour laquelle elle fit une Loa, On di-
sait que de son vivant elle avait une pleine malle de poé-
sies, mais que par scrupule religieux pendant une maladie
elle les brûla. Cependant ses amis en recueillirent un cer-
tain nombre en 3 vol. que possédait son neveu, en 1749. On
ne sait trop ce qu'ils soht devenus. Alberto de La Barrera
attribue à Maria Egual deux comédies également inédites :
Los Prodigios de Thesalia et Triunfos de amor en et
aire^ cette dernière avec musique. E. Cat.
ÉGUENIGUE. Com. du territoire de Belfort, cant. de
Fontaine; 210 hab.
EGUIA (Francisco-Ramon de), général et homme d'Etat
espagnol, né à Durango (Navarre) en 1750, mort à Ma-
drid en 1827. Il se distingua dans la guerre de l'Indépen-
dance et commanda sous Elio une division de l'armée de
Valence. En mai 1814, il marcha sur Madrid pour exécuter
le décret qui abolissait la constitution de 1812 et fut nommé
pour cela capitaine général de la Nouvelle-Castille ; peu
après, il devint ministre de la guerre dans le cabinet pré-
sidé par le duc de San Carlos et fut un des plus violents
royalistes. Remplacé au ministère par Ballesteros, il alla
comme capitaine général dans la province de Grenade et
remplit les prisons de constitutionnels. Le triomphe de
ceux-ci, en 1820, le força de fuir en Franxîe où il s'occupa
de recruter des partisans pour V armée de la foi, et d'où
il dirigea la guerre civile en Navarre ; en moins de deux
années, il dépensa, dit-on, 22 millions, et quand l'armée de
Moncey entra en Espagne pour rétablir le pouvoir absolu, il
mit à sa disposition des bandes nombreuses qui formaient
presque une armée. Il redevint aussitôt capitaine général de
la Nouvelle-Castille (1823) ; mais son rôle pohtique jusqu'à
sa mort fut assez effacé. E. Cat.
EGUiARA Y Eguren (Juan-José), théologien, prédica-
teur et bibliographe hispano-mexicain, né à Mexico en
1706, mort le 29 janv. 1763. Il fut professeur de théo-
logie et chancelier de l'université de cette ville, qualifica-
teur du saint-office, chapelain en chef des capucines.
Appelé au siège épiscopal du Yucatan (1751), il le refusa
pour continuer ses travaux littéraires. Il publia cinq pané-
gyriques (1729-1757), deux oraisons funèbres (1755-
1760), trois conférences théologiques (1725, 1729, 1747);
Dissertationes Mexicanœ ad scholasticam spectantes
theologiam (1745, in-fol.) et laissa en manuscrit la ma-
tière de deux autres volumes, ainsi que vingt tomes de
sermons, deux d'opuscules latins sur les belles-lettres, etc.
Mais son ouvrage le plus précieux pour nous est une
Bibliotheca Mexicana sive eruditorum historia viro-
rum, rangée par ordre de prénoms (Mexico, 1755, 1. 1,
A-C, in-4). La continuation jusqu'à la lettre J est inédite,
mais Beristain en a tiré parti. Son oraison funèbre en latin
a été écrite par P.-R. Arizpe (Mexico, 1763, in-4). B-s.
EGUILAZ (Luis), poète dramatique espagnol, né à San
Lucar de Barrameda (Andalousie) vers 1833, mort à
Madrid en 1876. Venu à Madrid en 1852, il ne cessa de
fournir à la scène des drames et des comédies, et il fut, à
cet égard, l'un des auteurs les plus féconds. Les person-
nages de ces drames sont tous empruntés à l'histoire
nationale ; la conception en est vigoureuse, mais la struc-
ture en est trop, uniforme et le lyrisme y déborde telle-
ment que la versification, peu flexible du poète, a de la
peine à obéir à sa pensée. Les meilleurs de ses drames sont :
Las Querellas del Rey Sabio, Lope de Rueda, La Vida
EGUILAZ ~ EGYPTE
— 648 -
de Juan Soldado, El Patriarca del Turia. Il est de
beaucoup supérieur dans la comédie, où l'action est plus
naturelle, les caractères mieux tracés, la forme plus sobre
et plus correcte. On doit citer à cet égard ses Los Sol-
dados de plomo et surtout La Cruz del matrimonio,
qui est son chef-d'œuvre et fut inséré comme tel dans la
Bibliothèque espagnole de Brockhaus (Leipzig, 1868).
Sa dernière pièce, El Salto del Pasiego, a été publiée
après sa mort (Madrid, 1878). G. Pawlowski.
BiBL. : G. Calvo-Asensio, El Teatro hispano-lusitano
en el siglo xix; Madrid, 1875, in-8.
É6UILLE (L'). Corn, du dép. de la Charente-Inférieure,
arr.de Marennes, cant. de Royan, sur la Seudre; 748 hab.
Syndicat maritime ; bureau de douanes ; ruines d'un châ-
teau féodal ; église romane.
É6U1LLES. Com. du dép. des Bouches-du-Rhône, arr. et
cant. (S.) d'Aix, dans la chaîne d'<£guilles, détachée de la
chaîne Sainte-Victoire, au S. de la vallée de la Touloubre;
946 hab. Amandes, huiles et plâtres. Ancien château du
marquis de Boyer d'Eguilles, protégé de Bachaumont et
compagnon de Charles-Edouard en Ecosse.
ÉGUILLES (A.-J.-B. de Boyer d') (V. Argens [Mar-
quis d']).
ÉGUILLEY. Com. du dép. de la Haute-Saône, arr. de
Vesoul, cant. de Rioz ; 75 hab.
É6UILLY. Com. du dép. de l'Aube, arr. de Bar-sur-
Seine, cant. d'Essoyes; 257 hab.
ÉGUILLY. Com. du dép. de laCôte-d'Or, arr. de Beaune,
cant. de Pouilly-en-Auxois ; 135 hab.
ECU IS H El NI (Egenesheim, 817, en allemand Egis-
keim). Com. de la Haute-Alsace, arr. de Colmar,cant. de
Winzenheim ; 1,676 hab. Stat. sur la hgne de chem. de fer
de Strasbourg à Bâle. Vins blancs estimés. Eglise mo-
derne avec une tour carrée et un curieux portail de l'époque
romane : fontaine avec la statue moderne de Léon IX. La
commune, primitivement station préhistorique (V. Alsace,
t. II, p. 514), doit son origine au château des comtes
d'Eguisheim, qui, suivant M. Kraus, date du xi® siècle. De
ce vieux manoir il existe encore le mur d'enceinte, octogone
régulier de 32^^50 de diamètre, au milieu duquel Stumpf,
évêque de Strasbourg, fit construire, en 1890, une cha-
pelle dédiée à Léon IX, parce que c'est là qu'une tradition
fait naître le célèbre pape alsacien (V. Dabo). Quand
la puissante famille des comtes d'Eguisheim se fut éteinte,
en 1144, avec Udalrich, la petite ville devint successive-
ment la possession des comtes de Ferrette, de la maison
d'Autriche, et à partir de 1648 de la France. Eguisheim,
entourée de murs au xiii« siècle, fut assiégée en 1298 par
l'empereur Adolphe de Nassau et dévastée en 1444 par les
Armagnacs. — A 2 kil. au S. d'Eguisheim se trouvent les
ruines de Marbach, célèbre abbaye de moines augustins,
fondée en 1094 et détruite en 1632 par les Suédois. —
A 3 kil. au S.-O., s'élèvent sur un immense rocher, d'une
ait. de 598 m., les ruines des trois châteaux d'Eguisheim
(dreiExen), hauts de 40 à 45 m. et autrefois entourés
d'une enceinte commune. Probablement élevés par le comte
Hugues IV, père du pape Léon IX, ils furent en partie dé-
truits par les Mulhousois en 1466 pendant la guerre des
six oboles. — Eguisheim est la patrie de Stumpf, évêque
de Strasbourg, mort en 1890. — Les armes de l'ancienne
ville portaient diapré de gueules a un saint Pierre de
carnation sur une terrasse de sinople habillé d'argent,
le manteau d'or, qui tient de sa main droite une clef de
sable et de sa gauche un livre fermé de même. L. Will.
BiBL. : ScHOEPFLiN, Als. UL, passim. — Grandidier,
Œuvres hist. ined.,I, 399-400; pièces justif., 55, 59, 64 ; V,
378. — ScHWEiGiiAEUSER et GoLBERY, Aiit. d'Ats., I,
pp. 47 et suiv. — Krieg von Hochfelden, Militiirarchi-
tehtur, 93, 184, 289. — Bul. de la Soc. pour la cons. des
mon. hist. d'Als., l"^ série, IV ; 2« série, I, II, III, passim.
— Dexen, Où est né le pajpe Léon IX ? Strasbourg, 1884.
— J.-B. Meyer, Eguisheim., Doc. pour servir à l'hist. de
cette commune, clans Rev.d'Als., 2« série, I, pp. 407-422. —
X. Kraus, Kunst imd Alterthum in Els. Lothr.; Stras-
' bourg, 1884, II, pp. 64-76.
E6USQUIZA (Rogelio), peintre espagnol du xix^ siècle,
né à Santander. Elève de l'Ecole des beaux-arts. En 1859,
il exposait à Santander une Viei^ge au rosaire; en 1866,
à Madrid, il envoyait deux compositions : la Discussion
entre D. Quichotte et le curé et Michel- Ange devant le
cadavre de Vittoria Colonna. En 1868, au Salon des
Champs-Elysées, il exposa son Charles-Quint au couvent
de Saint-Yuste, qui a été reproduit par la gravure. Cet
artiste a figuré également à l'Exposition universelle de 1878
avec deux sujets de genre : Un Concert de famille^ le
Maître d'armes et un portrait de dame. P. L.
É6UZ0N. Ch.-L- de cant. du dép. de l'Indre, arr. de
La Châtre, près de la Creuse ; 1 fi^6 hab. Stat. (à 2 kil. 1/2
du bourg) du ch. de fer d'Orléans, ligne de Paris à Limoges.
Pyrites ferrugineuses ; plombagine ; châtaignes ; vestiges
d'un château féodal.
EGYPTE. AI'yutctoç des Grecs, d'où Mgyptus des
Latins ; dans les langues sémitiques : matsor, mitsraïm.
(hébr.); Mouçouri (assyr.); Mesour, Masr (arab.) ; entre
autres noms usités en égyptien antique, celui de Kern (le
Cham biblique) = la terre noire, d'où le kopte Kemi. Lais-
sons de côté les savantes dissertations auxquelles ont
donné lieu les différents noms de l'Egypte ; disons toute-
fois que le nom grec, origine de celui qui est passé dans
toutes les langues de l'Europe, a été rattaché par quelques
égyptologues à la forme Ha-ka-ptah, un des noms de
Memphis, et a été expliqué par Pictet au moyen des
racines indo-européennes ai (avi, ovis) et gup (garder),
dont le composé, signifiant pasteur, berger, apphqué par
ironie au vautour ( alyoTrioç ) , l'aurait été aussi aux
Egyptiens à l'époque lointaine où les pasteurs firent irrup-
tion dans la vallée du Nil, événement dont le souvenir
se trouverait également conservé dans le mythe d'^gyp-
tos, que son père Belos, roi de Babylone, envoie con-
quérir l'Arabie.
Géographie physique. — L'Egypte n'est, à propre-
ment parler, que la partie de la vallée du Nil comprise
entre la cataracte de Syène (24° 5^ 2^'') et Tembouchure
du fleuve (31° 30'). Etroite et directe jusqu'à Edfou (25<^),
elle serpente et s'élargit jusqu'au coude de Denderah,
puis, s'élargissant encore, elle décrit à l'O. une courbe
majestueuse et reprend sa direction vers le N., où
elle s'étale bientôt en un vaste delta formé par la bifur-
cation des eaux. Sa plus grande longueur, dans le sens
du méridien, du cap Bourlos à l'île de Philae, est de
788 kil ; mais, en suivant les contours du fleuve, elle
devient d'un peu plus de 1,200 kil. Sa largeur, réduite
par endroits au lit même du Nil (Cilcileh), atteint, en
s'éloignant de plus en plus delà cataracte, 5 kil. (Edfou),
de 10 à 15 (Thèbes, Girgeh, Siout), 25 (Manfalout, Béni
Souef) ; son plus grand développement, 600 kil., est me-
suré par le cordon de dunes qui cerne le littoral du Delta.
La position méridienne de l'Egypte est comprise entre les
27° et 31° de long. E. (de Paris). Le territoire de la vice-
royauté de l'Egypte s'étend à l'E. jusqu'à la mer Bouge ;
à rO., il n'a pas de limites précises, et on comprend ordi-
nairement dans ce territoire toute la partie du Sahara
dite désert de Libye, dans laquelle se trouvent les oasis
dépendant du gouvernement égyptien; au S., sa fron-
tière a changé suivant l'état politique ; la révolte du mahdi
lui a enlevé presque toute la Nubie. L'Egypte peut être
divisée ainsi :
Ar n ' j Ml ^ Basse-Eeypte (avec les lacs). 21 . 650 k. q.
Vallée du N.l | H^mg.E|rpt; \ 11 .600 -
Isthme de Suez 27 —
Désert de Libye (avec les Oasis), désert
arabique et autres parties non habitées. 606 . 723 —
Egypte proprement dite, s'étendant de la
Méditerranée à MHV de lat. N 640.000k. q.
Partie de la Nubie conservée par l'Egypte. 400 . 000 — ?
Total 1.040. 000 k.q.?
GiYuide Encyclop^tii^— Tome W
EGYPTE
28 Est (le Cî^eenwich
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36
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/ "^ / I (§) \}\\i^<<, (ù' pfic'f' de 'Jox)Oo/ir(bit'<in^,y.\
® \'ill6.S de 6.000 à 20.oon // // |
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— 649
EGYPTE
De cette superficie, la vallée du Nil, le Fayoum, le Delta
et les oasis sont seuls cultivables ; ils représentent une
superficie totale de 27,687 kil. q. qui, déduction faite
des parties incultes, se réduit à environ 24 . 000 k. q.
Les anciennes possessions de l'Egypte,
avant la révolte du mahdi , comprenaient
environ 1,850,000 kil. q., savoir :
Partie de la Nubie 600,000 ?\
Kordofan et désert environ- J
nant... ........... ^oo,mt_sm.om.q.
Dar Fôr et désert environ- i
nant 400,000?]
Région de l'Equateur 650,000?/
Après avoir franchi à 100 m. d'alt. la chaîne de granit
qui obstrue son lit par de nombreux îlots, le Nil coule
sans obstacle jusqu'à la Méditerranée, d'abord sur un fond
gréyeux, puis calcaire à partir d'El Kab et avec une pente
moyenne de 11 centim. par kilomètre jusqu'à la pointe du
Delta, où elle s'abaisse à moins de 4 centim. La hauteur de
ses berges s'accentue du N. au S. Mesurant à peine 2 m.
au-dessus des basses eaux dans la partie moyenne du Delta,
elles atteignent 5 à 6 m. au Caire et 10 à 12 dans la
Haute-Egypte, ce qui exige une crue minima de 13 m. au
mekyas d'Assouan et de 8 à 9 m. au mekyas du Caire
pour que l'inondation soit jugée suffisante (pour la crue et
l'exhaussement progressif du lit du fleuve, V. Nil). La
largeur du fleuve est évaluée à 1,200 m. dans la Haute et
la Moyenne-Egypte et à 600 m. dans le Delta. A la hauteur
de Farchout, il se divise en deux bras parallèles dont cha-
cun longe l'une des chaînes qui forment la vallée. Le bras
de rO., étroit et irrégulier, resterait à sec la plus grande
partie de l'année sans les nombreuses prises d'eau qu'il fait
au fleuve proprement dit, et dont les plus importantes sont
celles de Mechteh, d'Echarabyeh, de Mangabatte (au N.
de Siout) et la double dérivation qui s'opère au coude
formé par la croupe supérieure du gebel Abou Foda. Jus-
qu'à ce point, le bras de l'O. porte le nom de Bahr Souha-
gieh ; il reçoit dès lors celui de Bahr Youssef qu'il con-
serve jusqu'à la plaine de Gizeh, au-dessus de laquelle il
rejoint le Delta. Primitivement, il semble avoir détaché à
gauche un affluent qui longeait la vallée des lacs de Natron
et se jetait dans la mer à quelques lieues à l'O. du lac
Mareotis. Le lit de cet affluent, très hypothétique, car il
n'a révélé à l'examen aucune trace de dépôt limoneux,
forme encore une dépression connue sous le nom de Bahr
Bêla Ma (le fleuve sans eau). Le rôle du Bahr Youssef est
à peu près nul en tant que route navigable ; il n'en est pas
de même au point de vue de l'irrigation. C'est lui qui
dérive sur les portions les plus larges de la vallée et pen-
dant une grande partie de l'année une masse d'eau que le
courant du fleuve entraînerait à la mer ; c'est lui aussi qui
porte la vie et la fertilité dans le Fayoum.
Le Fayoum est, avec le Delta, la seule partie de l'Egypte
qui soit en dehors de la vallée. C'est une enclave de
l'Egypte dans le désert libyque. Sa configuration est celle
d'un bassin elliptique muré par une ceinture de hauteurs
et dont le grand axe, dirigé du N.-E. au S.-O., mesure
50 kil. Le fond de ce bassiu n'est pas uni, mais s'étage
trois fois de l'O. à l'E. La région orientale est à 8 m. au-
dessus du niveau du Nil, pris à Béni Souef ; celle du N.-O.
est au niveau du fleuve; enfin, la plus occidentale est
occupée par le Birket el Keroun dont le niveau descend à
18 m. au-dessous. On ne saurait se représenter ce vaste
réservoir d'eau saumâtre par une plus juste image que celle
qui est contenue dans son nom, le lac de la Corne. C'est,
en effet, une longue nappe d'eau qui baigne, sur une
étendue de plus de 40 kil., la muraille occidentale du
cirque, étroite en son milieu, encore plus étroite à ses
deux extrémités qui s'amincissent et se recourbent en
forme de corne. Le Birket reçoit, au moment de l'inon-
dation, le trop-plein des eaux que le Bahr Youssef déverse
dans le Fayoum par une sorte de porte percée dans la
chaîne libyque. Un bras^de la rivière, réglé en ce point
par une digue, y pénètre jusqu'au cœur de l immense oasis
et s'y ramifie en mille petits canaux qui font du l^ayoum
la région la plus arrosée de toute l'Egypte. Sa conhgu-
ration particulière et sa fertilité vantée par les voyageurs
grecs la désignèrent, dès la plus haute antiquité, aux
grandes entreprises agricoles des pharaons. On attribue à
Menés l'établissement de la digue de Kocheichah, a quel-
ques Heuesau N. de la prise d'eau d'IUahoun; c était pré-
destiner le Fayoum à devenir le grand réservoir du NU.
Mais l'exécution définitive d'un plan aussi grandiose n eut
lieu que sous Amenemhat HI, auteur du labyrinthe et du
lac Mœris qu'on a longtemps confondu avec le Birket el
Keroun. Au milieu de ce lac naturel s'élève, en effet, une
île, Geziret el Keroun, où l'on a voulu voir l espace libre
dominé par les deux pyramides dont parle Diodore (1, 52).
Un examen attentif a fait rejeter cette identification par
Linant, qui, cherchant plus à l'E. l'emplacement du Mœris,
crut le trouver dans les restes encore importants d une
erande di^ue enveloppant la terrasse supérieure du l^ayoum
et répondant ainsi à la nécessité de tenir élevées les eaux
du re^servoir afin d'en régler le débit. Les deux pyramides
de Biahmou, à une lieue au N. de Medmet el Fayoum,
répondraient, dans l'hypothèse de Linant, à la description
de Diodore. D'autres hypothèses également ingénieuses ont
été opposées à celle de Linant; nous aurons à les examiner
au mot MœRis. , , r. u
C'est à 12 kil. au N.-O. du Caire, au Batn el Baqarah,
que le Nil proprement dit, divisant son cours, commence
à se frayer, à travers les terrains d'alluvion et les lagunes
qui forment son delta, une double route vers la mer telle
de l'O. serpente sur un parcours de près de «U kU., au
pied des derniers contreforts de la chaîne libyque, puis se
diri£?e vers le N., où elle se jette dans la mer par un étroit
passade entre le lac d'Edkou et le lac Bourlos, prolonge a
travers le promontoire sablonneux où s eleve Bosette.
L'autre, au contraire, se dirige d'abord vers le N. sur un
parcours de plus de 120 kil, avant d'obliquer franchement
vers la mer, qu'elle atteint à hauteur du vieux Damiete,
sur le bord du lac Menzaleh. Ces deux bouches de Rosette
et de Damiette correspondent aux anciennes bouches bol-
bitique et phatmtique. Cette dernière seule avait de 1 im-
portance à l'époque de Strabon qui, toutefois, ne lui donne
rang qu'après les bouches canopique et pelusiaque. La
configuration du Delta s'est tellement transformée dans
l'intervalle de ces dix-neuf siècles, que la célèbre bouche
canopique n'est plus qu'une échancrure au N. du lac
d'Aboukir. On en peut dire autant des bouches sebennytique
au N., tanitique et pelusiaque à l'E. Leur emplacement
n'est reconnaissable qu'à une découpure de la cote. Quant
à la bouche mendésienne, dont l'emplacement est a cher-
cher sur le cordon littoral qui barre le lac Menzaleh, elle
est aujourd'hui fermée. Néanmoins, le ht des anciennes
branches de l'embouchure du Nil peut encore être reconnu
çà et là parmi les nombreux canaux qui s enchevêtrent
dans le Delta. Une partie de la bouche canopique se re-
trouve dans le Mahmoudieh ; le Bahr Chibm et e Bahr
Sakra coulent manifestement dans la direction de 1 an-
cienne branche sebennytique ; enfin, le Bahr Moezz, qui
passe à Zagazig, rejoignait autrefois la mer par la bouche
pelusiaque. Nous venons de dire que le Delta est une con-
quête du Nil sur la mer; nous en avons non seulement a
preuve dans les fréquentes modifications subies par le
cours du fleuve et le colmatage progressif qui en est ré-
sulté, mais aussi dans les grands lacs détaches de la Médi-
terranée par la soudure d'un chapelet d'îlots, ainsi trans-
formé en cette longue chaîne de dunes qui borde la base
du Delta. Ces lacs, qui occupent une superficie à peu près
ésale au quart de la Basse-Egypte sont, de 1 0. a l L. : le
lac Mariout, le lac d'Aboukir, le lac d'Edkou, le lac Bour-
los et le lac Menzaleh. Le lac Mariout, ancien Mareotis
(80,000 hect.), était encore, au xvi^ siècle, une véritable
nappe d'eau douce alimentée par plusieurs canaux. Mais,
peu à peu asséché par la négligence des Mamelouks, "
EGYPTE
— 650
n'était plus qu'une plaine marécageuse lors de l'expédition
française. Le 4 avr. 1801, l'armée anglaise rompit la digue
du lac d'Aboukir, qui lui déversa ses eaux salées et sub-
mergea quarante villages. Méhémet-Ali rétablit la digue et
fit du Mariout une sorte de déversoir où le Mahmoudieh
s'épanche au moment de l'inondation. Le lac d'Aboukir,
appelé aussi lac Maadyeh, offre une superficie de 14,000
hect. Celle du lac d'Edkou, compris entre le précédent et
la branche de Rosette, est de 34,000 hect. Le lac Bour-
los, le plus septentrional, couvre de ses eaux et de ses
marécages une surface de 112,000 hect. et communique
avec la mer par l'ancienne bouche sébenny tique. Cette vaste
étendue d'eau est dépassée par celle du Menzaleh (ancien
Taniticus), qui va actuellement de la branche de Damiette
au canal de Suez et offre ainsi une superficie de plus de
150,000 hect. Il ne communique plus avec la mer par la
bouche de Dibeh (ancienne bouche mendésienne), aujour-
d'hui fermée, mais par l'étroit passage de Gemileh.
C'est l'isthme de Suez qui forme à l'E. la Hmite natu-
relle de la Basse-Egypte. Sa longueur est de 140 kil.
Elle était autrefois beaucoup moindre, car le niveau moyen
de cette plaine basse, où viennent se confondre insensible-
ment les dernières pentes de la chaîne arabique d'Egypte
et de la terrasse du gebel et Tih, est inférieur à celui des
deux mers. Il est donc très vraisemblable qu'à une époque
encore indéterminée, l'isthme n'était formé que par la
petite chaîne de collines qui entoure le lac Timsah, la
Méditerranée rejoignant alors le lac Ballah, distant du
Menzaleh de moins de 4 kil., et le golfe de Suez se pro-
longeant jusqu'aux lacs Amers, c.-à-d. à 10 kil. au N.
du boyau qui le termine et qui est en regard de l'ap-
pendice formant la partie inférieure de ces lacs. Cet
accroissement aux dépens de la mer Rouge, constaté par
la comparaison de la mesure actuelle du Casios à Hé-
roopolis (140 kil.) avec celle qu'en donne Hérodote
(1 ,000 stades := 1 00 kil.) et par l'examen des bords des lacs
Amers (degré de salure du sol, amoncellement d'anciens
coquillages) est très postérieur à l'exhaussement qui s'est
produit au N. de l'isthme. Car il ne faut pas oublier que
le Menzaleh est d'origine récente et résulte de l'état d'aban-
don dans lequel étaient tombées les trois branches orien-
tales du Nil à l'époque romaine. L'intervalle compris entre
l'ancienne branche pélusiaque et le cordon des trois lacs
(Amer, Timsah et Ballah) est formé par les dernières ter-
rasses du système de plateaux qui porte le nom de gebel
Attakah et qui n'est lui-même que l'extrémité septentrionale
de la grande chaîne arabique. A hauteur du lac Timsah
(30° 33^ lat.), cette région est traversée par une vallée
transversale qui relie son bassin au Delta. On sait que cette
vallée, qui porte aujourd'hui le nom d'Ouadi Toumilat,
a été identifiée avec l'ancienne terre de Goshen, concédée
par un des pharaons hycsos aux tribus israéhtes. Elle est
arrosée aujourd'hui par le canal d'eau douce qui va du
Caire à Suez ; elle l'était donc dès avant l'époque de Séti et
de Ramsès II, qu'on considère comme les premiers auteurs
du canal navigable du Nil à la mer Rouge par Bubaste
et les lacs Amers (les Fontes amari de PHne).
Les deux grands déserts qui bordent la vallée du Nil
sont de larges plateaux montagneux dont la configuration
prête à plusieurs remarques. Le désert arabique, qui dresse
le long du fleuve ses hautes falaises, continue à s'élever
jusqu'à la rive occidentale de la mer Rouge, où il se des-
sine par une longue chaîne ou, plus exactement, une série
de chaînes montagneuses dont les nœuds les plus impor-
tants sont, entre le 30° et le 25° de lat., après le gebel
Takah ou Attakah, le G. Abou Araga, le G. Qolzim, le
G. Gharib, à la latitude de Tôr, le G. ez Zeit, le G.
Dokhan (Mons porphyrites), le G. Oum Delpha et le G.
Zebara (Mons smaragdus). Le désert libyque s'abaisse
rapidement, au contraire, en s'éloignant du Nil, en sorte
que l'Egypte présente une double pente du S. au N. et de
l'E. à l'O. Les plateaux montagneux du désert arabique
sont coupés de longues entailles transversales qui relient
la vallée à la mer Rouge. De tout temps séjour des tribus
bédouines menaçantes pour la sécurité des villes, ces oua-
dis attirèrent de bonne heure l'attention des pharaons et
ne tardèrent pas à leur révéler ces magnifiques carrières
de granit et de porphyre (0. Hammamat, G. Dokhan et
G. Fatirah), qui furent exploitées jusqu'à l'époque romaine.
Ils leur révélèrent aussi les routes les plus directes du Nil
à la mer Rouge. Ces routes sont, pour ne citer que les
principales : celles d'Assouan et de Daraou qui se croisent
pour conduire à l'ancien port de Bérénice et à la boucle de
Baïouda, que le Nil forme dans la Haute-Nubie entre sa
quatrième et sa cinquième cataracte ; la route obhque de
Coptos à Bérénice, mentionnée par Strabon, Pline et l'Iti-
néraire d'Antonin comme la plus suivie depuis le forage
des citernes entrepris par les soins de Ptolémée Phila-
delphe; les routes d'Apollinopolis Parva(Kous), de Coptos
à Leucos-Limen (Qoceïr) et de Kaïnopolis (Keneh) à Myos
Hormos. Le golfe de Suez et les carrières des monts Por-
phyrites communiquent avec la Moyenne-Egypte par l'ouadi
es Siout, l'O. Tarfeh et les diverses routes des couvents
de Saint- Antoine et de Saint-Paul, qui s'ouvrent en regard
de Béni Souef et de Atfieh. Citons en dernier lieu la grande
vallée de l'Egarement (Ouadi et Tih), la route des pèlerins
qui longent les deux versants de l'Attakah.
Le désert libyque présente le même aspect que le Sahara,
dont il n'est que le prolongement. C'est un vaste bassin
sablonneux, soulevé par places et sillonné d'un réseau
de monticules calcaires. L'une des vallées ainsi formées
court parallèlement du Nil pendant près de 400 kil. et
abrite quatre grandes oasis échelonnées à trois jours de
marche et à une distance à peu près semblable des villes
d'Egypte qui leur correspondent. Ce sont : la grande Oasis
(150 kil. de long, sur 20 de large), portant également les
noms d'oasis de Thèbes et d'El Khargeh (on s'y rend d'As-
souan et de Thèbes ; mais la route la plus directe est celle
qui part de Girgeh) ; les oasis de Dakhleh et de Farafreh
et la petite Oasis où se trouve une source d'eaux thermales,
et qui a ses têtes de routes à Abou Girgeh et à Medinet
el Fayoum. Enfin, à neuf journées de marche au N.-O de
cette dernière, dans une vallée qui court de l'E. à l'O.,
s'enfonce l'oasis d'Ammon ou de Siouah, célèbre par ses
oracles. Elle ne présente qu'un faible développement (10 kil.
sur 6) et appartient au moins autant à la Cyrénaïque qu'à
l'Egypte, dont elle est distante d'environ quinze jours de
marche.
Le sol primitif de l'Egypte est exclusivement composé des
minéraux que renferment les deux chaînes de sa vallée. Le
banc granitique d'Assouan offre surtout les variétés con-
nues sous le nom de syénites, dont la plus remarquable,
la syénite rose, a fourni aux anciens Egyptiens la matière
de leurs sarcophages et de leurs chapelles, de leurs obé-
lisques et de tous les monolithes employés dans la cons-
truction ou la décoration des temples. On y trouve égale-
ment des filons de porphyre, de serpentine, de gneiss, de
feldspath compact, d'amphiboUte et d'autres roches pri-
mitives. Le basalte noir et vert, qui est commun dans les
environs d'Assouan et les montagnes de la mer Rouge, a
été aussi une des matières les plus recherchées des anciens
constructeurs. Un peu au N. d'Assouan, la formation
granitique est recouverte d'argile et de poudingues quartzeux
sur lesquels reposent d'épaisses couches de grès. Ces grès,
dont se compose tout le système de collines qui borde la
vallée jusqu'à quelques kil. au nord d'Esné, se ramènent
à trois espèces : le grès ferrugineux nuancé de veines rou-
geàtres, le grès siliceux légèrement gris et employé dans
la préparation des ciments, enfin le grès rose ou grès mo-
numental, qui ne diffère pas beaucoup de nos grès à bâtir
et dont le grain un peu gros, jugé par les Egyptiens
d'un emploi peu propre à la sculpture, a été presque exclu-
sivement réservé à la construction. C'est ce grès, d'un ton
tirant sur le jaune, qui a fourni les matériaux des plus
grands temples de l'Egypte ; Karnaq, Louqsor, Medinet
Abou, Edfou, Denderah, Philse, etc. Aux basses collines de
— 651 —
EGYPTE
grès succèdent les hautes terrasses de calcaire, dontrextrême
finesse, susceptible d'un certain poli, nous a \alu ces déli-
cates sculptures qui ornent les anciens hypogées. En dehors
des nombreux édifices excavés, quelques temples ont été
construits de blocs calcaires rapportés (Déir el Bahari et
Abydos), qui figurent parmi les plus beaux spécimens de
l'architecture égyptienne. Les carrières de Tourah (chaîne
arab., 29° 55^ lat.), très activement exploitées pendant la
durée du premier empire memphite, sont celles qui donnent
la pierre la plus nette et la plus compacte. Les pharaons
de la IV^ dynastie l'avaient employée dans le revêtement
des pyramides. C'est dans les vallées transversales parmi
les atterrissements formés par les courants, que l'on trouve
surtout ces couches de poudingues et de psammites friables,
qui contiennent de gros blocs roulés de porphyres et de
brèches vertes, le jaspe, l'agathe, l'onyx et un grand nombre
de pierres dures opaques ou transparentes, entre autres
cette espèce de jade, connue dans l'antiquité sous le nom
de basanite. L'albâtre d'Egypte, l'une des matières les plus
recherchées des anciens et qui, travaillée au tour, nous a
donné ces innombrables séries de vases employés à tous
les usages de la vie civile et rehgieuse, provient de deux
importantes carrières, dont l'une se trouve sur la route des
couvents de Saint-Antoine et de Saint-Paul, et l'autre à
quelques heures de Béni Souef. Mentionnons aussi les
mines d'émeraude des montagnes de l'ancienne Troglo-
dytique, sur les bords de la mer Rouge, et qui semblent
n'avoir été exploitées d'une manière suivie qu'au temps
des Ptolémées et de la domination romaine, ainsi que les
anciens gisements de fossiles végétaux et animaux des en-
virons du Caire, de l'Ouadi et Tih, où Ton rencontre de
véritables forêts pétrifiées, et de la vallée des Rois, en face
de Thèbes, d'oti proviennent ces remarquables coquilles
connues sous le nom d'ammonites. En ce qui concerne
les métaux, il faut reporter sur l'Arabie et le Soudan
une grande partie des richesses que les auteurs anciens
attribuaient à l'Egypte. On n'y connaît aujourd'hui aucune
mine d'or ou d'argent. C'est tout au plus si l'on peut
admettre l'existence du cuivre et du plomb, dont quelques
voyageurs ont signalé la trace aux environs de Siout et au
mont Baram, à quelques Ueues d'Assouan. Les substances
minérales dont le sol de l'Egypte est le plus riche sont les
substances salines : le natron qui se récolte en quantité
l'onsidérable dans la vallée de ce nom, sur les bords des
lacs du Delta, dans le Fayoum et jusqu'aux environs
d'Esné ; le sel gemme que l'on recueille dans le terrain cal-
caire formant le lit du Birket el Keroun, et l'alun dont
les nombreuses mines, exploitées depuis le gouvernement
de Méhémet-Ali, sont plus que suffisantes pour faire de
cette matière un article d'exportation. Citons, en dernier
lieu, les mines de soufre du gebel Kabrit, dans la vallée
des Emeraudes, les sources de pétrole du G. ez Zeit, sur
le promontoire qui se détache à l'entrée du golfe de Suez
et quelques carrières de gypse connues pour ne donner
que d'assez mauvais plâtre.
Climat. Météorologie. — Les anciens Egyptiens dis-
tinguaient trois saisons, en se basant sur des observations
d'ordre purement agricole; les Egyptiens modernes ont
adopté la même division. Ces trois périodes sont : chetoui
(l'hiver) ; seji (l'été) ; nili (l'inondation). Les observations
auxquelles donne lieu le climat de l'Egypte, justifient
pleinement cette division. Du 15 nov. au 15 mars est la
période la plus douce et la plus saine, celle à laquelle on
donne par extension le nom d'hiver. En réalité, l'hiver ne
dure que deux mois en Egypte. La température y varie
de -|^ 6^^ à -f- 18^ Ce n'est qu'à plus de dix ans d'inter-
valle et dans le froid aigu de la nuit qu'on a pu constater
un abaissement jusqu'à zéro et au-dessous. La neige et le
givre sont, comme on l'a souvent dit, choses tout à fait
inconnues des Egyptiens. Les mois extrêmes de cette saison,
novembre et février, correspondent assez exactement par
leur température à nos mois de septembre et de mai. Du
15 mars au 15 juil., première période de chaleur, très sup-
portable à cause du degré de siccité de l'atmosphère, tem-
pérée jusqu'au 15 avr. dans la Basse-Egypte, mais déjà
très élevée et constante dans la partie de la vallée en
amont de Siout, notamment entre Louqsor et Assouan, où
le thermomètre accuse de 35« à 40<> centigr. Du 15 juil.
au 15 nov., deuxième période de chaleur, beaucoup moins
supportable surtout en septembre à cause du degré d'hu-
midité de l'air saturé par les vapeurs que dégagent les
immenses nappes stagnantes qui recouvrent le sol. La
difiTérence de température entre la région du Delta et la
Haute-Egypte devient alors insignifiante. Le thermomètre
se maintient partout au-dessus de 38° et peut atteindre en
août et septembre 45<^ et même 48^ C'est la période la
plus pénible pour les étrangers, car les nuits jusqu'alors
très fraîches ne le sont plus assez pour être réparatrices.
Le régime des vents est très régulier. Voici ce qu'en
dit Volney : Lorsque le soleil se rapproche de nos zones,
les vents qui se tenaient dans la partie de TE. passent aux
rumbs du N. et s'y fixent. Pendant juin, ils soufflent
constamment N. et N.-O. Ils continuent, en juillet, de
souffler N., variant du N.-O. au N.-E. Sur la fin de juil-
let et la moitié de septembre, ils se fixent N. pur, et ils
sont modérés, plus vifs le jour et plus calmes la nuit. Vers
la fin de septembre, lorsque le soleil repasse la ligne, les
vents reviennent vers l'E., et, sans y être fixés, ils en
soufflent plus que d'un autre rumb, le N. seul excepté.
A mesure que le soleil passe à l'autre tropique, les
vents deviennent plus variables, plus tumultueux; leurs
régions les plus constantes sont le N., le N.-O et l'O.
Ils s'y maintiennent jusqu'en février. Vers la fin de ce
mois et jusqu'à la mi-mai, ils tournent au S., oscillant
entre le S.-E. et le S.-O. Ce sont ces vents du S. que
les Arabes appellent semoum (poison) et khamsin (cin-
quante) parce qu'ils sont d'une chaleur étouff'ante et qu'ils
ne se manifestent que pendant une période qui ne dépasse
guère cinquante jours. Les voyageurs ont souvent décrit le
lemoum : obscurcissement du ciel, rougeur du soleil, tour-
billons de sable aveuglants, etc. Ce phénomène serait in-
supportable s'il se prolongeait ; mais il est très intermit-
tent et ne dure jamais plus de quelques heures, pendant
lesquelles la vie extérieure est entièrement suspendue.
Il faut n'avoir visité l'Egypte qu'après le mois d'avril
pour supposer que les pluies y sont inconnues. C'est assu-
rément un des pays où elles sont le plus rares ; elles n'en
sont pas moins une des caractéristiques de l'hiver. En effet,
pendant et même un peu au delà des deux termes de cette
saison, de fréquentes ondées s'abattent sur le littoral et
ont vite fait de transformer en marécages le sol naturel
des villes. Le Caire est bien connu pour être impraticable
aux piétons après ces fortes averses qui se renouvellent de
quinze à vingt fois dans la saison. Moitié moindres dans la
Moyenne-Egypte, elles n'apparaissent qu'à de plus grands
intervalles (une ou deux fois l'an) entre Louqsor et Assouan.
Il n'est pas tombé une seule goutte d'eau dans cette der-
nière ville en 1889. Les habitants de Suez prétendent que
le percement du canal n'a pas été sans exercer une cer-
taine influence sur les conditions climatériques de leur
région ; mais cette opinion ne repose sur aucune observa-
tion rigoureuse. Elle n'est que la reproduction de la croyance
erronée que les plantations de Méhémet-Ali avaient aug-
menté la fréquence et la durée des pluies dans une grande
partie de l'Egypte. On n'eut qu'à comparer les tables mé-
téorologiques dressées pendant l'occupation française avec
celles qui le furent quarante ans plus tard pour détruire ce
préjugé. La véritable pluie de la Haute-Egypte et du désert
c'est, on peut bien le dire, la rosée. Elle y tombe avec assez
d'abondance pendant les mois d'hiver pour fertiliser les
terrains sablonneux et permettre à l'Arabe nomade de semer
et de récolter son blé. — Un dernier phénomène très remar-
qué en Egypte, c'est le mirage. Nous savons, depuis les
explications de Monge, de Wollaston et de Biot, qu'il ré-
sulte de l'action qu'exercent sur le sol rafraîchi les basses
couches d'air brusquement échauffées. La terre paraît alors
EGYPTE
— 652 —
terminée par une vaste étendue d'eau d'où émergent des îles.
Cette sorte de lac qui recule au fur et à mesure qu'on
s'avance et qui se déplace avec l'horizon, reflète l'image
des objets voisins comme le ferait un lac véritable. On n'a
pas oublié les cruelles déceptions que le mirage fit subir
aux soldats de Bonaparte torturés par la soif dans l'émou-
vante traversée du désert d'Alexandrie au Caire.
Régime des eaux. — Productions du sol. « L'Egypte
est un présent du Nil. » Rien n'exprime mieux que
cette réflexion d'Hérodote la dépendance absolue dans
laquelle se trouve l'Egypte par rapport à son fleuve. Si le
Fellah pouvait jamais l'oublier, il suffirait d'une faible crue
comme celle de 1890 pour le lui rappeler. Le Nil trop bas,
c'est la famine et la ruine. « Aussi en aucun pays, a pu dire
Napoléon, l'administration n'a autant d'influence sur la
prospérité publique. Si l'administration est bonne, les ca-
naux sont bien creusés, bien entretenus, les règlements
pour l'irrigation sont exécutés avec justice, l'inondation
est plus étendue. Si l'administration est mauvaise, vicieuse
ou faible, les canaux sont obstrués de vase, les digues mal
entretenues, les règlements de l'irrigation transgressés.
Nilométre.
les principes du système d'inondation contrariés par la
sédition et les intérêts particuliers des individus ou des
localités. » C'est assez faire entendre que les Egyptiens ne
le laissent pas déborder comme nos fleuves dans les crues
subites qui suivent de longues pluies, mais le dirigent dans
l'intérieur des terres au moyen de canaux irrigateurs. Ces
canaux sont creusés jusqu'au pied des deux chaînes de la
vallée et se prolongent parallèlement au désert. De dis-
tance en distance, ils sont barrés de digues. Au commen-
cement de la crue, on abat successivement ces obstacles de
façon à régler l'inondation. Les eaux se déversent ainsi de
bassin en bassin et sont rendues au Nil après y avoir
séjourné le temps nécessaire. Il faut se représenter l'Egypte
au plus fort de l'inondation comme un ensemble d'étangs
mitoyens de plus en plus élevés en raison de leur éloigne-
ment du Nil, et séparés les uns des autres par de hauts
talus. Les digues sont, en dehors des villes et des villages,
les seules terres praticables.
Leur entretien autant que celui des principaux barrages
est de la plus haute importance. L'ouverture de ces der-
niers exige surtout une très grande prévoyance, afin que
les riverains du fleuve ne reçoivent pas au delà de leur
besoin le volume d'eau nécessaire aux terres éloignées, et
que celles-ci ne deviennent pas charakyeh, ou privées
d'eau. Toutes ces opérations sont subordonnées à l'exacte
connaissance du niveau des eaux, qui est donnée par le
nilométre. On entend par là une espèce de puits gradué qui
communique avec le fleuve et permet de noter la hausse
et la baisse des eaux comme les échelles étabhes sur les
piles des ponts modernes. Ces nilomètres ou meqyas^ comme
les appellent les Arabes, sont une vieille invention des
Egyptiens, bien qu'il n'en existe d'autres traces que celles de
l'ancien meqyas d'Eléphantine, qui paraît être ptolémaique.
Le nilométre qui donne la cote officielle du Caire est actuel-
lement celui de la petite île de Raôudah. Sa fondation
remonte au kahfe omeyyade Soleyman (an 97 hég.) ; il a
subi depuis de nombreuses transformations. Il consiste en
une colonne de marbre blanc élevée au centre d'un puits
rectangulaire ouvert au Nil par une bouche pratiquée à sa
base. La colonne est graduée en 46 coudées. La coudée
égyptienne (540 millim.) se subdivise en six palmes de
quatre doigts. Les crues moyennes sont de 13 à d4 coudées;
les bonnes crues de 1 6 et 1 7 : au-dessus de ce nombre, il n'y
a que des crues dangereuses. Le service de l'irrigation a
établi en ces dernières années un grand nombre d'échelles
nilométriques sur tout le parcours du Nil. D'Assouari à
Siout, on n'en compte pas moins de vingt-huit. C'est à
peu près à la mi-juin que commence la crue (V. Nil) ; elle
atteint le milieu de l'échelle vers le 15 août. La vidange
{sarf) des bassins d'irrigation a généralement lieu vers la
fin de septembre pour ceux qui sont compris entre Assouan
et Sohag, courant d'octobre pour la moudirieh de Siout.
A la fin de ce mois, on coupe la digue de Kocheïchah pour
les bassins échelonnés au N. de Beyrouth. Il a été prouvé
en 1889 que la coupure des bassins de la Haute-Egypte
pendant leâ hautes eaux n'influe pas sensiblement sur la
crue dans le Delta.
Les semailles suivent le retrait des eaux, et la végéta-
tion est alors si active que là même oîi il n'existe pour
ainsi dire pas un atome de terre végétale, le seul contact
des eaux suffit à féconder le sol. Indépendamment de l'inon-
dation, un des agents les plus puissants de cette féconda-
tion, c'est la filtration due à la pression que le fleuve exerce
sur ses rives et d'autant plus énergique que le volume des
eaux est plus considérable. Au moment de la crue cette
filtration s'exerce des rives aux confins de la vallée ; quand
les bassins se vident, elle redescend vers le lit du fleuve.
Il va sans dire aussi qu'elle est entretenue par les canaux
qu'alimentent le Nil et la vidange des bassins. L'utilisation
de ces filtrations sous-jacentes, ainsi que la nécessité d'éle-
ver les eaux du fleuve au moment de l'étiage, a provoqué
de bonne heure en Egypte l'invention d'appareils élévatoires.
Ces appareils, qui suppléent à l'insuffisance ou à l'absence
de la crue, et qui sont par conséquent d'un emploi à peu
près constant et général dans toute la vallée, ^onild, sakieh
— 653 —
EGYPTE
et le chadouf, La sakieh consiste en un chapelet de pots
en terre, plongeant successivement dans Teau au moyen d'un
treuil. Ce treuil est mis en mouvement par un manège auquel
est attelé un bœuf ou un chameau. Le chadoufesi beaucoup
plus simple: une longue antenne en bois flexible, alourdie
à son extrémité inférieure d'un contrepoids en terre,
retient suspendu, au moyen d'une perche légère, un panier
Chadouf.
de cuir ou d'osier. Cet appareil, qui bascule sur une tra-
verse horizontale, fonctionne à la main. Les sakiehs et les
chadoufs s'étagent en gradins, des bords de l'eau au terrain
où est creusé le canal à rempHr. Le chadouf élève à une
hauteur de 3 m. près de 50 litres d'eau par minute ; dans le
même temps la sakieh en élève au double près de 300 litres,
et suffit à l'irrigation de quelques feddans. A ces appareils
indigènes, il faut joindre les machines élévatoires importées
d'Europe et au moyen desquelles s'alimentent les grands
canaux sefi ou artères régionales qui servent à l'irriga-
tion des cultures du même nom. On distingue en effet quatre
genres de cultures en Egypte : i^ les cultures el-baiadi
qui se font sur les terres inondées par la crue ; 2° les cul-
tures el-chetoui (ou d'hiver), qui ont lieu à la même époque,
mais sur les terres qui, n'étant que peu ou point inondées
par le Nil, réclament un arrosement artificiel ; 3° les cul-
tures el-sefi ou cultures d'été ; elles suivent immédiate-
ment les précédentes et tombent par conséquent au moment
des plus basses eaux; 4° les cultures el-demiri (basses
terres) et el-nabari (hautes terres) viennent ensuite, con-
cordent par conséquent avec le commencement de la crue
et n'exigent pas un arrosage aussi suivi que celui des cul-
tures sefi.
Ces différentes cultures produisent le blé, l'orge, le
dourah, le maïs, le riz, la canne à sucre, le trèfle, le
fenu grec, la gesse, les pois, les lentilles, les fèves, les
lupins, les pois chiches, les haricots, un grand nombre
Charrue égyptienne.
de plantes potagères, presque toutes les cucurbitacées, les
plantes à graines oléifères, le colza, l'arachide, le ricin, le
sésame, les plantes textiles, le chanvre, le coton et le lin,
les plantes tinctoriales, le carthame, la garance, l'indigo, etc.
Les procédés de culture du blé varient suivant les localités.
On le sème, dans la Haute-Egypte, aussitôt après la re-
traite des eaux, c.-à-d. en octobre. La terre à ensemencer,
que le Fellah n'atteint souvent qu'après une traversée en
radeau, est encore à l'état de marécage. Le semeur s'y
embourbe jusqu'aux genoux et sème son grain à la volée.
Quelques jours après, dès que le sol commence à reprendre
consistance, on laboure pour enterrer la semence. La
charrue égyptienne, souvent décrite, est un assemblage de
deux pièces de bois, sous un angle qui peut s'ouvrir ou se
fermer au moyen d'une cheville. La pièce la plus longue
sert de timon; un joug transversal lui est adapté, auquel
on attelle une couple de bœufs. La pièce la plus courte est
légèrement recourbée : un soc de fer en forme de bêche y
est emmanché. Il s'enfonce en terre à la pesée qui s'exerce
à l'aide d'une troisième pièce verticale également emman-
chée au timon. Cet instrument si simple n'est autre que
celui dont se servaient les anciens Fellahs, ainsi qu*on en
peut juger par les tableaux de la vie des champs repré-
sentés dans les tombes. Dans la Basse-Egypte, l'ensemen-
cement est précédé d'un premier labour.' Chaque feddan
reçoit un demi-ardeb et en rend ordinairement de 4
à 7. Les meilleures terres en rendent 8 dans la Haute-
Egypte ; les plus mauvaises 3 ou 4 dans le Delta.
La moisson a lieu de fin mars à mai, ce dernier mois dans
la Basse-Egypte, où les semailles sont également plus tar-
dives. Les blés sont arrachés à la main et transportés en
petites gerbes sur l'aire voisine, où on les délie. On les
étend ensuite en couches légères pour les hacher à l'aide
m^
Noreg.
d'une machine appelée noreg ou nourag. Cette machine
se compose de deux ou trois cylindres agencés à un châs-
sis auquel on attelle des bœ^ufs. Dans certaines localités,
on se contente de faire fouler le blé par du bétail et notam-
ment des chèvres. Le blé ainsi haché ou foulé, on le vanne
en le frappant à grands coups de fourche. La paille, pro-
jetée en l'air, se sépare d'avec le grain, qu'on passe en
dernier lieu dans le crible. L'orge se traite de la même
manière que le blé; il constitue la principale culture baiadi.
Le dourah ou blé de Turquie fait le principal aliment du
Fellah : on le sème à époques différentes, fin mai et fin
août. Il appartient donc aux cultures sefi et nabari et
s'arrose au moyen d'un damier de petites rigoles alimentées
par le chadouf. Le dourah sefi n'exige pas moins de
cent jours d'ouvrage par feddan. Le rendement du dourah
atteint 240 pour 4, sans compter la valeur de la paille.
Le riz n'est cultivé que dans le voisinage des lacs du
Delta, où le peu de différence entre les hautes et basses
eaux favorise l'irrigation. On le sème en avril après l'avoir
amolU et gonflé dans un bain. Le sol à ensemencer est
inondé au préalable, puis labouré par deux fois. La récolte
a lieu au mois de novembre ; elle se fait à la faucille. Le dé-
piquage du riz ne diffère pas de celui de l'orge et du blé.
On l'expose ensuite au soleil pendant dix ou quinze jours;
on le décortique au moyen d'un appareil à pilons mis
en mouvement par un manège. Ces moulins à blanchir le
riz portent le nom de oud s'ils ont deux pilons et dayreh
s'ils en ont quatre. A Damiette, le dayreh blanchit un
ardeb et demi par jour ; le oud moitié moins. La produc-
tion du riz est de 18 pour 1. La canne à sucre est cultivée
dans une grande partie de la Haute et de la Moyenne-Egypte,
et principalement dans les provinces de Keneh, de Girgeh
et de Minieh. La plantation a lieu en mars et en avril, la
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6U —
coupe en octobre pour la consommation en vert et fin jan-
vier pour la fabrication du sucre. La culture des légumi-
neuses dure de novembre à mars et se fait de préférence
sur les terres inondées ; elle rentre conséquemment dans
le genre baiadi. La culture sefi par excellence est celle
du coton. Le coton indigène était de qualité inférieure.
L'ensemencement du coton indien, essayé avec succès en
4821 par Jumel, n'a cessé de s'étendre jusqu'à ce jour.
Les terrains indiqués pour cette culture doivent être
protégés de l'inondation par des digues et arrosés très
modérément avec le chadouf ou la sakyeh. Le plant dure
de deux à quatre ans. Il y a actuellement une propen-
sion à restreindre cette culture, dont la prospérité n'a dû
son succès qu'à la disparition des cotons américains des
marchés de l'Europe pendant la guerre de Sécession. La
culture de l'indigo (sefi) clôt la série des principales pro-
ductions de l'Egypte. Son amélioration date du gouverne-
ment de Méhémet-Ali. Il n'existe en Egypte d'autres
forêts que celles de dattiers, et l'on ne donne que par
extension ce nom aux bois de Myt Rayneh et d'Assouan. Le
dattier est en effet l'arbre qui forme les groupes les plus
compacts dans toute la vallée du Nil, oii il croit sur les
hautes terres à la limite du désert et jusque dans les
oasis. On en distingue vingt-quatre espèces. Les meilleures
dattes sont celles d'Assouan et des oasis. Elles y commen-
cent à mûrir vers la fin de juin et tardent jusqu'à la fin
de juillet dans la Basse-Egypte. La récolte s'en .fait tou-
jours avant la pleine maturité. Les Arabes mettent le dat-
tier au premier rang des bienfaits de Dieu et vantent ses
nombreux services, car tout est bon dans cet arbre béni :
le fruit, qui se partage avec le dourah l'alimentation du
Fellah et du Bédouin ; les feuilles, dont on fait des nattes
et des corbeilles ; les fibres du tronc et des grappes qu'on
tisse ou qu'on tresse en cordes de toute espèce ; le tronc et
les branches qui constituent toute la charpente des maisons
indigènes, tout en est utilisé, jusqu'aux pistils des fleurs
dont les filaments tiennent lieu d'épongés et les noyaux
qu'on brûle ou qu'on donne aux chameaux. Les arbres
indigènes sont avec le palmier-dattier, le palmier-doum,
dont le tronc lisse et dur se ramifie en deux branches et
dont le fruit, également ligneux, constitue une assez maigre
nourriture ; le sycomore, qui produit des figues sans saveur,
mais surtout utile par son bois dur et incorruptible et son
feuillage vert et touffu en toute saison ; l'acacia lebekh^
qui rivalise de puissance et de beauté avec le sycomore et
que l'on a planté à profusion dans toutes les villes ; le
gommier, acacia rabougri, qui n'est productif que dans la
région du tropique ; quelques variétés de mimosas odorants,
le'tamarix, l'olivier et le nopal ou cactus; quelques arbris-
seaux : le myrte, le henné dont les feuilles broyées four-
nissent une pâte tinctoriale employée dès les temps anciens ;
le rosier, transplanté à la même époque, s'il n'est pas
indigène. La liste des arbres transplantés serait lon-
gue : pres'que toutes les essences asiatiques et quelques-
unes de l'Europe l'ont été avec plein succès. Les plus
répandues sont l'oranger, le citronnier, le grenadier et le
jujubier. La vigne existait en Egypte dès une très haute
antiquité. On en voit les pampres très exactement repré-
sentées dans les peintures des tombes thébaines : on sait
aussi par les écrivains classiques qu'elle était un des produits
les plus estimés par la qualité de ses vins. Elle prospéra
jusqu'à la conquête musulmane, qui lui porta le coup fatal
avec la prohibition absolue édictée dans le Coran. Méhémet-
Ali a tenté de la restaurer en accHmatant toutes les
espèces européennes. Ces essais ont parfaitement réussi
dans le Delta; mais, depuis lors, ils ont été très négHgés.
Des deux plantes qui symbolisaient en quelque sorte l'an-
cienne Egypte, le papyrus et le lotus, la première a com-
plètement disparu, la seconde est encore représentée par
quelques espèces de nymphéas.
Faune. — La similitude reconnue entre la plupart des
mammifères et des reptiles qui peuplent l'Egypte et ceux
qui peuplent la Barbarie, semble désigner cette partie de
l'Afrique septentrionale comme leur habitat. Quant aux
oiseaux, si quelques-uns y sont sédentaires, on sait que le
plus grand nombre n'y ont qu'un point d'attache ou de tran-
sition dans les migrations annuelles. Parmi les mammifères,
les animaux domestiques indigènes ou acclimatés de longue
date sont : le cheval, l'âne, le mulet, le chameau à une
bosse, qui sert de bête de somme et de course (hagi ou
dromadaire), le bœuf, le buffle, qui ne figure pas plus que
le chameau sur les anciens monuments, le mouton, la
chèvre, le chien et le chat ; les animaux sauvages sont :
le loup, le renard, le chacal, l'hyène, le sanglier, la gazelle,
le hérisson, la marte, la mangouste, le lynx, la gerboise,
diverses espèces de rats et le lièvre ; le lion et les grands
félins, l'éléphant et l'hippopotame, n'ont laissé d'autres
traces de leur séjour en Egypte que celles que nous a
conservées l'ancienne religion. Les oiseaux domestiques sont :
la poule, la poule d'Inde, le pigeon et l'oie ; autrement
nombreux sont les oiseaux sauvages, d'abord les rapaces :
trois espèces de vautours, sept espèces de faucons, quatre
espèces d'aigles, trois espèces d'aigles pêcheurs, l'épervier,
l'oiseau le plus commun, le milan et la buse ; un grand
nombre d'oiseaux nocturnes : l'orfraie , le grand-duc,
diverses espèces de chouettes, la chauve-souris, dont au-
cun pays ne présente une plus grande variété ; presque tous
les passereaux connus en Europe ; quelques grimpeurs,
parmi lesquels le coucou, de nombreux gallinacés, les
gangas, la caille et la tourterelle, et une série d'échassiers
telle qu'il faut renoncer à l'énumérer.
Parmi les reptiles, il faut citer le crocodile, de plus en
plus rare dans les eaux égyptiennes depuis que le Nil est
sillonné de bateaux à vapeur ; la trionyx ou tortue du Nil
qu'on trouve encore dans les environs de la cataracte d'As-
souan ; l'ouaran ou monitor, lézard de plus d'un mètre de
long, qui dénonce par son sifflement la présence du croco-
dile; le stellion, l'agame, le gecko, le caméléon, le lézard;
quelques batraciens, parmi lesquels la rainette, une grande
variété de serpents et des plus venimeux, tels que les
cythales des pyramides, le céraste ou vipère à cornes d'au-
tant plus dangereux que sa couleur ne tranche pas sur celle
du sable, et l'aspic de Cléopàtre (najah), magnifique ser-
pent de 5 pieds de long qui se plaît dans les terrains humides
et se dresse en gonflant ses joues quand il est attaqué. Les
couleuvres sont plus nombreuses que les serpents veni-
meux. On en compte quatre espèces, très répandues dans
les campagnes et dans les villes, où elles sont protégées
par la superstition populaire. — Les insectes de l'Egypte
n'offrent pas de séries aussi variées qu'on est tenté de le
croire : les plus communs sont les scarabées, les mouches
et les moustiques, qui, plus que les sauterelles, les arach-
nides et les scorpions, sont la plaie du pays. — Le Nil
compte plus de cinquante espèces de poissons, parmi les-
quelles il faut citer : le mormyre oxyrrhinque, mentionné
par son rôle dans le mythe osirien, poisson remarquable
par son museau allongé en forme de l3ec; le mochokus nilo-
ticus, de petite taille, redouté des pêcheurs à cause de ses
épines, le silure électrique ou raad (tonnerre). Je tétraodon
qui se gonfle comme un ballon et lance avec force un jet
d'eau, poisson très commun au moment de l'inondation,
où les enfants des Fellahs s'en emparent facilement
quand les eaux se retirent ; le bichir polyptère, qui est
aussi une des curiosités du Nil. « Il tient des serpents,
dit Geoffroy Saint-Hilaire, par son port, sa forme allongée
et la nature de ses téguments ; des cétacés en ce qu'il
est pourvu d'évents et d'ouvertures dans le crâne, par
où s'échappe l'eau qui a été portée sur les branchies,
et des quadrupèdes par des extrémités analogues aux
leurs, les nageoires ventrales et pectorales étant placées
à la suite de prolongations charnues. » Ce poisson est
assez rare ; on le pêche au moment des basses eaux ; sa
chair est savoureuse, et sa peau, que le couteau ne peut en-
tamer, est employée par le Fellah en guise d'étui.Le pois-
son dont on se nourrit le plus est le bayad, qui atteint
facilement d m. de long et qu'on débite sur'^Ies marchés en
— 655 —
EGYPTE
grosses tranches. — Comparée à la faune de Tancienne
Egypte, telle qu'elle nous est donnée par les monuments, la
faune actuelle n'en diffère que par l'absence du lion, du
chien hyènoïde, de l'hippopotame, de l'oryctérope et de
l'ibis sacré et par la présence du chameau, du buffle et de
la poule, introduits en Egypte par les Arabes. Le chat n'ap-
paraît pas sur les monuments avant le premier empire thé-
bain, et le cheval avant le nouvel empire.
Population. Races. — Il n'y a pas eu en Egypte de
recensement de la population depuis 1882. C'est le chiffre*
de ce recensement (6,818,000 hab. pour la Basse, lafïaute-
Egypte, l'Isthme et les Oasis) qui sert couramment de base
à'toutes les statistiques officielles de l'Egypte, comme siles
graves circonstances qui se produisirent depuis cette date
avaient été sans exercer la moindre influence sur la popu-
lation de l'Egypte. Nous voulons parler des insurrections
d'Arabi et du Soudan, du choléra et des changements dus à
l'occupation anglaise (licenciement d'un grand nombre d'em-
ployés turcs et levantins ainsi poussés à émigrer, aug-
mentation du nombre des Européens, etc.). On n'a pas oublié
non plus les résultats d'enquêtes spéciales, l'une du recru-
tement, qui amena la découverte de 42,307 non inscrits
sur les registres des naissances (ce chiffre élevé pour les
seuls districts de Kous, de Farchout et de Keneh) ; l'autre
du service sanitaire de Garbieh qui, en 1880, trouva
8,000 enfants non enregistrés dans cette province. Il ré-
sulte de ceci que le total du recensement officiel ne doit être
accepté qu'avec beaucoup de réserves et seulement pour
donner une idée approximative de la densité de la popula-
tion, laquelle étant ainsi de 178 hab. par kil. q., est supé-
rieure à celle de presque tous les Etats d'Europe. Elle se
compose d'Egyptiens proprement dits, Masri^ de Barbarins,
de Bédouins, de Turcs, de Juifs, de Levantins et enfin d'étran-
gers musulmans et européens. Les Egyptiens proprement
dits, qui forment le fond de cette population si bigarrée, se
subdivisent en Fellahs et Coptes. C'est à tort qu'on donne
aux premiers le nom d'Arabes ; ils sont dans toute la force
du terme les descendants des habitants primitifs de l'Egypte.
Il suffit, comme on l'a souvent fait, de les comparer avec
les images de leurs ancêtres pour se convaincre de l'iden-
tité de race. C'est des deux parts la même forme de crâne
légèrement dolichocéphale, le même visage au front bas, aux
yeux très fendus et très ouverts, aux joues pleines, à la
bouche épaisse et souriante, la même carrure d'épaules, le
mêmeçort et la même taille. Quel voyageur n'a fait la re-
marque que les extrémités plates et carrées du Fellah reliées
par des attaches fines à des membres fortement musclés
mais un peu gros, sont autant de caractères propres à de
nombreuses statues antiques, plus fidèles qu'on ne se l'ima-
gine communément. Le croisement qui s'est opéré à la suite
de l'invasion arabe n'a pas exercé plus d'influence sur la
race indigène que les invasions qui l'ont précédée ou suivie :
la race indigène a, par une lente absorption, toujours re-
pris le dessus : ce qui a été dit des Fellahs s'applique pareil-
lement aux Coptes. Il n'existe d'autre distinction entre eux
que des distinctions sociales. Les premiers se sont conver-
tis à l'islamisme, les seconds lui sont restés rebelles, et
c'est ainsi qu'en conservant leur nom {Kopti, de Aiguptos)
et leur culte (le christianisme, qui était la rehgion natio-
nale avant la conquête arabe), ils se sont eux-mêmes con-
damnés comme les Juifs et les Parsis à ne former qu'une
minorité opprimée et dégradée par le mépris des musul-
mans. C'est là surtout ce qui explique la persistance de cer-
tains traits qui leur sont particuliers et qui résultent, comme
pour les Juifs, d'un même genre de vie et d'union trop fré-
quemment renouvelées entre mêmes familles. Les petites
communautés coptes fixées depuis plusieurs siècles dans
certaines villes ne sont, à vrai dire, elles-mêmes qu'autant
de familles, dont quelques membres sont des fonctionnaires,
quelques autres de riches commerçants, un plus grand
nombre de petits marchands, de simples sarraf ou même
des domestiques. Les Fellahs et les Coptes ne présentent pas
de grandes différences au point de vue physique, bien qu'on
ait prétendu que ces derniers ont été plus mélangés d'élé-
ments étrangers. Les observations relatives à la couleur de
leur teint sont aussi de piètres arguments pour trancher
la question de race. Chez le Fellah, a-t-on dit, la peau devient .
de plus en plus foncée à mesure que l'on remonte au S. ;
pâle chez les Alexandrins, jaunâtre dans la Moyenne-Egypte,
brune dans le Saïd, elle est presque noire aux confins de
la Nubie, tandis que le Copte a toujours le teint mat et
pâle du Levantin. La vérité est que les Coptes d'Akmin et
deLouqsorsont aussi hauts en couleur que les Fellahs du Saïd
et qu'en tout cas ceux des classes aisées ne doivent leur
blancheur qu'à une vie renfermée et ne diffèrent pas à cet
égard des Egyptiens de race pure appartenant à de vieilles
familles de négociants ou d'oulémas dont la vie s'écoule à
l'ombre des bazars et des mosquées.
L'Egyptienne est bien conformée et justifie jusqu'à vingt
ans l'admiration des étrangers. De taille moyenne et bien
prise, fine d'attaches, noble et gracieuse de port et de dé-
marche, elle doit surtout sa beauté à un ensemble de qua-
Ktés physiques entretenues par l'activité de sa vie et la
liberté de sa mise. Mais, après quelques années de mariage,
ses traits s'étirent, son teint perd toute sa fleur, sa poitrine
tombe et il ne lui reste d'autre ressource que le fard, dont
elle fait un emploi qui ne s'arrête ni à la dernière misère,
ni à l'extrême vieillesse.
Les Barbarins ou Barabrah (pluriel du mot Berberi) oc-
cupent les petits villages voisins de la première cataracte
où ils ont émigré de la Nubie, leur véritable patrie. Ils se
distinguent des Egyptiens par des traits plus fins, une
peau plus semblable par sa couleur à celle des nègres du
Soudan. Tenus par les Egyptiens au dernier degré de l'échelle
sociale, exclus avec mépris de la conscription et des emplois
les plus minimes, ils ne sont astreints qu'à l'impôt. Le Fel-
lah est surtout agriculteur; le Barbarin est marinier. Pen-
dant que sa femme vaque aux travaux des champs et de la
maison, il rame sur les grandes daabiehs de transport qui
font le transit de la première à la deuxième cataracte.il n'est
pas de meilleur pilote pour diriger une barque au milieu
des brisants. Les derniers événements du Soudan et la sus-
pension du droit de navigation sur le Nil nubien poussent
de plus en plus les Barbarins à chercher leur vie dans les
grandes villes. Mais ceux qui savent quelques mots d'arabe
arrivent, grâce à une réputation d'honnêteté surfaite et
surtout à leur bonne tenue et à leur intellige!ice, à sup-
planter sans peine les Fellahs dans tous les emplois de la
domesticité. Les Bédouins, qui seuls ont conservé purs le
sang et les mœurs arabes, habitent les terres voisines du
désert, qu'ils traversent sans cesse, allant d'une oasis à
l'autre. C'est à tort qu'on les appelle nomades et surtout
qu'on étend à tous cette dénomination. Les moins séden-
taires ont toujours un point d'attache, la terre qu'ils cul-
tivent ou font cultiver, où restent fixées leurs tentes et où
paissent leurs troupeaux. Ces tribus, tout en gardant les
vieilles mœurs bédouines, n'écument plus le désert comme
par le passé et se résignent à vivre de l'élève du bétail, de
la culture et du trafic des produits de leurs petites indus-
tries. Mais le plus grand nombre ont depuis Méhémet-Ali
résolument accepté la vie et la condition des Fellahs. La
plupart des villages de la Moyenne-Egypte et notamment de
la rive droite du Nil, ne sont peuplés que de ces Arabes,
qui descendent des tribus turbulentes dont Jomard (Des-
cription de l'Egypte^ t. I) nous a laissé un si vivant
tableau. C'est tout au plus si d'une année à l'autre un
crime retentissant ou le pillage d'une esbeh réveille le sou-
venir de leur ancien brigandage. Le désert arabique abrite
encore dans le voisinage de l'Attakah une tribu arabe tout
à fait réfractaire à la vie poHcée : c'est la féroce tribu des
Haoutàt, que les autres tribus bédouines désignent elles-
mêmes du nom de Haraîni, « brigands ». Plus au S., dans
le vaste territoire qui forme l'ancienne Troglodytique, se
trouvent les Ababdeh et les Bicharis qui, pas plus que les
Barabrah, ne sont apparentés avec les Arabes ou avec les
Fellahs. Fixées depuis longtemps dans ces déserts, ces
EGYPTE
6m —
tribus sont celles que les voyageurs grecs désignaient du nom
de Blemmyes et de Troglodytes. Leur accoutrement, leur
langage et leurs mœurs leur donnent une physionomie tout
à fait à part. La population étrangère des villes est essen-
tiellement mobile : l'élément oriental se compose de 10 à
42,000 Turcs, d'un plus grand nombre encore de Levan-
tins et de 6 ou 7,000 Juifs. 11 va sans dire que cette po-
pulation se compose d'individus appartenant à toutes les
classes sociales; les Turcs eux-mêmes n'y sont pas tous
beys ou pachas ; mais la plupart sont chawich (gardes et
courriers) dans les ministères ou petits marchands ou cafe-
tiers. La population européenne est évaluée par le recen-
sement de 1882 de la manière suivante : Grecs, 37,300;
Italiens, 18,600; Français, 15,716 ; Anglais, 6,118; Aus-
tro-Hongrois, 8,000; Allemands, 950; diverses nationa-
lités, 2,959.
Lâ société. Mœurs et coutumes. — L organisation
sociale des musulmans d'Egypte repose sur le principe de
l'égalité de tous ses membres. Elle n'admet en droit ni
aristocratie, ni esclaves. Ce qui constitue une aristocratie,
c'est la transmissibilité des immunités. En Egypte comme
en Turquie, elles sont essentiellement viagères. Les titres
de bey et de pacha, les seuls qui semblent impliquer une
idée analogue aux nôtres, sont des honneurs que le sultan
confère à une personne, jamais à une famille. Pas plus que
les décorations et les fonctions, on ne peut les transmettre
par héritage. L'esclavage est légalement aboli, mais ne le
sera en fait que le jour où les mœurs musulmanes se
seront entièrement affranchies des préjugés du harem.
C'est en effet le harem plus encore que les travaux des
champs qui absorbe la plupart des esclaves achetés en
Egypte et qui est la barrière à laquelle se heurtent les
tentatives des puissances européennes pour l'exécution des
décisions arrêtées en congrès. Au reste, il faut se bien
garder de comparer l'esclavage en pays musulman à ce
qu'il était en Amérique. Consacré, mais aussi tempéré par
la foi religieuse, il diffère à peine de la dépendance dans
laquelle le' Fellah libre, mais ne possédant rien, se trouve
vis-à-vis de son chef ou de son patron. La polygamie, cette
autre anomalie de la vie orientale, est, comme l'esclavage,
autorisée et réglée par le Coran, qui sauvegarde par des
prescriptions très nettes les droits de la femme. Il s'en
faut, d'ailleurs, qu'en Egypte elle atteigne les mêmes pro-
portions qu'à Constantinople ; car, outre la difficulté de sub-
venir aux frais considérables qu'entraîne la pluralité des
harems, il est facile de constater dans la haute et la
moyenne société égyptienne une tendance marquée à se
rapprocher en cela des mœurs européennes. Quant à la basse
classe, elle élude les lourdes charges de la polygamie en
usant du droit de répudiation et de divorce qui s'accorde
avec une surprenante facilité. La seule formalité à remplir
consiste à restituer la dotation de la femme, c.-à-d. un
méchant mobilier et quelques guinées.
L'influence de l'Europe se fait de plus en plus sentir en
Egypte dans l'éducation et l'instruction des enfants, dans
la mise extérieure, dans l'aménagement et l'ameublement
des maisons, dans la façon de recevoir ses hôtes, le choix
des aliments, la manière de les manger, etc. Cette lente
révolution des mœurs s'opère surtout dans le monde admi-
nistratif et politique en contact perpétuel avec l'élément
européen. La société reUgieuse, les commerçants et le
peuple restent fidèles aux vieilles habitudes qui leur pa-
raissent, à tort ou à raison selon les cas, faire corps avec
la loi du prophète. Le costume indigène n'est porté, à pro-
prement parler, que par le Fellah : il se compose d'une
sorte de calotte en feutre ou en cotonnade qui épouse exac-
tement la forme du crâne et d'un long sarrau teint en
indigo. Le Fellah le complète d'une chemise et d'un caleçon
en coton blanc, d'un gilet rayé de couleurs vives et de
babouches terminées en pointe, empruntés originairement,
avec le turban, la galabieh et le caftan, aux Arabes, aux
Persans et aux Turcs. Ces derniers vêtements constituent
la mise de la classe moyenne et des oulémas. Ceux-ci ne se
distinguent en rien des laïques. Les seules distinctions
observées dans la mise orientale résident dans la couleur
du turban. Les soi-disant descendants du prophète le
portent vert et les Coptes brun ou noir. Les Egyptiens
vêtus à l'européenne ont néanmoins conservé le tarl30uch.
Les fonctionnaires portent, quel que soit leur rang hiérar-
chique, une sorte de redingote noire à collet noir qui
s'appelle la stambouline et dont le port est aussi de rigueur
pour les Européens au service du khédive.
L'habitation du Fellah moderne ne diffère pas de celle
du Fellah de l'antiquité. C'est toujours la maison en brique
crue ou en pisé, formée de la réunion de petites chambres
très basses et mal éclairées autour d'une ou de plusieurs
cours. Telle nous la voyons dessinée sur les parois des
tombes ou bien réduite aux proportions d'un ex-voto, telle
nous la retrouvons dans les faubourgs et villages, meublée de
quelques coffres, de nattes d'alfa, et fournie d'une grossière
vaisselle en bois ou en terre qui n'est aussi que la repro-
duction inconsciente des ustensiles les plus anciens. Le
Fellah n'y pose que pour dormir ; il part dès l'aurore pour
le chadouf ou la charrue et ne reparaît que le soir. La
femme est l'âme de la maison. Elle y vaque aux petits soins
du ménage, au milieu de ses vieux parents, de sa mar-
maille bruyante et de son bétail. C'est elle qui cuit les
aliments, fait le pain de dourah, coud de gros points le
linge de coton dont s'habille toute sa maisonnée. Le plus
souvent accroupie dans un coin de la cour, elle ne craint
pas, comme la citadine, d'affronter les regards du passant.
Son yabrah de cotonnade bleue franchement rejeté en
arrière ne cache que sa chevelure finement tressée et lui-
sante d'huile de ricin. On distingue sans peine le maquillage
au kohol de ses sourcils et de ses cils, le tatouage à l'in-
digo de son front et de son menton, sa robe d'indienne
serrée au-dessous des seins, les colliers et les bracelets d'or
mal soudés et travaillés au repoussé, et la verroterie de Venise
qui complètent sa parure. Elle n'est jamais si belle que
lorsqu'elle s'avance d'un pas assuré, son amphore posée
sur la tête et maintenue d'un geste gracieux. La femme de
condition aisée reste toujours pour l'étranger une sorte de
créature mystérieuse dont les formes disparaissent dans un
ample yabrah de soie noire qui l'enveloppe comme un sac.
Un voile étroit et long, noir ou blanc, uni ou brodé,
attaché au-dessus des oreilles et retombant jusqu'aux pieds
ne laisse paraître que les yeux rendus plus vifs par le
contraste et surtout par un ingénieux maquillage. Pour
cette femme, il est aussi du meilleur ton de cacher dans
les pHs de son voile ses doigts barbouillés de henné. Sous
cet accoutrement, on a peine à reconnaître les dames de
leurs servantes qui les accompagnent dans les rares
courses qu'elles font à pied. Les princesses et les dames
de haut rang sont vêtues à la turque.
L'Egyptien est surtout homme de loisirs; ouvrier ou
paysan, il a de la peine à se mettre en train. Le bâton
auquel on attribue tant de prodiges n'a plus grande action
sur son échine endurante. Marchand, il ne se donne aucune
peine pour écouler ses denrées, ne poursuivant jamais, mais
attendant la fortune; fonctionnaire ou commis, il se sur-
mène encore moins, n'étant retenu que le matin à ses
affaires. Passé une heure de l'après-midi, la vie publique
et administrative s'arrête. Chacun regagne ses appartements
ou son harem. Les rues deviennent bientôt désertes jusqu'à
quatre ou cinq heures, selon la saison. Pendant cette inter-
ruption de la vie, semblable à celle de la nuit, les visites
sont messéantes . C'est seulement une heure avant le maghreb
que l'animation reprend, que les relations mondaines, la
promenade recommencent. C'est alors le moment propice
pour admirer les grandes villes d'Egypte dans tout leur éclat
et toute l'intensité de leur vie. L'Egyptien est très sociable :
il aime les longues visites où l'on n'échange que d'intermi-
nables politesses, les festins qui se donnent en toute occa-
sion, les rencontres à la promenade, au bain, les réjouis-
sances publiques. On le voit accompagné d'amis dans toutes
les foules, sur le passage du mahmil pour assister au départ
et au retour du Tapis, aux abords du palais khédivialle jour
du Courbam Baïram, à la cérémonie de l'ouverture du
Khalig, à la foire du Mouled en Nebi (de la naissance du
prophète). Tout est pour lui prétexte à fêtes : le Sham el
Nessim, l'anniversaire de tous les saints vénérés dans les
divers quartiers des grandes villes, le Ramadan, les ma-
riages, la circoncision et jusqu'aux enterrements. Il aime
la musique et s'attarde à écouter, plongé dans une douce
extase, les improvisations qu'accompagnent sur la cithare
et le tambourin des chanteurs à la voix dolente et nasillarde.
Dans aucun pays, la musique n'est aussi étroitement asso-
ciée à toutes les manifestations de la vie populaire. Elle
a sa place, non la moindre, en toutes les cérémonies pro-
cessionnelles et, survivance des mœurs antiques, elle est
l'accompagnement indispensable de tous les mouvements
d'ensemble, de toutes les manœuvres. S'agit-il de traîner
un fardeau, de monter la vergue ou simplement de laver le
pont d'un bateau, une flûte et un tambourin sont toujours
là pour rythmer la cadence. L'Egyptien goûte aussi très
vivement les romans poétiques que des conteurs, formant
une sorte de corporation, rapsodient la nuit, aux portes
des cafés. La danse est le plaisir des adolescents. Elle ne
ressemble en rien à ce qu'on voit chez nous ; elle consiste
simplement en une marche expressive et mimée. La gravité
des hommes mûrs ne s'accommode que du rôle de specta-
teurs, mais elle ne se déplaît pas aux danses lascives des
aimées. Ces aimées ne sont plus les célèbres danseuses du
temps jadis qui ne se prodiguaient que chez les sultans et
les pachas, mais de vulgaires baladines formant une sorte
de caste ou plus exactement appartenant à celle qui
fournit l'Egypte de montreurs de singes et de psylles. Elles
vont de fête en fête, mais résident d'ordinaire en quelques
villes de la Haute-Egypte, notamment à Esné, où leur
corporation fut réléguée par Abbas Pacha. G. B.
Géographie politique et économique. — Gouver-
nement. — L'Egypte forme une vice-royauté vassale de
l'empire ottoman. Les rapports politiques de l'Egypte avec
la Porte ont été réglés par les traités de 1840 et 1841,
ainsi que par le hatti-chérif du 18 févr. et le firman du
1^"^ juin 1841, concédant à la famille de Méhémet-AU
le gouvernement héréditaire, transmissible à l'aîné de
la famille , selon la loi musulmane. La transmissibiKté
de père en fils, par dérogation à cette loi, a été concédée
au grand-père du vice-roi actuel (Abbas Pacha, 1892) par
un iradé du 12 moharrem 1283 (17 mai 1866), en échange
d'une augmentation d'un tiers du tribut annuel. Ce prince
obtint également, par un firman de juin 1867, la substi-
tution du titre de khédive (seigneur) au titre de pacha ou
vice-roi que les puissances étrangères lui donnaient dans
les actes diplomatiques. Le même firman, conservant au
sultan le droit d'investiture, reconnaissait au khédive le
droit de rendre la justice, de percevoir les impôts, de battre
monnaie (au nom du sultan), de lever des troupes n'excé-
dant pas dix-huit mille hommes, sauf le cas de force ma-
jeure, ou, plus exactement, les besoins de la SuWime-Porte,
qui se réservait le droit de faire appel aux contingents
égyptiens ; d'avoir une flotte limitée, sauf autorisation spé-
ciale; de conférer, dans le civil et le militaire, jusqu'au
grade de bey ou colonel. A ces pouvoirs, le firman de juin
1873 ajouta celui de conclure des traités de commerce et
de percevoir des droits de douane. Le firman d'investiture
du prince Tewfik (14 août 1879) a, de nouveau, précisé
les droits et les obligations du gouvernement khédivial en des
termes qui ne permettent aucun doute sur les prétentions
de la Porte à ne pas laisser dénaturer sa suzeraineté. Les
impôts devront être levés au nom du sultan; les Egyptiens,
ses sujets, ne devront pas être opprimés ; si le khédive a
toute faculté d'établir des règlements intérieurs, il ne
pourra, en revanche, contracter ou renouveler de conven-
tions avec l'extérieur sans porter atteinte aux traités poU-
tiques du gouvernement impérial, ni à ses droits de sou-
veraineté. Ces conventions devront être communiquées à la
Sublime-Porte après leur promulgation. De plus, le khédive
GRANDE ENCYCLOPÉDIE, — XV.
— 657 — EGYPTE
ne pourra contracter d'emprunts que pour le règlement de
la situation financière antérieure et d'accord avec les fon-
dés de pouvoir des créanciers (V. Question d'Orient,
§ Affaires d'Egypte)^ ne devra abandonner aucun des pri-
vilèges accordés à l'Egypte, ni de son territoire, seul droit
émanant de la prérogative impériale, payera le tribut annuel
fixé à 750,000 livres turques, frappera, comme par le passé,
monnaie au nom du sultan, enfin, en ce qui concerne
l'organisation militaire (effectif et hiérarchie), devra se
conformer aux termes des anciens traités. Notons aussi
une clause relative à l'interdiction d'élever des forteresses
bli*ndées .
Le gouvernement du khédive était, jusqu'à l'immixtion
de l'Europe, un gouvernement absolu dans toute la force
du terme, malgré l'apparence constitutionnelle que lui don-
naient deux assemblées, l'une composée de délégués cen-
sément élus par les provinces {meglis chora-en-nouab) ;
l'autre, le conseil privé {meglis khossoussi), de sept mem-
bres nommés par décret ; l'une et l'autre n'ayant, au fond,
que des attributions purement consultatives. La chambre
élue ne s'est affranchie de cet état de subordination, vrai-
ment trop consenti par les mœurs orientales pour être cho-
quant, qu'à la faveur des troubles provoqués par les
désordres d'ismaïl. Elle n'en resta pas moins, en cette
circonstance, un instrument aux mains d'ismaïl, préoccupé
d'abriter ses décisions derrière un simulacre de consulta-
tion du pays, comme, deux ans plus tard, aux mains d'Arabi.
Actuellement, le conseil législatif, le seul qui subsiste de
la constitution de 1866, se compose d'un président, de
deux vice-présidents, de douze membres permanents (dont
le grand cadi et le patriarche grec) et de seize membres
élus, un par Le Caire, un par Alexandrie, le reste par
chacune des moudiriat ou provinces. Il délibère sur
les affaires intérieures du pays ainsi que sur les projets
que le gouvernement croit devoir lui soumettre. Le résul-
tat de ses déHbérations est soumis à l'approbation du
khédive.
Le khédive Tewfik était, en quelque sorte, résigné au rôle
de souverain constitutionnel, abdiquant la plus grande par-
tie de ses pouvoirs aux mains de son conseil des ministres,
dont il se bornait à contresigner les décisions sous forme
de décret. Ce conseil est composé des secrétaires d'Etat
préposés aux sept départements de l'administration égyp-
tienne et assistés dans leurs délibérations de deux conseil-
lers, l'un financier, l'autre judiciaire, exerçant, en fait,
l'un et l'autre, le contrôle au nom de la nation occupante,
bien que nommés par le khédive et assimilés comme tels
aux fonctionnaires égyptiens. Un troisième fonctionnaire,
le directeur général de la sûreté, a été momentanément
admis à prendre part aux délibérations du conseil.
Administration. — Les sept départements de l'adminis-
tration sont : les affaires étrangères, l'intérieur, les tra-
vaux publics, les finances, la justice, la guerre et l'ins-
truction publique. Le ministère des affaires étrangères se
compose d'un ministre, d'un sous-secrétaire d'Etat, d'un
directeur des bureaux, d'un maître des cérémonies et de
six secrétaires ou sous-secrétaires ayant le titre de bey
(en tout 5 fonctionnaires européens). Le ministère des
finances ayant à sa tête un ministre, un sous-secrétaire
d'Etat et un conseiller financier (anglais), comprend avec
le cabinet du conseiller financier les services suivants : 1° la
direction du secrétariat (service central, économat central,
caisse centrale, bureau de traduction, imprimerie natio-
nale); la direction de la correspondance arabe, le service et
la perception des contributions indirectes, l'inspection des
finances ; tous ces services forment une sorte de direction
générale, désignée sous la rubrique de secrétariat général ;
2° la comptabilité générale de l'Etat dirigée par un con-
trôleur et subdivisée en secrétariat, trésorerie, comptabilité
centrale, comptabilité des travaux publics, comptabilité du
Soudan et pensions ; 3<^ les contributions directes avec un
contrôleur, deux sous-directeurs et un directeur des im-
meubles libres de l'Etat (en tout 29 fonctionnaires euro-
42
EGYPTE — 658
péens dont 7 anglais). Par suite de la suppression des
Daïrah Baladieh du Caire et d'Alexandrie, le service et
la perception des contributions indirectes ont été rattachés
aux gouvernorats de ces deux villes à partir du 1^^ janv.
1892. L'intérieur (ministre et sous-secrétaire d'Etat)
comprend : 1° l'administration centrale ; 2<> la divi-
sion de la sécurité publique ; 3° l'inspectorat général des
prisons ; 4<* le service de la répression de la traite;
5° l'administration des services sanitaires et d'hygiène pu-
Mique (24 fonctionnaires européens dont 12 anglais).
Les travaux publics (ministre , sous-secrétaire d'Etat,
secrétaire général) comprennent : 1^ l'administration cen-
trale : service administratif et service technique ; 2° la
direction générale des villes et bâtiments ; 3^ l'inspection
générale des irrigations divisée en cinq cercles ; 4<^ la direc-
tion générale des musées et des fouilles (52 fonctionnaires
européens dont 17 anglais). La justice (ministre et sous-
secrétaire d'Etat) est divisée en deux directions, la direc-
tion européenne et la direction indigène (5 fonctionnaires
européens). La guerre comprend, avec le cabinet du mi-
nistre et du sous-secrétaire d'Etat, l'état-major général
dirigé par le sirdar, le service de l'adjudant général, celui
du recrutement, la cour martiale permanente, l'intendance
générale et le service médical (12 officiers généraux ou su-
périeurs anglais sur un total de 18, sans compter le com-
mandement des troupes; V. § Armée), L'instruction pu-
blique, représentée par un certain nombre d'établissements
suffisamment organisés, est administrée par un ministre
assisté de six hauts fonctionnaires, dont trois européens.
Le contentieux de l'Etat est divisé en quatre directions,
dont une à Alexandrie et auxquelles sont préposés quatre
conseillers khédiviaux (15 fonctionnaires européens). A
ces grands services administratifs, il faut joindre l'admi-
nistration générale des ua/c/" (absolument fermée aux Euro-
péens) chargée d'administrer les biens de mainmorte
consistant en dotations pieuses affectées aux mosquées et
jouant dans l'affectation d'une partie de ces revenus le rôle
d'un véritable ministère des cultes. Un comité de conser-
vation des monuments de l'art arabe rattaché aux vakf
comprend parmi ses membres un certain nombre de nota-
bilités étrangères à la religion musulmane.
Administrations affectées au service de la dette.
Ce sont 'A^h commission de la caisse de la dette publique,
composée de six commissaires délégués par l'Allemagne,
FAutriche, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie et la
Russie ; 2^^ l'administration des domaines de l'Etat, dirigée
par trois commissaires délégués par la France, l'Angleterre
et l'Egypte ; 3» l'administration des chemins de fer, des
télégraphes et du port d'Alexandrie : trois commissaires
(Angleterre, France, Egypte) ; 4^ l'administration de la
Daïrah Sanieh : un directeur général indigène, deux con-
trôleurs généraux (France, Angleterre). Ces trois adminis-
trations comportent, indépendamment du service central,
un nombreux personnel d'ingénieurs-constructeurs, méca-
niciens ou agronomes, d'inspecteurs de toute sorte, d'agents
émargeurs, etc.
Divisions politiques actuelles. — En 1875, la conquête
du Soudan avait porté l'étendue du territoire khédivial à
2,850,000 kil. q. ; l'insurrection mahdiste, victorieuse
malgré l'héroïsme des troupes des généraux Hicks, Baker
et Graham a ramené l'Egypte non pas précisément à ses
frontières naturelles, mais à la partie de la vallée du Nil
comprise entre l'embouchure du fleuve et la deuxième
cataracte, c.-à-d. formée par l'Egypte proprement dite et
la Basse-Nubie.
Les deux grandes divisions de l'Egypte sont : la Basse-
Egypte (Beherah) et la Haute-Egypte (Saïd). Chacune de
ces parties est divisée en sept provinces (moudiriat,
plur. de moudirieh).
Basse-Egypte : Kalioubieh, ch.-l. Benha el Asal; Char-
kieh, ch.-i. Zagazig; Dakhalieh, ch.-l. Mansourah ; Ghar-
bieh, ch.-l. Tantah; Menoufieh, ch.-l. Chibin el Kom ;
Beherah, ch.-l. Damanhour; Gizeh, ch.-l. Gizeh.
Haute-Egypte : Béni Souef, ch.-l. Béni Souef ; Fayoum,
ch.-l. Medinet el Fayoum ; Minieh, ch.-l. Minieh ; Siout,
ch.-l. Siout ; Girgeh, ch.-l. Sohag ; Keneh, ch.-l. Keneh ;
Frontière, ch.-l. Esné et Ouadi Halfa.
Les moudiriat sont administrées par des préfets ou
moiidir résidant dans le chef-lieu et subdivisées en dis-
tricts (marakez ou aksâm, plur. de markaz et kesm).
Le sous-préfet ou chef de district porte le nom de ma-
mour, personnage résidant dans le bandar ou grand
marché de la province.
Les autres subdivisions de la moudirieh sont : la nahieh
(plur. nawahi), ville ou village possédant une circonscrip-
tion territoriale analogue à celle de nos cantons ; Vezbeh
(plur. 'é'^a/?), village généralement formé par des groupes
d'habitations d'ouvriers agricoles ; la nazleh (plur. nozal),
village de nomades ou primitivement habité par des no-
mades; la khelweh (plur. kheliuat) formée originairement
comme lieu de retraite par des personnes pieuses, etc.
Le Caire, Alexandrie, Souakin, Rosette, Damiette,
Suez, le canal de Suez, Kosséir et El Arisch forment des
gouvernorats (inoafzas) indépendants des moudiriat et
administrés par un mohafiz ou gouverneur. Le nombre des
villes, villages et bourgades est de 13,115.
Moudiriat : 1° Kalioubieh (271,391 hab.). Superfi-
cie : 217,198 fedd. (9i2'^'ï422). Productions : cotons,
céréales , oranges et citrons. Ch.-l. Benha el Asal
(11,796 hab.). Villes principales ou chefs-lieux de district:
Kalioub, Touk el Melek, Chibin el Kanater.
2^ Charkieh (464,655 hab.). Superficie: 558,061 fedd.
(2,344^^*^319). Productions: cotons, céréales. Industrie :
égrenage du coton, moulins et presses à sucre. Ch.-l. :
Zagazig (19,815 hab.). Tribunal indigène. Villes princi-
pales : Belbeis, Min el Kom, El Arine, El Ibrahimieh, El
Sawaleh.
3° Dakhalieh (586,033 hab.). Superficie: 573,975 fedd.
(2,411 kil. q.). Productions: coton, céréales. Industrie :
égrenage, presses et moulins, tissus et broderies. Ch.-l.
Mansourah (30,439 hab.). Tribunal mixte . Villes princi-
pales : Soumbellaouin, Mit Samannoud, Mit Ghamr, Fares-
koî^ DpkPT*nps
4«Gharbieh(929,4881iab.). Superficie: 1,443,103 fedd.
(6,062^^^483). Productions : coton, céréales, fourrages,
légumineuses. Industrie : égrenage et presses. Ch.-l. Tan-
tah (33,750 hab.), renommée par ses foires. Mosquée de
Saïd Ahmed el Bedaoui très importante. Tribunal indi^
gène. Villes principales : Kafr es Saïat, Mehellet el Kebir,
Samanhoud, Baltim, Chirbin, Dessouk, El Ga'farieh, Kafr
el Cheik, Ziftah, Nabaroh.
5« Menoufieh (646,000 hab.). Superficie : 398,921 fedd.
(I,665''î795). Productions : cotons, céréales. Peu d'in-
dustrie. Ch.-l. Chibin el Kom (16,337 hab.) ; Menouf,
Achmoun, Birkel el Sab, Tala.
6*^ Beherah (398,860 hab.). Superficie; 574,563 fedd.
(2,413^^^768). Productions : cotons, graines oléagineuses,
riz, céréales, canne à sucre, salines et natron . Industrie :
égrenage de coton et tissus variés. Ch.-l. Damanhour
(19,626 hab.) ; Afieh, Abou llommos, Choubrah Kbit, El
Dehngat, El Neghilah.
7« Gizeh (283,080 hab.). Superficie : 227,661 fedd.
(956^*î365). Productions : fourrages, légumineuses, céréales,
bois important de palmiers. Ch.-l. Gizeh (13,339 hab.) ;
Gheziret Embabeh, Kafr el Dessami, El Aïat.
8° Béni Souef (219,570 hab.). Superficie: 290,628 fedd.
(1,220^^^879). Productions : céréales et coton. Ch.-l. Béni
Souef (11, 07() hab.). Tribunal indigène. Deba el Kobra,
Zaouiet el Masloub.
9« Fayoum (228,709 hab.). Superficie : 303,985 fedd.
(1 ,276^1989). Productions : céréales, légumineuses, graines
oléagineuses. Industrie : égrenage, décorticage, parfume-
rie, vannerie. Ch.-l. Medinet el Fayoum (27,996 hab.).
Marchés importants : Sannourès, Tobhar.
10" Minieh (315,818 hab.). Superficie : 476,021 fedd.
(1 ,999'^î683). Productions : coton, céréales, cannes à sucre.
- 659
EGYPTE
Industrie : sucreries très importantes de la Daïrah Sanieh,
moulins et presses, tissus de laine. Ch.-l. Minieh
(17,145 hab.). Villes principales : Aba'l Warf, El Fechn,
Ma'saret Samalout.
110 siout (562,137 hab.). Superficie: 517,658 fedd.
(2,174^^1593). Productions : coton, céréales. Industries :
sellerie et cordonnerie indigène très renommées ; industrie
de l'ébène et de l'ivoire, tfssus, céramique décorative très
répandue en Egypte. Ch.-l. Siout ou Asiout (31,575 hab.).
Siège de la division de police de la Haute-Egypte et d'un
tribunal indigène. Tète de ligne méridionale du chemin de
fer. Port important sur le Nil. Villes principales: Abnoub,
Aboutig, Déirout, Sadafa, Mallawi, Manfalout, Rodah.
12^ Girgeh (521,413 hab.). Superficie : 401,978 fedd.
(1,688 kil. q.). Productions : céréales. Ch.-l. Soliag
(11,718 hab.). Villes principales : Girgeh (belles mosquées,
ancien ch.-l.), Tama, Tahta, Bardis, Akhmim (moulins,
tissus de coton pour tentures), Menchyeh, Bellianeh.
13oKeneh (406,860 hab,). Superficie : 385,631 fedd.
(1,409^^93). Productions : coton, céréales. Industrie : fa-
briques de sucres, tissus, gargoulettes. Ch.-l. Keneh
(17,485 hab.). Tribunal indigène, commerce important
avec Le Caire et les ports de la mer Rouge ; un des anciens
marchés d'esclaves. Villes principales : Dechna, Farchout,
Louqsor (anc. Thèbes).
Jusqu'à ces dernières années, la moudirieh la plus méri-
dionale était celle d'Esné, avec Esné pour chef-lieu, et
s'étendait jusqu'à Assouan. Elle a été d'abord démembrée
et rattachée partie à la moudirieh de Keneh, partie au com-
mandement de la frontière, puis rattachée tout entière à
ce commandement y compris le district d'Edfou détaché de
la moudirieh de Keneh.
Commandement de la frontière. Il s'étend depuis
Sarras, à environ 20 kil. au S. de Ouadi Halfa, jusqu'à
Herment, c.-à-d. englobe la moitié de la vallée du Nil
égyptien. Villes principales : Esné (10,500 hab.), fabri-
ques de sucres de la Daïrah Sanieh ; Salmieh ;^ Edfou, grand
temple; Assouan ou mieux Açoûân (l'ancienne Syène),
6,000 hab., bois de palmiers, port important sur le Nil,
chantier de carénage, garnison, petit chemin de fer pour
le transit de la cataracte. Les îles principales de la pre-
mière cataracte sont : Geziret Assouan (l'ancienne Elé-
phantine), ruines, petit village; Sehaïl, rochers couverts
d'inscriptions; Philœ, ancien sanctuaire d'Isis, très célèbre
à l'époque des Ptolémées et des empereurs, temples admi-
rablement conservés ; Begheh, ruines, village barbarin.
Les principales villes comprises entre la première et la
deuxième cataracte, qui ne sont, à vrai dire, que des
villages nubiens sans autre intérêt que les antiquités, sont
Kalabcheh, l'ancien Talmis ; Dakkeh, l'ancien Pselchis ;
Korosko, sur la rive droite du Nil, clef d'une des plus
importantes routes du Soudan, à sept jours d'Abou Ahmed,
garnison, petite colonie grecque ; Derr, Abou Simbel ou
Isamboul, deux grands temples creusés dans le roc, très
célèbres; Ouadi Halfa (3,450 hab.), prend chaque année
de l'importance depuis que le miralaï, commandant la
défense, y a établi son quartier général. La plus forte
garnison de l'Egypte après celle du Caire. Forts avancés
reliés au camp retranché par un chemin de fer. Les oasis
de El Farafrah (ch.-l. El Farafrah) et de Waliat el
Baharieh (ch.-l. Kasr) dépendent du Fayoum; Wahat el
Daklah (ch.-l. Kasr) et Wahat el Khargeh (ch.-l. El Khar-
geh) dépendent d' Asiout.
Religion. — La religion d'Etat est l'islamisme. L'auto-
rité suprême du sultan; héritier du khalifat, est plutôt
nominale que réelle. Les véritables détenteurs de l'autorité
religieuse sont les oulémas ou docteurs qui, à raison du
double caractère de leur mission civile et religieuse, se
divisent en imans (prêtres) et en cadis (juges). Les imams
sont cheiks (chargés de la prédication) ou khatibs (chargés
de la prière le vendredi). Une autre classe d'imams, tout à
fait distincte du corps des oulémas, vaque aux soins maté-
riels du culte et notamment aux cérémonies relatives aux
mariages et aux enterrements. Ces imams ne perçoivent que
de très faibles salaires et exercent généralement en dehors
du culte une profession ou un métier. A la mosquée, ils font
fonctions de muezzins, c.-à-d. annoncent cinq fois par jour
la prière à la porte ou sur la plate-forme du minaret, font
fonctions de kaïms en veillant à l'ordre intérieur et à la
propreté du sanctuaire. L'Egypte, comme tous les Etats mu-
sulmans, possède aussi des tekkés ou couvents de derviches.
A côté de l'islamisme, l'exercice de toutes les religions est
entièrement libre. On peut même dire qu'il n'est pas de pays
où elles soient plus complètement représentées. L'Eglise
grecque et ses trois fractions, l'Eglise arménienne , les six
groupes formant l'Eglise latine (Latins, Grecs-Unis, Syriens,
Maronites, Arméniens-Unis, Coptes-Unis), toutes les formes
du protestantisme, les Coptes et les Israélites, ont des cha-
pelles ou des couvents dans tout le pays. G. B.
Justice, — Il existe plusieurs ordres de juridiction :
tribunaux indigènes, mixtes et consulaires. On sait que*
les musulmans n'établissent aucune distinction entre la
loi civile et la loi religieuse, cette dernière étant pour eux
le fondement de toute législation (V. Droit musulman,
t. XIV, p. 1105). Leur code c'est le Coran, ou plus exac-
tement la Cheriat qui comprend, outre le Coran, la Sonna
(tradition), VEgmah-y-Ummet (accord de la nation) et
le Kyas (jurisprudence). Il est donc logique que leurs
juges soient, comme nous l'avons dit, des ministres de la
religion. Ces ministres ou cadis, qui appartiennent au corps
des oulémas, rendent la justice en matière civile et reli-
gieuse. Chaque village d'une certaine importance possède
un cadi, sorte de juge de paix payé par les parties. Ces
cadis, ainsi que le grand cadi du Caire, ou cheik-ul-
islam, primitivement chef suprême de la justice mais ne
connaissant actuellement que des délits religieux, sont un
reste de l'ancienne justice qui tend à être de plus en plus
absorbée par la nouvelle organisation judiciaire. Les tri-
bunaux religieux ou mehkemehs n'ont actuellement de
compétence que pour les causes relatives au statut per-
sonnel. Ils fonctionnent dans tous les chefs-lieux de mou-
dirieh et des villes de gouvernorat. Ils sont présidés par
des cadis, c.-à-d. par des magistrats portant le même titre
et recrutés de la même manière que les cadis des villages.
Le grand cadi, envoyé tous les ans de Constantinople, a son
mehkemeh au Caire. Son assesseur porte le titre de 7îaïb. Les
nouveaux tribunaux indigènes constituent une organisation à
deux degrés : les tribunaux de première instance au nombre
de huit (LeCaire, Alexandrie, Zagazig, Benha el Asal, Tan-
tah, Siout, Béni Souef et Keneh) et une cour d'appel unique
au Caire. Ils connaissent des affaires criminelles, civiles et
commerciales entre indigènes seulement. Les étrangers ont
été admis à remplir les diverses magistratures.
Les tribunaux indigènes sont d'abord les tribunaux reli-
gieux, qui, d'une manière générale, connaissent des ques-
tions de statut personnel et de prepriété : les mehkemehs
« chéfi » (juridiction des cadis ; — le grand cadi est
nommé par le cheik-ul-islam de Constantinople) ; le meg-
liss-el-Hasbey (conseil des tutelles); le beit-el-mal
(administration des successions); ces diverses juridictions
ne sont compétentes qu'à l'égard des musulmans ; en ce
qui concerne les catholiques coptes ou grecs et les Juifs,
leurs patriarches ou leurs rabbins remplacent ces divers
tribunaux. A côté figurent les juridictions qualifiées parfois
de juridictions de statut réel et qui sont actuellement les
juridictions indigènes de droit commun ; ce sont pour une
partie du pays (Haute-Egypte) le Megliss-el-Hetmi, qui
remonte au milieu du siècle et qui comporte trois degrés :
première instance, appel et revision ; pour une autre partie
(Basse-Egypte) les tribunaux institués en 1881 et réorga-
nisés par décret du 14 juin 1883, qui ressortissent à une
cour d'appel, siégeant au Caire, et qui sont composés de
magistrats indigènes ou européens désignés par le khédive.
Il existe enfin des tribunaux indigènes de justice sommaire
et de conciliation institués par décret du 9 févr. 1887 et
réorganisés par décret du 2 nov. 1890.
EGYPTE
— 660 —
Les tribunaux mixtes ou de la réforme ont été institués
en 1875 (28 juin); ils devaient disparaître après un délai
de cinq années qui a été l'objet de prorogations succes-
sives, la dernière en date du 31 janv. 1889, également
pour cinq années ; ils ressortissent à la cour d'appel mixte
d'Alexandrie et sont composés de magistrats indigènes et
étrangers, désignés par le khédive, mais ces derniers avec
l'approbation de leurs gouvernements respectifs ; les ma-
gistrats français sont désignés par le ministre de la jus-
tice en France (arrangement du 10 nov. 1874). Il y a
trois tribunaux de première instance (Le Caire, Alexandrie,
Mansourali), plus une délégation judiciaire à Port-Saïd et
la cour d'appel unique d'Alexandrie. Ils sont compétents
entre étrangers et indigènes ou entre étrangers de natio-
nalité différente, mais seulement pour les matières qui
leur sont expressément attribuées par le règlement d'or-
ganisation de 1875; la pratique tend d'ailleurs à étendre
leur compétence. Enfin les juridictions consulaires (V. Ca-
pitulations) sont compétentes en matière de statut per-
sonnel et pour les litiges intéressant exclusivement leurs
nationaux respectifs ; ce sont simplement des juridictions
de première instance ; l'appel est porté devant un tribunal
de la métropole ; en France, devant la cour d'Aix.
Législation. — La législation en Egypte est encore en
voie de formation ; les lois les plus importantes y sont
l'objet de modifications incessantes. Aussi les indications
qui vont suivre seront-elles forcément incomplètes ; de plus,
elles peuvent très rapidement cesser d'être exactes.
Le khédive réunit dans ses mains le pouvoir législatif
et le pouvoir exécutif ; il est assisté de corps délibérants,
organisés par le décret du 1^^ mai 1883 (loi organique
d'Egypte), recrutés par voie d'élection, du moins en partie,
conformément au décret du 1^^ mai 1883 (loi électorale) :
il y a des conseils provinciaux, un conseil législatif, com-
posé des ministres ou de leurs représentants .et des per-
sonnes qu'ils désignent pour les assister; enfin, une assem-
blée générale, composée des membres du conseil législatif
et des délégués des provinces.
Chaque ordre de tribunaux applique une législation
différente. Les tribunaux consulaires appliquent les lois de
leur Etat ; les juridictions religieuses (chrétiennes, coptes
ou grecques et juives) conservent leurs lois propres ; le
Coran et ses dispositions complémentaires (c'est la loi
musulmane du rite hanéflte) sont appliqués par les juri-
dictions religieuses musulmanes ; les tribunaux mixtes
appliquent les codes promulgués le 16 sept. 1875, qui ont
subi ultérieurement certaines modifications de détail; enfin,
les tribunaux indigènes, autres que les tribunaux reli-
gieux, ont été également dotés de codes : le code civil date
du 28 oct. 1883 ; le code de commerce, du 13 nov. 1883 ;
le code de procédure civile et commerciale, du 23 du même
mois ; il faut y joindre la loi des patentes du 9 janv. 1890.
Les tribunaux mixtes ont un code pénal et un code
d'instruction criminelle du 16 sept. 1875; les tribunaux
indigènes, du 13 nov. 1883. La réorganisation du service
de la police a eu lieu par décret du 31 déc. 1883. La
presse et l'imprimerie sont régies par un décret du
26 nov. 1881 ; c'est le régime de l'autorisation préalable
et de la suspension par voie administrative. L'armée est
recrutée et composée conformément aux décrets du 26 mars
1885, des 12 juin et 13 oct. 1889. L. Le Sueur.
Etat de la propriété. — Conditions des terres et
impôts. En Egypte comme dans toute l'étendue des pays
musulmans, les terres sont divisées en terre ochouri (ou
décimales) et terres kharadji (ou tributaires). Les terres
ochouri sont les terres arabes, les terres kharadji toutes
celles qui sont devenues musulmanes par droit de conquête
ou autrement. Une terre kharadji peut cependant être créée
ochouri par le conquérant, dans certaines circonstances.
Mais c*est seulement après Méhémet-Ah que cette distinc-
tion a pu s'appliquer. Auparavant toutes les terres égyp-
tiennes étaient kharadji, et c'est à la suite de divers décrets,
de concessions faites aux officiers et serviteurs des vice-
rois, d'abandons consentis d'une partie des droits souverains
que les terres ochouri sont apparues. Outre ces grandes
divisions de la propriété, on remarque les subdivisions
suivantes.
1^ Terres atarieh ou mulk, c.-à-d. appartenant en
toute propriété à leurs possesseurs ; 2<* terres mazrouf\
c.-à-d. adjugées jadis par soumission cachetée ; ces terres
sont restées en la possession des adjudicataires moyennant
un prix de location annuelle devenu par la suite un impôt;
3<^ terres ayant payé la moukabalah ; 4° terres n'ayant pas
payé la moukabalah. Les terres qui ont payé en tout ou
partie la moukabalah appartiennent en toute propriété à
leurs détenteurs. Les terres kharadji qui n'ont rien versé
ne sont données qu'en usufruit à leur détenteur; elles
appartiennent toujours à l'Etat. En cas d'expropriation pour
cause d'utilité publique, l'Etat n'est tenu ni au rembour-
sement du prix de la terre expropriée, ni à une compensa-
tion quelconque. En cas d'expropriation totale, toutefois, il
doit donner à l'occupant une terre suffisante pour le nour-
rir, lui et sa famille. Au cas où un usufruitier laisserait
sans culture une terre kharadji, il perdrait son droit à
l'usufruit. Les étrangers non musulmans peuvent acquérir
des propriétés en Egypte à la condition de se soumettre
aux lois et règlements qui régissent la propriété musul-
mane et d'acquitter les impôts. Cette faculté ne leur a été
concédée que depuis 1864.
C'est le gouvernement qui est le plus gros propriétaire
foncier de l'Egypte. Il y a présentement deux espèces de
domaines d'Etat séparément administrés : l'^ les domaines
cédés par la famille d'Ismaïl (426,000 feddans) affectés à
l'emprunt Rothschild ; les domaines des Daïra Sanieh et
Khassah déclarés propriétés de l'Etat par la loi de liqui-
dation en 1 880 (485,000 feddans). L'Etat possède en outre
de nombreuses terres libres qu'il concède ou vend suivant
leur qualité ou leur position. Les terres concédées sont
divisées en trois grandes catégories et sont exemptées
d'impôts pour une période de cinq, sept ou dix ans. Vient
ensuite un certain nombre de grands propriétaires ; puis la
terre est divisée en une infinité de parcelles étroites n'ayant
parfois que quelques mètres de largeur.
Comme les terres, les impôts sont ochouri ou kharadji.
L'impôt ochouri correspond assez bien à la dîme. Jadis il
était payé en nature ; et même on revient encore aujour-
d'hui à la perception en nature lorsque les circonstances
sont défavorables. Les impôts kharadji sont fixés d'après
une classification compliquée qui comprend un nombre exces-
sif de subdivisions (50 dans certaines provinces). On conçoit
que les terres ochouri sont dans ce système infiniment moins
taxées que les terres kharadji. Nous empruntons à M. Chélu
(V. la bibliographie) le tableau de la page suivante.
Outre ces deux grands impôts existent des impôts
spéciaux : les terres mazrouf réparties en plus de 80 caté-
gories payent environ 506 fr. par feddan dans la première
et 4 piastres 15/40 dans la dernière. Toutes les terres
arrosées par le canal Ibrahimieh sont soumises à une taxe
supplémentaire d'arrosage qui varie, suivant la nature des
cultures, de 5 à 10 piastres par feddan. Il y a encore un
impôt sur les plantations de tabac qui revient à 777 fr. 75
environ par feddan ; un impôt sur les dattiers de 2 piastres
et demie par arbre. En somme, les impôts qui frappent la
terre égyptienne sont si lourds que le possesseur du sol peut
être considéré comme un fermier de l'Etat plutôt que comme
un contribuable. Tels sont les impôts fonciers. Les autres
contributions sont : l'impôt sur les propriétés bâties, l'im-
pôt professionnel, l'impôt sur les moutons et les chèvres,
l'impôt sur les voitures et pressoirs, enfin les contributions
indirectes.
La contribution foncière sur la propriété bâtie, établie
en Egypte par le décret du 13 mars 1884, est un impôt de
quotité basé sur le revenu net des immeubles. Cet impôt
frappe tous les bâtiments, quelle que soit leur nature ou
leur affectation, ainsi que les jardins qui y sont annexés;
mais, aux termes de l'art. 27 du décret, il n'est applicable
— 661
EGYPTE
que dans 41 villes nominativement désignées. La quotité de
la taxe est fixée au douzième du revenu brut des immeubles
uniformément réduit de 10 %. Indépendamment des excep-
tions stipulées en faveur des bâtiments affectés à un service
public, à Texercice du culte et des œuvres de bienfai-
sance, etc., le décret exonère de l'impôt les cabanes non
productives de revenu ainsi que les maisons dont la valeur
louable n'excède pas 5 livres (129 fr. 60) à condition, en
ce qui concerne ces demeures, qu'elles soient habitées par
le propriétaire ou par l'usufruitier. Enfin les propriétés
Impôts par feddan, en piastres égyptiennes.
TERRES OCHOURI
Delta et Mou-
dirieh, Gizeh .
Supérieures. ..
Moyennes
Inférieures..
Supérieures..
Saïd { Moyennes . , .
Inférieures.. .
l^-e cl.
2e -
, 1- cl,
I 2e —
I Ire cl
! 2« —
l-e cl.
2« —
1- cl.
2e —
l-e cl.
2e —
Ayant payé
la
Moukabalab
99.30
85.05
66.20
49.35
3.3.10
16.25
66.20
58.08
49.35
41.22
24.37
16.25
N'ayant pas
payé la
Moukabalab
108.03
74.33
33.10
74.33
58.1
33.10
Depuis 1880 les 1,648,908 feddans ciui composent les superficies
ochouri ont été frappés, par décret, d'une surtaxe de 150.000 livres
égypt., réparties au prorata des impôts primitifs.
TERRES KHARADJI
Delta .
Maximum.,
Minimum .
Maximum.
Minimum . ,
T. ^ Maximum.,
Fayoïim Minimum.,
Gizeh .
174.21
32.03
166.33
30.32
133.05
64.06
154.00
14.00
Pour le Delta l'impôt kharadji atteint son
maximum le plus élevé dans la province
Dakhalieh et dans la Gharbieh son mi-
nimum le plus bas. Dans le Saïd, Mineh
et Esné payent, la première le kharadji
le plus fort, la seconde l'impôt le plus
faible.
Saïd .
Maximum.
Minimum .
demeurées inoccupées pendant un semestre au moins ont
droit à l'exemption d'impôt pendant la durée de la vacance.
Le revenu des immeubles est évalué d'après les faits
existant au jour où se produit cette évaluation. On y com-
prend la valeur locative du sol ; mais, lorsqu'il s'agit de
l'estimation d'un établissement industriel, la valeur de
l'outillage n'entre pas en considération. Les propriétaires
d'immeubles nouvellement construits doivent en faire chaque
année la déclaration sous peine d'encourir le double droit.
Les évaluations restent invariables pendant une période de
huit ans, sauf dans le cas de modifications survenues dans
la consistance de la propriété. Ces modifications peuvent
donner lieu, soit à la demande du contribuable, soit à la
requête de l'administration, à une nouvelle évaluation de
l'immeuble. Les évaluations sont faites par des commis-
sions spéciales composées de 4 délégués du gouvernement
et de 3 membres tirés au sort sur une liste de 12 proprié-
taires élus par les contribuables. Ces commissions se trans-
portent sur les lieux, visitent et évaluent les immeubles et
consignent les résultats de leurs opérations sur des états
qui sont affichés aux sièges de perception. Les intéressés
ont droit de faire appel de la décision prise à leur égard
devant un conseil de revision composé d'un délégué du
gouvernement et de 6 membres désignés par le sort et pris
parmi les 12 propriétaires élus par les contribuables. Cet
impôt produisait, en 1889, 3,401,948 fr., le nombre des
propriétés imposées était de 105,553, et le revenu impo-
sable de 45,357,408 fr.
L'impôt professionnel, joint à celui des taxes urbaines,
est porté au budget de 1892 pour 185,000 livres égyp-
tiennes. L'impôt sur les moutons et les chèvres rapportait
en 1888 environ 200,000 fr., les voitures et pressoirs à
la même date environ 60,000 fr. Quant aux contributions
indirectes, elles se subdivisent ainsi : douanes (1,400,000
livres en 1892) ; octrois (190,000) ; pêcheries (85,000) ;
droits de navigation (75,000) ; sel et natron (233,000) ;
timbre et enregistrement (environ 2,550,000 fr.). R. S.
Travaux publics. — C'est à Méhémet-Ali que revient
l'honneur d'avoir rouvert en Egypte l'ère des grands tra-
vaux, close depuis longtemps par le stérile despotisme des
Mamelouks. On sait toute l'admiration que ce prince avait
vouée à Bonaparte et à l'œuvre de la commission d'Egypte.
Il appela à lui les continuateurs de cette grande œuvre, les
Linant et les Mougel, s'inspira de leurs conseils et leur
confia l'exécution de projets grandioses, comme s'il avait
été jaloux de surpasser la gloire des pharaons. Une sorte de
préjugé l'empêcha d'exécuter le projet du percement de
risthme, dont il avait compris toute l'importance, mais
qu'il considérait comme pouvant être nuisible à l'indépen-
dance de l'Egypte et partant à ses intérêts dynastiques. Il
semble que les derniers événements lui aient donné raison.
Reconnaissons toutefois que, si l'Egypte recouvre un jour
son indépendance, elle le devra à l'impérieuse nécessité pour
l'Europe de faire respecter la neutralité du canal. L'agri-
culture étant la source de la richesse de l'Egypte, la plus
grande préoccupation de Méhémet-Ali fut l'irrigation. Il fit
endiguer le Nil, multiplier les canaux dans le Saïd, trans-
former le système d'irrigation du Delta, reconstruire la digue
d'Aboukir détruite en 1799 par l'armée anglo-turque, celles
de Kocheïchah, de Tamiah, du Bahr Bêla Ma, élever le grand
barrage du Bahr Chibin, entreprendre celui du Nil, œuvre
colossale qui avait pour but de maîtriser le plus puissant
des fleuves à son embouchure, afin d'élever ou d'abaisser à
volonté le niveau de ses eaux. Les chiffres suivants feront
comprendre mieux que toute espèce de commentaire l'im-
portance de l'œuvre de Méhémet-Ah de 1834 à 1840 :
travaux de canalisation, 104,356,667 m. c; ouvrages de
maçonnerie, 2,814,140 m. c. Cet hommage rendu à Méhé-
met-Ali, examinons rapidement les grands travaux d'utilité
publique menés à terme aujourd'hui :
Irrigation en Haute-Egypte (Saïd). — Trois modes :
10 le plus répandu est l'irrigation par bassins, appKqué
à 1,400,000 feddans; 2° le mode employé pour les
terres hautes est ce qu'on appelle la canalisation sayalleh ;
3^ celui qui est actuellement employé pour l'irrigation de
la région du canal Ibrahimieh, c.-à-d. de Siout à Béni
Souef, est le système d'irrigation sefi au moyen de canaux
dérivés du Nil ; il est aussi appliqué dans la plus grande
partie du Fayoum ; total des terres irriguées par ce sys-
tème : 290,000 feddans.
Irrigation par bassins. C'est le procédé traditionnel par
excellence, appliqué jusqu'en 1837 à toute l'Egypte, au-
jourd'hui affecté seulement à la plus grande partie du
Saïd. Vingt-six groupes autonomes de bassins, treize sur
chaque rive du fleuve. Les bassins dont la réunion cons-
titue chacun de ces groupes ou systèmes, hod de leur nom
EGYPTE — <
arabe, sont formés au moyen de digues transversales,
salibeh, qui vont du fleuve au désert. D'autres digues,
tarad, viennent arrêter les bassins en coupant les salibelis
parallèlement au fleuve, encaissé lui-même par la surélé-
vation de ses berges. Cet endiguement du Nil n'a pas pour
fonction d'empêcher son débordement, nous dit M. Chélu
dans le savant ouvrage (V. la bibliographie) auquel nous
empruntons tous ces détails techniques, mais de contenir
l'eau prise en amont le temps nécessaire à l'irrigation. Les
bassins sont, comme nous l'avons déjà dit, disposés en ter-
rasses et de telle sorte qu'il y ait une différence progressive
de niveau entre deux bassins consécutifs. Les hods peuvent
enfin, dans les parties hautes, se subdiviser en bassins
secondaires empruntant l'eau aux hods voisins , au moyen
d'une brèche ou d'une canalisation spéciale intermédiaire
(comme hauteur de plafond) entre l'étiage et la surface des
terres à irriguer. Ces canaux, du type nilU ne sont par
conséquent en eau qu'à l'époque de l'inondation.
L'emplissage des hods a lieu dans la seconde partie du
mois d'août, après la récolte du dourah, laissée sur pied
jusqu'à ce moment. Le Nil, qui charrie des eaux rouges
depuis quelques jours déjà, ainsi laissé à lui-même, va porter
les prémices de l'inondation au Delta, qui ne tarderait pas
à courir le risque d'être submergé si remplissage simultané
de tous les systèmes du Saïd n'amenait immédiatement une
décroissance rapide de niveau. Le signal de la rupture des
digues est donné d'Assouan, d'après la cote du nilomètre.
H faut pour cela qu'il marque 44 pics. L'emplissage des
hods se fait soit par simple brèche dans le talus, soit par
ouverture de ponts-barrages en maçonnerie. On commence
par submerger les bassins les plus au N. de chaque
groupe autonome, et l'on continue de proche en proche en
veillant à ce que la différence de niveau des eaux reste
sensiblement supérieure à un mètre d'un bassin au bassin
adjacent. La crue terminée, on continue l'inondation en
procédant inversement (du S. au N.), c.-à-d. qu'on dis-
tribue en aval ce qu'on a repris en amont. Les terrains
ainsi détrempés pendant une quarantaine de jours, le sarf
ou vidange s'opère méthodiquement de façon à ne pas dé-
tériorer les digues, ni endommager les bassins ensemencés
d'aval. Nous empruntons au livre de M. Chélu, en le sim-
plifiant, le tableau des groupes autonomes de bassins du
Saïd :
à la surface du sol à
1 m. X 80 _
22,827 m. de leur
PROVINCES
SUPERFICIE
en feddans
des bassins
rive gauche
SUPERFICIE
en feddans
des bassins
rive droite
gsné
59.079
19.958
103.132
254.526
255.324
234.718
190.719
129.324
24.220
127!702
49.137
70.517
47!616
Esné et Keneh
Keneh . . .
Girffeh
Siout
Rpni Souef
Gizeh
Total
1.246.780
319.192
Irrigation sayalleh. Le système d'irrigation des sahels
ou terres hautes qui longent le Nil sur une largeur de près
de 3 kil., comporte une canalisation spéciale dite sayalleh^
dont la partie inférieure à son point de départ s'élève
progressivement en s'éloignant du Nil et n'élève l'eau à
hauteur des sahels qu'après un long parcours : « La déclivité
du Nil, dit M. Chélu, étant de 0°"075 et celle des sayallehs
de 0"^040 par kilomètre, le plan d'eau dans les canaux
s'élève d'autant de fois 0^^035 par rapport au niveau cor-
respondant du fleuve qu'il s'éloigne de kilomètres de son
point de dérivation. D'autre part, le développement du Nil
étant à l'alignement presque toujours direct des canaux dans
le rapport de 100 à 80, si le niveau des terres à arroser
est de 4 m. supérieur à la cote du Nil ou du canal au point
de départ de la sayalleh, les eaux dérivées se répandront
0""03oX iOO"
point d'élévation. Les sayallehs passent toujours en siphon
au-dessous des grands canaux d'inondation qu'elles ren-
contrent sur leurs parcours. » , • -
Inondation par canaux. Ce procédé substitue sous
Méhémet-Ali à l'irrigation par bassins pour toute la région
de l'Ibrahimieh, de Siout à Béni Souef, sur une étendue de
180,000 feddans et la plus grande partie du Fayoum, est
le procédé décrit plus haut sous le nom de sefi. Il permet
d'arroser toute l'année et d'obtenir des cultures mtensiyes
comme celles de la canne à sucre et du coton, au lieu
d'une récolte unique de céréales. Dans ce mode d'irriga-
tion, la quantité d'eau que doit recevoir un feddan de terre
cultivable en vingt-quatre heures est, selon M. Chélu, la
suivante : canne à sucre, de 33 à 36 m. cubes ; coton, de
25 à 28 ; rizières, de 35 à 40 ; céréales, de 46 à 20.
Le Fayoum emprunte l'eau de sa canalisation au Bahr
Yousseuf que l'Ibrahimieh permet de maintenir en eau toute
l'année. Le Bahr Yousseuf alimente soixante-dix-neuf canaux
qui, à leur tour, alimentent cent seize ramifications secon-
daires. Son débit, dont les habitants du Fayoum faisaient
un véritable abus au détriment du reste de l'Egypte et en
s'exposant eux-mêmes à des inondations désastreuses, a
été régularisé de manière à donner : en avril, ^2 millions
de m.'c. ; en juillet, 3 millions ; en octobre, o millions.
Ajoutons que les 234,285 feddans de terres cultivées dans
le Fayoum sont ainsi répartis : culture nili, 420,285 fed-
dans ; culture sefi, 52,300 ; culture chetoui, 58,700.
Irrigation en Basse -Egypte (Beherâh). — Son système
d'irrigation a été modifié à la même époque et de la même
manière que celui du Fayoum. Aux bassins ont été sub-
stitués des canaux sefi, creusés pour la plupart dans le lit
des anciens canaux nili qui desservaient ces bassins. « Ces
canaux sefi, dit M. Chélu, ont une pente de 0"^04, infé-
rieure de 0^03 à 0^04 à celle du Nil et à la pente naturelle
du sol, de sorte que leur plafond qui, à la prise, est de 8°»50
au-dessous du niveau des terres, se rapproche sensiblement
de celui des terrains de l'extrémité N. du Delta, et leur plan
d'eau s'élève par rapport à celui du Nil, au fur et à mesure
qu'ils s'éloignent de leur point de départ. » Ces canaux
donnent une longueur totale de 7,200 kil. à laquelle il
convient d'ajouter 4,000 kil. de canaux nih dérivés du Nil.
Le barrage commencé par Mougel en 4843 serait, s il
était terminé, le plus grand ouvrage hydraulique du monde.
Il est destiné à relever de 4 m. à 4«^50 le plan d eau du
Nil en amont et aménagé de manière à laisser passer trois
artères d'irrigation pour assurer et régler la part du Delta.
Il se compose de deux barrages, l'un de 522^20 de lon-
gueur sur la branche de Damiette, l'autre de 452^30 sur
la branche de Rosette, réunis l'un et l'autre par un quai
circulaire. Chacun d'eux est muni de deux écluses. Dans
l'état actuel, la retenue d'eau obtenue en amont n'atteint
que 2 m., en sorte que le barrage n'agit, à vrai dire, que
comme répartiteur des basses eaux dans les deux bouches
du Nil, qui se les partageaient très inégalement (le bras de
Rosette étant alimenté au détriment de Damiette). Ajoutons
que des affouillements s'étant déjà, depuis plusieurs années,
produits dans son radier, 26 milHons ont été affectés par
la conférence de Londres à sa réparation, confiée à des
ingénieurs anglais. Ces derniers travaux ne semblent pas
avoir donné tous les résultats espérés.
La corvée est une obligation inhérente à la nature du
pays. C'est, en réalité, le véritable service militaire de
l'Egypte. L'inondation est, en effet, une force qui peut
exiger la mobiUsation immédiate de plusieurs milliers de
bras dont l'effort devra être dirigé par une volonté unique.
Indépendamment de l'action à opposer aux débordements
causés par des ruptures accidentelles et qui sont fré-
quents à cause du nombre incalculable des digues, il y
a l'obUgation annuelle de refaire pendant la saison de
l'étiage le profil des canaux déformé par les alluvions. La
moindre négligence à cet égard se solde par une importante
663 -
ECxYPTE
moins-value dans le rendement. On en a eu la preuve après
la néfaste année de 1885., pendant laquelle les travaux
d'entretien avaient été suspendus. L'importance du secours
exigé de la corvée ne saurait être mieux attestée que par
les chiffres suivants. Pour conserver les profils des canaux,
il est nécessaire, nous dit M. Chélu, d'enlever à la main,
chaque année, de 20 à 25 millions de mètres cubes d'allu-
vions dans les canaux à sec et d'en draguer 2 millions
dans les canaux conservés en eau. Néanmoins, les incon-
vénients de cette mesure, qui ne pesait que sur la classe
la moins intéressée à la prospérité du pays, amenèrent
Ismaïl à en décréter la suppression en échange d'un
impôt encore plus impopulaire, car l'impôt venait s'ajouter
à la corvée conservée de fait, quoique supprimée en
droit, comme il arrive toujours en Egypte. Aussi fut-
elle rétablie en d 879 et étendue graduellement à tous les
contribuables en proportion de l'importance de leurs pro-
priétés. Le corollaire de cette mesure fut, bien entendu,
l'exemption personnelle, comme chez nous pour la presta-
tion, au moyen du remplacement. En 1889, on en est
revenu à une suppression partielle, grâce à l'affectation
spéciale de 6,500 livres égyptiennes au budget des tra-
vaux publics, somme à laquelle venait s'ajouter le produit
du rachat tarifé par un règlement. La suppression totale
est aujourd'hui un fait accompli. Les ressources du gouver-
nement égyptien affectées à cette suppression sont, d'une
part, un crédit de 400,000 livres égyptiennes (ancien
crédit de 250,000 livres transformé), d'autre part, une
somme de 910,000 livres à départir en plusieurs années.
L'irrigation soulève en Egypte d'autres problèmes que
celui de la corvée. La conception d'un vaste système fai-
sant de l'Etat le maître et le répartiteur de la masse des
eaux exigeait la création d'une législation spéciale ayant
pour objet l'amélioration du mode de distribution en même
temps que la fixation des garanties contre tout ce qui
serait de nature à l'entraver et à troubler l'équihbre vital
du pays. Cette législation a été promulguée le 12 avr.
1890 dans un règlement qui ne compte pas moins de qua-
rante articles dont l'énoncé ne saurait trouver place ici.
Ajoutons qu'une révolution est sur le point de s'opérer
dans le mode d'irrigation d'une grande partie de la Haute-
Egypte.
Voies de communication. — En dehors des grandes
artères d'irrigation navigables , qui présentent un par-
cours de plus de 3,000 kil., l'Egypte ne possède pas de
routes dignes de ce nom. Néanmoins, les communications
y sont de la plus grande facilité à cause de la nature du
sol. Au moment de l'inondation, il n'existe, en dehors des
villes, d'autre chemin sur la terre ferme que les chaussées
et les digues. Pour ce qui concerne le canal maritime de
Suez, V. Suez (Isthme et canal de). Jusqu'en 1882,
l'Egypte possédait plus de 14,000 kil. de lignes télégra-
phiques. Depuis les événements dont le Soudan a été le
théâtre, le fil qui se reliait à Khartoum et El Obéid a été
coupé dans ses communications avec l'Egypte qui a actuel-
lement sa station la plus méridionale au fort de Khor
Moussa (2 milles au S. de Ouadi Halfa).
Chemins de fer. A l'avènement d'Ismaïl, l'Egypte pos-
sédait 394 kil. de voie ferrée, portés à 1,771 kil. à la
fin de 1873, augmentés de 161 kil. en 1874 et 1875.
Aujourd'hui, cette longueur excède 2,000 kil. Les lignes
actuellement en exploitation sont :
10 D'Alexandrie au Caire par Benha el Asal, Tantah
et Damanhour ; 2« de Benha à Zagazig (Alexandrie-Suez);
3<> de Zagazig à Suez ; 4^ de Galioub à Mansourah ; 5o de
• Chibin el Kom à Damiette par Tantah, Mahallet el Kebir et
Talka ; 6« de Damanhour à Ziftah par Dessouk et Mahallet
Rokh ; 7° d'Alexandrie à Rosette ; 8° d'Alexandrie à
Ramleh ; 9<> de Tell el Baroud à Boulaq Dakrour (Alexan-
drie-Haute-Ei^ypte ; 10° du Caire à Hélouan ; 11° du Caire
à Merg ; 12« de Boulaq Dakrour à Siout ; 13° de El
Ouasta au Fayoum. En outre, petits chemins de fer d'As-
souan à Chellal et de Ouadi Halfa à Sarras.
Ports. Navigation. Alexandrie, Rosette, Damiette et
Port-Saïd sur la Méditerranée ; Raz el Ech, El Kantarah,
Ismaïliah, Serapeum, Chalouf-et-Terraba sur le canal de
Suez ; Suez, (ioséir, Souakin sur la côte occidentale de
la mer Rouge. L'Egypte est chargée aussi par la Porte de
la surveillance du port de Tôr (presqu'île du Sinaï) et de
Djeddah (Hedjaz). Le nombre de bâtiments entrés dans le
port d'Alexandrie en grande navigation a été de 3,182 en
1889 ; la moyenne annuelle est de 3,243. Si on y ajoute
la moyenne générale d'entrée des autres ports de l'Egypte,
on arrive à un chiffre total de 6,073 navires. Les embar-
cations en usage pour la navigation sur le Nil et les canaux
et qui ne diffèrent pas beaucoup des bateaux usités dans
l'antiquité sont les suivantes : la germ, à deux mâts,
jaugeant de 800 à 2,000 ardebs ; les mâdil ou kyas, de
même forme, mais de dimensions moindres ; le maach ou
chaland ; la dahabieh et le ghareb, à deux mâts avec un
corps de cabines e\ l'arrière.
Budget. — Le budget général pour l'exercice 1892
était ainsi établi en livres égyptiennes (la livre égytienne
vaut 25 fr. 92).
Recettes
Contributions directes 5 . 255 . 000
— indirectes 2.070.000
Revenus des administrations de recettes ... 1 . 984 . 000
Recettes des services administratifs 527 . 000
Location et produit des propriétés du gou-
vernement 80 . 000
Recettes du gouvernorat de Souakin 16.000
Retenues sur les traitements du personnel . 55 , 000
Economies de la conversion de la dette et
de la Daïra Sanieh 30.000
10.007.000
Dépenses
Liste civile et maison du khédive 268 . 547
Administration et perception 1 . 822 . 400
Administration des recettes 1 .035. 666
Sécurité publique 707 . 399
Gouvernorat de Souakin 119 . 900
Pensions 420.000
Tribut et dette publique 4.680.088
Dépenses imprévues 46 . 000
Suppression de la corvée 250.000
9.350.000
Excédent des recettes 657 . 000
Dette publique. — Un décret du 7 mai 1876 décidait
l'unification des dettes diverses contractées par voies d'em-
prunts de 1862 à 4873, et se montant à 54,793,150 liv.
st., avec un capital nominal de 59,000,000 liv.^ st.,
et intérêt de 7 °/o amortissable dans un délai de
soixante-cinq ans par tirages trimestriels. La loi de liqui-
dation (17 juil. 1880) a réduit l'intérêt à 4 °/o. En même
temps, émission de nouveaux titres pour i ,958,402 liv. st.
Le 31 déc. 1889, le capital nominal de la dette unifiée se
trouvait être de 55,988,920 liv. st. avec une dotation d'in-
térêt de 2,239,557 liv. st. Un décret du 20 nov. d876
créa de plus pour 17 millions de liv. st. d'obligations pri-
vilégiées à 5 <>/o payées à l'aide des revenus^ des chemins
de fer, des télégraphes et du port d'Alexandrie. Une nou-
velle émission d'obligations privilégiées pour 5,743,800 liv.
st. a été autorisée par la loi de liquidation. Le taux de
l'intérêt de la privilégiée a été converti en 1889 en 3 1/2 «/q.
Une des conséquences de cette conversion a été l'élévation du
capital nominal à 31 millions de liv. st. La dette générale
Daïrah rés^lée par Vemprunt Daïrah Sanieh du 7 mai
1876, étaif à l'origine de 9,512,900 liv. st. nominales. A
la fin de 1890, le capital nominal se trouvait réduit par suite
d'amortissement et de conversion à 7,299,360 liv. st. La
dette domaniale résulte de l'emprunt autorisé par décret
du 26 oct. 1878, garanti par la cession des propriétés
immobilières de la famille khédiviale à MM.de Rothschild
EGYPTE
du —
de Londres. Son capital nominal de 8,500,000 liv. st. s'est
abaissé, par suite de Tamortissement, à 5,080,820; inté-
rêts, 5 °/o. Les deux derniers emprunts contractés par le
gouvernement égyptien sont : l'emprunt garanti 3 ^/q (décret
du 28 juil. 1885) par le payement des indemnités d'Alexan-
drie et les irrigations, descendu de 9,424,000 liv. st.
nominales à 9,069,400 par amortissement et l'emprunt
4 1/2 o/o (décret du 3 avr. 1888 pour contribuer à la con-
version de la privilégiée) amorti complètement le 1 5 juin 1 890.
Industrie. — Les produits minéraux exploités en Egypte
sont : le natron, le nitre et le sel marin. C'est dans la pro-
vince de Beherah que s'exploite le natron pour près de
8 millions de kilogr. par an. Les 8 nitreries du gouver-
nement produisent annuellement environ 650,000 kilogr.
de nitre brut, et les 12 salines, 158,000 kectol. de sel.
Les industries chimiques exploitées en Egypte sont : la
teinturerie, la fabrication de l'amidon, des essences, de la
bougie, etc. Les industries textiles sont les fabriques de
laine, les filatures de lin et de coton, les tissus de laine,
de coton et de soie, pour l'ameublement, la literie et le
vêtement. L'industrie des métaux est représentée par de
nombreux ateliers de fonderie, de forges, de ferblanterie,
de chaudronnerie. La sellerie, la cordonnerie, l'ébénis-
terie et la céramique prospèrent dans les grandes villes du
Delta et du Saïd. La fabrication du sucre" est devenue une
des principales industries de l'Egypte. Elle est représentée
par 22 fabriques dont 10 appartiennent à la Daïrah Sanieh ;
elles peuvent produire ensemble 146,000 tonnes de sucre.
Nous avons cité le coton parmi les industries textiles ; mais
la principale industrie cotonnière en Egypte est celle de
l'égrenage. Les domaines de l'Etat égyptien possèdent
7 usines d'égrenage mettant en œuvre 163 métiers. Les
usines ont reçu, en 1885, 332,130 kantars de coton brut,
et ont livré 100,290 kantars de coton égrené. Citons aussi
la décortication du riz qui occupe un grand nombre d'ate-
liers à Damiette, et notamment la grande usine de Kafr el
Battikh, le pressage des graines oléagineuses, l'éclosion
artificielle des œufs avec 600 fours produisant chacun une
couvée annuelle de plus de 10,000 poulets, l'élevage des
autruches, etc. Mais la principale industrie de l'Egypte, c'est
son agriculture. Son exportation annuelle consistant princi-
palement en produits agricoles se chiffre de la façon suivante :
sucre et mélasse, 1 ,600,000 kantars ; coton, 1 million ; blé,
3 minions d'ardebs; maïs, 3 millions; orge, 2 millions;
fèves, 2 millions; lentilles, 2 millions. En 1889^, Vexpoj^-
tation était de 310 millions de francs, dont 305 millions
pour Alexandrie. De ces exportations, huit dixièmes vont en
Angleterre, un dixième en France, le dernier dixième se
répartit sur le reste de l'Europe, notamment la Turquie,
la Russie et la Grèce. V importation a atteint 182 mil-
lions et demi la même année, dont 4 dixèmes de prove-
nance anglaise, 2 dixièmes du Levant, 1 dixième de
France, etc.
Poids et mesures. — La coudée beledi, base du
système métrique égyptien, n'est pas l'ancienne coudée
royale d'époque pharaonique, mais la coudée mesurant
2 pieds romains, introduite en Egypte au iv® siècle de
notre ère. L'ardeb (mesure de capacité), cube de la cou-
dée ordinaire, date également de l'époque romaine ; le dir-
ham (poids) n'est pas moins ancien. La kassabah, mesure
agraire, remonte au temps des pharaons, mais a varié selon
les temps.
Mesures de longueur. Coudée ou dira beledi := 0™582 ;
pic ou coudée du Nil, dira nili = 0"^524 ; coudée turque,
dira stambouli =z 0"^68; coudée pour les étoffes, dira
hendâzi- =: O'^OS ; coudée à bâtir z= 0°^75 ; kassabah
=: 3°^55; bah (3 coudées) = 1"'74; chibr (grand em-
pan) := 0«^19; fitr (petit empan) = 0^^16.
Mesures de superficie. Kassabah := 12'"'i60; feddan
r= 4,200^^^83.
Mesures de capacité. Ardeb (cube de la coudée ordi-
naire) =z 1971^*74 : ouebeh (1/6 ardeb) z= 32i"96 ; kélé
(1/2 ouebeh) = iQ^HS; roubeh (1/2 kélé) = 8^^*24;
meloueh (1/2 roubeh) = 4^^*12; koddah (1/2 meloueh)
z= 2ii^06. Pour la Haute-Egypte, l'ardeb de 197i"74
comprend : 6 ouebeh, 8 mid, 24 roubeh.
Poids. Kantar (100 rotolis ou 36 okes) = 44^^493;
oke (400 dirhams) :== 1^^-236; rotoH (144 dirhams)
= 0^-444; ardeb de blé — 133^^s637 ^ ardeb de len-
tilles :== 151 kilogr. ; ardeb de riz = 185 kilogr.
Monnaies. L'unité monétaire est la piastre^ monnaie
d'argent pesant ls^35 et valant, à un millime près, 26 cen-
times de notre monnaie. — Les monnaies d'or égyp-
tiennes sont : la livre ou guinée = 100 piastres (25 fr. 92);
la 1/2 livre = 50 piastres (12 fr. 96); le d/4 de livre
= 25 piastres (6 fr. 48). — Les monnaies d'argent sont :
le talari = 20 piastres (5 fr. 18); le 1/2 talari =z
10 piastres (2 fr. 59); le 1/4 de talari =: 5 piastres
(i fr. 30) ; la piastre (0 fr. 26). — Les monnaies de billon
sont : la 1/2 piastre (nickel) r= 0 fr. 13.
Division du temps. — Le khédive Ismaïl a introduit
l'usage du calendrier grégorien en Egypte depuis le 1^"^ janv.
1876. Le calendrier musulman a été exclusivement réservé
à la religion; il sert toujours à déterminer les fêtes. De
même les Coptes ont conservé pour leurs fêtes leur calen-
drier basé sur la division de l'année en douze mois de
trente jours et de cinq jours intercalaires, et partant de
l'ère des martyrs (Dioctétien).
Instruction publique. — C'est à Méhémet-Ali que
l'Egypte est redevable d'un commencement de réorganisa-
tion de l'enseignement pubhc exécuté avec le concours de
Jomard. L'ancien membre de la commission d'Egypte con-
sentit en effet à diriger à Paris une mission de jeunes
Egyptiens, Turcs et Arméniens, qu'il partagea entre les diffé-
rents lycées et écoles supérieures. Cette mission devint le
premier noyau de l'élément éclairé qui depuis lors n'a jamais
manqué à l'Egypte. C'est également deMéhémet-AHque date
la création d'écoles spéciales et d'un ministère de l'instruc-
tion publique en Egypte. En 1840, il y avait en tout
9,000 élèves, logés, nourris, vêtus et même payés. Les
élèves de l'enseignement primaire recevaient une prime
mensuelle variant de 5 à 15 piastres; ceux de l'enseigne-
ment préparatoire ou secondaire de 20 à 35 piastres,
selon la classe , enfin ceux des écoles spéciales de 40 à
70 piastres (la piastre =r 26 cent.). Entrente ans, le nombre
des enfants recevant l'enseignement primaire était arrivé
à 90,000 (statistique de 1873); en 1875, il atteignait
111,803 avec 4,800 écoles et près de 6,000 maîtres. Ac-
tuellement, l'enseignement supérieur et spécial comprend :
l'école de médecine et de pharmacie, l'école de droit,
l'école polytechnique, l'école des arts et métiers, l'école
d'agriculture, l'école de Dar el Oloum (école normale
arabe). L'enseignement secondaire : l'école normale et lycée
Tewfik et l'école Khedivieh. L'enseignement primaire est
très répandu : il n'est pas de ville si petite qu'elle n'ait une
ou deux écoles : on y apprend à lire, à écrire et à compter,
ainsi que les idées fondamentales du Coran. Dans les grandes
villes, l'enseignement est complété par celui de l'histoire
et des langues vivantes.
Les établissements scientifiques de l'Egypte sont : le
musée de Gizeh, ancien musée de Boulaq; l'institut égyp-
tien ; la société khédiviale de géographie et la bibliothèque
khédiviale qui renferme plus de 40,000 volumes. La
France entretient aussi en Egypte un institut d'archéo-
logie orientale fondé en 1881 par l'heureuse initiative de
mM. X. Charmes et G. Maspero.
Armée. Marine. — Les sujets égyptiens sont tous as-
treints à la conscription avec faculté de se hbérer par voie
de rachat. La taxe de rachat est progressive. Fixée à
20 livres égyptiennes (520 fr.) avant le tirage au sort, elle
atteint 100 livres (2,600 fr.) après l'examen du conseil de
revision. La durée du service est de quatre ans dans l'ar-
mée active et de quatre ans dans le corps de police militaire
au service des moudiriat et par conséquent ressortissant
du ministère de l'intérieur.
L'état-major de l'armée égyptienne, à l'exception du
— 6m —
EGYPTE
directeur de l'école militaire et du directeur du génie et des
arsenaux, ayant l'un et l'autre le grade liwa (général de
brigade) qui sont français, se compose d'officiers anglais et
indigènes. Les officiers anglais n'y peuvent descendre dans
la hiérarchie au-dessous du grade de bimbachi (major). Les
Tableau des forces militaires de V Egypte
État-major général (quartier géné-
ral)
District de Tétat-major
Intendance
Police nailitaire de l'état-major
Police militaire
Cavalerie
Artillerie : Etat-major
1 batterie volante
1 — à chameaux..
1 — à mulets
3 — de place
Corps d'infanterie montée à cha-
meaux (Caire)
Corps d'infant, montée (frontière)..
Infanterie : 8 bataillons arabes
5 — soudanais .
1 — dépôt
Service médical
— vétérinaire
Ecole militaire
Premières et deuxièmes troupes...
Troupe de cavalerie
Compagnie de discipline
Forts du Hedjaz
Poudres
Surnuméraires
Totaux .
65
24
36
4
»
35
5
5
5
4
21
7
7
136
130
20
50
5
9
2
1
2
3
4
37
36
39
48
46
738
3
13-2
109
109
477
145
145
5.204
2.665
605
142
16
76
78
23
118
55
587
12.047 667
postes supérieurs occupés par eux sont les suivants : 4 sir-
dar (chef d'état-major général), 1 adjudant général ayant
grade de liwa (général de brigade), 1 commandant de la
frontière et i gouverneur militaire de Souakin ayant l'un
et l'autre le grade de liwa, 1 directeur du service médical
et 1 intendant général avec le même grade ; total : 6 offi-
ciers généraux sur un ensemble de 10 ; 3 miralaï (colo-
nels), le commandant de la brigade du Caire, le commandant
en deuxième de la frontière, le trésorier de l'armée, sur un
ensemble de 4; 15 kaïmakam ou lieutenants-colonels sur 22.
Comme nous l'avons dit plus haut, l'armée égyptienne est
organisée à la turque : les grades sont turcs, et la langue
du commandement est la langue turque. La marine de
guerre égyptienne n'existe que de nom : les débris de l'an-
cienne marine d'ismaïl, qu'on voit dans le port d'Alexandrie,
ne sont plus depuis longtemps en armement. Les seuls ba-
teaux en service actif sont des canonnières d'un très faible
tirant d'eau et armées de mitrailleuses Gattling pour con-
courir aux opérations militaires à la frontière Sud et dont
le port d'attache est Ouadi Halfa. Le corps d'occupation
britannique se compose d'effectifs variables se montant à
environ trois mille hommes. Il est commandé par un major
général qui a son quartier général au Caire. Ces troupes
sont réparties entre cette dernière ville et Alexandrie.
Affaires étrangères. — L'Egypte n'a pas d'autres
représentants accrédités auprès des puissances que les am-
bassadeurs ou chargés d'affaires de la Sublime-Porte. Les
nations représentées auprès du khédive par des agents di-
plomatiques sont les suivantes : Allemagne (agence et con-
sulat général); Autriche-Hongrie (z(^.); Belgique (zcL) ;
Brésil (consulat général à Alexandrie) ; Danemark (id.) ;
Espagne (consulat général) ; Etats-Unis d'Amérique (agence
et consulat général) ; France (id,) ; Grande-Bretagne (id.) ;
Grèce et Alexandrie (id.) ; Haïti (consulat); Italie (agence
et consulat général) ; Maroc (consulat) ; Pays-Bas (agence
et consulat général) ; Perse (id.) ; Portugal (consulat gé-
néral à Alexandrie) ; Russie (agence et consulat général) ;
Suède et Norvège (consulat général). Mentionnons égale-
ment la mission extraordinaire impériale ottomane com-
posée d'un haut commissaire impérial, de trois secrétaires
et de quatre aides de camp. Les grandes villes, peuplées
d'importantes colonies étrangères comme Le Caire, Alexan-
drie, Suez, Ismaïlia, Port-Saïd, sont pourvues de consulats
ou vice-consulats des grandes puissances représentées diplo-
matiquement ; les autres villes, d'agents consulaires indi-
gènes, communs pour la plupart à deux ou trois puissances.
Ainsi l'agent consulaire de Louqsor représente la France et
l'Autriche. La colonie étrangère comprend 91,286 rési-
dents, ainsi répartis : Allemands, 948 ; Américains, 183;
Anglais, 6,118; Austro-Hongrois, 8,022; Belges, 637;
Danois, 149; Espagnols, 589; Français, 15,716; Hel-
lènes, 37,301 ; Hollandais, 221; Italiens, 18,665; Per-
sans, 1,553; Portugais, 36; Russes, 533; Principautés
danubiennes, 323; Suédois, 15 ; Suisses, 412. Les nations
de l'Europe étaient représentées, en 1886, dans les admi-
nistrations de l'Etat égyptien, par 1,662 fonctionnaires,
dont 319 Français. G. B.
Géographie médicale. — La pathologie égyptienne
se rapproche beaucoup de celle de la zone torride. C'est
d'abord l'anémie qui, chez l'Européen, est une conséquence
de la suractivité fonctionnelle de la peau et de la dépression
des fonctions digestives, ainsi que de l'intoxication palustre ;
cette dernière cause, ajoutée à l'insuffisance de l'alimenta-
tion et à l'action d'un parasite, l'ankylostome duodénal
(V. Anrylostome), produit les mêmes effets chez les indi-
gènes. En somme, le quart de la population est atteint
d'anémie. — La malaria fait ses ravages principalement dans
la campagne du Delta et au Fayoum et s'étend jusqu'aux
oasis. Les dysenteries et les hépatites aiguës sont égale-
ment fréquentes, et leur gravité augmente en remontant le
Nil, c.-à-d. avec Paccroissement de la température ; les
diarrhées chroniques, consécutives ou non à la dysenterie,
sont très fréquentes ; les hypertrophies du foie sont très
répandues. Dans les diarrhées avec ulcérations intestinales,
on rencontre dans l'intestin deux espèces de protozoaires pa-
rasites, ÏAmœba colietVA. intestinalis (V. Amibe). Outre
ces caractères, un autre encore, très important, la fré-
quence et la prédominance des pyrexies accompagnées de
phénomènes bilieux, rappelle la pathologie des pays chauds.
C'est en Egypte qu'a été observée pour la première fois la
fièvre typhoïde bilieuse, qui n'est que la forme grave de la
fièvre à rechutes (Griesinger); la fièvre typhoïde ordinaire est
assez répandue en Egypte comme dans toute la région mé-
diterranéenne ; le typhus exanthématique est rare. -- Long-
temps le Delta a été considéré comme l'un des principaux
foyers de la peste ; depuis 1845, la maladie y a disparu à
peu près complètement, après y avoir régné pendant toute
l'ère chrétienne et peut-être avant elle. De 531 à 580, la
fameuse peste de Justinien y pénétra par Péluse ; au xiv^ siècle,
l'Egypte perdit plus du tiers de ses habitants par la mort
noiVe venue de l'Inde. Les autres épidémies relevées ont été
nombreuses depuis 1564 jusqu'en 1842. Aujourd'hui, la
peste semble reléguée en Asie. Mais l'Egypte est la porte
d'entrée pour l'Europe d'un autre fléau, le choléra, dont
elle n'est cependant pas le foyer. Après avoir été visitée
par le choléra dans les diverses épidémies qui envahirent
l'Europe depuis 1831, elle fut épargnée de 1865 à 1883 ;
malheureusement, les Anglais, ayant acquis la prépondé-
rance politique en Egypte en 1882, ne firent plus observer
rigoureusement les mesures quarantenaires qui préservaient
ce pays et l'Europe depuis dix-huit ans, et accordèrent une
tolérance toute spéciale à leurs navires venant de l'Inde. En
1883, le choléra éclata à Damiette, puis se propagea à
Alexandrie et au Caire ; depuis lors le choléra n'a plus été
signalé en Egypte. — La dengue fait quelquefois aussi son
apparition en" Egypte, mais sous une forme atténuée qui
rappelle plus ou moins la grippe ; du reste celle-ci s'y est plu-
sieurs fois montrée épidémiquement. — Les fièvres éruptiyes
font aujourd'hui moins de ravages en Egypte qu'autrefois ;
la variole recule devant la vaccine ; la rougeole y règne
EGYPTE
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souvent épidémiquement sur toutes les races; la scarlatine est
rare ; les oreillons y prennent une grande extension. — La
diphtérie paraît n'atteindre que les enfants d'origine cauca-
sique. — Parmi les affections de poitrine, la plus fréquente et
la plus meurtrière est la bronchite ; la phtisie pulmonaire
est assez fréquente, la pneumonie et la pleurésie sont rares.
Le rhumatisme est la maladie la plus fréquente dans le
désert et le long du haut Nil, oii un froid humide et glacial
succède la nuit à la chaleur torride du jour ; en revanche
les maladies du cœur sont très rares. La goutte ne s'ob-
serve guère. Les lithiases biliaire et urinaire se rencon-
trent bien plus souvent chez les Fellahs que chez les nègres.
L'hématurie chyleuse, produite par la bilharzie, est fré-
quente. — On a peu de renseignements sur la fréquence des
affections psychiques ; beaucoup d'Egyptiens se livrent au
haschischisme qui remplace pour eux l'alcoolisme. Les
autres affections nerveuses, tétanos infantile, hystérie, épi-
lepsie, sont fréquentes. — Peu de pays comptent autant de
borgnes et d'aveugles que l'Egypte ; c'est que les affections
oculaires y sont nombreuses; la vivacité de la lumière, les
poussières fines et salées, la syphilis et la scrofulose, qui
sont fréquentes, en sont autant de causes ; de plus, il existe
une ophtalmie purulente contagieuse qu'on a souvent con-
sidérée comme spéciale à l'Egypte. — Parmi les maladies de
peau, signalons le Lichen tropicus ou bourbouilles, qui
tourmente les blancs dans tous les pays chauds, puis l'érup-
tion rubéolique connue sous le nom de boutons du Nil, par-
fois suivie de furoncles et d'anthrax, également plus fré-
quente chez les Européens que chez les Arabes, nulle chez
les Nubiens et les nègres ; le bouton d'Alep ou clou de
Biskra est plus sérieux ; la lèpre des Grecs se montre quel-
quefois encore dans la partie méridionale de l'Egypte sur
les nègres et les Arabes; l'éléphantiasis des Arabes, com-
mun dans le Delta, affecte également de préférence les
hommes de race colorée. Signalons en outre les ulcérations
phagédéniques (plaie de l'Yémen) et, parmi les parasites,
outre l'amibe, Pankylostome et la bilharzie, le dragonneau
ou ver de Médine. D^ L. Hahn.
Egypte ancienne . — Le livre X de la Genèse
donne Misraïm pour frère à Kouch et Chanaan. A l'époque
où remonte ce document, l'Egypte et l'Ethiopie avaient
mêmes mœurs, même civilisation et pouvaient sembler
deux nations sœurs . Les Grecs renchérirent encore sur ce
point de vue en supposant que les habitants primitifs de
l'Egypte n'étaient autres que des colons éthiopiens. C'est
l'hypothèse inverse qu'ils auraient dû faire : nous savons
aujourd'hui que les colons ont remonté et non descendu le
Nil et que la civilisation éthiopienne n'était qu'une impor-
tation égyptienne d'époque relativement récente par rap-
port aux temps éloignés où l'Egypte sortit de la barbarie.
Si la parenté est problématique entre Kouch et Misraïm,
il n'en est pas de même entre Misraïm et Chanaan. Les
savants modernes, se fondant sur les caractères ethnogra-
phiques et sur certaines analogies linguistiques, s'accordent
à rattacher les anciens Egyptiens à la grande famille de
peuples qui occupaient l'Asie antérieure et l'Arabie, Les uns
les font émigrer dans la vallée du Nil par le détroit de
Babel Mandeb, les autres par l'isthme de Suez. Quant à
eux, ils se considéraient comme les premiers habitants de
la vallée ou du moins comme les premiers hommes qui la
reçurent en partage, car ils croyaient qu'elle avait d'abord
été habitée par des dieux. Ils ne reconnaissaient, à vrai
dire, ce titre qu'aux rois qui régnèrent pendant la période
préhistorique. Leurs sujets étaient ces Chesou-Hor (servi-
teurs d'Horus), que les Egyptiens vénéraient comme les
plus pieux des hommes et comme les fondateurs des villes
et des temples. Ce sont ces générations antéhistoriques qui
conquirent patiemment le sol sur les marécages, fertili-
sèrent de véritables déserts, s'essayèrent les premiers à
ce système savant d'irrigation au moyen de canaux et de
digues qui est resté en usage jusqu'à nos jours. Ce sont
elles aussi qui formèrent les premiers groupes de petits
Etats indépendants, origine des circonscriptions adminis-
tratives que les Grecs appelèrent nomes. Ces petits Etats se
composaient des villes, dont la principale {noiit) était le
siège d'un gouvernement civil et militaire et d'un culte
spécial ; de terres cultivées (oiiou) et de marais {pehoii). Ils
étaient désignés d'un nom formé avec l'emblème du dieu local.
Les chefs héréditaires de ces Etats s'appelaient hiqou. Cette
vaste fédération, fondée sur le respect des droits réci-
proques, ne pouvait durer longtemps. Des querelles de
voisinage suscitèrent des guerres d'où sortirent, avec un
nouveau groupement des forces vives de l'Egypte, plu-
sieurs royaumes bientôt réduits à deux : celui du Nord et
celui du '^Sud. Ces deux grands Etats furent, pendant la
plus grande partie de la période historique, réunis sous un
même sceptre. Le roi portait le titre de souten khab, roi
de la Haute et de la Basse-Egypte, de nib taoui, roi des
deux pays et aussi de se M, fils du Soleil. Le principal
emblème de la royauté était un cartouche, sorte de
limbe dans lequel on inscrivait le nom royal. Dès la
V^ dynastie, les rois firent précéder leur nom de famille
d'un nom d'intronisation. L'ensemble de ces noms, joints
à une devise inscrite sur une sorte de pavois, constitue ce
que les égyptologues appellent le protocole. Le protocole
royal s'écrivait intégralement de cette manière : i'^ le
pavois portant la devise et surmonté de l'épervier d'Horus ;
2° une phrase exaltant les vertus ou la puissance du
souverain et commençant par l'expression maître du vau-
tour et de l'urœus (autrement dit de la Haute et de la
Basse-Egypte) ; 3<> le titre de souten khab, suivi du premier
cartouche (nom d'intronisation) ; 4° le titre de fils du soleil,
suivi du deuxième cartouche (nom de famille) ; 5° l'épithète
divine par excellence : vivificateur éternel. Le protocole
ne pouvait manquer d'exercer la sagacité des égyptologues.
Ils se sont appliqués à démontrer que ces titres avaient
une signification qui dépassait la portée d'une simple
hyperbole et l'ont cherchée dans la conception qu'on se
faisait en Egypte des rapports du roi avec les dieux. C'est
ainsi que M. Maspéro, reprenant et développant la distinc-
tion établie par Erman entre les titres solaires et les titres
d'Horus ou d'épervier et appliquant les uns à la personne
même du roi, et les autres à son double (V. ci-après, p. 674) ,
a pu poser l'équation suivante : 1° l'épervier sur le pavois
représentant l'âme du soleil sur la tombe = nom du double
royal survivant dans l'autre monde, c.-à-d. du pharaon
complètement divinisé ; — 2° l'épervier sur le collier d'or
= nom du double royal, émanation directe de la divinité,
incarné dans la personne royale dès sa naissance; — 3^ le
premier cartouche précédé du titre de souten khab = nom
que prenait le roi en montant sur le trône, c.-à-d. en rece-
vant l'investiture du dieu ; — 4° le deuxième cartouche pré-
cédé du titre de fils du Soleil =: nom de famille du roi, le
seul qu'il aurait porté, moins le cartouche et le titre, s'il
n'était pas arrivé au trône. — De sorte que, si l'on
retourne la progression, on a dans l'ordre même où se
présentent les noms royaux le cursus honorum résumé
d'un pharaon depuis sa naissance jusqu'à sa plus complète
divination. Le roi était aussi appelé le dieu bon et la
grande maison {peraa). Cette dernière dénomination, la
plus populaire en Egypte, devenue pharo dans la trans-
cription hébraïque de la Bible est restée courante dans les
langues modernes. H s'en faut que les pharaons aient tou-
jours pu transmettre intacte à leurs successeurs la double
royauté fondée sur le droit divin. La fin de chaque
dynastie et souvent toute la durée d'une dynastie étaient
marquées par la rupture du lien de vassalité des Etats les
plus éloignés du pouvoir central. Les chefs héréditaires
(hiqou ou ropatou) de ces principautés révoltées usurpaient
alors le cartouche. Quand ils étaient assez puissants pour
soumettre les autres principautés, ils devenaient les véri-
tables rois de l'Egypte, prenaient le titre de souten et éri-
geaient leur ville en capitale du royaume. Au temps de
leur plus grande puissance, les pharaons substituèrent aux
princes héréditaires de véritables fonctionnaires (mer nout
djât) ou nomarques, choisis tantôt parmi les courtisans.
— 667
EGYPTE
tantôt parmi les vieilles familles féodales. Ces préfets
avaient les pouvoirs les plus étendus : ils étaient les chefs
civils et militaires de leurs circonscriptions ; ils levaient
les impôts pour le compte du roi et dirigeaient, à sa réqui-
sition, les opérations du recrutement, de l'armement et de
l'instruction des troupes. Celles-ci étaient commandées, en
temps de guerre, par un état-major composé d'officiers
des archers et d'officiers des chars, placés directement
sous les ordres du roi. Ces officiers étaient en temps de
paix pourvus de fonctions civiles et religieuses. Ils pou-
vaient recevoir, après une heureuse campagne, des dota-
tions en terres, des biens de toute sorte et la décoration
du collier de la vaillance. L'impôt était prélevé en na-
ture et d'après une estimation de la richesse foncière
établie par les scribes du cadastre. Il était emmagasiné
dans de vastes greniers auxquels étaient préposés des fonc-
tionnaires spéciaux. Le bétail provenant de la dîme était
dirigé sur les pâturages du roi. Les biens de la double
couronne avaient pris une telle extension, qu'on ne pouvait
les administrer sans un véritable peuple de fonctionnaires,
les uns purement locaux sous les ordres du préfet, les
autres rattachés au pouvoir central et chargés de l'ins-
pection et du contrôle. Ces nombreux fonctionnaires for-
maient avec le sacerdoce et les chefs militaires une vaste
caste, celle des scribes. Elle comportait une importante
hiérarchie ; car il y avait loin du scribe modeste qui enre-
gistrait les résultats d'une pesée ou le fret d'une barque
au grand scribe de la double Maison blanche, qui était, en
quelque sorte, le ministre des finances. Elle absorbait ainsi
tout l'élément cultivé de la société égyptienne ; au delà de
son degré le plus humble, commençaient les corporations
ouvrières, dont l'organisation également hiérarchique nous
échappe encore en tous ses détails. Le Fellah des villes et
des. champs occupe le dernier degré de l'échelle. C'est lui
qui, sous le bâton du contremaître, élève les digues,
traîne les fardeaux et travaille humblement à la prospérité
et à la gloire de l'Egypte. Pendant longtemps c'est lui qui,
refoulant les nègres, les Libyens et les Asiatiques, a élargi
les limites de la double terre. Plus tard, les pharaons em-
ployèrent des mercenaires qui finirent par constituer en
Egypte cette caste des guerriers dont parlent les historiens
grecs.
Le nombre des nomes ou préfectures varie, selon les
temps et selon les sources, de 36 à 44. La liste en était
souvent dressée sur les murailles des temples où nous les
voyons encore sous la forme symbolique de personnages
venant faire au roi l'offrande des biens de la terre. Ces
personnages disposés en longue procession sur le soubas-
sement des murs ont toujours la tête surmontée de l'em-
blème divin qui leur sert de nom. La plupart ont pu être
identifiés sûrement. Ceux des nomes de la Haute-Egypte
ne laissent place à aucun doute. A la frontière de la Nu-
bie ou Tokensit s'étendait le nome du même nom avec
l'île d'Abou (Eléphantine) pour chef-lieu. Au temps de la
domination romaine, elle céda ce rang à Noubit (Ombos).
Syène de son nom égyptien Souanou (Assouan) s'élevait
sur la rive droite en face d'Eléphantine, célèbre dans l'an-
tiquité à cause de ses carrières et du fameux puits que le
soleil éclairait verticalement le jour du solstice d'été. Le
nome se terminait au S. par les deux îles saintes de
Senem (Bigeh) et d'Ilak (Philae), lieux de pèlerinages pen-
dant toute l'antiquité. Le temple d'Isis à Philse resta le
dernier sanctuaire du paganisme en Egypte. Au N. de
ce nome était celui de Tes Hor (Apollonites) avec Debo
(Apollinospolis Magna) pour chef-lieu. Cette ville, la moderne
Edfou, avait au temps des Ptolémées assez d'importance
pour être dotée par ces princes d'un grand et magnifique
temple élevé sur l'emplacement de l'ancien sanctuaire du
dieu Horhoud. A 27 kil. au S. de Deb s'élevait Khennou
(Cilcilis) célèbre par ses carrières de grès exploitées dès le
temps de la XII® dynastie et son école où l'on formait dès
la même époque au métier de scribes les jeunes gens de
bonne famille venus de tous les points de l'Egypte. Puis
c'étaient le nome de Ten (Latopolites) et celui d'Ouas
(Phatyrites). Le chef-lieu du premier fut d'abord Nekheb
(Eilethya) puis Sni (Latopolis). Nekheb, aujourd'hui El
Kab, était une ville très ancienne. Son nom est resté dans
les textes reUgieux un des noms symboliques de la Haute-
Egypte. Au temps des Hycsos, elle fut le dernier boule-
vard de la résistance. C'est dans une des grottes de sa
nécropole que se trouve le tombeau d'Ahmos, chef des
nautonniers, dont la grande inscription est un des docu-
ments les plus intéressants pour l'histoire de la libération
de l'Egypte. Ahmos, en eff"et, prit part à la bataille d'Ava-
ris, qui consomma la défaite des Hycsos. Le nome d'Ouas
avait pour chef-lieu Apit ou Tapit, la Thèbes des Grecs
(Diospolis Magna), capitale de l'empire sous neuf dynas-
ties. Son histoire est en quelque sorte celle de l'Egypte.
Grande et forte lorsque ses rois étendent leurs conquêtes
depuis la cinquième cataracte du Nil jusqu'à l'Euphrate,
elle est tour à tour prise et pillée par tous les envahisseurs
de l'Egypte, Ethiopiens, Assyriens et Perses. Mais ce fut un
cataclysme qui lui porta le dernier coup. A moitié dé-
truite par un tremblement de terre en l'an 27 av. J.-C,
elle n'offre plus aujourd'hui que les ruines imposantes,
disséminées dans les villages de Karnaq et de Louqsor (rive
droite), de Medinet Habou, Gournah, Déir el Bahari (rive
gauche). A l'époque romaine, le chef-lieu du nome avait
été transporté à On du Sud (Hermonthis). Au N. du
nome Phatyrite, on entrait dans les nomes Coptites (Horoui)
et Tentyrites. Le premier sur la rive droite avait pour
chef-lieu Coubti(Coptos), la moderne Koft, qui paraît avoir
balancé, au début delà XP dynastie, l'influence de Thèbes,
et qui lui succéda sous les Ptolémées, comme capitale com-
merciale de la Haute-Egypte. Elle fut alors et resta pen-
dant toute l'époque romaine le grand entrepôt des mar-
chandises de l'Inde. Le second, sur la rive gauche, avait
pour chef-lieu Tentarer(Tentyris), la moderne Denderah,
consacrée dès les temps les plus anciens à la déesse Hathor.
Son grand temple, qui fait l'admiration des voyageurs,
n'est qu'une reconstruction d'époque romaine. Le nome
de Haskek (Diospolites) venait ensuite avec Hou (Diospo-
lis Parva), la moderne Hâou. Le nome Thinites, qui s'éten-
dait sur les deux rives, comme le précédent, fut le berceau
de la monarchie. Sa première capitale, Thinis, aujourd'hui
Kôm es Soultan selon les uns, et Bellianeh selon d'autres,
céda le pas dès une haute antiquité à Aboudou (Abydos),
la ville sacrée qui se vantait de posséder le tombeau d'Osi-
ris et qui fut remplacée à son tour par Psoï (Ptolémaïs).
« Les nomes de l'Egypte-Moyenne, entre Abydos et Mem-
phis, dit M. Maspéro, sans avoir jamais obtenu une pré-
pondérance marquée, ont pesé d'un grand poids dans les
destinées du pays. Remplis d'une population nombreuse,
couverts de places fortes situées avantageusement sur les
différents bras du Nil, ils pouvaient couper à volonté les
communications entre Thèbes et Memphis et arrêter long-
temps la marche des armées. » Le premier d'entre eux, le
nome de Khemi (Panopolites), avait pour chef-lieu Apou
(Khemmis), appelée aussi Panopolis pour les Grecs qui
avaient identifié son dieu ithyphallique, Khem, avec Pan.
Un autre nom du dieu était Min, lequel, fondu avec le
premier, a donné à la ville son nom moderne d'Akhmin.
Venaient ensuite le nom de Douf (Antaeopolites) dont le
chef-lieu Toukaou (Antgeopolis) s'élevait sur l'emplace-
ment de la moderne Gaou el Kebir (rive droite) et le nome
de Baar (Hypselites) avec Chachotpi (Nesl et Chetoub) sur
la rive opposée. On entrait alors dans le lotef supérieur
(Lycopolites),même rive, qui avait pour chef-lieu Lycopohs
Siout) où l'on adorait le chacal Anubis comme dieu des
morts, puis dans le lotef inférieur, chef-lieu Kousit (Cusae),
la moderne Qossyeh. Ce nome se fondit avec les deux
voisins à l'époque gréco-romaine. L'un d'eux, le nome de
Ounou (Hermopolites) avait pour chef-lieu Kmounou (Her-
mopolis), aujourd'hui Achmouneïn. Il tirait son nom de
son dieu principal (Thot, Hermès). Sur l'autre rive du
Nil, Aménophis IV avait élevé la ville dont les ruines se
EGYPTE
- 668 -
retrouvent à côté de Tell el Amarna. Le Mehi avait pour
chef-lieu Hbennou (Théodosiopolis), ville obscure et qui a
laissé moins de souvenirs que Nowrous (Khom el Ahmar)
où l'on voit encore des tombes de l'ancien empire, et sur-
tout que Panoubt (Speos Artemidos) dont la nécropole
forme une série de grottes réparties entre cette localité et
Béni Hassan. Ces tombes qui sont celles de princes de la
XIP dynastie nous ont conservé les documents les plus
précieux sur la vie et les mœurs de la féodalité à l'époque
du premier empire thébain. Les plus anciennes villes du
nome étaient Monaït Khoufou, fondée par Khoufou (Chéops),
sur l'emplacement de la moderne Minieh. Sur la rive
droite les deux nomes de Pa, chef-lieu Haibonou, et de Ma-
ton (Aphrodites), chef-lieu Panibtepahe (AphroditopoHs),
la moderne Atfieh, faisaient face au nome de Ouabou
(Oxyrrhinchites), chef-lieu Pamadjit (OxyrrhinchosPemsje),
aujourd'hui Behneceh, au Nouhit supérieur (Heracleopo-
lites), chef-lieu Hakhnensou (Heracleopolis Magna), aujour-
d'hui Hnassieh, et au Nouhit inférieur, chef-lieu Miritoum,
aujourd'hui Meïdoum. Le Fayoum, qui était attaché au
premier, forma à son tour un nome nouveau, l'Arsinoites,
avec Chedou (Crocodilopolis) pour chef-lieu. Toute cette
partie de l'Egypte comprise entre Lycopolis etMitoum semble
avoir eu la prépondérance pendant près d'un siècle, alors
que les dynasties memphites étaient déchues de leur an-
cienne grandeur et que les princes de Thèbes n'avaient pas
encore fait parler d'eux. La Basse-Egypte commençait au
nome de Anbouhaït (Memphites), dont le chef-heu Mannoouir
(Memphis), appelé aussi Hakaphtah, a donné son nom à
l'Egypte. Son histoire comme celle de Thèbes, sa rivale, est
intimement liée à celle de l'Egypte. Puissante et prospère
au temps où ses rois régnaient sur toute la vallée, puis
délaissée pendant de longs siècles, elle reprit une partie de
son importance au vi^ siècle avant J.-C. et ne déclina tout
à fait qu'à l'époque romaine. Ses ruines couvrent encore
aujourd'hui la vaste plaine comprise entre Bedrecheïn et
Mitrayneh. Sa nécropole, encore plus grande que celle de
Thèbes, comprend la série de pyramides qui s'étend
d'Abou Roach à Dachour. L'identification des nomes du
Delta est loin de présenter le même degré de certitude que
celle des provinces de la Haute et de la Moyenne-Egypte.
Nous pouvons cependant citer les nomes Létopoliteet Hélio-
polite, l'un à gauche, l'autre à droite de la pointe méri-
dionale du Delta. Le premier avait pour chef-lieu Sokhmit
(Létopolis), le second. On du Nord (Héliopolis) moins im-
portante par sa population ou son rôle politique que par
son collège de prêtres, fondateur d'un système théologique
qui. exerça la plus grande influence sur la religion de l'em-
pire. Sa célébrité était telle dans le monde ancien que
les Grecs s'imaginaient qu'il avait été l'école où s'étaient
formés leurs plus grands philosophes. Les nomes Saïtes,
chef-lieu Sais, sur la rive droite de la branche canopique,
Phteneotes ou Am inférieur, chef-lieu Boulo (Ouadijt),
jouirent dès la plus haute antiquité d'une certaine impor-
tance. Le culte de Neit, à Sais, qui eut surtout sa vogue
sous les rois de la XX VP dynastie, remontait à l'ancien
empire ; quant à Bouto, elle n'a pu, comme Nekhab, sym-
boliser le N. de l'Egypte que grâce à une prépondé-
rance politique ou religieuse dont l'histoire n'a pourtant
conservé aucune autre trace. A défaut des nomes on a re-
trouvé l'emplacement d'un grand nombre de villes dont les
principales sont Khsôou (Xois), aujourd'hui Sakhra, sur
l'ancienne branche sébennytique, Panibdidou (Mendès), au
S.-O. du lacMenzaleh, Thebnoutir (Sebennytos), aujour-
d'hui Samanhoud, sur la branche de Damiette; Pa Bast
(Bubastis), aujourd'hui Tell Basta, au S. de Zagazig, et
Tanis, aujourd'hui San, où Mariette a mis au jour les cu-
rieux monuments qui nous font remonter au temps de la
domination des Hycsos.
Religion. — Aucun peuple n'a eu autant de dieux que
les Egyptiens. Chaque tribu, chaque petit Etat et plus tard
chaque nome eut les siens. Ce n'étaient à l'origine que les
personnifications des forces ou des principaux aspects de
la nature, le ciel, les astres, les phénomènes célestes, le
Nil, la terre productrice, un grand nombre d'animaux,
des arbres, des minéraux, etc. La croyance populaire
attribuait même certaines vertus à des objets fabriqués. A
la longue, ce grossier fétichisme s'épura. Les théologiens
distinguèrent entre les divinités primordiales et les génies
secondaires qui restèrent toujours l'objet de la superstition
du peuple. Les dieux proprement dits ne réussirent pas néan-
moins à s'affranchir complètement des éléments grossiers
qui les constituaient à l'origine et qui restèrent leur mode
d'expression. Des dieux cosmiques comme Sowek, Thot,
Chnoum, Ptah, etc., ne purent jamais se dégager des
formes du crocodile, du singe ou de l'ibis, du bélier et du
bœuf avec lesquels ils ne faisaient qu'un au début, et qui
demeurèrent leur vivant symbole ; à plus forte raison les
dieux qui ne pouvaient avoir d'autre signification que celles
qui était contenue dans leur forme animale. Les Egyptiens
ne concevaient donc pas les dieux autrement conformés
que leurs créatures : ils leur attribuaient un corps, une ou
plusieurs âmes comme à l'homme, des besoins, des pas-
sions, en un mot la vie. Ils naissaient et mouraient, se
mariaient et s'engendraient, se haïssaient et se faisaient
la guerre comme les hommes. Il est vrai qu'ils ne mou-
raient jamais complètement ; mais cela ne leur constituait
pas une immunité, car l'homme avait le même droit à la
résurrection et l'obtenait par l'accomplissement de certaines
formantes dont les dieux ne pouvaient non plus s'abstenir.
On ne saurait nier pourtant que les textes de l'époque
thébaine nous mettent en présence de conceptions reli-
gieuses d'un ordre assez élevé : Amon, par exemple, y
reçoit les titres de dieu un, unique^ de maître de l'éternité
ni plus ni moins que le Jahouèh des Juifs. Mais ces con-
ceptions, d'ailleurs spéciales aux théologiens, laissèrent
coexister les croyances primitives, de la même manière
que la création de l'écriture cursive laissa subsister l'an-
cienne écriture hiéroglyphique, sur laquelle elle était un
sérieux progrès. Le trait dominant du caractère égyptien
a été de tout temps un conservatisme absolu : rien ne s'est
transformé en Egypte, tout s'est superposé. C'est ainsi
qu'on retrouve intacte, aux derniers moments du paga-
nisme, la cosmogonie imaginée dès avant la période histo-
rique par les prêtres d'Héliopolis. Selon cette doctrine,
rien à l'origine n'existait avant le Nouit, l'océan primordial.
Le premier dieu qui en sortit, Toum ou Atoum, engendra
de lui-même un premier couple divin. Chou et Tafnout, qui
sépara le ciel d'avec la terre . Comment se fit cette opéra-
tion, c'est ce que nous montrent les nombreuses répliques
d'un tableau devenu très populaire en Egypte. La déesse-
ciel Nout tient embrassé le dieu-terre Sib couché de tout
son long sous elle. Chou, qui jouait seul ce rôle dans la
forme primitive du mythe, se ghsse entre les deux corps,
et soulève, d'abord agenouillé, puis dressé, la déesse-ciel
qu'il supporte indéfiniment, et dont les bras et les jambes
pendantes restent en contact par leurs extrémités avec
le dieu Sib. Chou représentait ainsi l'air, c.-à-d. l'élément
intermédiaire. Le monde ainsi formé s'éclaire subitement :
le soleil parait hors du lotus qui émerge de l'Océan, et
accomplit sa première course, vivifiant tout sur sa route.
Suit la naissance d'Osiris, le premier homme, fils de Sib
et de Nout. Osiris, comme l'Adam biblique, a une com-
pagne, Isis, et de plus un frère, Sit, qui représente le mal,
comme lui-même représente le bien. Sit fait la guerre à
son frère, le tue et le met en pièces. Mais Isis rassemble
les morceaux épars dans toute l'Egypte et aidée de sa sœur
Nephthys les embaume. De son époux ainsi rendu à une
vie qui n'est plus la vie terrestre, elle conçoit un fils
(Horus) qui deviendra le vengeur de son père et mettra à
mort son meurtrier Sit. Ce mythe de la création ainsi
accomplie en plusieurs actes (création de l'élément actif
qui sépare le ciel d'avec la terre, création du monde,
création de la vie et de la mort) n'est pas seulement l'une
des plus vieilles théories de la science, c'est aussi le pre-
mier indice que nous ayons de la concentration en un seul
669 -
EGYPTE
culte de divinités d'origines diverses, source du syncré-
tisme qui nous apparaît déjà en toute sa complexité dans
les textes les plus anciens. Neuf des dieux de cette légende,
ainsi groupés en ennéade, Toum, Chou, Tafnout, Sib,
Nout, Osiris, Isis, Sit, Nephthys, avaient une existence
indépendante avant de former ensemble un cycle. Chou,
Sib, Nout étaient, à vrai dire, des dieux élémentaires
communs à la plupart des tribus qui émigrèrent dans la
vallée du Nil ; de même Isis qui du hmon fertile devint la
divinité mère par excellence ; mais Osiris et Sit étaient des
divinités locales , Osiris de Mendès, Sit de certaines tribus
du Delta. Toum, Tafnout et Nephthys appartiennent à
une classe de divinités tout autre ; elles ne proviennent
pas d'un fond populaire, mais ont été formées artificielle-
ment pour les besoins de la cause. Il y avait ainsi en
Egypte trois sortes de dieux : les dieux élémentaires com-
muns à toute l'Egypte et dont un petit nombre, Isis et
Hor, par exemple, ont été adoptés par certains nomes et
ont eu à ce titre des temples spéciaux et un culte, les dieux
locaux dont Tun (Osiris) a eu le sort inverse en devenant
une divinité nationale, et, en dernier lieu, les dieux fac-
tices dont les théologiens ont rempli la mythologie. L'en-
néade héliopohtaine paraît s'être substituée de bonne heure
à la plupart des systèmes élaborés dans les autres écoles.
On se contenta le plus souvent de changer le dieu primor-
dial par le dieu principal de la localité, homme ou femme,
car chaque centre religieux n'adorait pas nécessairement
un dieu masculin. Sais mettait en première ligne la déesse
Nit , Denderah la déesse Hathor, les îles de la première
cataracte les déesses Anouqit et Satit, Philse la déesse
Isis, etc. Certains sanctuaires éliminèrent Sit, le dieu
maudit, au profit d'Hor, fils d'Osiris, lequel, bien avant
de jouer un rôle dans la légende de la Passion égyptienne,
fut un dieu-ciel, puis un dieu-soleil. Il y eut aussi des
ennéades qui comptèrent dix, douze dieux et au delà ; mais
les dieux supplémentaires ne comptaient que pour un avec
les dieux essentiels de l'ennéade dont ils étaient les
parèdres. L'école d'Héliopolis ne s'en tint pas à une
ennéade unique; elle s'efforça de grouper de la même
manière les principaux dieux de l'Egypte et de les rat-
tacher ainsi à un vaste système d'explication de l'Univers.
Le premier cycle ou grande neuvaine renfermait les divi-
nités créatrices, le cycle suivant ou petite neuvaine fut
destiné à représenter l'organisation et la marche du
monde une fois créé. Nous n'en connaissons pas la compo-
sition primitive, mais les exemples qui nous sont fournis
par Thèbes et Philse s'accordent à y incorporer les dieux
Hor, Anubis, Sotp, Harmachis, Thot, les déesses Hathor
et Maït. Les théologiens ne s'arrêtèrent pas en si beau che-
min. Une troisième neuvaine comprit des dieux du troisième
degré et ainsi de suite. Une école sacerdotale célèbre, celle
d'Hermopolis, fut réfractaire à l'ennéade héliopolitaine et
lui en opposa une formée par le doublement des quatre
dieux-singes que le grand dieu de Kmounou, Thot, avait
préposés aux quatre points cardinaux. Cette ennéade se com-
posa donc de Thot comme dieu primordial et des quatre
couples Nounou et Nounit, Hchou et Hchit, Kakou et Ka-
kit, Nenou et Nenit.
^ La combinaison par trois ou triade, qu'on a longtemps
considérée comme la base de l'ennéade, semble avoir eu
son point de départ dans la tendance qu'avaient les
anciens Egyptiens à ramener toutes leurs conceptions
religieuses à l'imitation uniforme des choses humaines. La
triade se composait d'un dieu père, d'une déesse mère et
d'un dieu fils. Conception populaire à l'origine, elle ne
tarda pas à être adoptée par les théologiens, qui se ser-
virent des unions divines comme on fait des mariages
politiques pour fondre des intérêts de culte quand les cir-
constances l'exigeaient. C'est ainsi que Ptah de Memphis
épousa Sekhet de Létopolis et adopta son fils Nowre-
Toum, né sans doute d'un premier mariage de la déesse
avec Toum d'Héliopolis, et qu'Amon, dieu de Thèbes, fut
transformé en père de Menton et à ce titre le supplanta
comme dieu de la Thébaïde, lorsque Thèbes, desimpie bour-
gade qu'elle était, devint la capitale du double royaume.
L'une des plus anciennes triades était celle que compo-
saient Osiris, Isis et Horus : elle fat en tout cas la plus ré-
pandue. La triade la plus artificielle est à coup sûr, comme
l'a remarqué M. Maspéro, celle de Sit à qui l'on donnait
pour épouse et pour fils Nepththys et Anubis, divinités qui
lui étaient hostiles en tant qu'alhées d'Osiris. La triade oc-
cupa bientôt, à côté de l'ennéade, un eplace importante dans
la rehgion égyptienne ; on peut même dire que, dès la se-
conde période thébaine, elle occupa la première. Dès lors,
il s'en forma de toutes sortes par addition d'un dieu à la
déesse locale quand celle-ci avait un fils ou de deux dieux
dans le cas contraire, par la création de déesses au moyen
d'un petit artifice philologique : Amonit, d'Amon, Raît, de
Rà, etc. A l'époque ptolémaïque on ne tint plus aucun compte
du type père, mère, fils, qui était le principe même de la
triade et l'on admit toutes les combinaisons quelles qu'elles
fussent : Osiris, Haroëris, Harpechroud; Osiris, Isis,
Nephthys, Khnoum, Satit et Anouqit ; Isis, Nephthys et
Selqit, etc.
L'intluence exercée par l'école d'Héliopolis sur les
croyances de l'Egypte ne s'est pas seulement manifestée
pas la diffusion de sa cosmogonie et de son ennéade, mais
aussi par la prépondérance à laquelle arriva son dieu
solaire dans tous les sanctuaires de l'Egypte. Il semble en
effet que Râ soit devenu le dieu égyptien par excellence.
Tous les dieux chefs d'ennéades se transformèrent à son
exemple en soleils ; ceux même dont le caractère originel
s'était le moins effacé comme Chnoum, qui était un dieu Nil,
comme Ptah, qui était un dieu Terre, etc. Amon lui-même
ne put faire accepter sa prépondérance à l'époque de l'hé-
gémonie thébaine qu'en se confondant avec Râ. Le nom du
dieu d'Héliopolis entra en composition avec un grand nombre
de noms divins : Amon-Râ, Knoum-Râ, Sewek-Râ, etc. Râ
ayant le titre de père de tous les dieux, ses imitateurs
l'usurpèrent. Celui de fils de Râ fut pris de la même façon
par les pharaons, dès les premiers temps de la monarchie.
L'identification de toutes les divinités locales avec le soleil
est un fait capital dans l'histoire des religions de l'Egypte.
Elle contenait en germe ce monothéisme imparfait que
quelques savants considèrent comme l'essence du paganisme
égyptien. Le procès de cette doctrine a été fait avec une
haute autorité par M. Maspéro dans la Revue de lliistoire
des religions^ de 1880 à 1889.
Le culte rendu aux dieux donne encore plus que la mytho-
logie la mesure du degré de grossièreté qui les carac-
térise. Le temple est la demeure où ils résident en corps et
en esprit. Ce n'était à l'origine qu'une chambre où le fé-
tiche dressé sur son socle recevait l'adoration des fidèles,
ou encore une sorte d'étable précédée d'un enclos où s'ébat-
tait l'animal divin. Les purifications, les offrandes dont on
le nourrissait, les sorties solennelles qu'on lui faisait faire
furent à l'origine et restèrent toujours les éléments essen-
tiels du culte. Diverses causes contribuèrent de bonne heure
à la transformation du temple : 1® l'association des pa-
rèdres au culte de la divinité principale ; 2<^ l'accroisse-
ment prodigieux des offrandes pour les dieux dont le
pouvoir s'étendait au delà des limites du nome; 3** la dévo-
tion des souverains qui n'était pas exempte d'une arrière-
pensée politique et qui leur suggéra le dessein de ces
constructions splendides destinées à rendre plus sensible
l'importance de leur dieu régional. La chapelle primitive s'ac-
crut de chapelles pour les dieux parèdres, de nombreuses
chambres pour les accessoires du culte, les purifications,
le sacrifice, l'installation du sacerdoce. On jugea aussi à
propos de dérober à la vue de la foule les sorties les plus
fréquentes du dieu; d'où ces cours à portiques clos de
hautes murailles. A l'état rudimentaire, ces dispositions
étaient rigoureusement contenues dans un massif bâti sur
plan rectangulaire, avec des murs de même hauteur. Mais
les accroissements successifs que reçurent ces édifices
leur firent bientôt franchir ces limites. Les portiques et
EGYPTE
670
les vestibules érigés par les rois en souvenir de leurs vic-
toires prirent des proportions telles que le sanctuaire ne
devint au moins en apparence qu'un accessoire du temple.
Il disparaissait derrière ces superbes annexes qu'une règle
absolue plaçait toujours en avant des constructions plus
anciennes. Le tvpe primitif du temple fit donc place à un
type nouveau que les pharaons de la XIX« dynastie prirent
pour modèle. Il se composait du temenos, auquel on accé-
dait par un long dromos bordé de sphinx, d'un nombre
variable de portiques avec propylées, du pronaos ou salle
hvpostyle et du secos. Inaccessible aux dévots, mystérieux
par sa profondeur et son obscurité, le secos ou sanctuaire
était formé par une chapelle centrale autour de laquelle se
groupaient plus ou moins régulièrement d'autres chapelles
ainsi que les chambres d'un caractère trop sacré pour prendre
jour sur les portiques. Ce qui contribua à la consécration de
ces dispositions, ce fut l'assimilation de tous les dieux au dieu
d'Héliopolis. Sous Tinfluence de ce mysticisme, le temple
devint la maison du soleil, c-à-d. l'univers. Le culte se
modifia dans le même sens. Le dieu se recueillait au fond
de sa chapelle comme l'astre perdu derrière l'horizon ;
comme lui, il se levait dans sa barque et apparaissait dans
la salle hypostyle construite à l'image du monde visible :
son plafond constellé figurait le ciel, les papyrus et les lotus
qui ornaient sa base et qui alternaient avec les images des
nomes et des dieux Nils rappelaient le monde terrestre ;
l'espace intermédiaire représentait la région de l'air acces-
sible aux seuls dieux et au pharaon divinisé. Le dernier
propylône qui était aussi le plus élevé correspondait pareil-
lement au zénith, au point culminant d'où le soleil redes-
cend lentement pour se perdre derrière l'horizon. C'est là
que la barque divine portée par les naophores resplendis-
sait entre les deux obélisques et répandait sa lumière et sa
doire sur la foule des fidèles, pour reprendre bientôt comme
le soleil sa route vers la demeure mystérieuse, au fond de
l'adytum. Certains temples possédaient aussi dans une de
leurs vastes cours un petit lac où l'on faisait accomplir à
la barque sacrée la traversée mystique du Nil céleste.
En tant que soleil, le dieu n'en était pas moins soumis
à toutes les nécessités inhérentes à la condition humaine.
Il lui fallait des vêtements, des parfums, des aliments. 11
avait sa garde-robe, ses officines et ses cuisines, ses gre-
niers, son bétail et ses pâturages, ses pêcheries, etc. Il ne
se contentait pas de l'impôt que lui payait la piété de ses
adorateurs ; des biens immenses en Egypte et au dehors
lui assuraient d'importants revenus. Il avait sa part aux
dépouilles des vaincus et se partageait avec le pharaon
tous les avantages d'une prépotence purement terrestre.
Quoique dieu lui-même, ce dernier lui devait la plus
entière soumission et l'honorait d'un culte en règle en
échange d'une protection toute spéciale. Les nombreuses
scènes qui illustrent les temples nous initient clairement
aux rapports du dieu et du pharaon. Parfois nous les
voyons assis côte à côte sur un pied de quasi-égalité ; mais
le plus souvent le dieu trône seul, et reçoit de son fils
bien-aimé Voiïrânàe du vin, de l'eau, du lait, des deux
couronnes, du sistre, du collier menât, des pams sa-
crés, etc. Nous voyons le roi lui-même chasser au lasso
les quatre bœufs du sacrifice, qu'il accomplira intégra-
lement comme un simple ofliciant. Ces scènes strictement
liturgiques ornent l'intérieur des chapelles, des chambres
et de la salle hypostyle. Les scènes réservées à l'extérieur
sont d'une autre nature. Elles nous représentent le pha-
raon partant pour la guerre, rencontrant et battant
l'ennemi, puis rentrant triomphalement sur son char avec
les chefs des vaincus qui seront en dernier lieu sacrifiés
devant le trône divin. Dans tous ces actes, ritualistiques
ou militaires, le pharaon s'astreint à une mise en scène
et un costume réglé par le cérémonial. Ici il porte la
couronne du Sud, là celle du Nord, ailleurs, le pschent
ou le klaft, selon les cas, le diadème atef, le casque,
ou la tête nue. Des légendes hiéroglyphiques qui accom-
pagnent ces scènes nombreuses ne nous passent aucun
détail : elles nous donnent les noms et les titres des per-
sonnages, les noms des chevaux ; elles reproduisent jus-
qu'aux paroles jetées au milieu de l'action, les ordres, le
dialogue engagé entre le roi et ses officiers. Ainsi le temple,
avec la chronique détaillée des campagnes royales, les
listes de peuples vaincus et des tributs payés aux
dieux, le texte des prières et des actions de grâces, les
tableaux des fêtes périodiques, les formulaires de l'offrande
et du sacrifice, le détail des cérémonies, constitue à lui
seul le répertoire le plus important pour l'étude de la vie
publique et religieuse de l'Egypte. A l'époque ptolémaïque,
il subit diverses modifications. Les cours plus ou moins
nombreuses de l'ancien temple se réduisaient à une cour
unique entourée de portiques que Strabon (dont nous res-
pectons la nomenclature) appelle ptères ; les colonnades
des diverses salles du secos se localisent dans le pronaos
ou salle hypostyle toujours en avant et toujours plus élevée
que le naos proprement dit ; les chapelles et autres dispo-
sitions intérieures de cette dernière partie se groupent
symétriquement par rapport à la chapelle principale rede-
venue ce qu'elle devait être, c.-à-d. le noyau du secos.
Toutes les représentations relatives aux campagnes royales
n'intéressant plus directement le culte disparaissent et
laissent le champ libre à la mythologie et aux scènes
purement liturgiques. De même la géographie antique four-
nie par les listes de peuples vaincus cède la place à la géo-
graphie égyptienne, soit à propos des guerres mythiques
d'Osiris et de Bit, soit à propos des redevances dont le
dieu était honoré de la part des différents nomes. Quant
au roi lagide et plus tard au césar, il se substitue pure-
ment et simplement au pharaon, dont il prend les costumes,
les attributs et le cartouche.
Nous savions par les auteurs anciens la place que
tenaient les croyances relatives à la vie future dans les
préoccupations des Egyptiens. L'étude des textes et des
monuments a confirmé cette manière de voir. Chaque nome
avait à côté de son dieu des vivants un dieu des morts :
Osiris régnait dans la nécropole de Didou (Busiris) et de
Panibdidou (Mendès) ; Sokari, dans celle de Memphis ; la
déesse Miritskro dans celle de Thèbes ; les morts du nome
Thinites obéissaient à Khontamenti, ceux du Lycopolites à
Anubis. Les croyances locales relatives à la vie d'outre-
tombe eurent le même sort que les conceptions purement
mythologiques : elles se fondirent de bonne heure, et
chaque nécropole, tout en conservant son dieu primitif, se
mit en devoir d'honorer les dieux des morts des nomes
voisins et progressivement tous les dieux des morts. L'un
d'eux cependant ne tarda pas à primer tous les autres. Dès
les temps historiques, Osiris nous apparaît en effet comme
la divinité funéraire par excellence. Son domaine primitif
se trouvait dans les lagunes du lac Menzaleh. C'était là que
les Mendésiens d'avant les rois plaçaient le Sokhit lalou
(le champs des fèves), refuge des âmes. « Les champs
d'Ialou, dit M. Maspéro, suivirent la même fortune que les
îles bienheureuses des Grecs ; ils se déplacèrent à mesure
qu'on connut mieux la géographie de l'Egypte et des con-
trées environnantes. Ils partirent naturellement vers le
N.-E. dans la direction qu'indiquait leur situation primi-
tive. Plusieurs traits du mythe d'Osiris montrent cju'une .de
leurs premières étapes fut sur la côte de Phénicie. C'est
en Phénicie, à Byblos, que le courant emporta le corps du
dieu, qu'Isis se réfugia, qu'abordait chaque année la tète
en papyrus jetée dans le fleuve par les prêtres d'Egypte. Je
ne sais si de Phénicie les champs d'Ialou ne passèrent
point sur la côte plus lointaine d'Asie Mineure; le certain,
c'est qu'ils quittèrent bientôt la terre pour s'élever au ciel.
Il y prirent place au N.-E., comme il résulte du témoi-
gnage du Livre des Morts, dans le voisinage de la Grande
Ourse et des constellations boréales. » Ce qui fit la fortune
d'Osiris comme principal dieu des morts, ce fut l'immense
popularité dont il jouissait dans toute l'Egypte autant que
type idéal du premier homme né de la terre et du ciel.
Dès lors il ne tarda pas à être associé ou identifié aux
— 671 —
EGYPTE
autres dieux des morts de la même manière que Râ, le
Soleil, aux dieux primordiaux des Vivants. C'est ainsi
que Sokari devint Sokar-Osiris, que Khontamenti devint
Khontamentit-Osiris, etc., et cela sans tenir aucun compte
des divergences qui existaient entre les caractères originels
de ces ditférents dieux ainsi qu'entre les diverses concep-
tions du monde infernal auquel ils étaient préposés. L'en-
fer de Sokari ne ressemblait en rien à celui d'Osiris :
celui-ci, nous l'avons dit, était un archipel d'îlots ver-
doyants perdu dans les lagunes orientales du Delta ; celui-
là comprenait les cavernes ou les longs couloirs creusés
dans la chaîne libyque à la lisière occidentale de la nécro-
pole memphite. Pour les Abydéniens, l'enfer ou Douaou
n'était pas une localité, mais une grande division de luni-
vers. Cette croyance s'imposa de bonne heure à toute
l'Egypte et contribua vraisemblablement à la bizarre con-
ception que les Egyptiens se faisaient du monde dont nous
avons exposé plus haut la création. Ils lui supposaient la
forme d'une immense boîte ovale orientée par ses deux
extrémités vers le N. et le S. Ea partie supérieure
était formée par le ciel, voûte d'airain oti étaient suspen-
dues les lampes fixes (akhimou ourdou) et les lampes
errantes (akhimou sekhou) ; le fond était formé par la terre
dont l'Egypte était le milieu ; quant aux parois, qui sou-
tenaient la voûte céleste, c'était la double chaîne de mon-
tagnes qui encaisse la vallée. « Le soleil, nous explique
M. Maspéro, circulait le long des parois de la boîte sur
un cours d'eau qui, semblable au fleuve Océan des Grecs,
enveloppait complètement notre terre et la séparait du ciel.
Le lit dans lequel il coulait et les régions qui l'avoisinaient
formaient autour des remparts du monde comme une ban-
quette placée presque immédiatement sous le ciel étoile.
Elle était bordée dans toute la moitié N. de l'ellipse par
une chaîne ininterrompue de montagnes abruptes qui nais-
saient à l'O., à la hauteur d'Abydos, s'élevaient rapide-
ment et devenaient bientôt si hautes qu'elles s'interposaient
comme un écran entre notre terre et le fleuve, puis se ter-
minaient à l'E. au pic de Bakhou. Le pays qui s'étendait
derrière elles était le Douaout^ la région des âmes... A
partir du pic de Bakhou, la chaîne s'efiaçait, et un large
plateau lui succédait, qui courait d'abord de l'E. ou S.
puis du S. à rO. Du soir au matin, le soleil traversait
le Douaout, et la hauteur des montagnes empêchait sa
lumière d'arriver jusqu'à nous : notre terre était plongée
dans la nuit. Du matin au soir, il parcourait le plateau
de la partie méridionale ; ses rayons n'étaient plus arrêtés
par aucun obstacle et se répandaient librement ; notre
terre était en pleine lumière et jouissait du jour. » Dans
la théorie abydénienne, le soleil, une fois franchi le terri-
toire de la Fente, échancrure de la montagne libyque
qui passait pour l'entrée des Enfers, devenait à la fois un
soleil mort et le dieu des morts, et, comme tel, était iden-
tifié avec Osiris. Cette assimilation eut pour conséquence
l'assimilation inverse d'Osiris avec le soleil et de même
que le soleil apparent absorba à la longue tous les dieux
des vivants, le soleil invisible modifia si complètement le
caractère primitif des dieux d'outre-tombe qu'à un moment
donné on ne distingua plus entre le soleil et Osiris.
Quoi qu'il en soit, c'est toujours le point de vue osirien
qui domine dans les pratiques funéraires qui suivent immé-
diatement la mort. A peine en efl'et a-t-il rendu le dernier
souffle, que l'Egyptien passe à l'état d'Osiris. On procède à
son égard comme Isis à celui de son époux; on l'embaume
selon un rite qui reproduisait purement et simplement la
cérémonie de l'embaumement d'Osiris ; on enferme la momie
dans un cercueil taillé à l'image de ce dieu et, à partir de
ce moment, le service funèbre n'est plus que la représen-
tation d'un mystère à plusieurs personnages et qui pourrait
s'intituler la résurrection d'Osiris. Le transfert de la
momie à la nécropole, par terre ou par eau, qui en est le
prologue, devient fictivement le voyage à Abydos, au tom-
beau d'Osiris. Les cérémonies de l'ouverture de la bouche
et des yeux et de la reconstitution successive de tous les
organes et de tous les membres au moyen de formules que
récitent alternativement divers personnages au seuil de la
tombe, ainsi que le sacrifice funéraire par lequel se ter-
minent les démonstrations en l'honneur du mort, sont autant
de scènes décalquées sur les scènes les plus typiques et les
plus populaires de la passion d'Osiris, telle que la tradition
l'avait fixée. Une fois la momie dans son caveau, commen-
cent pour l'Egyptien les croyances les plus diverses au sujet
de sa destinée. La sagesse des prêtres qui les avait re-
cueiUies avait essayé de les conciher en établissant autant
de distinctions dans les conditions et la nature de l'âme
qu'il y avait de systèmes dans ces croyances. C'est ainsi
qu'un Thébain contemporain de Ramsès II admettait pour
la solution du mystérieux problème de la survie toutes les
solutions naïves qui, depuis les temps les plus anciens,
s'étaient en quelque sorte amassées dans l'esprit du peuple.
Il croyait d'abord à l'existence d'un reflet (qa) de sa forme
corporelle, pouvant à son gré se confondre avec sa momie
ou s'en détacher. Ce double conservait tous les besoins
et tous les appétits de la terre. Il lui fallait de la nourri-
ture, des vêtements, des parfums, des serviteurs, en un
mot de quoi continuer sans aucun changement son premier
train de vie. Négligé et abandonné à lui-même, le double
était condamné à la dernière des misères : il errait la nuit
au milieu des chemins, cherchant sa vie dans les immon-
dices, et venait troubler de ses menaces les survivants
égoïstes qui l'avaient oublié. La piété envers le double
consistait donc à joindre d'abord à la momie et dans son
propre caveau, un mobilier complet et tous les objets d'uti-
lité ou de luxe que le double pouvait souhaiter, puis à
déposer à sa portée, dans la chapelle de la tombe où il
était censé avoir accès, les aliments nécessaires à sa vie de
chaque jour. C'était un impôt très lourd sur l'héritage :
on l'éluda par la vertu des formules magiques, et c'est
ainsi que des troupeaux de bétail, des champs d'orge re-
présentés sur les murs de la chapelle et des simulacres en
pierre ou en carton de mets de toute sorte, souvent même
la simple énumération des offrandes dont on voulait lui
assurer l'éternelle jouissance, pouvaient à l'appel du mort
proféré d'une certaine manière devenir autant de réalités.
Tout dépendait donc du mort ou de sa capacité en tant que
ma-kheroii, c.-à-d. juste de ton. Une formule prononcée
sur un ton faux restait sans ejQfet. Il est vrai qu'il n'était
pas plus malaisé de transformer le mort en ma-kherou
que de lui rendre l'usage des yeux ou de la bouche. Le
même Thébain, qui croyait à l'existence du double, n'en
croyait pas moins à l'existence d'une âme plus spirituelle
et qui, pendant que le double se morfondait dans le caveau,
poursuivait une destinée bien autrement aventureuse dans
le Douaou. Le Douaou, ou enfer des Egyptiens, était, nous
l'avons dit, la région des douze heures de nuit. C'était une
sorte de vallée divisée en douze territoires et reproduisant
plus ou moins l'aspect des parties correspondantes du Nil.
Plongé dans l'obscurité pendant le jour, cet enfer s'illumi-
nait chaque nuit au passage du soleil, sauf pourtant les
régions souterraines qui correspondaient à la nécropole de
Memphis, dont Sokari était le dieu souterrain. Toutes
ces régions étaient peuplées de génies plus étranges les
les uns que les autres et qui appréhendaient l'âme à toutes
portes et à tous les passages ; mais le même genre de
formule et le même pouvoir qui assuraient la vie du double
assuraient le voyage de l'âme jusqu'au nome de la sixième
heure, où siégeait Osiris entouré de ses quarante-deux
assesseurs. C'est alors qu'avait lieu le jugement de l'âme
ou psychostasie. Le cœur, pesé par les dieux Hor et
Anubis, dictait, selon qu'il était déclaré lourd ou léger, une
sentence sans appel au dieu Thot dont la croyance populaire
avait fait un greffier pour la circonstance. En même temps,
l'âme récitait la confession négative conservée dans le Livre
des Morts : «... Je n'ai commis aucune fraude contre les
hommes ! Je n'ai pas tourmenté la veuve ! Je n'ai pas menti
dans le tribunal ! Je ne connais pas la mauvaise foi ! Je
n'ai fait aucune chose défendue ! Je n'ai pas fait exécuter
EGYPTE
672 —
à un chef de travailleurs, chaque jour, plus de travaux
qu'il n'en devait faire!... Je n'ai pas été négligent! Je n'ai
pas été oisif! Je n'ai pas faibli! Je n'ai pas défailli! Je
n'ai pas fait ce qui était abominable aux dieux ! Je n'ai pas
desservi l'esclave auprès de son maître ! Je n'ai pas affamé !
Je n'ai pas fait pleurer ! Je n'ai point tué ! Je n'ai pas
ordonné le meurtre par trahison ! Je n'ai commis de fraude
envers personne ! Je n'ai point détourné les pains des
temples î Je n'ai point distrait les gâteaux d'offrande des
dieux ! Je n'ai pas enlevé les provisions ou les bandelettes
des morts ! Je n'ai point fait de gains frauduleux ! Je n'ai
pas altéré les mesures de grain ! Je n'ai pas fraudé d'un
doigt sur une parure ! Je n'ai pas usurpé dans les champs ! . . .
Je n'ai pas faussé l'équiHbre de la balance ! Je n'ai pas
enlevé le lait de la bouche des nourrissons ! Je n'ai point
chassé les bestiaux sacrés sur leurs herbages ! Je n'ai pas
pris au filet les oiseaux divins ! Je n'ai pas péché les pois-
sons sacrés dans leurs étangs ! Je n'ai pas repoussé l'eau
en sa saison ! Je n'ai pas coupé un bras d'eau sur son
passage ! Je n'ai pas éteint le feu sacré en son heure ! Je
n'ai pas violé la neuvaine des dieux dans des offrandes
choisies ! Je n'ai pas repoussé les bœufs des propriétés
divines ! Je n'ai pas repoussé de dieu dans sa procession !
Je suis pur ! Je suis pur! Je suis pur ! » Reconnue impure,
l'âme est impitoyablement chassée et souffre tous les maux
avant l'anéantissement final ; pure, elle pénètre dans la
région de la septième heure oti commencent les champs
d'Ialou, ce paradis bizarre où les âmes ne paraissent pas
jouir d'une félicité diflerente du bonheur terrestre, c.-à-d.
d'un bonheur acheté par le travail. Elles sont tenues, en
effet, de labourer la terre, labourage, il est vrai, tout mys-
tique et dont elles se débarrassent sur une foule de servi-
teurs dont elles sont accompagnées. Ces serviteurs ne sont
autres que ces figures de faïence représentant un Osiris
armé d'un lioyau, dont nos musées regorgent, et qui étaient
déposés dans la tombe par centaines. Au delà des jardins
d'Ialou et du paradis vraiment terrestre, il y avait encore
place pour la croyance à une immortalité éthérée ; l'âme,
alors plongée dans la béatitude infinie, faisait partie à
tout jamais du cortège solaire ou se mêlait à la foule des
divinités célestes chargées de la conservation des astres.
Il est aujourd'hui prouvé que le caractère moral de ces
doctrines pour ce qui touche à l'idée de rémunération et
d'expiation est relativement récent : on n'en trouve aucune
trace dans les monuments antérieurs au deuxième empire
thébain. Il laissa néanmoins subsister l'ancienne croyance
à un pouvoir magique qui faisait du défunt un être assez
puissant pour n'avoir rien à attendre d'un dieu d'amour et
de justice. Nous croyons avoir donné une idée suffisante
du caractère contradictoire de ces diverses doctrines pour
nous dispenser de toucher aux autres conceptions plus ou
moins enfantines dont nous trouvons la trace dans les écrits
funéraires. Deux mots seulement sur ces écrits. La croyance
au pouvoir magique avait de bonne heure suggéré aux
hommes de l'art l'idée de composer de petits formulaires à
l'usage du mort. Ces petits livres, qui avaient pour but de lui
procurer des armes contre les mauvais génies de la tombe
et toutes les ressources indispensables à sa conservation,
eurent la même fortune que les croyances qui les avaient
inspirées : on les réunit en un seul livre dont on fit le prin-
cipal viatique du mort. Cette énorme compilation, qui porte
le titre de Permhrou, est celle que les savants modernes
appellent Rituel ou Livre des Morts (V. ce mot). Elle ne
comprend pas moins de cent soixante-cinq chapitres. On en
plaçait une copie plus ou moins complète sur papyrus auprès
de la momie ; on en copiait de longs extraits sur les parois
du couloir qui mettait la chapelle funéraire en communica-
tion avec le puits et sur celles du sarcophage. On ne se
borna pas à cette seule compilation. Les prêtres de certains
centres crurent faire œuvre de critique en faisant un choix
dans ces fatras et en l'accompagnant de longs développe-
ments conformes aux doctrines enseignées dans leurs écoles.
C'est à des travaux de ce genre que nous devons le Livre
de l'Amidouaou et le Livre des Portes, manuels de géogra-
phie infernale rédigés par les prêtres de Thèbes pour guider
le mort à la suite du soleil dans les régions des ténèbres.
Ces sortes de livres concouraient également à la décoration
de la tombe. La bibliothèque funéraire comprenait aussi
des traités spéciaux tels que le Pdtuel de F embaumement
et le Livre de V ouverture de la bouche qu'on ne se
bornait pas à consulter pour la stricte exécution des pra-
tiques funéraires, mais qu'on reproduisait aussi, à l'occasion,
sur les murs de la chapelle ou du couloir. C'est ainsi que
la tombe, avec ses décorations murales se rapportant soit
à la vie du double calquée sur la vie terrestre, soit à la vie
de l'âme, le tout accompagné de longs textes biographiques
ou religieux, avec ses offrandes et son mobilier, avec ses
momies et ses papyrus, a contribué, beaucoup plus que le
temple lui-même, à la résurrection de l'ancienne Egypte.
Langue. — Le rapprochement de l'égyptien avec les lan-
gues sémitiques n'est pas ce qu'on pourrait appeler une
nouveauté scientifique: il date du siècle dernier, c.-à-d. des
débuts des études coptes. On fut alors vivement frappé des
analogies que présentent certaines classes de mots et cer-
taines formes en hébreu et en copte. A ces analogies on ne
manqua pas d'opposer les différences essentielles qu'accu-
sent les deux vocabulaires. Ces deux points de vue n'ont
cessé depuis lors de trouver des partisans, les égyptologues
inclinant le plus généralement vers la parenté, les sémiti-
sants versant dans l'opinion opposée. Les ressemblances de
l'égyptien avec les langues sémitiques sont, de l'aveu de tous,
indéniables, et toute la question consiste à chercher la véri-
table cause de ces ressemblances. Tiennent-elles à la nature
même de l'esprit humain, susceptible de produire des résul-
tats identiques dans des conditions identiques ? Tiennent-
elles à des raisons beaucoup plus contingentes ? Si, pour ne
prendre qu'un exemple, le pronom affectait les mêmes formes
dans toutes les langues, ou des formes susceptibles d'être
ramenées à un type unique, alors vraiment la question se
poserait d'une sorte de raison philosophique ; mais ce n'est
pas le cas. Nous savons au contraire que chaque race a sa
philosophie spéciale du langage. Nous sommes donc rame-
nés à demander la solution du problème à l'ethnographie
ou à l'histoire. Rien dans le premier de ces points de vue
ne s'oppose au rattachement de l'égyptien avec les langues
sémitiques parlées par une race avec laquelle celle des habi-
tants de la vallée du Nil présente la plus grande affinité.
La plupart des savants n'éprouvent aujourd'hui aucune
répugnance à accepter la théorie de Benfey, d'après laquelle
la famille sémitique devait se diviser en deux branches : la
branche asiatique, avec toutes les ramifications dites sémi-
tiques d'un côté de l'isthme de Suez, et de l'autre côté la
branche africaine avec les rameaux copte, berbère, toua-
reg, etc., car quelques-unes des analogies que l'égyptien offre
avec l'hébreu se retrouvent dans certaines langues du N. de
l'Afrique. Le certain c'est que le rédacteur du livre X de
la Genèse n'hésite pas à faire des Chananéens (que nous
savons avoir parlé des idiomes étroitement apparentés à
rhébreu) les frères des Egyptiens. On a bien dit, pour tran-
cher la difficulté, que Chanaan avait été exclu systémati-
quement de la descendance de Sem, à cause de l'horreur
qu'il inspirait aux Juifs. Comment se fait-il que le rédacteur
ne se soit pas servi du même procédé à l'égard d'Assour ?
Nous pensons que l'origine de cette classification n'est pas
aussi arbitraire, et que la division des races, telle qu'on la
concevait alors, sans avoir une valeur absolue au point de
vue ethnographique, reposait sur les souvenirs plus ou
moins altérés qu'on avait conservés des diverses migrations.
On devait être porté à considérer comme appartenant à la
même race les masses de tribus d'origine quelquefois très
diverses qui venaient occuper d'un seul bloc tout un pays,
comme par exemple les Hétéens et les Amorrhéens, et in-
versement comme appartenant à des races différentes, des
tribus peut-être de même origine, mais ayant contracté des
habitudes différentes au cours d'une longue période de sépa-
ration, ou ayant fait leur migration en des époques ou par
- 673 -
EGYPTE
des voies différentes. Quoi qu'il en soitje témoignage de la Ge-
nèse prouve surtout une chose, c'est que l'auteur du livre X,
qui n'était pas sans avoir fréquenté les Egyptiens et les
Chananéens, n'éprouvait aucune répugnance à les faire des-
cendre d'un même ancêtre. Ce n'est peut-être pas un argu-
ment d'un grand poids au point de vue ethnographique,
mais d'un peu plus de valeur au point de vue historique. Et,
en effet, nous pensons que la solution est à chercher de ce
côté, c.-à.-d. en remontant beaucoup moins haut qu'au
berceau primitif des deux races, où d'ailleurs, scientifique-
ment parlant, nous ne pouvons atteindre. Par le point de
vue historique, nous n'entendons parler que de la méthode,
quoique l'application en soit faite ici à une époque antérieure
à l'histoire. C'est en effet bien avant que l'histoire ne s'ouvre
sur les premières dynasties, au temps où les Egyptiens
vivaient côte à côte avec les Chananéens, loin delà vallée du
Nil, que leur langage encore en pleine voie de formation,
incertain comme le sont les idiomes des peuples barbares
qui ne connaissent pas l'écriture, reçut l'empreinte du lan-
gage plus net et plus ferme (on sait que c'est la caractéris-
tique des langues sémitiques) , qui était alors dominant dans
la plus grande partie de l'Asie antérieure. De "cette époque
daterait pour les futurs habitants de la vallée du Nil et dans
des proportions variables pour les autres populations du N.
de l'Afrique l'adoption de certains procédés grammaticaux
tels que les pronoms isolés et suffixes, quelques désinences
du genre et du nombre, la formation d'un des temps du
verbe, ainsi que certaines habitudes phonétiques telles que
l'assimilation des consonnes et l'instabilité de la voyelle
rendant possibles ces bizarres formes de pluriel brisé ou
interne dont nous avons lieu de croire à l'existence en
égyptien. Ces emprunts nous ramèneraient à l'époque loin-
taine où les Egyptiens reçurent certains éléments religieux
(la déesse flathor, peut-être le dieu Sit, assez vraisem-
blablement la valeur symbolique des nombres, etc.) dont
le caractère asiatique n'est guère contestable, bien que ces
éléments présentent dans les plus anciens textes un haut
degré d'homogénéité avec le reste des croyances de l'Egypte.
Quelle que soit la prétention des savants modernes à bien
connaître les peuples anciens de l'Egypte et de Chanaan,
il est plus que probable que le rédacteur du livre X les con-
naissait mieux que nous, surtout les Chananéens, et avait
de nombreuses raisons (raisons tout extérieures, bien en-
tendu) qui nous échappent aujourd'hui, de croire à leur
parenté, sans avoir pour cela conservé, hypothèse qui serait
absurde, des souvenirs remontant aussi loin que quarante
ou cinquante siècles.
La langue des anciens Egyptiens nous est parvenue sous
toutes les formes par lesquelles elle a évolué, et on peut
suivre le caractère de cette évolution depuis le premier em-
pire memphite jusqu'à l'invasion arabe. Les textes des pyra-
mides diffèrent assez sensiblement de ceux d'époque thé-
haine tant par le vocabulaire que par la grammaire dont
les transformations ont lieu en sens inverse. Le vocabulaire,
en effet, semble s'appauvrir en s'approchant de l'époque
classique tandis que les formes grammaticales se multi-
plient. On a donné le nom de classiques aux textes contem-
porains du deuxième empire thébain, parce que la langue
qu'ils nous offrent est arrivée à sa pleine maturité : les
rapports de la pensée y sont finement nuancés par une
syntaxe à peu près constante ; certaines beautés y sont déjà
devenues conventionnelles ; l'orthographe y est pleine et tout
à fait conforme au génie pléonastique de l'écriture. Malgré
son caractère de fixité, on y voit déjà apparaître les germes
des changements qui constitueront les deux dernières pé-
riodes de la langue égyptienne qui sont représentées par le
nouvel égyptien et par le copte.
Le substantif se présente en ancien égyptien tantôt sous
la forme radicale simple, tantôt modifiée par un redouble-
ment, par l'addition de certains éléments ou le changement
de la voyelle intérieure. C'est surtout le copte qui nous
offre la plus grande variété des formes que le radical était
susceptible de prendre avec la valeur nominale ; ces élé-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV
ments étaient soit des suffixes comme t, ^, /*, 5, ^, ti, /^,
out^ etc., soit des préfixes comme an, en^ ref (celui qui
fait) et sa (l'homme) pour former des agents, le privatif a^,
le relatif ment pour former des noms abstraits, etc. Il n'y
a pas de flexion du cas en égyptien ; le nominatif était quel-
quefois marqué par un exposant. Le genre est caractérisé
soit par l'article, soit par le déterminatif, soit par une
désinence spéciale (féminin). Le genre neutre n'existe pas
dans les substantifs. Le nombre est nettement caractérisé :
1° par une désinence spéciale ; 2° par l'addition de II ou
de III ; 3<» par la répétition de l'objet doublé ou triplé
selon qu'on voudrait imprimer le duel ou le pluriel. Le duel
n'existe pas en copte.
L'article défini, rare aux plus anciennes époques, devient
d'un usage assez fréquent à l'époque thébaine, encore plus
fréquent à l'époque ptolémaïque et obligatoire en copte.
L'article démonstratif formé des mêmes racines que le pré-
cédent différait dans l'ancienne langue et le copte en ce
qu'il suivait le nom dans la première et le précédait dans la
seconde. L'adjectif ne se distingue pas en égyptien antique
du nom : nefer, bon et beau (de beau). En copte, il est
susceptible de s'ajouter un affixe : nane-f^ bon, nane-s^
bonne. Dans l'une et l'autre langue il s'accorde en genre
et en nombre avec son sujet. Le comparatif s'exprimait à
l'aide d'une préposition, le superlatif à l'aide d'un adverbe
ou d'une périphrase. L'égyptien est riche en pronoms : il pos-
sède d'abord des affixes pronominaux s'attachant au nom, au
verbe et aux particules. A la suite des noms, ces affixes
jouent le rôle d'adjectif possessif ; à la suite du verbe, ils
jouent le rôle de sujet ou de régime. Ces affixes pronominaux
formaient à leur tour, en s'accolant à l'article, des adjectifs
possessifs, et à certaines particules relatives, des pronoms
personnels. Certains substantifs localisant l'action ou le
sentiment pouvaient aussi remplir ce rôle de support et
donner lieu à des périphrases de ce genre : haouk^ ta per-
sonne (toi) ; tejif^ sa tête (lui) ; khatsen, leur ventre, hati
sen^ leur cœur (eux) ; les substantifs les plus fréquemment
employés dans ce cas sont ro, la bouche : ro-i ou ro-a, ma
bouche (moi), ro-k^ la bouche (toi), etc.; tôt, main, tot-f^
sa main (lui), etc. Ces particules substantives sont d'un
usage très fréquent dans le démotique et le copte. L'égyp-
tien avait aussi à son service des particules pour exprimer
la relation, l'interrogation, la négation et l'affirmation; la
copule n'y apparaît que très tard.
La conjugaison ne nous présente qu'un seul mode per-
sonnel, l'indicatif, et que deux temps, le présent et le pré-
térit. Mais ces temps sont susceptibles de prendre des
formes très diverses. En effet, ils peuvent tantôt se conju-
guer sou^ la forme simple, tantôt à l'aide d'auxiliaires
renforcés ou non de diverses prépositions. Ces auxiliaires
sont au nombre de dix dans l'ancien égyptien : au, tUn
pu, un, khoper, ha, ar, du, rta, iri ; la plupart de ces
particules sont plus ou moins tombées en désuétude dans le
démotique, qui s'est servi de préférence des trois premières,
au, tu, pu. On les retrouve également en copte. Le copte,
dont la conjugaison est beaucoup plus avancée que celle de
l'ancienne et la nouvelle langue, a des nuances pour rendre
l'imparfait et le plus-que-parfait. C'est la tournure générale
de la phrase qui le plus souvent permet de distinguer le
temps futur, les modes subjonctifs et optatifs et la voix
passive.
Ecriture. — L'écriture égyptienne était à la fois idéo-
graphique et phonétique. Les mots pouvaient être repré-
sentés soit par les images des idées exprimées, soit par
la notation des sons. Les idéogrammes donnaient tantôt
la peinture de l'objet même, tantôt d'une de ses parties,
tantôt d'un objet suffisant à éveiller par métaphore l'idée à
exprimer. Les signes phonétiques étaient de deux sortes :
les uns exprimaient des sons complexes (syllabes et diph-
thongues),les autres des sons simples (voyelles et consonnes).
Tous ces procédés pouvaient être employés simultanément ;
ainsi le mot mos (enfanter) s'écrivait : l'^ avec un signe ayant
à lui seul la valeur mos (syllabique), 2° avec un signe
43
EGYPTE
674 —
ayant la valeur 5 (alphabétique) ; 3° avec un signe repré- "
sentant une femme accouchant (idéographique). Si le pro-
cédé idéographique se suffisait à lui-même, il n'en était pas
de même du phonétique. Tout mot écrit au moyen de signes
alphabétiques ou syllabiques était accompagné d'un idéo-
gramme auquel les égyptologues ont donné le nom de dé-
terminatif. Il va sans dire que, dans bien des cas, les
déterminatifs étaient abusifs et n'avaient qu'un rapport
très éloigné avec l'idée exprimée. Dans l'écriture hiéro-
glyphique, tous ces signes, quels qu'ils fussent, consistaient
en images. Ainsi la bouche ne servait pas seulement à
exprimer l'idée de bouche, mais la syllabe ro et la lettre r;
la main, l'idée de la main et la lettre d; dans l'écriture
hiératique ou cursive, aucun de ces signes, quels qu'ils
fussent, ne consistaient en images, mais en caractères con-
ventionnels dérivés des images de l'écriture hiéroglyphique.
L'écriture hiératique n'était en somme qu'une déformation
tachy graphique de la première. Les Egyptiens ne s'en tin-
rent pas là ; une nouvelle écriture cursive (démotique ou
populaire) se forma par l'abréviation de l'hiératique, mar-
quant sur celle-ci un progrès, mais portant toujours avec
elle la marque de son origine. Jamais, en efîet, l'écriture
démotique, même aux temps les plus récents (époque
romaine), ne sut s'affranchir d'une multitude de traits de-
venus abusifs pour une langue où Forthographe ne corres-
pondait plus à la prononciation. L'écriture hiéroglyphique
s'écrivait de droite à gauche, de gauche à droite, en colonnes
régulières et en colonnes rétrogrades, la dernière étant
la'première et inversement; l'hiératique et le démotique
s'écrivaient toujours de droite à gauche. On ne possède aucun
document hiératique de l'ancien empire memphite ni aucun
texte démotique antérieur au viii® siècle (le plus ancien
est le contrat démotique du Louvre du Bocchoris)» Vers le
vi*' siècle de notre ère, l'écriture démotique commença à
tomber en désuétude, et, sous l'influence des Grecs, qui
n'avaient cessé de gagner du terrain depuis la conquête
d'Alexandre et qui occupaient une grande partie des places
dans l'administration romaine, l'alphabet grec fut employé
par les Egyptiens eux-mêmes pour transcrire leur propre
langue. Mais les 24 lettres de l'alphabet grec ne suffisant
pas à exprimer tous les sons de l'égyptien, les coptes ou
jacobites y ajoutèrent les 7 lettres suivantes empruntées
à l'alphabet démotique : schei (sch), fei (f), khei (kh),
hori (h), djandia (dj et s]),scima (s fort) et dei (di et ti).
Matériaux du scribe. Les anciens Egyptiens écrivaient
au calame sur des tessons de vase (ostraca), sur parchemin,
et principalement sur une sorte de papier formé de papyrus,
dont l'usage se répandit d'Egypte dans tout l'empire ro-
main. La fabrication en était assez longue et son prix de
revient assez élevé ; aussi les scribes n'en usaient-ils le
plus généralement que pour la mise au net. Ils se servaient
pour leurs brouillons, ainsi que pour les pièces les plus
courantes, notes, quittances, lettres d'avis, etc., d'ostraca
ou du verso d'anciens papyrus (manuscrits opisthographes).
Tout l'attirail du scribe était réuni dans une sorte de pa-
lette longue, avec de petites cases pour les pastilles de
couleur et une rainure pour les calâmes et les pinceaux.
D'intéressants spécimens de ces palettes se trouvent dans
les principaux musées d'antiquités égyptiennes.
Lettres. Sciences. — La sûreté des méthodes scienti-
fiques employées par les successeurs de ChampoUion et la
variété des documents découverts dans la deuxième moitié
de ce siècle nous permet de nous faire une assez juste
idée de la littérature des anciens scribes autant par la
diversité des genres alors en honneur que par la qualité
des œuvres qui nous sont parvenues.
Des principaux genres littéraires, il n'en est qu'un dont
nous ne puissions citer un seul spécimen : c'est le théâtre.
Le cérémonial funéraire comportait, nous l'avons déjà dit,
des parties mimées et dialoguées ayant un caractère scénique
assez prononcé. De là au drame il n'y a qu'un pas. Les
Egyptiens Font-ils franchi? C'est ce dont malheureusement
nous n'avons pas la preuve. Nous savons, en revanche,
qu'ils ont cultivé la poésie épique, lyrique et satirique, le
roman et plus particulièrement le conte populaire, erotique
et fantastique. Les petits traités de morale jouissaient aussi
d'une certaine vogue : deux d'entre eux, trouvés dans une des
plus anciennes tombes thébaines, étaient datés de l'ancien
empire. Les traités s'occupaient beaucoup moins de la
morale proprement dite que des règles du savoir-vivre et du
respect à rendre aux grands. Le sentiment de la hiérarchie
était poussé si loin chez eux qu'ils en avaient rédigé des
manuels, témoin Fétrange papyrus Hood-Wilbour qui nous
indique les degrés compris entre le dieu et le cordonnier
du roi. Si Fépigraphie prolixe des temples et des tombeaux
nous manquait, nous saurions néanmoins par quelques
papyrus et par Manéthon comment ils écrivaient l'histoire.
Les archives royales regorgeaient de récits de règne, de
relations de campagnes et d'événements relatifs à la vie
publique. Ces documents étaient de nature à provoquer la
rédaction d'une histoire suivie de l'Egypte. L'œuvre grecque
de Manéthon suppose forcément de nombreux écrits de ce
genre en langue égyptienne. L'histoire telle que la com-
prenaient les'anciens Egyptiens ne sort pas du sec procédé
des annales. Il y avait trop de dieux et de prêtres pour que
la théologie n'ait pas été très florissante en Egypte. Elle
tient une grande place dans l'héritage Httéraire de cette vieille
civilisation ; nous la souhaiterions parfois moins obscure.
Le plaisir d'écrire pour écrire était tel chez eux que le
genre épistolaire faisait l'objet d'une étude spéciale et qu'on
s'y adonnait, comme nos pères s'adonnaient à la tragédie.
Le British Muséum contient une riche collection de lettres
à destinations tout à fait fictives.
La magie jouait un grand rôle dans la vie des anciens
Egyptiens ; elle était étroitement associée à leurs pratiques
religieuses et funéraires ; elle formait le fond de leur mé-
decine. Les maladies étaient pour eux des troubles causés
par des esprits malins dont on ne venait à bout qu'à l'aide
de sortilèges. On pourrait en somme se demander quels
étaient les actes de la vie qu'ils pouvaient accomplir sans
avoir à faire au préalable quelque incantation pour en
assurer la réussite. A d'autres égards, ils ne manquaient
pas pourtant, ainsi que nous l'allons voir, d'une certaine
justesse d'esprit.
L'observation de certains phénomènes célestes en relation
avec le retour des saisons mit ces agriculteurs sur la
voie des premières découvertes astronomiques. Ils remar-
quèrent, par exemple, la concordance qui existe entre le
lever héliaque de Sirius et le commencement de la crue du
Nil. Les levers d'étoiles, la marche du soleil, la rétrogra-
dation de la lune, voilà ce qui les intéressait par-dessus
tout, voilà ce qu'ils étudiaient à l'aide de repères pris
tantôt dans le ciel, tantôt sur la terre. Pour cela, nul besoin
d'instrument, la pureté de Fatmosphère leur en tenait lieu.
Mais ce n'est pas avec la pureté de l'atmosphère qu'on
mesure des angles, et cette importante partie de la science,
celle, à vrai dire, avec laquelle la science commence, leur
fit totalement défaut. Ils connurent en revanche la mesure
des temps, partie non moins essentielle de l'astronomie, et
arrivèrent à déduire exactement la durée des révolutions
planétaires, bien entendu pour les seuls astres visibles à
l'œil nu. Quelques savants vont jusqu'à prétendre qu'ils
auraient pu donner une explication satisfaisante du mou-
vement diurne et que leur connaissance des quatre phases
cardinales de la course du soleil lés avait incontestable-
ment mis sur la voie de la découverte de l'obliquité de
l'écliptique. Cela est fort douteux. Rien parmi les docu-
ments d'origine proprement égyptienne ne nous autorise à
leur prêter une pareille hauteur de vues ; il ne faut pas
partir du fait que les savants grecs d'Alexandrie furent
plus ou moins en rapport avec les prêtres d'Héliopolis, pour
mettre au compte des vieilles doctrines de l'Egypte, la
science des Eratosthène et des Hipparque. Les ancêtres de
Fastronomie grecque, ce sont jusqu'à un certain point les
mages chaldéens, non les prêtres du collège héliopolitain.
Bien loin de progresser, l'astronomie resta en quelque sorte
675 —
EGYPTE
enlisée dans la routine la plus empirique ; elle ne se dis-
tingua pas de l'astrologie. La physi(|ue puérile des cosmo-
gonies d'Héliopolis ou d'Hermopolis, reflet exact, si l'on
veut, des croyances populaires, mais qui tint une grande
place dans les spéculations des théologiens, serait la chose
du monde la plus inexplicable avec l'hypothèse de la
connaissance de la rondeur de la terre, de la véritable
nature du ciel, etc., surtout si l'on accorde que les astro-
nomes et les théologiens formaient une seule et même
corporation. Or il n est personne pour admettre qu'il y
ait eu en Egypte une science libre opposée à la science
des prêtres, et bien loin que les quelques résultats obtenus
par des siècles et des siècles d'observations patientes
aient pu réagir sur les théories enfantines du monde que
nous voyons dans les mythes cosmogoniques, c'est cette
physique de sauvage consistant dans la ferme croyance
que le ciel était une voûte d'airain, les astres de simples
lampes entretenues par des génies, et la terre une île
ronde ou rectangulaire, suspendue on ne sait comment
avec son océan, qui fut le principal obstacle aux progrès
de l'astronomie. Une autre cause de l'immobilité de cette
branche de la science en particulier et de toutes les autres
branches en général, ce fut l'absence de spéculation désin-
téressée. Rien de semblable à ce qui se passa dans le monde
grec, même au temps où la philosophie divaguait sur les
origines des choses ; chaque science était pour l'Egypte non
un corps de doctrine, mais un ensemble de recettes à sui-
vre en vue d'un but bien déterminé. Que demandaient-ils à
l'astronomie ? De déterminer simplement la périodicité de
certains retours auxquels étaient liées les fêtes religieuses.
Le résultat le plus clair des recherches faites dans cette voie
ce fut le calendrier.
Les deux principales écoles astronomiques étaient les
collèges d'Héliopolis et d'Hermonthis. Leur fondation re-
montait aux époques les plus lointaines de l'histoire, peut-
être même à celle qui précéda l'étabhssement de la monar-
chie. Quoiqu'il en soit, les monuments de la V^ et de la
VP dynastie nous mettent déjà en présence de données
astronomiques ne différant pas sensiblement de celles que
nous trouverons dans les textes des plus bas temps. Le
ciel y est déjà divisé en quatre parties, que le soleil par-
court en cercle. La marche de la lune, ainsi que l'a remar-
qué M. Brugsch, y est exprimée par un verbe d'un sens
tout différent ; elle y est dite celle qui court à travers .
Nous y trouvons de plus la mention, plus tard si fréquente,
de deux sortes d'étoiles : les akhimou sekou et les akhimou
ouroudou (les étoiles du N. et les étoiles du S., selon
Brugsch; les planètes et les fixes, selon Maspéro). Il est
aussi question de Sirius (Sopd), d'Orion (Sahou), de la
Grande Ourse (Maskait, la cuisse), de Saturne (Kapet) et
de Vénus qu'on avait dédoublée en étoile du matin et en étoile
du soir. Indépendamment de sa division en quatre parties,
le ciel était déjà considéré comme composé de 36 régions
correspondant aux 36 nomes terrestres, auxquelles étaient
préposés les 36 décans. Les inscriptions du nouvel empire
et de l'époque ptolémaïque confirment, en les développant,
toutes ces idées. A partir de l'époque romaine, apparaît un
nouvel élément, le Zodiaque, emprunt de l'astrologie gréco-
romaine qui semble elle-même l'avoir reçu de Chaldée.
Le soleil, Râ d'une manière générale, prenait aussi le
nom de Toum, avant son apparition et après son coucher,
et à' Harmachouti en son midi ; il accomplissait, tantôt dans
sa barque Mati, tantôt dans sa barque Sekti, les quatre
phases cardinales de son évolution annuelle et les douze
étapes de sa navigation diurne. OEil droit du macrocosme
(dont la lune était l'œil gauche), épervier planant dans
l'espace, enfant, adolescent ou vieillard selon qu'on l'en-
visageait à l'aube, au zénith ou au crépuscule, il semble
avoir toujours une individualité distincte de sa forme visible,
le disque, de même 4a lune (Aah, lah, Thot, Khonsou)
et les cinq planètes, Jupiter (Hor Shetaou), Saturne (Hor
Ka Pet), Mars (Hortesher, Harmachouti), Mercure (Sewek),
Vénus (Sebzabennou Osiri, Douaounoutri). Les noms portés
par chacun de ces astres n'étaient pas simplement une
désignation conventionnelle, mais les noms des dieux dont
ils étaient le signe visible.
La liste la plus longue d'étoiles fixes que nous ont
laissée les anciens Egyptiens est celle des 36 décans, pour
lesquels les textes astronomiques des différentes époques
nous donnent de nombreuses variantes. Le cadre de cet article
s'opposant à de longues comparaisons, nous nous bornerons
à donner ici le tableau des 36 décans à l'époque grecque,
avec les transcriptions que nous a conservées Salmasius.
Nous empruntons, sauf quelques modifications orthogra-
phiques, ce tableau à VEgyptologie de M. H. Brugsch.
SIGNES
NOMS
1
ÉPOQUES
du
des
du
Zodiaque.
DÉCANS
Calendrier.
Ecrevisse . .
Sopdi, SwÔ^ç.
1/i — 19juil.
— ....
Sit, S{t.
11/1 :=:29 —
—
Knoumi, Kvou(j.{ç.
21/1 = 8 août.
Lion
Kharknoumi, Xapxvoujjit'ç.
1/2 =18 -
— ....
Hadzat. 'Httît.
11 2 =28 —
— ....
Phoudzat, <ï>ouTrÎT.
21/2 = 7 sept.
Vierge ....
Toum, TwfjL.
1/3 =17 -
— . .. .
Oushtabkat,Ou£at£p>'.a)TL
11/3 =i27 —
— . . . .
Apsot, 'Acpocrd.
21/3 = 7 oct.
Balance. . .
Sovkhos, Éouyojç.
1/4 =17 —
—
Tepchont, Tr^Tiiovi:,
11/4 =27 -
— ....
Khonthar, Xovràp.
21/4 = 6 nov.
Scorpion . .
Soptekhenou, Htti^vs.
1/5 =16 -
— ....
Seshmou, Ssap-s.
11/5 z=26 —
— ....
Siseshmou, Ilia£a[Jis.
21/5 = 6 déc.
Sagittaire. .
Herabouô, Trjouco.
1/6 =16 -
— ....
Seshmou, Il£a(jL8.
11/6 =26 —
— ....
Konimou, Kovt[ji.£.
21/6 = Sjanv.
Capricorne.
Smati, II[j.aT.
1/7 =15 —
— ....
Srôt, Spo3.
11/7 =25 —
^ . . .
Sisrôt, Siapcj.
21/7 = 4févr.
Verseau. . .
Tapkhou, Tiz-q-zy.
1/8 =14 —
— ....
Khou, Xû.
11/8 =24 —
—
Tapebiou, TTirjGtou.
21/8 = 6 mars.
Poissons . .
Biou, Blo'j.
1/9 =16 —
— ....
Khontakar, Kovtaps.
H/9 =26 —
— ....
Tapebiou, T7ci6{ou.
21/9 = 5 avr.
Bélier
» »
1/10=15 —
— ....
Khontaker, Xoviaxps.
11/10 = 25 —
—
Sikat, Six£T.
21/10= 5 mai.
Taureau . .
Kaou, Xaou.
1/11 =,15 —
—
Herât, 'Epw.
11/11=25 —
—
Remenhar, T£[Ji£vaap£.
21/11= 4 juin.
Gémeaux . .
Tesouk, ©oaoXx.
1/12 = 14 —
— ....
Ouar, Ouapi.
11/12 = 24 —
—
Phouhor, iouop.
21/12= 4 juil.
(S
suivent les 5 jours épagor
aènes.)
Les peintures des anciens tombeaux, ainsi que les repré-
sentations zodiacales de basse époque, nous font connaître
en outre quelques désignations des constellations, telles
que V Hippopotame femelle, la plus boréale de toutes (par
conséquent la Petite Ourse), la Cuisse (le Chariot), VHorus
combattant, un Homme debout, le Guerrier frappant
de la lance, VEpervier, le Grand Singe, la Déesse
Selqit, de Lion, le Crocodile et autres dont l'identifica-
tion présente des difficultés presque insurmontables.
Ajoutons que les résultats des recherches astronomiques
formaient une série de recueils qui avait sa place dans
les archives des temples avec les livres religieux et les
calendriers. Aucun de ces recueils ne nous est parvenu
intégralement ; mais les tombeaux et les temples, prin-
cipalement ceux d'époque gréco-romaine, nous en ont
conservé les extraits. C'étaient, par exemple, des traités de
EGYPTE
— 676 —
la Révolutio7i du Soleil et de la Lune, de la Marche des
astres, des Conjonctions du disque solaire, etc.^
Aussi haut que nous remonlons dans son passé histo-
rique, nous voyons l'Egypte en possession d'une division
rationnelle du temps. Elle a une année de 365 jours formée
de 12 mois de 30 jours et de 5 jours supplémentaires ; ce
qui suppose une année primitive de 360 jours. Un mythe
recueilli par les Grecs confirme cette supposition. « Rhea
ayant eu avec Saturne un commerce secret, le Soleil en fut
informé et prononça contre elle cette incantation : Qu'elle
n'accouche ni pendant la durée d'un mois, ni pendant la
durée d'une année ! Mais Hermès, qui était épris de la
déesse et qui en avait reçu des faveurs, joua aux dés avec
la Lune et lui gagna la soixante-douzième partie de chacun
de ses jours. Il en fit cinq jours, qu'il ajouta aux trois cent
soixante. » (De Isis. et Osir,, § 42.)
Cette année était divisée en trois saisons fondées sur
des observations d'ordre exclusivement agricole. Ces trois
saisons, qui persistèrent en Egypte au delà de l'époque où
prévalurent les idées grecques, étaient : \° la saison Shâ
(du commencement) qui correspondait à l'inondation ; 2° la
saison Pro (des semailles) qui répondait à l'hiver ; 3^ la
saison Shemou (de la récolte) au printemps et à l'été. Ces
trois saisons étaient d'égale longueur et comptaient chacune
quatre mois. Les mois se subdivisaient en trois décades ou
dizaines de jours ; le jour, d'un lever de soleil à l'autre,
en vingt-quatre heures (12 X 2), comptées, la première
douzaine, du lever du soleil ; la seconde, du crépuscule.
Que les Egyptiens aient dénommé chacun des mois de
l'année et des jours de la décade, c'est ce qui ressort des
noms des douze mois coptes en usage au temps d'Hérodote
et du fait que les heures elles-mêmes portaient un nom
spécial ; mais, en dehors du nom des saisons, le temps
n'avait pas d'autre expression graphique que celle du
nombre indiquant l'ordre du mois par rapport à la saison,
et du jour par rapport au mois. Le quantième s'écrivait
ainsi : l'an IH (du roi N), mois Hl de la saison pro, jour H.
Les noms conservés par le calendrier copte sont les
suivants :
1° Thôout,
2^ Paophi,
30 Athôr,
40 Choiak,
10 Tôbi,
I 2° Mechir,
I 3<^ Phamenôth,
^"^ Pharmouti,
' 1« Pachôn,
2« Paôni,
3« Epèp,
. 4° Mesuré,
Saison Shâ (inondation).^
Saison Pro (semailles)...
Saison Shemou (récolte).
grec Ôojo'iô.
— aG6p.
— TU6{.
cpa[j.£v6w.
cpap[j.ouOi.
TuaUvi.
Itz'.oI,
[xsaopTj.
L'année sothiaque ayant son point de départ le jour du
lever héliaque de Sothis (Sirius), le l^'-thot correspondait
dans le cas d'une année normale au 19 juil., mais la dif-
férence de cette année (à laquelle on a également donné le
nom d'année vague) avec l'année tropique se trouvant être de
6 heures, il en résultait un retard d'un jour (4X6 heures)
de la première sur la seconde tous les quatre ans. Il fallait
donc 1461 ans de 365 jours pour que le retard fût exacte-
ment d'une année et que le 1 «'' thot retombât le jour du lever
de Sirius. « Les prêtres, dit M. Maspéro, célébraient^ le
lever de l'astre par des fêtes solennelles dont l'origine
devait remonter plus haut que les rois de la P« dynastie,
au temps des Shosou-Hor, et donnaient le nom de pé-
riode sothiaque à la période de 1460-1461 qui ramenait
celte coïncidence merveilleuse. » Ce fut seulement sous
Ptolémée Evergète P'' que, grâce à l'addition d'un sixième
jour intercalaire à la fin de'chaque période de quatre ans,
l'accord fut rétabli entre l'année civile et l'année tropique
(décret de Canope). H n'est pas inutile de faire observer
ici que le calendrier ainsi réformé présentait le même défaut
que le calendrier julien établi plus tard sur le même prin-
cipe par les soins de Sosigène d'Alexandrie. Les six heures
supplémentaires qu'on supposait nécessaires pour rétablir
l'équilibre entre l'année astronomique et l'année vague
excédaient de 11 minutes la durée d'une révolution solaire,
si bien que l'écart entre les deux années redevenait d'un
jour après cent trente et un ans. On sait que c'est le pape
Grégoire XHI qui remédia à cet inconvénient par la sup-
pression de trois bissextes par période de quatre siècles.
Ce qui a été dit de l'astronomie s'applique exactement
aux sciences mathématiques. Les anciens Egyptiens s'en
sont tenus aux résultats les plus élémentaires. Il ne nous
est jusqu'à présent parvenu qu'un seul écrit mathématique,
le papyrus Rhind du British Muséum, texte assurément
très obscur, mais qui, dans ses parties intelligibles, ne
révèle rien de nature à poser son auteur en précurseur des
Euclide et des Archimède. H est certain que la construction
des pyramides et des temples suppose une longue pratique
de la géométrie, mais c'était une géométrie très élémen-
taire et très routinière. La stéréotomie de toutes ces cons-
tructions est des plus bornées ; il n'est pour ainsi dire pas
une seule combinaison qui ait exigé une épure préalable. Le
système des plans inclinés pour l'élévation des matériaux,
employé depuis les temps immémoriaux jusqu'au siècle où
vivait Pline, suffit à nous prouver que les Egyptiens n'abor-
dèrent jamais résolument les problèmes de la mécanique.
Leur arithmétique partait d'un excellent principe; elle était
décimale; mais elle fut entravée par son insuffisance gra-
phique. Faute d'avoir imaginé un chiffre pour chacune des
neuf unités, le tracé des nombres, compliqué par lui-même,
compliqua les opérations. Pour écrire un nombre, ils écri-
vaient autant de fois le signe des unités, des dizaines, des
centaines, des mille, etc., qu'il y avait d'unités, de dizaines,
de centaines, de mille, etc. On trouve, il est vrai, dans
les textes les plus récents des signes spéciaux pour les
nombres 5, 7, 8, 9, mais toujours isolés et n'entrant jamais
en composition. Leur système de fraction était aussi des
plus primitifs ; il n'admettait que des fractions ayant l'unité
pour numérateur, éludant l'expression si simple d'une quan-
6 11
tité comme j^ par l'expression plus compliquée ^ + îq '
La seule exception qu'on connaisse à cet usage nous est
2
fournie par la fraction ^ . On conçoit qu'avec une pareille
arithmétique ils aient été obligés d'avoir fréquemment
recours à des tables présentant des opérations toutes faites.
C'est précisément une de ces tables que nous révèlent une
des parties les mieux déchiffrées du papyrus Rhind et
d'autres documents de basse époque, grecs et coptes.
Georges Bénédite.
Droit égyptien. — Le droit égyptien nous est connu
principalement par toute une série de contrats remontant
jusqu'au règne de Bocchoris, ce roi que Diodore de Sicile
nous désigne avec raison comme l'auteur du code égyptien
des contrats. C'est un droit d'une physionomie toute par-
ticulière, qui, par beaucoup de points, se rapproche infini-
ment plus de nos droits modernes que la plupart des autres
droits, à nous connus, de l'antiquité, même très posté-
rieurs en date. Il serait impossible d'en donner en quelques
lignes une idée complète. Bornons-nous à dire seulement :
que la situation de la femme y était très avantageuse ;
que le père, au lieu d'être un despote, comme le pater
familias romain, n'y avait que les pouvoirs restreints
d'un tuteur agissant dans l'intérêt de tous ; que de son
côté le mari n'avait nul pouvoir sur sa femme ; que l'es-
clave même y possédait encore, dans une certaine limite,
une personnalité civile, des liens de famille et un recours
possible contre les abus trop criants du pouvoir du maître.
Les contrats étaient entourés de toutes les garanties pos-
sibles d'authenticité. Pour les rendre encore plus limpides,
on leur donnait toujours la forme unilatérale d'une sorte
de discours où l'on faisait parler celui ou ceux qui s'obh-
geaient ou abandonnaient quelque droit ou se dessaisissaient
— 677 —
EGYPTE
de quelque bien en faveur d'une autre personne. Cette
forme unilatérale était obtenue, dans certains contrats pour
le fond synallagmatiques, par des procédés juridiques bien
calculés et devenus les règles d'un droit très savant. Quand
il s'agissait par exemple de vendre un bien immobilier, il
était de principe que le prix convenu fût toujours censé
payé d'avance, de telle sorte que l'acheteur n'avait aucune
obligation à ce titre envers le vendeur, et que celui-ci seul,
dans l'acte où il cédait ainsi son bien, avait à fournir en
même temps à l'acheteur toutes les garanties que la loi
exigeait d'une façon formelle. S'il arrivait que l'acheteur,
dans la réalité, des choses, n'eût pas eu en mains l'argent
nécessaire pour payer d'abord le prix de la vente, le ven-
deur qui lui faisait crédit était censé lui prêter la somme
et on faisait intervenir à cette occasion un acte de créance
absolument distinct de l'acte de vente, mais qui pouvait
comporter sur le bien dont il s'agissait soit une hypothèque,
soit même, pour tenir lieu de notre privilège actuel du
vendeur, une vente conditionnelle à terme, en sens con-
traire, pour le cas oii la somme due ne serait pas payée à
l'échéance.
Dans ces contrats, dressés par un notaire, pourvus de la
signature de témoins très nombreux, enregistrés de diverses
manières suivant les époques et qui, en dernier lieu — outre
les enregistrements relatifs au payement des droits de mu-
tation, outre les indications prises sur les registres du
cadastre tenus par les koniogramnaates — devaient, sous
peine de nullité, être reproduits en entier sur les registres
de transcription au Ypacpiov (on dirait aujourd'hui au
greffe), on arrivait, par des moyens non moins juridique-
ment habiles et sous des formes beaucoup plus simples, à
réaliser des opérations non moins compliquées que celles
qui se font dans nos contrats notariaux d'aujourd'hui. Nous
ne parlons en ce moment que de la période dite classique
du droit égyptien. Mais dans les périodes antérieures qui
se succédèrent depuis Bocchoris jusqu'à la constitution dé-
finitive de ce droit classique sous les dernières dynasties
nationales, le droit égyptien, malgré les changements qu'y
avaient apportés d' abord les rois éthiopiens , puis Amasis , etc . ,
avait toujours conservé l'aspect si remarquablement original
et si élevé de principes que dès la rédaction de son code Boc-
choris lui avait donné. Aussi était-il très admiré par les
anciens, suivant lesquels les plus grands législateurs grecs
étaient allés chercher d'abord leurs inspirations en Egypte.
Sa supériorité réelle, incontestable, le fit conserver sous
toute une série de dominations étrangères. Le papyrus
grec V^^ de Turin nous le montre constituant encore la loi
du pays sous les Lagides, moins de cent vingt ans avant
notre ère. Les contrats démotiques de l'époque romaine
nous le font voir en vigueur encore sous les césars, et on
en retrouve certains principes fondamentaux, certaines
appHcations traditionnelles passées en coutumes, non seu-
lement jusque dans les contrats grecs ou coptes de l'époque
byzantine, mais jusque dans les contrats coptes ou arabes
de l'époque musulmane.
Tout récemment, d'après les renseignements fournis par
le moudir d'Assouan dans les provinces du haut Nil, la
société familiale se conservait après la mort du père entre
ses enfants, sous la direction d'un aîné administrant les
biens communs, en qualité de gérant, sans en avoir d'ail-
leurs une part plus grande que ses frères. Cette particu-
larité si curieuse du plus ancien droit égyptien se main-
tenait encore en usage. Sur la demande du moudir en
question, le droit traditionnel a été maintenu dans la pro-
vince frontière qu'il dirige, et les nouveaux tribunaux n'y
ont pas été installés comme dans le reste de l'Egypte ; on
sait en efi'et qu'on a récemment rédigé, à l'imitation de notre
code civil, un nouveau code égyptien publié en français
et dont l'application est surveillée par des tribunaux à la
moderne; tandis que ie droit sacré musulman, sur les ques-
tions prévues par le Coran, se pratique encore comme dans
tout le monde musulman. Nous ne pouvons entrer ici dans
de plus grands détails ; mais nous renverrons pour l'étude
du droit égyptien à nos volumes sur VEtat des persoimes^
sur les obligations en droit égyptien comparé aux
autres doits de C antiquité ^ parus depuis plusieurs années,
et à nos volumes sur VEtat des biens, actuellement sous
presse. E. Bevillout.
Histoire de l'Egypte dans l'antiquité. — Les trente
et une dynasties de l'histoire de Manéthon ont été groupées
par les modernes en quatre grandes périodes : d^ ancien
empire ou période memphite (F^-X« dynastie) ; ^'^ moyen
empire ou première période thébaine (XP-XVII^ dynastie) ;
3^ nouvel empire ou deuxième période thébaine (XVIIÏ^-
XX^ dynastie) ; 4^ période saïte (XXP dynastie, conquête
perse).
Origines : établissement de la monarchie. Ancien
empire. L'histoire ne commence, à vrai dire, qu'avec le der-
nier roi de la IIP dynastie, Snewrou, auquel se rapporte
le plus ancien des documents originaux. Cet ancêtre des
monuments historiques de l'Egypte consiste en un bas-relief
gravé à l'entrée d'une galerie de mines dans le Ouadi
Magharah (presqu'île du Sinaï). Il nous représente le pha-
raon immolant au dieu Horus un prisonnier de guerre avec
la légende : le roi du Sud et du Nord, seigneur du
Vautour et de rUrœus, maître de la vérité, Vépervier
d'or, Snewrou, écrase les montagnards. Les termes de
cette formule qui ne diffèrent pas du protocole consacré
en pareil cas dans les inscriptions analogues des époques
postérieures ; l'aspect du monument, son emplacement à
l'entrée d'une mine de cuivre en plein désert, à sept ou
huit jours de Memphis, sont autant de preuves qu'au temps
des premières dynasties memphites, l'Egypte était arrivée
à un degré de civilisation trop avancé pour ne pas sup-
poser, avant l'établissement de la monarchie, une très
longue période au cours de laquelle les habitants de la
vallée seraient non seulement passés de la barbarie à la vie
policée, mais encore arrivés à une grande pratique des
principaux éléments constitutifs de la civilisation égyptienne.
Les Egyptiens comblaient ce gouffre d'un passé fécond,
mais sans tradition, au moyen de dynasties divines. Les
sources indigènes auxquelles avait puisé Manéthon faisaient
au moins mention de deux de ces dynasties suivies d'une
troisième dynastie de héros. M. Maspéro a récemment
prouvé que ces trois dynasties correspondaient aux trois
ennéades divines selon le système d'Héliopolis, avec quel-
ques modifications provenant de l'adaptation des trois
ennéades à la théologie memphite, et, cela va sans dire, de
l'identification des dieux de l'Egypte à ceux du panthéon
grec. Le thème plus ou moins déformé de la cosmogonie
héliopolitaine, le mythe d'Osiris, les guerres d'Horus et de
Set avaient permis de placer en regard de ces noms divins
un ensemble de récits légendaires qui variaient de pro-
vince à province. Avec Menés (Mini) de Thinis, nous sor-
tons de la mythologie sans pourtant qu'aucun document
original mentionne ce prince et ses successeurs. Les pha-
raons de Thèbes, deux mille ans plus tard, honorèrent en
lui un ancêtre dont ils croyaient perpétuer la race, esti-
mant que la monarchie ne pourrait durer qu'autant que
durerait la descendance de celui qui l'avait fondée sur les
ruines du pouvoir sacerdotal. La tradition populaire, de
son côté, lui attribuait l'une des œuvres les plus colossales
accomphes en Egypte, la création de la grande digue de
Kocheïchah qui assurait la fertilité du Fayoum en même
temps qu'elle réglait l'irrigation du Delta, jusqu'alors noyé
dans les marécages. On se plaisait pareillement à faire
remonter au règne des Thinites l'établissement de certains
cultes comme ceux d'Hapis, de Mnevis et du bouc mendé-
sien (roi Kakeou), la législation qui assurait le droit de
succession aux femmes de sang royal (roi Binnoutri), jus-
qu'à des traités de médecine (roi Teta), etc. Les premiers
memphites (IIP dynastie) n'offrent pas au sujet des faits
une plus grande consistance que les Thinites ; ils n'existent
qu'à l'étal de noms. Mais avec les successeurs de Snew-
rou (IV® dynastie), nous entrons dans le domaine de l'his-
toire authentique.
EGYPTE
678
C'est l'époque de Khoufou, le Chéops des Grecs, de Kha-
fra (Khephren) et de Menkera (Mykerinos). Peu de faits
militaires : quelques guerres avec les tribues bédouines de
l'Est, mais tous les caractères d'une civilisation brillante
poursuivant son développement en plaine paix. « Des villes
sont fondées, dit Mariette, de grandes fermes enrichissent
les campagnes. On y élève des milliers de têtes de bétail.
Des antilopes, des cigognes, des oies sauvages y sont gar-
dées en domesticité. Des moissons abondantes et soignées
couvrent le sol. Une architecture élégante embellit les habi-
tations. Là, le maître de la maison vit aimé et respecté
des siens ; il cultive les fleurs ; des jeux, des danses sont
exécutées devant lui. Il chasse ; il pêche dans les nom-
breux canaux dont la contrée est sillonnée. De grandes
barques aux voiles carrées flottent pour lui sur le Nil, ins-
truments d'un commerce sans doute très actif. Partout
l'Egypte nous apparaît alors dans l'épanouissement d'une
jeunesse vigoureuse et pleine de sève. » Cette peinture de
l'Egypte sous les rois de la IV^ dynastie n'a rien de con-
jectural ; elle n'est pas l'œuvre de l'historien moderne,
mais des contemporains. Nous la voyons s'étaler encore
avec une netteté incomparable sur les parois des tombes de
Gizeh et de Saqqarah. « Ces tombes formaient à l'O. de
Memphis, sur un vaste plateau de la chaîne libyque, une
importante nécropole d'une superficie plus grande que celle
de la ville des vivants. Au N. de cette nécropole, un roi
demeuré inconnu, mais qu'il faut peut-être reporter aux
temps antérieurs à Mini, avait fait tailler dans le roc un
sphinx énorme, symbole d'Harmachis, le soleil levant.
Plus tard un temple d'albâtre et de granit, le seul spéci-
men que nous possédions de l'architecture monumentale de
l'ancien empire, fut construit à quelque distance de l'image
du dieu; d'autres temples, aujourd'hui détruits, s'élevèrent
çà et là et firent du plateau entier comme un vaste sanc-
tuaire consacré aux divinités funéraires. » (Maspéro.) C'est
là, dans le voisinage du sphinx, sur le rebord du plateau,
que Khoufou, Khafra et Menkera bâtirent leurs pyramides
(V. ce mot). La tradition grecque nous représente les deux
premiers comme des rois impies qui fermèrent les temples
pendant toute la durée de leur règne, afin qu'aucune
préoccupation, pas même celle des dieux, ne vînt détourner
le peuple de la corvée à laquelle il avait été astreint pour
l'érection des deux colosses. La science moderne a fait
justice de cette accusation assez étrange contre des rois de
droit divin, qui se considéraient non seulement comme les
ministres des volontés divines, mais même comme les propres
fils des dieux . La V*^ dynastie, également memphite (et non
éléphantine comme l'a dit par confusion l'un des copistes
de Manéthon), se rattache sans secousse à la précédente dont
elle n'est, à vrai dire, que la continuation. De nombreux
monuments d'un style aussi achevé que ceux de la IV® dy-
nastie témoignent de la prospérité de l'Egypte, qui n'a
guère à se défendre que contre les incursions de quelques
tribus nomades. L'exploitation des mines du Ouadi Ma-
gharah continue de plus belle, ainsi que le prouvent des
stèles au nom de An Ousornirâ et de Tatkara. La pyra-
mide d'Ounas, le dernier roi, se trouve à Saqqarah dans
le groupe des pyramides de la VP dynastie ; elle a été
ouverte par M. Maspéro, le 23 févr. 4881. Teti, succes-
seur d'Ounas, inaugure la VP dynastie, originaire d'Elé-
phantine. Nous ne savons que peu de choses de ce roi,
ainsi que d'un certain Ati, connu seulement par une ins-
cription de sa première année et qu'on place soit avant soit
après Teti. Il n'en est pas de même de Pepi V^^ Merirâ,
dont le règne de près de dix-huit ans marque une des
grandes époques de la puissance égyptienne. A Tanis, à
El Kab, dans la vallée d'Hammamat, à Assouan, au Sinaï,
on trouve un peu partout les traces de sa prodigieuse
activité. Secondé par son ministre Ouni, il étend sa puis-
sance à l'E . jusqu'aux déserts de la Syrie méridionale, au
S. sur les tribus noires de la Haute-Nubie. Le document
capital pour l'histoire de son règne est la longue inscrip-
tion du tombeau d'Ouni, son ministre, découverte à Aby-
dos par Mariette et transportée par lui au musée du Caire.
Cet Ouni, qui avait eu accès aux honneurs sous le règne
de Teti, devint sous Pepi une sorte de grand chancelier
cumulant une foule de hauts emplois et dirigeant les affaires
du royaume a\ec l'aide d'un seul assesseur. Il avait été
chargé de l'insigne mission de choisir à Tourah le bloc de
calcaire destiné à abriter la momie royale, puis, à l'occa-
sion d'une grande guerre soutenue contre les Syriens et
les hommes du désert, investi du haut commandement.
Son armée, recrutée parmi les tribus nègres, fit d'abord
cinq campagnes contre les Herichaou ; puis, les barbares
s'étant de nouveau soulevés malgré leurs défaites, Ouni
dut prendre la mer pour les poursuivre jusque dans les
extrémités reculées de leur pays. Tant de victoires valurent
à Ouni l'honneur suprême de conserver ses sandales dans
le palais. Le roi Merenra, fils et successeur de Pepi, lui
conféra de nouvelles charges. Il l'envoya en outre, comme
avait fait son père, à la recherche de son sarcophage et
des matériaux nécessaires à l'érection de sa pyramide.
Le règne de Merenra fut pacifique et vraisemblablement
de courte durée. La momie de ce prince, recueillie en
1881 dans sa pyramide, porte encore la tresse des ado-
lescents. Noferkara, second fils de la reine Mirira-Anchnas,
succéda à son frère aîné. Si l'on en croit Manéthon, son
règne aurait été de cent ans. Après cette suite continue de
quatre pharaons, les monuments se taisent, et c'est Héro-
dote et Manéthon qui terminent l'histoire de la VP dynas-
tie par un Metesouphis et une Nitocris plus qu'à demi-
légendaires. Le nom de Nitaqrit a été retrouvé dans un
fragment du papyrus de Turin. De plus, le remaniement
constaté dans la pyramide de Menkera, où fut aussi trouvée
une seconde chambre, confirme l'assertion de Manéthon que
cette reine y aurait été ensevelie. Les pyramides des rois
de la VP dynastie forment le groupe le plus important de
la nécropole de Saqqarah. Attaqué par Mariette quelques
mois avant sa mort, il n'a livré ses secrets qu'à M. Maspéro
qui de 1880 à 1881 a pu reconnaître et relever successi-
vement les tombes de Merenra, de Pepi P"^, de Noferkara
(Pepi II), de Teti, ainsi que celle d'Ounas de la V® dynastie.
Les couloirs et les chambres de ces pyramides portent
gravés de nombreux textes religieux. De ce que les mas-
tabahs ou tombes de simples particuliers et les pyramides
de Gizeh ne contenaient aucune allusion à la vie de l'âme,
on s'était trop pressé de conclure que les doctrines mys-
tiques relatives à la vie d'outre-tombe, telles qu'on les
connaissait par le Livre des Morts, étaient l'œuvre de
théologiens d'époques postérieures. Les pyramides de la
V® et de la VP dynastie ont répondu à cette théorie.
Pour les quatre dynasties suivantes, il y a désaccord
dans les sources. Le papyrus de Turin ne semble mentionner
entre la VP et la XIP dynastie que 23 rois divisés en
deux dynasties, tandis que Manéthon en compte 4 (2 mem-
phites et 2 héracléopolitaines). La VHP dynastie (mem-
phite) n'aurait duré que 70 jours selon une des versions
manéthoniennes et 73 ans selon l'autre ; la VHP dynas-
tie (memphite), 146 ans et 100 ans. Le désaccord n'est
pas moins grand en ce qui concerne le nombre des rois qui,
pour la VIΫ dynastie, est tantôt de 70, tantôt de 5, et le
singulier, c'est que les 70 rois appartiennent non à la
version de 75 ans, mais de 70 jours. Quant à la VHP dy-
nastie, elle aurait été de 27 rois. Ces divergences mon-
trent qu'a-ucune tradition n'était parfaitement étabUe,
sans doute du fait des compétitions qui mirent plusieurs
familles en présence, en sorte que la légitimité était partout
et nulle part. Il en résulte en tous cas que la puissance
memphite dut passer par une crise d'où elle sortit si affai-
blie que la suzeraineté fut confisquée par un Etat vassal
de la Moyenne-Egypte. L'histoire des deux dynasties héra-
cléopolitaines (IX® et X®) est encore à écrire. Longtemps
considérée comme un simple problème de chronologie,
dont la donnée d'ailleurs n'était fournie que par les abré-
viateurs de Manéthon et le chronographe Eratosthêne, elle
a été remise à l'ordre du jour par la découverte de nou-
— 679 —
EGYPTE
veaux documents et surtout par l'étude d'anciens jus-
qu'alors attribués à d'autres époques. Il ressort jusqu'à
présent de l'examen de tous ces fragments que la maison
princière d'Heracléopolis (Hues, aujourd'hui Henassieh)
commença à prendre de l'importance pendant les règnes
des derniers rois memphites et, à la faveur de guerres
contre les principautés du Sud, arriva, par l'extension
donnée à ses domaines, à supplanter définitivement les
princes du Nord. Que cette souveraineté ait pu s'étendre
pendant plusieurs siècles à toute l'Egypte, c'est ce dont
nous n'avons pour l'instant nulle preuve ; toujours est-il
que, pendant cette période, les princes de Hnes étaient de
beaucoup les plus puissants, qu'ils firent reconnaître leur
suzeraineté à ceux de Siout, et étendirent leur sphère
d'action jusqu'aux côtes de la mer Rouge.
Moyen empire. Jusqu'à l'avènement des dynasties héra-
cléopohtaines, les nomes du Sud n'avaient joué qu'un rôle
effacé; les inscriptions des tombeaux de Siout nous les
montrent sortant de la tranquille obscurité où ils vivaient
pour entrer en lutte avec leurs voisins du Nord et essayer
de reprendre à leur compte l'hégémonie (qui avait sans
doute reçu plus d'une atteinte) des princes de Hnes sur le
reste de l'Egypte. Le plus ancien des princes connus de
cette XI^ dynastie qui posa les premières assises de la
puissance thébaine, Entouf P^, n'était qu'un ropa (seigneur
héréditaire). Son fils Mentouhotep P^ et ses successeurs
s'enhardirent à prendre le cartouche, sans pourtant s'im-
poser comme suzerains à la Basse-Egypte restée soumise à
l'ancienne métropole. On s'accorde néanmoins à reconnaître
qu'après dix règnes dont la durée est encore indéterminée,
un des rois de Thèbes, Nibkheroura Mentouhotep (IV) fut
assez heureux pour justifier son titre de roi des deux pays
par une conquête effective qui se borna vraisemblablement
à l'Egypte proprement dite, car on ne trouve trace de la
puissance thébaine à pareille époque ni au delà des rochers
de la première cataracte, ni dans la presqu'île du Sinaï, dont
les mines étaient abandonnées. En revanche, ces princes,
à l'exemple des rois héracléopolitains, donnèrent leurs soins
aux carrières de la vallée d'Hammamat et cherchèrent,
peut-être les premiers, par la fondation d'un port voisin
de l'emplacement de la moderne ftocéir, un débouché sur
la mer Rouge, La nécropole de la XP dynastie est située
au N. de k grande nécropole thébaine (rive gauche), à
Drah Abou'l Negah, c.-à-d. près du point où débouche le
défilé de Bab el Molouk (vallée des Rois).
La XIP dynastie est celle des Amenemhat et des Ousir-
tasen, par conséquent l'une des plus importantes. Elle nous
intéresse à plusieurs égards. Elle a d'abord l'inappréciable
avantage d'être la mieux connue de toutes les dynasties
égyptiennes. Ses huit souverains se font suite sans interrup-
tion. Sans doute, sa durée varie selon les diverses sources;
mais il est à remarquer que le total des années de règne
donné par les monuments (181 ans) est à peu près la
moyenne entre le chiffre de Manéthon (160) et celui du
canon de Turin (213). Une des particularités de cette dy-
nastie est la précaution, renouvelée presque à chaque règne,
que prennent les pharaons, après un exercice plus ou moins
long du pouvoir, d'associer leurs successeurs au trône avec
la jouissance de toutes les prérogatives royales. C'est ainsi
qu 'Amenemhat P^, fondateur de la dynastie, partagea,
après quarante-deux ans de règne, le pouvoir avec son fils
Ousirtasen P^, lequel, après trente-deux ans de règne,
rendit la pareille à son fils, Amenemhat II. Amenemhat II
ne fit pas autrement à l'égard d'Ousirtasen II et, après
interruption, Amenemhat lîl reprit la coutume en faveur
d'AmenemhatIV. Ce système de gouvernement n'avait pas
seulement l'avantage de mettre le trône à l'abri des com-
pétitions ; il avait celui d'intéresser plus vivement chaque
prince à l'œuvre de son prédécesseur. Le bénéfice qu'en
retira l'Egypte fut immense : à aucune autre époque, elle
n'eut un meilleur gouvernement, ni une plus réelle pros-
périté. Les pharaons de la XIP dynastie furent des con-
quérants à la manière de Pepi P^. Ils se préoccupèrent
avant tout d'assurer à l'Egypte la protection de ses fron-
tières de l'E. et de l'O., sans cesse menacées par les
Bédouins du Sinaï et de Libye. Ils reprirent l'exploitation
de l'ancien district de Magharah, ouvrirent même de nou-
velles mines sur le haut plateau de Sarbùt el Khadem. Ils
attachèrent surtout un grand prix à la possession complète
du cours du Nil proprement dit et s'en rendirent maîtres
après d'heureuses campagnes dirigées contre les tribus
éthiopiennes et les tribus noires. Ils jugèrent prudent,
néanmoins, de ne pas étendre trop au S. leurs occupations
et firent de Semneh, à une journée en avant de la deuxième
cataracte, leur poste-frontière. On y voit encore les restes
imposants de la forteresse élevée par Ousirtasen III. C'est
surtout comme ingénieurs-agriculteurs que ces pharaons
sont restés célèbres. Ils donnèrent en effet tous leurs soins à
l'agriculture en multipliant les bassins et les canaux, en
redressant les berges du fleuve, en appliquant, en un mot,
les procédés les plus rationnels à l'irrigation, dont ils
eurent une très haute conception. La construction du grand
réservoir ou lac Mœris (V. ce mot), par Amenemhat III, a
été (si le récit d'Hérodote ne repose pas sur un malentendu)
une œuvre qui, même à notre époque, n'a pas été dépassée
et dont les bassins projetés de Kalabcheh et de Cilcileh
ne seront guère que Limitation. Le temple que ce même
roi construisit à l'entrée de Fayoum et connu sous le nom
de Labyrinthe (V. ce mot) faisait, dans l'antiquité, l'éton-
nement des voyageurs. Hérodote le déclarait supérieur aux
pyramides, dont une seule pourtant, disait-il, dépasse de
beaucoup les plus grandes constructions grecques. « A côté
de ces entreprises gigantesques, dit M. Maspéro, les travaux
exécutés par Amenemhat III lui-même n'offrent que peu
d'intérêt. A Thèbes, Amenemhat et Ousirtasen P'' embellirent
de leurs offrandes le grand temple d'Amon. Dans la ville
sainte d'Abydos, Ousirtasen P** restaura le temple d'Osiris.
A Memphis, Amenemhat III édifia les propylées au N. du
temple de Ptah. A Tanis, Amenemhat P'' fonda, en l'hon-
neur des divinités de Memphis, un temple que ses succes-
seurs agrandirent à l'envi. Fakous, Héliopolis, Hakhninsou,
Zorit, Edfou et d'autres localités moins importantes ne
furent pas négligées. » Aucun monument ne nous laisse
une plus juste vue d'ensemble de l'état de l'Egypte à cette
époque que les tombes de Béni Hassan. Elles nous font con-
naître les noms, l'histoire et la situation politique d'une
famille de princes héréditaires, les princes de Mihi, qui, si les
circonstances s'y étaient prêtées, auraient pu devenir rois
d'Egypte de la même manière que les princes de Hnes ou de
Thèbes. Ils durent se résigner à ne devenir que grands digni-
taires de la cour de Thèbes et administrer leurs Etats comme
préfets héréditaires du pharaon. Ces mêmes tombeaux sont
une mine très riche (fe renseignements sur la vie agricole et
les industries de l'Egypte à cette époque. L'un d'entre eux
(tombeau de Knoumhotep) nous montre également une
famille d'émigrants asiatiques amenée devant le gouverneur
de la province de Mihi. Ainsi, plus d'un siècle avant l'invasion
des Hycsos, des familles sémitiques ou chananéennes pou-
vaient non seulement, commele raconte la légende d'Abraham,
pénétrer hbrementen Egypte, dont la frontière n'était fermée
qu'aux bandes agressives, mais remonter la vallée jusqu'à
la province de Mihi (moudirieh actuelle de Minieh). Le
papyrus de Berlin n° 1 nous apprend que les Egyptiens
pouvaient trouver le même accueil auprès des tribus sémites
du désert. Le héros de ce conte populaire, dont la scène se
passe au temps des deux premiers rois de la XIP dynastie,
obligé de prendre la fuite dans les vallées du Sinaï, ren-
contre un Bédouin qui l'amène, d'étape en étape, jusqu'au
pays des Edomites. Le grand cheik de la tribu le nomme
commandant de ses troupes, etc. (pour plus de détails sur
la donnée de ce conte, V. Sinouhit). Ce joli conte n'est pas
d'ailleurs le seul spécimen de la littérature égyptienne à
l'époque la plus florissante du premier empire thébain. Les
papyrus du Musée britannique nous ont conservé un hymne
au Nil souvent cité, le petit traité de morale rédigé par
Amenemhat P'' à l'usage de son fils Ousirtasen, ainsi qu'une
EGYPTE
— 680
sorte de satire rythmée de tous les métiers manuels, cen-
sément écrite par un vieux scribe à son fils étudiant au
séminaire de Cilcilis.
La XIII® dynastie, thébaine comme les deux précédentes,
fait par son incertitude le plus grand contraste avec la XII°.
Manéthon lui attribue une durée de 453 ans et 60 rois,
mais sans nous donner aucun nom. 11 la fait suivre d'une
dynastie de Xoïs avec 76 rois (sans autre désignation) pour
une durée de 484 ans. Un important fragment du papyrus
de Turin place précisément après la XII® une série de 130
à 130 prénoms ou surnoms d'intronisation dont quelques-
uns seulement sont accompagnés de noms de famille.
La moindre des difficultés que présente une pareille liste
consiste à déterminer le point de séparation des deux
dynasties. Le résultat le plus clair des plus ingénieuses
tentatives a été d'attribuer à la XIII® dynastie les cartouches
de Sowekhotep et de Nowréhotep, mentionnés d'ailleurs
sur de nombreux monuments figurés dont quelques-uns
ont été d'un grand secours pour le classement. Le lieu
où ils ont été trouvés n'a pas été moins significatif. Il a
permis de réfuter Fassertion que l'invasion des Hycsos
avait eu lieu sous la XIII® dynastie. C'est en eifet San,
la future capitale des Hycsos, l'ile d'Argo, près de Don-
golah, Semneh, indépendamment de Thèbes et d'Abydos
qui nous ont fourni la majeure partie de ces monuments.
Comment concilier une activité dont le rayon s'étend de Tanis
à Dongolah avec une invasion étrangère ? La quahté des
monuments n'y contredit pas moins. Ce sont, pour ne citer
que les principaux : le colosse de Sowekhotep III, prove-
nant des fouilles de Drovetti dans la Basse-Egypte (Louvre,
A, 16) ; une statue demi-grandeur du même en granit gris
(id., A, 17) ; le sphinx de granit rose, portant indûment
le cartouche de Ramsès II (id., A, 21) ; la statue de Sowe-
kemsaw, provenant d'Abydos (mus. Gizeh). Tant que des
fouilles fructueuses n'auront pas arraché son secret à la
bourgade minuscule (Sakhra) qui fut l'ancienne Xoïs, la
XIY® dynastie restera pour nous lettre morte. Son avène-
ment, comme le remarque M. Maspéro, fut en partie le
résultat de l'importance que prirent les villes du Delta
sous les princes de la XIII® dynastie. — Monument : au
musée de Gizeh, petit groupe de calcaire représentant le
roi Menkaoura Nahit en adoration devant le dieu Mîn de
Coptos.
C'est après cette longue et obscure dynastie xoïte que les
abréviateurs de Manéthon placent l'invasion des Hycsos.
Le Delta afi'aibli tombe sans l'ombre de résistance. Le chef
de ces pasteurs. Salâtes ou Saïtès, éht Memphis pour capi-
tale, transforme Avaris, à la frontière orientale du Delta,
en un vaste camp retranché, puis une fois en garde contre les
incursions de tribus congénères, attirées par l'appât du
butin, se tourne contre le Sud, dont les Etats menacés se
rallient aux princes de Thèbes. Il meurt avant de les avoir
réduits. Son règne avait été de dix-neuf ans. Ses succes-
seurs, Bnôn, Apachnas, Apophis et lannas, ne sont pas plus
heureux. Mais deux siècles de résistance opiniâtre finissent
pas user Thèbes, qui succombe à son tour et les Hycsos
sont maîtres de toute l'Egypte. Cette victoire définitive fut
l'œuvre d'Assès, successeur de lannas, et avec qui prend
fin la P« dynastie étrangère. Elle avait duré environ
deux siècles et demi. La II® dynastie hycsos (XVI®) règne
sans partage, au dire de Manéthon, pendant près de
cinq cents ans.
Après une si longue période, les Pasteurs trouvent encore
le moyen de fournir une III® dynastie de 43 rois pour
151 ans de règne, au terme desquels ils sont battus et
refoulés dans Avaris par un prince thébain que Josèphe
appelle Misphragmuthosis. Son fils Thoutmosis les laisse
après un long règne évacuer pacifiquement l'Egypte. Nous
avons une autre version non moins romanesque, mais
* de source indigène. Le papyrus Sallier I®^ du Musée bri-
tannique met en présence Apopi et le roi thébain Sqe-
nenrâ I®^. Il s'agit de savoir lequel des deux adorera le
dieu de l'autre; sera-ce Apopi qui se convertira à Amon-
Rà ou Sqenenrâ au dieu Soutekh? Tout dépendra d'une
sorte d'énigme que le chef hycsos fait poser au chef thébain.
Ce roman populaire laisse au moins entrevoir que la reprise
de la guerre pour l'indépendance eut un motif religieux,
en tout cas qu'elle est à placer à l'époque de Sqenenrâ I®^\
Les noms de quelques-uns des princes de cette XVII® dynastie
thébaine qui délivra l'Egypte nous sont depuis longtemps
connus par les monuments. La cachette de Déir el Bahari
nous a même livré le cercueil et la momie de l'un d'entre
eux, Sqenenrâ III. Pour ce qui est des rois pasteurs,
nous n'avons d'autre documents originaux que les monu-
ments trouvés par Mariette à San, et portant le cartouche
d'un Apopi. Mais le document plus important pour cette
époque est l'inscription du tombeau d'Ahmos, fils d'Abna,
à El Kab. Ce personnage, né sous Sqenenrâ III, nous
raconte toutes ses campagnes et la part qu'il prit au siège
d'Avaris, sous le roi Ahmos et la poursuite des Hycsos
jusqu'en Asie. — Principaux monuments : au musée de
Gizeh, deux sphinx et un groupe de deux dieux Nils,
avec le nom d'Aakenenrâ Apopi, provenant des familles de
Tanis ; le buste royal ou sacerdotal de Mit Farès (Fayoum)
qui présente les mêmes caractères que les monuments de
Tanis. M. Naville a trouvé récemment d'autres monuments
de la môme époque. Aucune trace de construction des
princes thébains ; bijoux au nom de Kamos, d'Aahhotep,
d'Ahmos.
Nouvel Empire, Une dynastie glorieuse entre toutes,
c'est la XVIII®. Fondée par Ahmos I®^ (Amosis), le libé-
rateur de l'Egypte, elle marque sa place dans l'histoire par
une série de conquêtes qui assurent, pour près de quatre
siècles, la prépondérance des pharaons. L'inscription du
tombeau d'Ahmos, fils d'Abna, commandant de la flottille,
nous apprend que le roi, son homonyme, poursuivit les
Hycsos jusqu'à Sharouhana (peut-être Sharouken de Si-
méon) , leur infligea l'an VI de son règne une sanglante
défaite, et qu'après la prise de Sharouhana, il tourna ses
armes vers la frontière Sud. Sa campagne dans le Khontnefer
fit rentrer dans l'obéissance une partie des anciennes po-
pulations tributaires du haut Nil. Favorisé par ses vic-
toires, Ahmos P^ s'appliqua à remettre en vigueur les tra-
ditions délaissées pendant de longs règnes : il partagea son
activité entre la guerre qui lui fournit d'importantes res-
sources et l'embeUissement de sa capitale qui les absorba.
Il ne borna pas ses soins à Thèbes et au sanctuaire d'Ahmos :
le temple de Ptah à Memphis en eut sa très grande part.
Ahmos tenait ses droits au trône de Nofertari, sa femme,
fille du roi Kamos et de la reine Aahhotep. 11 en eut un fils,
Amenhotep I®"" (Amenopliis), qui lui succéda. Amenhotep
épousa sa sœur Aahhotep II, conformément à un usage qui
se perpétua en Egypte jusqu'à l'introduction du christia-
nisme. La mort de son père ne le mit pas en pleine possession
du trône : il dut le partager avec la reine mère Nofertari
qui incarnait à un trop haut degré la légitimité pour perdre
ses droits par le veuvage. Au point d-e vue militaire, le
règne d' Amenhotep fut fécond en beaux résultats. La
Haute-Nubie, maintenue dans le devoir, devint une colonie
si prospère qu'on ne distinguait plus entre les territoires
au N. et les territoires au S. de la première cataracte. Les
richesses agricoles du Dongolah furent exploitées par des
colons qui trouvèrent alors dans le pays de Koush une sé-
curité égale à celle des provinces de l'Egypte proprement
dite. Thoutmos I®% fils et successeur d'Amenotep, contribua
à cette sécurité en se montrant sur le haut Nil comme son
prédécesseur. Une inscription gravée sur les rochers de la
troisième cataracte marque les traces de son passage.
Thoutmos avait d'ailleurs mieux à faire qu'à batailler contre
les nègres. Depuis le temps des Pasteurs, l'Asie s'était
affirmée comme la source des plus grands dangers que
pouvait courir l'Egypte. Thoutmos prit les devants. A peine
couronné, il envahit le pays des Chanaanites, et fit pour la
première fois sentir le poids des armes égyptiennes aux
Rotenou, peuplade sémitique maîtresse des territoires com-
pris entre le Liban et le désert de Syrie. Une stèle élevée
L'EXPOSITION UNIVERSELLE
DE 1883
GRAND OUVRAGE ILLUSTRÉ HISTORIQUE, ENCYCLOPÉDIQUE ET DESCRIPTIF
PUBLIÉ SOUS LE PATRONAGE DE
M. LE MINISTRE DU COMMERCE, DE L'INDUSTRIE ET DES COLONIES
COMMISSAIRE GÉNÉRAL DE L'EXPOSITION
AVEC LE CONCOURS ET LA COLLABORATION DE MM.
ARÈNE (Emmanuel), homme de lettres, député.
BAÏHAUT, #, ingénieur des Mines, député, ancien Mi-
nistre des Travaux publics.
BANGE (Le colonel de), O. #.
BAPST (Germain), >^, critique d'art.
BECHMANN, O. ^, ingénieur en chef des Ponts et
Chaussées, chargé du service des eaux à l'Exposition
Universelle de 1889.
BOUVARD, O. ^^, architecte de la Ville de Paris, archi-
tecte de TExposition Universelle de 1889.
BROUARDEL, C. f^, doyen de la Faculté de Médecine,
président du Comité consultatif d'hygiène.
CHARTON, O. >^, ingénieur en chef adjoint à l'Exposition
Universelle de 1889.
GHRISTOPHLE (Albert), O. >t^, député, ancien ministre,
gouverneur du Crédit foncier de France.
CLARETIE (Jules), O. ^, membre de l'Académie fran-
çaise, président de la Société des Gens de Lettres.
COUSTÉ, O. ^ts président de la Chambre de Commerce
de Paris.
DARCEL, 0. #, directeur du Musée de Cluny.
DUTERT, O. >^, architecte du Gouvernement, ancien
directeur au Ministère, architecte de l'Exposition Uni-
verselle de 1889.
EIFFEL (Gustave), O. ^^, ingénieur.
FLAMMARION (Camille), t^, astronome.
FONTAINE (Hippolyte), O. #-, président de la Société
Internationale des Électriciens.
FORMIGÉ, O. ^, architecte de la Ville de Paris, archi-
tecte de l'Exposition Universelle de 1889.
FOUCHER de CAREIL (Le comte A.), O. #, sénateur,
ancien ambassadeur.
FOUQUIER (Henry), O. >^, député, homme de lettres.
GIRARD de RIALLE, 4^, ministre plénipotentiaire,
directeur de la Division des Archives au Ministère des
Affaires étrangères.
GOUNOD (Charles), G. O. ^, compositeur de musique,
membre de l'Institut.
GRÉARD, G. O. ^^, membre de l'Académie française et
de l'Académie des sciences morales, vice-recteur de
TAcadémie de Paris, membre du Conseil de la Légion
d'honneur.
HENRIQUE (Louis), 0. >;^, Commissaire Général de l'Expo-
sition Coloniale.
HERBETTE, C. >%, directeur do l'administration péni-
tentiaire, conseiller d'Etat.
JACQUEMARD, O. >t<, inspecteur général de l'enseigne-
ment technique au Ministère du Commerce.
KAEMPFEN, O. t^^ directeur des musées nationaux et
de l'Ecole du Louvre.
KRAFFT (Hugues), >f^, critique d'art.
LACAN, >;<, avocat, secrétaire adjoint de la Compagnie
du Chemin do îqv du Nord.
LAFSNESTRE, #, conservateur au Musée du Louvre.
LA POMMERAYE (Henri de), #. homme de lettres,
président do l'Association polytechnique.
LAUSSEDAT (Le colonel), G. ^}^^ directeur du Conser-
vatoire des Arts et Métiers.
LAUTH, O. >f^, administrateur honoraire do la Manufac-
ture nationale de porcelaine do Sèv-^res.
LOCKROY (Edouard)j député, ancien ministre, ancien
Commissaii'o Général de l'Exposition Universelle de 1889.
MÉZIÈRES, 0. #<, membre de l'Académie française, député.
MONOD, O. ^^, directeur de l'Assistance et de l'Hygiène
publiques, conseiller d'Etat.
MOUCHEZ (Le contre -amiral), C. >^, membre de Thistitut,
directeur do l'Observatoire do Paris.
MUZET (Alexis), ^<, conseiller municipal de Paris, pr ')-
sident du Syndicat général des Chambres syndicales.
PASSY (Frédéric), #, membre de l'Institut.
PREVET, 0. f^, député, président do l'Union nationale des
Chambres syndicales, ancien Commissaire Général à
l'Exposition de Barcelone.
PROUST (Antonin)j député, ancien ministre. Commissaire
spécial des l^eaux-Arts à l'Exposition Universelle de 1889.
SARCEY (Francisque), homme do lettres.
SÉDILLE (Paul), O. #^, architecte du Gouvernement,
chef du service des installations à l'Exposition Univer-
selle.
SIMON (Jules), >7^, mombr'o de l'Académie française, secré-
taire per'pétuel de l'Académie des sciences morales et
politiques, sénateur, ancien ministre.
STRAUSS (Paul), publiciste, conseiller municipal de Paris.
TISSANDÏER (Gaston), >^, aéronaute et publiciste, direc-
teur du journal La Nature.
A^oîr a.11 dojs^ le plan gi'éuLéï-a.l et le somii^a^îa-e de l'Oiivjfuge.
L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889
.>mC^X^^xMJt> —
La ]ibrairie E. Dentu met en vente le premier volume du bel ouvrage l'Expositio7i
Universelle de 1889, par E. Monod, publié sous le patronage de M. le Ministre du Commerce.
Les éminents collaborateurs groupés autour de cette œuvre vraiment nationale lui assurent
Taccueil le plus favorable près du public qui a assisté aux ietes mémorables de 1889.
Toutes les grandes conceptions du génie humain ont trouvé leur place dans ce livre
merveilleux. Cette superbe encyclopédie des gloires du xix" siècle restera pour les généra-
tions futures l'expression véritable de nos progrès et de nos espérances.
{Petit Journal du 20 Octobre 1890.)
L'importance capitale de l'Exposition Universelle de 1889 et les conséquences considérables découlant
de son prodigieux succès sont, à l'heure actuelle, pleinement appréciées et universellement reconnues.
Au point de vue politique, l'Exposition a été l'affirmation calme et magistrale, incontestable et
incontestée, du relèvement complet et absolu de la France, de sa force^ de sa richesse, de son génie
pacifique et créateur.
Au point de vue commercial et industriel, économique et pratique, l'Exposition restera, pendant
de longues années, l'événement capital et dominant de la fin de notre siècle.
Œuvre de vulgarisation et de paix, l'Exposition a exercé et exercera longtemps encore son action
puissante sur la marche économique et générale des événements actuels.
Dans ces conditions, nous avons pensé — et beaucoup d'excellents esprits ont pensé avec nous —
qu'il importait d'en fixer le souvenir, les avantages et les résultats par un monument durable et définitif.
Telle est l'œuvre que nous offrons au public.
Ce qu'il importe surtout de remarquer et ce que nous voulons bien établir, c'est que cette publication
n'est nullement un travail d'actualité, dont l'intérêt, l'utilité et le charme soient intimement et exclusi-
vement liés à la date de la grande manifestation qui lui a donné naissance.
L'Exposition a suscité un certain nombre de publications; mais les unes, ne s'attachant qu'à une
seule des divisions de cette grande œuvre, forment des écrits spéciaux, utiles à consulter, mais sans
intérêt au point de vue général; et les autres, n'ayant vu dans l'Exposition qu'un prétexte à réclames
industrielles ou commerciales plus ou moins habilement déguiséeS; constituent des recueils aussi com-
plètement dépourvus d'intérêt que de valeur.
En outre, toutes ces publications ont cherché leurs succès dans un seul élément : l'actualité. Bien au
contraire — nous ne saurions trop le répéter — le but poursuivi par nous est absolument différent, et
notre ouvrage, véritable encyclopédie du siècle^ véritable inventaire intellectuel de notre époque, présente
une utilité et un intérêt dus à la multiplicité et à l'importance des sujets traités, utilité et intérêt bien
'indépendants, comme on le voit, de la question d'actualité.
Nous sommes ainsi arrivés à donner, dans un ouvrage complet de tous points, non pas seulement
l'histoire et la description entière de l'Exposition, mais encore, et surtout, l'étude approfondie, encyclopé-
dique, de toutes les questions, de tous les faits, de tous les problèmes agités et résolus à cette occasion.
Le plan même de notre ouvrage, que nous reproduisons ci-contre, montre dans quelle mesure nous
avons satisfait à ces exigences.
La publication se compose de trois grands volumes et un superbe album au cours desquels
toutes les divisions de l'Exposition sont décrites, étudiées et expliquées, en même temps que les
questions multiples se rattachant à chacune de ces divisions.
La liste de nos collaborateurs suffit à déterminer le caractère et la portée de notre ouvrage, et nous
pensons inutile d'insister sur la valeur intellectuelle, scientifique et littéraire d'une publication due à la
collaboration d'hommes éminents, d'une notoriété universelle et d'une autorité absolue, parmi lesquels il
nous suffira de citer MM. Jules Simon, Ed. Lockroy, Jules Claretie, Antonin Proust, Henry
FouQuiER, Colonel Laussedat, Gaston Tissandier, etc., etc.
L'illustration, dont le rôle est des plus importants pour une aaivre comme la nôtre, a eu également
tous nos soins, et plus de 1,200 gravures dues à nos meilleurs artistes complètent le texte.
L'album* comprenant plus de 80 planches hors texte contient les vues et monuments de
l'Exposition que leur dimension ne nous eût pas permis d'intercaler dans le texte de l'ouvrage,
ainsi que les reproductions des principales œuvres d'art qui ont fait l'admiration du public.
La confection matérielle de la publication et les soins à apporter à une édition de cette valeur
exigeaient le choix d'un éditeur avantageusement connu et justement apprécié; à cet égard le nom seul
de la Maison E. DENTU, chargée de cet important travail, est le sûr garant d'une édition entièrement
satisfaisante à tous égards.
Toutefois, une œuvre de cette nature ne doit pas être seulement intéressante et d'une exécution irré-
prochable : elle doit, avant toute chose, être rigoureusement complète et absolument exacte.
A ce point de vue spécial, notre ouvrage, publié liïoiiss le haut patronage de II. le llinii^tre
du Commeree, de l^Iudu§itft»îe et des Coloiiiei^, Couiuiisisaire C^éuéral de l'Expo-
sition^ présente toutes les garanties possibles et voulues, et peut être recherché aussi bien des simples
curieux que des hommes d'étude et des érudits.
Disons, en terminant, qu'un tel ouvrage peut, avec profit, se trouver entre toutes les mains. Livre
de bibliothèque et livre documentaire et d'étude, il est comme l'Exposition elle-même, dont il est la
consécration définitive, intéressant et fructueux pour tous.
Voulant, avant tout, faire œuvre de patriotisme et de vulgarisation, nous avons pris grand soin,
par le prix et les conditions de souscription, de rendre l'acquisition de cet ouvrage possible et facile à tous.
Paris, 3 Octobre 1891 .
CONDITIONS DE LA SOUSCRIPTION
L'ouvrage complet coiTiprend trois splendîcles volumes grand in-8'^ colombier (format du présent
prospectus) de plus de Iî50 pages chacun, illustrés d'environ l/^OO gravures, et un magnifique
album même format, contenant plus de ^O compositions gravées hors texte; le tout avec riche
cartonnage d'amateur, tète dorée, tranches ébarbées et fers spéciaux.
L'ouvrage, album compris, est entièrement paru et peut être livré immédiatement ; son prix
est de 100 francs payables, au gré de l'acheteur, soit en quatre payements mensuels de ^5 francs
chaque, soit vingt-cinq francs à la livraison de l'ouvrage et le solde ÏO francs par mois.
// sera fait un escompte de JLO Vo aux souscripteurs qui payeront comptant en une seule fois, soit OO francs
en souscrivant.
N. B. — Prière de remplir le bulletin de souscription ci-dessous et de l'adresser à M. E. DENTU,
3, Place de Valois, à Paris.
BULLETIN DE SOUSCRIPTION
Je, soussigné, déclare souscrire à exemplaire de l'Exposition Universelle de 1889,
ouvrage en trois volumes et un cdbum, publié sous le patronage de M. le Ministre du Commerce, de
l'Industrie et des Colonies, Commissaire Général de l'Exposition, au prix de ±00 francs, payables ^^K'
En quBXvQ payements mensuels de 2b francs chaciue ;
Vingt-cinq /ra/zcs à la récepjtion de V Ouvrage et le solde ±0 francs par mois,
M (^^ >^ le i891 .
(Signature.)
Prière de détacher le présent bulletin et de l'adresser à M. E. DENTU, 3, Place de Valois, à Paris.
(1) E^fï'acer le mode de payement que l'on ne désire pas.
(2) Indiquer très eosactement : Noms, profession ou fonction et adresse complète.
"V-oîr a.11 dois lo pla^ix général et lo s^omma^ii^e d.e 1'Oiivra.ge.
L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE T889
—i. — ''usQ^x^ofeSâîv.cv-'*:^ — *-
T^la^ix Oéixéï*î^l et SoiixMmîre do FOiiA^r^tge
Préface par M. Ed. Lockroy, ancien Ministre du Coaimerce,
COMAIISSAIRE GÉNÉRAL DE l'ExPOSITION.
Historique de l'Exposition. — Histoire des Expositions. —
Organisation des Services.
Le plan de l'Exposition. — Description générale et grandes
divisions : Champ de Mars, Trocadôro, Quai d'Orsay, Espla-
nade des Invalides. — Travaux divers. — Parcs et Jardins. • —
Service des Eaux. — Éclairage électrique. — Les Fontaines
lumineuses. — Service mécanique. — Service des Installations.
— Exposition des habitations humaines.
Les Grandes Constructions métalliques a l'Exposition.
La Tour de 300 mètp.es.
Palais des Expositions Diverses et Dôme Central.
Palais des Machines.
Palais des Beaux-Arts et Palais des Arts libéraux.
Autour de l'Exposition. — L'I^^xposition pittoresque.
Histoire rétrospective do Travail et des Sciences anthro-
pologiques. — Anthropologie. — Aits libéraux. — Exposition
théâtrale. — Arts et Métiers"— Exposition de l'Histoire mihtaire
de la France. — Histoire des moyens de transports.
Exposition des Ministères.
Ministère du Commerce. — Statistique générale. — Commerce
intérieur. — Commerce extérieur. — Commerce international
en Orient et en Extrême-Orient. — Enseignement technique.
— Postes et Télégraphes.
Ministère de la Justice. — Légion d'Honneur. — Imprimerie
nationale.
Ministère des Finances. — Contributions directes et Cadastre.
— Ex})osition des Tabacs.
Ministère de l'Intérieur. — Statistique financière des Com-
munes. — Service vicinal. — Service de la Carte de France.
— Assistance et Hygiène publiques. — Exposition pénitentiaire.
— Les Archives du Ministère.
Ministère de la ^Marine. — Exposition d'ensemble. — Les
Magasins de l'État. — Le Ser\ice hydrographique. — Expo-
sition de pisciculture et d'ostréiculture. — Le laboratoire
central de la Marine.
Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts. —
Enseignement primaire et secondaire. — Fhiseignement supé-
rieur. — Géographie et Cartographie. — Les Manufactures
nationales. — Les Gobelms. — La Manufacture de Beau vais.
— L'Atelier de Mosaïque. — La Manufacture de Sèvres. —
Le Bureau des Longitudes. — Les Archives. — Les Bibliothèques
publiques. — Documents divers. — Les Sociétés savantes. —
Voyages et missions.
Ministère de l'Agriculture. • — Service central. — Enseigne-
ment agricole. — Institut agronomique. — Ecoles nationales
ou pratiques d'Agriculture. — Ecoles vétérinaires. — Chaires
d'Agriculture. — Écoles primaires d'Agriculture. — Ouvrages
spéciaux. — Spécimens, Collections. — Service des Haras.—
L'Hydraulique agricole. — Exposition des F^aux et Forêts.
Ministère des Travaux publics. — École nationale des_ Ponts
et Chaussées. — École nationale des Mines. — Navigation
intérieure. — Travaux maritimes. — Ponts et viaducs. — Carte
géologique. — Nivellement général.
L'Enseignement a l'Exposition — L'Architecture scolaire. —
Les travaux manuels dans les Écoles de garçons. — Les travaux
manuels dans les Écoles de filles. — L'Enseignement secon-
daire des jeunes filles. — L'Exposition scolaire.
Exposition de la Ville de Paris et du département de la Seine.
Les Beaux-Arts a l'Exposition. — Le Commissariat spécial
des Beaux-Arts. — L'Exposition de Peinture. — La Sculpture.
— L'Architecture. — Enseignement des Arts du dessin. —
Exposition rétrospective de l'Art français au Trocadéro. —
Les Auditions musicales.
TO^yCE II
L'Exposition militaire de 1889. — Considérations générales. —
Participation du Département de la Guerre. — Participation
du Département de la Marine. — Installations industrielles de
la classe LXVI. — Exposition mihtaire rétrospective.
Exposition d'Economie sociale. — Rémunération du travail. —
Participation aux bénéfices. — Associations coopératives. —
Syndicats professionnels. — Apprentissage. — Enfants niora-
lement abandonnés. — Sociétés de secours mutuels. — Caisses
de retraites et rentes viagères. — Assurances. — Épargne. —
Habitations ouvrières. — Hygiène sociale. — Institutions patro-
nales. — Grande et petite culture. — Grande et petite industrie.
Exposition coloniale. — Introduction. — Historique et orga-
nisation. — Description générale. — La Réunion. — Inde fran-
çaise. — Mayotte et Comores. — N<->ssi-Bé. — Obock. —
Sénégal et Soudan français. — Gabon-Congo. — Côte de Guinée.
— Nouvelle-Calédonie et Nouvelles-Hébrides. — Tahiti. — La
Martinique. — Saint-Pierre et Miquelon. — La Guadeloupe. —
La Guyane. — Madagascar. — La Cochinchine. — Le Cam-
bodge. — L^Annam. — Le Tonkin. — La Serre coloniale. —
LTnstruction publique dans les Colonies. — Les Indigènes à
l'Exposition. — Études anthropologiques. — Les troupes colo-
niales.— Les Sénégalais. — Conséquences morales et pohtiques
de l'Exposition coloniale.
L'Algérie a l'Exposition. — L'Art en Algérie. -^ L'Ensei-
gnement. — L'industrie algérienne. — Les forêts. — L'agri-
culture et la viticulture en Algérie.
La Tunisie. — Travaux publics. — Agriculture. — Industrie. —
Enseignement public.
Madagascar. — Produits d'exportation. — Objets de curiosité.
Les Congrès : CoMMEncE et Industrie : Enseignement technique,
commercial et industriel. — Intervention des pouvoirs publics
dans le prix des denrées. — La propriété industrielle. — Les
sociétés par actions. — Les accidents du travail. — Commerce
et industrie.
L'Enseignement. — Enseignement primaire. — ^Enseignement
supérieur et secondaire. — Les exercices physiques.
Économie sociale. — La participation aux bénéfices. — Les
Sociétés coopératives. — Intervention des pouvoirs publics
dans le contrat du travail. — Les habitations à bon marché.
— Les cercles populaires. — Le repos hebdomadaire. —
Congrès international de la paix.
MÉDECINE et Psychologie. — Médecine légale. — Hygiène et
démographie. — Psychologie physiologique. — ^.Anthropologie
criminelle. — Questions relatives à l'alcoolisme.
Assistance. — Assistance publi(iue. — Assistance en temps de
guerre. — Amélioration du sort des aveugles.
Les Traditions populaires : Mœurs et Coutumes. — Littéra-
tures et Poésies populaire^;.
Agricultitre et questions agricoles.
Architecture et Génie civil. — Congrès international des
Archiiectes. — Les procédés de construction.
Propriété artistique et littéraire. — La propriété artistique.
— La Société des Gens de lettres.
GÉOGRAPHIE ET COLONISATION. — Scienccs géographiques. —
Questions coloniales.
Hygiène et Assistance publiques.
ÉruDE analytique et descriptive des groupes et classes. —
Considérations générales et classification.
Les Arts libéraux (matériel et procédés). — Imprimerie et
librairie. — Papeterie, reliure, matériel des arts de la peinture
et du dessin. — Application usuelle des arts de la plastique
et du dessin. ■ — Epreuves et appareils photographiques. —
Cartes et appareils de géographie et de cosmographie. —
Topographie. — Plans et dessins du génie civil et des travaux
publics. — Les instruments de musique. — Médecine et
chirurgie. — Médecine vétérinaire et comparée. — Les
instruments de précision.
ALBUîii: : Voir page 2.
TOnVCE III
Les sections étrangèp.es.
Les Etats-Unis a l'Exposition.
Sections étrangères diverses. — Afrique du Sud et île de
Saint-Domingue. — Cap de Bonne-Espérance. — Répubhque
Sud-Africaine. — République d'Haïti. — République Domi-
nicaine.
L'Amérique du Nord. — Colombie. — République mexicaine.
Amérique centrale. — Costa-Rica. — Guatemala. — Honduras.
Nicaragua. — San- Salvador.
xVmérique du Sud. — Pvépublique Argentine. — Bolivie. — Chili.
Paraguay. — Pérou. — Uruguay. — Venezuela.
La section asiatique. — Chine. — Japon. — Perse. — Royaume
de Siam.
Les sections orientales. — Egypte. — Maroc. — La Rue du
Caire.
L'Europe a l'Exposition. — Autriche-FIongrie. — Belgique. —
F^spagne. — Finlande. — Grande-Bretagne et Colonies. —
Grèce. — Italie. — Monaco. — Norvège. — Hollande et
Colonies. — Portugal. — Roumanie. — Russie. — Saint-Marin.
— Suède. — Serbie. — Suisse.
Le Mobilier et les industries accessoires. — Ameublement.
— Tapis et tapisseries. — Céramique. — Vitraux. -- Appareils
et procédés de chauffage et d'éclairage. — Horlogerie.
Navigation et chemins de fer. — Matériel de navigation et
sauvetage. — Appareils auxiliaires de la navigation. — Histo-
rique des chemins de fer et leur situation actuelle. — Matériel
des chemins de fer.
Machines et appareils de la mécanique générale.
Produits de l'exploitation des mines et de la métallurgie.
Matériel et procédés des usines agricoles et des industries
alimentaires.
Exploitations métallurgiques et forestières.
Les tissus a l'Exposition. — Matériel et procédés de la couture
et de la confection des vêtements. — Vlatériel et procédés de
la hlature et de la corderie. -— Matériel et procédés du tissage.
— Soies et tissus de soies. — La fabrication de la toile.
Les industries de luxe.
Machines-outils et machines diverses.
Matériel et procédés des industries chimiques. — Cuirs et
peaux. — Matériel des arts chimiques, de la pharmacie et de
la tannerie. — Matériel et procédés de la papeterie , des
teintures et des impressions.
Matériel et procédés du génie civil, des travaux publics
ET DE l'architecture.
Exploitations agricoles, viticulture, alimentation.
Paris. — Imp. Patji DiTPOîn! (CL) 103.10.91
— 68i —
EGYPTE
sur les bords de TEuphrate montre qu'à la défaite des
Rotenou, il ajouta celle des tribus du Naharina (Méso-
potamie euphrato-orontienne). Son fils et successeur,
Thoutmos II, ne paraît pas lui avoir longtemps survécu.
La mort de ce prince rendit le pouvoir à la reine
Hatshepsou, sa sœur et épouse. Fille de la reine Ahmes,
Hatshepsou avait, en effet, déjà fait l'apprentissage de
la puissance royale du vivant d'Amenophis, qui l'avait
associée au trône : à la mort de Thoutmos II, elle
l'assuma, en qualité de régente, c.-à-d. en attendant la
majorité de Thoutmos III, fils du roi précédent et de sa
concubine Isis.
Le nom de cette régente, dont la tradition classique n'a
pas conservé le souvenir, est pourtant un des plus grands
noms de l'histoire d'Egypte; car, si jamais l'esprit d'entre-
prise s'est manifesté en ces temps lointains dans un but
essentiellement pacifique, c'est seulement lors du gouver-
nement de la reine Hatshepsou. Non contente de reprendre
l'exploitation des districts miniers du Sinai délaissés depuis
la XII^ dynastie, elle expédia une flotte dans le To-Nouter
(le pays des Somalis) à la recherche des produits naturels
que la renommée plaçait dans ces régions reculées. « Les
Egyptiens, descendus à terre, dressèrent une tente dans
laquelle ils entassèrent leurs pacotilles pour les échanger
contre les produits du pays. Les indigènes appartenaient à
la même race que les Koushites de l'Arabie méridionale et
de la Nubie. Us étaient grands, élancés, d'une couleur qui
varie entre le rouge brique et le brun presque noir... Les
principales conditions du marché se réglèrent probablement
dans un banquet, où l'on servit aux barbares toutes les
délicatesses de la cuisine égyptienne. Les envoyés reçurent
d'eux entre autres objets précieux trente-deux arbrisseaux
à parfums, disposés dans des paniers avec des mottes de
terre. Hatshepsou les fit planter par la suite dans ses
jardins de Thèbes : c'est, je crois, le premier essai connu
d'acclimatation. » (Maspéro.) Hatshepsou paraît avoir exercé
le pouvoir jusqu'en l'anXX du règne officiel de Thoutmos III;
toujours est-il que dès l'an XXI, ce dernier règne seul. A
peine débarrassédecettelonguetutelle,ils'efforçad'abohrles
traces d'un passé humiliant pour son orgueil, en s'acharnant
avec une rage iconoclastique contre la mémoire de la reine.
Ce tempérament d'une énergie brutale le prédestinait à de-
venir, dans le domaine de la guerre, le personnage capital
de l'histoire d'Egypte. Les trente-cinq ans que dura son
règne depuis la mort d'Hatshepsou furent marqués par
tant d'expéditions militaires qu'on pourrait se demander
non combien d'années mais de mois l'Egypte put jouir de
la paix, si l'on ne savait par avance que la guerre, telle que
la pratiquaient les chefs des grands empires orientaux,
n'était le plus souvent qu'une promenade armée organisée
à travers des pays dont la capitulation était assurée. Ces
expéditions, qui n'avaient d'autre but que d'ajouter aux
revenus des pharaons l'énorme impôt que des voisins trop
faibles payaient pour acheter la paix, ne devaient guère
durer qu'une saison et n'absorbaient pas de contin-
gents assez forts pour que l'agriculture s'en ressentît. Les
moindres guerres civiles ou féodales au dedans exerçaient
plus lourdement leur action sur la vie régulière que trente
ans de campagnes au dehors, qui accumulaient dans la
nation victorieuse un butin énorme d'esclaves et de denrées
de toute sorte. De l'an XXIV à l'an XXVIII, Thoutmos par-
court quatre fois la Syrie et la Phénicie. La défaite des
Rotenou à Mageddo (an XXIII) après une bataille insigni-
fiante, lui donna immédiatement la mesure de sa supériorité.
Dès lors rien ne l'arrêta. L'an XXIX, il pousse jusqu'à
l'Euphrate, pille Tounipou et Karkemish. Il revenait chargé
de butin de cette expédition lointaine, lorsque la richesse
du pays de Djahi (la Phénicie septentrionale) le détourna
de l'Egypte. « L'abondance fut si grande au camp du vain-
queur, que les soldats purent se gorger d'huile d'olive
chaque jour, luxe qu'ils ne se donnaient en Egypte qu'aux
jours de fête. » (Maspéro.) Les campagnes de l'an XXX et
"XXXI mirent à la merci des pharaons Qadesh, Symira,
Arad, Arrotou, celle de l'an XXIII ramena Thoutmos devant
les Khiti du Naharina; c'est au retour de cette expédition
qu'il s'empara de Nii, ville de la Syrie septentrionale qu'on
a confondue avec Ninive. D'autres noms de villes ou de peu-
ples de la même région ont été ainsi identifiés à plaisir avec
des villes ou des nations reculées, et l'on a longtemps
cru pouvoir dire avec Mariette que l'empire s'étendait alors
depuis l'Abyssinie et le Soudan jusqu'à l'Irak Arabi, le
Kurdistan et l'Arménie. En réalité, toutes les guerres de
Thoutmos, depuis la campagne de l'an XXII jusqu'à celle
de l'an XLII, ont eu pour théâtre, en Asie occidentale, la
région comprise entre le Taurus, l'Euphrate et la lisière
du désert de Syrie ; sur mer, les îles les plus voisines de
l'Egypte, Chypre et la Crète. Au S., il dut, à l'exemple de
ses prédécesseurs, pousser beaucoup plus loin et asseoir sa
puissance sur la plus grande partie du bassin du Nil. Son
fils Amenhotep II et son petit-fils Thoutmos IV suivirent
son exemple et tinrent en haleine les bataillons de l'Egypte
par des expéditions répétées. Sous Amenhotep HI, la su-
zeraineté de l'Egypte sur les petits Etats asiatiques se trou-
vait tellement consolidée, qu'il n'y eut guère plus de résis-
tance de la part des princes vassaux. Les relations pacifiques
se multiplièrent, provoquant l'action d'influences diverses
et favorisant, par le voyage, le commerce, la diffusion des
langues, le développement des deux civihsations. Le règne
d' Amenhotep IV (Khounaton) nous offre le curieux spectacle
des plus anciennes luttes du sacerdoce et de l'empire : un
pharaon provoquant un schisme pour anéantir la puissance
du grand prêtre d'Amon. Le dieu de Thèbes, Amon, avait
profité de la fortune de la maison royale ; de simple divinité
locale, il était parvenu à la suprématie de l'Olympe égyp-
tien. Son grand prêtre n'avait pas eu la plus maigre part
à cet avancement, qui se traduisait non seulement par un
grand accroissement d'influence religieuse, mais surtout
par l'extension d'une sorte de pouvoir temporel qui s'exer-
çait dans l'administration des domaines du temple. Amon
n'avait pu s'affirmer comme le principal dieu sans devenir
en même temps le principal propriétaire foncier de l'Egypte.
Parmi les antiques sanctuaires qui perdirent le plus au
triomphe de ce parvenu, celui d' Héliopolis, qui avait doté
l'Egypte de son système religieux, était au premier rang.
Amenhotep l'associa assez ingénieusement à sa rancune. Il
lui emprunta, comme machine de guerre, une forme secon-
daire de son dieu soleil, opposa cette divinité jusqu'alors
assez effacée, i^oTZ (le disque), au dieu de Thèbes, lui cons-
titua d'importants domaines dans la Moyenne-Egypte et fit
de sa métropole, Khounaton (actuellement Tell el Amarna),
la capitale de l'empire. Mais la puissance d'Amon était trop
solidement assise pour être ébranlée par un dieu secon-
daire, et Aton ne survécut pas longtemps à son champion.
Déjà l'un des successeurs d'Amenhotep IV, Ai, qui était
son gendre, avait jugé prudent de rentrer dans les bonnes
grâces du dieu thébain,sans pourtant tout à fait abandonner
son rival ; mais, après une période de troubles dont nous
ne pouvons mesurer la durée, Haremhebi, sans doute soutenu
par le sacerdoce thébain, se fit l'instrument de la réaction et
assura la solidité du trône en exerçant contre Aton les repré-
sailles d'Amon. H ne fut pas seul à recueillir le fruit de son
habileté. La suprématie resta à Thèbes pour près de trois
siècles. Sous la XIX^ dynastie, l'Egypte, sans rien perdre de
sa force vitale, ne fut plus comme par le passé l'arbitre du
sort de ses voisins d'Asie. Une puissance rivale, celle des
Khiti ou Hittim, qui jusqu'alors n'avait songé qu'à se défendre
contrôles invasions des conquérants de la XVIIP dynastie,
avait profité de l'affaibhssement momentané de l'Egypte après
la mort d'Amenophis IV pour secouer le joug des pharaons
et substituer sa propre suzeraineté sur les Etats syro-phé-
niciens à celle de l'Egypte. L'histoire des guerres égypto-
hittites est le fait le plus saillant de cette nouvelle période.
Une première campagne se termina par un traité conclu
entre Sapaloul et Ramsès P^ Une seconde campagne mit
aux prises leurs successeurs Morousar et Seti P^. Mais
Seti, qui était très facilement venu à bout des Shasou,des
EGYPTE
— 682 —
Libnanou et autres populations de la Syrie méridionale,
rencontra de la part des Hittites une résistance tout à fait
imprévue. C'est qu'il n'avait plus affaire aux Khiti qu'avaient
battus et razziés Thoutmos IV, mais à une nation puissante
faisant non seulement la loi chez elle, c.-à-d. dans leNaha-
rina, mais encore dans la plus grande partie de l'Asie
Mineure, la Cilicie, la Lycie, la Mysie. Ilion et Pedasos
étaient ses tributaires et formaient avec elle une sorte de
fédération militaire assez forte pour se faire respecter,
et même en mesure de s'organiser pour la conquête. SetiP^
jugea prudent de mettre fin à des victoires incertaines par
un bon traité qui fixait à l'Oronte la démarcation des deux
zones d'influence. « Restreinte à la Syrie du Sud et à la
Phénicie, l'autorité des pharaons, dit M. Maspéro, gagna
en solidité ce qu'elle perdait en extension. Il semble que
Seti P^, au lieu d'exiger simplement le tribut, imposa à
chacun des peuples vaincus des gouverneurs de race égyp-
tienne et mit des garnisons permanentes dans quelques
places, comme Gaza et Magidi. » Ce n'est pas de là que
devait venir le danger. Les peuples de l'Asie Mineure qui
savaient par leurs relations avec les Khiti quelle riche proie
devait être l'Egypte, tentèrent une invasion par mer favo-
risée par les Libyens, mais ils furent battus par Ramsès II
(le Sésostris des Grecs), que son père Seti avait, sur ses
vieux jours, associé à l'empire. Au nombre de ces peuplades
se trouvaient des Shardanes ou Sardinens, ses prisonniers,
qu'il incorpora dans sa garde. Jusqu'alors l'armée égyptienne
n'avait emprunté son élément étranger qu'aux peuplades
nègres du haut Nil ; Ramsès préluda ainsi à l'organisation
des troupes mercenaires qui supplanta, dans la suite, l'armée
nationale. Toutes ces guerres de Ramsès II s'effacent devant
sa fameuse campagne de l'an V, célébrée par une sorte
d'épopée qu'un poète aux gages du roi, Pentaour, composa
pour la circonstance. Cette longue pièce, gravée en entier
et en abrégé sur plusieurs temples, nous est également
parvenue par des copies manuscrites. Moteur, fils de Mo-
rousar, avait été fidèle aux engagements pris par son père,
mais son frère et successeur, Khitisar, n'imita pas son
exemple. Les peuples de l'Asie Mineure ne demandaient
qu'à marcher contre l'Egypte ; il se mit à la tête de la coa-
lition, et « l'on vit des bandes troyennes traverser la pénin-
sule dans toute sa longueur et venir camper en pleine vallée
de l'Oronte, à trois cents lieues de leur patrie. » L'armée
égyptienne n'offrait pas un moins singuher mélange.
« Elle renfermait, remarque M. Maspéro, à côté des
Egyptiens de race pure, des Libyens, des Mashouasha de
Libye, des Maziou, des Shardana, débris de l'invasion re-
poussée victorieusement quelques années auparavant. » Ce
fut à Shabtouna, petite bourgade syrienne, située un peu
au S.-O. de Qadesch, que les deux armées se rejoignirent.
Celle de Ramsès y fut surprise par l'ennemi, qui avait mis
les Rédouins de l'endroit dans son jeu. Deux de ces Bédouins
vinrent faire un faux rapport au pharaon et l'attirèrent,
lui et toute son escorte, dans un guet-apens dont il ne se
tira que par des prodiges de valeur. La victoire lui resta
finalement et Khitisar demanda la paix. Mais la guerre ainsi
rallumée en pays chananéen ne prit pas fin de sitôt.
Fomentée par le roi de Khiti, elle dura jusqu'à ce que les
deux puissances également fatiguées éprouvèrent sponta-
nément le besoin d'une paix définitive. Elle fut signée
l'an XXI de Ramsès. Le texte du traité nous a été fort
heureusement conservé, grâce à la coutume épigraphique
d'alors, qui faisait des murailles des temples de véritables
archives. L'alliance qui garantissait les nombreuses clauses
de cet acte fut quelque temps après consolidée par un mariage
politique. Ramsès épousa la fille aînée de Khitisar et en-
tretint des rapports d'amitié avec son beau-père qui se
décida à faire le voyage d'Egypte. Une stèle commémorative
fut gravée en l'honneur de cet heureux événement qui fait
le plus singulier contraste avec les épithètes injurieuses
que les princes de pays étrangers ne manquaient alors jamais
de se décerner dans les actes de chancellerie. Les quarante-
six années de paix qui s'écoulèrent entre la fin des hosti-
lités et la mort de Ramsès furent suivies d'une période de
troubles qui fit perdre à l'Egypte le fruit de ses dernières
conquêtes. Un des résultats du long règne de Ramsès avait
été d'user de son vivant toute une série d'héritiers pré-
somptifs et d'élever au trône un prince déjà vieux, Me-
nephtah, son treizième fils. L'an V de son règne, le Delta
eut à subir une nouvelle invasion des peuples de l'Asie
Mineure. Aux Tyrrhéniens, aux Shardanes et aux Syriens
que Ramsès avait déjà défaits s'étaient joints des tribus
nouvelles, les Akaiousha (Achéens) et les Shakalousha
(Sicules). Ils avaient débarqué chez leurs alliés de Libye
et s'étaient avancés jusqu'à Prosopis. La vaillance des
troupes de Menepthah qu'un songe empêcha d'assister à la
bataille conjura le danger. Les « peuples de la mer » furent
battus et l'Egypte délivrée d'une invasion qui, si elle s'était
produite vingt ans plus tard, auraient pu singulièrement
changer la face des choses. Le peu de monuments de toute
nature qui nous sont parvenus de cette époque nous montrent
en effet l'Egypte gouvernée par des princes sans autorité qui
laissent usurper presque toute l'étendue de leurs pouvoirs
par des vice-rois ou des ministres. Des collatéraux, au mépris
de la loi d'hérédité, s'intercalent entre le règne d'un père
(Menephtah) et de son fils (Seti II). L'autorité éphémère
de ces princes s'étendait-elle au moins sur toute l'Egypte?
C'est fort douteux. En tous cas, la Syrie, délivrée par ses
garnisons égyptiennes, rappelées en toute hâte par Menepthah,
s'est affranchie du tribut ; les nombreux prisonniers attelés
à des lourdes besognes dans les chantiers royaux repren-
nent, sans être inquiétés, le chemin de leurs pays et c'est
dans ces départs en masse, que l'autorité militaire était
impuissante à prévenir, que fut compris l'exode des tribus
Israélites dans le désert montagneux du Sinaï. L'usurpa-
tion d'un chef syrien, « Arisou qui fut chef parmi les princes
des nomes et força le pays entier à prêter hommage devant
lui », mit fin à la XLV dynastie.
La XX® dynastie va nous faire assister à la ruine de
la puissance thébaine. Sans doute Ramsès III, fils de
Nekthseti, qui avait renversé l'usurpateur Arisou et rétabli
avec la légitimité la paix en Egypte, fut un roi glorieux.
A l'exemple des grands pharaons de la XVIII® et de la
XIX® dynastie, et surtout de Sésostris, qu'il s'était donné
comme modèle, il avait fait plus que conjurer les dangers
dont le Delta fut menacé du fait des Libyens et des confé-
dérés d'Asie Mineure. Après avoir repoussé une première
invasion des Shasou du désert arabique, deux invasions
libyennes et, dans l'intervalle, une troisième attaque des
Tyrrhéniens, des Shakalash et des Danaens, ralliés au prince
du Khiti, venus par terre et par mer jusqu'à Raphia, il
avait restauré la suzeraineté des pharaons sur la Syrie,
concédé des territoires aux Mashouasha à l'O. et aux
Pelishti à l'E. de la frontière égyptienne, et intéressé ainsi
à la prospérité du pays des tribus turbulentes qui, dès
lors, combattirent dans les rangs de ses légions ; il avait
repris l'exploitation des mines du Sinaï, et, comme la reine
Hatshepsou, envoyé ses flottes jusqu'aux rives lointaines du
Pount et du To-Nouter. Mais, victorieux au dehors, il n'avait
pu faire disparaître au dedans les germes de décomposition
qui, depuis plus d'un siècle, travaillaient profondément
l'Egypte. Au milieu du désarroi général, résultat de plu-
sieurs siècles de guerres qui avaient modifié par le mélange
des races les caractères et les mœurs, une seule puissance
était restée debout et, à la faveur des circonstances, en
était venue d'empiétements en empiétements à balancer
l'autorité royale ; c'était le haut clergé de Thèbes. Déjà le
premier prophète d'Amon, Nekhtou, s'était élevé à une
sorte de souveraineté spirituelle à côté de Ramsès IV et
de ses successeurs éphémères ; son fils Amenhotep n'en
laissa rien perdre. Quand le onzième et dernier des Ramses-
sides mourut, le grand prêtre Hrihor, successeur d'Amen-
hotep qui s'était, du vivant du roi, fait décerner le titre
princier de vice-roi d'Ethiopie, prétendit à la royauté, et,
fort de son union avec la reine Nodjemit, usurpa le car-
touche, tout en conservant comme nom d'intronisation le
- 683
EGYPTE
titre sacerdotal. Le roi-prêtre Hribor-Siamon ne semble
pas avoir joui longtemps de la pleine souveraineté sur toute
l'Egypte. Le Delta qu'il avait favorisé lui-même, à l'exemple
des rois de la XIX*^ dynastie, lui suscita un concurrent,
Nsibindid (le Mendès de Manéthon) qui l'emporta et
installa sur le trône de Tanis, élevée au rang de capitale, la
XXP dynastie.
Enumérer les monuments construits par les rois du
second empire thébain serait (à quelques temples près bâtis
par les Ptolémées et les empereurs romains) passer en
revue tous les temples de l'Egypte. Le nouvel empire est,
en effet, la période de construction par excellence, ou plus
exactement de reconstruction. Les premiers pharaons de
la XVIIP dynastie donnèrent le signal en restaurant les
édifices qui avaient le plus souffert pendant la guerre de
l'indépendance. A partir de Thoutmos P^, les rois ne se
contentent plus à si peu de frais : la vallée du Nil se trans-
forme depuis la mer jusqu'au gebel Barkal en un immense
chantier oii les bras sont comptés par milHers. Grâce, en
effet, aux populations entières que ces pharaons transpor-
tent de tous les pays vaincus en Egypte, des temples de
proportions inusitées jusqu'alors s'élèvent et couvrent de
règne en règne des espaces de plus en plus grands, chaque
pharaon ajoutant à l'œuvre de son prédécesseur ; des obé-
lisques, des statues colossales se dressent; des avenues
de sphinx sillonnent de vastes plaines, si vastes que le
voyageur émerveillé en retrouve encore les traces loin du
périmètre des villes. A Napata, à Soleb, à Semneh, à
Ouadi Halfa, à Abou Simbel, en plus de vingt villes, au-
jourd'hui bourgades à peu près désertes de la Basse-Nubie,
à Eléphantine, à Syène, à Ombos, à El Kab, à Esné, à
Erment, à Thèbes surtout, oti l'activité ne se ralentit que
sous les rois hérétiques, et de Thèbes jusqu'à Memphis, de
Memphis jusqu'aux bouches du Nil, dès que la politique
asiatique de Kamsès II eût rendu au Delta et même accru
l'importance qu'il avait avec les rois memphites, l'Egypte
se couvrit de temples, de forteresses, d'arsenaux, de ma-
gasins, pour recevoir l'impôt, de belles villas ; les hautes
falaises de calcaires qui bordent le Nil se creusèrent pour
abriter trente générations de morts en luxueuses syringes
où l'art le plus consommé nous révèle aujourd'hui comme
par enchantement les merveilles de cette extraordinaire
civilisation.
Période saïte. Il s'opère alors un grand changement :
une Egypte nouvelle s'élève sur les ruines de la vieille
Egypte des rois thébains. « Le centre de gravité, observe
M. Maspéro, qui, après la chute du premier empire, était
descendu au S., vers Thèbes, par la conquête de l'Ethiopie
et le développement de la puissance égyptienne dans le Sou-
dan, remonta peu à peu vers le N. et oscilla quelque temps
entre les différentes villes du Delta. Tanis, Bubaste, Sais se
disputèrent le pouvoir avec des chances à peu près égales et
l'exercèrent tour à tour, sans jamais approcher de la splen-
deur de Thèbes ni produire aucune dynastie comparable aux
dynasties des rois thébains. » Les grands prêtres d'Amon
jugèrent prudent de ne pas contester la suzeraineté des rois
tanites moyennant une reconnaissance de leurs droits. C'est
ainsi qu'ils restèrent en possession du grand fief de Thèbes,
comprenant alors toute la Haute et une partie de la Moyenne-
Egypte. De même ils recherchèrent la main des prin-
cesses de la nouvelle maison royale, mêlant ainsi par des
unions calculées en vue de leur prestige le sang des parvenus
de Tanis au sang des Ramsès déchus. On vit le grand prêtre
Pinodjem P^, petit-fils d'Hrihor et de la reine Nodjemit
(ancienne maison royale de Thèbes), épouser la princesse
Makarâ, fille dé Psioukhannout P^ de Tanis (Psousennès), et
son petit-fils Pinodjem II s'enorgueillir du titre de fils de
Psioukhannout bien que, d'un autre lit, il n'eût pas une seule
goutte de sang tanite. On vit pareillement Pinodjem P^ joindre
à son titre sacerdotal le titre consenti de roi, et le roi Psiou-
khannout, son beau-frère et son suzerain, s'intituler comme
lui premier prophète d'Amon. Tout cela ne dénote-t-il pas
une parfaite entente entre les deux familles qui s'étaient
élevées sur les débris de l'antique maison des Ramsessides?
Pendant les cent cinquante ans environ que régnèrent les
sept rois tanites, l'Egypte conserva une apparence de force.
Les temps étaient trop récents où ses armées conquérantes
parcouraient les chemins de l'Asie. Le roi d'Israël, Salo-
mon, et le roi des Iduméens, Hadad, se ménageaient l'amitié
du pharaon (peut-être Psioukhannout II) en épousant ses
filles. Le Delta devenait de plus le grand marché où s'appro-
visionnaient par l'entremise des Phéniciens les peuples de
l'Asie occidentale et de l'archipel. Une certaine activité
régnait sur les chantiers de constructions : pendant que les
grands prêtres d'Amon faisaient des efforts pour arrêter
leur vieille capitale sur la rapide pente de la décadence, les
rois de Tanis concentraient les leurs sur la nouvelle et
mettaient la dernière main à l'exécution des plans de
En se renouvelant, l'Egypte des rois du Nord restait
pourtant plus que jamais ce qu'elle avait toujours été, c.-à-d.
un pays politiquement travaillé par des forces contraires
s'équihbrant plus ou moins et se remplaçant l'une par
l'autre dans un rapide jeu de bascule. Une famille est à
peine usée qu'une autre est toute prête à recueiUir sa suc-
cession. Quelle circonstance provoqua la chute des Tanites?
Nous l'ignorons. Toujours est-il qu'une famille libyenne,
fixée depuis plus d'un siècle à Bubaste après avoir vu
grandir de génération en génération son influence avec l'im-
portance chaque jour croissante des colonies Ubyennes, se
trouva prête à recueillir l'héritage des Tanites. Déjà, du
vivant de Psousennès II, Sheshonq, alors générahssime,
préparait les voies à son ambition en plaçant son fils
Aoupouti sur le siège pontifical d'Amon. C'était faire preuve
d'une grande prévoyance. Les pharaons de sa famille l'imi-
tèrent et purent maintenir intacte leur hégémonie au S. de
l'Egypte en déléguant un de leurs fils à la suprême dignité
sacerdotale jusqu'alors héréditaire. Ils ne firent guère en
cela que revenir à la coutume royale qui donnait en apa-
nage au prince héritier le gouvernement du pays de Koush.
Au reste, à l'époque où nous sommes, le pays de Koush
relevait directement du gouvernement sacerdotal de Thèbes.
Les Bubastites étaient trop préoccupés d'atténuer le sou-
venir de leur origine étrangère pour dédaigner la formalité
du mariage avec des princesses de sang ramsesside.
Comme tous les fondateurs de dynasties, Sheshonq P'
déploya la plus grande activité. Il intervint dans les affaires
de Judée, pilla Jérusalem et envahit le royaume du Nord.
« La comparaison de sa liste (gravée à Karnak) avec celle
de Thoutmos III, dit M. Maspéro, montre combien était
profond l'affaiblissement de TEgypte, même victorieuse,
sous la XXIP dynastie. Il n'est plus question ni de Gar-
gamish, ni de Qodshou (Qadesh), ni de Damas, ni des villes
du Naharanna. Magidi est le point le plus septentrional où
Sheshonq soit parvenu. » Sa suzeraineté sur la Palestine ne
ànv'i qu'autant que lui. Ses successeurs eurent trop à faire
à l'intérieur pour se donner le luxe d'envoyer des armées
au dehors. Une féodalité nouvelle avait progressivement
remplacé l'ancienne. Quoique issue de la famille royale,
qui s'était égrenée sur tout le pays, absorbant les petits gou-
vernements comme elle avait absorbé le grand, cette féodalité
n'était ni moins ambitieuse ni moins turbulente que la pre-
mière, et l'Egypte n'eut pendant tout le règne des Bubastites
qu'une ombre de stabilité. Du moins ces princes en profi-
tèrent-ils pour laisser par des monuments le souvenir de leur
règne. Bubaste, Tanis et Memphis en eurent la meilleure
part ; Thèbes ne fut pas complètement oubHée. Une cour im-
mense ornée d'un double portique vint s'ajouter en avant des
constructions grandioses de Seii P"" et de Ramsès IL C'est
au temps des Bubastites que fut prise la singuhère précau-
tion à laquelle nous sommes redevables de l'importante
trouvaille de Déir el Bahari. Le danger que courait alors
les momies royales exposées, dans le relâchement général
de l'autorité, aux convoitises du petit personnel des nécro-
poles, inspira la pensée de les retirer de leurs tombes et de
les déposer dans une chapelle attenante à la tombe d'Ame-
EGYPTE — i
nophis P' où Ton pouvait concentrer la surveillance. Pour
plus de commodité, le grand prêtre Aoupouti les fit, après
un certain temps, transporter dans son tombeau de famille,
où M. Maspéro les a retrouvées en 1881, entassées pêle-
mêle avec celles des grands prêtres. Au nombre de ces
momies se trouvaient celles du roi Sqenenrâ III de la
XVII® dynastie ; des rois Ahmos P"" , Aménophis l^^ ,
Thoutmos II, Thoutmos III, Seti I«% Ramsès PS Ramsès II,
Ramsès III, des reines Nofertari, Aahhotep, Nodjemit,
Makarâ et Isimkheb, les grands prêtres Hrihor et Pinod-
jem III. Elles sont aujourd'hui au musée de Gizeh.
A la faveur des désordres qui troublèrent les règnes des
derniers Bubastites, une maison de Tanis était arrivée à
prendre assez d'importance pour imposer, à la mort de
Sheshonq IV, sa suzeraineté sur les petites principautés,
suzeraineté d'ailleurs précaire et qui ne paraît pas avoir
duré plus d'un demi-siècle. La XXIV® dynastie, qui vient
ensuite, n'eut pas une plus brillante fortune. Ce n'était, à
vrai dire, qu'une première tentative des princes saïtes qui
n'aspiraient qu'à avoir leur siècle de puissance et de grandeur
comme les Tanites et les Bubastites. Mais l'audace sans
frein de Tafnekht compromit en partie le succès de son
entreprise. Après s'être emparé par la force de toute la
région occidentale du Delta, il remontait le cours du Nil,
quand il se heurta, au N. d'Abydos, à la flotte du roi
éthiopien Piankhi-Mîamoun, venu au secours des petits
souverains locaux. L'assistance de Piankhi n'était pas abso-
lument désintéressée. On se rappelle que les Bubastites
avaient dépossédé les grands prêtres d'Amon pour consti-
tuer un apanage à l'un de leurs fils. Exilés de Thèbes, les
descendants des Hrihor et des Pinodjem s'étaient retirés
dans la partie la plus méridionale de leur ancien royaume,
entre la deuxième et la quatrième cataracte où la civilisa-
tion égyptienne n'avait cessé de pénétrer depuis les rois de
la XIP dynastie. C'est ainsi que le roi-prêtre Piankhi atten-
dait depuis près de vingt ans dans Napata, sa capitale, une
occasion d'intervenir en Egypte et de reconquérir le domaine
de ses pères. L'appel des princes le trouva prêt. De vic-
toires en victoires il arriva jusqu'à Memphis, dont il s'em-
para par surprise, se fit reconnaître roi par les prêtres
d'Héliopolis, les princes de Bubaste disposés à tout accep-
ter par la crainte des représailles, enfin par tous les petits
souverains du Delta. Tafnekht capitula comme les autres et
dut s'estimer très heureux de conserver sa petite principauté
saïte ; mais son fils et successeur Bokenranf expia plus cruel-
lement les erreurs de son ambition. Après une guerre mal-
heureuse, il tomba aux mains de Shabaka (Sabacon), roi
d'Ethiopie, et fut brûlé vif dans Sais, sa capitale. Sa défaite
et sa mort livrèrent l'Egypte entière aux Ethiopiens. Que
Sabacon ait réalisé le type du bon souverain oriental ; qu'il
ait été, comme le veut la tradition, le législateur modèle,
cela n'a rien d'invraisemblable ; toujours est-il que c'est de
son règne qu'il faut dater l'événement le plus fécond en con-
séquences néfastes pour l'Egypte, l'entrée de ce pays dans la
ligue des Etats de la Palestine et de la Syrie contre les Assy-
riens. Battu à Raphia par le roi Sargon, Sabacon, qui n'avait
dû son salut qu'à la fuite, trouva sans doute, en rentrant
sur les bords du Nil, que sa malheureuse intervention avait
singulièrement compromis ses droits suzerains. Un prêtre
saïte, Stephinatès, s'était proclamé roi des deux pays ;
mais il fut à son tour dépossédé par Taharqa, roi d'Ethiopie,
qui reprit à son compte le duel avec l'Assyrie. Taharqa joua
de malheur. Battu par Assaraddon, il s'enfuit jusqu'à
Napata, abandonnant Memphis et Thèbes, qui furent pillés
par l'ennemi. Ce que perdaient les Ethiopiens devait pro-
fiter aux Saïtes, leurs adversaires. Neko P'', second succes-
seur de Stephinatès, fut investi chef de la ligue des princes
par Assaraddon qui l'appuya d'un corps d'occupation. Trois
ans après, Taharqa, à la fausse nouvelle de la mort du
roi de Ninive, leva une armée et reprit Memphis sur les
garnisaires d'Assaraddon ; mais, battu et poursuivi par
Assourbanipal, son successeur, il dut s'enfuir de Thèbes,
son refuge, et provoqua ainsi la seconde entrée des sol-
dats assyriens dans la ville d'Amon. La troisième cam-
pagne de Taharqa fut favorisée par les petits princes, y
compris Neko de Sais, qui avait finit par reconnaître que
l'Ethiopien était pour le moins aussi dangereux que le Nini-
vite. Assourbanipal eut le bon esprit de ne pas s'en forma-
liser. Après une nouvelle victoire, il remit en liberté ses
otages et replaça généreusement Neko sur son trône. Il ne
devait pas en jouir longtemps; Ourdamani, beau -fils et
successeur de Taharqa, s'empara de lui et le mit à mort,
mais il fut défait à son tour par l'armée d 'Assourbanipal,
mis en fuite et poursuivi jusqu'à Thèbes qui vit, pour la
troisième fois, les bataillons ninivites. Assourbanipal réta-
bUt les princes avec le corps d'occupation, mais donna cette
fois la préséance à Paqrour, prince de Pisoupti. Après une
nouvelle et dernière invasion éthiopienne conduite par To-
nouatamon,successeurd'Ourdamani, et qui bouleversa l'or-
ganisation d' Assourbanipal, le Saïte Psamitik, fils de Neko,
entre en scène et achève ce que l'Ethiopien avait commencé.
Aidé de bandes ioniennes et cariennes, il bat les princes
confédérés à Momemphis et dépouille Paqrour de ses droits
suzerains. Son mariage avec la princesse Shapenap, mère
de Sabacon, vint donner à son usurpation le vernis de
la légitimité auxquels les Egyptiens étaient si puérilement
attachés. Sous la XXVP dynastie, le déclin de l'Egypte
s'illumina d'un magnifique rayonnement. Animés d'un
grand sens politique, [les princes de Sais, qu'une énergie
patiente et tenace avait enfin rendus maîtres de toute
l'Egypte, poussèrent l'amour du progrès bien au delà des
limites que lui assignait l'esprit routinier d'alors. Ils ren-
dirent aux travaux publics une impulsion qu'on ne peut
comparer qu'à celle des grands pharaons thébains. Ils répa-
rèrent et agrandirent les temples, patronnèrent les arts,
firent éclore notamment cette brillante école de sculpteurs
sur roche dure et de fondeurs qui prirent pour modèles les
œuvres des vieux artistes men)phites, et parfois les imi-
tèrent si bien que les modernes s'y sont trompés. Ils ne
se préoccupèrent pas moins des grands travaux utilitaires
(reprise de l'exploitation des carrières de Tourah, de la
vallée d'Hammamat et de Syène ; réfection du canal des
deux mers, ensablé depuis près de trois siècles) et rom-
pirent avec l'orgueilleux traditionnisme sacerdotal pour
étendre expérimentalement leurs connaissances. Rien de
plus caractéristique à ce point de vue que ce périple complet
de l'Afrique exécuté par les matelots phéniciens de la flotte
par ordre de Neko II. Mais, à coup sûr, l'acte le plus
hardi de la politique saïte fut de rompre avec le préjugé
national contre les étrangers. Sans doute, depuis les guerres
du nouvel empire, ce préjugé s'était singuUèrement atténué
envers les races de l'Asie, mais, comme l'observe M. Mas-
péro, il était resté entier à l'égard des Grecs. Ce sont pré-
cisément les Grecs, et les Grecs de toute origine, de l'Asie
Mineure et des Iles, de l'Hellade ou de Cyrène, qui furent
non seulement l'objet de la plus grande tolérance, mais
purent encore se vanter d'avoir joui d'un meilleur traite-
ment que les indigènes eux-mêmes. Pour se faire une petite
idée de la situation des Grecs en Egypte au temps des
Saïtes, il suffit de se représenter celle des colons français
sous le règne de Méhémet-Ali. Psammetik III leur accorda
une première concession sur les territoires riverains du
bras pélusiaque (Ioniens et Cariens) et du bras bolbitique
(Milésiens) et les incorpora avec la haute paye dans sa
garde du corps, ce qui provoqua la fameuse sécession des
240,000 automoles. Neko II et Apriès (Ouahabrâ) leur
confirmèrent ces diff'érents privilèges. Enfin, Amasis, qui
avait été porté au pouvoir par le parti nationaliste, ne fut
pas plus tôt roi, qu'il renchérit sur la politique philhellène
de ses prédécesseurs. Il épousa une femme grecque de
Cyrène, Ladiké. Aucune cité grecque ne fit en vain appel
à sa générosité. Il transféra dans la capitale de l'empire,
à Memphis, la colonie des riverains de la Pélusiaque;
puis, comme de nouveaux colons, attirés par le bon
renom de son hospitaUté, affluaient de divers points de
I la Grèce, il leur concéda sur les bords de la Canopique un
— 685 —
EGYPTE
territoire où ils bâtirent la ville entièrement grecque de
Naucratis (actuellement En Nabireh). Sous son règne,
les Grecs, qui jouissaient d'un régime analogue à celui des
Capitulations, ne tardèrent pas à se sentir les coudées
franches. Malgré le préjugé populaire des indigènes, ils
voyageaient dans tout le pays et fondèrent de nouveaux
établissements dans quelques villes (par ex. Abydos) et
dans la grande oasis.
Les Saïtes étaient trop ambitieux pour ne pas prendre
part aux guerres qui suivirent l'effondrement de Ninive et
qui provoquèrent celui de Babylone. Psammetik II s'était
borné à conquérir le pays des Philistins; Neko II, plus hardi,
poussa jusqu'à l'Euphrate et fier de sa facile victoire sur le
roi de Judée, Josias, envoya pompeusement sa cuirasse au
temple d'Apollon Didyméen. Mais, trois ans plus tard, il
éprouva l'inconstance de la fortune quand, battu par Nabu-
chodonosor sur le théâtre de son ancienne victoire et pour-
suivi jusqu'à Péluse, il dut se soumettre pour arrêter
le Babylonien à sa frontière. Il ne fut vengé que trente
ans après. La flotte d'Apriès, montée par des équipages
grecs, battit les galères phéniciennes de Nabuchodonosor
devant Sidon, victoire qui valut à l'Egypte la possession de
la Syrie. Sous Amasis, Babylone passe du rôle d'adversaire
à celui d'alliée. C'est qu'il s'agit de se défendre contre Cyrus,
l'ennemi commun. La défaite désastreuse de Crésus se pro-
duisit assez tôt pour arrêter Amasis dans ses projets avan-
tureux (546). Mais vingt ans plus tard, son successeur,
Psammetik III (Psamenite) ne put arrêter Cambyse victorieux,
qui le déposa et le remplaça par le satrape Aryandès (525).
La politique de Cambyse, assez conciliante au début, ne
tarda pas à tourner à la plus terrible des persécutions.
Son successeur, Darius, s'efforça vainement d'en atténuer
le souvenir. Il eut beau se faire le continuateur de l'œuvre
des rois saïtes, reprendre leur vaste programme en vue
de développer la prospérité industrielle et commerciale de
l'Egypte devenue le principal entrepôt du trafic de la mer
Rouge et de la mer des Indes avec la Méditerranée, il ne
réussit pas à étouffer chez elle les regrets de son indépen-
dance. Pendant les quatre-vingts ans que dura la domination
perse jusqu'à la victoire d'Amyrtée, les satrapes de Darius,
de Xerxès et d'Artaxerxès s'épuisèrent à réprimer d'inces-
santes révoltes que soutenaient les armes et les vaisseaux
d'vVthcnes. Le Saïte Kabbisha et le Libyen Inaros furent,
avec le premier Amyrtée, les héros de ces luttes patrio-
tiques où la fortune de l'Egypte passa par des alternatives
de victoire (Papremis , Memphis) et de défaite (Proso-
pitis). Des mains d'Amyrtée, le sceptre de la nation déli-
vrée passa à celles de Noferit de Mondes. Sparte venait de
sortir victorieuse et puissante de la guerre du Peloponèse ;
Noferit rechercha son alliance, mais la plus sûre garantie
que l'Egypte ait eu de sa liberté, sous les rois mendésiens,
ce furent les difficultés que créa au grand roi la révolte
de la province d'Asie Mineure et de Chypre. On le vit
bien quand, après la paix d'Antalcidas, Artaxerxès envoya
contre la Syrie et l'Egypte Pharnabaze à la tète d'une
armée formidable. A la faveur des troubles suscités par
les compétitions des petits princes héréditaires, une famille
de Sebennytos (XXX« dynastie) s'était emparée du pou-
voir; Nectanèbe et son successeur Taho se préparèrent à
recevoir le choc. Bien mieux, ce dernier résolut d'ouvrir
les hostilités en marchant sur la Syrie au-devant de l'armée
perse. Il avait avec lui les meilleurs généraux de la Grèce,
Chabrias d'Athènes, et le vieux capitaine Spartiate Agésilas.
Mais toutes les combinaisons qu'il adopta pour assurer ses
chances se retournèrent contre lui. En prenant le com-
mandement supérieur des troupes, il dut laisser à Memphis
un régent qui, bien loin de lui conserver son trône, le lui fit
perdre à la première occasion au profit de son propre fils,
Nectanèbe 11. En rentrant de Syrie, où il combattait sous
Taho, le nouveau pharaon eut d'abord à réprimer une révolte
fomentée par un prince de Mondes. Il triompha de ce pre-
mier obstacle. La fortune lui sourit aussi dans la première
rencontre qu'il eut aux portes de l'Egypte avec l'armée
d'Artaxerxès III Okhos. Mais il fut moins heureux dans
la seconde. Les mercenaires du grand roi vinrent , cette
fois, à bout de ses mercenaires. Lacratès s'empara de
Péluse, Mentor de Bubaste, et Nectanèbe II, éperdu,
prit, comme tous les rois fugitifs, le chemin de l'Ethiopie.
Il fut le dernier pharaon. Avec lui prit fin l'indépendance
de l'Egypte. Redevenue province de l'empire des Achémé-
nides, l'Egypte partagea sa destinée et passa, après la bataille
d'Issos (330), sous la domination d'Alexandre le Grand.
Précédé par sa renommée, Alexandre fut accueilli en
Egypte comme un libérateur. Les fâcheux souvenirs lais-
sés par les cruautés de Cambyse et d'Ochos lui dictaient
en quelque sorte sa ligne de conduite : il montra autant
de respect que les Perses avaient montré de mépris pour
les croyances et les coutumes du pays. Il se posa en pro-
tecteur de la religion, et le parti sacerdotal se déclara hau-
tement pour lui. Il apporta même la plus grande affecta-
tion à prendre l'avis des oracles et alla consulter en grande
pompe celui de l'oasis d'Ammon. Il ne montra pas moins de
clairvoyance en comprenant le rôle central que l'Egypte
était appelée à jouer par suite de l'agrandissement de la
carte commerciale du monde et fonda la belle et puissante
cité maritime à laquelle il donna son nom. Après sa mort,
l'Egypte échut en partage à son lieutenant Ptolémée, fils de
Lagos.
Ptolémée prit le gouvernement à titre de satrape à
l'exemple des autres généraux d'Alexandre. Il fut d'abord
servi par la mauvaise fortune de son rival Perdiccas, qui
échoua devant Péluse. La troisième année de son gouver-
nement il avait, par des campagnes heureuses, réuni à
l'Egypte, Cyrène, la Syrie, la Cœlésyrie et la Phénicie.
L'éloignement de sa province aurait pu le tenir à l'écart
des guerres qui divisèrent les diadoques ; il n'en fut rien.
C'est ainsi que, en 315, nous le voyons s'associer aux projets
de Cassandre, de Lysimaque et de Séleucus contre l'ambition
d'Antigone. L'année suivante, il réprime les velléités d'indé-
pendance que manifestent Chypre et Cyrène et engage une
nouvelle campagne en Syrie contre Démétrius, fils d'Anti-
gone. Il le bat à Gaza, puis, battu à son tour dans la per-
sonne de son sous-Ueutenant Celles qui n'avait pu empê-
cher la jonction d'Antigone et de Démétrius, il évacue la
Syrie. Le pacte de désintéressement conclu en 311 entre
les quatre généraux ayant été rompu par la mauvaise foi
d'Antigone, qui mettait des garnisons dans les villes
grecques après avoir adhéré à la reconnaissance de leur
liberté, la guerre éclate de nouveau, mettant aux prises les
troupes des alliés et d'Antigone un peu partout, sur l'Helles-
pont, en Cilicie où Léonès, Keutenant de Ptolémée, fut
vaincu, sur la côte occidentale de l'Asie Mineure, dans l'Ar-
chipel, en Grèce où la flotte de Ptolémée s'empare coup sur
coup de Sicyone, de Corinthe et de Mégare. L'année 307
fut favorable aux armées d'Antigone. Après s'être emparé
d'Athènes, Démétrius cingla vers Chypre, où il détruisit
la flotte de Ptolémée, mais, l'année suivante, le père et le
fils échouèrent dans leur attaque combinée contre Péluse.
Antigone se tourna alors contre Rhodes qui résista grâce
aux secours des trois confédérés. Mais Ptolémée, toujours
habile, après l'avoir soutenue dansrsa résistance, lui donna
le conseil de traiter avec Antigone. Les Rhodiens se trou-
vèrent si bien de ses bons offices et de ses conseils qu'ils
lui décernèrent les honneurs divins avec le titre de Soter.
Une nouvelle ligue se forma bientôt contre Antigone ; aux
trois confédérés se joignit Séleucus. La journée d'Ipsus,
fatale à Antigone, ne mit pas fin aux rivalités. Le partage
de ses dépouilles divisa les vainqueurs en deux camps et
donna lieu à de nouvelles guerres, au cours desquelles
Ptolémée fut assez heureux pour reprendre Chypre et
Cyrène,
Ptolémée se montra en Egypte scrupuleux observa-
teur de la légalité : les monuments portant les cartou-
ches de Philippe Arrhidée et d'Alexandre JEgos en font
foi. Ce n'est qu'en 305 qu'il se décida à prendre la cou-
ronne et les titres royaux et fit frapper monnaie en son
EGYPTE
-- 6S6-^
nom, mais en datant ses années de règne d'après la durée
totale de son gouvernement. L'an 39 de ce comput, il
associa à son trône Ptolémée, le fils qu'il avait eu de
Bérénice sa première femme. Son règne n'a pas laissé que des
souvenirs militaires : c'estàSoter, en effet, qu'il faut faire
honneur des rapides progrès que fit la nouvelle capitale.
Il construisit le phare, dans l'ile de Pharos qu'il relia au
port, fonda l'école et la bibliothèque d'Alexandrie, attira
les plus illustres des savants et des artistes grecs. Le
Musœon, son palais, était une véritable académie. Il se
montra, en un mot, fidèle exécuteur des magnifiques pro-
jets d'Alexandre.
Son fils et successeur, Philadelphe, né à Cos pendant
l'expédition de 308 dans les Cyclades où Bérénice l'avait
suivi, eut pour précepteurs Straton et Philétas. Le règne
de ce prince s'en ressentit heureusement. Sans prendre à
la lettre les louanges dithyrambiques de Théocrite, on
peut dire néanmoins que, pendant les trente-huit ans de
règne de Philadelphe, l'Egypte fut très prospère. Alexan-
drie, devenue de plus en plus la capitale intellectuelle du
monde grec, redoubla d'éclat et de grandeur; le phare fut
achevé, la bibliothèque transportée du Bruchium dans le
magnifique palais du Serapeum , la Version des Septante
commencée. D'autres traductions paraissent aussi avoir
été entreprises à la même époque, notamment celle d'une
histoire d'Egypte par Manéthon. L'intérêt porté aux
questions économiques et commerciales ne fut pas moins
grand. Pour créer de nombreux débouchés aux produits des
industries locales, on explore la côte orientale et l'intérieur
de l'Afrique (voyages de Timosthène et d'Aristocréon) ; le
canal du Nil à la mer, repris par Neko et par Darius, est
continué ; des flottes partent d'Arsinoé (non loin de Suez)
dans la direction de la mer des Indes et du golfe Per-
sique. Cette révolution opérée par les idées grecques ne porte
néanmoins aucune atteinte aux croyances de l'Egypte. A
l'exemple des pharaons, Philadelphe affecte des revenus aux
temples, contribue à leur embeUissement et même les recons-
truit (Isis de Philœ). Ses guerres avec son frère Magas,
l'instigateur de la révolte de Cyrène et Antiochus se termi-
nèrent à son avantage. Il engagea ce dernier à répudier Lao-
dice pour épouser sa fille Bérénice.
Son fils Evergète lui succéda en Ml. Le premier acte de
ce prince fut l'expédition de Syrie qu'il entreprit pour
venger sa sœur Bérénice, que Laodice venait de faire assas-
sine'r peu de temps après la mort d'Antiochus. Il parcourut
en vainqueur toute l'étendue de l'empire séleucide, et rap-
porta triomphalement en Egypte les statues divines et les
trésors des temples enlevés par Cambyse. Quelques années
après (240), Séleucus II, roi de Syrie, se crut assez fort
pour envahir l'Egypte. Une seconde expédition d'Evergète
le contraignit à la fuite. Mais s'étant réconcilié avec son
frère Antiochus Hierax, que le roi d'Egypte avait favorisé
à ses dépens, celui-ci jugea expédient de conclure une
trêve de dix ans. De nouveaux démêlés s'élevèrent entre les
deux frères et favorisèrent les desseins d'Evergète, qui put
se Hvrer en toute sécurité à l'administration intérieure de
l'Egypte. Il éleva un temple à Canope, continua celui de
Pselchis (Dakkeh) fondé par le roi d'Ethiopie, Ergamène,
ainsi que ceux de Philse et d'Esné. Son nom ainsi que
celui de sa femme et sœur, la reine Bérénice, se lisent éga-
lement sur plusieurs monuments de Thèbes. Ce fut cette
reine qui, pendant la campagne d'Asie, consacra à Vénus sa
chevelure pour l'heureux retour de son époux. On sait que
l'astronome Conon de Samos, pour donner une explication
flatteuse de sa disparition, publia qu'elle brillait au ciel
sous la forme d une constellation.
Philopator, fils d'Evergète, souilla son règne du sang de
son frère Magas, de sa mère Bérénice et de son hôte,
Cléomène, le roi fugitif de Sparte, que son père avait
accueilli. Il commit tous ces crimes à l'instigation de son
ministre Sosibios, qui n'avait trouvé rien de mieux, pour
conserver son ascendant, que de flatter ses plus honteux
penchants. Le surnom de Philopator, dont il jugea prudent
de s'affubler, ne donna pas le change à l'opinion publique,
qui s'obstina à le rendre responsable de la mort de son
père. L'histoire miUtaire de son règne est remplie par ses
guerres avec Antiochus le Grand. Après deux malheureuses
campagnes, il défit à Baphia (216) son redoutable adver-
saire qui prit la fuite et se résigna à un traité onéreux.
Philopator reprit possession des villes de Palestine et de
Syrie conquises par ses- prédécesseurs. Il lui restait un
crime à commettre : le meurtre de sa femme, Arsinoé.
Peu de temps avant sa mort, il la sacrifia à sa passion
pour Agathoclée. Ses forfaits ne le détournèrent pas, néan-
moins, "de la politique prudente des Ptolémées à l'égard du
parti clérical : il le combla comme avaient fait ses pères
et attacha son nom à de nombreuses constructions ou res-
taurations à Akhmîm, à Thèbes, à Edfou, à Philœ, à Dak-
keh, etc.
Son fils Epiphane n'avait que cinq ans quand il fut
appelé à régner. Trois régents se succédèrent pendant
sa minorité ': Agathoclès, Tlepolemos et Aristomène. Le
peuple, lassé du premier, se révolta et arracha au jeune
roi sa condamnation ; le second perdit également la vie en
perdant le pouvoir. Les troubles qui éclatèrent en Egypte
pendant la minorité d'Epiphane incitèrent Antiochus à
reprendre les hostilités. Battus par Scopas, général de Pto-
lémée, il ne tarda pas à prendre sa revanche et fit rentrer
sous sa domination les villes de Cilicie, de Lycie, de Syrie
et de Palestine qui avaient des garnisons égyptiennes. Les
affaires d'Europe le déterminèrent néanmoins à ne pas
abuser de sa victoire et il scella la paix de la main de sa
fille Cléopâtre, qu'Epiphane épousa. Cette princesse apporta
comme dot la province de Syrie. Epiphane se montra par
ses cruautés le digne fils de son père ; il n'épargna ni les
révoltés de Lycopolis qu'il fit mettre à mort, ni Scopas,
son général, qu'il abandonna à la rancune d'Aristomène,
ni même ce dernier, dont la tutelle lui pesait et qu'il con-
damna à prendre la ciguë. Il n'eut pas lui-même une
meilleure fin : il mourut empoisonné pendant les prépa-
ratifs d'une expédition contre le successeur d'Antiochus,
après vingt-quatre ans de règne. Thèbes, Esné, Edfou, Om-
bos, Pliilœ, eurent part à ses largesses. Ses cartouches se
répètent sur leurs monuments. Ajoutons que c'est en l'hon-
neur d'Epiphane que les prêtres réunis à Memphis rendirent
le fameux décret bilingue, trouvé à Rosette et qui a été la
base du déchiffrement.
Philométor n'avait que cinq ans quand il succéda à son
père. Pendant sa minorité, la régence fut d'abord exercée
par sa mère, Cléopâtre, puis, simultanément, par Lénéos
et Euléos. La possession de la Cœlésyrie, de la Phénicie
et de la Judée mit encore aux prises les armées lagide et
séleucide. L'appui moral de Rome que sa guerre avec Persée
empêchait d'agir plus efficacement, ne put empêcher An-
tiochus de reconquérir les provinces abandonnées par son
grand-père. Il entra en Egypte, surprit Philométor dans
Memphis et marcha sur Alexandrie, où le jeune frère du
roi venait d'être proclamé sous le nom d'Evergète IL Une
révolte des Juifs l'oWigea à lever le siège, mais, avant de
quitter l'Egypte, il eut soin de remettre lui-même Memphis
aux mains de Philométor, avec l'espoir que la revendication
de son trône mettrait ce dernier en guerre avec son frère.
Au contraire, la crainte qu'il leur inspirait les unit dans un
commun effort. Mais il ne fallut pas moins d'une nouvelle
intervention de l'ambassadeur romain, PopiliusLenas, pour
l'obliger à évacuer l'Egypte qu'il avait de nouveau en-
vahie (168). Toutefois, l'espoir d'Antiochus^ ne fut pas
complètement déçu : le partage de l'empire mit aux prises
les deux frères. Evergète ne voulait pas se contenter de
Cyrène et de la Libye ; Philométor refusait de se rendre
aux ordres du sénat romain, qui lui enjoignait d'y ajouter
Cypre. Ils finirent par tomber d'accord au prix de la con-
cession de quelques villes cypriotes, et la fin du règne de
Philométor ne fut troublée par d'autres guerres que celle
qu'il fit pour soutenir les prétentions d'Alexandre Bala
contre Démétrius, puis celles de Démétrius contre Alexandre
— 687 —
EGYPTE
Bala. Heureux dans ses entreprises, il assura chaque fois
le succès de son allié.
Evergète II (Physcon), qui n'attendait que sa mort
pour prendre possession du trône d'Egypte, commença
par faire exécuter son neveu Eupator, que Cléopâtre avait
fait proclamer roi. Il faut dire qu'il n'était arrivé à ses
fins qu'en épousant la veuve de son frère et en s 'attri-
buant la régence. Une insurrection, causée par la haine
et le dégoût qu'il inspirait, l'obligea à se réfugier à
Cypre avec sa seconde femme, Cléopâtre II, fille de la pre-
mière. Mais la victoire que remporta son parti lui rendit
le pouvoir et Cléopâtre dut, à son tour, chercher refuge à
la cour de Démétrius Nicator.
Soter II ou Lathyre (117-84) fut en quelque sorte imposé
par les Alexandrins. Sa mère, Cléopâtre II, qui favorisait
son frère Alexandre, après des années d'hostihté sourde,
le fit faussement convaincre de tentatives parricides et exiler
en qualité de gouverneur à Cypre (106) et fit couronner
son frère. Alexandre lui marqua quelques années plus tard
sa reconnaissance en la faisant assassiner. Cet acte mons-
trueux et beaucoup d'autres, comme la violaijon du tombeau
d'Alexandre le Grand, réussirent si bien à lui aliéner l'affec-
tion des Alexandrins qu'il dut fuir à son tour, chassé par
une émeute, et abandonner le trône à l'exilé de Cypre. Le
retour de Lathyre ne rencontra pas le même accueil dans
toute l'Egypte : Thèbes refusa de le reconnaître. Il se mit en
route contre l'ancienne capitale, s'en empara et la livra à
toutes les horreurs de la guerre. Son règne s'acheva paisi-
blement en 81.
Le meurtre de sa fille, Bérénice, par Alexandre II, fils
de Ptolémée Alexandre P^, et d'Alexandre II par le peuple
indigné, amena au pouvoir son fils naturel, Ptolémée Aulète
(81-52). Aulète, qui avait tout à craindre des Romains,
dont il remplaçait le protégé, par le libre choix du peuple
d'Alexandrie, ne tarda pas à devenir à son tour leur client.
Chassé d'Alexandrie par ce même peuple indigné de ce
qu'il s'était laissé prendre l'île de Cypre, il dut se réfugier
à Rome et y solliciter par toutes sortes de bassesses les
secours nécessaires à la reprise de son pouvoir. Pompée,
alors consul, lui donna des lettres pour Gabinius, gou-
verneur de Syrie, qu'il acheva de gagner avec des présents.
C'est ainsi qu'il put rentrer en 55 à Alexandrie, accom-
pagné d'une légion, et s'y maintenir avec une garde de
soldats gaulois que lui laissa Gabinius. En vertu de son
testament, dont Pompée avait été constitué dépositaire,
Aulète eut pour successeurs son fils Ptolémée (Neos Dyo-
nysios), âgé de treize ans, et sa fille Cléopâtre, qui en avait
dix-sept. Les secours que cette dernière envoya à Pompée
pendant sa guerre contre J. César, la firent chasser
d'Alexandrie où elle ne rentra que rappelée par César après
sa victoire. L'ingérence des Romains dans les affaires des
Ptolémées ne tarda pas à blesser les Alexandrins, excités,
d'ailleurs, par l'eunuque Pothin, Théodote et Achillas,
ministres du jeune Ptolémée, qui l'entretenaient dans
une perpétuelle aversion de sa sœur. Une armée de
22,000 hommes, commandée par Achillas, marcha sur
Alexandrie. César s'enferma dans le Bruchion avec Cléo-
pâtre qu'il refusa de livrer au peuple en délire et soutint
un siège qui ne prit fin qu'à l'arrivée des renforts envoyés
par Domitius Calvinus. Ptolémée s'était constitué son pri-
sonnier. Victorieux, César consentit à le délivrer, estimant
que le groupement de toutes les forces autour du roi, loin
de lui créer de nouvelles difficultés, lui permettrait de
s'emparer de l'Egypte par une victoire décisive. Et, en
effet, à peine rendu à la liberté, Ptolémée prit le comman-
dement de son armée, essuya une première défaite en
essayant d'arrêter au passage Mithridate de Pergame qui se
portait au secours de César, puis fut battu et perdit la vie
dans une seconde rencontre avec les troupes de ce dernier
(47). Fidèle exécuteur du testament d'Aulète, César n'usa
pas de sa victoire pour s'emparer de l'Egypte, mais appela
le jeune frère de Ptolémée à régner conjointement avec
Cléopâtre. Celle-ci resta d'ailleurs après comme avant la
véritable souveraine du pays. La mort de son second mari,
empoisonné après un très court règne, ne changea donc
rien à la situation. Elle se résigna à régner dans la dépen-
dance de Rome, dont les légions restaient en permanence
en Egypte. César assassiné, elle prit parti pour les trium-
virs et obtint la reconnaissance de son fils Césarion comme
roi. On sait comment elle s'empara de l'esprit d'Antoine
qui l'avait mandée à Tarse pour s'expliquer sur son attitude
pendant la guerre civile. Elle sut se servir habilement de
lui pour étendre les possessions de l'Egypte : c'est ainsi
qu'elle se fit donner toute la région orientale du bassin
de la Méditerranée, la Phénicie, la Syrie, une partie de la
Cilicie, Chypre, l'Arabie des Nabatéens, en somme, la plu-
part des pays en relations commerciales avec Alexandrie.
Antoine ayant répudié, pour l'épouser, sa femme Octavie,
sœur de son collègue Octave, celui-ci le fit accuser devant
le Sénat d'avoir démembré l'Empire et destituer. La guerre
fut déclarée à Cléopâtre. La bataille navale d'Actium,
perdue par Antoine, suivie bientôt de l'invasion de l'Egypte
par les légions d'Octave, mit à néant les desseins gran-
dioses de Cléopâtre. Après la prise d'Alexandrie, leur
dernier refuge, Antoine et Cléopâtre se donnèrent la mort,
le premier pour ne pas tomber vivant aux mains de son
rival, la dernière après avoir vainement essayé ses charmes
sur Octave, et pour échapper à l'humiliation d'être exhibée
vivante à son triomphe (30). L'Egypte fut réduite en pro-
vince romaine.
Une légende assez consolante pour l'amour-propre du
peuple vaincu faisait naître Alexandre d'Olympias et du roi
sorcier Nectanébo réfugié en Macédoine. Soter étant consi-
déré comme fils de Philippe, il en résultait que les Lagides
avaient tous les droits possibles à la double couronne. Ce
rôle de pharaon que leur prêtait l'imagination populaire,
ils le jouèrent, il faut bien le dire, avec un art consommé.
Ils en prirent le costume parce qu'il symbolisait la toute-
puissance royale, et, comme le roi d'Egypte devait être
dieu, ils se firent du même coup adorer; ne se refusant
pas d'ailleurs à prendre part eux-mêmes au culte rendu
aux dieux et aux anciens rois du pays, en leur qualité de
chefs de la rehgion. Est-il besoin de dire qu'ils conser-
vèrent scrupuleusement toutes les cérémonies et tous les
usages relatifs à la royauté : panégyries annuelles, asso-
ciation du prince héritier au trône paternel, mariages entre
frères et sœurs, pratique funéraire de l'embaumement, etc.
Mais ils ne s'en tinrent pas à ce formalisme. Leur poUtique
extérieure fut celle des pharaons. Sans doute, ils laissèrent
subsister en toute indépendance le royaume d'Ethiopie
dont les pharaons, depuis Pepi jusqu'à Ramsès III, s'étaient
efforcés de faire une province égyptienne ; mais c'est
qu'avec les migrations successives, le royaume de Napata
s'était civilisé à l'égal de l'Egypte, et, s'il ne pouvait plus
prétendre renouveler les exploits des Piankhi, des Sabacon,
et de Taharqa, il avait au moins la prétention de n'être pas
traité en quantité négligeable. Ce fut surtout du côté de
l'Asie et de la Libye que s'orienta la poHtique des La-
gides : l'histoire de leur dynastie est remplie d'un bout à
l'autre de leurs démêlés et de leurs guerres avec celle des
Séleucides; en cela ils furent, consciemment ou non, les
vrais continuateurs des grands pharaons thébains, qui ne
purent supporter une puissance rivale entre le Nil et
l'Euphrate. Mais là où ils les surpassèrent, ce fut dans
la politique commerciale. Ils réussirent à se faire les
premiers clients des Arabes en leur offrant, comme le
remarque G. Lumbroso, une route moins dispendieuse e t
moins longue que celle de la Phénicie et de la Syrie, et la
possibilité de se débarrasser le plus rapidement et aux meil-
leures conditions de leurs marchandises, et cela en mettant
la main sur les territoires voisins de la Syrie et de la
Palestine, en multipUant les points de relâche sur le lit-
toral de la mer Rouge, en rétablissant le canal de l'isthme
de manière à diriger tout le courant indo-arabique sur
Alexandrie. Malheureusement, les navigateurs, astreints à
ne jamais perdre de vue les côtes, mettaient des années à
EGYPTE
688 —
faire le cercle des échelles de la mer Rouge et de la mer
des Indes, et le commerce par caravane était encore plus
rapide et plus actif que le commerce maritime. Ce fut seu-
lement à la fin de la dynastie lagide, sous le règne d' A u-
lète (72) qu'un marin du nom d'Hippalos constata 1 exis-
tence de la mousson et comprit l'importance du parti qu'on
pouvait tirer de la périodicité de ce vent soufflant la moitié
de l'année de l'O. à l'E., et de l'E. à l'O. l'autre moitié, pour
navi^uer en pleine mer. Il va sans dire que cette colossale
exteiition des relations commerciales de l'Egypte se fit
pour le plus grand profit des Grecs qui y résidaient. Aussi
bien avait-elle été leur œuvre exclusive. Toutefois, pour
ce qui est du commerce avec les Indes, il faut bien recon-
naître qu'ils n'arrivèrent jamais à supplanter les Arabes,
mais ils prirent le sage parti de les accepter comme inter-
médiaires, trop heureux de réserver le monopole des
transactions entre la mer Rouge et la Méditerranée. Ces
transactions s'opéraient alors sur un immense reseau
comprenant la Troglody tique, l'Ethiopie, les oasis du dé-
sert libyque, la Marmarique, la Cyrénaïque, l'Afrique (avec
le sens restreint qu'avait alors ce nom, applique au httoral
occidental de la Syrte), Carthage, Marseille, T Italie, la
Sicile la péninsule et l'archipel helléniques, la Crète,
Rhodes et Chypre, la CiUcie, Tyr, Ptolémaïs, Joppé, As-
pîîloîi etc
La' constitution et l'administration de l'Egypte sous les
Lagides furent un très habile compromis entre l'organisa-
tion indigène primitive et la conception cosmopolite que
pouvait se faire d'un Etat monarchique une hgnée de
princes profondément imbue des idées d'Alexandre. Autour
du roi se trouvait groupée une hiérarchie nobiliaire, à la
fois égyptienne, persane et macédonienne : les parents du
roi (auYY£V£Tç),les gardes du corps {àpx^<3MiL<x-:o^^ùl(x^Aii^ei
aa)[j.aiocpaa>t£ç),les amis (cpaoi),les envoyés (siaaYYSÀeiç)
et les parents catèques (auYï^vcTç xàxoixoi). A ces titres
nobiliaires, qui étaient à l'origine les désignations de véri-
tables fonctions, s'ajoutaient certains titres mihtaires de-
venus purement honorifiques. C'était dans cette noblesse
que se recrutaient les hauts fonctionnaires du palais,
Vépitrope, ou régent, personnage dont l'autorité balançait
quelquefois la puissance royale, le garde du sceau qui était
aussi directeur du musée et, en sa qualité de prêtre
d'Alexandre et des Ptolémées, le chef du cierge grec et indi-
gène ; les archypérètes ou payeurs généraux des troupes
macédoniennes, l'archicynège ou grand veneur, l'arche-
deatre ou principal majordome. Au point de vue adminis-
tratif, l'Egypte restait, à l'exception des communautés
grecques d'Alexandrie, de Ptolémaïs et deNaucratis, divisée
en nomes qui se subdivisaient en cités (xoS^xai) et terri-
toires cultivés (xoTuoi). Le nome était administré par un
nomarque ou stratège (charge devenue civile de militaire
qu'elle était à l'origine) qui avait en sous-ordre un épis-
tate du nome, autorité essentiellement judiciaire; la cite
par Vépistate de la cité, sorte de gouverneur-juge,^ et les
territoires cultivés par un toparque assisté d'un épime-
lète. Le stratège avait sous ses ordres un interprète, un
agoranome ou intendant des marchés, des ingénieurs
chargés du service technique de l'irrigation et des autres tra-
vaux publics, des laocrites ou juges de paix, et enfin les
nombreux cheiks de tous les villages du nome (Ttpsa'oiixspoi) .
Postérieurement, l'administration provinciale de l'Egypte
fut divisée en trois épistratégies ou vice-royautés : la Rasse-
Eoypte, l'Heptanomide ou Moyenne-Egypte, et la Haute-
E^ypte avec HéUopolis, Memphis et Ptolémaïs pour chefs-
lieux, mais sans préjudice des nomes, passés au degré de
subdivision. Cette complication du rouage administratif
porta aussi sur les nomes qui se subdivisèrent en topar-
chies. Alexandrie, capitale de l'Egypte en même temps que
cité grecque, c.-à-d. divisée en phyles et en dèmes, avait le
privilège de posséder une administration centrale et une
administration locale. En tant que municipalité, elle avait
une (BouXtI ou conseil élu. Elle était le siège d'un exégete,
d'un hypomnématographe, d'un archidicaste ou président de
la cour d'appel (les 30 juges royaux : 10 pour Memphis,
40 pour Thèbes, 10 pour Héliopolis), d'un stratège de
nuit, d'un alabarque ou directeur des contributions, du
diœcète ou ministre des finances, de l'hypodioecète et des
autres hauts fonctionnaires de l'administration des finances,
l'économe et le basilicogrammate desquels dépendaient tous
les comogrammates et topogrammates de l'Egypte. Ptolé-
maïs, fondée par Soter sur l'emplacement de Psoï (aujour-
d'hui Menschieh) venait par rang d'importance après Alexan-
drie : son organisation était entièrement grecque. Naucratis,
l'ancienne colonie milésienne, avait des timouques et un
hellenion. Les décrets de Rosette et de Canope divisent
les temples de l'Egypte en trois classesselon leur importance.
Chaque temple élait desservi par une corporation de prêtres
composée de plusieurs cpuXai, dirigée par des phylarques.
Chaque temple avait un conseil de vingt à vingt-cinq prêtres re-
nouvelable chaque année etchargéde régler toutesles afl'aires
intérieures et extérieures du temple. La hiérarchie sacer-
dotale, telle qu'elle nous est donnée par les mêmes décrets,
comprenait les grands prêtres (ipx^epeXç) qui pouvaient
être grecs, les prophètes, les hiérotolistes, les ptérophores
et les hiérogrammates. L'organisation militaire des Lagides
présente le même caractère de complexité qui se retrouve
alors dans toutes les institutions de l'Egypte. Elle comprend
les diadoques, troupe d'élite macédonienne casernée autour
du palais, les catèques ou territoriaux qui composaient les
colonies militaires. On donnait souvent le nom ô-'épigones
aux catèques nés dans le pays, c.-à-d. fils des premiers
colons, vétérans qui s'établirent après les conquêtes. Ces
colons étaient de toutes races. L'armée active se composait
de mercenaires (Çsvoi et ^laôocpdpot) et de troupes indi-
gènes (l-^yfyjpioi).
Les empereurs romains conservèrent en grande partie
l'œuvre des Ptolémées. L'Egypte resta jusqu'à l'époque
de Dioclétien divisée en épistratégies, nomes, topar-
chies, etc. L'épistratège était un fonctionnaire romain
ayant des pouvoirs civils et miUtaires. Le stratège ou no-
marque demeura ce qu'en avaient fait les Ptolémées en lui en-
levant ses attributions militaires, un magistrat doublé d'un
percepteur; la charge était triennale et faisait partie de
celles dont l'exercice était confié aux indigènes grecs ou
égyptiens. Les villes grecques, indépendantes des épistraté-
gies, gardèrent leur autonomie. Toutefois, Auguste rem-
plaça le conseil élu d'Alexandrie par une administration
dont le chef portait le ûireàejuridicus Alexandriœ, Ce
juridicus ne dépendait que de l'empereur. Quant aux an-
ciennes fonctions d'archidicaste, d'exégète, d'hypomnéma-
tographe et de stratège de nuit, elles furent respectées par
la réforme d'Auguste. Ajoutons enfin que les cultes natio-
naux ne reçurent aucune entrave .
Ainsi organisée avec sa population quasi cosmopolite de
7,800,000 habitants, dont un miUion de Juifs, son admi-
nistration à trois couches (égypto-gréco-romaine) qui se
servait du grec comme langue officielle, son activité reli-
gieuse que le mouvement philosophique n'avait nullement
contrariée, l'Egypte faisait partie de ce qu'on appelait les
provinces impériales, c.-à-d. de celles qui avaient été
affranchies du contrôle et de la juridiction du Sénat et
qu'Auguste s'était réservées vu leur importance pour la
sécurité et la stabilité de l'Empire. Elle forma même une
catégorie à part dans la catégorie des provinces impériales
et fut classée proprement comme' bien privé de l'empereur
(l'Bio; XoYoç). C'est ainsi que les domaines royaux devin-
rent domaines d'Auguste et les impôts ses revenus. Il fut
interdit aux sénateurs et smx équités illustres d'y i^ênètver
et inversement aux Egyptiens qui avaient reçu le droit de
cité romaine d'exercer des fonctions pouvant donner accès
au Sénat. Sous Caracalla, les citoyens d'Alexandrie purent
être admis au Sénat; les Egyptiens des nomes ne le purent
jamais. Le représentant de l'empereur était pris parmi les
chevaUers. Il avait le titre de prœfectus JEgypti ou
Augustalis, comme on l'appela plus tard, était vis-à-vis de
l'empereur dans la condition d'un intendant (procurator)
689 -
EGYPTE
et vis-à-vis des Egyptiens dans celle d'un vice-roi. Muni
des pleins pouvoirs civils et du haut commandement mili-
taire, mais sans les faisceaux, il nommait à tous les emplois,
sauf ceux que s'était réservés l'empereur; il percevait
l'impôt, mais ne pouvait l'établir de lui-même. L'armée
d'occupation se composa de trois légions sous Auguste, de
deux sous Tibère, d'une, accompagnée de corps auxiliaires,
à partir de Trajan. Le commandement en fut confié à des
chevaliers (prœfectus castorum). La réorganisation de
Dioclétien plaça l'Egypte dans le diocèse d'Orient. Ce diocèse
comprenait cinq provinces : 4° yEgyptus Jovia (la Basse-
Egypte), à rO. du Nil; 2<^ i^gyp^tus Herculia, plus tard
Augustammica ; 3° Thebaïs; ¥ Libya inferior; 5*^ Libya
superior (Cyrénaïque). Plus tard, une sixième province fut
ajoutée par une coupure de l'Augustammique à l'Arcadia
(du nom d'Arcadius, le premier empereur d'Orient).
^ Nous ne pouvons donner ici qu'une chronologie très suc-
cincte des principaux faits historiques de l'Egypte romaine
et chrétienne (an 30 av. J.-C.-640 apr. J.-C). Auguste :
Révolte de quelques villes de la Haute-Egypte, dont f hèbes,
réprimée par Cornélius Gallus, le premier préfet ;. révolte
d'Alexandrie à cause de l'impôt, réprimée par Petronius, suc-
cesseur de C. Gallus ; expédition en Arabie, d'iElius Gallus,
lieutenant de Petronius. La frontière méridionale ayant été
dégarnie par la mobilisation du corps de C. Gallus, la reine
d'Ethiopie, Candace, en profita pour s'introduire en Egypte
et ravager la Thébaïde. Elle fut repoussée jusqu'à Napata,
sa capitale, par Petronius, demanda à traiter et envoya des
ambassadeurs à Auguste, qui leur accorda l'exemption du
tribut imposé par son préfet. Aucun fait d'importance sous
Tibère ; c'est lui qui écrivit au préfet d'Egypte, ^milius
Aulus, trop zélé dans son rôle de procurator, qu'il voulait
bien tondre les brebis, mais non les égorger. Sous Cali-
gula, l'esprit turbulent des Juifs leur aliéna le préfet Avi-
tius Placcus, qui les persécuta sans merci. Sous Claude, ils
attaquèrent les Alexandrins pour revendiquer les privilèges
qui leur avaient été enlevés, entre autres celui d'avoir à
leur tête un ethnarque de leur nation. L'empereur leur
donna raison. Le fait le plus saillant du règne de Néron
est l'expédition qu'il envoya à la découverte"^ des sources
du Nil. Le préfet Tibère Alexandre reconnut Galba et
Othon ; mais, pressentant l'avènement de Vespasien, alors
en Syrie, il n'en fit pas autant à l'égard de Vitellius. Sous
Vespasien, les querelles des Juifs avec les Grecs et la
préfecture redoublèrent. L'empereur donna l'ordre d'abattre
le temple bâti par Onias. Il ne le fut complètement que
deux ans après (73), lorsque tout moyen de répression fut
épuisé. Les trois règnes suivants (Titus, Domitien, Nerva)
sont muets sur le chapitre de la politique ; mais c'est à
ce moment que se place un fait capital dans l'histoire du
christianisme, la fondation de l'église d'Alexandrie par
saint Marc.
L'avant-dernière année du règne de Trajan (H 6), les
Juifs de Cyrène se soulèvent contre les Grecs et les
Romains et mettent en fuite M. Rutilius Lupus, parti
d'Alexandrie pour comprimer la révolte. L'empereur envoie
alors Martius Turbo pour lui porter secours et pacifier le
Delta, où s'était propagée l'insurrection. Le calme ne re-
vint complètement que sous Adrien. Il ne fut pas de longue
durée. Les perturbateurs furent cette fois des Egyptiens.
La querelle fut vive : il s'agissait d'un Hapis. Adrien
visita l'Egypte avec l'impératrice Sabine ; il fit restaurer
la tombe de Pompée ; il alla voir et entendre la statue de
Memnon (V. ce mot). Son favori Antinous s'étant noyé
dans le Nil, il le plaça au rang des dieux et bâtit en son
honneur la ville d'Antinoë. Sous les derniers Antonins se
place la dévastatit)n de l'Egypte par les bandes armées
d'Isidore. Avidius Cassius sauva Alexandrie et extermina
les rebelles. Il était simple légat. Déçu dans son ambition
lorsque Marc Aurèle confia la préfecture à Flavitius Calvi-
tius, il se révolta et se fit proclamer empereur par les
légions de Syrie. Son usurpation lui coûta la vie ainsi
qu'à son fils. Passons sur Commode et ses successeurs.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
Les empereurs syriens se signalèrent par leurs persécu-
tions contre les chrétiens. C'est au temps de Septime
Sévère que vivait le célèbre Origène dont le père, Léonide,
fut une des principales victimes du préfet Lœtus et qui
remplit l'Egypte de ses controverses avec le patriarche Démé-
trius. Caracalla n'étabht pas de distinction religieuse dans
ses cruautés: les chrétiens, les juifs, les païens eux-mêmes
en eurent leur part. Il livra Alexandrie aux fureurs de la
soldatesque pour se venger des railleries des Alexandrins.
L'agitation religieuse et les sanglants désordres qui mar-
quèrent les règnes précédents ainsi que ceux de Macrien et
d'Héliogabale firent place sous Alexandre Sévère à une
bienfaisante accalmie. L'Egypte put respirer ; les lettres
et les arts se mirent à refleurir comme par enchantement.
Sous les règnes éphémères de Maximin et de ses six
successeurs, les persécutions contre les chrétiens conti-
nuèrent sans relâche ; elles atteignirent leur comble sous
l'empereur Decius (250). Son préfet Sabinus se montra
d'une telle cruauté qu'en quelques mois les déserts du
Sinaï et de la Thébaïde se peuplèrent d'anachorètes. La
violence était alors tellement entrée dans les mœurs qu'une
fois les persécutions arrêtées, les chrétiens livrés à eux-
mêmes s'abandonnèrent à toutes les fureurs des contro-
verses théologiques (hérésie de Sabellius). A ces querelles
succédèrent (car les Alexandrins ne pouvaient se passer
de tumultes) les troubles causés par la rivalité de Macrien et
du préfet Emilien. Emilien se fit proclamer empereur par la
foule et la soldatesque ; son exemple fut suivi par d'autres
ambitieux ; on put même voir autant de candidats à l'Empire
que de quartiers dans Alexandrie. Toutefois Emilien l'em-
porta sur ses coprétendants. Il put, grâce aux embarras où
était l'empereur Gallien, jouir deux ans du pouvoir ; mais
le légat Théodote, envoyé avec une armée, le défit en plu-
sieurs rencontres et le fit étrangler dans sa prison. Théodote
fut à son tour expulsé par le parti de Macrien qui usurpa
la pourpre. Il s'associa au trône ses deux fils, Macrien et
Quietus. Comme celle d'Emilien, son autorité ne dura que
deux ans. Il fut vaincu et tué avec son fils Macrien en
Illyrie, où il avait eu l'audace de marcher contre Gallien.
Quant à Quietus, qui était resté en Egypte, le prince
arabe Odenat, époux de la fameuse Zénobie, se chargea de
l'évincer. Ce ne fut pas Odenat, mort assassiné, mais la reine
de Palmyre qui s'empara de l'Egypte alors lasse du joug
des Romains, mais incapable de d'éfendre sa liberté. Aidée
de l'Egyptien Timagène, elle triompha de Zabdas qui com-
mandait le parti des indépendants et entra dans Alexandrie,
mais en fut chassée par Probatus qui restaura la domina-
tion impériale. Timagène étant revenu à la charge avec des
renforts, Probatus fut battu et Zénobie reprit pour trois ans
possession de l'Egypte. Ce fut Probus, général de l'em-
pereur Aurélien, qui l'en chassa. Il n'en avait pas fini avec
les usurpateurs. En 273, un négociant d'Alexandrie, enrichi
dans le commerce des papyrus, Firmus, qui avait appar-
tenu au parti palmyrénien, se souleva à son tour et, aidé
des Arabes et des Blemmyes avec lesquels il entretenait
des rapports commerciaux, devint maître de l'Egypte et
prit la pourpre. Probus lui infligea trois défaites, le fit
prisonnier et le livra à ses licteurs. Après le règne court
et insignifiant de Tacite et de Florien, Probus lui-même
arriva à l'Empire; l'usurpation de Saturninus, son préfet,
qu'il croyait d'une fidélité éprouvée, l'obligea à intervenir
une troisième fois en Egypte. Coptos et Ptolémaïs avaient
pris une grande part au mouvement insurrectionnel; elles
furent sévèrement châtiées. La poursuite et l'expulsion
des Blemmyes, qui avaient envahi la Thébaïde à la faveur
de ces désordres, achevèrent de pacifier l'Egypte. Mais la
paix ne fut pas de longue durée. Le coup d'Etat d'Achilleas
exigea quelques années plus tard l'intervention de l'empe-
reur Dioclétien. L'histoire a conservé le souvenir des ré-
pressions terribles de cet empereur, qui s'était déjà signalé
dès le début de son règne comme un des plus fervents
persécuteurs du christianisme. La plupart des villes qui
avaient tenu pour Achilleas furent livrées à toutes les
EGYPTE
— 690 -
horreurs de la guerre, Alexandrie en première ligne. Dio-
clétien avait donné l'ordre qu'on n'arrêtât le massacre que
lorsque les flots de sang baigneraient les genoux de son
cheval. Après avoir reconquis l'Egypte sur son préfet ré-
volté, Dioclétien en fut encore réduit à la reconquérir sur
les Blemmyes. Désireux de s'éviter une campagne pénible,
il obtint l'évacuation des provinces par leurs bandes en leur
offrant un tribut avec un traité aux termes duquel ils s enga-
gèrent à faire la police du haut Nil. Nous n'avons pas ici à
Sous occuper des dispositions que prit Dioclétien au sujet de
l'Empire, du partage qu'il en fit d'abord avec Maximilien
Hercule, puis avec Constance Chlore et Maximilien Galère.
Nous avons déjà fait allusion à sa réorganisation adminis-
trative à propos de l'incorporation de la provmce d Egypte
dans le diocèse d'Orient. .
Avec Constantin s'ouvre une ère nouvelle. Le christia-
nisme est devenu en Egypte, comme dans le reste de 1 Em-
pire la religion de l'Etat; l'autorité des gouverneurs ou
praesides s'efface devant celle des patriarches. Les contro-
verses théologiques passent au premier plan et la question
reUffieuse absorbe les forces vives du pays. Celle de 1 aria-
nisme, qui divisa la chrétienté pendant plus de deux siècles,
remplit tout le règne de Constantin. On sait que cet empe-
reur, d'abord défavorable à la doctrine d'Arien, lors du
patriarcat d'Alexandre qui fit condamner l'hérésiarque par
le concile de Nicée (325), s'y rallia complètement au temps
d'Athanase que de graves accusations perdirent dans son
esprit On le représentait comme s'étant opposé au trans-
port des blés d'Egypte dans la nouvelle capitale de l'Empire.
A l'exemple de son père, l'empereur Constance qui avait eu
l'Orient en partage, embrassa l'arianisme. De là source de
conflits avec l'Eglise orthodoxe. Le patriarche Athanase,
délivré par Constantin le Jeune de l'interdit qui pesait sur
lui était rentré à Alexandrie aux acclamations de ses par-
tisans. Mais de nouvelles accusations au sujet des distribu-
tions de blé (privilège qui était passé de la préfecture au
patriarcat) provoquèrent sa condamnation par le concile de
341 et sa destitution par l'empereur. Son successeur,
Gréeoire de Cappadoce, dut céder devant les démonstrations
de ses partisans qui en étaient venus aux mams avec les
léffions et surtout devant les injonctions de Constant qui
réenait à Rome. Constance ne voulut pas braver les menaces
de son père et consentit à la réinstallation d'Athanase.
Réexpulsé après la mort de Constant et remplacé par
George, puis rentré dans Alexandrie sous Julien, après le
meurtre de George, Athanase s'aliéna par son fanatisme et
ses violences l'empereur païen, et dut reprendre la fuite pour
reparaître triomphalement sous Julien. Enfin l'empereur
Valens, sous le règne duquel il mourut (373) prit son
parti de le tolérer, autant à cause de son grand âge que
de sa popularité. Le patriarche Pierre, son successeur, tut
dépouillé par Valens au profit de l'arien Lucien; mais
Théodore expulsa Lucien et le rétablit. Le règne de Valens
fut marqué par des persécutions dirigées contre les moines,
le monachisme étant alors la plaie de l'Egypte; celui de
Théodose par des persécutions dirigées contre les ariens qui
furent dépossédés du patriarcat et des églises, et contre
les païens dont les temples furent fermés par 1 edit de sm.
Le patriarche Théophile, chargé de l'exécution du décret,
s'acquitta de cette tâche avec un zèle implacable. Un grand
nombre de temples furent détruits; ceux qui restèrent
debout furent convertis en églises. Ces mesures portèrent
un rude coup au paganisme, qui n'eut d'autre refuge que
les sociétés secrètes ou la Nubie, au delà du commilitiiim,
c.-à-d. au S. d'ibrim. Le temple d'Isis, à Philse, fut aussi
conservé en vertu d'une tolérance spéciale.
A la mort de Théodose (39o), la scission complète entre
les deux empires d'Orient et d'Occident eut pour résultat de
rattacher l'Egvpte à Byzance. La condition de l'Egypte n en
fut pas meilleure. Aux maux que lui avait fait éprouver
l'irruption des barbares à l'O. et à l'E. du delta (les Ma-
ziques, les Austuriens, les Arabes) vinrent se joindre les
désordres intérieurs causés par le mauvais état des finances
et les exactions du fisc. En même temps, le fanatisme de
Théophile, après s'être exercé contre les ariens et les païens,
se donna carrière contre ses propres partisans ; il déclara la
guerre aux moines et aux évêques, mais, comme ceux-ci lui
résistèrent, il en vint tout de suite aux sçrands moyens et
expédia contre eux des bandes armées qui prirent d'assaut
les cellules et massacrèrent les anachorètes. Son neveu et
successeur Cyrille rivahsa avec lui d'intrigues et de vio-
lence. Les trente ans que dura son patriarcat furent rem-
plis de ses attaques contre les juifs, contre les noyatiens,
contre le préfet Oreste, contre Hypathie qu'il fit ignomi-
nieusement massacrer par ses moines, enfin contre Nestorius,
patriarche de Byzance. Son successeur, Dioscore, prit une
grande part à l'un des événements religieux les plus con-
sidérables, à la propagande de l'hérésie monophysite qui
ne devait pas tarder à détrôner complètement le catholi-
cisme en Egypte. Il avait pris la défense d'Eutychès devant
le concile d'Ephèse et employé tous les moyens pour obtenir
son absolution. Condamné par le concile de Chalcédoine que
provoqua l'empereur Marcien en 451 , il ne se crut tenu à
aucune espèce de ménagement et commença dès lors, en
faveur de l'hérésie monophysite, une campagne acharnée
qui se traduisit par la conversion de l'Egypte entière. Puis,
pour répondre au décret de Marcien qui interdisait en Egypte
tout concile ou toute discussion concernant le dogme,
il fit arrêter les blés à destination de Constantinople et jeta
sur la Palestine et la Syrie de véritables bandes de mis--
sionnaires. Sans l'énergique résistance de Marcien, qui
envoya une garnison en Egypte, expulsa Dioscore et affama
Alexandrie en détournant les convois de blé par la branche
pélusiaque, le schisme desdeux Eglises étaitunfait accomph.
A la même époque se placent deux incursions des Blemmyes,
repoussées, l'une par le chambellan de l'empereur, Maximi-
Hen, l'autre par le préfet Florus. Sous le règne de Léon (457-
474), les eutychéens d'Alexandrie se soulèvent, égorgent
le patriarche melkite Proterius et portent au patriarcat le
moine Thimothée Aïlouros,chef de la sédition. L'empereur
répondit à cette manœuvre révolutionnaire en envoyant
comme patriarche un certain Thimothée surnommé Salofa-
kiolos, avec une bonne garnison pour l'appuyer. Tant que
régna Zenon, les eutychéens, domptés, en furent réduits à
attendre les événements, mais sa mort fut le signal des
désordres. Les querelles que provoqua sa succession et
qui durèrent trois ans, favorisèrent tour à tour les melkites
et les eutychéens, selon que Zenon l'emporta sur Baziliscjue
ou Bazilisque sur Zenon. En 477, Zenon ayant été vain-
queur de son rival, Ailouros, qui avait pu reprendre sous
le gouvernement de Bazilisque possession de son patriarcat,
fut chassé et réduit à s'empoisonner. Le peuple lui donna
comme remplaçant un des meurtriers de Proterius,
Pierre Mongos (le Bègue), mais le préfet rétablit Salofa-
kiolos et Mongos dut attendre sa mort pour rentrer en pos-
session du patriarcat, cette fois avec l'investiture de Zenon
et contre le gré du peuple, qui avait abandonné Mongos
pour un certain Talaïa. Si Mongos fut dans cette circons-
tance le candidat de Zenon, c'est qu'il avait abjuré l'euty-
chéisme. Il ne lui en coûta pas davantage de redevenir
eutychéen sous l'empereur Anastase, dont le règne vit la
doctrine monophysite s'implanter d'une manière définitive
en Egypte. Ce résultat ne se produisit pas sans de vives
résistances du parti melkite, qui était pourtant, il faut
bien le dire, sorti très affaibli de la crise religieuse
suscitée par l'édit de Zenon. Mais ces résistances ne purent
empêcher l'eutychéen Nikeoclès de succéder à Mongos, m
Dioscore II de succéder à Nikeoclès. Si à ces causes de
troubles on ajoute l'effroyable rigorisme du fisc qui exi-
geait du numéraire où l'on pouvait s'acquitter en nature,
les honteuses concussions des préfets et de leurs acolytes,
la famine et la peste, on aura une idée de l'Egypte au
temps de l'empereur Anastase (491-518). Sous le règne
de son successeur, Justin P^ (518-527), Alexandrie fut
en proie aux désordres provoqués par les polémiques des
deux eutychéens Juhen et Sévère. Sous celui de Justinien,
- 69d -
EGYPTE
le sanctuaire de Philse, dernier reste du paganisme, fut
fermé et pillé par Narsès que l'empereur avait envoyé contre
les Blemmyes. L'Egypte ne sortit pas du régime de fiscalité
effrénée ni des troubles religieux. Il suffisait que l'empereur
intronisât un nouveau patriarche pour que le peuple lui
opposât un rival ; d'où querelles sanglantes dans les rues
d'Alexandrie entre les partisans de l'un et les partisans de
l'autre. La garnison avait fini par n'avoir plus d'autre raison
d'être que d'assurer la perception de l'impôt et d'appuyer
le patriai'che qui avait la confiance de l'empereur en le
débarrassant de son concurrent. C'est ainsi que les soldats
de Narsès expulsèrent Gainas que le peuple avait opposé à
Théodore, créature de l'impératrice Théodora. Mais Théo-
dore ne put se maintenir, et Justinien lui donna comme
remplaçant le moine orthodoxe Paul de Tanis avec des
droits presque iUimités. Il est vrai qu'il le rappela plus
tard et l'envoya en exil pour avoir conspiré quelques années
plus tard (551).
Justinien poussa le mépris de l'Egypte jusqu'à lui
envoyer comme patriarche un capitaine de sa garde, Apolli-
naire, qui fit militairement son entrée à Alexandrie avec
un corps de troupe, et n'apparut vêtu des ornements pon-
tificaux qu'à l'église où le peuple l'avait suivi, et par un
véritable coup de théâtre. Cette sorte de mascarade se ter-
mina dans le sang. De l'avènement de Justin II jusqu'à la
mort de Phocas (565-610) nous n'avons à enregistrer que
des luttes sanglantes entre les melkites et lesjacobites, les
cruautés sans nombre des empereurs soucieux, semble-
rait-il, de creuser de plus en plus le fossé qui séparait
l'Egypte de Byzance, Phocas poussant même l'imprévoyance
jusqu'à édicter l'exclusion des Egyptiens de toutes les
places de l'Etat et de la province. Les juifs n'échappent
pas à ces persécutions ; mais ce sont surtout les jacobites
que poursuit la haine implacable de Phocas. C'est tout au
plus si dans cette terrible période l'Egypte peut jouir de
quatre ans de repos sous le règne trop court de Tibère IL
A la faveur de ce calme, les différentes sectes de l'euty-
chéisme se fondirent en une seule secte en acceptant le
corps de doctrine qu'avait coordonné le moine Jacobus
Baradeos. Dès lors, il n'y eut plus en Egypte que des jaco-
bites et des melkites. Sous le règne d'IIéraclius, ce gouver-
neur d'Afrique qui avait détrôné et mis à mort l'usurpa-
teur Phocas,^ l'Egypte subit deux invasions : la première
(615) du roi de Perse, déjà maître d'une grande partie de
l'Orient, et que les juifs et les jacobites, fatigués de l'oppres-
sion byzantine, reçurent comme un libérateur, la seconde
(639) d'Amrou, heutenant dukhahfe Omar. Avec la compli-
cité de Mokoukos (ou Makaukas), préfet de k Moyenne-
. Egypte et chef du parti jacobite, il entra dans Memphis,
s'empara de la forteresse de Babylone et marcha sur
Alexandrie, où l'élément melkite (c-à-d. les Grecs) opposa la
plus opiniâtre résistance. Enfin après quatorze mois de
siège, lasse de n'avoir reçu aucun secours de Byzance, où
s'agitaient les compétiteurs à la succession d'Héraclius,
Alexandrie se rendit (22 déc. 640), et l'Egypte, heureuse
des garanties que lui offrait le vainqueur, échangea avec
empressement le joug cruel et lourd des empereurs de
Byzance contre celui des sectateurs triomphants de Maho-
met. La domination romaine (y compris celle du Bas-Empire)
avait été de 426 ans ; celle des successions d'Arcadius de
244 ans. Georges Bénédite.
Egypte musulmane. — Dès 628, le prophète Moham-
med, dans sa naïveté d'apôtre heureux, avait pensé pouvoir
traiter d'égal à égal avec les rois de la terre, ainsi qu'il
appelait les potentats voisins de sa péninsule. Chacun d'eux
avait été sommé par lui de choisir entre la guerre et l'is-
lam. Ces démarches étranges et hardies à la fois n'obtin-
rent pas le succès que le prophète des Arabes en attendait.
Seul le moqauqis d'Egypte (préfet indigène), Djoreïdj, fils
de^ Mînâ, montra des dispositions amicales; il envoya
même des présents consistant en un mulet, un âne et
une femme, Marie la Copte, que Mohammed s'empressa
d'épouser. Quelques années plus tard, sous le règne d'Omar
ibn el-Khattâb, deuxième calife (639-644), les musulmans
devaient trouver en lui un utile allié. L'empire sassanide
de Perse venait de tomber sous leurs coups ; la Syrie tout
entière était occupée militairement. Restait l'Egypte, prin-
cipal objet de leur convoitise. Cette province faisait' partie
de l'empire romain et obéissait alors à Héraclius, treizième
successeur d'Arcadius. Sa population, véritable mosaïque
de nations et de races, était formée de deux éléments abso-
lument distincts, vivant juxtaposés, mais nullement mêlés,
de deux castes politiques et ethnographiques : les gouver-
nants et les gouvernés, les melkites et les jacobites. Les
premiers étaient les Grecs affluant de Byzance, tous revê-
tus d'emplois et de fonctions militaires ou administratives,
exacteurs impitoyables, colons insolents, presque tous
appartenant à la religion orthodoxe. Les seconds compre-
naient les descendants des anciens maîtres du sol, les Coptes
ou Egyptiens, race d'agriculteurs et d'artisans, craintive,
paisible, faite au joug depuis plusieurs siècles; ils avaient
généralement embrassé l'hérésie d'Eutvchès ou des mono-
physites, propagée dans la vallée du Nif par Jacob Baradée,
mort évêque d'Edesse en 578. Tout s'opposait donc à une
fusion entre ces deux populations d'un même pays : les
haines de race, l'inimitié du vaincu à l'égard du vainqueur
et aussi les divergences religieuses de deux partis égale-
ment fanatiques. De là de perpétuelles luttes intestines, de
réciproques excommunications, qu'entretenaient la tyrannie
des agents impériaux et l'exaspération des indigènes. Tel
est le singulier spectacle qu'offrait l'Egypte en 639, lorsque
Amribn El- As (V. ce nom), l'un des"^plus brillants géné-
raux de l'armée de Syrie, envahit la contrée par El Arîch,
Faramâ (Péluse) et Menf (Memphis). Alexandrie était la
capitale grecque de l'Egypte, Menf, la capitale copte. La
marche des musulmans fut une promenade militaire : les
Grecs n'étaient pas en état de tenir la campagne, et,
d'autre part, la population copte accueillait Amr en libéra-
teur. Saisissant avec empressement cette occasion inespérée
de rompre avec Alexandrie et son gouvernement, le mo-
qauqis de Menf conclut avec Amr un traité par lequel les
Coptes promettaient aux musulmans une soumission en-
tière. En échange, Amr leur assurait la liberté religieuse,
la sûreté personnelle, l'inviolabilité des biens, une justice
exacte et impartiale. Les vexations arbitraires et exhor-
bitantes des préposés impériaux furent remplacées par la
redevance fixe et annuelle d'un dinar par tête. Les clauses
de ce traité parurent si favorables que toute la population
des provinces se mit sous la protection des Arabes. Cepen-
dant l'élément grec de la population refusa de se soumettre
et se réfugia à Alexandrie ou se retrancha dans la forte-
resse de Babylone, située sur la rive droite du Nil, un peu
au N. de Menf. Amr attaqua cette forteresse qui fit peu
de résistance, grâce aux intrigues du moqauqis. Maître de
la partie la plus considérable de l'Egypte, Amr marcha sur
Alexandrie, dont la prise pouvait seïil lui assurer la pos-
session du pays. Bien qu'abandonnés à leurs propres res-
sources, les Alexandrins tinrent quatorze mois contre les
assauts réitérés des Arabes, dans l'un desquels Amr lui-
même fut fait prisonnier. Une ruse le fit relâcher. Les
Grecs vaincus gagnèrent Constantinople sur leurs vaisseaux.
Amr avait perdu dans ce siège vingt-trois mille hommes
(22 déc. 640). Selon une tradition peu authentique, le ca-
life Omar lui aurait donné l'ordre de faire brûler ce qui
restait de manuscrits dans les bibliothèques d'Alexandrie*
L'Egypte subjuguée, Amr songea à organiser sa conquête,
tandis que ses lieutenants poussaient leurs armes victo-
rieuses jusqu'au pays de Barqa (Cyrénaïque) et jusqu'en
Nubie. Il construisit une capitale militaire, FostcUMisr(Y, ce
mot), avec une mosquée cathédrale encore existante ; il y
établit sa résidence, y forma divers établissements et s'ef-
força de mettre en pratique un système de sage et prudente
administration. Tous les habitants furent soumis à une capi-
tation uniforme; les anciens nilomètres furent réparés, de
nouveaux furent construits; l'ancien canal de Qolzoum,qui
joignait le Nil à la mer Rouge, fut restauré; d'autres grands
EGYPTE
— 692 —
travaux furent entrepris et en quelque temps l'Egypte se
trouva entièrement régénérée. L'impôt avait rapporté pen-
dant la première année de la conquête un million de dinars ;
douze ans plus tard il produisait quatorze millions. En
644, le premier soin d'Oçmân ibn Affàn, successeur du calife
Omar, fut de destituer Amr au profit de son frère de lait,
Abd AUâh ibn Saïd. Le nouveau gouverneur augmenta de
suite les impôts modérés que son prédécesseur avait ins-
titués. Il conserva néanmoins son poste jusqu'à la mort du
calife (655). Le vieil Amr ne fut remis en possession
de son gouvernement que sous Moâwiya, premier calife
omeyyade, qui lui devait son élévation au trône. Malheureu-
sement il mourut deux ans après (663). Dès lors, les Coptes
purent se croire revenus aux pires jours de la domination
romaine. Le gouvernement de l'Egypte fut confié jusqu'à
l'avènement des Abbâsides (750) à une série de créatures
avides ou incapables qui mirent en coupe réglée la plus
belle province de l'empire des califes. Aux actes d'intolé-
rance et de despotisme des âmil, aux incarcérations, aux
amendes, aux confiscations, au pillage des églises et des
monastères, aux massacres, les Egyptiens répondirent par
d'inutiles révoltes aussitôt étouôëes dans le sang. Ils
jouirent toutefois d'un repos relatif, et le pays recouvra un
instant sa prospérité sous l'administration bienfaisante
d'Abd el-Azîz, frère du calife Abd el-Malik, de 685 à 705.
Quarante-cinq ans plus tard, l'Egypte saluait avec enthou-
siasme l'usurpation d'Aboù'l Abbàs le Sanguinaire, qui
venait de vaincre Merwân II dans les plaines d'Arbelles et
de fonder la dynastie des Abbâsides sur les débris de celle
des Omeyyades (750). Merwân chercha vainement un re-
fuge sur les bords du Nil ; il fut tué par trahison quelques
mois après sa défaite. Dans la crainte que la jouissance
d'une autorité aussi lointaine n'inspirât à leurs délégués
des idées d'indépendance et d'usurpation, les chefs de l'is-
lam eurent plus soin que jamais de changer souvent les
titulaires. Malgré ces fréquentes mutations, l'Egypte, heu-
reuse sous le nouveau régime, resta tranquille et soumise.
Depuis la conquête du pays par Amr ibn el-As jusqu'à
l'apparition d'Ahmed ibn Toùloùn sur la scène politique,
c.-à-d. en l'espace de deux cent vin^t-huit ans, il n'y eut
pas moins de cent quatorze nominations de gouverneurs,
dont cinq sous les califes légitimes, trente et une sous les
Omeyyades et soixante-dix-huit sous les Abbâsides ; quel-
ques-uns de ces proconsuls étaient restés quinze jours en
place, d'autres avaient dû résigner leurs fonctions à deux
et trois reprises.
Toûloimides (868-905). Pendant la dernière période,
qui fut une époque d'intrigues et de conspirations perma-
nentes à la cour de Baghdâd, il arriva rarement que les
personnages influents nommés au gouvernement des pro-
vinces, se déterminassent à quitter la métropole pour aller
résider dans leurs gouvernements. Ils les faisaient admi-
nistrer en leur nom par des lieutenants qui étaient leurs
hommes-liges. L'administration de l'Egypte était ainsi
partagée entre plusieurs vice-gouverneurs, les uns com-
mandant à Postât, d'autres à Alexandrie, à Syoùt ou à
Assouân. Le pouvoir n'y était pas concentré dans les mêmes
mains, mais, dans chacune de ces préfectures, l'armée avait
un chef particulier, tandis qu'un autre fonctionnaire était
chargé de l'administration civile et de la levée des impôts.
En 868, le gouverneur de l'Egypte, Bakbak, avait fait
choix d'un nommé Ahmed ibn Toùloùn pour son lieute-
nant militaire à Postât, confiant l'administration civile et
financière à un autre agent ; puis il était retourné à la
cour, en Iraq. Ahmed était fils d'un esclave affranchi
originaire du Turkestan, qui avait su obtenir d'El-Màmoùn
et de ses successeurs plusieurs emplois honorables. Lui-
même avait hérité de la faveur dont avait joui son père
(f 853). Homme supérieur et d'une éducation distinguée,
il devint bientôt assez puissant dans Postât pour rendre
son autorité égale à celle d'un gouverneur en titre et pour
soumettre par les armes ceux de ses collègues qui préten-
daient conserver dans les différentes préfectures de l'Egypte
leur indépendance vis-à-vis de lui. En 872, il obtenait
du calife le titre de gouverneur et, dès lors, investi de
toute l'administration politique et financière, de tous les
pouvoirs civils et militaires de l'Egypte, il agit en souve-
rain maître, tout en se reconnaissant le vassal d'El-Motamid.
Le palais des anciens gouverneurs lui étant devenu insuf-
fisant par suite de l'expansion de sa maison, de ses arme-
ments et de ses richesses, il construisit à l'E. de Postât
la cité militaire à'El-Qatâï (les fiefs), avec un hôpital, une
citadelle, un palais et la splendide mosquée qui porte son
nom ; en outre, il répara le phare d'Alexandrie, le nilo-
mètre de Rauda, les canaux de la Basse-Egypte, fonda la
ville de Rachîd (Rosette); enfin il réduisit de 100,000 dinars
les impôts vexatoires de ses prédécesseurs. En 877, il
s'empara de la Syrie dans une seule campagne : c'était
rompre ouvertement avec le calife, ou plutôt avec le gérant
de l'empire, El-Mouwaffaq, qui tenait son frère El-Motamid
dans une étroite tutelle. Lorsqu'il mourut, après un règne
de dix-huit ans (884), son fils Khomâroùyah recueillit sans
conteste son vaste héritage. Dès lors, la souveraineté des
califes de Baghdâd sur l'Egypte n'est plus que nominale et
ne consiste qu'en un droit d'investiture et un tribut annuel
de 3 millions, rarement payé. Au demeurant, les relations
entre vassal et suzerain étaient des plus amicales, et c'est
pour cimenter ces relations que Khomâroùyah fit épouser
au calife sa propre fille, Qatr en-Nadâ (Goutte de Rosée),
qui reçut en dot un million de dinars et dont les noces
furent célébrées avec un luxe inusité. Véritable monarque,
Khomâroùyah dépassa son père en faste et en munificence.
Les historiographes arabes décrivent avec admiration les
merveilles contenues dans le palais d'El-Qatâï, les statues
représentant le prince et ses femmes, les jardins, les vo-
lières, la ménagerie, un lac tout de mercure, etc. C'est de
tout l'éclat de la richesse et de la puissance que brilla le
règne des deux premiers Toùloùnides. Sous leur gouver-
nement très populaire, l'Egypte eut pour la première fois
une force et une existence spéciales ; elle fut dotée d une
marine respectable, son revenu fut porté à 300 millions de
pièces d'or, l'agriculture fut encouragée, les arts, les
sciences et les lettres furent aussi en faveur qu'à la cour de
Baghdâd. Mais avec Khomâroùy a, assassiné en 895, s'anéan-
tit la splendeur de cette dynastie, qui semblait cependa|t
fermement assise et qui ne dura pas plus de trente-sept an^.
La faiblesse et l'inexpérience des deux fils de ce prince, trop
jeunes pour régner, une incursion des Carmathes et surtout
l'insubordination des émirs d'Egypte et de Syrie, pous-
sèrent le calife El-Moktafî à profiler des circonstances
pour faire rentrer ces deux provinces sous son autorité im-
médiate (905). , .^ ,^ . ^^
L'Egypte releva de nouveau des Abbâsides. Mais cette
reprise de possession fut précaire et de bien courte durée ;
elle contribua à exciter les convoitises d'un antagoniste
dont le parti, depuis un demi-siècle, révolutionnait le monde
musulman et sapait sourdement la puissance décrépite de
la maison d'Abbâs. Je veux parler du soi-disant mahdî
Obeid Allah, fondateur de la dynastie fameuse des Pâti-
mites qui devait rompre avec le califat orthodoxe de Baghdâd
par un schisme éclatant, à la fois politique et rehgieux.
Cet Obeid Allah se vantait d'être issu de Pâtima, fille du
Prophète et femme d'Alî ibn Abi Tâlib. Mais on sait au-
jourd'hui ce qu'il faut penser de cette prétention. Il était
en réalité le petit-fils de l'oculiste persan Abd Allah ibn
Meïmoùn, sous la direction duquel s'était formée, vers 870,
une vaste société secrète se disant ismâïlienne (chyïte) et
n'ayant d'autre but que la ruine de l'islamisme officiel
et de la dynastie abbâside. De là sortirent les sectes re-
doutables des Carmathes, des Druzes et des Assassins
(V. ces mots). Investi du pontificat Ismaïlien, Obeid Allah
passa en 902 de Syrie en Afrique oii l'attendait une armée
de partisans recrutés par ses dâï ou missionnaires. En
908, grâce à de faciles conquêtes, son empire embrassait
une partie du Maroc actuel, l'Ifrikîya (Afrique proprement
dite), la Cyrénaïque et la Tripolitaine, sans compter la
— 693-
ÉGYPTE
Sicile, Malte, la Sardaigne et les Baléares. Les Aghlâbites
étaient à peine chassés de Qaïrouân, les Idrîsites trem-
blaient encore dans Fez, que déjà le regard du mahdî
se tournait vers l'Orient, vers l'Egypte. Trois armées
d'invasion pénétrèrent simultanément dans le Delta; mais
elles furent victorieusement repoussées par les troupes
abbàsides (912). Une seconde expédition lui valut la pos-
session définitive du Fayoùm et d'Alexandrie. Entre temps,
comme il lui fallait une capitale neuve, il avait fondé El-Mah-
dîya; comme il lui fallait un titre, à défaut d'aïeux, il
s'était fait proclamer calife, s'attribuant les droits exclu-
sifs de la légitimité, à l'égal, d'ailleurs, des califes de Cor-
doue et de Baghdâd.
Ikhchîdites (935-969). En 934, son fils, El-Qâim,
lui succéda dans sa puissance comme dans ses grands des-
seins. Aux précédentes conquêtes il ajouta le Saïd, malgré
les préparatifs de défense et les efforts du gouverneur de
l'Egypte, général brave et habile, Aboù Bekr Mohammed
ibn Toghdj, dont le père avait été un des principaux émirs
des princes Toùloùnides. Les Abbàsides ne possédaient
donc plus en Afrique que la vallée inférieure du Nil ; ils
étaient à la veille de se voir enlever pour toujours ce lam-
beau d'une province qui avait constitué le plus beau fleu-
ron de leur couronne. Dès l'année 935, sous le califat de
l'efféminé Er-Râdi Billâh, Mohammed ibn Toghdj, témoin
de l'anarchie profonde qui régnait d'une extrémité à l'autre
de l'empire, ne comptant plus d'ailleurs que sur lui-
même et sur le peuple égyptien pour préserver le pays
contre une nouvelle tentative du dehors, arbora le drapeau
de l'indépendance et força le chef de l'islam à reconnaître
son usurpation. Il prit le titre d'El-lkhchid qui éi2iii celui
des rois du Ferghânah (Sogdiane) dont il disait descendre et
transmit à ses fils un pouvoir héréditaire que brisa, trente-
quatre ans plus tard le Fâtimite El-Mouïzz li-Dîn Allah. En
effet, l'avènement d'Ahmed, petit-fils de El-Ikhchîd, à l'âge
de onze ans et dans un temps de peste, de famine et de
guerre, ayant été le signal de graves désordres, les émirs,
soucieux de mettre un terme à la période de dure misère
que traversait l'Egypte, résolurent de recourir à l'inter-
vention d'un prince étranger. Ils appelèrent El-Mouïzz,
arrière-petit-fils du mahdî Obeïd AUâh. Celui-ci ne fit pas
attendre longtemps sa réponse. Il rassembla une armée
d'élite et la lança vers l'Est sous le commandement suprême
du Grec Djauhar qu'il chargea de prendre possession de la
Basse-Egypte en son nom et de fonder sur les bords du
grand fleuve une capitale capable de rivaliser avec la Bagh-
dâd abbâside. En juin 969, Djauhar campait sous les murs
de Fostât; une victoire décisive remportée sur les partisans
des Ikhchîdites lui en ouvrait les portes. La khotba {Sal-
vum fac) fut aussitôt récitée par Djauhar au nom des Fâ-
timites, acte solennel qui consacrait l'avènement de la
nouvelle dynastie.
Fâtimites (969-ii7i). Sans perdre de temps, Djauhar
se mit en devoir d'achever se mission. A l'endroit même
où les troupes maghrébines avaient dressé leurs tentes,
c.-à-d. un peu au au N. d'El-Qatâï et à une certaine dis-
tance du Nil, les assises d'une nouvelle capitale furent
jetées, chaque corps d'armée fondant un quartier auquel il
donna son nom ou celui de son chef. Lorsque, trois ans
après (973), le camp fut devenu ville (la ville victorieuse,
El-Qâhira), que la célèbre mosquée El-Azhar et l'immense
palais construit pour le calife (93,495 m. q. de superficie)
furent complètement terminés, El-Mouïzz quitta El-Mahdîya
avec sa cour, son harem et ses volumineux trésors et trans-
porta au Caire le siège du califat (V. Caire). Le rêve du
mahdî se trouvait enfin réalisé : El-Mahdîya, dans sa pen-
sée, n'avait été qu'un abri provisoire. Dans l'intervalle,
Djauhar avait réorganisé et dégrevé l'Egypte ; il avait
conquis la Syrie en moins de temps qu'il n'en faut pour la
parcourir, rattachant à l'Egypte cette province qui ne
devait cesser d'en faire politiquement partie que de nos
jours. L'Egypte avait souffert des dernières guerres : El-
Mouïzz et son successeur El-Azîz réussirent à lui rendre
la prospérité d'autrefois. A partir de cette époque, les
Fâtimites soutinrent avec avantage la lutte spirituelle
engagée de longue date avec les califes orthodoxes de
Baghdâd. Leur profession de foi, prononcée du haut des
chaires dans toutes les mosquées de l'Afrique, de la Syrie
et de l'Arabie, gravée sur leurs monnaies, brodée sur leurs
étendards blancs, fut : Il n'y a d'autre dieu qu'Allah,
Mohammed est l'envoyé d'Allah, Alî le chéri d'AUâh!
(Là ilâha illâ' llâh wa-Mohammad rasoûl Allah wa
Ali walî 'llâhi). Avec le sixième caHfe de cette famille,
El-Hâkim (996-4020), qui fut bien le prince le plus étrange
de son temps, l'ismâïlisme prit de suite un développement
original et fort éloigné de l'esprit qui avait animé la secte
à ses débuts. Tour à tour musulman bigot, ou athée effréné,
il en vint à croire, sur la foi de deux sectaires étrangers,
Daràzî et Hamza, qu'il était l'incarnation de la divinité.
El-Hâkim prétendit forcer l'Egypte à lui rendre les hon-
neurs divins. Cette conduite provoqua au Caire un soulè-
vement qui dura trois jours : le calife, par représailles,
mit le feu à la ville. Cependant, toute une égHse se forma
autour de ce dieu de chair, et, quand il disparut subitement
trois ans après son apothéose, probablement assassiné, ses
fidèles annoncèrent qu'il reparaîtrait dans son humanité au
jour de la résurrection. Le culte d'El-Hâkim ne survécut
guère à son dieu en Egypte, mais il a subsisté jusqu'à nos
jours dans les montagnes de Syrie : Darâzî et Hamza y
ont laissé des disciples qui, sous le nom du premier, les
Druzes, attendent encore le retour d'El-Hâkim, homme et
dieu. Le règne d'El-Mostansir, qui ne dura pas moins de
cinquante-huit ans (1036-94), marque l'apogée delà dynas-
tie, mais cet apogée fut suivi d'un désastreux lendemain.
El-Mostansir fut au moment de rétablir le califat univer-
sel. Moyennant des subsides en hommes et en argent, un
émir mécontent, Afslàn el-Basâsirî, général des troupes au
service des Abbàsides, se chargea de chasser de Baghdâd
le calife El-Qâïm, et de le contraindre à renoncer à ses
droits à l'imamat en faveur des Fâtimites. L'autorité
d'El-Mostansir fut ainsi reconnue jusque dans le Khora-
sân. El-Qâïm, affolé, se jeta dans les bras du Seldjoûqide
Toghrul Bey qui mit fin à cette tentative révolution-
naire en rétablissant lui-même dix mois après son suzerain
sur le trône. Il est vrai qu'il tint à assumer sur lui et sur
sa descendance toutes les responsabilités du pouvoir tem-
porel (1055). El-Mostansir en fut pour ses frais. En Egypte,
la situation se compliquait pour lui en raison de sa faiblesse
et du mauvais gouvernement de son premier ministre, El-
Yâzoùrî. Une querelle entre un mercenaire turc et un soldat
de la milice nègre du calife alluma pour quatre ans la
guerre civile. La victoire finit par rester à Nasr ed-Daula,
chef des Turcs. Mais, alors, l'insolence et les exigences de
ceux-ci ne connurent plus de bornes; ils vendirent à
l'encan les richesses accumulées par les Fâtimites, pillè-
rent leurs palais, brûlèrent leurs bibliothèques et s'arro-
gèrent l'autorité tout entière. El-Mostansir, réduit au
dernier dénuement, allait être déposé, quand l'émir de
Syrie, Bedr el-Djamâlî (V. ce nom) , secrètement appelé avec
ses troupes, déhvra l'Egypte des factieux par un massacre
général. Bedr, devenu premier ministre et générahssime
d'El-Mostansir, administra ensuite l'Egype pendant vingt
ans en maître absolu, mais éclairé; il y rétablit la paix, le
travail et l'abondance absents depuis quarante années.
Tous deux moururent en 1094 ; à cette date, les revenus
publics avaient monté de 42 millions à 46 millions et demi.
En 1068, la dynastie des Zeïrites, qui gouvernait l'Afrique
fâtimite depuis 972, s'était déclarée indépendante. La Syrie
allait bientôt se morceler à la suite des invasions franques.
Châhinchâh el-Afdal, fils et successeur de Bedr au vizirat,
eut en effet à guerroyer contre les Ortoqides et les Francs
de la première croisade qui lui prirent Jérusalem (1099),
Les progrès des chrétiens en Syrie et en Mésopotamie
furent d'ailleurs singulièrement favorisés par la rivalité
entre les différents princes seldjoùqides et par le schisme
qui divisait Abbàsides et Fâtimites. Quant à l'Egypte,
EGYPTE
694 —
défendue qu'elle était par ses déserts de l'Est, elle resta pour
le moment en dehors de la lutte. Ce ne fut qu'en 4117,
sous le calife El-Amir, que Baudouin I®^ fit à l'improviste
une pointe sur Faramâ, qu'il mit à feu et à sang. Mais la
mort le surprit près d'El-Arîch et l'Egypte fut pour cette
fois épargnée. Après El-Amir, poignardé en 1430 par un
émissaire du Vieux de la Montagne qui commençait à faire
trembler les monarques de l'Orient, la décadence des
Fâtimites s'accentue d'année en année. Les quatre derniers
califes (1130-1171), réduits à la nullité, renfermés dans
le harem où ils se livrent à de petites intrigues entre
leurs femmes et leurs mignons, abandonnent toute l'au-
torité à leurs vizirs, qui s'arrogent, du reste, avec la plé-
nitude du pouvoir, le titre de malik^ roi. Ces ministres-
rois ont nom Roudwân, Ibn Sallâr, Abbâs qui tue le calife
Ez-Zàfir pour venger son fils du déshonneur, Talâï, son
fils Rouzzîk, Chàwar, Dirghâm, Chîrkoûh, enfin Salâh ed-
Din (Saladin). En cette dernière période, l'Egypte est ensan-
glantée par les discordes de ces émirs turbulents et ambi-
tieux qui se disputent le gouvernement, mais ne savent ni
conserver Ascalon, prise par les croisés, ni empêcher les
Normands de Sicile de brûler Tinnis et de menacer Alexan-
drie (1153). En 1163, sous El-Adhid, dernier prince de
cette dynastie moribonde, Châwar, supplanté par Dirgham,
sollicita le concours de l'atâbek de Syrie, Noûr ed-Din, fils
de Zenguî. Celui-ci, heureux de pouvoir s'immiscer dans
les affaires d'Egypte, envoya une armée commandée par
Chîrkoûh ibn Châdî, un des principaux émirs de sa cour,
qui emmena avec lui son neveu Yoûsouf Salàh ed-Din ibn
Ayyoûb. Saladin marchait sans le savoir à la conquête d'un
trône. Mais bientôt Châwar, rétabli par les armes des
Syriens, se brouilla avec ses protecteurs. Pour s'en mieux
débarrasser, il appela à son aide Amaury, roi de Jéru-
salem, qui avait autant d'intérêt que l'atâbek à s'emparer
de l'Egypte. Aussi ce pays devint-il, de 1164 à 1169, le
théâtre d'une guerre acharnée. Amaury, après avoir ravagé
le Delta, fut bien vite aux portes du Caire, qu'il espérait
prendre et piller, pour se le faire racheter ensuite à prix
d'or. Ce fut le tour du calife de réclamer l'aide de Chîrkoûh
contre son vizir et contre les Francs. Ceux-ci sont battus et
chassés d'Egypte, Châwar est assassiné et le généralissime
de Noûr ed-Dîn est mis à sa place. Mais il meurt peu de
mois après (1169), léguant son pouvoir à son neveu Sa-
ladin, qui relègue El-Adhid au tond de son harem, proclame
sa déchéance et substitue à son nom, dans la khotba, celui
du calife abbâside. Sur ces entrefaites, El-Adhid, malade
depuis longtemps, meurt (1171) se croyant toujours calife;
Saladin ne lui donne pas de successeur, mais gouverne au
nom de l'atâbek de Syrie. Ainsi s'éteignit, entre les mains
d'un soldat kurde, cette dynastie fâtimite qu'un sectaire
ambitieux avait fondée deux siècles et demi auparavant.
Ayyoûbites (ii7i-i250). Toutefois, ce ne fut pas sans
une vive opposition que le nouveau régime fut accepté par
les populations indigènes sincèrement attachées à la secte
d'Alî. Le parti dynastique comptait de nombreux défen-
seurs, et en 1173 une formidable conspiration éclata pour
chasser Saladin et rétablir le califat en la personne de
l'imâm El-Mostasim, cousin d'El-Adhid. Conduite par le
poète Ourâra, cette conspiration réunissait les Francs, les
Assassins ou Ismaïliens, les nègres de la Haute-Egypte et
tous les partisans des Fâtimites. Les Francs furent battus
et chassés ; la conspiration formée au Caire fut étouffée ;
quant aux Ismaïliens, ils avaient tenté deux fois d'assassiner
Saladin; celui-ci ne pouvant les atteindre jugera meilleur
de s'aUier avec leur chef Sinân (1177). Dès lors, la réac-
tion fut réduite à l'impuissance, et Saladin s'appliqua par
tous les moyens possibles à déraciner dans le pays les
principes du chyïsme : c'est ainsi qu'il détruisit les anciennes
académies fâtimites pour les remplacer par des collèges
selon le rite orthodoxe de l'imâm Châfy. Daus le même
temps, l'atâbek Noûr ed-Dîn, qui commençait à prendre
ombrage de la trop grande puissance de son lieutenant,
meurt (1174). Sous prétexte de sauvegarder les intérêts
de son héritier au trône, Saladin occupe la Syrie militai-
rement, puis, levant le masque, il se déclare indépendant
tant en Egypte qu'en Syrie après avoir battu et chassé
le fils de Noûr ed-Din et tous ses compétiteurs (1176). Les
croisés deviennent alors ses ennemis directs et personnels.
Ils ne lui laissent pas le loisir d'administrer par lui-même
l'Egypte où il ne fait que deux courtes apparitions. Saladin
en confie le gouvernement à son lieutenant, le légendaire
Bahâ ed-Dîn Qarâqoûck (l'Oiseau noir), qui s'acquitte de
sa tâche avec fidélité et intelhgence, réglant les impôts,
rétablissant les canaux d'inondation, les digues et les
chemins, entourant Le Caire d'une nouvelle enceinte et
commençant la construction du château de la Montagne où
les maîtres de l'Egypte habiteront jusqu'au milieu de ce
siècle. La révolution opérée par Saladin avait eu une portée
immense : elle avait aggravé la situation des colonies chré-
tiennes en Orient et fait cesser, au point de vue pohtique,
le grand schisme qui partageait l'Eglise musulmane : il
n'y aura plus désormais qu'un chef spirituel, qui sera
sunnite, c.-à-d. orthodoxe. A la mort de Saladin (1193),
ses fils, frères, oncles, neveux et cousins, toute la descen-
dance d'Ayyoùb, en un mot, s'apprêtèrent à se partager
son vaste empire. L'Egypte échut à son fils El-Malik el-
Azîz (1193-98). Mais bientôt, d'alliées qu'elles étaient, les
différentes branches de la famille ayyoûbite devinrent
ennemies. El-Adil, frère de Saladin et prince de Karak,
s'empara de la sultanie du Caire (1200) et réunit bientôt
sous sa domination les apanages de ses neveux. Cet homme
énergique et audacieux tint en échec les chrétiens des
quatrième, cinquième et sixième croisades qui comptaient
sur la division des Ayyoûbites. Son fils El-Kâmil (1218-38)
ne put empêcher les Francs de remonter le Nil et de s'ou-
vrir, après un combat à El-Mansoûra, le chemin du Caire.
Vainement il proposa un arrangement aux chefs croisés.
Enfin, il reçut du renfort des princes syriens de sa
famille. Un mouvement tournant, opéré par les musulmans
qui rompirent les digues des canaux et livrèrent l'armée
chrétienne au fléau de l'inondation, obligea les croisés à
implorer la paix et à rendre Damiette sans compensation :
l'Egypte fut évacuée (1221). En 1240, Es-Sâlih, fils
d'El-Kâmil, tua El-Adil II, son propre frère, et usurpa le
pouvoir. Son règne, comme celui de ses prédécesseurs,
offrit le triste spectacle de luttes fratricides, mêlées au duel
engagé depuis cent cinquante ans entre musulmans et chré-
tiens. Pour la septième fois, l'Europe chrétienne vint fondre
en armes sur l'islamisme. A la tête de cette croisade mar-
chaient saint Louis et l'élite de la chevalerie française.
Tout d'abord Damiette, clef de l'Egypte, est prise. L'armée
sarrasine vient prendre position devant El-Mansoûra, lorsque
Es-Sâlih succombe à une maladie ; il venait de créer, pour
la ruine de sa dynastie, la garde prétorienne (halqa) des
Mamloûks, esclaves turcs achetés à prix d'argent. Sa mort
est tenue secrète jusqu'après l'arrivée de son fils El-Moaz-
zam Toûrân Chah qui guerroie en Syrie. Le 6 avr. 1250,
un combat meurtrier est livré devant El-Mansoûra que les
Francs mettent à sac. Mais la marche en avant de l'ennemi
est arrêtée par les Mamloûks qui coupent ses commu-
nications avec Damiette. Poursuivis, harcelés, décimés, les
Francs battent en retraite sur Fâriskoûr où saint Louis,
après une lutte héroïque, est capturé avec les princes et
les barons de France survivants. Le 4 mai, Toûrân Chah,
qui s'était vite aliéné l'esprit de ses troupes par des rigueurs
intempestives, meurt sous les yeux des prisonniers francs,
assassiné par Baïbars el-Boundoukdâri, l'un des princi-
paux émirs mamloûks. L'Egypte, ou plutôt les Mamloûks,
n'avait plus de maître : Chadjarat ed-Dourr, mère du
sultan massacré, se chargea de leur en donner un : elle se
fit proclamer reine, événement unique dans les fastes
musulmans, et choisit pour atâbek (tuteur) Izz ed-Dîn
Aïbek, comme elle Turc de naissance et ancien esclave,
qui était son amant et qu'elle épousa. Mais bientôt le
parti des Mamloûks conservateurs força le nouyeau sultan
à s'associer au pouvoir un descendant de Saladin, le jeune
— 6^5 -
EGYPTE
El-Achraf Moùsâ, arrière-petit-fils du sultan El-Kâmil avec
qui prit fin, quatre ans après (1254), la glorieuse dynastie
des Ayyoùbites d'Egypte. Dans l'intervalle, saint Louis
s'était retiré en Syrie avec ses troupes après avoir rendu
Damiette pour sa rançon et payé six millions pour celle des
prisonniers chrétiens (V. Croisade).
Mamloûks turkomans bahrites {i 3 5 4-i 3 8 2), Ahvs
commença effectivement le règne des sultans mamloûks
qui comprend deux périodes d'une durée presque égale,
correspondant à deux dynasties d'origine différente. Les
nouveaux maîtres de l'Egypte, ceux de la première dynas-
tie, étaient des Turcs originaires du Kiptchak. Ils avaient
été introduits en Egypte vers 1227, au nombre de 12,000,
à l'époque oti Tchinguiz Khân lançait ses hordes mogholes
à travers l'Asie et l'Europe orientale. Ce fut cette expé-
dition qui causa la création des Mamloûks. Les Tatars
avaient ramené avec eux une foule de jeunes gens des deux
sexes : leurs camps, leurs marchés regorgeaient d'esclaves.
Les sultans d'Egypte virent là une bonne occasion de se
procurer sur-le-champ des troupes solides et nombreuses
dont les cadres continuèrent toujours à se remplir par la
même voie de sélection et d'achat. Cette milice devint
bientôt si puissante en Egypte qu'elle finit par supplanter
ses maîtres dans les circonstances que l'on sait. La dynastie
des Mamloûks turkomans ou bahrites (ainsi nommés parce
que leurs casernements s'étendaient le long du Nil, ^/ Bahr)
n'a guère que trois sultans célèbres : Ez-Zâhir Baïbars,
El-Mansoûr Qalâwoûn et le fils de celui-ci, En-Nâsir
Mohammed. En 1258, Baghdâd tombait au pouvoir d'Hoû-
lâgoû, petit-fils de Tchinguiz Khân, et le califat abbâside
était détruit. Ce fut Baïbars (1260-77), le meurtrier de
Toûrân Chah, qui recueillit les membres de la famille
abbâside échappés au fer des Moghols et fit revivre au
Caire, en eux et dans leur race, le califat orthodoxe qui
s'y perpétua jusqu'en 1517 sous le patronage des sultans
d'Egypte. Qalâwoûn (1279-90), surnommé El-Alfî pour
avoir été jadis acheté mille dinars, s(»it douze à quinze •
mille francs, repoussa une invasion d'Abaka Khân, conclut
un traité d'alliance avec Alphonse III d'Aragon et fonda une
foule d'étabUssements utiles ; il fut la tige d'une suite de
quinze rois dont la succession fut peu interrompue jusqu'au
renversement de sa dynastie par les Mamloûks bourdjites.
En-Nâsir occupa le trône à trois reprises différentes ; son
règne (1293, 1299-1341) fut le plus long, l'un des plus
paisibles et des plus bienfaisants qu'aient vu les popula-
tions égyptiennes. Mais après lui, ses fils ou petits-fils,
devenus le jouet des émirs mamloûks, fournirent des règnes
éphémères, sans éclat, et préparèrent en moins d'un demi-
siècle le renversement de leur dynastie. Les Ayyoùbites
avaient commis une grave faute en s'entourant d'une garde
prétorienne ; Qalâwoûn, qui était lui-même un Mamloûk
de cette garde, ne sut profiter de l'expérience le jour où,
voulant donner un contrepoids à la prépondérance de ses
congénères devenus ses sujets, il créa un nouveau corps de
soldats esclaves, non plus d'origine turkomane cette fois,
mais circassienne. La halqa des sultans bahrites, chargée
surtout de la défense des forteresses, des bourdj, d'où son
nom de bourdjite, fut d'abord un appui et une force, puis
devint un embarras ,et un péril ; après avoir consohdé le
trône, elle en vint à l'usurper avec Ez-Zâhir Barqoûq
(1382-88) qui fut le premier des sultans circassiens.
Mamloûks circassiens bourdjites (iS82-i5i7)* Du
reste, cette seconde dynastie de princes mamloûks ne fit
guère que continuer celle des Turkomans. Ce fut toujours
la même marche et la même pohtique ; toujours des émirs
turbulents qui se disputaient le pouvoir à chaque vacance
et en créaient le plus souvent possible par des voies anar-
chiques et violentes. Barqoûq eut au moins cette gloire
qu'il sauva l'Egypte de l'invasion d'un nouveau conquérant
moghol plus terrible que le premier, Timoûr Leng, qui
remplissait alors l'Asie tout entière du bruit de ses exploits.
En 1412, à la suite d'un coup d'Etat que rien n'eût pu
faire prévoir après un siècle et demi d'effacement, le trente-
huitième calife abbâside, El-Mostaïn Billâh, se trouva
investi des pouvoirs temporel et spirituel comme aux plus
beaux jours de la papauté musulmane. En réalité, il n'était
qu'un aveugle instrument entre les mains du plus ambi-
tieux des émirs mamloûks, Cheikh Mahmoûdî, qui, en cette
affaire, n'avait prétendu travailler que pour lui-même.
Moins d'un an après son triomphe, le trop confiant El-
Mostaïn était détrôné, puis exilé par son protecteur, lequel
se contenta de régner temporellement, du reste en prince
accompli, sous le nom célèbre d'El-Mouayyad (1412-1421).
El-Achraf Bars Bây, après lui, fit l'Egypte heureuse au
dedans et glorieuse à l'extérieur (1422-1437). Le pieux
sultan Qâït Bây parvint à se maintenir vingt-huit ans sur
un trône que menaçait déjà la puissance ottomane ; celle-
ci commençait à prévaloir sur l'influence moghole. Par une
générosité fatale, Qâït Bây donna asile au prince Djem (Zi-
zim), compétiteur de Bajazet II, ce qui attira sur lui des
haines funestes dans l'avenir (1467-1495). Au reste, maints
signes extérieurs indiquaient clairement que la dynastie
circassienne et la fortune de l'Egypte étaient à la veille de
s'abîmer dans une commune catastrophe. L'Egypte était
lasse de la domination rarement supportable des sultans
mamloûks, grâce auxquels, cependant, elle avait atteint le
plus haut degré de la civilisation orientale. Cette aristo-
cratie guerrière, composée d'esclaves achetés sur les mar-
chés, n'avait pas de racine dans le pays qu'elle exploitait
plutôt qu'elle ne le gouvernait. Elle était également dé-
testée des Coptes, des Grecs et des Arabes qui formaient
la population de l'Egypte. En outre, la prospérité commer-
ciale du pays venait d'être profondément ébranlée par la
découverte de la route du cap de Bonne-Espérance (1498).
Alexandrie, comme Venise, se trouva déshéritée du com-
merce de l'Inde et de la Chine au profit des pays occiden-
taux de l'Europe. En 1504, le doge et le sultan s'unirent
par une aUiance contre les Portugais. Ce fut peine inutile ;
les Portugais étaient déjà maîtres de l'Inde. L'anarchie inté-
rieure et la ruine du commerce maritime préparèrent
l'œuvre de la conquête turque. A l'automne de 1516,
Sélim II, successeur de Bajazet, envahissait la Syrie. Le
sultan Qânsoûh IV El-Ghoûrî, malgré ses quatre-vingts ans,
marcha au-devant des Turcs. Il fut vaincu et tué, près d'Alep,
malgré la valeur désespérée des Mamloûks. La victoire de
Gaza donna à Séhm l'entrée de l'Egypte, celle de Reïdâ-
nîya lui ouvrit les portes du Caire (22 janv. 1517). Toù-
mân Bây, élu sultan d'Egypte par les Mamloûks, y rentra
secrètement et extermina le corps d'occupation. SéUm fut
obligé de reprendre la ville rue par rue, maison par mai-
son. Mais Le Caire fut puni de sa révolte par le massacre
de 50,000 hab. Toumân Bây opposa une résistance
héroïque, mais vaine. Trahi par un Arabe, il fut livré à
Sélim qui le fit pendre au Caire sous l'arcade de la porte
Zowaïleh (13 avr.).
Domination ottomane (ioil-iSOù). Sélim II réunit
ainsi dans ses mains le pouvoir temporel des sultans et le
pouvoir spirituel des califes en s'emparant d'El-Motawakkil,
cinquante-cinquième et dernier cahfe abbâside. Les villes
saintes, La Mekke et Médine, enchaînées au sort de l'Egypte,
passèrent avec ce pays sous le joug ottoman. La province
d'Egypte fut confiée à un pacha, surveillé lui-même et con-
trôlé par deux autres pouvoirs collatéraux : les aghds et
les anciens beys mamloûks. Les premiers, au nombre de
six, puis de sept, formèrent le conseil obligé du pacha,
qu'ils devaient surveiller et, au besoin, dénoncer à Cons-
tantinople ; ils avaient sous leurs ordres les six corps mi-
litaires ou odjâk chargés de la défense, de la police et de
la perception des impôts. Les beys, au nombre de douze,
rééligibles tous les ans, furent chargés des douze gouver-
nements de l'Egypte. Les bases de cette organisation furent
tant soit peu modifiées par Soliman P^ qui donna à l'ad-
ministration de l'Egypte la forme compliquée qu'elle con-
serva jusqu'à Mohammed-Ali. Cette organisation fut si
bien équiUbrée pour la stabiUté de la possession, mais non
pour le bien-être du pays, que, malgré les distances, mal-
EGYPTE
696 -
gré une suite non interrompue de conspirations, l'Egypte
resta pendant près de trois siècles vassale de la Porte. Il
serait long et fastidieux de suivre cette nomenclature de
pachas (on en compte cent seize de 4517 à 1766),
hommes sans importance pour la plupart, agents de la
Porte, tantôt obéis, tantôt méconnus, tenanciers d'une ferme
politique, qui ne travaillèrent qu'à s'enrichir et à mériter
le lacet de soie. Au xviii^ siècle, avec l'affaiblissement de
l'empire, la dignité de pacha d'Egypte, accordée au plus
offrant, ne cessa de s'avilir davantage. A la fin, le pacha
ottoman n'eut plus qu'un rôle fictif et dépendit entière-
ment du cheikh el-balad ou chef des beys mamloûks, qui
devint roi effectif. A côté de ces gouverneurs sans gloire
figurèrent bientôt ces beys héréditaires qui en savaient
acquérir. Ismâïl Bey, Doù'l Fikâr, Ibrahim Kiahvâ, Roud-
wân, Khalîl Bey et surtout Alî Bey el-Kébîr (1763-1772).
Rêvant l'indépendance de TEgypte, Alî Bey osa braver la
Porte, lui désobéit, la combattit et la vainquit ; le pre-
mier il osa battre monnaie à son coin et se faire nommer
par le chérîf de La Mekke sultan-roi de l'Egypte. En cette
qualité, il rechercha des alliances européennes, s'adressant
aux Vénitiens par l'intermédiaire de l'Italien Rosetti, et
aux Russes par le canal de l'Arménien Yâqoùb qui fit des
ouvertures à l'amiral Orloff. Sous son règne l'Egypte fut
réorganisée, pacifiée, prospère. Mais la trahison entraîna,
avec des révoltes, la défaite d'Ali Bey qui, fait prisonnier
sur le champ de bataille, mourut au Caire de ses blessures.
Ibrâhîm et Moùrâd, auxquels l'expédition française donna
tant de relief, ne surent qu'attirer les colères de la France
républicaine par les avanies intolérables qu'ils firent subir
aux nationaux. En effet, dans le courant de l'année 1795,
Magallon, notre consul au Caire, adressa au Directoire une
série de pétitions qui concluaient à la conquête de l'Egypte,
projet déjà mis en avant par Leibniz en 1672, puis sous
Louis XV par Choiseul. Au retour de Campo-Formio (oct.
1797) Bonaparte prit connaissance de ces pétitions. Poussé
par l'ambition et la gloire, l'horreur de l'inaction, la crainte
des haines secrètes du gouvernement, Bonaparte fit décré-
ter l'expédition d'Egypte. Le Directoire, de son côté,
n'était pas fâché de se^ débarrasser d'un homme dont la ré-
putation l'écrasait. Le prétexte politique fut de frapper
l'Angleterre dans l'Inde. Le moment toutefois était mal
choisi ; mais, en cette circonstance, les véritables intérêts
du pays ne furent pas consultés.
Expédition française (mai lldS-sept, iSOi). Le
Directoire abandonna à Bonaparte des pouvoirs discrétion-
naires pour préparer dans le plus grand secret la conquête
et la colonisation de l'Egypte. L'armée expéditionnaire,
forte de 36,000 hommes^dont 2,500 cavaliers, presque
tous soldats de l'armée d'Italie, et de 10,000 marins,
s'embarqua à Toulon (19 mai). La flotte se composait de
30 vaisseaux ou frégates, 72 corvettes et 400 transports.
Bonaparte emmenait, outre les généraux Berthier, Lannes,
Marmont, Murât, Kléber, Desaix, Reynier, Menou, un corps
auxiliaire de cent vingt-deux savants et artistes tels que
Monge, Berthollet, Larrey, Desgenettes, Geoffroy Saint-
Hilaire, Denon, Marcel, qui devaient l'aider « dans la
tâche laborieuse de faire oublier parles bienfaits de la paix
les misères de la conquête ». L'amiral Brueys avait sous
ses ordres Gantheaume, Villeneuve, Decrès. Le 10 juin,
Malte fut prise après un simulacre de défense; le 2 juil.,
le débarquement avait lieu à l'anse du Marabout, à 4 heues
d'Alexandrie, qui était aussitôt enlevée d'assaut après un
combat violent. Bonaparte y laissa Kléber avec 3,000 hommes
et marcha de suite sur Le Caire. Les troupes, après une
marche très pénible par le désert de Damanhoûr, attei-
gnirent (10 juil.) Rahmânîyeh, où elles opérèrent leur
jonction avec la flottille du Nil, chargée des convois. La
première rencontre eut lieu à Chébreïs (13 juil.) : Moûrâd,
à la tête de 1 ,200 Mamloûks et 500 Arabes fut repoussé
avec pertes. Le 21 était livrée la fameuse bataille d'Em-
bâbeh ou des Pyramides (V. ce mot). Moùrad fut aussitôt
poussé dans la Haute-Egypte par Desaix; Ibrahim s'enfuit
du côté de la Syrie, et les Français, ayant franchi le
fleuve, firent leur entrée au Caire (22-25 juil.). Bonaparte
déclara aux habitants qu'il venait comme allié de la Porte
ottomane pour les délivrer de la domination des Mamloûks.
Il donna un gouvernement municipal à la ville, respecta
les propriétés, les mœurs, la religion des habitants, établit
des manufactures, entoura Le Caire d'une ceinture de forts
et bientôt fonda Vlnstitut d'Egypte, instrument actif de
colonisation formé par l'élite des savants, des ingénieurs et
des artistes français. On commençait à avoir l'espoir de
faire un établissement durable dans ce pays, lorsqu'un
irréparable désastre vint ruiner tout l'avenir de l'expédition.
La flotte française, poursuivie depuis deux mois par les
Anglais, n'ayant pu entrer dans le port d'Alexandrie, fut
surprise et détruite par l'escadre de Nelson dans la rade
d'Aboukir; Brueys était tué (1^"^ août 1798). Ce fut l'un
des événements qui ont le plus influé sur les destinées du
monde. Si la plupart des habitants n'avaient qu'à se louer
de la domination française, il s'en fallait que le clergé mon-
trât de l'enthousiasme à l'égard des infidèles. Une mesure
fiscale du maladroit Poussielgue ajouta aux griefs des me-
neurs, et, le 21 oct., une msurrection terrible éclata au Caire
dans laquelle périrent 300 Français et qui ne fut apaisée
qu'après une bataille de deux jours. Pendant ce temps, Desaix
avec 4,000 hommes et les généraux Davout, Belliard etFriant
finissait par rejeter Moûrâd en Nubie. Le 3 mars 1799,
Belliard atteignait Philœ ; le 29 mai, Desaix occupait le
port de Qoseïr, sur la mer Rouge. Vers la même époque,
deux armées turques se rassemblaient à Rhodes et à Damas
pour chasser les Français de l'Egypte. Bonaparte, qui
savait que la possession de la Syrie est indispensable à qui
veut conserver l'Egypte, fit ses préparatifs de campagne.
Le 10 févr., il partait, à la tête de 13,000 hommes, dans
la direction d'El-Arîch, traversait le désert, entrait dans
Gaza et arrivait le 7 mars devant Jaffa, qu'il prenait d'assaut
le 13. On sait que, embarrassé de ses prisonniers, il les fit
fusiller. De là, il marcha sur Saint- Jean -d'Acre qui,
vigoureusement défendue par le pacha Djezzâr, Sydney
Smith, commandant delà croisière anglaise, et deux émigrés
français, repoussa deux assauts (20 mars). Pendant ce
temps, l'armée de Damas s'avançait sur le Jourdain. Kléber,
avec 2,000 hommes, marcha à sa rencontre et fut enveloppé
près du mont Thabor par 12,000 cavaliers et autant de
fantassins. Bonaparte arriva à temps avec 3,000 hommes
pour mettre l'immense cohue des barbares en déroute
(16 avr.). On retourna devant Saint-Jean-d'Acre ; mais,
menacé par l'armée de Rhodes, Bonaparte en dut lever le
siège après quatorze assauts et deux mois d'inutiles efforts.
Il fallait renoncer à la conquête de la Syrie, partant à tout
espoir de succès ultérieur. L'armée revint au Caire sans
obstacle, mais diminuée de 4,000 hommes et découragée
(21 mai). Bientôt après, l'armée de Rhodes, forte de
18,000 hommes, abordait dans la presqu'île d'Aboukir et
s'y retranchait. A cette nouvelle, le général en chef accou-
rut du Caire avec 6,000 hommes; le 25 juil., l'armée
turque était détruite et, par cette victoire, la possession de
l'Egypte sembla assurée aux Français. Le 22 août suivant,
Bonaparte quittait secrètement l'Egypte avec Lannes, Duroc,
Bessières, Marmont, Berthier, Monge et Berthollet ; il venait
d'apprendre par les journaux que lui avait envoyés l'amiral
anglais les récents désastres et l'anarchie de la France.
Auréolé maintenant d'une gloire fabuleuse, il se laissa
entraîner par le souci de sa fortune politique; il partit,
abandonnant le commandement de l'armée à Kléber avec
des instructions qui l'autorisaient à évacuer l'Egypte
(22 août).
Ce départ fut regardé par l'armée tout entière comme
comme une désertion. Kléber exhala son indignation dans
une lettre au Directoire. Privée de marine et de renforts, sans
défense du côté delà Syrie, menacée de plus parles forces
considérables et renouvelables des Anglais et des Turcs,
réduite enfin à 15,000 combattants disponibles, l'armée
française était démoralisée et craignait de ne pouvoir se
— 697 —
EGYPTE
maintenir longtemps sur cette terre éloignée. Alors Kléber,
cédant aux clameurs de ses soldats, aux mauvais conseils
de Reynier, entama des négociations a\ecla Porte et Sydney
Smith et signa la convention d'El-Arîch (24 janv. 1800).
L'armée française devait rendre les forteresses et évacuer
le pays avec tous les honneurs de la guerre pour être trans-
portée en France sur des vaisseaux anglais. Le mouvement
d'évacuation était commencé lorsque, par une perfidie
insigne, l'amiral Keith avertit Kléber que le cabinet britan-
nique ne pouvait reconnaître la convention d'El-Arîch, à
moins que l'armée ne se rendit à discrétion (20 mars).
Indigné, Kléber rompt aussitôt la convention. Avec 40,000
hommes, il marche contre l'armée du grand vizir forte de
80,000 Turcs, la met en pleine déroute à Matarîyeh (Hélio-
polis, 24 mars), puis, revenant au Caire où Ibrâhîm Bey
était rentré en son absence, il bombarde la ville révoltée et
la soumet après une bataille de dix jours. Les Français
reprirent leurs positions; Moûrâd Bey traita avec eux et s'en
alla gouverner l'Egypte comme tributaire : l'Egypte était
reconquise. Le courage revenait aux troupes et les projets
de colonisation étaient repris avec une ardeur toute nouvelle,
lorsqu'un nouveau malheur vint décider pour toujours du
sort de l'expédition : le 14 juin 1800, Kléber tombait
frappé à mort par un Syrien fanatisé. Le général Menou
lui succéda, non par l'ordre de mérite, mais par le droit
de l'âge. La colonie affaiblie jouit encore de six mois de paix
intérieure.
Au commencement de l'année 1801, 30,000 Anglais,
sous les ordres du général Abercrombie, débarquent à
Aboukir. Le 21 mars, Menou est écrasé à Canope, par la
faute de Reynier, qui reste immobile avec sa division; il se
retire à Alexandrie, mais y reste bloqué, Hutchinson ayant
rompu les digues qui séparent la mer du lac Mareotis,
alors desséché depuis deux siècles. Son lieutenant, Belliard,
enveloppé avec 8,000 hommes dans Le Caire par o 0,000
Turcs ou Anglais, se décide à capituler sur les bases de la
convention d'El-Arîch (25juin). Il évacue la ville avec tous
les honneurs de la guerre et embarque ses troupes sur des
vaisseaux anglais. Menou, assiégé dans Alexandrie, se rend
le 2 sept., aux mêmes conditions que Belhard. Dans le
courant du même mois, l'évacuation complète de l'Egypte
était consommée. Telle fut cette brillante, mais fragile con-
quête, cette expédition manquée au point de vue politique,
féconde malgré tout en heureux résultats. « La France, dit
M. Ebers, dut renoncer à la possession de l'Egypte; mais
son influence y est restée toute-puissante. Si la culture
européenne a conquis sur les bords du Nil, plus vive
qu'en aucun autre pays de l'Orient, les hautes régions
de la société et commence même à détourner le peuple de
mainte coutume ancienne, les Français en ont le mérite ;
c'est l'œuvre en partie des règlements qu'ils avaient intro-
duits sous Bonaparte, en partie de l'amabilité propre à
leur race et grâce à laquelle ils surent gagner le cœur
des gouvernants. » (L'Egypte, trad. de M. Maspéro, t. I,
p. 5.)
Vice-rois (i805'i892). Le départ des Français laissa
TEgypte au pouvoir des Turcs, des Anglais et des Mam-
loûks. Ceux-ci, réunis sous leurs deux principaux beys,
Oçmân Bardîsî et Mohammed el-Alfî remportèrent sur le
gouverneur turc Khosreu Pacha une victoire complète.
Ce dernier imputa sa défaite à l'absence d'un commandant
de 1,000 Albanais, et l'appela auprès de lui dans le dessein
de le mettre à mort. Ce chef nommé Mohammed-Ali (il était
né en 1769 à Kavala, port de Macédoine), prévenu à
temps, s'allia aux Mamloûks et leur ouvrit les portes du
Caire ; puis, se mettant à la solde de Bardîsî, il marcha
contre Khosreu et le fit prisonnier (1803). S'élevant peu
à peu jusqu'au premier rang en face des beys, ses rivaux,
il renversa bientôt Khosreu, puis Khourchïd, gouverneurs
turcs, et finit, grâce à son audace, à sa popularité, à la
division entre Turcs et Mamloûks dont il sut profiter, par se
faire élire pacha du Caire et gouverneur de l'Egypte (1805).
La Porte sanctionna cette usurpation sous la condition d'un
tribut de 7 millions. Le nouveau pacha réunit une forte
armée, rétablit l'ordre dans le pays et se mit ouvertement
à appuyer la politique française. En effet, les Anglais, de
concert avec les Mamloûks, ayant tenté de s'emparer du
pays, le général Fraser qui tenait Alexandrie fut repoussé
(sept. 1807) ; quant aux Mamloûks, dont la rapacité et la
turbulence ne cessaient de troubler l'Egypte, Mohammed-
Ali résolut de les anéantir. Le 1^^ mars 1811, il les faisait
exterminer au nombre de 480 dans un guet-apens à la
Citadelle. Ceux restés en province, plus de 600 en tout,
furent égorgés sur son ordre. Son pouvoir était désormais
affermi. Aussitôt après cet horrible massacre, le pacha
pressa l'expédition d'Arabie contre les sectaires wahhâbites,
expédition commandée par la Porte qui ne voyait pas sans
inquiétude grandir ce vassal redoutable. Cette guerre, que
conduisirent ses fils Toûsoûn et Ibrâhîm, se termina au bout
de sept ans par la conquête du Hidjâz et la délivrance des
lieux saints. En 1822, la Nubie, le Sennâr et le Kordofân
lui étaient conquis par son troisième fils Ismâïl et son gendre
le defterdâr Ahmed-Bey ; Khartoûm était fondée au con-
fluent des deux Nils. En 1824, le sultan Mahmoud ayant
imploré contre la Grèce révoltée le secours de son puissant
vassal, celui-ci envoya Ibrâhîm Pacha avec 26,000 hommes.
La flotte turco-égyptienne fut écrasée à Navarin (20 oct.
1827) et Ibrâhîm dut évacuer la Morée (1828). Pour prix
de ses services, Mohammed-AU réclama le gouvernement de
Syrie; Mahmoud refusa. Ibrâhîm envahit la Syrie, puis
r Anatolie et battit deux généraux turcs à Homs et à Konyeh
(1832); Constantinople était menacée. La Russie et la
France intervinrent et imposèrent aux belligérants la con-
vention de Kutâhyeh (14 mai 1833) qui laissait au pacha
d'Egypte la Syrie tout entière. En 1839, la Porte, à l'ins-
tigation de l'Angleterre, reprit les hostilités : Ibrâhîm écrasa
de nouveau les Turcs à Nezîb (24 juin), mais il fut forcé
d'évacuer la Syrie devant les troupes anglaises qui lui enle-
vèrent Beyroût et Acre. La France conseilla à Mohammed-
Ali de céder et le sultan Abd ul-Madjid finit par lui assu-
rer la possession héréditaire de l'Egypte, en vertu d'un
hatti-chérif et d'un traité ratifié par les grandes puis-
sances (1841). Sept ans plus tard, l'ancien chef de mihce
albanaise, le fondateur de la dynastie actuellement régnante,
tombé en enfance, abdiquait le pouvoir entre les mains de
son fils Ibrâhîm. Celui-ci, atteint lui-même d'une grave
maladie inflammatoire, mourait le 10 nov. 1843 après un
règne de six semaines.
On peut dire de Mohammed- Ali qu'il ressuscita l'Egypte.
En même temps qu'il poursuivait ses guerres et ses con^
quêtes, il appliqua tous ses soins à l'organisation et à
l'exploitation de ce beau pays. Il avait été initié dans sa
jeunesse aux spéculations de l'Occident par un négociant
de Marseille ; plus tard, il fut encouragé et conseillé par
les consuls français Mathieu de Lesseps et Drovetti. Ses
sympathies étaient depuis longtemps acquises à la France,
et c'est à la France qu'il demanda des instructeurs, des
marins, des ingénieurs, des constructeurs, des mécani-
ciens, des chimistes, des médecins. Les noms de Selve,
Besson, Varin, de Cerizy, Clôt, Linant de Bellefonds,
Ch. Lambert, Bruneau, Mougel, sont intimement liés à
l'histoire de son règne. La digue d' Aboukir fut restaurée
en 1816, et en 1819 fut creusé le canal Mahmoûdîyeh. Dès
1822, il envoya de jeunes Egyptiens à Paris pour s'ins-
truire dans les sciences et dans les lettres ; il donna une
grande extension à la culture du coton et créa des filatures,
des raffineries, etc., dans tous les chefs-lieux de province.
Mais de ces usines élevées à grands frais, en masse, avec une
rapidité inconsidérée, la plupart tombèrent faute d'entretien,
de débouchés et de qualité suffisante des produits. En
outre, pouropérer ce bouleversement civilisateur, le vice-roi
écrasa les Fellahs de corvées et d'impôts, et les déposséda;
toutes les propriétés passèrent entre ses mains; il réserva
pour l'Etat tout commerce extérieur et exerça le plus
rigoureux des monopoles. Cette situation ne fit que s'aggra-
ver sous Abbâs Pacha, fils de Toûsoûn, successeur d'Ibrâhîm,
EGYPTE
- 698 -
qui, docile à la voix de l'Angleterre, compromit l'œuvre
de régénération commencée (25 nov. 1848-44 juil. 1854).
Mais Saïd Pacha, quatrième fils de Mohammed- Ali, qui
avait quelque chose de l'intelligence hardie et civilisatrice
de son père, avec une instruction européenne très étendue
et infiniment d'esprit, poursuivit les réformes et les éten-
dit. En deux ans, il abolit le trafic des esclaves, supprima
les douanes intérieures ainsi que les monopoles, rendit
aux Fellahs la liberté individuelle et le droit de propriété,
éteignit les anciennes dettes de l'Etat. C'est lui qui acheva
le barrage du Nil, autorisa M. de Lesseps, son ami d'en-
fance, à percer le canal de Suez, et qui le premier créa la
Liste civile. Le 5 janv. 1856, Saïd Pacha donnait à M. de
Lesseps l'acte de concession du canal de Suez. En nov. 1858,
il souscrivait pour 176,602 actions delà Compagnie du canal
de Suez au nom du gouvernement égyptien. En avr. 1859
avait lieu le commencement effectif des travaux, malgré les
attaques de l'Angleterre qui longtemps sembla croire à un
retour de la vieille politique de Bonaparte. Ismâïl Pacha,
fils d'Ibrâhîm, succéda à Saïd le 18 janv. 1863. Sous le
règne de ce prince, les institutions nouvelles furent main-
tenues, les travaux continués, les études scientifiques en-
couragées. En octobre de la même année, le musée égyptien
créé par le Français Mariette, à Boùlâq, fut solennellement
inauguré. En 1866, le vice-roi obtint du sultan le droit
d'hérédité pour ses fils et l'abolition de l'ordre de primo-
géniture pour les branches collatérales, et l'année suivante
(juin 1867), il reçut officiellement le titre de khédive,
titre qui, dans la hiérarchie ottomane, vient immédiatement
après celui de sultan et se place avant celui de vizir. Au
mois de novembre de la même année, le canal de Suez fut
achevé et solennellement inauguré sous la présidence de
M. de Lesseps et en présence des notabilités de tous les
pays du monde. De 1871 à 1876, l'Egypte, par Samuel
Baker, puis le colonel Gordon, étendit sa domination sur
le haut Nil, dans le Dârfoùr, le Kordofân, le Feïzoghloù,
sur la mer Rouge, jusqu'aux frontières de l'Abyssinie,
des grands lacs intérieurs et des territoires somalis:
1,965,560 kil. q. peuplés de 10,800,000 hab. Mais le
khédive, en dix ans de règne, avait emprunté à des condi-
tions onéreuses 2 milliards et demi. Ce prince dissipateur
et orientalement voluptueux avait espéré par ses largesses
et le faste inouï de son hospitalité, conquérir une indépen-
dance absolue vis-à-vis de la Porte. Il ne réussit qu'à
vider le Trésor et à rendre imminente la banqueroute de
l'Egypte. On dut recourir aux mesures les plus sérieuses.
Le 2 mai 1876 parut un décret instituant en Egypte une
caisse d'amortissement ou caisse de la dette publique; le 7,
un décret d'unification de cette dette ; le 11, un décret sur :
1" l'installation d'un conseil suprême et ses attributions,
T la formation du budget de l'Etat, 3° la composition et
l'organisation des sections du conseil suprême du Trésor.
Le 18 nov. nouveau décret sur : 1" la séparation de la Daïra
(domaine privé) du khédive d'avec la dette publique, 2^ le
rétablissement de la Mouqâbala (impôt compensateur),
3° la nomination de deux contrôleurs généraux, l'un Fran-
Içais, l'autre Anglais. Ismâïl Pacha se voyait forcé d'accepter
l'intervention européenne dans la gestion des finances de
l'Egypte. Deux ministres étrangers, M. Rivers Wilson,
Anglais, et M. de Blignières, Français, entrèrent dans le
cabinet égyptien (1879). En même temps les propriétés
khédiviales et princières étaient abandonnées à l'Etat, qui
offrit à MM. Rothschild de Londres de leur confier tous
ces biens, en garantie d'un emprunt de 8 millions et demi
de livres sterling, plus de 200 millions de francs. Des
conflits ne tardèrent pas à s'élever sur le service de la
dette ; le khédive refusa de se soumettre au contrôle et des-
titua les deux Européens. La France et l'Andeterre exigèrent
de la Porte la déposition d'Ismâïl. Elle fut accordée par
le sultan et le pouvoir transmis le 26 juin 1879 à Tewfîk
Pacha, fils d'Ismâïl, sous le contrôle anglo-français pour
tout ce qui concernait les finances égyptiennes.
Alors éclata, en 4881, une émeute militaire suscitée
par un soi-disant parti national, qui entendait supprimer
le contrôle. Le 9 sept., 4,000 hommes de la garnison du
Caire assiégèrent le khédive dans son palais, demandant la
destitution du cabinet, l'augmentation de l'armée, une
assemblée de notables, etc. Le cabinet fut renversé et
le parti national appelé au pouvoir. A la suite de nou-
veaux troubles, le colonel Arabî fut nommé ministre de la
guerre (4 janv. 1882). La chute de Chérif Pacha donna
lieu à la formation du ministère Mahmoud Baroûdî
(2 févr.) qui proposa la déposition de Tewfik (10 mai);
les consuls généraux de France et d'Angleterre exigèrent
l'éloignement d' Arabî et il fut entendu qu'une conférence
européenne se tiendrait à Constantinople pour le règlement
des affaires égyptiennes (31 mai). Sur ces entrefaites, une
émeute éclata à Alexandrie ; un grand nombre d'Européens
furent massacrés ou blessés, sous les yeux du khédive im-
puissant et des flottes française et anglaise immobiles
(11 juin). Un mois après, l'amiral français Conrad, sur
l'ordre de son gouvernement, quittait les eaux d'Alexandrie,
emportant avec son pavillon notre prestige en Egypte,
et le lendemain (11 juil.) l'amiral anglais Seymour bom-
bardait la ville. Arabî entama des négociations pour gagner
du temps, et tandis qu'il se retirait avec ses troupes à
Kafr ed Douâr, il fit ouvrir les portes du bagne. Les forçats
pillèrent la ville et l'incendièrent (V. Alexandrie). A Paris,
la Chambre ayant refusé les crédits demandés pour parer
aux événements, il en résulta une crise ministérielle qui
se termina par la chute du ministère Freycinet et l'arrivée
au pouvoir du cabinet Duclerc (7 août). Quant à la Sublime-
Porte qui devait envoyer 5 ou 6,000 hommes, il lui fut im-
posé de si ridicules conditions de débarquement sur son
propre territoire, que sa dignité de puissance suzeraine
l'obligea à s'abstenir, ainsi que les Anglais y comptaient.
Dans le même temps, le khédive déclarait Arabî rebelle et
autorisait l'amiral Seymour à occuper la ligne du canal de
Suez et à combattre la révolte. Le 20 août, 35,000 Anglais,
sous le commandement de sir Garnet Wolseley, débar-
quaient à Port-Saïd, battaient les troupes d'Arabi à Qassâsin
(28 août) et les mettaient en pleine déroute, après une
fusillade de cinq minutes dans la plaine de Tell el-Kébir
(13 sept.) Le lendemain, l'avant-garde anglaise s'embar-
quait sur le chemin de fer et arrivait tranquillement au
Caire. On a attribué tout le mérite de cette facile victoire
à la cavalerie de Saint-Georges, par allusion à l'effigie
des livres sterling, avec quoi elle aurait été achetée au
préalable. Toujours est-il qu'Arabî et ses complices se
rendirent, passèrent devant une cour martiale, furent
condamnés à mort après un semblant de procès et que
le khédive, docile jusqu'au bout au secret verdict de l'An-
gleterre, commua la peine en celle de l'exil perpétuel. A
la suite de cette tragi-comédie, le contrôle anglo-français
fut supprimé (44 janv. 4883); malgré les réclamations de
la Porte, et grâce à la politique d'abandon de la France,
l'Angleterre disposa sans rivale des destinées de l'Egypte.
Elle annonça le projet de réformer l'administration de la
dette égyptienne, d'établir des impôts communs aux indi-
gènes et aux Européens, de prolonger les pouvoirs des tribu-
naux mixtes pour permettre de méditer à loisir une réforme
judiciaire, de réorganiser l'armée, de créer une gendarmerie,
d'abolir le contrôle moyennant la nomination par le khédive
d'un conseiller européen (anglais), de doter le pays d'une
constitution plus ou moins représentative, enfin d'abolir
l'esclavage. Lord Dufferin, malgré son titre d'ambassadeur
auprès de la Sublime-Porte, fut chargé d'étudier sur place
tous ces projets et d'en assurer l'exécution.
Jusque-là, à cause de l'éloignement et des graves préoccupa-
tions du moment, le cabinet britannique n'avait porté qu'une
attention distraite sur le mouvement insurrectionnel dont
les provinces du haut Nil étaient le théâtre. En effet, par
une coïncidence étrange qui a fait croire à une vaste cons-
piration du panislamisme, dans le même temps que s'était
révélé le parti national, tout le Soudan égyptien s'était
soulevé à la voix d'un nouveau mahdî, Mohammed-Ahmed,
— 699 —
EGYPTE
né à Dongola vers 1843. Cet illuminé, s'attribuant la mis-
sion divine de réformer l'islam, puis passant de la prédi-
cation aux actes, avait tout à coup proclamé la guerre
sainte (août 1881). Quatre mois après, 7,000 hommes
envoyés par Réouf Pacha, gouverneur de Khartoum, étaient
attaqués par 50,000 insurgés et exterminés (décembre). Le
17 janv. 1 882, El-Obeïd tombait dans les mains du mahdî, qui
anéantissait successivement trois nouveaux détachements,
puis se portait sur Khartoum (juillet). Alors avaient lieu
les massacres d'Alexandrie. Entre Arabî, maître de la Basse-
Egypte, et Mohammed-Ahmed, maître du Soudan, le khédive
semblait perdu. Le gouvernement de la reine comprit qu'il
se devait à son protégé : il confia à Hicks Pacha, ancien
colonel de l'armée des Indes, le soin de rétablir l'ordre au
Soudan. Hicks s'embarqua pour Souâkin en décembre avec
42 officiers européens et 10,000 Fellahs enrôlés à prix
d'or. On était depuis dix mois sans nouvelles de l'expédi-
tion, et les troupes anglaises se préparaient à évacuer
l'Egypte, sauf 3,000 hommes laissés à Alexandrie lors-
qu'on apprit avec stupeur que Hicks avait été massacré
avec toute son armée dans un défilé inconnu du Kordofân,
Hahsgate, et qu'un renfort de 500 hommes envoyé à sa
rencontre avait subi le même sort à Tokar, près de Souâkin
(3-6 nov. 1883). Ce désastre inattendu humiliait tant soit
peu le prestige de l'Angleterre ; mais il venait fort à pro-
pos permettre au cabinet de Londres de contremander le
mouvement d'évacuation sans paraître faillir aux protesta-
tions libérales dont lord Duiferin s'était fait l'interprète.
Au surplus, l'opinion publique en Egypte contraignit l'An-
gleterre à intervenir directement. Des colonnes expédition-
naires tirées d'abord du corps d'occupation, puis de l'armée
des Indes, furent coup sur coup dirigées vers le Soudan,
soit par la voie du Nil, soit par Souâkin et Berber. Mais,
dans ces contrées sauvages, les Anglais devaient subir de
terribles échecs. Les désastres succédèrent aux désastres
deux années durant, chaque victoire équivalant à une dé-
faite. Dès le 5 févr. 1884, Baker Pacha est anéanti à Trin-
kitat; le 29 févr. à Tebb, puis le 27 mars à Tamânîyeh,
Graham est vainqueur d'Oçmân Degna, mais il sort
décimé de cette lutte inégale ; en avril, Gordon tente vai-
nement une sortie sur Halfîyeh pour dégager la route du
Nord; le 16 janv. 1885, Stewart écrase les Soudanais aux
puits d'Aboù Kléa, mais il est blessé à mort; le 28, sir
Wilson est repoussé devant Khartoum qui a été livré au
mahdî par le gouverneur égyptien et où l'héroïque Gordon
vient d'être massacré avec une partie de la population. Dès
lors, la campagne est perdue, le sort de d 0,000 hommes
compromis. Sir Wolseley se porte sur Berber, résolu
à s'en emparer coûte que coûte, afin d'ouvrir par Souâkin
des communications avec l'Angleterre et d'y attendre du
renfort (février) ; Earle, dans cette marche, est vainqueur
entre Derbikân et Doulka, mais il est tué; enfin, le
20 mars, Graham, parti de Souâkin au secours de l'armée,
livre près de Tamaï deux combats qui ne laissent plus d'es-
poir sur cette tentative téméraire. Wolseley reprend la
route du Caire avec les débris de sa vaillante armée, re-
nonçant à lutter contre un climat meurtrier et un fanatisme
religieux qui transforme en fauves ceux qui en sont pos-
sédés. A la suite de cette campagne néfaste, le cabinet Glad-
stone dut se résigner à l'humiliante évacuation du Soudan :
il reporta les frontières de l'Egypte à Wadî Halfâ. De ses
immenses possessions du Soudan, l'Egypte ne conserva que
Souâkin où fut placée une garnison de 300 hommes sous le
commandement du major Kitchner, puis du général Grenfell.
Encore cette cité, ruinée aujourd'hui et toute déchue, restâ-
t-elle longtemps bloquée par les bandes d'Oçmân Degna.
A l'heure actuelle, le Soudan tout entier obéit à l'émir
Abd el-Alâ, successeur temporel de Mohammed-Ahmed,
qui est mort depuis tantôt quatre ans ; la pacification s'y
opère d'elle-même, l'âme de la révolte n'étant plus là et
l'indépendance paraissant pour longtemps conquise. Com-
bien de temps ces contrées barbares resteront-elles fermées
à l'Europe? Un mahdî, un propllète peut seul le dire. En
attendant, c'est pour la civilisation du Soudan égyptien
un recul d'un demi-siècle. Par contre, à 500 lieues de là,
l'Angleterre poursuit tranquillement son œuvre « civilisa-
trice » en réduisant l'Egypte à l'état de vassale, en faisant
du khédive un fantôme, en s'attirant par une série de me-
sures inutiles et gratuites l'hostilité invincible de tout ce
qui compte dans le pays. Maintenant que l'ordre le plus
parfait règne en Egypte, que l'état des finances est pros-
père, que les administrations fonctionnent régulièrement,
rien ne justifie plus aux yeux de l'Europe un protectorat
arbitraire qui, en se prolongeant davantage, ressemblerait
à une prise de possession, à une usurpation. Il est temps
sans doute de rendre l'Egypte aux Egyptiens. Ceux-ci n'ont
pas oublié les paroles que prononçait M. Gladstone à la
Chambre des communes, le 5 mars 1883 : « Nous sommes
en Egypte, non comme maîtres, mais comme amis et con-
seillers du gouvernement égyptien ; pour plusieurs objets
que nous nous sommes proposés, d'autres nations ont en
Egypte des intérêts et des droits aussi définis et aussi
incontestables que les nôtres. Le gouvernement ne recon-
naît pas à notre pays, dans cette aff'aire, des intérêts
égoïstes et particuliers, séparés des intérêts généraux des
nations civilisées et qui doivent être poursuivis d'une façon
égoïste et étroite. » Mais l'événement d'hier ne semble pas
de nature à rendre de sitôt son indépendance à l'Egypte :
les dernières nouvelles nous annoncent la mort du khédive
Tewfîk et l'avènement de son fils aîné, âgé de dix-huit ans,
S. A. Abbâs n (7 janv. 1892). Paul Ravaisse.
Numismatique. — Les Egyptiens de l'époque pha-
raonique ne connaissaient pas l'usage de la monnaie. Ils
échangeaient, dans leurs opérations commerciales, des
hngots de métaux précieux, généralement forgés en forme
d'anneaux, qu'ils appelaient outens. Des peintures égyp-
tiennes représentent des personnages occupés à peser des
anneaux de ce genre qui ont été livrés en payement de mar-
chandises. Pareil usage régnait chez les Assyriens, les
Hébreux et les autres anciens peuples de l'Orient. Les Perses
introduisirent en Egypte l'usage de la monnaie. Le satrape
d'Egypte sous Darius P^ et Xerxès, Aryandès, fut mis à
mort, raconte Hérodote, pour avoir fabriqué des monnaies
de meilleur aloi que celles du grand roi lui-même. Malgré
ce témoignage précis, on n'a pas encore retrouvé les mon-
naies du satrape Aryandès, et l'on peut croire qu'elles ne
se distinguaient pas, par les types, des monnaies que le roi
de Perse faisait frapper dans les diverses satrapies de son
empire. Les monnaies d'argent frappées en Egypte par
l'eunuque Bagoas, en 345, sous Artaxerxès Ochus, sont
déterminées depuis peu : elles sont remarquables en ce
qu'elles représentent sur une de leurs faces un Egyptien,
en costume national, suivant le char du Roi des rois : les
plus grandes de ces pièces sont des doubles sicles qui pèsent
jusqu'à 28s'^40.
Après la mort d'Alexandre le Grand, Ptolémée, gouver-
neur de l'Egypte au nom de Philippe Arrhidée et du jeune
Alexandre IV, fit frapper des monnaies au nom et au type
du conquérant défunt. Ce sont, notamment, de magnifiques
tétradrachmes qui portent, au droit, la tête idéalisée
d'Alexandre avec les cornes d'Ammon et coiffée de la dé-
pouille d'une tête d'éléphant. Au revers, on voit Zens assis
tenant l'aigle et le sceptre, ou bien Athéna Alkis debout,
brandissant le foudre et se couvrant de son bouclier. Sur la
plupart de ces remarquables pièces, on lit le nom d'Alexandre
au génitif; mais quelques-unes portent AAESAN-
APËION nTOAEMAIOT, c.-à-d. Alexandreion de
Ptolémée, ce mot Alexandreion étant le nom donné à cette
espèce de monnaie. — Devenu roi, Ptolémée P' Soter fil
frapper des monnaies qui portent d'un côté son effigie, et
de l'autre l'aigle sur un foudre, avec la légende BASI-
AEQS nTOAEMAIOT. Ces types se perpétuèrent,
en concurrence avec quelques autres, sur la monnaie
des Lagides jusqu'à l'établissement de la domination ro-
maine, sans qu'il soit possible de répartir ces pièces entre
les différents princes qui les ont fait frapper. Il en est de
EGYPTE
— 700 —
même des monnaies de bronze de tous modules qui portent
au droit la tête de Zeus Aramon, et au revers, la même
Monnaie d'or de Ptolémée !«'■ Soter, roi d'Egypte.
légende impersonnelle autour de l'aigle debout sur un
foudre. Ces pièces égyptiennes sont peut-être les plus com-
munes de la numismatique grecque, tant a été abondante
leur émission. Les
plus grandes sont
d'énormes disques
de bronze qui pèsent
jusqu'à 80 gr. avec
un diamètre de
45 millim.
Parmi les autres
types de la série des
monnaies des rois
lagides, il faut citer
les grandes pièces
d'or avec la lé-
gende AAEA<Ï>QN
6EDN représen-
tant d'un côté les têtes
de Ptolémée II Philadelphe et d'Arsinoé II, et de l'autre les
têtes déifiées de Ptolémée Soter et de Bérénice P«. D'autres
pièces d'or, qui font la joie des collectionneurs, représen-
tent les effigies des rois et reines d'Egypte jusqu'à Pto-
lémée V Epîphane, époque où le monnayage de l'or disparaît
dans la série égyptienne. Les monnaies d'argent de ces
Monnaie de bronze de l'Egypte sous les Lagides (demi-grandeur).
Monnaie d'or d'Arsinoé Philopator, reine d'Egypte.
mêmes princes ne sont pas moins remarquables que les
monnaies d'or. On en cite qui ont des dimensions inusitées,
par exemple un octodrachme de Bérénice II qui a un mo-
dule de 35 millim. et pèse près de 35 gr. La plupart de
ces magnifiques pièces d'or et d'argent ont, au revers, la
corne ou la double corne d'abondance, type qui, avec l'aigle
ou le double aigle, est exclusif sur les monnaies de la dy-
nastie, jusqu'à Cléopâtre VII qui, sur ses monnaies d'argent
et de bronze, associe l'effigie de Marc-Antoine à la sienne.
On a découvert en 1886 une petite monnaie de bronze
portant, à côté de la tête d'Aphrodite, la légende NAT,
qui parait désigner la ville de Naucratis. Mais, à cette excep-
tion près, on peut dire que la seule ville d'Egypte dont le
nom paraisse sur les monnaies est Alexandrie. La série
numismatique de cette puissante ville consiste en pièces de
bas argent et de bronze, épaisses, d'aspect rugueux et
souvent grossier, qui ont été frappées en quantités énormes,
à l'effigie des empereurs romains, depuis Auguste jusqu'à
l'usurpateur romain Domitius Domitianus en l'an 296 de
notre ère. Cette suite renferme quelques noms d'usurpa-
teurs qui n'ont pas régné à Rome, mais seulement en
Orient. Ce qui la rend surtout intéressante pour les histo-
riens et les archéologues, c'est que toutes les pièces portent
des dates, secours précieux pour la chronologie; c'est,
en outre, que les types du revers sont extrêmement variés
et se trouvent exphqués par la légende qui les accompagne.
Les principales divinités représentées, souvent avec leurs
noms, sont Cronos, Zeus, Héra, Apollon, Isis, Sérapis,
Artémis, Athéna, Ares, Déméter, Perséphone, Poséidon,
Héraclès, Dionysos, Hermès, Hélios, Séléné, les Dioscures,
Triptolème, Harpocrate, Asclépios et Hygie, Tyché, Niké,
Eos, Orphée, Anubis, Persée et Andromède, Orphée,
Paris, l'Océan, le Nil, Rome, Alexandrie, le Peuple,
l'Arménie, Antinous, la Paix, l'Equité, l'Espérance, la
Liberté, les Bonœ nuptiœ, l'Abondance, la Concorde, la
Providence, la Monnaie, la tête d'Isis sur un vase cano-
pique, etc. En outre, la plupart de ces divinités y
figurent en action dans les principales phases de leurs
mythes. Nous y voyons, par exemple, Apollon Didyméen
entre les deux Némé-
sis ; Déméter accom-
pagnée des Dioscures,
Anubis avec ses di-
vers attributs; les di-
vers exploits d'Héra-
clès contre le lion
néméen, l'hydre de
Lerne, le sanglier
d'Erymanthe,les éta-
bles d'Augias, les
bœufs de Géryon, le
taureau crétois, les
oiseaux de Stym-
phale, le jardin des
Hespérides, le cen-
taure Chiron, Cerbère, Antée, la reine des Amazones, le
monstre anguipède Echidna, etc. Nous voyons des types as-
tronomiques, tels que le Phénix avec l'inscription AI QN,
le Zodiaque, Jupiter ou Vénus dans le signe du Taureau,
le soleil dans le signe du Lion, Vénus dans la Balance ou
dans les Gémeaux, Mars dans le Scorpion, Saturne dans le
Monnaie en bronze d'Alexandrie, de l'an onzième de
l'empereur Adrien.
Capricorne ou dans le Verseau, etc. : ces types astrono-
miques ont tous été frappés dans la huitième année du
règne d'Antonin le Pieux. Les animaux qui vivent sur les
bords du Nil, le serpent, le crocodile, l'hippopotame, le
rhinocéros, l'ibis, l'aigle, ou divers attributs symboliques
des dieux égyptiens, forment aussi des types intéressants
et variés dans la numismatique alexandrine.
Une autre suite monétaire égyptienne non moins inté-
ressante que la précédente, mais peu nombreuse, est cons-
tituée par les monnaies des nomes. Il existe en effet
des pièces de bronze
frappées sous l'empire
romain, sur lesquelles se
trouvent inscrits les noms
des différents nomes ou
divisions administratives
de TEgypte, et ces noms
sont accompagnés d'une
représentation de la divinité spécialement adorée dans cha-
cune de ces petites provinces. Ces pièces paraissent avoir
été toutes frappées à Alexandrie pendant une période de
cinquante-quatre ans, mais à plusieurs intervalles ; on en
a de la onzième année de Domitien, de la douzième jusqu'à
Monnaie en bronze du nome
égyptien Cynopolite.
701 —
EGYPTE
la seizième année de Trajan, de la onzième d'Adrien et
de la huitième d'Antonin le Pieux. Ces monnaies sont
du plus haut intérêt pour la géographie et l'histoire des
eultes locaux en Egypte sous les Romains. E. Bàbelon.
Histoire de l'art (V. Art, Art décoratif, Architec-
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même, Die Géographie un Verwaltung von Aegypten;
ibid., 1879. — Djabartî, Adjâïb el-Açâr; Boalâq, 1297 de
I'Hég. (1880). — Wûstenfeld, Geschichte der Fatimiden-
Chalifen; Gôttingue, 1881. — Soyoùtî, Housn el-Mouhâ-
dara; Caire, 1299 de I'Hég. (1882). — B. Girard, VEgypte
en 1882; Paris, 1883. — Colonel Hennebert, les Anglais
en Egypte, V Angleterre et le Mahdî; Paris, 1884. — Ali
Pacha Moubârek, Kitâb el-Khitat et-Tewfihîya el-Dja-
dlda; Boùlâq, 1306 de I'Hég. (1888). — E. Plauchut,
l'Egypte et l'Occupation anglaise ; Paris^ 1889.
Expédition d'Egypte. — Berthier, Relation des cam-
pagnes du général Bonaparte en Egypte et en Syrie;
Paris, an VII, in-8. — Mémoires sur l'Egypte publiés pen-
dant les campagnes du général Bonaparte; Paris, an IX,
4 vol. in-8. — Pièces diverses et correspondance relatives
aux opérations de l'armée française en Orient; Paris,
an IX, in-8. — Campagnes d'Egypte et de Syrie fmém.
dictés à Sainte-Hélène et publ. par les fils du général Ber-
trand) ; Paris, 1847, 2 vol. in-8. — Mémoires pour servir à
l'histoire de France sous le règne de Napoléon, écrits à
Sainte-Hélène par les généraux qui ont partagé sa cap-
tivité^ t. IV et V. — Expédition d'Egypte et de Syrie ;
Paris, 1830, 9 vol. in-8, 2 éd. — Galland, Tableau de
VEgypte pendant le séjour de l'armée française ; Paris,
1804, 2 vol. in-8. — Conquêtes des Français en Egypte ;
Paris, an VII, in-8. — Miot, Mémoires pour servir à
l'histoire des expéditions d'Egypte et de Syrie ; Paris,
1804, in-8. — Ader, Histoire de l'expédition d'Egypte et
de Syrie ; Paris, 1826. — Raybaud, Histoire scientifique
et militaire de l'expédition française en Egypte ; Paris,
1830-1836, 9 vol. — Scheidawind, Geschichte der Expé-
dition der Franzosen nach /Egypten; Deux-Ponts, 1830,
3 vol. — BouLAY de La Meurtre, le Directoire et
l'Expédition d'Egypte ; Paris, 1885, in-12. — La Décade
égyptienne ; Le Caire, ans VII et VIII, 3 vol. in-4. —
Le Courrier de VEgypte ; Le Caire, ans VII à IX, in-4.
Numismatique. — F. Feuardent, Numismastique de
VEgypte ancienne^ 1870, in-8. — Du même, Monnaies de
VEgypte sous la domination romaine, 1873, in-8. — A. de
Longpérier, Œuvres^ t. III, pp. 311 et suiv. — R. Stuart-
PooLÉ, The Ptolemies {Catalogue des monnaies du
Musée britannique). — B. Haed, Historia num,orum,
pp. 711 à 724.
ÉGYPTIEN (Ordre) (V. Ordre).
ÉGYPTIENNE (Typogr . ) . Genre de caractères gras dont on
se sert pour les titres, les sous-titres, les divisions des cha-
pitres, etc. Voici un exemple d'égyptiennes grandes capitales
et bas de casse : GRANDE ENCYCLOPÉDIE, Paris. On a
parfois imprimé des ouvrages entiers en égyptiennes.
EHINGEN-AN-DER-Dox\Au. Ville d'Allemagne, roy. de
Wurttemberg, cercle du Danube, au S. de l'Albe, sur la
S'mieche, près du Danube; 4,000 liab. Horlogerie, bras-
serie, etc.
EHLERT (Louis), pianiste, compositeur et critique mu-
sical allemand, né à Kœnigsberg le 43 janv. 4825, mort
à Wiesbaden le 4 janv. 4884. Il fut élève du Conservatoire
de Leipzig, où il travailla sous la direction de Finck. Ses
compositions principales sont des symphonies, surtout la
Symphonie du printemps, une Sonate romantique
assez connue, une autre sonate pour piano, un allegro
concertant pour piano, violon et violoncelle, des liecler,
des ouvertures, etc. Sa musique, surtout ses pièces de
piano, révèlent la très grande influence de Schumann.
Comme écrivain, Ehlert a donné de nombreux articles dans
la Nouvelle Gazette musicale de Berlin, mais il s'est
acquis une réputation d'esprit et d'ingéniosité critique par
la publication d'un petit volume intitulé Briefe ûber Musik
an eine Freundin (Berlin, 4850; 3« édit., 4879; trad.
en franc, par J. Grenier, 4878). On lui doit encore :
Rômische Tage (4867) et Ans der Tonwelt, Essays
(1877-84, 2 vol.). En 4874, de concert avec Tausig,
Ehlert a fondé à Berlin un cours supérieur de musique pour
le piano. A. Ernst.
EHN (L'). Rivière de la Basse-Alsace. Elle a sa source
au N.-O. du mont Sainte-Odile, alimente plusieurs scieries
et les différents établissements métallurgiques de Klingen-
thal, traverse la ville d'Obernai iOberehnfieim), prend le
nom d'Ergers {Argen%a, 834) dans son cours inférieur et
se jette dans l'Ill près de Geispolsheim .
EHNIN6EN (Wurttemberg) (V. Eningen).
EHNINGER (John-Welton), peintre, né à New-York en
4827. Ehninger reçut ses premières leçons au « Colombia
Collège », et, en 4847, vint à Paris où il étudia pendant deux
ans chez Couture. Il alla ensuite à Dusseldorf. On cite de
lui : le portrait de Pierre Stuyvesant (4850), les illustra-
tions de Miles Standish deLongfellow (4858), etc.
EHOUD (V. Aod).
EH RANG. Bourg d'Allemagne, roy. de Prusse, district
de Trêves (province rhénane) \ 2,200 hab. Etablissements
métallurgiques de Quint.
EHRENBERG. Ancienne forteresse de la frontière sep-
tentrionale du Tirol, commandant le défilé d' Ehrenberg , par
lequel on passe de Fussen à la vallée supérieure de l'Inn. Le
fort fut enlevé par Maurice de Saxe-Weimar le 49 mai 4552,
et c'est à la suite de ce coup de main qu'il faillit prendre
Charles-Quint à Innsbruck. En 4634, Bernard de Saxe-
Weimar y échoua ; les Bavarois le prirent en 4703 ; il fut
rasé à la fin du xvni^ siècle.
EHRENBERG (Friedrich), théologien allemand évan-
gélique, né à Elberfeld le 6 déc. 4776, mort à Berlin le
8 déc. 4852. H fut prédicateur à Plettenberg (1798),
Iserlohn (4803), Berlin (4806) et devint prédicateur de la
cour de Prusse (4834). Il s'est surtout occupé des femmes
et a publié entre autres : Weiblicher Sinn und lueibli-
ches Leben (Berlin, 4809 ; ¥ éd., 4864, 2 vol.) ; Reden
an Gebildete aus dem iveiblichen Geschlecht (Elberfeld,
4804 ; 5« éd., Iserlohn, 4853) ; Andachtsbuch fur Gebil-
dete des iveiblichen GesMechts (Leipzig, 1846, 2 vol.:
7« éd., 4856).
EHRENBERG (Christian-Gottfried), naturaliste et mi-
crographe allemand, né à Delitsch le 49 avr. 4795, mort
à Berlin le 27 juin 4876. Il étudia à Leipzig et à Berlin
et, ses études terminées, fut envoyé à Kônigsberg pour
suppléer le botaniste Schweigger. Il fut chargé en 4820
d'accompagner le général de Minutoli dans une mission
en Egypte ; ses neuf compagnons périrent successivement
et il revint seul, en 4825, rapportant quatre-vingt mille
échantillons de plantes ou d'animaux. En 4827, il devint
membre de l'Académie des sciences de Berlin et professeur
extraordinaire de médecine à l'Université; en 4829, de
Humboldt se l'adjoignit pour une exploration de l'Oural,
de la Sibérie et de l'Altaï. Nommé professeur ordinaire de
médecine à Berlin en 1839, il devint en 4842 secrétaire
perpétuel de l'Académie des sciences. De 4828 à 4836,
Ehrenberg pubha une série d'ouvrages relatifs à son
voyage en Egypte et sur le littoral de la mer Rouge. Depuis
lors, il porta son attention en particulier sur les animal-
cules microscopiques ; de là, depuis 4830, une série
d'ouvrages sur les infusoires, dont le plus important a
pour titre Die Infusionsthierchen als vollkommene
Organismen, etc. (Leipzig, 4838, pi.); il étendit ses
recherches aux terrains et aux roches et en trouva un
grand nombre formés de carapaces siliceuses ou calcaires
d'infusoires, de spicules de spongiaires, etc. ; parmi les
nombreux ouvrages qu'il a publiés sur ce sujet depuis
4837, le plus remarquable est Mikrogeologische Stu^
dien (Leipzig, 4854-76, pL). Enfin, il a étudié également
les poussières aériennes et, entre autres, a mis au jour
Uebersicht der seit i847 fortges, Untersuch. ûber das
703 -
EHRENBERG -- EHRENSTRÂLE
von der Atmosphâre unsichtbar getragene reiche orga-
nisclie Leben (Berlin, 1871-72). Ehrenberg est le premier
qui démontra que la phosphorescence de la mer est due à
la présence d'animalcules, Das Leuchten des Meeres
(Berlin, 1834). Ces études sur les animaux inférieurs ont
puissamment contribué à faire mieux connaître l'ancien
embranchement des zoophytes. D^ L. Hn.
EHRENBERGER, écrivain tchèque, né aux environs de
Chrudim en 1815, mort à Prague en 1882.11 devint prêtre
en 1841 et se fit remarquer par son talent de prédicateur ;
il a publié des nouvelles et des études historiques dans la
Revue du musée de Prague. Ses œuvres complètes fort
nombreuses ont été réunies à Prague en 1875-76. C'est
l'un des écrivains les plus populaires de la littérature
tchèque au xix® siècle. L. L.
EH RENBRElTSTElN.Villed'Allemagne,roy. de Prusse,
district de Coblentz (province rhénane), sur la rive droite
du Rhin, en face de l'embouchure de la Moselle et de la
ville de Coblentz, au pied d'un rocher (1 75 m. au-dessus du
niveau de la mer) qui porte la forteresse d'Ehrenbreitstein.
La population de la ville est exclusivement militaire. Deux
ponts la relient à Coblentz (V. ce mot). Le rocher domine
le Rhin de 118 m. ; il est coupé abruptement au S. et au
S.-O. et entouré d'ouvrages puissants, un triple étage de
casemates et batteries ; au S. est le fort à'Asterstein sur
une colline voisine. Ehrenbreitstein fut fortifié par l'em-
pereur romain Julien, occupé par la famille Erembert, acquis
en 1153 par l'archevêque Hiblin de Trêves qui en accrut
les fortifications (1153). Elles furent renouvelées par ses
successeurs vers 1280 et en 1481. Les Français occupèrent
Ehrenbreitstein de 1631 à 1637, les Autrichiens de 1637
à 1650, Les fortifications furent rebâties en 1672. Les
Français en furent maîtres de 1749 à 1762, les attaquèrent
en 1688, 1795, 1796, 1797 ; ils s'en emparèrent en
janv. 1799 et les démantelèrent. La Prusse fortifia de
nouveau cette position (18i6-26), une des plus impor-
tantes de l'Allemagne ; en 1856, fut bâtie la tour
Louise à rO.
EHRENFELD. Ville d'Allemagne, roy. de Prusse, dis-
trict de Cologne; 14,886 hab. (en 1880) ; c'est un fau-
bourg manufacturier de Coloene qui grandit rapidement.
EHRENFEUCHTER (Friedrich-August-Eduard), théo-
logien allemand, né à Leopoldshaven, près de Karlsruhe, en
1814, mort à Gôttingue le 20 mars 1878. Il fut professeur
de théologie à Gôttingue depuis 1845, et enseigna surtout
la théologie pratique. Ses principaux ouvrages furent :
Théorie des christlichen Kultus (Hambourg, 1840) ;
Geschichte des Katechismus (Gôttingue, 1857) ; Bie
praktische Théologie (Gôttingue, 1859); Christenthum
und moderne Weltanschauung (1876). C. P.
EHRENFRIEDERSDORF. Ville d'Allemagne, roy. de
Saxe, cercle de Zwickau, dans l'Erzgebirge (près du Grei-
fenstein) ; 4,000 hab. ; les mines sont presque aban-
données ; la passementerie et la cordonnerie sont floris-
santes. Eglise de l'an 1300.
EHRENGRANAT (Claes-Adam) , hippologiste suédois, né
à Stockholm le 4 nov. 1781, mort le 21 févr. 1842. Ecuyer
de Charles XIII (1814), directeur du haras de Flyinge
(1814-1837) et écuyer de la cour (1829), il passe pour
avoir été le meilleur maître d'équitation en Suède. Ses
ouvrages sur la matière sont fort estimés ; les principaux
sont : les Mouveme7its du cheval (Lund, 1818, in-fol.);
l'Ecole d'équitation (1836). B-s.
EH R EN H El M (Fredrik-Vilhelm, baron von), homme
d'Etat et physicien suédois, né à Broby (Sœdermanland)
le 29 juin 1753, mort à Stockholm le 2 août 1828. Il fut
chargé d'affaires à Dresde (1787), à Copenhague (1790),
ministre des affaires étrangères (1797), président de la
chancellerie (1801). Ces hautes fonctions, qui d'ailleurs
lui donnaient peu d'influence sous un monarque capricieux
comme Gustave IV, ne l'enrichirent pas et, après la révo-
lution de 1809, il se retira dans un petit domaine en
Smâland. Ses rapports brillent par le style et ses écrits
scientifiques par la clarté. Le plus étendu de ceux-ci est le
Recueil de physique générale (Stockholm, 1822). Il
pubha Tessin et Tessiniana, biographie et anecdotes
tirées des manuscrits du célèbre riksrâd. B-s.
EHRENSTRAHL (David Klœker, anobU en 1674 sous
le nom de Kloecker von), célèbre peintre suédois, né à
Hambourg le 23 sept. 1629, mort à Stockholm le 23 oct.
1698. Entré comme copiste à la chancellerie suédoise
(1646), il assista à la conclusion des traités de West-
phahe (1648). Il s'exerçait dès lors à la peinture qu'il
alla étudier à Amsterdam sous Juriaen Jacobsz, et son
premier tableau est de 1651. Son portrait de C,-G. Wran-
gel (1652) servit de modèle pour une statue équestre en
bronze par J. Falck (1655). Pour l'attacher à la Suède,
la reine Maria-Eleonora le fit voyager d'abord dans ce
royaume (1653), ensuite en Allemagne (1654) et en Italie
où il resta jusqu'en 1661. Ayant eu pour maîtres J. San-
drart à Nuremberg et P. de Cortone, il Tétait devenu lui-
même et il fut nommé portraitiste du roi Charles XI (déc.
1661), puis intendant de la cour (1690). Par ses talents
variés et sa fécondité artistique qui lui valurent honneurs
et richesse, il exerça une grande influence sur le dévelop-
pement de l'art en Suède, où il fit école, ayant eu pour
disciples L. Weyandt, M. Dahl, D. von Kraff't, M. Han-
nibal, Chr. Thomas, H.-G. Muller, Elias Brenner,
E. Utterhielm, A. von Behn, la reine Ulrika-Eleonora et
sa fille, Anna-Maria Ehrenstrahl (née en 1666, mariée en
1688 à J. Wattrang, f 1724 comme vice-président de la
cour de Svea) qui réunit à Sandemar une nombreuse col-
lections d'œuvres de son père avec les siennes. Malheu-
reusement, il manquait d'originafité et il peignit plutôt
selon les conventions que d'après la nature ; aussi, à part
les portraits qu'il fallait bien faire ressemblants, les ta-
bleaux de ce contemporain de la grandeur de la Suède
n'ont-ils pas toute la valeur historique qui les rendrait si
précieux. Parmi ses principales œuvres, dont beaucoup se
distinguent par l'arrangement, les effets de lumière, l'har-
monie des couleurs, on cite : le grand plafond de la salle
de réunion de la noblesse (1669-1674), qui représente les
Vertus tenant conseil ; les plafonds et peintures murales
du château de Drottningholm (1670-1693) où les allégo-
ries sont plus froides et moins transparentes ; V Histoire
de Disa^ représentée sur les murs du château de Venn-
garn et qui ne sont plus connues que par des gravures ;
le Couronnement de Charles XI (1676) ; celui d' Ulrika-
Eleonora; le Crucifiement (1695) ; le Jugement der-
nier (1696), toile colossale pour la chapelle du palais
royal à Stockholm ; le magistral portrait de Charles XI ;
celui d'Erik Dahlberg ; ceux de nombreux membres du
conseil et de généraux; des figures de chevaux et de chiens.
Beaucoup de ses tableaux ont été gravés par G.-C. Eimmart,
à qui l'on doit le Certamen équestre ou tournoi, à l'oc-
casion du couronnement de Charles XI (en 62 feuilles,
1686, avec texte allemand et latin), par J. SanSrart, Van
Aveelen, Padtbrugge, Boulanger, Edelinck, Schenck, Van
Mùnnickhuysen et Van Schuppen. L'Académie suédoise fit
frapper une médaille en son honneur (1808) et son éloge
fut prononcé par Nordin dans Svenska Academiens
handlingar (1819, t. V). Beauvois.
EHRENSTRÂLE (David Nehrman, anobli en 1746 sous
le nom de), juriste suédois, né à Malmœle 14 juil. 1695,
mort à Saeby (Smâland) le 6 mai 1769. Après avoir étu-
dié le droit à Lund, à Halle et en Hollande, il fut audi-
teur à la cour de Gœta (1717), puis professeur de droit à
Lund (1720-1753). Aussi profond que clair, il fut le pre-
mier qui interpréta avec autorité la législation de la période
parlementaire. Il avait écrit sur toutes les matières de son
enseignement, et ses manuscrits sont conservés, quoique
sa riche bibliothèque ait péri dans un incendie en 1752. Il
publia ; Introduction à la jurisprudence civile (Lund,
1729, in-4); à la procédure civile (ibid,, 1732; nouv.
édit. ; Upsala, 1751 et 1759) ; à la procédure crimi-
nelle (Stockholm, 1756, in-4); le Droit civil de la Suède
EHRENSTRÂLE - EHRENSV^RD
— 704 —
(ibid,, 1746); Leçons sur le titre du mariage (ibid.,
4747) ; sur les successions (Upssih, 4752), plus vingt-sept
dissertations (1719-1752) et cinq programmes. B-s.
EHRENSTRŒM (Johan-Albrekt), homme politique et
mémorialiste finno-suédois, né à Helsingfors le 28 août
1762, mort le 15 avr. 1847. Après avoir été chargé par
Gustave III d'une mission secrète en Livonie et en Estho-
nie (1787), il devint second secrétaire au cabinet de la
correspondance étrangère (1788), puis secrétaire d'am-
bassade et fut, en cette qualité, l'un des signataires du
traité de Verelse (1790). Il suivit le roi à Aix-la-Chapelle
(1791) et il avait devant lui les plus brillantes perspec-
tives, bientôt assombries par la mort tragique du mo-
narque (1792). Mis à la retraite, il complota avec Armfelt
et Aminoff le renversement de la régence et son remplace-
ment par les derniers conseillers de Gustave III. Leur
correspondance avant été saisie (déc. 1793), il fut con-
damné à mort (22 sept. 1794), mais gracié sur l'échafaud
(8 oct.) et mis en liberté à la majorité de Gustave^ IV
(1796), puis réhabilité (1800) et même nommé conseiller
d'Etat (1809). Après la séparation de la Finlande, il s'y
fixa, devint président de la commission des travaux publics
à Helsingfors (1812-1818), membre du sénat (1820-
1825). Une partie de ses intéressantes lettres à G. Adles-
parre (1811-1824) furent publiées par celui-ci dans
Handlingar rœrande Sveriges historia (Stockholm,
1833, t. IX) . Ses Notes historiques, qui ne devaient paraître
que vingt-cinq ans après sa mort, ont été éditées par
S.-J. Boëthius (1882-83). Beauvois.
EHRENSTRŒM (Marianne-Maximiliana-Christina-Lo-
visa PoLLET, dame), femme de lettres suédoise, née à
Deux-Ponts le 9 déc. 1773, morte à Stockholm le 4 janv.
1867. Demoiselle d'honneur de la reine douairière Sofia-
Magdalena (1792), elle fut mariée (1803) au général Nils-
Fre'drik Ehrenstrœm (f 1816), frère du précédent, et,
pendant que son mari commandait à Gœteborg, elle donna
l'hospitalité aux Bourbons exilés. Elle tint une école à
Stockholm de 1815 à 1831. Ses talents variés la firent
appeler la Corinne de la Suède. Elle était membre de
l'Académie de musique (1799) et de celle des beaux-arts
(1800), mais son esprit et ses grâces la firent mieux
apprécier de ses contemporains que ne la recommandent à
la postérité ses tableaux et ses Notices sur la littérature
et les beaux-arts en Suède (Stockholm, 1826) et sa
Notice sur M. de Léopold (ibid., 1833), toutes deux en
français. Des Souvenirs, tirés de ses Mémoires et de ses
Notes sur les contemporains, ont été publiés par
A. Ahnfelt dans Ur svenska ho f vêts och aristokratiens
lif (1880). Beauvois.
EHRENSY>€RD (Augustin, comte), général et grand
organisateur suédois, né à Fullerœ (Vestmanland) le
25 sept. 1710, mort à Saris (laen d'Abo) le 4 oct. 1772.
Engagé dans l'artillerie (1726), il devint lieutenant en
1734 et il inventa une Manière de tirer et de lancer les
projectiM (SiookhoXm, 1741) avec plus de précision et
de force. Il fit comme capitaine la guerre de 1741-42.
En qualité de lieutenant-colonel (1747), de général de
brigade (1756) et de membre influent de la Chambre des
nobles, il prit une part importante aux mesures de défense,
fut chargé de fortifier Sveaborg (1749) et créa la flottille
côtière (1756), si bien appropriée pour être utilisée dans
les récifs qui bordent la Finlande, où elle pouvait servir
d'auxiliaire tout à la fois à la grande flotte et à l'armée.
Ses travaux furent interrompus par la guerre de Pomé-
ranie (1757-62), où il commanda d'abord en second. Il
devint lieutenant général (1759) et, après s'être remis
d'une blessure reçue à Passevalk (1760), fut nommé
général en chef (1761), mais un excellent plan d'opéra-
tions qu'il avait soumis au comité secret dut être rejeté,
faute de ressources, et la paix fut conclue. Les Bonnets
ayant eu le dessus dans les luttes parlementaires, il fut
mis à l'écart (1766) jusqu'au triomphe des Chapeaux
(Hattarne) en 1770. Baronnisé en 1764, comtifié en
1771, il fut nommé feld-maréclial en 1772. Tel était son
patriotique désintéressement qu'après avoir manié des
millions il mourut pauvre. Ses restes furent transférés au
milieu de ses belles créations, à Sveaborg, par ordre de Gus-
tave m, qui lui fit élever un monument. Il était aussi poète,
peintre et graveur. L'Académie des sciences de Stockholm,
dont il fut membre (1738), secrétaire (1740) et président
(1742-43), fit frapper une médaille en son honneur et
prononcer son éloge par Fr. Wsern (1876). Beauvois.
EHRENSV>tRD (Carl-August, comte), amiral, esthé-
ticien et dessinateur suédois, fils du précédent, né le
o mai 1745, mort à (Erebro le 21 mai 1800. Inscrit
comme cadet dès l'âge de huit ans, il devint, en 1761,
lieutenant sur la flottille côtière, fit la guerre de Poméranie
(1761-62), visita Brest et d'autres ports français (1768),
fit un voyage en Italie (1780-82) dont il a donné la rela-
tion (Stockholm, 1786,in-4).Du grade de colonel (1777),
il passa à celui de grand amiral (1784), continua les for-
tifications de Karlskrona et mit la flotte en état de prendre
une part honorable à la guerre de 1788. Il fut moins heu-
reux comme chef de la' flottille côtière (1789), qui fut
détruite à Svensksund (24 août), mais on attribua ce
désastre à l'intervention de Gustave III qui prit d'ailleurs
une éclatante revanche au même lieu les 9 et 10 juil.
1790. Mécontent du roi, il se fit relever de son comman-
dement et ne le reprit que comme membre du conseil de
régence (sept. 1792 à nov. 1794). Dans ses loisirs, il
cultiva les lettres et le dessin, non pas en simple ama-
teur, mais en véritable penseur et en habile artiste. Sa
Philosophie des beaux-arts (Stockholm, 1786), où il
montre trop de partialité pour l'antique, ne se distingue
pas autant par la clarté que par la profondeur et l'origi-
nalité. Les mêmes qualités se retrouvent dans ses rapports
sur le système administratif à Karlskrona et dans l'ami-
rauté (dans Revue maritime suédoise, 1840) et dans
son Mémorandum adressé à Gustave III. Ses Ecrits, pu-
bliés à Strengnœs (1816) et à Stockholm (1837) ont été
réédités par C. Eichhorn (Stockholm, 1866) avec une
notice biographique. Ses deux albums de caricatures sur
l'histoire de Suède étaient regardés par J.-G. Oxenstierna
comme une œuvre de génie. Beauvois.
BiBL. : Franzén, Eloge, dans Svenska Akademiens
handlingar, 1833, t. XV. — Atterbom, Siare och skalder,
t. I. — B. von Beskow, Not., dans Vitterhets-historie-
och antiq. Akademiens ^handlingar, 1841, t. XVI. —
Ljunggren, Sur la Philos. d'Ehrensvserd, dans Sv. Akad.
handl, 1857, t. XXIX, et 1871, t. XLVI. — A. Nybl^us,
Den filosofiska forskningen i Sverige, 1873, t. I.
EHRENSV>€RD (Gustaf-Johan, baron), mémorialiste
suédois, cousin du précédent, né le 20 févr. 1746, mort à
Berlin le 24 févr. 1783. Enrôlé dès l'âge de sept ans et
enseigne sur la flottiUe côtière dès 1762, il fut chambel-
lan (1767-1780) de Gustave III qu'il suivit dans ses
voyages en 1770-71, et cumula avec ces fonctions celles
de directeur du théâtre royal (1773-76). Penchant vers
l'opposition, il fut nommé ministre à La Haye (1780) et
termina sa carrière diplomatique en Prusse, où il était
passé en 1782. Imbu du sentimentalisme de Roiisseau, il
déclama souvent contre la vie des cours quoiqu'il brillât
à celle de Gustave III, dont il était estimé. Le journal qu'il
tint en 1770, puis de mai à oct. 1776 et de juil. 1779 à
juil. 1780, est aussi remarquable comme œuvre littéraire
que précieux comme source historique. Connu depuis long-
temps par des extraits, il a été publié en entier par
E.-V. Montan, Dagboksanteckningar fœrda vid Gus-
taf III s hof (Stockholm, 1777-78, 2 vol. in-8), avec
son rapport sur V Origine du théâtre suédois, Beauvois.
EHRENSV/ERD-Gyllembourg (Carl-Fredrik), homme
politique et pubHciste suédois, frère consanguin du précé-
dent, né le 7 janv. 1767, mort à Copenhague en 1815. Il
était lieutenant d'artillerie lorsqu'il fut condamné à mort
pour compHcité non active dans l'assassinat de Gustave III
(1792). A la demande de ce monarque, la peine fut com-
muée en bannissement et à la perte de la noblesse. Il se
705
EHRENSV.ERD - EIIRSTROEM
retira en Danemark, et le nom de sa mère (Gyllenborg),
qu'il ajouta au sien, fut illustré sous sa forme francisée
(Gyllembourg) par Th. Chr. Buntzen, femme divorcée de
P. -A. Ileiberg et mère du célèbre J.-L. Heiberg, qu'il
épousa en 1801. Il écrivit en faveur de l'union pacifique
des trois Etats Scandinaves une brochure qui fut répandue
en Skanie par des ballons non montés (1808-1809). Il
traita aussi en danois des questions politiques et d'économie
rurale. B-s.
EHRHARDT (Karl-Ludwig-Adolf), peintre allemand,
né à Berhn le 21 nov. 1813. Il a été, à Dusseldorf, élève de
Schadow, est établi à Dresde depuis 1836 et professe à
l'Académie des beaux-arts depuis 1846. Il a travaillé à la
décoration murale de la salle du Trône et à la galerie des
Fêtes du château royal et a peint un grand nombre de
tableaux d'histoire et de piété, ainsi que quelques portraits.
Ses œuvres principales sont les trois peintures murales
de la grande salle du lycée de Bautzen, représentant l'his-
toire des sciences.
EH RHART (Frédéric), botaniste suisse, né à Holderbank
(Argovie) en 1742, mort en 1793. Fils d'un pasteur, il
prit goût tout jeune à l'histoire naturelle, et le grand Hal-
1er voulut en faire son bibliothécaire, mais il refusa pour
ne pas abandonner son père malade. Plus tard, il étudia la
pharmacie et la botanique à Nuremberg, Erlangen, Hanovre
et Upsal, où il suivit les leçons des deux Linné. Il passa le
reste de sa vie dans le Hanovre, où il fut chargé parle gou-
vernement de dresser la flore du pays. On lui doit, outre la
flore hanovrienne, qui n'a pas été publiée, le Supplemen-
tum plantarum de Linné jeune, sept volumes de Supplé-
ments à Vhistoire naturelle^ et cent vingt-six « décades »
de ses précieux herbiers. Le nom iVEhrharta a été donné
à un genre de la famille des Graminées. E. K.
EHRIVIANN (Marianne, née Brentano), polygraphe
suisse, née à Rapperschwyî le 25 nov. 1755, morte à Stutt-
gart le 14 août 1795. Elle dirigeait avec succès dans sa
ville natale un pensionnat de jeunes filles lorsqu'elle épousa
un homme qui dissipa promptement sa petite fortune. Elle
partit alors pour Vienne, qu'elle quitta sous le nom de
Sternheim pour courir l'Allemagne comme comédienne.
Remariée à Strasbourg avec le géographe Ehrmann, elle
alla habiter Stuttgart. De nouveaux malheurs conjugaux
l'engagèrent à embrasser la carrière des lettres, où elle se
fit un nom. La plupart de ses ouvrages sont consacrés à
l'éducation des femmes : d'une pensée sage, d'une morale
pure et douce, d'un style excellent, ils ne laissent rien devi-
ner de la vie accidentée de leur auteur. Citons entre autres :
Heures de loisir d'une dame, Philosophie d'une femme,
Heures de récréation d'Amélie, journal périodique rem-
placé par la Solitaire des Alpes, Légèreté et bon cœur,
le Comte Bilding, etc. E. K.
EHRIVIANN (Jean-François), homme politique français,
né à Strasbourg le 12 mars 1757, mort à une date que
nous ignorons. Avocat à Strasbourg, juge au tribunal de
cette ville, il fut élu le 8 sept. 1792 député suppléant du
Bas-Rhin à la Convention. Il fut immédiatement appelé à
siéger, par suite du refus de Jean Bertrand, ne prit aucune
part au jugement du roi pour cause de maladie et remplit
des missions aux armées de Rhin-et-Moselle. Il fut, dans
l'Assemblée, un partisan de la réforme judiciaire dans un
sens économique et prit part aux discussions sur l'Ecole
normale, le code civil, la déclaration des droits, l'organisa-
tion judiciaire, etc. Le 23 vendémiaire an IV, il fut nommé
député du Bas-Rhin au conseil des Cinq-Cents où il s'oc-
cupa activement des questions d'enseignement. En 1799,
il fut nommé juge au tribunal d'appel de Colmar et devint
en 1811 conseiller à la cour impériale de cette ville. Il fut
destitué par la Restauration.
EHRIVIANN (Les). Famille de médecins alsaciens dont
plusieurs furent professeurs à l'université de Strasbourg.
Le plus éminent a été Charles- Henri Ehrmann, anato-
miste et chirurgien, né à Strasbourg le 15 sept. 1792, mort
à Strasbourg le 19 juin 1878. K servit dans l'armée en
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
1813 et 1814, fut reçu chef des travaux anatomiques à la
faculté de Strasbourg en 1822, nommé professeur d'ana-
tomie et de clinique chirurgicale en 1826, médecin accou-
cheur en chef des hospices civils en 1837, et organisa
l'internat des élèves sages-femmes. En prenant à sa charge
l'enseignement de l'anatomie pathologique, il devint par le
fait directeur du Musée anatomique, dont il publia les
catalogues. De 1857 à 1867, Ehrmann remplit les fonc-
tions de doyen de la faculté. Ce qui a fait surtout la célé-
brité de son nom, c'est l'opération de la laryngotomie
exécutée par lui en 1844 pour un polype du larynx, âïïec-
tion réputée incurable jusqu'alors. Ouvrages principaux :
Laryngotomie, etc. {Stvdishourg, 1844, in-8) ; Observa-
tion d'anatomie pathologique, etc. (Strasbourg, 1847,
pet. in-fol. av. 6 pi.); Histoire des polypes' du la^
rynx, etc. (Strasbourg, 1850, in-fol. av. 6 pi.) ; Nou-
veau Recueil de mémoire d'anatomie pathologique, etc.
(Strasbourg, 1862, in-fol. av. 7 pi.). — Son fils, Albert
Erhmann, médecin militaire de grand mérite, né à Stras-
bourg le 9 sept. 1821, mort au Mans le l^^janv. 4871,
avait pris part à l'expédition du Mexique et à la guerre
de 1870.
EH RM AN N (François-Emile), peintre français, né à Stras-
bourg le 5 sept. 1833. Elève de Gleyre, entré à l'Ecole
des beaux-arts en 1857, il a été successivement médaillé
en 1865, 1868 et 1874, a obtenu une médaille d'or à
l'Exposition universelle de 1889, et a été décoré en 1879.
M. Ehrmann a peint, entre autres œuvres, le Vainqueur,
la Fontaine de Jouvence; il a composé quatre cartons
pour des tapisseries des Gobelins destinées à la Biblio-
thèque nationale : le Manuscrit, le Livre, l'Antiquité et
le Moyen Age. On lui doit aussi les Muses, plafond pour la
chancellerie de la Légion d'honneur.
EHRNROTH (Gustaf-Robert), officier et écrivain fin-
landais, né à Lovisa le 31 janv. 1827. Fils du général
Gustaf-Adolf Ehrnroth (1779-1848), il entra dans la
garde en 1838 et fut nommé général de brigade en 1861
et de division en 1878. Il a publié en français: Projet
d'une amélioration à introduire dans le système
d'armement de l'infanterie (Liège, 1847), et en suédois:
Règlements pour les exercices des bataillons de tirail-
leurs de r indelta finlandaise (1855); Guide pour
l'élève du cheval (1876). — Sa sœur, Lovisa- Adélaïde,
née le 17 janv. 1826 à Nastola, a adressé à divers jour-
naux des lettres de l'étranger, écrites dans ses nombreux
voyages en Scandinavie, en Allemagne, en France, en
Suisse et en Italie. Elle a aussi publié à part, en suédois,
des Traditions et Souvenirs (1863), ainsi que des récits
et nouvelles dont la pensée dominante est l'émancipation
de la femme: Présents de Noël (1865) ; la Famille
Vœrnskœld (1866) ; Dagmar (1870) ; le Temps passe et
nous aussi (1878), et le Pierrot (1868), calendrier. —
Leur frère, Johan-Kasimir, né le 26 nov. 1833, entra
dans l'armée russe (1850) au sortir de l'école des cadets
de Fredrikshamn, servit comme major au Caucase (1857),
où il fut blessé (1858) et reçut un sabre d'honneur;
ensuite en Pologne (1863), devint général de brigade
(1868), enfin lieutenant général (1877) dans la guerre des
Balkans. Il prit un congé temporaire (1881) pour remplir
en Bulgarie les fonctions de ministre de la guerre. A son
retour en Finlande, il fut nommé sous-secrétaire d'Etat
(1882), puis secrétaire d'Etat (1888). B-s.
EHRSTRŒIVI (Erik-Gustaf), linguiste finlandais, né le
28 mai 1791, mort le 25 avr. 1835. Après avoir enseigné
le russe à l'universitéd'Abo, et publié une grammaire et un
vocabulaire de cette langue, il se fit ordonner prêtre (1824)
et devint pasteur à Tenhola, puis à Saint-Pétersbourg. Dès
1821, il exposait avec une remarquable précision le pro-
gramme du fennisme, aujourd'hui réalisé par l'enseigne-
ment du suomalais dans toutes les écoles et par son emploi
comme une des deux langues olficielles. — Son fils, Carl-
Gustaf, criminaliste, né à Abo le 17 mars 1822, est mort
à Holsingfors le 23 oct. 1886. Après avoir publié des thèses
45
EHRSÎRCEM - ElB
- 706 -
sur la Procédure criminelle (1854) et le Principe de
Vorqanisation du système pénitentiaire {i>io\)), U tut
nommé professeur de droit pénal à l'université de Helsing-
fors (1860) et prit une part active à 1 adoucissement des
pénalités, soit comme membre ou secrétaire de comités
législatifs, soit comme représentant de l université aux
diètes de 1872 et 1877; il rédigea le projet de code pénal
(1875). En 1880, le sénat de Finlande, dont il était membre
depuis 1877, le désigna pour faire parti^e du comité des
afi^ires finlandaises à Saint-Pétersbourg (1 880 . la publie
de nombreux travaux sur le droit pénal dans la hevue de
la Société juridique de la Finlande, dont il fut l éditeur
de 1866à 1875, et dans des revues suédoise et allemande.
Beau VOIS.
EHSTES ou ESTHONIENS. Peuple de la Russie d'Eu-
rope. Ils s'appellent en allemand £M6^n, en russe Lsty
onEstontsy, Eux-mêmes se donnent le nom de Talupoeg,
Maarhwas ou Eestlased. Ils sont de race finnoise, appa-
rentés aux Suomi de Finlande. Ils ont donne leur nom
à la province d'Ehstonie, mais ils se rencontrent également
en Livonie et dans les gouvernements de baint-Feters-
boure, de Pskov, de Yitebsk. Ils ressemblent beaucoup
aux tavastes finlandais : ils ont comme eux les cheveux
d'un blond pâle ou châtains, les yeux bleus ou gris, les
paupières souvent bridées. Ils sont, sauf au bord de la mer,
de taille moyenne et de chétive apparence. Ils sont essen-
tiellement agricoles. Leur langue apparentée au finlandais
se divise en deux dialectes principaux : celui de Keval et
celui de Verro. Ils ont une littérature populaire tort inté-
ressante; on a recueilli chez eux des chants qm forment
une sorte d'épopée : le Kalevipoëg (Fils de Kalevi) ou 1 on
a voulu voir le pendant du Kalevala finnois, et le \ana
Kannel (Lyre antique). Ils appartiennent à 1 Eglise uthe-
rienne sauf 50,000 environ, qui, en 1846, et en 1882,
14,000, en Esthonie, ont passé à l Eglise fthoaoxe _
Ils sont au nombre d'environ 800,000, dont 300,000
en Ehstonie, 440,000 en Livonie, le reste dans les gou-
vernements limitrophes. Ils paraissent être aborigènes dans
ces provinces. Ce seraient les Fcnni de Tacite. Soumis
d'abord par les Danois, ensuite par les Allemands, ils ont
eu à supporter de longs siècles de servitude. Ils ont ete
affranchis du servage au commencement du xix« siècle ; un
certain nombre d'entre eux se sont élevés peu a peu a la
condition de propriétaires ruraux ; mais jusqu ici ils n ont
ffuère eu de classe moyenne, moins encore d aristocratie.
Ceux d'entre eux qui arrivaient à une condition supérieure
devenaient Allemands au Russes. Dans ces dernières années
ils ont bénéficié des réformes introduites par le gouverne-
ment russe qui tendent à annihiler de plus en plus l an-
tique prépondérance des Allemands. Leur littérature con-
siste surtout en livres religieux ou populaires. Ils publient
quelques journaux. Depuis 1873 existe une société de litté-
rature nationale qui édite des livres populaires. Parmi les
écrivains de notre temps, les plus remarquables sont
M'''^ Lydia Jansen, Kreutzwald, Hurt et Weske. L. Léger.
BiBL • V., outre les ouvra,û:es généraux sur les Finnois et
leurs lan-ues et sur les provinces baltiques, ^Siedemann,
Éslhmsches deutsches Wœrterbuch; «;^;^t-Petersbour|,
1855. __ Du môme, Esthmsche GrammaUliiSamt-PGter^-
houv^ 1875 - sChott, Die Sagen von Kalewi Pocg;
Berlin, 1863." - ^kuss, Esthnisclie yo|/isUeder ;Reval,
1850-1851. - Kreutzwald, Sagen und Mœrcfien, traduits
par Lôwe; Halle, 1869. - Bocler et Kreutzwald, Der
Isthen aberglœubliche Gebrœuche; Saint- Peter «b^^^^^
1854 — Krusâ, Urqeschichte des esthmschen VoUi-
linYnmP<i' Moscou 1846.— Wiedemann, Aus dem Innem
tm^Ssem Leb'en der Estben; Saint-Pétersbourg,a8 6
-Verhandlungen der gelehrten esthmschen Gesellschaft
2U Dorpat.
EHSTONIE ou ESTHONIE (en allemand £5^/i/a/zd, en
russe Estiiandia). Géographik. — Province de l'empire
de Russie. Les indi^ènes l'appelle Eesti-Maa. Elle est com-
prise entre d^'W et o9« W lat. N.; 19° W et & 50
lono E. Elle fait partie des provinces dites Baltiques. Elle est
bornée à TE. par le goavernement de Saint-Pétersbourg dont
le sépare la Narva ;Va S. par la Livonie, au N. et à 10. par
la mer Baltique. Sa superficie est de 20,^47 kil. q. Le
gouvernement d'Ehstonie comprend, en dehors de son sol
propre, soixante-dix îles. La province forme une vaste
plaine d'où émergent quelques collmes. L altitude varie
entre 60 et 120 m. Le point le plus eleve atteint 154 m.
Le sol est essentiellement sablonneux et calcaire. On y
trouve de nombreux marais. Les lacs sont au nombre de
deux cents. En dehors de la Narva, les cours d eaux les
plus importants sont le Kasarg, le Kegel, le Tala et la
Witna. Les forêts occupent un espace considérable; mais,
faute de cours d'eau navigables, elles sont insuffisamment
exploitées. Les côtes assez élevées au-dessus delà mer sont
constituées par du calcaire et du grès. On y jfouve de
l'ambre. Le climat est assez malsain à cause de 1 humidité
du pays, très chaud en été, très froid en hiver. A Rêva , la
température moyenne est de 4- 4o L'agriculture 1 eleve
du bétail, la pêche, la construction des navires, la distilla-
tion de l'alcool, sont les principales industries des habi-
tants. Les principaux objets d'exportation sont le Im, les
céréales, l'alcool, La culture des arbres fruitiers est com-
plètement nédi-êe. Le commerce est concentre dans les
ports de Reval, Port-Baltique, Kunda et Hapsal. Ils impor-
tent des objets manufacturés et exportent des matières pre-
mières. •
La population est de 395,979 hab. Elle appartient en
majorité à la nationalité ehste (V. ci-dessus) et à la religion
luthérienne). 4«/o environ des habitants professent le culte
orthodoxe ou le catholicisme. 5,000 Suédois habitent
les îles; l'allemand a été jusqu'ici la langue des classes
supérieures et l'idiome officiel : dans ces dernières années
on lui a substitué le russe. L'instruction primaire est assez
répandue : on compte une école pour environ 500 hab. La
province n'a pas d'établissement d'enseignement supérieur.
Elle est divisée en quatre districts : Harrien, Jerven,
Wiek, AYirland. Le chef-lieu est Reval. Les villes prin-
cipales sont les ports ci-dessus indiqués. ^
Histoire. — Les habitants primitifs de la province, les
Ehstes, restèrent païens jusqu'au xiii^ siècle ; ils furent
convertis par les Danois, qui s'emparèrent de leur pays et
fondèrent un évêché à RevaL En 1346, Waldemar III ven-
dit le pays aux chevaliers teutoniques qui 1 incorporèrent
à la Livonie et réduisirent les habitants en servitude. En
1561, l'Ehstonie passa au pouvoir de la Suéde. En 17 il,
elle fut cédée à la Russie par le traité de Nystadt. Ses
habitants avaient embrassé la Réforme dès ses origines. La
Russie respecta la religion des habitants et supprima le
serva-e en 1819. En 1835, elle introduisit le code russe
et proclama la langue russe idiome officie à côte de 1 alle-
mand. Dans ces dernières années, elle s est ettorcee d in-
troduire le russe dans les divers ordres d'enseignement,
d'émanciper les Ehstoniens de la prépondérance allemande
et de propager la foi orthodoxe au détriment du luthéra-
nisme ^* ^EGER.
BiBL. : V., outre les ouvrages sur les peuples ^nnoif et
la Livonie, Mûller, Beitrœge zur Orographie und Hydro-
graphie von Esthland; Saint-Pétersbourg, 1809-18/1.-
ViLLiGEROD, Geschichte Esthlands; Leipzig, 1817. -
Paxfkfr Die Reaenlen Esthlands; Keval, ibDO.
BuNGE^Das ?/erzo,if.m Esthland nnter den Komgen von
Danemark; Gotha, 1877.- Rutenberg, Gesc/iichfe der
olZ^provlnzen; Leipzig, 1859, et les ouvrages cites a
l'article précédent.
EH UNS. Com. du dép. de la Haute-Saône, arr. de Lure,
cant, de Luxeuil, près de laLantenne; 227 hab. Plateau
dit camp de César où quelques archéologues ont place le
lieu de la défaite d'Arioviste par César. Au-dessous de ce
plateau et près de l'ancienne voie romaine de Besançon a
Luxeuil on a trouvé des armes, des poteries et des monnaies.
ElA. Fleuve de Russie, affluent de la mer d'Azov. Sa
longueur est d'environ 230 kil. , • j 7
ÉIB (Lac). Lac de Bavière, au pied de la pointe de /.ug,
dans une situation pittoresque au centre des Alpes bava-
roises, à 959 m. d'alt,; il a 3 kil. de long, 1 de large;
plusieurs de ses riverains semblent de la race des isiganes.
BiBL. : Reitzenstein, Der Eibsee; Munich, 1885.
- 707 -
EIBNER — EICHHORN
ÉIBNER (Johann-Georg), peintre d'architecture, né à
Hilpoltstein, dans l'Oberpfalz (Haut-Palatinat), le 46 févr.
4826, mort à Munich le 18 nov. 1877. Eibner visita divers
musées de l'Europe. Le dernier de ses nombreux voyages
fut celui qu*il fit en Espagne avec le prince Mestchersky, et
les soixante-cinq aquarelles qu'il exécuta alors montrent à
quel point il était maître en ce genre. Trente-cinq de ces
aquarelles ont paru sous le titre Baudenkmdler Spaniens,
EICH. Rivière de Luxembourg (V. ce mot).
EICHEL (L') {Aquila, 743). Rivière d'Alsace-Lorraine,
qui a sa source au N. de la Petite-Pierre (Basse-Alsace),
traverse Diemeringen et se jette dans la Sarre près d'Et-
ting, en Lorraine, après un cours de 40 kil. Depuis 1892
la vallée de l'Eichel est traversée par le chemin de fer de
Mommeiheim à Sarreguemines.
BiBL, : P. RisTELHUBER, la Marche d'Aqiiilée, dans
Bull, (.e la Soc. des mon. hist. d'Als., 2« série, II, 184-187.
— N. Box, Notice sur les pays de la Sarre; Metz, 1889,
159-16V, > : ^
EICHtNDORFF (Joseph Freiherr Von), écrivain alle-
mand, né au château de Lubowitz, près de Ratibor en Silé-
sie, le 40 mars 4788, mort à Neisse le 26 nov. 4857. 11
reçut sa première instruction au gymnase catholique de
Ratibor, et étudia ensuite le droit aux universités de Halle
et de Heidelberg. Il fit un voyage à Paris en 4808, et, au
retour, il séjourna à Vienne (4810). Lors du soulèvement
de l'Allemagne contre Napoléon en 4843, il entra comme
volontaire dans un bataillon de chasseurs, et il fit cam-
pagne avec les armées prussiennes jusqu'en 4845. Revenu
en Allemagne, il devint conseiller référendaire à Rreslau
(4846), puis conseiller du gouvernement à Dynzig (4824),
à Kœnigsberg(4824) et à Berlin (4834), et fut enfin atta-
ché comme conseiller privé au ministère des cultes (4844).
Depuis 4 844, il vécut dans la retraite à Neisse. Ses œuvres
complètes , précédées d'une notice biographique très dé-
taillée, ont été publiées en six volumes (Leipzig, 4864).
Eichendorlf a été appelé le dernier des romantiques ; cette
épithète a été donnée également à Henri Heine ; elle prouve
seulement que Eichendorif, aussi bien que Heine, n'était
pas un romantique dans le vrai sens du mot. Les roman-
tiques étaient des mystiques en religion et eh poésie, des
réactionnaires en politique ; Eichendorlf était franchement
catholique, sans répudier aucune des libertés modernes. Sa
poésie, d'une grande profondeur de sentiment, a des con-
tours nets et précis ; quelques-uns de ses lieder ont été
mis en musique et sont restés populaires. Il est moins heu-
reux dans ses grandes compositions romanesques en prose
ou en vers ; l'art de la composition lui manquait ; mais ses
nouvelles, surtout les Episodes de la viedhm petit ave7i'
turier, sont devenues classiques. Ses drames et ses comé-
dies sont en partie imités de l'espagnol ; il a traduit aussi
le Comte Lucanor de don Juan Manuel. Vers la fin de sa
vie, Eichendorlf publia quelques ouvrages de critique et
d'histoire, qui ne sont pas compris dans l'édition de ses
œuvres complètes, et où il cherchait à combattre l'influence
du protestantisme dans la littérature; ce sont : De la Si-
gnification morale et religieuse de la nouvelle poésie
romantique en Allemagne (Leipzig, 4847) ; le Roman
allemand du xvin® siècle dans so7i rapport avec le
christianisme (id., 4851) ; Aperçus sur lliistoire du
drame {id,, 4854); Histoire de la littérature poétique
de r Allemagne (Paderborn, 4857, 2 part.). A. B.
EICHENS (Boussole d') (V. Boussole, t. VH, p.846).
EICHENS (Friedrich-Eduard), dessinateur et graveur
allemand, né à Berlin le 27 mai 1804, mort le 5 ma'i 4877.
Il s'est formé à l'Académie de Berlin, a visité la France et
l'Italie, est devenu élève de Toschi à Parme et a laissé de
nombreuses gravures d'après les maîtres classiques, entre
autres : la Vision d'Ezéchiel, d'après Raphaël; Sainte
Madeleine, d'après le Dominiquin; le Christ dans son
tombeau, d'après H. Carrache; le Prince liadziwill sur
son lit de mort, d'après W. Hensel, etc.
EICHENS (Philip-Hermann) , lithographe et graveur
allemand, né à Berlin le 43 sept. 4812, frère du précédent.
Il étudia à l'Académie de Berlin, sous la direction d'HenseL
Parmi ses gravures, on remarque : laJoconde; le Retour
des pirates de Meyerkeim, etc. Il a été médaillé à Paris,
comme Hthographe, en 4842, 4859, 4864 et 4863.
EiCHHOFF (Frédéric-Gustave), philologue français, né
au Havre le 47 août 4799, mort à Paris le 20 mai 4875.
Répétiteur à l'institution Massin, il devint précepteur des
princes d'Orléans, fut nommé en 4834 bibliothécaire de la
reine, suppléa en 4838 Fauriel dans sa chaire de la Sor-
bonne, professa ensuite la Httérature étrangère à la faculté
de Lyon (4844) et fut nommé en 4855 inspecteur général
de l'Université. Il avait été élu en 4847 membre cor-
respondant de l'Académie des inscriptions. On a de lui :
Etudes grecques sur Virgile (Paris, 4825, 3 vol. in-8);
Parallèle des langues de l'Europe et de Vlnde (4836,
in-4); Cours de littérature allemande (\^à^^ in-8);
Histoire de la langue et de la littérature des S laves ^
Russes, Serbes, Bohèmes, Polonais et Lettons (4839,
in-8) ; Dictionnaire étymologique des racines alle-
mandes (iSiO, in-4 2), en collab. avec Suckau; Mélanges
littéraires (4842, in-8) ; Essai sur V origine des Slaves
(4845, in-8); Poésie héroïque des Indiens comparée
à répopée grecque et romaine (4860, in-8); les Piaci7ies
de la langue allemande rangées par désinences (4864,
in-42) ; les Racines de la langue anglaise (4864, in-42);
Grammaire générale indo-européenne {i^^l , in-8);
Etudes sur Ninive, Persépolis et la mythologie de
VEdda (4855) ; Concordance des quatre évangiles
(4864), etc., sans compter un grand nombre de livres
classiques : morceaux choisis, versions, etc.
EICHHORN (Johann-Gottfried) , orientaliste et théologien
allemand, né à Dœrenzimern le 16 oct. 4752, mort à
Gœttingue le 25 juin 4827. Dès 4785 il fut professeur de
lanojues orientales à léna; en 4788, il passa à Gœttingue
où il professa jusqu'à sa mort. Autant sa vie extérieure fut
monotone, autant son activité scientifique fut multiple et
féconde ; illustre exemplum felicitatis academicœ, dit
le panégyrique d'un collègue. Ses nombreux ouvrages, cata-
logués ailleurs, forment deux catégories : les uns s'occupent
de l'histoire politique et littéraire des temps modernes,
très estimés en leur temps, comme le prouvent les nom-
breuses éditions ; ils sont oubliés aujourd'hui. Dans la
seconde catégorie, on peut distinguer les études consacrées
à la littérature orientale en général, comme Program. de
Cuschœis verisimilia (Arnstadt, 4774, in-8); Geschichte
desostind, Handels vor Mohammed (Gotha, 4775, in-8) ;
Monumenta antiquissima historiœ Arabmn, etc. (léna,
4776, in-4), et bien d'autres qui conservent leur valeur.
Un périodique qu'il publia de 4777 à 4786 sous le titre de
Repcrtorium fur bibL u. morgeyiL Litteratur (Leipzig,
48 vol. in-8) peut servir de transition aux ouvrages con-
sacrés à la littérature biblique, où le génie d'Eichhorn finit
par se localiser. De 4787 à 4803, il rédigea encore VAlUje-
meine Bibliothek der bibl. Litteratiir (Leipzig, 10 voL
in-12). C'est dans ce domaine qu'il exerça une réelle
influence : il transforma, dans la voie ouverte par R. Simon
et Semler, Fisagogique traditionnelle en une histoire litté-
raire de la Bible, en publiant son Einleitung in dus Aile
Testament (Leipzig, 4780-4783; 4'' éd. à Gœttingue,
4823-4826, 5 vol. in-8); Einleitung in die apokryph.
Bûcher des A. T. (Leipzig, 4795, in-8) et Einleitung in
das Neue Test. (Leipzig, 1. 1, 4804; '1^ éd., 4820 ; t. ÎI-V,
4840-4827, in-8). Son enthousiasme juvénile et commu-
nicatif faisait de lui un professeur populaire ; il admirait,
d'ailleurs, dans la littérature biblique, plutôt des écrits
intéressants par leur antiquité que des documents reli-
gieux. F. -H. Krûger.
Bibl. : Saalfi^d, Geschichte der Universitset Gœttingen ;
Gœttingue, 1820, et Dcering, même ouvrage (suite), 1838,
dorment la liste complète des écrits d'Eichhorn. — Eicii-
st.i:dt, Oratio de J.-G. Eic/2/io?*nio...,* léna, 1827, in-4. —
TvcHSEN, Memoi'ia Eichhornii ; Ga;ttingue, 1828, in-8.
EICHHORN (Johann- Albrecht-Friedrich) , homme d'Etat
prussien, né à Wertheim-am-Main le 2 mars 4779, mort
EICHHORN - EICHRODT
— 708 —
à Berlin le K) jaiiv. 18o(). Entré dans la magistrature, il
trayailla activement au relèvement de la Prusse et com-
battit en 1813; il fit partie de la commission chargée
d'administrer provisoirement les pays allemands repris à la
France et publia Die Zentralverwaltung der Verbûn-
deten unter dem Freiherm vom Stein (1814) ; joua un
rôle dans la liquidation des réclamations allemandes contre
la France, devint conseiller secret du ministère des affaires
étrangères, puis conseiller d'Etat (1817). Il fut, dans toute
cette période, un des principaux hommes d'Etat qui pré-
parèrent la grandeur de la Prusse, en particulier par le
Zollverein. En 1840, il fut nommé ministre des cultes, de
l'instruction publique et de l'hygiène ; il suivit une poli-
tique cléricale, tenta vainement l'organisatien synodale de
l'Eglise évangélique. Sa manière d'agir accrut beaucoup les
forces des ultramontains catholiques et des piétistes pro-
testants. Il se retira en 1848.
EICHHORN (Karl-Friedrich), jurisconsulte, né à léna
en 1781, mort en 1834. Dès 1803, il é\3iit privat-docent
à Gœttingue ; de 1805 à 1811, il fut professeur ordinaire
à Francfort-sur-l'Oder ; de 1811 à 1817, à Berlin; enfin
et jusqu'en 1831 , à Gœttingue, où il enseigna avec un grand
succès le droit allemand, le droit ecclésiastique et le droit
public. De 1832 à 1847, il remplit de hautes fonctions
judiciaires et administratives. En 1815, il avait fondé avec
Savigny la Zeitschrift fur geschichtliche Rechtsivissen-
schaft, où il publia des articles fort intéressants sur les
collections espagnoles de droit canon : Uber die spanische
Sammliing der Quellen des Kirchenrechts. — OEuvres
principales : Deutsche Staats-undRecktsgeschichte(Gœt-
tingue, 1808-1823, 4 vol. in-8 ; o« édit., 1843-1844) ;
Einleitung in das deuische Privatrecht mit EinscJituss
des Letinrechts (Gœttingue, 1823, in-8; S'^édit., 1845);
Grundsdtze des Kirchenrechts (Gœttingue, 1821-1823,
2 vol. in~8) traduit en français par H. Jouffroy : le Droit
canon et son application à l'Eglise protestante {Leipzig
et Paris, 1843). E.-H. Y.
BiBL. : SiEGEL, Erlnnerung an K.-Fr. Elchhorn; Vienne^
1881, in-8. — ScHULTE, K.-Fr. Eichhorn nach seinen
Aufzeichnungen Briefen; Stuttgart, 1884, in-8.
EICHHORN, famille de musiciens allemands. Johann-
Paul, né le 22 févr. 1787 au village de Neuses, près de
Cobourg. Il y reçut une éducation de paysan et apprit seul
le violon. En 1821, il fut admis dans la musique de la cour
à Cobourg. Il eut d'un premier mariage Ernst Eichhorn,
né le 30 avr. 1822, et d'un second Eduard Eichhorn, né
le 17 oct. 1823. les deux enfants étaient merveilleuse-
ment doués pour la musique, et leur père, tirant parti de
leurs aptitudes, en fit des « petits prodiges ». Au mois de
mars 1828. Ernst, qui n'avait pas six ans, joua à la cour
un concerto de Kreutzer, accompagné par son frère Eduard.
A la suite de ce premier succès, la famille Eichhorn com-
mença des tournées artistiques dans toute l'Allemagne.
Puis les deux frères se firent entendre à Paris, Londres,
Vienne. Ernst devint un violoniste très habile. Il est mort
à Cobourg le 16 juin 1844. Son frère Eduard, violoniste
et compositeur, a écrit plusieurs œuvres de virtuosité,
notamment un concerto pour violon. Il est maître de cha-
pelle à Cobourg. Ch. Bordes.
EICHHORN (Albert) , paysagiste et peintre d'architec-
ture allemand, né à Freienwalde-sur-Oder le 7 juil. 1811,
mort à Potsdam le 19 oct. 1851. Il fit ses études au gym-
nase de Joachimsthal à Berlin et s'occupa d'abord d'archi-
tecture. En exécutant des travaux d'arpentage, il fut frappé
de la beauté du paysage et le goût de la peinture s'éveilla
en lui. Elève de Biermann à Berlin, il fit en 1840 un
Yoyage en Italie et en Grèce, où son talent se développa
complètement. Il peignait les paysages ïîiéridionaux à la
manière classique, mais en les éclairant d'une lumière
très vivo. Le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV, lui fit
exécuter un grand nombre de tableaux et le chargea sur-
tout de décorer ses châteaux de Potsdam. Sujet à la mé-
lancolie, Eichhorn se suicida.
EICHHORN (Christoffer), érudit suédois, né à Stock-
holm le 26 oct. 1837. Attaché à la bibliothèque royale de
cette ville depuis 1864, il a publié, outre des articles de
critique littéraire, dramatique et artistique dans divers
journaux, un recueil do Poésies et Récits (1876) ; Pseu-
donymes et anonymes suédois dévoilés (1859, I) ; Pie-
cherches sur les Anecdotes de Suède (1863) ; la Poésie
non rimée en Suède au temps du parlementarisme
(1865) ; Etudes suédoises (1869, 1872, 1881, 3 fasc.) ;
r Architecture suédoise (1871); GuilL Doyen, mono-
graphie artistique (1879) ; Bellman et son dernier bio-
graphe, A. Fryxell (1879) ; Bellman au Parc zoologique
(1879). On lui doit aussi une traduction du Décaméron
de Boccace (1861-62 ; 3« éd., 1883) et le texte de beau-
coup d'ouvrages illustrés : Recueil pour Vhistoire de Vart
suédois par Mandelgrén (1866-68) ; les Rois de Suède
et leurs contemporains, portraits par M. Josephson (1866) ;
Monuments de l'art suédois : moyen âge et Renaissance
(1878) ; Photographies d'après des tableaux et des gra-
vures (1886-1890); Tableaux de l'ancien Stockholm
(1887-1889). 11 a édité Tisbe d'Asteropherus (1863),
ainsi que les œuvres de Stagnelius (1866-1868), de
C.-A. Ehrensvvœrd (1866), de Sommelius (1867), de Bell-
man (1876), ainsi que plusieurs calendriers littéraires, et
il a pris part à la publication du Recueil d'ouvrages lit-
téraires d'écrivains suédois de Stjernhjebn à Dalin,
édité par Hanselli (22 vol. in-8). Il a contribué par plu-
sieurs écrits à éveiller chez ses compatriotes le sentiment
de l'utiUté des études et des collections d'art industriel. B-s.
EICHHORST (llermann), médecin allemand contempo-
rain, né à Kœnigsberg le 3 mars 1849. Successivement
professeur extraordinaire à léna et à Gœ.ttingue, depuis
1884 professeur ordinaire et directeur de la clinique médi-
cale à Zurich, il s'est fait connaître par d'importants tra-
vaux sur l'anémie pernicieuse (1878), l'innervation du
cœur (1879), les méthodes d'exploration physique (1881,
et autres éditions, dont une française en 1890), etc. ; il a
publié un Handb. der spec. Pathologie (Vienne, 1883,
in-8 ; trad. en français, Paris, 1889, 4 vol. in-8).
EICHLER (Heinrich), sculpteur-ébéniste allemand, né à
Lippstadten 1637, mort à Augsbourgen 1719. C'est dans
cette dernière ville que se trouvent ses principales œuvres,
tables, cabinets et bois sculptés, notamment la chaire de
l'église Sainte-Anne.
EICHLER (Gottfried), peintre allemand, fils du précé-
dent, né à Augsbourg en 1677, mort en 1759. Il fit le
voyage do Rome où il travailla sous Carlo Maratta et habita
successivement Vienne et Augsbourg. Il fit des tableaux
d'histoire, de religion et des portraits. Son œuvre la plus
connue est la Cène de l'éghsc des Carmes déchaussés
d' Augsbourg. — Son û\s, Johann-Gottfried Eichler(mort
en 1770) et son petit-fils, Mathias-Gottfried Fichier (mort
en 1818), sont connus comme graveurs.
EICHMANN (V. Driander).
EICHNER (Ernst), virtuose allemand sur le basson,
né à Mannheim le 9 févr. 1740, mort à Potsdam en 1777.
Il fut d'abord maître de concerts du prince de Deux-
Ponts. Après deux ans de séjour en Angleterre, où son
talent fut très apprécié, il entra au service du prince
royal de Prusse et acheva sa vie à Potsdam, se livrant
tout entier à la composition et à l'enseignement. Il a écrit
dix concertos pour le basson, une vingtaine de sympho-
nies, des quatuors, des trios.
EICHRODT (Ludwig), écrivain humoristique et poète
allemand, né à Durlach, dans le grand-duché de Bade, le
2 févr. 1827. Il étudia les lettres et le droit à Keidelberg et
à Fribourg, et vécut ensuite à Karlsruhe, a Francfort et à
Munich. Il publia, en 1848, dans les FliegendeBlœtter de
Berlin, ses chansons humoristiques, Wanderlust, dont le
succès le détermina à écrire une série d'ouvrages du même
genre. Une partie de ses poésies sont écrites en dialecte
souabe (Rheinscînuœbisch, Gedichte in mittelbadischer
Mimdart; Karlsruhe, 1869). Le Lahrer Gommer sbuch,
- 709 -
EICHRODT — EICHTHAL
recueil de chansons d'étudiants, a eu de noml)reuses édi-
tions. Eichrodtest depuis 4875 juge de paix à Lahr. A. B.
EICHST^ETT ou AlCHST^DT. Ville. — Géogka-
PHIE. — Ville d'Allemagne, roy. de Bavière, district de
Franconie moyenne ; 7,500 hab. Ancien château épiscopal
transformé en caserne, cathédrale avec anciens vitraux et
fresques, renfermant le tombeau de saint Wilibald; église
du couvent des nonnes de Walpurgis et cinq autres églises.
Préparation d'ardoises, de pierres lithographiques, etc.
Eichstaett exporte aussi beaucoup de fossiles (poissons et
sauriens) extraits des carrières du Jura franconien.
Histoire. — La ville actuelle est bâtie sur l'emplacement
d'une station romaine, mais elle remonte à l'époque caro-
lingienne {Aureatum RubiLocus ou Eystœtt). En 745,
saint Boniface y fonda un évèché avec le concours du
comte Suitgar. La ville prospéra lorsqu'on y apporta en
87 1 les reliques de sainte Walpurgis. De la pierre qui les
recouvrait suintait une huile miraculeuse. En 908, Eischta'tt
s'entoure de murs; au xi® siècle (1022-1042), on restaure
le couvent de Walpurgis; au xiv^ siècle, l'évêque Berthold
bâtit auprès de la ville le château (ie Wilibaldsbiirg où
les évoques résidèrent jusqu'en 4725. La ville possédait
l'immédiateté. En 4805, elle fut incorporée à la Bavière;
les couvents et la commanderie de l'ordre teutonique furent
sécularisés (4803-4807). De 4847 à 4833, le duc de
Leuchtenberg résida à Eichstœtt.
Principauté. — La principauté d'EichstTtt comprenait
à la fin du xviii^ siècle 4,400 k. q. et 58,000 hab.; elle
était comprise dans le cercle de Franconie, confinait au
duché de Neubourg, à la principauté d'Ansbach, etc. Elle
appartenait à l'évèché; celui-ci, fondé en 745, ressortis-
sait à l'archevêché de Mayence. 11 fut sécularisé en 4802,
et la principauté d'Eichsta^tt, d'abord annexée à la Bavière,
fut bientôt affectée au grand-duc de Toscane, puis restituée
à la Bavière en 4805. ïn 4847, on reconstitua la princi-
pauté, sous la suzeraineté de la Bavière, au profit d'Eugène
de Beauharnais, ancien roi d'Italie, devenu duc de Leuch-
tenberg et prince d'Eichstœtt. Elle comprenait la ville
d'Eichstaitt et quelques localités voisines ; elle disparut
en 4855.
BiBL. : SuTTNER, BlbUotheca Eystettensis; 1866-67. —
Sax. Die Bischofe iind Reichsfûrsten von Eichstœtt (7'i5-
1800); Landshut, 1884.
EICHSTAETT (Prince d') (V. Beauharnais [Eugène de]).
EICHSTy€TT (Heinrich-Karl Abraham), philologue alle-
mand, né à Oschatz le 8 août 4772, mort à léna le
4 mars 4848. Privat-docent (4793), professeur de philo-
sophie (4795) à l'université de Leipzig, il passa comme
professeur d'éloquence et de poésie à celle d'iéna (4797),
dont il dirigea le séminaire philologique. Il a commenté
des éditions de Diodore (Halle, 4800-4802, 2 vol.), de
Lucrèce (Leipzig, 4804); sa réputation fut due à l'élégance
de ses discours latins réunis par Weissenborn sous le
titre à'Opuscula oratoria (léna, 4850). Sa corres-
pondance avec Gœthe a été éditée par Biedermann
(Berlin, 4872).
EICHTHAL (Gustave d'), publiciste français, né à Nancy
le 22 mars 4804, mort à Paris le 9 avr. 4886. Israélite de
naissance, il fut converti au catholicisme à treize ans, puis,
au sortir du lycée Henri IV (4822), devint élève d'Aug.
Comte, qui l'initia à la doctrine saint-simonienne. Malgré
la rupture de Comte avec Saint-Simon et la mort de celui-
ci en 4825, G. d'Eichthal, après divers voyages et des
études commerciales, s'attacha résolument à cette école
(4829), à laquelle il consacra une partie de sa fortune. Il
écrivit dans V Organisateur et le Globe et, quand commen-
cèrent les poursuites judiciaires, défendit éloquemment
Duveyrier devant la cour d'assises de Paris (27 août 4832).
La famille une fois dissoute, il partit pour l'Italie, puis
pour la Grèce, où il séjourna vingt mois, travaillant avec
d'autres jeunes philhellènes au relèvement économique du
pays ruiné par la guerre de l'Indépendance. Il fonda à cet
effet le Bureau d'économie 'politique; mais, mal sou-
tenu par le pouvoir, il dut se retirer à la chute du minisire
Colettis, qui seul l'avait compris et appuyé. Plus tard,
son dévouement désintéressé fut publiquement reconnu par
les Grecs, dont il resta toujours l'ami passionné et dont il
rêvait de faire adopter la langue comme organe universel
des relations entre les peuples civilisés. A son retour en
France, il publia sous ce titre, les Deux Mondes (Paris,
4836, in-8), ses observations et réflexions sur la question
d'Orient. Dans les dix années qui suivent, il s'occupe sur-
tout d'ethnographie. 11 visite l'Algérie en 4838, mais n'a
jamais fait le voyage d'exploration en Sibérie que lui prê-
tent certains biographes, le confondant avec un homonyme
plus jeune. Secrétaire de la Société ethnologique, il prélude
par une étude sur V Histoire primitive des races océa-
niennes et américaines^ au travail qu'il donnera plus
tard sur les Origines bouddhiques de la civilisation
américaine {Revue archéoL, sept. 4864 et avr. 4865).
Foncièrement religieux, quoique d'une religion tout
humaine ayant pour premier objectif le bonheur et le
progrès de l'espèce en ce monde, il s'attache alors à
l'exégèse chrétienne et prépare avec « une incroyable pa-
tience », dit Sainte-Beuve {Nouveaux Lundis, t. VI,
p. 44), son Examen critique et comparatif des trois
premiers évangiles (Paris, 4863, 2 vol. in-8). Plus tard,
il entreprendra une étude critique du Pentateuque {la
Sortie d'Egypte, Paris, 4873) et donnera {ibid., 4875)
un mémoire sur le Texte primitif du premier récit de
la création, réimprimé après sa mort par son fils, M. Eug.
d'Eichthal, avec d'autres travaux d'histoire et de philo-
sophie religieuses réunis sous ce titre : Mélanges de cri-
tique biblique (Paris, 4886, in-8). Ce volume contient
notamment une étude sur le Nom et le caractère du
Dieu d'Israël, Jahveh, et surtout un fragment sur la
Déclaration des droits de rtiomme et l'Etre suprême,
où l'auteur marque bien le lien qui devait, dans sa pensée,
rattacher aux idées religieuses de la Judée l'avenir des
sociétés modernes. Le même esprit animait déjà sa bro-
chure, les Trois grands Peuples méditerranéens et le
cfiristianisme (Paris, 4864, in-8), et se retrouve dans des
essais d'un caractère plus purement philosophique : la
Justice dans Platon (4863) (dans la Pievue germanique)
et Tliéologie et doctrine religieuse de Socrate (Paris,
4884, in-8). Tous ces travaux témoignent d'un esprit
élevé, consciencieux, généreux, à la fois positif et idéaliste
jusqu'à l'utopie, scientifique et mystique ou du m.oins
religieux au meilleur sens de ce mot. Mais le plus grand
service peut-être qu'ait rendu pratiquement cet homme
distingué, toujours occupé de grands intérêts moraux et
soucieux du bien public, ce fut de fonder, en 4867, avec
Beulé et Brunet de Presles, V Association pour Vencou-
ragement des études grecques (V. V Annuaire de cette
société, 4877, pp. 4 à 70). C'est là qu'il produisit ses
études philologiques sur la prononciation du grec, les rap-
ports du grec moderne et du grec classique, etc., tendant
toutes à faire admettre V Usage pratique de la langue
grecque comme langue universelle, selon son idée
favorite développée dès 4864 dans une brochure publiée
avec M. Renieri. Son fils a encore rassemblé après sa mort
la plupart de ces études en 4 vol. in-8 (Paris, 4887), inti-
tulé la Langue grecque, mémoires et notice, et en
tête duquel figure une très bonne notice biographique par
le marquis de Queux de Saint-Hilaire.
(iuand il mourut en 4885, après une verte vieillesse
restée toute chaude de ses enthousiasmes juvéniles, Gust.
d'Eichthal laissait deux fils. L'un, Georges d'Eichthal,
ingénieur, fut enlevé à quarante-cinq ans, en 4890 ;
l'autre, M. Eugène d'Eichthal, né en 4844, outre les
écrits posthumes de son père, a publié des études d'éco-
nomie sociale dans la Pievue des Deux Mondes, le Jour-
nal des économistes, etc. Les principales de ces études.
Collectivisme agraire et nationalisation du sol, et
l'article Socialisme du Nouveau Dictionnaire d'écono-
mie politique j ont formé 4 vol. in-8 (Paris, 4894).
EICHTHAL — EÏDERDANSK
710 —
M. Eug. d'Eichthal collabore, en outre, à la Revue cri-
tique et à la Revue historique.. H. Marion.
EICHWALD (Karl-Eduard), médecin etnaturaliste russe,
né à Mitau (Courlande) le 4 juil. 1795, mort à Saint-
Pétersbourg le 40 nov. 1876. En 1824, il enseigna à
Dorpat l'histoire naturelle, puis en 1823 Fanatomie com-
parée et l'art obstétrical â Kasan ; en 1827, il fut nommé
professeur titulaire de zoologie et d'anatomie comparées
à Vilna; en 1838, il devint secrétaire de l'Académie chi-
rurgicale de Pétersbourg et professeur à cette même école,
en même temps que pro'fesseur de paléontologie à l'Institut
des mines. Eichwald a été un voyageur infatigable ; presque
Ions ses ouvrages sont relatifs à la faune, à la flore, à la
gcognosie et à la paléontologie de la Russie. Citons seule-
ment de lui : Plantariim novarum quas in itinere
Caspio-Cancasico observavit fasc. (Vilna et Leipzig,
1831-33, in-fol.); Die Urwelt Busslands (Pétersbourg,
1840-47, 4 vol.) ; Lethœa Rossica ou Paléontologie de
la Russie décrite et figurée (Stuttgard, 1833-1868,
5 vol.). Dr L. Hn.
EICHWALD (Eduard-Georg von), médecin russe contem-
porain, fils du précédent, né à Vilna le 31 mars 1838. Il
fut nommé en 1866 professeur de diagnostic et de théra-
peutique £çénérale à l'Académie médico-chirurgicale de
Pétersbourg, en 1883 professeur ordinaire de chirurgie
médicale, etc. ; c'est lui qui a fondé l'Institut clinique de
la princesse Hélène. Ouvrages les plus importants : Beitr.
zur Chemie der qewebebild. Substanxen (Berlin, 1872);
Allqem. Thérapie (Pétersbourg, 1877, 4« éd.). Eichwald
est'le médecin consultant le plus répandu de Pétersbourg.
El DAM 1 A (Bot.). Champignon Saccharomycète dont les
filaments irréguliers se développent à l'extérieur des cellules
Corticales des racines et des rhizomes des Orchidées en
s'enchevêtrant sous forme de pelotes, mais sans gonflements
ampuUaires. ,
EIDER ((Egvr Dor). Fleuve d'Allemagne, roy. de
Prusse, prov. dé Slesvig-Holstein,qui se jette dans la mer
du Nord après un parcours de 188 kil. Il naît à Schœn-
hagen, au S. de Kiel, dans le Holstein, coule au N. comme
pour se jeter dans la mer Baltique, traverse les lacs
Barkau (ou Bothkamp) et de Flemhude, tourne vers
PO., arrose Rendsburg et forme désormais la frontière
entre le Slesvi^ et le Holstein, décrivant de longs méandres
à travers la plaine tourbeuse que des digues protègent
contre ses inondations. Il passe à Wittenbergen, Frie-
drichstadt et débouche dans la mer près de Tœnnmg ; il a
alors 300 m. de large et 4 à 3 m. de profondeur. Il
reçoit à droite la Sorge et la Treene, à gauche le kvenau.
L'Eider est navigable à partir de Rendsburg, mais on a
utilisé son cours pour réunir, par une route fluviale, la
Baltique et Kiel à la mer du Nord. Le canal de VEider,
commencé en 1777, achevé en 1784, part de Holtenau,
sur la baie de Kiel et joint l'Eider vers Sebertedt, d'où il
est canalisé jusqu'à Rendsburg. H a 30 m. de large et
3™60 de profondeur. Le mouvement du canal fut, en
1884, de 4,321 bateaux. — L'Eider a joué un grand rôle
dans l'histoire allemande; il formait la frontière de l'em-
pire au N., surtout après que l'empereur Conrad eut
renoncé à toute prétention sur le Slesvig (1027).
EIDER (Ornith.). Les Eiders, qui appartiennent à la
grande famille des Anatidés (V. ce mol) et à la subdivi-
sion des Fuligulinés, sont des Canards (V. ce mot) de
forte taille, dont les femelles portent une livrée roussâtre,
rayée et tachetée de brun et de noir, tandis que les mâles
sont revêtus d'un riche costume sur lequel le noir de ve-
lours s'associe au blanc pur, au fauve pâle, au gris et au
vert de mer. Cette dernière teinte occji^e la nuque et les
côtés du cou, tandis que le noir dessine une calotte ou une
marque en forme de V sur la gorge et occupe également
Pabdomen et une partie du dos. Le bec, qui rappelle beau-
coup ^ar sa forme le bec d'une Oie, est étroit, fortement
relevé à la base et garni de ce côté de rangées de petites
plumes veloutées; les pattes sont robustes et les ailes sont
recouvertes de plumes retombantes. Le mode de distribu-
tion des couleurs, le dessin du plumage et les proportions
des diverses parties du corps permettent de distinguer
dans le genre Somateria trois espèces, savoir : Somate-
ria speàabilis L., habitant l'Islande, la Scandmavie et
d'autres contrées de l'Europe boréale, et qui s'avance en
hiver jusque sur nos côtes ; S, mollissima L. qui se
trouve à la fois dans le nord de l'Europe, au Spitzberg et
dans le nord de l'Amérique, et S. F. nigrum, presque au
N.-O. de ce dernier continent. Peut-être même faut-il
considérer comme une quatrième espèce d'Eider une forme
très rare de l'Amérique russe, la Lampronetta ou Aixto-
netta Fischeri Brandt.
Les Eiders vivent tous sur le bord de la mer et passent
la plus grande partie de leur existence sur les flots, na-
geant et plongeant avec la plus grande aisance. Dans la
saison de la reproduction, les couples viennent bâtir leurs
nids sur les côtes, et, lorsqu'ils se sentent protégés ne
craignent pas de s'installer dans le voisinage immédiat des
habitations ou même dans les étables. Les nids, construits
avec des plantes marines, des herbes ou de la paille gros-
sièrement entrelacée, sont tapissés avec du duvet que la
mère arrache de sa poitrine et renferment de six à huit
œufs allongés, d'un gris olivâtre. Aussitôt que la ponte est
terminée, le mâle abandonne à la femelle le soin de l'incuba-
tion et va rejoindre à la mer les autres individus de son sexe.
Dans beaucoup de pays du Nord, les Eiders sont l'objet
Eider vulgaire.
d'une chasse effrénée qui chaque année diminue leur nombre
dans des proportions considérables ; mais en Islande, de-
puis quelque temps, le gouvernement danois a pris des
mesures rigoureuses pour assurer la conservation de l'es-
pèce, qui, tout en conservant sa liberté, peut être sou-
mise à une exploitation régulière et rendre autant et même
plus de services que nos races de (Canards domestiques.
En Islande, en effet, les femelles d'Eider se montrent si
confiantes qu'on peut enlever deux fois de suite le duvet
qu'elles disposent pour recevoir leurs œufs sans que pour
cela elles abandonnent leur nid. Souvent même on leur
prend successivement un certain nombre d'œufs qui sont
bientôt remplacés par d'autres. Le duvet ainsi récolté est
l'édredon qui est si recherché dans l'industrie. L'Islande
seule exporte plus de 3,000 kilogr. par an de ce produit
précieux et le Grœnland en fournit plusieurs centaines de
livres. Dans le N. de la Russie, en Suède et en Norvège,
on fabrique aussi, avec des dépouilles entières d'Eiders
mâles cousues ensemble, des couvertures très légères et d'un
dessin fort original. Enfin les œufs des Eiders entrent pour
une large part dans l'alimentation des Islandais. E. Oust.
BiHL. : J. GouLD, Birds of Europa, 1838, pi. 374 et 375.
— D.-G. Elliot, Birds N. Amer., pi. 47 et 48. — L. Ma-
GAUD d'Aubusson, VEidev et l'Edredon^ dans Revue des
Se. nat. appliquées, Bull, de la Soc. d'acclim.^ 1889,
36« année, n» 20, p. 836.
ElDERDANSK (c.-à-d. Danois jusqu'à VEidev). Nom
— 711
EIDERDANSK - EIFFEL
d'un parti qui, dans l'espoir de soustraire le Danemark aux
tracasseries perpétuelles de la Confédération germanique,
proposait d'abandonner les duchés allemands de Holstein et
de Lauenbourg, et d'unir plus intimement au royaume le
duché essentiellement danois de Sudjutland ou Slesvig. Ce
programme, que les rois de Suède et de Norvège, Oscar P"^
et Charles XV, étaient disposés à prendre pour base d'une
alliance avec le Danemark, fut adopté par les ministères
A.-W. Moltke (1848), Hall (1863), Monrad (1864). B-s.
EIDERSTEDT. Presqu'île de la côte 0. du Slesvig, au
N. de l'embouchure de l'Eider, au S. de la baie d'Hevers-
trom. Elle a été en partie rongée par la mer ; le reste est
abrité par des digues construites depuis l'inondation de
1634; les Kœge ou polders ont été ainsi préservés
(V. Slesvig).
EIDSVOLD. Paroisse de Norvège, située à l'endroit où
le Vormen sort du lac Mjœsen. C'est là que se tenaient,
dans les temps païens, le Heidsœvisthing, et, au moyen
âge, le Eidsifathing , assises dont la juridiction s'étendait
sur tout le S.-O. de la Norvège. En févr. 1814, des no-
tables s'y réunirent dans l'usine Anker pour proclamer l'in-
dépendance de la Norvège (cédée à la Suède par le traité
de Kiel) et, du 10 avr. au 19 mai, les représentants du
royaume restauré s'y assemblèrent pour voter la Consti-
tution d'Eidsvold qui, légèrement modifiée le 4 nov., est
encore la base du droit public. Cette maison mémorable a
été achetée en 1837 avec le produit d'une souscription et
convertie en un musée qui renferme les portraits de tous
les constituants. Beauvois..
EIFEL. Région montagneuse volcanique de l'Allemagne,
située sur la rive gauche du Rhin, au N. de la Moselle
inférieure, entre Trêves, Aix-la-Chapelle et Coblentz, sur-
tout entre la Moselle, le Rhin, l'Ahr et l'Our. L'ait,
moyenne est de 6 à 700 m.; le point culminant {Hohe
Acht) atteint 787 m. Le climat y est très âpre, surtout aux
environs de Priim (dans le Schnee Eifel). Quelques rares
cultures s'éparpillent entre les amas rocheux ; la population
est rare et pauvre. La région la plus curieuse est celle du
lac de Laach, entouré de 31 anciens volcans. L'Eifel est
une région très intéressante pour les géologues en raison
de ses formations dévoniennes et surtout de ses volcans
(V. Prusse, § Géologie).
EIFÉLIEN (Géol.). Terme appliqué au sous-étage infé-
rieur du dévonien moyen en raison de son importance
dans l'Eifel (V. Dévonjen).
EIFFEL (Alexandre-Gustave), ingénieur et constructeur
français, né à Dijon le 15 déc. 1832. Sorti en 1855 de
l'Ecole centrale des arts et manufactures, il a inauguré sa
brillante carrière en 1858 par la conduite, en qualité de
chef de service, des importants travaux du grand pont mé-
tallique de Bordeaux et par l'appHcation aux fondations
des piles de cet ouvrage du procédé alors tout nouveau de
l'air comprimé. Il a ensuite exécuté le pont de la Nive, à
Rayonne, ceux de Capdenac et de Floirac, sur la ligne de
Paris à Toulouse. Lors de l'Exposition universelle de 1867,
il a été officiellement chargé d'établir théoriquement, puis
de vérifier expérimentalement les calculs relatifs aux arcs
de la galerie des machines et il a résumé les résultats de
ces recherches dans un intéressant mémoire où se trouve
fixé d'une façon précise le module d'élasticité des pièces
composées. De la même époque date la fondation de ses
ateliers de constructions métalliques de Levallois-Perret
(V. ci-dessous). Il a depuis lors imaginé et réahsé, au cours
des nombreux travaux dont il a eu l'initiative ou l'entre-
prise, toute une série de perfectionnements qui intéressent
à la fois la science de l'ingénieur et l'art du constructeur,
et qui ont notablement contribué au développement de
l'industrie française. Il convient de citer plus particulière-
ment : la substitution de grands caissons quadrangulaires
en fer aux colonnes de fonte des piles de ponts (1869) ;
le lançage par leviers et châssis à bascule des longues
poutres droites en treillis (1869) ; son type de pont à arc
parabolique gigantesque en forme de croissant, pour la tra-
versée des vallées ou rivières larges et profondes (1875) ;
l'introduction en France du montage en porte à faux^SiV
cheminement progressif (1876). Ces diverses innovations
ont été appliquées avec un plein succès par leur auteur à
la construction des viaducs de la Sioule et de Neuvial, sur
la ligne de Commentry à Gannat (1869), du pont du Douro,
à arc parabolique de '^160 m. d'ouverture (1876), de celui
de Vianna, sur la ligne du Minho-Portugal, qui a neuf piles
et 736 m. de longueur (1877), du grand vestibule et de
la façade de l'Exposition universelle de 1878, delà gare en
fer de Budapesth (1878), du pont du Tage, sur la ligne
de Cacercs (1880), des beaux ponts-routes de Cubzac, sur
la Dordogne (1880), de Szegedin, en Hongrie, dont l'arche
principale a 110 m. de portée (1881), et des Messageries,
à Saigon (1882), du célèbre viaduc de Garabit (Cantal),
qui est imité du pont du Douro et qui franchit la vallée de
la Truyère, à 122 m. de haut., au moyen d'une arche pa-
rabolique de 165 m. d'ouverture (1882), du viaduc de la
Tardes, sur la ligne de Montluçon à Eygurande, dont la
princi()ale travée est formée par une poutre droite de
104 m. (1884), de celui de CoUonges, en amont de Lyon,
sur la Saône (1886), etc. Les ponts du Douro, de Vianna
et de Szegedin avaient été l'objet de concours internatio-
naux. On doit encore à M. Eiifel la nouvelle coupole de
22 m. de diamètre de l'observatoire de Nice, dont la masse,
supérieure à 100,000 kilogr., repose sur un flotteur annu-
laire de son invention et peut être déplacée à la main sans
efforts; la fameuse tour de 300 m. (V. ci-dessous), qui
constitue dans sa pensée le type de pile des grands ponts
de l'avenir; un système de ponts portatifs et démontables
(V. ci-dessous) ; un avant-projet de chemin de fer métro-
politain pour Paris (1890). Il a enfin pris une part directe
à tous les autres travaux de moindre intérêt exécutés depuis
vingt-sept années par l'important établissement auquel il
a donné une si grande extension et dont la direction effec-
tive lui a été conservée après sa cession à une société ano-
nyme (1890). La Société d'encouragement pour l'industrie
nationale lui a décerné en 18851e prix quinquennal Elphège
Baude, et l'Institut, en 1889, un prix de mécanique. Il a
été président de la Société des ingénieurs civils (1889). Il
a fait plusieurs conférences sur les constructions métalli-
ques. Il a publié : Communication sur les travaux de
la tour de 300 m. (Paris, 1887, in-8); les Grandes
Constructions métalliques (Paris, 1888, in-4) ; les Ponts
portatifs économiques, en collaboration avec M. J. Collin
(Paris, 1888, in-8); Mémoire présenté à V appui du
projet définitif du viaduc de Gam/>f^ (Paris, 1889, in-8).
Établissements Eiffel. — Fondée en 1865 à Leval-
lois-Perret (Seine) par M. G. Eiffel, la maison Eiffel est
devenue en 1890 la Compagnie des établissements Eiffel,
société anonyme au capital de 6 millions de francs divisé
en 12,000 actions au porteur de 500 fr. (350 fr. versés).
Ses ateliers, qui se sont étendus sur place, couvrent actuel-
lement (avr. 1892) près de 20,000 m. q. Elle s'occupe
surtout de constructions métalliques ; mais elle est aussi
organisée pour les entreprises générales de travaux compor-
tant terrassements, maçonnerie, etc. Outre les nombreux
ouvrages d'art énumérés dans la biographie de M. Eiffel,
elle a'exécuté : tous les ponts des lignes de chemin de fer
de Latour à Millau, de Fréjus à Saint-Raphaël, de Vendée,
en France ; de Gerone, des Asturies, Galice et Léon, de
Cacerés, en Espagne; du Minho, du Douro, de Beira-Alta,
de Lisbonne à Cintra, en Portugal; de Jassy à Ungheni, de
Ploësci à Prédéal, en Roumanie ; les ponts-routes de l'Oued-
Djemma, en Algérie, de Sainte-Claire-d'Oloron (Basses-
Pyrénées) ; les grandes charpentes métalliques de l'jEcole
Monge, des magasins du Bon-Marché, de l'hôtel du Crédit
lyonnais, du pavillon de la Ville (Expos, univ. de 1878), à
Paris; l'importante usine à gaz de Clichy (Seine); le môle
et la douane d'Arica, au Pérou ; l'ossature de la statue de
la Liberté de Bartholdi ; le barrage de Port-Mort, sur la
Seine ; le casino des Sables-d'Olonne, — et quantité d'autres
ponts, halles, usines, barrages, de gares, de réservou's, de
EIFFEL
712 —
barrières roulantes, de grues éleva toires, etc. Elle avait
accepté en 1888 l'entreprise complète (creusement des sas
et portes métalliques) des dix écluses géantes de Panama
(V. ce mot) ; les portes étaient prêtes et un demi-million
de m. c. de déblais enlevés, lorsque les embarras finan-
ciers de la Compagnie du canal sont venus interrompre les
travaux (1890). Elle construit actuellement les écluses de
Port-Villez (Seine-et-Oise) , sur la Seine, le pont-canal de
Briare, sur la Loire, le grand appontement de Pauillac, sur
la Gironde. Elle a enfin déjà fourni, tant en France qu'à
l'étranger et aux colonies, 20,000 m. linéaires de ses ponts
portatifs démontables.
Ponts portatifs Eiffel. — Ces ponts, tout en acier,
ont été employés pour la première fois, en 1885, par la
Compagnie d'Orléans pour une déviation provisoire de la
ligne de Questembert à Ploërmel. Ils paraissaient devoir
être très utiles en temps de guerre. Ils se composent de
deux poutres, de 1^50 à 3 m. de haut, suivant le type,
réunies à leur partie inférieure par des entretoises que
relient elles-mêmes deux files de longerons supportant les
rails. Chaque poutre est d'ailleurs formée par un petit
nombre d'éléments triangulaires identiques, susceptibles
d'être séparés ou rassemblés rapidement et de s'emboîter
pour le transport. Les pièces les plus lourdes pèsent
417 kilogr. Les types principaux sont au nombre de cinq :
ponts-routes (3 à 4 m. de larg., 24 à 27 m. de portée),
ponts militaires (3 m. de larg., 24 m. de portée), ponts
pour voies Decauville (21 m. de portée), ponts pour voies de
4 m. (22 m. de portée), ponts pour voies normales (45 m.
de portée). Ces derniers ne pèsent que 85,000 kilogr.,
supportent des épreuves de 6,500 kilogr. par mètre et
peuvent être montés, lancés et raccordés à la voie par une
section de 60 soldats du génie en deux jours et demi.
Tour Eiffel. — Haute de 300 m. et toute en fer, cette
gigantesque « pile de pont » isolée, dont la curieuse ossa-
ture se dresse à l'entrée du Champ de Mars et domine
tout Paris, a été exécutée par M. G. Eiffel à l'occasion
de l'Exposition universelle de 1889. L'avant-projet, dû à
la collaboration de l'éminent constructeur, de MM. E. Nou-
guier et Maurice Kœchlin, ingénieurs de sa maison, et
de M. Stephen Sauvestre, architecte, en fut officiellement
adopté au mois de juin 1886, malgré une vive protesta-
tion d'un groupe assez nombreux de gens de lettres et
d'artistes des plus célèbres, qui craignaient que sa masse
ajourée ne déparât la capitale. Le 8 janv. 1887, la con-
vention fixant les conditions définitives de son édification
fut signée avec l'Etat et la Ville de Paris. Le 28 du même
mois, le premier coup de pioche fut donné. Les fondations
furent terminées le 30 juin 1887, le montage de la partie
métallique le 31 mars 1889, Taménagement et la décora-
tion le 17 mai suivant. 2 ans, 4 mois et 9 jours avaient
suffi. Jamais entreprise aussi considérable ne fut con-
duite avec autant de rapidité et de précision. Aucune erreur,
aucun mécompte (si ce n'est une courte grève d'ouvriers)
ne vinrent déranger un programme arrêté d'avance pour
chaque jour et dans ses moindres détails.
La tour Eiffel présente l'apparence générale d'un tronc
de pyramide quadrangulaire régulière à faces courbes. Elle
est en réalité essentiellement constituée par quatre mon-
tants ou arêtiers distincts en treillis, rectilignes jusqu'à la
première plate-forme, curvilignes ensuite, et seulement
reliés, d'abord au sixième et au tiers environ de la hauteur,
par des poutres horizontales également en treiUis, formant
ceintures et portant planchers, puis du second étage jusqu'à
leur point de jonction, par des diagonales en croix de Saint-
André. Les arêtes intérieures des montants sont d'ailleurs
supprimées à partir du second étage. Tout le reste, grands
arcs formant voûte sur chaque façade, consoles, balcons,
campanile, n'intervient que pour l'ornementation et ne
contribue en rien à la stabilité de la tour. — Sa teinte va
en dégradant du rouge sombre, à la base, au jaune orange,
au sommet.
Les fondations ne sont pas la partie la moins intéres-
sante de l'œuvre. Le sous-sol est formé en cet endroit par
une couche d'argile plastique de 16 m., reposant sur la
craie du bassin de Paris et surmontée d'un banc de sable
et de gravier compact, qui s'incline rapidement vers le lit
de la Seine et qu'il était de toute nécessité d'atteindre : le
terrain supérieur n'est en effet qu'un amas de sable fin ou
vaseux et de remblais n'offrant pas une consistance suffi-
sante. Pour les piles E. et S. (de gauche et de droite, et
en arrière, lorsque l'on fait face à l'Ecole militaire), nulle
Tour Eiffel (craprès une photographie).
difficulté. Le banc de sable fut rencontré à la profondeur de
7 m. et l'on put opérer à l'air libre. Pour les piles N. et 0.,
au contraire, distantes de la berge de 120 m. seulement,
il fallut aller chercher ce banc à 12 m., c.-à-d. à 5 m.
au-dessous du niveau de l'eau, et l'on dut recourir au pro-
cédé de l'air comprimé (V. Air, t. I, p. 1044). — Chaque
pile a quatre arêtes et chaque arête a sa fondation parti-
culière. Il y a ainsi 16 massifs, qui ont trois de leurs
faces verticales et la quatrième inclinée à 52^, suivant la
direction de l'arête correspondante. Leur base, rectangu-
laire, a 10 m. sur 6 m. pour les piles E. et S., 15 m. sur
6 m. pour les piles N. et 0. ; elle est formée par une épaisse
couche de béton au ciment de Boulogne. Le môle lui-même
est en pierres de Souppes, couronnées par deux assises de
larges pierres de taille de Château-Landon. Chaque arête
est fixée au moyen d'un sabot en fonte que calent deux
boulons scellés, de 7 m. de long, sur 0^10 de diamètre.
— 713 —
EIFFEL
Cet ancrage, inutile pour la stabilité de la tour, donne ce-
pendant un excès de garantie contre tout glissement. Il a
en outre servi pour le montage des fers en porte à faux.
Enfin, dans chaque sabot a été ménagée, par une disposi-
tion ingénieuse, une presse hydraulique de 800 tonnes,
que deu\ hommes peuvent facilement faire fonctionner. Ces
seize puissants leviers de réglage, qui ont déjà été em-
ployés avec succès pour l'assemblage des montants avec les
poutres du 1'^'' étage, sont d'autre part destinés à rétablir
au besoin la parfaite verticalité de l'édifice. Il serait même
pratiquement aisé à 32 hommes, faisant agir simultanément
cette force totale de 12,800 tonnes, de soulever de plusieurs
centimètres la tour entière. Son poids ne dépasse pas en
effet 9,000 tonnes, y compris les accessoires. Il se résout,
en y ajoutant l'effort des plus grands vents et la charge de
la maçonnerie de substruction, qui cube 12,000 m., en
une pression verticale de 3'^8T au maximum (3 atmos-
phères et demie) sur chaque centim. q. des 1,200 m. de la
surface d'appui. Quant à la plus forte pression oblique,
elle s'exerce sous les sabots, sur les assises en pierre de
taille ; mais là même elle n'est que de 30 kilogr. par
centim. q., et ces pierres ont donné aux essais une résis-
tance de 1,235 kilogr. Ainsi, nul danger de tassement ni
du sol, ni des fondations. Toute cette infrastructure dis-
paraît'dans un remblai arasé au niveau du Champ de Mars
(sauf pour la pile S., où une vaste cave a été conservée
entre les quatre massifs), et un soubassement décoratif,
en grandes dalles de béton Coignet, entoure le pied de
chacune des quatre piles. L'écartement de deux piles voi-
sines est de 103«^90 entre leurs axes, de 118^^90 entre
les arêtes extérieures des fers, de 129^^25 entre les côtés
extérieurs des soubassements.
De la base au premier étage, les quatres montants sont
des prismes à section horizontale carrée de lo m. de côté,
inclinés à 52°. Leurs arêtes ou arbalétriers sont des poutres
de fer creuses de 0'"80 de côté. Elles sont reliées par des
pièces en treillis de fer cornières disposées en croix de
Saint-André et par des traverses horizontales de même
contexture formant avec les premières des panneaux de
d2^'50 de haut. Jusqu'à 26 m., le montage « en porte à
faux » put s'effectuer au moyen de simples bigues munies
de treuils et sans le secours d'aucun échafaudage. Douze
gigantesques pyramides en bois étayèrent ensuite les douze
arbalétriers intérieurs, et quatre puissantes grues pivotantes
de 12 m. de portée, que l'on déplaçait progressivement le
long des futures poutres de roulement des ascenseurs, his-
sèrent désormais les lourdes pièces métalliques. Quant aux
poutres transversales de 7^50 de côté et 45 m. de long.,
qui réunissent les quatre montants et leur servent en même
temps de points d'appui, elles furent mises en place, partie
à l'aide de quatre nouveaux échafaudages de 48 m. de haut.,
partie par cheminement en porte à faux. Elles sont dissi-
mulées par de nombreux accessoires et appliques purement
décoratifs. Elles supportent un plancher qui est à 57«^63
au-dessus du sol, mesure 70^^70 de côté, 4,200 m. q. de
surface, et présente en son milieu un vaste trou béant.
Trois restaurants et une salle de concert y sont installés ;
un promenoir couvert, de 283 m. de développement sur
2'^60 de largeur, en fait le tour. Quant aux quatre arches
monumentales qui s'ouvrent sur chaque façade, elles ne
sont, nous l'avons dit, que des motifs d'ornementation ;
elles mesurent 39M0 de hauteur sous clef de voûte et
74'"24 de corde.
De la première à la troisième plate-forme, les montants
sont constitués par les mêmes éléments légèrement modifiés.
Leurs sections horizontales, quoique toujours carrées, vont
en rétrécissant depuis 15 m. jusqu'à 5 m. de côté. Leurs
arêtes sont dirigées suivant la courbe de plus grande ré-
sistance au vent; au nombre de 16 jusqu'à la deuxième
plate-forme, elles se réduisent ensuite à 12, toutes exté-
rieures, puisa 8. Cette seconde partie du montage s'effectua
beaucoup plus facilement et sans échafaudages. Les mêmes
grues fonctionnèrent dans des conditions analogues. Des
relais, desservis par des locomobiles, furent seulement
installés sur les plates-formes successives. La deuxième,
supportée comme la première par un cadre de poutres en
treillis, est à 115*^73 au-dessus du sol et est également
entourée d'un promenoir de 2™60 de largeur. Mais son
plancher, de 1,400 m. q., est continu. Le Figaro y Uvad
pendant l'Exposition une édition spéciale. La troisième
est à 276^^13 ; le public ne monte pas plus haut. La tour
n'a plus que 10 m. de largeur; mais une terrasse en
encorbellement porte à 18^^65 le côté du plancher. Tout
autour règne une galerie couverte d'où Ton découvre, der-
rière des châssis vitrés, un panorama féerique ; par les
temps très clairs, les lunettes qui y sont disposées per-
mettent de découvrir des points distants de 90 kil. (forêt
de Lyons, près de Rouen). Le centre est affecté à divers
services. Au-dessus sont aménagées 6 petites salles. Trois
constituent Vappartement de M. Eiffel, qui y a tout un
ameublement avec piano, lustres Edison, cheminée à gaz, etc.
Les trois autres sont des laboratoires d'astronomie, de
physique et météorologie, de microbiologie, où d'intéres-
santes expériences ont' déjà été faites. Une terrasse à ciel
ouvert fait le tour de l'étage (IlS^do au-dessus du sol).
Le campanile, dont la hauteur est celle d'une maison à
six étages, est formé par quatre arceaux convergents en
treillis, orientés suivant les diagonales de la section carrée
de la tour et portant en leur point de jonction le phare
terminal. Sa lampe, alimentée par un courant de 100 am-
pères, a une intensité propre de 5,500 carcels. Mais deux
tambours, l'un catadioptrique, l'autre dioptrique, multi-
plient considérablement cette lumière qui, invisible dans
un rayon de 1,500 m., atteint 100,000 carcels pour des
distances de 2,500 m. et 515,000 carcels, dans les
éclats, pour des distances de 4 kil. et demi. Sa portée
théorique est de 200 kil. En réalité, la courbure de la
terre ne permettrait de l'apercevoir qu'à 85 kil. pour des
points cotés 34 m. (ait. du Champ de Mars), qu'à 127 kil.
pour des sommets de 300 m. Une couronne de verres de
couleur tourne autour de l'appareil qui est fixe, en sorte
que le feu brille successivement bleu, blanc, rouge, blanc.
Ce phare est allumé tous les soirs, sauf l'hiver. Il est dû
à MM. Sautter et Lemonnier, ainsi que deux puissants pro-
jecteurs système Mangin, de 0^^^90 de diam., mobiles sur
la terrasse de l'appartement de M. Eiffel. L'intensité de
chacun d'eux est de 6 millions de carcels ; ils permettent
de distinguer, la nuit, avec une lunette, tous les détails
d'un objet distant de 11 kil. Ils ne fonctionnent qu'excep-
tionnellement. Une dernière plate-forme, de 1 "^40 de diam.,
que surmonte un paratonnerre servant de hampe à un dra-
peau de 50 m. q., occupe le sommet de la coupole du phare.
De nombreux instruments de météorologie, construits par
M. M. Richard, y constatent automatiquement les divers
phénomènes atmosphériques. Ce sont deux thermomètres
à maxima et à minima, un psychromètre, un hygromètre
et un pluviomètre, simplement enregistreurs ; un thermo-
mètre, une girouette et deux anémomètres, transmettant
par fils électriques leurs indications au bureau central
météorologique de la rue de l'Université. Cette terrasse
est à 300'^^52 au-dessus du sol, à 334""02 au-dessus du
niveau de la mer. Les autres monuments les plus élevés de
la Terre sont: la Mole Antonelliana, à Turin (170 m.),
l'obélisque de Washington (169 m.), la cathédrale de Co-
logne (156 m.), la cathédrale de Rouen (150 m.), le
munster de Strasbourg et la grande pyramide d'Egypte
(142 m.). Les dômes des Invalides et du Panthéon, à Pans,
n'ont que 105 m. et 79 m. Malgré la hauteur anormale
du sommet de la tour Eiffel, les oscillations y sont insen-
sibles et leur amplitude ne saurait, dans les conditions les
plus défavorables, dépasser 10 centim. Les éléments de
l'édifice ont du reste été calculés pour résister à des pres-
sions latérales de 400 kilogr. au mètre carré; dans les
plus grandes tempêtes, cette pression n'a jamais dépassé à
Paris 150 kilogr.
L'ascension s'effectue soit par les escaliers, soit par les
EIFFEL — EILERS
— 714 —
ascenseurs. Il y a de la base au i^^ étage, dans chacune
des piles E. et 0., un escalier en zigzags de 1 m. (360
marches), du 1®*" au 2<^, dans chacune des quatre piles, un
escalier hélicoïdal de 0™60 (380 marches) ; ces six esca-
liers sont accessibles au public ; du 2® au 3^, un unique
escalier hélicoïdal de 0™60, interdit au public (1,062 mar-
ches) ; du 3® au phare, d'abord un escalier en partie héli-
coïdal (71 marches), puis 30 échelons dans une cheminée
centrale de 0°^80 de diam., du phare à la terrasse supé-
rieure, 16 nouveaux échelons. En tout, y compris les
8 marches du soubassement, 1,927 marches et échelons.
— Les ascenseurs sont de trois types ditférents. Deux
ascenseurs Roux, Combaluzier et Lepape vont en une mi-
nute et demie du sol à la 1^® plate-forme par les piles E.
et 0. ; un ascenseur Otis va en deux minutes du sol à la
2® plate-forme par la pile N. ; un autre ascenseur Otis va
en une minute de la 1^® à la 2^ plate-forme par la pile S.;
enfin, un ascenseur vertical Edoux va en 4 minutes de
la 2^' à la 3® plate-forme. La cabine de l'ascenseur Roux,
Combaluzier et Lepape, aménagée pour 100 voyageurs, est
poussée par une série de tiges articulées, qui remplissent
le double office d'une chaîne sans fin, s'engrenant sur
une roue motrice à empreintes et sur une poulie, et d'un
piston rigide dont les éléments sont emprisonnés dans
une gaine en tôle s'opposant à tout déplacement latéral.
Une rainure pratiquée dans la gaine permet l'attache au
véhicule. La cabine de l'ascenseur Otis, disposée pour
45 voyageurs, est entraînée par 4 câbles en fils d'acier.
Le mouvement leur est communiqué par un piston qui
est établi au bas de la pile et qui n'a que 10 m. de lon-
gueur, mais dont les déplacements se trouvent multipliés
par 12 grâce à un système de poulies mouflées formant
un gigantesque palan à 48 brins. L'ascenseur Edoux est
double. Une première cabine à 60 places est poussée par
deux pistons verticaux parallèles de 80 m. de haut, et de
0"^32 de diam., et va d'un plancher intermédiaire, à 196 m.
du sol, jusqu'à la 3® plate-forme. De sa partie supérieure
partent 4 câbles qui, passant sur des poulies établies au
sommet de la tour, supportent une deuxième cabine analogue
allant de la 2^ plate-forme au plancher intermédiaire. Pen-
dant que l'une monte, l'autre descend, et un transborde-
ment s'effectue au plancher intermédiaire où elles se ren-
contrent. Ces divers ascenseurs sont munis de freins
puissants parant à toute éventualité. Leurs moteurs sont
hydrauliques. L'eau est élevée dans deux réservoirs, au
2® étage et au sommet, par 4 machines à vapeur, d'une
puissance totale de 500 chevaux, installées dans la cave de
la pile S. Là sont encore deux autres machines, affectées
à la production de la lumière électrique. Dernier détail :
l'écoulement de l'électricité atmosphérique est assuré par
16 conduites en fonte de 0"^50 de diam., en communica-
tion avec la partie métallique de la tour et immergées au-
dessous du niveau de la nappe aquifère du sol.
Le poids des fers et fontes de l'ossature de la tour
est de 7,500,000 kilogr. environ; mais son poids total, y
compris les planchers, constructions, ascenseurs, etc.,
s'élève, nous l'avons dit, à 9 millions de kilogr. Le nombre
des rivets est de 2 millions et demi, dont 800,000 ont été
posés sur place. Toutes les pièces métalliques, au nombre
de 12,000, ont donné lieu à autant d'épurés, dontles élé-
ments ont été calculés par logarithmes à 0"^0001 près.
Elles ont été amenées des usines de Levai lois-Perret à pied
d'œuvre, percées de tous leurs trous et entièrement ter-
minées. Aucun ajustage, aucun alésage n'ont été nécessaires
au cours du montage, qui n'a jamais occupé plus de
300 ouvriers. La dépense totale a atteint 6,500,000 fr.
se répartissant ainsi : fondations, maçonnerie, sou-
bassement : 900,000 fr. ; fers et montage métallique :
3,800,000 fr. ; peinture (quatre couches) : 200,000 fr. ;
ascenseurs et machines : 1,200,000 fr. ; installations et
aménagements divers : 400,000 fr. M. Eiffel avait reçu
de l'Etat une subvention de 1,500,000 fr. et de la Ville
de Paris la concession gratuite du terrain. Mais la propriété
de la tour ne lui appartient que pour 20 années à dater
de la clôture de l'Exposition; elle passera ensuite sans
indemnité à la Ville. M. Eiffel a du reste cédé dès le début
ce droit temporaire à une compagnie financière, la Société
de la tour Eiffel, qui s'est constituée au capital de
5, 100,000 fr.(5millionspourrachatde la tour, 100,000 fr.
comme fonds de roulement) et qui lui a remis, pour ses
apports, la moitié des parts. Les bénéfices proviennent
surtout des ascensions, qui ont lieu pendant toute la belle
saison et dont le prix varie de 0 fr. 50 à 4 fr., suivant le
jour et l'étage. La recette de l'année de l'Exposition s'est
élevée à 7 millions et demi et a permis de rembourser tout
de suite le capital aux actionnaires. Léon Sagnet.
BiBL. : TuRGAN, les Grandes Usines; Paris, 1886, t. XVIII,
livr. 350 et 354, in-8. — Max de Nansouty, la Tour Eiffel;
Paris, 1889, in-8. — G. Eiffel, Conférence sur la tour de
300 m. ; Paris, 1889, in-8. — M. Ansaloni, Note sur les
ascenseurs de la tour de 300 m. ; Paris, 1889, in-8. — G.
Calmette, la Tour Eiffel, dans le Guide bleu du Figaro;
Pads, 1889, in-12. — Louis Figuier, Année scientifique et
industrielle (1889); Paris, 1890, d. 460, in-8. — Henri de
Parville, la Tour de 300 m., dans les Expositions de
l'Etat; Paris, 1890, p. 31, in-4. — La Revue scientifique, le
Génie civil, la Nature, années 1888 et 1889.
El G. Ile de la côte 0. d'Ecosse, comté d'Inverness, l'une
des petites Hébrides, au S. de l'île de Skye, à l'entrée du
Sleat Sound ; 30 kil. q. ; 300 hab. Elle est de formation
basaltique et ses colonnades (scuir) sont célèbres ; elles
atteignent une hauteur de 143 m. ; le point culminant de
l'île a 417 m. Une grotte renferme les ossements des
200 hab. de l'île qu'y enfuma un Macleod. L'île d'Eig
appartenait au clan Macdonald. Ses habitants sont restés
catholiques. Sa géologie a été étudiée par Hugh Miller qui
y observa la résonance musicale du sable.
EIGLA (V. Egil Skallâgrimsson) .
EIGTVED (Nicolaî), architecte danois, né à Egtved
(Sélande) le 22 juin 1701, mort le 7 juin 1754. Il était
ouvrier jardinier en Allemagne, lorsqu'il se mit à étudier
les beaux-arts et devint lieutenant du génie dans l'armée
saxonne (1729). Rappelé par Christian VI (1732) qui le fit
voyager trois ans en Italie, le nomma capitainé'(1735), puis
architecte de la cour, colonel, inspecteur de l'Académie des
beaux-arts de Copenhague (1745), il devint directeur de
cet établissement (1751), dont il rédigea les statuts. Parmi
les édifices à la construction desquels il prit part, on doit
citer : le palais du Prince (1745), les quatre palais d'Ama-
lienborg, l'ancien Théâtre royal, les châteaux de Chris-
tiansborg et de Fredensborg, ceux de Sophienberg et de
Bregentved, l'église de marbre à Copenhague. B-s.
EILEITHYA^Myth.) (V. Ilithyia).
El LEN BU RG. Ville d'Allemagne, roy. de Prusse, dis-
trict de Mersebourg (Saxe), sur la Mulde; 10,654 hab.
Vannerie, produits chimiques, brasserie, etc. Château dos
comtes d'Eulenburg. La ville fut bâtie dans une île de la
Mulde, sous le nom de Mildenau et prit le nom du château
fort (llburg), élevé par Henri P' contre les Slaves (Sorbes
et W^endes). Eilenburg fut un de premiers biens de la
maison de Wettin, chef-lieu de la Marche orientale, puis
réunie à la Misnie. Elle a été annexée à la Prusse en 1815.
BiBL. : GuNDERMANN, Chronik der Stadt Eilenburg ;
Eilenburg, 1879 et suiv.
EILERS (Gerd), pédagogue prussien, né à Grabstede
(Oldenbourg) le 31 janv. 1788, mort à Saarbruck le
4 mai 1863. Il fut un des principaux agents d'Eichhorn et
fonda, après la retraite de celui-ci, à Halle, une maison
d'éducation à tendances conservatrices, qui eut un moment
de grande vogue. Il a écrit Wanderung durchs Leben
(Leipzig, 1856-61, 6 vol.), etc.
EILERS (Gustav), graveur allemand contemporain, au
burin et à l'eau-forte, né à Konigsberg le 28 juil. 1834.
Elève de l'Académie de sa ville natale, il se fixa, en 1863,
à Berlin, et se fit un nom par une série de belles planches
au ^ burin, telles que : le Denier de César ^ d'après le
Titien; le Portrait d*une dame, d'après le tableau de
Van Dyck de la galerie de Cassel ; les portraits du marchand
— 715
Georges Gyze et celui de l'orfèvre Moreit, d'après Hol-
bein, etc. Son œuvre à l'eau-forte est encore plus consi-
dérable; il a aussi interprété avec talent les maîtres
modernes de l'Allemagne : Kaulbach, Kraus, etc. , ou a
gravé ses propres compositions, notamment des marines
et des paysages. ^« ^-^•
EILHARTd'Oberg, poète allemand de lafm du xii^ siècle.
Il était attaché au service de Henri le Lion, duc de Bavière.
Il écrivit un poème sur le sujet de Tristan et Iseult, qui fut
repris, une cinquantaine d'années plus tard, par Gottfried
de Strasbourg. Le poème d'Eilhart n'a été longtemps connu
que par deux manuscrits très incorrects du xv« siècle, qui
se trouvent l'un à Dresde, l'autre à Heidelberg. Hotfmann
de Fallersleben publia, en 1823, quatre feuillets d'un ma-
nuscrit meilleur, de la fm du xiii« siècle (Hoffmann, Fimd-
gruben, au 1^'' vol.; réimprimé dans l'édition des œuvres
de Cxottfried de Strasbourg, par von der Hagen,au2« vol.).
Le roman en prose allemande sur Tristan est une para-
phrase de l'œuvre d'Eilhart. A. B.
EILIF GuDRUNARSON, poètc norrain du x<^ siècle, dont
la vie est peu connue. On sait seulement qu'il chanta
Hâkon jarl, le dieu Thor (Thôrsdrdpa) et le Christ, d'où
l'on conclut qu'il se convertit au christianisme vers l'an
■1000. On n'a conservé que des fragments de ses poèmes.
Il ne faut pas le confondre avec Eilif Kulnasvein, qui pa-
rait avoir vécu plus tard. B-s.
EILSCHOV (Frederik-Christian), philosophe danois, né
à Rynkeby (Fionie) le 13 févr. 4725, mort le 15 oct.
4750. Dès l'âge de dix-huit ans, il publia une Méthode
spéculative pour les ignorants (4743) et il était à peine
sorti de l'école qu'il commença d'écrire en latin et 'en da-
nois, avec une grande indépendance d'esprit, sur la libre
pensée, sur l'émancipation de la femme, sur la nécessité
de cultiver la langue maternelle et de substituer des com-
posés danois aux termes étrangers. La plupart des nou-
veaux mots proposés par lui ont passé dans la langue.
Outre une dizaine d'ouvrages originaux, aussi remarquables
par le fond que par la clarté du style, il donna des tra-
ductions du latin, de l'italien, du français (Zadig). B-s.
EILSEN. Station balnéaire d'Allemagne, principauté de
Schaumburg-Lippe; eaux sulfureuses.
BiBL. : Li^DiNGER.Eilsenund seine Heilquellen; Bùcke-
burf?, 1859.
EINIAKS ou AIMAKS. Peuplade de TAfghanistan occi-
dental ; on peut la regarder comme une fraction des Héza-
reh, dont les Eimaks diffèrent par la religion, étant musul-
mans sunnites (V. Hézareh).
EIMBECK ou EINBECK. Ville d'Allemagne, roy. de
Prusse, district d'Hildesheim (Saxe) ; 6,800 hab. C'est
l'ancienne capitale des princes de Grubenhagen, dont
réj>lise Saint-Alexandre renferme les tombeaux. La prospé-
rité de la ville fut due à sa bière, célèbre à partir du
xv« siècle (le mot bock viendrait du mot Einbeck),
BiBL. : Harland, Geschichte der Stadt Einbech; Eim-
beck, 1859, 2 vol. „ -, ,
EIMBECK (Konrad von), sculpteur allemand du com-
mencement du XV® siècle. Il a laissé dans la « Moritzkirche »,
à Halle, nombre de sculptures, parmi lesquelles on re-
marque : un Ecce Homo colossal (1416); le haut-relief
de Saint-Maurice (4444), etc.
■ EIMEO (V. Société [lies de la]).
El MER. Mesure de capacité allemande et variable d'une
localité à l'autre. Eimer veut aussi dire seau. La valeur
de l'eimer est comprise entre 40 et 70 litres.
EIMERIA (Zool.). Schneider (4875) a créé ce genre de
Grégarines pour une espèce parasite de l'intestin de la
Souris, décrite par Eimer sous le nom de Gregarina fal-
eiformis. Il peut se caractériser ainsi : kystes sphériques
ou oviformes, très petits (ne dépassant guère 0,04 millim.
de diamètre), dont le contenu ne forme qu'une seule spore,
dans laquelle se développent des nombreux corpuscules fal-
ciformes. Ces êtres habitent les cellules qui tapissent les
organes dans lesquels on les trouve. E. schneideri But-
schli, dans l'intestin d'unMyriapode (Lithobius), Ë. nova
EILERS - EINAR
Schneider, vaisseaux de Malpighi d'un Glomeris, E. kir--
suta Schn., intestin de larves de Gyrins, E, nepœ, etc.
EINAR EiNDRiDASON, surnommé Thambarskelfl (l'Ar-
cher), homme politique norvégien, né vers 982, mort vers
4054'. Fils d'un grand feudataire des environs de Trond-
hjem, il combattit sur le navire du roi Olaf Tryggvason à
la bataille de Svœldr (4000); son arc brisé, il se sauva à
la nage et se réconcilia avec les jarls vainqueurs, Eirik et
Svein Hâkonarson, dont il épousa la sœur Bergljot. Il
devint le tuteur de son neveu Hàkon, fils du premier (4045),
et s'enfuit en Suède avec le second après la, perte de la
bataille de Ness (1046). Adversaire de saint Olaf, il excita
contre lui Knut le Grand qui se fit proclamer roi de Nor-
vège et v réinstalla Hàkon Eiriksson comme vice-roi (4028).
Il jouit d'une grande influence sous le gouvernement de
son neveu. Après la mort de ce dernier (4030), mécontent
de n'avoir pas été appelé à lui succidcr, il fut l'un des
seigneurs qui allèrent chercher en Russie Magnùs, fils de
saint Olaf, et qui le proclamèrent roi de Norvège (4035) ;
mais il se brouilla avec l'oncle et successeui- de ce dernier,
Harald Hardrâdé, qui le fit assassiner avec son fils Eindridé
(G.-M. Falsen, iimar Tambeskjelver; Bergen, 4845; —
W.-S. \)M,EinarThambarskelver ; Christiania, 1884).
EINAR GiLSSON, le dernier des skalds de renom et l'un des
premiers auteurs des rimas, vivait au xiv« siècle. H fut bailli
du canton de Hunavatn, puis président des assises de l'Islande
occidentale et septentrionale (4367-68). De nombreux frag-
ments de sa Gudmundardrdpa et de ses Chansons de l'ogre
se trouvent dans la Saga de l'évêque Gudmmid (Biskupa
sœgur ; Copenhague, 4857, t. Il) et sa Pâma de saint
Olaf\ qui passe pour être la plus ancienne du genre, dans
le Flateijjarbôk (Christiania, 4860, t. I). B-s.
EINAR Haflidason, biographe et annaliste islandais, né
le 46 sept. 4307, mort le 22 sept. 4393. Fils d'un curé,
il fut lui-même tonsuré dès 4345 et commença ses études
au monastère de Thingeyré, sous le futur évêque Lauren-
tius, dont il devint secrétaire intime (4324-4334) et dont
il écrivit la biographie qui, pour être la dernière saga his-
torique, n'est pas la moins pittoresque (éditée dans Bis-
kupa sœgur; Copenhague, 4857, t. H, in-8). Ordonné
prêtre en 4332, il devint curé de Hoskuldstads (4334),
de Breidabolstad (4344), conseiller (4340) de son ancien ^
maître Egil Eyjolfsson, évêque de Hols, et, après la mort
de celui-ci (4344), il remplit les fonctions d'official, qu'il
occupa de nouveau pendant l'absence de l'évêque J6n Skallé
(4370-4376) et de 4394 à 4393. En 4346, il fut envoyé
près du souverain pontife à Avignon et passa quelque temps
à Paris. On lui doit pour le xiv« siècle de précieuses anno-
tations qui ont été insérées dans les jinnalesdujuge{ëô.
par G. Storm dans Islandske Annaler; Christiania, 4888).
EINAR Helgason, surnommé ^AYi/ajy km et aussi ap-
pelé Skjaldmeyjâr-Einar, skald islandais, né vers 930,
mort dans un naufrage sur les côtes du Breidifjœrd vers la fin
du x^ siècle. Apparenté avec OElvi Hnufa, Eyvind SkaldaspilU
et Egil Skallagrimsson, avec qui il était fort lié, il jouait
aussi bien de la lyre que de l'épée. Etant au service de Hâkon
jarl auprès duquel il combattit à Hjœrungavâg (986) et
qui lui fit présent d'un plateau sonore (skdlaglam) et d'un
magnifique bouclier (sujet de la Skjaldardrdpa d'Egil
Skallagrimsson), il composa en l'honneur de ce prince une
drdpa (vers l'an 965) et, après 986, la Vellekia (traduite
et commentée par A.-O. Freudenthal; Helsingfors, 4865 ;
et par Finn J()nsson dans Aarbœger for nordisk Oldkyn-
diqhel, 4.91). Des fragments de ces poèmes nous ont été
conservés dans VEdda de Snorré, la Heimskringla, la
Fagrskinna, YEigla et le Flateyjarbôk. B-s.
EINAR SiGURDssoN, poète islandais, né à Hraun dans
l'Adalreykjadal en 4539, mort à Heydals le 45 juil.
4626. Fils d'un pasteur, il fut ordonné prêtre à dix-huit
ans et nommé (par son propre fils, l'évêque de Skâlholt,
Odd Einarsson) pasteur de Hvamm, puis de Heydals (4594).
A sa mort, il comptait plus de cent descendants et, en
4696, il y avait en Islande non moins de trente-six prêtres
EINAR - EINSPIELER
— 716 —
issus de lui. Il fut ancêtre d'un grand nombre d'hommes
célèbres, entre autres les poètes Olaf Einarsson, Stefan
Olafsson, Hallgrimm Eldjarnsson, Bjarné Thérarensen,
Jonas Hallgrimsson. Il fut le premier des grands psal-
mistes originaux après la Réforniation, et beaucoup de ses
poésies religieuses ont été bien des fois réimprimées dans
le Psautier islandais^ dans les Visnabôk de 1612 et de
1748. Nombre d'autres pièces sont inédites. B-s.
EINAR Skulason, le meilleur et le plus fécond desskalds
islandais du xi*^ siècle, né vers 1095, vivait encore en 1160.
Apparenté avec les poètes Egil Skallagrimsson, Snorré
Sturluson, Sturla et Olaf Thordarson, il alla comme eux
chercher fortune dans les cours Scandinaves et y passa la
plus grande partie de sa vie. Dès 1114, on le trouve à la
cour de Sigurd le Jérosolymitain et il était encore en Nor-
vège en 1159; mais on sait que, dans l'intervalle, il possa
une dizaine d'années dans son domaine de Borge en Islande.
Quoique prêtre, il fut nommé maréchal par le roi Eystein
Haraldsson. Lors de l'inauguration du siège archiépiscopal
de Throndhjem (1152), il chanta les louanges de saint Olaf
dans la cathédrale qui renferme ses reliques. Ce poème,
appelé O'iafs drdpa et Geislé (rayon) fut plus admiré des
anciens qu'il ne l'est des modernes. C'est la plus ancienne
ode chrétienne en langue norraine qui nous ait été conser-
vée : àansla Konungabôk de l'abbé Berg(éd. par G. Ceder-
schiœld, Lund, 1874) et, avec lacune de trois strophes dans
le Flateyjarbôk (1860, 1. 1. ; édité en outre dans Heims-
kringla, 1 783, t. III in-fol. ; dans Fornmanna sœgur,
t. V, avec traduction latine dans Scripta historica Islan-
doriim^ t. V ; enfin par Lars Wennberg, avec traduction
suédoise; Lund, 1874). Ses autres poèmes sur les rois de
Norvège, Sigurd le Jérosolymitain, Eystein Magnùsson, Ma-
gnûs Sigurdarson, Harald Gillé et ses fils, Sigurd, Eystein
et Ingé ; sur le roi de Suède Sverker Kolsson ; sur le roi
de Danemark Svein Grade ; sur Eindridé le Jeune et Gre-
gorius Dagsson, sur la Hache, ne sont connus que par des
fragments ou même totalement perdus. B-s.
EINARSFOSTRÉ(Sigurd Thordarson, surnommé), poète
islandais du xiv^ siècle. Son surnom (que l'on prend sou-
vent pour son nom : Einar Fostré) vient, sans doute, de
ce qu'il fut soit le pupille {fostré), soit le père nourricier
{fostré) d'Einar, l'un père, l'autre fils de Bjœrn Einarsson,
gouverneur de l'Islande, auprès duquel il remplissait les
fonctions de ménestrel et de narrateur. C'est pour dis-
traire celui-ci dans le cours d'un pèlerinage à Jérusalem
(1391) qu'il composa Skidarima, poème héroï-comique,
dont beaucoup de vers ont passé en proverbe (éd. par
C. Maurer; Munich, 1869; par Th. Wisén dans Carmina
norrœna; Lund, 1886; et par Gudbrand Vigfusson dans
Corpus poeticum boréale; Londres, 1883, t. Il; la tra-
duction en hexamètres latins par l'évèque Jon Vidalin
et Jén Arnason est inédite). On lui attribue aussi V Episode
du renard (éd. par Kœlbing dans ses Beitrœge; Halle,
1876; par G. Vigfusson dans Corpus, t. II ; et par Jon
Thérkelsson dans Om Digtningenpâ Jsland; Copenhague,
1888, in-8), ainsi que des Chansons enfantines. La re-
lation des voyages de Bjœrn Einarsson, dont il ne reste
que des fragments relatifs au Groenland, avait peut-être
été rédigée par lui. B-s.
EINARSSON (Baldvin), publiciste islandais, né le 2 août
1801 à Molastad, au N. de l'île, mort à Copenhague le
9 févr. 1833. Il travaillait encore dans le domaine paternel
à l'âge de vingt ans lorsqu'il commença d'étudier dans les
écoles : après avoir passé par l'université de Copenhague
(1826), il entra à l'Ecole polytechnique de cette ville (1 831).
Il pubha l'annuaire historique {Skirnir , Copenhague,
1829, 3*^ ann. in-8) de la Société de littérature islandaise,
dont il était secrétaire, et une intéresante revue d'économie
politique, rurale et domestique {Armann d A Ithingi, ibid. ,
1830-34, 4 vol.), qui promettait un écrivain distingué et
qui ne contribua pas peu au réveil de l'Islande. B-s.
EINBECK (V. Eimbeck).
EINSIEDELN. Gros bourg de Suisse, cant. de Schwytz;
8,506 hab. Cette localité se compose en grande partie
d'auberges , d'hôtels , de boutiques d'objets de dévo-
tion, chapelets, statuettes, images, etc. Elle possède un
grand établissement (plus de 800 ouvriers) de librairie ca-
tholique et de topographie artistique patronné par le pape,
et vit des pèlerins, car l'abbaye d'Einsiedeln est l'objet
d'un des pèlerinages importants de l'Europe (V. ci-des-
sous). On remarque dans le trésor, outre des toilettes très
riches, un ciboire d'or pur orné de près de trois mille
pierres précieuses. L'abbaye possède une bibliothèque de
trente-cinq mille volumes, riche en incunables et en
curiosités historiques, et de riches collections d'histoire
naturelle. Elle a un gymnase-lycée qui est fréquenté par
environ deux cent cinquante élèves. L'abbaye d'Einsiedeln
est de l'ordre des bénédictins. L'abbé portait, jusqu'au
siècle dernier, le titre de prince. Le réformateur suisse
Zwinglefut curé d'Einsiedeln de 1515 à 1519.
Abkaye d'Einsiedeln ou Notre-Dame-des-Ermites. —
L'origine de cette abbaye remonte, suivant la légende,
à saint Meginrad ou Meinrad, originaire du Sulichgau, sur
le Neckar, qui au ix^ siècle doit s'être retiré dans les mon-
tagnes sauvages d'Einsiedeln pour y mener une vie d'er-
mite ; il y fut assassiné en 86 1 : deux corbeaux apprivoisés
désignèrent ses meurtriers aux Zurichois. La première trace
de ce récit date du xi® siècle. Au x^ siècle, deux ecclésias-
tiques strasbourgeois de noble lignée, d'abord Bennon, puis
Eberhard, commencèrent à grouper quelques religieux autour
de la cellule de Meinrad. Le premier document authentique
est daté de 947 : c'est une charte d'Othon P^ ; elle recon-
naît la communauté de la cellule de Meginrad ainsi que son
chef, Eberhard, et lui accorde le droit de choisir librement
son abbé. Suivent les actes des riches donations faites par
Othon P*", Othon II et Henri II, cette dernière comprenait
des pâturages que revendiquaient les hommes de Schwyz.
L'abbaye souffrit de la sorte des luttes entre la confédé-
ration naissante et les Habsbourg. Depuis la fin du xiv^ siècle,
l'abbaye est placée sous la protection du cant. de Schwyz.
Zwingle était prêtre séculier de l'abbaye au moment de la
Réformation , dont l'essor compromit pendant quelques
années l'existence du couvent. L'abbé Joachim Eichhorn
(1554-1569) le réorganisa. Au xvn^ siècle, on y publia les
Documenta archivii Einsiedlensis (4 vol. in-fol.); dès
1612, le bibhothécaire Christ. Hartmann avait donné les
Annales Heremi (Fribourg en Brisgau). Les guerres de la
fin du xvni^ siècle désolèrent encore une fois l'abbaye ;
elle se releva en 1 81 8 ; aujourd'hui, elle a plusieurs annexes,
dont une dans l'Amérique du Nord. L'abbaye d'Einsiedeln
n'a ni déployé l'activité littéraire, ni exercé l'influence civi-
lisatrice de celle de Saint-Gall. Elle est fameuse par son
pèlerinage. Dès le moyen âge, on y affluait pour obtenir ce
que promet l'inscription mise sur le portail : Hïc est plena
remissio omnium peccatorum a culpa et pœna. C'est le
14 sept, qu'on célèbre la consécration miraculeuse qui doit
avoir eu lieu en 948. L'image de la Vierge noire qui se
trouve dans le sanctuaire est très ancienne. On compte
environ cent cinquante mille pèlerins par été. F. -H. Krûger.
BiBL. : Annales S. Meginradi, Heremi et Einsiedlenses,
dans Pertz, Monum. Germ. hist.; Script, t. III, pp. 137-
149. — P. Gall Morel, Regesten der Benedihtinerahtei
Einsiedeîn, dans von Mohr, Regesten der schweiz. Ar-
chive, 1. 1, 1848.— G. von Wyss, dans Jahrbuch f. sclnveiz.
Geschichte, t. X.
El N S L E (Anton) , portraitiste viennois, né en 1 801 , mort
le 10 mars 1871. Elève de l'Académie de Vienne. La répu-
tation de cet artiste est due au coloris délicat et au modelé
de ses portraits. On remarque ceux du Comte Zichy (1835),
de la Comtesse Wickenburg costumée (1846), de V Ar-
chiduc Charles-Louis (1848), etc. H fut nommé, en 1867,
peintre de la cour.
EINSPIELER (André), patriote slovène, né en Carin-
thie en 1813, mort en 1888. H fut prêtre et professeur à
Klagenfurt. Il fonda en 1851 la société de Saint-Herma-
goras pour la publication de livres populaires en langue
Slovène, et différents journaux catholiques en slovène et en
— 717 —
EINSPIELER — EmiKSSÔN
allemand. Il fut député à la dièle de Carintliie et s'y
montra défenseur intrépide de sa nationalité. Il a écrit dans
les deux langues, allemande et slovène, plusieurs ouvrages
de piété ou de polémique politique ou religieuse.
EINVAUX. Corn, du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr.
de Lnnéville, cant. de Bayon; 388 hab.
EINVILLE (Villa Aiiduinu, 699). Com. du dép. de la
Meurthe-et-Moselle, arr. et cant. (S.) de Lunéville, sur le
Sanon et le canal de la Marne au Rhin; 1,433 hab. Bancs
de sel gemme; salines; brasserie. — Einville, autrefois
qualifié de ville, était ch.-l. d'une prévôté et châtellenie.
Les ducs de Lorraine y avaient une jumenterie. Les armoi-
ries sont : coupé de gueules à un alérion d^ argent et
d'azur, au massacre de cerf d'or.
EIRIK Raudé ou le Rouge, colonisateur du Groenland,
mort après Tan 1007. A la suite d'un meurtre, il quitta
avec sa famille le canton de Jœder (extrémité S.-O. de la
Norvège) et s'établit dans la presqu'île N.-O. de l'Islande,
île dont l'un des principaux découvreurs avait été son pa-
rent, Naddodd. Banni pour d'autres meurtres en 98:2, il
partit dans la direction de l'O. pour les récifs découverts
par Gunnbjœrn, et il trouva le Groenland, dont il explora
le littoral pendant trois ans pour chercher les localités ha-
bitables ; il leur imposa des noms et, afin de suggérer une
idée favorable, il donna à l'ensemble du pays celui de
Groenland (pays vert, à cause de la couleur des glaces,
plutôt que de la végétation). Après quoi, il retourna cher-
cher des colons en Islande et repartit en 986 avec vingt-cinq
navires, dont quatorze seulement parvinrent à destination.
Il s'établit lui-même à Brattahlid (probablement Igaliko,
près de Julianehaab) dans VEijstribygd (colonie, mais non
côte orientale [V. H.-P. von Eggers]). Il était païen,
mais son fils, Leif l'Heureux, qui découvrit le Vinland ou
littoral N.-E. des Etats-Unis, évangélisa la nouvelle colo-
nie vers l'an 1000. Deux autres de ses fils, Thôrvald et
Thôrstein, et sa fille Freydise, partirent successivement
pour le Vinland. V Episode d'Eirik Raudé, qui figure
dans le Flateyjarbôk, écrit de 1387 à 1395, est avec la
Saga de Thorfinn Karlsefni la principale source de l'his-
toire de ces découvertes. B-s.
ElRlK Vidfœrlé(h grand voyageur), héros d'une saga
légendaire du xiii« ou du xiv'^ siècle. Il partit de Norvège
pour Gonstantinople et de là pour l'extrême Orient, afin de
chercher le paradis terrestre, dont il ne put découvrir que
les limbes. Cette relation en vieux norrain, fort différente
de ses congénères, a été éditée par Rafn dans Fornaldar
sœqur (Copenhague, 1830, t. III, in-8) et par Unger dans
Flateyjarbôk (Christiania, 1860, t. I, in-8). B-s.
EIRIK Hâkonarson, jarl ou duc norvégien, né vers 962,
mort en Angleterre vers 1023. Fils, du célèbre Hâkon Si-
gurdarson qui avait été vaincu par Ôlaf Tryggvason (993),
il le vengea en remportant la victoire de Svœldr (1000),
de concert avec les rois de Danemark et de Suède, Svein
Tjuguskegg et Ôlaf Sœnské, sous la suzeraineté desquels
il gouverna la Norvège avec son frère Svein. Quoiqu'il eût fait
un pèlerinage à Rome, il toléra le paganisme. C'est sous son
règne que le duel judiciaire fut aboli (1015). Il prit part
avec son beau-frère et suzerain, Knut le Grand (1015), à
la conquête de l'Angleterre, tandis que s;on fils Hâkon,
esté en Norvège, était dépouillé par saint Olaf. C'était un
^uerrier magnanime, qui fut célébré par huit skalds, entre
autres Eyjolf Dadaskald, Thord Kolbeinsson, Hallfred
Vandrsedaskald et Gunnlaug Ormstunga, dont les poèmes
ont été la principale source des historiens de son règne. B-s.
EIRIK Harâldsson, surnommé Blôdixe (hache san-
glante), roi de Norvège, tué en 950 à la bataille de Stan-
mor (Northumberland). Fils aîné de Harald Hàrfagr, il
reçut avec ses frères, du vivant même de leur père, le titre
de roi, avec les fiefs de Hâlogaland, Nordmœré et Raums-
dal (900), puis ceux de Firdafylké et de Haurdaland, et fut
désigné comme suzerain éventuel (930). Mais, à peine eut-
il succédé à la dignité suprême (933) qu'il trouva des
compétiteurs dans chacun de ses frères ; deux d'entre eux,
Ôlaf, roi du Vik, et Sigrœd, roi du pays de Throndhjem,
périrent à la bataille de Tunsberg (934) ; mais sa tyrannie,
ses cruautés et la méchanceté de sa belle reine Gunnhilde
l'ayant rendu odieux, il fut abandonné de la plus grande
partie des Norvégiens qui proclamèrent roi (935) son plus
jeune frère Hâkon, revenu d'Angleterre, où il avait été
élevé par /Ethelstân. Eirik dut se réfugier dans les Or-
cades, d'où il ravagea l'Ecosse et même l'Angleterre, jus-
qu'à ce qu'il eût été installé (936) comme vice-roi dans le
Northumberland, à condition de se taire baptiser et de
protéger ce pays contre les autres vikings, mais il succomba
à la tâche. Ses fils restèrent dans les Ôrcades, jusqu'en
961, où leur oncle Hâkon Adalsteinsfostré les rappela
pour lui succéder sous la suzeraineté de leur aîné Harald
Gràfeld. Eirik a été chanté par quelques-uns des meilleurs
poètes de son temps : Egil Skallagrimsson, Glum Geirason
et l'auteur anonyme de VEiriksmdl. B-s.
ËIRIK JÔNSSON, lexicographe islandais, né le 22 mars
1822. Il est vice-inspecteur du collège de la Régence à
Copenhague. Après avoir collaboré au Bictioniiaire
islandais-anglais de R. Cleasby, fort amélioré et publié
par Gudbrand Vigfusson (Oxford, 1874, in-4), il rédigea
pour la Société des antiquaires du Nord un dictionnaire
de la même langue expliqué en danois {Oldnordisk Ordbog ;
Copenhague, 1863, in-8). B-s.
EIRIK Magnlsson, surnommé Prestahataré (Ennemi
des prêtres), roi de Norvège, né en 1268, mort en 1299.
Fils de Magnûs Lagab8eti,"il lui succéda en 1280, sous la
tutelle de Bjarné Erlingsson, d'Audun Hugleiksson et
d'autres dignitaires laïques qui eurent à lutter contre les
archevêques Jôn Raudé et Jœrund (d'où son surnom) et
contre les villes hanséatiques (traité de Kalmar, 1285).
n fut lui-même en guerre, de 1284 à 1297, avec les rois
de Danemark Erik Glipping et Erik Menved, qui refusaient
de lui payer la dot de sa mère, Ingeborge, fille d'Erik
Plovpenning. C'est en vain qu'il réclama le trône d'Ecosse
comme héritier (1290) de la reine Marguerite, l'unique
enfant qu'il eût eu de son mariage avec Marguerite, fille du
roi Alexandre III. Il eut pour successeur son frère Hâkon,
qui était déjà roi de la Norvège centrale et de deux des
provinces méridionales. B-s.
EIRIK Magnisson, érudit anglais, né en Islande
le l'^'' févr. 1833. Sous-bibliothécaire de l'université de
Cambridge, il a publié dans les Communications de la
Société archéologique de cette ville : On a runic Calendar
found in Lapland in 1866 (1878, t. IV, n" 1); Des-
cription of a norvegian clog-calendar (1879, t. IV,
n° 2); 071 Hduamdl verses 2 and S (1885). Il a traduit
en anglais les sagas de Gretti (Londres, 1869), de Thomas
Becket (1875-1883, 4 vol. in-8) avec le texte islandais;
de Gunnlaug Ormstunga, Fridthjof, Viglund, etc.
(Three Northern Love stories, 1875), des Valsungs
(1879); Eyrbyggiasaga et Heidarvigasaga (1891);
Heimskringla de Snorré (1892, 4 vol.); Lilja, poème
d'Eystein Asgrimsson (1870); Icelandic legends de ién
Arnason (1864-66, 2 vol.). B-s.
EIRIK Oddson, savant biographe islandais du xii^ siècle,
auteur de Hryggjarstykké, recueil de biographies des rois
de Norvège, Harald Gillé, de ses fils Sigurd Mund, Eystein,
Magnûs et Ingé, de Magnûs Blindé et de Sigurd Slembe-
djakn, qui régnèrent de 1130 à 1162. Ces sagas, écrites
d'après ses souvenirs personnels ou les récits de témoins
oculaires, étaient une source de premier ordre ; mal-
heureusement le texte en est perdu, mais elles avaient
été utilisées dans la Heimskringla de Snorré et la Mor-
kinskinna. B-s.
EIRIK VidsjA, skald islandais du commencement du
xi^ siècle. Il fut banni pour avoir pris part aux combats
de Heidarvig (1014) qu'il chanta dans un poème dont il ne
reste que des fragments dans Saga af Viga-Styr ok llei-
daruigum (t. Il àes Islendinga scegur; Copenhague,
1847, in-8). B-s.
EIRIKSSON (Magnûs), rationaliste danois, né à Skinna-
ËÎRIKSSON - EÎSENMANN
— 748 —
Ion, le domaine le plus septentrional de l'Islande, le 22 juin
1806, mort à Copenhague le 3 juil. 1881. Après avoir
terminé ses études à l'université de Copenhague (1837), il
fut un préparateur fort occupé jusqu'à ce que ses croyances
hétérodoxes et ses opinions libérales, exprimées dans son
livre sur les Baptistes et le Baptême (1844), dans ses
polémiques avec Martensen et dans une lettre à Chris-
tian VIII (1847), eussent éloigné les étudiants. Elles ne
lui permirent pas non plus d'accepter un pastorat auquel
il avait été nommé (1856). A la fin de sa vie, cet écrivain
aussi fécond que penseur convaincu, obtint du Parlement
une modeste pension. Il faisait preuve d'une foi naïve et
d'une piété sincère dans VEfficacité de la 'prière (Copen-
hague, 1870) Qi Pouvons-nous aimer le prochain comme
nous-mêmes? (ib. 1870), tandis qu'il soutenait dans des
ouvrages en danois {f Evangile de saint Jean est -il un
écrit apostolique ? 1863 ; le Dogme du baptême, 1863 ;
Dieuet le Réformateur, \SQ6; Paul et le Christ, 1871 ;
Juifs et Chrétiens, 1873) et dans deux brochures en islan-
dais, que les Ecritures avaient été falsifiées et la doctrine
du Christ corrompue. B-s.
BiBL. : Aiitobiogr. liitér., dans Flyvende Blad de Vilh.
Mœller, 12 juin 1875.— DetnittendeAarhundrede^iâsc. de
luin-iuil. 1875. — Hafstein Pjettursson, notice dans
'Timarit, 1887, t. YlII.
EISACK ou EISACH. Rivière de l'empire d'Autriche.
Elle prend sa source au Brenner, arrose le Tirol et se
jette dans l'Adige. Sa longueur est de 80 kil.
EISELEN (Johann-Friedrich-Gottfried), économiste
allemand, né à Rothenburg le 21 sept. 1785, mort à Halle
le 3 oct. 1865. Il professa l'histoire et les sciences poli-
tiques à Berlin, Breslau (1820) et Halle (1829) ; il a pu-
blie, outre des manuels estimés. Die Lehre von der Volks-
wirthschaft (Breslau, 1843) et Der preussische Staat
(Berlin, 1862).— Son frère, Ernst'Wilhelm-Bernhard
(1793-1846), fut un des propagateurs des sociétés de gym-
nastique et d'escrime en Allemagne.
EISEN (Charles), peintre-graveur français, né àValen-
ciennes le 47 août 1720, mort à Bruxelles le4 janv.1778.
Cet artiste est un des plus charmants illustrateurs du xviii®
siècle, et ses œuvres ont retrouvé de nos jours une vogue
nouvelle. On recherche surtout, d'Eisen, les Contes de La
Fontaine, édition dite des Fermiers généraux ; le duc d'Au-
male possède les dessins originaux de cette illustration. Eisen
a été aussi le graveur des Baisers de Dorât, de la llenriade,
^Q?> Métamorphoses d'Ovide. H était fils de François Eisen,
né à Bruxelles, qui s'était adonné à la peinture et était
venu s'établir à Yalenciennes, où il avait travaillé à des
tableaux de sainteté. Il s'était ensuite fixé à Paris et avait
cherché à se faire connaître par des sujets galants, des
compositions plaisantes et libertines. H entra, à Paris, dans
l'atelier de Le Bas et s'y forma au travail de la gravure.
Il fit paraître, en 1755, sa première suite importante :
Premier Livre d'une œuvre suivie, contenant différents
sujets de décorations et d'ornements ; c'est, suivant les
Concourt, l'album complet des croquis de la « rocaille ». Il
se fit recevoir de l'Académie de Saint-Luc et concourut à
quelques expositions de cette association indépendante qui
le nomma plus tard adjoint à recteur. H y exposa des
tableaux mythologiques, des portraits et des dessins de
tous genres. L'illustration des Contes de La Fontaine,
en 1762, le mit pleinement en vue et lui attira les félici-
tations de Voltaire, qui devait, à son tour, tirer parti de
son talent. Eisen devint maître de dessin de M"'^ de Pom-
padour et dessinateur attitré du roi; mais il ne conserva
pas longtemps ces fonctions ; il les perdit, suivant ses bio-
graphes, à la suite de quelques fautes de tact dues à son
manque d'éducation et à des habitudes populaires, qu'on est
surpris de rencontrer chez un graveur aussi élégant. On
peut lui reprocher encore d'autres fautes dans sa vie privée ;
il avait abandonné, à l'âge de quarante-sept ans, sa femme,
plus âgée que lui, pour aller vivre avec une maîtresse.
Ant. Yalabrègue.
BiBL. : Ed. et J. de Concourt, l'Art du xviii« siècle. —
Henri Béraldi et le baron Roger Portalis, les Graveufê
du xviiie siècle. — Cellier, Antoine Watteau,son enfance,
ses contemporains. — Hécart, Biographie valenciennoise.
— Jal, Dictionnaire critique de biographie et d'histoire.
El S EN AC H. Ville d'Allemagne, grand-duché de Saxe-
Weimar, au N.-O. du Thuringerwald, au confluent de la
Nesse et du Hœrsel (affluents de la Werra) ; 19,641 hab.,
avec les cinq faubourgs. Corroirie, couleurs artificielles,
poterie, etc. Château du xviii^ siècle (où résida la duchesse
Hélène d'Orléans). Eisenach est une des villégiatures les
plus fréquentées d'Allemagne, à cause du voisinage des
beaux sites du Thuringerwald et de la Wartburg (V. ce
mot), à 2 kil. au S. — Eisenach (Isenacum) est une des
plus anciennes villes d'Allemagne; son histoire à partir du
moyen âge se confond avec celle de la V^artburg ; les ducs
de Saxe, d'une ligne Ernestine, y résidèrent de 1596 à
1741 (V. Saxe). En 1852, s'y tint une conférence célèbre
de V Eglise évangéliqué qui travailla à unifier la religion
protestante en Allemagne. Depuis lors, c'est à Eisenach
que se réunissent tous les deux ans les délégués des Eglises
évangéliques de langue allemande (V. Protestantisme,
§ Organisation des églises protestantes). — Le 11 juil.
1853, interviut, entre les pays de la Confédération ger-
manique, la convention d'Eisenach (encore en vigueur)
pour l'assistance médicale et l'ensevelissement de leurs
sujets respectifs sur les territoires les uns des autres. —
En 1872 s'y réunit un congrès d'économistes qui formula
la théorie socialiste (V. Socialisme). L'ancienne principauté
d'Eisenach comprenait 1,200 kil. et 50 à 60,000 hab.
Son histoire sera donnée à l'art. Saxe.
BiBL. : ScHWERDT et J/EGER, Eiscnach und die Wart-
burg; Eisenach, 1871, 2o éd.
ÉISENBERG. Ville d'Allemagne, duché de Saxe-Alten-
bourg; 6,277 hab. Elle fut quelque temps le chef-lieu
d'une lignée de la maison de Saxe (1675-1707) (V. Saxe),
BiBL. : Back, Chronik der Stadt und des Amtes Eisen-
berg ; Eisenberg, 1843.
EiSENLOHR (Jakob- Friedrich), architecte allemand,
né à Lorrach (Bade) le 23 nov. 1805, mort à Karlsruhe
le 27 févr. 1854. Professeur (1839) de l'école d'architec-
ture de Karlsruhe, il en devint le directeur en 1853. Il
s'est fait connaître par ses constructions, non moins que
par ses publications, parmi lesquelles il faut citer : Mittel^
aller liche Bauwerke in Siiddeutschland und am Rhein
(Karlsruhe, i 853-1857); Holzbauten des Schwarzwaldes
(Karlsruhe, 1853); Die Ornamentik in ihrer Anwen-
dung auf verschiedene Baugeiverke (Kalsruhe, 1849-
i867, 24 fasc); Bauverzierungen in Holz zumprak-
iischen Branche (Kalsruhe, 1868-1870, 12 fasc).
EISENLOHR (August), égyptologue allemand, né à
Mannheim le 6 oct. 1832, élève de Chabas et Brugsch. Il
étudia \q Papyrus Harris (Leipzig, 1872), les mesures
égyptiennes d'après le Papyrus Rhind qu'il édita (Fin
mathematisches Handbuch der alten Mgypter ; Leipzig,
1872, 2 vol.).
EISENMANN (Gottfried), médecin et homme politique
allemand, né à Wurtzbourg le 20 mai 1795, mort à
Wurtzbourg le 23 mars 1867. Doué d'un esprit très libéral
et même révolutionnaire, il prit part en 1818 à la formation
de la « Burschenschaft » ; persécuté par le gouvernement
bavarois, il fut arrêté en 1832 pour délit de presse, con-
damné à la prison à perpétuité et enfermé dans la forte-
resse d'Oberhaus, près de Passau, puis en 1841 transféré
dans la forteresse de Rosenberg et soumis à un régime plus
doux. Il sortit de prison en 1847 et fut élu l'année suivante
membre du parlement de Francfort. Partisan de l'école dite
naturaliste, il tomba, comme son maître Schœnlein, dans la
systématisation à outrance. Néanmoins, ses ouvrages portent
le cachet d'un esprit scientifique élevé ; citons : Der Trip-
per, etc. (Erlangen, 1830,2 vol. in-8); Die KindheUfie-
ber, etc. (Erlangen, 1834, in-8) ; Die Krankheitsfamilie
Typhus (Erlangen, 1833, in-8); die Krankeitsfam,
liheuma (Erlangen, 1841-42, 3 vol. in-8); Die Hirner-
iveichung (Leipzig, 1842, gr. in-8); Die Path, u. Therap*
- 719 -
ËISENMANN — EÎTELBERGER
der Rheumotosen (Wurtzbourg, 1860, in-8); Die Bewc-
gungs-Ataxie (Vienne, 1863, in-8, pi.). D"" L. Hn.
EISENMENGER (Johann-Andreas), orientaliste alle-
mand, né à Mannheim en 1654, mortà Heidelberg le 20 déc.
4704. Il tut professeur de langues orientales à Heidelberg
depuis 1700. Pendant ses études à Amsterdam, la polémique
d'un rabbin, David Lida, contre le christianisme, l'avait
décidé à réunir en un seul ouvrage tout ce qui lui paraissait
erreur ou blasphème dans le judaïsme. Il fit imprimer cette
compilation, où l'on trouve des renseignements intéressants
et difficiles à trouver ailleurs, mais où manque l'impartia-
litc, sous le titre de Entdecktes Judenthum, etc. (Hei-
delberg, 1700). Sur la demande des juifs, le livre fut mis
sous séquestre par l'empereur Léopold P''; ni les héritiers
de l'auteur, ni l'intervention directe de Frédéric P^ de
Prusse n'obtinrent le retrait de cette mesure. Finalement
le roi de Prusse fit réimprimer l'ouvrage à ses frais (Kœnigs-
berg, en réalité Berlin, 1711, 2 vol. in-4). Le séquestre
de l'édition de Heidelberg ne fut levé que quarante ans
plus tard. F. -H. K.
EISENMENGER (Michel), ingénieur et musicien fran-
çais, d'une famille originaire du Palatinat. En 1838, il
présenta à l'Académie des sciences un projet de notation
musicale par signes sténographiques, qu'il a exposé dans
un ouvrage intitulé Traité de l'art graphique et de la
mécanique appliqués a la musique (Paris, 1838).
M. Eisenmenger a construit une variété de piano vertical,
le piano incliné^ dont l'usage n'a pas été adopté.
EISENMENGER (August) , peintre décorateur, né à
Vienne le 11 févr. 1830. Après avoir étudié avec Schultz,
Eisenmenger entra à l'Académie en 1845, et, en 1856,
devint élève de Rahl, qu'il aida dans ses travaux. Il fut
nommé, en 1872, professeur à l'Académie de Vienne. On
voit ses œuvres au palais Gutman, au château Hornstein et
dans les monuments publics de Vienne.
EISENSCHMIDT (Johann-Caspar), mathématicien et
médecin français, né à Strasbourg le 15 (?) sept, (ounov.)
1656, mort à Strasbourg le 4 (ou 5) déc. 1712. H fut
reçu en 1676 docteur en philosophie avec une thèse remar-
quable, De Umbilico terrœ, en 1684 docteur en médecine,
exerça cet art jusqu'en 1696, puis, devenu impotent à la
suite d'une chute, se voua exclusivement aux mathémati-
ques, qui avaient toujours été son étude préférée. Il est
signalé à tort par presque tous les biographes comme
membre de l'Académie des sciences de Paris. H soutint
contre Newton et Huyghens, dans une brochure intitulée
Diatribe de figura telluris elliptico-sphœroidâ (Stras-
bourg, 1691 , in-4) et dans plusieurs articles du Journal des
Savants (1692) que la terre était elhptique. Outre divers
mémoires de mathématiques, d'astronomie, de médecine,
parus dans les recueils et journaux scientifiques de l'épo-
que, il a encore écrit : Introductio ad tabulas logarith-
micasJ. Kepleri (Strasbourg, 1700, in-8) ; De Ponde-
ribus et mensuris veterum Romanoruni, Grœcorivm,
Hebrœorum, etc. (Strasbourg, 1708, in-8; 2« éd., 1737),
ouvrage d'une assez grande valeur. L. S.
EISENSTADT. Nom allemand d'une ville de Hongrie
(V. lus Marton).
EISENSTEIN (Ferdinand-Golthold-Max), mathémati-
cien allemand, né à Berlin le 16 avr. 1823, mort à Berlin
le 11 oct. 1852. Nommé professeur adjoint à l'université
de Breslau en 1847, membre de l'Académie des sciences
de Berlin en 1852, il semblait appelé à la célébrité. Mais
il mourut à trente ans. Son œuvre scientifique est néan-
moins considérable. Ses travaux, qui ont surtout porté sur
les fonctions elliptiques, sur la théorie des nombres, et plus
spécialement sur les formes cubiques, sont consignés dans
une cinquantaine d'intéressants mémoires pubhés de 1844
à 1852 par le Journal de Crelle, les Nouvelles Annales
de mathématiques et les Monatsherichten de rAcadé-
mie des sciences de Berlin. Quelques-uns ont été réunis en
un volume, avec préface de Gauss (Berlin, 1 848). L. S.
BiBL. : La liste des mémoires précités se trouve dans le
Catalogue of scientific papers de la, Société royale; Lon-
dres, 1868, t. II, in-4.
EISERNES Thor (V. Portes de fer).
EISFELD. Ville d'Allemagne, duché de Saxe-Meinin-
gen, sur la Werra ; 3,200 hab. ; vieux château, églises
gothiques. Très prospère à la fin du moyen âge à cause de
sa situation sur la route de Thuringe en Franconie et des
mines du voisinage, elle fut ruinée par la guerre de Trente
ans.
EISK. Ville de la Russie d'Europe, port du territoire du
Kouban; 26,275 hab. Elle doit son nom à la rivière Eia
qui forme à son embouchure un liman de plus de 20 kil.
de longueur. Cette ville, fondée en 1848, s'est très rapide-
ment développée. Elle est le chef-heu d'un district riche
en pâturages et dont l'élève du bétail est la principale
industrie.
EISLEBEN {Islebia). Ville d'Allemagne, royaume de
Prusse, district de Mersebourg (Saxe), auprès de vastes la-
gunes ; 18,187 hab. C'est la patrie de Luther dont la
maison fut presque détruite par un incendie en 1689 ; on
l'a transformée en musée. — La ville appartint aux comtes
de Mansfeld du xi® au xviii^ siècle.
El S MANN (Johann-Anton) (et non Lismann)^ peintre
paysagiste allemand, néàSalzbourg en 1634, mort à Venise
en 1698. De Munich il alla à Venise par Vérone, oti il
séjourna quelque temps. Mais c'est surtout à Venise qu'il a
travaillé. On rencontre ses Paysages dans plusieurs musées
allemands, notamment à Dresde. Il adopta à Venise Carlo
Brisighella, qui prit son nom.
EISSAUGUE (Pèche). Ce filet, en usage sur les côtes
de la Méditerranée, consiste en deux ailes et une poche ou
manche placée au milieu, en forme de sac conique ; d'après
le règlement du 19 nov. 1859, la longueur totale des ailes
ne doit pas excéder 350 m., les mailles du manche doivent
avoir au minimum 2 ccntim. on carré; ce filet, qui ne peut
qu'être halé à bras du large à terre, est interdit sur la côte,
du l^'' mars au l^"" mai, dans les étangs du 1®^ mars au
1^^ oct.
EISSEN HARDI (Johann), artiste allemand contempo-
rain, graveur au burin et à l'eau-forte, né à Francfort-sur-le-
Main en 1824. Elève de l'Institut Schâdel, sous la direction
du graveur Schâfer.lla gravé des portraits pour les billets
de banque russes, puis des planches d'après les maîtres
modernes, et a reproduit un certain nombre de tableaux
de la galerie de Francfort, de la collection Esterhazy à
Pest, etc. Son œuvre capitale est la Madone avec sept
anges, d'après Sandro Botticelli, gravée pour le compte du
gouvernement prussien (1886). G. P-i.
EITEL (Ernst-J.), sinologue et missionnaire de la So-
ciété évangélique de Bâle, qui l'envoya à Ilong-kong en
1862, puis (avr. 1865) de la London Missionary Society.
Il occupe maintenant dans cette île anglaise le poste d'ins-
pecteur des écoles. Le principal ouvrage de ce savant est
un Chinese Dictionary in the Cantonese Dialect (Hong-
kong, 1877-1883, in-8). Depuis longtemps, il dirige le
recueil estimé, i7'/i^ China Pieview, auquel il donne de
nombreux articles. H. C.
BiBL. : H. CoiiDiER, Bib. Sinica.
ElTELBERGER von Edelberg (Rudolph), archéologue
et administrateur autrichien, né à Olmiitz le 17 avr. 1817,
mort à Vienne le 18 août 1885. Professeur à l'université
de Vienne, il contribua, soit par ses livres, soit par ses
articles pubhés dans les journaux, à donner l'impulsion du
mouvement qui aboutit en Autriche à l'organisation de
l'enseignement du dessin en vue des applications de l'art à
l'industrie. S'inspirant des mêmes idées qui commençaient
alors à s'affirmer en France sur ces questions et qui
amenèrent la fondation à Londres du South Kensington
Muséum^ Eitelberger s'occupa activement de la création de
l'Ecole des arts décoratifs de Vienne et du Musée des arts
et de rindtistrie. Il s'occupa aussi de la formation de plu-
sieurs sociétés industrielles ayant pour objet le progrès de
l'art et acquit, en même temps qu'une situation de critique
ÊITELBERGER — EKEBERG
-- 720 -
des plus autorisés, une sérieuse influence. Il fut tour à tour
nommé par le gouvernement autrichien commissaire aux
expositions universelles de Londres et de Paris. Outre une
brochure qui fut très remarquée lorsqu'elle parut, Die
lieform des Kanstunterrichts (Vienne, 1848) et d'inté-
ressantes lettres sur l'art moderne en France [Briefe ûber
die moderne Kunst Frankreichs; 1838), Eitelberger
a publié, en collaboration avec Heider et Ilieser, Mit-
telalterliche Kunstdenkmale des œsterr. Kaiserstaats
(Stuttgart, 1858-60, 2 vol.), et, seul, il a consacré encore
plusieurs Yolumes à la description des monuments du
Fi'ioul (1857, 1859), de la Dalmatie (1861), etc. Il a
dirigé, à partir de 1871, un recueil d'érudition, Quellen-
schriften zur Kunstgeschichte und Kunsttechnik des
Mittelalters und der Renaissance (18 vol.). 11 a réuni
ses écrits sur l'histoire de l'art (Gesammelte kunsthist.
Schriften; Vienne, 1879). V. Champier.
EITNER (Robert), compositeur et érudit allemand, né
le 22 cet. 1832 à Breslau. En 1855, il devint professeur
à Berlin. Comme compositeur il a écrit un Stabat une
Cantate pour la Pentecôte, une ouverture pour le Cid,
un opéra sacré, Judith, Comme historien musical, il a
fait un dictionnaire biographique des compositeurs hollan-
dais, diverses études et une biographie de Peter Sweelinck ;
il est un des membres les plus actif de la société qui re-
cherche et publie les ouvrages des musiciens du xiv« et
xvi^ siècles, et il dirige la Revue mensuelle pour l'his-
toire de la musique. A. E.
EIX. Corn, du dép. de la Meuse, arr. de Verdun-sur-
Meuse, cant. d'Etain ; 616 hab.
EÏYANEH. Petite ville de l'Arabie, aujourd'hui ruinée,
qui se trouvait dans leNedjd, à 32 kil. 0. de Riàd. Son
nom eût été certainement oublié si elle n'avait été la patrie
d'Abdelouahhab, le fondateur de la secte musulmane des
Ouahhabites.
EK (Johannes-Gustaf), linguiste suédois, né à Skede le
3 sept. 1808, mort le 8 oct. 1862 à Lund,oii il fut docent
(1833), adjoint (1836), enfin professeur (1842) à l'Univer-
sité. Ordonné prêtre en 1848, il reçut la cure-prébende de
Hardeberga. 11 cultivait l'éloquence et la poésie latines
avec autant de succès qu'il les enseignait. Il traduisit en
beaux vers latins sept chants (1829-1851) de la Saga de
Frithjof par Tegner et en suédois des ouvrages d'Horace
(1847, 1853), d'Ovide et de Plante. Il publia en outre un
recueil de Traditions populaires (1851) et un Diction-
îiaire danois-suédois (1861), ainsi que des dissertations
et des programmes. B-s.
EKATERINA (V. Catherine P'S t. IX, p. 843).
EKATERINBOURG ou lEKATERINENBOURG. Ville de
la Russie d'Europe, ch.-l. de district du gouvernement
de Perm, sur la rivière Iset, située au pied de l'Oural, sur
le chemin de fer de Perm à Tioumen, amorce des chemins
de fer sibériens; 32,000 hab. Elle est le siège de la direc-
tion de toutes les mines de l'Oural qui appartiennent à l'Etat.
Elle possède des laboratoires importants, une monnaie qui
frappe des pièces de cuivre et plusieurs usines, notamment
pour la fabrication des machines et des vases en pierres
précieuses de l'Oural. Elle fait un grand commerce de
bétail, de céréales, de fer et de denrées coloniales. Le
district d'Ekaterinbourg est, grâce à l'industrie minière,
l'un des plus riches de l'Empire. Ekaterinbourg doit sa
fondation à Pierre le Grand (1723) et son nom à l'impéra-
trice Catherine P®. L. L.
E KAT ERINENFELD. Colonie allemande du Caucase dans
les environs de Tiflis. Vins renommés.
EKATERINENSTADT ou lEKATERINENSTADT. Ville
de Russie, située dans le gouvernement de Samara, district
de Nikolaev ; 5,000 hab. Elle doit son origine à une
cobmie allemande fondée en 1765 sous Catherine II.
EKATERINODAR ou lEKATERINODAR. Ville delà
Russie d'Europe, ch.-l. du territoire du Kouban, sur la
rive droite du Kouban; 30,000 hab. Elle est la résidence
de Vataman des Cosaques du Kouban et possède plusieurs
établissements mihtaires. Cette ville a été fondée en 1792
par Catherine II qui lui donna son nom et y transporta des
Cosaques Zaporogues. Le district d'Ekateriaodar est surtout
habité par des Cosaques. L'élève des chevaux et du bétail
est la principale industrie. L. L.
EKATERINOGRAD ou lEKATERlNOGRAD. Station de
Cosaques du territoire du Terek (Caucase); 3,000 hab.
EKATERINOPOL ou lEKATERINOPOL Ville de la
Russie d'Europe, gouvernement de Kiev, district de Zveni-
gorod; 4,000 hab. Aux environs s'étendent d'importantes
mines de charbon.
EKATERINOSLAV ou lEKATERINOSLAV. Ville de
Russie, ch.-l. du gouvernement du même nom, située sur
le Dnieper et sur la ligne de chemin de fer Lozovo-Sébas-
topol ; 5,000 hab. Elle possède neuf églises orthodoxes et
quatre synagogues. Elle renferme de nombreuses usines,
notamment de bougie et de savon. Elle fut fondée par Ca-
therine II en 1787 à la mémoire de laquelle un monument
a été érigé près de la cathédrale. Potemkine y est enterré.
Le gouvernement d'Ekaterinoslav occupe une superficie
de 59,507 verstesq. (67,419 kil. q.). Il est constitué en
grande partie par des steppes. Il renferme des mines de
charbons, de fer et d'anthracite. Il est arrosé par le
Dnieper, le Don et le Donets. La nationalité dominante est
la nationalité russe. L'agriculture, l'élève du bétail et des
chevaux sont les industries principales. Le gouvernement
est divisé en huit districts : Ekaterinoslav, Alexandrovsk,
Bakhmout, Verkhnednieprov, Nova Moskva, Pavlograd,
Rostov et Slaviano-Serbsk. Les ports sont : Taganrog,
Rostov, Marioupol et Berdiansk. Le gouvernement se rat-
tache au gouvernement général d'Odessa. L. L.
EKATÉRINTHAL ou lEKATERlNTHAL Vallée de l'Es-
thonie qui débouche sur le golfe de Finlande, à l'E. de
Revel. Elle se termine par deux rochers surmontés de deux
phares qui signalent l'entrée de la rade de Revel.
EKBOHRN (Carl-Magnus Ekbom, plus tard), littérateur
suédois, né à Stockholm le 8 janv. 1807, mort en 1881.
Après avoir rédigé des journaux de province, il entra dans
les douanes à Stockholm (1853). On lui doit : Essais
littéraires de jeunesse (1826-1832); Nouvelles Poésies
(1864); Dictio7i7iaire nautique (iSA'O); Explication des
mots et noms étrangers passés dans la langue suédoise
(1868; 3^ éd., 1887); des écrits politiques, des manuels,
des ouvrages pour la jeunesse et des traductions. B-s.
EKDAHL (Nils-Johan), érudit suédois, né à Fogeltofta
(Skanie) le 27 avr. 1799, mort à Stockholm le 20 déc.
1870. Ordonné prêtre en 1823, il fut pasteur et aumônier
militaire à Stockholm. En 1850, il fut suspendu pour avoir
béni un mariage en dépit d'empêchements légaux. Après
avoir fait du zèle comme piétiste, philanthrope et orthodoxe,
il pencha vers l'hétérodoxie, traduisit (1864) l'ouvrage de
Magnùs Eiriksson sur l'Evangile de saint Jean et finit comme
orateur démocratique. L'Académie des belles-lettres, d'his-
toire et d'archéologie l'ayant chargé d'une mission, il
rapporta de ses excursions dans l'ile de Gotland et le N. de
la Suède douze cents parchemins, des bâtons runiques,
des contes et des traditions populaires, fit dessiner un
grand nombre d'antiquités et de monuments; en outre, de
1830 à 1846, il prit part au dépouillement et au partage
des papiers de Christian II transportés de Munich à Chris-
tiania. Les fruits de ces études furent les Archives de
Christian II (Stockholm, 1835-1836, 3 vol. in-8, avec
Appendice [1842] tiré des archives suédoises). On lui doit
encore un rapport Sur l' Abaissement du niveau de la
mer au delà du cercle polaire, ses causes et ses effets
(1866); des brochures Sur la Question norvégienne
(1860) et Sur la Débauche à Stockholm (1866). B-s.
EKEBERG (Carl-Gustaf), navigateur suédois, né à
Djursliolm, près de Stockholm, le 10 juin 1716, mort le
4 avr. 178 i. Il apprit Fart de naviguer en exerçant la
médecine à bord d'un vaisseau, devint pilote (1742), lieu-
tenant (1755), capitaine (1748) et fut regardé comme l'un
des plus habiles marins de son temps. Dans dix voyages
au long cours, il fit de nombreuses observations qu'il dé-
crivit dans divers recueils, notamment dans les Actes de
l'Académie des sciences de Stockholm, dont il fut membre
(1761) et président (1768), Il publia à part : Ecoîiomie
rurale des Chinois (Stockholm, 1757 ; en français par D. de
Blacford, Milan, 1771); Voyages aux Indes orientales
en i770-i77i (Stockholm, 1773), dressa plusieurs cartes
et pourvut de plantes rares les herbiers, de Linné qui nomma
d'après lui VEkebergia capensis. Son éloge fut prononcé
par Sparrman, qui l'avait accompagné dans son voyage de
1764 (Actes de l'Acad. des se. de Stockholm, 1790). B-s.
EKELUND (Jacob), fécond écrivain suédois, né à Valla
(Bphus Isen) le 17 déc. 1790, mort à Stockholm le 6 déc.
1840. Ordonné prêtre en 1818, pasteur adjoint et maître à
l'une des écoles paroissiales de Stockholm, il publia quinze
manuels d'histoire, pittoresques et vivement écrits, qui furent
en usage pendant un demi-siècle. On lui. doit en outre des
livres de lecture latine et française ; des traductions de
l'anglais; des biographies, entre autres celle de P. Hœrberg
(2« éd., 1875), et une nouvelle, la Fille des Montagnes
à Oroust (\SSi). B-s.
. EKELUND (Carl-E vert) , juriste finlandais , né à Heinola
le 13 oct. 1791, mort à Helsingfors le 9 nov. 1843. Pro-
fesseur en droit romain et russe à l'université de Helsing-
fors (1829), il fut adjoint en 1835 à la commission chargée
de codifier les textes de lois et dispensé de faire des cours
à partir de 1840. 11 prépara les codes civil, pénal, mari-
time et les règlements urbains et miniers, mais ce grand
travail fut fait en pure perte. Il publia quatre dissertations
en latin (Abo, 1821; Helsingfors, 1829-32) et après sa mort
parurent ses Leçons sur le droit privé des Romains (1850-
51, 3 vol.) etsur le gage et^L hypothèque (1854). B-s.
EKHCHlDiDESV Petite dynastie arabe formée en 934
par Mohammed Takadj, gauverneur deDanias, qui se fit re-
connaître indépendant par le khalife abbasside El Kaher
Billah ; il prit le nom de El Ekhchid d'un de ses ancêtres,
originaire de Ferghana. Ses successeurs sont : iVboul Kas-
sim (946), Ali (960), Kafour (966), et Ahmed Aboul
Faouaris (968-969). Les Ekhchidides ont régné en Syrie
et en Palestine; ils ont été dépossédés par les Fatimites
d'Egypte. E. Dr.
EKHOLM (Erik), publiciste et linguiste suédois, né à
Sala le 24 déc. 1716, mort à Stockholm le 18 sept. 1784.
Copiste aux archives archéologiques et notaire à l'hôtel des
ventes de livres à Stockholm, il écrivit avec érudition sur
l'histoire, la littérature, la bibliographie, la pédagogie, la
théologie, l'orthographe suédoise, les monnaies, le soulè-
vement du sol et l'ancien niveau des eaux, dans six jour-
naux édités par lui (1761-1782) et àâns Mémoires cri-
tiques et historiques sur r histoire et la langue suédoises
(1760, 3 fasc); Recueil varié d'opuscules amusants et
utiles (1759-1760, 3 vol.). Il traduisit en suédois r///5-
toire de la reine Christine par Lacombe (1765). Il ne
réussit pas à faire supprimer, à cause des jurons qu'elle
contient, l'opérette d-EnvalIsson, Tous contents [il S^),
EKHOUT(V. Eeckhout).
EKI MOV (André-Petrovitch), graveur russe, né en 1752,
mort vers 1820. Il a illustré un certain nombre d'ouvrages.
On estime surtout son portrait du grand aumônier Karam-
zine. ■— Vasili-Petrovitch Ekimow^ né en 1752, fondeur
russe, élève de l'Académie des beaux-arts de Saint-Péters-
bourg, a produit un grand nombre de bustes et de statues.
EKI N S (Sir Charles), amiral anglais, né dans le comté de
Buckingham en 1768, mort à Londres le 2 juil. 1855. Entré
dans la marine en 1781 , il servit sur la Méditerranée, aux
Indes, dans la mer du Nord, au Cap, prit part à l'expédi-
tion contre Copenhague en 1807, aux opérations sur les
côtes de Portugal en 1808, à la croisière de la Baltique en
1809, au bombardement d'Alger en 1816. Blessé dans
cette dernière action, il fut promu contre-amiral en 1819,
vice-amiral en 1830 et amiral le 23 nov. 1841. Il a écrit :
Naval Battles of Great Britain from the accession of
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
— 721 — EKEBERG - EKMAN
theHoùse ofHanoverto the Battleof Navarin [londves,
1824, in-4; 1828, 2«éd.).
EKKEHART, nom de plusieurs moines de Saint-Gall.
Les plus célèbres sont Ekkehart P**, mort en 973, et Ekke-
hart IV, mort en 1036. Ekkehart P^ était un lettré ; il lisait
Virgile avec la duchesse de Souabe, Hadwig. Il mit en
hexamètres latins la légende héroïque de Walther d'Aqui-
taine, qu'il avait sans doute trouvée dans un texte alle-
mand, ou qu'il avait simplement recueillie dans la tradition
orale. « Pardonnez, dit-il en commençant, pardonnez à la
cigale qui ne peut faire entendre qu'un chant rauque. »
•Le vers d'Ekkehart n'a rien, en elFet, de l'harmonie de Vir-
gile, son modèle; mais son poème n'en est pas moins curieux
par les aventurés qu'il raconte, et a attiré à juste titre
l'attention des critiques modernes. Le Waltharius est un
des exemples les plus frappants des transformations que
l'histoire peut subir dans l'imagination des peuples. Le
roi des Huns Attila y est présenté non plus comme un
fléau qui a couvert l'Europe de ruines, mais comme le roi
des rois, qui « aime mieux régner par la paix que par la
guerre », et qui reçoit à sa cour les otages de toutes les
nations soumises à son autorité. Il traverse la Gaule sans
coup férir ; les rois s'empressent d'entrer dans son alliance;
il emmène comme otages Walther, fils du roi d'Aquitaine, et
Hildegonde, fille du roidesBurgondes. Walther et Hildegonde
passent plusieurs années au palais d'Etzelbourg ; Walther
achève son éducation chevaleresque; Hildegonde s'instruit
dans les arts et dans les usages des cours. Mais enfin le
désir de revoir leur pays les décide à fuir, malgré la recon-
naissance qui les attache au grand roi. Ils sont attaqués
en traversant les terres des Francs ^ et Walther soutient un
long et rude combat dans un défilé des Vosges (le Was-
gmstein), où. seul il tient tète à douze adversaires. Resté
maître du champ de bataille, il s'agenouille devant les corps
dés chevaliers qui sont tombés sous ses coups, et demande
pour eux la paix éternelle. Ensuite il regagne l'Aquitaine
et épouse Hildegonde. Le Waltharius fut remanié par un
autre moine de Saint-Gall nommé Gérald, qui dédia son
ouvrage à Erkanbald, évêque de Strasbourg, et une der-
nière fois par Ekkehard IV. Celui-ci a contribué également
à la rédaction des Chroniques de Saint-Gall. A. B.
BiBL. : J. Grimm, Lateinische Gedichte des X- und XL
Jafirhunderts ; Gœttingue, 1838. — Edel.estand du Mé-
RiL, Poésies populaires latines antérieures au xin» siècle ;
Paris, 1843. — Waltharius, édhioms de Neigebauer (Mu-
nich, 1853) et de Peiper (Berlin, 1873). — Scheffel et
HoLDER, Waltharius^ lateinisches Gedicht des X. Jahr-^
hunderts, nach der handschriftlichen Ueberlieferung
berichtigt, mit deutscher Uebertragung und Erléeuterun-
gen; Stuttgart, 1874. — Me ver von Knonau, Die Ekkeharte
von St. Gallen ; Bâie, 1881.
EKLŒF (Johan-Henrik), mathématicien finnois, né à
Kokemaeki ouKurao.le 22 mai 4819^ mort le 5 sept. 1854.'
Attaché à l'observatoire de Helsingfors (1843) et maître
d'arithmétique à Âbo (1849), il publia, tantôt en finnois,'
tantôt en suédois ou en latin, des travaux remarquables
par l'exactitude, la concision et la clarté, entre autres :
Almnnach {iSU-iSiS); Almanach pour les années'
1801 à '2000 (1852); Trigonométrie plane (1848); Tri-
gonométrie sphérique (\ 856) ; Dates de la débâcle des^
glaces du Kumo-elf, 1801 à 1849, dans Suomi (1849).
Il eut le mérite d'avoir été l'un des premiers à faire du
suomalais une langue scientifique. B-s. ,
EKLUND (August-Vilhelm), cartographe finlandais, né
à ïnko le 25 mars 1812, mort à Helsingfors le 28 mai
1837. Géomètre fort expert, il dressa la première carte
générale coriiplète du grand-duché de Finlande, gravée à
Berlin par Brose (Helsingfors, 1840; 2« éd., 1852).
EKMAN (Olaus-Jonae), théologien suédois, né à Felings-
bro (Vestmanland) en 1639, mort à Falun le 23 janv.
1713. Successivement aumônier en Livonie, prévôt à Stren-
gnses (1681), puisa Fakn (1688), il publia des disserta-
tions, des oraisons funèbres, des ouvrages de piété et Vœu
d'un échappé au naufrage (Stockholm, 1680 ; 2« éd.,
1733), où il demande des réformes religieuses. B-s.
' • ' ' - 46
EKMAN - BL^AGNACÉES
— m -
EKMAN (Fredrik-Joachim), écrivain finlandais, né à
Nystad le 4«^ sept. 1798, mort à Helsingfors le 43 mars
4872. Il enseigna d'abord le latin au gymnase de Wiborg
(1829) et publia deux thèses en cette langue (4832, 4834).
Après avoir été ordonné prêtre (4838), il fut pasteur (4844-
4842) de l'île de Runœ (Livonie) dont il a donné la des-
cription (Tavastehus, 4847), puis d'Esbo, en Fmlande
(1842), enfin chapelain à Tavastehus (4843), puis^à Abo
(1848). Il publia en suédois une description (1834)^ des
fresques exécutées par son frère dans la cathédrale d'Abo
et un Recueil systématique d'extraits des règlements
ecclésiastiques et scolaires pour la Fiiilande {'[SQO-
4865, 2 vol.). . B-s.
EKMAN (Robert-Yilhelm), peintre finlandais, frère du
précédent, né à Nystad le 43 août 4808, mort à Abo le
49 févr. 4873. Après avoir étudié à l'Académie des beaux-arts
de Stockholm (4824) dontil devint agréé (1837) et membre
(4844), il voyagea (4837-1844) en Hollande, en France et
en Italie, fut éiève^de Paul. Delaroche et devint maître à
l'école de dessin d'Abo (4846). Son enseignement et son
exemple n'ont pas peu contribué au développement artis-
tique de la Finlande. Il peignit des fresques dans la cathé-
drale d'Abo (1830-4854) : Saint Henri baptisant les
Finnois et VEvêque Agricola présentant à Gustave
Vasa la traduction finnoise du Nouveau Testameîit,
ainsi que de nombreux tableaux d'autel. Il fut le premier
à traiter des sujets nationaux, comme : Ouverture de la
diète de Borgâ en i808 et de celle de Helsingfors en
i86S; Bengt Lyytinen lisant ses poésies et Greta
Haapasalo jouant de la kantele; En barque pour
aller à V église. Il a publié deux fascicules de Dessins
pour leKalevala (4863-1864) et représenté dans un grand
tableau le Ciel et la Terre ravis par les chants de
Yœinœmiinen, B-s.
EKRON ou ACC A RON, aujourd'hui Akir. Siège d'une des
cinq principautés philistines nommées dans la Bible ; on y
signalait un sanctuaire placé sous le vocable de Belzéboub.
EKWALL (Emma-AmaHa), artiste suédoise, née dans le
laen de Jœnkœping le 18 janv. 4838. Pourvue de la mé-
daille royale de l'Académie des beaux-arts de Stockholm
(1874), elle continua d'étudier longtemps à Munich et à
Leipzig et exposa pour la première fois en 4868. On loue
ses gracieux tableaux de genre (intérieurs et scènes de
l'enfance).— Son frère, Knut- Alfred Ekwall, né le 3 avr.
4843, termina aussi ses études artistiques en Allemagne et
eut pour maître L. Knaus à Berfin. Il est tout à la fois
peintre de genre et habile dessinateur, et les illustrations
qu'il fournît aux journaux allemands et suédois témoignent
de ses talents de composition et d'invention et d'une grande
sûreté de main. ^ B-s.
EKWÉ ou EKOOUÉ. Station de missionnaires du pays
des Zoulous (Afrique australe) dans l'intérieur des terres.
Pendant l'expédition de 4879, Ekwé fut quelque temps
le centre de la résistance des forces anglaises, après leur
échec à Isandhlouana.
EL. Mesure de longueur usitée en Hollande ; vaut 4 m.
ELA, roi d'Israël, fils et successeur de Baèsa, occupa le
trône pendant deux ans seulement et fut assassiné par un
usurpateur du n'om de Zimri (4 Rois, xvi, 6 et 8-44).
EL-ABIOD-Sidi-Cheikh. Localité célèbre d'Algérie, dans
le Sud oranais, à 386 kil. au S. d'Oran; 2,000 hab.
environ avec les ksours voisins. Elle se trouve dans une
grande plaine et est signalée de loin par la koubba vénérée
où repose le corps de' l'ancêtre éponyme des Sidi-Cheikh.
Alentour étaient autrefois cinq ksours {Ksar-ech- Cher gui,
Ksar-Sidi'Abd-er-Rahman, Ksar-el-Kebir, Ksar-ouled-
hou-Douaia^ Ksar-abid-Keraba). La koubba a été dé-
truite par le général Négrier en 1881, et il a fait trans-
porter les restes de Sidi-Cheikh à Géry ville ; la population
des ksours avait fui; mais, depuis 4886, les Ouled-Sidi-
Cheikh, s' étant soumis, ont obtenu de rebâtir la koubba
et de réédifier leurs maisons à l'ombre des palmiers qu'on
avait eu le soin d'épargner. E. Cat.
li ÉLAB0U6A. Ville de la Russie d*Europe, cheWîeu de
district du gouvernement de Viatka, sur la rivière Toïma ;
9,434 hab. Le district d'Elabouga est habité par des
Russes et des allogènes Voraks, Tchétiémisses, Bachkirs, etc.
Il est essentiellement agricole.
ELACATE (IchtyoL). Genre de Poissons osseux (léléos-
téens), de l'ordre des Acanthoptérygiens Cotto-Scom-
briformes, et de la famille des Scombridœ (V. ces mots),
caractérisé par un corps couvert de petites écailles , la tête
comprimée, pas de carène sur les côtés de la région caudale,
la dorsale constituée par huit petites épines libres ; dents
en velours disposées sur les mâchoires, le vomer et les pa-
latins. Le type du genre est VElacate nigra commun dans
l'Atlantique et l'océan Indien. Rocher.
BiBL. : GuNTHER, Study of Fishes.
EL-ACHIR. Village d'Algérie, dép. de Constantine,' arr.
de Sétif, station du chemin de fer d'Alger à Constantine,
à 43 kil. à TE. de Bordj-bou-Arréridj. Créé dans une
région fertile, mais peu salubre, il ne comptait encore que
43 Européens en 4886; mais il s'y tient chaque mardi un
marché assez important pour les céréales et bestiaux ; il
fait partie de la com. mixte des Bibans. E. Cat.
ELACHISTA (Bot.). Genre d'Algues Ectocarpées para-
sites, à thalle filiforme et simple, parfois rameux à sa base,
articulé, monosiphoné et à sporanges à une ou plusieurs
loges, de forme oblongue, entourés de poils.
ELACHOCERAS (Paléont.) (V. Dinoceras).
EL-ACHOUR. Village d'Algérie, dép. et arr. d'Alger, à
44 kil. S. de cette ville, à une ait. de 402 m. Créé près
des sources de l'oued Kerma sur le territoire d'une ancienne
ferme domaniale, il ne fut d'abord qu'une annexe de Deli-
Ibrahim ; aujourd'hui c'est une com. de plein exercice de
349 hab.. Européens, qui récoltent un vin renommé et
élèvent des bestiaux. E. Cat.
EL-ADJIBA. Village d'Algérie, dép. et arr. d'Alger, à
451 kil. E. de cette ville, station de la voie ferrée d'Alger
à Constantine. Créé récemment dans une région fertile en
orge, blé et vignes, il fait partie ^de la com. mixte de
Beni-Mansour et n'a encore que 40 hab. environ. Euro-
péens. A peu de distance de là, à Bechloul, se tient tous
les lundis un marché très important. E. Cat.
EL>tA6IA (Elœagia Wedd.) (Bot.). Genre de plantes
de la famille des Rubiacées et du groupe des Portlandiées.
Ce sont des arbres résineux à feuilles opposées et stipulées,
à petites fleurs très nombreuses , disposées en épis termi-
naux très ramifiés. Chacune d'elles a un calice court, per-
sistant, une corolle en entonnoir à cinq lobes tordus et cinq
étamines exsertes. L'ovaire, infère, devient un fruit locu-
licide, contenant de nombreuses graines anguleuses. Les
deux seules espèces connues, E. utilis Wedd. ou Arbol
del cera et E. Mariœ Wedd., habitent, la première, la
Colombie, la seconde, le Pérou. Elles fournissent une sorte
de baume aromatique, connu sous le nom à'Aceite Maria
et préconisé comme tonique et stimulant (V. H. Bâillon,
Hist, des PL, VU, 336, 378 et 476). Ed. Lef.
EL>£A6NACÉES (Elœagnaceœ Lindl.) (Bot.), Famille
de Végétaux Dicotylédones, composée d'arbres, d'arbustes
et d'arbrisseaux, à rameaux souvent épineux, à feuilles
alternes, plus rarement opposées, simples, dépourvues de
stipules et couvertes , surtout à leur face inférieure, de
poils ccailleux peltés ou étoiles, souvent argentés ou bru-
nâtres. Les fleurs, hermaphrodites ou unisexuées, sont
axillaires, solitaires ou agrégées, parfois disposées en épis
ou en grappes. Elles ont un périanthe simple, ordinairement
tubuleux, à limbe bi-ou quadri-partit, et un ou deux ver-
ticilles d'étamines ordinairement connées avec le périanthe,
à anthères biloculaires , s'ouvrant par des fentes longitu-
dinales. L'ovaire, à un seul ovule anatrope, est inclus dans
le tube accrescent du périanthe, qui persiste ordinairement
autour du fruit, auquel il forme fréquemment une indusie
charnue ou drupacée, souvent comestible (certains Elœa-
gnus), parfois produisant une substance tinctoriale jaune
(Hippophae rhamnoides L.). L'unique graine que renferme
— 723 ^
EL^AGNACÉES — ÉLAGAGE
le fruit est dressée, anatrope, avec l'embryon dépourvu (ou
à peu près) d'albumen. — LesElaeagnacées sont placées par
M. H. Bâillon (Hist, des Pl.^ II, 4-93), entre les Lauracées
et les Myristicacées. Les espèces, au nombre d'une tren-
taine, se répartissent dans les quatre genres : Elœagnus
Tourn., Shepherdia Nutt., Hippophae Tourn. et Aexto-
xicon R. et Pav. Ed. Lef.
EL/EA6NUS (Elœagnus Tourn.) (Bot.). Genre de
plantes qui a donné son nom à la famille des Elœagnacées
(V. ci-dessus). Ses représentants, bien connus sous le nom
de Chalefs^ sont des arbres ou des arbustes, dont tous les
organes sont couverts de poils écailleux, peltés ou étoiles.
Leurs fleurs, régulières et hermaphrodites , plus rarement
polygames, ont un réceptacle en forme de cornet creux, dont
la concavité loge l'ovaire et est doublée d'un disque glan-
duleux, épaissi sur ses bords. Ce réceptacle s'accroît après
la floraison et forme autour du fruit une indusie complète
que surmontent pendant longtemps les restes du périanthe
et de l'androcée et qui a toute l'apparence d'une drupe. —
Les Chalefs habitent l'Asie moyenne, l'Europe méridionale
et l'Amérique du Nord. On en connaît une vingtaine d'es-
pèces. L'une d'elles, E. angustifoliaL. ou Chalef argenté,
Olivier de Bohème, est fréquemment cultivé dans les parcs
pour son feuillage argenté qui produit le plus bel effet
parmi les arbres à feuiMage vert. Ses fleurs, très odo-
rantes, ont été employées, en infusion ou en décoction,
dans le traitement des fièvres malignes. Son écorce et ses
feuilles sont astringentes. — On cultive également en
Europe YE. ediilis Sieb., arbuste du Japon, à fleurs
jaunâtres, agréablement odorantes. L'induvie qui entoure
ses fruits forme une couche pulpeuse, sucrée et acidulée,
qui est comestible. Il en est ue même de celle des fruits
de TE. orientalis L. ou Chalef d'Orient, et de VE. con-
ferta Roxb. ou Guara des Bengalais. Ed. Lef.
EL>EIS {Elœis Jacq.) (Bot.). Genre de Palmiers dont
l'espèce type, E, Guineensis Jacq., est connue sous le nom
A' Avoir a ou à'Aouara, C'est un arbre assez élevé, à feuilles
larges, étalées et chargées d'épines sur les bords du pétiole.
Ses fleurs, monoïques, sont disposées sur des spadices dis-
tincts, entourés de deux spathes complètes. Les mâles ont
un périanthe double, trimère, et six étamines ; les femelles,
un calice à trois folioles , une corolle à trois ou six pétales
et un ovaire triloculaire, qui devient, à la maturité, une
drupe d'un jaune rougeâtre, à péricarpe charnu, à noyau
très dur pourvu, vers le sommet, de trois pores simples.
VE, Guineensis est originaire de la côte occidentale de
l'Afrique. Il a été répandu, par la culture, dans la Guyane
et dans diverses parties de l'Amérique du Sud. La matière
grasse contenue dans le péricarpe du fruit fournit, par
expression , l'huile de palme, particulièrement employée
pour la fabrication des savons. Ed. Lef.
EL>EOCARPUS (Elœocarpus L.) (Bot.). Genre de
plantes de la famille des Tihacées, qui a donné son nom au
groupe des Elaeocarpées. Ce sont des arbres ou des arbustes
à feuilles alternes, parfois opposées, à fleurs blanches,
rouges ou jaunâtres, solitaires ou en grappes. Ces fleurs
sont pentamères, avec des étamines plus ou moins nom-
breuses, disposées en phalanges opposées aux pétales. Le
fruit est une drupe à noyau très dur, contenant de une à
cinq loges et dans chaque loge une seule graine dont l'albumen
charnu enveloppe un embryon à cotylédons larges, plans
ou ondulés» — hes Elœocarpus habitent les régions chaudes
de l'Asie, de l'Océanie et des îles orientales de l'Afrique
tropicale. On en connaît une soixantaine d'espèces. Plusieurs
d'entre elles, notamment VE. serratus L,, des Indes orien-
tales, et VE» cijaneus Sims., de l'Australie, fournissent des
écorces toniques, aromatiques ou amères, renfermant une
certaine proportion de tanin. Leurs feuilles sont astrin-
gentes et leurs fruits comestibles. VE. cyaneus est fré-
quemment cultivé dans les serres de l'Europe pour ses
grappes de fleurs blanches pendantes, à pétales finement
fimoriés et pour ses fruits de la grosseur d'une olive et
d'un beau bleu d'indigo. Dans l'Inde, les noyaux très durs
et fortement sillonnés de VE, ganitrus Roxb. servent à
faire des bijoux, des colliers, des chapelets. Ed. Lef.
^ ELyEOCOCCA {Elœococca Commers.) (Bot.). Genre
d'Euphorbiacées, qui ne fait plus maintenant qu'une section
du genre.4/^i(nteForst. (V. Aleurit).
EL>€ODENDRON (Elœodendron Jacq.) (Bot.). Genre
de Célastracées, du groupe des Evonymées, dont on connaît
environ trente-cinq espèces des régions chaudes du globe.
Ce sont des arbustes ou des arbrisseaux à feuilles opposées,
à fleurs disposées en cymes. Les fruits sont des drupes
dont les noyaux très durs renferment de une à trois loges
et dans chaque loge une ou deux graines albuminées , dé-
pouvynesd'anWe. — VE.sphœrophyllumE.Bn., dont les
fruits sont alimentaires, croît au cap de Bonne-Espérance.
Il en est de même de VE. croceum DG. [îlex crocea
Tliunb.), qui fournit le Bois d'or du Cap; son écorce
est préconisée comme un antidote de la morsure des reptiles.
Dans l'Inde, l'écorce de la racine del'E. Roxburghii Wight
et Arn. (Nenija dichotoma Roxb.) est employée pour
cicatriser les blessures. — L'E. argan Willd. ou Olivier du
Maroc est VArgania Sideroxylon Rœm. et Sch., de la
famille des Sapotacées (V. Argania). Ed. Lef.
EL-AFFROUN. Village d'Algérie, dép. et arr. d'Alger,
cant. de Blida, sur la hgne du chem. de fer d'Alger à
Oran, à 69 kil. d'Alger. Situé au pied des montagnes, il
a son territoire traversé par l'oued Djer, torrent l'hiver,
à sec l'été, et couvert de champs de céréales, de bois d'oli-
viers et de vignobles. Avec son annexe, le hameau de
Bou-Roumi, El-Attroun forme une com. de plein exercice
de 2,677 hab. dont un millier d'Européens.
ELA6ABAL (V. Héliogabale).
ÉLAGAGE (Sylvie). L'élagage consiste à supprimer cer-
taines branches des arbres. Chez les arbres d'alignement,
on élague celles qui nuisent à la régularité des formes
qu'on leur impose. Chez les fruitiers, l'élagage retranche
les branches mal conformées, trop rapprochées d'une
autre, celles qu'on ne peut palisser ou qui altèrent l'ordre
artificiel de leur charpente. En forêt, l'élagage poursuit
surtout un autre but : provoquer l'allongement du tronc
et diminuer le couvert des arbres. C'est alors aux réserves
des taillis composés qu'il s'applique. Dans les futaies,
en effet, qui croissent en massif serré, le tronc des arbres
s'élève droit, élancé, peu garni de branches, l'élagage
se fait naturellement. Mais dans les taillis, surtout dans
ceux oîi les coupes périodiques du sous -bois sont trop
rapprochées, le tronc des arbres réservés reste court, leur
large cime s'étale comme celle d'un pommier. De là deux
inconvénients : la valeur des réserves est diminuée et le
sous-bois souffre sous un couvert trop complet. On y
remédie par l'élagage et on a intérêt à l'appliquer aux
réserves jeunes, pour favoriser de bonne heure l'allonge-
ment de leur flèche, leur donner un port élancé et éviter
d'avoir à couper plus tard de trop grosses branches. L'outil
principal de l'élagueur est une serpe, en forme de couperet,
à tranchant droit. Les serpes à tranchant courbe et à bec
sont moins usitées. On élague : rez-tronc^ à chicot ou par
simple raccourcissement des branches. Dans le premier
cas, la serpe attaque la branche tout contre le tronc, en
commençant par-dessous pour ne pas déchirer la tige. La
section égalisée, nette d'aspérités, est recouverte de coaltar
pour la mettre, autant que possible, à l'abri de la décom-
position. Ce procédé est très propre, mais il est trompeur.
Il convient pour les branches d'un faible diamètre : les
plaies peu étendues se cicatrisant rapidement. Mais pour
les grosses branches, la cicatrisation, lente à recouvrir des
plaies considérables, masque souvent, lorsqu'elle est com-
plète, la désorganisation intérieure des tissus. La valeur
des arbres est dépréciée. C'est donc les branches des jeunes
réserves, les gourmands nés sur le tronc des arbres qu'il
faut élaguer rez-tronc. Cependant ce procédé s'applique
aux arbres qu'on doit abattre, quand on est pressé de
dégager les jeunes peuplements de leur couvert, quand on
craint que dans leur chute les arbres branchus ne causent
ÉLAGAGE — ELAM
— 724 — .
des dégâts au sous-bois ou pour éviter que leurs branches
ne se cassent. L'abatage suit l'élagage de trop près pour
qu'on ait à redouter la production de tares. On élague
encore rez-tronc les grosses branches des arbres d'orne-
ment, des parcs, .des promenades, lorsqu'elles gênent la
vue, lorsqu'on veut donner ou conserver à ces arbres une
forme régulière, parce que les autres procédés d'élagage
les rendraient disgracieux et parce que le but prmcipal
n'est pas ici la qualité du bois. Par l'élagage à chicot, on
coupe les branches à 80 centim. environ de leur msertion
sur la tige. Ce procédé est mauvais : les chicots ne reçoivent
plus de sève; ils meurent, se décomposent; l'altération
eai^ne le tronc. L'élagage par simple raccourcissement est
celui que le sylviculteur doit préférer lorsqu'il se trouve
dans l'obligation de couper de grosses branches sur les
réserves. Il se fait à une distance plus ou moms grande du
tronc, au-dessus d'un rameau d'appel. La sève se trouve
ainsi ramenée vers la cime, mais sans cesser d'alimenter le
rameau d'appel; la branche raccourcie ne meurt pas; les
tares du tronc sont évitées et le sous-bois est dégagé. L'éla-
eaee ne convient pas à tous les arbres, soit que, comme
chez les résineux, leur port élancé et la chute naturelle de
leurs branches inférieures le rendent inutile, soit que,
comme chez le hêtre et les érables, la décomposition s'em-
pare facilement des plaies d'élagage. L'élagage se fait en
hiver. ^- Boyer.
ÉLAGINE. Ile de la Russie d'Europe, sur la Néya,
près de Saint-Pétersbourg. Des ponts la réunissent à l'île
Krestovsky et à l'île Kamennoï. C'est pendant l'été une des
promenades favorites de la société pétersbourgeoise.
ÉLAGINE (Serge-Ivanovitch), historien russe, né en
4824, mort en 1868. Élève de l'Ecole des cadets de la
"flotte, il a collaboré à la Revue maritime et publié : His-
toire de la flotte russe (Saint-Pétersbourg, 1804) et
Matériaux pour servir a Vhistoire de la flotte (Saint-
Pétersbourg, 1867, o vol.).
ÉLAGINE (Vladimir-Nikolaevitch), littérateur russe, ne
en 1831, mort en 1863. Il étudia d'abord la médecine à
Moscou, puis entra dans l'administration. Ses écrits ont
généralement une tendance satirique. Les principaux sont :
Une Question de fermage, le Carnaval administratif,
l'Entreprise, Un Corps mort, Frol Ivanovitch, De Cha-
rybde en Scylla, Il a collaboré au Contemporain, à la
Parole russe et au Recueil de la Nouvelle Russie.
ÉLAÏDINE (Chim.).
-, ■ . ^ Equiv. (Cii^Hio^Oi2)«:=[C^H2(C36H3^0^^)3]%
■^^^^"' I Atom. (C^^i^^Oe)".
L'élaïdine est une substance grasse artificielle qui doit
être considérée comme un polymère de l'oléine, principe
liquide" des huiles non siccatives. Elle a été obtenue pour
la première fois par Poutet, de Marseille, en faisant réagir
.sur l'huile d'olive une dissolution de mercure dans l'acide
nitrique. Boudet, pharmacien à Paris, a démontré que la
solidification de l'huile n'est due ni à l'acide nitrique ou
nitreux, ni aux sels mercuriels, mais à l'acide hyponi-
trique ou mieux à l'hypoazotide AzO^ qui existe à l'état
de dissolution dans le réactif Poutet récemment préparé
à froid. Des traces de ce gaz suffisent pour déterminer la
transformation polymérique de l'oléine. — Meyer purifie
l'élaïdine en exposant sa solution éthérée à zéro et en
séparant le dépôt qui prend naissance. Elle est blanche,
solide, fusible à 32\ très soluble dans l'éther, fort peu
lians l'alcool. A la distillation sèche, elle donne de l'acro-
léinè, des carbures d'hydrogène et de l'acide élaïdique. Les
alcalis la saponifient avec formation de glycérine et pro-
duction d'un élaidate alcalin. Ed. Bourgoin.
EL-ALEU F. Village d'Algérie, dép. d'Oran, arr. de Mos-
taganem, dans la corn, mixte d'Ammi-Moussa, créé récem-
ment dans un pays fertile en céréales et arbres fruitiers ;
40 Européens environ.
ELAM figure dans la Table des nations de la Genèse
(X, 22) comme fils de Sem et est donc le représentant de la
population sémitique du pays qui, postérieurement, prit ce
nom. Il s'étend, dans le bassin du Tigre, depuis le golfe
Persique jusqu'aux montagnes de la Médie au N. et jusqu'à
celle de la Perside à l'E. C'est là l'acception, dans le sens
le plus large;, du pays d'Elam,qui comprenait des popula-
tions de races absolument différentes : des Sémites étrangers
qui l'appelaient Elam (dans la forme grecque Elymaïs) ;
des. Ariens qui l'appelaient L'vdza en perse (Khusistan,
de nos jours) ; des Touraniens, qui l'appelaient Susinak,
d'où le nom de Susiane chez les Grecs plus récents, ou
Apparti, et finalement des Cusites, qui figurent dans les
textes sous le nom de Kassu qui se confondait avec les
Sémites. Le nom de Kassu semble même être le nom indi-
gène des Elamites sémitiques, et c'est sous ce nom que
tout ce pays a été primitivement connu des Grecs qui
l'appelaient Cissie (Ktaaia). C'est le nom sémitique indi-
gène du pays et du peuple desCissiens, non pas Cosséens,
par lequel des ignorants ont voulu le remplacer. Il
ne parait pas que le nom d'Elam ait jamais été le nom
employé par les habitants, précisément comme les habitants
de la Germanie actuelle ne s'appellent eux-mêmes ni Alle-
mands, ni Niemetz.
Le pays d'Elam est le pays de l'Orient ou « ce qui est
en avant », et est le nom dont les Assyriens, dans le sens
le plus large du mot, désignaient toute la contrée à l'E.
du Tigre, comprenant tout le bassin oriental du Tigre, et
s'étendant même jusqu'à la Perside. Us l'appelaient aussi
Ansan ou Anzan, terme quelquefois réservé à une pro-
vince spéciale de la contrée. Le terme sumérien du pays
était Nimma, mot qui exprime également la contrée du
levant. Il est possible que ce mot, qui se rencontre dans
les textes de la Susiane sous le nom de Nima, soit iden-
tique à celui de Nimrod qui, dans la Bible (Gen., X) et
dans le prophète Nichée (V, 6) est l'expression de tout le
pays généralement désigné par le mot d'Elam. Le terme
spécialement réservé aux Sémites était, comme nous
l'avons dit, Kassu ou Kalzu, d'oii le mot Kissie a tiré son
appellation. Pour les Assyriens, la Cissie était le pays
sémite; la langue sémitique était la langue cissierine,
tandis qu'ils étendaient le mot sémitique d'Elam pour indi-
quer tout le pays gouverné par des chefs touraniens, et ils
employaient le mot de tangue élamite pour désigner
l'idiome touranien des Suso-Mèdes. On voit, par ce qui
précède, qu'il y a là une grande confusion de noms mal
appliqués, ce qui s'explique par le fait même que sa situa-
tion géographique formait le point de contact des Sér
mites, des Ariens, des Touraniens et des Cusites. Nimrod
était fils de Cus, désignation généralement emplojjée par
l'Ethiopie d'Afrique, mais la légende confondit ces Cusites,
probablement venus d'Afrique, avec les habitants des
contrées au S. de l'Egypte. Homère^ dans ['Odyssée (I),
parle des Ethiopiens partagés en deux parts, dont l'une
habite le couchant, l'autre le levant du soleil. Le Mcmnon
des Grecs était Ethiopien et fils de Cissia. La XXIÏ« dynas-
tie des Pharaons, les Boubastites, les Sesoneh, les Ta-
kellothis, les Osorchon, les Nimrod portent des noms
elamites ou plutôt susiens et rappellent dans leurs noms
la Susiane, le Tigre et le pays de Nimrod. ^
Nous ne traiterons donc pas ici des rois elamites, non
sémitiques, et de leur langue suso-médique, que nous
réservons à l'art. Susiane, quoique les textes cunéiformes
et la Bible ne connaissent que le terme d'Elam pour les
signaler, car ils appelaient eux-mêmes leur pays Hapirti
et les Perses le désignent par Uvdza, qui a survécu, comme
nous l'avons dit, dans le Khuzistan de nos jours. Les
monarques d'Elam, Sutruk-Nakhunta, Kudur-Nakhunta,
Silhak, Umnam-Menan, Halludus, Umbadara figurent tou-
jours sous le titre de rois d'Elam, et c'est contre ces
princes non sémitiques que se dirigent surtout les pro-
phéties de Jérémie (XLIX, 34) et Ezéchiel (XXXII, 24),
qui prouvent (|ue cet empire survécut à la dynastie appa-
rentée des rois mèdes. Le pays d'Elam fut finalement
incorporé par Cyrus à l'empire naissant des Perses : il se
révolta plusieurs fois pour recouvrer son ancienne mdé-
— 725 —
ELAM — ELAPHRUS,
pendance sous Darius P'. Mais, depuis que les rois aché-
ménides avaient établi leur siège d'habitation à Suse, ces
velléités nationales cessèrent, et la Susiane ou FElam
s'identifia avec la politique de la Perse. Seules, les peu-
plades montagnardes indisciplinées, vivant de rapines et
de déprédations, comme les Uxiens, les Amardes, les Cos-
séens et d'autres, jouissaient d'une indépendance complète,
que les conquérants macédoniens seuls réussirent à dé-
truire pour quelque temps. Encore aujourd'hui, ces mêmes
contrées, le Luristan, le pays des Bakhtiyari profitent d'une
sorte d'immunité, comme anciennement sous les rois de
Perse et d'Elam. J. Oppert.
ELAM BAZAR. Ville de l'Inde- anglaise, présidence du
Bengale, prov. de Burdwan, r. g. de l'Agly (aftl. de dr.
de l'Hougly). Marché de riz ; fabrication de laques.
EL-AMRI. Oasis d'Algérie, dép. de Constantine, la plus
orientale du groupe appelé Zab-Dahraoui, à 48 kil. 0. de
Biskra. Elle se révolta en 1876. L'insurrection fut rapi-
dement réprimée par le général Carteret-Trécourt, et le
village détruit; des propriétaires français, depuis une
dizaine d'années, reconstituent l'oasis, qui comprend envi-
ron 15,000 palmiers-dattiers. E. Cat.
ÉLAN (Zool.) (V. Cerf, t. X, p. 43).
ÉLAN (Ellantium), Com. du dép. des Ardennes, arr.
de Mézières, cant. de Flize; 203 liab. Carrières de pierre.
— Celte localité doit son ancienne célébrité à une abba}e
de cisterciens, qui y fut fondée, au diocèse de Reims, le
1^^ août 1148, par Witier, comte de Rethel, et saint
Roger, qui en devint le premier abbé. Les comtes de
Rethel et de Nevers, successeurs de Witier, enrichirent de
leurs dons le monastère qui fut reconstruit en totalité aux
xvï® et xviii® siècles. Supprimé à la Révolution, il n'en
reste aujourd'hui que le logis abbatial, transformé en
maison de ferme, et la moitié de la nef qui sert d'église
paroissiale. Les boiseries et les stalles du chœur déco-
rent le temple protestant de Sedan. — La fontaine Saint-
Roger, proche du village, est un lieu de pèlerinage re-
nommé. A. T.
BiBL. : J. Hubert, Statistique monumentale du dép.des
Ardennes, dans Travaux de l'Académie de Reims, 1852-
1853, p. 229.— E. de Montagnac, les Ardennes illustrées;
Paris, 1868-1873, 4 vol. in-fol., avec pi.
EL-ANASSEUR. Village d'Algérie, dép. de Constantine,
arr. de Sétif, à 62 kil. 0. de cette ville et à 7 kil. de
Bordj-bou-Arréridj, créé en 1876 au milieu de terres fer-
tiles. Son nom vient d'être changé en celui de Galbais .
Le village, qui n'a comme population que 99 Européens
et quelques indigènes, est sans doute trop rapproché de
Bord] pour devenir important. Stat. du ch. de fer d'Alger
à Constantine; ruines romaines. E. Cat.
ÉLANCEMENT (Mar.). Terme d'architecture navale.
C'est l'angle que fait avec la quille du navire la partie
extrême de l'avant appelée étrave ou taille-mer. Les na-
vires bons marcheurs avaient autrefois un assez fort élan-
cement. L'adoption de l'éperon pour les cuirassés et de
l'éperon de marche pour les navires à grande vitesse a
complètement changé les formes de l'avant, et l'élance-
ment, qui était de 120 à 130% est tombé à 40 et 3o«.
ELANCHOVE, LANCHOVE ou ANCHOYE. Port d'Es-
pagne, prov. de Biscaye, district de Guernica; 1,418 hab.
Nombreux établissements de pèche, de salaisons et de con-
serves de poissons.
ÉLANCOURT. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr. de
Rambouillet, cant. de Chevreuse ; 6^Q hab.
ÉLANE (Ornith.). Les Elanes ou Elanions (Elanus Sa-
vigny) qui appartiennent au même groupe que les Milans,
se distinguent de ces oiseaux par des formes plus ramas-
sées, une queue moins fourchue, des ailes relativement plus
développées et une livrée de teintes plus claires, le man-
teau étant d'un gris perle plus ou moins varié de noir, et
les parties inférieures du corps d'un blanc pur. Ils ne for-
ment qu'un très petit nombre d'espèces qui vivent dans les
régions tempérées ou tropicales de l'ancien et du nouveau
monde et de l'Océanie et dont une, l'Elanion blanc {Ela- ■
nus cœruleus Desf.), originaire d'Afrique, se montre,
accidentellement dans nos contrées. Les petits Rongeurs,
les Insectes diptères et orthoptères constituent la nourri-
ture ordinaire des Elanions qui doivent, par conséquent,
être rangés au nombre des Rapaces utiles. E. Oustalet. ,
BiBL. : Lev AILLANT, Oiseaux d'Afrique, 1799, t. I, p. 147
et pi 36 et 37. — Degland et Gerbe, Ornith. europ.,
1867, "t. I, p. 69, 2« éd.— R.-B. Sharpe, Cat. D. Brit. Mus.,
1874, t. I, p. 386.
ÉLANGU EUR (Pêche). On donne ce nom à un petit ins-
trument en fer, pointu aux deux extrémités ; une des pointes
entre dans une lisse, avec l'autre on pique les morues der-
rière la tête de manière à ce qu'on puisse facilement retirer
la langue.
EL-ANSER. Village d'Algérie (V. Lanasser).
ÉLAPHÉBOLIES (Myth. gr.). Fête d'Artémis chasse-
resse (Diane) ; elle symbolisait la chasse du cerf et on
offrait à la déesse un gâteau représentant la bête. Il en
est question dans l'hymne homérique à Artémis et dans
Plutarque (Quœst., V, 4, 1). Elle avait une grande impor-
tance dans i'Hellade, particulièrement en Phocide (à Hyam-
polis) et en Attique, où le premier mois du printemps, le
neuvième de l'année, s'appelait Elaphebolion,
ELAPHIS (Erpét.). Genrede Serpents Colubri formes,
de la famille des Colubridœ, ayant le corps cylindrique ou
faiblement comprimé,' la tête assez peu distincte du tronc,
les dents toutes d'égale longueur. Le type du genre est
VElaphis Msculapi, à corps allongé peu volumineux, à
queue longue, à écailles de la partie antérieure du tronc
lisses, celle de la partie postérieure faiblement carénées. La
teinte est d'un brun olivâtre uniforme en dessus, d'un
blanc jaunâtre en dessous ;" le dos et les côtés sont piquetés
de blanchâtre ; une tache jaune se montre sur les côtés de
la nuque, et une tache gris noirâtre se voit derrière l'œil.
On observe cette forme dans tout le midi delà France; elle
remonte jusqu'à Fontainebleau, où elle est assez commune.
Elle vit dans les buissons des terrains rocailleux et arides,
et se nourrit de petits Mammifères, plus rarement d'Oiseaux.
BiBL. : Sauvage, dans Brehm. éd. française. Reptiles.
— DuMÉRiL et BiBRON, Erpét. génér.
ÉLAPHOMYCES (Bot.). Genre de Champignons Asco-
mycètes, de la famille des Périsporiacées et de la tribu des
Tubéracées. Péridium dur et épais à voile plus foncé que
l'écorce qui est marbrée. Glèbe formant à maturité une
masse pulvérulente, entremêlée de fibrilles soyeuses. Asques
à forme globuleuse renfermant de une à huit spores sphé-
riques et'colorées. Espèce principale : E. granulatus tirant
son nom des caractères du mycélium rendu granuleux par
de très petites verrues obtuses. Son péridium a la grosseur
d'une petite noix. Aucune espèce d'Elaphomyces n'est
comestible, mais ce Champignon est recherché par les cerfs
(k'Xacpoç, cerf) et autres animaux qui le déterrent facile-
ment (lièvres, sangliers). Il est commun sous le& arbrea
des forêts montagneuses, principalement sous les sapins.
Pour M. Boudier, quelques espèces sont parasites des radi-
celles du châtaignier et des chênes. H. F.
ELAPHRIUM {Elaphrium Jacq.) (Bot.). Genre de
Térébinthacées, qu'on s'accorde aujourd'hui à considérer
comme une simple section du genre
Bursera L., caractérisée par le
calice à divisions très profondes
^V RriRSFRF I
ELAPHRUS (Elaphrus Fâhv.)
(Entom.). Genre de Coléoptères de
la famille des Carabiques, dont les
représentants sont remarquables
par leurs yeux globuleux, très
saillants et par leurs élytres cou-
vertes de fovéoles arrondies. Les
Elaphrus établissent la transition Elaphrus riparius L.
entre les Cécindélides et les Cara-
biques. Peu nombreux en espèces, ils sont limités à l'hé-
misphère boréal et vivent exclusivement sur les bords des
ELAPHRUS -« ÉLASSOÏDE - 726 —
jnareS) des étangs, des rivières^ dans les marécages, oii ils
courent dans h vase avec une grande agilité. L'espèce
type, E. riparius L., est commun dans presque toute la
France. Elle est d'un vert mat en dessus, avec le_pros=^
ternum pubescent et les impressions des élytres superfi-
cielles. Ed. Lef.
ELAPHURUS (V. Cerf, t. X, p. 4o).
ELAPS (Erpét.). Genre de Serpents Aspidophidiens,
de la famille des Elapidœ, ayant pour caractères un corps
cylindrique, allongé ; la tète petite, arrondie, est convexe
en dessus, la bouche étroite est peu fendue, les écailles du
dos et des flancs sont lisses, rhomboïdales^ toutes de dimen-
sions égales; les urostèges sont disposées en une double
rangée. La forme la plus remarquable du genre est VElaps
corallinus. Le corps est d'un rouge vermillon brillant,
entouré de vingt-cinq à vingt-sept anneaux noirs bordés
d'une ligne blanc bleuâtre. Le dessus de la tête est d'un
noir bleu. Derrière l'occiput commence une bande d'un
beau vert changeant qui contourne l'œil et vient couvrir
les mâchoires inférieures. La queue noirâtre est cerclée de
huit anneaux blancs, la pointe de la queue est d'un blanc
jaunâtre. Cette forme habite le Mexique, le Brésil et la
Colombie. On la rencontre dans les endroits sablonneux ; sa
nourriture consiste en petits animaux. Rocher.
BtHL. : Sauvage, dans Brehai, éd. française, Reiptiles,
^ DuMÉRiL et BiBROiX, Ërpét. gêner.
EL-ARAISH (V. LàrAché).
EL-ARB A. Village d'Algérie, dép. de Constantine^ à une
trentaine de kil. au S. de Batna, dans une situation pitto-
resque sur une des pentes de l'Aurès et près d'un ruisseau
abondant. Il est composé d'un petit nombre de maison-
nettes qu'habitent des Chaouias.
ÉLARGISSEMENT des ponts, des rivières, etc. (V.
Pont, Rivière, etc.).
EL-ARICHA* Localité d'Algérie, dép. d'Oran, à 84 kil.
S. de Tlemcen, dans la com. indigène de Lalla-Maghnia
à une ait. de 1,300 m. et au milieu d'une région monta-
gneuse. Ce point a une grande importance stratégique et
permet de surveiller la frontière marocaine et les tribus
nomades des Hamian et des Oulad-en-Nahr; aussi on y
établit un poste qui était avant 4 881 le plus avancé de
notre occupation permanente dans le Sud oranais. Près de
la redoute se sont élevées des maisons et aujourd'hui
El-Aricha est une annexe de la com. mixte de Lallâ-
Maghnia avec une superficie de 129,000 hect. (montagnes,
vallées et plaines arides), une population de 7,871 hab.
dont 150 Européens (non compris la garnison du poste).
Aux environs on exploite l'alfa. E. Cat.
EL-ARROUCH ou EL-AROUCH. Ville d'Algérie, dép.
de Constantine, arr. de Philippeville, sur la voie ferrée
de Philippeville à Constantine, à 32 kil. de la première
ville, et à 51 kil. de la seconde ; ch.-l. d'Une com. de
plein exercice qîii a ùrte superficie de 11,719 hect. et
une population de 4,323 hab. dont 536 Européens.
En 1844 on avait établi en ce lieu un camp autour du-
quel se forma bientôt un village; les terres, arrosées par
deux cours d'eau, sont très fertiles, mais insalubres, et les
premiers colons furent décimés par la fièvre. Aujourd'hui
El-Arrouch est une petite ville prospère, avec de belles rues
et places et des plantations magnifiques qui en font un
séjour sain et agréable; cultures de céréales, de vignes
(300 hect.), d'oliviers ; fabriques d'huile ; distilleries ;
grande minoterie, etc.
ELASIPPOS, peintre grec du v^ siècle av. J.-G. Pline
l'Ancien (Hist. nat.^ xxxv, 11, 122) le cite comme l'un
des premiers artistes ayant pratiqué la peinture à l'encaus-
tique. Il avait travaillé à Egine.
EL-ASLA ou ASLA. Ksar d'Algérie, au S. de la prov.
d'Oran, en territoire de commandement, partie de la
eom. mixte d'Aïn-Sefra. Perché sur une colline rocheuse
et entouré d'une muraille flanquée de cinq tours, il a des
maisons misérables réparties en ruelles étroites et pleines
d'immondices ; les jardins, assez bien entretenus, renferment
2,000 palmiefs, et iè nombre des habitants est de 142; ce
point a cependant quelque importarice stratégique < parce
qu'il commande la vallée de l'oued Gharbi, une des voies
que suivent les caravanes et les nomades en migration.
ÉLASMOBRANCHES. L Ichtyologie. — Bonaparte
avait proposé l'ordre des Elasmobranches pour un groupe
de Poissons comprenant les Requins, les Raies et les
Chimères. Ce mot doit être rayé de la nomenclature. Il a
été avantageusement remplacé par celui de Chondropté-
rygiens^ généralement accepté. L'ordre des Chondropte-^
rygii comprend aujourd'hui les Poissons Plagiostomata
divisés en Selachoidei (Requins), Batoidei (Raies) et
Holocephala (Chimères). Rocher.
II. Paléontologie. — Cette sous-classe se divise en
deux ordres, les Icthyotomi, spéciaux aux terrains pri-
maires, et les Selachi, qui vivent depuis l'époque silurienne.
Les caractères généraux de ces Poissons sont les suivants :
squelette cartilagineux ; suspensorium mandibulaire articulé
avec le crâne ; chambres branchiales séparées, sans cou-
vercle operculaire ; squelette ayant même structure que les
dents ; nerfs optiques entre-croisés ; trois séries de valvules
au cône artériel ; une valvule spirale à l'intestin.
BiBL. : IcpiTYOLOGiE. — GuNTHER, Study of Fishes.
Paléontologie.— S. Woodward, Cat. of the fossil
fishes in the Brilish Muséum^ 1889, t. L
ÉLASIVIODONTE (V. Eléphant).
ELASMODUS (Paléont.). Egerton a établi ce genre pour
une Chimère caractérisée par un large tubercule à la mâ-
choire inférieure, dont le bord est irrégulier, deux tubercules
au maxillaire supérieur, les prémaxillaires portant quatre
plaques qui diminuent en longueur et en largeur de la sym-
physe en dehors. Le type du genre est E. Hunteri Owen
des terrains tertiaires inférieurs d'Angleterre. E. Sauvage.
BiBL. : Egerton, Proc. Geol. Soc^ 1843. — Mem, GeoL
Survey. 1852.
ÉLASIVIOSÀURE (Paléont.). Ce genre a été étabU par
Cope pour des Reptiles voisins des Plésiosaures ; les ver-
tèbres cervicales sont nombreuses, longues et comprimées ;
les vertèbres cervicales postérieures n'ont pas de diapo-
physes, ainsi que les vertèbres dorsales antérieures, puis
la diapophyse apparaît et augmente graduellement Jus-
qu'aux vertèbres postérieures, ou elle est très allongée.
L'arc pelvien est plus développé que l'art scapulaire ; le
mésosternon paraît avoir fait défaut. Lé typé du genre est
E. platyurus, de la craie du Kansas. E. Sauvage.
BiBL. : Cope, The Verlebrata of the cretaceoUs forma-
tions of the West. — U. S. Geological SUrvey^ 1875.
ÉLASMOSAURIENS (Paléont.). Les Plésiosauriens
peuvent se séparer en deux familles distinctes, les Plésio-
sauriens proprement dits qui ont une interclavicule séparée^
les Elasmosauriens qui n'ont pas d'os mésosternal distinct.
Chez ces derniers, l'apophyse épineuse et les apophyses
transverses sont intimement soudées au corps de la ver-
tèbre, toute trace de la suture ayant disparu, tandis que
la suture est bien distincte chez les Plésiosauriens propre-
ment dits* Seeley a fait remarquer que les Elasmosauriens
les plus récents, comparés à leurs prédécesseurs, mani-
festent une grande tendance à l'ossification, coïncidant sans
doute avec une organisation plus élevée. Les genres Erelh-
mosaure, Colymbosâure, Muroenosaure rentrent dans là fa-
mille des Elasmosauriens, telle qu'elle a été établie par Cope.
ELASMOTHERIUM (Paléont.) (V. Rhinocéros).
EL-ASSAFIA. Localité d'Algérie, prov. d'Alger, à 10 k.
N.-E. de Laghouat, près d'une source abondante. C'était
jadis une ville saharienne considérable, rivale de Laghouat ;
elle n'a plus que quelques dattiers et un ksar d'une
trentaine de maisons.
ÉLASSOÏDE. On donne ce nom à la surface dont les
rayons de courbure principaux en chaque point sont égaux
et de signes contraires. La surface d'aire minima passant
par un contour donné est un élassoïde ; on connaît aujour-
d'hui un grand nombre d'élassoïdes ; plusieurs d'entre eux
sont même des surfaces algébriques. L'étude de ces surfaces
a été commencée par Monge et continuée par M.-O. Bonnet,
— 727 —
ÉLASSOÏDE — ÉLASTICITÉ
Serret, Catalan, Sophus Lie, Enneper Weierstrass, Ribau-
cour, etc.
BiRL. : Le Cours de géométrie professé à la Sorbonne par
M. Darboux. — Le Mémoire de M. Ribaucour qui a rem-
porté le prix à TAcadémie de Belgique en décembre 1880.
ELASSONA. Ville située au S.-E. de l'Olympe de Thes-
salie ; c'est l'antique Olaossona, célèbre du temps d'Homère ;
à 37 kil. de Larisse, sur un affluent de la Vourgaris,
affluent même de la Salumbria ; 2,000 liab.
BjBL. : Heuzey, le Mont Olymj)e et l'Acarnanie.
ÉLASTICITÉ. I» Physique. — L'élasticité est l'étude des
phénomènes produits par les forces extérieures sur les corps.
Quand les corps sont liquides ou gazeux, il n'y a lieu que
d'étudier les variations de volume qu'ils éprouvent sous l'in-
fluence des pressions. Cette étude a été faite au mot Com-
PRESSiBiLiTÉ. Il n'en est plus de même pour les corps
solides ; le problème est beaucoup plus complexe ; il y a
lieu d'étudier non seulement les changements de volume,
mais les changements de forme; d'autre part les forces
agissantes sur les diverses parties ne seront plus néces-
sairement égales comme dans le cas des gaz et des liquides
qui transmettent intégralement les pressions. L'étude de
l'élasticité est l'une des questions les plus importantes et
les plus difficiles de la physique ; elle se rattache étroi-
tement aux actions moléculaires et peut nous donner des
renseignements sur ce sujet si obscur. Les travaux des
mathématiciens les plus illustres, de Poisson, de Navier,
de Cauchy, de Lamé, de Saint-Venant, de Clebsch, de Béer,
de Kirckoff, de Phillips ont fondé une théorie mathéma-
tique de l'élasticité. Les expériences de Coulomb, de Sa-
vart, de AVeber, de Wertheim, de M. Cornu, etc., ont
permis soit de vérifier certains points de la théorie, soit de
déterminer les constantes des formules. Les effets des forces
extérieures sur les corps solides peuvent se traduire par
des phénomènes de compression, de traction, de flexion,
de torsion. On trouvera à ces mots les expériences qui
ont permis de déterminer pour un certain nombre de corps
les coefficients propres à ces diverses déformations. Dans cet
article nous nous contenterons d'exposer le plus simple-
ment possible la théorie de l'élasticité en nous servant
surtout des travaux de Lamé.
Quand une force extérieure agit sur un corps, ses mo-
lécules se déplacent et il naît des réactions élasticiues qui
font équilibre à la force extérieure. Lorsque celle-ci ne
dépasse pas une certaine grandeur, les molécules revien-
nent à leur position primitive quand la force extérieure
cesse ; on dit alors que la déformation est momentanée. Il
n'en est plus de même quand la force est considérable ;
il existe alors une déformation permanente beaucoup plus
faible en général que la déformation momentanée. L'é-
crouissage des corps est un exemple de déformation per-
manente. On appelle limite d'élasticité celle qui correspond
à l'apparition d'une déformation permanente. Considérons
maintenant un corps soumis à des actions extérieures. Soit
M un point quelconque pris dans l'intérieur de ce corps.
Par M menons un plan quelconque ; il coupe le corps en
deux ; il est évident que chacune des parties du corps a
une action sur l'autre, action qui consiste en des tractions
ou des compressions appliquées aux divers points du plan
de séparation. Soit w la surface d'un petit élément de ce
plan comprenant le point M ; on pourra diviser la section
faite dans le corps par le plan en un grand nombre de pe-
tits éléments de ce genre, et, en appliquant à chacun d'eux
«ne force de grandeur et de direction convenables, nous
pourrons produire sur l'une des parties du corps le même
effet que produisaient les actions moléculaires de l'autre
partie. Lamé appelle force élastique au point M la force
qu'il faut appliquer à l'élément M pour produire ce résul-
tat; si on désigne par wE cette force, E est la force
élastique rapportée à l'unité de surface. La tension d'un fil
en équilibre est un cas particulier de cette force élastique.
La force wE est en général oblique à l'élément auquel
elle est appliquée. Pour étudier l'équilibre d'un corps sous
l'influence des forces élastiques, on le divise en parallélépi-
pèdes rectangles par une triple série de plans infiniment
voisins ; mais au voisinage de la surface il reste de petites
masses formées par trois plans rectangulaires se croisant
en un point et par une portion de la surface, ce qui donne
des espèces de tétraèdres à angle trirectangle dont la face
opposée est une portion de la surface du corps. Au point de
vue du volume, ces tétraèdres pourraient être négligés,
les plans étant infiniment voisins, mais il n'en est pas de
même au point de vue de la direction de la pression. Il
faut donc les considérer aussi en remplaçant la face courbe
de chaque tétraèdre par une portion plane. On aura donc
remplacé le corps solide par un ensemble de parallélépipèdes
rectangles et de tétraèdres trirectangles. Etudions donc
d'abord les conditions d'équilibre de ces deux soUdes élé-
mentaires.
Équilibre des parallélépipèdes élémentaires. Prenons
trois axes rectangulaires de coordonnées ox^ oy, oz.^ Soit
un point A ayant pour coordonnées x, y, z ; considérons
un parallélépipède rectangle ayant A pour sommet et cfx^
dy, dz pour arêtes, ces droites étant respectivement diri-
gées suivant les trois axes de coordonnées. Ecrivons que le
parallélépipède est en équilibre sous l'influence des forces
élastiques qui s'exercent sur ses six faces et sous l'in-
fluence des forces qui sollicitent sa masse (comme la pe-
santeur par exemple). Considérons d'abord les deux faces
opposées du parallélépipède perpendiculaire à Ox; leurs sur-
faces sont égales à dy dz ; celle qui est dans le plan des y z
est soumise à une force dont les composants, parallèles aux
axes de coordonnées, sont — dy dz Xj, — dy dz Y^,
— dy dz Z, ( on compte les forces poshivement dans le
sens des coordonnées positives); sur la face parallèle opposée
les mêmes composantes sont -h dy dz (X^ + -j— dx),
dY
dl^
+ dy dz (Y^ + -j^ dx), + dy dz {l^ 4- -^ dx ) ; en
composant les forces parallèles, on a comme résultante de
l'action des forces élastiques sur ces deux faces oppo-
sées dx dy dz j^ , dx dy dz -^ et dx dy dz ^-^. Oh
aurait des forces analogues pour les deux autres groupes
de deux faces opposées. Quant aux forces extérieures agis-
sant sur le parallélépipède, elles ont pour composantes sui-
vant les trois axes p dx dy dz Xq, p dx dy dz Yq et
p dx dy dz \. Dans ces expressions p dx dy dz repré-
sente la masse du parallélépipède. Pour que le parallélépi-
pède soit en équilibre sous l'action de ces forces, il faut et
il suffit que 1° la somme des projections des forces sur les
trois axes soit nulle pour chaque axe ; 2« que la somme
des moments des forces par rapport aux trois axes soit
nulle pour chaque axe. Ces deux conditions triples vont
nous donner les six équations suivantes :
t^X^
S"
dj,
dx
dy
dY,
dx,
+ pXo = 0
-' - ^ dy ^ dz ^' "
dx ' dy ' dz
dZi d Z.j , "- '^3 _, . 7 — 0
Z, = Y3=Tt
X3=Z, = T,
Remarquons que parmi les neuf forces X^ X., Xg Y^ Y^ Y3
Z^ Zj Z3 il y en a trois qui sont normales aux faces aux-
quelles elles sont appliquées, ce sont les forces Xj^ pour
les forces parallèles kzoy, Y 2 ^our x 0 z, Z3 pour y 0 x.
A cause de leurs fonctions spéciales, désignons-les par
Ni, Ng, N3. Les autres sont des forces tangentielles ; les
trois dernières équations nous montrent qu'elles sont
égales deux à deux ; désignons donc par T^ la valeur corn-
ÉLASTICITÉ — "^^S —
mune Z2, Y3, etc. Le système des six équations précé-
dentes se réduit donc au système
(1)
dy
(M,
dx
dl,
d%
'- + ?^o-
rrO
0
0
cVï^ d^
dx dy
Equilibre des tétraèdres élémentaires. L^^ tétraèdres
élémentaires qui sont les résidus de la division du corps en
parallélépipèdes élémentaires doivent être en équilibre sous
l'influence des forces élastiques qui s'exercent sur les
quatre faces et sous celle des forces extérieures; ces der-
nières qui se rapportent à la. masse du tétraèdre donnent
un terme qui est un infiniment petit du troisième ordre, tan-
dis que les autres sont des infiniment petits du deuxième
ordre; on peut donc négliger ce terme devant les premiers.
En appliquant comme précédemment le théorème des pro-
jections et en désignant par m, n et » les cosinus des
angles que forme avec les axes de coordonnées la normale
à la face opposée au trièdre trirectangle, on a les trois
équations suivantes relatives aux projections sur les trois
axes de coordonnées :
X := mNi + 71X3 + pT.2
(2)
Y = mT.> + nNg + /?Ti
Z = mT.2 -f- nï^ + i^Ng
Cas d'un corps fini. Considérons un corps de surface Q ;
soient tz un élément de sa surface et pco un élément de
la masse. Multiplions la première des équations (1) par
dx, dw, d% et intégrons dans toute l'étendue de O. Chaque
intégrale triple telle que /// -j-f dx dy dz prendra la
forme HizN^m. On aura donc pour la première équation
Htu (mN^ + WT3 +/?T2) +Spt*iXo =: 0
c.-à-d. en vertu de la première équation (2)
StîX 4- SpwXo = 0
on aura de même deux autres équations en Y et en Z en
.considérant les autres axes de coordonnées. Si nous re-
tranchons maintenant la troisième équation (1)' multipliée
par y de la deuxième équation (1) multipliée par'^, nous
aurons une équation qui après une intégration analogue à
la précédente et une simple permutation de termes, pourra
être mise, en tenant compte des relations (2), sous la
forme
S:: (^Y - yl) + Spo3 (^Yo - ylo) - 0 ,
et en combinant de même les autres équations (i) deux
à deux, on aura deux autres équations analogues. Le pre-
mier signe S doit s'étendre à toute la surface et le second
signe S à toute la masse du corps.
Ellifsmde d'élasticité. Par un point M situé à l'inté-
rieur du corps, taisons passer trois droites parallèles aux
directions des forces élastiques qui s'exercent sur trois
plans rectangulaires passant par M, par exemple sur les
trois faces rectangle^ du tétraèdre élémentaire considéré
plus haut) ; prenons ces trois droites comme axes de coor-
données (axes obliques en général). Menons alors du point
M une droite qui représente en grandeur et en direction la
force élastique exercée sur l'élément plan opposé au trièdre
trirectangle du trétraèdre, En cherchant le, lieu géomé-
trique des extrémités .(Je cette droite quand on fait varier
la direction de l'élément plan considéré, on trouve qu'il est
X* Y^ Z^
exprimé par l'équation =-^ 4- pTâ.-f- pr-g = ^ qui est l'é-
quation d'un ellipsoïde rapporté à trois diamètres conju-
gués (puisque les axes sont obliques). Dans cette équation
Fi, Fg» F3 sont les forces élastiques s'exerçant sur les
trois plans rectangulaires considérés. C'est cet ellipsoïde
que l'on appelle l'ellipsoïde d'élasticité. Les axes de cet
ellipsoïde sont des directions remarquables; ce sont les trois
seules directions pour lesquelles la force élastique est nor-
male à la surface suivant laquelle elle s'exerce ; ces trois
forces élastiques se nomment forces élastiques principales.
Etudions maintenant les relations qui existent entre les
forces élastiques seules considérées jusqu'à présent et les
déformations qui leur donnent naissance.
[ Déformation d'un milieu isotrope. Considérons un
parallélépipède rectangle soumis sur deux faces opposées à
des tractions égales et de sens contraire, soient L, h\ If^ ses
dimensions. Les arêtes parallèles à la traction s'allongent
d'une quantité / et les autres se raccourcissent d'une quan-
tité r et r. Il est naturel d'admettre, et l'expérience vé-
rifie cette hypothèse, 4° que /, V, T sont proportionnels
aux longueurs des arêtes correspondantes, de sorte que les
. l V V^
allongements ou raccourcissements relatifs |-,p,p7 sont
indépendants de L, L^ et de L^'' ; 2° que ces allongements
sont proportionnels aux tractions et inversement propor-
tionnels à la surface tirée, ou, si l'on veut, que ces allonge-
ments sont proportionnels à la traction par unité de surface.
On a donc en désignant par a l'allongement relatif produit
par une traction égale à P par unité de surface et par E
une constante la relation
P
De même on a pour le raccourcissement relatif p :
o désignant une nouvelle constante (c'est ce que l'on ap-
pelle le coefiicient de Poisson). Supposons maintenant que
chaque couple de forces parallèles éprouve une traction ana-
logue; il en résultera des allongements a' et off^ et des
raccourcissements p^ et ^^\ Si on appelle s, s', t'^ les ré-
sultantes de ces effets sur les trois groupes d'arêtes, on
aura
£ z= a + P' + f/^ £^ = a' -4- p^^ + p, etc.
ou
B=i.[N,-a(N, + N3)]
^- a(N3 + N,)]
:-î.[N..
•N,)]
e = -[N3-a(N,.
N^, Ng, N3 étant les tractions suivant les trois directions
d'arêtes.
Posons6=£4-£'+£^X=:i r^-7rr?et2[x=:-
l_a — 2a2
'1-
on obtient les
équations
N,r=
:X0
(3)
N,=
. ).6
N.rz:
-XÔ
2[JL£
2fJL£'
Ces notations ont été introduites par Lamé : 6 représente,
comme il est facile de le voir la dilatation cubique ; X et [x
sont deux constantes spécifiques au corps considéré ; \i. est
nul pour les liquides, car pour ces corps la pression se
transmet intégralement et elle est proportionnelle à la
contraction, de sorte que l'on doit avoir (x z=: 0. D'après
M. de Saint- Venant, on a dans tout vrai solide isotrope
1 .
la relation X z=: (x, d'où l'on conclut a = j. Si l'on admet
cette relation, les équations (3) ne renferment plus qu'une
constante spécifique.
Considérons maintenant des forces tangentielles. Soit un
couple formé de deux forces P appliquées aux deux faces
opposées d'un cube parallèlement à une même arête de ces
deux faces. Les arêtes du cube perpendiculaire à ces faces
avant cette traction ne resteront pas perpendiculaires ;
elles feront un angle 9 avec leur direction primitive. On
démontre que l'on a entre P et 9 la relation P =: ji 9 où
ji. a la même signification que précédemment. Si on consi-
dère ensuite non plus un cube mais un parallélépipède rec-
■— 7-29 —
ÉLASTICITÉ
+ pX=0
]+pZo =
tangle, on démontre que l'on a pour les composantes tan-
gentielles les -valeurs
Ti = [. (e' + s")
(4) T,,= |x(£"+e)
. T3 = [x (e + e')
" Les équations (3) et (4) font donc connaître à l'aide de
deux coefficients (ou d'un seul si l'on admet X = [j.) les
composantes tangentiellesdes forces élastiques s'exerçant sur
trois éléments pîans rectangulaires entre eux. Remarquons
d'ailleurs que ces composantes doivent, d'après les condi-
tions d'équilibre du parallélépipède élémentaire, satisfaire
aux trois équations différentielles (4). En portant, dans ces
équations les valèlirs de — ... -T-^, -p .... tirées des
équations (3) 'et (4), on obtient trois équations que l'on
peut écrire :
Si la force extérieure est la pesanteur, on a
d^o ^ dYf,
dx dy
et en différentiant ces équations (o) respectivement par
rapport à x^ y^ %^ on trouve en les ajoutant
'dx^'^dy^'^dz^'"
équation que l'on retrouve en chaleur et en électricité et
qui exprime que le *corps est en équilibre de température
ou d'électricité ; cette même équation exprimé que le corps
est en équilibre sous l'action des forces élastiques.
Applications à des cas particuliers, i^ Verge tirée
longitudinalement. Supposons la verge" tirée parallèlement
à l'axe des z et faisons abstraction de la pesanteur. On a
alors s^'' = A et £ =: s' = — C. A et C sont des cons-
tantes que l'expérience peut déterminer : ici on a
N, HZ Ng = 0 et N3 est le poids qui tire la verge. Les
équations (3)-deviennent, en se réduisant à^deux,
X6 4- 2{X£ =: 0 et X6 '+ ^[le'' = N3
ce qui donne ici en fonction de A et de C et en remar-
quant que Q = A — 2C
X (A — 2C) — 2(jlC == 0
À (A — 2C) + 2(xA=:N3
d'où il est facile de tirer A et C. On trouve pour A :
■ "^ dz
:0
A =
-N.
(x(3X + 2{x)
et, si Ton se rapporte aux valeurs de À et de (j., on re-
1 -
trouve A = TT. On peut de même exprimer C le coefficient
de contraction transversale ainsi que 6 la dilatation cu-
bique à l'aide de X et de [j.. On trouve poi^r 6 la valeur
. - , 1 "
3X -h 2(x* ^
2<^ Solide pressé uniformément sur toute sa surface.
Dans ce cas, tous les termes tels que T^ sont nuls; d'autre
part on a Nj =: Ng = N3 = — P la pression exercée, chan-
gée de signe. Le corps se contracte en restait semblable à
lui-même. Ou a e = e' = s''^ = C. d'où 0 =3 C
Onadonc— Pzz:(3X-4-2a)C
C
Par conséquent, la contraction linéaire — ^ est égale
il
3X -H 2{i.'
et la contraction cubique
— P
A
— P est égale
3X-
-, c.-à-d. d'après le cas précédent, au triple de
la variation de volume d'une verge tirée longitudinale-
nient. V. aux mots Flexion, Torsion, d'autres applications
des mêmes formules. A. Joannis.
IL Mathématioues. — Equations générales de V élas-
ticité. La recherche des équations générales de l'équilibre
d'élasticité, très simple dans le cas des corps isotropes,
devient plus compliquée quand l'isotropie n'a pas lieu,
c.-à-d. quand les diverses directions issues d'un même
point du corps solide cessent d'avoir des propriétés iden-
tiques. Les résultats fournis par la considération du paral-
lélépipède et du tétraèdre élémentaires subsistent sans
modification ; mais on ne voit pas immédiatement comment
les forces élastiques sont liées aux déplacements molé-
culaires. Tout ce qu'on peut affirmer, c'est que les forces
dépendent en chaque point de la déformation subie par le
milieu : la première chose à faire est donc d'étudier cette
déformation. Soient u.v^w les composantes rectangulaires
duim petit déplacement subi par un point M ayant pour
coordonnées avant le déplacement les quantités x, y, %,
Supposons ce point très voisin d'un autre point Mo, de
coordonnées Xq, y^, %q, soient Wq» ^0» ^0 l^s valeurs de
w, v^ w au point Mq, et Ç, t], ^ les différences x — x^,
y—yQi z — Z(^. Ces différesnces étant très petites, on peut
représenter w, t;, w par les formules linéaires :
w =: Wo 4- «? + a'ri + a'X,
W = ^(3+ CÇ + Cri + c'%
où les a, les h\ les c désignent les valeurs que prennent
en Mo les dérivées partielles de u, v, w relatives à x, y^ z.
Comme les déplacements sont supposés très petits et varient,
d'un point à un autre, d'une manière continue, ces déri-
vées partielles sont elles-mêmes très petites. Après la
déformation, les projections de MqM sur les trois axes
prennent de nouvelles valeurs ^', r]^, "Ç^, et l'on a évidem-
ment :
?' = ? + (2^ - u,) =: (1 + a) Ç + a'r) 4- a'%
r{ =: r] + (y - v,^ ^h\-\-{\ -+- y)r] + h'X,
^^=:(: + (w^-H;o) = cÇ + C^r] + (i+0^-
Il serait aisé de conclure de là qu'une sphère infiniment
petite se transforme en ellipsoïde et qu'il existe toujours,
en chaque point, trois directions rectangulaires dont la
déformation n'altère pas l'orthogonalité. Mais ce qui importe
pour notre objet, c'est de déterminer la déformation subie
par un petit parallélépipède dont les. côtés sont primitive-
ment parallèles aux axes. A cet effet, soient a, p, y les
longueurs initiales des arêtes. Pour avoir la variation de a,
il suffit de faire, dans les formules qui précèdent : Ç = a,
r^ = 0 et C = 0. En désignant par a^ la valeur finale de a,
c.-à-d.' la quantité VFM-^TM-^^, et négligeant les
carrés et les produits deux à deux des coefficients a, ^, c,
on trouve : a^ 1= a /l + 2a =: a(i + a). La dilatation
relative , parallèlement à l'axe des x , est donc
mesurée par, a, c.-à-d. par -7-. On verrait de même que
T et -7- sont les dilatations relatives des deux autres
dy dz
côtés. Cherchons maintenant ce que devient un angle du
parallélépipède, par exemple celui des côtés a et p. Après
la déformation, les cosinus directeurs du côté a, devenu a^,
sont égaux à (1 + a)
et c
devenu j3', sont égaux à a p, (1 + h'
Ceux du côté p,
p
p'
ces côtés a
etc'
Le
cosinus de l'angle y^ — w ) compris entre
donc pour valeur, au degré d'approximation déjà adopté :
^ {a! -H ^)) ou simplement : {a! '\-h). On tire de là en
ÉLASTICITÉ - ÉLASTIQUE - 730 -
substituant Tangle très petit w à son sinus : w — a'4- ^
l'un des andes
^àM cb^ Telle est la diminution
dy dx
du parallélépipède, diminution que l'on appelle le glisse-
ment. Les variations des autres angles s'évaluent de la
même manière.
Tout cela est de la pure géométrie. Pour aller plus loin,
on suppose que chacune des six forces N^, N2, N3, T^, T2, T3
dépend uniquement des trois dilatations et des trois glisse-
ments; on imagine que les fonctions qui représentent ces
forces soient développées en séries suivant les puissances
croissantes des dilatations et des glissements, séries qui ne
peuvent renfermer de termes constants, puisque les forces
s'annulent nécessairement avec les déformations qu'elles
font naître, et enfin on admet que les termes du premier
degré ne disparaissent pas identiquement, ce qui permet de
négliger les termes de degré supérieur. Ceci revient à dire
que les forces élastiques varient proportionnellement aux
petites déformations : hypothèse qui est d'accord avec les
résultats de l'expérience. Dans ces conditions, chacune des
forces élastiques est représentée par une expression linéaire
de la forme :
{dv . dw^
dz
A ^
dy^
^e(:
dy
dw du
dx dz.
expression qui renferme six coefficients, et^ comme il y a
six forces distinctes, on voit que les formules renferment
en tout trente-six coefficients. Quand le corps est homo-
gène, ces coefficients sont constants, c.-à-d. qu'ils sont
les mêmes pour tous les points du corps ; mais ils peuvent
varier avec la position du corps par rapport aux axes de
coordonnées. Green a remarqué que les trente-six coeffi-
cients ne doivent pas être indépendants, sans quoi une
suite de déformations partant de l'état naturel du corps
pour y revenir serait accompagnée d'un travail total des
forces élastiques différent de zéro, et le principe de conser-
vation de l'énergie ne serait pas respecté. Il est aisé de
trouver les équations qui relient entre eux les coefficients.
Quand le parallélépipède élémentaire passe d'une défor-
mation (w, v^ w) à une déformation infiniment voisine
(u -^-du,v-\- dv, w + dw), le travail intérieur des forces
élastiques est égal au volume de ce parallélépipède multi-
plié par l'expression :
+v(S+î)+v(|^*).
Cette expression doit, pour la conservation de l'énergie,
être la différentielle exacte d'une certaine fonction des
dilatations et des glissements. En écrivant qu'il en est
ainsi, on obtient quinze conditions telles que ;
dN^ _ dT^
, /dv dw\ , {^\
\dz dy) \dx/
etc.,
et le nombre des coefficients réellement indépendants se
trouve ainsi réduit à vingt et un. Quand le corps possède en
chaque point un plan de symétrie moléculaire, ces vingt et
un coefficients se réduisent à treize. Avec deux plans de
symétrie rectangulaires (qui entraînent l'existence d'un
troisième), il ne reste que neuf coefficients indépendants.
Avec un axe d'isotropie, il n'y en a plus que cinq. Enfin
quand le corps est isotrope, on trouve seulement deux
coefficients. Dans l'hypothèse où le corps serait composé
de molécules sans contact, et où deux molécules s'attire-
raient avec une force fonction de leur seule distance,
dirigée suivant leur ligne de jonction, le nombre des coeffi-
cients se réduit à quinze, au lieu de vingt et un, dans le
Cas général et à un seul (X — ix) pour le cas de l'isotropie.
Après avoir obtenu les forces élastiques exprimées en
fonction des déplacements, il ne reste plus qu'à porter leurs
valeurs dans les trois équations d'équilibre du parallélépi-
pède élémentaire pour avoir les équations générales de
l'équilibre d'élasticité. On trouve ainsi trois équations aux
dérivées partielles du second ordre dont les inconnues sont
les composantes w, i', iv du déplacement. Les conditions
relatives à la surface sont fournies par l'équilibre du
tétraèdre élémentaire. On parvient avec la même facilité
aux équations des petits mouvements (vibrations) d'un corps
solide : il suffit pour cela de joindre aux forces directe-
ment appliquées en chaque point la force d'inertie dont les
d^u d^v dhv j, .
composantes sont — p -77-, — ^"TT"» — P~7r' ^ ^^^"
gnant la densité au point considéré. L. Lecofinu.
BiBL. : Physique. — Lamé, Théorie de Vélasticité. —
Sarrau, Notions sur la théorie de Vélasticité. — Violle,
Cours de Physique, I, 367.
Mathématiques. — Clebsch, Traité de l'élasticité^ trad.
par Saint- Venant.— Emile Mathieu, Théorie de Vélasticité
des corps solides.
ÉLASTIQUE. I. Mathématiques. — Courbe élas-
tique.— 1° Élastique plane. La courbe élastique la plus
simple est la forme d'équilibre que prend une lame mince
homogène, flexible parallèlement à un plan et primitive-
ment rectiligne, lorsqu'une extrémité est encastrée à
demeure tandis que l'autre est sollicitée par une force
donnée. D'après les lois connues de la flexion, la cour-
bure en chaque point est proportionnelle au moment de la
for(îe par rapport à ce point. Si donc on prend pour axe
des y la ligne d'action de la force, pour axe des x une
perpendiculaire, et si l'on appelle a^ une constante, on a
pour équation différentielle de la courbe :
y'' __ 1x
d'oii* en désignant par b une autre constante :
Résolvant par rapport à y^ et intégrant encore une fois,
on trouve :
^x
y-
(x^-^b'^)dx
La constante d'intégration est nulle pourvu que l'axe des x
rencontre la courbe au point dont l'abscisse est égale à b.
Comme la valeur x=ib annule y\ on voit que ce point
est celui pour lequel la tangente est perpendiculaire à la
force. D'après cela, quand l'encastrement est lui-même
perpendiculaire à la force, l'axe de x passe par l'extrémité
encastrée. On vient de voir que la valeur de y en fonction
de X est donnée par une intégrale elliptique. L'arc 5, me-
suré à partir de l'origine, est représenté par l'intégrale
elliptique plus simple :
^-^ j ^a^^{x;^-^bY
Si l'encastrement est perpendiculaire à laforceiOn a, pour
la longueur totale de la lame ;
Jrb
' dx
0
Cette relation détermine le paramètre b. La courbe élastique
est également la forme d'équilibre d'un fil dont les extré-
mités sont attachées à deux points fixes A, B situés sur une
horizontale et dont les éléments sont soumis à des pres-
sions normales proportionnelles à leurs distances verticales
à la droite AB, Cette même courbe est, parmi toutes celles
^ 731
d'une longueur donnée passant par deux points donnés,
celle qui, en tournant autour d'une droite du plan, engendre
la surface de révolution enveloppant le solide minimum. On
peut, sans changer notablement les résultats qui précèdent,
adjoindre à la force unique qui sollicite la lame élastique
un couple assujetti seulement à agir dans le plan de
flexion. L'influence de ce couple se traduit par un simple
déplacement de l'origine sur l'axe des x, MM. Maurice Lévy
et Halphen ont étudié le cas plus général de la courbe
élastique plane produite sous l'action d'un nombre quel-
conque de forces et de couples et même avec intervention
d'une pression normale uniforme.
2° Elastique gauche. Figure d'équilibre d'une tige pri-
mitivement cylindrique et de petite section, subissant à ses
deux extrémités l'action de forces quelconques. Kirckoff" a
montré que la détermination de cette courbe dépend des
mêmes équations que celles du mouvement d'un corps grave
autour d'un point fixe. L'élastique gauche peut être placée
sur un cylindre à base d'herpolodie.
3° Par extension, on a donné quelquefois le nom d'élas-
tique à la fibre moyenne d'une poutre quelconque déformée
sous l'influence d'un nombre quelconque de forces.
L. Lecornu.
IL Anatomie. — Tissu élastique. — Le tissu élas-
tique, qui joue un rôle fort important dans la mécanique
animale, constitue presque tout entier les ligaments jaunes
des vertèbres et la tunique moyenne des grosses artères. Il
est constitué par des fibres, fibres élastiques^ fines et
déliées^ à contour net et foncé, très réfringentes et remar-
quables par leur résistance à l'action des acides et des
alcalis. C'est ainsi qu'elles ne sont altérées ni par l'eau
chaude, ni par l'acide acétique, ce qui permet de bien les
difi'érencier au milieu des fibres conneclives qu'elles accom-
pagnent dans le tissu conjonctif. — Ces fibres sont d'une
épaisseur variable, de 1 à 10 (x; on les trouve isolées et
anastomosées entre les faisceaux du tissu conjonctif, géné-
ralement rectilignes quand elles ne sont pas cassées, con-
tournées sur eUes-mêmes lorsqu'elles sont brisées ; ou bien
elles se disposent en réseaux plus ou moins fins, à mailles
plus ou moins larges. Les réseaux élastiques à mailles
étroites et à grosses fibres se rapprochent des membranes
élastiques qui sont tantôt homogènes, comme les membranes
de Descemet et de Bowman de la cornée; tantôt finement
striées et percées d'un grand nombre de trous comme dans
les membranes fenêtrées des artères. — De fait, ces mem-
branes élastiques, que l'on trouve dans les artères, sont très
probablement formées par la fusion des fibres élastiques.
te sont elles aussi qui constituent les gaines amorphes, qui
revêtent certains faisceaux conjonctifs du tissu cellulaire
sous-cutané ou sous-arachnoïdien ou les faisceaux tendineux.
Ce sont elles encore qui constituent les réseaux élastiques
des lobules pulmonaires, le ligament de la nuque des grands
herbivores et les ligaments jaunes des vertèbres, des
fibro-cartilages réticulés, de l'endocarde et des valvules du
cœur. Le tissu élastique est constitué par une substance chi-
miquement diftérente de celle du tissu conjonctif. Cette
substance, qui ne se résout pas en gélatine par la coction,
c'est Vélasticine. Les fibres élastiques proviennent d'élé-
ments ceUulaires. A l'état embryonnaire, elles sont nu-
cléées, ce qui prouve bien leur origine. A cet état, on les
appelle quelquefois fibres nucléées de Henle ou fibres
de noyaux. Cependant, d'après H. Millier, qui a fait ses
observations sur les cartilages élastiques du larynx et d'après
Ranvier, qui a fait les siennes sur la gaine lamelleuse des
nerfs, il paraît bien probable que les fibres élastiques ré-
sultent de grains qui apparaissent dans la substance hya-
line fondamentale et se soudent en ligne. Ch. Debierre.
BiBL. : Mathématiques. — Halphen, Traité des fonc-
tions elliptiques et de leurs applications ; Paris, 1888, t. II.
ÉLATÉE (Géogr. anc). Ville de l'ancienne Grèce, la
plus importante de la Phocide, dans la vallée supérieure
du Céphise, à 6 kil. au N. de cette rivière, au pied du
mont Knémis, Les ruines de cette ville se reconnaissent
ÉLASTIQUE - ELATËR
près du village moderne de Lefta. Elle était située dans une
plaine fertile, mais dut surtout son importance à sa position
stratégique au débouché du défilé qui menait de Locride
en Phocide, sur la route d'accès de la Grèce septentrionale
à la Béotie. Elle fut brûlée par Xerxès. A la fin de la
seconde guerre sacrée, ses remparts furent abattus comme
ceux des autres villes de Phocide. Il fut donc aisé au roi
Philippe de Macédoine de s'y établir en 338 lorsqu'il fut
appelé par les amphictions. La nouvelle de l'occupation
d'Elatée décida les Athéniens à s'allier aux Thébains pour
la résistance qui fut brisée à Chéronée. Plus tard, Elatée
fut pillée par les Romains (198), mais, leur ayant rendu
le grand service d'arrêter l'armée de Mithridate, dont le
chef Taxile l'assiégea vainement, elle reçut la qualité de
ville libre. Pausanias la visita et mentionne son théâtre,
son marché et le temple d'Asklépios; à 5 kil. de la ville
était le temple dorique d'Athéna Krangea (33 m. de long,
4 3 "^6 de large). L'école française d'Athènes a fouillé les
ruines d'Elatée (depuis 1883). Elle a étudié le temple
d'Athéna Kransea, et M. Diehl a retrouvé la j)ierre de
Cana, apportée de Palestine à Byzance au vu® siècle et de
là à Elatée au xm® siècle par un comte franc.
ELATEAS (Mont). Montagne de Grèce (1,410 m*),
l'ancien Cithœron.
ELATER. 1. Entomologie. — Genre de Coléoptères qui
a donné son nom à la famille des Elatérides. Cette famille^
placée près desBuprestidesetdesEucnémides (V. Bupreste
et EucNEMis), est caractérisée surtout par la conformation
du prosternum, qui forme le plus ordinairement, en avant^
une mentonnière recouvrant plus ou moins les organes
buccaux et se termine en arrière par une pointe aiguë,
comprimée, pouvant pénétrer librement dans une cavité
antérieure du mésosternum. C'est par suite de cette dispo-
sition particulière du prosternum que les Elatérides ont là
facuhé, quand ils sont placés sur le dos, d'exécuter des
sauts parfois assez élevés, d'où leurs noms vulgaires de
Taupins, Toque-maillet, Marteaux, Maréchaux, Forgerons,
Sautriots, Scarabées à ressort, etc. — Les Elatérides ont
été étudiés monographiquement par le D'' Candèze (Mém»
de la Soc. roij. des sciences de Liège, t. XII et XIV). Ils
ont le plus ordinairement le corps allongé, parallèle, peu
Elater sanguineus L. Vu sur le dos au moment où il satite
(très grossi).
convexe, rarement métallique, les antennes de onze articles^
plus ou moins dentées en scie intérieurement et même pec-
tinées, les pattes courtes, terminées par des tarses de cinq
articles. Plusieurs sont phosphorescents (V. Pyrophore)^
Leurs larves, qui rappellent les Vers de la farine (V. Tènë-
BRio), sont vermiformes, cyhndriques, hexapodes et complè-
tement recouvertes d'une cuirasse chitineuse luisante. Elles
vivent dans les arbres et dans les tiges ou les racines de
diverses plantes. Les insectes parfaits se trouvent sur les
troncs d'arbres ou sur les fleurs, souvent aussi soUS les
pierres. La famille a des représentants dans presque toutes
les régions du globe. Le genre Elater L. compte, en Europe,
une trentaine d'espèces presque toutes d'un beau noir avec
les élytres d'un rouge vif. L'£. sanguineus L. est commua
dans les Landes sous les écorces de Pins. Ed.' Lef.
IL Paléontologie. — La famille des laupins {Elate-
ridœ) est déjà représentée dans le lias (à Schambelen),
par des formes nombreuses dont quelques-unes ont con-
servé la coloration de leurs élytres. Dans le tertiaire on
en trouve abondamment à OÉningen, dans l'ambre, aii
Spitzberg et à Florissant. Aucune n'est de grande taille.
ÉLATÈRE — ELBE
— 732 —
ÉLATÈRE (Bot.). Les élatères sont, dans la famille des
Hépatiques (V. ce mot), des petits tubes résultant chacun
d'une cellule découpée en spirale et susceptiblede se dérouler
avec élasticité lorsque le fruit est mûr et de déterminer
ainsi la déhiscence des valves de la capsule et la projection
des spores au dehors. On rencontre une disposition analogue
chez les Eguisetum dont les spores sont munis de petits
appendices fiUformes, hygrométriques, jouant le rôle des
élatères. D' L. Hn.
ÉLATÉRINE. L Chimie.— Principe cristallisahle retiré
parZwengerdu concombre sauvage, Momordica elaterium
(Cucurbitacées). On prépare avec le suc du concombre un
extrait aqueux, Y elaterium (V. ce mot).
IL Thérapeutique (V. Ecballium).
ÉLATÉRITE (V. Bitume).
ELATERIUM (V. Ecballium).
EL-ATEUF. Ville d'Algérie, de la confédération du
M'zab, à 190 kil. S.-E. de Laghouat; 1,750 hab. dont
80 nègres. Elle s'élève en partie en plaine, en partie sur
le flanc d'une colline sur la rive droite de l'oued el-Ateuf,
affluent de l'oued M'zab. La ville a un aspect moins pitto-
resque et moins propre que les autres cités voisines ; elle
paraît de loin presque noire ; ses murailles très vieilles sont
délabrées et bon nombre de maisons sont en ruine. Il y a
deux mosquées, signe des anciennes luttes des partis, et
trois puits. Les habitants sont pauvres et détestent les
gens de Ghardaïa, parce que, disent-ils, c'est au mépris
des droits de leur ville, une des plus anciennes de la con-
fédération, que Ghardaïa s'est établie en amont sur l'oued
M'zab et a accaparé les eaux qui y coulent temporairement.
Dans l'oasis, au pied de la ville, il y a 343 puits en acti-
vité et 90 morts, c.-à-d. à demi comblés. 11 y a 16,483
palmiers en pleine production, E. Cat.
ELATHjChez les Grecs Elana, Ville de l'Idumée, située
à l'extrémité N. du golfe dit Elanitique dans la mer Rouge.
Elle était siège d'un port, mentionné dans la Bible à plu-
sieurs reprises à partir de l'époque de Salomon, et con-
serva son importance jusque dans les premiers siècles de
l'ère chrétienne. Il n'en subsiste aujourd'hui que quelques
ruines, près de la localité d'Akaba.
ÉLATIDES (Elatides Heer) (Paléont.). Genre d'Abiéti-
nées fossiles, présentant quelques affinités avec les Picea.
Le strobile est ovoïde ou cylindrique. Heer ^émtVE.ovalis
et VE. Brandliana, tous deux de l'oolithe d'Ust-Balei
(Spilzberg). D' L. Hn.
BiBL. : Heer, Beitr. z. foss. Flora Spitzbergens, p. 45 ;
Beitr. z. Jura-Flora Ostsibiriens, etc., p. 76.
ÉLATINACÉES (Elatinaceœ hmàl) (Bot.). Famille de
Végétaux Dicotylédones, voisine des Caryophyllacées dont
elle diffère par l'ovaire partagé en plusieurs loges persis-
tantes et par les graines dépourvues d'albumen. Elle a
également de grands rapports avec les Lythrariacées, mais
elle s'en distingue nettement par l'hypogynie de la corolle
et des étamines. Ses représentants sont des plantes her-
bacées ou suffrutescentes, à feuilles opposées ou verticillées
et accompagnées de deux stipules. Les fleurs, peu visibles,
sont hermaphrodites et régulières, avec un périanthe double,
à trois ou quatre parties et des étamines hypogynes, en
nombre égal ou double de celui des divisions du périanthe.
L'ovaire, libre, est partagé en trois ou quatre loges et dans
l'angle interne de chaque loge s'insèrent un grand nombre
d'ovules anatropes. Il devient à la maturité une capsule
septtcide, renfermant de nombreuses graines à embryon dé-
pourvu d'albumen. —Les Elatinacées comprennent seulement
les deux genres Elatine L. etBergia L. Ce dernier compte
une quinzaine d'espèces des régions chaudes du globe. La
plus importante est la B. ammanioides Roth, que les
Tamouls appellent Neer-mel-neripoo, c.-à-d. Feu d'eau,
à cause de son âcreté. Quant au genre Elatine, ses repré-
sentants sont des herbes aquatiques et rampantes, répandues
dans les régions tempérées des deux mondes. VE. paludosa
Seub. et VE, alsinastrum L. se trouvent en France sur
les bords des étangs sablonneux et des mares tourbeuses.
VE. hydropiper L., au contraire, est assez répandu en
Allemagne. Ces espèces étaient préconisées jadis comme
dépuratives. Ed. Lef.
ELATO. Groupe d'îles des Carolines, dans l'archipel cen-
tral ; découvert par Wilson en 1797 ; 300 hab.
ELAVÉRIA (Paléont.). Ce genre se distingue des Palœo-
niscus en ce que la pointe inférieure du préopercule n'ar-
rive pas au contact des rayons branchiostèges ; toutes les
nageoires sont garnies de grosfulcres; la caudale est fai-
blement hétérocerque.Deux es[)èces,£. Gaudryi, E. Fayoli,
ont été trouvées dans le terrain houiller supérieur de Com-
mentry. Les. Elaveria sont des Poissons Ganoïdes.
BiBL. : E. Sauvage, les Ganoïdes du terrain houiller de
Commentry, dans Bull. Soc. géol. /r., 1889, t. XVII, p. 184;
EL BARKAT (V. Barakat).
EL BARQUITO.VilleduNicaragua,prèsderembouchure
d'une petite rivière, à 18 kil. 0. de Léon ; c'est une gare
de transit entre le port de Corinto et l'intérieur du pays.
ELBASSAN. Ville d'Albanie, vilayet de Scutari, sur la
rive droite du Skoumbi, dans une plaine entourée de mon-
tagnes ;110,000 hab. environ. Evêché grec. Autrefois Alba-
non. Des plantations d'oliviers font la richesse du pays.
ELBE (tchèque La^^, latin i/Ms). Fleuve de Bohême et
d'Allemagne, qui se jette dans la mer du Nord. C'estl'undes
fleuves les plus importants de l'Europe centrale. Son bas-
sin embrasse 143,327 kil. q.dont 96,300 en Allemagne et
plus de 47,000 en Autriche. Son cours est d'environ
1,165 kil.
Le bassin et le cours du fleuve comprennent deux par-
ties bien distinctes : la partie supérieure ou bohème et la
partie inférieure ou allemande. La ceinture du premier bas-
sin est formée par les monts du quadrilatère de Bohème,
Riesengebirge, monts de Lusace, monts Sudètes, monts
de Moravie, de Bohême, Fichtelgebirge et de plus^au N.
l'Erzgebirge qui le sépare du bassin inférieur de l'Elbe ;
celui-ci, où le fleuve pénètre par le défilé du Winterberg
ou de Schandau, n'a de limites orographiques bien accen-
tuées qu'à PO. vers le Frankenwald, le Thuringerwald, les
plateaux de Hainich et de l'Eichsfeld et le Harz (V. Alle-
magne et Prusse, § Géographie physique). L'Elbe prend
sa source en Bohême, sur le versant occidental du Riesen-
gebirge (monts des Géants) à la frontière de la Silésie. H
est formé par la jonction d'un grand nombre de ruisseaux
qui découlent de ces montagnes, entre le Schneekoppe et le
Grossen-Rad. Deux de ces ruisseaux sont envisagés comme
sources principales du fleuve : le Weisswasser et VElbsei-
fen ou Elbbach. Le Weisswasser naît à 1,400 m. d'alt.
dans la Prairie-Blanche (Weisse Wiese), sur le versant
du Brûnnberg, non loin du Schneekoppe, descend sur un
lit de granit dans la vallée du Diable (Teufelsgrund) et s'unit
à l'Elbbach qui roule moitié moins d'eau ; celui-ci naît à
15 kil. du Weisswasser, sur le versant méridional du Gros-
sen-Rad, sur la prairie de l'Elbe (Elbwiese), forme une
cascade de 20 m. (Elbfall), se précipite dans la gorge de
l'Elbe (Elbgrund) ; le confluent des deux sources de l'Elbe
est à 680 m. d'alt. ; le fleuve a donc déjà descendu plus
de la moitié de sa pente ; il tourne au S., traverse l'ali-
gnement méridional du Riesengebirge, par des gorges
sauvages, tapissées de conifères et profondément encais-
sées ; à Hohenelbe, il entre dans la plaine (455 m. d'alt.);
la pente, qui était de 4 m. pour 100, s'adoucit. Dès ce
moment, l'Elbe est flottable pour les trains de bois. H
s'incurve vers le S. et le S.-O. pendant 75 kil., traversant
le N.-O. de la Bohême ; il reçoit à gauche l'Aupa, la Me-
tau, l'Adler ; arrose Arnau, Jaromir, Josephstadt, Kœnig-
graetz (Kralové Hradac). Ses rives sont basses et plates.
A Pardubitz, la direction change ; l'Elbe tourne vers l'O.,
arrose Kolin, Podiebrad, Brandeis en amont duquel il reçoit
(à droite) l'Iser venu du N. ; il se dirige alors vers le
N.-O. jusque vers Leitmeritz ; il passe à Kostelet et à Mel-
nik, où il s'unit à la Vltava ouMoldau. Celle-ci est la véri-
table branche maîtresse du fleuve, bien qu'elle ne lui donne
pas son nom ; elle roule deux fois plus d'eau, draine un
^ 738 —
ELBE
bassin-plus que double,. a parcouru 75 kil. de plus. C'est
'àf^rès ce confluent que TElbe prend Taspect d'un grand
"fleuve ;'il est, désormais navigable ; après Leitmeritzet le
confluent de l'Eger, il rencontre les montagnes de TErz-
gebirge, où il s'engage ; les rivages sont escarpés, la vallée
étroite ; le fleuve y décrit des sinuosités ; cette région est
la plus pittoresque de son cours ; elle s'étend de Leitmeritz
jusque vers Meissen. L'Elbe reçoit à gauche la Biela à Aiis-
sig, a droite le Pôlzen à Tetschen ; à Herrnskretschén, il
atteint la frontière de la Bohême et'pénètre en Allemagne.
il a en ce point 430 m. de large. Dès lors, il adopte la direc-
tion N.-O. qu'il conservera jusqu'à la mer; il traverse là ré-
gion accidentée de la 5wm^ saxonne, décrivant ses courbes
entre les montagnes degrés des environs dé Scliandau; son
Ht obstrué par les bancs de rochers et de sable n'a parfois
que 70 céntim. de profondeur. Lés principaux sommets de
ce' district sont la Bastei, le Lilienstein et le Kœnigstein ;
les plus hauts dominent; lé fleuve de 300 m. (V. Saxe).
L'Elbe arrose Pirna, Pilnitz, puis Dresde où il a 216 m.
de large, enfin Meissen où il entre définitivement dans la
plaine de l'Allemagne du Nord. Dans cette zone montagneuse
de la Suisse saxonne, il s'est grossi de la Sebnitz et de la
Wesenit^ à droite, de la Miiglitz et de la Weisseritz à
gauche ; à Meissen débouche la Triebisch.
Dans la plaine de l'Allemagne du Nord, l'Elbe coule du
S.-E. au N.-O. La pente est encore assez rapide jusqu'à
Wittenberg ; il passe en Prusse à Strehla, arrose Mùhl-
berg, Belgern, Torgau où il a 316 m. de large, reçoit a
droite l'Elster noire ; il contourne alors les hauteurs du
Fleming (V. Brandebourg) qui le repoussent vers l'O.
et suit cette direction pendant 60 kil. à travers le duché
d'Ahhalt jusqu'à Aken; grossi de la Mulde (à gauche), il
réprend après Aken la direction N.-O., reçoit la Saale
(à gauche) et baigne Magdebourg. Sa largeur est alors de
242 m.; il s'infléchit au N. et même au N.-N.-E., jusqu'au
confluent du Havel. Il n'est plus dans cette courbe, à Tan-
germunde, qu'aune ait. de 32 m. au-dessus du niveau de
la mer et commence à former des îles ; les rivages qui étaient
encore assez élevés, s'abaissent. Après la Saale, le fleuve
ge grossit : à droite de l'Ehle, de l'ihle, du canal de Plaue
{qui le relie au Havel), du Havel, à gauche de l'Ohre. Après
ÀVerben et le confluent du Havel (22 m. d'alt.), l'Elbe,
qui a 500 m. de large, reprend sa course vers le N.-E. entre
les landes de Lunebourg et le plateau de Mecklem bourg ;
il- passe à Wittenberge (20 m. d'alt.), Dœmitz, Boitzen-
burgi Lauenbourg (5 m. d'alt.), Hambourg (4 m. d'alt.);
il reçoit à droite la' Stepenitz, la Loknitz, l'Elde, la Bille ;
à gauche l'Aland, la Jeezel,rilmenau. — En amont de Ham-
bourg, l'Elbe commence à se partager en plusieurs bras ;
Je principal est celui du S. ; dans tout ce canton, surtout
entre Harburg et Hambourg, le dédale des voies fluviales
et dés îles est presque inextricable. ABlankenese tous les
bras sont réunis, ie fleuve a 3 kil. de large. Là commence
l'Elbe maritime. La marée remonte plus haut, à Geesthacht,
en amont de Hambourg, à 165 kil. de la mer. La marée
est de 4™8 à Hambourg, de 3 m. à Cuxhaven. L'Elbe ma-
ritime a 7 kil. de large à Brùnsbultel, 15 à Cuxhaven;
taais elle est encombrée de bancs de sable lesquels rétré-
cissent fort le chenal navigable. Dans cette partie, l'Elbe
reçoit à droite l'Alster et le Stœr, à gauche l'Oste.
■ L'Elbe est la grande artère fluviale de l'Allemagne cen-
tr*ale et pourrait en être la grande route commerciale; le
fleuve débouche dans la mer du Nord par un vaste estuaire
où le vent d'O. pousse les navires ; il a beaucoup d'eau,
de grands affluents se ramifient sur le tronc principal
(Havel avec ses canaux, Saale, etc.) ; pourtant la navi-
gation n'a pas toute l'importance qu'elle pourrait avoir,
en raison des obstacles qui encombrent le lit du fleuve.
Aussi les Allemands n'ont-ils pas encore retiré de cette
magnifique route fluviale tous les avantages qu'elle leur
offre. D'autant plus que, pendant longtemps, les péages
ont gêné la navigation. Une convention de 1844 fut con-
clue entre les Etats riverains, qui s'engageaient à établir
un chenal de trois pieds rhénans (0'"94) de Melnik à
Hambourg; la Prusse n'a rien fait, la Saxe et l'Autriche
n'ont pas achevé. Les douanes et péages étaient jadis au
nombre de trente-cinq ; le plus onéreux était celui de Stade.
Le congrès de Vienne proclama le principe de la naviga-
tion fluviale; une commission se réunit à Dresde en 1819
pour l'appliquer, et ses ' décisions furent consignées dans
lés Actes du 21 juin 1824,' convention intervenue entre
les riverains, Autriche, Saxe, Prusse, Anhalt, Hanovre,
Mècklëmbourg, Hambourg et Danemark. Tous les péages
locaux étaient -abolis et remplacés par deux droits uni-
formes de navigation, perçus sur les bateaux et sur la car-
gaison. La situation fut peu améliorée à cause du mauvais
vouloir du Hanovre et du Mècklëmbourg. L'acte addition-
nel du 43 avr. 4844 ne laissa subsister que la taxe sur
les marchandises. Une nouvelle commission de re vision
décida en 4866 qu'il n'y aurait plus qu'un droit unique,
perçu à Wittenberg ; le péage de Stade avait été aboli
en 4864 et on avait indemnisé le Hanovre. Une loi du
44 juin 4870 l'abolit pour la Confédération de l'Allemagne
du Nord. Enfin la commission de la navigation de l'Elbe a
fait de nouveaux efforts pour obtenir au moins une pro-
fondeur de 0°=^84 aux basses eaux.
La navigation de l'Elbe est très différente selon les régions.
Les deux principales compagnies sont celle de la Chaîne
(Kette) et celle de Saxe et' Bohême; à Schandau, le mou-
vement fut, en 1883, de 17,900 bâtiments (entre Alle-
magne et Autriche), portant 1,700,000 tonnes de marchan-
dises ; à Magdebourg, le mouvement fut de 9,100 bâtiments
et de plus d'un million de tonnes ; à Hambourg, de
20,400 bâtiments et 2,300,000 tonnes (non compris la
navigation maritime, bien entendu). La flotte de l'Elbe
comptait, aul»^^ janv. 1883, 321 vapeurset 9,050 bateaux
à voiles, c.-à-d. plus de là moitié de la flotte fluviale de
TAllemagne: les navires à voile* ont jusqu'à 87 m. de long.
BiBL. : H. von Bose, Allgemeine geographische und
hijdrotechnische Beschreibung der Elbe mit ifiren Zuflûs-
sen; Annaberg, 1852.
ELBE (He d'). — I. Géographie. — He de la Méditer-
ranée occidentale, dans la mer Tyrrhénienne; elle appar-
tient à l'Italie, prov. de Livourne (Toscane) et est située
entre la Corse et le continent dont la sépare le canal de
Piombino, large de 15 kil. Elle a 222 kil. q. de superficie
et 24,000 hab. (en 4884). Elle mesure 24 kil. de l'E. à
l'O., 9 kil. du N. au S. Ses côtes ont un développement
de 80 kil. environ. Elle est très montueuse; on y distingue
trois groupes de hauteurs : le groupe oriental oti le monte
Giovi et le monte Calartiita forment deux presqu'îles ; le
groupe central avec le monte Orello; le groupe occidental
où le monte Capanna est le point culminant de l'île
(1,030 m.). Les côtes sont escarpées et rocheuses, décou-
pées par la mer ; on remarque aîi S.-E. le cap de la Cala-
mita, au N.-E. celui de la Vita, dans des parages redoutés
des marins. L'île a cinq ports et de bons mouillages ; les
meilleurs sont ceux de Porto Ferrajo, Rio Marina, Porto
Longone, Marciana (dans la baie de Procchio). Elle ren-
ferme de nombreuses sources, notamment celle de Canali,
près de la baie de Rio. Le climat est doux et sain. La
végétation est celle du climat méditerranéen : plantations
de vignes, d'oHviers, de mûriers ; haies de cactus et
d'agaves. Le principal produit de l'fle d'Elbe est tiré des
mines ^ de fer; celles-ci, qui sont exploitées depuis vingt-
cinq siècles, se trouvent surtout à' l'E. vers Rio Marina et
Rio Castella oti tout le sol est ferrugineux. L'exploitation
est limitée par le gouvernement à 200,000 tonnes par an ;
elle occupe 900 ouvriers, dont 270 forçats. Les minerais,
d'excellente qualité, sont exportés principalement en France.
Les mines et carrières de l'île fournissent aussi du cuivre,
de l'étain, de la calamité, du plomb, le castor et le poUux
(silicate d'alumine et d'oxyde de césium), du marbre, du
granit, de la serpentine, des ardoises, de la chaux, du
kaolin, de l'amiante; des lagunes on extrait du sel. Sur
les côtes, on pèche le thon. Le vin, les fruits, le blé
ELBE — ELBERFELD
^ 734 -
récollés dans l'ile d'Elbe sont de bonne qualité. Les deux
principaux ports, Porto Ferrajo et Porto Longone, bien
fortifiés, sont réunis par une route, œuvre de Napoléon,
qui traverse l'ile en diagonale. Le mouvement commercial
fut en 1884 de 314,147 tonnes (5,187 bâtiments). — Le
chef-lieu de l'île, qui forme un cercle à part, est Porto
Ferrajo ; il y a trois autres communes, Porto Longone,
Rio et Marciana. On y rattache les petites îles voisines de
Pianosa, Palmajola, Cerboli, Troja et Monte Cristo dont
l'ensemble forme l'archipel tyrrhénien.
IL Histoire. — Le premier nom de l'île dans l'antiquité
fut Athalia, la brillante, à cause de l'éclat de ses mon-
tagnes granitiques et ferrugineuses ; plus tard, elle reçut le
nom A'Ilva qui devint Isola d'Elva. Les mines de fer
attirèrent l'attention des Phéniciens, auxquels succédèrent
les Etrusques ; les Grecs de Phocée et de Marseille et les
Carthaginois leur disputèrent l'île. Elle passa aux Romains
qui en exploitèrent les mines. Au moyen âge, l'île d'Elbe
appartenait aux Pisans au x^ siècle; en 1290, elle fut
conquise par les Génois ; les Espagnols la donnèrent au
duc de Soria, prince de Piombino, de la famille Appiani ;
mais ceux-ci ne la possédaient pas tout entière, car le
grand-duc de Florence possédait Porto Ferrajo et le roi de
Naples Porto Longone. En 1736, l'île fut annexée au
royaume de Naples. En 1801, on l'annexa au royaume
d'Etrurie, puis à l'Empire français (nov. 1803). Elle
forma un département spécial, puis fut réunie au dépar-
tement de la Méditerranée, puis adjointe au grand-duché
de Toscane. Après la première abdication de Napoléon P"",
on lui assigna l'île d'Elbe comme principauté en toute
souveraineté. Il y resta du 4 mai 1814 au 26 févr. 1815,
établit quelques routes et fit des améliorations. Les traités
de Vienne rendirent l'île à la Toscane. Elle passa avec
celle-ci au royaume d'Italie. A. -M. B.
BiBL.: S. Lombard!, Memorie antiche e moderni deîV
isola del Elba; Florence, 1791 — |L. Simonin, la Toscane
et la mer Tyrrhénienne; Paris, 1868, in-18. — Pulle
Monografia agraria del circondario delV Elba; Porto
Ferrajo, 1879. — Fatichi, Isola d'Elba; Florence, 1885. —
V. aussi la carte géolog. de l'île, de Meneghini \ Milan, 1885.
ELBÉE (Maurice-Joseph-Louis Gigost d'), général ven-
déen, né à Dresde en 1752, mort à Noirmoutiers enjanv.
1794. Après avoir servi quelque temps dans l'armée de
l'électeur de Saxe, où son père tenait un rang assez élevé,
il passa en France (sa famille était originaire du Poitou),
fut nommé lieutenant au régiment Dauphin-cavalerie, mais,
au bout de quelques années, se retira par dépit de n'avoir
pu obtenir une compagnie (1783). Il se maria et vécut
ensuite obscurément dans son modeste domaine de la
Loge-Vaugirault, près de Beaupréau. C'était un fort petit
gentilhomme, dont la noblesse même ne paraissait pas
tout à fait prouvée, car, lors des élections de 1789, il dut
prendre rang dans le tiers état de sa paroisse. Il approuva,
du reste, la Révolution à ses débuts et signa même, après
la prise de la Bastille, une adresse de dévouement à l'As-
semblée nationale; mais, quelque temps après, ses senti-
ments religieux, offusqués par la constitution civile du
clergé, le portèrent à la réaction. A partir de 1791, il
conspire contre le nouvel ordre de choses. Il va voir les
princes émigrés à Coblentz; il combine en 1792 des
soulèvements avec La Rouarie et il seconde de toute son
âme les machinations des prêtres réfractaires dans les
départements de l'Ouest.
En mars 1793, la grande insurrection royaliste ayant
éclaté en Anjou, les paysans des Mauges, qui avaient en
lui grande confiance, lui ofirirent un commandement qu'il
accepta sans enthousiasme, parait-il, car à ce moment il
ne croyait pas au triomphe de la révolte. Bientôt, cependant,
les bandes indisciplinées qu'il séduisait par la douceur de
son langage, en même temps qu'il les maîtrisait par son
ardente piété et son indomptable bravoure, remportèrent
de notables succès, et d'Elbée reprit confiance. Il s'empara
de Vihiers (16 avr.) et, peu après, remporta sur Quétineau
une grande victoire à Thouars (5 mai). Battu à son tour à
Foiitenay (16 mai), où il fut blessé grièvement, il alla re-
joindre l'armée vendéenne après la prise de Saumur
(10 juin), fut un de ceux qui contribuèrent le plus à faire
nommer généralissime le paysan Cathelineau (sous le nom
duquel il commanda en réalité), prit Angers le 19 juin et, à
la suite de l'échec de Nantes, dirigea la retraite sur Thouars
(27-28 juin). Cathelineau venait d'être tué. D'Elbée fut
élu généralissime à sa place (19 juil.). Mais, outre que
ses talents militaires n'étaient pas à la hauteur de son
dévouement et de sa rare intrépidité, il était jalousé par
les autres chefs royalistes (qui raillaient quelque peu sa
dévotion et l'appelaient le Père la Providence) ; il ne put
jamais obtenir d'eux une exacte obéissance. Ses troupes
étaient toujours promptes aux paniques et aux débandades.
Les forces républicaines prenaient, au contraire, chaque
jour, plus de consistance et de vigueur. D'Elbée subit un
grave échec à Luçon (19 août). S'il prit en septembre de
glorieuses revanches à Chantonay, Coron, Torfou et Beau-
lieu, il n'en eut pas moins la douleur de voir la grande
armée royaliste qu'il commandait subir à Cholet une irré-
parable défaite (17 oct.). 11 reçut ce jour-là quatorze bles-
sures. Un de ses cavaliers l'emporta à ^rand'peine jusqu'à
Beaupréau. De là, Charette le fit conduire à Noirmoutiers.
Mais, quand les républicains, sous Turreau, se furent em-
parés de cette île (3 janv. 1794), l'ancien généralissime,
qui était encore retenu au lit, fut facilement capturé. Tra-
duit devant une commission miHtaire, il fut condamné à
mort. Il était encore si faible qu'il ne pouvait se tenir de-
bout. On le fusilla dans un fauteuil. Sa femme, qui n'avait
pas voulu l'abandonner, fut exécutée le lendemain.
A. Debidour.
BiBL. : Archives départementales de Maine-et-LoirCf
série L. — Aubertin, Mémoires. — De Beauchamps,
Histoire de la guerre de Vendée. — L. Blanc, Histoire
de la Révolution. — Bournizeau, Histoire de la guerre de
Vendée. — Boutillier de Saint-André, Méynoires (iné-
dits). — Bussière, le Général Michel Beaupuy. — Chau-
VEAU, Histoire de Bonchamps. — Courcelles, Ùictionnaire
historique des généraux français. — Crétineau-Joly ,
Histoire de la Vendée militaire . — Du même, Histoire des gé-
néraux vendéens. — M™« de La Rochejacquelein, Mémoi'
res. — Le Bas ^Dictionnaire encyclopédique de la France.
— Lebouvierdes Mortiers., Réfutation des calomnies, etc,
— Michelet, Histoire de la Révolution. — Moniteur uni-
versel, 1793, 1794. — Muret, Histoire des guerres de
VOuest. — Port, Dictionnaire historique de Maine-et^
Loire. — Revue de l'Anjou, 1855. — M"»"» de Sapinaud,
Mémoires. — Thiers, Histoire de la Révolution. — Tur-
reau, Mémoires. — Walsh, Relation de voyage, etc.
ELBENE (D'). Famille florentine (V. Bene [Del]).
ELBERFELD. Ville d'Allemagne, royaume de Prusse,
district de Dusseldorf (province Bhénane), surla Wùpper;
106,499 hab. (en 1883). Elle forme avec la ville voisine
de Barmen (V. ce nom) un des grands centres industriels
de l'Allemagne et de l'Europe. La vieille ville avec ses
rues étroites est au N. de la rivière ; les nouveaux quar-
tiers renferment de belles rues et de grands édifices, hôtel
de ville, églises, poste, hospices, etc. Elberfeld fabrique
des cotonnades, des lainages, des soieries, des velours,
beaucoup d'étolFes mélangées (soie et laine), soit pour la
confection, soit pour l'ameublement, sans parler des indus-
tries annexes : teinturerie, passementerie, etc. ; les étofies
imprimées sont aussi produites en grande quantité. Les autres
industries sont moins importantes : fonderies et forges, acié-
ries, construction de machines, papeteries, brasseries, etc.
Les établissements industriels d'Elljerfeld occupent environ
35,000 ouvriers. Le commerce est très actif, notamment
pour l'exportation. —Le château d'Elberfeld, qui dépendait
de l'archevêché de Cologne, fut engagé aux comtes de Berg
(1176). La ville date duxvi® siècle; les premières filatures
remontent au milieu du xv®. La prospérité n'apparut qu'à
la fin du xviii^ siècle avec le travail de la soie inauguré
en 1760 et la teinture en rouge d'Andrinople introduite
en 1780. Le blocus continental qui les mit à l'abri de la
concurrence anglaise fit la fortune des fabricants d'Elber-
feld; en 1816, la ville comptait 21,710 hab.; en 1871,
71,384 (V. Allemagne, § Géographie économique).
- 735 -
ELBERFELD - EL-BIAR
ËiBL. î Langewibsche, Elberfeld und Barmen; Barmen,
1863.
ELBEUF. Ch.-l. de cant. du dép. de la Seine-Inférieure,
arr. de Rouen, sur la rive gauche de la Seine; 22,104 hab.
Station du ch. de fer de l'Ouest et des ch. de fer de
l'Eure. La prospérité d'Elbeuf est due à l'industrie et au
commerce des draps qui remontent au commencement du
XVIII® siècle. Jusqu'à la Révolution, ses fabriques ne pro-
duisaient qu'une seule espèce de draps, connus sous le nom
de la ville, et qui étaient un intermédiaire entre les draps
fins et les draps grossiers ; mais depuis lors les fabriques
ont éprouvé la nécessité de perfectionner leur outillage et
de produire tous les genres, particulièrement la nouveauté,
ainsi que les draps pour voitures et chemins de fer. Plu-
sieurs grandes fabriques transforment complètement la
laine, l'achètent en toison et la rendent à l'état de dra-
perie ; d'autres, en plus grand nombre, ne travaillent que
les laines préalablement ouvrées ; aussi existe-t-il de nom-
breuses teintureries, filatures de laine, ateliers de retor-
dage, usines pour la manutention des déchets, apprêtages,
fabriques de cardes, fonderies, ateliers de construction de
machines, scieries, etc. La plus grande partie des laines
employées à Elbeuf sont achetées en Angleterre et pro-
viennent des colonies anglaises, spécialement de l'Australie ;
d'autres proviennent de la Plata ; les laines indigènes n'en-
trent dans la fabrication elbeuvienne que pour une propor-
tion pour ainsi dire infinitésimale. La houille consommée en
quantité considérable par les fabriques d'Elbeuf provient
d'Angleterre, de Belgique et du N. de la France. Le
nombre d'ouvriers employés par l'industrie de la draperie,
tant à Elbeuf que dans les environs, est à peu près de
25,000. La production annuelle des draps est de 80 à
400 millions de francs. Un petit cours d'eau qui traverse la
ville et plusieurs puits artésiens fournissent l'alimentation
des usines et surtout des teintureries. La Seine amène à
Elbeuf les matières premières, la houille, et sert aussi
au transit des matières agricoles. Syndicat maritime. Tri-
bunal et chambre de commerce; chambre consultative des
arts et manufactures ; hospice; asile des vieillards ; maison
d'assistance pour les ouvriers invalides ; société pour l'en-
couragement des arts industriels; société industrielle;
société d'études des sciences naturelles ; bibliothèque pu-
blique ; muséum d'histoire naturelle ; musée archéologique.
L'histoire d'Elbeuf n'est autre que celle de son industrie.
La seigneurie, après avoir appartenu aux maisons d'IIar-
court et de Rieux, passa ensuite à la maison de Lorraine,
et devint successivement marquisat, puis duché-pairie
(V. ci-dessous, maison d'Elbeuf). L'église Saint-Etienne,
construite au xvi® siècle, est un édifice à trois nefs, qui a
conservé de très belles verrières du xvi® siècle (mon. hist.)
et de remarquables boiseries sculptées. L'église Saint-Jean,
qui date aussi de la Renaissance, est plus vaste que la pré-
cédente ; elle a conservé son portail et est flanquée d'une
tour. Ses vitraux (mon. hist.), sont remarquables, mais
moins bien conservés que ceux de Saint-Etienne. L'église
N.-D. de rimmaculée-Conception a été construite de nos
jours en style gothique du xiii® siècle. Belle maison de la
Renaissance avec sculptures sur la place Lemercier. Deux
ponts suspendus traversent la Seine et relient Elbeuf à
Saint-Aubin sur la rive droite.
ELBEU F-en-Bray. Com. du dép. de la Seine-Inférieure,
arr. de Neufchâtel, cant. de Gournay; 406 hab. Eglise en
partie romane qui a conservé une voûte du xii^ siècle
recouvrant le chœur; celles de la nef et du transept sont
en bois et enrichies de sculptures. Château du xvi® siècle
transformé en ferme.
^ ELBEUF-sur-Andelle. Com. du dép. de la Seine-Infé-
rieure, arr. de Rouen, cant. de Darnétal; 2127 hab.
ELBEUF (Maison d'). Branche de la maison de Lor-
raine» fondée par René de Lorraine , marquis d'Elbeuf,
huitième fils du duc Claude de Guise ; il fut général des
galères de France (lo36-l 566). Son fils Charles (1556-
1605), duc et pair en nov. 1581, grand veneur et grand
écuyer, prit part à la Ligue et fut enfermé à Loches de 1 588
à 1591 . Il eut deux fils, Charles II, duc d'Elbeuf, et Hemn,
comte d'Harcourt, tige des comtes d'Armagnac, de Brionne
et de Marsan et des princes de Lambesc. Charles II (1596-
1657), duc, gouverneur de Picardie, quitta la France en
1631 pour échapper à la vengeance de Richelieu contre qui
il avait intrigué ; rentré en France en 1643, il prit une part
active aux troubles de la Fronde ; le cardinal de Retz le
maltraita fort dans ses Mémoires, et ses prétentions don-
nèrent lieu à des chansons satiriques; il avait épousé
Catherine-Henriette, fille naturelle de Henri IV et de Ga-
brielle d'Estrées. Il eut pour fils, outre le duc Charles IIÏ,
François-Louis, tige des comtes d'Harcourt, et François-
Marie, tige des comtes de Lillebonne et princes de Com-
mercy.— Charles /// (1620-1 692), gouverneur de Picardie,
eut cinq fils dont : Henri, duc d'Elbeuf, né le 7 août 1661,
mort le 12 mai 1748, gouverneur d'Artois, Picardie et
Hainaut, lieutenant général le 3 janv. 1696, qui passait
pour fripon et menteur, et compromettait à plaisir les
femmes les plusjionnêtes ; il épousa Mademoiselle par procu-
ration du duc de Lorraine en 1698 ; il était marié à une
fille du duc de Vivonne; son fils unique, brigadier des
armées du roi, fut tué à Chivas (1705). — Son frère
Emmanuel-Maurice, prince d'Elbeuf, né en 1677, mort
en 1763, entra en 1706 au service de l'Empire, fut général
de cavalerie dans le royaume de Naples et combattit dans
les armées coalisées contre Louis XIV; il obtint en 1719
de rentrer en France, devint duc et pair en 1748 ; il n'eut
pas d'enfants de ses deux mariages. — Le titre de duc
d'Elbeuf passa en 1763 à Charles, comte de Brionne,
prmce de Lambesc (V. ci-dessous). L. Del.
BiBL. : Le P. Anselme, t. III et VIII.
ELBEUF (Charles-Eugène de Lorraine, prince de
Lambesc et dernier duc d'), né à Versailles le 28 sept. 1751»
mort à Vienne le 11 nov. 1825. Fils du grand écuyer de
France et de Louise-Julie-Constauce de Ro'han-Montauban-.
Rochefort, il prit la charge de son père en 1761, devint
colonel des dragons de Lorraine en 1773 et maréchal de
camp en 1788. En 1789, il reçut le commandement des
troupes njassées près de Paris, dans la prévision des troubles
populaires et dissipa les rassemblements de la place
Louis Xy (12 juil. 1789) avec une brutalité telle que le
Châtelet instruisit contre lui, mais il émigra, servit dans
l'armée des princes, puis dans l'armée autrichienne, où i\
obtint le grade de feld-maréchal-lieutenant. Rentré en
France à la Restauration, il fut créé pair le 4 juin 1814,
ELBFAS (Jacob-Henrik), portraitiste suédois, né en
Uvonie, mort à Stockholm en 1664. Il s'établit en Suède
avant 1630, devint peintre de la reine Marie -Eléonoro
(1634-1640) et fut le portraitiste attitré de la cour et de
la noblesse. On cite parmi ses œuvres : Gustave-Adolphe^
Marie-Eléonore, la reine Christine, Jean-Casimir et sa
femme, leur fils Charles X Gustave, Charles XI, Charles-
Carlsson Gyllenhielm,JohanSkytte, Axel Oxenstierna^
Jacob de la Gardie. Le dessin est bon, les draperies
soignées, mais le coloris peu naturel. B-s.
ELBHECQ (Pierre-Joseph du Chambge, baron d'), général
et homme politique français, né à Lille le 1^*" janv. 1733,
mort à Saint-Jean-de-Luz le 1^^ sept. 1793. Maréchal de
camp en 1789, il fut élu le 8 avr. député suppléant de la
noblesse du bailliage de Lille aux Etats généraux. Le 29 déc,
il prit séance à l'Assemblée constituante en remplacement
du baron de Noyelles. Il se rangea du côté des républi-
cains, demanda au moment de la fuite de Varennes que
tous les militaires prêtassent serment de fidélité à la nation
et, promu lieutenant général le 17 déc. 1791, servit à
l'armée du Nord et commanda en chef, en 1793, l'armée
des Pyrénées-Orientales.
EL-BIAR. Village d'Algérie, dép. et arr. d'Alger, à
3 kil. S.-O. de cette ville, sur les flancs du Bou-Zaréa, à
une ait. de 260 m., ch.-l. d'une com. de plein exercice
de 2,207 hab. dont 1,783 Européens, C'est une succession
de villas éparses dans la verdure et de belles maisons, un
EL-BIAR — ELDAD
736 —
\illage de plaisance où les habitants d'Alger vont en grand
nombre chercher un peu de fraîcheur Tété ; les terres d'alen-
tour, très bien cultivées, fournissent des légumes, des vins de
choix, des céréales; l'industrie consiste en tuileries, poteries,
briqueteries et tonnelleries. Sur le territoire de la com-
mune se trouvent de nombreux pensionnats (sœurs de Saint-
Joseph, frères de la doctrine chrétienne), le petit lycée de
Ben-Aknoun, annexe du lycée d'Alger, un couvent du
Bon-Pasteur, un orphelinat de Saint-Michel, etc. ; c'est
aussi sur le territoire de la commune qu'est situé le Fort-
r Empereur, bâti en 1545 par Hassan Agha', à l'endroit
où Charles-Quint avait placé sa tente en i 5 41 ; il fut pris
par nos troupes le 4 juil. 1830 et maintenant réparé il
domine de sa masse sombre entourée de verdure tout le
panorama d'Alger. E- Cat.
EL-BIBAN, appelé plussouventBorc//-B^/>aw(V. ce mot).
ELBING. Fleuve de Prusse, province de Prusse occiden-
tale, émissaire du lac Drausensee ; long de 18 kil., il dé-
bouche dans le Fris'che Hatf ; il est réuni au Nogat par le
canal Kraffohl et est lui-même navigable jusqu'à la ville
d'Elbing. "
ELBING (polonais Elblong) . Ville d'Allemagne, royaume
de Prusse, province de Prusse occidentale, district de
Danzig, sur l'Elbing ; 38,728 hab. (en 1885). Elle com-
prend, outre la vieille ville, la ville neuve, l'île Speicher,
trois faubourgs intérieurs et onze faubourgs extérieurs.
Elle possède treize églises. L'industrie y est assez active,
en particulier les constructions navales (vapeurs et torpil-
leurs), la métallurgie du fer. Le marché aux bestiaux est
important. Le port a un mouvement maritime de
9,000 tonnes, fluvial de 6,000. Elbing commerce surtout
avec Danzig et Kœnigsberg. — La ville fut fondée par
des colons de Brème et de Lubeck au pied d'un château
des chevaliers teutoniques bâti en 1237 ; elle reçut en
1246 le droit de Lubeck, entra dans la Hanse et grandit
\ite • elle se détacha de l'ordre teutonique et se mit sous
le protectorat de la Pologne (1454). Dès 1523, le conseil
municipal se prononça pour la Réformation qui prévalut en
1558. Les protestants appelèrent à plusieurs reprises les
Suédois, qui occupèrent la ville. Elle fut saisie en 1698 par
l'électeur de Brandebourg qui la rendit en 1700, mais la
reprit en 1703 ; Charles XH de Suède la surprit et la mit
en rançon ; en 1710, les Russes la reprirent et la rendirent
aux Polonais. Lors du partage de 1772 elle fut attribuée
à la Prusse.— Le traité d'Elbing, conclu le 10 sept. 1 656
entre la Hollande et le Grand-Electeur, stipula la neutrah-
sation de Danzig.
ELBINGERODE. Ville d'Allemagne, royaume dePrusse,
province d'Hildesheim, sur un plateau du Harz ; 2,800 hab.
Les environs sont'très pittoresques et renferment de grands
établissements métallurgiques (Rothehûtte, Lnkashof,
Kœnigshof, Neuehutte), sans parler des ruines du château
de Bodfeld. — Elbingerode appartint au couvent de €an-
dersheim (1008), aux comtes de Wernigerode (1343), aux
Grubenhagen (1422), au Hanovre (1638).
E L- B 1 0 D H . Localité du Sahara, à peu près à mr-chemm
(six jours de marche) d'Aïn-Taïba à Temassinin, dans une
dépression au milieu de la grande dune, où l'on trouve
toujours de l'eau en creusant le sol; il y a, sur une cen-
taine de mètres, dans tous les sens, un grand nombre de
puisards donnant urïe eau claire^ mais chargée de sels ;
les Touaregs Hoggar prennent souvent en cet endroit
leurs quartiers d'été. La première mission Flatters y sé-
iourna le 25 et le 26 mars 1881.
ELBO (José), peintre espagnol, né à Ubeda le 26 mars
1804, mort à Madrid le 4 nov. .1844. Elève de José Apari-
cio, il l'aida plus tard dans ses travaux de décoration au
palais de Madrid. De nombreux et amusants sujets de genre
lui créèrent une sorte de popularité et l'Académie de San
Fernando l'accueillit parmi ses membres. Ses principales
productions sont : Léda, la Place des taureaux à Madrid
pendant une course, Femmes allant se baigner au M an-
zanarès. Un Contrebandier, des Toreros, l'Auberge de
la Tiinidad, Enfant jouané dans un jardin' et quel-
ques autres scènes familières et populaires. H est l'auteur
de quelques-uns 'des dessins gravés par Castello' pour les
œuvres de Quevedo. Sa manière rappelle assez celle d'Alenza,*
son contemporain et son émulie dans la peinture des sujets
pittoresques et des types nationaux. P.L. •
EL-BORDJ. Petite oasis d'Algérie, dép. de Constantine,
dans le groupe appelé Zab-Dahraoui (Zab du Nord), à l'O.
de Biskra; une vingtaine de maisons et 7,000 palrniers
environ. *
EL-BORDJ. Petite ville arabe d'Algérie, dép. d'Oran,
à une vingtaine de kil. au N.-E. de Mascara ; 390 hab.
Centre d'un douar de 4,167 hab. de la com. mixte de
Cacherou, arr. de Mascara. •
ELBROUS. Pic le plus élevé du Caucase. Sa hauteur
est de 5,630 m. (V. Caucase, t. IX, p. 874).
ELGHE. Ville d'Espagne, prov. d'Alicante, sur le rio
Vinalapo et à 8 kil. de lamer, au milieu d'une plaine ar-
rosée au moyen d'un barrage sur la.rivière; 20,607 hab.
C'est le chef-lieu d'un district qui comprend trois coiumq^nes.
Ce qui fait la réputation d'Elche, c'est une belle; forêt de
80,000 palmiers-dattiers, la seule .qui existe en Europe ; à
l'ombre de ces arbres, on cultive de l'orge, des légumes, du
coton, et sur d'autres parties du territoire des oUviers, des
figuiers, des grenadiers, etc. La ville, avec de grandes
maisons et de belles rues, est pleine d'activité. et est un
marché important; on exporte des dattes pour la province
de Valence, des fruits pour .Barcelone, des palmes pour
toute l'Espagne (on .en emploie une énonce quantité pen-
dant la semaine sainte) ; il y a aussi d'importantes huile-
ries et fabriques de savon, des minoteries, des inaiïufac-^
tures de grosse toile et d'alpargatas, des distilleries, des
amidonneries, des imprimeries, des teintureries, des presses
pour le sparte, etc. La ville, qui existait à l'époque ro-
maine sous le nom. ô'Ilici, ainsi que le démontrent des
médailles et des ruines romaines, fut aussi importante
sous la domination arabe. . E. Cat.
ELCHIES (Patrick Grant, lord), magistrat anglais, né
en 1690, mort près d'Edimbourg le. 27 juil. 1754. Avo-
cat en 1712, il devint lord de session en 1732 et lord
justice en 1737. H a réuni : les Décisions of the court
of session from , il 33 to V757, publ. en 1813 par
W. Morison ; écrit les notes des Institutes de Stair
(1824) et laissé quelques manuscrits conservés à la biblio-
thèque des avocats d'Edimbourg, . *
ELCHINGEN, Village, de Bavière, province de Souabe
et Neubourg, près du Danube. On y voit une célèbre
abbaye bénédictine fondée en 1128 dont l'église foudroyée
en 1773 a été reconstruite. Sécularisée en 1803, elle fut
annexée à la Bavière avec ses 110 kil. q. et 5,300 hab. —
Le 14 oct. 1805, les Français commandés par. Ney. enle-
vèrent le pont d'Elchingen et défirent 16,000 Autrichiens
commandés par Laudon. Cet exploit valut à Ney ]e titre de
duc d'Elchingen, Il détermina l'investissement d'Ulm.
ELCHINGEN (Duc d') (V. Ney).
ELGI (Angelo, comte d'), littérateur et bibliophile ita-
lien, né à Florence en 1764, mort à Vienne (Autriche) le
20 nov. 1 824. H avait formé une desplùs belles bibliothèques
de l'Europe, composée surtout des plus rares incunables;
il en lé^ua la portion la plus intéressante à la bibliothèque
Laurentienne de Florence. On a de lui une très correcte et
très luxueuse édition de Lucain : Lucani Pharsalia curante
Aîigelo Illycino (Vienne, 1811, in-8). Ses vers sont d'une
grande médiocrité : Poésie italiane e latine (Florence,
1827, in-8). ' R. G. ,
ELDA. Ville d'Espagne, prov. d'Alicante ; 4,337 hab. Au
milieu de colhnes dénudées, qui ne produisent guère (|ue du
sparte. L'industrie du pays consiste dans la préparation des^
fibres dont on travaille chaque année environ 500,*000 kilogr."
Il y a aussi des fabriques de papier et de salpêtre.
ELDAD ha-Dani (le Danïte); voyageur hébreu qui
vivait au ix® siècle. Il prétendait appartenir à la tribu
Dan, d'où son surnom le Damife. Voulant rechercher
737 —
ELDAD — EL-DJEM
les restes des autres tribus israélites, il entreprit deux
voyages, dont Tun, d'après l'auteur caraïte Jouda ha-Dassi,
le conduisit jusqu'en Egypte, d'où il retourna aussitôt dans
son pays. Il nous a laissé le récit de l'autre. On y trouve
une description détaillée, mais fabuleuse, des contrées et
des tribus qu'il a visitées et le détail de ses nombreuses
aventures. Après un naufrage, il tomba entre les mains
d'anthropophages, auxquels il réussit à échapper. Après
avoir passé par Azina, il arriva à la côte orientale du
golfe Persique, traversa la Perse, la Babylonie et se rendit
à Kairouan, où il fit la connaissance du célèbre gram-
mairien Jehouda ben Qoreisch et enfin parvint jusqu'en Es-
pagne. Les relations sur ce voyage sont pleines de choses
curieuses sur les dix tribus israélites, sur leurs usages et
coutumes et également sur les fils de Moïse que la légende
avait fait émigrer dans une terre fabuleuse, entourée par
le fleuve miraculeux du Sambation. Il affirme que les quatre
tribus établies en Afrique avaient un recueil rituel remontant
à Josué et se distinguant sous beaucoup de points du rituel
rabbinique, et il avait même apporté quelques extraits de ce
recueil, relatifs à l'immolation et à l'examen intérieur des
bêtes égorgées. La communauté Israélite de Kairouan s'a-
dressa-à ce sujet pour information à R. Cemah Gaon, chef de
l'académie de Soura, en Babylonie, dont la réponse fut
favorable à Eldad. Les récits d'Eldad nous sont parvenus
,en trois rédactions, qui diffèrent très considérablement et
se complètent l'une l'autre. La première édition parut en
Italie avant 1480, la seconde à Constantinople en 1516
(sur les autres éditions, V. Furst, Bibliotkeca judaica, I ;
M. Steinschneider, Catalogus librorum hebraeorum^ in
Bibliotheca Bodleyana ; Benjacob, Thésaurus librorum
hebraicorum). M. A. Jellinek a, de nouveau, publié
toutes ces rédactions dans son recueil Beth-ha-Midrasch
(Leipzig, 1853, t. II; 1855, t. III ; 1857, t. V), et ré-
cemment, M. A. Epstein a réuni les relations et beaucoup
d'autres pièces concernant Eldad dans son ouvrage sur notre
voyageur. Une traduction latine, faite par Genebrard, parut
à Paris en 1563, sous le titre Eldat Danius de Judaes
clausis eorumque in J^thiopia imperio et était plus
tard incorporée dans la Chronographia Hebraeorum
du même auteur. Nous possédons aussi deux traductions
allemandes, dont l'une a été imprimée à Prague en 1695,
l'autre à Jessnitz en 1723. La Belation d'Eldad le Danite,
publiée et traduite en français par E. Carmoly (Paris, 1838),
ne peut pas compter, car elle n'est qu'une pure invention de
l'éditeur, comme l'a démontré S. Rapoport (Introduction
au lexique hébreu de Parhon, publié par S. Stem ; Pres-
bourg, 1844).
Les savants ne sont pas tous d'accord sur le rôle joué
par Eldad et sur le caractère qu'il faut lui attribuer.
Tandis que les uns (Pinsker et Graetz) le regardent comme
un adhérent du caraïsme qui, sous le masque du rabba-
nisme, combattait les traditions talmudiques et propageait
la doctrine caraïte, les autres (Frankl, Halévy) ne voient
en lui qu'un simple aventurier qui savait bien tirer profit
de la crédulité de ses contemporains. Enfin, M. Epstein a
essayé de démontrer que, malgré les exagérations, il y a
une bonne partie de faits réels dans les récils d'Eldad et
qu'il faut entendre sous les quatre tribus de l'Afrique
mentionnées par Eldad les Falasha d'Abyssinie, dont les
usages et pratiques religieuses auraient quelque analogie
avec ceux qui sont décrits par notre voyageur. Mais l'ar-
gumentation de M. Epstein manque de force démonstrative
et la supposition qu'Eldad était un aventurier semble
avoir plus de probabilité. Cette hypothèse trouve un appui
dans la circonstance suivante. Éldad prétendit ne savoir
d'autre langue que la langue hébraïque, dont il se servait
toujours dans ses relations avec d'autres, mais un examen
du langage de ses récits montre incontestablement qu'il
est plein d'arabismes, et on a, avec raison, conclu de cela
qu'il était originaire de l'Arabie méridionale. Quoi qu'il en
soit, les récits fabuleux d'Eldad ne manquaient pas de
produire dans son temps un grand eftét et il est même pro-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE, — XV.
bable qu'ils aient influencé la légende du prêtre Jean très
répandue au moyen âge. J. Israelsohn.
BiBL. : Bartolocci, Bibliotheca rabbinica, I. — Bas-
nage, Histoire des Juifs. — De Rossi, Dizwnario sto-
rico degli autori ebraei. — Zunz, Gottesdienstliche Vor-
trage; Berlin, 1832. — Du même, Gesammelte Schriften;
Berlin, 1875, 1. - Ph. Frankl, Monatsschrift fur Geschichte
und WissenschaftdesJudenthums, 1873 et 1874. — Graetz
Geschichte der Juden, V. — Epstein, Eldad ha-Dani;
Presbourg, 1891. — J. Halévy, Revue critique^ 1891.
ELDENA. Village d'Allemagne, royaume de Prusse, dis-
trict de Stralsund; ruines d'une abbave cistercienne,
fondée en 1199, détruite par les Suédois en 1638. Une
académie ou école d'agriculture fondée en 1835 à Eldena
a été supprimée en 1876. — Un autre Eldena (Mecklem-
bourg-Schwerin), sur l'Elde, eut une abbaye cistercienne de
femmes fondée en 1230, sécularisée en 1556.
ELDER (John), mécanicien et constructeur anglais, né
à Glasgow le 8 mars 1824, mort à Londres le 14 sept.
1869. Il étudia dans sa ville natale les mathématiques et
la mécanique, fit son apprentissage dans les ateliers de
R. Napier, où son père était ingénieur, y devint rapide-
ment chef dessinateur et entra en 1852, comme associé,
dans la maison Randolph,Elliott andCo, qui, en 1860,
joignit à la construction des n^oulins celle des navires en
fer et qui prit en même temps la raison sociale Randolph,
Elder and Co. Il fit prévaloir l'usage, pour les grands bâ-
timents à vapeur, de machines compound et s'acquit une
réputation universelle par les perfectionnements impor-
tants qu'il fit subir aux types jusqu'alors employés et qui
eurent pour conséquences principales une grande augmen-
tation de puissance et une économie considérable de com-
bustible et d'eau (V. Compound et Condenseur, t. XII,
pp. 218-220 et 347). Il fut nommé en 1869 président de
VInstitution of engineers de Glasgow. Les Reports of
the Bristish Association (années 1858 à 1860) contien-
nent plusieurs mémoires relatifs à ses inventions. L. S.
BiBL. : Rankine, Memoir of J. Elder; Londres, 1872. —
Maclehose, Memoirs of a hundred Glasqov^ men : Glas-
gow, 1886.
ELDER EN (Jean-Louis d'), soixante-troisième évêque
de Liège, né vers 1600, mort en 1694. Il était doyen du
chapitre de Saint-Lambert quand, en 1688, à la mort du
prince-évêque Maximilien-Henri de Bavière, il fut élu en
son remplacement, malgré les intrigues de la cour de France
qui appuyait de toutes ses forces la candidature du cardinal
de Furstenberg. Peu de temps après son avènement, il con-
clut avec Louis XIV le traité de Versailles (9 janv. 1689)
qui reconnaissait la neutralité de Févêché, mais à des con-
ditions très onéreuses et qui demeura, du reste, lettre
morte. En effet, la diète allemande ayant déclaré la guerre
à Louis XIV, les Liégeois durent accéder à la coalition.
Ils payèrent chèrement cette hostilité. Le maréciial de
Boufflers bombarda leur ville et en détruisit la plus grande
partie. D'Elderen renforça l'influence politique de la no-
blesse dans l'administration de la principauté en exigeant
des membres de l'ordre équestre, par un décret de 1691,
la preuve de quatre quartiers de noblesse du côté paternel
et maternel.
BiBL. : Daris, Histoire du diocèse et de la principauté
de Liège au xvip siècle; Liège, 1877, in-8,— Lonchay, les
Pays-Bas et la principauté de Liège au xvip et au xviip
siècle; Bruxelles, 1890, in-8.
EL DJEDIDA (V. Mazâgan).
EL-DJEM. Village de Tunisie, à 71 kil. S.-E. de
Kairouan; 1,200 hab. environ. C'était jadis une ville
importante sous le nom de Thysdrus; les maisons mo-
dernes ont été construites avec les pierres provenant des
ruines. Le monument le mieux conservé est l'amphi-
théâtre, dont on aperçoit de plus de 10 kil. la masse
énorme assise sur une hauteur et qui ressemble à une
colline de pierre; il est, après le Colisée, le plus vaste
édifice de ce genre qu'aient construit les Romains ; on croit
qu'il fut commencé par Gordien, en souvenir de ce qu'il
avait été proclamé empereur à Thysdrus. La reine Kahina
au vu® siècle y soutint un siè^e contre les Arabes; à
47
EL-DJEM - ÉLECTION
m -
diverses reprises, des tribus révoltées y trouvèrent un re-
fuse, et un bey pour les soumettre y ouvrit une vaste
brèche. Quoique bien dégradé, l'amphithéâtre d'El-Djem est
encore très imposant et les Arabes des alentours exploi-
tent la curiosité des touristes pour leur vendre de fausses
antiquités. E. Cat.
BiBL. : DrRouiRE,art. dans la Revue de géogr., mai 1882.
EL DJEMILA (V. Djemila).
EL-DJEREÏFET. District du Gourara (V. ce mot).
ELDON (Comte d') (V. Scott [John]).
ELDRED (John), voyageur anglais, né à New-Bu-
ckenham (Norfolk) en 4552, mort à Great Saxham en 4632.
Marchand de Londres, il s'embarqua en 1583 pour faire
une campagne commerciale. Il parcourut la Syrie, remonta
l'Euphrate jusqu'à Bir, le Tigre jusqu'à Bassorah, passa
à Bagdad, et revenu à Alep en 1584 y demeura trois ans
faisant des courses à Antioche, à Tripoli, à Jérusalem, etc.
De retour en Angleterre en 1588 avec des richesses consi-
dérables, il devint un des plus puissants marchands de
Londres, prit une grande part à la fondation de la Com-
pagnie des Indes, dont il fut un des directeurs. On a le
Journal of his voyage to Tripoli and Bassora qui a été
jiuhUàms Principal Navigations d'Hakluyt(l599, t. II).
ÉLÉAZAR. Ce nom est porté par plusieurs personnages
mentionnés dans la Bible : 1« un fils du grand prêtre
Aaron ; 2» et 3^ deux contemporains du roi David ; 4° le
quatrième fils de Matathias, frère de Judas Macchabée, qui
succomba à la suite d'un vaillant fait d'armes (V. Eliézer).
ÉLÉAZAR DE WoRMS (fàsàaJehouda), surnommé ainsi
de la ville d'Allemagne oti il mf[mt, mais plus connu sous
le nom de Roqéah (titre d'un de ses ouvrages), un
des plus célèbres rabbins du xni« siècle. Il était le disciple
de Jehouda ha-Hasid. Le temps dans lequel il vivait était
très défavorable pour les juifs. Des croisés, attaquant sa
maison, tuèrent sa femme, ses deux filles, son fils unique,
les disciples qui l'entouraient, et le dépoudlèrent de tous
ses biens. Tséanmoins, son âme restait libre de toute
aigreur et, dans ses ouvrages, il ne cesse de prêcher les
plus hautes maximes de la bénignité, de la bienveillance
et de l'amour envers tous les hommes. Vivant à une époque
particulièrement disposée au mysticisme, bien qu'il eût
une connaissance très étendue des systèmes philosophiques
du judaïsme, il se laissa néanmoins entraîner par les ten-
dances de son temps, d'où vient que ses ouvrages repré-
sentent un mélange des idées philosophiques et mystiques.
11 est même considéré comme le fondateur de la cabbale
en Allemagne. Le nombre de ses ouvrages, dont la liste
est donnée par A. Jellinek, est assez considérable et com-
prend des écrits sur les différentes branches du judaïsme.
Le plus célèbre parmi eux est l'ouvrage éthique, Roqéah,
où il traite de l'amour de Dieu, de la pénitence, de la cha-
rité et d'autres questions qui se rattachent à la religion et
à la moralité. Ce livre fut imprimé la première fois a
Fano en 1505 et réimprimé plusieurs fois. Quelques-uns
des autres ouvrages sont également publiés, mais la plu-
part sont encore inédits. Eléazar de Worms est aussi
connu comme liturgiste et on possède de lui environ soixante
poésies de pénitence qui se distinguent par une simplicité
touchante et un profond sentiment. J. Israelsohn.
BiDL : WoLF, Bibliotheca hebraea. —De Rossî^Dizzio-
nario storico degliautori ebraei.-BASNAGE, Histoire des
Juifs. - A. Jellinek, Aûsswahl kabbalistischer Mystih;
Leipzig, 1855. - Graetz, Geschichte der -^^-^en, t VIL -
ZuNz, Zwr Geschichte und Liferamr; Berlin, 1845. - Du
inêm4, Synagogale Poésie ; Berlin, 1855, ^t Lzierafwjfe-
schic/ife der synagogalen Poésie ; Berlin, 1«65--- J.Land-
siiuTH, A7mide ha-Aboda; Berlin, 1857. — Histoire litté-
raire de la France^ t. XXXVll.
ELECTEUR. Ce titre a été donné aux sept principaux
personnages du Saint-Empire romain germanique, auxquels
fut réservé, à partir du xiii^ siècle, le droit d'élire l'empe-
reur (V. Empire et Bulle d'or).— H fut également donné
par Napoléon V^ à un dignitaire de son empire (V. Consti-
tution, t. XII, p. 650).
électeur-Guillaume (Ordre de 1'). Fondé en Hessé
électorale par l'électeur Guillaume II le 20 août 1851 ; il
le destina à récompenser les services civils et mihtaires et
les belles actions . L'électeur était le grand maître de l'ordre
dont les membres se divisaient en trois classes; mais, à la
suite des événements qui, en 1867, amenèrent l'annexion
de la Hesse à la Prusse, l'ordre cessa d'être confère. Ruban
rouée liséré de blanc. H. Gourdon de Genouillac.
É LECTl 0 N . I. Histoire administrative.— Juridiction
des élus, et ressort de cette juridiction. Les aides ou impo-
sitions votées par les Etats étaient levées en chaque provmce
par les commissaires royaux : les élus furent primitivement
leurs assesseurs choisis par voie d'élection (ordonn. des
Etats généraux de Paris, mars 1356). En 1372, Charles V,
redevenu le maître, transforma les élus en fonctionnaires
nommés par lui, sans toutefois en changer le nom. Il leur
attribua la répartition des impôts dans des circonscriptions
déterminées, et le jugement en première instance des causes
y relatives. Les généraux des aides jugeaient en dernier
ressort (ordonn. du 20 mars 1451). Les charges des élus
furent plusieurs fois supprimées par mesure fiscale, pour
être rétablies immédiatement dans des conditions plus tavo-
rables au Trésor royal (août 1462, déc. 1625). Les pro-
vinces où des Etats particuliers avaient conserve le droit,
sinon de refuser l'impôt, du moins d'y consentir et de le
répartir, n'avaient point d'élus. Par suite, les pays dits,
d'élections s'opposent aux pays d'Etats. En 4789, il y avait
en France 178 tribunaux d'élection, dans les généralités
de Paris (22), d'Amiens (6), de Soissons (7), d Orléans
(12), de Bourges (7), de Moulins (7), de Lyon (5) de
Riom (6), de Grenoble (6), de Poitiers (9), de La Rochelle
(5), de Limoges (5), de Bordeaux (5), de Tours (1^), de
Pau et Auch (6), de Montauban (6), de Champagne (12),
de Rouen (14), de Caen (9), d'Alençon (9), de Bourgogne
et Bresse (4). L'élection de Paris comprenait un président,
un lieutenant, un assesseur, vingt conseillers, un procu-
reur du roi, un substitut, des greffiers, des procureurs,
des huissiers-audienciers. H. Monin.
II. Politique. — I. France.— Au mot Constitution,
nous avons donné, avec tous les détails nécessaires, l'his-
torique des divers systèmes électoraux qui se sont succède
en France depuis 1789 jusqu'à nos jours. Au mot Chambre,
nous avons exposé les règles actuellement en vigueur pour
l'élection des députés ; nous exposerons au mot Sénat celles
qui concernent l'élection des sénateurs. Au point de vue
théorique, la question a donc été complètement traitée.
Reste le côté pratique sur lequel nous insisterons, car les
matières électorales intéressent en France l'universahte des
citoyens. . .
Dans chaque commune ou section de commune existe
une liste électorale dressée par une commission composée
du maire, d'un délégué de l'administration designe/par le
préfet et d'un délégué choisi par le -conseil municipal. A
Paris et à Lyon, celte liste est dressée dans chaque quar-
tier, ou section, par une commission composée du maire^de
l'arrondissement, du conseiller municipal du quartier et d un
électeur choisi par le préfet du département. Ces hstes de
section, ou de quartier, servent à dresser une liste générale
des électeurs de la commune par ordre alphabétique. A
Paris et à Lyon, cette liste générale est dressée par arron-
dissement. Pour être inscrit sur la liste électorale, il taut
être Français, être âgé de vingt et un ans accomplis, jouir
des droits civils et politiques, et ne se trouver dans aucun
des cas d'incapacité prescrits par la loi (V. plus loin).
Ce sont les conditions générales. Il faut de plus avoir son
domicile réel dans la commune ou y habiter depuis six mois.
La liste électorale comprend encore ceux qui auront ete
inscrits au rôle d'une des quatre contributions directes ou
au rôle des prestations en nature, et qui, s ds ne résident
pas dans la commune, auront déclaré vouloir y exercer leurs
droits électoraux. Sont également inscrits les membres de
la famille des mêmes électeurs compris dans la cote de la
prestation en nature, alors même qu'ils n'y sont pas per^
- 739
ELECTION
Sonneilement portés, et les habitants qui, en raison de leur
âge ou de leur santé, auront cessé d'être soumis à l'impôt.
Sont inscrits encore les Alsaciens-Lorrains qui, en vertu
du traité de paix du 18 mai 1871, ont opté pour la natio-
nalité française et déclaré leur résidence dans la commune
conformément à la loi du 19 juin 1871. Les ministres du
culte et les fonctionnaires publics assujettis à une résidence
obligatoire dans la commune sont électeurs sans être
soumis à une résidence d'une durée déterminée dans la
commune. Quant aux militaires en activité de service, ils
n'ont pas le droit de participer aux élections politiques et
autres, en suite de ce principe que l'armée doit demeurer
étrangère aux querelles des partis. Toutefois, un militaire
qui, au moment d'une élection, se trouverait en résidence
libre, en non-activité ou en possession d'un congé rég^i-
lier, pourrait voter dans la commune où il est inscrit. Il
nous reste à faire connaître les causes qui interdisent
l'exercice des droits politiques. C'est le décret du 2 févr.
18o2 qui a établi la liste de ces incapacités (art. lo
et 16). Ce sont : 1° les condamnations soit à des peines
afflictives et infamantes, soit à des peines infamantes
seulement entraînant la perte des droits civils et politiques.
L'inter(liction est absolue et perpétuelle à moins qu'une
amnistie n'ait effacé les condamnations elles-mêmes et toutes
leurs conséquences ; 2<> l'interdiction de vote et d'éligibilité
prononcée par les tribunaux jugeant corroctionnellement ;
30 les condamnations pour crime à l'emprisonnement seule-
ment par suite de circonstances atténuantes ; 4<* les con-
damnations à trois mois de prison pour tromperie sur la
nature de la marchandise (art. 318 et 423 du C. pén.,
loi du 27 mars 1815) ; 5<^ les condamnations pour vol,
escroquerie, abus de confiance, soustraction commise par
les dépositaires des deniers publics, attentats aux mœurs ;
6« les condamnations pour outrage à la morale publique
et religieuse ou aux bonnes mœurs et pour attaque contre
le principe de la propriété et les droits de la famille ;
7<^ les condamnations à plus de trois mois de prison pour
fraudes en matière électorale, violences et voies de fait aux
scrutins électoraux ; 8° la destitution prononcée par des
jugements ou décisions judiciaires contre les notaires,
greffiers et officiers ministériels ; 9'' les condamnations
pour vagabondage et mendicité ; 10° les condamnations à
trois mois d'emprisonnement pour les motifs suivants : des-
truction de registres, minutes, etc., dégât de marchan-
dises servant à la fabrication, dévastation de récoltes,
abatage d'arbres ; destruction de greffes ; empoisonnement
de chevaux, bestiaux, poissons, etx;. ; 11*^ les condamna-
tions pour délits prévus aux art. 410 et 411 duC. pén.,
sauf une disposition sur les loteries, abrogée en 1875;
12'' les condamnations aux travaux publics prononcées
contre des militaires ; 13*^ les condamnations prononcées
contre ceux qui auraient tenté de se soustraire aux obli-
gations du recrutement en se rendant impropres au ser-
vice militaire ; 14*^ l'emprisonnement pour délits de trom-
perie sur la nature de la marchandise ; 15° les condamna-
tions pour déht d'usure; 16° l'interdiction; toutefois, les
aliénés ne sont point privés des droits électoraux s'ils n'ont
pas été interdits suivant les prescriptions du C. civ. ; 17" la
faillite. Toutefois, il faut remarquer que, depuis la loi
d.e 1889 sur la liquidation judiciaire, l'inéligibilité demeure
enlevée aux commerçants admis à la liqui(5ation judiciaire
comme au failli, mais l'électorat est conservé à tout com-
merçant qui obtient un concordat soit à la suite d'une
liquidation judiciaire, soit à la suite d'une mise en faillite.
Telles sont les incapacités perpétuelles. Il en est d'autres
qui ne sont que temporaires. Les condamnés à plus d'un mois
d'emprisonnement pour rébellion, outrages et violences
envers les dépositaires de l'autorité ou de la force publiques,
envers un juré ou un témoin, pour délits prévus par la loi
sur les attroupements et la loi sur les clubs, pour colpor-
tage ilKcite, ne peuvent être inscrits sur la liste électorale
que cinq ans après l'expiration de leur peine. Les incapa-
cités temporaires ou permanentes sont, comme on l'a vu,
tellemont nombreuses que l'administration a du établir une
sorte de casier judiciaire particulier pour assurer l'appli-
cation de la loi. Les greffiers des tribunaux correctionnels
et des cours d'assises écrivent un bulletin de chaque con-
damnation entraînant privation du droit électoral. Ce bul-
letin est envoyé au sous-préfet de l'arrondissement dans
lequel est située la commune où le condamné est né. Le
sous-préfet avise le maire de cette commune et réunit dans
le casier spécial tous les bulletins qui lui sont ainsi adres-
sés. Les greffiers des tribunaux de commerce, les com-
missaires du gouvernement près les conseils de guerre, les
greffiers des tribunaux maritimes de Brest et de Toulon
procèdent de même.
Les listes électorales ainsi composées sont permanentes.
Chaque année, du 1^'au 10 janv.,la commission adminis-
trative procède à une re vision : 1° a.joutant à la liste les
citoyens qu'elle reconnaît avoir acquis les qualités exigées
par la loi, ceux qui acquerront les conditions d'âge et
d'habitation avant le l^*" avr. et ceux qui ont été précé-
demment omis; 2° retrandiant les individus décédés, ceux
qui sont devenus incapables d'exercer le droit électoral
dans la commune. Ces changements sont résumés dans un
tableau comprenant deux parties distinctes: Additions et
Retranchements. Le tableau est porté à la connaissance des
électeurs et à celle des préfets et sous-préfets qui exercent
une surveillance sur la re vision des listes et sont investis
du droit de requérir des inscriptions et des radiations.
Un citoyen qui n'a jamais été inscrit sur aucune liste
électorale peut demander son inscription personnellement
ou par l'entremise d'un tiers. Une lettre adressée au maire
suffît. Si l'électeur déjà inscrit sur une liste électorale
demande à être inscrit dans une autre commune, il doit
faire la preuve de la radiation opérée ou sollicitée par lui
sur la première liste. Outre les radiations d'office, il peut
en être opéré sur la demande de tiers ; mais ces tiers ne
sont pas quelconques ; il faut, pour que leur demande soit
valable, qu'ils soient inscrits sur l'une des listes de la cir-
conscription électorale où ils réclament une radiation. Le
tiers réclamant doit joindre à sa demande un exposé des
motifs de la radiation. Ces réclamations sont inscrites sur
un registre tenu par le maire qui en délivre récépissé. Le
maire avertit sans frais l'électeur dont l'inscription est
ainsi contestée, de même que les électeurs rayés d'office par
les commissions ou dont l'inscription est contestée devant
ces commissions.
Examinons maintenant la procédure suivie lorsqu'il se
produit des contestations relativement à la révision des
listes. Lorsque la commission administrative (V. ci-dessus)
a terminé ses opérations, il est accordé à partir de cette
date — qui ne doit jamais dépasser le 15 janv.— un délai
de vingt jours pour présenter des demandes en inscription
ou en radiation. Ces demandes sont examinées par une
commission dite municipale qui n'est autre que la com-
mission administrative, à laquelle sont adjoints deux autres
délégués du conseil municipal. Les décisions de la con-
mission municipale doivent être prises à la majorité des
suffrages et être consignées sur un registre; elles sont
notifiées dans les trois jours aux intéressés par écrit et à
domicile. Il s'agit donc en l'espèce d'une véritable juri-
diction devant laquelle tous les genres de preuves peuve.it
être fournis. L'appel contre les décisions des comiîiissio.is
municipales doit être porté devant le juge de paix par dé-
claration au greffe dans le délai de cinq jours à partir de
la notification. Le juge de paix doit statuer dans les dix
jours, sans frais ni forme de procédure. Sa décision'
doit être rendue dans les forme§ prescrites par la loi et
remplir les conditions substantielles des jugements, c.-à-d.
renfermer les noms des parties, la qualité en laquelle elles
agissent, la mention de l'avertissement qu'elles ont reçu
du jugede paix, leurs conclusions ou toute indication préci-
sant l'objet du débat. Cette décision est en dernier ressort,
mais elle peut être déférée à la cour de cassation. Le pour-
voi n'est alors valable que s'il est formé dans les dix jours
ÉLECTION
740 —
de la notification de la décision ; il n'est pas suspensif. Ce
pourvoi est formé par simple requête dénoncée au défenseur
dans les dix jours qui suivent la déclaration. Ces pour-
vois sont portés directement devant la chambre civile. Si
la décision attaquée est cassée, la cause est renvoyée
devant un autre juge de paix. Tous les actes judiciaires
sont en matière électorale dispensés du timbre et enre-
gistrés i^ratis. De même les extraits des actes de nais-
sance pour établir Tàge des électeurs sont délivrés gra-
tuitement sur papier libre à tout réclamant, à la condition
de porter, en tête de leur texte, renonciation de leur desti-
nation spéciale; ils ne peuvent servir à aucun autre
usage. , ^ . . , . .
Au 31 mars de chaque année, la commission adminis-
trative doit procéder à la clôture définitive de la liste élec-
torale. Elle examine pour cela la liste de Tannée précédente,
le tableau rectificatif, les décisions de la commission muni-
cipale, celles du juge de paix, les arrêts de la cour de
cassation rave le nom des électeurs décédés depuis la tor-
mation du tableau rectificatif ou privés de leurs droits
depuis la même époque par un jugement définitif. Ceci tait,
on dresse par ordre alphabétique une liste électorale d un
seul tenant, qui est déposée au secrétariat de la commune
et dont tout électeur peut prendre communication et même
copie. Cette liste est valable et ne subit aucun changement
jusqu'à l'année suivante ; cependant on peut en rayer les
noms des électeurs décédés ou privés de leurs droits poli-
tiques dans l'intervalle. A titre de renseignements, voici
d'après la circulaire ministérielle du 30 nov. 188^ les
époques et délais des diverses opérations relatives aux listes
électorales.
DÉSIGNATION
Préparation des tableaux de recti-
fications
Délai accordé pour dresser les ta-
bleaux de rectifications
Publication des tableaux de recti-
tifications
Délai ouvert aux réclamations
Délai pour les décisions des com-
missions chargées du jugement
des réclamations
Délai pour la notification des der-
nières décisions de ces commis
sions
Délai d'appel devant le juge de paix.
Délai pour les décisions du juge de
paix ;
Délai pour les notifications des dé
cisions du juge de paix
Clôture définitive des listes ,
NOMBRE
de
jours.
TERME
des
délais.
40
i
20
3
5
10
10 janv.
U —
lo —
4 févr.
9 —
12 —
17 —
27 —
l^'^mars
31 —
On trouvera en ce qui concerne les conditions d'éligibilité
tous les renseignements nécessaires aux mots Chambre des
DÉPUTÉS, Sénat et Constitution, Conseil municipal, Conseil
GÉNÉRAL, Conseil d'arrondissement. ^ ^ ,
Il ne nous reste plus qu'un mot à dire des opérations
électorales, i^ Elections municipales. Les électeurs mu-
nicipaux sont convoqués dans chaque commune par le
préfet; la convocation doit être publiée quinze jours avant
l'élection qui se doit toujours produire un dimanche. Le
même arrêté de convocation indique les locaux où devront
avoir lieu les scrutins ainsi que les heures d'ouverture et
de fermeture du vote. Généralement, c'est dans la mairie
ou dans une salle d'école que les scrutins sont ouverts.
Des cartes électorales sont distribuées à tous les électeurs
aux frais de la commune. La remise des cartes à domicile
n'est pas obligatoire. Chaque bureau de vote est présidé
par le maire ou à son défaut par un adjoint, suivant Tordre
rigoureux dénomination, ou par les conseillers municipaux,
suivant l'ordre rigoureux du tableau. Le président forme
le bureau en prenant pour assesseurs les deux plus âgés
et les deux plus jeunes électeurs présents, à condition qu'ils
sachent lire et écrire. Les assesseurs et le président dé-
signent un secrétaire. La composition du bureau ne peut
ensuite être modifiée. Au cas où les membres ainsi nommés
abandonneraient leurs fonctions, ils seraient remplacés sui-
vant la même procédure. Chaque électeur remet sa carte
au président du bureau. Le président lit le nom porté sur
la carte, la nasse au scrutateur, qui vérifie la conformité de
la carte avec la liste électorale. L'électeur remet ensuite
a» président son bulletin de vote fermé. Un scrutateur
constate alors qu'il a voté en apposant en marge de la liste
électorale et en face du nom de l'électeur sa signature ou
son parafe avec initiales. Certaines formalités sont impo-
sées aux électeurs en ce qui concerne le bulletin de vote.
Nous les avons indiquées au mot Bulletin, t. VIII, p. 420.
Au commencement du vote, le président doit constater
l'heure réelle à laquelle est ouvert le scrutin, qui ne doit
être fermé qu'après six heures au moins ; l'heure de clôture
est également constatée. Le scrutin clos, on procède au
dépouillement du vote. L'urne (en réalité, c'est une boîte
en bois blanc fermée à deux serrures dont les clefs sont
l'une entre les mains du président et l'autre entre les
mains de l'assesseur le plus âgé) est ouverte et le nombre
de bulletins aussitôt vérifié. Le bureau désigne des scruta-
teurs parmi les électeurs présents. Ces scrutateurs prennent
place à des tables disposées de manière que les électeurs
puissent circuler facilement autour et vérifier la sincérité
du dépouillement. Chaque bulletin est lu à haute voix et
en entier par les scrutateurs. Cette opération terminée, le
président proclame le résultat : on brûle alors devant
les électeurs les bulletins qui n'ont soulevé aucune récla-
mation et on annexe les autres au procès-verbal de l'élec-
tion qui est dressé par le secrétaire et est aussitôt envoyé
au sous-préfet qui le transmet au préfet. Un extrait est
immédiatement affiché par les soins du maire.
Les réclamations contre les élections sont consignées au
procès-verbal ; sinon elles doivent être déposées, dans les
cinq jours qui suivent le jour de l'élection, au secrétariat
de la mairie, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Le
préfet, de son côté, peut, dans les quinze jours qui suivent
la réception du procès-verbal, déférer les élections au
conseil de préfecture pour irrégularités de forme ou pour
cause d'incapacité de l'élu. Les réclamations contre les
décisions du conseil de préfecture doivent être portées
devant le conseil d'Etat. Lorsque les élections ont été
annulées en tout ou en partie, les électeurs doivent être
convoqués à nouveau dans un délai qui ne peut dépasser
deux mois. . . j
2<^ Elections de conseillers d arrondissement et de
conseillers généraux. Les électeurs sont convoqués par
décret du président de la République quinze jours au moins
avant la date de l'élection, qui doit toujours avoir heu un
dimanche. Il est procédé aux opérations électorales suivant
les formes que nous avons indiquées ci-dessus, sauf d'insi-
gnifiantes modifications. Les procès-verbaux sont portés au
chef-lieu de canton par deux membres du bureau; le recen-
sement général des votes est fait par le bureau du chef-
lieu dont le président, après avoir proclamé les résultats,
transmet les procès-verbaux au préfet. Les réclamations
sont portées devant le conseil de préfecture, ou, en cas
d'incapacité des élus, devant le tribunal de l'arrondis-
sement. Le conseil d'Etat juge en dernier ressort.
3« Elections de députés. Les électeurs sont convoques
par décret du président de la République. L'intervalle entre
la promulgation du décret et l'ouverture des collèges élec-
toraux est de vingt jours au moins. Le scrutin ne dure
qu'un seul jour. Le vote a lieu au chef-lieu de la com-
mune ; néanmoins chaque commune peut être divisée par
741 —
ÉLECTION
l
arrêté du préfet en autant de sections que l'exigent les
circonstances locales et le nombre des électeurs. Le se-
cond tour de scrutin, s'il est nécessaire, doit avoir lieu le
deuxième dimanche qui suit le jour de la proclamation du
résultat du premier scrutin. Le vote est secret. Il n'y a pas
de modifications sensibles à la procédure suivie pour les
opérations électorales dans les élections municipales (V. ci-
dessus). Les listes d'émargement de chaque section signées
du président et du secrétaire sont déposées pendant huit jours
au secrétariat de la mairie, où elles sont communiquées à tout
électeur qui le requiert. Copie du procès- verbal des élections
est transmise au sous-préfet de l'arrondissement qui l'ex-
pédie au préfet du département. Le recensement général des
votes est fait au chef-lieu du département en séance publique,
par une commission de trois conseillers généraux (à Paris
par une commission de cinq conseillers généraux de la
Seine désignés par le préfet). Le président de cette com-
mission proclame le résultat. C'est la Chambre qui est seule
juge de l'éligibilité de ses membres et de leur élection
(Y. Chambre et Vérification des pouvoirs).
^i^ Elections sénatoriales. Un décret du président de
la République, rendu au moins six semaines à l'avance, fixe
le jour où doivent avoir lieu les élections pour le Sénat et
en même temps celui où doivent être choisis les délégués
des conseils municipaux. Il doit y avoir un mois au moins
d'intervalle entre le choix des délégués et l'élection des
sénateurs. Les listes des électeurs sénatoriaux sont établies
lar les préfets huit jours au moins avant la date fixée par
ie décret de convocation. Elles doivent être communiquées
à tout requérant. Elles comprennent des électeurs de droit :
députés, conseillers généraux, conseillers municipaux et
des délégués sénatoriaux élus par les conseils municipaux
(V. Constitution et Sénat). Les électeurs sénatoriaux sont
convoqués par lettres ; ces lettres servent de cartes électo-
rales. Les élections ont lieu généralement à la préfecture ou
au palais de justice ; la salle de vote est ouverte à huit heures
du matin. Un bureau composé d'un président (le président
du tribunal civil du chef-lieu du département), de quatre as-
sesseurs (les deux plus âgés et les deux plus jeunes électeurs
présents à l'ouverture de la séance) et d'un secrétaire, sur-
veille les opérations et veille à ce que les électeurs ne
s'occupent que de l'élection pour laquelle ils sont réunis ;
toute discussion et toute délibération sont interdites. Les
électeurs sont répartis par ordre alphabétique en sections
de vote comprenant au moins cent électeurs. Chacune de
ces sections est surveillée par un président et des scruta-
teurs sans condition d'âge, et munie d'une boîte de scrutin.
Chaque électeur se rend suivant l'ordre alphabétique à la
section qui lui est assignée; il remet son bulletin de vote
fermé au président qui le dépose dans l'urne. Un assesseur
reçoit la carte de convocation et y constate le vote de l'élec-
teur. Deux autres assesseurs tiennent une feuille d'émar-
gement. Le dépouillement opéré, le président du collège
proclame les résultats du scrutin. S'il y a lieu à un second
tour de scrutin, il ne doit durer que trois heures, de deux
à cinq heures de l'après-midi. Si l'opération ne donne pas
encore de résultat, un nouveau scrutin est ouvert à sept
heures et fermé à dix heures.
Les délégués sénatoriaux et les suppléants qui ont pris
part à tous les scrutins peuvent recevoir une indemnité de
déplacement. Elle est de 2 fr. 50 par myriamètre parcouru
tant en allant qu'en revenant, soit 5 fr. par myriamètre
aller et retour. La distance compte du chef-lieu de la com-
mune qui a élu le délégué au chef-lieu du département. Il
faut faire la demande expresse de cette indemnité au pré-
sident du collège électoral avant la clôture de la séance. Le
Sénat, comme la Chambre, est seul juge de la validité de
l'élection de ses membres. Dans les départements algériens,
le collège électoral se compose des députés, des membres
citoyens français du conseil général, des délégués élus par
les membres citoyens français de chaque conseil municipal
parmi les électeurs citoyens français de la commune. Tout
délégué qui, sans cause légitime, n'aurait pas pris part à tous
les scrutins ou, étant empêché, n'aurait pas averti le sup-
pléant en temps utile, est condamné à une amende de 50 fr.
par le tribunal civil du chef-lieu sur les réquisitions du
ministère public.
Les frais des élections municipales sont à la charge des
communes, à l'exception des frais d'impression et de publi-
cation. Ce sont la location et l'appropriation du lieu_ du
vote, la fourniture des bancs, tables, chaises, papier,
encre, barrières, les indemnités aux employés municipaux
et aux agents chargés de la police, les formules de tous les
procès-verbaux d'élection et de toutes les listes destinées à
l'émargement des électeurs, la fourniture des cartes élec-
torales et les frais d'impression et d'affichage des avis
publiés par les maires à l'occasion des élections. Pour les
élections départementales et législatives, la dépense des
cartes électorales est d'ordinaire inscrite par les conseils
généraux au budget départemental. Sont également à la
charge des départements les frais d'impression et de publi-
cation des listes d'électeurs pour les juges des tribunaux
de commerce, les frais d'impression des cadres pour la
formation des listes électorales ordinaires et des listes du
jury. Tous les actes judiciaires sont, en matière électorale,
dispensés du timbre et enregistrés gratis. Toute la procé-
dure est sans frais pour l'électeur. Les dépenses pour
l'installation des casiers électoraux sont inscrites au budget
départemental. Les formules imprimées relatives au service
de ces casiers sont à la charge du fonds d'abonnement des
préfectures comme tous les imprimés administratifs pour
lesquels la loi ne spécifie pas un mode spécial d'imputation.
Les indemnités payées aux délégués sénatoriaux sont im-
putées sur les fonds du ministère de l'intérieur. Le crédit
prévu de ce chef pour l'exercice 4893 est de 250,000 fr.
Lors des renouvellements triennaux il s'élève à 650,000 fr.
(1891) et même à 1,088,000 fr. (1888).
5^ Elections consulaires. Les juges des tribunaux de
commerce, comme les membres des assemblées législatives,
sont élus et non point nommés par le gouvernement. Leur
mode d'élection a varié à plusieurs reprises. En 1807
(code de commerce), les électeurs étaient les commerçants
notables : la liste était dressée par les préfets et approu-
vée par le ministre de l'intérieur. Dans les villes de
15,000 âmes, le nombre des électeurs ne pouvait être in-
férieur à 25 ; dans les autres villes, ce nombre devait être
augmenté dans la proportion d'un électeur par l,000âmes.
Après la révolution de 1848, tous les commerçants patentés
furent admis à l'élection des juges consulaires. Le décret
du 2 mars 1852 rétablit les dispositions du code de com-
merce. La loi du 21 déc. 1871 inaugura un nouveau sys-
tème. Les électeurs furent choisis parmi les commerçants
notoirement recommandables , les directeurs de grandes
compagnies financièreset industrielles, les agentsde change,
les capitaines au long cours. La liste en fut dressée par une
commission composée du président et d'un juge du tribu-
nal de commerce, du président et d'un membre de la
chambre de commerce ou, à défaut de chambre de commerce,
du président et d'un membre de la chambre consultative
des arts et métiers, ou, à défaut de chambre consultative,
d'un conseiller municipal; de trois conseillers généraux, du
président du conseil des prud'hommes ou, à défaut, du plus
âgé des jugés de paix ; du maire de la ville où siège le tribu-
nal. Le nombre des électeurs devait être égal au dixième^des
commerçants patentés ; il ne pouvait être inférieur à 50 ;
il était de 3,000 dans le dép. de la Seine. La loi du 8 déc.
1883 a introduit dans les élections consulaires le suffrage
universel. Les électeurs sont tous les citoyens français com-
merçants patentés ou associés en nom collectif depuis cinq
ans au moins, capitaines au long cours et maîtres de cabo-
tage ayant commandé des bâtiments pendant cinq ans, direc-
teurs des compagnies françaises anonymes de finance, de
commerce et d'industrie, agents de change et courtiers
d'assurances maritimes, courtiers de marchandises, cour-
tiers interprètes et conducteurs de navire, les uns et les
autres après cinq ans d'exercice et tous sans exception
ELECTION
742 -
devant être domiciliés depuis cinq ans au moins dans le
ressort du tribunal. Sont également électeurs dans leur res-
sort les membres anciens ou en exercice des tribunaux et
des chambres consultatives des arts et manufactures, les pré-
sidents anciens ou en exercice des conseils de prud'hommes.
Ne peuvent participer à l'élection : les individus condamnés
à des peines afflictives et infamantes ; à des peines correc-
tionnelles, pour faits qualifiés crimes par la loi ; ceux qui
ont été condamnés pourvoi, escroquerie, abus de confiance,
soustractions commises par les dépositaires de deniers pu-
blics, attentats aux mœurs ; ceux qui ont été condamnés à
Femprisonnement pour délit d'usure, pour infraction aux
lois sur les maisons de jeu, sur les loteries et les maisons
de prêt sur gage, etc.; ceux qui ont été condamnés à l'em-
prisonnement par l'application des lois sur les sociétés, les
faillis non réhabilités et généralement tous les individus
privés du droit de vote dans les élections politiques (V. ci-
dessus). La liste des électeurs du ressort de chaque tribu-
nal est dressée tous les ans pour chaque commune par le
maire assisté de deux conseillers municipaux désignés par
le conseil dans la première quinzaine du mois de septembre.
Cette liste est transmise au préfet ou au sous-préfet qui
fait déposer la liste générale au greffe du tribunal de com-
merce et la liste spéciale de chacun des cantons du ressort,
au greffe de chacune des justices de paix correspondantes.
Les réclamations doivent être portées devant le juge de
paix du canton qui statue sans opposition ni appel dans les
dix jours. La sentence est transmise au maire de la com-
mune de l'intéressé, lequel en fait notification audit inté-
ressé dans les vingt-quatre heures de la réception. La
décision du juge de paix peut être déférée à la cour de cas-
sation, le pourvoi n'étant recevable que s'il est formé dans
les dix jours de la notification de ladite décision. La liste
électorale rectifiée, s'il y a lieu, est close définitivement dix
jours avant l'élection : elle sert pour toutes les élections
de l'année. Le vote a lieu par canton à la mairie du chef-
lieu. Dans les villes divisées en plusieurs cantons, le maire
désigne pour chaque canton le local oti s'effectuera ces opé-
rations électorales et délègue pour y présider un de ses
adjoints ou un des conseillers municipaux. Les électeurs
sont convoqués par le préfet dans la première quinzaine de
décembre au plus tard. L'assemblée électorale est présidée
par le maire ou son délégué, assisté de quatre électeurs
qui seront les deux plus âgés et les deux plus jeunes des
membres présents. Le bureau ainsi composé nomme un secré-
taire pris dans l'assemblée. La durée de chaque scrutin
est de six heures : il est ouvert à dix heures du matin et
fermé à quatre heures du soir. Le président de chaque
assemblée proclame le résultat de l'élection et transmet au
préfet le procès-verbal des opérations électorales. Dans les
vingt-quatre heures le résultat général de l'élection de
chaque ressort est constaté par une commission siégeant à
la préfecture et composée : i<* du préfet ; 2*^ du conseiller
général du chef-lieu du département et, dans le cas où le
chef-lieu est divisé en plusieurs cantons, le plus âgé des
conseillers généraux du chef-lieu, en cas d'empêchement
des conseillers généraux, le conseiller d'arrondissement ou
le plus âgé des conseillers d'arrondissement du chef-lieu ;
T le maire du chef-lieu du département, ou l'un de ses
adjoints en cas d'empêchement. Dans lés trois jours qui sui-
vent les constatations des résultats électoraux, le préfet
transmet au procureur général près la cour d'appel une
copie certifiée du procès-verbal et une autre copie égale-
ment certifiée à chacun des greffiers des tribunaux de com-
mercedu département. Le préfet doit également transmettre
le résuhat des opérations électorales à tous les maires des
chefs-lieux de canton qui la font afficher à la porte de
la maison commune. Les réclamations sont admises dans
les cinq jours de l'élection. Elles sont jugées sommaire-
ment par la cour d'appel dans le ressort de laquelle l'élec-
tion a eu lieu. Le pourvoi en cassation n'est recevable
que s'il est formé dans les dix jours de la signification.
Dans les villes de Paris et de Lyon, il y a autant de col-
lèges électoraux que d'arrondissements. Le vote a lieu dans
chaque mairie d'arrondissement. Dans les circonscriptions
suburbaines comprises dans les dép. de la Seine et du
Rhône, les élections ont lieu au chef-lieu de canton.
II. Étranger. — Comme pour la France, nous ren-
voyons au mot Constitution pour l'exposé des principes du
droit électoral en vigueur dans les principaux pays du
monde, et au mot Parlementarisme pour la composition
et le mode de recrutement des assemblées législatives. On
ne trouvera ici que les détails concernant la pratique des
opérations électorales à l'étranger.
Allemagne. Les députés au Reichstag sont élus au suf-
frage universel direct. Les circonscriptions électorales sont
déterminées par la loi. C'est l'autorité municipale qui est
chargée de dresser les listes électorales en double et par
ordre alphabétique. Chaque section est munie d'une liste
spéciale. A une époque fixée annuellement par la munici-
palité, la liste est exposée pendant huit jours à la mairie.
Les réclamations doivent être adressées au bourgmestre ;
s'il pense que ces réclamations sont fondées, il fait opérer
de suite les rectifications nécessaires ; s'il en juge autrer
ment, il transmet l'affaire à l'autorité judiciaire, qui doit
statuer dans le délai de trois semaines. La décision est ins-
crite sur la liste électorale. Au bout de vingt-deux jours,
la liste revisée est close, et il ne peut plus y être ajouté
aucun nom pendant toute l'année. Les élections ont lieu
au jour fixe par l'empereur; le scrutin ouvre à dix
heures du matin et ferme à six heures du soir . Le bureau
électoral de chaque section de vote se compose d'un pré-
sident, nommé par l'autorité locale, d'un secrétaire et de
trois à six assesseurs qui sont désignés par le président.
Les fonctionnaires de l'Etat ne peuvent faire partie du
bureau. Les opérations électorales ont lieu, à peu de chose
près, suivant la même procédure qu'en France. Le dépouil-
lement du scrutin se fait en public et à haute voix. Les
bulletins blancs, ou portant des marques distinctives, ou
illisibles, ou incompréhensibles, ou renfermant une protes-
cation ou condition quelconque, sont annulés, numérotés
et annexés au procès-verbal. Les procès-verbaux sont
envoyés au siège de la circonscription électorale. Trois
jours après cet envoi les résultats des diverses sections
réunies sont publiés, et le candidat qui a obtenu la majo-
rité absolue est proclamé député. Le dossier est adressé
au Reichstag, qui reste seul juge de la validité de l'élection.
Il y a des différences notables entre les élections au Parle-
ment allemand et les élections aux Chambres représentatives
des divers Etats de l'Empire germanique. Voici les princi-
pales : Grand-duché de Bade. La seconde Chambre étant
élue au vote à deux degrés, les arrondissements sont frac-
tionnés en sections électorales pour l'élection des électeurs du
second degré. Dans chaque section on nomme un électeur par
200 habitants. Ce sont les commissaires du gouvernement
qui organisent les opérations électorales. Elles sont dirigées
dans chaque commune par une commission électorale com-
posée du premier magistrat de la commune, président, d'un
membre du conseil municipal désigné par ses collègues, de
deux membres du collège électoral du premier degré choisis
par le conseil municipal, du greffier de la ville, qui rem-
plit les fonctions de secrétaire. Le conseil municipal déter-
mine les locaux qui sont affectés aux votations et le temps
pendant lequel le scrutin sera ouvert. Dans chaque sec-
tion des listes électorales sont dressées ; les électeurs du
premier degré y sont inscrits avec leurs noms, prénoms,
âge, qualité, domicile. Les listes doivent être déposées
quatre semaines au plus tard avant l'élection, de façon que
chacun puisse en prendre connaissance. Les réclamations
doivent être adressées dans les huit jours qui suivent le
dépôt des listes à l'autorité de qui émane l'avis de dépôt ;
elles sont jugées dans les quatorze jours qui suivent par le
conseil municipal ou, en cas de contestation, par le conseil
de district. Les électeurs doivent être convoqués deux jours
au moins avant le jour du vote. Les opérations électorales
ont lieu publiquement en présence de la commission élec-
-7i3 -
ÉLECTION
torale. Il en est de même pour la proclamation du résultat
du scrutin. La liste des électeurs du second degré qui ont
été élus est affichée à la maison commune, et insérée dans
la feuille des publications officielles. Un certificat, revêtu
de la signature du président de la commission électorale et
du sceau de la commune, est remis à chaque électeur. Dès
que les électeurs du second degré sont nommés, les baillis
de district adressent aux commissaires nommés parle grand-
duc le résultat des élections de toutes les sections dépen-
dant de leur baiUiage. Le commissaire convoque par écrit
tous les électeurs de l'arrondissement six jours au moins
avant la date de l'élection. Les opérations du scrutin sont
dirigées par une commission composée du commissaire du
gouvernement, des trois plus jeunes électeurs et d'un notaire
de la locahté, qui rédige le procès-verbal. Le commissaire
fait distribuer aux électeurs des bulletins numérotés, placés
sous enveloppe. Les électeurs inscrivent sur leur bulletin
le nom du député qu'ils choisissent. Ils peuvent réclamer
un certain délai pour voter, et pendant ce délai ils peuvent
se retirer pour délibérer entre eux. Lorsque le temps né-
cessaire pour l'inscription des noms sur les bulletins est
écoulé, le commissaire du gouvernement appelle successi-
vement les électeurs qui lui remettent leur bulletin non
revêtu de son enveloppe. Ce bulletin est immédiatement
déposé dans une urne. Lorsque tous les bulletins sont
déposés, ils sont mêlés, puis extraits un à un de l'urne. On
lit ensuite à haute voix leur contenu et le numéro d'ordre.
Le secrétaire dresse la liste des votes en ayant soin d'ins-
crire à côté du nom du candidat le numéro du bulletin qui
contient son nom ; un autre membre de la commission tient
de son côté une contre-liste. Les deux listes font partie
intégrante du procès-verbal et sont légalisées par la com-
mission électorale. Dès que ces opérations électorales sont
terminées, le résultat de Télection est annoncé aux per-
sonnes présentes, puis le procès-verbal est clos et signé
par la commission. Le commissaire du gouvernement doit
demander les preuves de la capacité légale du député élu.
Dans le cas où le député reconnaît qu'il est inéligible,
comme dans le cas où le commissaire juge qu'aux termes
de la constitution le doute n'est pas possible, ce dernier
organise immédiatement un nouveau tour de scrutin et
communique au ministre de l'intérieur le résultat des deux
opérations électorales. Si le commissaire a des preuves
suffisantes de l'éligibilité du candidat élu, le procès-verbal
est envoyé sur-le-champ avec toutes ses annexes au ministre
de l'intérieur.
Bavière. Dans chaque commune il est dresse, par les
soins de l'autorité municipale, une liste des électeurs.
Sont inscrites sur cette liste toutes les personnes ayant la
jouissance des droits électoraux qui ont leur domicile dans
la commune, avec leur nom, prénoms, âge, qualité ou
état et résidence; on y mentionne qu'elles ont prêté le
serment constitutionnel et acquitté leurs contributions.
Les autorités royales, les ministres des cultes et les
officiers de l'état civil sont tenus de fournir en tout
temps et gratuitement tous les renseignements qui seront
nécessaires pour la confection et la rectification des listes
électorales. Ces listes sont revisées et rectifiées tous les ans
aux mois de mars et de septembre ; elles sont ensuite dé-
posées publiquement du 1^^ au 15 avr. et du 1^' au
15 oct. inclusivement. Les réclamations doivent être portées
devant l'autorité municipale dans le délai de dépôt; au cas
où il n'y est point fait droit, elles sont dans un délai de
quatorze jours jugées par l'autorité supérieure compétente,
qui statue en dernier ressort. Le mode de votation est tou-
jours le même, qu'il s'agisse de l'élection du premier degré
ou de celle du second. Dans l'un et l'autre cas, l'élection
se fait au jour indiqué par le gouvernement. Elle est dirigée
dans chaque circonscription par des commissaires électo-
raux nommés par la régence (collège de fonctionnaires).
Les électeurs du premier et du second degré choisissent
dans leur sein pour surveiller les opérations électorales
un bureau de sept membres. Chaque électeur prononce un
serment électoral. Le vote a lieu au moyen de bulletins
clos non signés déposés dans une urne (avant la loi élec-
torale de 1881 les bulletins devaient être signés par l'élec-
teur). Le temps fixé pour la durée des premières opéra-
tions ayant pour objet l'élection du premier degré est de
quatre heures au moins. Le jour et l'heure où devront com-
mencer ces opérations seront annoncés au moins trois jours
à l'avance. Les bureaux électoraux statueront séance
tenante et à la majorité des voix sur toutes les réclaina-
tions. Les décisions du bureau sont sans appel.^ Sitôt l'élec-
tion terminée, un procès-verbal est rédigé et signé soit par
les membres du bureau, soit par le commissaire spécial.
Ce procès-verbal et les pièces qui y sont annexées sont
expédiés à la Chambre des députés.
Prusse, Pour la répartition des électeurs en classes, nous
renverrons à Constitution, t. XII, p» 699. Les élections
des électeurs secondaires sont dirigées dans chaque circon-
scription par un délégué spécial nommé par le gouverne-
ment. Elles ont lieu ainsi : chaque citoyen appelé par le
bureau d'élection, en suivant l'ordre d'inscription des listes
électorales, déclare à haute voix le nom du candidat pour
lequel il vote. Son sufi*rage est inscrit en regard de son
nom sur un registre qui est annexé au procès-verbal de
l'élection. Les électeurs secondaires réunis au chef-lieu de
la circonscription électorale procèdent à l'élection du dé-
puté suivant les mêmes règles. Pour que le vote soit va-
lable, il est nécessaire que les deux tiers des électeurs
secondaires y aient pris part. Le candidat élu député doit
réunir la majorité absolue des voix.
Wurttemberg. Les élections à la Chambre des députés
ont lieu au suffrage direct et au scrutin secret. Chaque
commune constitué en règle générale une section de vote dis-
tincte. Le grand bailli veille à ce que les opérations électo-
rales aient lieu conformément aux prescriptions de la loi. La
commission électorale du grand bailliage désigne pour cha-
cune des sections de vote de sa circonscription électorale un
préposé aux élections chargé de diriger les opérations. Le
préposé désigne parmi les électeurs de sa section un
secrétaire et de trois à six assesseurs. Les élections des
députés des villes et des grands bailliages ont lieu exacte-
ment le trentième jour après l'insertion de la convocation
des électeurs au bulletin officiel et simultanément dans toutes
les sections de vote. Le scrutin est ouvert à dix heures du
matin et fermé à six heures de l'après-midi. Le vote s'opère
au moyen de la remise par l'électeur en personne de son
bulletin de vote au préposé ou à son suppléant qui le dépose
dans l'urne et fait noter sur la liste électorale chaque élec-
teur après son vote. La commission électorale de la section
statue sur les difficultés qui se présentent. Elle maintient
l'ordre pendant les opérations électorales et peut, dans ce
but, infliger une amende de 12 marks au maximum et une
peine qui peut s'élever à deux jours d'arrêts. Les opéra-
tions électorales donnent lieu à la rédaction d'un procès-
verbal : celui-ci doit contenir la mention des noms des
membres de la commission, de la date et du heu des opéra-
tions, du nombre total des électeurs ayant pris part au
vote, des difficultés qui se seront présentées, des décisions
qui auront été prises, ainsi que de toutes les circonstances
qui peuvent avoir de l'influence sur la validité de l'élection.
Une fois le scrutin clos, les suffrages sont comptés par la
commission électorale; les bulletins nuls sont annexés au
procès-verbal ; les autres sont conservés par le préposé
aux élections dans un paquet scellé jusqu'au jour où l'élec-
tion aura été validée par la Chambre. Les procès-verbaux
et toutes les pièces à l'appui sont envoyés scellés au grand
bailliage sur-le-champ ou au moins assez à temps pour
qu'ils parviennent à destination au plus tard dans le cou-
rant du jour qui suit celui de l'élection. Le grand bailli
convoque, à l'effet de constater les résultats de l'élection,
au plus tard pour le troisième jour qui suit celui de l'élec-
tion et dans un local désigné par lui, la commission élec-
torale du grand bailliage ainsi composée : le grand bailli,
2. membres du conseil municipal et du comité des bour-
ELECTION
— 744 —
geois ou 2 membres de l'assemblée de bailliage et ^mem-
bres choisis dans les comités des bourgeois de la circon-
scription et élus par l'assemblée de bailliage. La commission
rédige un procès-verbal qui doit indiquer clairement le
nombre des votants et celui des suffrages valables ou nuls,
ainsi que le nombre des voix qui se sont portées sur cha-
cun des candidats dans chaque section de vote, les diffi-
cultés auxquelles les élections ont donné lieu dans les dif-
férentes sections de vote. Le président de la commission
électorale du grand bailliage peut, en vue de trancher ces
difficultés, réclamer les bulletins conservés par les préposés
aux élections et en prendre connaissance.
Il n'y a pas lieu d'insister sur les opérations électorales
dans les principautés secondaires.
Andorre. Les opérations électorales ont lieu dans chaque
paroisse au jour fixé par l'illustre conseil général, sous
la présidence du maire ou de l'adjoint assisté de deux as-
sesseurs et des conseillers généraux de la paroisse. Le vote
est public ; il se fait soit par bulletins remis au président
du bureau électoral, soit de vive voix ; les autorités con-
stituées ne doivent voter que lorsque tous les citoyens pré-
sents ont pris part au vote. La rédaction et la re vision de
la liste électorale est faite par les soins de l'autorité parois-
siale. Pour être élu, il faut réunir la majorité absolue des
suffrages. Au second tour de scrutin, la majorité relative
suffit. Les résultats de l'élection sont proclamés par le pré-
sident du bureau électoral.
Autriche. Pour les conditions de l'électorat et le sys-
tème représentatif fort compliqué de l'Autriche, V. Cons-
titution, t. XII, p. 703. L'élection des députés des
communes rurales a lieu par des électeurs du second degré
que les électeurs de chaque commune nomment parmi eux.
Les électeurs ne peuvent en règle générale exercer leurs
droits électoraux qu'en personne. Par exception, le droit de
vote peut être exercé par procuration dans la catégorie des
électeurs de la grande propriété foncière. Les électeurs sont
convoqués sur l'ordre du ministère de l'intérieur par le
gouverneur du pays qui désigne le jour où l'élection doit
avoir lieu dans les endroits désignés par la loi. En cas d'élec-
tion générale, les députés des communes rurales sont nommés
les premiers, puis ceux des villes, ensuite ceux des chambres
de commerce et d'industrie, enfin ceux de la grande
propriété foncière. Les listes électorales sont dressées de la
manière suivante :
A. Les listes électorales de la grande propriété foncière
par les soins du gouverneur du pays.
B. Les hstes électorales des villes et les listes électo--
rales destinées à servir aux élections du premier degré
dans les communes rurales par les soins du maire.
C. Les listes électorales où sont portés les possesseurs
de biens suffisants pour permettre à ces possesseurs de
participer, comme les électeurs du second degré, à l'élec-
tion des députés des communes rurales par les soins du
chef de la circonscription dans le ressort de laquelle se
trouve le lieu du vote.
Pour les listes A, le gouverneur du pays doit provoquer
les réclamations par une insertion dans le journal local.
Ces réclamations doivent se produire dans la quinzaine du
jour de la publication. Les listes B doivent être communi-
quées à toute personne par le maire dans la maison com-
mune, et les listes C par le chef de la circonscription dans
son local officiel. Avis est donné au public de cette com-
munication, afin de provoquer les réclamations qui doivent
se produire dans la huitaine du jour de cet avis. Les récla-
mations formées près du maire doivent être communiquées
par lui, dans les trois jours, aux autorités politiques sou-
veraines immédiatement supérieures ou, dans les villes
jouissant de statuts spéciaux en dehors de la capitale du
pays, au chef de circonscription auquel le gouverneur
du pays a confié la décision des réclamations. Les réclama-
tions régulièrement formées, le gouverneur du pays décide
sur celles concernant les listes A, le premier magistrat de
l'administration pohtique souveraine d'où relève immédia-
tement la commune ou le chef de circonscription auquel
cette décision a été confiée, sur celles concernant les listes
B, le chef de circonscription chargé de cette mission sur
celles concernant les listes C. En ce qui concerne les listes
B et C, un recours peut être formé, dans les trois jours,
auprès du gouverneur du pays dont la décision est toujours
en dernier ressort. Aussitôt que les listes électorales de la
grande propriété foncière, comme aussi celles des villes,
sont régulièrement arrêtées, les électeurs de la grande
propriété foncière reçoivent du gouverneur du pays et les
électeurs des villes du premier magistrat de l'administra-
tion politique souveraine, d'où elles relèvent immédiate-
ment, des cartes d'aptitude pour l'élection des députés.
Ces cartes portent un numéro de série correspondant à
ceux de la liste électorale, le nom et la demeure de Pélec-
teur, le lieu, le jour et l'heure du commencement et de la
clôture du vote. Pour l'élection des députés des communes
rurales, l'autorité politique de la circonscription fixe sur
la base de la population, d'après le dernier recensement,
le nombre des électeurs du second degré à nommer par
chaque commune ; elle indique le jour et l'heure des élec-
tions et désigne un commissaire pour présider aux opéra-
tions électorales. La commission électorale se compose de
ce commissaire et de la municipaUté. La nomination des
électeurs du second degré a lieu au temps et à l'endroit
fixés, quel que soit le nombre des électeurs présents. Le
vote est reçu verbalement ou par écrit, suivant que dans
le pays le vote pour la nomination des électeurs chargés
de choisir les députés à la diète du pays a lieu verbale-
ment ou par écrit. Des bulletins de vote sont délivrés à
chaque électeur et revêtus du sceau officiel, qui varie pour
chaque catégorie. Tous les autres bulletins sont considérés
comme nuls.
Pour l'élection des députés, la direction des opérations
électorales appartient, en présence du commissaire du
gouvernement, à une commission choisie par les électeurs
et composée de sept membres. A chaque commission est
adjoint, par les soins du commissaire, un secrétaire qui
dresse procès-verbal des opérations et y consigne tous les
incidents importants qui se produisent, spécialement toutes
les décisions prises par la commission électorale. Le vote
a exclusivement lieu, dans la catégorie des électeurs de la
grande propriété foncière et des villes, par bulletins ; dans
les communes rurales, il a lieu verbalement ou par bulle-
tins, suivant les coutumes locales. Est élu député celui qui
obtient plus de la moitié des suffrages exprimés valable-
ment. Pour les chambres de commerce et d'industrie,
l'élection a lieu en présence du commissaire désigné par
le gouverneur du pays. Chaque membre de l'assemblée
ayant droit de vote dépose son bulletin d'après les règles
édictées par la chambre dont il fait partie. Le procès-
verbal est tenu par le secrétaire de la chambre. Il est
remis au commissaire qui le transmet au gouverneur du
pays. Le gouverneur, connaissance prise des documents
électoraux qui lui sont transmis, délivre à tout député élu
un certificat d'élection. Ce certificat donne au député droit
d'entrée dans la Chambre des députés du Reichsrath. Ces
pièces, relatives à l'élection, doivent être envoyées au
ministre de l'intérieur, qui les transmet à la présidence de
la Chambre.
Hongrie. Les députés à la Chambre de Hongrie sont
nommés d'après le système censitaire. C'est une commission
centrale qui confectionne, revise les listes électorales et
dirige les élections parlementaires. Cette commission, cons-
tituée dans chaque circonscription et dans chaque ville, se
compose de douze membres, de seize, de vingt-quatre et
plus, selon que la circonscription embrasse un, deux, trois,
et plus, districts. Elle est présidée par le premier fonction-
naire de la circonscription ou de la ville. Elle correspond
directement avec le ministre de l'intérieur, les tribunaux, les
autorités, corporations et individus. Ses séances sont pu-
bliques. Les membres sont élus par l'assemblée générale de
la circonscription ou de la ville et pour trois ans. — La liste
lin —
ÉLECTION
des électeurs est dressée d'office et re visée annuellement par
les comités d'inscription comprenant trois membres délé-
gués par la commission centrale. La commission centrale
examine les listes ainsi dressées, les fait compléter ou les
complète elle-même à l'aide des données à sa disposition
et dresse, par ordre alphabétique, la liste provisoire des
électeurs, d'après un modèle donné par le ministre de
l'intérieur. Les réclamations sont jugées par la commission
centrale. On peut appeler de ses décisions à la cour royale.
La revision annuelle des listes doit s'effectuer de manière
que la liste provisoire des élections puisse être exposée à
partir du 5 juil. ; les réclamations sont présentées du 5
au 15 juil. et les observations sur les réclamations sont
reçues du 16 au 25 juil. La commission centrale doit avoir
terminé ses opérations et adressé ses représentations à la
cour royale le 1^"^ nov. ; la cour doit tout terminer pour le
15 déc. ; la rédaction définitive et l'expédition des listes
définitives doivent toujours être faites au plus tard le
30 déc. Les listes sont valables pour l'année qui suit. Le
ministre de l'intérieur fixe un délai de dix jours pour les
élections générales. La commission centrale désigne pour
chaque district le président et le secrétaire chargés de
diriger les opérations électorales. Dans les districts où le
nombre des électeurs ne dépasse pas 1,500, un seul comité,
constitua sous la présidence du président de collège, recueille
les votes. Si le nombre des électeurs dépasse 1,500, on
constitue deux comités de scrutin ; s'il dépasse 3,000, on
constitue trois comités. Le président du collège dirige toute
l'élection ; il est chargé du maintien de l'ordre. Les prési-
dents de comités recueillent les votes des électeurs. Le
scrutin est ouvert au chef-lieu du district à huit heures du
matin. Tout électeur du district peut porter un candidat,
la désignation est adressée par écrit au président du collège.
La candidature doit en être annoncée au plus tard une
demi-heure après l'ouverture du vote. Lorsqu'une demi-
heure après l'ouverture du vote, il n'a été présenté qu'un
seul candidat, le président du collège déclare le vote ter-
miné et proclame le candidat député du district. Si plu-
sieurs candidats ont été désignés et que dix électeurs
demandent la votation, elle doit être ordonnée par le prési-
dent du collège ; elle commence à neuf heures du matin
et est continuée sans interruption, ce qui fait que l'élec-
tion dure parfois deux ou trois jours y compris les nuits.
Les communes ou quartiers sont admis au vote dans l'ordre
fixé par la commission centrale et les électeurs de la même
commune ou du même quartier séparément, suivant le
candidat pour lequel ils votent. Le sort décide pour la
première commune quel parti sera d'abord admis au vote ;
pour les communes qui suivent, les deux partis alternent.
Le vote est public et verbal. Le nom du votant et son vote
ainsi que la commune et le quartier dont il fait partie sont
aussitôt consignés dans les registres préparés à cet effet.
Si, dans le cours du scrutin, les candidats, à l'exception
d'un seul, se retirent et communiquent cette résolution au
président de collège, le candidat restant est proclamé
député aussitôt. Lorsque aucun des candidats n'a obtenu la
majorité absolue, il y a un scrutin de ballottage entre les
deux candidats qui ont obtenu le plus de voix. L'ensemble
de l'opération électorale est consigné dans un procès-ver-
bal. Ce procès-verbal, ainsi que les procès-verbaux des
bureaux électoraux et les listes du scrutin, est rédigé en
hongrois et en trois exemplaires. Un exemplaire est en-
voyé au candidat élu, les deux autres à la commission cen-
trale, qui en dépose un aux archives de la juridiction ou
de la ville et expédie l'autre au ministre de Tintérieur. La
cour royale statue sur les élections contestées ainsi que
sur les inscriptions, omissions ou radiations litigieuses, en
dernier ressort. Tout acte de corruption ou de violence est
très sévèrement réprimé.
Belgique. Les listes électorales sont dressées dans les
communes et revisées tous les ans par le collège des bourg-
mestre et échevins. Elles sont permanentes ; chacun peut
prendre en copie. Les réclamations doivent être adressées
à la députation du conseil provincial ; on peut appeler de
ses décisions à la cour d'appel. La cour de cassation juge
en dernier ressort. Les électeurs se réunissent au chef-lieu
du district administratif. La présidence du bureau appar-
tient au président du tribunal ou au juge de paix; les scru-
tateurs sont tirés au sort parmi les conseillers municipaux ;
les secrétaires sont choisis parmi les électeurs présents. Les
députés à éhre doivent obtenir la majorité absolue ; en cas
de ballottage, 1© second tour de scrutin commence une heure
après la proclamation du résultat du premier, à moins toute-
fois que l'heure soit trop avancée (cinq heures du 1^^ mars
au 1^' sept, et trois heures du 1^^ oct. au 1^^ mars), auquel
cas l'élection est remise à un autre jour fixé par arrêté
royal. Nous n'entrerons pas dans le détail des prescriptions
minutieuses concernant les opérations électorales. D'ailleurs
le droit électoral belge est sans cesse remanié. Il a fait
l'objet d'une infinité de lois qui ont été réunies en un code
en 1872 ; ce code, plusieurs fois modifié, a été coordonné
de nouveau le 5 avr. 1881 ; depuis, il a été encore rema-
nié par les lois du 24 août 1883, 26 avr. et 21 mai 1884,
22 août 1885, 26 mai 1888.
Danemark. Les listes électorales sont dressées et re vi-
sées tous les ans par les administrations municipales. Pour
les élections au Folkething, l'autorité locale procède aux opé-
rations dans chaque district. Le vote est public. Les élec-
teurs assemblés votent par acclamation; si leur décision
paraît douteuse, il est procédé à un scrutin écrit et public.
La majorité relative suffit.
Espagne. — Comme on l'a vu au mot Constitution,
une partie du Sénat espagnol est élue soit par les académies,
certaines sociétés économiques et certains corps (universités,
chapitres, etc.), soit par des députations provinciales
et des délégués des municipalités. Voici comment il est
procédé dans les deux cas pour la formation des listes et les
opérations électorales : — 1° Le 1*^^ janv. de chaque année,
les directeurs et présidents des académies et sociétés éco-
nomiques ayant le droit de nommer des sénateurs, forment
et publient les listes des académiciens efi'ectifs et associés
qui les composent. Le même jour, les recteurs des univer-
sités forment et publient les listes des membres qui com-
posent le corps universitaire, professeurs et docteurs, en y
comprenant les directeurs des établissements d'enseigne-
ment secondaire et des écoles spéciales qui existent dans
leur circonscription. Les chapitres ecclésiastiques se réu-
nissent quinze jours avant le jour indiqué pour l'élection
générale dans leur cathédrale respective, et, se conformant
aux règles qu'ils ont établies pour élire leurs membres,
ils nomment un d'entre eux qui au jour fixé se rend au
chef-lieu métropolitain pour participer à l'élection sénato-
riale. L'évêque-prieur de Ciudad Real et le chapitre de
l'église se réunissent à l'église métropolitaine et primatiale
de Tolède. Dans les huit jours de la publication du décret
royal ordonnant de procéder aux élections, les sociétés
économiques se réunissent au siège de leur étabhssement
respectif, et nomment les délégués qui doivent se rendre à
Madrid, Barcelone, Léon, Séville ou Valence, à l'effet de
désigner, avec ceux que nomment les sociétés économiques
de ces capitales, le sénateur qui leur est attribué par la
loi. Cette mission peut être remplie par mandataire. Au
jour fixé par le décret, à dix heures du malin, les corpo-
rations se réunissent dans le local ordinaire de leurs
séances publiques, sous la présidence de leur président,
directeur ou chef; sont scrutateurs le plus âgé et le plus
jeune des membres présents, et secrétaire celui de la corpo-
ration. Chaque électeur dépose dans l'urne par la main du
président son bulletin de vote. Le président dépouille le
scrutin, le secrétaire annonce le nom inscrit sur chaque
bulletin. L'élection se fait à la majorité absolue des voix,
à la majorité relative au second tour de scrutin.
Les provinces ecclésiastiques qui forment les archevê-
chés de Tolède, Séville, Grenade, Santiago, Saragosse, Tar-
ragone, Valence, Burgos et Valladolid ont droit chacune à
un sénateur. Pour l'élection, les évêques suffragants et les
ÉLECTION
-. 746 —
membres nommés par leurs chapitres respectifs se réunissent
dans la capitale de chacune d'elles au jour fixé par l'arche-
vêque. Le métropolitain préside à l'assemblée pubHque,
l'élection se fait suivant la même procédure que ci-dessus.
Procès-verbal de chaque élection est dressé : l'original
demeure dans les archives de chaque corporation ; une copie
est remise à l'élu pour lui servir de lettre de créance, et
pour être présentée au secrétariat du Sénat. Une autre
copie est adressée au ministre de l'intérieur, une autre
enfin avec tout le dossier est transmise au Sénat dans le
délai de huit jours.
2*^ Le i^^ janv. de chaque année les municipalités for-
ment et publient les listes de leurs membres et d'un
nombre quadruple d'habitants de la commune qui seront
les plus imposés au rôle des contributions directes; ces
listes restent exposées en public jusqu'au 20 janv., et la
municipalité statue sur les réclamations avant le l^'' févr.
Appel peut être formé devant la commission de la députa-
tion qui statue dans les quinze jours suivants et dont les
décisions peuvent être portées devant la cour d'appel qui
statue sans frais avant le 4^'' mars. Avant le 8 mars, les
municipahtés publient les listes définitives. Huit jours avant
la date fixée par le gouvernement pour l'élection générale
des sénateurs, aura lieu, dans chaque commune, celle des
délégués qui devront se rendre à la capitale de la province
pour prendre part à l'élection. Chaque district municipal
élit, au moyen des membres de la municipalité et des plus
fort imposés, un nombre de délégués égal au sixième des
conseillers. A dix heures du matin du jour fixé se réunis-
sent à la maison de ville, sur les ordres de l'alcade et sous
sa présidence, les membres des municipalités et les plus
fort imposés. Un bureau provisoire est constitué par l'ad-
jonction au président des deux plus âgés comme scruta-
teurs, et du plus jeune comme secrétaire. Il est ensuite
procédé par bulletins à l'élection de deux scrutateurs et
d'un secrétaire. Le bureau définitif une fois constitué, il
est procédé à l'élection des délégués au moyen de bulletins
que les électeurs déposent dans l'urne par la main du pré-
sident. On proclame les délégués élus suivant les formes
déjà suivies ci-dessus. Procès-verbal est rédigé. L'original
demeure dans les archives de la municipalité, des copies
sont faites, dont une est remise à chaque délégué pour lui
servir de lettre de créance, une au gouverneur de la pro-
vince, une autre à la députation provinciale. Les délégués
se présentent dans la capitale de la province deux jours
avant celui fixé pour l'élection. L'assemblée générale com-
posée de la députation provinciale et des délégués élus par
les districts municipaux se tient dans un local désigné par-
le gouverneur de province le jour avant celui qui a été
fixé pour l'élection. Les électeurs se réunissent à dix heures
du matin, sous la présidence du président de la députation
provinciale, qui désigne quatre secrétaires scrutateurs pro-
visoires, les deux plus âgés et les deux plus jeunes délé-
gués présents. Le bureau provisoire examine et revise tous
les certificats de nomination des délégués, puis on procède
à l'élection des quatre scrutateurs du bureau définitif. Le
jour suivant, l'assemblée électorale est réunie à dix heures
du matin. Le vote commence par les secrétaires scrutateurs,
puis les députés et les délégués indistinctement et en der-
nier lieu le président de l'assemblée. Lorsqu'un candidat
ne réunit pas la moitié plus une des voix, il est procédé
à un second tour de scrutin qui ne porte que sur ceux qui
ont obtenu le plus grand nombre de voix jusqu'au double
du nombre à élire. La majorité relative suffît au second
tour. Les opérations terminées, le président proclame scru-
tateurs ceux qui ont été élus, et le procès-verbal est dressé
par les secrétaires scrutateurs. L'original est déposé aux
archives de la députation provinciale, une copie est expé-
diée au ministre de l'intérieur, une autre au sénateur élu
pour être remise au secrétariat du Sénat ; une autre enfin
avec le dossier est envoyée au Sénat dans le délai de huit
jours,
Une loi récente (26 juin 4890) a rétabli en Espagne le
suffrage universel, qui avait déjà fonctionné en 4869.
Sont électeurs tous les Espagnols mâles majeurs de vingt-
cinq ans, ayant la pleine jouissance de leurs droits civils,
domiciliés dans un municipe et ayant dans ce municipe
deux ans au moins de résidence. Les députés sont élus
par les districts électoraux et par les collèges spéciaux.
Le vote est limité dans les districts et collèges nommant
plus d'un député : si le district nomme de 2 à 4 députés,
l'électeur a une voix de moins que ce total '; si le district
nomme de 3 à 8 députés, l'électeur a 2 voix de moins ; si
le district nomme plus de 8 députés, l'électeur a 3 voix
de moins. Les universités littéraires, les sociétés écono-
miques, les chambres de commerce, d'industrie, d'agricul-
ture officiellement organisées forment des collèges spéciaux
et ont droit à un député par 5,000 électeurs. Les corpo-
rations qui ne comptent pas 5,000 membres se réunissent
à une corporation voisine pour former un collège. On ne
peut être inscrit à la fois dans un district et dans un collège
spécial. La Chambre juge de la régularité de l'élection de
ses membres.
Grande-Bretagne, Les listes électorales sont dressées
par les soins des inspecteurs (overseers),Mes sont publiées
le 4^^^ sept, avec le relevé des demandes d'inscription et les
observations des overseers ; tout électeur peut protester
contre toute inscription, les protestations sont signifiées
aux intéressés et le relevé est affiché; quinze jours après,
ces listes sont revisées par des reviseurs désignés dans
chaque ressort judiciaire par le premier des juges chargés
de présider les assises d'été. Chaque reviseur tient dans sa
circonscription, du 15 sept, au 48 oct., une audience à
laquelle assistent les overseers, les greffiers des comtés et
villes et les électeurs qui ont réclamé ou protesté. Le
reviseur répare les omissions et suppressions justifiées ; sa
décision est sans appel pour les points de faits ; sur les
points de droit, il peut en être fait appel devant la cour des
plaids communs. Les convocations pour les élections géné-
rales se font par ordonnance du souverain adressée au
lord chancelier et transmise au sheriff. Pour les élections
partielles, elles se font par ordre du speaker de la Chambre,
transmis au clerc de la couronne, lequel le fait parvenir
aux autorités compétentes. Les magistrats agissant en qua-
lité de commissaires électoraux (returning officers), she-
riffs, baiUis, etc., procèdent dans le délai de six jours aux
opérations électorales. Les électeurs sont avertis du jour
de l'élection par un avis du returning officer publié dans
les deux jours qui suivent l'arrivée de la lettre de convo--
cation. Tout candidat au Parlement devra être présenté
par écrit. La feuille qui contient son nom doit porter la
signature de deux électeurs inscrits, l'un pour le proposer,
l'autre pour l'appuyer. Cette feuille sera remise, au moment
fixé pour l'élection, au returning officer par le candidat
lui-même, par celui qui propose ou par celui qui appuie.
L'élection a lieu entre dix heures du matin et trois heures ;
elle ne dure que deux heures. Si après une heure écoulée
depuis l'instant fixé pour la fin de l'élection il n'y a pas
plus de candidats désignés qu'il n'y a de. sièges vacants,
le returning officer proclamera élus les candidats présen-
tés, mais si à l'expiration de l'heure il y a plus de candi-
dats désignés que de sièges vacants, le returning officer
ajournera l'élection et recourra au scrutin. A son entrée
dans la salle du vote, chaque électeur reçoit un bulletin
contenant les noms,prénoms et professions de tous les can-
didats. Le votant, après avoir secrètement inscrit son vote
sur le bulletin et l'avoir plié, le déposera dans une boîte
close en présence du président du scrutin. Après la clôture
du vote, les urnes sont scellées et confiées au returning
officer qui doit, en présence des représentants des candi-
dats, procéder à leur ouverture et vérifier les résultats du
scrutin en comptant les voix données à chaque candidat ;
il proclame ensuite l'élection du candidat auquel la majo-
rité des voix aura été donnée et il transmet un nom
au clerc de la couronne en chancellerie. La décision du
returning officer sur toute question relative à la validité
— 747
ÉLECTION
des votes est définitive , sauf le droit de contester une
élection par voie de pétition. Dans les universités, le vote
a lieu sous la direction des autorités universitaires, au
scrutin direct et secret et par correspondance pour les élec-
teurs qui ne peuvent se rendre au siège de l'élection. La
législation électorale anglaise punit très durement les
fraudes et les tentatives de corruption. Toutes les dépenses
nécessités par les opérations électorales sont à la charge
des candidats.
Grèce. L'élection de la Chambre des députés se fait dans
chaque commune au moyen d'une liste sur laquelle devront
être inscrits tous les citoyens qui ont le droit de voter. Cette
liste est dressée par le maire, qui se rend dans chaque
village pour relever les noms des électeurs; elle est
ensuite soumise au conseil municipal, qui présente toutes les
observations qu'il juge nécessaires. Ces observations sont
soumises au juge de paix qui revise la liste et reçoit les
réclamations des électeurs. Le tribunal de première ins-
tance juge en appel et en dernier ressort. La liste électorale
devient définitive en vertu de la décision du tribunal de
première instance. Des exemplaires sont transmis au juge
de paix, au maire, à l'autorité administrative. Les autres
sont remis au receveur général de la province chez lequel
chacun peut s'en procurer moyennant un droit de 2 drachmes.
Les autorités municipales sont obligées d'acheter à ce prix
autant d'exemplaires de la liste électorale de leur commune
qu'il y a de villages dans cette commune, et d'en adresser un
exemplaire à chaque adjoint de village. La liste électorale
générale est revisée le 4®^' mai de chaque année. Vingt-cinq
jours avant le jour fixé pour le vote par ordonnance royale,
les propositions des candidats doivent être notifiées par
huissier au président du tribunal de première instance ; au
texte de cette déclaration doit être annexé un reçu d'un
receveur de province certifiant le dépôt par le candidat des
frais électoraux. Le tribunal proclame le lendemain en
séance publique les noms des candidats dûment proposés.
À chaque assemblée d'électeurs ou section électorale, doit
être présent pendant tout le temps de l'élection un repré-
sentant de l'autorité judiciaire qui peut procéder d'office
ou sur la demande de tout électeur à l'instruction et à la
vérification de tous les actes passibles d'une peine et de
toute violation de loi électorale. Les bureaux électoraux sont
formés, en tirant au sort sur une liste d'anciens fonction-
naires dressée par le maire, un président et (juatre assesseurs.
C'est le tribunal de première instance qui procède à cette
opération. Le secrétaire est choisi par le bureau parmi les
électeurs. Chaque candidat a le droit de désigner un em-
ployé pour le vote. Le nombre de ces employés ne doit
jamais dépasser celui des urnes. Les membres du bureau.
reçoivent une indemnité de 5 drachmes sur la caisse pu-
blique. Les employés au vote reçoivent également une
rétribution de 5 drachmes. Le scrutin dure un jour : il est
ouvert au lever du soleil et clos au coucher du soleil; il a
toujours lieu un dimanche. Le préfet désigne le local qui
est soit une salle d'école primaire de garçons, soit l'église
la plus spacieuse du chef-lieu de la commune. Le bureau
électoral procède à l'arrangement des urnes dans l'ordre
suivant. Sur une table ou des tables mises à côté l'une de
l'autre et vis-à-vis de la place où le bureau siège, sont
déposées autant d'urnes qu'il y a de candidats. Chaque urne
porte sur sa face antérieure une tablette fixe sur laquelle
est inscrit le nom du candidat. Ce nom est reporté sur la
surface intérieure de la couverture des urnes. Les urnes
sont en métal; elles ont à l'intérieur deux divisions dési-
gnées extérieurement par deux couleurs : blanche et noire.
Le mot Oui est inscrit en lettres capitales sur la division de
droite ou blanche, le mot Non sur celle de gauche ou noire.
Les électeurs entrent dans la salle du vote cinq à la fois et
se présentent au bureau qui, vérifie leur identité. Cinq
boules en plomb sont remises à chacun des employés au
vote. Ces employés portant le vase ad hoc où ils ont placé
les boules, se tiennent chacun à côté de l'urne à laquelle ils
sont attachés,- et remettent à l'électeur au moment où il
passe devant l'urne une boule en prononçant en même temps
distinctement le nom et le prénom du candidat à laquelle
l'urne appartient. L'électeur prend la boule et la lève entre
le pouce et l'index pour montrer qu'il n'en tient qu'une
seule, et immédiatement après introduit sa main dans l'urne
et vote. La même opération se répète jusqu'à ce que l'élec-
teur finisse par passer devant toutes les urnes. Le scrutin
fini, le bureau et les candidats signent un protocole dressé
par l'autorité administrative et sur lequel sont inscrits les
électeurs votants et leur numéro d'inscription sur la liste
électorale. Pour dépouiller le scrutin on ouvre les urnes
d'après l'ordre de leur classement, et on compte les oui et
ensuite les non. Procès-verbal est dressé, remis au repré-
sentant de l'autorité judiciaire qui le transmet au président
du tribunal de première instance. Le tribunal fait le recen-
sement général des voix obtenues par chacun des candidats,
et proclame ceux qui ont obtenu la majorité relative des
voix exprimées. La Chambre est seule juge de la validité de
l'élection de ses membres. Les infractions à la loi électo-
rale sont punies de peines pécuniaires assez élevées, d'em-
prisonnement et de privation des droits politiques.
Italie. La législation électorale de l'Italie a une certaine
analogie avec celle de l'Angleterre en ce qui concerne les
catégories d'électeurs, propriétaires ou locataires de biens
ruraux : il est tenu compte aussi des capacités et de cer-
taines garanties ou aptitudes qui dispensent les électeurs
de l'obligation du cens. Les listes électorales sont perma-
nentes. Les inscriptions et radiations sont opérées par la
junte municipale ; les réclamations contre les décisions de
cette assemblée sont déposées au conseil communal en pre-
mier ressort, et en appel à une commission provinciale
composée du préfet, du président du tribunal du chef-lieu
et de trois conseillers provinciaux élus par le conseil. Le
vote a lieu au scrutin de liste. En cas de ballottage, le
scrutin doit porter seulement sur les candidats qui ont
obtenu le plus de voix. Les collèges qui ont 5 députés à
élire votent d'une manière limitative, c.-à-d. que chaque
électeur ne nomme que 4 députés : on a voulu ainsi assu-
rer la représentation proportionnelle des diverses frac-
tions du corps électoral. Il y a 135 collèges électoraux;
chaque collège est divisé en sections ; la division en sec-
tions est faite par commune de manière que le nonibré
des électeurs ne soit pas supérieur à 400, ni inférieur
à 100 électeurs inscrits. Les collèges sont convoqués par
le roi. Il doit y avoir un intervalle de quinze jours au
moins entre la publication du décret royal et le jour fixé
pour les élections. Dans chaque section, il est constitué un
bureau provisoire qui est présidé soit par le président de
la cour d'appel, soit par le président du tribunal d'arron-
dissement, soit par le juge de paix, soit par le syndic, selon
les lieux. Deux conseillers de la commune remplissent les
fonctions de scrutateurs. Le bureau provisoire se consti-
tue à neuf heures du matin le jour de l'élection. La salle
de vote est divisée par une cloison d'un mètre de haut avec
une ouverture pour le passage d'une partie à l'autre. Les
électeurs se tiennent dans la première partie, le bureau dans
la seconde. Dès que vingt électeurs au moins sont présents,
on procède à l'élection du bureau définitif, composé d'un
président et de quatre scrutateurs. Chaque électeur écrit
sur son bulletin trois noms, et l'on proclame élus les cinq
qui ont obtenu le plus grand nombre de voix. Celui qui a
le plus de voix est le président. Ce bureau choisit un secré-
taire parmi les électeurs présents et dans l'ordre suivant :
i^ les notaires; 2^ les greffiers; 3° les secrétaires commu-
naux ; 4<> les autres électeurs. Si à dix heures du matin les
opérations électorales pour la constitution du bureau défi-
nitif ne sont pas commencées, le bureau provisoire devient
définitif. On tire alors au sort le nom d'un des scrutateurs
qui signe au dos autant de bulletins qu'il y a d'électeurs
dans la section. Au fur et à mesure, le président imprime
sur ces bulletins le cachet municipal et les place dans une
urne de verre transparent. Chaque électeur est ensuite
appelé dans l'ordre de son inscription sur les listes. Le pré-
ÉLECTION
748 -
gident tire de l'urne un bulletin qui est remis déplié à l'élec-
teur. L'électeur s'assied à une table et inscrit les noms des
candidats pour lesquels il vote ; il remet son bulletin plié au
président qui le dépose dans une seconde urne de verre
transparent. Un scrutateur pointe la liste électorale au fur
et à mesure du vote. Le scrutin reste ouvert jusqu'à quatre
heures de l'après-midi au moins. Après le dépouillement et la
proclamation du résultat par le président, les bulletins sont
brûlés sauf ceux contestés. Mais, si dix électeurs au moins
protestent contre l'inexactitude de la lecture des bulletins
ou la substitution de bulletins à d'autres, tous les bulletins
sont annexés au procès-verbal sous pli cacheté. Le prési-
dent de la première section du collège réuni aux présidents
des autres sections, récapitule les votes de chaque section
sans pouvoir en modifier le total, et prononce sur tous les
incidents relatifs aux opérations qui s'y rattachent. Sont
déclarés élus ceux qui ont obtenu le plus grand nombre de
voix pourvu que ce nombre soit supérieur au huitième des
électeurs inscrits. Au second tour de scrutin, sont élus les
candidats qui obtiennent le plus grand nombre de voix vala-
blement exprimées.
Luxembourg. La loi électorale du grand-duché de
Luxembourg ressemble beaucoup à celle de la Belgique.
La formation, la publicité, la revision de listes sont con-
fiées à la direction et à la surveillance des autorités admi-
nistratives ; les réclamations sont portées devant le tribunal
de l'arrondissement et jugées sommairement. Il y a un col-
lège électoral par canton. Les électeurs ne peuvent être
réunis au nombre de plus de 300, ni moins de 150. Des
candidats doivent être présentés par un nombre d'électeurs
qui doit être égal à cinq fois celui des députés à élire, et
qui ne peut être inférieur à dix. Les candidats doivent éga-
lement être assistés de témoins. Les électeurs ne sont pas
admis à séjourner dans les salles de vote. Ils y pénètrent
individuellement et n'y restent que le temps strictement
nécessaire pour recevoir leur bulletin, passer dans un com-
partiment séparé pour marquer d'une croix avec un crayon
le candidat pour lequel ils votent, et remettre ce bulletin
au président. La Chambre des députés prononce souve-
rainement sur la validité des élections et de ses membres.
Norvège, Les listes électorales sont dressées dans les
villes par les magistrats et dans chaque paroisse par le
pasteur. Elles doivent comprendre les noms de tous les
citoyens ayant droit de vote. Ces listes sont l'objet d'une
revision tous les trois ans ; elles sont mises à la disposition
du public, qui a toujours le droit de réclamer. Le magistrat
ou le pasteur décident des questions litigieuses. C'est le
Storthing qui juge en appel. Les électeurs primaires se
réunissent dans un édifice public (église, hôtel de ville, etc.)
dans les villes ou dans l'église principale de la paroisse
dans les campagnes. Le président du bureau de vote fait
connaître à l'assemblée pour quel nombre d'électeurs du
second degré ils auront à voter. Ensuite les électeurs sont
appelés dans l'ordre où ils sont portés sur la liste. Il leur
est remis à chacun une enveloppe marquée d'un sceau
officiel, et on leur indique un endroit écarté de la salle de
vote où ils placeront sans être vus leur bulletin de vote
dans l'enveloppe qu'ils déposeront ensuite dans une urne
placée sur la table du bureau. Les électeurs qui ne peuvent
se présenter pour cause de maladie, de service militaire ou
autre sont autorisés à voter par écrit. L'appel terminé,
les enveloppes sont mêlées. Ensuite les bulletins sont lus
à haute voix par un membre du bureau et s'ils sont valables
signés par deux des membres du bureau. Enfin les voix
sont comptées. Après le vote, les bulletins sont brûlés,
sauf les litigieux.
Pays-Bas. Les listes électorales sont dressées en suite
des indications envoyées annuellement avant le 15 févr. au
président du conseil communal par les receveurs des con-
tributions directes qui les contresignent. Elles mentionnent,
outre le nom et les prénoms de l'électeur, le lieu et la date
de sa naissance, le montant delà valeur locative de l'habi-
tation pour laquelle il est imposé ou le montant de son
imposition foncière. Elles sont affichées dans le mois qui
suit. Les réclamations sont adressées au conseil communal,
l'appel porté devant le tribunal d'arrondissement ; la haute
cour juge en dernier ressort. Huit jours avant le jour de
l'élection, les électeurs reçoivent de la part du président
du conseil communal, à leur domicile, une lettre de con-
vocation fermée et un bulletin portant, s'il s'agit d'une
élection pour le conseil communal, le sceau de la commune,
s'il s'agit d'une élection pour les Etats provinciaux ou la
seconde Chambre, le sceau des capitales, du principal et du
sous-district électoral. Le bulletin rempli par écrit est
déposé par l'électeur au lieu destiné au dépôt, dans l'urne
s'y trouvant. Le dépôt du bulletin commence à neuf heures
du matin et continue jusqu'à quatre ou cinq heures de
l'après-midi. Le bureau électoral est composé d'un prési-
dent qui est le président du conseil de commune et de deux
membres du conseil élus par celui-ci. Une fois le scrutin
clos, l'urne est scellée en présence des électeurs. Le dé-
pouillement est fait dans la capitale du district électoral
principal le lendemain de l'élection. Le président proclame
ensuite le nombre dé voix qui constitue la majorité absolue
et celui des votes donnés à chaque personne.
Portugal. L'élection des députés a lieu : 1° au scrutin
de liste dans les circonscriptions ayant pour chef-lieu les
capitales des districts du continent et des îles adjacentes.
Dans ce cas, les bulletins de vote pour les cercles de
trois députés portent deux noms au plus; ceux pour les
circonscriptions de quatre députés trois noms au plus,
ceux pour les cercles de six députés quatre noms au plus;
les noms en excès sont réputés non écrits, dans l'ordre de
leur inscription ; 2° au scrutin uninominal dans les autres
circonscriptions du continent ; 3° par suffrages accumulés
pour les six députés qui auront obtenu 5,00-0 suffrages au
moins sur le continent et dans les îles adjacentes. Dans les
circonscriptions plurinominales ou uninominales, sont élus
députés les citoyens qui ont obtenu le plus de voix jusqu'à
concurrence pour chaque circonscription du nombre de
députés qui lui aura été attribué. La préférence entre les
élections des circonscriptions de classes différentes sera
déterminée par les règles suivantes : 1*^ l'élection par une cir-
conscription sera toujours préférée à l'élection par suffrages
accumulés; â'^ l'élection par une circonscription plurino-
minale sera toujours préférée à l'élection par une circons-
cription uninominale. Les bureaux des assemblées électo-
rales se composent du président, de deux scrutateurs, de
deux secrétaires et de deux suppléants. Lorsqu'il ne se
présente plus personne pour voter, le président fait faire
l'appel de tous les électeurs qui n'ont pas voté ; deux heures
après, il demande s'il reste quelqu'un qui se propose de
^ voter et reçoit les bulletins de ceux qui se présentent
aussitôt jusqu'au dernier. Le vote est terminé dès que tous
les bulletins des électeurs présents à l'assemblée et décla-
rant vouloir voter ont été reçus. Quand le scrutin n'est pas
terminé le premier jour, le président du bureau fait para-
fer par les deux secrétaires, sur'' le verso, tous les bulle-
tins reçus. Il les fait ensuite enfermer dans une cassette
à trois clefs qui est en outre scellée et gardée dans le
bâtiment même où le vote a eu lieu, dans un endroit
exposé à la vue et à la surveillance des électeurs si vingt au
moins d'entre eux l'exigent. Elle est ouverte le lendemain,
à neuf heures du matin, pour la continuation des opéra-
tions électorales. La vérification des pouvoirs des députés
élus est faite par l'assemblée des députés élus ou par la
Chambre. Mais les opérations ayant donné lieu à des pro-
testations dans les assemblées primaires ou les commissions
de dépouillement sont jugées par un tribunal spécial. Ce
tribunal est composé : l'^du président du tribunal suprême
de justice et de trois juges du même tribunal désignés par
le sort; 2^ de trois juges de la cour d'appel de Lisbonne
désignés par le sort. Les recensements électoraux sont faits
par des commissions élues suivant une procédure assez
compliquée.
Roumanie. Les listes électorales sont permanentes ;
l'original est inscrit dans un registre spécial, numéroté,
cousu et scellé. Les réclamations sont portées devant le con-
seil communal, appel est fait devant le tribunal. Chaque col-
lège électoral vote séparément. Lorsque le nombre des élec-
teurs est supérieur à mille, le vote se fait par sections sépa-
rées contenant chacune le même nombre d'électeurs. La divi-
sion des électeurs en sections se fait en même temps que l'affi-
chage des listes électorales provisoires et la désignation des
locaux destinés au vote en tenant compte de l'endroit où
demeure l'électeur. Les bureaux électoraux pour l'élection
des délégués se composent du maire de la commune comme
président, de deux scrutateurs et de deux secrétaires tirés
au sort parmi les électeurs sachant lire et écrire et présents
à l'ouverture du collège. Chaque électeur apporte son
bulletin de vote écrit ou imprimé. Il est interdit d'écrire
le bulletin dans la salle de vote. L'électeur doit y entrer
avec son bulletin plié de manière à ce que le texte n'en
soit pas visible et le déposer dans l'urne. Les bureaux
électoraux pour l'élection des députés et des sénateurs sont
présidés par les premiers présidents, les présidents et les
conseillers des cours d'appel. Deux secrétaires et deux
scrutateurs sont tirés au sort parmi les électeurs présents.
L'électeur, remet sa carte au président, qui en coupe un
coin et la lui rend. Le bureau donne à chaque électeur, qui
est tenu de le recevoir, un bulletin de vote de chacun des
candidats et une enveloppe avec laquelle il passe seul dans
une chambre secrète. Il introduit dans l'enveloppe son
bulletin de \>ote après l'avoir plié en quatre, puis il colle
l'enveloppe et la remet au président ou aux scrutateurs,
qui la déposent dans une urne fermée. Le bureau estam-
pille chaque enveloppe du sceau de la mairie. Le secret du
vote est prescrit à peine de nullité. L'appel des électeurs
inscrits sur la liste électorale une fois terminé, le scrutin
reste ouvert jusqu'à cinq heures du soir. Il est alors clos
et on procède au dépouillement. Mais, si des électeurs
n'ayant pas encore voté se présentent à cinq heures, leur
vote est reçu. Le président compte d'abord les enveloppes,
puis il les ouvre 1 une après l'autre devant les votants et
lit à haute voix les noms inscrits sur chaque bulletin.
Aussitôt les noms sont transcrits sur deux listes tenues
par les secrétaires. Après que le bureau a constaté le ré-
sultat de l'élection, qui que ce soit peut entrer dans la
salle du vote, et le président proclame à haute voix le
résultat général. Le recensement général est fait par le
bureau central.
Russie, En Russie, les assemblées de la noblesse sont
élues au scrutin à deux degrés. Les propriétaires notables
de la province se réunissent dans chaque district et nomment
avec l'assentiment du gouverneur des délégués chargés de
former au chef-lieu de la province le collège secondaire.
Ce collège élit les membres de l'assemblée, qui doivent toute-
fois être agréés ensuite par le tsar. — Les assemblées de
gouvernement sont composées de délégués nommés par les
assemblées de district. — Les assemblées de district sont
composées des délégués des gros propriétaires, des délégués
des villes, des délégués des communes rurales.
Serbie. Tout électeur doit retirer sa carte pour exercer
son droit; mais, pour qu'on la lui délivre, il faut qu'il
justifie avoir payé la somme des contributions exigées pour
l'électorat. Dans les villes qui n'ont qu'un député à élire,
la majorité absolue des voix est indispensable. Si personne
n'obtient cette majorité, on procède à un nouveau scrutin.
Dans les circonscriptions et les villes qui nomment plusieurs
députés, cinquante électeurs ont le droit de former une
liste de candidats. Chaque liste doit porter autant de can-
didats qu'il y a de députés à nommer. Elle reçoit le nom
de celui qui est inscrit en tête, et elle a son urne spéciale
en tout endroit où l'on vote. Le chiffre total des électeurs
qui ont voté, divisé par le nombre des députés que doit
choisir le collège intéressé, donne le quotient électoral
d'après lequel on détermine le nombre des candidats élus
à prendre dans chacune des listes. On attribue à chaque
liste autant de sièges qu'elle réunit de fois le quotient élec-
— 749 — ÉLECTION
toral. Le quotient est décerné tout d'abord au candidat
inscrit en tête de la liste et ensuite aux autres candidats
suivant l'ordre d'inscription jusqu'à ce que le nombre des
suffrages obtenus par cette liste soit épuisé. S'il reste
des sièges de députés pour lesquels aucune liste n'a réuni
un nombre de voix égal au quotient, ces sièges sont
répartis entre les listes disposant du chiffre le plus proche
du quotient jusqu'à ce qu'on obtienne le nombre complet
des députés. En cas d'égalité de suffrages, on tire au sort
la liste à laquelle doit être attribué le siège en cause. La
Skoupchtina a seule le droit d'examiner les pouvoirs de ces
membres et à prononcer sur leur validité, ainsi que sur les
contestations éventuelles élevées à ce sujet.
Suède, Les listes électorales sont dressées dans chaque
commune. Dans les divers collèges électoraux il est toujours
procédé au vote secret au moyen de bulletins imprimés ou
manuscrits déposés par l'électeur dans une urne sous les
yeux du magistrat compétent. Tous les bulletins inintelli-
gibles, incomplets ou portant le nom de personnes inéli-
gibles ou plus de noms qu'il ne doit être élu de candidats,
sont annules et n'entrent pas en compte pour la fixation de
la majorité. Les élections ont lieu à la majorité absolue des
voix ; en cas de partage égal, le sort décide entre les deux
candidats.
Suisse. Les registres électoraux sont exposés publique-
ment pour que les électeurs en puissent prendre connais-
sance, pendant au moins deux semaines avant l'élection et
clos au plus tôt trois jours avant la votation. Les élections
au conseil national et les votations se font au scrutin secret.
Il est dressé pour chaque élection un procès-verbal dont
l'exactitude est attestée par la signature du bureau com-
pétent. Ce procès-verbal est transmis au gouvernement du
canton, qui dresse le tableau du résultat des votations dans
les différentes assemblées et le porte de suite à la connais-
sance du public. Les réclamations sont adressées au gou-
vernement cantonal, qui les transmet au conseil fédéral. Les
élections pour le conseil national sont directes ; elles ont
lieu à la majorité absolue, même au second tour de scru-
tin. Si à ce second tour le nombre de ceux qui ont obtenu
la majorité absolue n'est pas égal au nombre des personnes
à élire, il est procédé à un troisième tour. Ne restent en
élection à ce troisième tour que trois fois autant de can-
didats qu'il y a de personnes à élire ; ces candidats sont
ceux qui ont obtenu le plus de voix ; au troisième tour, la
majorité relative suffit. Lorsque les opérations électorales
d'un arrondissement sont terminées, le gouvernement can-
tonal doit immédiatement donner par lettre aux élus con-
naissance de l'élection et communiquer au conseil fédéral
les noms des élus. La législation cantonale n'offre pas suffi-
samment d'originalité pour que nous en parlions.
Etats-Unis. Aux Etats-Unis, tous les pouvoirs, tant
législatifs qu'exécutifs, procèdent de l'élection. La Chambre
des représentants de la fédération se compose de députés
élus au suff'rage universel et par circonscriptions séparées.
Le lieu, l'époque, le mode et la forme des opérations
électorales varient dans chaque Etat, et nous ne saurions
entrer dans d'infinis détails à ce sujet. Nous nous conten-
terons de signaler une disposition générale d'après laquelle
tous les votes doivent avoir lieu par bulletin écrit ou
imprimé, quelle que soit la manière de procéder spéciale
des Etats.
Canada. Comme en Angleterre, il y a des fonctionnaires
spécialement chargés de la direction des opérations électo-
rales. Ce sont les officiers rapporteurs qui sont en général
choisis parmi les sheriffs et les registrateurs. Le rapporteur
est assisté par le secrétaire d'élection, les sous-officiers
rapporteurs et les greffiers des bureaux de vote. Le bref
d'élection est envoyé parle gouvernement général à l'officier
rapporteur, qui opère, s'il n'y a pas été pourvu par la légis-
lation ou les autorités locales, la subdivision des électeurs
en sections de vote, de façon qu'il y ait au moins une section
par 200 électeurs. Vingt jours ou huit jours, suivant les
districts, après la réception du bref, l'officier rapporteur
ÉLECTION
^ m
publie une proclamation annonçant les lieu, jour et heure
fixés pour la présentation des candidats, pour la votation
et pour la proclamation du résultat. La présentation des
candidats a lieu par écrit; le bulletin doit être signé de
vingt-cinq électeurs, accompagné du consentement du can-
didat, et on doit, en le déposant, verser entre les mains de
Tofificier rapporteur une somme pour le payement des
dépenses d'élection. S'il n'y a pas plus de candidats que
de sièges vacants, le ou les candidats présentés sont élus.
Si les candidats sont en nombre inférieur à celui des repré-
sentants à élire, l'élection est ajournée pour l'ouverture du
scrutin. Le scrutin est ouvert de trois heures à cinq
heures. Le bulletin de chaque électeur est un papier im-
primé indiquant les nom et profession des candidats ins-
crits alphabétiquement; le bulletin a un talon où sont
inscrites les mêmes indications. Aussitôt après la clôture
du scrutin, le sous-officier rapporteur, en présence des
candidats, ou de leurs agents, ou de trois électeurs au
moins, ouvre Turne et procède à la supputation des votes.
Les bulletins sont ensuite remis avec la liste des électeurs
et diverses autres pièces dans la boîte du scrutin qui est
transmise à l'officier rapporteur. Aux jour, lieu et heure
fixés, celui-ci fait l'addition générale des votes et déclare
le résultat. . .
Amérique latine. Pour les républiques sud-américames,
ainsi qu'il a été dit à l'art. Constitution, nous renvoyons
aux articles spéciaux consacrés à chacune d'elles, nous
bornant à donner ici quelques indications sur la procédure
électorale de la République Argentine. Selon que l'élection
a lieu à un ou à deux degrés, le système est analogue à
ceux appliqués en France et en Espagne.
République Argentine, Chaque municipalité tient un
registre électoral revisé et tenu au courant par des com-
missions spéciales. Ce registre comprend le nom, l'âge et le
lieu de naissance, la profession, le domicile de l'électeur,
et dit s'il est citoyen de naissance ou s'il a obtenu la natu-
ralisation. Une commission, dite junte des réclamations,
reçoit les réclamations pendant le mois de novembre et les
juge. Dans chaque district électoral, il y a un comice divisé
en tables, à raison d'une table par 400 électeurs au maxi-
mum, et d'une par 50 au minimum. Le sort désigne les
citoyens qui doivent faire partie des comices. Les tables
sont désignées par des numéros d'ordre. A la première
table viennent voter les électeurs inscrits depuis le n^ 1
jusqu'au n» 400. A la deuxième, les électeurs inscrits de-
puis le n'^ 401 jusqu'au n« 800, et ainsi de suite. Chaque
table est composée de cinq citoyens et prend ses décisions
à la majorité. Les comices s'installent sous le porche de
l'église ou à la maison municipale ou au tribunal, le
matin du jour du vote à huit heures et demie. Les scruta-
teurs se réunissent dans le local assigné à chaque comice ;
chaque table nomme un président; trois scrutateurs suffi-
sent pour former une table. Le comice nomme un pré-
sident. Le président de la municipalité installe le comice et
son président et leur remet le registre électoral, une urne
et du papier pour consigner le nombre des votants. Les
urnes électorales doivent être faites sur un modèle uni-
forme et distribuées aux autorités. Elles doivent se fermer
à clef. Une clef est entre les mains du président du
comice, une autre entre les mains du président de la table.
Au moment de se servir d'une urne, on l'ouvre pour mon-
trer qu'elle est vide. Le pointage est fait en double. Tout
vote doit être écrit sur du papier blanc et déposé dans
l'urne par le président. L'électeur doit se présenter dans
Tordre fixé pour la votation. Au moment de voter, il devra
dire son nom, son âge, son domicile, et le président véri-
fiera l'exactitude de sa déclaration. Deux électeurs pour-
ront seulement pénétrer à la fois dans l'enceinte de la
table. Le vote est clos à quatre heures du soir. Chaque
table dépouille son vote, vérifie le nombre des suffrages,
le compare à celui des électeurs, etc. Une fois le travail
terminé, le président du comice et les présidents des tables
constatent par écrit le nombre d'électeurs inscrits votants,
le nombre des suffrages obtenus par les candidats et eii-
voient un double de cet état au juge de paix et un autre
double à la municipalité. Le président de la municipalité
envoie cet état à la législature. Toute protestation élec-
torale est adressée aux Chambres.
Japon. Pour être électeur, il faut payer un cens. Les
listes électorales existent dans les villes à préfectures. Le
vote a lieu par bulletins sur lesquels l'électeur écrit ou fait
écrire le nom du candidat pour lequel il vote, son propre
nom et sa résidence.
III. Jurisprudence. — Election des juges des tribu-
naux DE COMMERCE (V. ci-dcssus Elections consulaires).
Election des prud'hommes (V. Conseil de prud'hommes).
IV. Théologie (V. Prédestination).
V. Droit canon. — Quand il s'agit, sur .la pro-
position de Pierre, de compléter le nombre des apôtres,
réduit à onze par la trahison et la mort de Judas, per-
sonne n'osa décider entre Joseph et Mathias : ni Pierre,
ni les autres apôtres survivants, ni même l'assemblée
entière des disciples réunis alors à Jérusalem. Ils prièrent
et jetèrent le sort sur les remplaçants présentés. Le sort
tomba sur Mathias qui, d'un commun accord, fut mis au
nombre des onze {Actes des Apôtres, i, 15-16). Cette con-
sultation du sort fut plus tard condamnée, d'une manière
générale, en toute matière religieuse, et spécialement
réprouvée lorsqu'un concile de Barcelone (599) voulut
l'appliquer aux élections. De sorte que l'emploi qui en fut
fait aux premiers jours contraint les interprètes ortliodoxes
à des explications fort laborieuses et fort subtiles. —
L'institution des premiers diacres fut proposée par tous
les douze Apôtres, et réalisée après une élection faite
par toute la multitude des disciples. Les diacres élus
furent présentés aux Apôtres qui, après avoir prié, leur
imposèrent les mains {Act. ip., vr, 1-6). — De leur côté,
Barnabas et Paul établirent des presbytres en chacune
des églises qu'ils avaient fondées (xiv, 23). Après avoir
reçu le témoignage des frères de Lystre et dTconie, Paul
adjoignit Timothée à son œuvre itinérante (xvi, 2-3). En
partant pour la Macédoine, il le laissa à Eplièse, ayec
mission de veiller sur la doctrine enseignée en cette ville
(I Tim., i, 3). De même, il laissa Tite en Crète,-
pour les choses qui restaient à régler et pour établir^
suivant son ordonnance, des presbytres (Tite^ i, 5),
auxquels il donne, quelques lignes plus loin, le titre
d'évêques (7). A part une mention très vague sur le témoi-
gnage rendu à Timothée par les frères de Lystre et d'ico-
nie, les textes relatifs à Paul sont muets sur la participa-^
tion des fidèles à l'établissement des ministères exercés
parmi eux. Mais peut-être cette omission résulte-t-elle de
ce que Paul se rapportait sur ce point à l'usage générale-
ment établi, dérivant des traditions juives et de la néces-
sité d'obtenir la confiante dociUté des troupeaux que les
pasteurs devaient conduire.
En son Epître aux Corinthiens (xliv), Clément de
Rome dit, d'une manière générale, que les évêques et les
diacres ont été établis par les Apôtres et, après eux, par
des notables, iXlô^iiioi avSpsç (vraisemblablement les
presbytres et les diacres) , avec l'assentiment de toute la
communauté, a'JV£u5oxrjaàa7]ç t^ç 'Ey.xXTjaiaç T^àar]?. Ce
fut pendant plusieurs siècles une maxime incontestée, qu'on
ne doit pas imposer un évêque au peuple qui le repousse :
Nullus i7ivitis detur episcopus (CélestinP'' [422-432] ^
Epist. 11, 5), et que celui qui doit commander à tous,
doit être élu par tous: Qui prœfuturus est omnibus^
ab omnibus eligatur (Léon P^ [440-461], Epist,
lxxxix). Mais, en fait, la part attribuée au peuple, ainsi que
les formes de son intervention, varia suivant les lieux,
et dans les mêmes lieux suivant les temps et les circons-
tances. On la trouve parfois se produisant comme une véri-
table élection, quant à l'initiative et quant à la valeur
décisive, et même en quelques cas, comme une nomination
exigée par la multitude ; mais généralement elle fut
réduite soit à un suffrage inférieur, soit à une faculté de
^ 751 -
ÉLECTION
témoignage avant le vote du clergé ou d'acclamation après
ce vote, et de présence à l'ordination ou à la consécration ;
même à une simple fiction. En certains temps et en cer-
tains lieux, on rendit hommage au droit, en l'éludant ; on
supposa que le vote du clergé était toujours devancé et
dirigé par l'estime et le vœu du peuple : Electio clerico-
rum est petitio plebis^ comme disaient les chanoines des
cathédrales, au xi^ siècle. — Parmi les causes de ces
variations, les principales nous paraissent être : le déve-
loppement de la hiérarchie ; le changement survenu dans
la composition de l'Eglise, qui, après n'avoir contenu qu'une
élite de fidèles recueilhe, par une sélection dilïicile et
parfois périlleuse, au milieu de la multitude païenne, finit
par être envahie par cette multitude ; l'accroissement
rapide des biens ecclésiastiques, rendant la subsistance du
clergé de plus en plus indépendante des contributions
volontaires ; l'appui du bras séculier, permettant d'obtenir
de la contrainte une docilité ou une soumission qu'on ne
•^ pouvait espérer auparavant que de la confiance ou de
l'affection.
Lorsque les évêques eurent réussi à faire prédominer
leur autorité, ils s'attribuèrent le choix des membres du
clergé inférieur et même celui des diacres et des prêtres,
prétendant qu'en les élisant on leur avait délégué tout
droit à cet égard. Ce n'était qu'en quelques églises seule-
ment qu'ils devaient consulter le clergé, et dans des endroits
plus rares encore, que le peuple avait voix, pour ces nomi-
nations. — Lorsque les églises, réciproquement indépen-
dantes et qui jusqu'alors n'avaient entretenu, les unes avec
les autres, que des relations volontaires et individuelles,
se groupèrent par provinces autour de la métropole, le
droit d'élection se trouva modifié, en chacune d'elles, par
l'intervention des évêques de la province et par la prépon-
dérance toujours croissante du métropolitain. Le concile
cecuménique de Nicée (325) exigea pour l'institution d'un
évêque la présence personnelle de tous les évêques de la
province, si cela était possible, sinon la présence de trois
évêques au moins, et la ratification du métropolitain
{Can, IV et VI). Le concile de Sardique (347) annula une
élection faite par acclamation du peuple, comme suspecte
de brigue ou d'influence illicite (Can. II). Cependant,
dans certaines élections mémorables, l'acclamation du
peuple fut respectée comme la voix de Dieu. Le concile
de Laodicée (365) attribua le choix au métropolitain et aux
évêques voisins (Can. XII) et prohiba l'intervention de la
foule (Can. XIX). Le concile œcuménique de Chalcédoine
(451) requit le consentement de la totalité ou au moins
de la majorité des évêques de la province et la confirma-
tion du métropolitain. La nécessité du consentement du
métropolitain fut pareillement affirmée en Occident par les
papes Innocent P^ (402-417), Boniface (418-422), Léon I«^
et Hilaire (461-468), et par les conciles de Turin (401)
et d'Arles (452). — Néanmoins, pendant plusieurs siècles
après les décisions que nous venons de rapporter, le droit
du clergé et du peuple (clerus et plebs) à prendre une
certaine part à l'élection des évêques resta reconnu en
théorie et parfois exercé en réalité (conciles d'Orléans,
533 et 538 ; de Clermont en Auvergne, 535). A Milan, le
peuple exerçait encore réellement son droit au xi® siècle.
En 1048, Hildebrand, lui-même, rappela à Bruno
(Léon IX), qui venait d'être promu au siège pontifical par
Henri III, que sa nomination était nulle et criminelle, et
il lui persuada de se faire élire par le clergé et par le
peuple, dès son arrivée à Rome. Au xii® siècle même, on
trouve en France et en Allemagne des mentions de la par-
ticipation du peuple à Télection des évêques. Mais il nous
semble qu'on doit se garder de prendre à la lettre les
documents qui contiennent ces témoignages; la plupart ne
font que reproduire de vieilles formules de droit ecclésias-
tique, conservant le souvenir d'un droit périmé, et entre-
tenant l'apparence d'un usage ancien, plutôt que corres-
pondant à des réalités contemporaines.
Plusieurs documents anciens semblent indiquer qu'à
côté de la consultation générale du peuple se produisait un
suffrage distinct des riches et des notables : honorât^
nobiles^ proceres. On finit par ne plus accorder voix qu'à
ces derniers. Justinien statua que lorsqu'un siège épisco-
pal serait vacant, le clergé et les principaux de la ville
(clerici et optimates civitaiis) désigneraient trois per-
sonnes pour le remplir, et que le métropolitain conférerait
l'ordination à celui qu'il estimerait le mieux qualifié :
melior ordinetur periculo et electione orainantis
(Novel CXXIl, c. i). En Orient, le peuple et le clergé de
la ville furent finalement exclus de toute coopération à
l'élection ; l'évêque fut choisi par le métropolitain, parmi
trois personnes présentées par les évêques de la province.
Nicéphore II (963-969) édicta qu'aucun évêque ne serait
élu ou consacré sans l'autorisation de l'empereur ; mais
cette loi n'eut point de durée. Sauf des cas relativement
rares et une réserve permanente relativement au siège de
Constantinople, les empereurs s'abstinrent généralement
d'intervenir directement dans les élections, et ils se con-
tentèrent de l'influence résultant de Texpression de leurs
préférences. — En France, un concile d'Orléans (538,
Can. Ill) décréta que le métropolitain serait ordonné par
un autre métropolitain, en présence de tous les évêques de
la province, et que son élection serait faite par eux tous^
avec le consentement du clergé et du peuple de la ville
(clerici^ cives). A l'égard des évêques de la province, il
ordonna qu'ils fussent consacrés par le métropolitain. Un
autre concile tenu en la même ville (549, Can. X et XI)
prescrivit au métropoUtain et aux évêques de la province
de consacrer celui qui aurait été choisi par le clergé et par
le peuple, conformément à la volonté du roi (cum volun-
tate régis... juxta electionem cleri et plebis)^ et il
tâcha de concilier l'immixtion du roi avec les droits du
peuple et du clergé, par cette maxime : Nullus invitis
detur episcopus, sed nec per oppressionem potentium
per sonar um... cives et clerici mclinentur. Un con-
cile de Paris (557, Can. Vlll), renforçant cette disposition,
déclara nulle l'ordination d'un évêque nommé par le roi
(per imperium régis) malgré les citoyens et contre la
volonté du métropolitain et des .évêques de la province ;
il recommanda l'observation des anciens canons. Mais
déjà les rois mérovingiens étaient intervenus, avec une
puissance à laquelle il était difiicile de résister, dans le
choix et même la déposition des évêques. En principe, ils
respectèrent les formes admises par î'EgUse pour l'élection
des évêques, mais ils subordonnèrent l'ordination à leur
décision : A provincialibuSy a clero et populo eligatur,
dit une constitution de Clotaire II (615) ; mais elle ajoute:
et si condigna personafuerit^ per ordinationem prin-
cipis ordinetur, attribuant au roi le droit d'apprécier les
quahtés de l'élu et d'ordonner sa consécration et son ins-
tallation, droit qui fut implicitement reconnu par un con-
cile de Chalon (650, Can. X). En conséquence, le choix
fait par le clergé et par le peuple ne s'appela plus com-
munément electio, mdiis ftagitatio, petitio... Supplici"
ter postulamus. En réalité, la décision suprême que les
Mérovingiens s'étaient arrogée et s'étaient fait reconnaître
équivalait au droit de nomination directe. — Carloman et
Pépin déclarèrent rétablir la liberté des élections. Un capi-
tulaire de Charlemagne (803), renouvelé en 816 par
Louis le Débonnaire, permet de choisir l'évêque per elec-
tionem cleri et populi, secundum statuta canonum,de
propria diœcesi ; mais les termes de cet acte imphquent
plutôt l'octroi d'une faveur que la reconnaissance d'un
droit. En fait, la nomination continua à dépendre de
l'empereur. Les privilèges de libre élection concédés à
certaines églises indiquent la persistance et la généraUté
de la pratique contraire.
Voici sommairement, d'après les formules, quelle devait
être la procédure des élections au ix® siècle. Aussitôt après
la mort d'un évêque, le clergé et le peuple envoyaient des
députés au métropolitain pour l'en avertir ; le métropoli-
tain en donnait avis au prince, puis, suivant son ordre.
ELECTION
— 752 —
nommait un des évoques de la province pour être visiteur.
Celui-ci devait se rendre dans l'église vacante pour y sol-
liciter l'élection et y présider, afin qu'elle ne fût point
différée et que les canons y fussent gardés. Il assemblait le
clergé et le peuple, c-à-d. les prêtres, les autres clercs,
les vierges, les veuves, les nobles et les autres laïques.
Les moines avaient grande part à l'élection. On ne devait
pas y appeler seulement les chanoines et les clercs de la
ville, mais aussi les clercs de la campagne. L'élu devait
être, autant que possible, un clerc appartenant à l'église
qu'il s'agissait de pourvoir. — L'élection faite, le décret,
signé des principaux du clergé, des moines et du peuple,
était expédié au métropolitain. Celui-ci convoquait tous les
évêques de la province pour examiner l'élection, en un lieu
qu'il désignait, mais qui était ordinairement l'église vacante.
Tous les évêques devaient se rendre à cette convocation
ou, s'ils étaient empêchés, se faire représenter par un de
leurs clercs chargé d'une lettre d'approbation , car tous
devaient consentir ; trois évêques au moins devaient assister
en personne. L'élu était présenté à ce concile provincial
et examiné en sa personne, sa doctrine et ses mœurs. Si
l'élection était jugée canonique et l'élu capable, on prenait
jour pour la consécration ; si l'élection avait été obtenue
par simonie ou par brigue, le concile la cassait et élisait
un autre évêque. Le prince était averti des principaux actes
de cette procédure et spécialement de l'élection et de la
confirmation, car il avait toujours droit d'exclure ceux qui
ne lui étaient pas agréables. — Les chanoines des cathé-
drales s'efforcèrent de s'emparer de toute l'élection, et ils
y parvinrent. Au commencement du xiii^ siècle, ces cha-
pitres étaient déjà en possession d'élire seuls l'évêque, à
l'exclusion du reste du clergé et du peuple ; et les métro-
politains, en possession de confirmer seuls l'élection, sans
appeler leurs suffragants.
Par suite des changements survenus dans l'état des
bénéfices et dans les manières d'y pourvoir, il s'était
produit une grande confusion dans les élections : chaque
église particulière se faisait des règles et se prescrivait des
formalités qu'elle changeait pour faciliter le succès des
brigues et des sollicitations qui prévalaient. Afin de remé-
dier aux abus résultant de cette diversité, le IV® concile
général de Latran (1215) fit un règlement d'où on a tiré
le chapitre Quia propter; De electione et electi potes-
tate (Décret, Greg, IX, lib. /, Ht, F/, c, XLII), si sou-
vent cité dans le droit canon. Ce chapitre admet trois
manières de procéder : le scrutin, par lequel les électeurs
assemblés choisissent trois d'entre eux pour recueillir se-
crètement les suffrages et les publier sur-le-champ. Celui
qui obtient les suffrages de la plus grande et de la plus saine
partie est canoniquement élu. Le compromis, lorsque tout
le corps des électeurs délègue à un ou à plusieurs du corps
ou même à d'autres le pouvoir d'éhre, au lieu de tous (vice
omnium), Uinspiration, lorsque, sans négociations préa-
lables, tous les électeurs (nemine reclamante) désignent
la même personne. Malgré toutes les précautions, les portes
de l'Eglise restèrent ouvertes aux causes d'intrusion dénon-
cées en ces vers :
Quatuor ecclesias portis intratur ad omnes,
Cœsaris et Simonis, sanguinis atque Dei.
Prima patet magis, sed nunimis altéra; charis
Tertia, seJ paucis quarta patere solefe.
Depuis longtemps, disait-on déjà en ce temps-là, il ne
faut plus s'attendre à voir des élections divinement inspi-
rées. Le corbeau a dévoré la colombe que le Saint-Esprit
avait coutume d'envoyer. Les chapitres avaient moins d'au-
torité que l'assemblée des évêques de la province, et sou-
vent ils eurent moins de justice : les chanoines restant
soumis aux puissances auxquelles ils devaient leur propre
nomination, notamment au prince ou aux grands vassaux
qui dominaient leur ville. De là, de fréquentes appellations
à Rome. Il arriva même que des évêques élus y deman-
dèrent la confirmation et la consécration qui leur étaient
refusées par le métropolitain. Les papes accueillirent avec
e nprcssement et s'ingénièrent à multiplier les occasions qui
leur permettaient d'exercer la suprême juridiction à laquelle
ils prétendaient, et ils s'en servirent pour s'attribuer le
droit de nomination. Ils commencèrent par disposer de la
provision des églises où s'étaient produits des désordres
manifestes ; puis ils édictèrent des réserves générales pour
certains cas, comme lorsque l'évêque serait décédé en cour
de Rome, lorsqu'il serait cardinal, lorsqu'il aurait acquis
un bénéfice incompatible, etc. Jean XXII finit par se réserver
toutes les églises cathédrales lorsqu'elles viendraient à
vaquer. Ce qui était abolir les principales élections. Le
concile de Râle les rétablit et son décret fut inséré dans le
pragmatique sanction de Bourges (1438) (V. Eglise catho-
lique ROMAINE, t. XV, p. 623).
Le concordat de 1516 abolit les élections et attribua
irrévocablement au roi le droit de nommer aux archevêchés
et aux évêchés, aux abbayes et aux prieurés purement
électifs, à la condition que les nommés se feraient pourvoir
par le pape. Il déclarait toutefois que ces dispositions ne "
porteraient aucun préjudice au droit d'élection des églises
qui produiraient, par écrit et en bonne forme, la preuve de
leur privilège à cet égard. Mais des bulles suspendant le
droit d'élire rendirent illusoire cette réserve : aucune église
du royaume n'en conserva le profit. Du reste, les collations
que le roi pouvait faire étaient loin d'être limitées aux
catégories énoncées dans le concordat. La même faculté lui
était reconnue sur beaucoup d'autres bénéfices, pour des
causes diverses : concordat germanique, en quelques pro-
vinces réunies à la France ; induits spéciaux accordés par
le pape ; induit du parlement de Paris ; droits de régale,
de serment de fidélité, de joyeux avènement, de joyeuse
entrée ; droit de garde royale ; droit de litige entre les
patrons ; droit de disposer des bénéfices dont le patronage
était attaché à des fiefs possédés par des sei^eurs séparés
de l'Eglise ou à des fiefs dépendant du domaine de la cou-
ronne! Enfin, collation des titres ecclésiastiques des saintes-
chapelles et autres de fondation royale. Pour les exceptions
les plus importantes, Y. Chef d'ordre. ■— La cour de
Rome prétendait que le roi ne pouvait point nommer aux
monastères de filles, parce que le concordat n'en parle pas.
En France, on prétendait le contraire, et le roi nommait en
conséquence. Les officiers de la Daterie expédiaient les
bulles sur cette nomination, mais au lieu d'en faire men-
tion, ils inscrivaient une clause dont on ne tenait aucun
compte, et Tabbesse était mise en possession sans qu'on
demandât le consentement ou l'avis des religieuses (V. Ab-
baye, 1. 1, p. 36). Le roi n'admettait d'exception à son droit
que pour les monastères de l'ordre de Saint-François, dits
de Sainte-Claire, de Sainte-Elisabeth et de l'Annonciade.
Non seulement le concordat supprimait les dispositions
de la pragmatique, que Léon X appelait Regni Franciœ
corruptelam Bituricensem, interdisant les expectatives,
les réserves, les annates et toutes les exactions fiscales de
la cour de Rome ; mais, en obligeant tous ceux qui seraient
nommés par le roi de se faire pourvoir par les papes, il
assurait à ceux-ci une source nouvelle et très abondante de
revenus. D'autre part, il attribuait au roi, en même temps
que la dispensation des principaux offices de l'Eghse, celle
des bénéfices qui y étaient attachés, c.-à-d. la disposition
d'une fort grande part des biens du royaume. Au mot
Abbaye, t. I, p. 36, nous avons indiqué l'usage que nos
rois firent de cette faculté, et que tout naturellement ils
devaient en faire. En son traité De V Appel comme
d'abus, i^^ part., ch. v, art. 2, p. 72, Mgr Affre écrit :
« Quand on pense aux mœurs de François P^, qui ne
regrette de le voir désigner au chef de l'EgUse les cen-
seurs des mœurs, les gardiens de la vertu et de l'inno-
cence? Les princes de la branche de Valois, ses successeurs
immédiats, et les femmes dont ils subirent l'influence,
rendirent plus sensible encore cet humiliant patronage.
Jusqu'en 1789, deux rois seulement, Louis XIII et Louis XVI
se distinguèrent par une austère vertu. A côté du ministre
delà Feuille, qui exerçait cette importante prérogative de
la royauté, combien d'influences dont Thomme religieux
ne peut lire l'histoire sans éprouver un sentiment pénible
et une profonde affliction. » Dans la pratique, disait Fénelon,
le roi est plus chef de l'Eglise que le pape (De Summi
Pontiflcis auctoritate, c. 44 et 45). L'Eglise de France,
privée de la liberté d'élire ses pasteurs, est un peu au-dessous
de la liberté dont jouissent les calvinistes du royaume et les
catholiques sous le sceptre du Grand-Turc (Plans de gou-
vernement^ § 4). En son Abrégé chronologique de V his-
toire de France^ le président Hénault défend ainsi le
pacte conclu entre Léon X et François P^ : « Le roi repré-
sentant la nation, c'est à lui d'exercer les droits qu'exer-
çaient les premiers fidèles et qui lui ont été remis lorsque
l'Eglise a été reçue dans l'Etat, pour prix de la protection
que le roi accordait à la religion... Sous le régime des élec-
tions, les grands sièges étaient souvent remplis par des
sujets de la lie du peuple, tandis que, à choses égales,
la noblesse doit être préférée dans la distribution des
dignités ecclésiastiques... Les grands bénéfices donnant
autorité aux évêques dans les villes de leurs diocèses, il est
extrêmement important pour la sûreté du royaume que les
rois choisissent ceux dont la fidélité leur est connue et
dont les talents s'étendent non seulement aux choses de la
religion, mais encore au maintien de la paix et de l'ordre
public... Chaque forme de gouvernement ayant ses prin-
cipes, celui par lequel subsiste un Etat monarchique est
que tout doit y concourir à la réunion de l'autorité dans
une même personrfe... Toute la question se réduit à savoir
quel est le plus inconvénient pour le royaume, qu'il en
coûte quelque argent dont la cour de Rome profite, ou que
le roi soit privé d'un droit qui affermit véritablement son
pouvoir. »
Lorsque fut délibérée la constitution civile du clergé,
plusieurs évêques, tout en réprouvant les dispositions du
projet, rappelèrent que le clergé avait toujours regretté les
élections ; l'un d'eux déclarait « que le concordat avait
toujours été combattu par l'Eglise gallicane, tant qu'elle
avait pu espérer le faire réformer, et qu'elle ne s'était
jamais départie du désir le plus sincère de revenir aux
élections, mais à des élections canoniques, et qui pussent
être avouées par l'Eglise » (Lettre de Vévêque de Luçon),
Le 4 août 1789 on avait supprimé les annates. La loi du
d2 juil.-24 août 1790 (Constitution civile du clergé)
supprima les chapitres des églises cathédrales et des églises
collégiales, les chapitres réguliers et séculiers, les abbayes,
les prieurés et généralement tous les titres de bénéfices
autres que les métropoles, les évêchés et les cures (tit. P*",
art. 20) ; elle ne reconnaît qu'une seule manière de pour-
voir aux évêchés et aux cures, savoir : la forme des élec-
tions (tit. II, art. l^*"). Toutes les élections devaient se
faire par la voie du scrutin et à la plurahté absolue des
suffrages (2). Celle des évêques, dans la forme et par le
corps électoral indiqués, dans le décret du 23 déc. 1789
pour la nomination des membres de l'assemblée du dépar-
tement (3). La proclamation de l'élu était faite par le
président de l'assemblée électorale, dans Téglise où l'élec-
tion avait eu lieu (14). Le procès-verbal de l'élection et de
la proclamation était envoyé au roi par le président de
l'assemblée pour lui donner connaissance du choix qui
avait été fait (15). Dans le mois suivant l'élection, celui
qui avait été élu à un évêché devait se présenter en per-
sonne à son évêque métropolitain ou, s'il était élu pour le
siège de la métropole, au plus ancien évêque de l'arron-
dissement, et le supplier de lui accorder la confirmation
canonique (16). Le métropohtain ou l'ancien évêque avait
la faculté d'examiner l'élu, en présence de son conseil, sur
sa doctrine et ses mœurs ; s'il refusait l'institution cano-
nique, les parties intéressées pouvaient se pourvoir par voie
d'appel comme d'abus (17). Le nouvel évêque ne pouvait
s'adresser au pape pour en obtenir aucune confirmation,
mais il devait lui écrire comme au chef visible de l'Eglise
universelle, en témoignage de l'unité de la foi et de la com-
munion qu'il devait entretenir avec lui (19). — L'élection
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
— 753 -- ÉLECTION — ELECTRE
des curés devait se faire dans la forme prescrite et par les
électeurs indiqués dans le décret du 22 déc. 1789 pour
la nomination des membres de l'assemblée administrative
du district (25) et par scrutins séparés pour chaque cure
vacante (28). L'éhi proclamé devait se présenter en per-
sonne à l'évêque, à l'effet d'obtenir l'institution cano-
nique (35). Examen par l'évêque et voie d'appel (36).
Pour l'élection des évêques comme pour celle des curés,
chaque électeur, avant de remettre son bulletin, devait
prêter serment de ne nommer que celui qu'il aurait choisi
en son âme et conscience comme le plus digne, sans y avoir
été déterminé par dons, promesses, sollicitations ou me-
naces (29). L'évêque élu et confirmé, le curé élu et ins-
titué devaient prêter, en présence des officiers municipaux,
du peuple et du clergé, serment de veiller avec soin sur
les fidèles qui leur étaient confiés, d'être fidèles à la nation,
à la loi et au roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la
constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée
par le roi (21, 38).
Dans les pays où l'élection a encore lieu pour l'épis-
copat, tels que l'Irlande, la Belgique, la Suisse, certaines
parties de l'Allemagne, etc., elle se fait suivant les formes
du chapitre Quia propter, précédemment mentionné. —
D'après les articles 4, 5 et 6 du concordat de 1801, la
nomination aux archevêchés et aux évêchés est faite pour
la France par le chef de l'Etat, et l'institution donnée par
le saint-siège. Avant d'entrer en fonctions, les évêques
doivent prêter serment de fidélité dans les termes suivants :
« Je jure et promets à Dieu, sur les saints évangiles, de
garder obéissance et fidélité au gouvernement établi par
la constitution de la République française ; je promets de
n'avoir jamais aucune intelligence, de n'assister à aucun
conseil, de n'entretenir aucune ligue, soit au dedans, soit
au dehors, qui soit contraire à la tranquiinté publique, et
si, dans mon diocèse ou ailleurs, j'apprends qu'il se trame
quelque chose au préjudice de l'Etat, je le ferai savoir au
gouvernement. » Pour certains développements, V. Etat
§ Etat et Eglise, Evêque, Hiérarchie. E.-H. Vollet.
BiBL. : Histoire administrative. — Encyclopédie mé-
thodique [Finances), d.\i mot Election. — Alma.ndLChroya.1
de 1789, p. 357.
Politique. — Greffier, Code électoral; Paris, 18^0,
in-8. — GuDiN DU Pavillon et Rey, Manuel électoral
complet; Paris, 1889, in-8. — Guerlin de Guer, Manuel
électoral; Paris, 1892, in-8. — Bavelier, Dictionnaire
de droit électoral ; Paris. 1882, in-8.— Faivre, Petit Code
annoté des électeurs; Paris, 1885, in-32. — Deroisin,
Manuel des protestations électorales; Paris, 1877, in-32.
— Beurdelev, Nouveau Manuel de Vélecleur ; Paris,
1889, in-18. — Bidault, Code électoral, 1884, in-8. — Du
môme. Electeurs et Eligibles, 1889, in-8. — Bost, Code
formulaire des élections municipales, 1878, in-8. — Cenac,
la Liste électorale, 1890, in-18. — Charbonnier, De iOr-
ganisation électorale et représentative de tous les pays ci-
vilisés, 1891, in-8. — Pierre, Lois organiqiies concernant
l'élection des députés, in-18.— Poudra et Pierre, Lois or-
ganiques concernant Vélection du Sénat, 1885, in-18. —
KocHE, les Lois sénatoriales annotées; Toulon, 1885, in-12.
— Nouguier, Des Elections consulaires; Paris, 1884, in-8.
— Sacré, Manuel des élections consulaires, 1884, in-8. —
Le Suffrage universel. Etude comparée des diverses légis-
lations électorales ; Paris, 1883, in-12. — A. Lebon, Etude
sur la législation électorale de VEmpire d'Allemaqne;
Paris, 1879, gr. in-8.
ELECTRA ou ELECTRE (Astron.). '^om dn 130^ asté-
roïde (V. ce mot).
ELECTRE. I. Mythologie.— 'HX£XT:pa,rétincelante, a
désigné dans la mythologie primitive des Grecs plusieurs
personnifications de l'éclat rayonnant du ciel et des phos-
phorescences de la mer. Chez Hésiode, elle est une des
filles d'Océanos et de Téthys, sœur de Styx ; ailleurs, son
être est mis en rapport avec Iris, personnification de l'arc-
en-ciel ; ailleurs encore, elle est parmi les filles d'Atlas et
désigne l'une des sept Pléiades ; c'est ainsi qu'on la vénérait
dans l'île de Samothrace, le centre du culte nautique des
Cabires (V. ce mot). Il y a une Electra parmi les cinquante
filles deDanaiis. Cependant, ces figures de l'antique natura-
lisme des Hellènes se sont effacées devant l'Electre des
poètes tragiq'ues, la fille d'Agamemnon et de Clytemûestre,
ELECTRE - ÉLECTRICITÉ
78 i
encore inconnue de l'épopée, mais créée, clans ses traits
essentiels, par la poésie lyrique de Stésichore. Lorsque Aga-
memnon est assassiné à son retour de Troie par l'épouse
adultère et Egisthe, son complice, c'est Electre qui arrache
le jeune Oreste aux mains des meurtriers et l'envoie à
l'étranger. Maltraitée par Egisthe et par la mère, elle mène
une existence misérable ; toujours tidèle à la mémoire du
père, elle aspire au retour d'Oreste qui sera le vengeur.
D'après Euripide, qui affectionne les inventions roma-
nesques, elle est mariée de force à un laboureur mycénien,
mais elle obtient qu'il la respecte et la serve avec dévoue-
ment. Une fois Oreste de retour, Electre participe au châ-
timent. Chez Eschyle, elle est au second plan ; mais, chez
Sophocle, qui a donné son nom à la tragédie où il a con-
densé tous les événements de VOrestie de son prédéces-
seur, elle a le rôle principal ; elle prépare le meurtre
d'Egisthe et de Clytemnestre ; elle enflamme Oreste de sa
propre ardeur et applaudit à l'exécution. La reconnaissance
du frère et de la sœur est une des plus belles scènes du
théâtre grec, et le caractère d'Electre, indomptée, impla-
cable, absorbée dans le souvenir du père, l'amour du frère
et la pensée de la vengeance, est peut-être ce que l'art
dramatique a produit de plus achevé. Une tragédie d'Euri-
pide, portant le nom d'Oreste, prend le sujet où la tra-
gédie d'Electre, du même poète, l'a laissé ; les deux
réunies renferment la vie entière de l'héroïne, mais com-
pliquée d'inventions extraordinaires et même bizarres. Dans
VOreste, après le meurtre de Clytemnestre, Electre et son
frère n'échappent à la mort décrétée contre eux par le
peuple d'Argos que grâce à l'intervention d'Apollon. Les
poètes s'accordent généralement à marier Electre avec
Pylade, et les logographes citaient deux fils issus de cette
union, Médon et Strophios. Toutes ces péripéties drama-
tiques ont tenté plus d'une fois l'imitation des modernes ;
les tragédies de Longepierre et de Crébillon sont les plus
connue's. Parmi les représentations artistiques des aven-
tures auxquelles Electre se trouva mêlée, il faut citer en
première ligne le bas-relief du Louvre représentant l'héroïne
plongée dans la douleur auprès du tombeau de son père,
et devant elle trois personnages représentant Talthybios,
Oreste et Pylade. Cette œuvre provient de Mélos et semble
avoir été reproduite souvent dans l'antiquité. J.-A. Hjld.
IL Chimie- (V. Electrum).
BiBL. : Eschyle, les Choéphores. — Sophocle, Electre.
— Euripide, Oreste, Electre. — Sénèque le Tragique,
Agamemnon, Cf. Patin, Tragiques grecs.
ÉLECTRICITÉ. I. Physique . — La propriété que pos-
sède l'ambre, en grec TÎXsxxpov, lorsqu'il est frotté, d'attirer
divers corps légers n'est qu'un exemple particulier de toute
une série de phénomènes que l'on est parvenu à relier les
uns aux autres depuis le xvi^ siècle et qui constituent cette
branche de la physique, aujourd'hui si importante, l'élec-
tricité. Le développement extraordinaire qu'ont pris dans
ce siècle et surtout dans la seconde moitié, ses applications
si nombreuses, si variées et dont quelques-unes étaient si
peu attendues, font de l'électricité une des sciences les plus
fécondes, bien que née d'hier. Nous ne saurions ici, avec
l'espace dont nous disposons, faire un exposé même abrégé
des phénomènes électriques, décrits d'ailleurs chacun au
mot qui lui correspond ; nous nous contenterons d'exposer
la découverte des faits, la naissance des théories, qui, à
partir de ce fait connu avant Thaïes de Milet, l'attraction
des corps légers par l'ambre frotté, a conduit peu à peu
l'homme, si lentement pendant de longs siècles, à pas de
géant dans ces dernières années, d'un phénomène isolé, peu
précis, sans utilité, sans explication, à cette multitude de
faits bien démontrés, mesurés avec précision, si riches en
applications les plus diverses, reliés les uns aux autres
malgré leur multiplicité par les théories qui, si elles ne
peuvent être considérées comme l'expression certaine de la
vérité, ont au moins ce grand avantage de réunir tous ces
faits en un tout bien compact, d'en faire prévoir d'autres et
même de rapprocher les phénomènes électriques des phé-
nomènes lumineux et calorifiques. Cet exposé une fois fait,
nous aurons vu apparaître successivement les divers ordres
de phénomènes qui constituent maintenant l'électricité et
nous pourrons faire suivre cette sorte de préface d'un ta-
bleau comprenant les diverses branches de cette science ;
il nous permettra d'embrasser d'un coup d'œil toute l'élec-
tricité et nous servira en quelque sorte de table des ma-
tières pour renvoyer le lecteur aux divers articles dont
l'ensemble constitue l'étude de l'électricité.
Le premier phénomène électrique observé, l'action de
l'ambre frotté sur les corps légers, est très anciennement
connu; Thaïes de Milet, qui vivait en l'an 600 av. J.-C,
ne semble pas l'avoir découvert, mais il Ta décrit le premier.
Pline le Jeune (70 ans ap. J.-C.) mentionne le même fait et
cite un autre corps, une pierre, peut-être la tourmaline,
comme jouissant de la même propriété. Vers la même
époque, on connaissait l'action spéciale que la torpille fait
éprouver quand on la touche ; c'est là très probablement
le premier fait connu d'électricité animale ; il faut aussi
faire remonter à cette époque les premiers essais de l'emploi
de l'électricité animale dans l'art de guérir (Aristote). Du
temps de Tibère, un homme atteint de la goutte fut guéri
après avoir reçu plusieurs chocs de torpille. Le moyen âge
n'ajouta rien aux faits, si peu nombreux, qui constituaient
toute l'électricité, si l'on peut employer ce mot créé plus
tard par Gilbert, et il faut arriver à ce savant philosophe
anglais (1540-1603) pour avoir à constater non seulement
de^nouveaux faits mais une véritable méthode pour l'étude
de ces phénomènes. Gilbert cherche de suite à généraliser
le phénomène présenté par l'ambre, et il crée pour cela le
premier appareil, pour pouvoir mettre en évidence plus fa-
cilement qu'on ne le faisait alors les attractions électriques:
une aiguille légère montée sur un pivot de façon à pouvoir
tourner sous la plus faible influence, voilà le premier élec-
troscope. Avec lui Gilbert montre qu'un grand nombre de
corps jouissent de la même propriété que l'ambre ; j'en
cite seulement quelques-uns: le diamant, le saphir, l'opale,
l'améthyste, le sel gemme, l'alun, le mica, le soufre, l'ar-
senic, le verre, etc. En outre Gilbert reconnaît que d'autres
substances ne possèdent pas cette propriété ; tels sont, entre
bien d'autres, les métaux, les pierres magnétiques, Pivoire,
l'émeraude, l'agate, le marbre, les perles, etc. Il reconnut
aussi l'influence considérable de l'état de sécheresse de
rair,qui facilite beaucoup ces expériences. Gilbert a publié
un traité important sur ces phénomènes (De Magnete ma-
qneticisque corporibus) .
Dans le xvu« siècle, Robert Boyle (1626-4691) montra
que, si les corps frottés attiraient les corps légers, mverse-
ment ils étaient attirés par eux ; il montra aussi que la
propriété développée dans l'ambre par le frottement se
maintenait quelques minutes après que cette cause avait
cessé; il ajouta aussi quelques noms aux deux hstes
données par Gilbert et publia un mémoire (Experiments
on the origin of Electricity). Yers la même époque vivait
Otto de Guericke (160*2-1686), à qui l'on doit la découverte
de l'étincelle électrique et la première machine donnant des
quantités d'électricité relativement fortes : il obtmt par
moulage une sphère de soufre traversée par un axe ; un aide
faisait tourner rapidement la sphère autour de cet axe pen-
dant qu'il appuyait ses deux mains sur la sphère. A l'aide
de cette machine il répéta les expériences de Gilbert avec
la plus grande facilité, et obtint des effets beaucoup plus
intenses ; aussi put-il en apercevoir d'autres échappés a
Gilbert. Outre la découverte de l'étincelle électrique, qui
devait bientôt montrer que la foudre était un phénomène
électrique, on lui doit la découverte des répulsions élec-
triques, inobservées avant lui. Newton (1643-1 7^27) lit
aussi diverses expériences sur l'électricité ; elles n ont pas
grande importance ; il paraît avoir remplacé le soufre de
la machine d'Otto de Guericke par le verre adopté aujour-
d'hui dans la plupart des machines. En 1708, le D^ Wall
compara le premier, croyons-nous, la lumière et le crépite-
ment de l'étincelle électrique à l'éclair et au tonnerre de
755 —
ELECTRICITE
la foudre. C^est en iV19 que Gray découvrit une nou-
velle propriété de l'électricité, la conductibilité. Il montra
que certains corps pouvaient transmettre à d'autres la pro-
priété développée sur Tambre par le frottement, que
d'autres ne s'y prêtaient pas, et il fit le premier l'expé-
rience capitale que voici, que l'on peut considérer comme
le germe informe de la télégraphie et du transport de la
force à distance : ayant disposé une corde de chanvre
longue de 765 pieds sur des fils de soie et ayant mis l'une
des extrémités en rapport avec le tube qu'il frottait et
l'autre avec une petite balle d'ivoire, il vit celle-ci attirer
des corps légers.
Peu de temps après, DesaguUers relia les expériences de
Gray à celles de Gilbert en montrant que les corps conduc-
teurs de Gray étaient les corps que*Gilbert avait montrés
ne pas s'électriser par frottement. Dufay (1699-1739)
montra que tous les corps pouvaient être électrisés con-
trairement à l'opinion de Gilbert et que pour ceux avec
lesquels il n'avait pu réussir, c'était leur conductibilité qui
en était la cause ; tenus à la main et frottés, ils cédaient au
corps de l'opérateur l'électricité qui se développait. Si on
venait à frotter ces mêmes corps non plus en les tenant à
la main, mais en les maintenant à l'aide d'un manche fait
en une matière isolante, ils s'électrisaient comme les autres.
Ces expériences de Dufay font époque dans l'histoire de
l'électricité ; on lui doit une découverte encore plus impor-
tante, l'existence de deux électricités qu'il appelle élec-
tricité vitreuse et électricité résineuse : si on frotte un
morceau de verre avec du drap, on l'électrise ; si on
touche le verre ainsi électrisé avec un corps mobile légè-
rement suspendu, il s'électrise au contact et est repoussé ; si
de ce corps mobile ainsi électrisé on approche successive-
ment divers corps frottés avec de la résine, on constate que
les uns, comme le verre, le repoussent tandis que d'autres
comme la résine l'attirent. De là deux sortes d'électricité :
les premiers corps sont dits acquérir l'électricité vitreuse,
les seconds l'électricité résineuse. Il montra de plus que,
si l'on recommençait l'expérience d'une façon inverse,
c.-à-d. en électrisant résineusement le corps mobile, tous
les corps rangés avec le verre dans la première expérience
agiraient encore comme lui dans ce second cas, mais en
attirant cette fois l'aiguille au lieu de la repousser ; les
corps placés au contraire avec la résine repoussaient l'ai-
guille dans cette seconde expérience. Pendant ce temps, la
première machine d'Otto de Guericke s'était peu à peu
perfectionnée ; on lui avait ajouté des conducteurs ; on avait
remplacé les mains de l'opérateur par un coussin frotteur ;
à l'aide de ces machines on obtenait des étincelles plus
longues, des secousses plus vives; on montrait certains
eifets de ces étincelles à l'aide d'expériences souvent dis-
posées d'une façon ingénieuse; par exemple à l'aide d'une
étincelle jaillissant entre le doigt d'un opérateur et une
tasse métallique oii se trouvait de l'éther, on enflammait
celui-ci ; quelquefois on faisait jaillir l'étincelle qui enflam-
mait l'éther entre deux morceaux de glace, etc. Ces expé-
riences furent bientôt suivies de la découverte de la bou-
teille de Leyde dont les effets épouvantèrent Muschenbroeck,
qui la découvrit; la première bouteille de Leyde contenait
de l'eau qui constituait l'armature intérieure, la main
tenant la bouteille constituant l'armature extérieure. Wat-
son lui donna la disposition adoptée maintenant.
C'est vers cette époque que l'on voit apparaître les pre-
miers essais de théorie. Watson ébaucha une théorie de
l'électricité qui a été depuis reprise et développée par
Franklin. D'après l'illustre savant de Philadelphie, le frot-
tement qui électrisait les corps ne créait pas l'électricité;
il modifiait seulement son état de distribution dans le corps
frotté et dans le frotteur ; l'un perd de l'électricité, l'autre
en gagne, et l'étincelle qui peut jaillir entre eux n'est autre
chose que le retour à l'état primitif d'équihbre. Au point
de vue expérimental, le pouvoir des pointes découvert par
Franklin et son application pour préserver de la foudre les
édifices et les navires, ses essais heureux sur l'électricité
des nuages sont aussi de la plus grande îînportance. Vers
la même époque (1754), la découverte de l'électrisation
par influence due à Canton joua également un grand rôle
et dans les théories électriques et dans la construction des
machines électriques. En 1759, Symmer, reprenant les
idées de Dufay, exposa une théorie oii il rendait compte des
divers phénomènes électriques par la considération, non
pas d'un seul fluide en plus ou moins grande quantité,
comme Franklin, mais par celles de deux fluides qui don-
naient aux corps l'électricité vitreuse ou résineuse, selon
que l'un ou l'autre prédominait et dont la combinaison
produisait l'état neutre des corps. (Epinus, dans son Ten-
tamen Theoriœ Electricitatis et Magnetismi, publié à
Saint-Pétersbourg en 1759, développe la théorie d'un
fluide unique de Franklin d'une façon remarquable. Tels
sont les principaux essais de théorie tentés jusque-là ;
comme faits observés, outre ceux que nous avons rapportés,
il faut encore citer les remarquables expériences de Haiiy
sur la pyro-électricité des cristaux et sur la relation qui
existe entre cette propriété et la symétrie cristalline, celles
de l'abbé Nollet sur l'évaporation des liquides dans des
vases électrisés, celles de Réaumur, de Walsh, de Ingen-
housz, de Hunter (1773), etc., sur les poissons électriques,
de Cavendish sur les conductibilités relatives de divers
corps, du fer et de l'eau en particulier, sur les réactions
chimiques efiectuées par l'étincelle électrique, etc.
L'année 1790 fait époque dans l'histoire de rélectri-
cité : de nouveaux phénomènes sont découverts ; de nou-
veaux électriciens surgissent : Galvani et Volta. Entre 1790,
date de l'expérience de Galvani sur les grenouilles, et 1800,
date de l'invention de la pile par Volta, se trouvent accu-
mulés une série de faits présentés par l'un ou par l'autre des
deux physiciens pour appuyer leurs théories respectives
et une série de discussions remarquables. En 1790, Gal-
vani montre que le contact de deux métaux différents pro-
duit des contractions dans les muscles d'une grenouille ;
ces contractions sont dues à de l'électricité ; celle-ci se
trouve, dans cette expérience mémorable, engendrée non
plus par le frottement comme dans toutes les expériences
précédentes, mais par une autre cause dont la recherche a
fait l'objet des controverses de Galvani et de Volta : en
mettant en communication les nerfs lombaires et les muscles
cruraux d'une grenouille à l'aide d'un arc formé de deux
métaux différents juxtaposés, Galvani observa une con-
traction dans les jambes de la grenouille chaque fois que
l'on établissait le contact; GaUani expliquait ce phéno-
mène en comparant les nerfs et les muscles aux deux ar-
matures d'une bouteille de Leyde, et l'arc métallique ser-
vait à les mettre en communication et à produire la décharge.
Volta, frappé de la nécessité d'avoir deux métaux différents
pour obtenir des contractions fortes, dit que celles-ci sont
dues à de l'électricité engendrée au contact des deux mé-
taux. Pour le détail des expériences que firent Galvani et
Volta pour soutenir leur opinion, nous renvoyons le lecteur
au mot Galvanisme.
Comme conclusion de cette discussion, Volta montre que
l'opinion de Galvani est fausse; il croit prouver que la
source d'électricité se trouve au contact des deux métaux,
ce qui n'est pas vrai, la principale source d'électricité
étant due à l'attaque chimique de l'un des métaux par les
liquides qui baignent les muscles de la grenouille ; mais, si
cette discussion de dix ans n'a donné théoriquement que
des résultats imparfaits, elle a doté la physique et la chi-
mie d'un nouvel agent puissant, la pile électrique ou vol-
taïque. Le pouvoir de cet instrument se montra l'année
même de la découverte : Nicholson et Carliste décomposèrent
l'eau. L'année suivante, Thénard montra que les courants
électriques, comme les décharges des batteries, pouvaient
produire l'incandescence des fils métalhques. Ce phénomène
si utilisé de nos jours avec des lampes à incandescence, est
resté longtemps sans applications, mais a fait l'objet d'un
certain nombre de travaux, parmi lesquels on doit citer
ceux de Joule. Six ans plus tard (1807), Davy décompo-
ÉLECTRICITÉ "^ '
sait les alcalis, otilenait des métaux nouveaux ; 1807 est
une date importante dans l'histoire de la chimie.
Avec Coulomb commence la série des expériences de
mesure faites en électricité. A Faide d'un instrument
d'une précision et d'une sensibilité extrêmes qu il vient
d'imasiner (V. Balance de torsion), Coulomb peut entre-
prendre l'étude des lois numériques suivant lesquelles se
font les attractions et les répulsions électriques que 1 on
n'avait pu que constater jusqu'alors sans les mesurer. 11
peut ensuite chercher de quelle façon l'électricité est ré-
pandue à la surface des corps ; il détermine comment elle
est distribuée sur des sphères isolées ou en contact, sur
dos cylindres, etc. Il détermine aussi la loi de la déper-
dition de l'électricité. Les résultats de Coulomb ont ete
ensuite retrouvés analytiquement par Laplace, par Biot
et par Poisson, en prenant comme point de départ la loi
des attractions et des répulsions découverte par Cou-
lomb. Ces mémoires terminent le xvni« siècle ou commen-
cent le xlx^ On peut les considérer comme le couron-
nement de ce que l'on a appelé V électricité statique.
Depuis les travaux que nous venons de citer, les pertec-
tionnements ont consisté surtout en électricité statique
dans la construction de machines électriques puissantes
dues à Ramsden, Holtz, etc. , dans l'invention d'électrometres
plus sensibles qui ont remplacé la balance de Coulomb, et
au point de vue théorique dans l'introduction du potentiel
dans les calculs, fonction dont Neumann a montre toute
l'importance. . . . ^ .. ,
L'invention de la pile deVolta qui maugurale xix<^ siècle
et les brillants résultats qu'elle a donnés en chimie ne pou-
vaient manquer d'appeler l'attention presque exclusive des
physiciens sur ces nouveaux phénomènes, et nous allons
avoir maintenant à enregistrer les diverses découvertes qui
se sont succédé dans ce que l'on a appelé 1 électricité
dimamicme. , ^r i. •<-'.«
Aussitôt après la découverte de Volta, on se mit a per-
fectionner les piles électriques de façon à augmenter a la
fois la force du courant et aussi sa durée et sa constance;
ces deux dernières qualités ne se trouvaient guère dans la
pile de Volta. En 4801 , Cruikshank imagine la pile à auges.
L'année suivante, Gautherot découvre la cause la plus im-
portante de l'imperfection des piles, la polarisation. Ln
1815 \Yollaston donne un nouveau modèle de pile ; a par-
tir de ce moment les modifications se succèdent rapidement,
et nous ne pouvons ici que signaler les taits les plus im-
portants, et parmi ceux-ci nous citerons en première ligne
la première pile thermo-électrique construite FJ Seebeck
en 1821 et l'élément imaginé par Becquerel en 18^29 : c est
le premier élément à deux liquides séparés par une cloison
poreuse En 1836, nouveau perfectionnement, la pile de
Daniell apparaît : elle possède des qualités de régulante
qui la font encore actuellement très souvent employer; la
même année Grove construit la pile qui porte son nom et
qui, modifiée par la substitution du charbon de cornue au
platine proposée par Archereau et adoptée avec une modi-
fication de forme par Bunsen, gardera la forme que lui a
donnée Archereau et le nom plus connu de Bunsen. C est le
type des piles intenses et relativement constantes. Lu 18oy,
nouvelle pile formée d'après un principe tout différent.
Planté utilise dans ses piles secondaires les etlets de la po-
larisation et il obtient des courants énergiques ; le couple
Planté est l'origine de tous les accumulateurs si employés
aujourd'hui, qui n'en diffèrent que par des détails de torme.
Citons enfin l'élément Poggendorff au bichromate de potasse
comme un des plus commodes et des plus énergiques, et
l'élément Leclanché si utile et si simple.
En 1805, Grotthus donne une première théorie de 1 elec-
trolyse, découverte cinq ans auparavant par Carhsle et
Nicholson. Davy puis Faraday étudient les décompositions
électrolytiques, et ce dernier, en 1833, énonce sa loi cé-
lèbre des équivalents électriques : un courant électrique
qui parcourt une série de voltamètres contenant chacun un
sel différent décompose dans le même temps dans chaque
voltamètre la même fraction d'équivalent de chaque sel.
C'est après la loi des chaleurs spécifiques de Dulong et
Petit Vl819), la seconde relation trouvée entre les cons-
tantes physiques et les équivalents des corps. Cette belle
découverte de Faraday a été étendue par les travaux de
Matteucci et surtout par ceux de Becquerel, qui a montre
que, dans les cas des composés contenant plus d un équiva-
lent de chacun des corps, c'était la quantité de 1 élément
électro-nésatif mis en liberté qui suivait la loi de Mraday
et non le métal. La théorie de Grotthus a été remplacée en
1857 par celle de Clausiiis, beaucoup plus complète et
plus satisfaisante. L'électrolyse est devenue dans ces der-
niers temps un mode d'analyse souvent employé et très
commode et un procédé d'extraction des métaux qui rend
pour certains d'entre eux, l'aluminium par exemple, les
plus erands services.
L'année 1820 voit s'accomplir une grande découverte:
depuis quelque temps, les phénomènes électriques étaient
rapprochés par beaucoup d'esprits de ceux que présente le
magnétisme, mais ce n'était qu'une idée vague que la. célèbre
expérience d'Œrstedt est venue préciser : (Erstedt deœu-r
vrit qu'un courant électrique passant dans le voismage d une
aiguille aimantée, celle-ci est déviée de sa position primitive,
d'autant plus fortement que le courant est plus fort ou
plus voisin de l'aiguille; elle tend à se mettre en croix avec
le courant. C'est là une des plus belles expériences qui aient
été faites en électricité, et elle a fourni à Ampère les élé-
ments de sa théorie sur rélectrodynamique, qui peut passer
pour un des plus beaux mémoires où les mathématiques
viennent au secours de l'observation, où à l'aide de quelque
loi simple qui sert de point de départ on arrive à vérifier
les résultats des expériences et à en prévoir d autres.
Aussitôt l'expérience d'OErstedt connue en France, Ampère
découvre l'action des courants électriques les uns sur les
autres, découverte aussi belle que celle d'œrstedt. De plus,
il en iait la théorie d'une façon admirable, et en très peu
de temps une science nouvelle, l'électrodynamique, est créée
par le savant français. De quelques expériences simples,
faites pour étudier l'action des courants sur les courants,
Ampère déduit la loi fondamentale de l'action de deux élé-
ments de courants placés dans des positions respectives
quelconques, et il en déduit dans chaque cas particulier les
actions non plus sur des éléments de courants, mais sur des
courants finis, ce qui lui permet de soumettre ses déductions
au contrôle de l'expérience. De plus, Ampère précise delà
façon la plus remarquable ces idées vagues que 1 on se tai-
sait sur la corrélation du magnétisme et de l'électricité ; il
montre que les courants électriques peuvent produire les
effets des aimants; en enroulant en hélice un fil conduc-
teur et le suspendant de façon à permettre à l axe de cette
hélice de se mouvoir dans un plan horizontal tout en res-
tant en communication avec les pôles d'une pUe, il lorme
des assemblages, les solénoides, ayant toutes les propriétés
des aimants, se dirigeant vers le N., possédant deux pôles,
s'attirant ou se repoussant; il substitue à la théorie des
deux fluides magnétiques de Coulomb sa théorie électrique du
magnétisme. C'est cette même année 1820, déjà si féconde,
qu'Araeo a découvert l'aimantation par les courants; cette
découverte est capitale. Elle permet d'obtenir non seule-
ment des aimants beaucoup plus puissants que ceux que 1 on
avait auparavant, mais elle permet d'aimanter instantané-
ment et à distance, donnant ainsi naissance, un peu plus
tard (1829), aux premiers moteurs magnéto-électriques, et
en 1840 au télégraphe à cadran qui présentait sur lestele-
o-raphes employés alors et fondés sur l'expérience d OLrs-
tedt de grands avantages. En 1821, Davy, qm venait de
réunir deux mille couples voltaïques, produisit pour la pre-
mière fois l'arc voltaïque. En 1822, Seebeck découvrit Jes
phénomènes de thermo-électricité; il montra que, lorsqu un
circuit était formé de fils métalliques de diverses natures
soudés les uns aux autres, on pouvait y faire naître des
courants électriques en plaçant ses soudures à des tempe-
ratures différentes; le sens du courant engendre a chaque
— 757 —
ÉLECTRICITÉ
soudure dépend de la nature des deux métaux soudés, et
l'on peut ranger les métaux suivant une liste analogue à
celle que Volta avait dressée : quand on chauffera la sou-
dure réunissant deux métaux de cette liste, le courant ira
toujours du métal le premier inscrit sur la liste à l'autre,
et, toutes choses égales d'ailleurs, le courant sera d'autant
plus fort que les deux métaux seront plus éloignés sur cette
liste. En 1823, Cumming a montré que dans cette liste
l'ordre des métaux dépendait de la température et qu'à
partir de certains degrés il y avait inversion. La décou-
verte de Seebeck est très intéressante à la fois au point de
vue théorique et au point de vue pratique; elle a donné
naissance à l'instrument le plus sensible que nous possé-
dions pour mesurer les faibles quantités de chaleur, la pile
thermo-électrique ; on a pu, avec cette sorte de thermomètre,
étudier avec une grande précision les phénomènes de la
chaleur ravonnante et montrer toute l'analogie qui existe
entre les phénomènes optiques si facilement appréciés par
nos yeux et les phénomènes de chaleur rayonnante qui
échappaient à nos sens, tels que l'existence d'un spectre
calorifique continuant le spectre lumineux du côté du rouge
et la présence dans le spectre calorifique du soleil de bandes
sans chaleur analogues aux raies sans lumière de la partie
visible. A côté de ces phénomènes, nous citerons ceux qui
ont été découverts un peu plus tard, en 1834, par Peltier
(effet Peltier), et en 1856 par Thomson (effet Thomson).
Le premier a montré que si, dans un circuit formé de plu-
sieurs métaux soudés où la température est uniforme, on
vient à lancer un courant électrique, la température ne
s'élève pas uniformément; elle est plus élevée à certaines
soudures qu'à d'autres et elle s'abaisse même quelquefois
à certaines soudures lorsque le courant est suffisamment
faible. Le second a fait voir que, dans un circuit formé
par un seul métal dont les diverses parties vont à diffé-
rentes températures, réchauffement d'une partie du fil
produit par un courant n'est pas le même quand le courant
va d'une partie chaude à une partie froide ou quand il suit
la route inverse. Ces propriétés ont été ensuite étudiées
avec soin par Leroux. Les phénomènes thermo-électriques
ont fait l'objet de nombreux travaux parmi lesquels il
faut citer tout particulièrement ceux de Becquerel et les
recherches théoriques de Thomson, puis de Tait.
En 1824, Arago fit encore une découverte considérable,
celle du magnétisme de rotation : une aiguille aimantée
librement suspendue et orientée vers le N. étant placée au-
dessus d'un disque de cuivre animé d'un mouvement rapide
de rotation était déviée de sa position d'équilibre et tendait
à suivre le mouvement du disque. Cette curieuse expérience,
inexplicable à cette époque oii les phénomènes d'induction
étaient encore inconnus, fut très remarquée ; elle suscita
un essai de théorie de la part de Poisson et des expériences
très intéressantes dues surtout à Foucault : si on veut faire
tourner rapidement un disque de cuivre placé entre les
pôles d'un fort électro-aimant, on éprouve une grande résis-
tance, et le cuivre s'échauffe fortement. Seebeck montra le
parti que Ton pouvait tirer de l'expérience d' Arago dans
la construction des galvanomètres : si on fait osciller une
aiguille aimantée sous l'influence magnétique de la terre,
puis si l'on vient à mettre autour d'elle un cadre en
cuivre, on constate que ces oscillations s'arrêtent aussi-
tôt, l'aiguille prenant sa position naturelle d'équilibre.
On peut*, à Taide de cet artifice, construire des galvano-
mètres dans lesquelles l'ai^çuille aimantée se place immédia-
ment, presque sans oscillations, dans la position d'équi-
libre qu'elle n'occuperait, sans cela, qu'après de nombreuses
et lentes oscillations. En 1827, Ohm exposa, dans sa
Ihéorie mathématique de la pile galvanique,^ les lois
qui relient la force électromotrice d'une pile à l'intensité
du courant qu'elle produit dans un circuit d'une résistance
connue. Cette théorie est assez analogue à celle que Fourier
a établie pour la conductibilité calorifique. Les résultats
d'Ohm, exposés d'une manière très abstraite, ont été long-
temps méconnus, et Pouillet a retrouvé ses résultats
huit ans après. Les recherches d'Ohm et de Pouillet ont
été suivies de celles de Becquerel, de Gaugain, de Branly
et de Riemann, pour n'en citer que quelques-unes.
L'année 1831 marque une nouvelle date dans l'histoire
de l'électricité: Faraday découvre les phénomènes d'induc-
tion; il place à côté l'une de l'autre deux hélices conduc-
trices reliées l'une à un galvanomètre, l'autre à une puis-
sante pile électrique, et il constate que chaque fois qu'on
lance le courant ou qu'on l'interrompt dans la seconde
hélice, le galvanomètre indique dans l'autre un courant de
sens contraire dans le premier cas, de même sens dans le
second que le courant de la pile. Faraday montre aussi que,
lorsqu'on approche ou qu'on éloigne d'un circuit fermé relié
à un galvanomètre un circuit parcouru par un courant, il
s'en développe un autre dans le circuit fermé. Les aimants
produisent le même effet. Pour exprimer dans tous les cas
le sens du courant produit, Faraday a imaginé ce qu'il a
appelé les lignes de force : une ligne de force d'un cou-
rant est une ligne telle qu'en chaque point la tangente à
la ligne est dirigée suivant la direction de la force avec
laquelle le courant agirait sur une molécule magnétique
placée en ce point, et il dit que chaque fois que l'on vient
à altérer les hgnes de force d'un circuit, il se développe
une force électromotrice qui produit un courant de sens tel
que les lignes de force qui lui correspondent soient d'une
direction opposée. En 1833, Lenz a donné de cette loi un
autre énoncé plus simple connu sous le nom de loi de Lenz :
il a montré que le courant induit était toujours d'un sens
tel qu'il gênait l'induction; si celle-ci était produite par
un déplacement, il s'opposait à ce déplacement ; si elle était
produite par une variation d'intensité, il tendait à la rendre
moins prompte. Les premières expériences de Faraday sur
l'induction sont, d'après Bence Jones, qui a écrit une bio-
graphie sur Faraday, de la fin d'août 1831. Son premier
mémoire porte la date de novembre de la même année; le
suivant a été publié en janv. 1832. En moins de six mois,
avec une sagacité admirable. Faraday a exécuté les expé-
riences fondamentales de l'induction ; il en a posé les prin-
cipes, et il a démontré que les courants électriques que
pouvaient produire les piles ou les décharges des corps
chargés d'électricité statique, les phénomènes magnéto-
électriques et thermo-électriques et même les courants
ayant pour origine l'électricité animale étaient identiques
dans leur nature; ils produisaient les mêmes effets. C'est
en établissant pour les phénomènes d'induction électro-
magnétique une théorie mathématique que Neumann fut
conduit, en d 845, à considérer une fonction par ticuhère, le
potentiel, dont l'emploi est maintenant général. Ce travail
de Neumann a été suivi d'un grand nombre d'autres, très
remarquables, dont nous ne pouvons citer que les princi-
paux : les recherches théoriques et pratiques de Weber
(1846), celles de Kirchhoff(1849), enfin celles d'Helmholtz
en 1851, et celles de Thomson en 1855; elles ont pour
but de vérifier par l'expérience divers résultats obtenus
dans l'étude de la théorie mathématique de l'induction.
Enfin, dans le même ordre d'idées, il faut citer les très
intéressants travaux de Clerk Maxwell résumés dans son
traité Electricity and Magnetism (1873). Il a posé les
équations générales qui permettent de déterminer l'état
d'un champ électrique et, parmi les conclusions remar-
quables auxquelles il arrive, il faut citer d'une façon toute
particulière sa théorie électromagnétique delà lumière.
Revenons à l'année 1831. La découverte de Faraday, si
importante à tous les points de vue, ne tarda pas à èlre
appliquée pour la production des courants électriques. Dès
1832, Pixii construisit la machine magnéto-électrique qui
porte son nom et qui est la première d'une série nombreuse
qui s'accroît tous les jours. Parmi les anciennes machines
de ce genre, on peut citer celles de Ritchie, de Clarke, de
Stohrer, de Weatstone, etc. Parmi ces machines,^oji doit
signaler d'une façon spéciale celle de Siemens (1857), qui
présente une disposition particulière pour l'armature, qui
a donné de très bons résultats; celle de Ladd (1867), on il
ÉLECTRICITÉ
— 7o8 —
n'y a pas d'aimant permanent; celle de Gramme, dans
laquelle la distribution des courants induits se fait d'une
façon très ingénieuse. La machine imaginée par Nollet,
savant belge, et plus connue sous le nom de machine de
l'Alliance, 'représente également un type qui a beaucoup
servi pour la production de la lumière électrique dans les
phares. Dans ces derniers temps ce genre de machines s'est
muItipHé par suite du développement de l'éclairage élec-
trique. Une autre application de la découverte de Faraday
est la bobine de Masson et Bréguet (1842) qui donnait de
vives étincelles et des secousses assez fortes; c'est cet appa-
reil, auquel Ruhmkorff apporta un certain nombre de modi-
fications qui augmentèrent sa force, qui porte le nom de
son constructeur (1851). L'addition d'un condensateur par
Fizeau (1853), d'un interrupteur plus rapide par Foucault,
de cloisons isolantes séparant la grande bobine en une
suite d'autres juxtaposées, permirent d'augmenter la dimen-
sion et la force des bobines. Un de ces appareils, construit
par Apps, donne des étincelles de plus d'un mètre de lon-
gueur. Pour la partie théorique, nous signalerons un très
intéressant mémoire de Maxwell dans les Proceedings de
la Société royale de Londres (1867).
Peu après la découverte de l'induction paraît le mémoire
très remarquable de Joule {Philosophical Magazine,
1841) : les divers phénomènes que produisent les courants
électriques, la chaleur qu'ils dégagent dans les circuits, la
force vive qu'ils communiquent aux moteurs, les décompo-
sitions chimiques qu'ils réalisent et qui nécessitent un cer-
tain travail en rapport avec la chaleur de formation de ces
composés, tous ces phénomènes empruntaient à une source
inconnue l'énergie correspondante. Joule a montré que
c'était dans les actions chimiques de la pile qu'il fallait
voir cette source inconnue ; c'est aux quantités de chaleur
qui accompagnent les réactions chimiques dont les piles
sont le siège, chaleur qui n'apparaît pas en totalité d'une
façon sensible lorsque la pile fournit un courant qui pro-
duit divers phénomènes ; c'est à ces quantités de chaleur
qu'il faut rapporter les effets mécaniques divers des cou-
rants. Ainsi, si un même courant électrique anime un moteur,
décompose l'eau dans un voltamètre, etc. , si l'on ajoute la
chaleur sensible dégagée dans tout le circuit, y compris la
pile, à la chaleur qui correspond à la quantité d'eau décom-
posée et à la chaleur qui correspond au travail mécanique
du moteur, on trouve un nombre qui est d'accord avec
celui que la thermochimie des réactions qui se passent
dans la pile fait prévoir. C'est une nouvelle application
de la loi générale de la conservation de l'énergie. C'est à
Joule que revient l'honneur d'avoir eu des idées nettes
sur ce sujet; mais, à côté de son nom, il faut citer ceux de
La Rive, de Becquerel, de Thomson, de Lenz, et surtout de
Favre et Silbermann, dont les mesures sont venues confir-
mer les expériences incomplètes de Joule. Ces derniers
physiciens sont arrivés à cette conclusion que la chaleur
chimique est égale à la chaleur voltaïque. Edlund a mon-
tré que dans certains cas les phénomènes étaient un peu
plus compHqués.
En même temps que les phénomènes connus se multi-
pliaient et qu'on imaginait des théories pour les expliquer,
les instruments de mesure nécessaires pour la vérification
de ces théories se perfectionnaient; ils devenaient plus
sensibles et plus précis. Autrefois on mesurait les cou-
rants électriques par l'action chimique qu'ils pouvaient
produire et en particulier par la quantité d'eau qu'ils
pouvaient décomposer dans un temps donné. Ce procédé
avait l'inconvénient d'exiger des courants intenses et d'une
durée suffisante. Bien que cette méthode ne soit pas aujour-
d'hui abandonnée, par exemple Edison a fondé sur ce prin-
cipe ses compteurs électriques, on lui préfère dans presque
tous les cas les méthodes galvanométriques : sitôt la dé-
couverte d'OErstedt connue ainsi que la théorie d'Ampère,
on imagina d'utiliser le nouveau phénomène pour la mesure
des courants, et Schweigger inventa dès 1820 le multi-
pHcateur qui permet d'augmenter, dans un rapport con-
sidérable prescpie aussi grand qu'on le désire, l'action du
courant électrique sur l'aiguille aimantée. L'emploi de deux
aiguilles aimantées de même force placées parallèlement l'unie
au-dessous de l'autre, mais les pôles contraires en regard,
formant un système astatique, proposé en 1825 par Nobili,
a encore augmenté considérablement la sensibilité de ces
rhéomètres. Depuis ce temps, on emploie souvent pour obtenir
le même résultat une seule aiguille mobile, mais on place
dans son voisinage un aimant ayant sur l'aiguille une action
contraire à celle de la terre. La balance électromagnétique
imaginée par Becquerel en 1837 avait l'avantage d'évaluer
les courants électriques par les attractions ou répulsions
qu'ils produisaient sur un aimant, ces actions étant évaluées
avec des poids. Mais cette balance fut peu employée, et la
même année Pouillet imagina ses boussoles des sinus et
des tangentes. Le premier de ces appareils est à peu près
complètement abandonné ; le second a servi longtemps, et
les galvanomètres actuels en sont des modifications surtout
lorsqu'on ne s'en sert que pour de faibles déviations ; on
augmente d'ailleurs beaucoup la précision des mesures sans
augmenter les déviations en se servant du dispositif adopté
par Poggendorff consistant à munir le système mobile d'un
petit miroir que l'on vise avec une lunette et qui donne à
celle-ci l'image d'une règle graduée placée à une certaine
distance. Depuis, Gaugain modifia la disposition de la bous-
sole des tangentes en plaçant l'aiguille non plus à l'inté-
rieur du multiplicateur, mais à une certaine distance indi-
quée par la théorie. De plus, le multiplicateur avait une
forme conique; il obtint ainsi un instrument pour lequel
les tangentes des déviations étaient rigoureusement propor-
tionnelles aux intensités des courants. En 1847, Helmholtz
proposa une boussole symétrique : l'aiguille se trouve pla-
cée entre deux bobines parallèles séparées par une distance
égale à leur rayon ; les bobines ont une section rectangu-
laire, soit trop petite, soit telle que la largeur et la hau-
31
teur du multiplicateur soient dans le rapport tttt. R ^aut
encore citer parmi les appareils rhéométriques ceux de Wie-
demann, de Weber et de Thomson.
En même temps que les appareils destinés à la mesure
des courants se perfectionnaient, les électromètres destinés
à la mesure de charges électriques, si précieux en particu-
lier dans la mesure des forces électromotrices, subissaient
des perfectionnements analogues : le premier de ces instru-
ments est la balance de Coulomb ; l'électromètre absolu de
Thomson, son électromètre portatif, son électromètre à
longue échelle, son électromètre à quadrants, sont des ins-
truments précieux à des titres différents; l'électromètre de
M. Branly est une simplification de l'électromètre à qua-
drants. Citons enfin l'électromètre de M. Lippmann, cons-
truit sur un principe très différent, utihsantles phénomènes
électrocapillaires; il est très sensible, très précis et d'une
construction simple qui le rend peu coûteux.
En 1873, Smith découvre une propriété curieuse du sélé-
nium : sa résistance électrique diminue quand il est exposé
à la lumière : c'est le point de départ du photophone de
Bellet, des recherches de Siemens, de Mercador, d'Hause-
mann, etc. L'année 1876 voit apparaître une des plus éton-
nantes inventions : le téléphone. H parut d'abord à l'Expo-
sition de Philadelphie; aujourd'hui il étend ses réseaux non
seulement dans les villes de quelque importance, mais il relie
des villes même éloignées. Paris est mis en communication
téléphonique avec Marseille, Bruxelles, Londres. Mais la
théorie du téléphone n'est pas encore faite. Comment vibre
ce diaphragme, élément essentiel du téléphone? On a pu
faire vibrer de ces lames de fer ayant jusqu'à 15 millim.
d'épaisseur et encastrées sur leur pourtour. En déc. 1877
apparaît le microphone découvert par M. Hugues, appareil
précieux permettant d'entendre les bruits les plus faibles;
bientôt il est transformé en transmetteur téléphonique, et
il donne des résultats tout à fait satisfaisants pour ce nou-
vel usage. En 1878, nouvelle découverte de M. Hughes:
- 759 -
ÉLECTRICITÉ
la balance (T induction (V. ce mot) qu'il imagine permet
de reconnaître les plus petites différences entre certains
métaux : deux disques métalliques de mêmes dimensions, de
mêmes poids, de même métal, mais l'un pur, l'autre con-
tenant une trace d'impureté, donnent des effets différents.
Ainsi avec le fer doux le plus pur du commerce l'appareil
indique 52*^ tandis qu'avec le fer chimiquement pur il
indi([ue &, On a fait certaines pièces fausses avec une
perfection remarquable : des disques faits d'un alliage de
platine et d'argent ayant exactement la densité de l'or
étaient dorés à leur surface, puis frappés; les pièces de
monnaies obtenues ainsi présentaient la densité,^ le poids,
la sonorité des pièces d'or véritables et revenaient à un
prix moindre (il n'en serait plus de même aujourd'hui, le
prix du platine étant maintenant à peu près celui, de l'or).
Ces pièces, qu'il était impossible de distinguer des autres,
donnaient à la balance de Hughes des résultats tout diffé-
rents qui pouvaient les faire reconnaître facilement. Cet
appareil, légèrement modifié, a été employé pour rechercher
les projectiles dans les plaies : un téléphone relié à l'appa-
reil rend un son quand on approche une des bobines de
la balance de l'endroit oii se trouve un objet métallique ;
on a en particulier employé cet instrument pour l'explora-
tion de la blessure du président Garfield.
Le phénomène de Hall, découvert en 4879, est des plus
curieux : une lame mince de méfal est taillée en forme de
croix; l'une des branches est traversée par un courant; les
deux autres bras sont mis en relation avec les deux bornes
d'un galvanomètre; celui-ci reste au zéro; mais si on
approche un aimant de la croix, on constate qu'un courant
passe dans le galvanomètre aussi longtemps que l'aimant
reste près de la croix. Ce phénomène, inexplicable par les
anciennes théories, a servi à M. Rowland pour expliquer les
phénomènes de la polarisation rotatoire. La même année,
M. Kerr a observé une nouvelle relation entre l'optique et
l'électricité : un rayon lumineux polarisé c[ui se réfléchit
sur le pôle d'un aimant éprouve une rotation de son plan
de polarisation.
Les décisions du congrès international des électriciens
de 1881 ont porté les recherches des physiciens sur les pro-
cédés propres à déterminer les unités électriques adoptées.
C'est ainsi que la longueur de la colonne mercurielle qui
représente un ohm aété fixée àl'^Oe, grâce aux travaux de
MM. Thomson, Maxwell, Lorenz, Lippmann, Mascart, Flets-
cher, etc. Certains appareils ont été imaginés pour faciliter
ces recherches : tel est l'électrodynamomètre absolu de
M. Pellat. Terminonsl'exposérapide des principales décou-
vertes qui ont amené l'électricité dans l'état où elle est
aujourd'hui par le résumé des très intéressantes recherches
faites tout récemment par M. Hertz. Nous avons vu à plu-
sieurs reprises des relations étroites entre les phénomènes
lumineux et les phénomènes électriques. Nous avons signalé
et nous reparlerons un peu plus loin de la théorie de l'élec-
tricité de Maxwell qui repose sur ces liens étroits. Mais il
manquait un phénomène électrique comparable à ce qu'en
optique on appelle un rayon lumineux. C'est cette lacune
qu'a comblée M. Hertz en montrant qu'il existe des rayons
électriques, qu'ils se réfléchissent, qu'ils se réfractent comme
les rayons lumineux.
Expériences de Hertz, Les appareils employés se com-
posent d'un excitateur et d'un explorateur. L'excitateur
consistait en deux cylindres de laiton de 3 centim. de dia-
mètre, de 13 centim. de longueur, munis à une extrémité
d'une partie sphérique de 2 centim. de rayon. Ils sont placés
sur le prolongement l'un de l'autre, les bouts sphériques
en regard, à une distance de 3 millim (fig. 1). Ces deux
cylindres, isolés, sont reliés par de gros fils en cuivre,
enduits de gutta-percha, aux pôles d'une bobine de
Ruhmkorff capable de donner des étincelles de 4 à 5 centim.
Il était excité par trois accumulateurs. — L'explorateur
était soit un cercle en fil de cuivre de 1 millim. presque
fermé sur lui-même et ayant 7«"^5 de diamètre, soit un
conducteur formé de deux fils rectilignes de 5 millim. de
diamètre, de 50 centim. de long, placés dans le prolongement
l'un de l'autre à une distance de 5 centim. ; des deux extré-
mités en regard partent deux fils de 1 millim. de diamètre
et de 15 centim. de long perpendiculaires aux premiers et
parallèles entre eux ; ils se terminent par un micromètre à
étincelle formé d'une petite sphère de laiton poli de
quelques millimètres de diamètre et d'une pointe portée par
une vis isolée que l'on peut approcher plus ou moins de la
sphère ; l'explorateur circulaire portait un micromètre à
étincelle analogue. M. Hertz appelle aussi son explorateur
un résonnateur : voici en quels termes il expose le principe
de sa méthode (conférence faite au 61^ congrès des natu-
LFig. 1.
ralistes et médecins allemands à Heidelberg) : « Donnez à
un physicien un certain nombre de diapasons et de réson-
nateurs et demandez-lui de démontrer que la propagation du
son n'est pas instantanée... Après avoir mis en vibration un
diapason, il se transporte avec un résonnateur aux divers
points de la chambre et observe l'intensité du son. H voit
qu'en certains endroits elle devient très faible et en déduit
que là chaque vibration est annulée par une autre née plus
tard et arrivée au même but par une voie plus courte. Si
pour courir un chemin plus court il faut moins de temps, la
propagation n'est pas instantanée, et le problème est résolu.
Mais ensuite notre physicien nous montrera que les points
silencieux se succèdent à des distances égales ; il en déduit
la longueur d'onde, et, s'il connaît la durée des vibrations du
diapason, il obtient avec ces données la vitesse de propaga-
tion du son. Nous opérons exactement de même avec nos
vibrations électriques. Le conducteur dans lequel se font
les variations électriques (excitateur) remplit le rôle du dia-
pason. Le circuit rompu en un point tient lieu de résonna-
teur et prend le nom de résonnateur électrique. Nous remar-
quons qu'en certains points de la chambre il en jaillit des
étincelles, que dans d'autres il reste au repos; nous
voyons que les endroits inactifs, électriquement, se suivent
dans un ordre régulier. Nous en déduisons que la propa-
gation n'est pas instantanée et môme nous pouvons me-
surer la longueur d'onde. On nous demande si les ondes
trouvées sont longitudinales ou transversales. Plaçons notre
fil métallique dans deux positions différentes au même
endroit de la pièce : la première fois il indique une excita-
tion électrique, la seconde non. H n'en faut pas plus pour
trancher la question : ce sont des ondes transversales. »
ÉLECTRICITÉ
— 760
Si on place l'excitateur que nous avons décrit à une
distance d'environ 8 à 15 centim. d'un plan conducteur, on
observe qu'il produit un effet favorable. On obtient un
meilleur résultat en employant non plus un plan, mais un
cylindre ayant pour directrice une parabole de distance
focale égale à i2^"^o. Dans certaines expériences de
Hertz, ce cylindre, agissant comme un miroir, était formé
d'une feuille de zinc d'un demi-millimètre d'épaisseur ayant
2 m. de haut et cintrée sur un châssis en bois de i'^^^O
d'ouverture et de 70 centim. de flèche qui lui donnait une
forme parabolique. L'excitateur était fixé au milieu de la
ligne focale. Les fils de charge traversaient le miroir. En
explorant avec le résonnateur l'état du milieu dans le voi-
sinage, on ne constate aucune action ni derrière le miroir
ni sur les côtés ; mais, dans la direction de l'axe optique,
les étincelles restent visibles jusqu'à une distance de 5 à 6 m.
Ces étincelles sont d'ailleurs fort petites : elles n'ont que
quelques centièmes de millimètre de longueur. A une dis-
tance plus grande, à 9 ou 10 m., elles sont encore percep-
tibles, mais seulement dans le voisinage d'une paroi plane
conductrice perpendiculaire à l'axe. Avec une paroi cylin-
drique semblable à celle de Texcitateur, mais placée derrière
le résonnateur, on peut obtenir des étincelles jusqu'à 16 m.
On trouve aussi qu'en certains points les ondes réfléchies
sont tantôt renforcées tantôt aff'aiblies par les ondes inci-
dentes, et ces maxima et ces minima faciles à trouver avec
le résonnateur rectilignese trouvaient à des distances de 33,
65, 98 centim. ; la demi-longueur d'onde était donc de
33 centim. dans ces expériences, ce qui donne environ un
milliardième de seconde pour la durée de l'oscillation.
L'appareil ainsi constitué ne donnant de résultats que dans
le voisinage de son axe optique, on peut considérer l'espace
où se produisent ces phénomènes comme un rayon élec-
trique. M. Hertz a montré que les rayons électriques ainsi
définis cheminertst en ligne droite, se réfléchissent et se
réfractent comme les rayons lumineux, qu'ils présentent des
phénomènes de polarisation et de diffraction. Pour toutes
ces expériences, l'excitateur et le résonnateur sont munis
de leurs miroirs cylindriques. 1<* Propagation rectiligne.
Supposons l'explorateur et le résonnateur en face l'un de
l'autre, les axes de leurs réflecteurs en coïncidence. Si on
interpose sur cet axe une feuille de zinc de 2 m. de haut
sur 1 m. de large, l'étincelle du résonnateur disparaît. Les
corps isolants au contraire ne produisent aucun effet ; on
peut donc dire que les corps conducteurs jouent en élec-
tricité le même rôle que les corps opaques en optique, que
les corps athermanes en chaleur ; les corps diélectriques sont
au contraire les analogues des corps transparents et dia-
thermanes. Deux écrans métalliques de 2 m. de haut sur
1 m. de large placés symétriquement de chaque côté du
rayon sont sans influence tant que leur écart est supérieur
à 1^20 ; quand cet écart est inférieur à 50 centim., les
étincelles ne paraissent plus. Elles étaient plus ou moins
fortes pour les écarts intermédiaires. Si on déplace parallè-
lement les miroirs en leur laissant l'écart del'^^O, mais
en rapprochant l'un et écartant l'autre de l'axe, on fait dis-
paraître les étincelles. Le rayon chemine donc en ligne droite.
— 2° Réflexion, On place côte à côte les miroirs des deux
instruments de façon que leurs axes optiques se coupent
en un certain point ; on y place un miroir plan et l'on cons-
tate que, pour que le résonnateur donne des étincelles, il faut
que le miroir plan soit perpendiculaire à la bissectrice de
l'angle des axes des deux appareils ; il y a donc réflexion
et non diffusion, et les lois de la réflexion sont les mêmes
que pour les rayons lumineux ou calorifiques, La direction
du plan de l'onde est d'ailleurs perpendiculaire à la direc-
tion du rayon, après comme avant la réflexion. Si, laissant
le miroir plan vertical, on met les miroirs cylindriques hori-
zontaux, la réflexion se produit exactement de la même
façon. — 3^ Polarisation, Il n'en est plus de même si
l'un des miroirs cylindriques a ses génératrices verticales
et que l'autre ait ses génératrices horizontales ; il n'y a plus
d'étincelles : on dirait, en optique, il y a extinction du rayon
polarisé. Les deux miroirs cylindriques jouent alors le même
rôle que deux niçois qui, parallèles, laissent passer la lumière
et l'arrêtent lorsqu'ils sont croisés à 90®. M. Hertz a même
pu produire des phénomènes à peu près analogues à ceux
de la tourmaline qui, on le sait, absorbe le rayon ordinaire
et transmet le rayon extraordinaire ; l'appareil qui produit
l'effet de la tourmaline se compose d'une série de fils de
cuivre de 1 millim. de diamètre situés parallèlement à une
distance de 3 centim. ; ils sont tendus sur un cadre qui a 2 m.
de côté. On place ce cadre verticalement entre les deux
cylindres également verticaux. Si les fils du cadre sont ver-
ticaux, l'étincelle se produit dans le résonnateur comme
s'ils n'existaient pas ; elle ne se produit plus au contraire
s'ils sont horizontaux. Plaçons un des miroirs cylindriques
horizontalement, l'autre verticalement : pas d'étincelles dans
le résonflateur. Interposons le cadre à fils parallèles ; pla-
çons-le verticalement, les fils étant inclinés à ^^^ : les étin-
celles reparaissent comme reparaît la lumière lorsque, entre
deux niçois croisés à 90<^, on interpose une lame de tour-
maline dont Taxe est incliné à 45*^ sur la direction de l'axe des
niçois. — 4® Réfraction, Les phénomènes de réfraction
sont aussi curieux. Pour avoir un prisme convenable, il fal-
lait qu'il fût transparent pour l'électricité, c.-à-d. fait en une
substance isolante quelconque. M. Hertz a pris de l'asphalte,
qu'il a coulé dans une caisse en bois ayant la forme d'un
prisme isocèle d'angle égal à 30^ ayant 1°*20 de côté et
1"^50 de haut; des écrans en métal, c.-à-d. opaques
pour l'électricité, ne laissaient à l'électricité d'autre passage
que le prisme. Celui-ci n'avait pas été retiré des caisses
de bois où on l'avait coulé, le bois n'empêchant nullement
le passage de l'électricité. On dirigeait l'axe du miroir de
l'excitateur vers le centre de gravité de la face d'entrée et
celui du miroir du résonnateur vers le centre de gravité
de la face de sortie. On avait tracé par terre un cercle ayant
ce dernier point pour centre de façon à pouvoir déplacer
le résonnateur tout en le laissant convenablement dirigé.
Le premier miroir faisait avec la face d'entrée du prisme
un angle de 65^. Le second miroir se trouvant d'abord
placé dans le prolongement du rayon incident, on n'obtint
pas d'étincelles. Il fallut faire tourner ce second miroir de
11<* pour commencer à percevoir une étincelle; celle-ci
augmenta pour une déviation plus grande, devint maxima
pour l'angle de 22^, puis diminua; elle était nulle pour une
déviation de 34®. Les mêmes phénomènes se produisaient
si, laissant le prisme vertical, on plaçait horizontalement les
deux cylindres réflecteurs. L'indice du prisme que l'on peut
déduire de ces expériences est 1,7.
Nous terminerons l'exposé de ces expériences que nous
avons plus développées que les autres en raison de leur
nouveauté et leur très grande importance, par cette con-
clusion de M. Hertz : « Dans les phénomènes que nous
venons d'étudier, nous avons vu des rayons de force élec-
trique ; peut-être aurions-nous pu tout aussi bien y voir
des rayons lumineux à grande longueur d'ondulation. Pour
moi, les faits observés me paraissent mettre absolument
hors de doute l'identité de la lumière, de la chaleur rayon-
nante et les mouvements électrodynamiques. Je crois que
l'idée de cette identité conduira à des conséquences aussi
profitables pour la théorie de l'optique que pour celle de
l'électricité. » (V. le mémoire de M. Hertz dans les An-
nales de Wiedemann^ janv. 1888, t. XXXVI, ou un ré-
sumé de M. Joubert dans le Journal de Physique^ 1889,
t. vm.)
Théories. Les théories électriques ont fait bien du
chemin depuis l'époque cependant peu éloignée où Symmer
avec ses deux fluides, positif et négatif, où Frankhn avec
son fluide unique, tentaient d'expliquer les phénomènes élec-
triques. En 1822, Ampère émettait des vues que les physi-
ciens modernes, Maxwell en particulier, ont développé ces
derniers temps : Ampère disait en effet que l'on pouvait
< chercher à rendre raison de la force qui a lieu entre deux
éléments de fils conducteurs par la réaction du fluide ré-
pandu dans l'espace et dont les vibrations reproduisent les
761
ÉLECTRICITÉ
phénomènes de la lumière ». C'était là une idée très re-
marquable à plusieurs points de vue, d'abord au point de
vue de l'abandon de l'action à distance, action qu'il est si
difficile de s'expliquer, puis au point de vue du choix du
miheu, permettant de rendre compte des phénomènes. Au
lieu d'adopter pour cela un fluide quelconque, Ampère parle
du fluide « répandu dans l'espace et dont les vibrations
reproduisent les phénomènes de la lumière ». Il est en eff'et
du plus haut intérêt, et cela est conforme à l'esprit scien-
tifique, de chercher à expliquer tous les phénomènes con-
nus à l'aide du minimum d'hypothèses, et, par suite, au
lieu de considérer un fluide calorifique, un fluide électrique,
un fluide magnétique, en un mot un fluide par genre de
phénomènes, on doit s'efforcer de déterminer quelles doi-
vent être les propriétés d'un milieu unique permettant
d'expliquer en mêmejemps tousles phénomènes physiques.
Ampère n'a pas développé ces idées, et on ne saurait le lui
reprocher, les phénomènes électriques connus étant encore
trop peu nombreux et trop peu étudiés. Weber d'abord a
repris ces idées ; il montre que, dans le cas des courants
électriques, si on considère deux masses électriques, elles
doivent agir l'une sur l'autre non seulement suivant une
fonction de leur distance mais aussi suivant leur mouve-
ment relatif. Weber admet que cette action proportionnelle
au produit des masses, et en raison inverse du carré de
la distance, comprend un terme proportionnel au carré de
la vitesse ïelative des deux masses et un autre propor-
tionnel au carré de la vitesse relative parallèle à la droite
qui les joint. Il applique alors ces hypothèses, calcule
l'action de deux courants et trouve certaines conditions
que doivent remplir les coefficients qui entrent dans ces
équations pour que les résultats expérimentaux d'Ampère
soient vérifiés ; il trouve ainsi deux conditions et observe
qu'elles sont réahsées si l'on admet qu'un courant d'une
certaine intensité est formé de deux courants d'électricités
contraires marchant avec la même vitesse en sens opposés et
ayant chacun une intensité moitié moindre. Gauss a émis
l'opinion que les actions électriques ne doivent pas se
produire instantanément et qu'on doit trouver la clef des
phénomènes électrodynamiques, si l'on peut établir la loi de
propagation des forces électriques. Si l'on admet alors que
le potentiel électrique se propage avec une certaine vitesse,
on peut expliquer les phénomènes d'induction. Cette vitesse
serait, d'après Riemann, la vitesse même de propagation de
la lumière. Lorenz a montré qu'on peut ajouter aux équa-
tions de Kirchhoff sur les courants des termes qui ne
changent pas les résultats expérimentaux mais qui indiquent
l'existence d'un phénomène d'ondulation se propageant avec
la vitesse de la lumière. On voit les tendances communes
de toutes ces théories, l'emploi d'un milieu comme le pen-
sait Ampère, et l'existence pour ce milieu de propriétés
plus ou moins analogues à celle de l'éther lumineux. Max-
well, en faisant intervenir directement les propriétés de ce
milieu, est parvenu à établir entre ces phénomènes élec-
triques et les phénomènes lumineux des relations numé-
riques que l'expérience a vérifiées. Nous ne pouvons donner
ici qu'un aperçu de cette théorie : pour expliquer les pro-
priétés des diélectriques, Maxwell imagine que, quand un
diélectrique est soumis à l'induction, il se produit un phé-
nomène équivalent à un déplacement ou à un glissement
d'électricité dans le sens de l'induction ; dans une bouteille
de Leyde, par exemple, l'armature intérieure étant chargée
positivement, le déplacement se fera dans l'intérieur du verre
de dedans en dehors. Toute augmentation ou toute diminution
de la charge correspondant à un courant d'électricité posi-
tive allant dans le premier cas de dedans en dehors, dans
le deuxième cas de dehors en dedans. D'une manière géné-
rale, le déplacement en un point quelconque d'un diélec-
trique est égal au quotient de l'induction par A-r. et est pa-
rallèle à cette force. Mais, tandis que le déplacement n'est
pas limité dans les corps conducteurs, il éprouve au con-
traire de la part des corps diélectriques une résistance que
l'on nomme l'élasticité électrique du milieu, et l'on appelle
coefficient d'élasticité électrique le rapport de la force au
déplacement qu'elle produit. Maxwell a trouvé, en étudiant
les conditions de propagation d'une perturbation électro-
magnétique dans un milieu diélectrique, que l'on avait la
relation V =: -zzz entre la vitesse de propagation V de
cette perturbation, le coefficient [x de perméabilité et le
pouvoir inducteur spécifique k de la substance considérée.
Si l'on suppose que l'on opère dans l'air et si l'on déter-
mine expérimentalement V, on trouve un nombre très voi-
sin de celui de la vitesse de la lumière. Si, d'autre part, on
opère sur un corps diélectrique différent de l'air et d'indice
de réfraction n par rapport à l'air, et si l'on désigne par
k et k^ les pouvoirs inducteurs spécifiques de l'air et du
k'
corps, on trouve, d'après la théorie de Maxwell, n^ -.
k'
Si l'on cherche à vérifier cette relation par l'expérience, on
trouve des différences très notables avec les corps solides
ou liquides qui tiennent surtout à ce que l'on ne peut me-
surer n dans les conditions théoriques où on s'est placé ;
on est obligé alors de calculer la valeur limite de 7i pour les
grandes longueurs d'onde, ce que l'on ne peut faire que
d'une façon approchée. Au contraire, avec les gaz, l'on se
trouve davantage dans les conditions théoriques, et l'accord
est très satisfaisant.
Cette théorie de Maxwell représente donc l'état actuel
des idées que nous avons sur la nature de l'électricité.
Ajoutons que les très curieuses expériences de Hertz, que
nous avons résumées plus haut, sont venues donner à cette
théorie un nouvel appui, et montrer qu'il existait en élec-
tricité quelque chose de comparable aux rayons lumineux
pouvant se réfléchir et se réfracter comme eux. Il n'est
plus téméraire d'espérer que nous verrons bientôt démon-
trer des relations plus étroites entre l'électricité et la
lumière, analogues à celles qui rendent si comparables les
phénomènes d'optique et de chaleur rayonnante. Ce sera
l'une des plus belles conquêtes de la physique moderne, qui
en compte tant déjà !
Résumé, Dans le résumé qui va suivre, les mots im-
primés en italiques sont ceux auxquels le lecteur est pi*ié
de se reporter ; il constitue donc surtout une sorte de table
des matières. Une étude de l'électricité doit contenir les
chapitres suivants : Chapitre I. Faits généraux et his-
torique. Ces deux parties sont intimement liées : aussi les
avons nous réunies ; elles constituent la première partie de
cet article. — Chapitre IL Electricité statique : 1^ géné-
ralités (V. Electrostatioue) ; développement de l'électricité
par frottement ; corps bons et mauvais conducteurs ; pro-
pagation de l'électricité ; 2" charges électriques, distri-
bution de l'électricité ; 3<* condensation, bouteille de
Leyde, batteries ; A^ diverses espèces de décharges élec-
triques : étincelles^ effluves, déperdition de l'électricité,
pouvoir des pointes ; 5^ appareils de mesure, électroscopes^
électromètres ; 6° lois, attractions et répulsions élec-
triques, unités; 7*^ partie théorique ; théories de Franklin,
de Symmer (V. Electrost aiiqiie), potentiel ; S^ machines
électriques fondées sur le frottement, l'influence, etc. —
Chapitre III. Electricité dynamique (V. Electrodynamique) :
l<*Générahtés, galvanisme; 2° £îoz^ra/z^5 électriques, effets
physiques, chimiques (V. Electrochjmie), mécaniques, phy-
siologiques ; arc voltaïque, chaleur dégagée par les cou-
rants, incandescence des fils ; 3° induction ;^^ aiman-
tation; ^^ action des courants sur les aimants ou sur les
courants (V. Electromagnétisme et Electrodynamique) ;
60 théorie de la pile, divers éléments (V. Pile) ; cons-
tantes de la pile, courants ther mo -électriques ; phéno-
mènes de Peltier, de Thomson, de Hall ; lois des courants
électriques. — Chapitre IV. Electricité atmosphérique :
foudre, éclairs, tonnerre, paratonnerres, courants
telluriques, aurores boréales, — Chapitre V. Applica-
tions (V. ci-après Electricité industrielle, A. Joannis.
Electricité industrielle. — L'électricité n'a commencé
ÉLECTRICITÉ - 762
à entrer dans l'industrie que depuis le moment où Ton est
parvenu à la produire en partant de l'énergie engendrée
par des machines à vapeur ou d'autres moteurs analogues.
Pour utiliser l'électricilé dans l'industrie, il faut, en
effet, avoir à sa disposition des quantités d*électricité
beaucoup plus grandes que celles qu'on peut obtenir à
l'aide des piles. On se rend immédiatement compte de là
supériorité des machines par ce fait qu'une machine
Fijî. 2.
dynamo-électrique Gramme, pesant 200 kilogr., actionnée
par un moteur approprié, produit autant d'électricité que
trois ou quatre rangées de cinquante piles Bunsen.
La production du courant électrique par l'énergie méca-
nique repose sur des principes connus depuis longtemps,
mais dont Tapplication à des machines industrielles ne
remonte qu'à une vingtaine d'années. On savait, depuis les
découvertes de Faraday, (jue, lorsqu'on fait mouvoir, dans
certaines conditions, un circuit fermé devant les pôles d'un
aimant ou, en général, dans un champ magnétique, il naît
dans ce circuit un courant électrique, qui dure autant que
dure le mouvement. Comme, en général, on ne peut réa-
liser qu'un mouvement de rotation ou de va-et-vient, on
voit facilement que toutes les machines industrielles doivent
avoir une tendance à produire des courants dont le sens se
renverse périodiquement, c.-à-d. des courants alternatifs.
Les premières machines qu'on a réalisées, comme celles
de Pixii, de Clarke, etc., et dont le mécanisme consistait
simplement à faire tourner des bobines de fil conducteur
devant les pôles d'un fort aimant en acier, produisaient,
en effet, des courants alternatifs. Maintenant que les lois de
l'électromagnétisme sont universellement connues et qu'on
peut construire d'excellentes machines, il est très facile
d'indiquer les raisons pour lesquelles ces premières machines
étaient si défectueuses. Voici les principales de ces raisons.
D'abord, les aimants d'acier sont infiniment moins éner-
giques que les électro-aimants actionnés par des courants
continus; puis, dans les premières machines, la disposition
du circuit magnétique était très mal comprise, de sorte que
la plus grande partie des lignes de force, au lieu de traverser
les bobines, se perdaient dans l'air. Si l'on joint à cela qu'au
début on ne savait pas comment utiliser les courants alter-
natifs, on se rend facilement compte pourquoi ces machines
primitives se sont si peu répandues et ont eu si peu
d'applications. On a bien cherché à redresser, à l'aide d'un
commutateur convenable, le courant produit, mais on n'ob-
tient ainsi qu'un courant de même sens, dont l'intensité
varie depuis zéro jusqu'à une certaine intensité maxima et
dont les propriétés sont bien différentes du courant continu,
c.-à-d. d'un courant dont l'intensité est constante. C'est
l'invention des machines à courant continu et surtout celle
de la machine Gramme qui a ouvert l'ère de l'industrie
électrique moderne. Comme le principe de cette machine,
qui a été inventée d'une manière indépendante par M. Pacci-
notti, est celui sur lequel est basé le fonctionnement de la
plupart des machines dynamo-électriques ou dynamos mo-
dernes, nous l'expliquerons avec quelques détails.
Machine Gramme, Cette machine, comme d'ailleurs
toutes les autres dynamos, se compose de deux parties dis-
tinctes : les électro-aimants inducteurs, destinés à produire
le champ magnétique, et l'induit, mis en rotation par un
moteur mécanique, et dans lequel le courant prend nais-
sance. Au lieu de décrire l'ancienne machine Gramme type
d'atelier, nous décrirons de préférence la machine Gramme
type supérieur, nommée ainsi parce que l'induit est placé
à la partie supérieure, comme le montre la fig. 2 ci-dessus.
Les électro-aimants inducteurs produisent le champ magné-
tique autour de l'induit. Les noyaux des électro-aimants
sont pourvus à cet effet d'un enroulement dans lequel
circule un courant électrique continu pris sur la machine
elle-même. Pour expliquer le fonctionnement de la ma-
chine, nous supposerons d'abord quelle courant circulant
— 763 —
ÉLECTRiaTÊ
au tour des électros soit produit d'une manière indépen-
dante, par une pile ou par une série d'accumulateurs, par
exemple.
L'induit, ainsi nommé parce que c'est dans cet organe que
prennent naissance les courants induits, est constitué par
un anneau formé de fils de fer ; autour de cet anneau ou
tore, on a enroulé du fil de cuivre isolé et fermé sur lui-
même.
Avant d'aller plus loin, occupons-nous de la production
du champ magnétique ou du flux de force magnétique qui
traverse l'anneau ; c'est de l'intensité de ce flux que dé-
pend le courant induit, car on conçoit que ce courant sera
d'autant plus fort que le flux lui-même sera plus intense.
Il est nécessaire pour bien se figurer les conditions de pro-
duction de ce flux magnétique, de rappeler quelques lois.
Si on enroule autour d'un anneau en bois, par exemple, des
fils métalliques isolés, parcourus par un courant continu,
les spires étant équidistantes, on produira à l'intérieur
de l'anneau un champ magnétique dont l'intensité en unités
C. G. S. a pour expression
H:
47Z n j
ÎÔ 1 '
I étant l'intensité du courant en ampères, n le nombre de
tours, / la longueur du tore.
Pour que cette loi soit rigoureuse, il faut que le rayon
des spires soit très petit par rapport au rayon du tore.
Remplaçons maintenant le bois de l'anneau par du fer
doux ; il naîtra dans ce fer un flux d'induction magnétique,
dont l'intensité est représentée par
4^7z n
[xH,
fjL étant un coefficient qu'on appelle la perméabilité magné-
tique ; la valeur numérique de ce coefficient, qui est très
20 30
Fig. 3.
50 H
élevée pour de faibles valeurs de H, diminue lorsque le
courant excitateur augmente. La fig. 3 montre la relation
qui existe entre l'intensité H du champ magnétique et l'in-
duction magnétique B. Cette courbe se rapporte à du fer
doux de bonne qualité. On constate que l'augmentation de
l'induction, qui est très rapide pour des valeurs relative-
ment faibles de H, diminue peu à peu ; on dit alors que le^er
est saturé, bien que la saturation n'arrive en réalité jamais,
puisque l'induction B croît toujours avec l'intensité H du
champ magnétisant. La fig. 4 indique, pour le même échan-
tillon de fer, la relation entre l'intensité H du champ ma-
gnétisant et la perméabilité [i ; on voit que cette perméa-
bilité passe par un maximum. Pour la fonte, l'induction
magnétique augmente beaucoup moins rapidement avec les
mêmes intensités du champ magnétisant ; il faut donc dé-
penser une plus grande force d'excitation pour arriver à
un même flux d'induction.
Dans les dynamos, l'excitation jouant un rôle essentiel,
on a donné au produit ni le nom d'ampère-tours; il s'est
même introduit à propos de ce terme une petite confusion
qu'il s'agit d'élucider. L'intensité du champ produit par
l'enroulement et le nombre ni (n étant le nombre de tours
par unité de longueur, c.-à-d. pour / = 1) difi'èrent par là
facteur Atz ; le diviseur 40 provient de ce qu'un ampère
4
égale jr: unité C.G.S de courant. En ne tenant pas compte
de ce dernier facteur, on voit que les ampère -tours
6000
4000
8000
50 H
difi'èrent de l'intensité du champ créé par le facteur 47u. Il
faut donc bien prendre garde de dire que les ampère-tours
représentent l'intensité du champ excitateur : ces deux
quantités sont proportionnelles, mais elles ne sont pas
égales.
L'expérience a montré que le flux qu'on obtient ainsi
dans un anneau de fer ne varie pas sensiblement si, au lieu
de répandre les spires également sur toute la surface de
l'anneau, on les rassemble sur une partie de la surface,
pourvu, bien entendu, que l'intensité du champ excitateur
ou, si l'on veut, les ampère-tours restent les mêmes; bien
plus, au lieu de conserver la forme d'anneau, on peut donner
au fer toute autre espèce de forme sans que le flux magné-
tique subisse des variations notables ; et même la longueur
du circuit magnétique, en supposant qu'il présente une
solution de continuité, ne produit, par suite de rôle pré-
pondérant de l'air, qu'une assez faible influence.
Ces remarques sont importantes pour comparer entre
eux les effets produits par les diff'érentes formes d'induc-
teurs ; le circuit magnétique restant le même, on obtient
à peu près le même résultat, de quelque façon qu'on pro-
duise l'excitation : par un enroulement sur un seul noyau,
sur deux noyaux ou tout le long des inducteurs, comme on
en voit des exemples dans les dynamos de divers fabricants.
Le plus grand inconvénient d'un enroulement très court,
c'est que les fils extérieurs sont nécessairement très longs ;
ils exigent par conséquent beaucoup de cuivre et introduisent
une grande résistance électrique.
En enlevant un morceau de fer à Panneau, on introduit
une solution de continuité ; on remplace ainsi une certaine
quantité de fer par de l'air. On constate alors que le flux ma-
gnétique se trouve énormément diminué par ce changement,
même si le morceau enlevé ou l'espace d'air est très mince.
On peut dire encore que la résistance magnétique de l'air
est beaucoup plus considérable que celle du fer, d'où il
résulte qu'avec la même force magnéto-motrice (ou ampère-
tours) le flux produit est beaucoup plus faible. Dans les
circonstances ordinaires, la résistance que l'air oppose à la
propagation du flux de force magnétique est environ mille
fois plus forte que celle opposée dans les mêmes circons-
tances par le fer. En connaissant la longueur et les sec-
tions du fer qui entre dans un circuit magnétique, on peut
calculer approximativement le flux de force magnétique
qu'on obtiendra pour une excitation donnée. Les spectres
magnétiques montrent que, dans l'espace d'air résultant
d'une coupure faite dans un anneau de fer, les lignes de
force ne sont pas parallèles, mais aff'ectent la forme de
courbes analogues à celles produites par les aimants;
lorsque, pour une même distance entre les bords, on élargit
les pôles, on diminue dans une certaine proportion la résis-
tance de l'air. Dans les circuits magnétiques des dynamos,
ÉLECTRICITÉ
- 764 -
cet élargissement s'appelle répanouissement des pièces po-
laires*
Dans la dynamo que nous considérons, les courants induits
sont engendrés dans un anneau mobile appelé l'anneau
Gramme ; avant d'expliquer le fonctionnement de cet organe,
faisons remarquer qu'il faut produire dans l'anneau un flux
magnétique aussi énergique que possible. Le flux magnétique,
pour aller d'une des pièces polaires à la pièce polaire oppo-
sée, rencontre sur son chemin l'anneau en fer de l'induit ;
le flux s'y partage en deux parties égales ; si les inducteurs
et l'induit étaient construits avec du fer de même qualité, on
pourrait donc prendre la section de l'anneau moitié de celle
des inducteurs, et on aurait partout la même densité de flux.
En réalité, le fer de l'anneau étant presque toujours de meil-
leure qualité que les autres parties, on en profite pour le
faire travailler à un plus haut degré de saturation, de sorte
qu'en somme la section de l'anneau est toujours inférieure à
la moitié de celle des noyaux des inducteurs ; il faut,
d'autre part, tenir compte de la réaction de l'induit, réac-
tion qui conduit à prendre des inducteurs très forts.
L'anneau est entouré d'un enroulement fermé sur lui-
même et dont lés différentes spires sont isolées les unes des
autres. Ces spires sont en communication avec des lames
métalliques disposées autour de l'axe, soigneusement isolées
entre elles et qui forment le collecteur ; ce collecteur cons-
titue une partie essentielle de l'invention de la machine
Gramme.
Supposons maintenant que 1 anneau soit anime d un
mouvement de rotation uniforme dans le sens de la flèche
(fi<y. 5) ; on pourrait faire tourner les spires en maintenant
motrice moyenne s'obtient en prenant la valeur moyenne
de cos a :
Fig. 5.
l'anneau lui-même immobile : ce dispositif, qui est assez
difficile à réaliser mécaniquement, a été employé quelque-
fois pour éviter certaines réactions.
La spire qui se trouve à la partie supérieure se trans-
portera pendant la demi-révolution de l'anneau jusqu'à la
partie inférieure; dans ces deux positions, le mouvement
est parallèle aux lignes de force ; il n'y a donc pas d'induc-
tion. Pendant la demi-révolution, la spire a coupé le flux
d'induction, puisque dans la position supérieure le flux la
traverse dans un sens opposé de celui qui correspond à la
position inférieure. Si B représente le flux,^ la quantité
d'électricité mise en jeu par l'induction est, d'après la loi
de Neumann, égale à
B
^ = R'
R étant la résistance de la spire supposée fermée sur
elle-même et isolée des spires voisines. La force électro-
motrice induite dans cette spire serait
e =z R-r^ z=:B cos a ^ = B to cos a,
dt dt
to étant la vitesse angulaire de rotation et a l'angle que la
spire fait dans la direction NS. On voit, d'après cette
expression, que la force électromotrice n'est pas constante ;
elle est nulle lorsque la spire se trouve en haut et en bas,
et maxima pour la position intermédiaire. La force électro-
ce qui donne
e=z — 4BN,
N étant le nombre de tours par seconde ou la vitesse de
rotation de l'anneau.
11 s'agit jusqu'ici d'une seule spire dont nous avons suivi
le mouvement pendant la moitié d'une révolution de l'an-
neau : pendant l'autre moitié, les choses se passeraient en
sens inverse, et les forces électromotrices développées se
neutraliseraient.
Considérons maintenant ce qui arrive lorsque toutes les
spires forment un enroulement fermé sur lui-même et qu'elles
sont reliées aux lames du collecteur. Au même instant,
l'anneau ne peut être parcouru que par un même courant,
qui sera la résultante des courants individuels dans chaque
spire; si l'anneau était fermé sur lui-même, il ne produirait
aucun courant. Mais, si l'on joint par deux fils les points
de l'anneau où les forces électromotrices induites se font
équilibre, on réalisera les mêmes conditions que celles
qu'on rencontre lorsqu'on joint par un fil de jonction les
pôles de deux piles mises en opposition. On aura par ce
fait accouplé les deux piles en quantité, et il circulera dans
le fil de jonction un courant déterminé par la force électro-
motrice de la pile.
Avec l'anneau, le même phénomène a lieu; la force
électromotrice est celle d'une des moitiés de l'anneau et
la résistance qui intervient est celle des deux moitiés de
l'anneau couplées en quantité. S'il y a n spires, la force
électromotrice donnée par la machine est donc
e = 4BwN.
Jusqu'ici, la théorie est très simple, et il suffit de connaître
le flux d'induction B qui traverse l'anneau, le nombre n de
spires et le nombre de tours par seconde N pour en déduire
fort simplement la force électromotrice produite. En réalité,
les choses se passent d'une façon moins simple, puisque le
champ magnétique produit par l'anneau lui-même réagit
sur celui produit par les inducteurs.
Voyons d'abord dans le cas de la fig. 5 quel sera le
balai positif et quel sera le balai négatif ; ces balais qui
relient l'anneau au circuit extérieur seront placés, si l'on
ne tient pas compte des réactions, à angle droit sur la direc-
tion NS.
On a proposé plusieurs règles pour reconnaître facile-
ment la direction des courants induits; elles sont des
déductions de la règle d'Ampère qui indique que le pôle
nord est du côté gauche du bonhomme couché suivant la
direction du courant. Il faut se rappeler, en outre, que les
courants induits sont de sens contraire à ceux qui pro-
duiraient le mouvement auquel ces courants sont dus. Les
pôles NS (fig. 5) des pièces polaires des inducteurs indui-
sent dans l'anneau des pôles SN de nom opposé; le cou-
rant qui circule dans l'anneau y fait naître aussi des pôles
que nous désignerons par ns ; dans le cas où la machine
agirait comme motrice, c.-à-d. où elle tournerait sous
l'influence d'un courant, dans le sens de la flèche, il faudrait
que le pôle N de l'anneau fût situé dans la partie supérieure
comme cela est indiqué dans la fig. 5 ; on voit que la rota-
tion aura bien lieu dans le sens de la flèche. Pour produire
le courant sous l'influence du mouvement de l'anneau,
c;-à-d. la machine agissant comme dynamo, il faut que le
pôle S soit en haut ; dans ce cas, la machine tendrait à
tourner en sens contraire à celui provoqué par le moteur méca-
nique, ce qui est la condition essentielle pour la production
des courants induits. Or on sait que, lorsqu'on regarde le
pôle d'un électro-aimant dont l'enroulement est parcouru
^ 765
ÉLECTRICITÉ
par des courants en sens contraire du mouvement des
aiguilles d'une montre, on a devant soi un pôle nord. Il faut
donc, dans le cas de la figure, que Tenroulement sur l'an-
neau aille de S vers N par S' dans le sens inverse des
aiguilles d'une montre, et dans ce cas, le pôle -f- sera en
bas. Mais n'importe comment est fait l'enroulement, il faut
toujours que dans l'anneau il se déclare sous l'influence du
courant un pôle tel qu'on obtiendrait un mouvement inverse
au mouvement de rotation.
Les considérations précédentes permettent encore de se
rendre compte d'un fait important. Voyons ce qui arrive
dans l'anneau (fig. 5). Les pièces polaires NS font naître
dans l'anneau deux pôles S et N et, comme nous venons de
le voir, l'enroulement de l'anneau deux pôles s etn per-
pendiculaires aux autres. Sous Tinfluenee de ces deux
aimantations, on obtiendra dans l'anneau un pôle N'
et un pôle S' comme cela est indiqué sur la figure.
Cette nouvelle ligne N^S' s'écartera d'autant plus de la
ligne primitive NS que l'action du courant dans l'anneau
sera plus énergique. La ligne neutre perpendiculaire à NS,
qui était d'abord verticale, prendra donc une nouvelle posi-
tion ab ; c'est cette ligne qui détermine la ligne de com-
mutation dans la direction de laquelle il faut placer les
balais. On voit donc qu'il faut déplacer ou décaler les balais
dans le sens du mouvement et d'une quantité qui augmente
avec l'intensité du courant, puisque sous l'influence d'un
courant plus fort les pôles n et s de l'anneau prennent
plus d'importance. On voit en même temps que, pour que
cet angle soit faible, il faut que le magnétisme des pièces
polaires soit assez fort pour faire naître dans l'anneau un
état d'aimantation beaucoup plus fort que celui provoqué
par le courant circulant dans l'enroulement de l'anneau.
Ceci est une autre raison pour laquelle la section des
noyaux des inducteurs est toujours bien supérieure au
double de la section de l'anneau.
La nécessité de déplacer les balais avec les différents
régimes de courant est très fâcheuse ; pour des dynamos
qui travaillent toujours dans les mêmes conditions, cette
circonstance n'intervient pas ; une fois qu'on a obtenu un
calage convenable des balais, c.-à-d. un calage corres-
pondant à l'absence d'étincelles, on n'a plus besoin d'y
toucher. 11 n'en est pas de même pour des dynamos comme
celles, par exemple, employées dans les stations centrales,
dont le débit varie constamment : cette question peut être
la cause de beaucoup d'ennuis. Aussi a-t-on proposé diffé-
rentes méthodes de calage automatique des balais ; mais leur
description nous entraînerait trop loin. Lorsque la machine
fonctionne comme moteur, il faut décaler les balais en
arrière du mouvement : il faut d'ailleurs renverser l'angle
de rotation du calage lorsqu'on renverse le sens du mou-
vement.
Nous avons supposé jusqu'ici que l'excitation des
électro-aimants inducteurs était obtenue par une source
indépendante. On n'a pas tardé à s'apercevoir qu'on peut
obtenir le courant nécessaire à l'excitation à l'aide du
courant produit par la dynamo.
Différentes méthodes se présentent. On peut d'abord
faire parcourir les inducteurs par le courant total de la
machine : on obtient ainsi l'enroulement en série, dont on
s'est servi dans les premières machines, mais qu'on emploie
assez rarement à présent. La machine tournant à vitesse
constante, on obtiendrait, d'après les formules précédentes,
une force électromotrice constante, si le flux magné-
tique restait constant. Or, comme dans la disposition
en série l'excitation, et par suite le flux, croît en même
temps que le courant, la force électromotrice croît aussi
en même temps que le courant : il s'ensuit que ces ma-
chines sont d'un emploi très incommode dans la pratique.
Dans les premières dynamos qu'on a construites, on
s'est beaucoup préoccupé de la manière dont le magné-
tisme prend naissance. La machine étant construite en fer
non aimanté, il n'y a aucune raison pour qu'on n'obtienne
Taimantation. Aussi avait-on pourvu les premières ma-
chines d'une petite machine magnéto-électrique, c.-à-d.
d'une machine dont les inducteurs sont des aimants d'acier,
et c'était le courant ainsi obtenu qu'on lançait dans les
électros. Plus tard, on a disposé sur le même axe deux
anneaux, dont l'un servait uniquement à l'excitation. On
s'est aperçu que les inducteurs une fois excités par un
courant extérieur, il reste toujours assez de magnétisme
permanent pour que la machine s'amorce : les machines
dynamo-électriques sont donc auto-excitatrices. Comme
dans les machines en série le courant total traverse l'exci-
tation, on enroule les électros avec du gros fil, d'un diamètre
plus fort que celui enroulé sur l'induit.
Un moyen d'excitation bien plus commode est obtenu par
l'enroulement en dérivation ; on prend sur les bornes de la
dynamo un circuit dérivé avec lequel on constitue l'enrou-
lement sur les électro-aimants inducteurs. Le fil dans ce cas
est naturellement beaucoup plus fin que dans le cas des
machines en série. Les machines tournant à vitesse cons-
tante, on peut obtenir avec ces dynamos, dans d'assez
grandes limites, un potentiel pratiquement constant, quel
que soit le débit de la machine ou la résistance du circuit
extérieur. Pour assurer cette constance de la force électro-
motrice dans des limites plus étendues, on a imaginé des
enroulements plus compliqués, comme le double enroule-
ment dans lequel les électro-aimants sont pourvus simul-
tanément d'un enroulement en série et d'un autre en
dérivation. On conçoit qu'en choisissant judicieusement le
nombre de tours et les résistances de ces deux enroule-
ments, on puisse arriver à maintenir une différence de
potentiel pratiquement constante aux bornes de la machine,
quel que soit son débit.
Le calcul de ces enroulements fait partie de Part de Pin-
génieur électricien, et nous n'entrerons pas ici dans le
développement des différentes méthodes qui peuvent y con-
duire ; on peut ajouter toutefois que ces calculs sont tou-
jours un peu hypothétiques et que l'expérience directe, ou
si l'on veut l'empirisme, doit toujours intervenir pour
mener la construction à bien.
Dans la machine Gramme, type supérieur dont la fig. 2
représente l'aspect extérieur, les inducteurs se composent
de deux électro-aimants en fonte dont les noyaux forment
corps avec le bâti de la machine. La figure montre la dis-
position des porte-balais qui permettent de donner aux
balais leur position convenable. Les différents genres d'en-
roulement, en dérivation, en série , en compound, ne
changent pas l'aspect extérieur de la machine.
D'après la théorie du circuit magnétique, on pourrait se
croire autorisé à procéder au calcul d'une dynamo, comme
on le fait pour une machine à vapeur, c.-à-d. que, étant
donnés la force électromotrice et le débit que la machine
doit produire dans des conditions déterminées, on devrait
pouvoir calculer de toutes pièces les poids de fer et
de cuivre nécessaires à obtenir ces efl'ets et la manière
dont on doit les employer. On peut réellement effectuer ces
calculs jusqu'à une certaine mesure, mais nous croyons
que la méthode empirique est toujours celle qu'on emploie
pour construire de nouveaux types de dynamos et que le
calcul ne sert que comme guide.
L'induit en forme de tambour, inventé par M. Altenek,
et exploité surtout par la maison Siemens, diffère de l'an-
neau Gramme en ce sens que les fils soumis à l'induction
enveloppent complètement le noyau. Il n'existe par consé-
quent pas de fil mort (on désigne quelquefois par ce mot
les fils qui se trouvent à l'intérieur de l'anneau) ; mais, par
contre, pour obtenir une même vitesse de translation du
fils soumis à l'induction, il faut faire tourner Pinduit plus
vite, puisque le diamètre d'un induit à forme d'anneau est
toujours plus grand qu'un- induit en forme de tambour.
Nous n'insisterons pas autrement sur l'induit en forme
de tambour, dont la théorie est presque identique à celle
de l'anneau Gramme ; ces deux formes ont leurs avantages
et leurs inconvénients spéciaux, ce qui fait qu*on les
rencontre à peu près indifféremment dans les diverses
ÉLECTRICITÉ
- 760 -
dynamos employées dans l'industrie. Un des inconvénients
du tambour Siemens est que des fils se croisent aux extré-
mités du tambour avec des potentiels très différents ; il est
par conséquent difficile de construire ces machines pour
des tensions élevées»
Disons maintenant un mot de la manière dont on repré-
sente les effets produits par les dynamos. M. Marcel
Deprez a désigné, sous le nom de caractéristiques, les
courbes qu'on obtient en rapportant à des axes coordonnés
l'intensité du courant et la différence du potentiel aux
bornes de la machine.
Supposons d'abord qu'il s'agisse d'une machine enroulée
en série, et faisons tourner la machine à une vitesse cons-
tante ; portons sur l'axe des x l'intensité du courant en
ampères et sur l'axe des y la différence du potentiel aux
bornes. En faisant varier la résistance du circuit extérieur,
on fera varier en même temps le courant produit, et on
obtiendra pour la plupart des machines une courbe ayant
Faspect général de la fig. 6. Cette figure a une grande
analogie avec celle qui se rapporte au flux d'induction
magnétique dans le fer. Les deux courbes seraient iden-
tiques, si l'excitation était indépendante et si on faisait
abstraction de la réaction de l'induit. On peut tracer ces
caractéristiques de différentes manières. On peut, par
exemple, tracer la courbe telle quelle ou bien tenir compte
de la résistance apportée par les fils enroulés sur l'induit;
dans ce cas, on obtient la caractéristique correspondant à
la force électromotrice totale.
- Il est facile de relever sur la caractéristique quelle est
la résistance introduite dans le circuit de la dynamo. On a,
en effet, E et I représentant la différence du potentiel aux
bornes de la machine et l'intensité du courant :
E = AB I m OA,
AT) r^
d'où tgkOB =: — ~ j.
Or, d'après la loi d'Ohm, on a :
^ "-R'
ce qui donne R = ^^ AOB.
On voit facilement sur la figure comment varie cette
résistance lorsque l'intensité augmente. La caractéristique
s'incline presque toujours sur l'axe des abscisses, lorsque
l'intensité croît au delà d'une certaine Hmite. Cet effet est
dû à la réaction de l'induit qui, comme nous l'avons vu
plus haut, tend à créer un champ magnétique dans une
direction perpendiculaire au champ produit par les induc-
teurs. Si le courant est très intense, on conçoit donc qu'il
est possible que la force électromotrice ne croît plus avec
l'intensité du courant, ce qui a toujours lieu pour les
machines où cette réaction est faible.
Lorsque la machine est excitée en dérivation, on obtient
une caractéristique d'une forme tout à fait différente de
celle dont nous venons de parler, puisque dans ce cas, la
force électromotrice ne croît plus avec l'intensité de courant.
On peut toutefois prendre dans ces machines la carac-
téristique qui se rapporte à l'excitation et à la force élec-
tromotrice, et dans ce cas on obtient une courbe de même
aspect que dans les dynamos en série.
Le rendement d'une dynamo est le rapport entre le
travail absorbé et l'énergie électrique produite. Comme
nous l'avons déjà dit, ce rendement est très élevé ; il est
facile de s'en rendre compte. Il existe à ce point de vue
une certaine différence avec les piles et nous croyons utile
d'en dire un mot.
Dans une pile, la force électromotrice E, la résistance
intérieure R, sont des quantités constantes : on peut faire
varier la résistance extérieure r et par suite l'intensité I
du courant. On a ainsi, d'après la loi d'Ohm :
R + r
Soit e la différence de potentiel aux extrémités de la
résistance r, on aura pour la puissance l'expression
Pz= ^I aveclm ~.
r
On a ainsi:
p _ EV E«
(R 4- rf " R*
m
^ ~ El ~ Ê
Cette expression est maxima lorsque le dénominateur est
minimum, ce qui arrive pour r = R ; on a alors :
Dans ces conditions, le rendement est :
el _ e r 4
R^^"r "" 2*
On voit donc que, dans les conditions de maximum de
puissance, le rendement n'est que de 50%. Pour augmen-
ter ce rendement, il faut rendre la résistance extérieure
plus grande que la résistance intérieure, ce qu'on fait
toujours pour les accumulateurs. Si la résistance extérieure
est 6 fois la résistance intérieure, on a :
p = ^ = 86%.
Mais, dans ces conditions, la puissance n'est qu'une frac-
tion de ce qu'elle est dans le cas du rendement maximum.
Ceci n'a aucun inconvénient pour les accumulateurs, car
on ne peut pas décharger les plaques au delà d'un certain
régime sans les détériorer.
Voyons maintenant ce qui arrive pour les dynamos. On est
limité ici, d'une part, par la puissance du moteur qui
l'actionne et, d'autre part, par l'intensité du courant qui
ne doit pas être trop forte pour ne pas endommager l'induit.
On a toujours les formules :
Puissance totale P^ = El
Puissance utile P =z el
E e
avec I = çr = -, z' étant la résistance extérieure ; d'où
R-hr r
pour le rendement :
P ==
Po E R 4- r*
La puissance maxima de la machine ou le travail maxi-
mum qu'elle peut produire est
Po = EI.
Ici Po est constante, c'est la puissance limite du mo-
teur; on pourrait donc à la rigueur agir à la fois sur
les deux facteurs E et I, mais pour cela il faudrait pou-
voir changer à volonté l'enroulement, ce qui n'est pas
possible. Etant limité par 1, la machine sera dans de
bonnes conditions si la valeur de E qu'on obtient est
alors telle que la relation précédente se trouve réalisée.
Dans ce cas, il n'y aura plus aucune variable , la résis-
E
tance extérieure étant donnée par la form.
I
-R.
Le rendement étant p =:
R
dépendra donc ici entière-
ment de la manière dont la dynamo est construite ; dans
- 7()T -
ÉLECÎRÎCITÉ
toutes les bonnes dynamos, la résistance de rinduit et
des inducteurs est toujours très faible, ce qui donne pour
le rendement p une valeur élevée. Mais dans ces cas les
conditions ne sont pas exactement les mêmes que celles
de la pile, et on a tort d'appliquer aux dynamos le mode
de calcul qu'on applique aux piles, d'autant plus que les
conditions d'utilisation des deux genres d'appareils sont
tout à fait distinctes.
Les formules précédentes montrent encore que si la dynamo
ne travaille pas à sa
pleine puissance, la
résistance extérieure r
étant alors plus forte,
le rendement serait
augmenté et serait
d'autant plus grand
que l'énereie produite
est plus faible. Ceci
est vrai dans une cer-
taine mesure, mais il
ne faut pas perdre de
vue que les machines
à vapeur et surtout
les chaudières ne peu-
vent fonctionner dans
(Jes conditions écono-
miques que lors-
qu'elles travaillent à
pleine charge. C'est
donc plutôt à cause
des moteurs et des
générateurs de vapeur
qu'à cause des dyna-
mos qu'il est néces-
saire de faire travailler
une usine électrique
à sa charge normale.
Tout ce que nous
venons de dire est na-
turellement indépen-
dant de la forme ou ^^®'
du genre de dynamo
qu'on emploie. Nous avons considéré la machine Gramme
et nous avons pris pour exemple la machine Gramme type
supérieur. D'après ce que nous avons dit du circuit ma-
gnétique formé par les électro- aimants inducteurs, on
voit facilement qu'on peut faire varier presque à l'infini
les différentes formes de dynamos, et cela d'autant plus
qu'on peut choisir entre l'induit en anneau et l'induit en
forme de tambour. Nous ne rentrerons pas dans la des-
cription des divers types de dynamos actuellement em-
ployées dans l'industrie électrique ; nous nous contenterons
de reproduire fig. 7 la dynamo connue sous le nom d'Edison-
Hopkinson et dont l'emploi s'est répandu dans plusieurs
stations centrales d'éclairage électrique. On emploie dans
ces machines un induit à tambour. Lorsqu'on compare
cette machine avec la machine Gramme type supérieur, on
constate que la différence se porte surtout sur les pièces
polaires, qui sont beaucoup plus fortes dans la machine
Edison-Hopkinson que dans la machine Gramme ; le calage
des balais doit par conséquent être plus stable. Toutes ces
machines peuvent être enroulées indifféremment en série,
en dérivation ou en compound.
L'anneau Gramme, comme le tambour Siemens, comporte
comme partie essentielle une certaine quantité de fer. Ce
fer, par les aimantations et désaimantations successives et
rapides, est le siège de certains phénomènes qui diminuent
le rendement de la machine. On a par conséquent cherché
à créer des machines dont l'induit ne contient pas de fer,
comme la machine à anneau plat de Schuckert, la dynamo
Desroziers, etc. Cette dernière machine, dont la fig. 8 montre
l'aspect général, est assez fréquemment employée pour que
BOUS eQ disions quelques mots. L'induit est constitué par
des bandes de cuivre qui se meuvent devant les pôles oppo-
ses de forts électro-aimants, comme l'indique la figure.
Chaque fois qu'une bobine ainsi constituée coupe le champ
magnétique produit par les inducteurs, il naîtra dans cette
bobine une force électromotrice dont il est facile d'évaluer
la grandeur et le sens. La difficulté consiste ici à grouper
ces'bobinesde telle façon qu'on obtienne aux lames du col-
lecteur un courant continu. On ne pourrait expliquer la
manière exacte dont ces combinaisons ont été effectuées
qu'à l'aide de nom-
breux diagrammes;
aussi renvoyons-nous
pour cela le lecteur
aux traités spéciaux.
Ces machines ont
l'avantage de pouvoir
fonctionner avec une
grande densité de cou-
rant dans l'induit,
puisqu'il est facile
d'y entretenir une
bonne ventilation.
Comme machine de
construction particu-
lière, on peut encore
citer la machine
Thomson- H oust on,
dont l'induit est con-
stitué par un ensemble
de fils enroulés sur
une sphère et qui
tourne à l'intérieur
des inducteurs. Ce qui
est caractéristique à
cette machine, c'est
qu'il n'y a pas de col-
lecteur ; il n'y a que
trois bagues pour re-
cueillir les courants,
et il se forme tant
d'étincelles qu'on
emploie un courant
d'air pour les éteindre. Cette machine, d'origine améri-
caine, est, croyons-nous, plus bizarre que bonne. Le
courant fourni par cette machine n'est pas à proprement
parler continu, c'est un courant alternatif redressé, dont
l'intensité est soumise à des variations périodiques. On
emploie cette machine surtout pour alimenter des lampes
à arc en série.
Comme les machines dynamo-électriques sont réver-
sibles, on peut s'en servir utilement pour transformer le
courant électrique en énergie mécanique ; on peut même
dire que toute dynamo à courant continu peut agir comme
moteur. Ce qu'il convient surtout d'obtenir avec les mo-
teurs, c'est une vitesse constante, quel que soit le travail
qu'on leur demande. Les conditions à remplir diffèrent
du genre de circuit sur lesquels on les attèle ; la discussion
de ces conditions fait partie du transport électrique de
l'énergie. Nous nous bornerons à donner ici l'aspect géné-
ral (fig. 9) d'un genre de moteur très usité aux Etats-
Unis, et qu'on peut brancher directement sur les circuits
ordinaires d'éclairage électrique; les principaux organes
ne diffèrent aucunement de ceux des dynamos.
Dynamos à courants alternatifs. Les courants pro-
duits par les dynamos étant naturellement alternatifs,
puisque le courant se renverse à chaque passage de la bo-
bine devant les pôles d'aimants, on conçoit que la construc-
tion des dynamos à courants alternatifs, ou comme on les
appelle des alternateurs, doit être relativement plus simple
que celle des dynamos à courants continus. On n'a en
effet plus besoin de collecteur, et les étincelles qui résultent
d'un calage défectueux des balais n'existent plus.
La cause qui s'est opposée à la multiplication dans l'in-
ÉLECTRICITÉ — ^6S
dustrie des alternateurs consiste dans la difficulté de rem-
ploi des courants alternatifs ; l'utilisation de ces courants
est beaucoup plus difficile que celle des courants continus.
C'est depuis l'invention de la bougie Jablochkoff' que ces
niacbines ont commencé à se répandre ; il y a eu ensuite
pour ainsi dire un arrêt, l'invention de la lampe à incan-
descence ayant donné le pas aux courants continus. Ce
n'est que depuis l'invention des transformateurs, vers i 884,
que les machines à courants alternatifs se sont de nouveau
propagés et, cette fois, il paraît qu'elles l'ont définitive-
ment emporté sur les dynamos à courants continus. La
plupart des stations centrales d'éclairage emploient, en
eifet, le courant alternatif.
Pour construire une dynamo alternative, il suffit de faire
passer les bobines inductrices devant les pôles des aimants
inducteurs ; c'est sur ce principe qu'est basée la machine
Siemens, dont l'induit ne contient pas de fer. Il faut néces-
sairement alimenter les inducteurs par un courant continu.
Dans la machine Siemens, on a disposé à cet effet, à côté
de l'alternateur, une petite machine à courants continus.
L'ensemble se compose ainsi de deux machines distinctes,
ce qui introduit dans l'installation une comphcation
fâcheuse. Les courants produits par cette machine sont
presque rigoureusement sinusoïdaux, c.-à-d. que la force
électromotrice induite, et par suite l'intensité du courant,
varie comme les sinus d'un arc dont la variable est la durée
de révolution.
Une des machines à courants alternatifs qu'on rencontre
dans les stations centrales, comme par exemple à Paris (aux
Halles), au Havre, etc., est la machine Ferranti. Dans cette
machine, les bobines induites, dépourvues de fer, sont très
plates; elles tournent entre les pôles opposés des électro-
aimants inducteurs, comme dans la machine Siemens. Mais
ce qui est particulier à la machine Ferranti, c'est qu'on
Fiî?. 8.
peut facilement écarter les inducteurs et avoir ainsi accès
aux bobines induites ; comme on peut d'ailleurs enlever
facilement les bobines induites pièce par pièce, on peut les
remplacer ou les réparer sans aucune difficulté. Pour pro-
duire le courant continu nécessaire à l'excitation des induc-
teurs, on a calé sur l'axe de rotation une petite dynamo.
Le graissage des paliers des dynamos étant une question
très importante, on a pourvu "^ les machines Ferranti d'un
graissage automatique, les paliers étant parcourus cons-
tamment par de l'huile refoulée à l'aide de pompes.
Au lieu de faire tourner l'induit, on peut encore faire
tourner les inducteurs ; c'est ainsi qu'on a construit la
machine Gramme à courants alternatifs, destinée surtout à
alimenter les bougies Jablochkoff. A côté de l'alternateur et
sur le même arbre, il y a une dynamo à courants continus
fournissant le courant de l'excitation. Les bobines induites
fixes à noyaux de fer forment le bâti de l'alternateur; les
pôles des inducteurs induisent dans ces bobines des cou-
rants alternativement de sens contraire. Comme les bobines
induites sont immobiles, on peut prendre le courant direc-
tement sans intervention de balais, ce qui est évidemment
très commode.
La fig. dO représente une vue en perspective de la ma-
chine à courants alternatifs de M. Lipernowsky. Dans cet
alternateur, comme dans la machine à courants alternatifs
de M. Gramme, ce sont les inducteurs qui sont mobiles ;
ils sont constitués, comme on le voit sur la figure, par des
électro-aimants droits, dont le fil est parcouru par un
courant provenant d'une excitatrice séparée. Les bobines
induites, à noyaux de fer laminé, sont fixées sur le bâti de
la machine.
On a même construit des alternateurs dans lesquels les
deux circuits inducteur et induit sont tous les deux immo-
biles. On obtient dans ce cas l'induction par la variation
de la résistance du circuit magnétique. Ce sont les noyaux
des inducteurs, montés sur uq axe, qui tournent ; dans
— 769 —
ELECTRICITE
une position déterminée, lorsque des noyaux mobiles sont
entre les noyaux fixes, la résistance est minima ; au con-
traire, lorsque les noyaux mobiles sont en face des noyaux
fixes, la résistance est maxima. On obtient ainsi des varia-
tions périodiques dans les résistances, ce qui a pour effet
d'engendrer un courant alternatif. On prétend que la cons-
truction des alternateurs de ce genre est très simple et qu'ils
ne sont pas sujets à des dérangements, mais nous ne
savons pas si le rendement est très élevé.
Quelques mots sur la théorie générale des courants
alternatifs sont indispensables pour bien saisir le fonction-
nement des différents appareils utilisés avec ces courants.
^ Nous commencerons par indiquer sommairement les expé-
riences de M. Jou-
bert et la méthode qu'il
a employée ; cette mé-
thode plus ou moins mo-
difiée a servi de base
aux autres expérimen-
tateurs venus après lui.
Comme le courant
produit par un alterna-
teur est essentiellement
variable, on ne peut pas,
pour examiner ce qui se
passe, mesurer, comme
on le fait pour un cou-
rant continu, les con-
stantes relatives au
courant, telles que la
force électromotrice, Fig. 9.
l'intensité du cou-
rant, etc. La succession de ces phénomènes étant extrêmement
rapide , puisque dans la plupart des alternateurs le courant
s'inverse une centaine de fois par seconde, il faut prendre des
dispositifs particuliers afin de pouvoir suivre le phéno-
mène pas à pas. Pour mesurer la 'différence de potentiel
produite par la machine, M. Joubert dispose sur l'axe de
rotation un doigt de contact en communication avec l'une
des bornes d'un électromètre, l'autre borne étant en con-
tact permanent avec le circuit; de cette façon, chaque
contact du doigt mobile, se faisant dans des conditions
identiques, correspondra une différence de potentiel non
les électro-aimants inducteurs; ce nombre est déterminé
par la vitesse de rotation de la machine et par le nombre
des pôles des aimants inducteurs. Connaissant l'intensité
du champ produit par les inducteurs, on peut calculer la
force électromotrice induite. Soit F le flux de force ou le
nombre total de lignes de force déterminé par les pôles induc-
teurs entre lesquels se meut la bobine induite, la force électro-
motrice induite est e=—z=:zn¥,7i étant le produit du
Y
nombre de pôles par la vitesse de rotation par seconde.
Connaissant la force électromotrice à chaque instant,
soit par le calcul, soit
par l'expérience , on
peut calculer l'intensité
du courant de la ma-
nière suivante. Soit R
la résistance du circuit,
L le coefficient de self-
induction, on aura à
chaque instant, d'après
l'équation deKirchhoff:
i étant l'intensité du
courant à l'instant t, et
E la force électro-
motrice au même ins-
tant. Le coefficient de
self-induction introduit
di
une force électromotrice opposée L -7-, puisque Lz est le
flux de force qui circule dans le circuit ; cette force élec-
tromotrice est donc -^ ou, si L est supposée constante,
di
L — . La force électromotrice E étant supposée sinusoïdale,
comme cela arrive dans la machine de Siemens, et plus ou
moins dans toutes les autres, on peut écrire :
:E,
t
OÙ \L
Fig. 10.
variable, indiquée par l'électromètre. En déplaçant le contact
mobde par rapport à l'axe, on peut déterminer la différence
de potentiel correspondant à chaque point de la courbe.
Une première chose que ces expériences ont montré, c'est
que les maxima des courants ne coïncident pas avec
c^ux de la force électromotrice produite par la machine;
il existe un certain retard qui joue un rôle essentiel dans les
applications du courant alternatif. La période est déterminée
par le nombre de passages par seconde des bobines devant
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
sin 27Î - = Eo sin nt
est la force électromotrice maxima ; pour abréger
l'écriture on pose n =z y^,
La formule devient alors :
L "- -f- Rf HZ Ey sin 7z^. (|)
Le courant produit sera également sinusoïdal et on pourra
écrire :
z=r:I sin {nt~\-({>),
I et 0 étant deux constantes que nous allons déterminer. II
faudrait en toute rigueur ajouter un terme correspondant
R
à l'établissement du courant et de la forme ^ ~ ^ \ mais
comme cette période est excessivement courte, et n'inter-
vient en tout cas que lorsqu'on met la machine en marche,
on peut la négliger ; ce terme n'intervient pas dans les
phénomènes périodiques. — On a donc :
i z= I sin (nt + cp) — I sin 9 cos nt + 1 cos o sin 7it,
j — In cos (nt + cp) — In cos o cos nt — In sin 9 sin nt.
En substituant ces valeurs dans l'équation (I) et en éga-
lant les termes en sin 7it et cos nt^ ce qu'on peut faire
puisque les équations doivent être vérifiées pour toutes
les valeurs de i^, on obtient :
I (R sin z>-\~Ln cos 9) — 0
I (R cos 9 — L/z sin 9) == E^
d ou I = /„ ^ . , ,.~ et ts; 9 m — — z=: — - — .
\lR^ + Lhi^
R
R T
49
ÉLECTRICITÉ — '''^O —
Ces formules montrent d'abord que l'intensité maxima 1
du courant est plus faible que s'il s'agissait d'un courant
continu. On aurait alors I = -jT ; le terme n/R" + L'^'
auquel on avait donné le nom de résistance fictive ou
apparente a reçu, depuis quelque temps, le nom d'impé-
dance. Les maxima de l'intensité ne correspondent pas à
ceux de la force électromotrice; l'intensité est, en effet,
en retard d'un angle cp, ce qui introduit ce qu'on appelle le
décalage entre l'intensité et la force électromotrice. Il
s'ensuit que le travail consommé dans le circuit extérieur,
qui, à chaque instant, a pour expression Eidt, a pour expres-
sion moyenne, pendant une demi-période,
W zzz ^f\idt = i J'eI sin 2;: | sin (^^r. |+9^^^.
Pour trouver cette intégrale, il faut transformer le produit
des deux sinus en une somme ou différence. On a à cet effet :
sin ^T.--ân(^r.^-{~ ?) = 2 '
Atî^-F- ?) = 2 cos9 — cosU7u-+cpA [.
OrJ^^os ^4;u | + 9) ^^ =" £ i^ \^ V""!"^^)]
™ _- sin (27: + ©) — sin 9 U= 0,
et
Jcos odt =: T cos o.
0
1
On trouve ainsi : W =: ^ EqI cos 9,
et Ton voit que l'énergie dépensée est égale au produit
de la force électromotrice par l'intensité du courant mul-
tiplié par le cosinus de la différence de phase des deux
courants. S'il n'y avait pas de self-induction, c.-à-d. si
L — 0 et par suite ^ = 0; on aurait alors W = E,)!.
Il n'y aurait pas de décalage et l'énergie serait égale,
comme cela arrive pour les courants continus, au produit
de l'intensité I par la différence de potentiel E. Si au con-
traire la self-induction est très grande et la résistance très
petite, on aura 9 = - et W :
0.
Ce dernier cas est très curieux et mérite qu'on l'exa-
mine de plus près. Dans la pratique, on le rencontre dans
les stations centrales d'électricité lorsque la distribution
est faite à l'aide de transformateurs. La machine tournant
à vitesse constante, il peut arriver, lorsque les abonnés
éteignent leurs lampes, que tous les transformateurs fonc-
tionnent à circuit ouvert. Ces transformateurs introduisent
alors une très grande force électromotrice due à la self-in-
duction, bien que leur résistance soit très faible. La machine
fonctionne alors avec une très faible résistance dans le
circuit extérieur, mais avec une grande self-induction. Dans
ces conditions, le courant produit par la machine peut être
considérable, bien que l'énergie absorbée soit pour ainsi
dire nulle.
Jusqu'ici nous n'avons considéré qu'un circuit à cou-
rants alternatifs contenant des résistances et des coefficients
d'induction. On peut encore intercaler des condensateurs,
et on trouve alors des propriétés nouvelles, dont on a tiré
un si grand parti dans ces derniers temps.
Considérons d'abord le cas où on a intercalé un conden-
sateur en série avec la résistance. Soient 6' r=: E sin rd
la différence de potentiel aux extrémités du circuit conte-
nant la bobine à self-induction et la capacité, LR le coeffi-
cient de selfinduction et la résistance de la bobine et C la
capacité du condensateur, en désignant par v et / les diffé-
rences de potentiel correspondant à la bobine et au con-
densateur, on aura les équations :
di
h -r -\- Vd ■=! V i; -f- u^ = ^ = E sin ni Cdi/ ==: idt.
En éliminant v et v\ on trouve :
dH R di , 1 . 1 de En
Le courant doit avoir la même période que la force électro-
motrice ; il doit être de plus sinusoïdal ; on peut donc poser :
z =r: I sin (ni -j- o)
et on peut calculer I et 9, comme on l'a fait précédemment.
On trouve ainsi :
1 =
L
VMÏ^
+ ■
tgoz
LC
^R
Supposons maintenant qu'on ait choisi la capacité C
telle qu'elle satisfasse à la relation suivante •
il viendra :
à-^" = '
1
ou C?2 = 7-
Ln
E
I=:| et ^^9 = 0.
L dt
LC
L dt '
Ainsi, dans ces conditions, la capacité aura détruit l'effet
dû à la self-induction; le courant est le même que si le
circuit ne comprenait ni capacité ni self-induction. On a,
en effet, si L = 0 et C = 0,
Ri =z E sm ni, i^- sm ni — sm ni
et
I =
-"R
E
Cette propriété des condensateurs d'annuler la self-induc-
tion est extrêmement curieuse : on en fait un grand usage
dans les applications électriques. Au lieu de mettre le con-
densateur en série, on peut encore l'intercaler en dériva-
tion; on trouve ainsi de nouvelles propriétés sur lesquelles
il nous est impossible d'insister ici. On peut même avec
l'emploi combiné de bobines à self-induction et de conden-
sateurs arriver à réaliser des distributions à potentiel
constant ou à intensité constante.
Faisons encore remarquer que l'introduction dans un
circuit à courants alternatifs d'une bobine à self-induction
à faible résistance ou d'un condensateur, n'absorbe pas
d'énergie, contrairement à ce qui arrive pour le courant
continu. A ce point de vue, tes courants alternatifs ont un
avantage marqué sur les courants continus, puisque avec
les premiers on peut diminuer le courant sans absorption
d'énergie, ce qui n'est pas possible avec les derniers.
Les quantités qui interviennent dans la distribution de
l'électricité sont l'intensité du courant et la différence de
potentiel. Lorsqu'il s'agit d'un courant continu, le produit
de ces deux facteurs donne l'énergie transportée. Dans a
pratique, on évalue l'intensité du courant en ampères, la
différence de potentiel en volts et le produit des deux,
c.-à-d. la puissance transportée par le courant, s'exprime
en watts.
Lorsqu'on a affaire à des courants alternatits, il n est
plus possible d'évaluer d'une manière simple les diflérentes
grandeurs qui entrent en jeu. L'intensité du courant étant
variable à chaque instant, il faut d'abord bien se rendre
compte de ce qu'on évalue à l'aide des instruments de
mesure. Il est évident qu'on peut effectuer la mesure
de plusieurs manières ; nous n'indiquerons que celle qui
est universellement emplovée dans la pratique : on mesure
l'effet produit par le carré du courant dans 1 unité ^ de
temps ; la racine carrée de cette quantité est ce qu on
appelle l'intensité efficace d'un courant électrique. Les
instruments qui mesurent le carré de l'intensité d un cou-
rant sont l'électrodvnamomètre et le calorimètre ; le calo-
rimètre est un instrument dont l'emploi est très incom-
mode ; on ne s'en sert guère que dans des recherches
— 771 —
ELECTRICITE
purement scientifiques. L'échauffement dû au ])assage du
courant est cependant utilisé dans certains appareils; mais,
au lieu de mesurer directement l'élévation de température,
on évalue l'allongement que le fil éprouve par suite de la
chaleur dégagée par le courant. L'électrodynamomètre, au
contraire, est un appareil d'un usage courant. Il se com-
pose de deux cadres parcourus par le même courant, l'un
fixe, l'autre mobile. L'action entre les deux cadres étant à
chaque instant proportionnelle au produit i¥ des deux
courants, elle sera proportionnelle au carré de l'intensité
lorsque les deux fils sont parcourus par le même courant.
Pour faire des observations avec cet instrument, on le
gradue à l'aide de courants continus ; le plus souvent, on
se sert, à cet effet, de l'électrolyte de cuivre, ce qui donne
de bons résultats. Au lieu d'observer les déviations dues
au passage du courant, on ramène au zéro le cadre mo-
bile suspendu par une spirale ; on a ainsi l'avantage que
les deux cadres occupent toujours l'un par rapport à l'autre
la même position, ce qui est indispensable avec les cou-
rants alternatifs. ^
Quelle est la relation entre l'intensité du courant ainsi
mesurée et l'intensité maxima que nous avons considérée
plus haut ? Le courant étant supposé sinusoïdal, on a :
i-=z\ sm^Ti: - .
L'intensité qu'on mesure à l'aide de l'électrodynamo-
mètre a pour expression :
P=:;
ihlt.
En substitution on
I— ^lo / sin^ Y'^(i^,
. .27U, 1
^7Z,
rt,
: 0,111,.
2 T
on obtient donc :
Cette valeur donnée par l'électrodynamomètre est ce
qu'on appelle l'intensité efficace : c'est, comme on le voit,
les 7/JO^s ^^^ courant maximum.
Pour la différence du potentiel, on arrive nécessairement
à des résultats analogues. On effectue cette mesure à l'aide
d'un électromètre à quadrants, dont l'aiguille est mise en
communication avec l'une des paires de quadrants ; dans
ces conditions, les déviations sont proportionnelles au carré
à la différence des potentiels aux bornes de l'instrument.
Dans la pratique, on se sert souvent du voltmètre de
Cardew, basé sur la dilatation qu'éprouve un fil de platine
parcouru par le courant. L'effet est nécessairement propor-
tionnel au carré de l'intensité du courant, et, comme la
lecture de l'instrument est très facile, ces appareils se sont
très répandus. On mesure en réalité l'intensité du courant
et non la différence de potentiel aux bornes, mais, comme
la résistance se compose d'un fil rectiligne sans coefficient
d'induction, ces deux quantités sont proportionnelles et
l'instrument convenablement gradué peut servir de volt-
mètre.
Nous avons déjà vu que la puissance correspondant à
un courant dont fintensité maxima est I,^ et la différence
de potentiel maxima E^ est :
^0"2^î^olocoso,
o étant la diflerence de phase.
On mesure le plus souvent la puissance d'un courant
alternatif à l'aide d'un wattmètre. Cet instrument n'est
autre qu'un électrodynamomètre dont la bobine mobile est
enroulée de fil fin. Voyons quel est le rapport entre
l'énergie mesurée à l'aide de cet instrument dont les bobines
sont supposées dépourvues d'induction et l'expression P^
de la formule précédente.
Or on a :
donc :
Iq — \/'2I etEo=rv/2E,
P = I v/2E X v/2 1 cos 9 ~ El cos o.
La puissance est donc le produit de l'intensité efficace
par la différence moyenne du potentiel, multiplié par le
cosinus de la difi'érence de phase. Comme cette différence
de phase intervient naturellement dans les deux bobines
du wattmètre, l'instrument indique directement la me-
sure demandée; il faut, bien entendu, tenir compte de
la résistance du circuit de la bobine à fil fin, puisque
c'est la différence de potentiel, et non l'intensité du cou-
rant circulant dans cette bobine, qui intervient dans la
formule.
Les machines à courants alternatifs sont très employées
dans l'industrie électrique pour l'éclairage des villes où les
consommateurs se répartissent sur de grands espaces. La
transformation facile de ces courants rend possible d'avoir
dans la conduite principale des potentiels élevés, et dans les
circuits locaux, entrant dans les maisons, les potentiels de
100 à 110 volts, ce qui rend ces courants inotfensifs.
Pour que les courants alternatifs puissent lutter avanta-
geusement contre les courants continus, il restait à trouver
des moteurs à courants alternatifs. Dans certains pays et
notamment aux Etats-Unis, les stations centrales d'éclai-
rage électrique ne se bornent pas, en effet, à distribuer
l'éclairage. Pendant le jour [surtout, où les machines sont
très peu occupées, ces stations envoient le courant pour
actionner des moteurs disséminés chez les clients, et l'emploi
de ces petits moteurs s'est répandu sur une échelle dont on
ne peut pas se former une idée en Europe. Avec les cou-
rants alternatifs, il a été jusque dans ces derniers temps
très difficile de satisfaire à ce besoin et par conséquent de
rivaliser avec le courant continu. Actuellement, on y est
arrivé à peu près ; il nous paraît donc utile de donner un
court aperçu de l'histoire des moteurs à courants alter-
natifs.
On sait que si on lance dans une machine Gramme un
courant continu, cette machine commence à tourner dans un
sens qui dépend du sens d'aimantation des inducteurs. Si
on renverse le courant, on renverse en même temps le sens
d'aimantation dans les inducteurs et dans l'induit : la ma-
chine tourne donc dans le même sens. Après cela, on pour-
rait croire qu'en lançant dans une machine Gramme un
courant alternatif on obtiendrait une rotation toujours dans
le même sens et qu'on constituerait ainsi un moteur. Un
examen plus attentif permet de voir qu'un moteur ainsi
constitué ne donnerait que de mauvais résultats. Ce qui gêne
surtout la propagation des courants alternatifs c'est la
self-induction des bobines intercalées dans le circuit ; comme
cette self-induction est très considérable dans une machine
Gramme, le résultat est peu favorable. De plus, l'induction
produit un retard de phase entre les différentes parties du
courant — un décalage comme on le nomme — et il est
parfaitement possible que ce décalage soit assez fort pour
empêcher tout mouvement. On peut constituer toutefois
avec des dynamos à courants continus des moteurs à cou-
rants alternatifs, mais il faut alors remplir les conditions
suivantes : il faut d'abord que le fer qui entre dans la
dynamo soit lamelle, c.-à-d. que la dynamo soit con-
stituée par des plaques de fer très minces et isolées dans
la direction perpendiculaire au flux magnétique, et cela
aussi bien pour les inducteurs que pour l'induit. Il faut
de plus employer des courants alternatifs à très basse fré-
quence, au plus une dizaine par seconde. Dans ces con-
ditions, la dynamo peut servir de moteur même avec des
courants alternatifs. Quant au rendement, nous ne savons
pas s'il est assez élevé pour que ce genre do moteur puisse
être employé dans la pratique.
ÉLECTRICITÉ
— 772 —
Un deuxième genre de moteurs à courants alternatifs
est le moteur synchronique, dont voici le principe : sup-
posez une dynamo à courants alternatifs quelconque, et
un moteur ou une autre dynamo identique à la première ;
si les deux machines tournent avec la même vitesse, les
efforts qui s'exercent dans la génératrice entre les induc-
teurs et l'armature se reproduisent d'une manière iden-
tique dans les bobines du moteur et par conséquent cette
machine tournera avec une vitesse égale à celle de la
dynamo. Comme dans les alternateurs on se sert dun
courant continu pour engendrer le champ magnétique, il
faut modifier la construction pour constituer un moteur.
Voici une description sommaire du moteur synchrone à
courants alternatifs de la maison Ganz, de Budapest.
La fig. 11 indique schématiquement la disposition des
parties essentielles de ce moteur. Les bobines induites
Fis. 11.
A sont fixes, les électro - aimants inducteurs M et le
commutateur C tournent. Les sections du commutateur
couvertes de hachures communiquent avec les fils 1 des
inducteurs M, les autres avec % et la position des ba-
lais B, B.^ est réglée de telle façon que la commutation ait
lieu au moment du passage de M devant A. Le courant est
pris sur les conducteurs principaux LL, soit directement
comme dans la figure, soit par l'intermédiaire d'un trans-
formateur, si la tension est trop haute pour être utilisée
directement. Lorsqu'on donne à ce moteur une certaine
impulsion, il se mettra à tourner sous l'action du courant
jusqu'au moment où le synchronisme avec l'alternateur géné-
rateur est atteint. On pourrait obtenir un démarrage auto-
matique s'il était possible de placer dans les positions rela-
tives convenables, les bobines mobiles par rapport aux
bobines fixes. Une fois le synchronisme atteint, il ne se
dérangera plus ; le moteur tournera donc toujours à la même
vitesse. Toutefois, le commutateur donnera heu à de fortes
étincelles, qu'on a cherché à diminuer à l'aide de certains
dispositifs que nous ne rapporterons pas ici. D'ailleurs, les
oscillations de l'intensité du champ magnétique n'assurent
pas une marche très stable à ce genre de moteurs. Quoi
qu'il en soit, les expériences effectuées sur ces moteurs ont
donné d'assez bons résultats, même comme rendement, ce
qui n'empêche pas qu'ils soient peu répandus dans l'indus-
trie. Une particularité de ce genre de moteurs, c'est qu'ils
s'arrêtent lorsque la charge devient trop considérable et
détruit le synchronisme. A' ce point de vue, ils ont une in-
fériorité marquée sur les moteurs à courants continus qui
peuvent être surchargés très notablement pendant quelques
instants et qui ne s'arrêteraient que si, par suite d'un cou-
rant trop énergique, l'induit était détruit.
Les moteurs synchrones ne s'étant que peu répandus dans
l'industrie courante, la question de l'utilisation des cou-
rants alternatifs était toujours ouverte jusqu'à ce qu'on
ait pu réaliser dans ces derniers temps des moteurs basés
sur des principes tout à fait différents : nous voulons parler
des moteurs à champ magnétique tournant.
Disons d'abord un mot du champ magnétique tournant
et de sa production. Supposons deux bobines placées à
anffle droit et parcourues par des courants alternatifs de
même période et de même intensité, mais ayant entre eux
une différence de phase d'un quart de période. On pourra
représenter ces deux courants par les formules :
i^=ilsin27c I etig—Icos^::;^.
Le courant dans la première bobine sera maxima lors-
qu'il est nul dans l'autre et ainsi de suite. Au point d in-
tersection des deux bobines, le champ magnétique aura
donc une direction essentiellement variable, mais une inten-
sité constante; au bout du temps T le champ aura effectue
une révolution complète. Si on plaçait au centre des deux
bobines une aiguille aimantée ou un disque de fer, cette
aiguille ou ce disque se mettrait à tourner avec une vitesse
de rotation ^ ^^ ^^^^ ^^^^ ^"'^^ P^"^ ^^^^^' ^ ^'^^^^ ^^
deux courants alternatifs de même période, un champ ma-
gnétique tournant: ce champ tournant peut produire a son
four la rotation d'un disque ou d'un anneau place en son
centre. Il est assez facile d'engendrer deux courants alter-
natifs de même période et de même intensité ; mais, pour les
conduire, il faut quatre conducteurs, deux pour chaque cou-
rant. Théoriquement, un seul courant suffirait si 1 on avait
le moyen de le dédoubler en deux autres ayant entre eux
une différence de phase correspondant à un quart de pé-
riode. C'est dans les dispositifs pour obtenir avec un seul
courant, et par conséquent avec deux fils de hgne, cette
différence que s'est exercée la sagacité des mventeurs.
M Ferraris employait à cet effet des bobines de selt-induc-
tion intercalées dans le circuit bifurqué ; on obtient ainsi
une certaine différence de phase, mais qui n'atteint jamais
la grandeur voulue.
M Leblanc a proposé à cet effet des condensateurs; en
intercalant sur l'un des circuits bifurques une certaine
capacité; on peut s'arranger de façon que les deux circuits
présentent entre eux la différence de phase voulue ; il a réussi
ainsi un moteur à champ tournant très simple. La machine
se compose essentiellement d'un anneau, comme du genre
anneau Gramme et fermé sur lui même. Il n'y a aucun com-
mutateur pour prendre les courants, puisque c est le champ
tournant qui provoque la rotation de 1 induit. Les bobines
inductrices fixes sont disposées autour du bati de a
"machine ; elles sont parcourues, comme nous venons de le
dire par deux séries de courants, dont l'une provient direc-
tement de la ligne et l'autre après le passage par des con-
densateurs, ces derniers permettant de décaler le courant
dérivé de la quantité nécessaire pour avoir dans les deux
circuits des courants dont la phase diffère d un quart de
^^On a' proposé dernièrement un autre moyen pour obtenir
un champ magnétique tournant ; ce moyen consiste a pren-
dre, au lieu de deux courants, trois courants dont les
phases sont distantes de 120- correspondant à un tiers de la
période complète. Il est facile d'engendrer des courants de
ce^enre; ilsuffit,par exemple, avec des inducteurs mobiles,
de prendre trois pôles au lieu de deux. Une particularité
de ces courants avec lesquels il faut nécessairement trois
fils, c'est que le troisième sert de retour aux courants cir-
culant dans les deux premiers, comme cela est tacUe a
montrer. Soient en effet
(t 27U \
ces trois courants, on voit qu'en faisant Ja somme de
deux quelconques de ces courants on obtient toujours Je
troisième, quelle que soit la valeur de o. ^
Ces courants, qu'on appelle courants triphasés, ou en
— 773 —
ÉLECTRICITÉ
général, lorsqu'il y en a un plus grand nombre, courants
polyphasés, conviennent particulièrement à la production
d'un champ magnétique tournant. Il est évident, en effet,
sanseffectuer de calcul, que si on place trois bobines à 120%
on obtiendra un champ tournant si ces trois bobines sont
parcourues par des courants dont la différence de phase
atteint 120<>. On peut donc constituer de cette façon des
moteurs dont le seul inconvénient est qu'ils nécessitent pour
être actionnés trois fils de ligne, au lieu de deux comme
avec les courants continus. Quanta l'induit de ces machines,
il est constitué simplement par un anneau fermé sur lui-
même et sans commutateur.
Les courants à trois phases ont servi dernièrement à
effectuer un transport de force à grande distance, près de
180 kil., de Lauffen à l'Exposition de Francfort. Pour des
distances aussi considérables, il faut pouvoir employer de
très fortes tensions pour éviter des poids de cuivre qui ren-
draient l'entreprise impossible. On a employé pour ce trans-
port une double transformation, c.-à-d. que le courant était
engendré à basse tension, transformé ensuite à haute ten-
sion ; à l'autre extrémité de la ligne, on effectuait une
transformation en sens inverse. Ainsi toute la haute ten-
sion était limitée aux fils de ligne et aux transformateurs
ne comprenant aucun organe mobile. Ce moyen de distri-
buteur a été employé depuis dans plusieurs installations.
On peut effectuer par les courants triphasés assez facile-
ment des transports de force. Mais ce qui paraît plus com-
pliqué, c'est d'effectuer avec ces courants de l'éclairage
électrique ; aussi ce système ne sera-t-il complet que
lorsqu'on aura inventé des méthodes de réglage permettant
de partager également la charge entre les trois fils; dans
l'état actuel de la science, on peut dire que les courants
alternatifs ordinaires permettent facilement l'éclairage,
mais plus difficilement l'utilisation de l'énergie du courant,
et qu'avec les courants à phases multiples, c'est l'inverse
qui a lieu.
Pour distribuer chez les consommateurs de l'énergie élec-
trique, utilisable soit pour l'éclairage soit pour actionner
des moteurs, on a établi dans un grand nombre de villes
des usines destinées à engendrer le courant électrique et
qu'on désigne sous le nom de stations centrales d'élec-
tricité.
On emploie à cet effet différents systèmes de distribution
qui ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients : ce
sont principalement les circonstances locales qui déterminent
le choix du système. Nous allons passer rapidement en
revue les systèmes les plus employés et indiquer leurs
avantages et leurs inconvénients.
On peut utiliser deux genres de courants : le courant
continu et le courant alternatif ; le courant à phases mul-
tiples (courants triphasés) n'est qu'une modification des
courants alternatifs.
La lutte entre les partisans des courants continus et des
courants alternatifs est toujours ardente : jusqu'ici elle est
loin d'être terminée. Avec les courants continus, on a
l'avantage de pouvoir effectuer, dans un rayon limité, il
est vrai, une distribution facile à régler, de pouvoir ac-
tionner des moteurs de toute grandeur et surtout de pou-
voir employer des accumulateurs. Par contre, ces courants
ne permettent pas de transformer facilement la tension qui
règne dans le conducteur.
Les courants alternatifs, au contraire, permettent une
transformation facile et économique de tension, ce qui
permet, comme nous le préciserons plus bas, de distribuer
le courant très loin ; par contre, avec ces courants on ne
peut pas se servir d'accumulateurs, et il est jusqu'à présent
encore difficile de se servir de ces courants pour actionner
des moteurs ; les moteurs à champ tournant changeront
peut-être cette question. On peut dire encore que les
courants alternatifs n'affectent pas autant les isolements que
les courants continus avec lesquels on constate à la longue
une espèce d'électrolyse capable de modifier la nature de
l'isolant. Par contre, avec le même voltage, les chocs des
courants alternatifs sont beaucoup plus dangereux pour
les personnes que ceux des courants continus.
Ayant indiqué ainsi sommairement les qualités inhérentes
à ces deux systèmes, nous considérerons d'abord la distri-
bution avec courants continus. Lorsqu'il s'agit de distribuer
l'énergie électrique dans un petit périmètre, n'excédant pas
500 à 600 m., on peut employer avec avantage la distri-
bution à potentiel constant. C'est d'ailleurs le premier sys-
tème qu'on a employé industriellement. La tension ou le
potentiel à maintenir dans les conducteurs est maintenu
toujours égal à 100 volts. Disons pourquoi on a adopté cette
tension de préférence à toute autre. Il est évident à priori
que plus la tension est élevée et moins il faut de cuivre
pour effectuer la distribution. Supposons, par exemple,
qu'il s'agisse de distribuer 1 kilowatt ou 1,000 watts.
Si la différence de potentiel est de 100 volts, il faut que
l'intensité du courant soit de 10 ampères ; avec 50 volts
il faudrait 20 ampères, et avec 1,000 volts 1 ampère
seulement; dans tous ces cas, le produit est de 1,000 volts
ampères ou watts. Il est évident que pour conduire un
courant de 20 ampères à une certaine distance, il faut un
conducteur environ 20 fois plus fort que pour conduire à
cette même distance un courant d'un ampère. On a donc
tout intérêt à utiliser des potentiels aussi élevés que pos-
sible. Mais, d'un autre côté, il faut que chaque appareil
soit indépendant des autres, c.-à-d. il faut pouvoir enlever
du circuit un appareil quelconque sans influencer les autres.
Actuellement, presque toutes les distributions sont faites en
vue de l'éclairage électrique et particulièrement en vue de
l'éclairage par lampes à incandescence. On construit des
lampes à incandescence allant jusqu'à 150 et 200 volts.
Mais ces lampes dont la fabrication est délicate sont très
fragiles par suite de la longueur du filament. Aussi a-t-on
adopté dans l'industrie des lampes de 1 00 à 1 10 volts ; c'est
la tension qui est universellement adoptée pour les distri-
butions.
Cette tension a encore l'avantage de permettre d'allumer
deux lampes à arc en série et de convenir parfaitement pour
actionner les moteurs dont on fait maintenant un si grand
usage, surtout à l'étranger.
Dans les stations centrales établies pour fournir le cou-
rant aux tramways électriques, on a presque universellement
adopté en Amérique, où ces lignes sont excessivement fré-
quentes, une tension de 500 volts.
La tension de régime qui doit exister dans le réseau une
fois fixée, il s'agit d'établir un réseau de conducteurs tels
que l'on puisse maintenir partout la tension uniforme de
régime, quelle que soit la consommation de courant, c.-à-d.
le 'nombre de lampes que les consommateurs allument.
Nous n'entrerons pas dans les détails techniques de l'éta-
blissement d'un réseau, question qui est assez compliquée.
Quoi qu'on fasse, on aura toujours une certaine perte de
tension dans la ligne, d'où il résulte que, dans les endroits
situés près de l'usine, la tension sera un peu plus forte
que dans des endroits placés à l'extrémité du réseau. Pour
remédier à cet inconvénient, on fait revenir quelquefois
l'un des conducteurs à l'usine, et on peut intercaler ainsi
les lampes entre le commencement d'un des conducteurs et
la fin de l'autre ; les tensions sont alors également distri-
buées. Dans de grandes installations, après avoir établi le
réseau, on rattache certains points directement à l'usine à
l'aide de gros conducteurs appelés conduites d'alimentation
ou feeders à l'aide desquels on maintient un potentiel cons-
tant dans le réseau.
Disons maintenant un mot de la manière de régler la
tension à l'usine. Nous avons vu qu'avec des machines en
dérivation et surtout avec des machines à double enrou-
lement, on arrive à maintenir constante la différence de
potentiel aux bornes, quelle que soit la résistance exté-
rieure ou le débit de la machine. On peut d'ailleurs agir
directement sur l'excitation des machines et, par des.
lampes d'essai placées dans l'usine, s'assurer que la tension
conserve toujours sa valeur normale.
ÉLECTRICITÉ
— 774 —
Dans des stations centrales établies pour fournir l'éclai-
rage aux habitants d'une ville, la demande de courant ne
varie jamais d'une manière très brusque, puisque toutes
les lampes ne sont pas allumées ou éteintes toutes à la fois.
Comme on peut le constater à l'aide des courbes de
consommation de courant, cette consommation est très
faiblependant la journée ; elle s'accroît assez brusquement
entre quatre et six heures, d'après la saison, pour dimi-
nuer graduellement jusqu'à minuit ou même plus tard; la
consommation principale n'a lieu que pendant quatre ou cinq
heures sur les vingt-quatre heures de la journée. Il est évident
que, dans ces conditions, il serait impossible d'avoir une seule
grosse dynamo pour satisfaire à tous les besoins, puisque
cette dynamo travaillerait pendant la plus grande partie de
la journée presque à vide, et la machine à vapeur donnerait,
dans ces conditions, un mauvais rendement. Aussi dispose-
t-on le plus souvent d'une petite machine pour fournir
le courant pendant la journée (nous parlons ici des
stations non pourvues d'accumulateurs).
Le courant total à fournir est réparti entre un certain
nombre d'unités : ces unités, qui autrefois étaient assez
faibles, se font maintenant de plus en plus grandes. Au
fur et à mesure des besoins, ces dynamos sont accou-
plées en quantité sur le réseau. L'insertion d'une nou-
velle machine dans le circuit est une manœuvre assez
déhcate. Il faut d'abord exciter les électro-aimants de la
nouvelle machine de façon qu'elle donne un potentiel qui
soit exactement celui du réseau; puis, ce résultat obtenu,
on peut l'insérer en quantité avec les autres machines en
fonctionnement. Comme ces machines réagissent toujours
les unes sur les autres, et comme d'ailleurs les machines à
vapeur ne tournent pas rigoureusement à la même vitesse,
lorsqu'on augmente brusquement la charge, on conçoit
facilement qu'on obtient souvent dans le circuit des oscil-
lations qui font vaciller les lampes.
Une fois l'installation soigneusement faite, il est assez
facile d'empêcher les accidents et surtout l'arrêt complet
des machines, entraînant une extinction totale de l'éclai-
rage, extinction qu'on constate encore plus souvent que cela
ne devrait être. Ces extinctions proviennent ordinairement
de la partie mécanique des installations : chute d'une cour-
roie, rupture d'un tube de chaudière, échauifement d'un
palier, etc. Le meilleur moyen de les éviter, ou plutôt
d'en éviter les conséquences fâcheuses, est de diviser
l'installation en un certain nombre de parties complè-
tement indépendantes et qu'on peut interchanger. En pre-
nant plusieurs machines à vapeur alimentées par un certain
nombre de chaudières et un certain nombre de dynamos,
il est facile d'arranger les choses de telle façon que, lorsqu'il
arrive une avarie à un organe quelconque, on puisse l'isoler
et effectuer le plus souvent la réparation pendant que les
autres parties, quelque peu surchargées, fournissent le
courant pendant la durée de la réparation ; on évite ainsi
que l'accident n'ait des conséquences graves.
Emploi des accumulateurs. Jusqu'ici nous avons
supposé que la distribution se faisait sans l'intervention
des accumulateurs; dans ces conditions, il faut toujours
avoir au moins une machine en mouvement.
L'apphcation des accumulateurs présente plusieurs avan-
tages, surtout au point de vue de la facilité du réglage,
de la commodité et de la garantie en cas d'accident. Nous
laissons de côté la question pécuniaire qui est très discutée
et dépend entièrement du prix de revient et d'entretien
des accumulateurs.
On peut se servir des accumulateurs de plusieurs
manières différentes :
Les accumulateurs peuvent d'abord être utilisés pour
faciliter le réglage et comme garantie en cas d'accident.
Dans ces conditions, il suffit d'une batterie de faible
capacité, les accumulateurs ne servant alors que de
volant pour empêcher les oscillations de la lumière qu'on
constate surtout dans les petites installations. On avait
même inventé des accumulateurs spéciaux pour remplir
ce but ; la capacité réduite de ces accumulateurs per-
mettait de les livrer à meilleur compte que les accumula-
teurs des types courants, mais on préfère avec raison se servir
d'accumulateurs ordinaires. En connaissant la capacité de
ces appareils, il est facile d'évaluer de quel poids d'accu-
mulateurs il faut disposer pour entretenir l'éclairage pen-
dant un temps donné. Supposons par exemple qu'un kilogr.
de plaques d'accumulateurs puisse emmagasiner 10 ampères-
heures et fournir un courant de 1 ampère. La tension
du réseau à basse tension étant d'environ 100 volts, il
faut donc un peu plus de 50 accumulateurs accouplés en
série. Il faudrait donc autant de kilogrammes de plaques
qu'on doit pouvoir fournir d'ampères. Dans une installa-
tion pour oOO à 600 lampes à incandescence, par exemple,
on doit pouvoir disposer d'un courant d'environ 200 am-
pères; ce nombre varie naturellement avec le calibre des
lampes. Pour fournir un courant de 200 ampères, il fau-
drait dans notre cas un accumulateur d'un poids d'en-
viron 200 kilogr. ; comme il en faut un peu plus de 50
pour obtenir la tension de 100 volts, il faudrait environ
10,000 kilogr. ou 10 tonnes d'accumulateurs.
C'est uniquement du poids des accumulateurs que dépen-
dent les services qu'on peut en obtenir pour la distribution
de l'électricité; leur nombre est toujours invariable et
dépend de la tension qui règne dans le circuit de distribu-
tion; on peut prendre le potentiel de décharge égale 1^9.
Quant à la capacité, elle varie dans d'assez larges limites
avec la fabrication. Mais il est un point sur lequel il est
nécessaire d'insister, c'est qu'on ne peut pas décharger
les accumulateurs trop vite; le régime normal de décharge
est de 1 ampère à 1^'2, et on ne peut guère dépasser l^^'o
par kilogramme de plaque sans les détériorer. De plus, il
est prudent de ne pas les décharger complètement et de
n'utiliser que 60 à 70 ° o de ce qu'ils peuvent donner.
Ainsi, dans l'exemple que nous avons choisi de 500 lampes
exigeant un courant de 200 ampères, une batterie de
10 tonnes d'accumulateurs pourrait ahmenter toutes les
lampes et remplacer la dynamo pendant huit à dix heures,
c.-à-d. pendant une journée entière. Si on ne disposait que
de 5 tonnes d'accumulateurs, ils ne pourraient plus rem-
placer la dynamo, car la plupart des accumulateurs ne per-
mettent pas l'arrangement suivant: 10 tonnes d'accumu-
lateurs fournissant 200 ampères pendant dix heures,
5 tonnes ne peuvent pas fournir ces 200 ampères pendant
cinq heures, ni 2 tonnes ces mêmes 200 ampères pendant
deux heures, bien que, dans tous ces cas, le nombre de
kilowatt-heures par unité de poids reste le même.
Ceci nous montre que pour que les accumulateurs puis-
sent alimenter les lampes en cas d'arrêt des machines, et
cela m.ême pendant un temps très court, il faut un très
grand poids d'accumulateurs. Il s'agissait, dans notre
exemple, d'un dynamo de 200 ampères à 100 volts, soit
20 kilowatt, nécessitant une machine à vapeur d'une tren-
taine de chevaux.
Dans de grandes installations, il faut donc d'énormes
batteries si Ton veut se mettre à l'abri de l'extinction pro-
venant de l'arrêt des machines. Cependant, lorsqu'on dis-
pose de plusieurs dynamos et de plusieurs machines à
vapeur, on peut toujours s'arranger de façon à ce que l'ar-
rêt d'une partie n'entraîne pas l'arrêt des autres machines.
Il y a un autre mode d'emploi des accumulateurs qui
présente, dans certaines conditions, des avantages sérieux.
Au lieu de s'en servir pour suppléer aux machines en cas
d'accident, on peut s'en servir pour fournir le courant
ensemble avec la dynamo et employer ainsi une machine
à vapeur plus petite.
Dans l'exemple précédent de 500 lampes et 200 ampères,
la dynamo ne débitera le courant que pendant très peu
d'heures par jour, cinq ou six heures suivant la saison ; le
reste de la journée, la dynamo ne débitera qu'un faible
courant, et la machine à vapeur travaillera dans de mau-
vaises conditions de rendement. Ajoutons à cette installation
une batterie d'accumulateurs de 5 tonnes pouvant fournir
775 —
ÉLECTRICITÉ
un courant de dOO ampères sous 400 \olts et accouplons-les
à une dynamo également de 100 ampères et de 100 volts,
c.-à-d. à une dynamo moitié moins forte que celle qu'il
faudrait sans les accumulateurs. En faisant travailler la
machine à vapeur pendant la journée à la charge des accu-
mulateurs, elle pourra fonctionner dans les conditions éco-
nomiques; pendant les heures de forte consommation, les
accumulateurs fourniront l'appoint. On a encore l'avantage
que, pendant la nuit, on peut arrêter la machine à vapeur
et alimenter les lampes qui restent allumées par les accu-
mulateurs. Pendant la charge des accumulateurs, un cou-
rant dérivé sur les bornes de la machine servira à alimenter
les lampes. Ce système peut donner de bons résultats dont
l'économie dépend surtout du prix et de l'entretien des accu-
mulateurs. Dans une station établie, on peut dire que
l'emploi des accumulateurs permet de doubler le nombre
de lampes. , .
Tout ce que nous avons dit jusqu'ici se rapporte spécia-
lement à une distribution à basse tension, distribution
dont les points extrêmes doivent se trouver au maximum à
500 ou 600 m. de la station. Lorsque cette distance se trouve
dépassée, il faut nécessairement augmenter le potentiel de
la distribution ; mais, pour que les lampes restent indépen-
dantes les unes des autres, il est indispensable que la ten-
sion dans les circuits de distribution reste toujours celle
qui correspond à une lampe à incandescence, c.-à-d. à
environ 100 volts.
Distribution à trois fils. Un des moyens les plus sim-
ples pour augmenter la tension est de mettre deux dyna-
mos en tension et de répartir les lampes en deux séries.
S'il y avait autant de lampes d'un côté que de l'autre, il
ne circulerait aucun courant dans le fil de miheu qu'on
appelle le fil neutre ; en tout cas, il ne circule dans ce con-
ducteur qu'un courant bien plus faible que dans les conduc-
teurs extrêmes. Ce système est presque toujours employé
dans les grandes stations centrales ; nous n'entrerons pas
ici dans les réglages qu'il faut opérer pour maintenir con-
stantes les différences de potentiel dans les deux systèmes
de fils. Comme avec ce système on double le potentiel
de distribution (220 volts au lieu de 110 volts), on peut
atteindre des distances doubles sans une augmentation notable
de cuivre.
Distribution à cinq fils. En disposant cinq dynamos en
tension, on peut porter la différence de potentiel jusqu'à
440 volts et quadrupler ainsi la tension primitive. Il existe
encore peu d'exemples de ce genre de distribution qui est
employé pour le secteur de la place Clichy à Paris. L'égali-
sation de tension dans les différents fils est assez compliquée
et le grand nombre de fils nécessaire rend la canalisation
assez difficile à établir. Au secteur de la place Clichy, on a
disposé, pour répartir également les tensions, un appareil,
appelé égalisateur de potentiel, consistant en quelque
sorte en une machine Gramme portant quatre anneaux : si
la tension est bien distribuée, l'anneau ne tourne pas; il
tourne, au contraire, aussitôt qu'il existe un courant plus
fort d'un côté que de l'autre : l'appareil absorbe ainsi du
courant d'un côté et il le restitue de l'autre, de façon que,
théoriquement, il n'y aurait aucune perte par suite du
fonctionnement de cet organe.
Les systèmes à trois et à cinq fils sont, on le voit, des
modifications de la distribution à basse tension.
Distribution par transformateurs -moteurs. Les
moyens précédents ne permettent d'augmenter la tension
que dans une certaine limite; pour distribuer l'énergie
électrique au loin, il faut dépasser ces limites dans de fortes
proportions et, au lieu de quelques centaines de volts,
atteindre des milliers de volts. Les courants d'une aussi^
haute tension étant dangereux et d'un maniement difficile,'
on ne peut pas les amener directement chez les consomma-
teurs, d'autant plus que, les appareils devant être indépen-
dants, il faut ramener la tension à 110 volts. Le système
suivant de distribution à haute tension est d'un emploi assez
fréquent. Dans une station située à une certaine distance
du centre de distribution, on engendre des courants à haute
tension, de 2,000 à 6,000 volts, lesquels courants on
envoie dans des transformateurs-moteurs : ces appareils
ne sont autre chose que des dynamos pourvues de deux
anneaux; le courant de haute tension lancé dans le premier
anneau le fait tourner et entraîne le deuxième anneau sur
lequel on a enroulé de gros fils; le courant de basse tension
ainsi engendré est distribué comme nous l'avons vu précé-
demment. Ce système présente donc l'avantage de permettre
de hautes tensions dans la partie la plus longue de la cana-
lisation et de basses tensions dans la distribution propre-
ment dite. A Paris, ce système est employé pour le secteur
du transport de la force par l'électricité, l'usine étant
située à Saint-Ouen et les usines secondaires de distribution
à l'intérieur de Paris. On peut employer ce système, comme
d'ailleurs tous les autres systèmes à courant continu, con-
jointement avec des accumulateurs, et imaginer à cet effet
différents dispositifs dans le détail desquels nous n'entrerons
pas.
Distribution à haute tension par accumulateurs.
Les accumulateurs se prêtent facilement à un mode de dis-
tribution à haute tension dont voici les traits généraux.
A la station génératrice, on engendre des courants à haute
tension, supposons 2,000 volts par exeniple; dans les
centres de distribution, on place des batteries d'accumula-
teurs, 50 dans le cas habituel, sur lesquelles on branche les
conducteurs locaux. On charge les accumulateurs pendant
la journée et on les décharge pendant les heures d'éclairage.
Ce système, qui paraît à première vue assez économique,
procure un éclairage très fixe, mais il donne lieu par contre
à des réglages assez compliqués, et il nécessite une sur-
veillance minutieuse. On l'emploie à Paris pour le secteur
Popp et dans différents quartiers de Londres.
Distribution par courants alternatifs. Les courants
alternatifs se prêtent particulièrement à la distribution de
Félectricité à des distances assez grandes, quelques kilo-
mètres par exemple. C'est le seul système reconnu pratique
jusqu'ici lorsque les différents centres de consommation
sont assez éloignés. Les courants alternatifs ne présentent
aucun avantage sérieux sur les courants continus pour de
faibles distances, c.-à-d. lorsque le courant peut être en-
gendré à basse tension (100 volts) et utilisé tel quel. C'est
dans la transformation facile de courants de haute tension
en courants de basse tension que réside la supériorité des
courants alternatifs pour la distribution à des distances
relativement considérables. Pour effectuer cette transfor-
mation lorsqu'il s'agit de courants continus, il faut un
organe mobile, exigeant par conséquent une surveillance
continue, tandis qu'avec les courants alternatifs on emploie
des transformateurs formés en principe d'un anneau de fil
de fer sur lequel on a disposé deux enroulements, l'un
correspondant à la haute tension et l'autre à la basse ten-
sion. Le courant de haute tension aimante l'anneau de fer
et par la variation continue de son intensité induit dans les
spires de l'enroulement secondaire un courant dont le poten-
tiel moyen dépend du nombre de spires de deux enroule-
ments. Si le nombre de tours de fil du primaire est vingt
fois celui de l'enroulement secondaire, le potentiel sera abaissé
approximativement dans le rapport de 20 à 1 . Le potentiel
dans la canafisation principale étant, par exemple, de
2,000 volts, celui dans les circuits secondaires sera amené
à ia tension normale de 100 volts. Comme les transfor-
mateurs n'exigent aucun entretien et comme il n'y a aucun
organe mobile, on conçoit que l'agencement de ces appareils
n'est pas bien compliqué. C'est à cette facihté qu'on doit
l'extension considérable de ce système. En Europe, presque
la moitié des stations centrales emploient des courants
alternatifs et en Amérique cette proportion est plus consi-
dérable encore.
Jusque dans ces derniers temps, les courants alternatifs
avaient sur les courants continus le désavantage de ne
pas pouvoir actionner convenablement des moteurs élec-
triques dont l'emploi se généralise tant. L'invention des
ÉLECTRICITÉ
— 776 —
moteurs à champ magnétique tournant et le système de
courants alternatifs à plusieurs phases ont modifié cet état
de choses. Comme nous l'avons expliqué plus haut, on
peut réaliser les moteurs à champ tournant avec deux ou
trois fils. Pour l'éclairage électrique, la distribution par
trois fils avec courants alternatifs (courants à phases mul-
tiples) est encore dans la période d'expérimentation. On a
fait comme curiosité des lampes à incandescence à trois
filaments s'adaptant à ces courants, mais, comme à notre
connaissance aucune installation d'éclairage de ce genre n'a
été réahsée jusqu'ici, nous n'en parlerons pas.
L'installation des conducteurs devant servir à l'éclairage
électrique d'une ville ou d'un groupe de maisons est une
grosse question ; on peut même dire que c'est une des
plus grandes difficultés qu'on rencontre dans l'établisse-
ment d'une station centrale.
Il faut avant tout faire le calcul du diamètre exigé pour
les conducteurs. Ce calcul est des plus difficiles et nous ne
croyons pas que jusqu'à présent on ait proposé aucune
méthode simple et sûre. Il est facile de calculer le dia-
mètre d'un conducteur qui produise pour une longueur
donnée une perte de charge fixée d'avance, mais dans un
réseau où les fils s'entre-croisent, ce calcul n'est plus d'une
bien grande importance. Il est hors de notre sujet d'entrer
dans des détails des méthodes suivies ; les méthodes
changent d'ailleurs avec les circonstances. Notons toutefois
en passant la méthode expérimentale suivante qu'on a
quelquefois employée : on dresse à l'échelle une carte de
de la ville et on y fait figurer l'usine en même temps que
les diff'érents centres de distribution qu'on rattache avec
des fils de cuivre de diff'érents diamètres. En mesurant
alors avec un instrument quelconque la perte de charge
aux diff'érents points des distributeurs, on peut se faire
une idée des conditions à réaliser pour le réseau réel.
Une fois qu'on a déterminé par un moyen quelconque les
diamètres à donner aux différents conducteurs, il faut pro-
céder à leur installation. Le plus simple est évidemment
de faire comme pour les fils télégraphiques et d'établir les
conducteurs aériens sur des poteaux. En France et presque
partout en Europe, ce genre d'installation n'est pas permis
par les municipalités ; aux Etats-Unis ce n'est que dans
les très grandes villes qu'on fait objection à ce genre de
fils ; on peut même dire que si, en Amérique, l'électricité a
fait des progrès si rapides, cela est dû en partie aux faci-
lités qu'ont eu partout les électriciens d'établir des conduc-
teurs aériens, dont l'installation est si simple et si peu
coûteuse.
Les conducteurs souterrains, au contraire, reviennent
toujours très cher, et leur établissement dans une ville de
quelque étendue revient quelquefois presque aussi cher que
toute l'usine électrique. On a proposé de nombreux sys-
tèmes pour ce genre de conducteurs, mais jusqu'ici on n'a
pas encore trouvé de disposition absolument à l'abri de
tout reproche. Pour de grandes distances, on pose souvent
dans le sol des câbles faits plus ou moins sur le modèle des
câbles sous-marins, c.-à-d. du fil de cuivre entouré de
caoutchouc et protégé par des fil s defer.Ces câbles reviennent
assez chers; mais, lorsqu'ils sont bien établis, ils donnent
de bons résultats, surtout lorsque le sous-sol est humide.
On a proposé aussi d'employer des conducteurs nus posés
dans des caniveaux sur des isolateurs en porcelaine ; on
peut obtenir ainsi de bons résultats si on peut mettre les
caniveaux à l'abri de l'humidité, ce qui est une très grande
difficulté.
Les autres systèmes sont presque tous des méthodes
intermédiaires entre les deux précédents : le câble isolé
posé directement dans le sol ; le câble nu posé dans une
canalisation fermée. Il est assez facile d'imaginer des dis-
positions de ce genre : nous n'insisterons pas. Nous ferons
remarquer toutefois que pour des courants alternatifs on a
proposé avec succès des câbles concentriques dans lesquels
l'un des conducteurs entoure complètement l'autre.
Lorsqu'on enterre les câbles bien isolés directement
dans le sol sans les poser dans des conduites, on ne peut
les réparer ou y eff'ectuer des branchements sans faire des
travaux de terrassement souvent très onéreux. Le meilleur
système, mais aussi le plus cher, est sans contredit de
prendre des câbles parfaitement isolés et de les poser dans
des conduites desquelles on peut facilement les tirer.
Comme matière isolante, le caoutchouc vulcanisé convient,
paraît-il, le mieux ; la gutta, qui donne d'excellents résul-
tats pour les câbles sous-marins, se ramollit trop facilement
sous l'influence d'une élévation accidentelle de tempéra-
ture. Pour de très hautes tensions, on a proposé de mettre
des fils nus dans des tuyaux remplis de pétrole ; on obtient
ainsi un isolement pouvant résister à des tensions consi-
dérables ; on sait, en eff'et, que la distance explosive est
beaucoup moindre dans certains liquides, comme le pé-
trole, etc., que dans l'air. Les tensions qui nécessitent ce
genre d'isolement ne sont pas encore entrées dans la pra-
tique et, jusqu'ici, ce sont les câbles convenablement isolés
qui donnent le meilleur résultat, surtout comme durée.
Compteurs d'électricité. Pour évaluer les quantités
d'électricité consommées par les lampes, il faudrait en toute
rigueur mesurer à chaque instant non seulement l'intensité
du courant, mais encore la différence de potentiel, puisque
le produit de ces deux quantités correspond à l'énergie
électrique absorbée. Dans la pratique, comme les stations
centrales livrent presque toujours le courant sous poten-
tiel constant, il suffit de mesurer le courant total absorbé.
Nous ne pouvons pas entrer dans la description des nom-
breuses dispositions adoptées pour arriver à ce but ; nous
nous bornerons à indiquer quelques dispositifs consacrés
par la pratique.
On sait que, lorsqu'un courant électrique traverse une
solution de sulfate de cuivre, la quantité de métal déposé
est proportionnelle à l'intensité du courant. C'est sur ce
principe que sont basés les compteurs Edison, Desruelles-
Chauvin, etc. Ce sont les premiers compteurs dont on s'est
servi en Amérique. Ces compteurs n'enregistrent que l'in-
tensité du courant sans tenir compte de la différence de
potentiel; ils ne peuvent donc pas servir de wattheure-
mètres. Comme il est désirable que la quantité d'énergie ou,
dans notre cas, la quantité d'électricité absorbée soit indiquée
par des aiguilles sur un cadran, il était nécessaire d'ima-
giner une disposition pour enregistrer automatiquement le
poids de cuivre déposé sur les électrodes. On y arrive à
l'aide d'une espèce de balance dont le fléau bascule lorsque
l'augmentation de poids atteint une certaine valeur. Dans
le modèle d'Edison, on avait disposé dans la boîte du comp-
teur une lampe à incandescence qui s'allumait lorsque la
température descendait au-dessous d'un certain degré.
Les actions mécaniques des courants donnent lieu à une
classe importante de compteurs. La fig. 12 représente le
compteur E. Thomson constitué en principe par un moteur
électrique ; il est évident que ce moteur tournera d'autant
plus vite que l'intensité du courant sera plus grande. Pour
empêcher le moteur de tourner trop vite, on se sert des
courants de Foucault engendrés dans un disque de métal
qui tourne entre les pôles d'un aimant. On ne pourrait pas se
servir de la résistance qu'oppose le vent à des ailettes. De
nombreux modèles de compteurs ont été basés sur ces prin-
cipes ; celui de M. Thomson, très bien proportionné, est
employé dans plusieurs installations de Paris.
Un autre genre de compteurs est basé sur l'enregistre-
ment de l'intensité du courant. En disposant un ampère-
mètre, ou wattmètre enregistreur, on peut relever sur la
feuille de papier les quantités totales d'énergie consommées
dans un temps donné. On peut encore faire cet enregistre-
ment d'une manière automatique, comme dans les compteurs
Cauderay, mais le mécanisme de ces compteurs est néces-
sairement assez délicat.
La force retardatrice qu'un pendule pourvu de fer doux
éprouve en présence d'un électro-aimant a été utilisée dans
les compteurs Aron. Ce compteur comporte deux horloges,
une ordinaire et l'autre dont le pendule est soumis à l'action
— 777 —
ÉLECTRiaTÉ
d*un électro-aimant. Le retard dépend de l'intensité d'ai-
mantation de Télectro-aimant, qui dépend à son tour de
Fig. 12.
Fintensité du courant. D'après le retard de l'un des pen-
dules sur l'autre, on peut évaluer l'énergie consommée.
Traction électrique. L'application de l'électricité à la
traction des voitures de tramways a pris dans ces derniers
temps une extension énorme, surtout aux Etats-Unis, où au
moins un tiers des tramways à traction animale sont actuel-
lement remplacés par des tramways électriques. Quant à la
traction sur les chemins de fer proprement dits, il n'existe à
notre connaissance aucune ligne sur laquelle cette traction
est adorée, bien que plusieurs projets soient à l'étude. On
peut effectuer la traction électrique soit par accumulateurs,
soit par conduite souterraine, soit par fils aériens.
Tramways a accumulateurs. Ce mode de traction est
à première vue des plus simples. La voie elle-même n'a à
subir aucune modification, puisque la voiture transporte
avec elle l'énergie nécessaire à la traction.
L'emménagement d'une voiture à accumulateurs est aussi
assez simple. Le moteur est logé sous la plate-forme de la
voiture, les accumulateurs sous les banquettes. Pour obte-
nir les différentes vitesses nécessitées en route, on dispose
un commutateur permettant de grouper les accumulateurs
de différentes manières ; le groupement de tous les éléments
en tension correspond naturellement à la plus grande
vitesse qu'on diminue en les accouplant en plusieurs
séries parallèles. Pour ralentir, on peut encore introduire
des résistances ou bien diminuer le nombre d'éléments. On
conçoit que tous ces arrangements ne sont pas bien com-
pliqués et qu'on arrive facilement à les réaliser. Aussi n'est-
ce pas de ce côté que réside l'inconvénient des tramways à
accumulateurs, dont jusqu'ici le nombre est très restreint.
L'obstacle provient du poids considérable des accumu-
lateurs, qui augmente dans de fortes proportions le poids
mort de la voiture et élève considérablement les frais de
traction.
Pour montrer quelques détails de l'agencement des
tramways à accumulateurs, nous ne pouvons mieux faire
que de décrire les tramways électriques qui desservent Saint-
Denis. Les voitures de ces tramways qui doivent desservir des
distances d'environ 40 kil. sont pourvues de 84 accumula-
teurs d'un poids de 2,000 kilogr. ; le moteur des voitures
peut développer une puissance maxima de 19 chevaux; chaque
voiture peut, dans les conditions de la voie, parcourir une
distance de 65 kil. avec une réserve d'un tiers de la force
disponible pour le démarrage. Comme c'est un parcours de
130 kil. que chaque voiture doit faire, il faut recharger
les accumulateurs une fois dans la journée. On a adopté à
cet effet des dispositifs spéciaux permettant de faire rapi-
dement ce changement et d'autres pour effectuer automati-
quement le chargement des éléments épuisés. Pour ce qui
concerne la question technique, on sait que ces tramways
ne laissent rien à désirer ; il s'agit ici plutôt du prix de
revient. C'est à l'avenir de dire si, dans les grandes villes
où les chevaux coûtent très cher, ce genre de traction
revient à meilleur compte que celle des chevaux.
Tramways à canalisation souterraine. Au lieu de faire
transporter l'énergie par la voiture, il est bien plus avan-
tageux de faire engendrer l'énergie dans une station centrale
fixe et d'amener l'énergie à la voiture au moyen de con-
ducteurs métalliques. Dans des voies non accessibles au
public,il suffit de disposer entre les rails une barre de cuivre
sur laquelle frotte un balai. Dans les rues fréquentées, au
contraire, le dispositif pour amener le courant à la voiture
est toujours compliqué et jusqu'à présent on ne peut mon-
trer qu'un seul exemple, celui des tramways de Budapest,
où ce système ait réussi. Toutes les autres tentatives, parmi
lesquelles il en était de très ingénieuses, n'ont pas pu résis-
ter à la pratique courante de quelque durée. C'est surtout
la pluie et la boue qui sont les ennemis de ce système. Il
faut en effet disposer au-dessous de la voie un caniveau
ouvert en haut et dans lequel est disposé le conducteur en
cuivre. Presque toutes les dispositions se sont heurtées à la
difficulté de protéger assez efficacement ce conducteur. On
a même proposé des systèmes, comme celui de M. Lineff, où
le caniveau est complètement fermé et où le contact se fait
par suite d'une attraction magnétique entre des pièces de
fer aimantées par le passage de la voiture et un ruban
métallique mobile. Ce système est encore dans la période
d'expérimentation.
Voici quelques détails sur le tramway électrique à cana-
lisation souterraine de Budapest. Entre les deux fers cons-
tituant le même rail on a ménagé une ouverture cor-
respondant à un caniveau en ciment de section ovale.
Des deux côtés, deux fers à angle convenablement isolés
sont en communication avec les conducteurs d'aller et retour.
Le contact est pris à l'aide de petites roues ; le potentiel
des conducteurs est de 300 volts ; pendant le démarrage, il
faut un courant d'environ 80 ampères, le courant normal
n'étant toutefois que de 23 ampères. Les voitures qui
pèsent à vide 4,500 kilogr. peuvent contenir 40 voyageurs.
La réduction de vitesse est obtenue par des chaînes Galle
au lieu d'engrenages comme on le fait le plus souvent. La
vitesse de régime est de 16 kil. à l'heure dans la ville
et de 18^^^5 dans les faubourgs.
La canalisation souterraine, qui est en communication avec
les égouts de ville, n'a donné lieu après plusieurs mois de
fonctionnement à aucun mécompte ; l'isolement est très
bon ; par un temps de pluie la perte ne dépasse pas 3 ^/o
du courant total.
Tramways à conducteurs aériens. Nous nous arrête-
rons un peu plus longuement à la description de ce sys-
tème, qui a pris des extensions considérables aux Etats-Unis,
où l'on compte actuellement des centaines de voies ayant
un développement de plusieurs milliers de kil. En Europe,
ce système n'est représenté jusqu'à présent que par deux
lignes, une à Halle, en Allemagne, et l'autre à Leeds, en An-
gleterre, En France, il n'existe qu'un seul tramway élec-
trique à conducteur aérien, celui de Clermont-Ferrand ;
cette voie est établie non suivant le système américain,
mais suivant le système Siemens ; c'est à cette maison qu'on
doit les premiers tramways électriques, comme celui de
Berlin à Charlottenbourg, celui de Francfort, etc. Chose
curieuse, tandis que les tramways électriques système alle-
mand sont restés à peu près stationnaires et qu'on peut en
compter tout au plus une demi-douzaine de lignes, les
tramways électriques du système américain, et qui ne diffè-
rent pas beaucoup des autres, ont pris, au contraire, un
ELECTRICITE
— 778 -
développement dont on ne trouve pas d'autres exemples dans
rindustrie. Avant d'entrer dans des détails, nous indique-
rons d'abord les principes généraux sur lesquels repose le
fonctionnement de ces tramways. A l'usine génératrice de
l'énergie électrique, établie en un point quelconque de la
voie, on établit des machines à vapeur actionnant des
dynamos à courants continus ; ces dynamos engendrent le
courant sous une tension qui est aux Etats-Unis uniformé-
ment de 500 volts. Des conducteurs aériens en fil de cuivre
conduisent ce courant au milieu au-dessus de la voie et de
telle sorte que le conducteur nu forme vers le bas une
ligne non interrompue et dégagée de tout obstacle. Toutes
les attaches, indispensables pour maintenir le conducteur en
place, doivent donc être faites vers le haut ; le conducteur
lui-même est supporté par des fils d'acier tendus au-dessus.
La voiture contient un ou deux moteurs auxquels on amène
le courant du conducteur suspendu par l'intermédiaire d'une
tige flexible pourvue d'une roue ou d'un contact glissant.
Cet ensemble est désigné sous le nom de trolley ; c'est
l'organe délicat de ces genres de tramways. Dans le sys-
tème Siemens, le conducteur suspendu est creux, un tube
d'acier dans lequel on a pratiqué une rainure et dans ce
tube on fait glisser une navette; cette navette établit
le contact entre le conducteur et la voiture ; on la tire
en avant par des cordons métalliques ; l'inconvénient est
que cette navette coince quelquefois, ce qui peut faire
casser les fils ; il convient cependant d'ajouter que ce sys-
tème peut fonctionner convenablement.
Dans le système américain, le contact est établi le plus
souvent par une roue qui se meut le long de la partie infé-
rieure du conducteur; cette roue est supportée par une longue
tige attachée au toit de la voiture ; cette tige est mobile au-
tour d'un axe et peut prendre des inclinaisons difî'érentes
suivant que le conducteur aérien se trouve à une plus ou
moins grande hauteur. Un fort ressort en boudin agit de
façon à appuyer toujours la roue contre le conducteur. On
remplace quelquefois cette petite roue par une espèce de
sabot renversé dans lequel se trouve un aUiage métalhque
très mou ; c'est alors ce métal qui frotte le long du conduc-
teur en cuivre, et par suite de la différence de dureté le con-
ducteur s'use très peu ; il faut remplacer de temps à autre
le métal mou, mais cela n'entraîne pas de grands frais.
Le courant ainsi amené dans la voiture se rend aux mo-
teurs par des conducteurs cachés sous des moulures ; en
sortant des moteurs, il retourne par les rails aux dynamos
de la station ; c'est le système à conducteur unique avec
retour par la terre. Souvent on trouve que les rails ne
constituent pas des conducteurs suffisants, et on dispose sous
la voie un conducteur en cuivre mis de place en place en
contact avec les rails. Comme les moteurs électriques sont
très légers , les voitures peuvent être légères et franchir facile-
ment des rampes trop raides pour les tramways à chevaux.
Les prix d'exploitation de ces tramways sont de beaucoup
inférieurs à la traction animale. Chaque voiture est pourvue
de ses moteurs; ce n'est que dans le cas de grande affluence
du public qu'on attelle une autre voiture à celle du moteur.
Disons maintenant un mot sur les raisons qu'on oppose
en France contre ce système de tramways. Il y a d'abord
l'objection des conducteurs aériens. Ces conducteurs dépa-
reraient d'après certaines personnes l'aspect de la chaussée.
Cette objection est on ne peut plus spécieuse, puisqu'on
peut établir ces conducteurs sur d>es colonnes très élégantes
et donner à l'ensemble un aspect presque ornemental. Il
faut encore faire observer que les habitants de Boston,
une des plus belles villes des Etats-Unis, n'ont pas craint
d'admettre ce système dans leurs rues. Dans le cas pré-
sent, comme presque toujours d'ailleurs, l'opposition vient
principalement des personnes^ qui n'en ont jamais vu. Sur-
tout dans les faubourgs des grandes villes où des tramways
peuvent rendre les plus grands services, la question d'es-
thétique n'intervient que très peu.
Un autre genre d'objections provient de la tension de
500 volts employée dans la canalisation et surtout le re-
tour par la terre. On se figure que des accidents nombreux
doivent ou peuvent résulter de cet état de choses. En Amé-
rique, où ces tramways sont si répandus, on n'a constaté
jusqu'à présent aucun accident de personne résultant des
conducteurs aériens. Le retour par la terre, surtout lors-
qu'on emploie pour le retour un câble de cuivre, ne peut pas
avoir des conséquences fâcheuses, bien qu'il paraisse que
l'administration soit très peu disposée à accorder les per-
missions nécessaires. Pour les tramways à conducteurs
aériens, ce retour par la terre est à peu près indispensable ;
on peut bien, à la vérité, disposer deux conducteurs au-des-
sus de la voie, mais ce système est si comphqué, surtout
pour les croisements de voie, que les résultats pratiques
laissent toujours à désirer. P. -H. L.
II. Physiologie. — Il est indispensable d'indiquer,
en commençant, la synonymie des termes employés en
électrophysiologie et surtout en électrothérapie, alors que
les physiciens les utilisent fort peu : courant voltaïque pour
courant continu ; courant faradique pour courant induit.
L'emploi de l'électricité statique -est quelquefois désigné,
quoique plus rarement, sous le nom de franklinisation. Les
électrodes positives et négatives sont respectivement appe-
lées anode et cathode. Il y a lieu d'étudier successivement
l'action de l'électricité sous ses différentes manifestations
sur les tissus vivants et en second lieu la production d'élec-
tricité par ces tissus eux-mêmes. L'électricité est, après le
système nerveux lui-même, le meilleur excitant des muscles
et des nerfs, et son emploi a permis d'étudier la vie propre
de ces tissus. Suivant le but cherché, on emploie soit le
courant direct d'une pile, soit le courant induit fourni par
un chariot de Du Bois-Reymond, la mobilité de la bobine
secondaire permettant de graduer à volonté la tension de
l'excitation. Sans entrer dans des détails de technique,
nous dirons simplement que, pour les recherches précises,
il est indispensable d'avoir des électrodes impolarisables pour
éviter les courants parasites au contact des tissus et un gal-
vanomètre qui réponde à cette double condition : être très
sensible, donner des indications rapides et d'une lecture
facile, c.-à-d. que la position d'équilibre soit obtenue le plus
rapidement possible. Le galvanomètre universel et apério-
dique de d'Arsonval répond admirablement à ces exigences.
JSerfs. L'excitation des nerfs est médiate ou immédiate,
suivant que les électrodes sont appliquées sur la peau ou
directement sur le nerf mis à nu. Elle est bipolaire ou
unipolaire. Dans l'excitation bipolaire, les deux électrodes
sont appliquées suivant le trajet du nerf. Le courant est
dit direct ou descendant quand c'est le pôle positif ou anode
qui est situé le plus près des centres nerveux, la cathode
étant par suite plus périphérique. Dans l'excitation unipolaire
de Chauveau, l'électrode dont on néglige les effets est
constituée par une large surface humide appliquée loin du
point où l'on applique l'électrode active. Un courant cons-
tant appliqué sur un nerf moteur détermine une contraction
au moment de la fermeture et de l'ouverture du courant et
pas de contraction pendant tout le temps que le courant
passe avec une intensité égale ou variant lentement ; toute
variation brusque agit en effet comme une fermeture ou
comme une ouverture.
Mais la direction du courant, le temps de l'excitation
(fermeture ou ouverture), l'intensité, ont une grande im-
INTENSITÉ DU COURANT
COURANT
ascendant
COURANT
descendant
R^flJhlp S Fermeture
Faible...^ Ouverture
TVT^ \ Fermeture. ....
^^oyen,,\ Ouverture
i?^.,f S Fermeture
Fort.....J Ouverture
Contraction.
Repos.
Contraction.
Contraction.
Repos.
Contraction.
Contraction.
Repos.
Contraction.
Contraction .
Contraction.
Repos.
portance, et le tableau ci-dessus résume les faits observés et
consignés sous le nom de loi de Pfluger.
779 —
ÉLECTRICITÉ
L'excitation de fermeture naît à la cathode ; celle d'ou-
verture à l'anode, d'où cette loi : L'action excitante du
courant galvanique ne se produit qu'aux pôles eux-mêmes
et en émane. Or, comme on a pu établir d'autre part que
l'excitation de fermeture est plus énergique que l'excitation
d'ouverture, on conçoit que, dans l'emploi de la méthode
dite unipolaire, on obtiendra une excitation plus intense en
employant l'électrode négative. Nous retrouverons l'appli-
cation de ce fait en élecfrothérapie.
La résistance électrique du muscle étant moins considé-
rable, les muscles et les nerfs réagissent différemment,
suivant la forme de l'excitation électrique. Le courant induit
de rupture excite surtout le nerf, alors que la clôture du cou-
rant de pile agit surtout sur le muscle. Mais il fatit se rappeler
que c'est la rapidité de la variation de potentiel aux deux
extrémités du nerf ou du muscle qui constitue le facteur
principal de l'excitation, la quantité n'étant qu'un facteur
secondaire. Le muscle, étant plus conducteur que le nerf,
exige une quantité plus grande pour obtenir la même dif-
férence de potentiel, et on peut, en allongeant la décharge,
arriver à ne plus exciter le nerf, alors que le muscle est
fortement excité. D'Arson val arrive à ce but en intercalant,
en dérivation sur le fil induit, un condensateur d'un micro-
farad, qui ralentit la décharge sans en modifier la quantité;
la contraction musculaire se produit alors sans douleur.
Electrotonus. Quand on fait passer un courant continu
dans unnert, on constate dans ce nerf une variation d'ex-
citabilité très importante et à laquelle on a donné le nom
d'électrotonus, désignant l'état nouveau du nerf à l'anode
par anelectrotonus et à la cathode par cathelectrotonus. Or
ces deux états sont totalement opposés; alors que l'excita-
bilité du nerf est augmentée dans la région de la cathode,
on observe une diminution à l'anode. L'anelectrotonus est
donc caractérisé par une diminution de l'électricité, alors
que le cathelectrotonus au contraire indique une hyper-
excitabilité. Ces variations ne sont pas seulement observées
dans la région comprise entre les deux électrodes, mais
s'étendent au delà. On admet que l'électrotonus est déter-
miné par la polarisation du courant excitateur donnant heu
à une formation de force électromotrice dans le nerf. Mais
il y a lieu de faire une distinction essentielle entre l'élec-
trotonus et la variation négative. L'électrotonus n'a lieu
que dans la partie du nerf excitée et dans un faible rayon
extrapolaire, alors que la variation négative se produit
dans tout le nerf. Cette dernière apparaît, quel que soit l'ex-
citant, tandis que les modifications électrotoniques n'existent
que pour les courants continus seuls.
Electricité propre aux tissus. Toute réaction chimique
peut donner lieu dans l'organisme à une transformation de
l'énergie sous ses formes diverses : chaleur, mouvement,
électricité, lumière. Les manifestations électriques se tra-
duisent dans les muscles et dans les nerfs, soit sous forme
continue : courants de repos ; soit d'une façon intermittente :
courants d'action. L'existence des courants de repos est
facile à constater : il suffit de prendre un muscle gastro-
cnémien de grenouille et, à l'aide d'électrodes impolarisables,
de fermer le circuit, une électrode étant placée sur le ventre
du muscle, la seconde sur le tendon, pour voir une déviation
sensible et permanente du galvanomètre, le courant allant
de la surface naturelle du muscle (+) au tendon ou à la
section faite dans le muscle ( — ). La différence de potentiel
atteignant son maximum quand les deux électrodes sont
l'une sur l'équateur du muscle, l'autre au milieu de la sur-
face sectionnée; la force électro motrice d'un muscle de
grenouille dans ces conditions atteint un dixième de volt.
Le nerf présente les mêmes courants, mais avec une inten-
sité moindre : 0^03. Mais si, la patte galvanoscopique
étant dans le circuit et la déviation du galvanomètre indi-
quant une déviation, on vient, par une série d'excitations
rapides appliquées sur le nerf, à tétaniser le muscle, on
voit le galvanomètre revenir à zéro. C'est ce que Du Bois-
Reymond a appelé l'oscillation négative, le courant d'action
d'Hermann.
L'électrogenèse est fonction de l'activité du protoplasme,
les manifestations électriques étant d'autant plus intenses
et plus énergiques que les transformations chimiques le
sont également. C'est ainsi que le froid qui ralentit les
combustions interstitielles, les anesthésiques, comme le
chloroforme et l'éther, qui arrêtent les échanges inter-
cellulaires, diminuent ou arrêtent les manifestations élec-
triques.
Théories de l'électricité.— Il est impossible de s'étendre
longuement sur ces théories. Nous nous contenterons de
les résumer aussi brièvement que possible.
Théorie moléculaire de Du Bois-Reymond, Acce^tBXit
la théorie des molécules dipolaires donnée pour expliquer
les courants de piles. Du Bois-Reymond considère chaque
fibre comme constituée par une série d'éléments électro-
moteurs, molécules péripolaires ayant une zone équatoriale
positive et deux zones polaires négatives, chacun des élé-
ments pouvant être considéré comme constitué par deux
molécules dipolaires ayant leur pôle positif en regard.
Théorie de l'altération dliermann. Les courants ne
préexistent pas ; ils n'apparaissent qu'à la suite d'une
lésion du muscle ou du nerf. C'est la substance morte ou
mourante qui se comporte négativement vis-à-vis de la
substance vivante. Un point musculaire excité est négatif
par rapport à la substance musculaire non excitée. Her-
mann explique ainsi les courants d'action, mais il ne cherche
pas à donner une opinion sur la nature des forces électro-
motrices.
Théorie chimique. Pour Liebig, le courant était dû à
la réaction du sang alcalin sur le tissu musculaire acide.
Becquerel explique également les phénomènes électriques
par l'existence de courants se produisant quand deux
liquides de nature différente sont séparés par une mem-
brane organique.
Théorie de variation de tension superficielle de
d'Arsonval. Lippmann a montré que, lorsqu'on déforme
la surface de contact de deux corps déprimables par des
moyens mécaniques, il se produit une variation de potentiel
dont le sens s'oppose à la continuation du mouvement.
C'est cette loi que d'Arsonval applique à sa théorie de la
production de rélectricité chez les êtres vivants. Les belles
recherches d'Hengelmann, puis de Ranvier sur la constitu-
tion de la fibre musculaire striée et sur son mode de con-
traction montrent en effet que la fibre musculaire est cons-
tituée par une série de disques de natures différentes et
qui, pendant la contraction, subissent des déformations
donnant lieu à des variations de tension superficielles, et
par suite, nécessairement, à des variations de potentiel.
La production d'électricité atteint chez certains animaux,
torpille, malaptérure, gymnote, une intensité considérable.
La gymnote peut donner une décharge ayant plus de mille
volts de tension et deux ampères d'intensité (d'Arsonval).
Les appareils producteurs de l'électricité sont constitués
par des séries de colonnes, présentant un nombre considé-
rable de cloisonnements, qui constituent chacune une cellule
renfermant deux couches de nature différente. Il existe
d'ailleurs une analogie remarquable avec l'organisation
musculaire, et on peut considérer ces deux organes comme
analogues; mais, alors que dans le muscle la transformation
essentielle de l'énergie est dans la contraction, dans l'appa-
reil des poissons électriques elle se produit par une dé-
charge électrique. On a considéré l'organe électrique comme
un condensateur recevant sa charge des nerfs volumineux
qu'il reçoit du cerveau, comme d'une pile, les deux
substances des cellules jouant le rôle de deux liquides .
Mais il suffit de constater qu'à l'état de repos il n'existe
pas de différence de potentiel aux deux faces de l'organe
pour rejeter ces deux théories. L'application de la loi de
Lippmann, au contraire, paraît très applicable, l'excitation
volontaire déterminant, au moment choisi par l'animal, une
déformation dans les 1,800,000 cellules électrogènes
(940 colonnes prismatiques et 2,000 cloisonnements chez
la torpille). On peut comparer cet appareil à un générateur
ÉLECTRICITÉ — ÉLECTRIQUES
780 —
électrique de 940 batteries groupées en quantité, compre-
nant chacune 2,000 éléments réunis en tension. On com-
prend la force de la décharge dans ces conditions.
D^ J.-P. Langlois.
BiBL. : Physiologie. — Du Bois-Reymond, Untersu-
chiingenueber thierisclie Elektrlcitât,\SM-l^So,etGesamelte
Abhandlunqen, t. I. — Marey, Travaux du Laboratoire de
médecine, 1876-1880. — Beaunis, Traité de Physiologie,
1890. — RosENTHAL, les Nerfs et les Muscles. — Ch. Richet,
Physiologie des muscles et des ne7fs. — D'Arsonval, De la
Production d'électricité chez les êtres vivants, dans Revue
scientifique, 1891. —Action des courants d'induction sur
les nerfs et les muscles, dans Arch. de physiologie, 1891.
ÉLECTRIQUES (Machines). Les machines électriques
sont des appareils qui produisent l'électricité en faible
quantité, mais sous une forte tension. Ainsi Faraday a
calculé qu'une pile formée d'un fil de zinc et d'un fil de
platine de i'^'^A- de diamètre chaque, plongés dans 112 gr.
d'eau contenant une goutte d'acide, donnait en trois se-
condes autant d'électricité qu'une machine électrique dont
le plateau à un tiers de mètre carré peut en donner^ en
trente tours. Le contact de deux corps différents et l'in-
fluence d'un corps électrisé sur un autre semblent être,
jusqu'à présent, les deux seuls modes de production de
l'électricité utilisés dans les machines électriques ; on doit
en effet considérer le frottement utilisé dans un grand nombre
de ces appareils comme n'ayant d'autre but que de mul-
tiplier les points de contact entre le corps frotté et le trot-
teur. Nous diviserons donc en deux groupes les machines
électriques, selon qu'elles utilisent le frottement ou l'in-
fluence.
Machines a frottement. — Le principe de ces machines
est le suivant : on développe par frottement l'électricité
sur un disque formé d'un corps conducteur ou isolant; on
le porte ensuite à l'intérieur d'un cylindre creux ; si le
corps frotté est métallique, il suffira de lui faire toucher
les parois intérieures du cylindre métallique pour que ce
dernier prenne toute sa charge parce que rélectricité se
porte à la surface des corps et que le disque est à l'inté-
rieur. Si le corps frotté est mauvais conducteur, il ne
pourra pas céder son électricité de la même façon que dans
le cas précédent ; mais, si le cylindre est garni- intérieu-
rement de pointes, le corps isolant, primitivement électrisé,
sera bientôt revenu à l'état neutre, parce que son électricité
aura décomposé par influence le fluide neutre du conduc-
teur, et, comme le cylindre est garni de pointes, l'électri-
cité de nom contraire à celle dont le corps est chargé
viendra neutraliser celle-ci en s'échappant par les pointes.
Dans ce cas, la machine est encore une machine à frotte-
ment, bien que l'induction y intervienne, non pour produire
de l'électricité, mais pour la transmettre. Comme dans les
deux cas le corps frotté est complètement déchargé, il s'en-
suit que, si l'on recommence un certain nombre de fois
la même opération, la charge du cylindre creux augmen-
tera chaque fois d'une quantité ég^\e. Nous allons retrouver
dans les machines à frottement que nous allons maintenant
passer en revue ces parties essentielles dont le rôle vient
d'être indiqué une fois pour toutes.
Machines anciennes. La première machine, imaginée
par Otto de Guericke, se composait d'un globe de soufre
que l'on faisait tourner rapidement ; on appuyait les mains
sur ce globe pour produire le frottement nécessaire.^ On
obtint ainsi la première étincelle électrique, mais elle était
si faible qu'il fallait se placer dans l'obscurité pour la
voir et approcher beaucoup l'oreille pour l'entendre. Le
globe de soufre fut ensuite remplacé par des globes ou des
cylindres de verre ou par des bandes de taffetas sans fin
passant sur deux rouleaux. La première machine perfec-
tionnée ayant donné des résultats bien supérieurs à ceux
des machines antérieures est celle qui a été imaginée par
Ramsden en 1666 et qui est encore une des plus employées.
Machine de Ramsden, Elle se compose d'un plateau
de verre pouvant tourner autour d'un axe horizontal.
Quatre coussins recouverts d'or mussif (bisulfure d'étain)
sont fixés aux deux montants verticaux qui soutiennent
l'axe du plateau ; ce sont les frotteurs. Suivant le diamètre
horizontal du plateau sont disposés deux peignes en forme
d'U. Le plateau de verre passe entre les branches de l'U.
V\ix. 1. — Machine de Ramsden
Ces branches sont garnies intérieurement, c.-à-d. sur cha-
cune des parties qui sont en regard du disque, de pointes
métalliques. Les peignes sont supportés par de gros con-
ducteurs en cuivre soutenus par des pieds en verre iso-
lants. Ces conducteurs sont creux ; ils n'agissent en effet
que par la surface ; ils sont réunis les uns aux autres à l'aide
de parties sphériques ; on doit éviter en effet toute arête
vive dans la construction de ces machines, parce qu'elles
laissent échapper l'électricité recueillie parles conducteurs;
un pendule de Henley, qui est une sorte d'électroscope très
rudimentaire, permet de se rendre compte grossièrement
de la valeur de la charge par la déviation qu'il éprouve.
Il est bon de relier au sol à l'aide d'une chaîne métal-
lique les quatre coussins. Lorsqu'on fait tourner le plateau
de verre, chaque portion du verre passant entre les deux
paires de coussins s'électrise et garde cette électricité
jusqu'à ce qu'elle passe entre les peignes ; les phéno-
mènes d'influence décrits plus haut se produisent; le verre
est déchargé; les conducteurs se trouvent au contraire
chargés d'une quantité d'électricité égale à celle que pos-
sédait le verre. Le verre qui a traversé un peigne reste à
l'état neutre jusqu'à son passage à travers l'autre paire de
coussins et les mêmes phénomènes se reproduisent indé-
finiment. Si l'on désigne par 1,2, 3, 4 les quatre qua-
drants que le diamètre vertical portant les coussins et le
diamètre horizontal portant les peignes découpent sur le
disque en les numérotant dans le sens de la rotation im-
primée au verre, on peut remarquer que les secteurs 1 et
3 sont électrisés tandis que 2 et 4 sont à l'état neutre.
Pour éviter que l'électricité des quadrants 1 et 3 ne se
perdent par l'humidité de l'air, on relie souvent le diamètre
des coussins à celui des peignes par des enveloppes de taf-
fetas qui ne recouvrent que les secteurs 1 et 3 et s'opposent
à cette déperdition. Une des conditions les plus importantes
pour le bon fonctionnement de l'appareil est que les sup-
ports de verre qui isolent les conducteurs soient aussi secs
que possible, sans cela l'isolement est beaucoup plus im-
parfait ; aussi entoure-t-on souvent la machine de petits
fourneaux destinés à élever la température et à dessécher
les supports : il est bon aussi de les essuyer avec des
linges secs et chauds. Cette machine ne donne que de
l'électricité positive. Nous avons vu au début que la charge
augmentait proportionnellement au nombre d'opérations,
c.-à-d. ici au nombre de tours de rotation. Cette propor-
tionnalité, exacte en théorie, ne l'est pas dans la pratique,
parce que les conditions théoriques ne sont pas entièrement
remplies. Ainsi le plateau électrisé n'est pas mis à l'inté-
rieur d'un cylindre, mais seulement entre les branches du
— 781 —
ÉLECTRIQUES
peigne qui renveloppent d'une façon plus incomplète ; en
outre, et c'est là la différence la plus importante, l'élec-
tricité du conducteur se dissipe duns l'air plus ou moins
rapidement, selon son état hygrométrique et suivant la
forme des conducteurs. 11 en résulte qu'en pratique on ne
peut pas dépasser une certaine limite de charge avec une
rotation donnée du plateau. Si on augmente la vitesse de
celle-ci, on recule la limite. Quand une limite est atteinte,
il se produit pendant un tour de roue autant d'électricité
qu'il s'en perd et l'on peut appeler cette quantité le débit
de la machine.
Machine de Nairne. C'est une machine très employée
en Angleterre; elle fournit les deux électricités : elle se
compose d'un cylindre en verre traversé suivant son axe
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Fig. 2.
Machine de Nairne.
Fig. 3. -
Pompe de
Riess.
lorsque le piston est au bout de sa course, un petit res-
sort qui le met en communication avec la sphère de cuivre
qui termine cette extrémité du tube de verre. On imprime
au piston un mouvement de va-et-vient à l'aide d'un bou-
ton isolant placé sur la tige et ayant soin de venir toucher
chaque fois le ressort du bas et la sphère métallique du
haut. Celle-ci prend ainsi à chaque contact l'électricité
du piston; l'autre reçoit, par l'intermédiaire du ressort,
l'électricité du disque denté qui provient de l'influence
exercée sur son fluide neutre par le verre électrisé grâce
au frottement du piston. Pour avoir à volonté l'une ou
l'autre des électricités, il suffit de tenir le cylindre de verre
par l'une ou l'autre des sphères métalliques qui terminent
ses extrémités.
Machi7ie hydro-électrique d'Armstrong. Elle^ repose
encore sur l'emploi du frottement pour développer l'électri-
cité, mais ce frottement est produit d'une façon toute par-
ticulière, à l'aide d'un jet de vapeur : elle se compose d'une
chaudière tubulaire portée sur des pieds de verre isolants ;
par une tige de fer horizontale qui sert à lui imprimer un
mouvement de rotation. De chaque côté du cylindre se
trouvent placés, parallèlement à la surface du cylindre,
deux cylindres creux en cuivre qui sont les récepteurs ;
ils sont portés par des pieds de verre isolants et sans com-
munication l'un avec l'autre. L'un de ces conducteurs
porte les frotteurs et se charge de l'électricité qu'ils pos-
sèdent ; l'autre porte des pointes qui servent à neutraliser
le fluide développé sur le verre; il se
développe, par influence, sur ce second
conducteur, de l'électricité de même nom
que celle du verre, c.-à-d. de l'électri-
cité de nom contraire à celle de l'autre
conducteur. Cette machine a l'avantage sur
celle de Ramsdende donner les deux élec-
tricités, mais elle a les inconvénients sui--
vants : elle ne se prête pas aussi bien à
la construction des grands modèles; en
outre, le verre n'est utilisé que sur une
de ses faces et il faut une rotation com-
plète pour accomplir le cycle total des
phénomènes, tandis que dans la machine
de Ramsdem les mêmes phénomènes se
reproduisent à toutes les demi-révolutions
du plateau.
Pompe de liiess. C'est un instrument
très simple et peu encombrant donnant à
volonté l'une ou l'autre des électricités;
aussi il est très utile, bien qu'il ne donne
que des effets peu considérables. Il se com-
pose d'un tube de verre de 3 à 4 centim.
de diamètre, terminé à ses extrémités par
deux sphères en cuivre, dont l'une laisse
passer à frottement doux un petit cylindre
de cuivre qui sert de tige au piston qui se
trouve à l'intérieur. Ce piston, qui joue
le rôle de frotteur, est en liège, garni de drap et enduit
d'amalgame. Au-dessous du piston, se trouve .fixé, à
l'aide d'un support isolant, un petit disque métallique tout
garni de pointes à sa partie périphérique ; ce disque joue le
rôle des peignes de l'appareil de Ramsden; il vient toucher,
w^
Fiir. K — Macliine d'ArmsIrong
un robinet sert à amener la vapeur dans une caisse qui
contient un certain nombre d'ajutages destinés à laisser
échapper la vapeur dans l'air. Ces ajutages sont en bois et
portent une cloison destinée à briser le jet de vapeur avant
son échappement. La caisse qui sert de support commun à
ces divers ajutages contient des mèches imbibées d'eau, car
il est indispensable, comme l'a démontré Faraday, que la
vapeur soit humide. Les jets de vapeur de ces becs sont
dirigés vers un cadre garni de pointes et isolé. La chau-
dière s'électrise négativement quand on fait échapper la
vapeur, et le cadre de pointes positivement. La machine de
ce genre que possède la Faculté des sciences de Pans est
munie de quatre-vingts becs ; elle donne des étincelles de
plusieurs centimètres d'épaisseur et de plusieurs décimètres
de long. Mais ces machines, malgré leur puissance, sont
peu employées ; elles sont peu commodes : on doit les
remplir avec de l'eau distillée, nettoyer l'intérieur avec
des solutions de potasse ; elles nécessitent un certain temps
pour atteindre la pression sous laquelle on doit laisser
échapper la vapeur ; elles présentent en outre un certain
danger ; la rupture possible des pieds de verre isolant,
ÉLECTRIQUES
— 782
surtout lorsqu'ils sont chauffés par le rayonnement de la
chaudière, peuvent faire tomber celle-ci et déterminer son
explosion.
Machines a induction, — La plus simple de toutes
ces machines est Vélectrophore (V. ce mot). Ces appareils
fonctionnent une fois amorcés, c.-à-d. après qu'on a élec-
trisé une de leurs parties, fixe en général. Celle-ci décom-
pose par influence le fluide neutre de la portion mobile et
donne naissance à une quantité indéfinie des deux fluides
sans diminuer autrement que par suite de la déperdition.
C'est en effet au travail mécanique nécessaire pour faire
tourner l'appareil qu'est empruntée l'énergie que possède
l'électricité ainsi obtenue et non à l'électricité donnée pri-
mitivement à la machine. Dans ce genre d'appareil, la
quantité d'électricité produite en un temps donné dépend,
toutes choses égales d'ailleurs, de la quantité d'électricité
qui a amorcé la machine ; aussi, dans certains appareils,
une partie de l'électricité obtenue par influence vient aug-
menter la charge de la partie fixe, de sorte que l'appareil
donne des quantités de plus en plus grandes d'électricité
dans le même temps ; ces quantités croissent en effet à peu
près en progression géométrique ; on peut amorcer ces ap-
pareils avec la plus faible quantité d'électricité ; après
quelques tours, ils produisent déjà des effets remarquables.
Voici la plus estimée de ces machines.
Machine de Holtz. Elle se compose de deux plateaux
de verre, l'un fixe, maintenu verticalement à l'aide de
quatre supports et percé de deux échancrures ou fenêtres
diamétralement opposées; l'autre, parallèle au premier et
très voisin, est d'un diamètre un peu plus petit ; il peut
être animé d'un mouvement rapide de rotation par un sys-
tème de poulies et de courroies ; son axe passe à travers
une ouverture centrale percée dans le disque fixe; les
fenêtres de celui-ci sont garnies sur un de leurs bords
d'une bande de papier qui y est collé ; il est découpé de
façon à présenter une sorte de dent. En regard de chacun
de ces papiers, mais de l'autre côté du disque mobile, se
trouvent deux peignes métalliques, communiquant par des
tiges avec des conducteurs qui recueillent l'électricité .
Ceux-ci portent des parties mobiles que l'on approche plus
ou moins et entre lesquelles jaillissent les étincelles. Dans
cette machine, comme dans les suivantes, on a supprimé
les cylindres volumineux et encombrants de la machine de
Cl-
;^f^^\
~ L. ■
Fig. 5. — Machine de Holtz.
Ramsden, mais on les remplace par deux bouteilles de
Leyde qui, bien que très petites, offrent aux deux électri-
cités une surface relativement importante par suite de la
condensation qu'elles produisent. L'armature intérieure de
chaque bouteille de Leyde communique avec l'un des con-
ducteurs ; les deux armatures extérieures sont reliées entre
elles. Voici comment fonctionne l'appareil : on met en
contact les parties mobiles des deux conducteurs et on
électrise, avec un bâton de verre vigoureusement frotté ,
l'une des bandelettes de papier. Elle se charge d'électricité
positive ; celle-ci décompose, par influence, à travers le
verre du disque mobile, le fluide neutre du peigne qui
laisse échapper par ses pointes le fluide négatif qui se
porte sur le disque de verre mobile, tandis que le fluide
positif va sur le conducteur qui porte le peigne. Le disque
de verre, ainsi chargé négativement dans une partie, tourne,
et cette électricité négative passe, après un demi-tour,
devant l'autre peigne, décompose par influence son fluide
neutre, attire le fluide positif qui vient neutraliser le fluide
négatif de la lame de verre et repousse le fluide négatif
dans l'autre conducteur. En même temps, la bande de
papier est électrisée aussi par influence ; elle garde le
fluide négatif, tandis que le fluide positif s'échappe par la
dent du papier. Le papier chargé ainsi d'électricité néga-
tive agit alors sur le peigne en regard d'une façon ana-
logue à celle du premier papier sur le premier peigne,
mais avec cette diflërence que le fluide qui s'échappe des
dents du peigne sur la roue de verre est du fluide positif.
Le disque mobile porte donc sur la moitié ({ui s'étend (dans
le sens de la rotation) du premier peigne au second du
fluide négatif et sur la moitié qui s'étend du second peigne
au premier du fluide positif. Celui-ci, en arrivant devant
le premier peigne, décompose une partie du fluide neutre
du papier, de sorte que celui-ci se trouve chargé d'une
quantité d'électricité qui va en^croissant. Mais, si l'on ar-
rête la machine, l'électricité développée sur les deux
branches se dissipe rapidement par les dents et il faut
l'amorcer de nouveau. Il arrive parfois aussi ([ue la ma-
chine se désamorce pendant qu'elle marche si on écarte
trop les parties mobiles des conducteurs entre lesquelles
jaillissent les étincelles. D'autres fois, dans des circons-
tances analogues, au moins en apparence, la machine n'est
pas désamorcée, mais le signe des électricités de chaque
partie de l'appareil est changé. On admet que cela tient à
la décharge lente de l'électricité des bouteilles de Leyde
par les dents des peignes qui viennent amorcer la machine
en sens contraire. On a construit des machines de Holtz à
quatre plateaux : deux sont fixes et compris entre les deux
autres qui sont mobiles. Les dispositions de ces diverses
parties sont les mêmes que précédemment, mais la machine
non seulement fournit des quantités doubles d'électricité
de celles que donne une machine simple de même dimension,
mais encore elle reste amorcée beaucoup plus longtemps.
Machine à rotation inverse. Elle se compose de deux
disques de verre égaux disposés de façon à pouvoir tourner
autour d'un même axe vertical, mais en sens inverse.
Quatre peignes situés à 90'* les uns des autres sont placés,
deux au-dessous du disque inférieur, deux au-dessus du
disque supérieur. Désignons-les par 1 , 2, 3, 4; 1 et 3
diamétralement opposés sont au-dessous des deux disques,
2 et 4 au-dessous. On fait communiquer 1 avec 4, 2 avec 3 ;
l'appareil est muni d'une bouteille de Leyde, dont une
armature communique avec 1 et 4, l'autre avec 2 et 3.
Pour amorcer l'appareil, on place une lame d'ébonite élec-
trisée en face du peigne 1, mais de l'autre côté des deux
disques de verre, et on fait tourner l'appareil. Des phéno-
mènes d'influence, analogues à ceux de la machine de
Holtz, se produisent, et l'on obtient de très longues étin-
celles. Ces deux machines, pour donner de bons résultats,
doivent être placées dans de l'air chaud et sec.
Machine de Bertsch, C'est une sorte de machine de
Holtz à simple effet : un disque en ébonite peut tourner
autour d'un axe horizontal, vis-à-vis de deux peignes dia-
métralement opposés. En face du peigne inférieur seulement,
on place à demeure une lame d'ébonite électrisée qui joue
le rôle de la bande de papier de la machine de Holtz.
Machine Carré. Dans cette machine, semblable à celle
de Bertsch, la lame d'ébonite électrisée est remplacée par
un petit disque en ébonite qui passe entre deux cous-
- 783 —
ÉLECTRIQUES — ÉLECTRO-AIMANT
sins; il tourne en même temps que le disque prmcipal,
mais beaucoup plus lentement. De cette façon, il n y a
qu'à tourner la manivelle pour amorcer l'appareil, et, en
outre, il se conserve constamment amorcé. On doit rap-
procher de ce genre de machine un certain nombre
d'autres de construction récente, présentant des dispo-
sitions analogues à celles de Holtz, mais dans lesquelles les
frottements de peignes métalliques sur des bandes d'étam
servent à entretenir l'amorçage de la machine. ^
Le débit de toutes ces machines peut être mesure a
l'aide de la bouteille électrométrique de Lane (V. Bou-
teille). Ce débit est pour toutes ces machines semblable-
ment proportionnel à la vitesse de rotation, surtout pour
les machines à frottement. Pour les autres, il augmente
un peu plus rapidement que cette vitesse. A. Joannis.
ÉLECTRISATION (Méd.) (V. Electrothérapie) .
ÉLECTRO-AIIVIANT. On nomme ainsi les systèmes for-
més par un barreau de fer doux entouré d'une bobine sur
laquelle on a enroulé un fil conducteur. Quand on fait pas-
ser dans ce fil un courant électrique, le fer doux s'aimante,
un pôle austral se développe à l'extrémité de la bobine qui
est à la gauche du courant, cette gauche étant définie par
#^'^-x^^
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T
L
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m
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:/-^
Electro-aimant,
celle d'un observateur couché sur le courant et regardant
le fil, le courant lui entrant par les pieds et lui sortant par
la tête. Cette aimantation est instantanée, ou du moins elle
est aussi courte que la durée de l'établissement du courant.
Très souvent on contourne la barre de fer doux de façon à
lui donner la forme d'un U, et l'on entoure chaque branche
d'une bobine dans laquelle le courant tourne dans le même
sens. La figure ci-dessus représente un électro-aimant puis-
sant construit sur les indications de Pouillet. Sur les deux
pôles on applique, lorsque le courant passe, une armature
en fer doux munie d'un crochet aucpiel est suspendu un
plateau que l'on peut charger de poids, ou sur lequel des
personnes peuvent se placer. Tant que le courant passe,
l'attraction se maintient ; si on vient à interrompre le cou-
rant, aussitôt l'armature tombe. On augmente encore la
puissance portative de cet instrument en remplaçant l'ar-
mature par un autre électro-aimant en mettant en contact
les pôles de nom contraire. Avec une disposition de ce
genre, il est facile défaire des électro-aimants portant des
milliers de kilogrammes. La facilité d'obtenir des électro-
aimants d'une puissance incomparablement plus forte que
celle des meilleurs aimants naturels ou artificiels a permis
d'observer les phénomènes absolument invisibles avec les
anciens aimants ; on a pu montrer que le magnétisme
n'était pas une propriété spéciale appartenant au fer et à
quelques métaux de nature voisine comme le nickel et le
cobalt ; que c'était au contraire une propriété commune à
tous les corps, que non seulement tous les métaux, mais
tous les corps, même les gaz, subissaient d'une certaine
façon l'influence des électro-aimants puissants. C'est aussi
à l'aide d'électro-aimants, dont le noyau de fer doux était
formé d'un tube ouvert aux deux bouts, que Faraday^ dé-
couvrit la polarisation rotatoire magnétique de la lumière.
Force portative des électro-aimants. Voyons main-
tenant quelles formes et quelles proportions on doit donner
aux électro-aimants pour obtenir les effets les plus consi-
dérables. Une première condition est de les construire en
fer doux ; ils prennent ainsi une aimantation temporaire
bien plus forte que s'ils sont en acier et gardent une
aimantation résiduelle bien plus faible, ce qui est indis-
pensable dans la plupart de leurs apphcations.^ Quand
les électro-aimants sont destinés à porter ou à attirer une
armature, on a tout intérêt à rapprocher les deux pôles, et
pour cela on donne à l'aimant la forme d'un fer à cheval.
On a fait un grand nombre de recherches pour déterminer
les meilleures dimensions. Voici les principaux résultats :
10 La longueur des branches est sans influence. 2<^ Toutes
choses égales, d'ailleurs, un électro-aimant est d'autant
plus puissant que le diamètre du fer est plus grand. Muller
a trouvé que le maximum d'aimantation est proportionnel
au carré du diamètre ; mais le fer doux peut être creux.
Ainsi un tube de fer d'épaisseur e donne les mêmes résul-
tats qu'une tige pleine de même diamètre cl, à condition
que - ne soit pas trop petit. Du Moncela trouvé qu'il fal-
lait que - fut plus grand que -. Il semble que la valeur
limite de - doit augmenter avec l'intensité du courant, car
l'aimantation est superficielle, surtout avec les courants
faibles. 3*^ La distance des branches de l'électro-aimant a
de l'importance pour les courants forts ; leur force porta-
tive augmente d'abord avec l'écartement des branches et
diminue ensuite. Ordinairement on donne aux branches des
électro-aimants une longueur égale à quatre fois leur dia-
mètre, et la distance des branches est de deux fois leur
diamètre. 4° Muller a trouvé que pour les courants in-
3 1^
tenses on avait la relation ni =220(^ -,tang-^ OOOO" d'^'
Dans cette formule m est le moment magnétique produit
dans le barreau, cl son diamètre, n le nombre despires du
circuit, I l'intensité du courant. Dans la pratique, on
adopte les dispositions suivantes pour obtenir le maximum
d'eil'et : étant donnée la résistance R de la pile qu'on doit
employer, on donne au circuit qui entoure le noyau de fer
doux la même résistance R, et pour cela on calcule la
longueur et la section que l'on doit donner au fil pour le
diamètre extérieur de la bobine, soit le triple du noyau de
fer doux, sa résistance étant égale àR. Les dimensions de
l'armature dont on munit les électro-aimants ont une
grande influence sur leur force portative. Celle-ci croît avec
leur dimension tant que leur masse ne dépasse pas celle de
l'électro-aimant. D'après M. Liais, si on donne à l'arma-
ture la forme d'un parallélépipède rectangle de longueur
constante, la force portative est proportionnelle à la racine
cubique de la longueur delà face appliquée contre les pôles
et à la racine carrée de l'épaisseur ; il y a donc avantage
à appliquer l'armature par sa face la plus large. La meil-
leure disposition consiste à donner à l'armature une lar-
geur triple de son épaisseur.
La force d'attraction des électro-aimants diminue rapi-
dement avec la distance. On a peu de résultats précis à ce
ÉLECTRO-AIMANT — ÉLECTROCAPILLAIRES
— 784 —
sujet, mais on sait que, lorsqu'on termine le fer doux par
des bouts hémisphériques, l'attraction diminue moins avec
la distance ; on dit que l'électro-aimant a une grande force
aspirante. On a donné aux électro-aimants d'autres dispo-
sitions ; par exemple on a enroulé le fil conducteur sur un
fil de fer doux, puis on a entouré cette bobine d'une cou-
ronne de fer doux sur laquelle on a enroulé une nouvelle
hélice, et ainsi de suite, et on a obtenu des électro-aimants
puissants.
Applications. Elles sont très nombreuses et très im-
portantes, puisque les électro-aimants sont utilisés dans les
machines magnéto et dynamo-électriques, les moteurs
électriques, la télégraphie, la téléphonie, pour ne citer que
les plus considérables. A. Joannis^
ÉLECTROCAPILLAIRES (Phénomènes). Ces phéno-
mènes ont été découverts par M. Lipmann en 1873. Très
intéressants en eux-mêmes, ils ont permis la construction
d'un électromètre d'un principe tout spécial, très précis,
et d'une construction très simple. Quand on fait arriver
Appareil de Lipmann pour l'étude des phénomènes
électrocapillaires.
dans un liquide conducteur un courant électrique trop
faible pour le décomposer, il se produit sur les électrodes
ce que l'on appelle la polarisation. Si une de ces élec-
trodes est constituée par un ménisque de mercure, la
forme de ce ménisque et la tension capillaire qui lui cor-
respond sont affectées par la polarisation ; on peut le
montrer soit à l'aide de l'appareil suivant qui est l'électro-
mètre dont nous avons parlé, soit à l'aide d'un appareil
plus simple composé seulement du tube T, tube très effilé
à sa partie inférieure, du vase V contenant du mercure et
de l'eau acidulée par un dixième d'acide sulfurique. Le
tube T contient du mercure sur une longueur de 50 à
100 centim. ; dans la pointe capillaire P se trouve le mé-
nisque qui forme la surface de séparation du mercure et de
l'eau acidulée. C'est la tension superficielle qui s'exerce en
tous les points de ce ménisque qui fait équilibre au poids
de la colonne de mercure; deux fils métalliques //'''soudés
dans le verre et le traversant plongent dans le mercure du
tube T et du vase V. Si on les réunit à l'aide d'un
fil conducteur faisant communiquer les bornes A et B aux
quelles ils aboutissent, on constate à l'aide du micros
cope M que le ménisque s'arrête dans la partie capillaire
toujours au même point d'équilibre lorsque, après avoir
fait monter ou descendre ce niveau, on l'abandonne à lui-
même. Si on met alors les fils//'' non plus en communi
cation l'un avec l'autre, mais en communication avec deux
points situés à un potentiel différent, comme par exemple
les deux pôles d'une pile très faible, on voit aussitôt le ni-
veau se déplacer et, pour le ramener à sa position primitive,
il faut augmenter la pression de la colonne mercurielle
soit en ajoutant du mercure, soit en comprimant de l'air
au-dessus; c'est ce qu'ilest facile de faire à l'aide des autres
objets indiqués dans la figure : un sac en caoutchouc S
peut être comprimé plus ou moins entre deux planchettes
à l'aide de l'écrou E ; l'air qu'il contient communique à l'aide
du tube t d'une part avec le tube T, d'autre part avec un tube
manométrique qui mesure la pression de Fair ; on augmente
celle-ci jusqu'à ce que le microscope, qui est muni d'un réti-
cule, fasse voir le niveau du mercure dans le tube capillaire en
contact avec le croisement des fils du réticule comme tout
d'abord; l'augmentation de pression est en rapport avec la dif-
férence de potentiel qui existe entre les deux fils. M. Lipmann a
trouvé la loi très simple qui relie la tension superficielle à
la force électromotrice de polarisation ; il a trouvé que ces
deux quantités étaient à peu près proportionnelles, tant
que la différence de potentiel ne dépasse pas celle d'un
élément Daniell. Il est facile dès lors de construire une
table qui donne, sans aucun calcul, la différence de poten-
tiel qui correspond à l'augmentation dépression qu'on doit
employer dans chaque cas pour ramener le mercure à sa
position primitive. L'appareil est d'autant plus sensible que la
colonne de mercure soutenue parle ménisque dans son état
normal est plus longue ; il faut pour cela que la pointe soit
très capillaire. Avec une colonne de 75 centim., la tige ca-
pillaire doit avoir 2 centièmes de milHm. de diamètre ;
on emploie un microscope grossissant deux cents à trois
cents ibis. Cet appareil, des plus sensibles puisqu'il peut
indiquer des différences de potentiel inférieures à 10 mil-
lièmes de volt, n'est pas influencé d'une façon sensible par
les variations de la température ambiante. Le même appa-
reil peut montrer le phénomène inverse ; si l'on met les
bornes A et B en communication avec un galvanomètre
très sensible, et que par la manœuvre de l'écrou E on aug-
mente et diminue alternativement la pression, le ménisque
se déforme dans la pointe capillaire, et il se produit un
courant manifesté par la déviation du galvanomètre. On
peut le montrer ainsi à l'aide d'un appareil encore plus
simple : on met les deux bornes d'un galvanomètre en rela-
tion l'une avec du mercure contenu dans un vase et recouvert
d'eau acidulée et l'autre avec du mercure contenu dans un
entonnoir dont la pointe effilée plonge dans l'eau acidulée.
La pointe de l'entonnoir est assez fine pour que le mercure
coule goutte à goutte ; pendant qu'une goutte se forme et gros-
sit, il devient négatif par rapport au mercure du vase ; il cesse
au moment où la goutte tombe pour recommencer aussitôt;
on a une série de courants discontinus.
Comme application de ces phénomènes, M. Lipmann a
construit un petit moteur dont le principe seul est intéres-
sant : sa force est très faible. Deux vases à moitié pleins de
mercure sont plongés dans de l'eau acidulée contenue dans
une cuve unique ; dans chaque vase à mercure plonge un
faisceau de tubes capillaires ; ces faisceaux sont articulés
aux deux extrémités d'un balancier; on fait arriver dans le
mercure de chacun des deux vases des fils de fer reliés à
une pile Daniell par l'intermédiaire d'une sorte de commu-
tateur. Quand le courant ne passe pas, les deux faisceaux
éprouvent de la part du mercure et de l'eau acidulée des
poussées égales ; elles cessent de l'être quand le courant
passe et le système bascule en faisant tourner une roue et
en agissant sur le commutateur qui renverse alors le cou-
rant, ce qui fait basculer l'appareil en sens inverse en en-
traînant toujours la roue et le commutateur; l'appareil
peut faire deux tours par seconde. Inversement, si on rem-
place la pile par un galvanomètre et qu'on fasse mouvoir
la roue à la main, on obtient un courant ; c'est donc un
moteur réversible. A. Joannis,
BiBL. : LiPMANN, AnnaZes de chimie et de phys. (5), V,
p. 494.
ÉLECTROCHIMIE. L'électrochimie est l'étude des phé-
nomènes chimiques produits par l'électricité ; cette action
peut se manifester de deux façons principales : les décharges
violentes de l'électricité qui apparaissent avec lumière
comme les étincelles et les effluves donnent naissance à des
réactions qui seront étudiées à ces mots. Les courants élec-
triques, d'autre part, produisent aussi des actions chimiques,
des combinaisons et des décompositions. L'étude des décom-
positions chimiques produites par l'électricité constitue
Vélectrolyse; c'est à ce mot que nous renvoyons le lec-
teur ; nous nous occuperons ici des combinaisons obtenues
à l'aide des courants. L'action des courants électriques sur
les liquides conducteurs consiste en une décomposition du
liquide en ses éléments ou en composés plus simples. Les
corps mis ainsi en liberté peuvent alors réagir soit sur le
composé lui-même, soit sur les électrodes, soit sur un corps
qui se trouve mélangé ou en contact avec l'électrolyte.
C'est à ces réactions secondaires qu'il faut attribuer les
combinaisons produites par les courants. Voici quelques
exemples de ces réactions secondaires. Quand on décom-
pose l'eau par un courant électrique en prenant pour
électrode positive une lame de plomb, et pour électrode
négative une lame de platine, on constate qu'il se dégage
de l'hydrogène sur cette dernière, mais que l'on ne voit pas
de dégagement d'oxygène sur la lame de plomb. Cepen-
dant l'eau a été décomposée, mais l'oxygène a donné nais-
sance à une réaction secondaire, il a oxydé le plomb pour
donner un oxyde brun, le bioxyde de plomb; cette action
est constamment employée dans les accumulateurs. Si on
prend comme électrode négative, au lieu d'une lame de
platine, une lame de palladium, l'eau est encore décomposée,
mais l'hydrogène n'apparaît pas non plus, parce qu'il se
combine avec le palladium pour donner un hydrure. De
même, lorsqu'on électrolyse un sel alcalin, du sulfate de
soude par exemple, on n'obtient pas, comme avec les sels
métalliques proprement dits, le sulfate de cuivre par
exemple, le métal au pôle négatif, l'oxygène de la base et
l'acide au pôle positif; on trouve au pôle négatif de Fliy-
drogène et la base, mais cela tient à l'action secondaire du
métal alcalin qui a décomposé l'eau pour donner de la
soude et de l'hydrogène. Comme sel alcalin, si l'on emploie
le chlorure de sodium, on obtient une réaction un peu plus
compliquée ; le chlore va au pôle positif et au pôle négatif,
on a de la soude et de l'hydrogène, puis le chlore réagis-
sant sur la soude, donne du chlorure de sodium et de Thy-
pochlorite de soude. Cette réaction a été utilisée pour le
blanchiment des tissus ou des pâtes à papier. Les actions
oxydantes de l'oxygène, qui se rend au pôle positif, ou réduc-
trices de l'hydrogène, qui se rend au pôle négatif, sur la
matière dissoute dans l'eau électrolysée ont été souvent
utilisées. Ainsi, une solution acide de paramidodiméthyla-
niline devient d'un beau bleu au voisinage du pôle positif ;
c'est une action oxydante. A l'aide de sels d'aniline, d'or-
thotoluidine ou de paratoluidine, on obtient par électrolyse
des couleurs variées, surtout des violets et des rouges,
mais aussi des bleus, des verts, des jaunes, des bruns et
des noirs. Une solution aqueuse de phénol donne une
matière colorante bleue ; le naphtol donne dans les mômes
conditions une substance d'un beau jaune d'or ; l'alizarine
s'obtient aussi par l'électrolyse de l'anthroquinone. On a
fait dans ces derniers temps un grand nombre d'essais de
ce genre ainsi que des essais de teinture à l'aide de ces
colorants dans le bain de l'électrolyse même. Parmi les
applications fondées sur l'action de l'oxygène qui tend à se
dégager au pôle positif, nous citerons encore la fabrication
du chlorate de potasse par l'électrolyse du chlorure de
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
_ -f85 - ÉLECTROCAPILLÂÎRES-ÉLEGTRODVNAMIQUB
potassium (société l'Electrochimie, usines de Villers-sur-
Hormes [Oise] et de Vallorbe [Suisse] ) . M . Weill a obtenu des
dépôts de métaux couverts d'une mince couche d'oxyde
qui leur donne des colorations très vives et très variées ;
on a pu aussi bronzer le fer en l'oxydant à l'aide d'oxy-
gène électrolytique ; il se forme une couche superficielle
d'oxyde Fe^O'* très adhérente qui protège le métal contre
la rouille; ce sont là encore des actions oxydantes. Comme
exemple d'action hydrogénante, nous citerons les procédés
apphqués par M. Naudin pour le traitement des alcools
mauvais goût, dont les aldéhydes sont ramenés à l'état
d'alcool par de l'hydrogène d'électrolyse. On a aussi employé
l'électrolyse de bains convenables pour fabriquer de la
céruse (hydrocarbonate de plomb) ou du vermillon (sulfure
de mercure). On a proposé d'épurer les eaux d'égout par
l'électrolyse. Le procédé Webster, essayé pour les eaux de
Londres, mais sur une petite échelle, a donné, paraît-il,
des résultats plus avantageux que l'épuration chimique. Le
procédé Hermite, essayé à Rouen, consiste à employer, pour
le lavage des rues et des ruisseaux, de l'eau contenant un
chlorure et ayant passé par des électrolyseurs ; cette mé-
thode est surtout facile à appliquer dans les ports de mer
ou dans les villes industrielles qui ont des dissolutions de
chlorures inutilisables. L'épuration des jus sucrés est encore
une application de l'électrolyse. On sait qu'une des prin-
cipales causes qui empêche la cristallisation des mélasses
est la présence de sels et en particulier de chlorure de
sodium; en électrolysant une mélasse, les électrodes plon-
geant dans de l'eau contenue dans des vases poreux, le sel
est décomposé, on trouve de la soude à un pôle, de l'acide
chlorhydrique à l'autre, et le jus sucré moins riche en sel
peut donner une nouvelle dose de sucre quand on le con-
centre. L'électricité employée depuis quelque temps dans
les procédés de tannage a donné de très bons résultats,
aussi bons que par les procédés ordinaires, mais beaucoup
plus rapides ; ainsi les peaux les plus longues à tanner
(vaches, bœufs, chevaux) sont tannées à fond en quatre
jours ; le procédé ordinaire exige six mois. Telles sont les
principales applications de l'électrochimie. On trouvera au
mot Electrolyse les applications relatives à l'analyse ou à la
métallurgie. V. aussi le mot Galvanoplastie. A. Joannis.
ÉLECTRO DE. On appelle ainsi chaque extrémité des rhéo-
phores d'une pile, c.-à-d. des fils qui amènent l'électricité.
L'électrode positive quiaaussi reçu le nom d'anode est celle
qui communique avec le pôle positif de la pile ; la cathode
est l'électrode négative. Ces mots ont été introduits dans
la science par Faraday. A. J.
ÉLECTRODYNAMIQUE. L'électrodynamique est la
science de l'action exercée par les courants électriques les
uns sur les autres. Cette action a été découverte par Ampère
en 1820, aussitôt après la découverte par (Erstedt de Fac-
tion des courants sur les aimants. Après avoir étudié ces
phénomènes dans quelques cas simples, il parvint à trou-
ver la formule qui donne la loi de l'action élémentaire,
c.-à-d. de Faction d'un élément de courant sur un autre,
tous les deux étant infiniment petits et placés l'un par rap-
port à l'autre dans une direction quelconque. Connaissant
cette loi élémentaire, on pourra, étant donné des circuits
définis, obtenir dans chaque cas particulier la direction et
l'intensité de leur action réciproque en étendant par inté-
gration cette action élémentaire aux deux circuits tout
entiers. Il est facile de répéter avec la table d'Ampère
(V. au mot Ampère la table et les expériences d'Ampère)
les principales expériences qui ont conduit l'illustre physi-
cien à la loi élémentaire : 1^ Deux courants parallèles
s'attirent quand ils vont de même sens, se repoussent
quand ils vont de sens contraire. Ces deux actions ont
d'ailleurs la même intensité, toutes choses égales d'ailleurs,
car, si à un équipage mobile de la table d'Ampère on pré-
sente un courant rectiligne rephé sur lui-même parallèle-
ment, il ne produit aucune action. 2° Un courant sinueux
qui s'écarte infiniment peu d'un courant rectiligne ayant
les mêmes extrémités agit avec la même intensité que ce
50
ÉLEGTRODYNAMIQUE — ÉLFXTRODYNAMOMÈTRE — 78
dernier. On le montre en approchant un fil rectiligne que l'on
a replié en zigzag sur lui-même d'un équipage mobile de
la table d'Ampère'; tous ces fils étant parcourus par des
courants, aucun effet ne se manifeste; la partie sinueuse
fait donc éprouver à la partie mobile une action égale et
contraire (car le courant les parcourt en sens inverse) à
celle que donne le fil droit. 3^ L'angle de deux courants
tend à devenir nul. Il faut entendre par angle de deux cou-
rants, non pas l'angle aigu d'une façon générale, mais
l'angle que forment les deux directions des courants ; cet
angle peut varier de 0 à 180^. Les deux courants tendent
à se mettre parallèles et de même sens. 4° Deux courants
de même sens situés sur le prolongement l'un de l'autre
se repoussent. o° L'action d'un courant sur un autre assu-
jetti à se mouvoir dans un plan perpendiculaire au premier
est nulle.
Considérons maintenant deux éléments de courant MN,
M^N', situés d'une façon quelconque l'un par rapport à
l'autre. Soient 0,0^ leurs milieux ; joignons 00' et prenons
pour plan de la figure le plan de 00^ et de MW ; menons en
C une perpendiculaire 0':^^ à 00^ En 0 menons une droite
r
,-:---
Z
-->-.
a-;: 0'
"7
M' 1 1
X' î : 0
y
M 1
1 œ
M/
N-
A
y'IL
'
j/..,ï...
y.A
7^
Oï parallèle à OV, et une droite Oy perpendiculaire au plan
de la figure. D'après le principe des courants sinueux {T)
nous pouvons remplacer M^N' par le circuit brisé MT^iY
qui s'en écarte infiniment peu, WW étant infiniment petit,
et MN par le circuit MPQN formé par trois portions res-
pectivement parallèles à Oxfiyfiz. On peut remplacer MT^
par:5Vi et NT' par x^x\, de même MP sera remplacé
par p^, PQ par yy^ NQ par xx^. Examinons maintenant
l'action de x^x\ et de z^z\ sur chacune des portions
^^i-> yVi^ ^% • ^"^ ^^i sur x'x\: ces éléments sont sur
le prolongement l'un de l'autre et de même sens, donc
ils se repoussent (4^) ; cette répulsion a pour intensité
— \Vxx^f{r) ; dans cette formule x et x^ sont les projec-
tions de MN et de M'Y sur Ox; f(r) est la fonction mcon-
nue de la distance 00'= r qui représente la loi élémentaire
pour ce cas particulier ; 2« zz.^^ sur z^z'.^ ; ces éléments sont
parallèles, de même sens; ils s'attirent (1°) avec une inten-
sité qui a pour expression lVzz^^^{r) ; 9 est une autre fonc-
tion de la même distance (r); 3'',4^5",6°, les quatre autres
actions de ^'.r'^ sur zz^ et yy^, et de z^z'^ sur xx^ et ijy^
sont nulles d'après Ampère, par raison de symétrie. L'ac-
tion élémentaire ^^est donc représentée par la formule
dY=ir[zz'<^{r)-xx'f{r)]
où si l'on désigne partes etdS'les longueurs MN,M'N' par
8 et 6' les angles de ces droites avec Ox, parco l'angle de
MN avec le plan de la figure on a :
^^r=:c^S'cosO',^'=rt^S'sine',^==(^ScosO,^=:(/Ssinecosw
d'où
(Pf=ilVdSd^'[ân e sin G' cos to9(r) — cos 6 cos 6'/'(r)].
Pour déterminer/ et 9, il faut prendre doux cas parti-
culiers, intégrer c^'/^pour ces deux cas, et comparer les résul-
tats de l'expérience à ceux de la formule. Mais cette marche
serait très pénible. Ampère suppose que l'on a /'(/')— —
^(^) = ;^ c^ i^ ^'^ P^^^s à déterminer la forme des fonctions f
et cp, mais seulement les constantes k et n. Il sera seule-
ment nécessaire, une fois ces constantes déterminées, de
justifier l'hypothèse d'Ampère en montrant que Raccord
entre l'expérience et la théorie reposant sur cette hypothèse
est complet. C'est ce qui a été fait. Voyons comment déter-
miner /c et n. On a :
, PK sin 0 sin G' cos w cos G cos G'I
dY=lVdSdS'\
■]•
Pour déterminer n^ Ampère prend deux courants"'recti-
lignes parallèles de longueur / et /', parcourus dans le
même sens })ar le même courant, et il leur présente un
courant rectiligne indéfini de sens contraire ; rr^ sont les
distances de courant aux deux précédents; la formule pré-
cédente devient alors :
dY=™Ë:(sW-/.eos^a).
C'est Faction d'un élément du courant indéfini sur un élé-
ment du courant de longueur /. En intégrant entre des
limites convenables on trouve :
t^^ ^.n-i X A.
A est une constante. De même pour l'action du courant
indéfini sur le courant de longueur /' l'on trouvera
/ = fFç^iî XA.
Or, l'expérience montre que /" et /^ sont égaux, c.-à-d. que
1 0" a 7;r=r ~ yr^ q^^nd on a - ^ p,d'oul on
conclut n m 2.
Pour trouver k. Ampère avait fixé un fil horizontal de
cuivre à un axe vertical facilement mobile ; le fil de cuivre
reposait aussi sur le mercure de deux petites coupes où
aboutissaient les rhéophores d'une pile. Le système restait
constamment immobile. Par conséquent l'action d'un cir-
cuit fermé, de forme quelconque, sur le fil de cuivre mobile
qui faisait partie de ce circuit était constamment nulle. En
traitant ce cas par le calcul. Ampère a trouvé k=: ^. La
loi élémentaire peut donc se représenter par la formule
,„. IVdSdS' / . ^ . „ 1 , A
a^f=: ^ — I smQsmQ'cosw — - cosGcosG' j.
Comme application de cette formule, on peut citer le calcul
des constantes des électrodvnamomètres. A. Joannis.
ÉLECTRODYNAMOMÈTRE. L'électrodynamomètre de
Weber est une sorte de galvanomètre dont le système
magnétique, aiguille aimantée ou système asiatique, est
remplacée par une bobine sur laquelle est enroulée un fil
conducteur. Cette bobine est suspendue par une suspen-
sion bifilaire (V. ce mot). On peut faire passer dans la
bobine mobile ou dans le cadre qui l'entoure et qui est
aussi recouvert d'un fil conducteur, soit le même courant,
soit un courant d'intensité connue dans l'une, d'intensité
inconnue dans l'autre. La figure ci-contre montre la disposi-
tion de l'appareil ; un cadre en cuivre épais agit par induc-
tion et amortit rapidement les oscillations du cadre mobile.
Pour donner à l'appareil sa sensibiHté maxima, on place le
cadre fixe dans le plan du méridien magnétique et la bobine
mobile (ou plus exactement le plan des spires de cette
bobine) dans un plan perpendiculaire. Par l'action des cou-
rants qui traversent le cadre et la bobine, celle-ci tend à
tourner de 90^ et à se mettre parallèle au cadre, mais la
réaction de la suspension bifilaire et Faction magnétique
de la terre tendent à la ramener dans sa position première.
L'angle d'écart qu'elle fait avec cette position, que l'on
mesure avec un miroir fixé à la bobine par la méthode de
Poggendorff, permet de déduire l'intensité inconnue du
courant. Si i et f sont les intensités respectives des cou-
rants passant dans le cadre et dans la bobine, si Foil
désigne par 8 la déviation de la bobine, par B' celle qu'elle
éprouve quand on renverse à la fois le sens des deux cou-
rants, on a la relation suivante :
i7 — - ( tang § + tang 8' j.
— 787 — ÉLECTRODYNAMOMÈTRE — ÉLECTROLYSE
k est le moment de torsion du système bifilaire : c'est une
constante dont on dispose et que l'on peut choisir de façon
à avoir une sensibilité convenable ; A/ est une autre cons-
tante dépendant des dimensions et de la distance des bobines.
8 et B^ sont très peu différents en pratique (cette différence
tient à Faction magnétique de la terre sur le cadre mobile),
de sorte que la tangente de la déviation est sensiblement
proportionnelle au produit de l'intensité des deux courants
ou, dans le cas
où le même cou-
rant parcourt les
deux circuits, au
carré de l'inten-
sité. Cet instru-
ment, moins sen-
sible que les gal-
vanomètres, pos-
sède sur ces
derniers l'avan-
tage suivant :
quand c'est le
même courant
qui parcourt le
cadre et la bo-
bine, le sens de
la déviation ne
dépend pas du
sens du courant.
Aussi si on lance
dans un galvano-
mètre des cou-
rants induits, de
quantités égales,
mais de signes al-
ternant un grand
nombre de fois
par seconde, l'ai-
guille reste au
repos , sollicitée
qu'elle est d'aller
tantôt à droite,
tantôt à gauche ;
l'électrodynamo-
mètre au con-
traire est dévié
et permet d'ap-
précier la quan-
ti té d'électricité
qui passe pendant
chaque période.
L'électroclynamo-
mètre de l'Asso-
ciation britan-
nique est fondé sur le même principe, mais chaque cir-
cuit, cadre ou bobine, au lieu d'être simple, est formé par
deux cadres égaux dont la distance est égale à leur rayon
moyen. Cette disposition facilite le calcul de k\
Les électrodynamomètres-balances, moins souvent em-
ployés, permettent de mesurer à l'aide d'une balance, par
suite d'évaluer en poids, l'attraction ou la répulsion exercée
entre deux circuits, généralement entre deux bobines ayant
même axe et situées à une distance l'une de l'autre telle que
leur action soit maximum.
L'électrodynamomètre à mercure de M. Lippmann se
compose d'une petite chambre parallélépipédique en verre ;
elle contient du mercure et communique avec deux tubes
ouverts à l'air libre. Cette cuve est placée au centre d'une
bobine. Quand celle-ci n'est parcourue par aucun courant,
le niveau du mercure est le même dans les tubes ; il n'en
est plus de même si un courant traverse à la fois la bobine
et le mercure : une dénivellation se produit qui est propor-
tionnelle au carré de l'intensité du courant. L'avantage
que présente cet instrument est qu'il n'y a pas à propre-
Electrodvnamomèti^e.
ment parler de parties mobiles, et que par suite le carré
de l'intensité du courant est rigoureusement proportionnel
à la différence de pression observée. L'appareil une fois
gradué peut servir d'étalon d'intensité, car sans nouvelles
déterminations il donnera l'intensité dans un lieu quel
conque. La formule qui lie la pression p à l'intensité i es
est
p-
Uk
dans laquelle c est Tintensité du champ magnétique produit
au centre de la bobine par un courant d'une intensité égale
à l'unité, e est l'épaisseur de mercure. Cette formule est
assez simple pour qu'on puisse évaluer directement- les
quantités qui y entrent et obtenir par suite des mesures
absolues. A. Joannis.
ELECTROLYSE. L Physique. — Lorsqu'un courant élec-
trique, suffisamment intense, traverse un liquide conducteur,
il le décompose ; si le corps est un composé binaire, le métal
se rend au pôle négatif (on dit qu'il est électropositif par
rapport à l'autre corps) ; le métalloïde va au pôle positif. Si
le corps est un sel, le métal se rend encore au pôle négatif;
l'oxygène de la base et l'acide se rendent au pôle positif.
Dans certains cas, lorsque les corps ainsi mis en liberté sont
susceptibles de réagir sur l'électrolyte, il se produit des
réactions secondaires (V. Electrochimie). Ce fait se produit
fréquemment lorsque le sel est de nature organique. Le
premier phénomène d'électrolyse observé est la décomposi-
tion de l'eau par Carlisle et Nicholson en 1800. La décom-
position des alcalis par la pile, réalisée par Davy en 4808,
montra tout le parti que l'on pouvait tirer de l'électrolyse
pour obtenir les métaux ayant des affinités chimiques éner-
giques. Davy ayant placé sur une lame d'argent un morceau
de soude caustique humectée d'eau, ayant relié la lame
d'argent au pôle positif d'une pile de deux cent cinquante
éléments et placé le fil qui communiquait avec le pôle néga-
tif sur la soude humide, il le vit se recouvrir de petits glo-
bules d'un métal blanc se dissolvant avec rapidité dans l'eau
qui humectait la soude ; mêmes résultats avec l'autre alcali,
la potasse ; en creusant dans une nouvelle expérience le
morceau de soude et plaçant un petit globule de mercure dans
la cavité, il trouva qu'en reliant ce globule au pôle négatif
de sa pile il gonflait en se transformant en amalgame ; cet
amalgame, plus stable que le métal alcalin, pouvait ensuite
être séché ; chauffé dans le vide le mercure distillait et le
métal alcahn, peu volatil, restait dans l'appareil. Ce pro-
cédé étendu aux chlorures fondus permit à Bunsen de pré-
parer les métaux alcalino-terreux. Examinons maintenant
les phénomènes que l'on observe dans l'électrolyse et les
lois que l'on a découvertes.
Electrolyse de Veau. L'eau distillée, la plus pure que
l'on puisse obtenir, offre une résistance considérable au
passage du courant ; l'addition de traces de substances
salines ou d'acides diminue d'une façon considérable sa
résistance; ainsi 1/2 «/o d'acide sulfurique rend l'eau dis-
tillée cinquante mille fois moins résistante ; aussi peut-on
penser que l'eau distillée absolument pure ne conduit pas
l'électricité. Pour électrolyser de l'eau il faut donc lui
ajouter un sel ou un acide. Supposons que l'on acidulé de
l'eau distillée avec de l'acide phosphorique, et prenons
comme électrodes deux fils fins de platine. Dans ces condi-
tions, indiquées par M. Mascart, on obtient une electrolyse
normale, c.-à-d. sans actions secondaires, et l'on constate
ceci : 1° Le volume d'hydrogène dégagé au pôle négatif pos-
sède un volume double de celui de l'oxygène dégagé au pôle
positif. — 2*^ Le volume d'hydrogène dégagé pendant un
certain temps est proportionnel à la quantité d'électricité
qui a passé pendant ce temps. Pouillet a démontré ce résul-
tat par de nombreuses expériences, en montrant en parti-
culier que les indications des rhéomètres, dans certaines
conditions, sont proportionnelles d'une part aux quantités
d'électricité, et d'autre part aux indications des voltamètres.
— 3<* Si sur un même circuit on place une série de volta-
mètres, il y a la même quantité d'eau décomposée dans
ÉLECTROLYSE
— 788 -^
chacun d'eux. — 4° Si entre deux points A et B d'un circuit
principal contenant un voltamètre on interpose plusieurs
dérivations contenant chacune un voltamètre, on constate
que les volumes d'hydrogène mis en liberté dans chacun
de ces voltamètres est différent lorsque les diverses déri-
vations ne présentent pas la même résistance, mais la somme
de ces volumes d'hydrogène est égale au volume de ce gaz
obtenu dans le voltamètre du circuit principal. L'expérience
montre que, lorsqu'un coulomb traverse un voltamètre, il
met en Uberté 0^s010384 d'hydrogène, ou, si l'on veut, un
courant d'un ampère dégage par seconde la même quantité
d'hydrogène. On peut donc évaluer une quantité d'électri-
cité en coulombs ou un courant en ampères par l'observation
d'un voltamètre.
Voyons maintenant les résultats que l'on trouve en
employant un voltamètre différent : si on remplace les fils
fins de platine par des lames de ce métal et si l'on emploie
de l'eau acidulée par l'acide sulfurique, on constate que les
volumes de l'hydrogène et de l'oxygène ne sont plus exac-
tement dans le rapport de 2 à 1 ; une partie de l'oxygène
est transformée en ozone, qui occupe un volume moindre ;
une autre partie donne de l'eau oxygénée ou de l'acide per-
sulfurique selon la concentration, comme l'a montré M. Ber-
thelot ; ces causes diverses tendent à diminuer l'oxygène
observé. D'autre part, le platine peut absorber de l'hydro-
gène (jusqu'à quatre-vingts fois son volume quand il vient
d'être chauffé) ; on ne peut donc se servir ni du volume de
l'hydrogène ni de celui de l'oxygène pour mesurer l'intensité
du courant. Le palladium substitué au platine donne des
résultats encore plus défavorables, le palladium pouvant
absorber neuf cent trente-six fois son volume d'hydrogène.
Electrolyse des composés binaires et des sels. Ces
composés se comportent en général comme l'eau. Les com-
posés binaires liquides à la température ordinaire ou fon-
dus se comportent comme l'eau acidulée s'ils sont conduc-
teurs ; tels sont par exemple les chlorures métalliques fondus
qui donnent un métal au pôle négatif, du chlore au pôle
positif. Les sels fondus se comportent de la façon suivante :
soit MO, RO'^' la formule d'un sel, M représentant un
métal et RO"^ un acide; ce sel se comporte comme si
c'était une combinaison binaire du mélal M et du groupe
RO "+ ^ jouant le rôle de radical, c.-à-d. que le métal va
au pôle négatif et qu'on recueille RO** et 0 au pôle positif.
Les composés binaires et les sels dissous dans l'eau se com-
portent souvent comme lorsqu'ils sont fondus, mais souvent
aussi l'eau de la dissolution est électroljsée en même temps
qu'eux-mêmes ; quelquefois elle est électrolysée seule.
D'autres fois, elle éprouve une réaction secondaire, comme
lorsque le métal décompose l'eau : ainsi, lorsqu'on electro-
lyse du sulfate de soude, au lieu d'obtenir du sodium au
pôle négatif, on obtient de l'hydrogène et on constate que
le Hquide est devenu alcalin autour de ce pôle ; pour faire
rentrer ce cas dans le cas général, il suffît d'admettre que
le sodium mis en hberté au pôle négatif a décomposé l'eau
aussitôt en donnant de l'hydrogène et de la soude; ce n'est
pas une exception, c'est un phénomène secondaire, comme
il en existe beaucoup, ainsi que Font montré les recherches
de M. Bourgoin sur les sels à acide organique. De même,
la solution d'ammoniaque saturée de sulfate d'ammoniaque
lorsqu'elle est électrolysée donne au pôle négatif de l'hy-
drogène et au pôle positif divers com])osés résultant de
l'action de l'oxygène sur l'ammoniaque, c.-à-d. de l'azote
et des composés oxygénés de l'azote. Autrefois en électro-
lysant du chlorure d'or contenu dans une série de tubes
en V communiquant les uns avec les autres, Pouillet avait
observé que toutes les branches des tubes en V tournées
vers l'électrode négative se décoloraient ; il pensait que la
puissance chimique des deux pôles était inégale, puisque le
métal déposé provenait uniquement des portions négatives.
D'Almeida a montré que ce fait ne se produisait pas quand
on employait comme électrode positive le métal entrant
dans la composition du sel ; le liquide neutre au début res-
tait neutre ; dans le cas contraire le liquide neutre au début
devient acide par suite de l'électrolyse, et bientôt le courant
électrique passe en décomposant, non plus le sel primitif,
mais l'eau acidulée, beaucoup meilleure conductrice, en
oxygène et hydrogène. Ce dernier, au lieu de se dégager au
pôle négatif, donne une réaction secondaire en réduisant le
sel qui baigne le pôle négatif.
Lois de l'électrolyse. Voyons maintenant si, lorsqu'on
place dans un même circuit plusieurs voltamètres contenant
des électrolytes divers, il y a une relation entre les quantités
des corps simples mis en liberté simultanément dans chaque
appareil. Cette recherche, effectuée par Faraday, l'a conduit
à la loi célèbre qui porte son nom.
Loi de Faraday, Quand un même courant traverse
successivement plusieurs électrolytes, les poids des éléments
mis en liberté dans chacun d'eux sont entre eux comme les
équivalents chimiques de ces éléments. Faraday a vérifié
cette loi pour les composés binaires de la formule MR. Bec-
querel l'a étendu ensuite aux autres composés de formule
quelconque en montrant que c'est l'élément qui se rend au
pôle positif qui suit la loi. Ainsi, plaçons dans le même cir-
cuit trois voltamètres contenant respectivement de l'eau, du
protochlorure de fer FeCl et du perchlorure de fer Fe^CF,
28 étant l'équivalent du fer, 35,5 celui du chlore, 1 celui
de l'hydrogène, on constate que lorsque i gr. d'hydrogène
a été mis en liberté dans le voltamètre à eau,35,5 de chlore
ont été mis en liberté dans chacun des deux autres volta-
mètres, mais que, tandis que dans celui qui contient le pro-
tochlorure de fer il y a eu en même temps 28 gr. de fer déposé,
il n'y en a eu que 2/3 28 gr. dans le voltamètre à perchlorure.
C'est donc le métalloïde ou plus généralement le corps ou
le groupe électronégatif qui suit la loi de Faraday. On peut
donc mesurer les courants autrement que par l'hydrogène
mis en Uberté dans la décomposition de l'eau. On peut par
exemple se servir d'un voltamètre à sulfate de cuivre,
comme dans certains compteurs électriques et peser le
cuivre déposé ; lorsque 0°^s32709 de cuivre ont été déposés,
on peut dire qu'un coulomb a passé dans le voltamètre. On
peut déduire de ce nombre, connaissant l'équivalent du
cuivre, que pour mettre en liberté un équivalent d'un corps
quelconque de formule MR il faut 96293 coulombs.
Electrolyse d'un mélange. Quand un courant électrique
traverse un mélange de deux ou plusieurs sels, deux cas
peuvent se produire : ou bien il n'en décompose qu'un, et
cette décomposition suit la loi de Faraday, ou bien il en
décompose plusieurs. Si l'on appelle w, n\ n'\.. les quan-
tités de chacun de ces corps mis en liberté exprimées en
équivalents, on trouve que lorsque 96293 coulombs ont
circulé dans le circuit on a ri -f- 7i' -H n^\.. = 1. L'élec-
trolyse suit donc encore la loi de Faraday avec une légère
modification : la somme des équivalents mis en liberté de
divers sels mélangés est égale à la somme des équivalents
d'hydrogène mis simultanément en liberté dans un volta-
mètre à eau faisant partie du même circuit.
Théories de Grotthuss et de Clamius. D'après Grot-
thuss, quand un courant électrique traverse un électrolyte,
du sulfate de cuivre par exemple, toutes les molécules de ce
sel comprises entre les deux électrodes se polarisent ; elles
s'orientent, toutes se tournant de la même façon, la molé-
cule cuivre dirigée vers le pôle négatif, le groupe SO"^ dirigé
vers le pôle positif. Lorsque le courant est établi, l'expé-
rience prouve que le cuivre se dépose uniquement sur le
pôle négatif, le groupe SO* ou plutôt le mélange SO^ -h 0
sur le pôle négatif. Comme d'autre part on sait que pour
le passage du courant il faut qu'il y ait electrolyse, on en
conclut que chaque molécule intermédiaire doit se décompo-
ser, et, si la décomposition n'est pas apparente, cela tient à ce
que son cuivre s'unit au groupe SO"* de l'élément précédent
et son groupe SO^ au cuivre de l'élément suivant. De sorte
que, pour une molécule de cuivre déposée au pôle négatif,
chaque molécule de cuivre comprise dans la chaîne consi-
dérée a avancé d'un rang vers le pôle négatif, et chaque
groupe SO"^ a avancé d'un rang vers le pôle positif. M. Clau-
sius a fait à cette théorie l'objection suivante : une fois la
— 789 —
ÉLECTROLYSE — ELECTROMAGNETISME
force électromotrice suffisante pour vaincre Félectrolyse
obtenue, il devrait se produire, d'après ce savant et confor-
mément à la théorie de Grotthuss, un courant immédiatement
très intense ; or cela n'est pas ; ce serait d'ailleurs contraire
au principe de la conservation de l'énergie. M. Clausius
admet que dans un liquide les molécules décrivent des tra-
jectoires non fermées et que dans un électrolyte les molé-
cules simples, qui constituent les molécules du corps com-
posé, chargées d'électricité de noms contraires, cheminent
dans le liquide en se déplaçant les unes par rapport aux
autres ; ainsi dans l'exemple précédent une molécule Cu
suivrait une trajectoire, le groupe correspondant SO'* en
suivrait une autre sans rapport avec la première ; c'est là
une hypothèse difficile à admettre. Mais, lorsque le liquide
est parcouru par un courant, les trajectoires de ces molécules
s'allongent dans la direction de cette force, et le nombre de
molécules positives qui pendant l'unité de temps traversent
l'unité de surface d'un plan perpendiculaire aux lignes de
force dans le sens de la force l'emporte sur celui des molé-
cules négatives ; il y a donc plus de molécules positives vers
un pôle, plus de molécules négatives vers l'autre : c'est ce
qui donne naissance aux molécules mises en liberté.
Applications. La galvanoplastie (V. ce mot) est la prin-
cipale application de Félectrolyse ; ce fut même la seule
pendant longtemps. Depuis que les machines magnéto et
dynamo-électriques ont pris le développement extrême que
nous leur voyons, on a appliqué l'électrolyse non seulement
à la production de métaux comme l'aluminium, mais même
au traitement de minerais des métaux moins précieux.
C'est ainsi que l'on traite les mattes de cuivre qui sont en
somme un minerai de cuivre enrichi par une opération préa-
lable, que l'on raffine le cuivre noir en extrayant l'or et
l'argent qu'il contient. Le traitement des crasses de zinc
obtenues dans le traitement par le zinc des plombs argen-
tifères se fait parfois par un procédé analogue. On a retiré
des minerais de zinc, de mercure, d'antimoine, le métal qu'ils
contenaient. Ces procédés sont surtout avantageux quand
on dispose d'une chute d'eau permettant d'actionner les
dynamos ; ils ont l'avantage de donner des métaux très purs,
ce qui est souvent très utile, principalement pour le cuivre.
Parfois l'argent et l'or qui existent dans les cuivres noirs
sont en quantités suffisantes pour couvrir les frais de l'épu-
ration du cuivre. Dans les laboratoires, on emploie aussi
très souvent l'électrolyse pour l'analyse. Les nouveaux pro-
cédés se sont développés rapidement pendant ces dernières
années ; autrefois on ne dosait guère que le cuivre de cette
façon-là. M. Riche a montré qu'on pouvait doser facilement
d'autres métaux, du zinc et du plomb par exemple, et qu'on
pouvait les séparer par ce procédé les uns des autres.
M. Classen a montré comment l'on pouvait doser et séparer
d'autres métaux, tels que le cadmium, le fer, le cobalt, le
nickel, l'antimoine, le platine, l'urane, le chrome. Les pro-
cédés de séparation laissent encore souvent à désirer, mais
en combinant l'électrolyse avec les méthodes ordinaires par
précipitation, on arrive souvent à gagner du temps tout en
obtenant des résultats au moins aussi bons. A. Joannis.
IL Médecine. — L'action décomposante du courant élec-
trique a reçu en chirurgie des appHcations nouvelles et
dont les résultats, bien qu'encore discutés, ne laissent
pas d'être encourageants. Lorsque l'on applique les deux
électrodes sur l'organisme, les sels dissous sont décom-
posés dans le corps comme ceux d'une solution saline. Au
pôle positif apparaissent les acides, au pôle négatif les
bases produites par l'action sur l'eau des métaux alcalins
mis en liberté. Dans les applications électrothérapiques, où
l'on cherche uniquement l'action dynamique des courants,
on évite en partie les phénomènes chimiques par l'emploi
d'électrodes à large surface. Quand on veut, au contraire,
obtenir l'eifet électrolytique, l'électrode active est réduite
à de très faibles dimensions et prend la forme d'une aiguille,
d'un couteau, l'électrode indifférente, n'ayant pour effet
que d'assurer le passage du courant, restant au contraire
très large. Mais nous sommes encore dans une grande
ignorance sur les phénomènes de chimie biologique qui se
produisent sous l'influence des courants. Des recherches
de Weiss, il paraît établi cependant que les réactions chi-
miques ne se produisent pas seulement à l'extrémité de la
chaîne constituée par les éléments organiques compris entre
les deux électrodes, mais que le dégagement des acides et
des bases aurait lieu en tous les points différenciés de la
masse qui est loin d'être homogène, même quand on envi-
sage un seul élément anatomique, comme le muscle. Ces
considérations ont une certaine importance dans les appli-
cations des courants continus, puisqu'elles conduisent à
démontrer la nécessité d'inverser le courant si l'on ne veut
pas obtenir de phénomènes chimiques internes trop intenses,
telle que la coagulation de la myosine.
Au point de vue des applications, il est utile de se
rappeler que le pôle positif (acide) donne une eschare
dure et rétractile, tandis que le pôle négatif (base) donne
une eschare molle, laissant après elle une 1 cicatrice non
extensible, alors que le tissu cicatriciel qui se produit
après l'application du pôle positif est rétractile : point im-
portant quand il s'agit d'opérer sur un rétrécissement
d'un canal organique : urèthre, œsophage, etc. Les appli-
cations de l'électrolyse au traitement des rétrécissements
uréthraux principalement ont été réglées avec soin par
Newmann, après avoir été indiquées par Tripier (1862).
Newmann emploie le pôle négatif, mais il n'utilise qu'un
courant de 5 à 6 milliampères, cherchant non pas à cau-
tériser, mais à déterminer la résorption du rétrécissement.
L'électrolyse, sous forme d'électropuncture, a été utilisée
contre les tumeurs érectiles, les anévrysmes. Enfin l'appli-
cation la plus importante des actions électrolytiques est celle
récemment tentée pour le traitement des fibromes utérins.
Il est impossible de reproduire la technique. Les auteurs
sont loin d'être d'accord sur l'intensité à employer. Apostoli
va jusqu'à 300 milliampères. Le pôle actif varie suivant les
indications (V. Electrothérapie). D^ J.-P. Langlois.
BiBL. : Tripier, ^a Galvanocaiistiqiie chimique, 1863.
— Weiss, Etude d'étectrophysiologie, thèse; Paris, 1889.
— DAmo^, Journal d'électrolhérapie,\SS9-\S9l.— Grandin-
CuNNiNG, Electrecity in gynœcology, 1891.
ÉLECTROLYTE. C'est le nom donné par Faraday à toute
substance susceptible d'être décomposée par un courant
électrique lorsqu'on la soumet à ce courant.
ELECTROMAGNETISME. Ce chapitre de la physique
date de 1820 : (Erstedt découvre l'action d'un courant élec-
trique sur l'aiguille aimantée et Ampère donne en quel-
ques mois la loi générale de cette action et fonde la théorie
de l'électromagnétisme. Les relations de l'électricité et du
magnétisme étaient soupçonnées depuis longtemps. Gilbert
avait écrit en 4660 dans sa Physiologia nova que le ma-
gnétisme et l'électricité sont deux manifestations inhérentes
à toute matière. On avait vu la foudre agiter les aiguilles
des boussoles ; aussi, une fois la pile découverte, on avait
approché des aimants ou des aiguilles aimantées de ses
pôles, sans succès. Ce n'est que par hasard qu'OErstedt,
ayant fermé le circuit d'une pile assez forte dans le voi-
sinage d'une aiguille aimantée, vit celle-ci dévier de sa
position pendant que le courant passait et faisait rougir
un fil, expérience qu'il voulait montrer alors à son
cours. La leçon terminée, il répéta et varia son expérience,
mais il ne sut ni trouver l'énoncé qui indiquait dans
chaque cas l'action du courant sur l'aiguille ni encore moins
donner une théorie de ce phénomène, qu'il attribua à un
tourbillon de fluide circulant autour du fil et entraînant
l'aiguille. Ampère, au contraire, montra qu'il était très
facile de prévoir l'action du courant sur l'aiguille, quelles
que fussent leurs positions respectives : si on suppose un
observateur couché sur le conducteur de façon que le
courant lui entre par les pieds et lui sorte par la tête et
regardant le pôle austral d'un aimant, il le verra toujours
s'en aller à sa gauche. Une aiguille aimantée tend donc
toujours à se mettre en croix avec un courant rectiligne et,
si elle ne le fait pas en général c'est par suite d'un équi-
libre entre l'action du courant et celle do la terre sur la
ÉLECTROMAGNETISME
— 790 —
même aiguille. Les indications des galvanomètres, qui per-
mettent de mesurer l'intensité des courants, reposent sur
cette double action. Mais Ampère ne s'est pas contenté de
donner cette loi si simple, qui indique dans chaque cas le
sens du phénomène, il en a donné la théorie et a pu
calculer la grandeur de ces actions dans les cas les plus
compliqués en la déduisant de quelques déterminations
expérimentales faites pour des cas simples convenablement
choisis. Ampère fonda en même temps un nouveau chapitre
de l'électricité, Félectrodynamique, dont il donna les lois.
L'étude de Félectromagnétisme embrasse des propriétés
diverses, les courants ayant un rapport avec le magnétisme.
Elle comprend donc : 1^ le développement du magnétisme
par l'électricité ; S^' l'action des courants sur les aimants
et inversement ; 3° la théorie que l'on peut déduire de ces
phénomènes sur la constitution des aimants ; 4*^ les appli-
cations. Nous allons passer en revue ces diverses parties.
L Aimantation par l'électricité. — Quand on place un
fil métallique parcouru par un courant au voisinage de par-
celles de fer on constate qu'elles s'aimantent. C'est l'expé-
rience fondamentale faite par Arago en 1 820 en plongeant un
til parcouru par un courant énergique dans de la limaille
do fer; celle-ci forma une couche épaisse adhérente au fil;
les brins de limaille étaient disposés en anneaux autour du til.
Cette expérience ne réussit qu'avec les hmailles des métaux
magnétiques; ce n'est donc pas une attraction électrique.
Arago ayant placé une petite aiguille d'acier trempé nor-
malement au courant, réussit à l'aimanter et constata que
le pôle austral était à la gauche du courant. On augmente
beaucoup l'action du courant en enroulant le fil sous forme
de solénoïde et en plaçant l'aiguille à aimanter dans son
axe. Les diverses spires de cette hélice concourent à aiman-
ter l'aiguille en développant un pôle austral à la gauche
du courant, c.-à-d. à la gauche d'un observateur qui serait
placé sur le courant, le' courant lui entrant par les pieds,
lui sortant par la tête, et qui regarderait l'aiguille. Si on
place une aiguille d'acier à l'entrée d'une pareille hélice
parcourue par un courant, elle se précipite dedans en s'ai-
mantant. On peut, pour augmenter encore l'action des
courants, enrouler les fils suivant des hélices dont les
spires se touchent, puis, une fois une première hélice ainsi
formée, on peut en enrouler une seconde et une troi-
sième, etc.; leurs actions s'ajoutent. Les aimantations
ainsi produites sont assez faibles quand il s'agit d'aiguilles
d'acier trempé, immobiles, mises à l'abri des chocs et
des vibrations; elles sont d'ailleurs portées à leur maxi-
mum en un temps extrêmement court. Lorsqu'il s'agit
d'aiguilles en fer doux, c.-à-d. en fer aussi pur que
possible , l'aimantation au contraire est extrêmement
énergique. Si on enroule sur un tube de verre un fil
conducteur d'abord dans un sens puis dans un autre et si
l'on continue ainsi en changeant plusieurs fois le sens de
l'enroulement, si l'on se sert ensuite de cette hélice pour
aimanter une aiguille d'acier, on constate qu'elle prend
un point conséquent, c.-à-d. un pôle magnétique à chaque
changement dans le sens de l'enroulement; elle présente
d'ailleurs à ses extrémités des pôles de même nom ou de
nom contraire suivant qu'il y a eu un nombre impair ou
pair de changements de sens dans l'enroulement dans la
partie occupée par Uaiguille. On peut aussi aimanter les
aiguilles d'acier avec les décharges produites par les ma-
chines électriques ; mais comme ces appareils ne donnent
que de faibles quantités d'électricité, leurs effets sont très
petits ; ils sont d'ailleurs différents de ceux des courants
vjltaïques et nous allons les étudier d'abord.
Aimantation par les décharges. Le meilleur procédé
pour aimanter ainsi consiste à charger une batterie de
bouteilles de Leyde avec la machine, puis à faire passer la
décharge de la batterie à travers l'héhce magnétisante, en
ayant soin de ralentir cette décharge en la forçant à passer
à trasers un corps peu conducteur, comme une mèche
mouillée. Savary,qui a fait un grand nombre d'expériences
à ce sujet, a constaté que l'aimantation augmentait non
seulement avec la quantité d*électricité qui passait, mats
aussi avec la durée de la décharge ; il faut cependant que
celle-ci ne dépasse pas une certaine limite parce qu'alors
l'aimantation diminue. La relation qui lie la distance des
aiguilles au fil par lequel passe la décharge avec l'aiman-
tation produite a aussi été étudiée par Savary; il a trouvé
qu'en prenant un fil de platine de 2 m. de long., de 2 millim.
de diamètre et des aiguilles d'acier de io miOim. de long.,
l'aimantation allait en diminuant quand on plaçait l'aiguille
à aimanter à des distances du fil qui allaient en croissant ;
cette aimantation devenait nulle pour une distance de
^mmg. qWq changeait ensuite de signe, c.-à-d. que le pôle
austral se formait à la droite de la décharge, allait en
augmentant jusqu'à une distance de 5 à 6 millim., puis
diminuait, redevenait nulle à dl millim., puis changeait
de signe, le pôle austral se développant de nouveau à la
gauche du courant ; l'aimantation continuait à croître jus-
qu'à une distance de 28 millim. à partir de laquelle elle
diminuait, mais en restant normale. La distribution des
maxima, leur rapprochement, dépendent, toutes choses
égales d'ailleurs, delà résistance du fil ; plus sa résistance
est grande plus les maxima sont rapprochés. Ces faits ex-
pliquent pourquoi la foudre agit différemment sur les
aiguilles des boussoles près desquelles elle tombe ; elle peut
les désaimanter plus ou moins complètement ; elle peut les
aimanter davantage si elles ne sont pas aimantées à satu-
ration ; elle peut enfin les aimanter en sens inverse et ce
fait a été assez souvent constaté. Si, au lieu d'employer
un fil rectiligne on emploie un solénoïde dans l'axe duquel
on place une aiguille d'acier bien trempé, et si on le fait
parcourir par une décharge, on trouve non seulement des
.variations d'intensité, mais encore des changements de
signe dans l'aimantation quand on fait varier la grandeur
de la charge qui traverse l'hélice. Dans une expérience où
les charges allaient en croissant, Savary obtint jusqu'à six
changements de signe. Arago a montré que la position de
l'aiguille dans l'hélice était sans influence, à moins qu'elle
ne fut trop près des extrémités et que deux hélices de même
pas et de diamètres différents avaient la même action,
pourvu qu'elles fussent suffisamment longues. A la suite
des expériences d' Arago sur le magnétisme de rotation,
Savary étudia l'influence d'étuis métalliques, en cuivre par
exemple, entourant l'aiguille d'acier placée dans la bobine.
Avec un cylindre de cuivre épais, il n'obtint pas d'aiman-
tation ; il diminua alors l'épaisseur de la gaine de cuivre
et bientôt une nouvelle décharge donna naissance à une
faible aimantation, qui alla en augmentant à mesure que
l'épaisseur du cuivre diminuait ; elle dépassa même celle
que prenaient les aiguilles nues dans les mêmes conditions;
puis elle atteignit un maximum pour décroître ensuite et
tendre vers l'aimantation des aiguilles nues. Toutes choses
égales d'ailleurs, l'épaisseur du cuivre a d'autant moins
d'influence que la charge électrique est plus considérable.
Tous les métaux agissent de la même façon, mais chacun
avec une intensité particulière. Si on considère un certain
métal, en particulier, et que l'on en fasse des cyHndres
d'égales épaisseurs et de longueurs et de diamètres divers, on
constate qu'à égalité de diamètre les tubes les plus courts
ont le plus d'action et qu'à égalité de longueur les tubes
les plus gros ont le plus d'influence.
Aimantation par les courants. L'aimantation par les
courants a été étudiée aussi par Savary, mais avec les piles
inconstantes que l'on avait alors. M. Abria a repris cette
étude avec les piles constantes, et il est arrivé aux résultats
que nous reproduisons ici : 1° L'aimantation est instanta-
née. 2^ L'aimantation augmente si on passe plusieurs fois
l'aiguille dans l'hélice, ou bien si, l'aiguille étant fixe, on
emploie plusieurs courants successifs allant en croissant
pour arriver à l'intensité du courant primitif. 3^ Si l'ai-
guille n'est enfoncée qu'en partie dans l'hélice, c'est à l'en-
droit où l'hélice s'arrête que le pôle magnétique se trouve ;
nous verrons plus loin ce résultat complété par les expé-
riences de Jamin. 4^ La force magnétique croît avec Fin-
tensité du courant et d'autant plus rapidement que le rap-
port entre la longueur et le diamètre de Faiguille est plus
grand ; pour les aiguilles longues, l'accroissement de la
force magnétique est proportionnel à l'intensité pour les
courants très faibles et sensiblement au carré de l'inten-
sité pour les courants très forts. S*» La longueur et le dia-
mètre des hélices sont sans influence, pourvu que les ai-
guilles ne les dépassent pas. 6° L'intensité de l'aimantation
augmente quand le pas de l'hélice diminue et avec des
courants suffisamment intenses; les intensités sont en rai-
son inverse des pas; avec des courants faibles, l'aimanta-
tion est plus faible que cette loi ne l'indique. 7" Les en-
veloppes métalliques sont sans action avec les courants
continus comme ceux des piles. M. Jamin, en étudiant par
la méthode du clou (V. Aimantation) la distribution du
magnétisme dans les lames d'acier aimantées par une hé-
lice, a trouvé, comme l'avait fait M. Abria, que, lorsque la
lame dépassait l'héUce, le pôle magnétique se formait à l'ex-
trémité de l'héUce et que de plus la courbe représentant la
distribution du magnétisme de part et d'autre de ce point
était symétrique par rapport à ce pôle s'il ne se trouvait
pas à ''une distance de l'extrémité assez faible pour que
la courbe l'atteignît. Dans ce cas, la courbe de distribution
pouvait s'obtenir comme on l'a trouvée expérimentalement
en construisant encore du côté du pôle voisin de l'extré-
mité une branche de courbe symétrique de celle qui se
trouvait de l'autre côté du pôle. Mais cette branche ainsi
construite dépassait l'extrémité de l'aiguille aimantée; on la
repliait alors en quelque sorte sur l'aiguille, et on construi-
sait une nouvelle courbe en lui donnant en chaque point
comme ordonnées la somme des coordonnées de la courbe
symétrique et de la courbe repliée à ce point. L'aimanta-
tion est beaucoup plus développée lorsqu'une barre de fer
doux est en contact a\ec l'aiguille d'acier à l'endroit où se
développent les pôles.
Voyons maintenant d'après quelle loi numérique varie
avec l'intensité du courant l'intensité du magnétisme pro-
duit. Voici comment M. Bout y a fait cette étude : comme
champ magnétique, il prend celui d'une hélice magnétisante
longue et étroite; dans l'axe peuvent être placées des
aiguilles très courtes par rapport à la longueur de rhélice,
mais très longues par rapport à leur section. Dans ces con-
ditions, l'aiguille est aimantée uniformément, sauf au voi-
sinage des extrémités. Soit S la section de l'aiguille et i
l'intensité d'aimantation ; sur chaque unité de longueur il
y a une quantité de magnétisme m égale à Si ; c'est aussi
la quantité de magnétisme de chacun des pôles de l'ai-
mant. Si on désigne par 2/ la longueur de l'aiguille et par
M la distance des pôles, le moment magnétique M de l'ai-
guille est donné par la formule M = 'Imd ; d'autre part,
on sait, d'après la distribution du magnétisme dans les
aimants (V. ce mot), que, pour des aimants longs, c.-à-d.
pour ceux dans lesquels le rapport de la longueur à la sec-
tion dépasse une certaine valeur, la distance d'un pôle à
l'extrémité voisine est indépendante des dimensions, de
sorte que, si l'on prend diverses aiguilles toutes longues, on
aura une suite d'équations telles que :
Mj— 2m4==2m (h — k),
k représentant la distance constante d'un pôle à l'extré-
mité voisine. On déterminera pour chaque aiguille sa demi-
longueur U et son moment magnétique M, comme nous
allons le voir, et on pourra obtenir m et k. Comme d'autre
part m = S/, on obtiendra la valeur de i correspondante.
Si l'on fait alors varier progressivement la valeur de l'in-
tensité I du courant qui passe dans l'hélice et si l'on dé-
termine pour une série de valeurs rapprochées de I la
valeur de f, on pourra construire une courbe ou dresser
une table donnant les valeurs du rapport r, c.-à-d. de ce
que l'on appelle la fonction magnétisante quand on fait
croître I. Pour mesurer les moments tels que M|, on peut
employer la méthode suivante : on place l'hélice magnéti-
- 791 - ÉLECTROMAGNÉTISME
saute perpendiculairement à la direction du méridien ma-
gnétique ; puis, sur ce méridien et à une distance très grande
par rapport à la longueur de la spirale, on place un petit
barreau aimanté muni d'une petite glace et suspendu à un
fil de coton. On observe de loin avec une lunette les divi-
sions d'une règle graduée vue par réflexion sur le petit
miroir. Lorsque aucun courant ne traverse riiélice, le petit
barreau aimanté est dans la direction du méridien, et la
lunette vise la division ?Zo de la règle. Si on fait alors pas-
ser le courant dans l'hélice vide, elle produit une dévia-
tion a du petit barreau ; la lunette vise alors la division n^ ;
si l'on désigne par [x le moment magnétique de la spirale,
on a entre [x et a la relation \l z=z ktg ce, k étant ^ une
quantité qui restera constante pendant toute la durée de
l'expérience parce que l'on ne changera pas la distance du
barreau à l'héhce. Tang a est proportionnel à n^ — Uq, de
sorte que si C désigne une nouvelle constante, on aura
fjL =C (?^' — n^). Si on introduit alors l'aiguille, la dévia-
tion du barreau deviendra a^, sa tangente trigonométrique
sera donnée par n^ — n^, n^ étant la nouvelle division
visée par la lunette et l'on aura p. H-M^ = C (tî^ — Wo),
M^ étant le moment magnétique de l'aiguille lorsqu'elle
est soumise à l'action de l'hélice. Si on supprime alors le
courant, en laissant l'aiguille à sa place, celle-ci perdra
une partie seulement de son magnétisme, et, si l'on désigne
par M^^ le nouveau moment magnétique (magnétisme rési-
duel) on a encore M'^ = C {n\ — nç^),n\ étant la nou-
velle division visée par la lunette. A l'aide d'une boussole
des tangentes placées sur le même circuit que l'hélice on a
mesuré l'intensité I du courant employé; les trois équa-
tions écrites plus haut permettent, en éliminant C, d'avoir
M W^ i i^
Li et — et par suite de calculer — et ~, i, et i\ étant
les intensités du magnétisme temporaire et du magnétisme
résiduel par unité de longueur de l'aiguille. Comme d'autre
part [j. est proportionnelle à 1, on obtient les valeurs
(Je -^ et de -p en unités arbitraires. On pourrait les avoir
en valeurs absolues en déterminant les constantes, mais
cette détermination serait peu précise. M. Rowland a dé-
terminé ces rapports en valeurs absolues à l'aide d'un sys-
tème qui se prête mieux au calcul : l'aiguille est remplacée
par un tore, l'hélice enroulée sur une bobine par une hélice
enroulée sur un tore concentrique au premier et qui l'en-
veloppe. Avec cet appareil, M. Rowland est arrivé à ces
conclusions que : 1* avec de faibles courants, presque tout
le magnétisme est temporaire e\ résultat imprévu, ce phé-
nomène est plus complet avec l'acier qu'avec le fer doux ;
S'^ le magnétisme temporaire augmente avec Tintensité du
champ magnétique et proportionnellement ou à peu près;
3° au contraire, le magnétisme permanent semble n'appa-
raître qu'avec un champ d'intensité notable ; il croit alors
très vite, atteint rapidement un maximum et paraît ensuite
plutôt diminuer (V. à Aimantation, § Aimantation par les
courants, les dispositions à prendre pour aimanter les bar-
reaux d'acier).
II. Action des courants sur les aimants. — Lois de
l 'c'IectromagnéUsnie. Cherchons l'action élémentaire ,
c._à-d. l'action d'une molécule magnétique sur un élément
de courant. Voici les points sur lesquels la théorie s'ap-
puie ; ils ont été vérifiés par l'expérience : i^ Les actions
d'un pôle sur deux éléments de courants égaux de sens
contraire et coïncidant sont égales et opposées. 2^* Le fluide
boréal a la même intensité d'action quele fluide austral, car
un barreau d'acier trempé non aimanté n'éprouve pas d'ac-
tion de la part d'un courant. 3*^ Un courant sinueux qui
s'écarte infiniment peu d'un courant rectiligne ayant
mêmes extrémités agit avec la même intensité que ce der-
nier; on pourra donc toujours remplacer un élément de
courant par ses projections sur trois axes de coordonnées
passant par un de ses points. 4<* L'action d'un aimant sur
un élément de courant donne naissance à une ou plusieurs
ÉLECTROMAGNETISME
— 792 —
forces dont le point d'application est sur réléinent. On sait
que, lorsqu'un corps est soumis à l'action d'un nombre quel-
conque de forces, on peut toujours ramener ce système à
deux forces ; d'après l'énoncé précédent et d'après l'expé-
rience de Liouville qui le légitime, les seules forces appli-
quées à l'élément passent par cet élément. L'expérience de
Liouville consiste à suspendre un fil conducteur verticale-
ment de façon qu'il puisse tourner librement ; ce fil est
parcouru par un courant. Si on approche un aimant, le fil
ne tourne pas ; donc les forces auxquelles il est soumis
passent par son axe. On peut ramener ces deux forces,
quelles qu'elles soient, à deux autres, l'une perpendiculaire
à l'élément, l'autre passant par son milieu et de direction
quelconque. On vérifie par l'expérience que cette direction
est aussi perpendiculaire à l'élément. Ainsi les deux forces
auxquelles l'élément de courant peut être soumis sont per-
pendiculaires à cet élément. 5*^ L'action exercée sur un
élément de courant par un pôle situé sur le prolongement
de cet élément est nulle. 6° L'action exercée sur un élé-
ment perpendiculaire à la droite qui joint son milieu au
pôle est perpendiculaire au plan de l'élément et du pôle et
appliquée au milieu de l'élément. On le démontre en re-
marquant que, si on fait tourner le système de 480° autour
de la droite qui joint le pôle au milieu de l'élément, il n'y
a de changé que le sens du courant. Or, d'après 1<^, l'action
a changé seulement de signe, il faut pour cela que cette
action passe par cette droite et qu'elle soit perpendiculaire
au plan qu'elle détermine avec l'élément. D'autre part, si
on considère un pôle et un élément de courant non perpen-
diculaire à la droite qui passe par son milieu et par le pôle,
on pourra, d'après 3°, le remplacer par un courant sinueux
formé de deux parties rectilignes, l'une dirigée vers le pôle,
qui sera sans action, d'après 5**, l'autre perpendiculaire à
la première, qui donnera naissance à une force dont la
direction est déterminée par 6®. Maintenant que se trouve
déterminée la direction de l'action, il faut en déterminer
l'intensité. On ne peut réaliser un élément de courant ; il
faut avoir recours à un courant de forme simple, et de la
loi expérimentale trouvée déduire par le calcul la loi élé-
mentaire. Biot et Savart, qui ont fait cette rechercha, ont
pris un courant rectiligne assez long pour pouvoir être
considéré comme infini (ils étaient assurés que cette hypo-
thèse était légitime lorsque, après avoir pris un conducteur
long puis un autre d'une longueur double, ils trouvaient le
même résultat). Devant ce courant rectiligne supposé indé-
fini, ils ont placé à diverses distances un petit barreau
aimanté suspendu dans une cage en verre à un fil de co-
con ; tantôt on le soustrayait à l'action magnétique de la
M
K
^f,i
'm
m'
P
P'
N
N'
terre par la présence d'un barreau aimanté convenable-
ment placé, tantôt on en tenait compte. En faisant osciller
le petit barreau, ils ont trouvé que la force était inverse-
ment proportionnelle à la distance du barreau au courant ;
cette force était déduite du nombre d'oscillations, comme
dans le pendule. Cherchons maintenant la loi élémentaire.
Soit A un pôle magnétique ayant pour intensité magné-
tique (jl; soient MN, M^N^ deux positions différentes don-
nées au courant d'intensité I dans les expériences de Biot
et de Savart. Menons une droite kmyn! faisant ufl angle
w avec le courant, menons une droite knnf infiniment
voisine découpant par suite les deux éléments mn, m'n' ,
Si on désigne par c/S à%' leurs longueurs, l'action de [x sur
mn sera évidemment |i.yS sin w/' (r), car dS sin w est
la projection m'p de mn sur une perpendiculaire à Am,
seule partie utile, comme on l'a vu ; en 6° pn est sans
action ; / (r) représente la fonction inconnue de la distance
qui représente la loi élémentaire que nous cherchons. L'ac-
tion de mn^ sera [i.WS^ sin w/" (/). Mais la similitude
„ dS p'
des triangles Amn, AmV montre que 1 on a 5F/= r* ^^
que par suite
^SAr)
rf{r\
peut s'écrire ^y )J;. Ce rapport est
dSf(/)^"^"^" rf^y")
évidemment constant quel que soit Am. Si donc on prend
sur MN une série d'éléments contigus, tels que mn, si l'on
désigne par r^, r2, rj... leurs distances à A, si l'on divise
M^N' en éléments correspondants obtenus comme l'a été
m!n\ si l'on désigne par Z^, /g' ^'s ^^urs distances A,
wi, 03.2 étant les angles des droites qui joignent ces élé-
ments à A, on aura la suite d'égalités :
r{{f) _ rjjr^) ___ r,f(r^) ^
_. r/Çr^) sin to^
"~rV(^'i)sin(Oi
somme des numérateurs
//•(r')~./i/-('-'i)
que l'on pourra écrire
rf(r) __ rf (r) sin m
Vfî(F) ~ //■ (/) sin w
__ r/(r^)sinco2 _ _
r\f{r\) sin w^ ' " somme des dénominateurs
Or cette dernière fraction représente le rapport de l'action
de tout le courant MN à l'action de tout le courant M'N'.
L'expérience de Biot et Savart a montré que le rapport de
ces actions était égal au rapport inverse des distances. On
a donc :
rf{r) __ /
r'f{r') ~" r
Si nous faisons /=:=: 1 et si nous posons f{i) ~ C, il vient
Telle est la loi de la force et, par suite, l'action du pôle [j.
sur l'élément mn est exprimée par
(jLf^SsincL)
Connaissant maintenant l'action élémentaire, pour âvoir
dans chaque cas particulier la résultante de toutes ces
actions, il suffira d'intégrer cette expression entre des
limites convenables. Les expériences de Pouillet et de Bois-
giraud s'expliquent très bien par cette formule.
Expérience de Pouillet. Pouillet, en étudiant Faction
d'un courant vertical sur une aiguille aimantée pouvant se
mouvoir dans un plan horizontal, trouva, dans ce plan, une
ligne neutre : on appelle ainsi le lieu des points tels que,
lorsque le courant vertical y passe, il est sans action sur
l'aiguille. Ce lien se compose d'une perpendiculaire à l'ai-
guille menée par son milieu et d'un cercle ayant pour dia-
mètre la distance des pôles et passant par ces points. C'est
le résultat que l'on peut déduire de la loi élémentaire don-
née plus haut.
Expérience de Boisgiraud. Boisgiraud, ayant suspendu
à un fil une aiguille aimantée et l'ayant soumise à l'action
d'un courant horizontal, trouva que, suivant la position de
ce courant, il se produisait des attractions ou des répul-
sions, et que si on considérait toutes les positions paral-
lèles à une direction quelconque du fil qui ne produisait
aucune action on trouvait qu'elles rencontraient le plan ver-
tical normal à cette direction suivant une hyperbole équi-
latère ayant pour sommets les pôles de l'aimant.
III. Théorie électrodynamique du magnétisme. — Les
actions analogues des aimants et des courants sur les ai-
~ 793 — ÉLECTROMAGNllTISME — ÉLECTROMÈTRE
mants devaient amener les physiciens à chercher des assem-
blages de courants jouissant des propriétés des aimants :
ces assemblages existent : ce sont les solénoïdes (V. ce
mot). Le lecteur trouvera aussi au mot Magnétisme une
théorie proposée par Ampère dans laquelle les propriétés
des aimants sont ramenées à des eifets de courants.
IV. Applications. — Elles résident surtout dans les
applications innombrables des électro-aimants (V. ce
mot). ^ A. JOANNIS.
ÉLECT ROM ÊTRE. Instrument qui permet de mesurer
des quantités d'électricité ou des différences de potentiel.
Les électromètres les plus simples sont les électroscopes
(V. ce mot) disposés de façon à mesurer les indications
qu'ils donnent; ils sont peu précis et assez sensibles.
D'autres également très simples, mais disposés pour mesurer
de fortes charges électriques, sont très peu précis; tels
sont la bouteille électrométrique de Lane (V. Bouteille,
t. VII, p. 863), l'électromètre de Cuthbertson qui servent
surtout à mesurer approximativement la charge des batte-
ries. L'électromètre à décharge de M. Gaugain repose sur
un principe analogue, mais il s'applique à la mesure des
faibles charges ; il se compose d'un électroscope à feuilles
d'or (V. Electroscope) muni d'une seule colonne mise en
communication avec l'appareil que l'on veut charger ; le
bouton de l'électroscope est mis en communication avec la
source électrique par un fil de coton, médiocrement con-
ducteur. L'électricité amenée aux feuilles d'or les faisait
diverger et bientôt l'une touchait la colonne quand l'élec-
troscope avait atteint une certaine charge, et celle-ci pas-
sait dans le corps que l'on chargeait ; le nombre des contacts
renseignait sur la charge donnée ; que l'on remplace la
lame d'or si mobile par un pendule plus difficile à repousser
et l'on aura Télectromètre de Cuthbertson. Les divers thermo-
mètres électriques (V. Thermomètre) peuvent servir aussi
d'électromètres ; l'électromètre capillaire (V. Electroca-
pillaire), fondé sur un principe tout différent, est sensible
et précis; il s'applique aux différences de potentiel ne dé-
passant pas un volt environ. Les autres électromètres sont
classés par Thomson en trois groupes principaux : 1° Elec-
tromètres à répulsion. Tels sont l'électromètre à feuilles
d'or (V. Electroscope), la balance de Coulomb (V. ce
mot), l'électromètre de Peltier, l'électromètre à sinus de
Riess, etc. 2^ Electromètres symétriques. Un organe mo-
bile électrisé est suspendu vis-à-vis de deux systèmes de
corps conducteurs isolés l'un de l'autre et chargés à des
potentiels différents ; la déviation observée est une fonc-
tion du potentiel de la partie mobile et de celui des corps
fixes. Tels sont les électromètres à quadrants de Thomson
ou de Branly, etc. 3^ Electromètres-balances, Ce sont ceux
où les attractions électriques sont équilibrées par des poids.
Tel est l'électromètre absolu de Thomson. Nous allons ra-
pidement décrire les appareils peu employés et insister sur
ceux dont on se sert surtout actuellement.
I. Electromètres a répulsion (V. Electroscope et Ba-
lance de Coulomb). — Electromètre de Peltier, Sa dis-
position générale ressemble assez à la balance de Coulomb,
mais, au lieu que ce soit la torsion d'un fil qui fasse
équilibre aux répulsions électriques, c'est la force direc-
trice d'une petite aiguille faiblement aimantée ; elle est
fixée sur la partie mobile, et on mesure l'angle dont elle
est déviée ; celle-ci est suspendue sur une pointe fixe de
façon à être très mobile.
Electromètre à sinus de Riess, Il se compose d'une
cage cylindrique verticale en verre pouvant tourner autour
de l'axe du cylindre devant une graduation circulaire. Cette
cage est traversée de part en part par une tige métallique
horizontale T, qui porte en son milieu un pivot sur lequel
repose une aiguille aimantée faisant avec la tige T un angle
que l'on ramène à être toujours le même. Sur la partie
supérieure de la cage se trouve une petite lunette qui
est mise au point pour qu'on voie la pointe de l'aiguille
aimantée ; chaque fois qu'on amène l'image de la pointe de
cette aiguille au point de croisement des fils du réticule,
l'aiguille fait avec la tige T le même angle A. Ceci posé,
l'aiguille étant dans le méridien magnétique et à la dis-
tance angulaire A de la tige T, on met cette tige avec le
corps électrisé, l'aiguille aimantée se trouve électrisée en
même temps, et repoussée par T ; on ramène l'angle d'écart
à être A, ce que l'on peut faire grâce à la lunette, en tour-
nant tout le cylindre ; soit a l'angle dont on l'a tourné ; il
est facile de voir que l'aiguille aimantée se trouve alors à
une distance angulaire a du méridien magnétique, et que
par suite la force magnétique proportionnelle à sin a me-
sure la répulsion électrique qui, on le sait depuis Coulomb,
est proportionnelle au carré de la charge. La charge est
donc proportionnelle à la racine carrée du sinus de l'angle
dont on doit tourner tout l'appareil pour maintenir cons-
tant l'angle A.
II. Electromètres symétriques. — Electromètre à
quadrants de Thomson. Considérons une boîte métallique
ayant la forme d'un cyhndre circulaire droit aplati, et cou-
pons-la par deux plans rectangulaires passant par l'axe du
cylindre, nous for-
merons ainsi les
quatre quadrants de
rélectromètre. On les
soutient, comme le
montre la fig. i, à
l'aide de tiges de
verre isolantes. Une
partie mobile en alu-
minium, ayant la
forme de deux lames
circulaires de 90*^
rattachées l'une à
l'autre par deux
bandes étroites figu-
rent les rayons ex-
trêmes de ces qua-
drants. Cette partie
peut être soutenue
par un système bifi-
laire, par un fil de
torsion ou un fil de
cocon qui ne déve-
loppe pas de torsion.
Dans ce cas on ajoute
au système une pe-
tite aiguille aimantée
pour avoir une force faisant équilibre aux forces électriques.
La partie mobile est située à l'intérieur de l'espèce de
boite formée par le rapprochement des quatre quadrants
creux. A la partie inférieure de l'aiguille est suspendu dans
l'axe un fil de platine qui plonge dans de l'acide sulfu-
rique concentré mis en relation avec le corps dont on veut
mesurer le potentiel. Ce fil de platine porte un très petit
miroir qui sert à observer les déviations de la partie mo-
bile à l'aide d'un rayon lumineux que l'on fait tomber des-
sus. La partie du fil de platine plongé dans l'acide peut se
recourber en anneau ; on diminue ainsi les oscillations de
l'aiguille par suite du frottement qu'exerce l'acide. Les
quadrants opposés sont reliés entre eux ; une de ces paires
est mise en communication avec le pôle positif d'une pile
formée d'éléments très petits, et l'autre paire communique
avec le pôle négatif ; l'élément qui est au milieu de la pile
est mis en communication avec le sol; deux quadrants voi-
sins ont ainsi des potentiels égaux et des signes contraires.
La sensibilité de l'instrument est, toutes choses égales
d'ailleurs, proportionnelle au nombre des éléments de la
pile. Les fils de la suspension bifilaires sont attachés à un
petit treuil porté par une colonne creuse qui repose sur une
boîte métallique qui enveloppe tout l'appareil et le sous-
trait aux influences électriques extérieures. Des tiges iso-
lées servent à faire communiquer les quadrants avec les
pôles de la pile et l'acide sulfurique dansMequel plonge l'axe
prolongé de l'aiguille mobile avec le corps dont on veut
- Electromètre à quadrants
de Thomson.
ELECTROMÈTRE
— 794 -
déterminer le potentiel. Si l'on désigne par V le potentiel de
l'aiguille, par V^ et V^'^ceux des deux paires de quadrants,
par C une constante, et par a l'angle de déviation, on dé-
montre que la formule générale de l'équilibre est :
Sin a == C (V^ - Y') (y - ^^^^Y^').
La sensibilité est proportionnelle à la capacité de l'aiguille
et à la longueur des fils de suspension et en raison inverse
du carré de l'écartement des fils et du poids de l'aiguille.
Pour déterminer C, on compare les indications de cet ins-
trument avec celles d'un électromètre absolu, c.-à-d. avec
celles d'un appareil dont la forme géométrique est assez
simple pour que l'on puisse calculer directement les cons-
tantes qui entrent dans l'équation de l'équilibre qui lui
correspond. La formule montre que sin a est nul, c.-à-d.
que l'aiguille n'est pas déviée quand V^ = V'^ quel que
soit V, c.-à-d. lorsque les quatre quadrants sont au même
V 4- y^^
potentiel ou bien lorsque V z^ — - — , c.-à-d. lorsque le
potentiel de l'aiguille est la moyenne arithmétique des po-
tentiels des quadrants. Seulement la formule précédente a
été établie en négligeant les bandes étroites qui relient les
deux lames circulaires qui constituent la partie mobile. En
en tenant compte, on trouve que la déviation ne peut être
nulle quand V = \^^ que si l'aiguille est disposée symé-
triquement par rapport aux quadrants, et on utilise cette
remarque pour le réglage de l'instrument. En supposant
que l'on charge les quadrants comme nous l'avons dit avec
deux potentiels égaux et de sens contraire, on sl\^^=: — V^
et la relation se simplifie et devient sin a mr 2CVV^ ou, si
la déviation a est très petite, a :=KVV', K étant une cons-
tante ; on peut d'ailleurs employer d'autres dispositions :
on peut mettre une paire de quadrants au même potentiel
que l'aiguille, alors V^=: V, et l'autre paire en communica-
tion avec le sol, V^'' = 0. Alors la formule se réduit à
a = K^V'^. Mais ici la sensibilité est faible si V est faible,
tandis qu'avec la première disposition (a=iKVV^), on peut
avoir une déviation notable, même si V est faible ; il suffit
que V^ soit grand. Le potentiel V^ est fourni par une sorte
de bouteille de Leyde qui ne perd que très lentement son
électricité (1 <*/o par vingt-quatre heures par exemple).
Deux appareils accessoires, un reproducteur et une jauge,
servent le premier à fournir l'électricité perdue, le second
à vérifier que le potentiel est revenu à sa valeur primitive.
Electromètre de Branly. Les quatre quadrants de l'ap-
pareil précédent sont remplacés par quatre secteurs plats
disposés de même ; l'aiguille mobile a la même forme que
précédemment ; elle est suspendue à un fil de torsion en
argent qui sert en même temps à la charger ; les secteurs
opposés sont réunis, et ces deux couples de secteurs sont
mis à des potentiels différents, par exemple avec les pôles
d'une pile formée d'une centaine de tout petits éléments,
cuivre, zinc, eau. L'aiguille mobile estalors reliée au corps
dont on veut mesurer le potentiel. Cet appareil est d'une
construction plus facile que celui de Thomson ; il est plus
facile à manier et à régler, mais il est moins sensible et
moins précis,
III. Electromètres-balances. — V électromètre ab-
solu de sir W. Thomson représente le meilleur modèle de
ces instruments. Dans cet appareil on mesure à l'aide d'un
ressort, dont l'action a été comparée à celle de poids connus,
l'attraction éprouvée par un disque circulaire chargé d'un
potentiel V de la part d'un plan indéfini ayant unpoten-
tiel V^. Le disque et le plan sont parallèles et à une dis-
tance d. En admettant que le disque circulaire est chargé
uniformément d'électricité, même sur les bords, et nous
verrons plus loin le procédé employé par Thomson pour
réaliser cette condition d'une façon très approchée, on
trouve par le calcul que l'attraction A exprimée en unités
absolues est donnée par la formule suivante :
S étant la surface du disque. — Pour obtenir sur le disque
une densité électrique constante, on le place à l'inté-
rieur d'un plateau, à peu près de même épaisseur, percé
d'une ouverture circulaire d'un diamètre qui dépasse
celui du disque d'un millimètre environ ; ce faible in-
tervalle suffit à assurer le libre jeu du disque, et la
présence de cet anneau de garde rend la densité élec-
trique du disque à
très peu près cons-
tante ; la seule cor-
rection à faire con-
siste à prendre pour
quantité S qui entre
dans la formule (1),
non pas la surface
du disque, mais une
moyenne entre celle
du disque et celle de
l'anneau de garde
qui en diifère très
peu. Le disque mo-
bile est suspendu à
une tige par l'inter-
médiaire de trois
ressorts ; cette tige
porte un pas de vis
passant dans un
écrou et muni d'un
limbe gradué qui
sert à mesurer les
fractions de tour
dont on le déplace.
Sur l'anneau de
garde repose une
sorte de couvercle
qui recouvre le disque et protège sa face supérieure
contre l'action électrique des corps voisins. La partie
cylindrique de ce couvercle porte une très petite lentille ;
un fil fin horizontal placé sur le disque mobile d'une
façon invariable donne avec cette lentille une image
qui vient se former entre les pointes de deux vis très rap-
prochées lorsque la face supérieure du disque mobile est
exactement dans le plan de la face inférieure de l'anneau
de garde. Une loupe sert à constater cela plus facilement.
Le plan électrisé situé au-dessous du disque mobile et qui
possède un diamètre à peu près égal à celui de l'anneau de
garde est supporté par une vis micrométrique servant à
l'éloigner ou l'approcher du disque mobile ; une échelle et
un vernier permettent de mesurer les déplacements qu'on
lui fait subir. On peut mettre l'équation (i) sous la forme
-Electromètre absolu de
Thomson.
y — V^ziKi
\/ï*.
mais comme d serait difficile à mesurer directement, on
opère de la façon suivante : on porte le disque mobile et
l'anneau de garde au potentiel V qui restera constant pen-
dant toute l'expérience, et l'on charge le plateau au poten-
tiel V^; il attire le disque mobile, mais on peut, en tournant
la vis qui le supporte et celle qui porte le plateau, faire en
sorte que le disque mobile soit exactement dans le plan de
l'anneau de garde, ce dont on s'assure à l'aide delà dispo-
sition dont nous avons parlé. On ht alors la position du
plateau donnée par la règle graduée et le vernier de la vis
micrométrique ; soit d la distance inconnue entre le disque
et le plateau dans cette première expérience. On donne
alors au plateau un autre potentiel V^^ et l'attraction se
trouvant changée on fait varier la position du plateau à
l'aide de la vis micrométrique qui lui correspond, de façon
à amener de nouveau le disque mobile exactement dans le
plan de l'anneau de garde ; on lit alors la position nouvelle
donnée par le vernier, soit D la nouvelle distance du disque
et du plateau; elle est inconnue comme la première, mais
on connaît D — c? par la différence des nombres lus sur la règle
- 795 -
ÉLLCTROMÈTRE - ÉLECTROPHORE
dans les deux expériences. On a les équations suivantes se
rapportant aux deux équilibres obtenus :
J^Y — dJ:
SttA
S
V - V^'
:D\/^
d'où l'on déduit par différence :
Il n'y a plus qu'à déterminer A. On y arrive en déchar-
geant tout l'appareil. Le disque n'étant plus attiré par ce
plateau, remonte au-dessus de l'anneau de garde, mais en
le chargeant de poids croissants, on arrive à le ramener à
cette position ; les poids mis représentent l'attraction A.
On peut faire cela une fois pour toutes en mettant succes-
sivement divers poids sur le disque mobile et déterminant
chaque fois la position qu'il faut donner au limbe gradué de
la tige qui porte le disque mobile pour l'amener dans le
plan de l'anneau de garde. On pourra construire avec ces
nombres une table donnant pour chaque position du limbe
la valeur de A correspondante ; il sera bon de vérifier ces
nombres de temps en temps pour voir si l'élasticité des res-
sorts est restée la même. Cette méthode suppose que l'on
puisse maintenir constant, pendant le temps nécessaire aux
expériences, le potentiel du disque et de l'anneau de garde.
L'électromètre de Thomson porte pour cela deux petits
appareils placés sur la partie supérieure de l'électromètre ;
ce sont le reproducteur et la jauge. Le reproducteur est
une très petite machine électrique qui donne de l'élec-
tricité par influence ; elle est amorcée par l'électricité
même de l'anneau de garde et elle augmente son potentiel
quand on tourne, dans un certain sens, le bouton qui la met
en mouvement ; elle le diminue si on tourne dans l'autre
sens. La jauge est un appareil fondé exactement sur le
même principe que l'électromètre lui-même, mais beaucoup
plus sensible : une plaque entourée d'un anneau de garde
et portée par une suspension très délicate, est attirée par
un plateau en communication avec l'anneau de garde et
ayant par suite le même potentiel ; un dispositil analogue
à celui décrit plus haut permet de reconnaître le moment où
ce disque est exactement dans le plan de son anneau de
garde. Avant de faire chaque expérience, on tourne le re-
producteur jusqu'à ce que la jauge indique que l'on est
revenu au potentiel primitif. Cet appareil est très précis.
A. JOANNIS.
BiBL, : RiESS, Ann. chim. phys. (3), XLVI, p. 502. —
Thomson, Reprint o/*- papers on electrostatics and ma-
gnetism^ I, pp. 287 et 306.— Mascart et Joubert, Leçons
sur iéleclricité et le magnétisme, I, p. 184.
ÉLECTRO MOTEUR. On appelle ainsi tout appareil
susceptible de donner naissance à des courants électriques.
Les piles, les machines magnéto ou dynamo-élec-
triques, les machines électriques, les systèmes de M. Lip-
mann à écoulement discontinu de mercure fondés sur les
phénomènes électrocapillaires, sont des électromoteurs.
Du temps de Volta on appelait électromoteurs les corps
capables de produire des courants électriques : ainsi Volta
disait que les métaux étaient des corps bons électromoteurs.
ÉLECTROMOTRiCE (Force). On appelle force électro-
motrice du système hétérogène le plus simple la différence
de potentiel de ses deux parties ; la force électromotrice
d'une pile par exemple est la différence de potentiel de ses
deux pôles ; la force électromotrice de l'arc électrique est
la différence de potentiel des charbons entre lesquels il
jaillit, etc. On peut arriver expérimentalement à la notion
des forces électromotrices de la façon suivante : si on prend
une pile toujours de même nature, qu'on rehe ses pôles à
l'aide d'un fil conducteur et que l'on mesure l'intensité I
du courant en faisant varier la nature du fil, les dimen-
sions et la distance, mais non la nature des pôles et des
liquides de la pile, on trouve que l'intensité est donnée par
l'expression I — ^ — -, R et r étant la résistance de la
pile et du circuit et E étant une constante qui reste
telle tant que l'on ne change pas la nature de la pile ; elle
varie au contraire avec la nature de la pile ; on peut
définir cette constante force électromotrice de la pile con-
sidérée ; on a vérifié que les deux définitions sont équiva-
lentes ; toutes les deux peuvent servir à déterminer sa
valeur dans chaque cas particulier. Si, au lieu de considérer
un système composé de deux parties, auquel correspond
une force électromotrice, nous considérons un système
composé des parties A, B, C, D,... M, N, nous pourrons
encore appeler force électromotrice du système la différence
de potentiel de ses parties extrêmes ; cette force sera alors
la somme algébrique des forces électromotrices de ses
diverses parties, c.-à-d. la somme algébrique des* diffé-
rences de potentiel entre A et B, B et C, CetD, etc., M etN.
En particulier, si nous considérons une pile Bunsen munie
de ses rhéophores en cuivre, nous trouvons que le système
se compose du fil de cuivre attaché au charbon (A), du
charbon (B), de l'acidj} azotique (C), de l'acide sulfurique
étendu (D), du zinc E, du fil de cuivre attaché au pôle né-
gatif F ; une pile de Bunsen est donc une chaîne de six
composés différents, et la force électromotrice ou différence
de potentiel entre ses pôles sera la somme algébrique des
différences de potentiel entre ces divers corps au contact.
Pour la détermination pratique de la force électromotrice,
V. CoxNSTANTE DES PILES. Pour Thistorique et pour les
preuves de l'existence d'une force électromotrice de contact
entre des corps de nature différente, V. Galvanisme.
A. JoANNIS.
ÉLECTRON (Antiq.) (V. Asèm, t. IV, p. 83).
ÉLECTROPHORE. C'est une machine électrique réduite
à sa plus simple expression : un gâteau de résine, ou d'une
autre substance isolante, est coulé dans un moule métal-
lique. On électrise ce gâteau en le frottant ou le frappant
avec une peau de chat ; il s'électrise négativement ; on pose
dessus un plateau métallique ou un plateau de bois recou-
vert de papier d'étain et muni d'un manche isolant. Son
fluide neutre est décomposé par influence par l'électricité
négative du gâteau de résine, l'électricité positive attirée
sur la face inférieure, l'électricité négative repoussée à la
face supérieure. On touche celle-ci avec le doigt et Pélec-
tricté négative va dans le sol. On enlève alors le doigt et on
soulève par le manche isolant le plateau qui se trouve
chargé positivement ; on peut en effet en approchant le
doigt en tirer une étincelle ; comme d'ailleurs la résine n'a
pas' perdu son électricité, les mêmes phénomènes vont pou-
voir se reproduire pendant très longtemps. L'instrument
est donc aussi simple que la façon de l'utiliser. Mais la
théorie en est beaucoup plus comphquée si l'on veut se
rendre compte des phénomènes, non pas d'une façon gros-
sière, comme nous venons de le faire, mais en détail. Déjà
Ingenhouz avait montré le rôle important du moule métal-
lique dont la présence rend les électrophores beaucoup plus
puissants; les charges obtenues sur le plateau métallique
ne sont d'ailleurs pas les mêmes selon que le moule est ou
non en relation avec le sol. M. Bull', en prenant un élec-
troscope dont la tige portait, au lieu de la boule habituelle,
un plateau sur lequel reposait un gâteau de résine, a pu
vérifier la nature de l'électricité dont se chargeait le moule
des électrophores, ici le plateau de l'électroscope, pendant
les diverses parties de l'opération. M. Buff a vérifié en
outre que, lorsqu'on superpose plusieurs disques de résine
et que l'on électrise la face supérieure de cette pile de
disques, la face inférieure de la pile est électrisée en sens
inverse, et, si on examine chacun des disques intermédiaires,
on trouve qu'il est électrise différemment sur ces deux
faces. En frottant donc avec de la peau de chat la surface
d'un gâteau de résine, on l'électrise négativement, tandis
que de l'électricité positive prend naissance sur l'autre face
du gâteau de résine, en contact avec le moule ; celui-ci
éprouve une décomposition par influence tout à fait ana-
logue à celle du plateau, mais sous l'influence d'une élec-
tricité de signe contraire; il se charge donc comme le
ÉLECTROPHORE ^ ÉLECTROSCOPE — 796 —
plateau, mais d'électricité contraire, et, si le moule est isolé
comme le plateau, on tirera une étincelle en approchant le
doigt du moule ou du plateau. Si on touche d'abord le
moule après l'étincelle, les feuilles d'or de l'électroscope de
Buff retomberont. Si on touche alors le plateau supérieur,
un nouvel équilibre se produira, une nouvelle décomposi-
tion par influence aura lieu dans le plateau faisant fonction
de moule, les feuilles d'or divergeront de nouveau, et le
doigt approché du moule en tirera une étincelle en faisant
retomber les feuilles d'or. Si à ce moment on enlève le
plateau supérieur il est chargé positivement, et son éloigne-
ment produit dans la résine et dans le plateau de l'élec-
troscope un nouvel équilibre qui se traduit par une nou-
velle déviation des feuilles d'or.
Les électrophores faits avec de la résine sont exposés à
se casser ; on remplace souvent ce corps par du caoutchouc
durci ou par un mélange de résine, de gomme laque et
d'un peu de térébenthine et de suif. On a fait des électro-
phores très puissants avec des plateaux de plus de 2 m.
de diamètre. A. Joannis.
ÉLECTROPUNCTURE (V. Electrolyse).
ÉLECTROSCOPE. Instrument destiné à reconnaître
si un corps est chargé d'électricité et quel est le signe
de cette électricité. Les premiers électroscopes consis-
taient en boules de moelle
de sureau suspendues à un
fd ou fixées à une aiguille
légère pouvant se déplacer
très facilement sur un pivot ;
on présentait à la boule de
sureau le corps que l'on vou-
lait examiner ; m'attirait s'il
était électrisé ; pour voir le
signe de l'électricité, on
chargeait la balle de su-
reau d'une électricité con-
nue en la touchant par
exemple avec un bâton de
résine électrisé par frot-
tement et voyant si le corps
étudié l'attirait ou le re-
poussait; dans le premier
Electroscope à feuilles d'or.
cas, il est chargé d'électricité de nom contraire, et de
même nom dans le second cas. Ces électroscopes sont peu
sensibles. L'électroscope le plus employé, beaucoup plus
sensible que les précédents, est l'électroscope à feuilles
d'or. Il se compose de deux feuilles d'or très minces, telles
que celles qui servent à la dorure par application ; elles
sont suspendues à l'extrémité d'une tige métallique qui se
termine à l'autre bout par une petite sphère de cuivre.
Cette tige passe par la tubulure d'une cloche de verre en
traversant un bouchon. Une couche de gonmie laque est
étalée à l'extérieur sur la partie supérieure de la cloche ;
de cette façon, le verre de cette partie de l'appareil ne con-
dense pas de vapeur d'eau contenue dans l'air, et l'isole-
ment de la tige métallique est plus complet. La cloche
repose sur un plateau métallique qui porte souvent deux
petites colonnes métalliques terminées par des boules situées
un peu plus haut que l'extrémité intérieure des feuilles
d'or. Cette disposition a un double rôle : elle augmente la
sensibilité de l'instrument d'une part, et de l'autre elle
empêche les charges électriques trop fortes de mettre l'ap-
pareil hors d'usage ; à ce point de vue, c'est une sorte de
soupape. L'air intérieur de la cloche est desséché à l'aide
de chaux vive ou de chlorure de calcium contenu dans un
petit vase de verre. On peut, à l'aide de cet instrument,
voir si un corps est chargé d'électricité, sans charger
l'électroscope ; il suffit pour cela d'approcher lentement le
corps de la boule supérieure de l'appareil ; si le corps
approché est électrisé, il décompose par influence le fluide
neutre contenu dans la tige et les feuilles d'or, attirant
l'électricité contraire à la sienne dans la boule et la partie
supérieure de la tige, repoussant rélectricité de même
nom dans les deux feuilles d'or, qui se trouvent ainsi char-
gées de la même électricité et se repoussent ; comme elles
sont très légères, il suffit d'une très faible charge, ainsi
développée par influence, pour leur donner un angle
d'écart sensible ; d'autre part, ces feuilles d'or électrisées
décomposent à leur tour par influence le fluide neutre con-
tenu dans les tiges métalliques du plateau de l'appareil,
attirant sur leurs boules l'électricité de nom contraire,
repoussant l'autre dans le plateau ; l'écart des feuilles est
donc augmenté par la présence des tiges, puisque à la ré-
pulsion des feuilles d'or s'ajoute l'etfet des attractions de
chaque feuille par la boule la plus voisine. En outre, si
par suite d'un approchement trop rapide du corps électrisé
on venait à faire diverger trop les feuilles d'or, au lieu de
venir toucher les parois de la cloche et s'y coller parce que
le verre est mauvais conducteur, elles viendraient toucher
les tiges métalliques, s'y décharger, et l'appareil reviendrait
à sa position primitive ; au contraire, lorsque les feuilles
d'or ont adhéré au verre, il faut un temps très long pour
qu'elles se détachent. On peut donc de cette façon voir si
un corps est électrisé. Pour voir la nature de son électri-
cité, on charge d'abord l'électroscope avec une électricité
connue : pour cela on en approche lentement un corps
chargé d'une électricité connue, d'électricité positive par
exemple. Celle-ci décompose par influence le fluide neutre
dans l'électroscope ; elle attire sur la boule de l'électro-
scope l'électricité de nom contraire, c.-à-d. l'électricité
négative, et repousse l'autre dans les feuilles d'or qui diver-
gent. Cette divergence augmente à mesure que l'on approche
davantage le corps influençant; quand on la juge suffisante,
on place le doigt sur la tige de l'électroscope et par suite
on la fait communiquer avec le sol.
A ce moment les feuilles d'or ainsi reliées au sol retom-
bent en contact; le fluide neutre du bras et de la main
est décomposé par influence; une partie du fluide négatif
attiré par le corps influençant vient sur l'électroscope ; le
fluide positif est repoussé dans le sol; on retire alors le
doigt; l'état d'équilibre du système n'est pas changé; les
feuilles d'or restent immobiles; puis on retire le corps
chargé d'électricité positive que l'on avait approché ; les
feuilles d'or divergent alors parce que l'électricité négative,
primitivement retenue dans la partie supérieure de la tige
par la présence du corps influençant, se répand sur toute
la tige et dans les feuilles d'or. L'électroscope se trouve
ainsi chargé par influence d'une électricité contraire à celle
du corps dont on s'est servi pour cela. On charge l'élec-
troscope par influence et non par contact, parce qu'il est
plus facile ainsi de régler la charge qu'on lui donne et par
suite l'écart des feuilles d'or.
L'électroscope ainsi chargé d'une électricité connue, on
peut s'en servir pour déterminer la nature de l'électricité
d'un corps électrisé ; pour cela on approche très lentement
ce corps de l'appareil et on observe les feuilles d'or. Deux
cas peuvent se présenter : leur divergence augmente ou
diminue (elle ne peut rester la même). Si la divergence
augmente, c'est que la répulsion éprouvée par les feuilles
d'or augmente et que par suite leur charge augmente ; cette
augmentation provient non pas d'une augmentation de la
charge de toute la tige, mais d'une distribution nouvelle
du fluide sur la tige : l'électricité négative a donc été en
partie repoussée dans les feuilles. On en conclut que le corps
électrisé, approché de la boule de l'appareil, devait conte-
nir de l'électricité négative, puisqu'il repousse l'électricité
négative. Si au contraire la divergence diminue, c'est qu'une
partie du fluide négatif des feuilles d'or a été attirée dans
la tige ; le corps étudié était donc chargé d'électricité de nom
contraire à celle de l'électroscope. On peut donc connaître
le signe de l'électricité du corps dans un cas comme dans
l'autre. Mais dans le premier cas il est nécessaire d'opérer
avec précaution. En effet, supposons que l'on approche
de l'électroscope chargé négativement un corps chargé
positivement : il va y avoir tout d'abord diminution de la
divergence; il pourra arriver un moment où, ù force de se
— 797
ÉLECTROSCOPE - ELECTROTHÉRAPIE
rapprocher, les feuilles d'or arriveront en contact ; si Ton
continue alors d'approcher le corps électrisé, il décomposera
dans l'appareil une nouvelle quantité de fluide neutre, et les
feuilles d'or divergeront de plus en plus ; si l'on a mal
opéré, si l'on a approché trop vite le corps électrisé, on
peut n'avoir pas aperçu le rapprochement des feuilles et
n'observer que l'écartement, ce qui conduirait au résultat
opposé à celui que l'on doit trouver. Supposons maintenant
qu'on approche de l'électroscope chargé négativement un
corps à l'état neutre : son fluide neutre sera décomposé par
influence, et son extrémité la plus voisine de l'électroscope
sera chargée positivement ; un corps neutre se comportera
donc comme un corps chargé d'électricité de nom con-
traire à celle de l'électroscope ; il donnera un rapproche-
ment des feuilles. Supposons enfin un corps chargé de la
même électricité que celle de l'électroscope, mais ayant une
très petite charge par rapport à celle de l'électroscope.
Lorsque le corps sera très loin de l'appareil et qu'on l'ap-
prochera, la divergence augmentera comme nous l'avons
vu, mais ensuite le fluide neutre du corps, décomposé par
l'influence de l'électroscope, accumulera sur l'extrémité du
corps la plus voisine une quantité de fluide positif qui ira
en croissant à mesure qu'on approchera le corps et qui, à
un certain moment, annulera exactement la charge négative
du corps ; à partir de ce point, le corps se comportera
comme s'il était neutre. Ce cas se présente rarement, les
électroscopes possédant en général une charge beaucoup
plus faible que celles des corps que l'on étudie. On peut
d'ailleurs recommencer l'essai en chargeant l'électroscope
d'électricité positive. On doit retrouver les eff'ets contraires
à ceux observés dans le premier cas. Si l'on retrouve les
mêmes effets, c'est que le corps est ou bien à l'état neutre
ou bien très faiblement électrisé et que l'on n'a pas dans
ce dernier cas observé la répulsion suivie d'attraction ou
inversement. On essayera alors de charger un électroscope
avec le corps étudié ; on n'y parviendra pas s'il est à l'état
neutre ; sinon on obtiendra une faible déviation des feuilles
d'or et à l'aide d'un corps chargé d'une électricité connue
en petite quantité, on déterminera la nature de l'électricité
de l'électroscope.
Electroscope de Bohnenberger. Sa disposition générale
rappelle l'électroscope à feuilles d'or : les deux tiges mé-
talliques fixées sur le plateau sont remplacées par deux
piles sèches d'intensité égale, les pôles contraires en regard,
et il n'y a qu'une feuille d'or qui pend verticalement à
égale distance des boules qui terminent les pôles de la pile
et qui subit de la part de ces pôles des actions égales qui
se neutralisent. Si l'on vient à approcher de la boule de
l'électroscope un corps chargé d'une électricité inconnue,
elle décompose le fluide neutre de la tige et de la feuille
d*or, repousse dans celle-ci l'électricité de même nom que
la sienne, et la feuille d'or s'incline du côté du pôle de la
pile chargé de l'électricité contraire. Un corps à l'état
neutre ne produit pas d'efi'et.Cet instrument est moins sen-
sible que le précédent, mais il indique immédiatement si le
corps est de l'état neutre ouïe signe de son électricité, sans
qu'il soit besoin de le charger au préalable ou de faire plu-
sieurs essais.
On peut préciser les indications de ces instruments et les
transformer en électromètres (V. ce mot), par exemple en
mesurant la déviation des lames d'or sur leur ombre obte-
nue sur un écran avec une bougie et en graduant l'appareil
d'une façon empirique : on peut prendre pour cela deux
électroscopes à feuilles d'or identiques. On charge l'un
d'électricité de façon à obtenir une grande déviation qu'on
se propose de ne pas dépasser, et on mesure la déviation
correspondante ; puis on fait communiquer les deux élec-
troscopes, qui, étant identiques, se partagent également la
charge ; la déviation mesurée alors correspond à une moitié
de charge ; on supprime alors la communication ; on dé-
charge l'un des électroscopes en le touchant avec la main,
puis on le met en communication avec l'autre ; il lui prend
encore la moitié de sa charge et on observe l'écart, etc.
On gradue ainsi l'électroscope en prenant comme unité
arbitraire la charge maxima choisie ; les divisions succes-
sives représentent la moitié, le quart, le huitième, etc.,
de cette charge. A. JoanxMS.
ÉLECTROSTATIQUE. L'étude de l'électricité statique
comprend les phénomènes présentés par les corps électrisés
arrivés à un état d'équiUbre électrique. Elle comprend par
conséquent les attractions et les répulsions électriques, la
distribution de l'électricité sur les corps. On lui joint en
outre l'étude de la déperdition de l'électricité qu'éprouvent
les corps électrisés sous l'influence de l'air ainsi que les
effets de la décharge électrique des batteries. La théorie
des machines électriques fait aussi partie de l'électricité
statique ainsi que celle des instruments, électroscopes
et électromètres, qui servent aux mesures. Pour les pro-
cédés propres à observer et à mesurer les attractions
et les répulsions électriques ainsi que pour les lois que
l'on en déduit, V. Attraction électrique. Pour la dis-
tribution de l'électricité sur les corps, V. Distribution
et Potentiel. Pour la déperdition, V. Perte de l'élec-
tricité. V. aussi Condensation, Bouteille de Leyde,
Batterie, etc. Pour l'historique de l'électricité statique, si
intimement lié à celui de l'électricité dynamique, V. Elec-
tricité. A. JOANNIS.
ÉLECTROTHÉRAPIE. En laissant de côté les tentatives
un peu empiriques des médecins allemands du commence-
ment du siècle, Grapengiesser, Jacobi, Walther, on peut
donner comme point de départ de l'électrothérapie les tra-
vaux de Duchenne de Boulogne, de 4847 à 1830, résumés
dans deux ouvrages célèbres : V Electrophysiologie des
mouvements (1851); V Electrisation localisée (1855).
Duchenne employait presque uniquement les courants in-
duits, et c'est lui qui désigna ce mode d'électrisation sous
le nom de faradisation. En 18o8, Temploi des courants
continus trouvaient dans Remak un éloquent défenseur
( Galvanothérapie des maladies des nerfs et des muscles) .
Un an plus tard, Baierlacher montrait par l'étude de la réac-
tion de dégénérescence l'utilité de l'application de l'électricité
au diagnostic de certains troubles nerveux. L'électricité
statique, alors complètement abandonnée à la Salpêtrière,
a conquis, grâce à l'impulsion de Vigouroux, une place
importante en électrothérapie. L'électrothérapie devait pro-
fiter, comme toutes les branches de l'électricité, des progrès
remarquables qui ont pour point de départ le congrès de
1881. L'introduction des mesures électriques précises a
permis de doser en quelque sorte l'électricité comme on
dose un médicament quelconque et de rendre les observa-
tions comparables entre elles. A cet égard, la galvano-
thérapie a surtout profité, et l'étude des variations de
résistance du corps humain a pu commencer. Les appli-
cations de l'électricité à la gynécologie, déjà entrevues par
Tripier dès 1836, ont été considérablement multipliées après
les traitements heureux d'Apostoli, principalement pour
les tumeurs fibreuses de l'utérus; enfin les forces électro-
lytiques sont utilisées non sans succès dans les rétrécis-
sements uréthraux ou œsophagiens. A l'heure actuelle,
l'électrothérapie, longtemps méconnue, n'ayant pour elle
que de rares défenseurs de réelle valeur, voit son champ
d'action continuellement s'agrandir.
Les applications de l'électricité au traitement des mala-
dies sont actuellement fort nombreuses ; locahsées pendant
longtemps aux affections englobées sous le nom général
de nerveuses, elles ont vu leur champ s'étendre dans ces
dernières années, principalement dans le domaine gynécolo-
gique. Les cures obtenues par l'électricité dans les névral-
gies, les anesthésies, les crampes et tous ces troubles
d'origine essentiellement nerveuse sont évidentes; mais
comment agit le courant électrique? Ici nous en sommes
réduit aux pures hypothèses. La découverte des physiolo-
gistes sur l'électrotonus ont donné lieu à la théorie élec-
trotonique. Avec l'aide du pôle positif, par des modifica-
tions anélectrotoniques,on obtenait des effets sédatifs dans
le cas des névralgies ou des contractures ; le catélectrotonus
ÉLECTROTHÉRAPIE - 798 -
obtenu à l'aide du pôle négatif au contraire avait son
emploi indiqué d'excitateur dans les anesthésies, les para-
lysies. Pour d'autres, l'électricité agit surtout comme exci-
tant des centres trophiques. Mentionnons simplement la
théorie des actions catalytiques et celle des actions cata-
phoriques. Nous sommes ici en plein dans le domaine de
l'hypothèse ; il existe en effet des actions évidentes des cou-
rants électriques sur les vaso-moteurs, sur les échanges
moléculaires, mais les lois qui les régissent nous échappent
encore.
Les électrothérapeutes qui utilisent les courants galva-
niques ont longtemps discuté sur l'influence de la direc-
tion des courants. Les deux électrodes étant appliquées sur
le trajet soit d'un nerf, soit le long de la colonne verté-
brale, on admettait que le courant ascendant (pôle positif
le plus éloigné des centres) avait surtout une action exci-
tante, alors que le courant descendant possédait au con-
traire des propriétés sédatives. La méthode unipolaire,
préconisée par Brenner, s'appuyant sur cette idée que les
effets des courants sont des actions exclusivement polaires,
ne s'occupe pas de la direction des courants, qu'elle regarde
comme illusoire, mais tient compte simplement de l'élec-
trode active appliquée sur le point malade, l'électrode
indifférente, aussi large que possible, étant placée à une
certaine distance. Dans ces conditions et suivant les prévi-
sions de la théorie électrotonique, c'est l'anode qui possède
les propriétés sédatives, c'est elle que l'on doit appliquer
quand on veut agir sur une névralgie. Au point de vue
instrumental, le modèle des piles employées importe peu ;
il suffit qu'elles répondent à ce desideratum : fournir une
tension suffisante pour assurer un courant d'une intensité
variant de 1 à 30 milliampères, intensité que Ton dépasse
rarement, sauf en gynécologie, où l'on arrive à utiliser des
courants de 100 à 200 milUampères, la résistance du corps
humain pouvant s'élever à 8 et 10,000 ohms, mais étant
généralement de 2 à 3,000 ohms. Un simple calcul permet
de connaître le nombre des éléments nécessaires, quand
on connaît la résistance et la force électromotrice de l'un
d'eux. L'intensité est mesurée au moyen d'un galvanomètre
donnant de 1 à 100 miUiampères. Les galvanomètres médi-
caux, malgré leur peu de précision, sont généralement suffi-
sants. Le collecteur de courant est une pièce imp^ortante,
qui permet de faire entrer dans le circuit les éléments
graduellement et sans interrompre le courant. Une inter-
ruption, qui est sans importance quand on ne dépasse pas
10 à 15 milliampères, est douloureuse quand on agit avec
une intensité plus grande et serait des plus dangereuses
dans les opérations gynécologiques oii l'on atteint et dé-
passe 100 milliampères. Enfin, un xîommutateur permet
d'intervertir le sens du courant sans changer de place les
électrodes; pour l'électrodiagnostic, il est même utile de
pouvoir faire passer successivement, sans changer les
électrodes, les courants galvaniques dans les deux sens et
les courants faradiques.
Les électrodes sont constituées par des éponges mouillées
ou par des disques de charbon recouverts de peau de cha-
mois et affectant différentes formes. Les applications gyné-
cologiques et pour Félectrolyse exigent quelques modifi-
cations sur lesquelles nous reviendrons. Au lieu d'augmenter
l'intensité du courant par l'intercalation de nouveaux élé-
ments, on a préconisé l'emploi d'un nombre constant d'élé-
ments, les variations d'intensité étant obtenues par le jeu
d'un rhéostat à colonne liquide. Mais les effets physiolo-
giques et thérapeutiques sont, il ne faut pas l'oublier, fonc-
tion essentielle de la tension que l'on ne modifie pas par ce
procédé. L'électrisation faradique a surtout été préconisée
parDuchennede Boulogne qui, trop exclusif, rejetait presque
complètement l'électrisation galvanique. Après avoir em-
ployé les appareils magnétofaradiques , les thérapeutes
actuellement utiUsent tous le courant d'induction d'un
chariot de Du Bois-Reymond, dont on gradue l'énergie en
faisant varier plus ou moins la distance de la bobine in-
duite à la bobine inductrice. Dans les petits appareils por-
tatifs, cette graduation s'obtient parle glissement d'un tube
en cuivre recouvrant plus ou moins le barreau de fer doux
central ; on fait varier ainsi l'action inductrice de ce noyau
sur le circuit.
On peut employer soit des électrodes sèches (balai ou
tampon) quand on veut obtenir une action superficielle, cu-
tanée, soit des électrodes humides quand on veut agir sur les
nerfs ou les masses musculaires. (Juand l'action doit porter
sur les nerfs, on emploie la bobine inductrice à fil fin,
possédant une forte tension ; si l'on veut, au contraire ,
agir sur les muscles, on emploie une bobine à gros fil,
ayant par suite moins de tension. D'Arsonval a montré
que l'action différente sur le nerf et sur le muscle étant
due surtout à la rapidité de la variation du potentiel,
on pouvait avec le même appareil obtenir l'effet soit sur le
nerf, soit sur le muscle en intercalant, dans ce dernier
cas, un condensateur d'un microfarad dans la bobine in-
duite. Le nombre des interruptions exerce également une
réelle influence ; il est très important d'avoir des appareils
qui permettent d'obtenir des interruptions très lentes, jus-
qu'à deux par seconde. Ces interruptions lentes sont in-
dispensables quand on veut agir sur les muscles lisses des
viscères. L'électrisation faradique agit puissamment dans
ce cas sur les intestins et constitue un excellent traitement
de la constipation ; mais il ne faut pas oublier que nos
muscles se tétanisent au delà de trente excitations par se-
conde et que, sauf des cas fort rares, il ne faut pas dépasser
dix interruptions.
Electricité statique. Franklinisation, Les machines
électrostatiques employées sont généralement celles de
Carré et de Wimhurst. La machine de Holz donne trop
d'électricité et ne peut être utilisable que dans des cas
spéciaux. Vigoureux, qui est en France le rénovateur du
mode statique, conseille de n'employer que des machines à
grands diamètres, 75 centim. au moins. Les machines
plus petites donnent une quantité d'électricité beaucoup trop
faible, ayant une tension insuffisante et il faut, pour obte-
nir des étincelles d'une certaine longueur, ajouter des
condensateurs dont l'influence serait des plus mauvaises au
point de vue thérapeutique. Les grandes machines doivent
être actionnées par un moteur, dynamogaz ou turbine à
eau. Il existe plusieurs modes d'application de l'électricité
statique : l'étincelle, le souffle et aigrette, le bain statique.
Généralement le malade est isolé sur un tabouret aux pieds
de verre et dont le plateau est mis en communication avec
un pôle de la machine. L'excitateur est relié au sol par
une chaîne métaUique. On désigne ce mode d'excitation
sous le nom d'exhaustion, réservant le terme d'irroration
quand, le malade restant en communication avec le sol,
l'excitateur est relié à la machine ; ces deux modes ont éga-
lement été appelés respectivement électricité par décharge
et par charge.
L'emploi des étincelles est le plus répandu. On peut
tirer du malade (le procédé par décharge étant le plus
suivi) des étincelles d'une intensité très variable, suivant la
forme de l'excitateur et la distance à laquelle on le main-
tient du patient. Avec une boule de cuivre placée à 2 ou
3 millim., la sensation éprouvée par la série de courtes et
multiples décharges est une violente démangeaison, une
chair de poule. Cette application électrique agit surtout
sur la sensibilité périphérique et doit être appliquée quand
on veut obtenir une action sédative, analgésique. En éloi-
gnant l'excitateur, on obtient des étincelles moins fré-
quentes, mais d'une tension plus élevée, capables de déter-
miner des contractions musculaires sensibles et qui exercent
surtout une influence réelle sur la nutrition des tissus.
C'est à des étincelles de 4 à 6 centim. de longueur qu'il
faut s'adresser quand on veut exercer sur une région une
influence trophique.
Les étincelles obtenues à une plus grande distance, sur-
tout avec des boules de grandes dimensions, agissent sur
le système nerveux central ; elles ne doivent être utilisées
qu'avec de grandes circonspections. Le souffle est obtenu
avec un excitateur à plusieurs pointes ; l'électricité s'échappe
rapidement par les pointes; avec les excitateurs à une seule
pointe, on obtient une aigrette. Ces procédés sont surtout
employés dans les affections de nature nerveuse comme
sédatives. Le souffle statique agit comme sédatif, de la
même façon, mais avec plus d'énergie que l'anode galva-
nique (Vigouroux).
Leur action physiologique est loin d'être établie. Dans le
bain statique, le malade, isolé du sol sur son plateau, et
mis en communication avec l'un des pôles de la machine,
reçoit une charge graduelle ; il arrive rapidement un mo-
ment où la déperdition par l'air ambiant compense exacte-
ment l'addition de la charge, et le malade reste soumis à un
potentiel fixe. Sous l'influence de cet état électrique, le
sujet perçoit une sensation générale périphérique que quel-
ques-uns dépeignent comme la sensation d'une toile d'arai-
gnée portée sur tout le corps ; les cheveux se dressent, les
sueurs deviennent surabondantes et d'Arsonval a montré
que les échanges étaient notablement augmentés. L'action
physiologique et thérapeutique du bain galvanique n'est
pas douteuse, mais elle n'a son action réelle, efficace,
que sur les névropathes, où elle est nettement sédative.
La friction électrique s'obtient en passant rapidement une
tige métallique en communication avec le sol sur les vête-
ments (de laine de préférence) du patient en ayant soin
d'appuyer. Elle produit nécessairement des effets analogues
à ce que nous avons dit pour les étincelles obtenues à
courte distance : stimulation générale, analogue avec la
faradisation cutanée sur la peau sèche. Elle aurait pour
effet, appliquée sur la moitié inférieure du corps, d'atté-
nuer et de dissiper les symptômes de congestion spinale.
Electrodiagnostic» Quand il s'agit d'étudier la réaction
d'un nerf ou d'un muscle, il est surtout utile d'employer
la méthode de recherche polaire, signalée par Chauveau,
mais qui, au point de vue électrothérapique, a surtout été étu-
diée par Brenner. Une électrode dite indifférente est appli-
quée sur un point éloigné de la région que l'on veut étu-
dier (Erb conseille d'utiliser toujours le même endroit, le
sternum par exemple, le patient pouvant maintenir lui-
même cette électrode). La seconde électrode est appliquée
sur le nerf ou le muscle dont on étudie les réactions. On
opère la fermeture et l'ouverture du courant au moyen
d'un commutateur. Si le pôle positif est l'électrode active
différente, on peut faire une fermeture des anodes AnF
ou une ouverture des anodes AnO. S'il s'agit au contraire
du pôle négatif, et l'appareil doit être muni d'un commuta-
teur permettant de faire ces changements sans changer
les électrodes de place, on a une fermeture ou une ouver-
ture des cathodes KaF — KaO.
On constate, ce que nous avons signalé à propos des lois
de Pfluger (V. Electricité, ^Physiologie), que la cathode
détermine principalement l'excitation de fermeture et l'anode
principalement l'excitation d'ouverture. Désignant par S la
secousse obtenue, et par S^ S^^ les secousses plus fortes,
par Te la contraction tonique, par D le temps pendant
lequel le courant passe, on peut établir ainsi les réactions
d'un nerf sain avec trois courants d'intensité croissante.
Le signe — indique qu'il n'y a aucune réaction observée.
1er degré
2" de2;ré
3« degré
KaFS
KaFS^
KaFïe
KaD —
KaD —
KaDTe
KaO-
KaO-
KaOS
AnF —
AnFS
AnFS
AnD-^
AnD —
AnD —
AnO —
AnOS
AnOS^
Dans les cas pathologiques, on observe des variations
dans l'excitabilité des nerfs et des muscles. Mais il est
souvent difficile de préciser cette variation, quand il s'agit
d'une affection unilatérale. On peut comparer avec le côté^
sain ; mais, dans les cas d'affection bilatérale, l'observation
est plus difficile ; on peut alors avoir recours aux tableaux
de Stinzing. Sur des individus sains, l'intensité minima,
799 - ELEGTROTHÊRAPIE — ÉLECTRUM
pour obtenir une contraction, oscille pour un même nerf
entre 2 et 6 milliampères.
L'hyperexcitabilité s'observe dans les hémiplégies ré-
centes, les myélites aiguës, le tabès, le début des para-
lysies rhumatismales et traumatiques ; la diminution de
l'excitabilité, beaucoup plus fréquente, est souvent pré-
cédée d'une hyperexcitabilité passagère. Mais ces données
sont toujours bien peu précises; les variations de résis-
tance de l'épiderme sont de telles valeurs qu'elles ne per-
mettent pas d'accorder une confiance suffisante à toutes
les observations de variations d'excitabilité; il n'en est
pas de même des modifications qualitatives et notamment
en ce qui concerne la réaction de dégénérescence : DR.
Cette réaction de dégénérescence, indice de troubles his-
tologiques des tissus, est caractérisée par la diminution et
la perte de l'excitabihté faradique et galvanique des nerfs
et de l'excitabilité faradique des muscles, tandis que l'ex-
citabilité galvanique de ces derniers reste stationnaire ou
subit des variations quantitatives bien déterminées.
Dès le début de la paralysie, il existe pour le nerf un
abaissement progressif et symétrique tant de l'excitabilité
faradique que de la galvanique, diminution que l'on cons-
tate par la nécessité d'employer des courants plus intenses
pour obtenir le minimum d'excitation, et par la faiblesse
de la contraction avec des courants maximum. Puis Texci-
tabilité du nerf disparaît complètement aux deux modes
d'électrisation, bien que la conductibilité pour les excita-
tions volontaires puisse persister. L'excitabilité faradique
diminue, puis disparaît dans le muscle, mais l'excitabifité
galvanique après avoir diminué, augmente ensuite et dé-
passe la normale ; en même temps la courbe de contraction
devient caractéristique ; au lieu de la contraction, courte,
rapide, on observe une contraction paresseuse, se trans-
formant en tétanos pendant la durée du courant. Cette
courbe est le critérium de la DR. En outre, on constate
que la fermeture à l'anode donne une contraction même
avec un courant faible, que cette contraction est plus vive
pour une même intensité que la fermeture à la cathode. En
employant la' notation usuelle, la DR peut donc au mo-
ment de l'acmé se définir ainsi: AnFS > KaFS. AnFTe.
La réaction de dégénérescence permet de diagnostiquer
une altération histologique des nerfs ou de la substance
médullaire (centres trophiques). Pour Erb, elle suffirait pour
éliminer avec certitude toute affection cérébrale propre-
ment dite. Elle aggrave généralement le pronostic, les
chances de guérison étant d'autant plus faibles quola réac-
tion de dégénérescence est plus développée et plus com-
plète. D"^ J.-P. Langlois.
BiBL. : DucHENNE DE BOULOGNE, VElectrophysiologie
des mouvements, ISbl. — L'Electi^isation localisée^ 1856. —
Remak, Galvanotherapie der Nerven und Muskeln-Krank'
heiten, 1858. — Tripier, Electrothérapie, 1861. — Onimus
et Legros, Bardet, Erb, Morgan, Traité dElectro thé-
rapie. — Larat, Électrogynécologie. — Apostoli, Du
Traitement électrique dès métrites, 1888. — Brivois,
Manuel dElectroth. gynécologique. — Grandin-Cunning,
Electricity in gynœcology, 1891. — L'Electrothérapie,
dans Revue internationale d'Electrothérapie.
ÉLECTROTYPIE (V. Clichage, t. XI, p, 674).
ÉLECTRUM. I. Chimie (V. Asèm, t. IV, p. 83).
IL Numismatique. — La tradition qui attribue aux Lydiens
l'invention de la monnaie vers l'an 700 avant notre ère,
paraît confirmée par l'existence de monnaies archaïques en
électrum, frappées dans l'Asie Mineure occidentale, et qui
rivahsent, comme antiquité, avec les plus anciens statères
d'argent de l'île d'Egine (V. ce mot). L'électrum métallique
avec lequel sont fabriquées ces espèces primitives est appelé
or blanc (xp'^^o? Xsuxo;) par Hérodote ; c'était un alliage
naturel d'or et d'argent qui existait en abondance en Lydie,
soit dans les sables du Pactole, soit dans les filons quart-
zeux du Tmolus et du Sipyle. Les plus anciennes de ces
monnaies, qu'on attribue au roi de Lydie, Gygès, sont de
simples lingots ovoïdes et aplatis, présentant une face
striée, tandis que le revers est occupé par un rectangle
frappé en creux ; les monnaies des successeurs de Gygès
ÉLECTRUM — ÉLECTUAIRE
800
ont généralement pour type une tête de lion, jusqu'à Cré-
sus qui inaugura en Lydie le monnayage de l'or pur. Les
villes de la côte d'Asie Mineure fabriquèrent aussi en grande
quantité de la monnaie d'électrum ; on a de ces monnaies
taillées d'après les étalons phocaïque, phénicien, éginétique,
euboïque, suivant les usages locaux. Bien que les monnaies
d'électrum d'Asie Mineure soient presque toujours anépi-
graphes, leurs types permettent souvent d'en reconnaître
ia patrie originaire. C'est ainsi qu'on en classe à Phocée, à
Milet, à Cyzique, à Ephèse, à Mitylène, à Méthymne et aux
villes voisines ; mais un grand nombre de ces pièces sont
encore d'attribution incertaine. Dans plusieurs villes, le
monnayage d'électrum remonte jusqu'au vu*' siècle et per-
siste concurremment avec le monnayage d'argent jusqu'à
la conquête d'Alexandre. Cyzique et l'île de Lesbos sont
les ateliers où ce monnayage fut le plus abondant. Pendant
le cours du v« et du iv'' siècle, il fit concurrence sur le
marché à la darique perse, et il devint, peut-être principa-
lement pour cette cause, très populaire dans le commerce
des côtes de la Grèce, de l'Asie Mineure et même du Pont-
EuKin ; mais, quoi qu'on en ait dit, les monnaies d'élec-
trum ne circulaient pas pour de l'or pur et à égalité de
poids; dans des textes nombreux, il est vrai, le statère
d'électrum de Cyzique est donné comme l'équivalent de la
darique d'or pur, mais le statère cyzicénien pèse lô^^^O,
tandis que la darique pèse seulement 8g^40 (V. Cyzicène
et Darique). L'électrum naturel d'Asie Mineure était d'une
composition très irrégulière ; les analyses qu'on en a faites
donnent, comme proportion de l'argent, de 20 % jusqu'à
50<»/o. Aussi l'on conçoit que le monnayage d'un métal aussi
incertain comme valeur intrinsèque ait été rapidement
abandonné dès que commença à paraître la monnaie d'or
pur et de bon aloi de Philippe de Macédoine et d'Alexandre.
Outre l'électrum naturel de Lydie, il y avait l'électrum
artificiel, fabriqué en mélangeant" l'argent à l'or, généra-
lement dans la proportion d'un cinquième. Les monnaies
des rois du Bosphore Cimmérien, dans les trois premiers
siècles de notre ère, sont d'un électrum qui est peut-être
de fabrication artificielle ; il en est de mêm> des monnaies
d'électrum de Carthage et de Syracuse. Malgré ces nom-
breux exemples, l'incertitude de l'alliage fut la principale
cause qui fit que le monnayage d'électrum fut toujours
exceptionnel, sporadique pour ainsi parler, même dans l'an-
tiquité hellénique. Les Romains n'y eurent jamais recours,
non plus que les peuples du moyen âge et des temps mo-
dernes. K- Babelon.
BiBL. : Barclay V. Head, Electrum coins and their spé-
cifie Gravity^ dans le Numismatic Chronicle^ 1887, 3° sér.,
t. VII.
ÉLECTUAIRE (Pharm.). On donne le nom à'élec-
tuaires, de confections, à'opiais à des saccharolés d'une
consistance molle, composés de poudres unies à un sirop,
à un meUite, à du vin de Malaga, à des térébenthines, etc.
Ils ont une origine très ancienne, car ils ont été imaginés
par les médecins de l'école d'Alexandrie, notamment par
Hérophile, Eudemus, Manthias, Apollonius de Memphis,
Zenon de Laodicée, Andréas de Cariste, etc. Au lieu d'ex-
périmenter sur chaque substance médicamenteuse, les mé-
decins de Vécole empirique associèrent un grand nombre
de substances, dans l'espoir, dit Leclerc, que le médicament
qui en résulte serait plus habile que le médecin pour gué-
rir les maladies. Telle est l'origine de la polypharmacie,
dont les abus ont traversé les siècles pour arriver jusqu'à
nous. On comprend dès lors la vogue extraordinaire de ces
compositions, auxquelles les anciens distribuèrent des pro-
priétés et des noms merveilleux : électuaires (electus),
choisis, excellents, formés de matières premières de pre-
mière qualité; confections (confectus) , médicaments
accomplis, achevés, supérieurs à tous les autres ; thériaques,
Mères, antidotes, médicaments calmants, qui guérissent
les plaies et les morsures des animaux venimeux. La plu-
part de ces compositions, plus ou moins analogues à notre
thériaque actuelle, portaient des titres emphatiques ; l'une
s'appelait athanasia, immortelle; une autre, ambrosia^
divine; d'autres, isotheos, égala dieu; isochryson, sem-
blable à l'or ; panacea, qui guérit tous les maux ; catho-
licum, universelle, etc.
Pour comprendre la vogue de ces médicaments galé-
niques, il suffit de rappeler que les médecins attribuaient
à chaque médicament deux actions distinctes : une pro-
priété curative et une action nocive sur les tissus, action
physique qu'il fallait annuler par d'autres médicaments.
Le but poursuivi était par conséquent complexe pour les
empiriques : i^ augmenter les propriétés du médicament
par la réunion d'un grand nombre de drogues, afin de for-
mer un remède universel propre à guérir un grand nombre
de maladies; 2° combiner intimement plusieurs principes
médicamenteux pour créer des médicaments nouveaux ;
3<* conserver certaines substances altérables, en les asso-
ciant à d'autres corps capables de leur donner de la sta-
bilité; 4° avoir sous la main, pour parer aux maux impré-
vus ou mal connus, des médicaments universels.
Les découvertes de la chimie ont fait justice de toutes
ces prétentions. Les savants, depuis les immortelles décou-
vertes de Lavoisier, ont suivi en quelque sorte une marche
inverse, s'efforçant de dégager les principes actifs des
matières étrangères auxquelles ils sont naturellement asso-
ciés. Ainsi s'explique le discrédit actuel de ces prépa-
rations qui remplissaient les formulaires des anciens.
Quelques-unes cependant sont encore usitées, comme la
thériaque d'Andromaque, le mithridate, le diascordium
(V. ce mot) ; d'autres se préparent extemporanément dans les
pharmacies, par exemple les opiats, électuaires contenant
de l'opium ; mais aujourd'hui on applique plus particuliè-
rement le nom d'opiat ou d'opiate à tout électuaire fait
sur la prescription du médecin.
Les règles générales, applicables à la confection des
électuaires et des opiats, sont les suivantes : i^ faire un
mélange exact de toutes les substances qui peuvent être
pulvérisées isolément, conformément aux principes appli-
cables à la préparation des poudres composées; 2*^ dis-
soudre ou tout au moins diviser dans l'un des excipients les
résines, les gommes-résines et les extraits ; 3° concentrer
les sirops et les mellites; c'est ainsi que dans le diascor-
dium les 13 p. de miel rosat sont ramenées à 10 p. ;
4° faire du tout un mélange homogène : mêler d'abord les
solutés d'extraits avec les résines et les gommes-résines,
ajouter le miel et les sirops, puis incorporer les poudres
peu à peu ; ajouter en dernier lieu les huiles essentielles,
réduites à l'état d'oléo-saccharum.
Au moment de sa préparation, un électuaire a une con-
sistance plus ou moins molle, à la manière d'une térében-
thine ; mais peu à peu, avec le temps, la masse prend une
consistance plus ferme, demi-solide. Baume a déterminé
les quantités de sirop qui sont absorbées par les matériaux
solides : les poudres végétales provenant des^ bois, des
racines, des écorces, des fleurs, exigent 3 p. de liquide; les
résines et les gommes-résines, 1 p. seulement ; les matières
minérales, notamment les sels neutres, 1/2 p. Il faut
encore tenir compte des réactions chimiques qui s'effectuent
lentement au sein de la masse organique. Par exemple,
dans Vopiat mésentériqiie, la limaille de fer s'oxyde len-
tement, forme un hydrate qui absorbe une certaine quan-
tité d'eau ; l'effet est encore plus marqué si on ajoute au
mélange de la crème de tartre.
Les' actions chimiques sont d'ailleurs fort complexes et
souvent obscures. Indépendamment des fermentations qui
peuvent s'établir par suite de la présence de matières su-
crées, associées à des principes azotés, plusieurs réactions
particulières peuvent se produire. C'est ainsi que, dans
l'opiat fébrifuge de Desbois, le carbonate de ^potassium
réagit sur l'émétique pour former de l'oxyde d'antimoine,
alors que les alcaloïdes libres peuvent s'unir au tanin. La
présence de ce dernier principe dans la plupart des poudres
astringentes, en présence des sels de fer, rend compte de
la bonne conservation de certains électuaires, comme la
— 801
ÉLi^CTUAIRK — ÉLÉGIE
thcriaque et le diascordiuni. Toutefois, en raison niêmc de
leur nature complexe, la plupart des électuaires finissent
par s'altérer complètement, presque tous contenant des
matières sucrées, des glucosides, du miel, de l'eau, des
pulpes, des matières organiques azotées, des substances
mucilagineuses. Tel est le cas du lénitif,^ du catholicum^
du diaprun^ du diaphœnix. Ceux qui renferment des
produits salins, aromatiques, astringents, en proportions
suffisantes, peuvent se conserver deux ou trois ans, sans
fermenter ou se couvrir de moisissures. Ed. Bourgoin.
ELEDONA. I. Entomologie. — (Eledona Latr.). Genre
de Coléoptères, de la famille des Ténébrionides et du groupe
des Diapérites, voisin des Bolitophagus (V. ce mot), dont
il diffère surtout par les antennes terminées en massue et
par le prothorax non foliacé, finement crénelé sur les bords.
L'espèce type, E, agaricicola Herbst, est commune en
Erance dans les bolets qui se développent au pied des
arbres. Ed. Lef.
II. Malacologie. — Genre de Mollusques Céphalopodes,
de l'ordre des Acétabulifères, établi par Leach en 1817 pour
un animal pourvu d'un corps oblong, un peu étroit, dé-
pourvu de nageoires ; huit bras réunis à leur base par une
membrane courte; le troisième à droite hectocotilisé, tous
munis d'un seul rang de cupules. Type : Eledona moschata
Lamarck. Ces animaux sont essentiellement européens et
habitent la Méditerranée. Le type de l'espèce très abon-
dante, connue depuis Aristote, a reçu des habitants du lit-
toral les différents noms suivants : à Naples c'est le Mas-
cariello ; à Nice le Nouscarin ; à Livourne le Moscardino ;
enfin les habitants de l'île de Sardaigne le désignent sous
l'appellation de Purpu muscao. J. Mab.
ÉLÉE. Nom porté par deux villes : 4° Une ancienne
ville grecque d'Asie Mineure (Eolide), située à 12 stades
de l'embouchure du Caïcus, sur le golfe Elaïtique ou
d'Elée. Elle aurait été fondée par Ménesthée et par les
Athéniens venus avec lui au siège de Troie. Elle était dis-
tante de 120 stades de Pergame, à laquelle elle servait
de port. Les Hottes des Romains et d'Eumène, roi de
Pergame, s'y réunirent pendant la guerre contre Antiochus.
L'emplacement d'Elée n'est pas exactement connu (Strab.,
Xm, 1, 67 ; m, o ; Tit. Live, XXXY, 13 ; XXXVI, 43 ;
XXXYII, 18, 37). — 2<> Une ancienne ville de Lucanie
(Grande-Grèce). Elle fut fondée par des Phocéens qui
avaient abandonné la Corse après une victoire des Cartha-
ginois. Elle était située au pied du promontoire Pahnure,
à 200 stades environ de Posidonie. Son nom venait d'une
fontaine du voisinage, Hyélé, ou encore du fleuve Eléès.
Elée fut le centre de l'école éléate, et la patrie de Parmé-
nide et de Zenon. Elle résista victorieusement aux Luca-
niens et aux Posidoniates. Les terres qui l'entouraient étant
peu fertiles, la principale industrie de ses habitants fut la
pêche et surtout le salage du poisson. C. Ganiayre.
Ecole d'Elée. — Xénophane de Colophon fut le fonda-
teur,- à Elée, dans la Grande-Grèce, d'une école de philo-
sophie qui tient une très grande place dans l'histoire de
la philosophie. Les principaux représentants de cette école
furent Parménide d'Elée, Zenon d'Elée et Mélissus de
Samos (V. ces noms). L'idée commune à tous ces philo-
sophes, celle qui forme le lien de l'école, est l'idée de
l'unité de l'Etre. Ils introduisirent dans le monde cette
idée, qui ne devait plus disparaître, que l'Etre, considéré
en lui-même, est un, éternel, indestructible, immuable.
En d'autres termes, ce principe, aujourd'hui admis par la
science moderne, que dans le monde rien ne se perd, que
rien ne se crée, que rien ne naît de rien et que rien ne
retourne à rien, a été pour la première fois affirmé par
les Eléates. Ce principe fut d'abord présenté sous une forme
théologique (unité de Dieu) par Xénophane de Colophon,
qui l'opposa au polythéisme grec. Il fut établi métaphysi-
quement par Parménide, et par là ce philosophe fut amené
à distinguer le monde physique, connu par les sens, do-
maine de l'apparence, du monde réel ou intelhgible, connu
par la raison, objet de la science. Enfin Zenon et Melis-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
SUS enlrepi'ircnt de défendiC dialcctiquement le principe
posé par le maître et de répondre aux objections qu'il avait
suscitées de toutes parts ; il s'agissait notamment de prouver
que le monde sensible, étant multiple et changeant, ne
saurait avoir d'existence réelle. C'est pour soutenir cette
polémique que Zenon d'Elée inventa ces arguments célèbres,
improprement nommés sophismes, tels que V Achille et la
Flèche qui vole, qui ont donné lieu à tant de discussions
et encore de nos jours (V. Achille).
On s'est assez souvent mépris sur le caractère propre de
l'école d'Elée. Elle n'est pas aussi idéaliste qu'on l'a sou-
vent dit. Cet être, dont elle proclame l'unité, est étendu :
c'est le monde ou la substance universelle. Aristote, et il
semble que ce soit à bon droit, considère les Eléates comme
des physiciens. Malgré l'opposition qu'ils font entre les
sens et la raison, on ne doit pas les considérer comme de
purs dialecticiens ; la dialectique chez eux n'est pas le
principe, mais le résultat de leurs opinions métaphysiques.
— L'école d'Elée a exercé une grande influence; d'après
Ed. Zeller, « elle est le moment décisif de l'histoire de
l'ancienne spéculation ». Toutes les grandes écoles méca-
nistes, celles d'Empédocle, d'Anaxagore, de Démocrite,
prirent pour point de départ le principe posé par les Eléates.
Ce n'est pas par un changement qualitatif de l'être, mais
par des combinaisons variables d'éléments immuables que
tous ces systèmes expliquèrent le monde. Plus que per-
sonne peut-être, Platon s'attacha aux principes éléatiques;
c'est d'eux que procède directement la théorie des Idées.
Enfin, l'école de Mégare, et par elle une partie au moins
de l'école sceptique, se rattache à l'enseignement des phi-
losophes d'Elée. V. Brochard.
ÉLÉEN (Dialecte). Les petits peuples qui habitaient la
région comprise entre l'Arcadie à l'E., l'Achaïe au N., la
Messénie au S. et la mer Ionienne à l'O., parlaient un dia-
lecte qui n'est pas sans analogie avec le dorien, le locrien
et certains dialectes du N. de la Grèce, mais qui s'en
distingue sous certains rapports et est avec raison considéré
comme un dialecte spécial. Il était usité dans le pays qu'on
appelle du nom général d'Elide, et qui comprend en réalité
trois régions : lElide propre (r] 'AoUf] "^HXtç), la Pisatide
avec le territoire sacré d'Olympie, et la Triphylie ; dans cette
dernière contrée, la langue semble avoir présenté quelques
différences avec l'élécn proprement dit. Chronologiquement,
les monuments écrits en éléen remontent jusqu'au vi^ siècle
av. J.-C, et se suivent d'une façon assez continue jusqu'à
la fin du 11^ siècle ; ce dialecte disparaît alors des actes pu-
blics et ne laisse plus de traces que dans quelques formules
et dans des inscriptions du temps des empereurs, où l'on
cherchait à reproduire les formes de l'ancienne langue.
Pendant longtemps, l'éléen ne fut connu que par l'inscrip-
tion n^ 11 du Corpis inscriptiomim grœcarum; mais
les fouilles exécutées à Olympie par le gouvernement alle-
mand ont mis au jour d'autres textes épigraphiques qui ont
été réunis par Blass dans la Sammlung de Collitz ; ils
sont au nombre d'environ une trentaine. En dehors de ces
monuments, nous n'avons sur l'éléen d'autres renseigne-
ments que quelques notes des grammairiens et des géo-
graphes (Strabon, Pausanias) relatives à la prononciation ;
des gloses d'Hesychius en petit nombre, et une chanson des
femmes éléennes rapportée par Plutarque (Qiiœst. grœc,
36), où, d'ailleurs, il n'y a pas de formes dialectales. Les
traits principaux de ce dialecte, qui semble avoir subi à
différentes époques l'influence des dialectes voisins, sont
un emploi de l'a encore plus étendu qu'en dorien, l'usage
du p pour a à la fin des mots, et, dans certaines inscriptions,
du C pour B ; il paraît avoir ignoré l'esprit rude et conservé
assez longtemps le digamma, qu'on rencontre parfois expri-
mé par p. Dans une"^ colonie des Eléens, à Erétrie, le a
entre deux voyelles était également changé en p (V. Rho-
tacisme). Mondry Beaudouin.
BiBL. : R. Meister, Die ginechischen Dialekte; Gœttin-
gue, 1889. t. II.
ÉLÉGIE, l'' En Grèce et à Rome, Le nom de la poésie
51
ÉLÉGIE
— 802 -
élégiaque vient du mètre que les anciens lui ont généralement
consacré, as^o?. C^est le vers d'ordinaire appelé j)en-
tamètre et qui forme avec l'hexamètre dactylique le dis-
tique élégiaque (V. Pentamètre, Distique). Quant au nom
lui-même, l'étymologie n'en a pas été scientifiquement éta-
blie ; on le fait venir le plus souvent de î Xe^siv (dire hélas !)
Cependant il semble préférable de lui donner une étymo-
logie plus éloignée et de le rattacher à un mot arménien
$\gnïïmni roseau, vu que l'élégie était primitivement accom-
pagnée de la flûte, et que cette forme de \ers émane cer-
tainement du nome aidédique. C'est avec le musicien Cloas
que le nome de Télégie apparaît dans l'histoire littéraire ;
d'ailleurs du temps d'Horace on en ignorait déjà l'auteur
(Art poét., 71). Les vers élégiaques, avant de célébrer la
joie et l'amour, ont-ils été dans l'origine consacrés à la
mort, comme l'indiquerait l'étymologie généralement admise
et comme Horace le donne à entendre (Artpoét., 75)? Nous
l'ignorons. Ce qui est certain, c'est que, dans les premiers
que nous connaissions, on voit traités des sujets divers dont
le caractère commun est d'exprimer les idées et les senti-
ments personnels de l'auteur, par opposition à l'hexamètre
homérique consacré aux récits héroïques. Les plus anciennes
élégies sont guerrières, patriotiques, morales, sentencieuses,
et, si elles sont, comme on l'a dit souvent, l'intermédiaire
entre la poésie épique et la poésie lyrique, elles paraissent
aussi tenir le milieu, à certains égards, entre la poésie
épique et la prose oratoire.
■ L'auteur des plus anciennes élégies qui nous soit connu
est Callinos d'Ephèse, qui vivait dans les dernières années
du viii^ siècle av. J.-C. Nous avons de lui un fragment, en
langue ionienne (le dialecte de l'élégie comme de l'épopée),
qui n'est autre chose qu'une exhortation pleine d'ardeur
guerrière et d'élévation morale. Le poète Archiloque usa du
même mètre dans des écrits du même genre, et nous retrou-
vons encore la même inspiration chez le fameux Tyrtée,
qui conduisit à la victoire vers 670 les Lacédémoniens, ses
concitoyens d'adoption. Nous avons de lui trois élégies ou
plutôt trois chants guerriers, qui respirent la soif des com-
bats, le mépris de la mort, la passion de la gloire et l'amour
de la patrie. Vers la fin du même siècle, le sage Solon com-
posa des poèmes qui sont de véritables actes politiques;
telle est l'élégie sur Salamine, par laquelle il osa, malgré
une loi redoutable, réveiller le sentiment de l'honneur chez
les Athéniens et les exhorter à reprendre cette île. Dans
d'autres fragments il leur reproche la lâcheté qui les asser-
vit, et leur prêche le respect d'un dieu bienfaisant qui pour-
suit les coupables mortels. Le caractère impersonnel et sen-
tencieux de l'élégie s'accentue davantage encore dans les
écrits des poètes gnomiques, dont le plus célèbre estThéo-
gnis de Mégare (environ 540-500 av. J.-C).
Cependant il est un autre poète, célèbre dans l'antiquité
et que les Romains considéraient comme le créateur de la
véritable élégie sentimentale : c'est l'Ionien Mimnerme, de
Colophon, le contemporain de Solon. Sans que l'élégie perde
son caractère gnomique, elle prend avec lui un accent de
douce mélancoîie : les réflexions qu'elle exprime concernent
surtout les plaisirs de la vie, trop vite écoulée, et la vieil-
lesse qui apporte les douleurs du corps et les soucis de l'âme.
Au contraire, avec le philosophe Xénophane de Colophon,
le fondateur de l'école éléate, l'élégie nous donne une pein-
ture de la joie qui règne dans les festins, sans cesser tou-
tefois de nous prêcher la modération et la sagesse. Tous
ces traits se trouveront réunis, avec d'autres éléments,
dans l'élégie moderne, qui doit sa naissance aux poètes de
l'école d'Alexandrie. En attendant, réduit à un domaine
plus restreint, par suite du progrès de la prose et du déve-
loppement de la poésie lyrique proprement dite, le vers
élégiaque fut consacré, dans le v« siècle, presque exclu-
sivement aux épigrammes : genre oîi s'illustra surtout le
poète Simonide.
Ce sont, avons-nous dit, les Alexandrins qui cultivèrent
surtout l'élégie et lui donnèrent ses caractères définitifs.
L'élégie en effet convenait on ne peut mieux à ce groupe
d'écrivains : nulle composition ne leur convenait plus que
ces tableaux de genre dans un cadre restreint qui prêtent en
même temps à toutes les délicatesses du style et à l'éta-
lage d'une érudition subtile. Voués à l'art pour l'art, ils ne
sortent pas des sentiments vulgaires ni des fictions an-
tiques; mais ils cherchent à se les rendre propres par le
fini de l'expression et par la rareté du détail. Les élégiaques
de cette école eurent un précurseur dans Antimaque, le
contemporain de Platon, qui fut comme un Alexandrin ayant
l'heure (V. Antimaque et Alexandrine [Poésie]). Parmi ses
nombreux successeurs, de l'école alexandrine, Philétas,
Hermésianax, Phauoclès, Alexandre d'Etolie, Callimaque,
Euphorion. Philétas et Callimaque sont les plus illustres;
ce sont ceux qu'imitent surtout, avec Euphorion, les élé-
giaques latins; c'est sur leurs traces que prétend marcher
André Chénier, traduisant Properce :
Mânes de Callimaque, ombre de Philétas !
Dans vos saintes forets daignez guider mes pas!
Quintihen donne le premier rang à Callimaque, le second
à Philétas, d'après l'opinion générale. Nous sommes mal-
heureusement forcés de nous en rapporter à ces jugements
des anciens. Le temps ne nous a presque rien conservé de
Philétas et guère davantage de CaUimaque. Ce qui nous
donne, mieux que de courts fragments, une idée de safaçon
d'écrire et de composer, c'est sa Chevelure de Bérénice,
traduite littéralement par Catulle. Ce poète est en effet le
chef des Alexandrins de Rome. Avec ses amis Helvius Cinna
et Licinius Calvus, il produisit ces petites épopées mytho-
logiques qui pourraient aussi bien compter parmi les élégies
si elles étaient écrites en distiques; nous n'avons ni VIo de
Calvus, iii la Zmyrna de Cinna, mais nous pouvons juger
du genre par VEpitlialame de Thétis et Pétée, et VAttis
de Catulle, sans compter la Ciris, composée par un imita-
teur de Catulle et de Virgile. Bien que personne n'ait rendu
avec plus d'énergie et une note plus personnelle les divers
sentiments de l'amour, comme il n'a fait que de courtes
pièces dans le genre erotique, et comme il y a employé aussi
des mètres différents, c'est Cornehus Gallus que les Latins
regardent comme le créateur de l'élégie à Rome. Ils avaient
eu au reste quelques précurseurs.
Tout d'abord, c'est Ennius lui-même qui fit connaître
le distique élégiaque, com.me il introduisit l'hexamètre dac-
tylique. Il avait consacré à la mémoire de Scipion l'Africain
un éloge en distiques, et composé sa propre épitaphe sous
forme "d'une élégie; un affranchi dédie à sa tidèle épouse
Aurélia quatre distiques dont le dernier pentamètre manque.
Lucilius, dans son vingt-deuxième Uvre, consacre à un
de ses esclaves une épitaphe en un distique, et dans le
même livre, il parle, suivant l'exemple de Mimnerne, en dis-
tiques élégiaques, des joies de l'amour et de la compagnie.
C'est particulièrement dans la courte épigramme erotique
ou sévère, satirique ou élogieuse, dans l'épitaphe et l'ins-
cription des œuvres d'art que les poètes amateurs du
vii^ siècle cultivèrent le mètre élégiaque. C'est ainsi que
Varron, dans l'espèce d'album où il réunit sept cents images
d'hommes illustres, mit au bas de ces portraits des inscrip-
tions en vers originaux ou traduits, parmi lesquels un
grand nombre de distiques élégiaques. Mais ce sont les
poètes de l'école de Catulle qui cultivèrent surtout cette
forme non seulement dans l'épigramme, mais encore dans
l'exposition plus ou moins longue des sentiments de leur
âme, et dans le récit d'histoires erotiques, c.-à-d. dans
l'élégie proprement dite, définitivement constituée par Gal-
lus, et portée à son plus haut degré par TibuUe, Properce,
Ovide. Cultivée avec passion, non seulement par ces grands
écrivains, mais par une pléiade de versificateurs, elle deyint
un des titres de gloire les plus sérieux de la muse romaine.
Combinant le sentiment, l'esprit et l'érudition mytholo-
gique, usant d'une forme métrique élégante et propre à
exprimer les impressions d'une âme triste ou gaie aussi
bien qu'à faire valoir des traits subtiles et raffinés, elle
parvint à la perfection ; elle s'éleva au-dessus de tout ce
que la Grèce avait produit de meilleur dans ce genre, et
803 -^
ELEGIE
fournit des modèles bien des fois imités par les litté-
ratures modernes. Elle prit chez chacun de ces grands
poètes une physionomie propre, que nous tâcherons de
fairer essortir dans les articles qui leur seront consacrés
(V. Ovide, Properce, Tibulle). Mais ses cadres res-
treints et la nature même des sujets traités devaient invi-
ter une foule de médiocrités à s'y essayer. Autour des
maîtres gravitent les poètes amateurs; beaucoup de noms,
et quelques œuvres de rang inférieur nous sont parve-
nus, sans compter quelques écrits apocryphes du xv® ou
xvi^ siècle. Parmi les contemporains de Tibulle, Pro-
perce et Ovide, nous nommerons Valgius Rufus, consul
eh 12 av. J.-C.; Codrus, l'ami de Virgile; Domitius
Marsus, puis, vers la fin du règne de Néron, Proculus
et Alfius Flavius. L'élégie erotique fut cultivée plus tard
par Arruntius Stella, ami de Stace, et par Sulpicia à qui
on a aussi attribué les soixante-dix hexamètres sur l'expul-
sion des philosophes par Domitien. Dans le iv^ siècle, Ausone
écrivit également quelques idylles en distiques ; et dans les
derniers temps même de la littérature latine, nous voyons
l'élégie cultivée non sans succès par Maximianus. Dans cette
dernière période, nous ne sommes pas surpris d'ailleurs
de voir le mètre élégiaque donner lieu à toutes sortes de
jeux d'esprit puérils, auxquels il se prête plus encore
que l'alexandrin. C'est alors qu'on rencontre ces elegi
echoici ou récurrentes^ vers qu'on peut hre à rebours.
La décadence ne saurait aller plus loin (V. Anacycliques
[Vers]). A. Waltz.
2<* Temps modernes. Le mot Elégie n'apparaît qu'assez
tard en France. Littré, s'appuyant sur une phrase de
Joachim du Bellay dans sa Défense et illustration du
langage français^ en attribue la paternité à Lazare de
Baïf, père de François de Baïf, et qui traduisit lui-même
en vers français V Electre de Sophocle et VHécube d'Eu-
ripide. Cependant (communiqué par A. Delboulle), le mot
apparaît dès 4500 dans la Chronique de Louis AT/, de
Jean d'Auton :
Par elegyes^ titres et epitaphes,
et nous le rencontrons encore, seize ans plus tard, dans
la Description du Temple de Venus ^ de Jean Le Maire
de Belges :
Tout ce qui est en livres ou en codes,
Se met avant, hymnes et élégies^
Chansons, motets, de cent tailles et modes...
Qu^entendaient par élégie et Jean d'Auton et Jean Le
Maire et Lazare de Baïf? Leurs textes ne nous l'apprennent
point. Mais, s'il faut prendre le mot au sens restreint et
communément adopté dans les temps modernes de poème
inspiré par des inquiétudes et des peines d'amour, c'est
une évidence qu'encore que ce mot apparaisse seulement
au XVI® siècle nous devons ranger dans le genre élégiaque,
ef dès les débuts de notre littérature, la majeure partie
des planhs ou complaintes, aubades, saluts, estampi-
das, cansos et autres subdivisions de la poésie lyrique
provençale du xii® au xiv^ siècle. Cette poésie des trou-
badours, si justement appelée par eux-mêmes courtoise
{cortigiana), s'arrêta brusquement sur la fin du xiii^ siècle,
après les terreurs de la croisade des Albigeois. Mais il
semble bien qu'elle avait déjà pénétré au siècle précédent
dans les châteaux de Bourgogne, de Champagne, de Flandre
même, d'où par Quesne de Béthune, Casse Brûlé, Thi-
baut de Navarre, etc., elle ne tarda point à se répandre
dans tout le domaine de la langue d'oïl. Les femmes ne
laissèrent pas que de participer à ce mouvement poé-
tique : rappelons seulement les noms de la Dame dou Faël,
de la Belle Doete de Troyes, de la duchesse de Lorraine
et de Maroie de Drignan, dont les plaintes amoureuses
nous touchent encore à distance. C'est l'époque des raver-
dies, des soîis d'amour, des rotruenges, des lais, à
laquelle Guillaume de Machault fait succéder bientôt celle des
ballades, des triolets, des virelais, etc. Mais l'amour reste
presque partout le fond de ces petits poèmes, et l'amour
dolent, l'amour « élégiaque », comme on dira plus tard.
C'est ainsi qu'on peut donner pour élégies bon nombre des
poèmes à forme fixe de Froissart, de Charles d'Orléans et
de Villon lui-même. N'oublions point, en effet, que l'élé-
gie n'est point, métriquement, un genre à part dans les
temps modernes et qu'elle se plie à toutes formes. Au
fur et à mesure que nous avancerons dans cette étude,
nous la verrons se servir des rythmes les plus opposés,
passer de l'alexandrin à rimes plates aux combinaisons
multiples de la strophe. Ce qui la distingue seulement des
autres sortes de poèmes, c'est la nature de son inspiration,
bornée le plus souvent à l'amour, et neuf fois sur dix à
l'amour malheureux. De là, au reste, l'acception qu'a
prise le mot élégiaque dans le langage courant. Et c'est
encore ce que confirment les vers bien connus de Boileau :
La plaintive élégie en longs habits de deuil
Sait les cheveux épars gémir sur un cercueil.
Elle plaint des amants la joie et la tristesse,
Flatte, menace, irrite, apaise une maîtresse ;
Mais pour bien expliquer ses caprices heureux,
C'est peu d'être poète, il faut être amoureux.
André Chénier à son tour ne fera qu'exprimer la même
idée quand il dira :
Mais la tendre élégie et sa grâce touchante
M'ont séduit, l'élégie à la voix gémissante,
Au ris mêlé de pleurs, aux longs cheveux épars,
Belle, levant au ciel ses humides regards.
Cependant, il semble qu'avec Jean Doublet, Ronsard et
Amadys Jamin l'élégie revienne çà et là, dans leurs œuvres,
à son sens antique de poème inspiré par des douleurs per-
sonnelles ou générales autres que l'amour : telle la fameuse
élégie intitulée Imprécation aux bûcherons de la foréb
de Gastine. Mais dans ses sonnets dits élégiaques, et où il
subit visiblement l'influence de Pétrarque, c'est à sa seule
mélancolie amoureuse que Ronsard se laisse aller. Cette
mélancolie, un peu factice, semble-t-il, chez le maître de
chœur de la Pléiade, nous touche davantage dans les trois
élégies que nous avons de Louise Labé : c'est l'amour
comme l'entendaient déjà la Dame dou Faël et Maroie de
Drignan, emporté, capricieux et irrésistible. Desportes,
dont toute l'œuvre n'est presque qu'une longue élégie, n'a
ni cette sincérité ni cette flamme de passion : il raffine sur
les moindres sentiments, se plaît aux concetti et aux jeux
bizarres de la rime. Bertaut, qu'un vers de Boileau rend
inséparable du précédent et que sa qualité d'évêque semblait
devoir préserver d'un sort analogue, a pourtant cédé lui
aussi au besoin tout platonique de célébrer les mérites et
de déplorer les cruautés d'une dame qu'il se fantaisiait
en idée, disent ses contemporains, et c'est pour expliquer
tout de suite la froideur de son œuvre. Avec Malherbe et
les poètes suivants, l'élégie redevient plus impersonnelle :
tout le monde connaît les belles strophes finales de la
Consolation à Duper rier; on connaît moins la Consola-
tion à Mgr de Bellegarde de Racan, où se trouvent
cependant des vers de premier ordre. Rappelons enfin
pour mémoire, avant de passer au xviii^ siècle, les pièces
trop dédaignées et d'un sentiment parfois bien délicat
de Théophile, l'admirable Elégie aux nymphes de Vaux
de La Fontaine, et, si l'on veut, les chœurs de VEstherde
Racine, qui ne sont, à bien prendre, que des élégies dialo-
guées. Trois poètes, tous les trois de la fin du xviii® siècle,
Gilbert, André Chénier et Parny, redonnèrent un nouveau
lustre à l'élégie presque abandonnée depuis La Fontaine.
Gilbert est surtout célèbre par ses Adieux à la vie, dont
le vrai titre est Ode imitée de plusieurs psaumes, et
qui n'est qu'une plainte éloquente sur ses souffrances per-
sonnelles. André Chénier, tant dans ses pièces grecques que
dans ses élégies proprement dites, retrouve pour l'expres-
sion d'une passion sensuelle et profonde les accents de la
muse ancienne, et marie dans ses vers l'Amour et la Mort.
Parny enfin, erotique par manière et par jeu, ne laisse pas
que de rencontrer lui-même quelques accents d'une mélan-
colie touchante dont Lamartine se souviendra bientôt. Les
Méditations, qui parurent en 1 821 , peuvent, en effet, passer
pour de véritables élégies, et, dans les autres recueils du
ÉLÉGIE — ÉLÉMI
même poète, c'est encore la note dominante. Peut-être,
dans une histoire détaillée du mouvement poétique au
xix^^ siècle, faudrait-il s'arrêter davanta-^e à quelques pièces
de poètes mtermediaires, tels que M^-«Dufrenoy,^ontanes,
Chènedollé, Mdlevove surtout, pièces que Sainte-Beuve
voudrait voir « maintenues, quoique déjà un peu passées,
dans la suite des tons et des nuances de la poésie tran-
çaise». Elles expliqueraient le caractère nouveau que revêt
Félé'^ie au xix^ siècle, et comment le sentiment personnel,
réservé jusqu^alors à certains genres nettement déterminés,
les envahit tous les uns après les autres, au W^},f^^
détruire l'individualité propre. C'est ce qm rend si ditlicile
et si compliquée l'histoire de l'élégie au xix« siècle. Est-il
un poète de ce temps qu'on ne puisse comprendre parmi es
éléoiaques ? N'en est-ce point un que le Hugo des Feuilles
d'automne et des Contemplations ? Elégiaques encore
le poète des Nuits, le poète à'Eloa et jusqu'à Beranger,
dans certames de ses pièces amoureuses. Il y a un elegiaque
macabre dans Baudelaire, comme chez M. Leconte de Lisle
un élé'^iaque nihiliste. Et dans la note purement sentimen-
tale quels plus délicats modèles d'élégie trouver que chez
Héi^ésippe Moreau, chez M^^ Desbordes-Valmore, M. Sully-
Prudhomme, M. François Coppée, M. Eugène Manuel et
M. Paul Verlaine ? C'est qu'encore une fois l'elegie ne
constitue point chez nous un genre à part et d'une métrique
déterminée. On pourra s'en convaincre en passant en revue
les différentes pièces que nous venons de citer. Tantôt le
poète se sert de l'alexandrin à rimes plates (Ronsard, La
Fontaine, Théophile de Viau, André Chénier, Lamar-
tine etc.), tantôt de la stance isométrique (Racine, Hugo,
Leconte de Lisle, etc.), tantôt de la stance hetérométrique
(Malherbe, Gilbert, etc.), tantôt même du décasyllabe ou de
l'octosyllabe, ou de tel autre mètre moins usité (M«^« Des-
hordes-Valmore et M. Paul Verlaine). H suit également
que les poèmes dits à forme fixe peuvent se prêter et se
prêtent effectivement à l'expression des sentiments élé-
siaques : ainsi le rondel (Charles d'Orléans), la ballade
(Villon), le sonnet (Ronsard), pour ne parler que des formes
les plus usitées. Seul, Jean Doublet essaya de constituer
dans notre langue un mètre qui répondît au distique élé-
ffiaque des Latins et en fit, comme chez eux, une manière
de poème à forme fixe. Son recueil d'Elégies (1559) est
construit tout entier sur des strophes hétéro métriques à
rimes croisées, dont les deux premiers vers de dix et les
deux autres de huit syllabes. « Car, quant à moy, dit-il
dans sa préface, voyant la façon vu'gaire de nos vers estre
plus courte que l'exametre et le pentamètre, et la dificulte
de mesurer deux lignes françoises capables de sentence
entière et parfaite, ainsi que se trouve ordinairement en
un disthique : je confesse que mes dois n'ont sceu, pour
cete heure, tordre fil plus propre à lier et assembler
fieurs elégiaques que ces petits quatreins de vers inégaux. »
Mais l'exemple de Jean Doublet ne fut point suivi, comme
on l'a vu. , ,,,,, . , 1
Nous n'avons que peu à dire de 1 élégie chez les poètes
modernes de l'étranger. Sur ces poètes, comme sur les
précédents, au reste, on devra se reporter aux articles
spéciaux. En Italie, c'est Pétrarque, avec ses canzones et
ses sonnets, où le platonisme de l'amour s'érige en dogme
et se codifie à l'imitation des troubadours provençaux; puis
Alamani {Opère Toscane) ; Bembo [Gli Azolani) ; Gua-
rini, subtil à la fois et licencieux ; Marini, dont le style
alambiqué donna le ton à nos précieuses : Falicaja, Fauteur
du célèbre sonnet à l'Italie :
Italia, Italia, o tu cui fe la sorte... ;
de nos jours, enfin, Silvio Pellico ; Manzoni (élégie In
Morte di Carlo Imbonati) et Leopardi. — En Espagne,
nous trouvons Boscan-Almogaver, dont les sonnets et les
canciones sont imités littéralement de Pétrarque ; Garci-
lasso de la Vega, « le roi do la douce plainte », contem-
porain de Boscan et comme lui imitateur de Pétrarque et
de Sannazar ; Lope de Vega, plus personnel, dégagé du
ciilteranismo à la mode, et dont les élégies témoignent
804 —
d'une sensibilité très délicate. —En Allemagne, Novalis;
Gœlhe (Elégie romaine) ; Schiller {la Promenade, Pom-
péi) ; hcohi {Berceuse Je Tilleul au cimetière) et^ienri
Heine, chez qui l'élégie | jrend un tour agressif. — En
Angleterre, enfin, Gray {le Cimetière de village); Crabbe;
Young [les Nuits) ; Keats, l'André Chénier britannique;
Burns, et, de nos jours, Lyron, Moore, Shelley, Tennyson
{In memonam) et Swinourne. Charles Le Goffic.
ÉLÉGiSSEMENT DEi ponts (V. Pont).
E LEK. Petite ville de 'longrie, comitat d'Arad ; 6,000 hab.
La principale industrie est l'élève du bétail.
ÉLÉMENT. I. Mathématiques.— Synonyme d'infini-
ment petit (V. aussi Déterminant). Un point et un plan
passant par ce point constituent aussi ce que l'on appelle
un élément de l'espace, quel que soit le nombre des dimen-
sions de cet espace.
IL Astronomie. — Les éléments sont des données
qui permettent de calculer la position d'un astre mobile,
planète ou comète, à un instant quelconque. Comme les
planètes se meuvent suivant les lois de Kepler, décrivant
des ellipses, les éléments elliptiques d'une planète sont
au nombre de sept : 1<* la longitude du nœud ascendant,
ou l'angle formé par le rayon vecteur qui va du soleil à
la planète avec la ligne des équinoxes ; 2° l'inclinaison
du plan de l'orbite décrite par la planète sur l'éclip-
tique; S'^ la longueur du demi-grand axe de l'elhpse
décrite ou la distance moyenne de la planète au soleil;
4'' l'excentricité ou le rapport de la distance des deux
foyers au grand axe; 5^^ la longitude du périhélie ou
l'angle de la ligne des nœuds avec le rayon vecteur du
périhélie ; 6« l'époque du passage de la planète au périhélie ;
10 enfin la révolution sidérale de l'astre ou le moyen mou-
vement diurne de la planète. (Ces éléments peuvent se
réduire à six, puisque la troisième loi de Kepler dit que
les carrés des temps des révolutions sidérales des planètes
autour du soleil sont proportionnels aux cubes des demi-
grands axes ou des moyennes distances au soleil.) Les
comètes (V. ce mot) décrivent pour la plupart autour du
soleil des paraboles, et généralement trois observations
sutfisent pour déterminer les cinq éléments paraboliques,
qui sont : la longitude du nœud ascendant; l'inclinaison du
Iplan de l'orbite sur l'écliptique ; la distance périhélie ; la
ongitude du périhélie ou l'angle de l'axe de la parabole
avec la ligne des nœuds; l'époque du passage au périhélie.
11 faut, de plus, indiquer le sens du mouvement, qui est
direct ou rétrograde. L. Barré.
in. Physique. — Elément de courant. C'est une por-
tion de courant que l'on suppose assez petite pour que l'on
puisse admettre que les forces auxquelles elle est soumise
sont uniformes d'intensité et de direction dans toute sa
longueur. C'est une quantité que l'on a souvent à consi-
dérer en électrodynamique et en électromagnétisme.
Elément de pile (V. Pile).
Elément magnétique (V. Feuillets magnétiques).
IV. Chimie.— Elément chimique (V. Chimie, t. XI, p. o9).
ÉLÉMENTAIRES (Math.). On est convenu d'appeler
mathématiques élémentaires les parties les plus faciles des
mathématiques, celles que l'on exige des candidats au bac-
calauréat. Il est assez difficile d'établir une ligne de démar-
cation rigoureuse entre les mathématiques élémentaires et
celles que l'on pourrait appeler supérieures et que l'on
divise en spéciales et transcendantes.
Périodes élémentaires. — Lorsqu'une fonction d'une
variable possède deux périodes, elle a par cela même une
infinité de systèmes de deux périodes ; mais on peut tou-
jours choisir, et cela d'une infinité de manières, deux périodes
dont toutes les autres soient des fonctions linéaires homo-
gènes et à coefficients entiers. De telles périodes sont ce que
l'on appelle des périodes élémentaires.
Contour élémentaire.— Synonyme de lacet (V. ce mot).
ÉLÉMI (Résine). La résine élémi, connue dans les
pharmacies sous le nom d'^/é^mi, est produite par un arbre
805 —
ELEMI — ÉLËONORE
des Philippines, que Banco a décrit en 4 84o sous le nom
à'Icica abîlo, et que les Espagnols appellent drbol ci brea
(arbre à poix), parce que sa résine est employée pour le cal-
fatage des bateaux.— L'élémi de Manille est une substance
résineuse, molle, granuleuse, ayant la consistance du vieux
miel. Il est incolore à l'état frais, jaunit avec le temps et
devient plus dur; son odeur, qui est forte et agréable, rap-
pelle à la fois celles du citron, du fenouil et de la térében-
thine. Il fournit à la distillation 10 ^^/^ d'une essence tantôt
lévogyre (Deville), tantôt dextrogyre (Hambury) ; c'est un
térébenthène, C^^H^^, incolore et doué d'une odeur assez
agréable. En 1820, Maujean démontra que l'élémi conte-
nait deux résines, Tune soluble à froid dans l'alcool, l'autre
seulement soluble à chaud ; cette dernière, qui cristallise,
a été désignée parBaup sous le nom d'amyrine; elle fond
à 171-176° (H.). En abandonnant une solution alcoolique
de résine amorphe à l'évaporation, Baup a obtenu trois
matières cristaUines : 1° la bréine, qui fonda 187° ; 2«la
bryoïdine, corps soluble dans l'eau, fusible à i^^" ; S^la
bréidine, qui fond un peu au-dessus de 100° et qui exige
260 p. d^eau pour se dissoudre.
Indépendamment de Télémi de Manille, il existe dans le
commerce plusieurs matières résineuses qui portent le
même nom : 1° Vélémi mexicani ou de la Vera-Cruz,
résine d'un jaune clair, cassante, produite par VAmyris
elemifera; 2<» Vélémi du Brésil^ décrit en 1658 par Piso,
et produit par plusieurs arbres appartenant au gmvQlcica;
il est ordinairement jaunâtre, à structure cristalline, à
odeur térébenthineuse ; 3° Vélémi de Maurice^ fourni par le
Colophonia mauritiana^ donnant par l'alcool des cristaux
qui ressemblent à l'amyrine ; 4° le Luban Meyeti ou Lubaîi
Matti^ qui est Vélémi oriental ou africain des anciens
auteurs, la Tacamaque jaune huileuse de Guibourt ; c'est
Venhœmon des Grecs, la gomme d'Ethiopie de Dioscoride,
produite par le Boswellia Frereana de Birdwood. Il est
digne de remarque que toutes ces substances résineuses
possèdent une composition très analogue et peuvent être
employées aux mêmes usages. Elles font partie de quelques
onguents et sont préconisées dans le traitement des plaies.
D'après Théophraste, Pline et Dioscoride, Venhœmon était
très recherché pour fabriquer un médicament propre à
arrêter les hémorragies et guérir les plaies. Ed. Bourgoin.
ELENCHUS (Malac). Genre de Mollusques Gastéro-
podes, de l'ordre des Prosobranches-Scutibranches, proposé
en 1797 par Humphrey et scientifiquement établi en 1840
par Svvainson pour une coquille dépourvue d'ombihc, de
forme conique allongée; à spire élevée, aiguë; à tours
aplatis, très lisses; ouverture ovale-pyriforme, nacrée à
Pintérieur; bord externe épaissi intérieurement, le colu-
mellaire muni d'une dent à sa base. Type : Elenchus iris
Chemnitz. Sections : 1° Thalotia Gray, 1848. Coquille
turriculée ; à tours de spire granuleux parfois ornés de
stries spirales ;' columelle tuberculeuse ou sub tronquée!;
bord externe sillonné à l'intérieur. Exemple : Elenchus
conicus Gray. '^^ PhasianotrochusYisher, 1885. Coquille
conique allongée, à test brillant; bord columellaire denté
en son milieu. Exemple : Elenchus badius Wood.
3° Adentotrochus Fisher, 1880. Coquille conique, bril-
lante, dépourvue d'ombilic, à dernier tour fortement
caréné, à columelle tronquée à la base ; bord basai cré-
nelé. Exemple : Elenchus chlorostomus Menke. Les
Elenchus vivent dans l'océan Pacifique, autour de la
Nouvelle-Zélande et de l'Australie. J. Mab.
ÉLENCOURT. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Beau-
vais, cant. de Grandvilliers ; 102 hab.
ÉLÉONOREou ALIÉNOR, reine de France, puis reine
d'Angleterre, née vers 1122, morte en 1204. Elle était
fillelde Guillaume X, duc d'Aquitaine, qui mourut à Com-
postelle le vendredi saint de l'an 1137. Avant de partir,
ce prince avait légué ses Etats (Aquitaine, Poitou) à sa
fille unique et l'avait fiancée à Louis, fils du roi de France,
plus tard Louis VII. L'Aquitaine jusqu'aux Pyrénées fut
ainsi ajoutée aux domaines des Capétiens. Eléonore et
Louis prirent part à la croisade de 1146 ; la reine, pen-
dant cette expédition, donna à son mari des sujets de mé-
contentement ; si la tradition d'après laquelle elle aurait
été amoureuse de Saladin est une fable (Saladin avait alors
treize ans), il paraît prouvé qu'elle eut des relations cou-
pables avec son oncle, Raymond P^ d'Antioche. Toutefois
la question du divorce ne fut soulevée qu'en 1152. Un
concile tenu à Beaugency sous la présidence de Samson,
archevêque de Reims, prononça la dissolution du mariage
sous prétexte de consanguinité (21 mars 1152). La reine
répudiée ne devait pas manquer de prétendants, étant la
plus riche héritière de la chrétienté ; elle se décida pour
Henri Plantagenet, comte d'Anjou et duc de Normandie,
qui devint roi d'Angleterre en 1154 (V. Henri II). Eléo-
nore avait des droits vagues sur le comté de Toulouse ;
Henri essaya de- les faire valoir, et ils furent en effet vir-
tuellement reconnus quand Raymond V fit hommage à
Henri II et à ses fils aînés, à Limoges, en févr. 1173. La
reine aimait beaucoup les nombreux enfants qu'elle eut
de Henri ; elle fit attribuer à l'aîné, Richard, son héritage
personnel dès 1170, et elle soutint ses fils contrôleur père
lors de la grande rébellion de 1173; toutefois le roi s'as-
sura de sa personne avant qu'elle eût pu rejoindre les
rebelles et il la maintint dans une sorte de demi-captivité
à SaHsbury ou à Winchester, laquelle dura seize ans. Il
fut même question d'un nouveau divorce, mais ce projet
n'eut pas de suites. A la mort de Henri II (6 juil. 1189),
Eléonore se retrouva libre. Elle déploya alors beaucoup
d'énergie pour assurer la tranquillité du règne de son fils,
Richard Cœur de Lion, notamment contre les intrigues de
son fils cadet, Jean sans Terre. Pendant la captivité de
Richard en Allemagne, c'est elle qui fut l'âme de la résis-
tance nationale aux entreprises de Philippe de France.
C'est elle qui leva la rançon de Cœur de Lion ; c'est elle qui,
en 1194, la porta à Mayence ; c'est elle, enfin, qui obtint
de Richard qu'il pardonnât les trahisons de son frère Jean.
A quatre-vingts ans, elle fit encore un voyage en Castille
pour présider aux fiançailles de Blanche de Castille, sa
petite-fille, avec le futur Louis VIIl. Elle se retira ensuite
au monastère de Fontevrault ; mais elle fut chassée de
cet asile pendant la guerre qui éclata en 1202 entre Jean
sans Terre et Philippe-iVuguste ; assiégée dans Mirebeau,
elle manqua de tomber entre les mains de Geoffroi de Lu-
signan et de son petit-fils, Arthur de Bretagne. Toutefois
Jean sans Terre la secourut à temps. Elle fut enterrée à
Fontevrault. De Louis VII elle avait eu deux filles : Marie,
qui épousa Henri de Champagne; Alice^ femme de Thibaut
de Blois. De Henri II elle eut cinq fils et trois filles : Ma-
ihilde, femme de Henri de Saxe ; Eléonore^ reine de Cas-
tille ; Jeanne, reine de Sicile, puis comtesse de Toulouse.
Ch.-V. L.
ELÉONORE d'Anjou, reine de Sicile, fille de Charles II
d'Anjou, roi de Naples. Elle épousa, en mai 1302, le roi
de Sicile Frédéric II, et mourut sous l'habit franciscain le
9 août 1343.
ELÉONORE d'Aragon, reine de Portugal, morte à
Tolède le 19 févr. 1445. Fille de Ferdinand IV, roi d'Ara-
gon, et d'Eléonore d'Albuquerque de Castille. Mariée, en
1428, à l'infant Edouard (V. ce nom), fils et successeur
du roi Jean P^ de Portugal, elle vécut dans une union
touchante avec son mari qui, en mourant (1438), lui confia
la régence pendant la minorité de leur fils Alphonse V.
Mais les Etats du royaume en disposèrent autrement ; la
reine n'eut que l'éducation de l'héritier du trône, et les
rênes du gouvernement furent confiées à don Pedro, duc de
Coïmbre (V. ce nom), l'un des frères du roi Edouard.
Eléonore, qui avait toujours détesté don Pedro, engagea
contre lui une lutte ouverte, et fomenta plusieurs mouve-
ments insurrectionnels, à la suite desquels, et chargée des
malédictions du peuple, elle dut se réfugier en Castille,
où elle mourut bientôt dans un état voisin de la misère.
On soupçonna, non sans raison, le connétable Albaro de
Luna de l'avoir fait empoisonner. G. P-r.
ÉLÉONORE '-^ ^^^
ÉLÈONORE d'Aragon, reine de Navarre, fille de Jean II
d'Aragon, roi de Navarre, et de Blanche. Elle épousa, en
1434 Gaston IV, comte de Foix, qui mourut en 1472 ; elle
devint reine de Navarre le 19 janv. 1479 et mourut à
Tudela le 12 févr. suivant, laissant le royaume à son petit-
fils, François-Phébus, comte de Foix.
ELEONORE d'Autriche, reine de Portugal, puis de
France, née à Louvain en 1498, morte à Talavera le
18 févr. 1558. Elle était la sœur aînée de Charles-Qumt, à la
cour duquel elle fut élevée, et qui la maria, en 4 519, à Emma-
nuel ou Manoël, le Grand et le Fortuné, roi de Portugal.
Après la mort d'Emmanuel (1521), Eléonore, mère de deux
enfants, dut épouser d'abord, selon les plans de Charles-
Quint, le connétable de Bourbon ; mais ces plans changèrent
après k victoire de Pavie. Par le traité de Cambrai, l'em-
pereur stipula qu'Eléonore épouserait le roi François !«%
veuf de Claude. Eléonore d'Autriche, que Michelet a appelée
« la bonne reine », fut mariée au roi- de France à l'abbaye
de Capsieux, le 4 juil. 1530. Elle fut très bien reçue à la
cour, mais François P'" la délaissa malgré sa beauté, et
elle demeura presque sans crédit, quoi qu'elle essayât pour
réconcilier son époux avec son frère. Retirée dans son ora-
toire, elle se consolait par des lectures de la Bible. Elle
n'eut pas d'enfants de son second mariage. A la mort de
François P"^ (1547), elle quitta la cour de France, alla
d'abord dans tes Pays-Bas, puis en Espagne, à Talavera,
en 1556. Hubert Thomas a donné des détails sur sa jeunesse
dans ses Annales de vita Frederici 11 palat.
ELÉONORE d'Autriche, duchesse de Mantoue, née en
1534 morte en 1594. Elle était fille de Ferdinand P^ et
d'Aniie de Hongrie. Elle épousa, en 1561, Guglielmo de
Gonzague, duc de Mantoue. Elle en eut un fils, Vincenzo,
et deux filles, Anna-Catarina et Margarita.
ELÉONORE DE Beaufort, fille de Guillaume-Roger HI,
comte de Beaufort. Elle épousa en 1370 le sire de Beaujeu,
Edouard H, devint vicomtesse de Turenne en juin 1417
et mourut à Pouilly-le-Château le 18 août 1420.
ELÉONORE DE Castille, fille d'Alphonse VIH de Cas-
tille et d'Éléonore d'Angleterre, mariée en 4221 à Jean P^
d'Aragon le Conquistador. En 1229, ce mariage fut an-
nulé pour cause de parenté à un degré prohibé, par un
concile provincial réuni à Tarragone ; pourtant l'entant ne
de ce mariage, Alphonse, fut reconnu héritier légitime,
parce que l'union avait été contractée de bonne foi. Eléonore
partit d'Aragon avec ce fils, alla vivre en Castille près de
la reine sa sœur, la grande Bérengère, et après la mort
prématurée de son fils se retira au monastère de Las
Huelgas.près deBurgos, où elle mourut en 1244. E. Cat.
ELÉONORE DE Castille, reine d'Angleterre. Fille de
Ferdinand Ht de Castille et héritière, par sa mère, des
comtés de Ponthieu et de Montreuil, très belle, très sage,
elle épousa le futur Edouard P^ au monastère de Las
Huel^asprès de Burgos, enoct. 1254. Elle accompagna son
maril la croisade de 1270. Elle fut pieuse et vertueuse,
mais avide, compromise dans des opérations usuraires et
très dure, dit-on, pour ses tenanciers. Elle mourut à Harby
(Nottinghamshire) en nov. 1290. Son corps fut transporté à
Westminster, et l'itinéraire que suivit la procession funèbre
fut marqué par des croix célèbres élevées à Lincoln,
Grantham, Stamford, Geddington, Northampton, Stony
Stratford, Woburn, Dunstable, Saint-Albans , Waltham,
West Cheap, Charin^ (C/iarmô' Cross). La figure sculptée
sur son tombeau, qui est très belle, passe pour l'œuvre d'un
artiste anglais nommé William Torrell. Ch.-V. L.
BiBL. : ^Archœologia, XXIX, 186. — English histoncal
Review, avr. 1888.
ELÉONORE DE CASTILLE, princesse espagnole, née en
1350, morte à Pampelune le 5 mars 1416. Fille de Henri H
de Transtamare et de Juana Manoel y Penafiel de La Cerda,
elle épousa, en 1375, l'infant de Navarre, Charles, roi
en 1382 sous le nom de Charles Ht, et en eut quatre en-
fants. En 1383, au moment où son époux était sur le point
d » sa fuiro couronner roi, et sans motifs sérieux, à ce qu'il
semble, elle emmena ses enfants en Castille et refusa de
retourner en Navarre pour y être couronnée avec Charles IIÏ.
Elle chercha même à brouiller avec ce dernier son neveu
Henri HI, roi de Castille; en 1395, voyant ses pensions
en ce pays réduites par suite de la pénurie du trésor, elle
s'unit à quelques mécontents et soutint un siège au château
de Roa contre les troupes royales. Abandonnée par les
habitants, elle dut se rendre, et, "accompagnée par Henri IH,
elle rentra en Navarre, où son mari la reçut honorablement.
Elle vécut encore une vingtaine d'années, tranquille et en
bonne harmonie avec son époux. E. Cat.
ELÉONORE DE Provence, reine d'Angleterre, femme
de Henri HI. Elle était fille de Raymond-Bérenger IV, comte
de Provence, et passe pour s'être plu dès son enfance
à la littérature des troubadours. Son mariage fut célébré
le 14 janv. 1236 à Canterbury. Elle fut impopulaire toute
sa vie en Angleterre ; et l'on attribua ce fait à ce qu'elle
s'entoura tout d'abord de gens de son pays. Son oncle
Guillaume, évêque élu de Valence, exerça une grande in-
fluence et acquit d'immenses richesses. Un autre oncle de
la reine, Boniface de Savoie, fut désigné pour succéder sur
le siège archiépiscopal de Canterbury au saint national,
Edmond Rich (V. ce nom). Elle était très hautaine et
très avide. Quand Henri III passa en Gascogne (6 août
1253), il lui confia toutefois la régence conjointement avec
Richard de Cornouailles. Mais elle ne songeait qu'aux
siens : elle faisait envoyer sous main de l'argent anglais à
son beau-frère par aUiance, Charles d'Anjou, et à Thomas de
Savoie, qui bataillaient respectivement dans le N. et dans
le S. de l'Italie. H semble qu'elle ait approuvé d'abord
les Provisions d'Oxford, mais qu'en comprenant mieux l'at-
teinte que ces provisions portaient à l'arbitraire royal, elle
ait poussé ensuite son mari et son fils à les dénoncer. Mal-
traitée en 1263 par les habitants de Londres en allant de
la Tour à Westminster, elle fut bien mal vengée à la ba-
taille de Lewes ; mais elle s'enfuit sur le continent et
réunit à Sluys une armée pour envahir l'Angleterre pen--
dant la captivité de Henri III. Quand les affaires de celui-ci
furent rétablies, elle revint dans l'ile (29 oct. 1265), ac-
compagnée d'un légat; pontifical. Les bourgeois de Londres
furent frappés d'une amende de 20,000 marcs à son profit.
Le 3 juil. 1276, elle prit le voile au monastère d'Ames-
bury, où elle mourut le 25 juin 1291 , laissant des dettes
considérables. C'était une femme énergique, quoique d'une
faible santé, et passionnée pour les intérêts de sa famille
provençale. Elle domina entièrement l'esprit de son mari
et de son fils Edouard P% qui professa toujours pour elle
une vive affection. Un chroniqueur dit que c'est sur sa
prière qu'Edouard P^ expulsa les juifs d'Angleterre. Elle
eut de Henri III deux fils et trois filles : Edouard P^* Ed-
mond de Lancastre ; Marguerite, reine d'Ecosse ; Béa-
trix, duchesse de Bretagne ; Catherine. On conserve au
Public Record Office de Londres un grand nombre de lettrés
(plusieurs sont encore inédites), en français, de cette reine
à ses amis du continent et à son fils Edmond. Ch.-V. L.
ELÉONORE DE Vermandois, comtesse de Valois, née
vers 1152, morte après 1219. Elle était fille de Raoul IV,
comte de Vermandois, et de Pétronille de Guyenne. Vers
1160, elle fut promise au fils du comte de Hainaut, Gode-
froi de Namur, qui mourut peu après. Elle épousa alors
successivement : avant 1167, Guillaume V, comte de Ne-
vers, qui mourut. en 1168; en 1171, Mathieu, comte de
Boulogne, qui mourut en 1173 ; et Mathieu III, comte de
Beaumont-sur-Oise. Sa sœur aînée, Elisabeth, qui avait
apporté en dot le Vermandois et le Valois à son mari,
Philippe d'Alsace, comte de Flandre, étant morte en 1183,
Eléonore revendiqua sa succession ; elle fut soutenue ptir
Philippe- Auguste, qui comptait sur la stérilité d'Eléonore
pour acquérir un jour les deux comtés par déshérence. Le
comte de Flandre vaincu dut reconnaître les prétentions de
sa belle-sœur. Par le traité d'Amiens de 1184, suivi fen
1191 d'un accord définitif, Eléonore céda l'Amiénois au roi
et garda le Valois et la plus grande partie du Vermandois
- 807 —
ÉLÉONORE — ÉLÉPHANT
pour sa vie durant. Après la mort du comte de Beaumont-
sur-Oise en 1208, Eléonore épousa en quatrièmes noces
Etienne de Sancerre, troisième fils d'Etienne I«^ comte de
Sancerre. Elle mourut après 4219 sans postérité. Avec elle
s'éteignit la maison de Vermandois. -— Cette pieuse com-
tesse fonda l'abbaye du Parc-aux-Dames, à Crépy. Il paraît
qu'elle aimait les lettres : le Roman de Sainte-Geneviève
fut composé à sa demande. Ch. PETrr-DuTAiLUS.
BiBL. : DouËT d'Arcq, Recherches sur les comles de
Beaumont- sur-Oise, pp. c-ci\, dans les Mémoires de la
Soc. des Antiq. de Picardie, doc. inéd., 1855, t. IV.
ÉLÉONORE (Lianor) Tellez, reine de Portugal, morte
au couvent de Tordesillas (Castille) en liOo, Elle appar-
tenait à l'illustre famille de Meneze, et était fille deMartim-
Alfonso Tellez. Mariée avec Joào-Lourenço da Cunlia, sei-
gneur de Pombeiro, elle inspira une violente passion au
jeune roi Ferdinand (fils de Pierre le Justicier) qui fit casser
son mariage et l'épousa publiquement, au couvent de Leça
(1371), malgré les révoltes et les imprécation^ du peuple.
D'une grande intelligence, mais d'une rare perfidie, elle
cherche alors d'un côté à gagner l'estime publique par des
bontés simulées, et de l'autrel assouvir sa vengeance contre
les opposants à son mariage, et aussi à se débarrasser des
frères naturels du roi, qui peuvent éventuellement lui
faire perdre le trône. Elle s'arrange de façon à ce que l'un
d'eux épouse secrèlement sa sœur, qui lui porte ombrage,
la belle et vertueuse Maria Tellez, veuve de Alvaro Dias
de Souza, puis elle excite sa jalousie par des accusations
calomnieuses et enflamme son ambition en lui faisant entre-
voir la possibilité d'un mariage avec sa propre fille, l'in-
fante Béatrix (Brites), héritière présomptive de la cou-
ronne. L'infant Joâo assassine lâchement son épouse et
est obligé de s'enfuir en Castille. Son frère Diniz, un
second fils d'inez de Castro, est exilé pour lui avoir
manqué de respect. Eléonore, qui gouverne le roi à sa
guise, le brouille avec la Castille, ce qui amène la guerre,
et le détermine à conclure une alliance avec le duc de
Lancastre, ce qui entraîne l'intervention des Anglais. A
l'occasion de cette alliance, dont l'intermédiaire est Juan-
Fernandez de Andeiro, émigré castillan et fort beau garçon,
la reine contracte avec celui-ci une liaison coupable et lui
prodigue ouvertement des faveurs exagérées. Elle devient
veuve le 2*2 oct. 1383, et s'abstient d'assister même
aux funérailles de son mari. L'indignation du peuple
grandit. Eléonore prend la régence au nom de sa fille, ma-
riée à Jean P% roi de Castille, qu'elle veut faire recon-
naître pour, souverain du Portugal, tout en se crampon-
nant elle-même au pouvoir. L'effervescence populaire est
à son comble. A la tête du mouvement se met l'infant
D. Joâo, un troisième frère naturel du défunt roi. Il tue,
presque sous les yeux d'Eléonore, son amant Andeiro, et,
bientôt après, se fait nommer, par le peuple, défenseur et
régent du royaume (V. Jean P^ roi du Portugal). La reine,
appuyée par la noblesse, suscite une nouvelle invasion des
troupes castillanes, et, malgré elle, se démet de la régence
en faveur de son gendre. Mais elle ne tarde pas à regretter
le trône, et elle fait proposer à Pierre de Transtamare de
l'épouser, à la condition de tuer le roi de Castille. Le
complot est découvert, et le roi Jean, las des perfidies con-
tinuelles de sa belle-mère, la fait enfermer au couvent de
Tordesillas, près de Valladolid, où elle meurt obscuré-
ment. ^' Pawlowski.
ÉLÉOTRAGUE (V. Antilope).
ÉLÉPHANT (Elephas)A. Zoologie. — Genre de Mam-
mifères Ongulés qui représente, dans la nature actuelle,
un type tout à fait isolé constituant à lui seul l'ordre
ou sousr-ordre des Proboscidiens et la famille des Ele-
phantidœ qui comprend, outre le genre Elephas^ les
genres éteints Mastodon et Dinotheriiim, Les Eléphants
diffèrent de tous les Ongulés et même de tous les Mam-
mifères par leur organisation très spéeiahsée et leur grande
taille. Ce sont les plus gros de tous les animaux ter-
restres actuellement vivants : certains Cétacés tels que
les Baleines et les Cachalots, qui sont des animaux marins^
atteignent seuls des dimensions supérieures. Les caractères
de la famille sont bien connus : nez très allongé, en forme
de trompe flexible, terminé par un lobe ou appendice digi-
tiforme préhensile ; cou très court ; membres en forme de
piliers, sub-plantigrades, à cinq doigts enveloppés d'une
semelle épaisse qui ne laisse voir au dehors que les sabots
Molaires d'Eléphant d'Asie (variété de Sumatra), vues par
la couronne.
très petits, au nombre de cinq en avant, de quatre ou
même de trois seulement en arrière. Corps court et massif.
La dentition est très différente de celle des autres Ongulés :
dans les deux espèces d'Eléphants actuellement vivantes,
elle se compose d'une paire d'incisives supérieures à crois-
sance continue développées en forme de défenses, et ordi-
[Molaires d'Elépiiaut d'AMiiue, vues par la couronne.
nairement d'une seule paire de molaires dans chaque mâ-
choire, l'inférieure étant dépourvue de défenses, de sorte
qu'il ne paraît y avoir que six dents (deux incisives et
quatre molaires). Mais le mode de remplacement de ces
dents et l'étude de la dentition des genres fossiles prouve
que le système dentaire des Eléphants est plus compliqué
qu'il ne le semble au premier abord.
Si l'on prend pour point de départ la dentition du Dino-
therium ou des plus anciens Mastodontes qui s'éloignent
moins sous ce rapport des autres Ongulés, on admettra avec
Flower et Lydekker que la dentition complète du genre
Elephas doit être représentée par la formule suivante :
.10 3 3
i^.c^, pm3
m 7T = ^Q dents,
dont 24 molaires, et ces 24 molaires viennent, en cft'et,
prendre place dans les mâchoires de l'animal, mais suc-
cessivement et non pas en même temps, comme dans la
seconde dentition définitive des autres Mammifères. Ces
molaires, qui sont des dents composées, très grandes,
très massives et très lourdes, même pour un animal de
cette taille dont la mâchoire est relativement très courte,
ne se développent que successivement et d'avant en arrière,
la dent postérieure perçant la gencive pour venir rempla-
cer la dent qui précède seulement lorsque celle-ci est usée
par la mastication. Ce remplacement s'opère comme par un
mouvement de rotation d'arrière en avant qui se produi-
rait très lentement à mesure que chaque dent s'use, de
sorte que si, comme nous l'avons dit, il n'y a jamais plus
d'une dent bien développée en fonction dans chaque mâ-
choire, on peut trouver cependant aux époques de transi-
tion, deux ou même trois molaires, en comptant la dent
antérieure usée et prête à tomber qui précède la dent valide,
et la jeune dent qui pousse derrière elle prête à la rem-
placer. Ce mouvement de rotation est même visible sur la
dent en fonction dont la couronne s'use d'abord par son
bord antérieur, tandis que le bord postérieur reste long-
temps intact et ne s'use qu'au moment où la dent va tom-
ber, de sorte que cette dent s'use et diminue à la fois en
longueur et en hauteur.
Considérée isolément, hors de son alvéole, une molaire
d'Eléphant affecte la larme d'une sorte de pavé très élevé
ÉLÉPHANT
808 —
et très comprimé latéralement, dont un quart au plus en
hauteur, formant couronne, dépasse la gencive. Comme
celles de la plupart des Herbivores et des Rongeurs, ces
molaires sont à pulpe persistante et dépourvues de véritables
racines. La surface triturante de la couronne forme une
ellipse allongée dans le sens de la mâchoire : cette surface
est plane, un peu convexe aux dents d'en haut, concave
aux dents d'en bas ; toutes sont un peu concaves sur leur
bord interne, convexes sur leur bord externe , présen-
tant de légers sillons verticaux indiquant le nombre des
denticules ou plutôt des rangées de denticules dont la dent
est composée. L'émail, dont l'ivoire ou dentme de chacune
de ces denticules est recouvert, se montre à nu sur la sur-
face triturante, où il forme des ellipses ou des losanges
irré^uliers allongés transversalement et que Ton appelle
lames. Surune^coupe longitudinale de la dent, on voit
que la couche d'émail s'enfonce très profondément, ce qui
indique des denticules très élevées ; mais l'intervalle entre
ces denticules est complètement comblé par le cément qui
est très dur et recouvre également la surface externe de la
dent. Le dessin de cette couronne rappelle celui des molaires
de certains Rongeurs, notamment du Cabiai (V. ce mot).
Le nombre des lames ou ellipses transversales augmente
des premières aux dernières molaires : les premières (dents
de lait) n'ont que quatre lames, les dernières (qui ne se
montrent que chez l'animal très âgé) en ont jusqu'à vmgt-
deux ou vingt-trois ; mais il y en a rarement plus de dix
ou douze en usage à la fois,''les autres (en avant) ayant
disparu complètement, les autres (en arrière) conservant
encore leur émail intact et présentant l'apparence de col-
lines transversales, de petits mamelons, jusqu'au moment
où elles viennent en contact avec la dent correspondante
de la mâchoire opposée. Par suite, les arrière-molaires
durent plus longtemps, et les intervalles de remplacement
s'allongent avec l'âge. ^
Par suite de ce mode de remplacement périodique et qui
dure toute la vie, il est très difficile de dire ce qu'est la
dentition de lait ou première dentition de l'Eléphant. Les
incisives (défenses) seules sont remplacées comme chez les
autres Mammifères par celles que l'animal conservera dé-
sormais et qui s'accroissent indéfiniment. Mais les molaires,
comme nous l'avons dit, se succèdent une à une et non en
deux séries, comme chez les autres Mammifères. Quoi qu il
en soit, on doit admettre, conformément aux observations
déjà anciennes de Pallas et de Corse, qu'il y a seulement
deux molaires de lait, et non trois, comme Owen 1 a admis,
par analogie avec ce que l'on constate chez les Masto-
dontes. Pallas (vers 1790) observa que le jeune Eléphant
a d'abord une seule molaire de chaque côté ; une seconde
se développe ensuite et pousse en avant la première, de
façon que, pendant un certain temps, il y en a deux; puis,
la chute de la première fait qu'il n'en reste plus qu'une.
Corse, de son côté (1799), constata que le remplacement
des dents a lieu jusqu'à huit fois chez l'Eléphant des Indes,
ce qui fait deux molaires de lait, trois prémolaires et trois
arrière-molaires. Les mâchoires de très jeunes individus
de VElephas primigenius, trouvées à l'état fossile,
montrent aussi deux molaires de lait simultanément en
place. La première pousse huit ou dix jours après la nais-
sance, mais n'est complètement sortie qu'à trois mois ; la
seconde fonctionne à deux ans, tombe à six ans, et c'est
alors que se montre la dent que l'on doit considérer comme
la première prémolaire et qui est elle-même remplacée par
la seconde à neuf ans.
Pour homologuer la dentition des Eléphants et la rame-
ner à celle du Dinothenum et des Mastodontes où le rem-
placement se fait d'une façon normale, Lydekker admet
que chez l'Eléphant il y a rétention de la dentition de lait,
et, par suite, disparition des prémolaires (dents de rem-
placement). D'après lui, la première prémolaire est, ici,
sèrialement l'homologue des deux suivantes, et il la désigne
sous le nom de deuxième molaire de lait^ : les deux
dents que l'on trouve simultanément en fonction chez le
très jeune Eléphant sont donc désignées par lui sous le nom
de deuxième et troisième molaires, ce qui implique l'exis-
tence d'une première molaire rudimentaire qui tomberait
avant la naissance. Par suite, le chiffre normal serait de
Coupe verticale du crâne de l'Eléphant. — 5, cavité céré-
brale ; s, sinus frontaux ; n, orifice des narines ; m, mo-
laires ; i, défense,
sept paires de molaires, chiffre qui se rapproche de celui
d'Owen, qui admet trois molaires de lait, une prémolaire
et trois arrière-molaires.
Les Eléphants sont exclusivement herbivores. L'estomac
est simple, droit, mais vaste, et l'intestin présente un
cœcum d'une dimension considérable. H n'y a pas de vési-
cule biliaire. Le cerveau, bien que plus volumineux que
celui d'aucun autre animal terrestre, n'occupe qu'une place
relativement petite dans l'énorme crâne de l'Eléphant, mais
il est pourvu de circonvolutions nombreuses. Les testicules
du mâle restent enfermés dans l'abdomen. La femelle porte
un utérus bicorne et deux mamelles pectorales. Le placenta
est zonaire comme celui des Damans et des Carnivores. Le
squelette présente des particularités remarquables : le paral-
lélisme presque absolu des os longs des membres, au bras
et à la jambe, dont les articulations sont à angle très ouvert,
la position verticale du bassin qui rappelle la disposition
du membre postérieur chez l'homme, expliquent pourquoi
le saut est presque impossible à l'Eléphant. La peau est
épaisse, rugueuse, plissée et nue, ne présentant que quelques
poils clairsemés ; la queue est assez longue, grêle et se
termine par deux touffes latérales de poils. Les oreilles
sont larges, rabattues sur les épaules, en forme d'éventails
et mobiles d'arrière en avant jusqu'à angle droit. Les yeux
sont relativement petits, mais bien placés et expressifs.
Des deux espèces qui vivent encore, la mieux connue
est I'Eléphant d'Asie {E le phas indiens), qui se distingue
par son front concave avec deux bosses latérales, ses
oreilles plus petites, plus éloignées l'une de l'autre par
leur bord supérieur. Il a quatre sabots aux pattes posté-
rieures, et les défenses de la femelle sont petites, droites,
sortant à peine de la bouche. Les lames que présente la
couronne des molaires sont nombreuses et ont leurs bords
parallèles. C'est le sous-genre Elasmadon de F. Cuvier.
C'est la seule espèce qui soit domestiquée à l'époque actuelle.
Elle habite toutes les grandes forêts de l'Inde qui s'étendent
au pied des monts Himalaya , de Dehra Doun au Rhoutan
Teraï, les monts Garo dans l'Assam, quelques parties cen-
trales et méridionales de l'Hindoustan, la Birmanie, Siam,
la Cochinchine, les îles de Ceylan et Sumatra. Elle a été
introduite à Bornéo et à Java et dans la première de ces
îles elle est redevenue sauvage. Dans les montagnes du
Yunnan, au N. de l'Indo-Chine, les Eléphants se montrent
accidentellement jusqu'à 5,000 pieds d'élévation dans les
environs de Bhamô. Les Eléphants de Sumatra forment
— 809 —
ÉLÉPHANT
une variété assez distincte que l'on a même considérée
quelque temps comme une espèce distincte (E. sumatra-
nus Temminck) , et ceux
de Geylan présentent
aussi quelques particu-
larités comme la peti-
tesse des défenses, même
chez le mâle.
L'Eléphant d'Afrique
{Elepfias africanus) est
généralement plus grand
que son congénère, dont
il se distingue par son
front uniformément
bombé, ses oreilles très
grandes, se touchant par
leur bord supérieur, au-
dessus du cou, lors-
qu'elles sont rabattues
en arrière. Il n'a que
trois sabots aux pattes
postérieures, et les dé-
fenses de la femelle sont
recourbées et saillantes
comme celles du mâle,
bien que généralement plus petites : celles du mâle atteignent
jusqu'à 2 et 3 m. de long (y compris la partie cachée dans
l'alvéole). Ses molaires ont des lames relativement moins
nombreuses et de forme losangique. C'est le sous-genre
Loxodon de F. Cuvier. On ne le recherche plus que pour
l'ivoire de ses
défenses. Il ha-
bite toute l'Afri-
que au S. du
Sahara, mais à
, l'époque ro-
maine il habi-
tait également
les régions boi-
sées du N. de
l'Afrique, le Ma-
roc, l'Algérie et
la Tunisie. Ac-
tuellement , 0 n
trouve l'Elé-
phant dans tou-
tes les régions
boisées du S. de
l'Afrique, à TE.
depuis le Taka,
province du Sou-
dan égyptien
(parifMat. N.)
et le Somali; à
l'O., depuis le
Sénégal, et de
là jusque dans
le N. delà colo-
nie du Cap, d'où
les progrès de la culture le repoussent peu à peu vers
l'intérieur du continent.
Les mœurs des deux espèces sont à peu de choses près
les mêmes, bien qu'on les ait surtout étudiées chez l'es-
pèce asiatique. Les Eléphants vivent en bandes plus ou
moins nombreuses formées de douze à cent individus et
plus, tous de la même famille et de tous les âges. La nour-
riture abondante que nécessite un tel nombre de grands
animaux les force à mener une vie errante. Le troupeau
se déplace chaque jour sous la conduite, paraît-il, d'une
vieille femelle et non d'un mâle. L'Eléphant sauvage se
nourrit surtout de feuilles d'arbres, qu'il cueille en brisant
les jeunes branches dont il broie l'écorce sous ses puis-
santes molaires, et il avale le tout, car on trouve dans ses
S(,u3lette de T Eléphant d'Asie.
ïete de TEléj^hant d'Asie.
déjections des morceaux de bois d'une dimension relative-
ment considérable. Il déracine, en fouillant le sol avec ses
défenses, les jeunes ar-
bres pour avoir à la fois
leur feuillage et leurs
racines, et, lorsqu'il
mange de l'herbe, c'est
en l'arrachant par
grosses touffes et se-
couant la terre qui
adhère aux racines pour
avaler le tout. Il faut
chaque jour à l'Eléphant
adulte 100 kilogr. de
matières végétales, et
l'on comprend, d'après
cela, qu'une troupe un
peu nombreuse ne peut
traverser une forêt sans
laisser des traces de son
passage. C'est pour la
même raison que l'on
redoute beaucoup le voi-
sinage des Eléphants
dans les pays de cul-
ture, car ils commettent des dégâts considérables dans les
champs de riz et surtout de cannes à sucre, dont ils sont
très friands, mais dont le moindre semblant de clôture suf-
fit paur les écarter. En domesticité, on les nourrit de foin,
de racines, de pain, de fruits, de riz, de sucre ; on leur
donne même du
vin et de l'eau-
de-vie comme
stimulants pour
obtenir d'eux un
travail long et
soutenu. Dans
beaucoup de fo-
rêts, les seules
routes pratica-
bles ont été per-
cées par les Elé-
phants qui vien-
nent toujours
boire au même
endroit, ordinai-
rement le soir ;
ces routes se re-
onnaissent aux
branches bri-
sées, aux jeunes
arbres déracinés
dont elles- sont
jonchées. Les
Eléphants re-
cherchent l'eau
non seulement
pour boire, mais
pour se baigner
et s'arroser d'eau et même de sable qu'ils rejettent sur leur
dos avec leur trompe pour se débarrasser des parasites qui
s'attachent à leur peau. Ils emmagasinent de l'eau dans leur
estomac ou plutôt dans une poche pharyngienne dont l'ou-
verture est à la base de la langue (Watson, Miall et Green-
wood). C'est en plongeant la trompe au fond de la bouche
qu'ils régurgitent cette eau dont on les voit quelquefois se
servir, dans les jardins zoologiques, pour inonder les visi-
teurs qui abusent de leur patience en leur faisant trop long-
temps attendre quelque friandise offerte et retirée tour à tour.
Les Eléphants sauvages sont ordinairement très timides
et très méfiants, surtout dans les pays où ils ont déjà fait
connaissance avec l'homme, qui est leur principal et mênie
leur seul ennemi, après les mouches, dont ils sont très
Tûte de TEléphant d'Afrique.
ÉLÉPHANT
— 810 --
incommodés. Ils ont continuellement Toreille au guet, et le
moindre bruit insolite suffit pour les mettre en fuite. Ils
se précipitent alors droit devant eux, renversant et bri-
sant tout sur leur passage. Leur allure habituelle est un
amble plus ou moins allongé, mais qui, grâce à la longueur
de leurs jambes, leur permet d'aller aussi vite qu'un cheval
lancé au galop. La voix de l'Eléphant est un cri rauque et
strident, lancé à travers le double tube de la trompe comme
à travers un instrument de cuivre et qui imite, en effet,
le son du cor : on peut dire que l'Eléphant trompette, bien
que le dictionnaire de l'Académie n'applique le verbe trom-
peter ({M'k la voix de l'Aigle (?).La femelle porte de vingt
à vingt-deux mois, et le petit, qui a déjà près d'un mètre de
haut en venant au monde, est en état de se tenir sur ses
jambes et peut, dès le lendemain, suivre la troupe à laquelle
il appartient. Il tette directement avec la bouche en enrou-
lant sa trompe autour des mamelles de sa mère, et ne se suffit
guère à lui-même avant l'âge de deux ans. La plus grande
taille que l'animal puisse atteindre est de 11 pieds de haut.
Bien que Ton ait de nombreux exemples d'Eléphants
s'étant reproduits en captivité, l'espèce n'a jamais été
complètement domestiquée, et c'est parmi les Eléphants
sauvages que l'on va chercher les individus que l'on utilise
ensuite, dans l'Inde, comme animaux domestiques. C'est le
seul animal domestique dont l'homme n'ait pas complète-
ment asservi la race en détruisant, sauf de rares excep-
tions, la souche sauvage originelle, Cette exception s'explique
par la croissance très lente de l'Eléphant, l'énorme quan-
tité de nourriture dont il a besoin et la facilité avec laquelle
ilse laisse apprivoiser. Il est donc plus économique^' de
laisser à la nature le soin de son élevage et de n'enlever
l'animal à sa forêt natale que lorsqu'il est d'âge à rendre
des services, c.-à-d. lorsqu'il est à peu près adulte, vers
l'âge de vingt ans. Il peut d'ailleurs vivre soixante-dix ans
et plus.
La chasse des Eléphants est aujourd'hui réglementée
dans l'Inde par le gouvernement anglais, et c'est grâce à
cette protection que l'espèce est encore représentée sur le
continent, comme à Ceylan, par de nombreux individus.
Lorsque l'on veut se procurer de ces animaux, on opère
de grandes battues dans les forêts qu'ils habitent en pous-
sant les Eléphants vers un enclos formé de solides palis-
sades et ouvert d'un seul côté. Lorsque tout le troupeau,
ainsi cerné, s'est jeté de lui-même dans cette enceinte, on
en ferme l'ouverture et l'on y fait entrer des Eléphants do-
mestiques spécialement dressés dans ce but et qui, montés
et dirigés pas leur cornac, savent avec une adresse et une
astuce véritablement surprenantes, aider à la capture de
leurs frères sauvages. On passe à ceux-ci un nœud coulant
qui leur serre solidement l'un des pieds de derrière et on
les attache solidement au tronc d'un arbre : la faim et les
privations font le reste, si bien qu'au bout de six mois
l'animal peut être monté et employé aux mêmes travaux
que les Eléphants réduits en domesticité depuis de longues
années.
On peut les dresser à tous les ouvrages qui exigent à la
fois de la force et de l'adresse, à- porter des fardeaux tels
que des poutres, à traîner des chariots ou même la char-
rue, etc. Pour charger une poutre, l'Eléphant se sert de sa
trompe et place ce fardeau en équilibre sur ses défenses,
qui peuvent soulever jusqu'à 500 kilogr., mais non très
longtemps. Sur le dos, un Eléphant peut transporter de
1,000 à 1,250 kilogr. sur un parcours de 12 à 15 lieues.
Lorsqu'il doit transporter des voyageurs, on place sur son
dos une sorte de palanquin solidement assujetti par des
sangles et qui peut contenir deux ou trois personnes
assises. Le cornac se place à cheval sur le cou de l'animal
et le dirige de la voix en s'aidant d'un aiguillon fourchu,
dont l'une des pointes est rabattue en forme de crochet.
C'est une monture désagréable en raison du roulis que son
allure ordinaire, l'amble, imprime au palanquin. Cependant
tous les princes et les gens des hautes castes de l'Inde se
servent de cette monture, non seulement pour voyager,
mais encore pour chasser le tigre, un de leurs plus dan^
gereux divertissements. La hauteur de cette monture donne
aux chasseurs plus de sécurité que le dos d'un cheval. A
Siam, on leur faisait remplir le rôle du bourreau en écra^
saut sous leur lourde patte le corps des condamnés à mort.
— L'Eléphant nage fort bien. Il est surtout très utile pour
traverser les montagnes, car son pied large et sûr lui per-
met de monter avec aisance ; la descente est plus difficile,
mais il en élude les difficultés en s'agenouillant des pattes
de derrière et se laissant glisser avec adresse, le ventre
contre le sol, jusqu'à ce que ses pattes de devant ren-
contrent un appui sûr. — Tous les princes asiatiques,
ainsi que la Compagnie anglaise des Indes orientales, entre-
tiennent un grand nombre d'Eléphants dressés. La variété
blanche, résultat d'un albinisme assez rare, est considérée
à Siam comme sacrée : un de ces animaux est attaché
au temple principal, où on le nourrit sans exiger de lui
aucun travail. L'Eléphant joue d'ailleurs un rôle consi-
dérable dans les légendes religieuses de l'Inde et, sur lès
monuments, les dieux et les héros sont souvent représentés
avec une tête d'Eléphant.
L'intelligence de l'Eléphant est incontestablement supé-
rieure ày celle du Cheval et égale à celle du Chien. En
domesticité, on obtient de lui, par la voix et le geste,
presque tout ce qu'on exige des deux autres : l'Eléphant
est môme plus obéissant, plus doux, plus réfléchi et sur-
tout moins vif et moins ombrageux que le Cheval. Lès
exercices qu'il exécute dans les cirques et sur les théâtres
montrent que la lenteur et la prudence qui président à tous
ses mouvements ne leur ôtent ni adresse ni précision, et l'on
est étonné de ce qu'on lui voit faire, malgré la lourde en--
veloppe de cuir qui recouvre ses muscles. La sensibilité
exquise de l'appendice digitiforme de la trompe lui permet
de ramasser à terre les objets les plus petits, tels qu'une
pièce de cinquante centimes.
Les Eléphants ont eu dans l'histoire militaire de l'anti-
quité un rôle considérable (V. ci-dessous le § Histoire).
Dans les temps modernes, ces animaux ont été utilisés à
la guerre, mais seulement pour porter des bagages et de
l'artillerie. En 1868, l'armée anglaise marchant contre le
roi d'Abyssinie, Théodoros, débarqua sur la côte occidentale
de la mer Rouge quarante-cinq Eléphants asiatiques, qui
permirent à cette armée de transporter ses munitions et
sa grosse artillerie à travers les montagnes et jusque sur
le haut plateau où Théodoros s'était retranché dans la for-
teresse de Magdala, — Actuellement, l'armée anglaise de
l'Inde possède mille Eléphants d'artillerie; chaque pièce
est traînée par deux Eléphants attelés en flèche.
L'acclimatation de l'Eléphant en Europe peut être consi-
dérée comme résolue par l'expérience faite dans tous nos
jardins zoologiques ; mais la raison qui s'oppose à l'utili-
sation de cette puissante force motrice en Occident n'est pas
tant la question de climat que la question économique.
L'énorme quantité de nourriture nécessaire à l'Elépharit,
ajoutée aux frais de transport, rendrait ce mode de loco-
motion très coûteux, bien qu'il soit incontestable qu'un
seul Eléphant traînerait nos lourds omnibus et nos tramways
à travers les rues encombrées des grandes villes, avec
autant d'aisance et beaucoup plus de sécurité que trois ou
quatre Chevaux.— Quoi qu'il en soit, si l'espèce asiatique
est aujourd'hui protégée, comme nous l'avons dit, par les
lois, il n'en est pas de même de l'espèce africaine, et l'on
doit déplorer l'énorme destruction que l'on fait chaque
année de celle-ci, uniquement pour se procurer l'ivoire de
ses défenses, car on peut déjà prévoir sa disparition
prochaine. Presque tout l'ivoire que l'on façonne actuelle-
ment en Europe provient d'Afrique et, quand on saura que,
d'après Sterndale, la seule ville de Sheffield, en. Angle-
terre, reçoit chaque année quarante-six mille défenses,
représentant vingt-trois mille Eléphants, défenses qui sont
transformées en manches de couteau ou objets analogues,
on sera elfrayé de cette rapide extermination atteignant un
animal dont la croissance est si lente et dont la femelle ne
-~ 811 -
ELEPHANT
reproduit que tous les quatre ans. Chacune de ces défenses
cependant pèse, en moyenne, 30 à 32 kilogr. Elles pro-
viennent soit des nègres qui tuent l'Eléphant à coups de
zagaies et vendent les défenses aux voyageurs, soit des
chasseurs européens qui le chassent à l'aide de fusils de
gros calibre et rapportent l'ivoire sur leurs chariots.
— L'Eléphant a déjà disparu du N. de l'Afrique, où les
Egyptiens et les Carthaginois l'avaient domestiqué, comme
nous l'avons dit, avant l'ère chrétienne. Il a disparu de
l'Afrique australe, où les colons hollandais et anglais n'ont
pas su tirer parti de ses services, malgré l'exemple des
anciens et de l'Inde moderne, et n'ont vu en lui qu'un
animal malfaisant et bon à détruire. Aujourd'hui que les
nations européennes cherchent à fonder des établissements
sur tous les points de l'Afrique, il serait à désirer que l'on
reprît les essais de
domestication déjà
faits sur cette es-
pèce , en lui appli-
quant le régime qui
a toujours réussi
dans l'Inde. Il se-
rait facile d'utihser
l'Eléphant d'Alri-
que dans son pays
natal, comme force
motrice, et de le
dresser aux trans-
ports de toute es-
pèce, en attendant
le jour, sans doute
encore lointain, où
les chemins de fer
traverseront le con-
tinent noir. On
pourrait, du même coup, réglementer la production de l'ivoire,
qui n'est actuellement que du gaspillage, car les procédés
en usage conduisent fatalement et rapidement à la disparition
complète de l'animal qui le produit. E. Trouessart.
IL Paléontologie. — Pendant toute la seconde moitié de
Pépoque tertiaire (miocène supérieur et pliocène) et pendant
la quaternaire, les Proboscidiens ont été beaucoup plus nom-
breux que de nos jours et ont peuplé une région beaucoup
plus étendue du N. des deux continents. On peut dire qu'à
cette époque et jusqu'à l'apparition de l'homme, les Elé-
phants ont été les tranquilles souverains du monde, car,
alors comme aujourd'hui, il est bien probable que les
grands Carnassiers (Lions et Tigres) n'osaient pas s'attaquer
à ces puissants herbivores. Si l'on met à part le type aber-
rant du Dinotheriiim (V. ce mot), qui doit constituer une
sous-familie à part, on voit que les deux grands genres
Eléphant et Mastodonte n'ont pas compté moins de trente
espèces aujourd'hui éteintes et qui, dans le pliocène,
s'étaient répandues sur tout le N. de l'ancien continent,
dans le N. de l'Afrique et en Asie jusqu'à la région qui
forme aujourd'hui Parchipel malais, puis, de là jusqu'au
Japon, jusqu'à l'Amérique septentrionale et finalement dans
l'Amérique méridionale jusque sur le territoire Argentin,
où les Mastodontes ont vécu, dans le quaternaire, beaucoup
plus tard que dans le N. de l'ancien continent. Le genre
Mastodon, qui est contemporain du Dinotherium dans le
miocène moyen, représente le type primitif des Probos-
cidiens modernes. Les Mastodontes avaient la forme géné-
rale des Eléphants, mais ils devaient être plus allongés,
moins élevés sur jambes et munis probablement d'mie
trompe un peu moins longue. Leurs dents diffèrent beau-
coup de celles des Eléphants actuels et ressemblent à celles
des Tapirs et des Cochons, bien qu'elles aient déjà la forme
allongée et les denticules nombreux qui caractérisent les
molaires des Proboscidiens. En un mot, elles appartiennent
au type des Omnivores. Elles sont beaucoup moins élevées
que celles des Eléphants, et leur couronne présente des col-
lines transversales de tubercules en forme de mamelons
Squelette restauré du Mastodon angustidens.
(d'où le nom de Mastodonte), Ces tubercules ont leur ivoire
recouvert d'émail, mais il n'y a pas trace de cément dans
l'intervalle des collines. En outre, le mode de succession
de ces dents était normal : il y avait trois molaires de lait,
remplacées ensuite par des prémolaires et des arrière-
molaires qui n'apparaissent que successivement, comme
chez les Eléphants. Enfin, les Mastodontes primitifs avaient
au moins dans leur jeune âge des incisives inférieures qui,
chez certaines espèces, persistaient jusqu'à l'âge adulte, de
telle sorte que l'animal avait quatre défenses au heu de deux.
Tel était le Mastodon angustidens du miocène moyen
du S. de la France, espèce dont les habitudes comme les
formes et la dentition devaient être assez différentes de celles
des Eléphants actuels. Il devait vivre dans les marais ou
au bord des fleuves dont il ne s'éloignait guère, et se nour-
rir de plantes et de
racines aquatiques
comme le Tapir et
l'Hippopotame.
Mais entre cette
forme primitive et
les Eléphants mo-
dernes on trouve
tous les intermé-
diaires et Ton passe
par des nuances
insensibles des Mas-
todontes aux véri-
tables Eléphants.
On peut suivre ainsi,
en partant du Dino-
^/imitm et des plus
anciens Masto-
dontes, toute l'évo-
lution de ce type :
bientôt les défenses inférieures disparaissent ou tombent
avec les dents de lait, qu'il devient difficile de distm-
guer des molaires définitives qui affectent le même mode
de succession que celles des Eléphants. En même temps
la dent s'élève ou plutôt s'enfonce dans son alvéole et
s'allonge dans le sens de la mâchoire ; les collmes de
sa couronne deviennent plus nombreuses et plus petites,
s'usent plus rapidement à leur sommet, et dans leur inter-
valle se dépose une couche de cément de plus en plus
épaisse, qui comble enfin tout l'intervalle entre les mame-
lons devenus confluents et constitue la molaire à couronne
plane et à lames transversales de l'Eléphant moderne, qui
ne se nourrit plus déracines aquatiques molles et juteuses,
mais d'herbes et de feuilles sèches et dures. Le nombre
des mamelons que présentent les collines transversales des
molaires chez les Mastodontes est donc très variable sui-
vant les espèces, et Falconer avait voulu subdiviser le genre
Mastodon en sous-genre d'après le nombre de ces rangées
de mamelons , d'où les noms de Tnlof)hodon , Tetralo-
phodon, Pentalophodon, Mais ces divisions sont peu nattj-
relles, d'une application difficile dans la pratique, et ont été
abandonnées par les modernes dont la plupart prêtèrent
conserver au genre Mastodon son intégrité primitive.
Plus récemment, Cope a proposé de diviser ce genre d'après
la présence ou l'absence de la dentition de lait, comprenant
les incisives inférieures, et suivant que le nombre des ma-
melons est égal (isomère) ou non aux molaires antérieures
et postérieures. Nous suivrons cette classification en passant
en revue les différentes espèces dont nous indiquerons en
même temps la répartition géographique.
Le sous-genre Tetrabelodon (Cope) comprend les Mas-
todontes primitifs munis d'incisives inférieures et de pré-
molaires : le type est le Mast. angustidens, dont nous
avons déjà parle et qui habitait le S. del'Europe à l'époque
du miocène moyen. Des espèces plus ou moins voisines sont
les M. turicensis, longirostris et pente lici d'Europe;
M. palœindicus et pandionis de l'Inde; M. brevidens,
proavus.productus, euhypodon, campester et serridehs
ÉLÉPHANT ^ sn —
(ou floridanus) de l'Amérique du Nord. Ge type a vécu
en Asie et en Amérique plus tard qu'en Europe (jusque
dans le pliocène). Le sous-genre Dibelodon (Cope) avait
encore des prémolaires, mais pas d'incisives inférieures, au
moins chez l'adulte ; d'après Cope, toutes les espèces seraient
américaines : M, Shepardi, M. cordillerarum (ou a7i-
dium), M. tropicus, M. HumboldtiL II faut probablement
y ajouter les M. platensis, M. argentinus, M. superbus
Restauration factice du Mammouth.
et M. reclus (Ameghino), tous de la région néotropicale
(Mexique et Amérique méridionale), où ils ont vécu depuis
le miocène jusque dans ^le quaternaire (i¥. superbus Ame-
ghino), époque où les Mastodontes étaient depuis longtemps
éteints et remplacés par de véritables Eléphants sur l'ancien
continent. — Le sous-genre Mastodon proprement dit ne
diffère des précédents que par l'absence (comme chez les
Eléphants) des bandes d'émail que ceux-ci présentent aux
défenses : il comprend les M. arvernensis et Borsoni
d'Europe, M. sivalensis, latidens^pundjabiensis et Fal-
coneri de l'Inde et de la Malaisie, 3f. americanus et
miri/icus de l'Amérique du Nord : ce type est de la fin du
miocène et du pliocène en Europe, en Asie et dans l'Amé-
rique du Nord ; dans ce dernier pays, il a été contemporain
de VElephas primigenius dans le quaternaire. — Le sous-
genre Emmenodon (Cope), qui correspond au genre Ste-
godon de Falconer, comprend des espèces qui se rapprochent
déjà beaucoup des Eléphants par la constitution de leurs
molaires cémentées et dont les intermédiaires sont hété-
romères. On en connaît plusieurs espèces du pliocène
d'Asie : M, elephantoïdes (ou Cliftii) de l'Inde et du
Japon, M, planifrons de l'Inde, M. trigonocephalus et
i¥. mindanensis de Java et des Philippines. On voit que
les Mastodontes ont vécu plus tard en Asie qu'en Europe
et ont survécu plus longtemps encore dans l'Amérique du
Sud. Même dans l'Amérique du Nord, ils ont probablement
survécu aux véritables Eléphants.
Le genre Elephas que Cope ne subdivise pas, n'a plus
ni prémolaires, ni incisives inférieures, et comprend,
outre les deux espèces vivantes, les '£. priscus ou E.
meridionalis^ E. antiquus d'Europe et ce dernier du
N. de l'Afrique; E. melitensis, race insulaire, naine
{poney) ^ propre à Malte et à la Grèce; E, bombifrons
de l'Inde, de la Chine et de Java, E. ganesa^ E. in-
signis de l'Inde et ce dernier aussi du Japon, E. hysu-
dricus de l'Inde et de Java, E. namadicus d'une grande
partie de l'Asie, de Java et du Japon, toutes pliocènes
et quarternaires, et enfin VE, primigenius qui s'est éteint
le dernier, longtemps après l'apparition de l'homme, et
qui s'est étendu sur tout le N. des deux continents, mais
sans pénétrer comme les Mastodontes dans l'Amérique du
Sud. Les E. americanus et colombi ne sont que des
variétés américaines de cette espèce, et cette dernière a
pénétré jusqu'au Mexique. C'est elle qui se rapproche le
plus de l'Eléphant asiatique, tandis que VE, priscus se
rapproche de l'Eléphant d'Afrique que l'on trouve aussi à
l'état fossile en Algérie et dont on doit le considérer comme
proche parent.
Si l'on peut suivre facilement les transformations gra-
duelles qui ont transformé le Mastodonte en Eléphant, il est
plus difficile de dire quelle est l'origine du Mastodonte.
Pohlig admet que les Ongulés et les Siréniens dérivent d'un
ancêtre hypothétique commun qu'il appelle Protapirus et
qui se serait lui-même subdivisé en Hydrotapirus et
Hyotapirus, ce dernier étant l'ancêtre à la fois aes Artio-
dactyles et des Eléphants. Ameghino admet sous le nom de
Pachytheria un groupe supérieur qui comprendrait (1<>) les
Chœrodonta hypothétiques, sans trompe, descendants des
Platyarthra et ancêtres des (2**) Proproboscidea à trompe
rudimentaire , eux-mêmes ancêtres des (3<^) Proboscidea
modernes. Enfin, Cope donne le tableau phylogénétique
ci-après du groupe des Proboscidiens.
De toutes les espèces fossiles, la plus intéressante est
VElephas primigenius ^ contemporain de l'homme primitif
en Europe, comme le prouvent les figures nombreuses,
dessins et sculptures, souvent gravées sur son propre ivoire,
que l'on trouve dans les couches quaternaires et les cavernes
de notre pays. Une autre preuve de l'existence récente de
cette espèce^ désignée sous le nom vulgaire de Mammouth ^
nous est donnée par la découverte que l'on fait de temps en
— 813 —
ÉLÉPHANT
temps, en Sibérie, de cadavres entiers de cet Eléphant,
conservés dans la glace avec la peau et la chair encore
Tableau phylogénétiqiie du groupe des Proboscidiens
Elephas.
Emmenodon (Stegodon),
I
Mastodon.
Dibelodon.
Dinotherium
Tetrabelodon.
Proproboscidea (hypothétiques) .
intactes. Ces cadavres ontmontré que l'animal était couvert
de longs poils formant crinière sur le dos et recouvrant
d'autres poils de nature laineuse, ce qui lui permettait de
supporter les hivers du N. de l'Europe et de l'Asie. Des
lambeaux de cette toison sont conservés au musée de Saint-
Pétersbourg et ont servi de modèle pour des restaurations
artificielles faites récemment avec beaucoup d'habileté. Les
défenses énormes et contournées en spirale abondent en
Sibérie et sont exploitées sous le nom dHvoire fossile. La
taille du Mammouth surpassait celle des plus grands Elé-
phants actuels, car il atteignait 3"^42 au sommet du crâne
(Gaudry). M^sàsV Elephas antiquus etVE. meridionalis
étaient encore plus grands (4™42), dimension qui n'est sur-
passée que par celle du Dinotherium, E. Trouessârt.
IIL Histoire et Archéologie. — L'archéologie préhisto-
rique nous révèle, dès l'époque des dépôts quaternaires les
plus anciens, l'emploi des ossements de l'éléphant pour la
confection des ustensiles et des objets de luxe et de parure que
l'homme primitif savait déjà fabriquer. De nombreux osse-
ments d'éléphants, remontant à cette période géologique,
sont couverts de figures gravées à la pointe, parfois même
sculptées, et l'on peut en voir de beaux spécimens au nmsée de
Saint-Germain, recueillis principalement dans les cavernes
du Périgord. Suivant certains paléontologistes, VElephas
primigenius de ces dépôts quaternaires de l'Europe occi-
dentale, serait l'ancêtre de l'éléphant des Indes, tandis que
son contemporain, VElephas meridionalis, serait l'ancêtre
de l'éléphant d'Afrique. Quoiqu'il en soit, les mammouths
des temps préhistoriques avaient disparu du centre et de
'occident de l'Europe à l'époque où remontent les plus
lointains souvenirs de notre civilisation. Les anciens, Grecs
et Romains, n'ont connu que deux espèces d'éléphants :
l'éléphant d'Asie (Elephas indiens) et l'éléphant africain
(Elephas africanus) : ce dernier a le front plus bombé,
les oreilles plus longues et la taille plus grande.
Chez les Egyptiens, l'éléphant paraît comme signe
hiéroglyphique "dès la V« dynastie : il représente le nom de
l'île de d'Abou ou Eléphantine, au pied de la première
cataracte. Mais dans les représentations sculpturales, l'élé-
phant ne figure qu'à partir de la XVIH® dynastie, et il est au
nombre des tributs en nature prélevés par les conquérants
égyptiens sur la Syrie. Dans les bas-reliefs assyriens, l'élé-
phant asiatique paraît plusieurs fois, notamment sur le
célèbre obélisque de Salmanasar Hl (837 à 822), où il
figure avec des dromadaires et des singes comme^ tribut
de contrées orientales. En Assyrie, aussi bien qu'en Egypte,
l'éléphant est donc connu, mais comme un animal exotique
et importé de contrées étrangères : il semble pourtant
que l'éléphant ait vécu en Mésopotamie à l'état naturel,
à une époque peu antérieure à la constitution du grand
empire assyrien, car le roi d'Egypte Toutmès HI se vante
d'avoir chassé l'éléphant en Mésopotamie : l'éléphant n'au-
rait ainsi disparu de cette contrée que vers le xi« siècle
avant J.-C.
Le bas-relief de l'obélisque de Sennachérib prouve qu'au
IX® siècle avant notre ère l'éléphant était domestiqué dans
rinde et les contrées voisines. Ce fut seulement, d'ailleurs,
dans ce pays de l'Indus et du Gange que l'éléphant revêtit
un caractère religieux, et cela dès la plus haute antiquité.
L'éléphant est la monture d'Indra et il est l'emblème de la
sagesse et de la vertu forte. Ganesa, dieu de l'armée, du
succès et de toute sagesse, en général, est représenté avec
une tête d'éléphant. Des représentations hindoues nous
montrent huit éléphants portant la terre, ou bien Indra
assis sur un éléphant à trois trompes appelé Iravat. On
sait les hommages qu'aujourd'hui ejncore les Hindous
rendent à certains éléphants que des signes particuliers de
leur peau ou de leurs défenses désignent comme sacrés.
Ce fut seulement après la conquête de l'Orient par
Alexandre que les Grecs se famiharisèrent avec l'usage
des éléphants. Les historiens du conquérant macédonien
rapportent diverses anecdotes qui attestent combien l'ima-
gination des Grecs avait été frappée à la vue de ces grands
pachydermes qui, surmontés de tours, étaient de véritables
citadelles mouvantes sur lesquelles les traits des arcs les
plus forts n'avaient aucune prise. Après avoir vaincu et
fait prisonniers les quinze éléphants de Darius à Arbelles,
Alexandre en reçut douze autres en entrant à Suse ; le roi
Taxile lui en amena toute une troupe ; à la bataille de
l'Hydaspe, il fit distribuer des haches à ses soldats pour
couper les trompes et les jarrets des éléphants de Porus,
et, à la suite de sa victoire, Alexandre consacra au soleil
l'éléphant qui servait de monture au malheureux roi indien.
Il lui imposa le nom d'Ajax, le couvrit de somptueux
ornements et fit garnir ses défenses d'anneaux d'or sur
lesquels fut gravée cette inscription : Alexandre, fils
de Zeus, offre au soleil cet éléphant. Dans le cortège
d'Alexandre rentrant à Babylone, il y avait plusieurs cen-
taines d'éléphants que le conquérant se glorifiait de pos-
séder pour rendre sa cour plus imposante ; on croit même
qu'il fit son entrée à Bab}Jone sur un char traîné par des
éléphants. Dans tous les cas, ce furent des éléphants qui
figurèrent dans son cortège funèbre et qui ramenèrent son
corps en Egypte.
La déification d'Alexandre après sa mort contribua à faire
confondre, dans l'imagination des Grecs, sa marche victo-
rieuse sur les bords de l'Indus avec la conquête de l'Inde
par Bacchus dans les temps mythiques. Ce fut à cette époque
que l'on commença à raconter que Bacchus avait accompli
ses fabuleux exploits sur un char traîné par des éléphants ;
des sculptures représentent le dieu accompagné d'une ar-
mée de ces animaux montés par des Eros, des Ménades et
des Satyres. Dans la fameuse pompe dionysiaque organisée
par Ptolémée Philadelphe et qu'Athénée nous décrit, on
voit une statue gigantesque de Bacchus chevaucher sur un
éléphant chamarré d'or ; suivent vingt-quatre chars traînés
par des quadriges d'éléphants. Les rois de Syrie, particu-
lièrement, s'enorgueillirent de posséder des armées d'élé-
phants. Séleucus P^ Nicator reçut comme cadeau de son
beau-père cinq cents éléphants de guerre lorsqu'il épousa
la fille du roi indien Sandracottus ; on l'appelait par ironie
Véléphantarque, et à Ipsus, en 301, il dut sa victoire au
rôle que jouèrent ses éléphants. Un grand nombre des mon-
naies de Séleucus et de ses successeurs ont pour type soit
une tête d'éléphant, soit un éléphant seul, ou bien encore
un bige ou un quadrige d'éléphants, si bien que cet animal
est devenu l'emblème de la dynastie des Séleucides. Chose
étrange, certaines monnaies de Séleucus l^^ et d'Antio-
chus P^, son fils, nous montrent des éléphants affublés de
cornes de taureau, symbole de la force matérielle. Sur des
pièces d'Antiochus III, on voit un éléphant monté par un
cornac ; enfin, sur des bronzes d'Antiochus VI, des élé-
phants portent des torches avec leur trompe, allusion à
des jeux qui furent alors célébrés à Antioche en l'honneur
de Dionysos et d'Aphrodite. C'est le cas de rappeler qu'après
la bataille de Thapsus, Jules César, rentrant victorieux
dans Rome, se fit précéder, dans sa marche au Capitole,
par quarante éléphants rangés sur deux rangs et portant
aussi des flambeaux avec leurs trompes.
A l'imitation des premiers rois de Syrie, dont l'empire
ÉLÉPHANT
— 814 —
confinait à l'Inde elle-même, les autres rois successeurs
d'Alexandre eurent leur troupe d'éléphants de guerre, de
sorte que c'est à cette époque que commence le rôle impor-
tant des éléphants dans les armées. Perdiccas, Eumène,
Antigène, Ptolémée Ceraunus eurent leurs éléphants de
guerre; les premiers, Antipater et Polysperchon, amenèrent
des éléphants en Europe. Antiochus P'' Soter ne dut sa
grande victoire sur les Galates, en Phrygie, que grâce à
ses éléphants. Antiochus lïl le Grand ramena de son expé-
dition dans l'Inde une troupe considérable de ces animaux
qui,, en 217, à la bataille de Raphia, luttèrent contre la
troupe d'éléphants africains qui formait l'avant-garde de
l'armée de Ptolémée Philopator. Dans la lutte soutenue par
les Macchabées contre les rois de Syrie pour l'indépen-
dance de la nation juive, on cite le dévouement héroïque
d'Eléazar, fils de Saura, qui, au milieu de la bataille, ayant
aperçu dans les rangs syriens un éléphant de plus haute
taille que les autres et" mieux caparaçonné, pensa que
c'était l'éléphant royal ; il réussit à se glisser sous le
ventre de l'animal et à s'y suspendre ; il l'abattit à coups
de hache et périt écrasé par la chute de sa victime. Dans
l'impossibilité où ils étaient de recruter leurs éléphants dans
l'Inde, les rois d'Egypte s'étaient mis à dresser les éléphants
africains* « Lâchasse des éléphants, remarque M. S. Piei-
nach, leur capture et leur transport à Alexandrie préoccu-
pèrent vivement les successeurs de Ptolémée Lagus, qui
fondèrent, à cet effet, plusieurs établissements le long de la
Troglodytique ; les éléphants que l'on parvenait à prendre
vivants étaient embarqués sur de grands bateaux d'une con-
struction spéciale, dite lAe^aviriyoï. Suivant saint Jérôme,
Ptolémée Philadelphe eut quatre cents éléphants de guerre,
et son fils Evergète en opposa quatre cents à Séleucus Cal-
linicus. Le commerce de l'ivoire continua, pendant l'époque
romaine, à se faire par ces échelles du golte Arabique que
es Ptolémées avaient établies en vue de la chasse des élé-
phants. »
Les Romains rencontrèrent l'éléphant de guerre dans
leur victoire de Magnésie sur Antiochus III en 18i av.
J^-C, puis dans leurs luttes contre les rois de Macédoine.
Ils l'avaient vu déjà apparaître pour la première fois
en Italie, à la bataille d'Héraclée en 280, et par eux,
Pyrrhus terrorisa, mais, pour peu de temps, ses ennemis.
Un quincussis de bronze, frappé à Rome peu après la ba-
taille de Rénévent, porte pour type un éléphant qui rap-
pelle que le consul Curius Dentatus réussit à capturer quatre
de ces animaux et à vaincre l'audacieux roi d'Epire.^ De
petites monnaies de bronze, frappées en Etrurie à la même
époque, portent d'un côté un éléphant et de l'autre une
tête de nègre qui prouve que les éléphants de Pyrrhus
avaient des nègres pour cornacs. Les Romains eurent de
nouveau à lutter contrôles éléphants dans leurs guerres
contre Carthage, soit en Sicile, soit en Afrique. Cartilage,
en effet, ne cessa d'avoir des éléphants de guerre qui con-
tribuèrent souvent à ses victoires ; elle en transport^ en
Sicile, en Espagne et même en Itahe : les éléphants d'iVn-
nibal franchirent les Alpes avec lui et contribuèrent à la
victoire de la Trébie en 218. Après la bataille de Zamaen
202, les Romains imposèrent aux Carthaginois de livrer
leurs éléphants et de s'engager à ne plus en entretenir :
une clause analogue figurait dans le traité qu'avait dû signer,
en 197, Philippe V de Macédoine. Les monnaies de Car-
thage, ainsi que celles des rois deNumidie et de Mauritanie,
ont souvent pour type l'éléphant de guerre monté quelque-
fois par un cornac.
' D'ailleurs, à l'imitation de leurs ennemis, les Romains
introduisirent l'éléphant de guerre dans leurs armées, sur-
tt)ut pour leurs campagnes contre les rois de Macédoine et
contre les Carthaginois ; dans la dernière période des
guerres puniques, les éléphants leur étaient fournis par
leur allié Massinissa, roi de Numidie. Pompée s'étant em-
paré des éléphants de Hiarbas, voulut faire son entrée dans
Rome sur un char traîné par quatre de ces animaux, mais
k porte de la ville s'étant trouvée trop étroite, il fallut
dételer. On croyait que le nom de César signifiait éléphant
en punique ; voilà pourquoi Jules César prit un éléphant pour
emblème, et, en souvenir de sa victoire sur Arioviste, il lit
frapper des deniers d'argent qui représentent un éléphant
foulant aux pieds le dragon germanique.
Après la conquête de l'Afrique par les Romains, on peut
dire que Téléphant cessa de figurer dans les armées de
Rome, car les projets de Jules César, de Claude, de Didius
Julianus d'équiper des troupes d'éléphants ne furent pas mis
à exécution. On reconnut sans doute l'inconvénient de ces
animaux qui, lorsque rennemi était parvenu à les effrayer,
se retournaient et portaient le ravage dans les rangs de l'ar-
mée qu'ils avaient mission de protéger. Des batailles furent
gagnées ou perdues par suite de cette trahison des élé-
phants affolés que leurs cornacs ou la troupe des guerriers
montés dans les tours ne réussissaient pas à ramener contre
le véritable ennemi.
Sous l'empire romain, l'éléphant devient donc un animal
de luxe et de parade. Caracalla a des éléphants pour imiter
Alexandre le Grand. On les réserve surtout pour les jeux du
cirque, les fêtes publiques, les marches triomphales, et l'on ne
songe point à les rétablir dans l'armée, bien qu'en Orient les
légions romaines eussent sans cesse à lutter contre les
éléphants des Perses. Les empereurs qui triomphèrent des
éléphants sassanides, comme Sévère Alexandre, Gordien,
Dioclétien, Julien même, eurent des chars de triomphe traî-
nés par ces animaux, ainsi que l'attestent, outre les textes,
le revers de nombreuses monnaies romaines. Les Ryzantins
imitèrent les Romains ; si Héraclius n'eut pas d'éléphants de
guerre, il triompha de ceux de Kosroès et parut à Cons-
tantinople sur un quadrige d'éléphants. Les éléphants don-
nèrent aux Perses la victoire à Koufah sur l'armée d'Abou
Obéidah, en 661. Si les Byzantins ne se servirent des élé-
phants que dans les cirques et les jeux publics, ils en in-
troduisirent toutefois les images dans leurs œuvres d'art et
c'est par là que le moyen âge occidental connut ces animaux.
Sur l'une des étoffes de la châsse de Charlemagne à Aix-la-
Chapelle, œuvre byzantine du xii*^ siècle, sont brodés de
superbes éléphants ; on en voit quelquefois aussi dans les
bestiaires et les miniatures des manuscrits. On possède, au
cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale, une
curieuse pièce de jeu d'échecs, en ivoire sculpté, qui repré-
sente un éléphant portant sur son dos une tour crénelée,
sur la plate-forme de laquelle est un roi hindou assis à la
mode orientale. Conservé dans le trésor de la basilique de
Saint-Denis jusqu'à la Révolution, ce roi d'échecs passait
pour être un présent du khalife Haroun al Rachid à Char-
lemagne : c'est, dans tous les cas, sûrement une œuvre
orientale du ix^ siècle. E. Babelon.
IV. Ordres. — Ordre de VEléphant. Cet ordre, con-
sidéré comme un des plus importants de l'Europe, existait,
dit-on, déjà au xi*' siècle et on
en attribue la fondation à Ca-
nut IV, mais officiellement on
lui assigne comme date de créa-
tion l'année 1 478 et pour fonda-
teur le roi de Danemark Chris-
tian P^,qui l'institua à l'occasion
du mariage de son fils Jean et le
plaça sous la protection de la
Vierge. Le temps a respecté l'or-
dre de l'Eléphant qui s'est con-
tinué jusqu'à nos jours, sinon
avec son organisation primitive,
du moins avec toute sa splen-
deur. Christian V en modifia les
statuts le 1^^ déc. 1693 et,
bien qu'ils eussent été renou-
velés en 1808, ils sont encore
à peu près les mêmes. Les con-
ditions d'admission sont : d'être
luthérien, d'être âgé d'au moins trente ans, à l'exception
des princes de la famille royale, et d'avoir été, au moins
Insip-nes de Tordre de
rEléphantdu Danemark
815 -
ÉLÉPHANT — ELEPHANTIASIS
huit jours, chevalier de Tordre du Danebrog. Les souve-
rains étrangers sont dispensés de remplir ces conditions.
La devise de cet ordre est Magni animi pretium. La déco-
ration de l'Eléphant exclut toutes les autres ; sa fête se
célèbre au l'^'^ janv. Les membres sont tous chevaliers et
portent un costume spécial. Le ruban de l'ordre est bleu.
L'ordre tient le premier rang parmi ceux du Danemark.
Ordre de r Eléphant blanc. Ce fut en d861 que
le roi de Siam Chow Yu Hua institua une plaque d'or
gravée pour être offerte aux souverains et aux princes
avec lesquels il était en relation. En 1869, son fds et suc-
cesseur transforma cette plaque en un ordre de chevalerie
avec statuts, règlement, etc. Il le divisa en cinq classes de
membres ; la première correspond à celle de grand-croix,
compte vingt-trois membres et ne peut être conférée qu'aux
souverains, princes ou personnages de marque ; la seconde
comprend cinquante grands officiers, la troisième cent
commandeurs, la quatrième deux cents officiers, et la cin-
quième un nombre illimité de chevaliers qui doivent être
des personnes notables et de mœurs irréprochables. Le
ruban de Tordre est rouge bordé de vert; les deux couleurs
séparées par une raie bleue et une jaune. G. G.
BiBL. : Zoologie et Paléontologie. — Outre les Traités
généraux de Mammalogie de Gervais, Brehm, etc., et VOs-
tëographie de de Blainville, consultez : Mial et Green-
wooD, Anatomy of the Indian Eléphant; Londres, 1878,
avec une bibliogr. des travaux antérieurs sur le même sujet.
— Sterndale, Natural History of Indian Mammaiia,1884.---
Gaudry, les Enchaînements du inonde animal^ I. Mammi-
fères tertiaires, 1878. ■— Lydekker, Catalogue of Fossil
Mammalia in British Muséum, 1889, t. IV. — Pohlig, Den-
tition und Kraniologie des Elephas antiquus^ mit Beitragen
uber Elephas primigenius, etc., dans Nova Acta Leopol-
dma,1887, t. LUI, n° 1. — Du môme, Diegrossen Saugetiere
der Diluvialzeit ; Leipzig, 1890. — Cope, The Proboscidea^
dans The American Naturaliste 1889, p. 191. — Ameghino,
Los Mamiferos fosiles de la Republica Argenlina, 1889. —
Geiinitz, Ueher Milchzahne der Mammuth^ dans Naturw.
Gesellsch. Isis in Dresden^^ Festschrift, 1885.— Kinkelin,
Ûeber sehr junge Unterkiefer von Elephas primigenius
undE. africanus^ dans Bericht Senchenberg. Naturf. Ges.,
1886. -La Nature, 1874, 2« sem., p. 209; 1875, 2« sem., p. 215;
1877, lo- sem., p. 377.
Histoire et Archéologie. — P. Armandi, Histoire
militaire des éléphants^ gr. in-8. — S. Reinach, art. Ele-
phaSf dans le Dict. des antiq. gr. et rom,. de Saglio. —
Cahier et Martin, Nouv. Mélanges d'archéologie, t. II,
pi. XI. — E. Babelon, le Cabinet des antiques à la Biblio-
thèque nationale^ pi. LX.
ELEPHANTA. Petite île de la côte 0. de Tlnde, pré-
sidence de Bombay, province d'Aurungabad , à la
pointe E. du port de Bombay. Elle a environ 8 kil. de cir-
conférence et est formée de deux longues collines avec
une petite vallée courant entre elles. Elle est appelée Go-
rapori par les Hindous ; les Portugais lui donnèrent le
nom d'EIephanta, à cause d'un énorme éléphant en pierre
qu'ils. y trouvèrent construit à l'endroit de leur débarque-
ment et qui aujourd'hui est tombé en morceaux. Cette île
est célèbre à cause de quelques temples creusés dans les
rochers dont il existe un grand nombre sur la côte 0. de
rinde. L'une de ces excavations a 130 pieds de profondeur
sur 133 de largeur ; elle a trois entrées, chacune soutenue
par des colonnades de seize piliers. Ces temples sont tous
consacrés à Çiva, Brahma, Vishnou, Paravati, Katik et
Ganésa. D'autres divinités hindoues y ont aussi leur culte,
mais toutes dans une condition inférieure à celle de Çiva.
Aujourd'hui ces temples sont moins visités par les pèlerins
qu'ils ne l'étaient anciennement. Quelques-uns commen-
cent même à tomber en ruine. Meyners d'Estrey.
ÉLÉPHANTIASlS. I. Pathologie. — (Pachydermie
de Puchs). Dans la terminologie médicale, on a pendant
longtemps distingué sous le nom d'éléphantiasis deux aftéc-
tions très distinctes : l'éléphantiasis des Grecs et l'élé-
phantiasis des Arabes. La première n'est autre que la lèpre
et doit être seulement désignée sous ce nom (V. Lèpre). Le
mot éléphantiasis s'applique exclusivement aujourd'hui à
la maladie décrite, au ix^ siècle, par Rhazès sous le nom de
dâH-fîl (maladie de l'éléphant). Ce serait du reste une
erreur que de considérer l'éléphantiasis comme spéciale à
l'Arabie ; on la trouvoà l'état endémique dans tous les pays
chauds, dans l'Afrique centrale, au Brésil, dans l'archipel des
Antilles, aux Indes, à Sumatra, à Bornéo, etc. En ces con-
trées, la maladie sévit surtout dans les régions basses et
humides, en proie à la malaria et aux moustiques de toutes
sortes, sur les bords des grands fleuves, dans les marais,
les îles et le long des côtes (Duhring) ; mais il n'est pas de
latitude oti elle ne puisse être rencontrée à l'état sporadique ;
on la connaît en Europe, voire en France, et notre musée
de l'hôpital Saint-Louis renferme plusieurs bons moulages
d'éléphantiasis, exécutés d'après nature à Paris. L'élé-
phantiasis {dermite fibreuse hypertrophique de Broca),
est une hypertrophie de la peau et de l'hypoderme, limitée
à certaines régions, consécutive à des inflammations répé-
tées du système lymphatique et déterminant à la longue un
développement monstrueux des parties qu'elle affecte.
La maladie n'épargne aucun âge, même l'enfance (Mon-
corvo) ; il est toutefois rare qu'elle se montre avant la pu-
berté. Les hommes, plus exposés par leur genre de vie, sont
aussi plus souvent atteints. Aucune race n'est à l'abri du
mal ; mais il est évident que les nègres et les créoles ont
une disposition irritable spéciale du système lymphatique
qui les rend particulièrement aptes à l'éléphantiasis, comme
à tous les éléments de la pathologie lymphatique (Besnier).
La misère, la fatigue, une alimentation défectueuse, la
tuberculose et la syphilis (Besnier) favorisent certainement
le développement du mal. Les conditions déterminantes sont
toutes celles qui opposent un obstacle à la circulation de
la lymphe ou qui irritent directement le réseau lympha-
tique. La filaire du sang, dans les contrées tropicales, est
l'une des causes les plus fréquentes de l'éléphantiasis,
mais il est absolument inexact que ce ver parasite soit la
cause univoque de l'affection qui nous occupe : la filariose
peut se montrer sans éléphantiasis, et l'éléphantiasis sans
filariose.
Symptomatologie. Dans les zones oh elle sévit à l'état
permanent, l'affection atteint assez souvent un développe-
ment prodigieux, par une marche continue et rapide. Sous
nos climats son allure est plus insidieuse et plus lente. Les
irritations réitérées de la peau, les éruptions récidivantes
ou rebelles, les ulcères, les varices, l'eczéma, le lupus en
activité, la présence de certains parasites sont autant de
circonstances favorables à son développement. L'évolution
se fait, dans les cas typiques, par poussées successives plus
ou moins intenses et séparées par des intervalles qui peu-
vent n'être que de quelques semaines ou dépasser plusieurs
années. La crise paroxystique est précédée d'ordinaire
d'un frissonnement violent et s'accompagne d'un état fébrile
accentué. Souvent aussi apparaissent des phénomènes géné-
raux: céphalalgie, délire, troubles nerveux et gastriques, etc.
Sur la région atteinte on voit la peau rougir, se tumé-
fier, se tendre et se couvrir d'un réseau lymphangitique.
Le doigt y laisse l'empreinte caractéristique de l'œdème.
Les tissus, pris en masse, semblent à la main plus épais,
plus denses et fortement adhérents aux parties sous-
jacentes ; les ganglions voisins deviennent rapidement
douloureux et gonflés. Ces poussées de lymphangite qui
caractérisent la marche de l'éléphantiasis dans sa forme
classique se produisent tantôt sans nulle cause apparente,
tantôt à la suite d'une provocation locale telle qu'une phlé-
bite, un ulcère, une dermite, une blessure même légère;
Moncorvo a vu dans un cas le début se faire par le bras à
la suite d'une vaccination. La durée de l'accès ne dépasse
guère une semaine. On voit alors la fièvre et les troubles
généraux disparaître, mais les lésions cutanées demeurent
acquises. A chaque accès nouveau, elles s'accentuent et
s'étendent. Les' tissus, tout en s'infiltrant de lymphe, s'hy-
perplasient et s'indurent. La peau est lisse et luisante
comme du marbre ; sa teinte reste blanche, rougit ou se
bistre. L'hypertrophie spéciale de certains éléments donnent
parfois aux téguments Faspect verruqueux, noueux oupapil-
lomateux. Dans ces tissus, où la vitalité semble s'éteindre,
le moindre traumatisme, la plus légère irritation suffisent
ÉLÉPHANTIASIS — ELER
816 ^
à produire des ulcères, des fissures par où suinte un liquide
huileux et facilement concrescible. Nous signalerons seu-
lement, comme anomalies de Féléphantiasis, les variétés
télangiectode et lymphangiectode dans lesquelles on cons-
tate une hypertrophie considérable et prédominante soit des
vaisseaux sanguins, soit des réseaux lymphatiques.
L'affection a deux principaux sièges d'élection : les
membres inférieurs et les organes génitaux. Aux membres
inférieurs les lésions sont, d'une façon générale, d'autant
plus accentuées qu'elles siègent plus près du pied. Celui-ci,
hideusement déformé, est élargi et gonflé au point que les
orteils sont pour ainsi dire confondus. Le membre n'offre
plus ni reliefs, ni méplats ; c'est une colonne unie, mas-
sive, monstrueuse qui rappelle véritablement la jambe d'élé-
phant. Un gros bourrelet de chair surplombe l'articulation
tibio-tarsienne et indique par un sillon profond la limite
qui sépare le pied de la jambe. La cuisse est œdématiée,
mais dans des proportions relativement moindres que les
parties situées au-dessous d'elle. Il en résulte que la base
du cône, figuré normalement par le membre, n'est plus en
haut, mais en bas. Les ganglions de l'aine et du creux
popUté participent à l'hypertrophie générale et peuvent
même suppurer. Le membre devient d'autant plus impotent
qu'à l'hypertrophie conjonctive vient s'ajouter la dégéné-
rescence des muscles. Les parties envahies ne sont que
rarement douloureuses. L'affection reste le plus souvent
unilatérale. L'éléphantiasis des organes génitaux ne se
montre, du moins dans ses formes excessives, que sous la
zone tropicale. Chez l'homme, on peut voir le scrotum des-
cendre jusqu'aux talons et dépasser le poids de 100 livres.
La verge est alors perdue dans la masse charnue, et l'émis-
sion de l'urine est singulièrement gênée. Dans d'autres cas
plus rares, le pénis est spécialement atteint et acquiert
un développement prodigieux. Chez la femme, la dégéné-
rescence éléphantiasis ou génitale acquiert moins souvent
des proportions énormes. Elle se montre aux grandes et
petites lèvres ainsi que sur la peau qui recouvre le clitoris.
Les autres localisations de l'affection sont fort rares ; nous
ne ferons que signaler l'éléphantiasis des seins, de 1a face,
du cou, des membres supérieurs. Mais nombre de cas
signalés sous le nom d'éléphantiasis doivent être plutôt
décrits comme œdèmes chroniques. Telle est, chez les stru-
meux, l'hypertrophie de la lèvre à la suite d'eczéma ou de
coryza répétés ; tel est encore le développement des pau-
pières ou de certaines parties de la face à la suite d'irri-
tations érysipélatoïdes répétées (Brocq). Abandonnée à elle-
même, l'éléphantiasis a une durée indéfinie ; on l'observe
chez des sujets qui en sont atteints depuis dix ans, vingt
ans et plus ; il est rare qu'elle entraîne la mort par elle-même.
Traitement. Les agents thérapeutiques internes n'ont
aucune influence sur la marche de l'éléphantiasis. Peut-être
cependant faut-il faire une exception pour l'iodure de potas-
sium, qui semble favoriser parfois la résorption des neo-
plasies (Duhring, Brocq). L'hygiène la plus sévère devra
être imposée au malade : fuir les pays chauds, proscrire
de l'alimentation les spiritueux et les excitants de toute
sorte, éviter les refroidissements, maintenir la poau dans
un état aseptique rigoureux, telles sont les grandes indi-
cations que le médecin devra formuler comme indispen-
sables. Le traitement local de l'éléphantiasis confirmée a été
maintes fois l'objet des discussions chirurgicales : mais il
n'est pas jusqu'à présent de méthode qu'on puisse indiquer
comme parfaite. Les scarifications linéaires ne donnent de
résultat qu'au début de l'affection. L'abrasion des parties
malades ne peut être proposée que pour certains cas. L'élec-
trisation, recommandée par les uns, est repoussée par les
autres. La compression élastique combinée*avec l'enroule-
ment ouaté est un excellent procédé, sinon curatif, tout
au moins palliatif. Mais on ne peut y recourir qu'en l'ab-
. sence de plaies, d'ulcérations ou d'inflammation de la peau.
Le massage, le repos horizontal, les douches sulfureuses
chaudes sont de bons adjuvants de la compression métho-
dique. A. PiGNOT.
Eléphantiasis des Arabes (V. Filariose).
II. Art vétérinaire. — Maladie du bœuf caractérisée
par un ensemble de symptômes graves, une fièvre intense,
du pelage, de l'engorgement à la tête et aux membres, une
sensibilité extrême de la peau, qui s'enflamme, s'irrite, se
creuse de sillons purulents plus ou moins profonds, rend
les animaux cachectiques et le plus souvent se termine par
la mort. L'éléphantiasis, ainsi nommée parce que la dénuda-
tion, la rugosité, la dureté de la peau la fait ressembler à
celle de l'éléphant, débute parla tristesse, la suspension de
la rumination, le poil hérissé, la tuméfaction de la peau
du mufle, des paupières, des oreilles, du fanon, du ventre
et des membres. Puis la peau, comme privée de nutrition,
se soulève, se dessèche, devient crépitante, se crevasse et
se divise en sillons de dimensions et de profondeurs va-
riables, desquels s'écoule un liquide séro-purulent parfois
jaunâtre et oléagineux, et d'odeur infecte. Le mufle, les
paupières, les oreilles, gonflés et engorgés, donnent à l'ani-
mal un aspect repoussant et hideux; sa tête est énorme,
on la dirait coifl"ée d'un casque, et les habitants des cam-
pagnes disent alors de l'animal malade qu'il a le casque.
L'éléphantiasis généralisée est rarement curable. Au lieu
d'employer pour la combattre un traitement coûteux, mieux
vaut livrer les animaux à la boucherie. L. Garnier.
ÉLÉPHANTINE (Archéol. égypt.). Capitale du nome
le plus méridional de l'Egypte antique. La dénomination
grecque 'EXscpavxivr] est la traduction exacte du nom an-
tique de cette' île, Ab, qui signifie Eléphant. Les Egyptiens
croyaient que le Nil, descendu du ciel, naissait entre Elé-
phantine et Philœ parmi les rochers de la cataracte, dans
deux gouffres appelés Kerti. On voyait encore à Eléphan-
tine, au commencement de ce siècle, deux temples dont
l'un, le temple du Sud, avait été consacré par Aménophis III
(XVIII« dynastie) à la triade de Khnoum, Sati et Anouké,
qui était l'objet d'un culte particulier à la première cata-
racte. Cet édifice, d'admirables proportions, a été détruit
sous Mehemet-Ali. Le plus ancien nom royal qu'on ait re-
levé à Eléphantine est celui de Thoutmès III, lu sur un
bloc de granit appartenant au mur de soutènement qui
protégeait l'île contre la violence des courants du Nil.
ELEPHANTIS, femme auteur du commencement de l'em-
pire romain. Ses écrits en prose et en vers avaient pour
caractère une impudente lubricité, dans le genre àe^Sonnetti
lussuriosi de FArétin. Aussi Tibère les plaça-t-il, suivant
Suétone, avec des tableaux et des sculptures obscènes, dans
bs chambres de son palais de Caprée. Il faut citer le pas-
sage en latin : CubiciUa plurifariam disposita tabellis
ac sigillis lasciuissimarum picturarum et figurarum
adornavit librisque Elephantidis instruxit, ne cui
in opéra edenda exemplar imperatœ schemœ deesset
(Suét.,. m. 43).
ÉLÉPHANTS (Baie des). Mouillage excellent sur la côte
occidentale d'Afrique (possessions portugaises d'Angola),
par 13° 20' de lat. S. La région est inhabitée et sans eau.
ELER (André), musicien français, né en Alsace vers
1764, mort à Paris le 21 avr. 1821. Malgré le mérite de
ses compositions de musique de chambre, il demeura long-
temps dans la misère et se vit préférer Berton, grâce à
l'influence de Catel, pour une place de professeur d'har-
monie au Conservatoire ; vers la fin de sa vie, pourtant, il
fut nommé professeur de contrepoint, au moment de la
réorganisation de l'Ecole royale de musique (1816). Un
jour que ses élèves le trouvèrent occupé à fendre son bois
dans la cour de la maison dont il habitait le cinquième
étage, il leur répondit en riant : « Je suis fait à cette be-
sogne, étant accoutumé à tout, excepté à la musique de
Catel. » Il n'a écrit pour le théâtre que Appelle et Cam-
paspe (joué en 1798), le Chant des vengeances, ^ inter-
mède lyrique dont les paroles sont de Rouget de Lisle, un
petit opéra-comique, F Habit du chevalier de Graynmont,
représenté en 1800, et un grand opéra, la Forêt de
Brama, qui n'a point été exécuté. Il a aussi fait une ou-
verture pour harmonie et beaucoup de morceaux pour ins-
^ 817 -^
ELER — ELEUSINIES
truments à vent, très habilement écrits, dont on trouvera
le détail dans Fétis. De plus, on peut voir, à la bibliothèque
du Conservatoire de Paris, la précieuse collection Eler,
dans laquelle ce musicien a réuni et mis en partition
nombre de compositions remarquables des grands auteurs
du xvie siècle. Alfred Ernst.
ELERS (Johan), rimeur et topographe suédois, né à
Karlskrona le 8 juin 1729, mort le 20 nov. -1813. Entré
comme copiste au ministère de l'intérieur, il y devint se-
crétaire du protocole (1766), reçut en 1787 le titre de
conseiller de chancellerie et fut de 1789 à 1792 membre
du comité des affaires générales. Il publia Mes Essais poé-
tiques (1755-1759, 4 vol.); Chansons badines (1792,
avec musique de plusieurs compositeurs) ; Mes Larmes
(dans le t. II des Actes de l'Académie des belles -lettres
qui avait couronné ce poème en 1774); enfin, une bonne
topographie historique de Stockholm (1800-1801, 4 vol.).
ÉLESMES. Com. du dép. du Nord, arr. d'Avesnes,
cant. de Maubeuge ; 495 hab.
EL- ESN A M. Nom qui se retrouve fréquemment dans
la toponymie des pays barbaresques et qui signifie les
idoles; il s'applique à des localités où l'on voit des ruines.
Signalons parmi les plus connues : El-Esnam^ stat. du
chem. de fer d'Alger à Constantine, entre Bouïra et Adjiba ;
Kalaa-el-Esnam, rocher près de la frontière d'Algérie,
qui porte à son sommet un pauvre village tunisien. El-
Esna7n était le nom de la localité où s'est élevée Orléans-
ville, et les piliers informes que Duveyrier vit près de
Radamès sont appelés aussi El-Esnâmen.
ELESYCES, ELiSYCI, HELISYCI. Peuple qui, à une
époque antérieure à l'établissement des Gaulois sur les
côtes de la Méditerranée, occupait la partie de l'ancienne
Ibérie située entre les Pyrénées et l'Aude. Festus Avienus
(Ora marit,, v, 584-586) nous apprend que Narbonne
était leur capitale. On ne sait pas au juste de quelle race
étaient les Elesyces. Suivant Hécatée de Milet (Fragm.
hist. grœc, I, 2), qui écrivait vers l'an 500 avant notre
ère, ils étaient Ligures. A cette époque, en effet, le pays
s'étendant du Rhône aux Pyrénées avait été conquis par
les Ibères sur les Ligures. D'autre part, Hérodote (1. VII,
165), qui les mentionne parmi les mercenaires amenés
par Amilcar en Sicile vers l'an 480 av. J.-C, d'accord
avec les indications du périple de Scylax (Geogr* grœci
minor., éd. Mùller, I, 17), les distingue des Ligures purs
et des Ibères purs : ils étaient, à ses yeux, un mélange
d'Ibères vaincus et de Ligures conquérants. Vers l'an 400
avant notre ère, les Gaulois s'emparèrent des côtes de la
Méditerranée, et les Volcae Tectosages envahirent le terri-
toire des Elesyces ; ceux-ci, probablement pendant long-
temps les cUents de ces nouveaux maîtres, finirent par être
absorbés par eux. M. d'Arbois de Jubain ville fait la re-
marque que Strabon en deux endroits (I, i, 4, et III, ii,
13) place T'LIXuaiov tusBiov d'Homère {Odyssée, IV, 563)
en Ibérie. C'est donc dans le pays des Elesyces, c.-à-d.
dans le dép. de l'xiude ou dans les environs, qu'il faudrait
chercher les Champs-Elysées, cette contrée charmante qui,
d'après les descriptions d'Homère, était située aux extré-
mités de la terre. Le nom des Elesyces ou Helisyci ( 'EXt-
auxot, Hérodote) peut être rapproché du marais Hélice de
Festus Avienus (Ora marit., 588), situé entre Narbonne
et Bcziers, et qui est l'étang de Vendres. L. W.
BiBL. : D'Arbois de Jubainville, les Elesyces ou Eli-
syci et l'Ora maritima de Festus Avienus^ dans Rev.
archéoL, nouv. sér., XXVIII, 230-237 (cf. Keu. arch., XXX,
377-378).— Du môme, les Premiers Habitants de l'Europe;
Paris, 1889, pp. 41-42 ; 375-376. — E. DesjardiiNS, Géogr.
rorn. de la Gaule, II, 106 ;-2l2.
ÉLÉTOT. Com. du dép. de la Seine-Inférieure, arr.
d'Yvetot, cant. de Valmont; 800 hab.
ELETS. Ville de la Russie d'Europe, chef-lieu de dis-
trict du gouvernement d'Orel, située sur la rivière Sosna ;
36,678 hab. Le district d'Elet* appartient à la Terre noire
et est essentiellement agricole.
ELETTARIA (Elettaria MsiU) (Bot.). Genre de plantes
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
de la famille des Zingibéracées, voisin des Gingembres, dont
il se distingue surtout par son mode d'inflorescence et par
l'unique anthère fertile qui est pourvue de deux loges con-
tiguës jusqu'à leur sommet avec un connectif non dilaté.
L'unique espèce, E, repens H. Bn. (E. Cardamomum
Mat.; Matonia Cardamomum Sm.), est originaire de l'Inde
et cultivée dans un grand nombre de localités de l'Asie
tropicale. Ses fruits sont employés en thérapeutique sous
le nom de Cardamomes de Malabar (V. ce mot). Ed. Lef.
ÉLEU-dit-Leauwette. Com. du dép. du Pas-de-Calais;
arr. d'Arras, cant. de Vimy; 177 hab.
ÉLEUSINE (Eleusine Gaertn.) (Bot.). Genre de Gra-
minées, dont on connaît seulement six ou sept espèces
répandues dans les régions chaudes des deux mondes. Ce
sont des herbes à feuilles planes et allongées, à épis pani-
culés et digités, formés de deux épillets sessiles à deux ou
plusieurs fleurs distiques. VE. indica Gsierin. et VE. cora-
cana Gaertn. sont cultivés communément dans l'Inde pour
leurs caryopses qui servent à la nourriture des naturels,
surtout lorsque le riz vient à manquer. On en fait des espèces
de bouillies. — U Eleusine d'Egypte estle Dactyloctenium
œgyptiacum Willd., qui croît en Egypte, en Sicile, en
Amérique et aux Indes Orientales. Ses caryopses servent à
faire des décoctions préconisées contre les maladies du rein
et de la vessie. Ed. Lef.
ÉLEUSiNlES. Nom des fêtes célébrées tant à Eleusis
(V. ce nom) qu'à Athènes en l'honneur de Déméter, de
Coré et d'Iacchos, les trois divinités chthoniennes de
l'Attique, unies dans un même culte mystérieux qui compte
parmi les plus importants de l'hellénisme.
1^ Origine et signification. Le document le plus an-
cien que nous possédions sur l'institution des Eleusinies et
sur les légendes d'où elle est issue est l'hymne homérique
à Déméter, découvert vers la fin du siècle dernier à
Moscou. Cette œuvre, dont la composition remonte au
viii^ siècle, rattache à Eleusis la fable de Déméter à qui
Hadès a ravi sa fille et qui, l'ayant cherchée par toute la
terre, provoque une famine universelle jusqu'à ce que
l'intervention de Zeus la lui ait fait ramener du fond des
enfers. Le sens de ce mythe est clair : Coré, ravie dans
les sombres royaumes, puis rendue, pour quelques mois
chaque année, à l'amour de sa mère, est l'image de la
nature qui semble mourir aux approches de l'hiver, gar-
dant dans son sein la semence des existences nouvelles, et
qui ressuscite au printemps avec la verdure des champs.
Si Eleusis est considérée comme le siège de cette légende,
si autour de Déméter et du temple qu'elle y possède sont
groupées les personnalités héroïques de la contrée, Celeus
le roi et Métanira sa femme, leur fils Démophon et leurs
filles parmi lesquelles le poète nomme Callidicé, c'est que
la plaine thriasienne, qui s'étend entre Eleusis et Athènes,
fut, en Grèce, un des premiers centres de la culture des
céréales. Au même titre, nous voyons prendre place dans
la fable le héros Triptolème à qui Déméter enseigne cette
culture par l'emploi de la charrue ; le personnage d'Eu-
molpus et celui de Ceryx qui s'y mêlent, lorsque Eleusis
entre en rapports politiques avec Athènes, soit qu'une
guerre ait mis aux prises Celeus et Erechthée, soit que
l'alliance des deux cités se soit accomplie à la faveur du
culte de Déméter. La race des Eumolpides et celle des
Céryces reçoivent en dépôt les cérémonies et président, à
travers les siècles, aux pratiques solennelles de ce culte.
Dans le même temps, lacchos, divinité athénienne, qui
personnifie la culture de la vigne et n'est autre qu'une
forme de Dionysos, est associé aux divinités primitives
d'Eleusis ; de sorte que cette religion, consacrant l'union
des deux peuples voisins, embrasse l'œuvre presque entière
de l'agriculture en Attique. Elle est complète au temps de
Solon, ayant reçu, après l'attentat de Cylon et grâce à
l'influence d'Epiménide, un fort élément de cette philoso-
phie mystique que l'on a désignée sous le nom d'orphisme.
Les craintes causées par les guerres médiques avec la
surexcitation du sentiment religieux qui en fut la suite,
52
ÉLEUSÎNIES
^ 8iB -
achevèrent de donner au sanctuaire d'Eleusis et aux pra-
tiques dont il était le théâtre une importance extraordi-
naire et firent des Eleusinies la fête la plus populaire, la
plus sainte, la plus courue de l'antiquité gréco-romaine ;
elles furent la manifestation par excellence des Mystères,
2° Petites Eleusinies, A l'époque des guerres contre
les Perses, on distingue les petites et les grandes Eleu-
sinies,, celles-là correspondant aux préoccupations agricoles
du printemps, celles-ci à l'expansion des sentiments de
gratitude qui succède aux moissons comme aussi des inquié-
tudes que font concevoir les semailles à l'entrée de l'hiver.
Les petites Eleusinies, sur lesquelles nous ne savons que
fort peu de chose , se célébraient à Athènes pendant le
mois Antesthérion, dans le faubourg d'Agrœ, sur les bords
de rilissus ; Déméter y possédait un temple que, par ana-
logie, on avait appelé VEleusinion, Elles consistaient sur-
tout en cérémonies purificatoires pour lesquelles on em-
ployait l'eau -de l'Ilissus. C'était comme une préparation
aux grandes Eleusinies de l'automne, mais il n'est pas
douteux que, de toute antiquité, la religion de Déméter,
embrassant le cycle entier de la végétation, n'ait eu, aussi
bien à Eleusis qu'à Athènes, sa fête du^printemps (V. Pro-
CHARisTÉRiEs). Lorsquc cette religion fut réservée à des
initiés et prit la forme de Mystères, les petites Eleusinies
marquèrent le point de départ des initiations qui s'ache-
vaient, comme après un temps d'épreuves, à l'automne
suivant.
3° Grandes Eleusinies, Celles-ci tombaient dans le
mois Boédromion, c.-à-d. au temps qui sépare la moisson
des semailles automnales. Elles duraient environ douze
jours à partir du 45 de ce mois, chaque jour ayant un
objet spécial. Tout d'abord les prêtres convoquaient l'assem-
blée des fidèles (àx^^dJ^ôç) et leur adressaient une procla-
mation solennelle (Trpdppr^atç) qui réglait la marche de la
cérémonie et en écartait tous les indignes ; ces réunions
préparatoires avaient Heu à Athènes dans le portique appelé
Pécile. Le lendemain on procédait, sur le bord de la mer,
peut-être au Pirée, plus probablement sur la route d'Eleusis,
à la purification des initiés (à'XaSe [xuarai) ; les trois jours
suivants étaient occupés par des sacrifices de tout genre
en l'honneur des trois divinités éleusiniennes et des héros
éponymes de l'Attique. L'épisode principal de la fête était
la procession d'Iacchos qui tombait le 20 ; elle avait pour
objet de transporter en grande pompe, d'Athènes à Eleusis,
le frère mystique de Coré, le dieu des vignerons, au temple
des divinités de l'agriculture. Cette pompe, qui n'avait
d'analogue que celle des Panathénées, partait de l'Eleu-
sinion d'Agrae, traversait le Céramique et se rendait à
Eleusis par la grande plaine, le long d'une route à qui de
nombreux édifices religieux avaient valu répithèté de
sacrée. Il y avait environ quatre heues à franchir; quoique
la procession partît de bonne heure, les stations nombreuses
faites dans les temples et le grand concours de fidèles ne
permettaient d'arriver qu'à la nuit. La fête, dans son en-
semble, avait un caractère grave, mais l'élément joyeux
n'en était pas absent ; c'est au pont du Céphise que les
assistants échangeaient entre eux des plaisanteries qui
tiraient leur nom de ce pont (ys^upa, Yscpupic7[xoi). Les
cérémonies accomplies à Eleusis même peuvent se résumer
dans le grand acte de l'initiation.
40 Initiation, Veillées saintes» De même que le culte
des Cabires (V. ce nom) à Samothrace, la religion des
divinités éleusiniennes était réservée dans sa plénitude
à une catégorie distincte de fidèles qui prenaient le nom
àHnitiés. Ce que furent au juste les conditions de l'initia-
tion, nous le devinons plutôt que nous ne le savons avec
certitude. Pour y être admis, il fallait appartenir à la
nation des Hellènes, plus tard des Romains qui ne furent
jamais considérés comme des barbares, et être présenté
par un intermédiaire déjà initié, qui s'appelait le mysta-
gogue. Les esclaves mêmes, à la condition d'être Grecs,
étaient acceptés à l'initiation, mais on en écartait quiconque
se trouvait souillé par un meurtre ou par toute autre faute
notoire et grave. Le premier acte de Tinltiation avait lieu
aux petites Eleusinies du printemps ; en automne, les
initiés du premier degré étaient admis pour la première
fois à contempler dans l'intérieur du temple d'Eleusis, le
soir de la grande procession, les symboles divins et à en
entendre l'interprétation. Ils participaient de même aux
cérémonies qui représentaient la course errante de Déméter
à la recherche de sa fille, d'abord avec toutes les manifes-
tations de la tristesse et du désespoir, puis avec les marques
de la joie extatique et de l'enthousiasme divin. A la pre-
mière phase correspondait la pratique du jeûne qui rappe-
lait celui de Déméter refusant toute nourriture et la famine
que sa colère avait attirée sur le monde ; à la seconde se
rapportait l'absorption du breuvage mystique, appelé
cycéon, composé de farine, d'eau et d'épices diverses ;
les courses aux flambeaux le long de la mer et finalement,
durant la sainte veillée qui succédait à la procession du jour,
la révélation, au milieu d'un décor de lumières et de pein-
tures, des mystères du temple. Cette révélation comportait
à la fois des actions, c.-à-d. une représentation symbo-
lique, sans doute avec un appareil théâtral, des épisodes
de la légende et des discours dans lesquels les prêtres
interprétaient le sens de chaque symbole et tiraient des
faits légendaires une leçon morale. La contradiction qui
semble exister entre les témoignages historiques concer-
nant les mystères d'Eleusis s'explique aisément, tant par
le mélange de ces éléments divers dans les pratiques du
culte que par les applications variées dont elles étaient
l'objet de la part des initiés. Tandis que Pindare, Eschyle,
Sophocle, Isocrate et plus tard encore Cicéron parlent de
ces mystères avec un respectueux enthousiasme, il ne
manque pas d'esprits éminents et d'ailleurs religieux,
Platon, Théophraste, Démosthène, qui y ont vu des jon-
gleries indignes et des prétextes aux plus ridicules supers-
titions. Aux uns, ils enseignaient la nécessité de la purifi-
cation après la faute et fortifiaient le sentiment moral par
la doctrine de l'immortalité des âmes et de la rétribution
future ; pour les autres, ils étaient l'occasion de pratiques
grossières, grotesques même, au fond desquelles il serait
naïf de chercher quelque idée philosophique ou morale.
C'est surtout au déclin du paganisme, dans la lutte enga-
gée contre la religion nouvelle, que les païens intelligents
essayèrent, par l'interprétation allégorique, de défendre la
sainteté des mystères, tandis que les prêtres cherchaient
par tous les moyens possibles à les approprier aux exi-
gences toujours plus grandes du sentiment religieux. Plu-
tarque (Fragm. De Anim,, 35, chez Stobée, Flor,, cxx,
28) décrit en ces termes l'exaltation des initiés durant la
nuit qui succède à la grande procession d'Iacchos : « Ce sont
d'abord des courses errantes et des circuits pénibles, des
recherches sans issue dans les ténèbres, ensuite des objets
d'effroi qui donnent le frisson, font couler la sueur et pro-
duisent la stupeur. Finalement une lumière merveilleuse
éclate, des espaces pleins de sérénité se découvrent, l'on
entend des voix, l'on aperçoit des danses; les oreilles et les
yeux sont charmés à la fois par la révélation des choses
saintes et vénérables. » Lucien dit de même que les mys-
tères d'Eleusis promènent l'imagination dans les horreurs
du Tartare pour les faire aboutir aux splendeurs de l'Elysée.
50 Ministres sacrés. Nous avons dit que les fonctions
du culte éleusinien se perpétuaient dans les antiques familles
des Eumolpides et des Céryces, la première tirant son nom
du chant harmonieux de la liturgie, la seconde des dis-
cours et proclamations solennelles adressés aux fidèles.
On distinguait parmi ces prêtres Vhiérophante qui prési-
dait à la révélation des mystères, le daduchos qui portait
le flambeau et le mettait aux mains des initiés, Vépibo-
mios qui offrait le sacrifice à l'autel. Tous ces mmistres
étaient groupés dans une savante hiérarchie et officiaient
revêtus d'ornements magnifiques. Ils s'acquittaient de leurs
fonctions sous le contrôle de l'archonte-roi et formaient
une sorte de sénat sacré qui, à la compétence liturgique,
joignait des attributions judiciaires. Ce sénat avait à juger
— 819 —
ÉLEUSINIES -^ ELEUSIS
tous les actes d'irrévérence et d'impiété commis envers les
mystères ; dans les cas graves et qui touchaient à la tran-
quillité publique, les Eumolpides portaient les crimes à la
connaissance du peuple entier qui décidait souverainement.
C'est ce qui eut lieu dans l'affaire des Hermocopides
(V. Alcibiade). Outre des lois écrites, la religion d'Eleusis
était garantie par un ensemble de dispositions transmises
oralement dans le secret du temple ; c'étaient les lois non
écrites (vopi aypacpoi), dont un auteur grec du temps de
Périclès vante la considération et l'excellence. Il y a des
exemples de condamnations capitales prononcées pour vio-
lation du secret des mystères et attentats contre la sainteté
des divinités éleusiniennes. Le plus connu est celui de Dia-
goras de Mélos, qui avait commis le double crime et qui
périt sous la main d'un fanatique, sa tête ayant été mise
à prix.
6° Les Eleusinies hors d'Athènes. De même que les
mystères cabiriques se répandirent dans diverses parties
du monde gréco-romain, ainsi le culte d'Eleusis se fixa çà
et là, sans que l'on puisse établir le temps précis de cette
diffusion, en Asie Mineure, dans les îles et sur le reste du
continent hellénique. Il est même probable que la vénéra-
tion dont fut l'objet, chez les Romains, le groupe divin de
Cérès, de Liber et de Libéra, eut sa raison d'être dans
l'imitation des mystères éleusiniens. La conquête de la
Grèce par les Romains profita d'ailleurs à la popularité de
ces mystères, et les Eleusinies refleurirent à Rome dans la
pompe des Cerialia. On peut voir chez Ovide (Fast.^ IV,
393 et suiv.), comment les poêles latins adaptèrent à la
fête latine les légendes et les pratiques venues de Grèce.
Sous l'Empire, l'usage des initiations, tant à Eleusis qu'à
Samothrace, persista avec plus de faveur que jamais ;
Claude avait même essayé de les transporter à Rome. Au-
guste, Adrien, Marc-Aurèle s'étaient fait initier ; le con-
seil sacré des prêtres d'Eleusis fonctionna sous Commode,
et lorsque Valentinien, empereur chrétien, défendit par un
édit la célébration des mystères nocturnes, les Eleusinies
furent exceptées de la défense. Dans le même temps, la
race des Eumolpides étant éteinte, un prêtre de Mithra,
originaire de Thespies, fut appelé aux fonctions de hiéro-
phante (V. Mystère). J.-A. Hild.
BiBL. : Nous ne citons que les ouvrages les plus récents
et les plus complets. — Lobeck, Aglaophamus^ I, pp. 4-
228. — Hermann, Lehrbuch der Gottesd. Alterth. der
Griechen, § 7, 10 ; § 32, 12 et suiv. et § 55. — Scmœmann,
Griech. Alterth., Il, pp. 380 et suiv. — Prelliiir, Griech.
Mylhol.^l^ pp. 615 et suiv., et l'art. E^eusinia, dans la Real
Encyclop . de Pauly. — A. Mommsen, Heortologie,
pp. 222 et suiv. — En français, mais avec moins de science
et de critique : V. Sainte-Croix, Recherches historiques
et critiques sur les mystères du pag. ; Paris, 1817 (édit.
remaniée par Sylvestre de Sacy). — Ôuwaroff, Essai sur
les mystères d'Eleusis ; Paris, '1816. — Creuzer, Symbo-
lique^ IV, pp. 483 et suiv.. trad. Guignant. — Maury, Hist.
des rel. de la Grèce ant., II, pp. 315 et suiv., et l'art, de
Lenormant et Pottier, Eleusinia, dans le Dict. des
antiq. grec, et romaines., par Daremberg et Saglio, t. II,
pp. 544' et suiv., le mieux informé de tous.
ELEUSIS (Géogr. anc). Ville de l'ancienne Attique,
aujourd'hui Lepsina., dême appartenant à la tribu Hippo-
thoontis ; elle était située sur le golfe de Salamine, à l'O.
de l'Attique, sur la route entre Athènes et l'Isthme, dans
la plaine fertile (Rharienne ou de Thriasie), arrosée par le
Céphise. Elle dut sa renommée au culte des grandes déesses
Déméter et Perséphoné qui étaient censées y résider et dont
les mystères y étaient célébrés sous le nom à' Eleusinies;
cette religion d'Eleusis se répandit dans la Grèce entière.
Eleusis paraît avoir eu dès une haute antiquité le carac-
tère de ville sacrée qu'elle conserva pendant toute l'anti-
quité. Ce fut d'abord un des douze royaumes entre lesquels
se partageait l'Attique ; il était gouverné par la famille des
Eumolpides préposée au culte comme à la direction politique.
Lorsque Athènes se subordonna les autres cantons voisins,
la défaite d'Eleusis établit définitivement sa suprématie. La
légende racontait qu'à la suite d'une guerre entre le roi
Eumolpus d'Eleusis et le roi Erechthée d'Athènes, les Eleu-
siniens, ayant succombé, reconnurent la domination athé-
nienne, excepté en ce qui concernait les mystères. Ce qui
est certain, c'est qu'Eleusis, bien que réduit à la condition de
dême de l'Attique, conserva de grands privilèges ; le titre
de cité (TudXtç), le droit de battre monnaie. Les deux villes
étaient réunies par la voie Sacrée ("Ispa o^oc,) sur laquelle
chaque année se déroulait la grande procession vers Eleusis.
Cette voie bordée de monuments a été décrite parPausanias
et par Polémon dans un ouvrage perdu. Elle commençait
à Athènes par deux voies bientôt réunies partant du Dipyle
et de la porte Sacrée ; on rencontrait successivement les
monuments du héraut Anthémocrite, le tombeau de Molosse,
du prophète Scirus, le dême Laciades (patrie de Miltiade) ;
franchissant le Céphise sur un pont oii les initiés venaient
plaisanter les passants, on atteignait le monument de Pythio-
nice (femme d'Harpale), puis le mont Pœcile et le temple
d'Apollon (aujourd'hui chapelle Saint-Elie) ; auprès était
un temple d'Aphrodite bâti en l'honneur de Phila, femme de
Démétrius Poliorcète. On arrivait ensuite à Rheiti, dont les
cascades étaient à la limite entre le territoire d'Athènes et
celui d'Eleusis ; on entrait dans la plaine éleusinienne ;
à partir du tombeau de Straton, la voie longeait la mer;
elle traversait le Céphise éleusinien et entrait dans la villo
sainte.
Celle-ci occupait principalement la partie orientale d'une
colline rocheuse courant parallèlement au rivage et peu
distante du mont Cerata à l'O. La colline portait l'Acropole,
naturellement ; son extrémité orientale avait été aplanie et
de grands terrassements avaient été établis pour supporter
les édifices sacrés groupés autour du temple de Déméter.
La ville proprement dite s'étendait au S. de la colline entre
elle et la mer, formant un triangle d'environ 500 m. de
côté. Le mur oriental se prolongeait dans la mer par un
des môles longs de 100 m. qui formaient le port artificiel
d'Eleusis. Pausanias cite des temples de Triptolème, de
Poséidon, d'Artémis Propyléenne et le Callichorum (au N.
de la colline) où les femmes d'Eleusis célébraient les déesses
par des chants et des danses. Mais la plupart des édifices
religieux étaient réunis dans le Hiéron, autour du temple
de Déméter. Le Hiéron était entouré d'une double enceinte.
Il subsiste de cet ensemble des ruines considérables qui
ont été décrites, notamment par la commission des Dilet-
tanti. En arrivant d'Athènes, abordant la colline par le
N,-E., on trouvait les Propylées, vestibule monumental ana-
logue à celui de l'Acropole d'Athènes ; devant était le petit
temple d'Artémis Propyléenne. Après avoir franchi les Pro-
pylées, on était dans l'enclos extérieur ; à 50 pieds plus loin
était le mur de l'enclos intérieur qui avait la forme d'un
pentagone ; on y pénétrait par les Propylées intérieures et
on se trouvait en présence du temple de Déméter. Ce temple
(t6 TsXsaiTÎpiov ou [jLucjTixo? ari^oç) où se célébraient les
mystères, était le plus vaste de la Grèce ; il pouvait, au
diredeStrabon, contenir autant de personnes qu'un théâtre.
Le plan en avait été donné par Ictinus, l'architecte du
Parthénon ; l'exécution s'était poursuivie avec une lenteur
extrême; le portique ne fut achevé qu'en 318 par l'archi-
tecte Pluton, au temps de Démétrius de Phalère. Ce temple
était un des chefs-d'œuvre de l'architecture grecque. Il
était orienté face au S.-E. ; la cella de 166 pieds carrés était
portée par 28 colonnes doriques disposées sur une double
rangée ; on y accédait par un superbe portique de 12 grandes
colonnes doriques ; la plate-forme située derrière le temple
dominait de 20 pieds le pavé du portique ; on y montait
par des degrés ; un petit portique la faisait communiquer
avec l'Acropole. Nous nous bornons ici à cette description
sommaire des ruines actuellement existantes ; on trouvera
dans l'article Mystère les indications complémentaires sur
la manière dont les édifices religieux étaient disposés pour
le culte, et les hypothèses faites à ce sujet. Ce temple de
Déméter avait remplacé l'ancien, brûlé par les Perses dans
la seconde guerre médique (480). Les mystères maintinrent
la prospérité d'Eleusis jusque vers la fin de l'empire romain ;
les membres de l'aristocratie venaient s'y faire initier.
Eleusis fut détruit par Alaric en 396 et ne se releva jamais.
- 820 -
ELEUTER - ELEUTHES
ELEUTER (Georges), peintre polonais du xvii* siècle.
Il appartenait à la classe des chevaliers. Il fut peintre du
roi Jean Sobieski. lia laissé plusieurs portraits de ce sou-
verain et un certain nombre de tableaux d^glise, notam-
ment une Sainte Anne dans l'église du même nom a Lra-
covie, un Christ crucifié dans l'église Samte-Croix a
Varsovie, un Saint Roch dans la même église.
ELEUTHERA (Ile) ou ROYAL ISLAND, l'une des îles
Bahamas (V. ce mot), au N. de l'archipel; elle a 130 kil.
de long sur 15 de large et compte 5,000 hab. environ.
ÉLEUTHÈRE (Saint). Quatorzième pape, né àNicopolis
en Epire, élu en 182, mort en 193, après un épiscopat de
onze années, quatre mois, cinq jours. Les mentions qui
précèdent sont empruntées à la série chronologique inscrite a
Rome. Le Catalogue délibère assigne à ce pont^hcat une
durée de quinze années, six mois, cinq jours, de 1 il a 19^2.
D^après les calculs de Lipsius, Eleuthère serait mort en
189. Suivant Hégésippe, reproduit par Eusebe {Hist.
eccl IV, -22), il était diacre sous Anicet, et il succéda,
comme évèque de Rome, à Soter. Le calendrier romain
place sa fête au 26 mai et le met au rang des martyrs;
mais aucun fait attesté par l'histoire ne justihe ce titre.
— La place que ce pontificat tient dans l'histoire ecclésias-
tique est remplie, moins par les actes accomplis par Eleu-
thère, que par ceux qu'on lui attribue et par les taits aux-
quels il a été incidemment mêlé. Eusébe (Hist. eccl., y, m)
rapporte que Irenée, alors presbytre à Lyon, lui apporta,
de la part des chrétiens de la Gaule, une lettre ayant
pour objet la paix de l'Eglise et exprimant le sentiment
de leurs martyrs à l'égard des montanistes. On a tire argu-
ment de ce fait pour démontrer que l'évêque de Rome était
considéré alors comme exerçant une suprême juridiction. Il
convient de noter qu'un envoi analogue fut adressé aux égUses
de Phrygie, et que les chrétiens de la Gaule ne demandaient
aucune'^décision à Eleuthère, mais lui communiquaient tout
simplement l'opinion de leurs martyrs. — TertuUien
{Advers. Prax., i) parle, sans le nommer, d'un évèque de
Rome qui aurait, pendant un certain temps, prêté foi à Mon-
tanus et à ses prophétesses et aurait émis en leur laveur
des lettres de paix, qu'il aurait ensuite rétractées à l'insti-
gation de Praxéas. Plusieurs historiens supposent que cet
évèque était Eleuthère; d'autres que c'était Victor, son
successeur. Le même écrivain (De Prœscrip. hœres., xxx)
dit que les gnostiques Vulentin et Marcion étaient à
Rome, pendant l'èpiscopat d'Eleuthère, et qu'ils y furent
excommuniés deux fois ; mais il est établi que Valentm était
mort avant que Eleuthère fût évèque. — Bède [Hist,
eccL,ï\, et Chron.) raconte que Lucius, roi desBretagnes
(Britaniarum rex), adressa à Eleuthère une lettre pour
le supplier de le faire chrétien. Cette pieuse demande fut
accueillie et elle eut pour effet de convertir les Bretons à
la foi chrétienne, qu'ils gardèrent paisiblement jusqu'au
règne de Dioctétien. Malheureusement pour cette légende,
les Bretons, au temps d'Eleuthère, n'avaient plus de rois;
ils étaient assujettis aux Romains, dont les empereurs
étaient fort païens. D'autre part, il parait bien démontré
que les chrétiens bretons ne furent point convertis par des
missionnaires de Rome : la différence de leurs coutumes
ecclésiastiques avec celles de Rome attestent que leur
christianisme avait une origine notablement différente. On
sait d'ailleurs quelle résistance les évêques bretons oppo-
sèrent aux prétentions romaines, lorsque Augustin fut
envoyé chez eux par Grégoire P"" (597). La lettre d'Eleu-
thère au roi Lucius, reproduite dans un manuscrit des
Lois dites d'Edouard le Confesseur, est incontestable-
ment fausse. De même, une décrétale adressée aux pro-
vinces de la Gaule, sur l'usage des aliments, le jugement
des clercs par les synodes provinciaux avec appel à Rome.
E.-H. VOLLET.
BiBL. : Lipsius, Chronologie der rômischen Bischôfe;
Kiel, 1869, in-8. — Duchesne, Liber pontifîcalis ; Pans,
1886-1892, 2 vol. in-4. — Lenain de Tillemont, Mémoires
vour servir à Vhistoire ecclésiastique des six premiers
siècles; Paris, 1693 1712, 16 vol. in-4. — J. Barmby, art.
Eleutherus, dans le Dictionary of Christian hiography
de W. Smith et H. Wace; Londres, 1877-1887, 4 vol. in-8.
ÉLEUTHÈRE (Saint), évèque, né à Tournai en 454,
mort à Tournai en 531. A l'âge de trente ans, il succéda
à Théodoric sur le siège épiscopal de sa ville natale et
propagea avec zèle et succès la religion chrétienne dans le
nord de la Gaule, surtout après le baptême de Clovis. On
lui attribue quelques sermons et quelques opuscules d'apo-
logétique qui ont été recueillis dans la Bibliothèque des
Pères de Cologne et de Lyon, La fête de saint Eleuthère
se célèbre le 20 févr.
BiBL. : Acta sanctorum, févr., t. lll.— Histoire littéraire
de la France. „ s ,rw i >. r^
ELEUTHERIA (Eleutheria Quatrefages) (ZooL). Genre
d'Anthoméduses (Hydroïdes), de la famille des Cladonémides,
consiitué par de très petites Méduses jaunâtres, rougeâtres
ou brunâtres. Leur ombrelle, pourvue d'un vélum, est
hémisphérique, deux fois aussi large que haute ; elle a
i millim., rarement 2 de largeur; sa surface externe est
dépourvue de côtes urticantes, et sa cavité est très réduite.
Ces petits organismes présentent 4-8 tentacules, le plus
ordinairement 6, qui sont deux ou trois fois aussi longs
que le diamètre de l'ombrelle. Ils sont mous, flexibles,
cylindriques et fourchus au bout ; les extrémités des branches
de ces fourches présentent un bouton urticant ou une ven-
touse. A la base des tentacules se trouvent des ocelles.
Ces Méduses sont dépourvues d'organes auditifs. La bouche
fait saillie en dehors de l'ombrelle; elle est munie de
quatre lobes buccaux courts. L'estomac est un tube conique,
jaune ou brun, présentant quatre arêtes longitudinales.
Dans sa paroi externe ou orale sont logées les glandes
sexuelles, disposées en quatre lobes, dont les produits
tombent dans une vaste cavité incubatrice péris tomacale.
De l'estomac partent des canaux radiaires courts, simples
et larges, au nombre de 4-8, ordinairement 6. V Eleu-
theria présente le phénomène de la génération alternante.
La forme asexuée, qui rentre par sa structure dans le
sous-ordre des Gymnoblastiques, est le Clauatella proli-
féra llincks. La Clavatelle, nourrice de TEleuthérie, cons-
titue de petites colonies de polypes blanchâtres, allongés,
cylindriques, épaissis à leur base, qui, étendus, peuvent
atteindre jusqu'à 12 millim., et qui sont munis d'une cou-
ronne simple de 6-^ tentacules capités. Le tronc de la
colonie est rudimentaire, et les polypes naissent presque
directement de la racine. Celle-ci est filiforme, rampante.
Les bourgeons sexuels sont placés sur des pédoncules rami-
fies, prenant leur origine sur le corps des polypes. — Ce
genre ne présente qu'une seule espèce, VE. dichotoma
Uuatrefages, des côtes européennes. J. Kunstler.
ELEUTHERIUS, exarque de Ravenne, de 616 à 619.
Nommé par l'empereur Héraclius au gouvernement de l'Ita-
He byzantine, il dut réprimer tout d'abord des insurrec-
tions qui avaient éclaté à Ravenne et à Naples. Plus tard,
ayant à prix d'argent obtenu la paix des Lombards, il crut
pouvoir se détacher de Byzance et se fit proclamer empe-
reur à Ravenne (619) ; mais, pendant qu'il marchait sur
Rome pour s'y faire couronner, il fut assassiné en route
par ses soldats. Ch. Diehl.
ELEUTHEROCRINUS (Paléont.) (V. Blastoïdes).
ELEUTHÉROMYCES (Bot.). Genre de Champignons
Sphériacés, voisins des Hyphomycètes. Une seule espèce
commune, E. subulatus, vivant sur les vieux Agarics, et
sous sa forme conidienne (Isaria brachiata) et sous sa
forme ascophorée (Sphœronema subulatum). H. F.
ELEUTHERURA (ZooL) (V. Roussette).
ELEUTHES, OELETS, ÔLOTS n'est que la transcrip-
tion, par les missionnaires français du xviii« siècle, de
Wei-la-te ou 0-lou-te, nom chinois du mongol Oirats.
Les Oirats (V. Dzoungarie) étaient au nombre de quatre :
les Tchoros, dans l'IH, qui sont les Dzoungares; les Doùr-
bet, sur l'Irtych; les Tourgoutes, dans le Targabatai, et
les Kochots, dans le pays d'Ouroumtsi. La tribu mon-
gole, connue sous le nom d'Eleuthes, et qui n'est autre,
en réalité, que les Kalmoucks ou Mongols occidentaux,
- 821 —
ELEUTHES ~ ÉLÉVATION
est célèbre dans l'histoire par la résistance qu'elle opposa
aux empereurs de la dynastie régnant actuellement en
Chine. Sous le règne de l'empereur Kang-hi, un chef
tchoros, l'Erdeni Balladur Kong-Taichi, fortement établi
au N. des Tien-chan, avait essayé de reconstituer l'aile
gauche mongole (Dzoungares); son fils Galdan, qui lui
succéda, vers 1665, prit le titre de khan des Dzoungares,
et menaça les tribus mongoles plus rapprochées de la
Chine, en particulier les Khalkhas, au S. du désert de
Gobi. Craignant une invasion qui aurait pu suivre la dé-
faite de ces derniers, Kang-hi, occupé à combattre les
dernières traces de la rébellion de Ou San-Kouei, à chas-
ser Koxinga de Formose et à réduire la province de Canton,
en un mot, à pacifier son empire, évita de déclarer la
guerre aux Eleuthes, qui ne cachaient pas leur intention
de s'avancer jusqu'au Kou-Kou-nor. Libre enfin, Kang-hi
se dirigea au secours des Khalkhas, qui venaient d'être
attaqués par les Eleuthes. Ceux-ci, victorieux, avaient
rassemblé une grande armée sur les bords de l'Orkhon.
Une première campagne, terminée en 1690, n'amena aucun
résultat sérieux ; les Eleuthes recommencèrent en i 696,
et Galdan, défait, mourut la même année. Toutefois
la conquête définitive du pays des Eleuthes, c.-à-d.
des Tien-chan, ne fut terminée que sous le règne du petit-
fils de Kang-hi, Kien-loung. En 1753, à la suite de
troubles dans le pays des Eleuthes, Kien-loung mit à la
tête de ce peuple Amoursana, qui se révolta en IToo,
son concurrent, Dawadji, ayant été épargné par l'empe-
reur. Amoursana fut obligé de s'enfuir jusqu'en Sibérie,
où il mourut, et tout son pays fut annexé à la Chine.
L'empereur Kien-loung célébra en vers, qui furent gravés
sur la pierre (1757), la conquête du pays des Eleuthes.
Henri Cordier.
BiBL. : Mém. concernant les Chinois, I, pp. 325-400. —
A. Rémusat, Nouv. Mél. asiatiques, — ÉRETscEiNEioER,
Mediaeval Researches. — H. Cordier, Bib. Sinica.
ÉLEVAGE (Econ. rur.). L'élevage du bétail consiste à
exploiter des mères pour la production des jeunes animaux
conduits jusqu'à leur sevrage ou jusqu'au moment de leur
développement suffisant pour qu'ils puissent à leur tour
être exploités d'une façon quelconque. L'agriculteur qui
opère ainsi fait des élèves et il est appelé éleveur. Le
principe général à appliquer dans toute entreprise d'éle-
vage est de n'accoupler entre eux que des reproducteurs
de choix qui donneront des jeunes bien constitués, puis de
nourrir les jeunes animaux aussi copieusement que possible
de manière à leur faire acquérir un poids considérable
dans le moindre espace de temps. Quant à la pratique
même de l'élevage, elle varie suivant les diverses espèces
animales auxquelles cette opération s'applique, pratique
qu'on trouvera exposée aux mots Races bovines, cheva-
lines, OVINES, etc. Alb. L.
ÉLÉVATEUR. I. Technologie. — Ce mot désigne,
d'une manière générale, toute machine à élever les corps.
Il y a un grand nombre d'élévateurs diff'érents; toutefois, on
peut ramener ces engins à quelques classes principales. Nous
renverrons, pour les élévateurs qui servent à élever les
liquides, aux mots Epuisement et Pompe. Les élévateurs qui
servent à élever les corps solides comprennent les monte-
charges (V. ce mot) et, par extension, les ascenseurs
employés à faire monter aux personnes et sans fatigue les
étages des maisons (V. Ascenseur, t. IV, p. 62), On peut
ranger dans cette catégorie les ascenseurs employés à l'élé-
vation des trains de chemins de fer et les ascenseurs qui,
dans les canaux, servent à racheter les différences de niveau
(V. Canal, t. VIII, p. 1182), ainsi que les balances d'eau
et les balances sèches (V. Balance, t. V, p. 61). Nous ne
retiendrons ici que quelques élévateurs spéciaux. Les éléva-
teurs de grains sont ordinairement placés à l'intérieur des
bâtiments ; ils sont formés d'une chaîne ou courroie in-
clinée garnie de godets en tôle. Dans les minoteries et les
magasins, on emploie aujourd'hui couramment l'élévateur
pneumatique qui se compose d'un tube vertical en fonte
de O'^IO de diamètre dont l'ouverture inférieure, fermée
par une vanne mobile, se trouve à 0'"02 de la surface du
grain placé dans une trémie. A la partie supérieure, le tube
se recourbe et débouche dans une chambre en tôle de
1,000 litres de capacité environ, terminée en bas par une
goulotte de sortie du grain et qui est mise en communica-
tion par le haut avec un ventilateur-aspirateur. Si on fait
le vide au moyen de ce dernier appareil, une aspiration
d'air s'établit ; l'air animé d'une grande vitesse dans le
tube entraîne les grains, tandis que, dans la chambre supé-
rieure, la section étant plus grande, la vitesse du courant
d'air diminue et les grains étant abandonnés à eux-mêmes
tombent et s'échappent par la goulotte de sortie. Les
élévateurs de racines très employés dans les sucreries,
féculeries, distilleries, etc., se composent d'une courroie
sans fin en gutta-percha de 0"^30 de large, garnie tous
les 0"^3o à 0"^40 de tasseaux en bois implantés perpendi-
culairement à sa surface. Les racines sont jetées dans une
trémie inférieure ; la courroie marchant d'une manière
continue dans un couloir en bois, chaque planchette en-
traine en passant et monte avec elle une ou plusieurs ra-
cines pour la déverser à la partie supérieure. Les éléva-
teurs de paille placés ordinairement au débouché de la
batteuse servent à mettre la paille en meules ou en gre-
niers. La paille tombe dans une grande trémie en bois ou
en tôle située à la partie inférieure d'un plan incliné formé
par un couloir en bois de O'^SO à 1^^30 de large, dans le-
quel se meuvent deux chaînes sans fin garnies de râteaux
espacés de 0™75 qui entraînent la paille. Les chaînes sont
mises en mouvement par un arbre sur lequel est calée une
poulie de commande. Le fond de la trémie est occupé par
un crible à larges mailles. Les élévateurs sont montés sur un
chariot à quatre roues et munis d'un treuil réglant même
pendant la marche la hauteur d'élévation qui atteint 6 à 8 m.
II. Anatomie. — Muscles élévateurs. — On donne
en anatomie le nom d'élévateurs ou de releveurs à des muscles
qui élèvent certaines parties, comme l'œil et la lèvre supé-
rieure. Comme muscles élévateurs, on décrit :
1*^ Elévateur ou r éleveur de la paupière supérieure.
C'est un petit muscle rubané qui s'insère au fond de l'or-
bite à la petite aile du sphénoïde et à la gaine du nerf
optique, et en avant sur le cartilage tarse de la paupière
supérieure qu'il relève pendant sa contraction. 2^ Eléva-
teur ou releveur commun de l'aile du nez et de la lèvre
supérieure. Ce petit muscle s'attache en haut sur l'apo-
physe montante du maxillaire supérieur et les os propres
du nez, parfois sur l'apophyse orbitaire interne du frontal,
et en bas à la face profonde de la peau de l'aile du nez et
de la lèvre supérieure. 3** Elévateur ou releveur propre
de la lèvre supérieure. Il s'insère d'une part sur le
maxillaire supérieur, entre le rebord de l'orbite et le trou
sous-orbitraire, et d'autre part à la peau de la lèvre supé-
rieure, et aussi assez souvent par un petit faisceau à l'aile
du nez. Cette double insertion lui a valu le nom d'éléva-
teur commun profond. Comme le précédent, il relève la
lèvre supérieure et dilate la narine. Entre les deux existe
parfois un petit faisceau musculaire, Vanomalus d'Albinus,
le tenseur de la muqueuse alvéolo-labiale de Sappey,
qui s'attache à l'apophyse montante du maxillaire en haut
et sur le même os en bas, au voisinage de la fosse canine^
Du reste, ces muscles, comme les autres peauciers de la face,
sont plus ou moins individualisés ; très souvent, ils envoient
ou reçoivent des faisceaux de leurs voisins. — V. Face
(Muscles de la). Temporal et Ptérygoïdien. Ch. Debierre.
ÉLÉVATION. I. Astronomie. — L'élévation d'un astre
est la hauteur de cet astre au-dessus de l'horizon, hauteur
comptée sur l'arc de méridien vertical de cet astre à l'hori-
zon. Elle est égale à la déclinaison de l'astre augmentée de
la colatitude (V. ce mot) du lieu. L'élévation du pôle au-
dessus de l'horizon est l'arc de méridien compris entre ce
point et l'horizon. C'est précisément la latitude du lieu,
laquelle est pour Paris 48<>50M1''2. L. B.
II. Géométrie. — En géométrie descriptive on appelle
ÉLÉVATION — ELFÈGE
- 822
élévation h représentation d'un objet (d'un bâtiment, par
exemple) au moyen d'une projection sur un plan vertical,
parallèle à Tune des faces principales de cet objet (V. Lever).
lïL Algèbre. — L'élévati(»n d'une quantité à la puis-
sance m a pour but de trouver la m^ puissance de cette quan-
tité (V. Puissance).
IV. ARcmTECTURE. — Représentation, par le dessin,
d'un édifice ou d'une partie d'édifice, dans sa projection
géométrale ou verticale, mode de représentation obtenue
à l'aide de lignes droites et que les Grecs, et après eux
les Romains,' appelaient orthographia. Il faut distinguer
cette élévation proprement dite de Vélévation perspec-
tive^ par laquelle un édifice est représenté à la fois de
iface et de côté, la représentation du côté vu étant obtenue
à l'aide de lignes obliques ou fuyantes qui font paraître
l'édifice en raccourci : cette dernière représentation, étant
employée par les anciens pour les décorations théâtrales,
était appelée par eux scenographia. L'élévation géomé-
trale est de fait une représentation de convention, car, si
cette élévation donne une projection exacte de l'édifice sur
un plan vertical, elle suppose, contrairement à l'action
visuelle, l'œil du spectateur placé en face de tous les
points à la fois et toujours à la même distance de tous ces
points. Cette élévation a surtout pour but de faire conce-
voir, grâce à l'échelle à laquelle elle est donnée, les dimen-
sions exactes, en largeur et en hauteur au-dessus du plan
horizontal, de toutes'les parties qu'elle reproduit, et com-
plète ainsi, avec des plans pris à différentes hauteurs et
des coupes -^ lesquelles ne sont autres que des élévations
prises au travers de l'édifice, parallèlement ou perpendi-
culairement à l'élévation — ce qu'on appelle l'ensemble
d'un projet d'architecture. Lorsqu'une élévation reproduit
plusieurs plans, la distinction de ces plans se fait à l'aide
de teintes plus ou moins accentuées. Il faut ajouter que
c'est par l'élévation géométrale que l'auteur d'un projet
d'édifice peut donner une idée du style et du caractère qu'il
entend donner à cet édifice. ^ Charles Lucas.
V. Théologie (V. Abaissement).
VI. Liturgie. — Cérémonie de la messe, dans laquelle
le prêtre élève, l'un après l'autre, l'hostie consacrée et le
calice, afin de faire adorer par le peuple le corps et le sang
de Jésus-Christ, après les avoir adorés lui-même par une
profonde génuflexion. Cette cérémonie n'a été introduite
dans l'Eglise latine qu'au commencement du xii^ siècle,
après la controverse suscitée par Rérenger et la condamna-
tion de sa doctrine. On voulut ainsi manifester, d'une ma-
nière solennelle, la croyance à la transsubstantiation. —
Toutes les anciennes liturgies orientales, celle de S. Jacques
comme celles de S. Chrysostome et de S. Rasile, pres-
crivent une élévation de l'hostie et la décrivent ainsi : Le
prêtre élève le saint pain, en disant à haute voix : Les
choses saintes aux saints («yia o(.^loi<;). De même, la
liturgie arménienne. Mais, quoi qu'en disent Bellarmin,
Bona et d'autres théologiens catholiques, cette cérémonie
avait un caractère essentiellement différent de l'élévation
pratiquée aujourd'hui dans l'Eglise latine. Elle n'avait
point pour but de faire adorer l'hostie par le peuple, puis-
qu'elle était accomplie dans le sanctuaire (p^p-a), portes
fermées et rideaux tirés, et qu'elle ne pouvait être vue
que par les ecclésiastiques qui assistaient le prêtre célé-
brant. E.-H. VOLLET.
ÉLÈVE. I. Instruction publique. — Elèves ecclé-
siastiques. — L'art. 66 de la loi du 15 mars 4830,
après avoir édicté les peines encourues par quiconque
ouvrirait un établissement d'instruction secondaire sans
avoir satisfait aux conditions de ladite loi, fait une excep-
tion (§ 3) en faveur des ministres des différents cultes
reconnus, qu'il autorise à donner l'instruction secondaire à
quatre jeunes gens au plus, destinés aux écoles ecclésias-
tiques, à la seule condition d'en faire la déclaration au
recteur. Le conseil académique veille à ce que ce nombre
ne soit pas dépassé.
Elèves forains. — On appelait ainsi, avant la gratuité de
l'enseignement primaire, les élèves étrangers à la commune.
Ils ne pouvaient être admis à l'école que sur l'autorisation
expresse du maire, parce que leur rétribution scolaire, soit
qu'ils la payassent réguHèrement, soit qu'il fallût la payer
pour eux, intéressait le budget communal.
Elève-maître (V. Ecole normale).
II. Beaux- Arts. — Il est de tradition, depuis l'origine
des arts, que les jeunes gens désireux de suivre la carrière
artistique s'attachent, d'une façon souvent exclusive, à la
personne et aux enseignements de celui dont les œuvres
ont le plus vivement excité leur admiration. Cette manière
d'agir, bien compréhensible du reste, a l'inconvénient d'ame-
ner parfois l'élève studieux à être au bout de quelques
années un copiste du professeur; les exemples à citer,
chez les anciens et les modernes, ne manqueraient pas.
Tel tableau, peint dans la manière du maître qui a pré-
sidé à sa conception et à son exécution, ne peut man-
quer d'être chaudement patronné par le maître lui-même,
et considéré par ses admirateurs ; c'est un succès presque
certain, obtenu à l'aide de formules déjà acceptées et com-
prises par le public. Rares sont les jeunes artistes ayant, au
début même de leurs études, assez d'intelligence et de volonté
pour avoir des idées personnelles, en. dehors de toute
manière, de tout procédé à la mode ! Ceux qui, recevant
tous les conseils, les pèsent sans parti pris, n'en retiennent
que ce qui convient à leur tempérament, et ne se laissent
pas attirer hors de la voie dans laquelle ils ont résolu de
marcher, connaîtront la lutte âpre et ingrate, les dédains
des jurys et du public, jusqu'au jour, — puisse-t-il arriver
avant leur mort ! — oti les caprices de la mode et l'habi-
leté de certains amateurs les feront acclamer par la foule.
Peut-on dire que Delacroix, Théod. Rousseau, Corot, Mil-
let, aient été élèves ou aient formé des élèves, ainsi qu'on
l'entendait dans l'atelier de Rlondel ou de Picot? Ad. T.
III. Marine. — Elève de marine (V. Aspirant).
ELFÈGE (Saint) (en anglo-saxon i^Z/Zim/i), archevêque
de Canterbury, né en 954, mort en 4012. D'une famille
noble, il entra contre le vœu de ses parents au monastère
de Deerhurst (Gloucestei shire) ; mais, tenté par l'idéal
d'une vie encore plus religieuse, il quitta bientôt Deerhurst
pour se faire anachorète aux environs de Rath. Une com-
munauté se forma autour de lui, et c'est pourquoi Flo-
rence de Worcester dit qu'Elfège fut, sous Edgar, abbé
de Rath. En 984, Elfège devint évêque de Winchester par
l'influence de saint Dunstan. Il commença dès lors son
apostolat parmi les païens Scandinaves établis en grand
nombre en Angleterre : Normands et Danois. En 994, le
roi Olaf de Norvège ayant pris ses quartiers d'hiver à Sou-
thampton reçut, dît-on, la confirmation des mains d'Elfège.
En 4006, Elfège obtint le siège archiépiscopal de Canter-
bury et alla chercher à Rome le pallium. De retour, il
s'appliqua à suivre les traditions de Dunstan; les canons
du concile d'Enham sont animés de l'esprit civihsateur du
grand archevêque ; mais, tandis que Dunstan avait eu un
Edgar pour exécuter ses projets, Elfège ne disposait que
du faible roi Ethelred. Le concile d'Enham eut donc peu
de résuhats positifs. Les invasions danoises furent plus
redoutables que jamais au commencement du xi® siècle :
en 101 4, on acheta le départ des hommes du Nord au prix
de 48,000 livres; pendant qu'on levait cette énorme
rançon, les païens continuèrent à piller le pays; il prirent
et brûlèrent Canterbury ; l'archevêque fut emmené comme
prisonnier sur un vaisseau de la flotte danoise. Les bar-
bares espéraient tirer une grosse rançon d'un tel person-
nage; mais Elfège ne voulut pas que les pauvres gens
eussent à souffrir pour le racheter. Il aima mieux mourir.
Les Danois, désappointés, le lapidèrent, après un grand
banquet, avec les crânes et les os des bœufs qu'ils avaient
mangés. Onze ans après, le roi danois Cnut fit transférer
solennellement à Canterbury les cendres du martyr. — A
la demande de Lanfranc, un moine de Canterbury, Osbern,
composa, vers la fin du xi® siècle, des biographies en prose
et en vers de saint Elfège. Plus digne de foi que les pro-
- 823
ELFÈGE — ELGIN
ductions d'Osbern est le récit d'un chroniqueur contempo-
rain, Ditmar de Mersebourg, qui dit avoir recueilli ses ren-
seignements de la bouche d'un Anglais. Ch.-V. L.
ELFES (Mythol.). Dans la mythologie des peuples de
l'Europe septentrionale, on donne le nom d'elfes (haut
allemand alb, pluriel elbe, anglo-saxon œlf, anglais elf.,
Scandinave allfar) à des génies de l'atmosphère apparentés
aux nains, aux génies des astres et aussi aux esprits des morts
et à ceux du monde souterrain. On leur attribue en parti-
culier les phénomènes du vent, de la pluie, les mouvements
des nuages, le tonnerre. On se les représente comme des
magiciens aimant à jouer, à danser. L'Edda les répartit en
deux groupes, les elfes lumineux ou blancs {hvitâlfar,
Ijosâlfar) et les elfes sombres ou noirs (svartâlfar, dœk-
kâlfar). Les premiers sont des êtres éthérés, d'une grande
beauté, aux vêtements diaphanes ; les autres se confondent
avec les nains qui rôdent dans la nuit, se cachent dans les
cavernes des montagnes et sont parfois changés en pierre
quand ils se laissent surprendre par la lumière du soleil.
Ils habitent sous la terre, s'éclairant de la lumière des
pierres et des métaux précieux. Ce sont de merveilleux for-
gerons, des musiciens. La légende cite quelques-uns de
leurs rois, Luarin, Albéric. Leur souvenir persiste encore
dans l'imagination populaire ; on les dépeint gris ou bleus,
se cachant dans les rochers et ne sortant qu'au clair de
lune, enlevant les jolies filles, fréquentant volontiers les
hommes, à qui ils portent plutôt malheur. Leurs princes
sont Obéron et Titania. Parmi les poètes qui en ont traité,
citons Shakespeare dans le Songe d'une nuit d'été et
Gœthe dans VErlkœnig. Les Schratze, les ISix, les
Kobolde, les Fées^ sont proches parents des elfes. On trou-
vera de plus amples détails dans les art. Mythologie et
Nain (§ Mythologie).
BiBL. : J. et W. Grimm, IrischeElfenmserchen ; Leipzig,
1826. — Keightley, Mythologie derFeen undElfen; Wei-
mar, 1828, 2 vol.
ELFKARLEBY. Village de Suède, prov. d'Upsal, sur le
Dar-Elf quiy forme une belle cascade ; forges à'Elf-Karlô.
ELFORD (Sir William), homme poUtique anglais, né à
Bickham (Devonshire) en août 1749, mort le 30 nov.
1837. Banquier à Plymouth, maire de cette ville, il la
représenta au Parlemj|^t de 1796 à 1806, date à laquelle il
fut battu par sir Pôle. Il fut alors élu par Westbury, puis
par Rye (1807-1808). Lieutenant-colonel de la milice de
South Devon, il servit en Irlande lors de la rébellion de
1798. Il fut créé baronnet le 27 nov. 1800. Très lié avec
les principaux littérateurs et artistes de son temps, sir Elford
était un peintre de talent et il exposa à l'Académie royale de
1774 à 1837. On peut citer sa White Lady of Avenel (expo-
sée en 1822). Il fit partie de plusieurs sociétés savantes, entre
autres la Royal Society et la Linnean Society. R. S.
ELFSBORG. Prov. ou lân de Suède, au S. et à PO. du
lac Wener, entre les prov. de Gôteborg, Halland, Jonko-
ping, Skonaborg, Wermland et la Norvège (prov. de Chris-
tiania); 12,815 kil.q.; 275,795 hab. (au 31 déc. I89u);
22 hab. par kil. q. La région septentrionale formait le Dals-
land et le S. a été détaché de la Westgothie. Au N. s'étend
une plaine; le reste de la province est accidenté, boisé, avec
beaucoup de tourbières et d'étangs ; les points les plus
élevés atteignent 300 m. ; le Halleberg et le Hunneberg
sont pittoresques. Le principal cours d'eau est le Gôta-Elf.
Les landes sablonneuses sont vastes; on les reboise, en
particulier celle du Svâltôr. En 1880, on comptait
4,100 kil. q. de bois, 1,200 de prairies, 1,680 de champs
labourés. On récoltait en 1882 deux millions et demi d'hec-
tolitres d'avoine, 750,000 de pommes de terre, 300,000
de seigle. On a recensé en 1880, environ 26,000 chevaux,
154,000 bœufs, 89,000 moutons, 26,000 porcs et 1,200
chèvres.
ELFSNABBEN. Rade de Suède, dans l'île Musko, au
S. de Stockholm; ce mouillage vaste et sûr fut jadis le
principal port de guerre de la Suède ; c'est de là que Gus-
tave-Adolphe partit pour l'Allemagne,
EL6EBAR (Astron.). Nom de la belle primaire située
au pied droit à'Orion (V. ce mot) et plus connue sous le
nom de Rigel (V. ce mot).
EL-GHOMERL Village d'Algérie, dép. d'Oran, arr. de
Mostaganem, com. mixte de l'HilUl, créé récemment dans
une région fertile en céréales et vignes; 200 Européens
environ. Stat. de la voie ferrée d'Alger à Oran.
ELGIN. Ville. — Ville d'Ecosse, capitale du comté du
même nom, sur le Lossie, à 8 kil. de la mer; 7,533 hab.
Belle cathédrale gothique du xm^ siècle, remaniée au xiv®
et presque ruinée. Brasseries, distilleries, etc. C'était un
bourg royal dès le xii® siècle. Il fut à plusieurs reprises
dévasté et brûlé par des nobles écossais : Alexis Stewart
(le Loup de Badenoch) en 1390, Alexandre, lord des îles, en
1402, le comte de Huntly en 1452.
Comté. — Comté d'Ecosse, correspondant à l'ancien
comté de Moray ou Murray, sur le golfe de ce nom ;
1,248 kil. q. ; 43,788 hab. L'intérieur est accidenté ; le
Findlay Seat atteint 340 m. La région côtière est assez fer-
tile. Un tiers de la surface totale est occupé par les terres
labourées ; un sixième par les bois. On y comptait en 1884
23,000 bœufs, 58,000 moutons.
ELGIN. Ville des Etats-Unis, Etat d'Illinois à peu de dis-
tance à rO. de Chicago, sur la rivière Fox, affluent de droite
de la rivière lUinois; 8,787 hab. Fabriques de montres.
ELGIN (Thomas Bruce, comte d'), diplomate anglais,
né le 20 juil. 1766, mort à Paris le 14 nov. 1841. Il suc-
céda aux titres paternels en 1771, entra dans l'armée en
1785 et dans la diplomatie en 1790, par une mission auprès
de l'empereur Léopold. Envoyé extraordinaire à BerUn en
1795, ambassadeur près delà Porte ottomane en 1799, il
se fit remarquer dans ce dernier poste par ses goûts de
collectionneur. En 1801, il obtint un firman aux termes
duquel ses agents furent autorisés non seulement à mouler
les sculptures antiques d'Athènes, mais encore à en em-
porter des morceaux. Lord Elgin se résigna, dit-on, à cette
dernière opération par respect pour les monuments exposés
aux injures des Turcs. Il forma de la sorte cette unique
collection d'antiques qui prit le nom de « marbres d'Elgin »
(frise du Parlhénon, bas-reliefs du temple de la Victoire
Aptère, etc.). Le premier « lot de marbres » fut embarqué
d'Athènes en 1803 à destination de l'Angleterre; mais le
vaisseau sombra à la hauteur de Cerigo; il fallut trois ans
à des équipes de plongeurs pour ramener au jour la pré-
cieuse cargaison. Elgin lui-même, ayant quitté Pambassade
de Constantinople en 1803, ne revint en Angleterre qu'en
1806. Il avait été retenu prisonnier au moment où Napo-
léon, dénonçant la paix d'Amiens, fit capturer tous les
Anglais qui séjournaient alors en France. De vives protes-
tations s'élevèrent contre lui; on l'accusa de vandalisme,
de rapacité : il fut maudit poétiquement par lord Byron.
Toutefois, il resta en possession des trésors volés qui, à la
vérité, lui avaient coûté fort cher (frais de transport, de
manutention, etc., en tout 74,000 livres sterling). Il
admit le public à les visiter dans sa maison de Piccadilly.
En juil. 1816, les « marbres d'Elgin » furent acquis par
le gouvernement anglais pour le British Muséum au prix
de 35,000 livres.— De temps en temps, des amis de l'art
et du paradoxe proposent encore de nos jours de « rendre
les marbres d'Elgin » à la Grèce {Give bac le t lie Elgin
Marblesl). Des polémiques s'élèvent à ce sujet dans la
presse anglaise (V. par exemple la Nineteenth Century
de 1891); mais personne n'attache d'importance à ces
discussions académiques. Ch.-V. L.
ELGIN (James Bruce, huitième comte d'), homme poli-
tique anglais, né le 20 juil. 1811, mort à Dhuramsalla,
dans le Pendjab, le 30 nov. 1863, fils du précédent. Après
avoir fait ses études à l'université d'Oxford où il fut le
condisciple, au collège de (Christ Church, des lords Dal-
housie et Canning, ses prédécesseurs immédiats dans les
fonctions de gouverneur de l'Inde, et de M. Gladstone, il
fut élu (1841) membre de la Chambre des communes pour
Southampton ; puis, ayant succédé au titre de son père,
ELGIN — ELHUYAR
— 8^4 —
il fut appointé, en mars 1842, gouverneur de la Jamaïque.
Il se conduisit assez bien à la Jamaïque pour que le gouver-
nement whig l'appelât (4846) sur un plus vaste théâtre en
lui confiant l'administration du Canada. Là, il eut à lutter
contre de graves difficultés ; l'antagonisme des Anglais im-
migrés et des gens de race française, l'invasion du pays, déjà
pauvre, par une foule d'Irlandais faméliques, la crise com-
merciale déterminée par le triomphe du libre-échange, le
mouvement en faveur de l'annexion des provinces cana-
diennes aux Etats-Unis. Elgin demeura néanmoins au Canada
jusqu'en 1854; son administration contribua beaucoup à
l'apaisement d'un pays que les rébellions de 1837-1838
avaient semblé condamner à la ruine. — En 1857, au mo-
ment des différends avec la Chine, Elgin fut envoyé à Hong-
kong avec des troupes ; il apprit à Singapoure la nouvelle de
la grande rébellion des cipayes, aux Indes, et dépêcha son
escorte à Calcutta au secours de lord Canning. Il s'empara
ensuite de Canton et força les Chinois à signer le traité de
Tien-tsin, très favorable aux Occidentaux. En 1859, de
retour en Angleterre, il fut hitpostmas ter gênerai et élu
lord recteur de l'université de Glasgow. L'année 1860 le
revit en Chine, pour punir, de concert avec l'ambassadeur
français le baron Gros, la violation déloyale du traité de
Tien-tsin par les Chinois. C'est alors qu'eut lieu le pillage
du palais d'Eté. Elgin revint à Londres, par Java, chargé
des dépouilles de l'art chinois, de même que son père, le
septième comte d'Elgin, était revenu d'Athènes chargé des
dépouilles de l'art grec (avr. 1861). Le poste de gouverneur
général de l'Inde était vacant : on le lui offrit; il l'accepta
et arriva à Calcutta en 1862. Il mourut dans cette charge,
épuisé par le cUmat. Ch.-V. L.
BiBL. : Th. Walrond, Letters and Journal of James,
eighthearl of Elgin; Londres, 1872, in-8.
ELGIN (Sir Frederick-William-Adolphus (V.Bruce).
EL-GOLÉA, oasis du Sahara algérien, par 30^35' de lat.
N. (observations de la mission Choisy en 1880) et presque
sous le méridien d'Alger, à 1,100 kil. environ de cette
ville ; 1 ,500 hab. Il y avait là jadis de très nombreux puits
et fegaguirs, et il n'est pas douteux que l'eau se trouve
en abondance sous terre ; mais le manque de soins fait
que l'oasis a peu à peu dépéri et que les jardins ne con-
tiennent plus que 6,000 palmiers et de rares légumes.
Ils sont dominés par trois collines en forme de tables ou
gara, sur l'une desquelles s'élève le ksar, entouré d'une
muraille élevée, mais à l'intérieur plein de ruines et ne
servant plus que de magasin aux nomades ; une mosquée
en ruine aussi en occupe la partie supérieure; au pied du
ksar sont des maisons en pisé habitées par les sédentaires
et des koubbas élevées à la mémoire de marabouts des
Oulad-Sidi-Cheikh. La population est composée de séden-
taires misérables (famille des Zenata, originaires du Gou-
rara, et nègres affranchis) et de Chaânba-Mouadhi, pro-
priétaires des jardins et du ksar, mais qui ne passent à
El-Goléa que l'été, et le reste de l'année errent dans le
Sahara. El-Goléa, visité par le voyageur Duveyrier en 1860,
fut occupé en \ 874 par la colonne Galiffet et est aujour-
d'hui gardé par une garnison de 200 tirailleurs montés
sur des méharis. C'est notre point le plus avancé vers le
Sud, sa salubrité le rendant bien supérieur à Ouargla pour
notre action en ces contrées. E. Cat.
ELGSTRŒM (Per), poète suédois, né à Tolg (lœn de
Kronoberg) le 24 déc. 1781, mort à Stockholm le 28 oct.
1810. Enfant naturel sans ressources, il s'en procura en se
faisant précepteur et commis libraire pour terminer ses
études à l'université d'Upsala. Après quoi il devint copiste
au ministère du culte. Les privations et l'assiduité au tra-
vail ruinèrent sa santé ; ajssi ses poésies, d'ailleurs trop
mystiques et trop souvent nébuleuses, sont-elles empreintes
d'une sentimentalité maladive. Quelques-unes parurent
dans Phosphores et Poetisk Kalender. Elles furent réu-
nies avec celles d'Ingelgren (1860). Il publia deux bro-
chures dans l'une desquelles il discute Si un peuple a le
droit de juger son souverain (1809). Une notice sur lui
par Atterbom, l'un de ses amis de l'école phosphoriste,
figure dans Lœsning fœr bildning och nœje (1847).
EL-6UEDIM ou EL-KEDIM. Ville religieuse de l'Adrar
(Sahara occidental), à 28 kil. S.-E. d'Ouadan et dans la
même oasis de palmiers; 4,000 hab. environ. Il y eut
d'abord en ce point une simple zaouia dont les marabouts
surent obtenir la vénération des fidèles; en 1879, au
rapport de pèlerins de l'Adrar amenés à Alger, elle avait
de 300 à 400 élèves, venus quelquefois de très loin, des
professeurs célèbres et une riche bibliothèque. C'est vers
1 860 que des fidèles de la zaouia commencèrent à planter
alentour des palmiers et à s'y établir. Aujourd'hui il y a
une grande oasis en plein rapport. E. Cat.
EL-GUENATER ou EL-KENATER. Chaîne de roches
basaltiques mentionnée par le voyageur L. Panet, à peu
près à mi-chemin entre l'Adrar et l'oued Draa, dans le
Sahara occidental.
EL-GUERARA. Ville du M'zab (V. Guerara).
EL-GUERRAH. Village d'Algérie, dép. et arr. de Coiis-
tantine, section de la com. de plein exercice des Ouled-
Rahmoun; 862 hab., dont 76 Européens. Elle n'a guère
d'importance que par sa gare, où s'embranche sur la voie
ferrée de Constantine à Sétif celle qui va vers Biskra.
EL-GUETTAR. Oasis du S. de la Tunisie (Belad-el-
Djerid, pays des palmes), à 20 kil. S.-E. de Gafsa,
entourée de plusieurs enceintes en terre; la plupart des
maisons sont en ruine; les palmiers, au nombre de
30,000 environ, sont arrosés par des eaux amenées péni-
blement à la surface du sol par des machines primitives
que des chameaux mettent en mouvement. El-Guettar sera
une des stations du futur chemin de fer de Tébessa à Gabès.
EL-HADJ Omar. Conquérant du Soudan (V. Omar).
EL-HADJAR. Village d'Algérie, dép. de Constantine,
arr. de Bône, annexe de la com. de plein exercice de Du-
zerville; 119 Européens et 113 indigènes.
EL-HADJ IRA. Plaine du Sahara algérien, à peu près à
mi-chemin entre Touggourt et Ouargla, aujourd'hui presque
entièrement déserte et aride, mais qui fut jadis couverte de
villages, à ce que disent les Arabes, et où il y avait même
une ville, Bagdad, dont le nom est demeuré en usage dans
le pays. La ville de Cedrata, dont on a retrouvé des ruines
assez curieuses recouvertes par le sable et qui fut floris-
sante au moyen âge, était aussi danPcette région. E. Cat.
EL-HAÏHA. District du Sahara (Gourara) qui n'a que
17,500 palmiers et dont les cinq ksour sont menacés par
l'invasion des sables; les habitants, Arabes et Zenata, au
nombre de 2,000, sont surtout charbonniers.
EL-HAMMA. Oasis du S. de la Tunisie (Belad-el-Djerid,
pays des palmes), composée de plusieurs villages : El-Ksar,
Debdéba, Soumbat, Zaouiet-el-Mdjeba, Bou-Atouche, qu'en-
tourent 80,000 palmiers-dattiers. Il y a trois zaouias et un
millier d'habitants, administrés par un caïd. Les eaux qui
arrosent les palmiers proviennent de quatre sources chaudes
que les anciens utihsaient, et les ruines que l'on y trouve
sont celles de la station romaine à'Aquœ Tacapitanœ. Le
Hamma est dans le cercle du contrôle civil de Gabès.
EL- HAMMAM. Ce mot, qui en arabe signifie les eaux
chaudes, se retrouve fréquemment dans la toponymie de
l'Afrique du Nord. Citons, parmi les locahtés qui sont
ainsi désignées : une en Tunisie, voisine de Thala, dans la
vallée de l'oued Mellègue; une dans le dép. de Constan-
tine, au N. de M'sila; une sur les flancs du Bou-Thaleb,
dans le même département, et une autre près d'El-Outaïa.
EL-HAOUITA ou EL-HOUITA (la petite muraille).
Ksar d'Algérie, au S. du dép. d'Alger, à 42 kil. S.-O. de
Laghouat; 421 hab. Bâti au-dessus d'un ravin où coule
l'oued Dakhela qui, après avoir baigné les jardins, va se
perdre dans les sables, El-Haouita fait partie de la com.
indigène de Laghouat.
EL-HARROUCH (V. El-Arrouch).
ELHUYAR Y DE SuvisA (Don Fausto de), minéralogiste
et chimiste espagnol, né à Logrofio (Vieille-Castille) le
11 oct. 1755, mort à Madrid le 6 févr. 1833. Professeur
- 825 -
ELHUYAR - ELIASZ
de chimie et de minéralogie à TEcole des mines de Vergara
(Biscaye) de 4781 à 1785, il partit en d 788, après trois
années de voyages d'études dans l'Europe centrale, pour
la Nouvelle-Espagne (aujourd'hui Mexique), où il venait
d'être nommé directeur général des mines. Il y organisa
habilement l'exploitation, fonda même à Mexico une école
spéciale des mines (1792), mais fut contraint d'interrom-
pre son œuvre par la révolution qui devait amener l'indé-
pendance du Mexique. De retour en Espagne, il y fut
nommé directeur général des mines. On lui a attribué la
découverte du tungstène ; en réalité, il est parvenu, en
1783, avec son frère Juan-José, à isoler le premier ce
métal, dont Scheele et Bergman avaient deux ans aupara-
vant signalé l'existence probable en analysant de la schée-
lite (tungstate de calcium). Il a laissé quelques écrits : Inda-
gaciones sobre la amonedaciôn en JSueva Espana, etc.
(Madrid, 1818, in-4) ; Memoria sobre el iîiflujo de
la mineria en la agricultura, industria, etc. (Madrid,
1825, in-4) ; Memoria sobre la formaciôn de una ley
para la mineria (Madrid, 1825, in-4), etc. lia en outre
fourni à Alex, de Humboldt de nombreuses et intéressantes
données pour son Essai politique sur la Nouvelle-Espa-
gne.
L. S.
BiBL. : A. DE Humboldt, Essai politique sur la Nouvelle-
Espagne, Paris, 1811, in-8, t. 1, pp. 7, 102, 423; t. II, p. 235;
t. III, p. 226, etc. — Ad. Wurtz, Dictionn. de Ctiimie, Paris,
1878, in-8, t. III, p. 515.
ELI AD E (Jean-Radulescu), écrivain roumain, né à Targu-
Vastei en 1802, mort à Bucarest en 1872. 11 étudia au
collège de Saint-Sabbas, où le Transylvain Lazare avait
inauguré un enseignement national, en roumain. Il y aida
bientôt son maître jusqu'à l'époque où l'école fut fermée
par le gouvernement en 1821. Depuis lors il fut le chef
intellectuel du pays, comme professeur et journaliste. C'est
lui qui publia le premier journal en Valachie, le Courrier
roumain (l^"" avr. 1829-1848), suivi bientôt par le
Courrier pour les deux sexes (1836-1847). Ses poésies,
ses nombreuses traductions, ses pamphlets et ses satires
lui assurèrent une situation qu'aucun écrivain roumain
n'avait occupée avant lui. La révolution de 1848 lui
offrit l'occasion de jouer même un assez important rôle
politique : il favorisa les révolutionnaires, mit ses presses
à leur service , fit parti du gouvernement provisoire, et
plus tard de la lieutenance, avec N. Golescu et Tell. La
révolution une fois vaincue par la Russie, il fut contraint
de s'expatrier : le gouvernement turc l'envoya à Brousse,
avec quelques-uns de ses adhérents. Il y vécut quelque
temps, en guerre ouverte avec tout le monde, même avec
ses anciens camarades révolutionnaires. Revenu en Vala-
chie, après l'amnistie, il mena une vie purement littéraire.
Il fut éloigné de toute participation au pouvoir par les deux
princes qui se succédèrent sur le trône du pays, jusqu'à
l'union de 1859, qui donna naissance à la Roumanie.
A l'occasion de l'affaire Trandafilov (tentative faite pour
monopoliser l'exploitation des mines du pays par une com-
pagnie russe, dont Trandafilov était le chef), il écrivit son
Rosier sauvage (tranda/ir signifie en roumain rosier) qui
eut une immense popularité. Après l'avènement du prince
Couza, il fut tout à fait oublié. Il rêva de latiniser d'abord,
puis d'italianiser complètement la langue roumaine, et perdit
son influence littéraire vers la fin de sa vie. On lui a érigé
une statue de marbre à Bucarest.
Ses œuvres sont extrêmement nombreuses. Il édita, avec
une préface assez importante, les fables de Tzikindeal
(i 838) ; il traduisit tant bien que mal la Bible et Dante ,
Don Quichotte et l'Arioste, le Tasse et Molière, Byron et
Ossian, sans compter quelques poésies de Lamartine. Ses
propres poésies sont écrites dans une assez bonne langue,
surtout dans la première période, où il composa son chef-
d'œuvre, le Zburator. Il contribua à la création d'un
théâtre roumain, en traduisant les Deux Foscari et Am-
phijtrion, Zaïre et Marino Faliero, — On lui doit aussi
quelques fables et la Michaïde, poème épique manqué.
Ses œuvres en prose contiennent : des traités didactiques.
comme sa Grammaire (1828), et son Arithmétique, des
articles pour son journal, des mémoires, des brochures
(les Règles de la poésie (1831), la Littérature cri-
tique), etc. n écrivit, en français, une relation des évé-
nements de 1848 (Mémoires sur F histoire de la régé-
nération roumaine. Souvenirs et impressions d'un
proscrit). Son rôle fut surtout celui d'un initiateur et
c'est ce qui lui donne une importance considérable. Ses
œuvres , éditées par lui-même, sont devenues assez rares
aujourd'hui. N- Jorga.
ELIAS ou ELIE (Mathieu), peintre français, nèa Peene,
près de Cassel (Nord), en 1658, mort à Dunkerque le
22 avr. 1741. Elève de Phihppe Decorbehem. Il fut direc-
teur de l'Académie de Saint-Luc de Paris. Ses tableaux reli-
gieux abondent à Dunkerque, à Menin et à Ypres. G. P-i.
ELIAS (Ney), voyageur anglais, qui releva en 1868 le
cours inférieur de l'Ouangho et en donna une carte en deux
feuilles (1872). Il entreprit en 1872 une expédition en
Mongolie et traversa le désert de Gobi. Cette ^ campagne
dont il publia le résultat dans le recueil de la Société de géo-
graphie de Londres (On a Journey through western Mon-
go lia, t. XVII) lui valut une médaille d'or de cette
société. En 1874, Ney Elias entreprit de nouveaux voyages
sur l'Iraouaddi et en 1879 au Turkestan.
ELIAS BuRGOs (Martin), sculpteur espagnol du xix« siècle,
fils d'Elias Vallejo, membre honoraire de l'Académie de
San Fernando et secrétaire de la section de sculpture. Ses
principaux ouvrages sont un bas-relief représentant la
Mort d'Epaminondas, qui appartient à l'Institut espagnol,
un groupe de Caïn tuant Abel, exposé en 1840, un bas-
relief figurant Priam aux genoux d'Achille et un buste
de son père. P* L.
ELIAS DE San Juan-Bautista (Juan Zamrrano, en reli-
gion), prédicateur et linguiste hispano-américain, né à
Mexico, mort à Mexico en 1605. Entré dans l'ordre des
carmes déchaux à la Puebla (1587), il fut chargé d'admi-
nistrer les Indiens du quartier Saint-Sébastien. Telle était
la puissance de sa voix qu'il se faisait entendre en plein air
de douze mille personnes. (Quoiqu'il parlât le nahua de ma-
nière à exciter l'admiration des indigènes eux-mêmes, il
comptait moins sur ses sermons que sur les tableaux et
les images pour leur enseigner la doctrine chrétienne. Il
publia 'en nahua des Dialogues (Mexico, 1598, in-^) î
Abrégé de la bulle de la sainte Croisade (ibid., 1599)
et un Catéchisme. Beauvois.
ELIAS Vallejo (Francisco), sculpteur espagnol, né à
Soto de Cameros en 1783, mort à Madrid le 22 sept. 1858.
Il suivit les cours de l'Académie de San Fernando et obtint le
second prix au concours général de sculpture en 1808 ; en
1814, l'Académie le choisissait comme membre honoraire,
et à cette occasion, il produisit son groupe représentant
Rodrigo Tellez Giron défiant le Maure Albayaldos que
conserve l'Académie. En 1818, il fut désigné pour la vice-
présidence delà section de sculpture; en 1830, pour la
présidence de cette même section et, en 1841 , il était nommé
directeur général et professeur des cours de composition et
de modelage. Ses principaux ouvrages sont : Fernand
Cortès, Hercule enfant, qui décore une des fontaines des
jardins du palais d'Aranjuez, une statue de la Reine Isa-
belle, tenant dans ses bras la princesse des Asturies,
le monument funéraire élevé à Jovellanos dans l'église de
Gijon, les bas-rehefs qui décorent le piédestal de la statue
de Philippe IV, sur la place de l'Oriente, et divers groupes
allégoriques. Elias Vallejo avait été nommé premier sculpteur
de Camara en 1858. ?• L.
BiBL. : OssoRio Y Bernard, Galeria hiografica de ar-
tislas espanoles; Madrid, 1868.
ELIASZ ou ÉLI E DE Wilna, surnom Gaon (le Sublime),
savant Israélite polonais, né en 1720, mort en 1797. Il
fut mis à la tête de l'académie talmudique de Vilna appe-
lée Jechyba, et y attira un grand nombre d'élèves. Il refusa
toujours le titre de rabbin ; il mena une polémique achar-
née contre les Chasyd. Il a laissé un grand nombre d'où-
ELIASZ - ELIDE
— 826 —
vrages ; Tun des plus importants est un recueil d'observa-
tions sur le texte du Talmud sous le titre de Hagahot, —
Elie de Wilna ne doit pas être confondu avec son coreligion-
naire et homonyme Eliasz de Cracoviequiapubliéen 1797
un ouvrage encyclopédique sous le titre de Se fer Habrys,
ELIASZ (Valère), peintre polonais, né à Cracovie le
42 sept. 1840. Après avoir fait d'excellentes études clas-
siques, il entra à l'Ecole des beaux-arts de sa ville natale et
alla ensuite étudier la peinture à Munich, sous la direction de
différents maîtres. En 1865, il entreprend un long voyage à
travers l'Europe : il visite successivement Dresde, Berlin,
Dusseldorf et s'arrête longtemps à Paris et à Florence.
Fixé définitivement à Cracovie dès 1868, il complète son
éducation artistique en ajoutant aux matériaux déjà re-
cueilhs des documents précieux que lui fournissent les
bibliothèques et les collections archéologiques de son pays
ainsi que ses fréquentes excursions dans les Tàtra (Car-
pates). Peintre d'histoire avant tout, il a représenté sur
la toile plusieurs grands épisodes de l'histoire de Pologne;
quelques-uns de ces tableaux ont été reproduits en chro-
molithographie et ont eu un grand succès populaire.
Eliasz a cultivé aussi la gravure à F eau-forte ; son Guide
dans les Tâtra renferme des eaux-fortes très intéres-
santes. Cet artiste est d'ailleurs un illustrateur aussi habile
que fécond : il y a très peu de publications illustrées
en Pologne qui ne contiennent nombre de ses œuvres. Un
dessin extrêmement châtié et une composition correcte
sont les marques caractéristiques de son talent. Eliasz est
aussi écrivain distingué à ses heures : ses Esquisses de
voyage dans les Tâtra dénotent beaucoup de goût et un
sentiment très vif de la nature. Parmi ses tableaux, dont
la hste est longue, il faut citer : la Défense de Cracovie
contre les Suédois, Zolkiewski à Tsetsora, l'Entrée de
Sobieski dans Vienne délivrée, la Bataille de Rats-
lavitsé, la Mère des Jagellons orpheline. Un Camp
d'insurgés en i863, etc. F. Trawinskt.
ELIÇAGARAY (L'abbé Dominique), né près de Bayonne
en 1760, mort le 22 déc. 1822. Professeur de philoso-
phie à Toulouse, officiai de la Basse-iNavarre, il émigra
en Espagne en 1790 et ne rentra en France que sous le
Directoire. Nommé par Napoléon recteur de l'académie
de Paris, il accompagna à Londres pendant les Cent-Jours
la duchesse d'Angoulème en qualité d'aumônier. Sous la
seconde Restauration, il fut nommé membre du conseil
royal de l'instruction publique et chanoine honoraire de
Notre-Dame. En 1820, il fut chargé d'une mission d'ins-
pection dans le Midi, au cours de laquelle il prononça des
discours tellement réactionnaires qu'il fut rappelé par le
ministre de l'instruction publique. Ces discours curieux se
trouvent dans le Caducée de Marseille (1821). L'un d'eux
a été imprimé séparément (Carcassonne, 1821, in-8).
ÉLIDE. I. Géographie ancienne. — Contrée de l'an-
cienne Grèce ("HXtç ou ^AXiç, puis IHa ou Valis dont le
nom était emprunté à sa principale cité Elis. L'Elide était
la contrée occidentale du Péloponèse, s'étendant le long de
la mer Ionienne entre l'Achaïe au N., la Messénie au S.,
l'Arcadie à l'O. Elle avait pour frontière au N. le promon-
toire Araxe et la rivière Larisse ; au S. la rivière Néda ;
à l'E. les montagnes de l'Arcadie, du Lycée à FErymanthe,
Elle se divisait en trois districts qui étaient, du N. au S. :
1° VElide proprement dite ou Elide creuse, de l'Araxe au
cap Ichthys, comprenant outre la plaine du Pénée les can-
tons montagneux de l'Acrorée ; 2° la Pisatide, du cap
Ichthys à FAlphée ; 3° la Triphylie, entre l'Alphée et la
Néda.
Nous passerons brièvement sur la géographie physique
pour laquelle nous renvoyons à l'acte Grèce, nous conten-
tant de donner ici quelques indications générales. L'EHde
a été quelquefois envisagée comme une dépendance de
FArcadie, d'où lui viennent ses fleuves Alphée, Ladon,
Pénée ; elle occupe les terrasses inférieures des monts arca-
diens, Lycée, Pholoé, Erymanthe. Elle n'a pas de limites
naturelles bien marquées. Néanmoins ^ elle a sa physio-
nomie bien distincte et son unité historique. C'est un pays
fertile, le plus fertile du Péloponèse ; ses vallées fluviales,
ses plaines d'alluvions ont été très productives ; le bassin
du Pénée était célèbre à ce titre, même les collines sablon-
neuses qui découpent les plaines de l'Ehde revêtues d'une
belle végétation que les vents pluvieux de FO. favorisent.
Le rivage de l'Elide est moins favorisé que ceux de la
plupart des autres contrées de la Grèce ; ce littoral sablon-
neux, formé d'un sol d'alluvions, se déroule presque sans
accident, par conséquent sans port naturel. Les promon-
toires qui le jalonnent sont d'anciennes îles rocheuses
réunies au continent par les alluvions : cap Araxe (Kalo-
gria), cap Chelonatas (Clarentza), cap Ichthys (Katakolo).
Le cap Chelonatas est le principal en raison de sa situation
avancée à l'O. du Péloponèse ; il découpe la côte de l'Elide
entre deux golfes largement ouverts, le golfe de Cyllène
au N., le golfe Chélonatique au S., borné par le cap Ichthys
après lequel s'ouvre le golfe Cyparissien. Les sables du
rivage s'accumulant interceptent l'écoulement des petits
cours d'eau ; ceux-ci, ne pouvant arriver à la mer, accu-
mulent leurs eaux derrière le cordon littoral en de longues
lagunes qui occupent presque toute la côte ; il en résulte
une extrême insalubrité dans la saison chaude ; l'abondance
du poisson dans ces lagunes est une compensation insuffi-
sante aux fièvres et à la foule des insectes, moustiques, etc.,
qui rendent intolérable en été la région de la zone mari-
time. — La plaine de l'Elide a été formée par les fleuves ;
le plus considérable était FAlphée (Roufia), venant d'Ar-
cadie ; le fleuve propre de l'Elide était plus au N. le Pénée
(Gastouni) qui a changé de lit; jadis il débouchait au N.
du cap Chelonatas, mais il est probable que dès l'antiquité
des bouleversements analogues s'étaient produits ; la légende
d'Héraklès détournant le fleuve pour nettoyer les écuries
d'Augias semble en conserver le souvenir. Le bassin du
Pénée formait FElide proprement dite. C'était la plaine la
plus fertile de la Grèce, la seule où crût le byssus ; outre
les grains et les textiles, l'Elide fournissait du vin et ses
pâturages nourrissaient des bœufs et des chevaux renommés.
On sait l'admiration qu'excitaient les troupeaux d'Augias ;
les poèmes homériques vantent les chevaux d'Elis. La
Pisatide était moins riche que FElide creuse, bien que la
vallée de l'Alphée fût également fertile ; les inondations
la ravageaient souvent. Comme l'Elide allait de FErymanthe
au cap Chelonatas, la Pisatide allait du mont Pholoé au
cap Ichthys. La TriphyUe était plus resserrée que les dis-
tricts précédents entre la montagne et les lagunes mari-
times ; elle occupait les contreforts du mont Lycée et les
petites vallées riveraines qui en descendent.
Dans FElide proprement dite se trouvaient : sur la côte
Hyrmine et Cyllène ; au N., entre FAchaïe et le Pénée, Bupra-
sium, l'ancienne capitale, etMyrsinus ou Myrtuntium ; sur
le Pénée, Pylos, au confluent du Ladon, la capitale Elis;
sur le Ladon, Ephyra, la cité homérique, seconde capitale
du pays à cette époque ; au N. de Pylos, dans la monta-
gneuse Acrorée, près de l'Achaïe, Thalamae ; les autres
cités de l'Acrorée étaient Lasion, Opus, Thraestus ou
Thraustus, Alium, Eupagium. — Dans la Pisatide, on
trouvait sur la côte, Pheia ; sur la voie sacrée (d'Elis à
Olympie), Letrini et Dyspontium ; sur l'autre route d'Elis
à Olympie (par la montagne), Alesiaeum, Salmone et Héra-
clée ; auprès Margalae ou Margane et AmphidoU. Enfin,
sur l'Alphée, étaient les cités rivales de Pise et d'Olympie ;
à FE., Harpinna. — Dans la Triphyhe, on trouvait sur la
côte Thryon, plus tard Epitalium, Samicum, Pyrgi ; au S.
du pays était la capitale de la Triphilie , Lepreum ; sur
l'Alphée, à l'E. d'Olympie, Phrixa ; sur la route d'Olympie
à Lepreum, Pylos et Macistus ; dans l'intérieur, Scillus,
résidence de Xénophon, yEpy ou Epeium, Hypana, Tympa-
nea3, Bolax.
II. Géographie moderne. — L'ancienne Elide appartient
pour la plus grande partie à la nomarchie d'Achaïe et
Elide qui en absorbe la fraction septentrionale au N. de
l'Alphée ; l'éparchie d'Elis comprend presque tout ce terri-
m -
ELIDE
toire dont, toutefois, quelques lambeaux ont passé à l'épar-
chie de Patras. L'éparchie d'Elis comprend les dèmes de
Letrina, Lampia, Olympia, Oléné, Buprasia, Myrtuntis,
Peniios, Elis. Au S. de FAlphée, la nomarchie de Messéme
absorbe 1^ reste de l'Elide ancienne dans l'éparchie
d'Olympia qui empiète sur l'Arcadie antique et l'éparchie
de Triphylia qui empiète sur la Messénie antique.
III. Histoire. — Les premiers habitants de TEbde dont
l'histoire fasse mention semblent avoir été les Caucones,
de souche pèlasgique, c.-à-d. apparentés aux Arcadiens. Ils
furent ultérieurement refoulés dans les montagnes du N.-E.
(auprès de Dyme) et du S. (en Triphylie). Au xiv« siècle
av. J.-C, ils occupaient à peu près toute l'Elide. Ils étaient
en rapport avec les Phéniciens venus par mer et qui pro-
bablement introduisirent le byssus. Très anciennement
aussi, on signale la présence des Epéens, probablement
parents des Etoliens de l'autre côté du golfe de Corinthe.
On racontait qu'Epéius et iEtolus étaient deux fils d'En-
dymion qui régnait dans le bassin du Penée. Eléius, ancêtre
patronymique des Eléens, aurait été un fils du dieu Poséidon
et d'Eurycyda, fille d'Endymion. Les Epéens possédaient la
Triphylie et en face de l'Achéloiis les îles Echinades. Le
plus célèbre de leurs rois fut Augias, que tua Héraklès.
Ils se divisèrent en quatre royaumes; les cités prin-
cipales étaient Buprasium et Ephyra. A la guerre de
Troie, les Epéens envoient quarante navires commandés
par quatre chefs, dont le petit-fils d' Augias, Polyxène.
Au S., les Epéens étaient en conflit avec le royaume de
Pylos gouverné par les Nélides, alliés aux parents des
Achéens et de leurs chefs Pélopides. Il y avait eu, avant
l'époque homérique, un royaume de Pise, puissant d'abord
et premier siège de la dynastie de Pélops ; plus tard, il
disparut et Homère l'ignore. On suppose qu'il avait été
absorbé par le royaume de Pylos. Au moment de l'invasion
dorienne dans le Péloponèse, les Etoliens, dirigés par
Oxylus, occupèrent le bassin du Pénée ; l'Elide leur fut
réservée, d'après la légende. Les Epéens et les EtoHens se
fondirent facilement pour former le peuple des Eléens. Au
S., Pise recouvra son autonomie et entra en conflit avec
eux. Enfin, au delà de l'Alphée, la Triphylie fut occupée
par des Minyens, chassés de Laconie par les Doriens; ces
Minyens se substituèrent aux Caucones et aux Paroréates ;
ils fondèrent un Etat fédéral de six cités et résistèrent
aux Messéniens dorisés. Le nom de Triphylie, c.-à-d. pays
des trois races, fut donné à la contrée parce qu'à côté des Mi-
nyens subsistèrent les autres tribus des Epéens et Caucones ;
plus tard vinrent les Eléens. C'est donc vers le x^ siècle
que l'Elide fut divisée en trois Etats : Elis, Pise, Tri-
phylie ; mais, dès le viii« siècle, les Eléens étendirent leur
domination jusqu'à la Néda, subordonnant les autres cités.
Alliés à Sparte, ils organisèrent le culte de Zeus à Olympie
et les grandes fêtes athlétiques qui firent d'Olympie une
sorte de capitale religieuse du Péloponèse. La rivalité
d'Elis et de Pise, dépossédée de la présidence de ces fêtes,
se prolongea jusqu'au vi^ siècle. A la 8^ olympiade (747),
les Pisates, alliés à Phidon, tyran d'Argos, exclurent
les Eléens de la présidence, mais la victoire de Sparte
rétablit la suprématie d'Elis jusqu'en Triphylie. Lors de la
deuxième guerre de Messénie, Pisates et Triphyliens com-
' battirent avec les Messéniens contre Elis et Sparte . Le roi
de Pise, Pantaléon, s'empara d'Olympie et exclut les
Eléens des jeux de la 34^ olympiade (644). Son fils
Damophon tint les Eléens en respect, mais le fils de celui-ci,
Pyrrhus, engagea une lutte suprême avec l'alliance des
cités de Dyspontium, Maciste et Scillus ; toutes furent
rasées par les Eléens vainqueurs et le nom de Pise dis--
parut (572). On ne sut même plus ensuite où avait été
cette ville jadis fameuse et on doutait de son existence.
Définitivement maîtres de l'Elide, les Eoliens d'Ehs con-
nurent une longue période de prospérité pacifique. En
raison des fêtes rehgieuses et du culte de Zeus Olym-
pien, leur territoire avait été déclaré sacré et mis à l'abri
des fléaux de la guerre. Alliés aux Spartiates, ils furent
entraînés dans la guerre du Péloponèse ; les Athéniens
pillèrent leurs côtes. Après la paix de Nicias, ils entrèrent
en conflit avec les Spartiates. Ceux-ci avaient accordé leur
protection à la cité révoltée de Lepreum. EUs entra avec
Corinthe, Argos et Mantinée dans une ligue dirigée contre
Sparte; elle condamna Sparte aune amende de deux mille
mines pour infraction à la trêve sacrée au moment des
jeux olympiques ; sur le refus de payement, les Spartiates
furent exclus des fêtes. Le conflit se prolongea pendant la
guerre du Péloponèse. Après la chute d'Athènes, Sparte
s'attaqua directement à Elis, la sommant de rendre l'auto-
nomie aux cités vassales et de payer l'arriéré de sa part
de contribution dans la guerre de la confédération pélopo-
nésienne contre Athènes. Sur le refus des Eléens, la guerre
commença ; le roi Agis envahit leur pays (402). Après
trois années de résistance, Elis dut céder; elle perdit la
Triphylie, son port de Cyllène, la ville de Lasium réclamée
par les Arcadiens et toutes celles de l'Acrorée (400). Après
la bataille de Leuctres, les Eléens relevèrent la tête. Mais
les Triphyliens s'étant agrégés à la confédération arcadienne,
ils revinrent à l'alliance de Sparte et firent la guerre aux
Arcadiens. Ils enlevèrent à ceux-ci Lasium et l'Acrorée,
mais les reperdirent presque aussitôt. Les Arcadiens mirent
garnison sur la colline du Cronion à Olympie, faillirent
prendre Elis, ville ouverte; le parti démocratique se sou-
leva à leur instigation, mais fut expulsé; il se fortifia à
Pylos, sur le Pénée (366). En 365, les Arcadiens vain-
quirent les Eléens près de Cyllène. L'année suivante, à
l'occasion de la iO¥ olympiade, les Arcadiens défirent
encore les Eléens, donnèrent la présidence des fêtes aux
villageois de Pise, mais ils pillèrent les trésors sacrés. Ce
sacrilège fut désavoué par l'assemblée arcadienne qui fit la
paix avec Elis et lui rendit Olympie et la présidence des
fêtes. — Les Eléens furent les alliés de Philippe de Macé-
doine; plus tard, ils combattirent avec les autres Grecs
contre Antipater dans la guerre Lamiaque. En 312, Télés-
phore, lieutenant d'Antigone, s'empara d'Elis dont il vou-
lait faire la capitale d'une principauté ; il en fut expulsé
par un autre lieutenant d'Antigone. Au iii^ siècle, les
Eléens s'allièrent aux Etoliens et entrèrent dans la ligue
étolienne. De là des luttes et des razzias fréquentes contre
les Achéens auxquels se joignirent les TriphyUens. L'Elide
n'a plus ensuite d'histoire. Elle passe avec le Péloponèse
sous la domination romaine et continue de bénéficier des
fêtes d'Olympie (V. ce mot) jusqu'à leur suppression par
Théodore (394).
Au moyen âge, l'Elide fut occupée par les Francs, venus
de Patras. Guillaume de Champlitte s'installa à Andravida
à droite du Pénée ; Villehardouin fonda Glarenza ou Cla-
rentza qui devint le grand port de la côte occidentale de
la Grèce (V. Achaïe). Les villes de Castro Tornese (cita-
delle de Clarentza), Gastouni et Santameri datent de cette
période. Plus tard, les Vénitiens eurent leur centre à Bel-
védère (citadelle d'Elis) qui donna son nom à la province,
« la vache à lait de la Morée ». Sa prospérité déclina
ensuite, mais tend à reparaître (V. Grèce, Elis, Olympie,
Achaïe, t. I, pp. 369-372).
IV. Numismatique. — Les monnaies de l'Elide sont au
nombre des plus belles que l'art grec ait jamais ^produites,
et la variété de leurs types achève d'en rendre l'étude par-
ticulièrement attrayante. Elles sont taillées d'après l'étalon
éginétique (drachme, 6='^22) comme la plupart des monnaies
du Péloponèse ; il n'en est aucune qui soit antérieure à l'in-
vasion des Perses en Attique, en 480 ; mais à partir de cette
date les statères d'argent de l'Elide abondent. Contraire-
ment à l'usage répandu presque partout en Grèce, les mon-
naies de l'Elide ne portent pas le nom de la ville où elles
ont été frappées : on ne peut guère citer qu'une exception
à cette règle. Elles ont généralement pour légende FA ou
FAAEION (la première lettre étant le digamma) jusqu'à
l'époque romaine, et sous l'empire romain ce mot est
remplacé par HAEION. Mais il est hors de doute que
l'atelier d'où sont sorties ces monnaies était Olympie, le
ELIDE — EUE
— 828 —
[!
grand centre religieux, commercial et artistique de cette
contrée de la Grèce. La plus ancienne médaille de l'Elide
le prouve, car elle est une exception à la règle que nous
venons de constater et elle porte en légende le mot
OAYMniKON. C'est un didrachme archaïque au type
de Zeus debout brandissant le foudre d'une main et por-
tant un aigle sur son bras gauche étendu ; sur l'autre
face, un aigle volant avec un serpent dans son bec. Cette
monnaie qui a un caractère religieux paraît avoir été frap-
lée vers Tan 450 avant notre ère avec l'argent que les
.épréates de Triphylie payaient chaque année au sanctuaire
de Zeus Olympien. L'Elide étant tout entière consacrée à
Zeus, ce sont naturellement des symboles de ce dieu qui
figurent sur les monnaies : le foudre, l'aigle debout sur un
chapiteau, l'aigle volant, dévorant un serpent ou un lièvre;
la Victoire, symbole des jeux olympiques, est figurée dans
diverses attitudes sculpturales ; nous trouvons aussi la tête
du Zeus Olympien de Phidias, représentée dans un style
d'une pureté et d'une noblesse dignes de l'original; la tête
de la nymphe Olympia, rivale de celle d'Aréthuse sur les
plus beaux tétradrachmes syracusains, figure sur de rares
pièces qui ont au droit la tète de Zeus Olympien ; d'autres
statères, enfin, ont pour type la tête de Héra plus remar-
quable ici peut-être que sur les monnaies d'Argos. Comme
sur les plus beaux spécimens de l'art monétaire en Sicile et
dans la Grande-Grèce, on a relevé sur quelques-uns de ces
chefs-d'œuvre les noms des graveurs des coins, et l'on a
voulu reconnaître parmi ces noms celui de Daedale de Sicyone
qui, vers l'an 400, était occupé à sculpter une statue à
Olympie, celui de Polyclète le Jeune, enfin celui d'Euthychidès
qui grava aussi des coins monétairee pour Syracuse.
Lors de la prépondérance des Thébains dans le Pélopo-
nèse, avecEpaminondas, en 870, les Arcadiens dominèrent
dans l'Elide et y restaurèrent la petite ville de Pisa, détruite
par les Eléens deux siècles auparavant, Pisa fit alors
frapper des monnaies d'or et d'argent qui portent son
nom, EISA, et sont au type de Zeus Olympien. Mais peu
après les Eléens reconquirent la présidence des jeux olym-
piques et continuèrent l'émission de leurs belles monnaies
autonomes jusqu'au jour où Alexandre le Grand introduisit
à Olympie la frappe des tétradrachmes de poids attique à
son nom et à ses types bien connus. Plus tard, la frappe
des monnaies autonomes reprit, avec les types de la tète
de Zeus et de Héra, et au revers, l'aigle seul ou l'aigle
luttant contre un serpent ; sur quelques-unes on retrouve
les initiales des tyrans qui gouvernèrent l'Elide au cours
du m® siècle. Ainsi par exemple, les lettres Apu.. pa-
raissent bien être les initiales du nom d'Aristotimos qui
fut despote de l'Elide en 272 avant notre ère. De l'an 491
à Tan 146, l'Elide fit partie de la ligue achéenne et frappa
des monnaies aux types, dépourvus de caractère artis-
tique, qui furent adoptés uniformément pour toutes les
villes faisant partie de la ligue. Avec la conquête romaine,
en 146 av. J.-C, le monnayage d'argent de l'Elide prend
fin ; les monnaies de bronze persistent jusque sous Cara-
calla. Elles sont d'un style fort médiocre et d'une conser-
vation souvent déplorable, mais leurs types ont encore un
grand intérêt pour l'archéologue, car nous y trouvons la
reproduction de la statue du Zeus Olympien de Phidias,
celle de l'Aphrodite Pandémos de Scopas, celles d'autres
sculptures non moins célèbres, notamment la figure sym-
bolique de l'Alphée couché, tenant une couronne et une
palme, souvenirs des récompenses qui furent si longtemps
distribuées aux jeux célébrés avec tant d'éclat sur ses
bords. E. Babelon.
BiBL. : Numismatique. — Percy Gardner, Elis, dans le
Numismatic Chronicle^ 1879, pp. 221 et suiv.— Du môme,
Coins of Peloponnesus^ dans Catalogue of Greec Coins in
the British Muséum ; Londres, 1887, in-8. — Barclay
V. Head, Historia numorum ; Londres, 1887, in-8, p. 353.
ÉLIE (Saint-) (Congrégation de) (V. Carmes déchaussés).
ÉLIE, prophète hébreu représentant du vrai Dieu en
ce de l'idolâtrie étrangère, spécialement du culte phéni-
en introduit dans le royaume d'Israël. C'est le héros d'une
série d'aventures merveilleuses. Il annonce au roi Achab,
époux de la princesse sidonienne Jézabel, une sécheresse
qui amènera une effroyable famine ; puis, quand l'épreuve
touche à sa fin, triomphe des prêtres de Baal sur le mont
Carmel dans une lutte mémorable, où la puismince divine
intervient en sa faveur. Ensuite il prend la route du
Sinaï, reçoit dans ce lieu vénérable les ordres de la divinité,
revient en Palestine et est enlevé au ciel sous les yeux de
son disciple Elisée, auquel il donne mandat de poursuivre
son œuvre. Elie est le type du ministère prophétique ; re-
cueilli près de Dieu, il redescendra pour préparer les voies
au Messie. C'est une tâche à la fois puérile et ingrate de
vouloir rechercher dans cette figure symbolique des souve-
nirs d'un caractère historique (V. 1 Rois, xvii-xix, xxi;
2 Rois, i-ii ; Malachie, iv, 5). La théologie chrétienne
reconnaît Elie dans Jean-Baptiste (V. Prophète, Prophé-
tisme). m. Vernes.
ÉLIE 1^^, prince de Moldavie, fils d'Alexandre le Bon.
Il succéda à son père, par lequel il avait été précédemment
associé au trône en 4433. Une révolte de son frère
Etienne (V. Etienne III) le chassa en Pologne, chez le roi
Ladislas II, dont il avait épousé la belle-sœur. Il fut
battu bientôt, malgré le secours des Polonais. Revenu sous
le règne de Ladislas ÏII, il vainquit enfin son frère à Poda-
gra et le partage qui suivit lui rendit le titre de prince,
avec la partie supérieure de la Moldavie, ainsi que sa capi-
tale, Soutchava. Elie consentit à payer à ses protecteurs un
tribut annuel de cent chevaux, quatre cents pièces de soie,
quatre cents bœufs et trois cents charrettes d'esturgeons.
(Quelques villes leur furent restituées. La bataille de Varna
(1444) où périt son ami et suzerain, Ladislas III de Pologne,
encouragea les projets secrets d'Etienne qui se vengea de son
frère en lui arachant les yeux. Il mourut probablement
en prison. N. Jorga.
ELIE II, prince de Moldavie, fils de Pierre Raresh
(1546-51). Il inaugura son règne par un traité avec la
Pologne. Plus tard^ les Turcs lui ordonnèrent de rétablir
en Transylvanie leur protégée, Isabelle, femme de Jean
Zapolia, privée de ses droits lie régente par l'évêque Marti-
nuzzi. Il brûla le pays, avec son voisin et allié, Mircea le
Berger, prince de Valachie. Ses cruautés l'avaient rendu
odieux aux boïars, quand il finit son règne, en 1551. Il
se convertit à l'islamisme, prit le nom de Mohamet et alla
résider à Constantinople. Il eut pour successeur son frère
Etienne. • N. Jorga.
ÉLIE (Alexandre), prince roumain du xvii® siècle, fils
d'Elie, et petit-fils de Pierre Raresh. Né à Rhodes, il était
tout à fait étranger aux mœurs locales. Son premier règne
en Yalachie (1616-18) fut terminé par une révolte des
boïars contre ses favoris grecs. Nommé en Moldavie par
les Turcs, destitué après deux années de règne, en 1622,
il regagna le pouvoir en 1631, pour le perdre deux années
plus tard, à la suite d'une terrible révolte des paysans,
exaspérés par les exactions de ses Grecs (1633). N. Jorga.
ÉLIE (Jacob-Job), le principal « vainqueur de la Bas-
tille », général répubhcain, né à Wissembourg (Alsace)
le 26 nov. 1746, mort à Varennes en Argonne le 6 févr.
1825. Son père, Mathias Elie, était officier au régiment d'Al-
sace et mourut aux Invalides. Enrôlé, à moins de vingt ans,
au régimentd'Aquitaine, il prit part aux expéditions de Corse "
et de Tunis (1769-1770). Après un court congé, il entra
au régiment de la Reine et combattit à Ouessant, durant la
guerre d'Amérique (1778). Il fut ensuite employé au ser-
vice des recrues. Sous-lieutenant porte-drapeau après vingt-
deux ans d'activité, en garnison à Cherbourg (août 1788),
il se trouvait à Paris, lors de l'attaque de la Bastille, où il
joua, « par hasard », a-t-il écrit, un rôle prépondérant.
C'est lui qui entra le premier dans la forteresse et reçut
du gouverneur de Launay le texte de la capitulation qu'il
porta à l'Hôtel de ville au bout de son tronçon d'épée. Porté
en triomphe par le peuple, il ne dépendit pas de lui que
de sanglants excès fussent évités. Il réussit du moins à
sauver de nombreux prisonniers. « Le brave Elie », dé-«
nommé aussi, mais à tort, « le sergent Elie », reçut
le 19 mars 1790, à l'Archevêché, l'épée d'honneur
que l'Assemblée des électeurs de Paris lui avait votée
sur la proposition du maire Bailly. Il entra comme capi-
taine dans l'une des compagnies du Centre (soldées) de la
garde nationale parisienne, bataillon de Saint-Jean en
Grève. En 1791, il fut incorporé, avec le même grade,
dans le 103^ régiment d'infanterie et reçut l'ordre de Saint-
Louis. Parti pour la frontière, après la déclaration de
guerre, il concourut à la défense de Thionville, sous le géné-
ral Wimpffen (sept. 1792), et fit sous le général Beur-
nonville la campagne de Trêves (décembre). Il fit partie du
corps d'armée qui devait secourir Mayence, et s'y distin-
gua. L'année 1793 le vit franchir rapidement les grades
supérieurs ; le 3 sept., il fut nommé général de division. H
appartint en cette qualité à l'armée des Ardennes, et eut
pour résidence la place forte de Givet. Mais, dans une dé-
monstration sur Beaumont (Belgique), que lui avait pres-
crite Jourdan, il fut surpris nuitamment par les Autrichiens
àBoussu-les-Walcourt; la fuite des« réquisitionnaires » le
contraignit à une retraite précipitée et désastreuse (1 6 oct.
1793). Sur les injonctions du maire de Givet, DelecoUe, il
fut envoyé loin de l'ennemi, à Verdun, où il commanda de
nov. 1793 à juin 179o. Suspendu de ses fonctions, il fut,
à la prière du ministre Delacroix, nommé gouverneur de
Lyon par le Directoire (mars 1796), mais dut bientôt céder
ce poste au général Canuel. De là il fut envoyé à Saint-Jean-
de-Maurienne (armée des Alpes), en remplacement du géné-
ral Dumas, père du célèbre romancier. Béformé (1797), il
se fixa à Courcelles-Aubréville (Meuse) et s'y maria. Il
adressa vainement force requêtes au gouvernement. Rete-
nons ses fiêres paroles à Bonaparte, premier consul : « J'ai
fait le 14 Juillet qui a assuré la hberté française et qui a
ouvert la carrière à tant de grands hommes, qui peut-être
sans elle seraient restés dans le néant. » Veuf, sans en-
fants, et admis à la retraite (1809-1811), il se retira à
Varennes. VAlmanach royal de 1816 mentionne, à son
rang de promotion, parmi les lieutenants généraux « le
chevalier Elie ». Son neveu, marchand drapier à Varennes,
retiré à Ribeauvillé, donna au musée de Golmar son por-
trait et son épée d'honneur. Ces reliques s'y trouvent
encore. On remarquera que, depuis près de soixante-dix ans,
Elie ne figurait plus dans les dictionnaires historiques.
La date et le lieu de sa mort étaient ignorés. Nous n'avons
pu nous-même retrouver les traces de la famille d'Elie,
peut-être aujourd'hui éteinte. Ludovic Drapeyron.
BiBL. : Marmontel, Mémoires. — Le Moniteur univer-
sel. — P. RisTELHUBER, Biographies alsaciennes. — Vic-
tor FouRNEL, les Hommes du Ik Juillet, Gardes françaises
et Vainqueurs de la Bastille. — L'Intermédiaire des cher-
cheurs et curieux. — Documents inédits, recueillis par
Ludovic Drapeyron et par André-Ernest Picard.
ÉLIE DE Beaumont (Jean-Baptiste-Jacques), célèbre avo-
cat, né à Carentan en oct. 173^2, mort à Paris le 10 janv.
1786. Plein de verve et d'imagination dans un petit cercle
d'amis, mais se déconcertant facilement devant un vrai
pubHc, mal servi d'ailleurs par un organe défectueux, Elie
de Beaumont renonça de bonne heure à la plaidoirie pour
se faire avocat consultant. Un défaut l'avait aidé à trouver
la voie où il devait rencontrer le succès; car il ne tarda
pas à se faire une brillante réputation avec les mémoires
qu'il publia dans plusieurs causes célèbres. Le plus reten-
tissant fut celui qu'il écrivit pour la revision du procès du
malheureux Calas. Il lui valut les applaudissements et^
l'amitié de Voltaire qui parle fréquemment, dans sa Corres-
pondance, de l'éloquence et de l'humanité de l'avocat bas-
normand. L'éloge était mérité, puisque Elie de Beaumont
savait approprier son style à tous les sujets. Plaisant et
spirituel, comme dans son Mémoire sur les caves forcées
et les vins pillés des chanoines de la Sainte-Chapelle.,
il pouvait aussi être pathétique et touchant, comme dans
l'affaire du négociant de Bordeaux, victime, en 1773, d'un
horrible guet-apens. Le procès fit assez de bruit pour être
popularisé par la gravure. Une belle estampe de Notté et
) «. ELIE
de Godefroy parut avec cette légende : « La Vérité présente
à la Justice M. Damade Bélier pjacé entre ses deux dé-
fenseurs, MM. Target et Elie de Beaumont. » — (Quelques
années avant M. de Montyon, Elie de Beaumont, dont le
cœur était excellent, eut l'idée de fonder des prix de vertu.
Lui et sa femme, qui avaient des mœurs patriarcales, ins-
tituèrent, en 1775, dans leur terre et seigneurie de Canon,
en Normandie, une fête annuelle connue sous le nom de
Fête des bonnes gens. — Anne-Louise Morin-Dumesnil, la
digne compagne de M. Elie de Beaumont, ne se fit pas seu-
lement remarquer par sa bienfaisance ; elle a laissé un nom
comme auteur des Lettres du marquis de Roselle, pu-
bliées en 1764. G. Lavalley.
BiBL. : H. Moulin, les Défenseurs de Calas et des Sir-
ven ; Cherbourg, 1883. — L'abbé Le Monmier, Fête des
bonnes gens de Canon; Avignon, 1777.
ÉLlE DE Beaumont (Jean -Baptiste -Armand- Louis -
Léonce), géologue français, né à Canon (Calvados) le
25 sept. 1798, mort à Canon le 21 sept. 1874. Il fit de
brillantes études au collège (aujourd'hui lycée) Henri IV,
entra le second à l'Ecole polytechnique (1817) et en sortit
le premier, fut de 1819 à 1822 élève de l'Ecole des mines
et accompagna l'année suivante en Angleterre Brochant de
Villiers, son maître, et Dufrénoy, son futur collègue et
collaborateur, qui allaient demander à nos voisins, auteurs
d'une récente carte géologique de leur pays, les indica-
tions destinées à servir de préliminaires à la confection
d'une œuvre semblable pour la France. Ils recueillirent en
même temps d'abondants et utiles renseignements sur les
mines et les usines de la Grande-Bretagne. Au retour de
ce célèbre voyage de reconnaissance de six mois, Dufrénoy
et Elie de Beaumont en donnèrent le compte rendu dans une
série de très intéressants mémoires pubHés de 1824 à
1830 par les Annales des mines et rassemblés sous le
titre : Voyage métallurgique en Angleterre (Paris,
1837-1839, 2 vol. in-8 et atlas). En 1825, ils furent
définitivement chargés d'exécuter, sous la direction de
Brochant de Villiers, la Carte géologique de la France
au 500,000^. Ils entreprirent tout de suite dans ce but,
avec le concours de Fenéon et de de Billy, une longue suite
d'excursions, d'explorations souterraines et d'ascensions
qui furent menées à bonne fin en seize années et dont les
résultats exercèrent la plus heureuse influence sur les
progrès de la science et de l'industrie. La relation s'en
trouve consignée dans trois publications importantes des
deux géologues : Mémoires pour servir a une description
géologique de la France (Paris, 1830-1838, 4 vol.
in-8); Explicatioîi de la carte géologique de la France
(Paris, 1841-1848, 2 vol. in-8); Description du terrain
houiller de la France (Paris, 1842, in-4). La carie elle-
même parut en six feuilles, en 1841 . Mais les travaux furent
continués avec persévérance et activité, tant pour le per-
fectionnement et la reproduction de la première œuvre que
pour l'exécution de cartes départementales et d'une nou-
velle carte détaillée et locale au 80,000^, dont un magni-
fique spécimen fut admiré à l'Exposition universelle de
1867. — Elie de Beaumont, qui avait occupé de 1824 à
1 827 le poste d'ingénieur ordinaire des mines à Rouen et
qui, depuis 1827, suppléait à l'Ecole des mines Brochant
de Villiers dans l'enseignement de la géologie, fut nommé en
1832, à la mort de Cuvier, professeur de géologie au
Collège de France; en 1833, ingénieur en chef des mines;
en 1835, titulaire de la chaire de géologie à l'Ecole des
mines ; la même année, membre de l'Académie des sciences
de Paris (section de minéralogie et de géologie) en rem-
placement de Cl. Lelièvre; en 1847, inspecteur général
des mines; en 1853, à la mort d'Arago, secrétaire perpé-
tuel de l'Académie des sciences. La plupart des académies
étrangères se Tétaient d'ailleurs déjà attaché comme associé
ou correspondant : Académie de Berlin (1827), Société
royale de Londres (1835), etc. Il fut aussi président de
la Société de géographie de Paris. Le second Empire, qui
l'avait tout de suite élevé à la dignité de sénateur, le promut
ELIË
— 830 —
grand officier de la Légion d'honneur en d860. Il fut
mis administrativement à la retraite en 4868 ; mais on
lui conserva la direction du nouveau service de la carte
géologique détaillée de la France et ses titres de professeur
au Collège de France et à l'Ecole des mines. En fait, il avait
presque cessé tout enseignement depuis 4852. Béguyer de
Chancourtois, son élève et le continuateur de ses travaux,
le suppléait dans sa chaire de l'Ecole des mines.
Elie de Beaumont ne s'est pas borné à former par des
leçons magistrales toute une pépinière d'ingénieurs et de
savants distingués et à doter son pays d'une œuvre monu-
mentale, qui a rendu les plus grands services à l'art des
mines, à l'agriculture et à la géographie. Il a aussi régénéré
la géologie ; il l'a même presque créée comme science exacte
par ses révélations sur l'âge relatif des chaînes de mon-
tagnes et par ses conceptions géniales sur leur disposition
géométrique. Dès 4827, il avait fait preuve de hautes
qualités de précision et de pénétrante observation dans ses
Observations géologiques sur les différentes formations
qui, dans le système des Vosges, séparent la forma-
tion houillère de celle du lias [Ann. des mines, 2"^ sér.,
t. I et IV). Un mémoire lu le 22 juin 4829 à l'Académie
et intitulé Recherches sur quelques-unes des révolu-
tions de la surface du globe {Ann. des sciences natur.,
4829-4830, t. XVIÏI et XIX) fut le point de départ de
l'ère nouvelle et produisit dans le monde scientifique une
émotion considérable. Combattant audacieusement les doc-
trines jusqu'alors généralement admises, le jeune géologue
étabhssait, avec preuves positives à l'appui, que les chaînes
de montagnes n'ont pas toujours existé, qu'elles ont été
soulevées à des époques différentes et qu'il est possible
de dresser l'acte de naissance de chacune d'elles : « Dans
ce vaste ensemble de caractères, écrivait-il, par lesquels la
main du temps a gravé l'histoire du globe sur sa surface,
les montagnes sont les lettres majuscules de l'immense
manuscrit et chaque système de montagnes en constitue un
chapitre. » Il posa ensuite le principe que l'identité de
direction de plusieurs chaînes entraîne l'identité d'âge,
et sa première étude, limitée d'abord à quatre systèmes de
montagnes, étendue successivement à neuf, à douze, à
vingt-quatre, modifiée et corrigée par lui-même sur plu-
sieurs points importants, prit la forme d'une doctrine
définitive, embrassant la terre entière, dans sa Notice sur
les systèmes de montagnes (Paris, 1852, 3 vol. in~42),
qu'il avait écrite pour le Dictionnaire universel d'his-
toire naturelle de d'Orbigny et oii il expose sa grande
conception du réseau pentagonal, quelque peu abandonnée
aujourd'hui en tant que théorie. En 4867, le nombre de
systèmes signalés s'élevait à quatre-vingt-seize. Dans une
matière corrélative de la première, quoique plus spéciale,
Elie de Beaumont s'est livré à des observations et a émis
des opinions non moins précieuses. Nous voulons parler
de ses recherches sur les phénomènes éruptifs de notre
planète. Sa Note sur les émanatioîis volcaniques et
métallifères {Bullei. de la Soc. géol., 1847, 2^ sér.,
t. IV), où il ramène à une même cause génératrice les
volcans, les filons métaUiques et les eaux minérales, cons-
titue à cet égard, malgré son titre modeste, un travail
capital et en même temps absolument original.
Son œuvre écrit est immense. Il se compose d'environ
deux cent cinquante mémoires ou notes importantes parus
dans les Annales des mines (4822 à 4867), les Mémoires
de la Société linnéenne de Normandie (4827), les
Annales des sciences naturelles (4827 à 4832), les Mé-
moires de la Société d'histoire naturelle de Paris
(4829), le Bulletin de la Société géologique de France
(4830 à 1863), les Annalen de Poggendorff (4832), les
Comptes rendus de l'Académie des sciences de Paris
(4835 à 4874), le journal Vlnstitut (4836), les Annales
des sciences géologiques (1842), V Annuaire de la Société
météorologique de France (4854), la Revue des cours
scientifiques (4869). Quelques-uns ont été indiqués au
cours de cette notice ; il faut signaler encore plus particu-
lièrement : Notice sur les mines de fer et les forges de
Framont et de Rothau (Ann. des mines, 4822); Faits
pour servir à l'histoire des montagnes de l'Oisans
(Mém. de la Soc. d'hist. nat., 4829); Note sur Vuni-
formité de la ceinture jurassique du bassin géologique
qui comprend Londres et Paris {Ann. des se. natur.,
4829); Observation sur retendue des terrains tertiaires
inférieurs dans le nord de la France (Bullet. de la
Soc. géoL, 4834-4832); Mémoire sur les groupes du
Cantal et du Mont-Dore {Ann. des mines, 4833); Re-
cherches sur la structure et V origine du mont Etna
{Comptes rendus de l'Acad. des se, 4835); Remarques
relatives à la formation du cône du Vésuve {Comptes
rendus de l'Acad. des se, 4837). Quant à ses travaux
publiés à part, les principaux (outre ceux déjà cités) ont
pour titres : Coup d'œil sur les mines (Paris, 4824);
Leçons de géologie pratique professées au Collège de
France (Paris, 4843-4849, 2 vol. in-8); Carte géolo-
gique détaillée de la Haute-Marne au i 180,000^, en
collaboration avec B. de Chancourtois (Paris, 4857-1860,
4 feuilles); Rapport sur les progrès de la stratigraphie
(Paris, 4869, in-8) ; Géologie des Alpes et du tunnel
des Alpes (Paris, 4872, in-42). 11 a enfin écrit, et lu à
l'Académie des sciences, des éloges de Coriolis (4857), de
Beautemps-Bêaupré (4859), de Legendre (4864), d'OEr-
stedt (4 862), d'Aug. Bravais (4865), de L. Puissant (4869),
du baron Plana (4872). — Une statue lui a été élevée par
souscription à Caen, en 4876. Léon Sagnet.
BiBL.: Discours prononces aux fu7iérailles d'E. de Beau'
mont, dans Annales des mines, 1874, VI, pp. 187 à 215. —
Potier, Exposé des travaux dElie de Beaumont (spécial
à la théorie des systèmes de m.ontagnes), dans Ann.
des mines, 1875, VIl'l, p. 259. — A. Guyerdet, Liste des
travaux scientifiques d'Elie de Beaumont, dans Ann. des
mines, 1875, VIII, 298. — J. Bertrand, Eloge historique
d'Elie de Beaumont, dans Mém. de l'Acad. des sciences,
1877, t. XXXIX.
ÉLIE DE CoRToxE, franciscain (V. Franciscains et
François d'Assjse [Saint].
ÉLIE DEL Medico, célèbre philosophe juif du xv^ siècle,
né en Crète, mort en 4498, fils de Moïse Abba et petit-
fils du philosophe Schemarja Ikrite. Sa famille était venue
d'Allemagne s'établir en Crète. Il peut être considéré comme
le dernier et un des plus remarquables représentants de
la philosophie gréco-arabe qu'il enseigna publiquement à
Padoue en attirant par sa vaste érudition et sa méthode
claire beaucoup de disciples parmi lesquels nous trouvons
le célèbre Pic de la Mirandole qui fut son ami fidèle et pour
lequel il composa plusieurs ouvrages philosophiques, dont
quelques-uns en latin, comme: De Primo motare ; De
Creatione mu7idi ; De Esse, essentia et uno, et deux en
hébreu. Sur la demande de Pic de la Mirandole, il a aussi
écrit un commentaire latin sur la Physique d'Aristote et
a traduit en latin quelques traités d'Averroës. Enfin, il faut
mentionner son ouvrage hébreu intitulé Behina ha-Dat
{Examen de la religion) (Bàle, 4629 ; publié de nouveau
par J. Reggio, Vienne, i833).
BiBL : A. Geiger, Melo Chofnaim ; Berlin, 1840. —
E. Carmoly^ Histoire des médecins juifs; Bruxelles, 1844.
— S. MuNK, Mélanges de philosophie juive et arabe;
Paris, 1859. — E. Renan, Aver^'oës et Vaverroïsme ; Paris,
1852. — H. Graetz, Geschichte der Juden, VIII.— J. Dukas,
Recherches sur Vhistoire littéraire du xv» siècle ; Paris,
1876. — M. Steinschneider, Hamarskir, XXI.
ÉLIE DE Messine (Eha ou Elias Canossa, dit), frère
mineur franciscain et écrivain hermétique du xv^ siècle.
Probablement originaire de Messine, il habita Milan après sa
profession et y rédigea son ouvrage d'alchimie : Opusculum
acutissimi celeberrimique philosophi Mliœ Canossce
Messinensis in arte alchimica. i434. Ce manuscrit, qui
fut en la possession du P. Affô et que Crescimbeni a
consulté, n'a jamais été imprimé ; il contient deux sonnets
italiens également sur l'alchimie ; on l'a quelquefois attribué
par erreur à Elie de Cortone, le premier successeur de
saint François d'Assise, et il est possible et même vraisem-
blable qu'il en ait existé des copies portant ce nom, soit
— 834 — '
ÉLIE — ÉLIMINATION
par erreur, soit par une de ces supercheries familières aux
alchimistes. R. G.
BiRL. : TiRABOSciii, Storia délia letteratura, iialiana;
Milan, 1823, t. IV, in-8.
ÉLIE DE MouROM, en russe Ilia Mouromets^ person-
nage légendaire qui joue un grand rôle dans les chants
épiques russes ou bylines. Après être resté pendant trente
ans perclus ou paralysé, il accomplit des exploits extraor-
dinaires, défriche la terre russe, défait le brigand Solo-
Yeï, entre au service du prince Vladimir, etc. Certaines
bylines le font voyager jusqu'à Constantinople. On prétend
montrer son tombeau dans les catacombes de Kiev.
BiBL. : V. les ouvrages cités à Tart. Bylines et le
livre d'Oreste Miller : ïlia de Mourom et les héros de
Kiev (en russe) ; Saint-Pétersbourg, 1869.
ÉLIE DE Salomon, théoricien musical, était en 4274
clerc de Saint-Astier, au diocèse de Périgueux. Il a laissé
un traité, Scientia artis musicœ^ qui a été publié par
Gerbert (V. ce nom) dans le tome III de ses Scriptores
ecclesiastici de musica, et qui est très utile pour l'histoire
du plain-chant et du chant sur le livre au xm^ siècle.
ÉLIE DE WiLNA (V. Eltasz).
ÉLIE Levita, surnommé Bahour, Asgenazi et Medag-
deg, célèbre grammairien juif, né à Neustadt-sur-l'Aisch,
en Bavière, le 13 févr. 1469, mort à Venise le 28 janv.
lo49. En 1496, il vint en Italie. Après un court séjour
à Venise, il alla s'installer à Padoue où bientôt un grand
nombre de disciples se réunit autour de lui et oii il com-
posa son premier ouvrage, un Commentaire sur la
grammmre hébraïque de Moïse Oimhi (^Sidoixe, i^OS).
La même année, il publia une traduction allemande du
roman italien. Histoire de Buovo d'Antona (V. sur cette
traduction Grunbaum, Jûdisch-deutsche Chrestomathie;
Leipzig, 1882). Par suite de la prise de Padoue en 1509,
Elie Levita se rendit à Venise et, après un séjour de trois
ans, passa à Rome où il trouva un protecteur et un ami en
la personne de Gilles de Viterbe (Aegidius de Viterbo),
alors moine augustin, plus tard cardinal, qui s'intéressait
beaucoup de la kabbale et protégeait les études hébraïques.
Engagé par lui à entreprendre des travaux relatifs à la
langue hébraïque, il composa une concordance hébraïque
achevée en 1521 ( Steinschneider , Catal. der Miln-
chener Handschriften, n^ 74). En 1518, il publia une
grammaire hébraïque intitulée Bahour à laquelle il doit
principalement sa célébrité, puis deux traités : Harkaba
et Pirke-Elijaha, suppléments à cette grammaire. Ensuite
il étudia la massore et la langue araméenne, écrivit Mas-
sorat ha-Massorat (manuscrit à Munich, Steinschneider,
catal. n'^ 322) ; un traité sur les accents, intitulé Toub-
Taam et un lexique aux paraphrases chaldéennes (ara-
méennes) de la Bible (Targournim), qu'il commença en
1526. Dans le même temps, il entra en relations avec
Sébastien Munster qui publia ses ouvrages sur la gram-
maire hébraïque en traduction latine. La prise de Rome
par l'armée de Charles V força Elie Levita de s'enfuir à
Venise, où il fit la connaissance de George de Selve, ambas-
sadeur du roi François P^, et lui donna des leçons d'hébreu.
Sur les instances de son nouveau protecteur, il reprit la
concordance hébraïque commencée et rédigée déjà à Rome
et dont la plus grande partie avait été perdue pendant la
prise de cette ville. L'ouvrage intitulé Sefer ha-Sikhronat
fut terminé et envoyé à Paris. Le manuscrit autographe
de l'auteur se trouve à la Bibliothèque nationale (catal.
n<^s 134 et 135 ; B. Goldberg avait commencé en 1875 la
pubhcation du manuscrit parisien, mais il n'a paru qu'un
seul fascicule). Le roi François V^^ invita même Elie Levita
de venir à Paris pour y enseigner la langue hébraïque.
En 1538 parut le célèbre ouvrage Massorat ha-Massorat,
remanié et rédigé de nouveau par l'auteur, avec l'appen-
dice sur les accents bibliques. Il se rendit chez le savant
Paul Fagius à Isny, en Wurttemberg, chez lequel il imprima
son lexique chaldéen, Metaurgueman^ une exphcation de
712 difficiles expressions néo-hébraïques, Tishbi, et une
nouvelle édition de la grammaire Bahour. Après un court
séjour à Constance, il retourna à Venise où il termina sa
vie laborieuse. La relation d'après laquelle Levita aurait
embrassé le christianisme, rapportée premièrement par
Jean Moltherus , professeur de théologie à *^Marbourg
(mort en 1618), dans son ouvrage Malleus obstinationis
judaicœ, et répétée par d'autres auteurs, n'est qu'une
fable et repose sur une confusion de notre Elie avec un
personnage du même nom (V. D. Kaufmann dans Magazin
filr die Wissenschaft des Judenthums , 1890). —
Elie Levita eut le grand mérite d'avoir facilité par ses
travaux l'étude de la langue hébraïque et d'avoir beaucoup
contribué à la propagation de cette étude surtout parmi les
chrétiens. Il sut ordonner en système les règles assez com-
pliquées de la langue sacrée et rédiger de bons manuels.
BiBL. : R. Wunderbar, Litteraturblatt des Orients, 1849.
— S. BuBER, Leben und Schriften des El. Bactiur; Leipzig,
1856. — Ch. GiiNTBURG, Life of Elias Levita; Londres, 1867.
— L. Geiger, Das Studiumder hebraischen Sprache in
Deutschland ; Breslau, 1870. — J. Perles, Beitrage zur
Geschichte der hehriiischen und aramaischen Studien ;
Municii, 1884. — J. Levi, Elia Levita und seine Leistungen
als Grammatiker ; Breslau, 1888. — W. Bâcher, Elija,
Levita's wissenschaftliche Leistungen (Z. D. M. G., 1889),
— Consulter aussi les ouvrages bibliographiques de Wolf,
de Rossi, FûRST et Steinschneider.
ÉLIE MizRAHi, savant rabbin, né vers le milieu du
XV® siècle, mort vers l'an 1525. Il était grand rabbin à
Constantinople et le représentant officiel de tous les juifs
turcs ; il se rendit célèbre par son commentaire sur le
commentaire de Raschi sur le Pentateuque, par ses gloses
sur le Livre des préceptes de Moïse de Coucy et par ses
réponses concernant de différentes matières. Il s'occupa
aussi beaucoup de sciences mathématiques, et on lui doit
des commentaires sur les ouvrages de Ptolémée et d'Eu-
clide, et un livre sur l'arithmétique et l'algèbre, intitulé
Melechet ha-Mispar, dont une grande partie traduite en
latin par Oswald Schreckenfuchs a été publiée avec des
notes par Sébastien Munster (Bâle, 1576).
BiBL. : Outre les ouvrages bibliographiques de WolF,
de Rossi, de Furst et Steinschneider, V. Geschichte
der Kaiserthums ; Leipzig, 1865, II. — Graetz, Geschichte
der Juden, IX. — J. Gurland, Dissertation sur Mar-
dohhai comtino (en russe) \ Saint-Pétersbourg, 1865.
ELI EN ou CLAUDIUS kEUkHUS.diih Sophiste, com-
pilateur romain, né à Preneste, ville du Latium, aujour-
d'hui Palestrina, vécut à Rome sous Caracalla, Héliogabale
et Alexandre Sévère, c.-à-d. de l'an 211 à l'an 235 ;
quelques auteurs le font mourir vers 260. Il enseigna la
rhétorique à Rome qu'il ne quitta jamais, sauf peut-être
pour faire un voyage en Egypte. Il a écrit en grec avec
une grande pureté ; il avait apprit cette langue à l'école du
rhéteur Pausanias. Deux ouvrages sont parvenus jusqu'à
nous sous le nom d'Elien, son Histoire des animaux,
qui n'est qu'un recueil de particularités curieuses, mais a le
mérite de contenir de nombreux extraits d'auteurs perdus,
puis ses Histoires variées, compilations de faits variés,
événements historiques, anecdotes, paroles mémorables de
grands hommes, exemples de vertus, etc. D^ L. Hn.
ÉLIÉZER. Nom de plusieurs personnages cités dans la
Rible, variante de Eléazar. Le plus connu est celui de
l'homme de confiance ou intendant d'Abraham (Genèse, xv,
2 et suiv. ; cf. xxiv, 2 et suiv.).
ÉLIGIBILITÉ (Droit d') (V. Citoyen, Constitution).
ÉLIGMODONTIA (Zool.) (V. Hesperomys, Hamster et
Rat).
ÉLIM. Nom d'un campement des Israélites dans le dé-
sert après le passage de la mer Rouge ; localité inconnue.
ÉLIM. EtabUssement des missionnaires de la colonie du
Cap, comté de Bredasdorp, au centre d'une région de pâ-
turages; 1,300 hab.
ÉLIM AN É. Ville duKaarta (Sénégambie), à 15 kil. en-
viron au N.-E. de Médine, sur un petit affluent de droite
du Sénégal.
ÉLIMINANT. Premier membre de la résultante de plu-»
sieurs équations (V. Elimination).
ÉLIMINATION (Alg,). Eliminer des quantités a, Z>, <?,..*
ÉLIMINATION
832 -
entre certaines équations (E) qui contiennent ces quantités,
c'est trouver de nouvelles équations (F) qui soient des con-
séquences nécessaires de (E) mais qui ne contiennent plus
a,^,c,.- Le problème de l'élimination est un de ceux que
l'on' rencontre le plus fréquemment en algèbre; c'est aussi
l'un des plus difficiles que l'on connaisse, et il n'est résolu
que dans un petit nombre de cas ; nous en exposerons la
solution pour le cas où les équations données sont algé-
briques et de forme entière. Dans ce cas, éliminer a, Z?,c...
entre des équations algébriques, c'est trouver la condition
pour que ces équations aient lieu pour les mêmes valeurs
de a,/?, c;... en d'autres termes qu'elles aient les mêmes
solutions. On a vu à l'article Déterminants la manière
d'éliminer des inconnues entre des équations du premier
degré; occupons-nous des équations de degré supérieur.
Considérons pour fixer les idées trois équations algébriques
(1) o(x.y)-Or/Aoc,y)=zO,^x,y)z=z(}; ^
soient (ai,W,(a,,P2),... (a„,[Bjles solutions des équa-
tions xi^^y) " ^' "^(^^y) = 0 ; la condition nécessaire et
suffisante pour que les équations (1) aient une solution com-
mune est
et cette équation porte le nom de résultante des équations
(1); son premier membre ç%iV éliminant om \q résultant
des' équations (1). La théorie des fonctions symétriques
permet, théoriquement, de mettre la résultante sous la forme
d'une fonction entière des coefficients de cp,tj^,x, égalée à
zéro. Pratiquement, voici comment il convient d'opérer :
Considérons d'abord un système de deux équations algé-
briques
^(:r)zrO, J>(^)=:0.
Supposons cp de degré supérieur ou égal au degré n de J^,
divisons 'd{x), x<:^{x), ... x'^'-^o{x) par ^^et appelons
,z=iC,a-\-C.^X-\-.., +
'Orj-
(2)
les restes; l'équation 11±:Cç,qC^^ •••^n-i n-i — ^'^^^^
le premier membre est le déterminant des coefficients c^j, sera
la résultante cherchée. En effet soient a^^aj ... a^ les ra-
cines de tj^(^) = 0 ; le déterminant
?oK)'?iK)--?n-lK)
±=C00^il--^i-ln-iXS:
0 12 n—l.
a a a ... a i
1 2 3
sera égal à S :
d'autre part comme cp^(a^.) =:cp(aj)a}, il sera aussi égal à
S zfc a Va' ... a" "^ multiplié par cp(ai)9(a2) ... cp(aj ; on
i 2 3 n
SdzCooC,i---^n-.in-.l===?K)?K)---?(«n);^
ce qui montre que S ± CqqC^^ ... c„_in-i — ^ ^st
bien la résultante. Si l'on appelle a la solution commune
aux équations (l), en vertu de (2), cette solution et ses
puissances seront données par les équations
(3)
Ho-
+ Coia-l-...+Con-.i«^ '=0,
= 0,
que l'on pourra considérer comme du premier degré en a,
a% ... a^""^ et comme se réduisant à 7i — 1 distinctes en
vertu de S ±1^00 ••• Q-m-r ., , , , , . i
Bezout a démontré d'une manière générale que la résul-
tante de plusieurs équations algébriques
9a^i,^2v..^n) = 0' 92 = 0,. ..9„ = 0 ^
des degrés respectifs mi,m2,...m^_i par rapport a x^,
^2>'--^n provenantde l'élimination des variables ^^,^.2,...
x^-^ était de degré m^m.^.., m^ par rapport à la variable
Tîon éliminée x,^. Le degré do cette résultante pourra tou-
tefois s'abaisser dans quelques cas particuhers, il ne pourra
jamais s'élever.
Il est facile de constater que le degré du déterminant
SrLCooCu-.'^'n-in-iest bien mn par rapport à une
variable y que l'on peut supposer contenue dans les tonc-
tions 9 et tj^, leurs degrés respectifs restant toujours m et
n; ce fait devient évident à l'inspection du tableau sui-
vant qui n'est autre chose que le déterminant S ± Cqo
C(,...c„_i„ _i où les éléments ont été remplacés par leurs
degrés pris par rapport à y
m m — 1
m + 1 m
ni'—n-
m — n-
m — n-{-\ ïn — n-\-''2 ... m
Pour résoudre un système de deux équations algébriques
o{x,y)=:0,^x,y)=0
à deux inconnues des degrés m et n respectivement, on
élimine d'abord ;r comme il vient d'être indiqué; on trouve
alors une résultante R(î/) = 0 du degré mn en y, on la
résout, à chaque valeur de y correspond en général une racine
commune que l'on détermine comme il a été indiqué tout
à l'heure. Cette méthode que nous indiquons rapidement a
besoin d'être soumise à une discussion approfondie que les
limites qui nous sont imposées ne nous permet pas d'aborder.
Proposons-nous maintenant d'éliminer x et y entre les
trois équations algébriques
^(^•,i/)=:0, 9(.r,2/)=0, x(^,.V)=0.
La méthode la plus simple repose sur ce fait que toute
fonction Y(x,y) entière de x et y peut être mise sous la
formeX9 4- [J^^-f- Al/)^^' F- désignant des fonctions en-
tières de X et y et f(y) une fonction de y seul de degré
yjin — 4 au plus, m et n désignant les degrés de 9 et ^.
Pour étabhr ce fait, il suffit de considérer les équations (2)
où 9o, 9i... sont de la forme X9 + [l<^. Si l'on désigne par
K(y) le déterminant ^^CooCuC^-in-i^ on en déduira
que K(y) est de la forme Xo + jjnj^; on en déduira en outre
par exemple
dK dK
(4) -; X =
(^)
dh
dCn^2.i
dc^ — 1.0
dK
dc„
+ 03',
to et w^ désignant des expressions de la forme X9-1-[j-^ ;
or, il existe des polynômes u,v entiers en y tels que
dR . dK ,
en multipliant (4) par u, (5) par v et en ajoutant on aura
X sous la forme d'un polynôme entier en y, accompagné
d'une expression de la forme X9+ [i^. Il en résulte que
toute puissance de x, et que toute fonction entière de x et
y sera de la même forme, j'ajoute que le polynôme en y
peut être censé de degré mn — i. En effet, soit P(î/), le
polynôme ; divisons-le par R(î/) et soit Q le quotient /•(?/)
le reste, on aura
Pz=QR + Aî/).
Mais R étant de la forme X9 -\- [^ le théorème est démontré.
On peut donc poser
-doiy-
-duy-
dopy^ + <^o
dipyp-i-^i^
-fg?/+...^p^î/-
1 X. iyj) = ^00-
(6) ) yx(^^y)='d^o-
[ y^'l (^.2/)= dpo -t- ti^iy -r . . . ^ppr "V "^p' ^
les oj étant de la forme Xo + lJ-^, les d désignant des
quantités indépendantes dex et î/, et p désignant pour abré-
ger mn—i. Si l'on pose D = ÎI ±c?oot^ii--- dpjp^ l'équa-
tion D = 0 sera la résultante cherchée ; en effet, si l'on sup-
pose X et y égaux successivement aux éléments (a^, %),
(ai,(3^)...,(a^,p^) d'une solution de c^ = 0,^=:0 les for-
mules (6) donneront
X («' P)
■doi?-
dopP',
d'où l'on conclura :
ou
7.KW-x(«/v) = i''
- 8'33 -
ÉLIMINATION - ELIOÏ
ce qui démonk'e notre assertion. Le lecteur étendra sans
peine cette méthode au cas de 4, 5,... équations.
Elimination par substitution. — Lorsque l'on sait ré-
soudre l'équation o (^) = 0, on peut éliminer x entre
o{x) =0 et tj>(;r)r=:0par la méthode dite de substitution;
à cet effet, on tire x de cp(.i;)zz: 0 et on porte sa valeur dans
^|; (^) HZ 0 ; en réalité il faudrait tirer de 9 (o^) == 0 toutes
ses racines et les porter dans ^j; (^) — 0 et faire le produit
des équations ainsi obtenues. Cette méthode est quelquefois
employée pour résoudre les équations du premier degré.
Elimination par comparaison. — Cette méthode est rare-
ment employée ; pour éliminer d:; entre 9 {x) = 0 et<| (j:;) — 0,
on égale les valeurs de x tirées de ces deux équations.
Elimination par les fonctions symétriques (V. Fonc-
tions symétriques). h. Laurent.
BiBL. : Chevalier Faa de Bruno, Théorie générale de
Véliminalion^ 1859. — Traités d'algèbre supérieure de Ser-
RET, de Petersen.
ELINCOURT. Corn, du dép. du Nord, arr. de Cambrai,
cant. deClary; 4,751 hab. Fabrique de tissus de coton. Ce
village, mentionné dès le xi^ siècle, appartenait alors à l'ab-
baye'de Saint-André-du-Cateau. Ruines d'un château féodal.
ÉLINCOURT-Sainte-Marguerite (Elincuria), Com.
du dép. de l'Oise, arr. de Compiègne, cant. de Lassigny,
sur le Matz ; 634 hab. Il y avait dans ce lieu un riche
prieuré dépendant du monastère de Lihons-en-Santerre,
fondé vers 4245. Chœur et façade de l'église paroissiale du
XI® siècle ; les transepts gothiques. On y remarque un bel
autel de marbre. C. St-A.
ÉLIN6UE (Mar.). Bout de cordage ou de fils de fer
tressés, de peu de longueur, d'épaisseur variable, terminé
en général à l'une de ses extrémités par une boucle appe-
lée œil et dont le but est de servir à hisser à bord des
poids, tels que tonneaux, barriques, canons, pièces de
bois, etc. L'éhngue entoure la pièce à hisser et on y
croche alors la poulie inférieure d'un palan ou moufle.
ELIO (Francisco- Javier), général espagnol, né en Na-
varre le 4 mars 4767, exécuté à Valence le 44 sept. 4822.
Fils d'un colonel, gouverneur de Pampelune, il fut élève de
l'Académie militaire de Puerto-Santa-Maria, se distingua
dans les campagnes contre les Maures, puis dans celle
contre la République française (4793-1795); ensuite il
reprit Montevideo sur les Anglais (4805), ce qui lui valut
le grade de général. Rappelé en Espagne en 4842, il reprit
le commandement de l'armée de Murcie et obtint d'impor-
tants succès dans cette campagne. Nommé gouverneur et ca-
pitaine général des royaumes de Valence et de Murcie, il entra
dans les vues de Ferdinand VII et devint un zélé défenseur de
l'absolutisme. Ses rigueurs et cruautés à l'égard des patriotes
le rendirent odieux aux libéraux. Ayant, sur l'ordre du roi,
proclamé à Valence le rétablissement de la constitution de
4842, il fut emprisonné par les insurgés (mars 4820) et
enfermé dans la citadelle. Les artilleurs de Valence ayant
cherché à le délivrer (30 mai 4822), le peuple s'empara de
la citadelle et imposa à un conseil de guerre l'obligation de
condamner le général captif à la peine de mort. Eliot subit
avec fermeté le supplice de la garotte. G. P-i.
ELIO Y EzpELETA (Joaquin), général carliste, fils du
précédent, né en Navarre en 4803, mort à Pau en janv.
4876. Lieutenant-colonel en 4830, il se déclara pour don
Carlos à l'avènement au trône d'Isabelle IL Chef de l'état-
major du célèbre général Zumalacarregui pendant la pre-
mière guerre carliste, il fut, pour n'avoir pas opéré à
temps sa jonction avec l'armée de don Carlos et s'être
laissé battre près de Valladolid, traduit devant un conseil
de guerre et emprisonné au fort Dos Hermanos; il n'en fut
délivré qu'en 4839 par Marota. Obligé bientôt de passer
sur le territoire français, il fut interné à Bordeaux, puis
à Lille. Mis en liberté après la mort de don Carlos, il entra
au service de la reine Isabelle. Après le renversement de
celle-ci, il vint en Fiiance pour préparer, en faveur du
comte de Montemolin, un soulèvement qui n'aboutit pas.
En 4873, il organisa l'armée insurrectionnelle du duc de
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
Madrid (don Carlos III), battit les troupes du gouverne-
ment à Arroniz (26 juin), prit le fort d'Estella (24 août),
investit Saint-Sébastien et assiégea Bilbao. Ses succès écla-
tants lui valurent d'être nommé ministre de la guerre et
chef de l'état-major général. Après l'échec final du mou-
vement carliste, il revint en France. G. P-i.
ELIOT (Sir John), homme politique anglais, né en Cor-
nouailles en avr. 4592, mort à Londres le 27 nov. 4632.
Après avoir fréquenté l'université d'Oxford, il fit quelques
études de droit, voyagea sur le continent où il se lia avec
George Villiers. Elu membre du Parlement pour Saint-Ger-
mans en 4644, il fut nommé, grâce à Buckingham, vice-
amiral du De von en 46 19, et, en 4623, fut incarcéré quelques
mois pour avoir arrêté un pirate fort protégé par la cour.
En 4624, il représenta Newport à la Chambre des com-
munes où il se révéla comme un orateur violent et intran-
sigeant. Réélu par le même bourg en 4625, il servit à
plusieurs reprises d'intermédiaire entre la Chambre et
Buckingham, et finit par se brouiller mortellement avec son
ancien protecteur. Depuis lors, il le poursuivit avec achar-
nement en toute occurence, l'accusant des malversations
les plus scandaleuses, le comparant à Séjean et réclamant
sa mise en jugement. Il représentait depuis 4626 Saint-
Germans lorsque la cour, lasse de ses furieuses attaques,
le fit enfermer à la Tour de Londres. La Chambre réclama
sa mise en liberté qui lui fut accordée, mais peu après le
roi prononçait la dissolution du Parlement, et EUot était
emprisonné de nouveau, cette fois pour avoir refusé de
payer l'emprunt forcé (4 627). Eliot, élu député parle comté
de Cornouailles le 47 mars 4628, reprit le cours de ses
âpres revendications, protestant notamment contre les taxes
arbitraires, signant la pétition des droits, et, lorsque Bu-
ckingham eut été assassiné, il tourna ses attaques contre
les tendances religieuses de la cour. Il fut encore enfermé
à la Tour le 4 mars 4629, traduit devant le Banc du roi le
26 janv. 4630, sous l'inculpation de conspiration contre la
royauté, et condamné le 42 févr. à 2,000 livres d'amende.
Il resta en prison jusqu'à sa mort, ayant énergiquement
refusé de faire amende honorable au roi. Il a laissé divers
ouvrages qui ont été publiés par le D^ Grosart : The Mo-
narchie of Man (Londres, 4879); An Apology for So-
craies (4884); Negotium Posterorum, compte rendu du
premier par^sment de Charles P''(4884); De Juremajes-
tatis^ a political treatise of qovernment (4882) ; Letter
book ofsir John Eliot (4882). R. S.
BiBL. : Forster, Life of sir John Eliot '^ Londres, 1864.
ELIOT (John), missionnaire chez les Indiens, né à
Nasing (Essex) en 4604, mort en Nouvelle-Angleterre
le 20 mai 1690. Après avoir fait ses études à Cam-
bridge, il alla en 4634 à Roxbury (Massachusetts) comme
pasteur indépendant. Les Indiens Massachusetts, une
tribu des Mohicans, l'intéressèrent; il apprit leur langue et
fit sa première course d'évangélisation parmi eux en 4646.
Il groupa ceux qu'il gagna en « chrélientés », insistant
autant sur leur civilisation que sur leur christianisation,
s'efforçant peut-être trop de faire d'eux des Européens. Il
baptisa ses premiers néophytes en 4660. En 4674, il
existait quatorze villages d'Indiens chrétiens; Eliot était leur
missionnaire tout en demeurant pasteur des colons de Rox-
bury. L'hostilité entre colons et naturels qui éclata en
4675 ruina l'œuvre apostolique d'Eliot; mais il suivit ses
chrétiens rouges dans les forêts et prit soin d'eux jusqu'à
sa mort. Il avait traduit le Nouveau Testament en massa-
chusetts, un dialecte algonquin, et le fit imprimer en 4664
(Cambridge, Mass., in-4) ; l'Ancien Testament, également
traduit par Eliot, fut imprimé dans la même ville en 4663 ;
une nouvelle édition complète de la Bible, en 4685. C'est
la première Bible imprimée en Amérique ; elle est d'une
extrême rareté. Une grammaire du même dialecte, aujour-
d'hui éteint, a été publiée par Eliot en 4666 à Cam-
bridge (Mass.). F. -H. Krûger.
BiRL. : G. Fritchel, Geschichte der Missionen unter
den Indianern ; Nuremberg, 1872, in-8.
53
ELIOT
- 834 -
ELIOT (Edward, lord), homme politique anglais, né à
Londres le 8 juil. 1727, mort au Port Eliot le 17 févr.
1804. Jouissant d'une très grande influence en Cornouailles,
il fit élire au Parlement Philippe Stanhope, Samuel Sait,
Gibbon l'historien ; lui-même représenta Saint-Germans de
1748 à 1768, Liskeard de d768 à 1775 et le comté de
Cornouailles de 1775 à 1784. En 1751, il avait été
nommé receveur général du prince de Galles en Cornouailles
et il lit partie de 1760 à 1776 du bureau du commerce.
Il avait été créé baron Eliot de Saint-Germans le 30 janv.
1784.
ELIOT (Francis-Perceval), publiciste anglais, né vers
1756, mort à Londres le 23 août 1818. Il s'est fait con-
naître par ses traités financiers : Démonstration or finan-
cial remarks ivith occasional Observations on political
occurences (Londres, 1807); Observations on the fallacy
ofthe siipposed dépréciation of the paper currency
of the Kingdom (1811) ; Letters on the political and
fmancial situation of the British empire (1814-1816).
Dans un autre ordre d'idées il a écrit Six Letters on the
subject ofthe armed Yeomanry (1794).
ELIOT (Edward-Granville), troisième comte de Saint-
(iERMANS, diplomate et homme d'Etat anglais, né le 29 août
1798, mort à Londres le 7 oct. 1877. Membre de la
Chambre des communes pour Liskeard en 1824, il continua
à représenter ce bourg jusqu'en 1832. Lord de la trésorerie
dans le cabinet Canning en 1827, il avait déjà débuté dans
la diplomatie comme secrétaire de légation à Madrid (1823)
et à Lisbonne (1824). En 1834, il fut envoyé extraordi-
naire en Espagne, où il signa avec les carlistes et le gou-
vernement une convention, connue sous le nom à' Eliot
Convention, destinée à mettre fin au massacre des prison-
niers de guerre que les deux partis pratiquaient en prin-
cipe. Membre du Parlement pour l'East Cornwallde 1837
à 1845, Eliot fut nommé secrétaire principal en Irlande en
1841. Il se distingua dans ce poste en faisant passer un
bill restreignant l'importation des armes et des munitions
et prescrivant l'enregistrement des armes à feu. Devenu
comte de Saint-Germans à la mort de son père en 1845, il
fut nommé post master général par Robert Peel et devint
lord lieutenant d'Irlande à l'avènement du cabinet Aberdeen
(1852). Il ouvrit en cette qualité l'Exposition de Dublin
en 1853 et fut nommé vice-roi d'Irlande par^e ministère
Palmerston (1855), mais il perdit cet emploi quelques jours
plus tard à la suite d'un remaniement ministériel. Saint-
Germans fut alors intendant de la maison royale et devint
un des conseillers les plus écoutés de la reine. Il accompagna
le prince de Galles aux Etats-Unis et au Canada en 1860. —
Son fils, William-Gordon-Cornwallis, quatrième comte
de Saint-Germans, né le 14 déc. 1829, mort le 19 mars
1881, servit dans la diplomatie jusqu'en 1865, représenta
Devonport à la Chambre des communes de 1866 à 1868 et
entra à la Chambre des lords en 1870. R. S.
ELIOT (George), pseudonyme littéraire de Mary Ann
Cross, née Evans. Cette femme illustre naquit le 22 nov.
1819, dans la paroisse de Chilvers Coton (Warwickshire).
Son père était agent domanial. George Eliot, comme Dickens,
a peint toute sa famille dans ses livres. La première par-
tie du Moulin sur laFloss est en quelque sorte une auto-
biographie où Mary Ann est représentée sous les traits de
Maggie; Tom Tulliver représente Isaac Evans, frère de
l'auteur. Mrs. Evans, la mère, a posé pour le personnage
de Mrs. Poyser dans Adam Bede. Mary Ann fut élevée au
pensionnat de Nuneaton, et subit assez profondément, pen-
dant cette période de sa vie, l'influence d'une maîtresse de
cet étabHssement, Mrs. Lewis, qui lui communiqua sa fer-
\eur évangélique. Elle fréquenta ensuite une école de Coven-
try jusqu'en 1835. Sa mère étant morte, elle tint la mai-
son paternelle, non sans employer ses loisirs à apprendre
comme elle put le latin, le grec, l'italien et l'allemand.
Vers 1839, elle entendit raconter à sa tante, Mrs. Samuel
Evans, prêcheuse méthodiste, une histoire dont elle fit plus
tard Adam Bede, L'original de la Dinah de ce fameux
roman n'est autre que Mrs. Samuel Evans. En 1841, elle
s'établit avec son père dans la ville de Coventry, et se lia
avec la famille Bray. M. Charles Bray était un fabricant
de rubans, riche, cultivé; son beau-frère, Charles Hennell,
avait publié en 1838 la traduction d'un livre allemand d'un
disciple de Strauss sur les origines historiques du christia-
nisme. A ce contact, sa piété puritaine s'évapora, quoi-
qu'elle ait gardé toujours une sympathie attendrie pour le
sentimentalisme religieux des sectes non conformistes où
elle était née. Déterminée par la lecture du livre de Hennell,
elle déclara, en 1842, qu'elle n'irait plus au temple; mais
ce fut un coup si grave pour son père, qui crut devoir se
séparer d'elle à cette occasion, qu'elle plia et consentit à
pratiquer de nouveau extérieurement. Cependant, elle tra-
duisit la Vie de Jésus, de Strauss (la traduction parut le
15 juin 1846), à l'instigation et aux frais de Hennell. Son
père mourut le 31 mai 1849, en lui laissant un petit revenu.
Pour changer d'air, Mary Ann, âgée de trente ans, alla
voyager sur le continent, et fit notamment un séjour à
Genève. Puis elle s'étabUt chez les Bray, à Coventry, pen-
dant seize mois. Là, elle fut mise en relation avec MM. Chap-
man et Mackay qui venaient d'acheter la Westminster Re-
view, et elle accepta dans cette revue une place analogue
à celle de secrétaire de la rédaction (1851). Mais la besogne
de revision des épreuves, l'obligation d'improviser des
comptes rendus d'ouvrages qu'elle aurait voulu étudier à
fond, tout cela la fatiguait. Elle quitta la revue (1853) et
publia, dès juil. 1854, une traduction de V Essence du
christianisme de Feuerbach. Le positivisme d'Auguste
Comte, alors propagé en Angleterre par John Stuart Mill,
miss Martineau, G.-H. Lewes, la séduisit. M. Herbert Spen-
cer lui avait présenté, à la fin de l'année 1851 , G.-H. Lewes,
directeur du Leader. Cet homme distingué lui plut, et en
juil. 1854, elle contracta avec lui, quoiqu'il eût à sa charge
sa femme dont il était séparé, et des enfants, une union
fibre, sans aucune sanction religieuse ou légale. Cette union,
qui la sépara naturellement du monde, fut très heureuse.
Lewes demeura toujours l'admirateur passionné de Mary
Ann, son conseiller, son homme d'aflàires ; il entretint au-
tour d'eUe une atmosphère de louanges et de bonheur. Le
faux ménage passa à l'étranger, à Weimar, à Berlin, la fin
de l'année 1854. Fixée ensuite à Richmond, Mary Ann
publia diverses chroniques ou comptes rendus dans le Lea-
der et la Westminster Review, Enfin, sur les instances
de Lewes, elle se décida, bien qu'elle se défiât beaucoup
de ses aptitudes en cette matière (elle avait commencé à
rédiger une traduction de Spinoza), à écrire une nouvelle.
Amos Barton, commencé le 22 sept. 1856, parut dans le
Blackwood's Magazine de janv. 1857 sous le nom de
George Eliot. Sa collection des Scènes de la vie cléri-
cale parut en volume au commencement de l'année 1858.
A bien des égards, George Efiot n'a jamais fait mieux ;
c'est un livre délicieusement ému ; il eut beaucoup de suc-
cès, et l'étoile ascendante de l'auteur fut saluée par Dickens.
Après la publication d'Adam Bede (1859), le nom de
George Ehot fut célèbre : Charles Reade déclara « qu'icte
Bede était la plus belle chose écrite en anglais depuis
Shakespeare ». Seize mille exemplaires furent enlevés dans
le courant de l'année. En avr. 1860, George Eliot donna le
Moulin sur la Floss, et, en mars 1861, Silas Marner,
deux de ses plus purs chefs-d'œuvre. Elle s'attaqua ensuite
au roman historique. La Florence du temps de Savonarole
l'avait frappée; elle résolut de la faire revivre dans Ro^
mola, qui fut achetée 7,000 1. st. par le Cornhill
Magazine. Mais les travaux d'érudition qu'elle s'imposa
pour écrire ce livre l'épuisèrent; elle dut prendre quelques
années de repos. Les Lewes étaient alors installés, 21 , North
Bank, Regent's Park : les dimanches de cette maison
hospitalière étaient fréquentés par toute l'aristocratie litté-
raire de Londres, Mary Ann, épuisée et nerveuse, n'écrivit,
en huit ans, qu'une assez médiocre^nouvelle, Félix Ilolt,
un conte positiviste, Spanish Gijpsy, et un volume de
vers passables. Elle revint, heureusement, à ses études
— 833 —
ELIOT - ELISABETH
favorites sur la vie cléricale en province, où elle excellait:
Middlemarch fut terminé en août 1872; elle y a incor-
poré ses souvenirs de Coventry. Ce livre, qui eut une vente
très considérable, exalta encore sa réputation. George Eliot
n'eut plus de rival parmi les romanciers de son pays. Elle
publia son dernier ouvrage, Daniel Deronda, sur la vie
juive, en 1876. Le 28 nov. 1878, elle perdit Lewes. Or
elle avait fait la connaissance, en 1869, de M. J.-W. Cross,
banquier à New- York. Ce gentleman, établi en Angleterre,
se rendit utile à George Eliot après la mort de son ami.
Elle se résolut à l'épouser en avr. 1880. Elle l'épousa en
effet le 6 mai, mais elle mourut le 22 déc. — George Eliot
avait un esprit très philosophique et un merveilleux talent
pour peindre la vie : elle écrivait admirablement. Ses pre-
iilières œuvres, où l'intention didactique (positiviste) est
moins sensible que dans les dernières, sont les meilleures;
chose rare, qu'une femme auteur n'ait guère péché que par
excès de pensée, de philosophie et de réflexion. La Vie
de George Eliot a été écrite en 1884 par M. J.-W. Cross,
d'après les papiers et les lettres de sa femme. — Presque
tous les romans de Geofge Eliot ont été traduits en fran-
çais. Ch.-V. L.
ELI OIT (George-Augustus), lord Heâthfield, général
anglais, né à Stobs (Roxburghshire) le 25 déc. 1717, mort
à Aix-la-Chapelle le 6 juil. 1790.11 fit de fortes études à
l'université de Leyde, puis au collège militaire de La Fère,
et enfin à Woolwich. Entré au 2® grenadiers de la garde
en 1739, il fit la guerre de la succession d'Autriche de 1 742
à 1748, fut blessé à Dettingen et assista à Fontenoy. Aide
de camp de George II en 1755, il prit part à la formation
des régiments de cavalerie légère calqués sur les hussards
de Frédéric II, fut nommé colonel d'un de ces régiments
et servit brillamment en Allemagne de 1759 à 1761. Après
avoir participé à l'expédition de 1761 sur les côtes de
France, il fut envoyé à Cuba avec le comte d'Albemarle.
Après la prise de La Havane, il revint en Angleterre où il
fut nommé lieutenant-général (1763). En 1774, il fut
nommé commandant en chef en Irlande, et, en 1775, gou-
verneur de Gibraltar qu'il fortifia et défendit énergique-
ment pendant le fameux siège de 1779 qui ne dura pas moins
de trois ans. Délivré par lord Howe qui força le blocus au
moment où la petite garnison allait succomber à la famine,
Eliott revint en Angleterre où il fut accablé d'honneurs et
créé le 14 juin 1787 lord Heâthfield, baron de Gibraltar.
On a de lui un magnifique portrait de Joshua Reynolds (Na-
tional Gallery). R. S.
ELIPAND ou ELIPHAND (V. Adoptianisme).
ÉLIS (Géogr. anc). Ville principale de V Ancienne Elide
(V. ce mot), bâtie au S. du Pénée, au pied d'un rocher de
160 m. d'âlt. qui portait la citadelle (depuis Kalos-
kopi ou Belvédère); elle s'étendait jusqu'à la rivière.
Citée d'abord comme ville des Epéens par Homère, elle ne
prit d'importance qu'après l'établissement des Etoliens
d'Oxylus; ce fut la résidence des rois et des chefs de
famille aristocratique qui gouvernèrent l'Elide après les
rois. Sa citadelle était le seul point fortifié de la contrée ;
les autres villes ou villages étaient ouverts et payaient
tribut aux Eléens. Après la seconde guerre médique, la
démocratie fut établie (471) et la ville s'agrandit rapide-
ment. La population, que les nobles, maîtres de l'Acropole,
tenaient dispersée dans les villages, se concentra, for-
mant une grande ville ; on ne l'entoura pas de remparts, la
sainteté du pays semblant une protection suffisante. L'orga-
nisation d'Elis et de l'Elide nous est mal connue ; elle a été
étudiée surtout à propos du recrutement des Hellanodices qui
présidaient aux jeux olympiques (V. Olympie). La tranquil-
lité garantie par la domination romaine avait enrichi les
Eléens, et leur ville était au ii® siècle une des plus populeuses
de la Grèce ; Pausanias et Strabon nous l'attestent. Son gym-
nase était de beaucoup le plus vaste de la Grèce. Ou cite
encore le portique des Corcyréens, celui des Hellanodices,
les temples d'Aphrodite Uranie, d'Apollon Acacesius,
d'Athéna, des Charités (Grâces), de Silène, le théâtre, etc.
Ecole d'Eli€. — Après la mort de Socrate, un de ses
disciples préférés, Phédon d'Elis, le même dont Platon a
donné le nom à un de ses dialogues, réunit autour de lui
un certain nombre de disciples et fonda une école qui
s'appela l'école d'Elis. Phédon eut pour successeur Plis-
tanus, et celui-ci fut remplacé par Ménédème. Ménédème,
avec Asclépiade, transporta l'école àErétrie, sa patrie,
si bien que c'est une seule et même école qu'on désigne
sous le nom d'école d'Elis et d'école d'Erétrie. Phédon et
Ménédème (V. ces noms) sont les seuls représentants de
cette école que nous connaissions ; elle disparut après eux.
Elle se rattache directement à l'école de Mégare. Phédon
était l'ami d'Euclide. (Juant à Ménédème, sa doctrine pré-
sente d'assez grandes analogies avec celle d'Antisthène. Les
principales idées défendues dans l'école d'Elis sont les sui-
vantes : négation, comme chez les Cyniques, de la réalité
des qualités sensibles en dehors des individus ; nomina-
lisme; impossibilité d'unir en un jugement deux termes
différents ; par suite, les jugements identiques sont seuls
possibles, les négatifs, les hypothétiques et les disjonclifs
sont illégitimes. Voilà pour la dialectique. Mais, en même
temps qu'elle soutenait ces idées , si directement opposées
à celles de Platon, l'école d'Elis, à l'exemple encore des
Cyniques, attribuait une plus grande importance aux ques-
tions morales. Elle soutenait que le souverain bien est un,
et que c'est la sagesse, qu'il n'y a qu'une vertu unique,
désignée sous différents noms. Elle ne fut peut-être pas
sans influence sur Pyrrhon, né à Elis, et elle forme en
quelque sorte la transition entre l'école d'Elée et le pyrrho-
nisme. V. Br.
ÉLIS DE Bons (Charles), poète français du xvi® siècle,
originaire de Falaise. On a de lui : OEuures (Rouen, 1626,
in-8), recueil de poésies adressées pour la plupart à de
grands personnages de province, qui a eu plusieurs éditions ;
le Paranymphe delà cour (Rouen, 1628, in-8).
ELISABETH. I. Astronomie. — Nom du 182^ asté^
roïde (V. ce mol), plus connu sous le nom d'Eisa.
H. Viticulture. — Cépage américain, du groupe des
Labrusca, à goût très foxé et sans aucune valeur pour la
France. Il est d'ailleurs très peu cultivé aux Etats-Unis, oii
on le considère comme un cépage inférieur.
ELISABETH (Ordre d'). Créé le 17 oct. 1766, par
l'électrice Elisabeth-Augusta, en faveur des dames de la
cour; il existe encore en Bavière. Il imposait aux dames
membres de l'institution l'obhgation de secourir les pauvres
et les malheureux. Les chevalières devaient justifier de seize
quartiers de noblesse et professer la religion catholique.
Outre la princesse de la maison de Bavière et d'autres mai-
sons souveraines, l'ordre était conféré à toutes les dames
du palais et à six dames nobles choisies au dehors. Il est
aujourd'hui composé de dames de maisons régnantes et de
trente-deux nobles et catholiques. La décoration est portée
sur le sein gauche, attachée à un ruban bleu clair bordé
de rouge. Cet ordre est souvent désigné sous le nom de
Sainte-Elisabeth. H. Gourdon de Genouillac.
ELISABETH-Thérèse (Ordre d'). Fondé en Autriche
en 1750 par Elisabeth-Christine, veuve de l'empereur
Charles VI, en faveur de vingt officiers ayant pour obli-
gation stricte d'avoir fidèlement servi leur pays pendant
trente ans et d'être au moins colonels ; les membres furent
divisés en chevaliers de première, de seconde ou de troi-
sième classe; le 16 nov. 1771, l'impératrice Marie-Thérèse
renouvela l'ordre et lui donna le nom de fondation mili-
taire d'Elisabeth-Thérèse. Le nombre des chevaliers fut
fixé à vingt et un. L'empereur d'Autriche nomme les
membres sur la proposition du conseil aulique ; la nais-
sance, la religion ou la possession d'un autre ordre ne
sont pas des motifs d'exclusion. La décoration est sus-
pendue à un ruban noir. H. Gourdon de Genouillac.
ELISABETH. Nom de diverses femmes citées dans la
Bible : 1*^ la femme du grand prêtre Aaron (Exode, vi, 23) ;
2^ la mère de saint Jean-Baptiste, femme d'un prêtre du
nom de Zacharie (Saint Luc, chap. i).
ELISABETH
- 836 -
ELISABETH. Nous avons groupé les personnages de
ce nom par nationalités en suivant l'ordre chronolo-
gique pour chaque pays.
Allemagne.
ELISABETH de Poméranie, impératrice d'Allemagne,
reine de Bohême, morte en 1393. Elle était fille de Bo-
^islav V, prince de Poméranie. Elle épousa l'empereur
Charles lY à Cracovie en 4363, et ses noces furent célé-
brées avec une pompe inouïe. Elle en eut cinq enfants,
dont l'aîné fut Sigismond, empereur, roi de Hongrie et de
Bohème. Cette princesse était d'une vigueur physique ex-
traordinaire. Elle survécut à son époux.
ELISABETH de Portugal, impératrice d'Allemagne,
reine d'Espagne et de Naples(i526-lo39), née à Lisbonne
le 4 oct. 4503, morte à Tolède le 4^^ mai 4539. Elle
épousa à Séville son cousin Charles-Quint à qui elle donna
quatre enfants. Elle mourut en couches du quatrième. On
rattache à son enterrement l'entrée dans les ordres de
François Borgia.
ELISABETH DE Bohême, princesse palatine, née à Hei-
delberg le 24 déc. 4648, morte à Herford le 8 oct. 4680.
Fille aînée de l'électeur Frédéric V et d'Elisabeth, reine de
Bohème (V. ci-après), elle fut élevée par sa grand'mère,
rélectrice Juliane, princesse d'Orange, et par sa mère, à
La Haye. Son enfance s'écoula dans la détresse de l'exil
et lui forma un caractère réfléchi et studieux. Elle s'inté-
ressa surtout à la science et à la philosophie, entra en rela-
tions avec Descartes et correspondit assidûment avec lui.
Elle vécut ensuite à la cour de son cousin, l'électeur Frédéric-
Guillaume de Brandebourg, puis à Cassel, obtint en 4664
le coadjulorat de l'abbaye impériale de Herford qu'elle eut
à elle en 4667. Elle tomba dans le mysticisme et appela à
Herford des labadistes (4670), puis des quakers.
Elisabeth-Charlotte de Bavière, duchesse d'On-
LÉANS, dite Princesse palatine, née à Heidelbergen 4652,
morte à Saint-Cloud le 8 déc. 4722. Fille du comte palatin
Charles-Louis, elle épousa le 46nov. 4674 le duc Phihppe
d'Orléans et fut la mère du Bégent. On trouvera sa biogra-
phie à l'article consacré à la famille d'ORLÉANS.
Elisabeth-Christine de Brunswick-Wolfenbuttel,
impératrice d'Allemagne (4744-4750), née le 28 avr. 4694,
morte le 24 déc. 4750. Elle abjura le protestantisme (4707)
pour épouser l'archiduc Charles (à Vienne, 23 avr. 4708),
candidat au trône d'Espagne. Elle fut proclamée reme
d'Espagne à Barcelone le i^' août 4708, y demeura comme
régente quand son mari alla recueillir la succession impé-
riale. Elle rentra en Allemagne en 4743. Après la mort
de son mari, elle soutint les droits de sa fille Marie-
Thérèse. Son autre fille, Marie-Anne, épousa Charles de
Lorraine et gouverna les Pays-Bas. Elisabeth-Christme
fonda en 4750 un ordre militaire (V. ci-dessus, p. 835).
ELISABETH-Christine de Brunswick-Wolfenbuttel,
reine de Prusse (4740-4797), née le 8 nov. 4745, morte
à Schœnhausen, près de Berlin, le 43 janv. 4797. Fille du
duc Ferdinand-Albert de Brunswick-Wolfenbuttel, elle fut
mariée, le 42 juin 4733, au prince royal de Prusse, plus
tard Frédéric H. Celui-ci vécut avec elle à Neu-Ruppin et
Rheinsberg jusqu'à la mort 4e son père. Mais, dès qu'il fut
roi, il se sépara de sa femme qu'il avait épousée malgré lui,
qu'il n'aimait pas et dont il n'avait pas eu d'enfant. Elle
vécut à Schœnhausen, ne venant à la cour que pour les
fêtes de gala et ne voyant son mari qu'en ces occasions.
Elle était comme lui très éprise de la littérature et de la
civilisation françaises. Elle a même écrit en français sur des
sujets de morale.
BiBL. : Hahnke, Elisabeth. Kœnigin von Preussen; Ber-
lin, 1848.
ELISABETH-Augusta-Marie, électrice palatine, puis de
Bavière (4742-4778-4792), née le 24 janv. 4724, morte
en 4792, épousa le 47 janv. 4742 son cousin Charles
Théodore, électeur palatin, lequel hérita, en 4 778, de la
Bavière. Elle fonda en 4766 l'ordre qui porte son nom
(V. ci-dessus, p. 835).
Angleterre.
ELISABETH de France, reine d'Angleterre (4389-
4409) (V. Isabelle).
ELISABETH Woodwille, reine d'Angleterre, fille de
sir Richard Woodwille ou Wydeville et de la veuve du duc
de Bedford, régent de France pendant la minorité de Henri VI.
née vers 4437, morte le 8 juin 4492. Elle épousa d'abord
sir John Grey, lord Ferrers de Groby, qui fut tué à la
la seconde bataille de Saint-Albans (4464) en combattant
pour la Rose rouge. Veuve avec deux enfants, menacée de
confiscation, elle eut recours à la clémence d'Edouard IV
qui, frappé de sa beauté, voulut faire d'elle sa maîtresse,
puis sa femme. Il l'épousa secrètement à Grafton le 4«''mai
4464; mais il ne fit connaître l'événement qu'en septembre
(V. Edouard IV). Elisabeth s'occupa aussitôt de pourvoir
sa famille; elle maria l'une de ses sœurs à l'héritier des
comtes d'Arundel, une autre à l'héritier de la maison de
Pembroke; son frère Jean, âgé de vingt ans, à la duchesse
douairière de Norfolk; son père fut fait comte Rivers. Les
Woodwille, par leur avidité, se firent bientôt détester; la
reine elle-même montra trop de hauteur pour être aimée
du peuple. Lors de la fuite d'Edouard IV, en 4470, elle
trouva un asile à Westminster où naquit son premier fils
(Edouard V). Au reste, sa principale affaire fut, toute sa
vie, de donner des enfants au roi (sept filles et trois fils).
Elle manifesta toutefois de l'éloignement pour le duc de
Clarence, son beau-frère; lorsque celui-ci prétendit à la
main de Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire,
elle lui suscita (sans succès, du reste) un rival en la per-
sonne de l'un de ses frères, Anthony, comte Rivers. A la
mort d'Edouard IV (4483), elle se réfugia de nouveau dans
le sanctuaire de Westminster, où elle resta pendant toute
la durée du règne nominal de son malheureux fils, Edouard V,
assassiné à la Tour en même temps que son jeune frère,
le duc d'York (les enfants d'Edouard). Les droits de Ri-
chard m (V. ce nom) à la couronne reposaient sur la pré-
tendue illégitimité de l'union contractée par Edouard IV
avec « dame Elisabeth Grey ». Elle avait donc tout a
craindre du tyran. Elle lui survécut cependant, et fut mise
par Henri Vil, qui avait épousé sa fille ainée, en posses-
sion du titre et des revenus de reine douairière. Mais,
après la rébellion de Simnel, elle en fut dépouillée, et,
confinée dans l'abbaye de Berdmondsey,mena une tort triste
vie. En 4487, il fut question d'un mariage entre elle et
Jacques III d'Ecosse; mais cet étrange projet n'eut pas de
suite. Elle mourut à Berdmondsey.— Elle dota le Queen s
Collège, à Cambridge, fondé par sa rivale Marguerite
d'Anjou. Ce collège possède un beau portrait de sa bien-
faitrice, reproduit dans l'ouvrage classique de miss Strick-
land, Lives of the queens of England. Ch.-V. L.
ELISABETH, reine d'Angleterre, fille de Henri VIH et
d'Anne de Boleyn, née à Greenwich le 7 sept. 4533,
morte le 24 mars 4603. Elle fut réléguée, après la disgrâce
de sa mère, qui suivit de près sa naissance, au château de
Hunsdon (Herefordshire) et confiée aux soins de lady Mar-
garet Bryan, auprès de sa sœur Marie (Tudor), son aînée
de dix-sept années. Plus tard, elle fut admise à partager
les jeux et les études de son frère Edouard (le futur
Edouard VI, fils de Jane Seymour). Elle annonça de bonne
heure de la gravité, du sang-froid et de l'énergie. Apres
la mort de Henri VIII, elle fut placée sous l'autorité et dans
la maison de Catherine Parr, reine douairière. C'est là
qu'eut lieu son intrigue fameuse (elle avait quatorze ans)
avec sir Thomas Seymour, oncle d'Edouard VI et frère
cadet du protecteur Somerset. Sir Thomas, beau, brillant,
fastueux, homme à bonnes fortunes, avait formé le projet
d'acquérir par mariage une influence égale à celle du pro-
tecteur : il rechercha la main d'Elisabeth et, repoussé de ce
côté, épousa Catherine Parr. Une fois installé en mari dans
la maison de Chelsea où résidaient la reine douairière et
Elisabeth, il recommença ses poursuites galantes auprès de
celle-ci. La fille de Henri VHI, savante et intelhgente, mais
peu scrupuleuse, souffrit sans révolte les privautés de sir
— 837
ELISABETH
Thomas : on le sut plus tard , par les dépositions des
domestiques. Catherine Parr mourut de suites de couches
le 5 sept. 1548, et sir Thomas, veuf, intrigua de nouveau
pour s'unir en légitime mariage à l'une des héritières en
expectative de la couronne, cette Elisabeth dont il avait
déjà fait la conquête. Mais le protecteur jaloux veillait :
il fit conduire son frère à la Tour sous Tinculpation de
haute trahison, en janv. 1549, et arracha à Tintendant,
à la gouvernante d'Ehsabeth, les aveux les plus morti-
fiants pour la délicatesse de la jeune fille. Seymour fut
exécuté le 20 mars : Elisabeth accueillit cette nouvelle
avec impassibilité : « Il est mort, dit-elle, s'il en faut croire
Leti, en homme de beaucoup d'esprit et de peu de juge-
ment. » Mais cette impassibilité n'était que prudente dissi-
mulation ; elle souffrit pendant une année entière d'une
maladie de langueur. Elle trouva heureusement de puis-
santes distractions dans l'étude ; et c'est ici le lieu de dire
quelle étonnante érudition elle acquit sous la discipline de
son précepteur Roger Ascham. Ascham écrivait à Sturm,
recteur du gymnase protestant de Strasbourg : « Tout ce
qu'Aristote requiert de qualités s'est donné rendez-vous
dans sa personne. Elle a un peu plus de seize ans, et elle
a la passion de la vraie religion et de la meilleure litté-
rature. Elle parle le français et l'italien comme l'anglais ;
le latin avec facilité, propriété et jugement; le grec médio-
crement, mais souvent et volontiers dans ses entretiens.
Elle est fort habile en musique, sans y prendre grand
plaisir. » Un autre réformé, John Hooper, écrivait à Bul-
linger, de l'église de Zurich, en 4530, que miss Elisabeth
« était devenue si forte en latin et en grec qu'elle était en
état de défendre la vraie religion avec les arguments les
plus justes et le plus heureux talent, de sorte qu'elle ren-
contrait peu d'adversaires dont elle ne triomphât ».
Edouard VI lui avait donné le château de Hatfield, à
19 milles au N. de Londres, séjour qui lui resta toujours
très cher ; son livre de comptes qui nous a été conservé
d'oct. 4551 à sept. 4552, accuse un revenu annuel de
5,890 1. st. (plus de 750,000 fr, d'aujourd'hui) ; les dé-
penses étaient très minimes ; Elisabeth, espoir du parti
calviniste, atfectait alors la plus grande simplicité dans sa
mise et dans son train de vie. — Pendant les troubles qui
suivirent la mort d'Edouard VI, en 4553, elle eut une
maladie très opportune qui lui permit de ne se point dé-
clarer soit pour lady Jane Grey, soit pour Marie Tudor ;
elle ne guérit que pour aller saluer à Londres Marie, déci-
dément victorieuse. Marie la reçut bien ; toutefois, entre
les deux sœurs, l'antagonisme était fatal. « Comment l'em-
pêcher, lorsque l'une des deux princesses ne pouvait être
réputée fille légitime de Henri VIH sans que l'autre fût, en
conséquence, réputée illégitime ? » De plus « Marie avait
un attachement invincible pour le catholicisme ; au con-
traire, Anne Boleyn avait mis le protestantisme dans le
berceau de sa fille ». Comme Elisabeth n'avait point de
goût pour le martyre, le différend au sujet du catho-
licisme n'était point des plus graves ; elle assista à la messe
et consentit à une abjuration tout en laissant deviner aux
mécontents que cette abjuration n'était point volontaire.
Mais le problème relatif à la légitimité était insoluble : la
reine fit proclamer par le Parlement l'illégalité du procès
intenté à sa mère, Catherine d'Aragon ; comment devait-on
quahfier dès lors l'union de Henri VIII et d'Anne de Boleyn,
dont Elisabeth était née ? La duchesse de Suff'olk, petite-
fille de Henri VII par sa fille Mary, prit préséance à la cour
sur Elisabeth. La situation de celle-ci, sans être absolument
dangereuse, devint très fausse. On l'accusait d'entretenir
des relations avec les réformés et avec l'ambassadeur de
France. L'aventure de Courtenay la mit à deux doigts de
sa perte.
Edouard Courtenay, de sang royal, qui avait passé
toute sa jeunesse en prison, avait été mis en liberté à
l'avènement de Marie. Un grand nombre d'historiens, Gre-
gorio Leti, Burnel, D. Hume, Vertot, rapportent que Marie
s'éprit de ce brillant cavalier, mais que lui, insensible à
l'appât du trône, engagea son cœur à Elisabeth, plus jeune
et plus jolie. C'est alors que Marie, blessée, aurait usé des
pires sévérités envers sa sœur. C'est là, on l'a prouvé, une
légende. Il est possible que Marie ait songé quelque temps
à Courtenay avant de se décider pour Philippe d'Espagne,
mais les scandales du jeune homme « superbe et luxu-
rieux », qui ne se pouvait, après une longue captivité,
« saouler des délices de la liberté », la dégoûtèrent. De
compétition amoureuse d'une sœur avec F autre, il y en
eut si peu que Marie n'était nullement éloignée de donner
Elisabeth pour femme à Courtenay. Mais'il est vrai que
Courtenay eut l'idée, d'accord avec les Français et les ré-
formés, d'épouser la fille d'Anne de Boleyn et de tenter
une révolution. Quand la conspiration mal préparée de
sir Thomas Wyatt éclata, Elisabeth se conduisit, heureu-
sement pour elle, avec une prudence consommée. Elle ne
bougea pas, et, suivant son habitude, se dit malade. Si
l'insurrection échouait, elle ne se souciait pas d'être com-
promise ; si elle réussissait, ses chefs ne pouvaient rien
faire sans elle. L'insurrection échoua. Le soir même de la
défaite de Wyatt, Renard, ambassadeur de Charles-Quint,
conseilla à la reine, qui l'avait mandé, de délibérer sur
l'arrestation de Courtenay et d'Elisabeth, et de faire rigou-
reuse justice de ces traîtres. Elisabeth fut amenée prison-
nière du château d'Ashbridge à Whitehall. On espérait
tirer, sinon d'elle, au moins de Wyatt et de ses complices,
dont le procès allait commencer, des confessions compro-
mettantes qui permissent de lui faire partager le sort de
lady Jane Grey. On l'enferma même, par provision, à la
Tour. Sa vie fut sauvée, en cette circonstance, par le chan-
celier Gardiner qui, ancien compagnon de captivité de
Courtenay et lié d'amitié avec lui, mit tout en œuvre pour
lui épargner le dernier supplice ; il l'épargna, en même
temps, à Elisabeth, car la cause des deux inculpés était
liée. Gardiner fit décider, en dépit des obsessions du mi-
nistre de Charles-Quint, qu'Elisabeth serait envoyée dans
un château du Nord, au milieu de populations sûres, paci-
fiques, catholiques. La préférence fut donnée à Woodstock,
résidence bâtie un peu au N. d'Oxford. Le 49 mai 4554, la
princesse sortit de la Tour ; elle y avait séjourné deux mois.
A Woodstock , le gouverneur, sir Henry Bedingfiold ,
le même qui avait surveillé la reine Catherine d'Aragon
à Kimbolton, fit tout ce qu'il put pour adoucir une cap-
tivité assez dure ; il n'en a pas moins été l'objet des
railleries et des calomnies des apologistes protestants. Ce-
pendant la reine épousa Philippe d'Espagne ("25 juil. 4554) ;
celui-ci plaida, dit-on, pour la clémence, et Elisabeth fut
amenée à Hampton Court le 29avr. 4555. Là, encore, une
légende ridicule a été popularisée par quelques historiens.
On a dit que Phihppe d'Espagne avait soutenu auprès de
sa femme la cause de sa belle-sœur parce qu'il serait tombé
amoureux d'elle ; le fait est qu'il ne soutint les intérêts
d'Elisabeth qu'en vue de se créer une popularité person-
nelle ; et il était si loin de songer à la princesse pour lui-
même que, pendant le séjour à Hampton Court, il fit
entamer des négociations en vue d'un mariage entre elle et
son fils, don Carlos. Elisabeth fut enfin autorisée à retour-
ner à Hatfield (48 oct. 4555), acquittée faute de preuves,
et surtout grâce aux grandes apparences de zèle qu'elle
manifestait pour le catholicisme. L'enthousiasme de la
foule sur son passage fut immense, mais elle eut la pru-
dence de s'y soustraire, et, réinstallée à Hatfield au milieu
de ses gentilshommes et de ses serviteurs, elle reprit pai-
siblement, avec son cher maître Roger Ascham, la lecture
d'Eschine et de Démosthène. La reine étant stérile, malade,
mourante, elle n'avait qu'à attendre ; le temps travaillait
en sa faveur. Elle n'attendit que jusqu'au 47 nov. 4558.
A cette date, date de son avènement (car ses droits à la
succession de Marie Tudor ne furent contestés par personne),
Elisabeth était âgée de vingt-cinq ans, mais elle avait été
mûrie par la vie. M. Wiesener qui a écrit l'histoire de la
Jeunesse d'Elisabeth (Paris, 4878, in-8) la juge en ces
termes : « Les angoisses de ses jeunes années lui avaient
ELISABETH
— 838 —
fortifié et affilé l'entendement, mais le cœur s y était étran-
gement resserré et endurci. Du règne de Marie, elle sortit
offensée à jamais, affamée de représailles, sourde aux mspi-
rations de eénérosité et de pardon. Sa nature de lionne,
comme elle se plaisait à la nommer, était doublée d un
soùt de dissimulation que les circonstances avaient déve-
loppé Ayant été rudement ballottée pendant de longues
années entre la crainte et Fespoir, elle sera sujette a des
hésitations qui l'arrêteront court et déconcerteront ses mi-
nistres au milieu des entreprises les plus savamment com-
binées Ombrageuse à l'excès, elle aura la défiance prompte
et le bras terrible. » Elle avait réfléchi longtemps d avance
à ce qu'elle ferait si elle était reine ; elle arrivait avec une
pohtique toute prête : caresser les communes, qui avaient
été sa sauvegarde, courber les nobles sous une autorité
aussi inflexible que celle de Henri VIII, assumer le rôle
populaire de justicier, enfin glorifier sa patrie. « Je suis,
disait-elle, la femme la plus anglaise du royaume. » Ln
relidon, malsré sa conversion au catholicisme, elle avait
eardé au fond du cœur les traditions protestantes de sa
famille ; mais l'instinct du pouvoir et son rang lui avaient
inspiré de l'antipathie contre les principes calvinistes des-
tructifs de l'omnipotence royale. « Elle ne voulait d Eglise
réformée que celle qui s'avouerait de la couronne et con-
tribuerait à en accroître l'éclat et la sohdité, comme sous
Henri YIH : » quant au dogme et à la liturgie, elle pencha
plutôt du côté de Rome que du côté de Genève ; elle retint
toute sa vie certains usages et symboles de 1 Eglise papiste,
comme le crucifix, les cierges, les fêtes des saints, en
dépit des objurgations de ses théologiens attitrés. Enhn,
« la culture de l'esprit se rehaussait en elle des dons qui
ennoblissent l'extérieur de la fonction souveraine ; belle
de haute taille, la dignité de son attitude imposait ». H
ne faut pas se fier à la boutade d'H. Walpo e sur les por-
traits d'Elisabeth reine : « Nez aquihn, pâle, la tête tout
en cheveux, chargée de couronnes et poudrée de diamants,
yaste fraise, vertugadin plus vaste, perles au boisseau,
voilà ce qui fait reconnaître à l'instant les portraits d Eli-
sabeth. >> La figure était régulière, le nez arque, les lèvres
minces, les yeux clairs, le front haut sous un casque de
cheveux roux. Figure belle, mais froide. « On est frappe
de l'expression inipérieuse et renfermée de quelqu un qui
a beaucoup observé, qui a rongé son Irein à 1 école de
l'expérience. » ^ - r?y
La reine Marie était morte le 17 nov. ; la reine Elisa-
beth appointa le 20 sir William Cecil, son homme de
confiance, chief secretary. Catholiques et protestants
étaient dans l'attente du parti qu'elle allait embrasser;
elle exigea d'abord que les évêques lui prêtassent serment
de la manière prévue par Henri VIH, en la reconnaissant
comme « tête suprême de l'Eglise »; sauf Watson, de
Lincoln, et Kitchin, de Llandaff, tous refusèrent et furent
envoyés à la Tour. Dès le 47 déc. 4559, 1 Eglise anglicane
eut de nouveau un chef en la personne de Matthew Parker,
archevêque de Canterbury. Pendant ce temps, les préten-
dants affluaient, bien qu'Ehsabeth eût souvent donne à
entendre qu'elle avait l'intention de vieillir dans le célibat.
Elle refusa nettement l'alliance de Philippe II, mais elle
s'amusa des autres en traînant sa réponse en longueur :
Fric de Suède, Adolphe de Holstein, l'archiduc Charles,
l'Ecossais Arran. Du premier coup, elle avait reconqms a
situation de Henri YIII,la toute-puissance sans reserve, la
popularité, la prospérité à l'intérieur et à l'extérieur. Mal-
gré la paix de Cateau-Cambrésis (2 avr. 4^d9), elle
accorda son appui aux protestants d'Ecosse et de France
E 1 4 564 , la guerre civile fit rage en France ; 1 Espagne tut
désolée par les persécutions; l'Ecosse par l'anarchie;
seule, l'Angleterre fut tranquille. Arbitre de la politique
européenne, Elisabeth régnait sur le peuple le plus uni et
sur la cour la plus hrillante de l'Occident, sans laisser
obscurcir la netteté de ses yeux clairs par la passion, plus
littéraire que profonde, qu'elle éprouvait pour un jeune et
beau courtisan, Robert Dudley (V. ce nom).-Le Parlement
de 4563 prit de très imposantes mesures relativement à la
religion • il imposa le serment de suprématie à beaucoup
de plîrsonnes qui en étaient exemptes jusque-là, pumssant
de mort le refus de le prêter comme haute trahison; en
second lieu, il promulgua en trente-neuf articles le corps
officiel des doctrines anglicanes. Sur ces entrefaites se
produisirent en Ecosse les tragédies qui ont ete ou seront
suffisamment racontées aux mots Ecosse (Histoire d ) et
Marie Stuârt. Marie Stuart se réfugia en Angleterre
(1568) et Elisabeth résolut de l'y garder prisonnière.
C'était s'exposer à de grands embarras qui ne tardèrent
pas à se produire. Le duc de Norfolk, chef du parti catho-
lique anglais, prétendit à la main de la reme d Ecosse, en
feionant d'oublier l'existence de Bothwell, prisonmer de
son côté en Danemark. En nov. 4569 écata la grande
rébellion des comtés cathohques du Nord f Elisabeth
réprima avec une si sauvage cruauté. Le 25 tevr. 157 U,
le pape Pie V lança la bulle Regnans in excelsis, qu\con-
tenait une excommunication nominative de la reine d An-
gleterre et déliait ses sujets de tout serment de hdelite.
Ce document n'eut d'autre effet que de faire pendre un
certain John Felton qui l'avait affiché à la porte du palais
de l'évêque de Londres. Le duc de Norfolk fut décapite a
la suite de l'échec du complot de Ridolfi, dirigé contre la
vie de la reine; ce fut ensuite le tour de Northumberland,
livré par les Ecossais. Marie Stuart passait pour être au
fond de toutes ces machinations et, à chaque session, les
communes protestantes ne manquaient point de requérir
Elisabeth de se débarrasser d'elle par une prompte execu-
^^Elisabeth, pendant ce temps, entretenait une corres-
pondance amoureuse avec le duc d'Alençon, dernier hls
de Catherine de Médicis, nain hideux, le seul de ses pré-
tendants auquel elle ait donné de sérieuses espérances.
Elle l'appelait « ma petite grenouille ». Il vmt trois lois
en Angleterre durant les quatorze ans que dura la cour
qu'il lui fit, et elle l'embrassa sur les lèvres devant toute
la cour. H est remarquable que le duc d'Alençon est le seul
homme auquel elle ait jamais prêté de l'argent, surmontant
ainsi ses habitudes naturelles de parcimonie. Cette parci-
monie était telle qu'elle gêna plus d'une fois la pohtique
extérieure des ministres. Burghley et ses collègues av^ent
des plans très nets : abaisser la France et 1 Espagne catho-
liques, soutenir par les armes les Provinces-Unies protes-
tantes et les huguenots français, tel devait être, à leurs
yeux, le rôle de l'Angleterre. Il n'est pas sûr qu Ebsabeth
ait compris et approuvé ces vastes dessems. Elle n avait
pas d'ambition ; toute guerre de conquête lui déplaisait ;
elle n'aimait pas à se mêler des affaires des autres, et les
laroes horizons politiques n'étaient pas ceux qu'elle pré-
férait. Reine de l'île d'Angleterre, elle ne traversa jamais
la mer qui sépare cette île du continent. Bien plus, elle
ne visita jamais le pays de Galles, l'Ecosse ou 1 Irlande ;
quand elle fit un voyage à Bristol en 1574, elle se recom-
manda à Dieu comme pour une expédition au long cours.
Durant soixante-dix ans, elle battit, sans presque jamais
en sortir, une aire de quelques lieues carrées autour de
Londres, de château en château. Comment sa vue n aurait-
elle pas été limitée? Se dévouer à soutenir une grande
cause, celle du protestantisme, par exemple, cela n avait
pas de sens pour elle ; toutes les propositions qu on lui
faisait, elle examinait d'abord si elles n'étaient pas suscep-
tibles de compromettre son trône ou sa tranquillité.
Laissée à elle-même, elle aurait laissé les Flamands se
débrouiller seuls contre l'Espagne, comme des rebelles
ordinaires, d'autant qu'elle n'aimait pomt GuiHaume de
Nassau, stathouder des Provinces-Unies depms lo7i. C est
la force de l'opiniop publique, représentée par son mmis-
tère, qui lui arracha de maigres secours aux huguenots de
France et de Hollande ; encore ne donna-t-elle rien elle-
même ; elle ne fit que permettre à des corps de volontaires
d'aller à l'aide des insurgés, sans paraître en personne
(expédition de sir Humphrey Gilbert, 1572; de sir John
839 -
ELISABETH
Norris, 1578). Il fallut pour l'émouvoir, pour lui faire
comprendre que les causes de tous les protestants de l'Eu-
rope étaients liées, qu'un revival du catholicisme en
Angleterre vînt lui donner des inquiétudes sur la solidité
de sa propre suprématie religieuse dans son île. Les catho-
liques, expulsés d'Angleterre au début du règne, avaient
fondé, sur le continent, des séminaires (Louvain, Douai),
afin d'y former des prêtres capables de prêcher « en mis-
sionnaires » la foi catholique dans leur pays d'origine,
quand la génération des prêtres du temps de Marie Tudor
aurait fondu au feu de la persécution. Treize de ces mis-
sionnaires ordonnés à Douai débarquèrent en Angleterre
en 1578, sachant qu'ils s'exposaient à encourir des péna-
lités terribles (mort, forfaiture), édictées par l'acte fameux
de 1571 contre les prêtres qui donneraient l'absolution ou
« réconcilieraient » les sujets de la reine à l'Eglise de
Rome. Vingt et un autres traversèrent la Manche en 1579 ;
vingt-neuf en 1580 avec les pères jésuites Parsons et Cam-
pion. Ils furent pourchassés, espionnés, accusés de haute
trahison, suppliciés. Les tortures les plus atroces furent
exercées pendant vingt ans, par l'ordre d'Elisabeth, sur
les gens qui entendaient la messe en secret. C'est alors
que, menacée chez elle, non pas d'une révolte, mais d'une
protestation contre son autorité spirituelle, elle se décida
(1585) à fournir quelques troupes aux Provinces-Unies,
désemparées par la mort tragique de Guillaume d'Orange,
non sans exiger de sérieuses garanties pour récupérer ses
avances. Encore les troupes commandées par Leicester
furent-elles laissées sans argent et sans encouragements
par Elisabeth. Leicester était incapable et il commit un
abus de pouvoir en assumant sans autorisation le titre
de gouverneur général des provinces ; néanmoins, son
échec ne lui est pas exclusivement imputable ; il l'est en
grande partie à la mauvaise volonté dé la reine. C'est sur
ces entrefaites qu'eut lieu l'exécution de Marie Stuart.
Les regards des catholiques persécutés s'étaient tournés
vers la reine d'Ecosse, la plus proche héritière du trône ;
leurs espérances étaient attisées par les Guises, par l'Es-
pagne. Volontairement ou non, la prisonnière était l'âme
de toutes les conspirations catholiques contre EHsabeth
(V. Throckmorton, Parry [William] et Babington [An-
thony).
Celle-ci résolut de débarrasser son chemin de cette
rivale. Les complices de Babington furent jugés le 13 sept.
1586 ; le 8 oct., Marie Stuart fut mise en accusation
« pour avoir comploté l'assassinat de la reine et préparé
une invasion étrangère ». La sentence de mort fut pro-
noncée par les juges, et les deux Chambres du Parlement
supplièrent que cette sentence eût son effet au plus tôt.
C'était aussi l'avis de Burghley et du conseil des ministres.
On vit alors Elisabeth hésiter, comme Henri VIII avait
hésité jadis, pendant des journées, avant de se décider au
divorce avec Catherine d'Aragon : ce n'était pas la pitié
qui arrêta la fille comme le père au bord de l'acte irrépa-
rable; c'est très certainement la peur de l'opinion pu-
blique européenne. Elisabeth aurait voulu faire tuer Marie
Stuart, mais elle redoutait la responsabilité du meurtre. Huit
jours avant l'exécution, elle fit prier secrètement les gardiens
de la reine d'Ecosse, sir Amyas Paulet et sir D. Drury, de
faire disparaître la condamnée de la manière dont Edouard II
avait jadis disparu. (Juand, sur le refus de Paulet de la
suppléer par un crime, l'exécution légale eut été faite,
Elisabeth trouva encore moyen de s'en laver les mains et
de l'attribuer à un excès de zèle de son entourage. Elle
écrivit à Jacques d'Ecosse, fils de la victime, pour lui
exprimer la douleur qu'elle ressentait du « misérable acci-
dent » qui était survenu à son insu. — Le roi d'Espagne,
Philippe II, voulut se poser en vengeur de Marie Stuart ;
aussi bien, la guerre était depuis longtemps inévitable
entre l'Angleterre protestante, persécutrice, et l'Espagne
catholique. Sir Francis Drake, dès 1585, avec vingt-cinq
voiles, avait ravagé les côtes d'Espagne ; le même marin
gagna la bataille navale de Cadiz ; la reine avait des parts
d'actionnaire dans la société financière qui avait équipé la
flottille de sir Francis. Le plan de Philippe fut hardi (il est
vrai que son incommensurable vanité n'en concevait pas
toute la hardiesse) : attaquer l'Angleterre chez elle. H pré-
para la fomiidable Armada pour l'invasion projetée. H y
eut en Angleterre une explosion de patriotisme à cette nou-
velle; mais, chose curieuse, l'enthousiasme général ne
semble pas avoir atteint Elisabeth. La reine fournit à ses
frais à peine un tiers des vaisseaux réunis pour empêcher le
débarquement de V Armada ; et ses vaisseaux furent les
plus mauvais, les moins bien pourvus. Elle lésina sur les
fournitures les plus nécessaires. Elle ne croyait pas au
danger ; elle refusait de le voir ; elle multipliait les délais.
Les côtes étaient fort mal défendues ; les garnisons n'avaient
pas de poudre. Bien que la tempête se soit chargée de
détruire V Armada de Philippe II presque sans combat, les
volontaires qui s'étaient précipités à la défense du pays
eurent fort à souffrir ; la flotte anglaise fut littéralement
décimée par le manque de vivres. Un capitaine écrivait avec
rage à Walsingham après les événements : « Sa parci-
monie nous a frustrés de la plus belle victoire maritime que
notre nation aurait jamais remportée. » Ehsabeth ne passa
la revue de l'armée de terre à Tilbury (8 août 1588) que
lorsque V Armada eut été dispersée par les vents. Elle avait
donné le commandement suprême de cette armée à son
favori Leicester, celui qu'elle appellait son « sweet Robin » ;
celui-ci mourut trois semaines après (4 sept.) ; la reine
mit aussitôt la main sur les biens du défunt et les fit vendre
aux enchères, sous prétexte de certaines sommes dont Lei-
cester aurait été redevable au Trésor public. — Telle était
la fille de Henri VIH.
Le Parlement de 1589 vota en vain des sommes consi-
dérables pour la continuation de la guerre si heureusement
commencée. Quand Norris et Drake firent voile sur l'Espagne
en avril, ce ne fut pas avec une flotte royale ; la reine' se
contenta de prendre pour 20,000 livres d'actions dans leur
gigantesque entreprise de piraterie. Norris et Drake firent
du mal à l'Espagne, mais ils perdirent beaucoup de monde
et leur expédition ne rapporta rien aux actionnaires. Cela
dégoûta Elisabeth de toutes représailles. L'expédition de
1595 dans les Antilles fut encore plus malheureuse r Haiv-
kins et drake y périrent ; Frobisher (V. ces noms) était
mort l'année précédente. Ces grands hommes de mer ne
furent pas remplacés. Aussi bien, les marins d'Ehsabeth
ne réussirent jamais à accomplir le seul exploit qui lui eût
plu : la capture en haute mer des galiotes d'Amérique. —
Du côté de la France et des Pays-Bas, Elisabeth s'arrangea,
on le pense bien, pour débourser le moins possible. Lord
Willoughby de Eresby mena, il est vrai, quatre mille hommes
en Normandie (sept. 1590) au secours de Henri IV contre la
ligue des Espagnols ; de même, en 1591, le comte Robert
d'Essex passa la mer avec des forces analogues, mais Essex
et Willoughby ne firent rien. Aux Pays-Bas, on refusa de
fournir des troupes ; les Provinces-Unies furent autorisées
seulement à faire des recrues parmi les sujets de la reine,
à condition de les bien payer. — L'Irlande catholique,
pendant ce temps-là, était soumise à une oppression impi-
toyable. L'année même où la reine fonda (1593) l'univer-
sité de Dublin, éclata dans le malheureux pays la grande
rébellion de Tyrone, qui tint en échec pendant des années
les troupes anglaises, soigneusement ménagées par l'étroite
économie d'Ehsabeth. Le 14 août 1598, le maréchal de
l'armée royale, sir Henri Bagnell, fut battu par Tyrone
devant Blackwaterlown, près d'Armagh.
Dix jours avant le désastre de Blackwatertown était
mort le grand ministre lord Burghley. Leicester, Hatton,
AValsingham, avaient déjà disparu à cette date. La scène,
vidée des anciens acteurs, fut livrée, pendant la fin du
règne, à des personnages nouveaux : Essex, Raleigh, jeunes,
égoïstes, aussi impétueux que leurs anciens avaient été
prudents et réfléchis, bien moins assouphs. Ils n'avaient
pas passé sous la verge de fer des premiers Tuçlors. Il est
même extraordinaire qu'Elisabeth vieillie ait supporté si
ELISABETH
— 8i0
longtemps l'insolence d'Essex. Un jour qu'elle lui avait
tiré l'oreille, il mit la main sur la garde de son épée, et
elle lui pardonna cela. En mars 4595, elle le nomma
« lieutenant et gouverneur général d'Irlande » ; il ne fut
pas heureux, et 'il osa concfure une trêve avec Tyrone,
sans autorisation ; la reine en fut très fâchée et lui défen-
dit de quitter son poste ; il le quitta néanmoins et vint à
Londres : désobéissance flagrante qui ne fut encore punie
(5 juin 4600) que de sa dégradation de toutes ses charges
et honneurs. Il fallut une ridicule tentative d'insurrection
de la part du favori disgracié pour décider la reine, jadis
plus prompte, à le faire décapiter (25 févr. 1604).
Elisabeth ne convoqua que treize Parlements en qua-
rante-quatre ans de règne ; c'est dire qu'elle n'en réunit
qu'en cas de nécessité absolue. Elle ne les aimait pas,
même silencieux et empressés à lui complaire. Elle ne leur
permettait que de voter des subsides, et coupait court
brutalement aux plus timides remontrances. — Les com-
munes protestantes auraient eu cependant matière à
remontrances. Si les catholiques étaient, comme nous
l'avons vu, cruellement pourchassés (vingt-quatre prêtres
furent torturés de juil. ànov. 4588 ; on en pendit encore
un à Tyburn cinq semaines avant la mort de la reine),
les puritains et les calvinistes n'étaient pas non plus
bien vus par l'héritière de Henri VIII, obstinée à maintenir
la liturgie paternelle. En 4567, un « Conventicule » de
puritains réuni à Plumbers' Hall, à Londres, fut dispersé
par la police ; quelques auditeurs furent emprisonnés. Le
statut de la vingt-troisième année d'Elisabeth contre les
conformistes, qui fut une arme si terrible contre les catho-
liques, ne frappa guère moins rudement les protestants
qui n'admettaient ni surplis, ni cierges sur les autels, m
hiérarchie épiscopale. Toutefois, les non-conformistes ca-
tholiques furent jugés sous ce règne par les ofliriers de
l'Etat comme coupables d'un crime politique (adhésion à
un souverain étranger, le pape, au préjudice des droits de
la couronne d'Angleterre), tandis que les non-conformistes
puritains, coupables seulement d'hérésie, furent justiciables
des cours ecclésiastiques. La reine, quoiqu'elle détestât les
calvinistes intransigeants, n'était pas fâchée de déverser
sur les cours ecclésiastiques l'impopularité que les pour-
suites pour cause d'hérésie ne pouvaient manquer d'exci-
ter. Elisabeth n'exerça pas d'ailleurs sur les évêques la
tyrannie doctrinale que Henri VHI avait revendiquée tant
de fois. Elle s'en tint toujours aux Trente-neuf articles ;
elle ne destitua pas un seul prélat, bien qu'elle ait eu des
difficultés avec l'archevêque de Canterbury, Grindal, trop
porté à favoriser les meetings religieux populaires, souvent
peu orthodoxes, et avec l'évêque Cox d'Ely. Mais, quand
un siège devenait vacant par la mort du titulaire, elle en
gardait indéfiniment les revenus ; on reconnaît là son avi-
dité : le siège d'Ely resta ainsi vacant pendant dix-huit ans
après la mort de Cox (4564); celui d'Oxford, pendant
quarante et un ans.
Elisabeth mourut à soixante-dix ans. — De très grandes
choses ont été faites, en Angleterre, sous son règne (V. no-
tamment Paupérisme); elle y a peu contribué. Elle n'a
pas plus encouragé ou compris sir Francis Drake que
Shakespeare, Spencer et Richard Hooker, qui moururent
obscurs. Camden est peut-être le seul homme de lettres de
son temps pour lequel elle ait eu quelque estime. Elle était
savante, mais sans goût. Belle, vigoureuse, avec des mus-
cles et un cerveau infatigables, elle n'avait rien de féminin :
pas de pitié pour une faiblesse, pas de bonté, pas de ré-
serve. Elle jurait « comme une marchande de poissons » ;
elle crachait sur les habits des courtisans qui ne se pré-
sentaient pas devant elle vêtus à sa mode ; elle battait ses
dames d'honneur ; elle embrassait ou giftlait les gens en
public sans se gêner ; elle prenait le menton des jeunes
gentilshommes qui lui étaient présentés, quand ils étaient
jolis garçons ; elle avait donné des surnoms de toutes sortes
aux plus graves personnages de sa cour. Elle avait les colères
sanguines, les rancunes inexplicables et l'orgueil desTudors ;
de sa mère Anne de Bolejin, elle avait la coquetterie, les
besoins amoureux, la passion de la splendeur et des plai-
sirs, la gaieté triviale. « Cette femme, écrivait un ambas-
sadeur de Philippe H, est possédée par cent mille diables. »
— Peu de souverains ont été, malgré tout, plus populaires
en leur temps et, depuis, que la « belle vierge d'Occident. »
C'est qu'elle fut vraiment Anglaise, en communion instinc-
tive avec son peuple, et qu'elle fut bien servie. Ch.-V. L.
BiBL. : Histoires générales d'Angleterre (surtout Lin-
GARD, Froude). — Annals de Camden. — Vies par Gre-
gorio Leti, miss Strickland. — Thos. Wright, Queen
Elisabeth and her times ; Londres, 1838, 2 vol. in-8. —
Th. BiRCH, Memoirs of the reign of queen Elisabeth front
the year 1581; Londres, 1754, 2 vol. in-4. — E. Bekker,
Beitrage zur eng. Gesch. im Zeitalter Elisabeths; Giessan,
1887, in-8. — H. Hall, Society in Elizabethan âge; Londres,
1887, in-8. — H. de La Perrière, les Projets de mariage
de la reine Elisabeth; Paris, 1882, in-18. — J. Spillmann,
Die englischen Martyre unter Elisabeth bis 1583; Fri-
bourcr, 1887, in-8. — W.-H.-K. Wright, Catalogue of the
Exhibition of Armada and Elisabethan relies, held at
Drury lane, London ; Plymouth, 1888, in-8. — Wiesener,
la Jeunesse d'Elisabeth ; Paris, 1878, in-8.
Autriche.
ELISABETH (AméHe-Eugénie), impératrice d'Autriche,
reine de Hongrie, née à Possenhofen (Bavière) le 24 déc.
1837. Fille aînée de Maximilien-Joseph, duc en Bavière,
elle épousa, le 24 avr. 4854, l'empereur François-Joseph.
Elle en a eu trois enfants, l'archiduc Rodolphe et les
archiduchesses Gisèle et Valérie. Bien que d'une grande
beauté et d'une grâce très admirée de ses sujets et de
l'aristocratie d'Autriche et de Hongrie, elle a toujours
montré peu de goût pour les pompes et l'étiquette des
cours de Vienne et de Budapest, et passe une grande partie
de sa vie à l'étranger. Elle est passionnée pour le sport et
a la réputation d'une écuyère consommée. Elle se fit con-
struire, par l'architecte napolitain Raphaël Carrito, dans
un des plus ravissants sites de l'île de Corfou, un palais
comptant cent vingt-huit chambres et surnommé Achilléon,
Au milieu du parc, s'élève un temple avec la statue du
poète Henri Heine, pour lequel l'impératrice professe un
véritable culte.
Bohême,
ELISABETH ou ELISKA de Bohême, fille du roi de Bo-
hême Vacslav II, née en 1292, morte en 1330. Elle épousa,
en 1310, Jean de Luxembourg ; elle eut beaucoup à souffrir
de son esprit aventureux. Elle en eut un fils qui fut l'em-
pereur Charles IV.
ELISABETH, reine de Bohême, fille aînée de Jacques P^
d'Angleterre et d'Anne de Danemark, née le 19 aoùtl596,
morte le 13 févr. 1662. Elle fut élevée par de zélés protes-
tants, lord et lady Harington (d'Exton, Rutlandshire). Sa
main fut recherchée de bonne heure par les princes du
continent, par Gustave-Adolphe de Suède, par Philippe
d'Espagne, etc. La préférence fut donnée, en mai 1612,
à Frédéric V, électeur palatin, l'un des chefs des princes
protestants d'Allemagne. Les noces eurent lieu en 1613 et
servirent de prétexte à des épilhalames célèbres. A la mort
de l'empereur Mathias, les Etats de Bohême déposèrent
l'archiduc Ferdinand de Styrie et choisirent comme roi
Frédéric V, qui accepta. Elisabeth, « qui ne pensait en ce
temps-là qu'aux mascarades, aux romans et aux ballets »,
se trouva ainsi jetée dans les tragiques aventures de la
guerre. Couronnée à Prague en nov. 1619, elle jouit à
peine un an de la royauté; la bataille de Prague (8 nov.
1620) la força à se réfugier chez son beau-frère, l'électeur
Georges-Guillaume, dans la forteresse de Ciistrin où elle
donna le jour à son cinquième enfant. Frédéric et sa femme
avaient trouvé un refuge en Hollande quand la conférence
tenue à Ratisbonne (1622-1623) prononça leur déchéance
non seulement en Bohême, mais dans le Palatinat occupé
par Maximilien de Bavière et une armée espagnole. C'est
vers ce temps qu'Elisabeth, « la reine des cœurs», comme
on la surnommait en Angleterre, où sa cause était très po-
pulaire, trouva un chevalier amoureux et fidèle en la per-
sonne de son cousin, Christian de Brunswick, plus jeune
- 841 --
ELISABETH
qu'elle de trois ans. Christian de Brunswick mourut en
4626, avant d'avoir pu laisser aux historiens la matière
d'un roman en règle. Elisabeth, son mari et ses enfants,
très nombreux, vécurent longtemps dans une petite villa,
près d'Arnheim, sur les subsides fournis par l'Angleterre .
Les efforts de Christian de Danemark pour rétabUr les
affaires des protestants allemands furent vains, comme
ceux de Christian de Brunswick; Gaston-Adolphe fut plus
heureux, mais Frédéric n'occupa jamais dans son armée
qu'une place secondaire, et il mourut (29 nov. 1632) peu
de jours après la mort du héros suédois à Lutzen. —
Elisabeth dépensa alors toute son énergie à élever sa
famille : pendant seize ans, elle négocia sans relâche pour
obtenir la restauration de son fils aîné, Charles-Louis, dans
le Palatinat ; mais Charles-Louis ne rentra en possession
d'une partie de son héritage qu'à la paix de Westphalie
(1648). Elle connut la gêne et les soucis, malgré les se-
cours qu'elle reçut de la maison d'Orange et de son fidèle
admirateur, lord Craven. Ses enfants lui donnèrent de
graves soucis : deux de ses fils et deux de ses filles se
convertirent au cathoHcisme; Charles-Louis, une fois en
possession du Palatinat, lui témoigna peu de reconnaissance;
sa plus jeune fille, Sophie (souche de la maison de Hanovre
qui règne depuis George P»* en Angleterre), a laissé des
mémoires qui jettent un fort vilain jour sur la petite cour
de l'ex-palatine en Hollande. La Bestauration (sous CharlesH)
paya ses dettes et lui permit de quitter enfin Arnheim pour
Londres, où, grâce à lord Craven, elle fit assez honorable
figure, quoique reçue par la cour, froidement, en parente
pauvre. Elle retrouva en Angleterre le seul de ses fils
qu'elle semble avoir aimé et qui l'ait aimée, le prince
Bupert, qui s'était distingué au service de la cause royaliste
et jouissait d'une grande popularité personnelle. Elle fut
enterrée à Westminster. Pepys, qui la vit en 1660, 1 ap-
pelle a very debonair, but a plain lady (une bonne
dame).— Elisabeth fut regardée en Angleterre comme une
martyre de la cause protestante, et l'on peut dire à son éloge
que peu de femmes ont su exciter des dévouements aussi
ardents, aussi désintéressés et aussi durables (Christian de
Brunswick, lord Craven). Ses souffrances ont contribué à
assurer le trône d'Angleterre aux descendants de sa fille
irrespectueuse, l'archiduchesse Sophie de Hanovre. — On
conserve à Combe Abbey, propriété des lords Craven, des
portraits et des papiers"^ inestimables pour l'histoire de la
palatine Elisabeth, reine de Bohême. Ch.-V. L.
BiBL. • J.-O. Opel, dans Historische Zeitschrift, XXIII,
1870. -- Mrs. Everett-Green, Lives of the princesses of
England, 1854.
Espagne.
ELISABETH de France, reine d'Espagne, née à Fon-
tainebleau le 2 avr. 154o, morte à Madrid le 3 oct. 1568.
Elle était l'aînée des filles de Henri H et de Catherine
de Médicis. Promise dès le berceau à don Carlos, héritier
présomptif de la couronne d'Espagne, elle fut unie en
vertu du traité de Cateau-Cambrésis au roi d'Espagne
lui-même (2*2 juin lo59). Ce chassé-croisé bizarre qui,
rattaché pour les besoins de la cause et sans nul fon-
dement sérieux, à la fin prématurée du prince et de la
jeune reine, a servi à bâtir de toutes pièces le roman bien
connu, dont le Don Carlos de Schiller n'est que l'interpré-
tation dramatique et dont les travaux des historiens mo-
dernes ont fait justice. Elisabeth n'eut jamais que de la
pilié pour son beau-fils, pauvre hydrocéphale qui d'idiot
devint fou furieux à la suite d'une chute, d'où sa déten-
tion, qui, il est vrai, hâta probablement sa fin, mais sans
que Philippe II ait été en somme coupable d'autre chose
que de mettre un forcené hors d'état de nuire. Quant à
elle, elle mourut en couches. L'origine de la légende des
amours d'Elisabeth et de don Carlos doit être cherchée
à la fois dans la crédulité populaire, amie de l'étrange,
dans la terreur que répandait Philippe II autour de lui
et dans le dépit qu'éprouva Catherine de Médicis de ne
pouvoir donner pour héritière à la défunte sa sœur
cadette, Marguerite. Des rumeurs vagues et des pam-
phlets inspirés par elle ou par les protestants ou par les
Flamands, c.-à-d. par ses ennemis jurés, telles sont les
seules autorités qu'on puisse invoquer à l'appui de la tra-
dition. C'est assez dire combien à priori elles sont sus-
pectes et que, en présence des faits précis qui les contre-
disent, elles doivent être impitoyablement rejetées. Le roi
d'Espagne se montra du reste toujours plein d'égards et de
prévenances pour elle, jusqu'à adoucir en sa faveur, dans
les Hmites du possible, les rigueurs de l'étiquette casjil-
lane. Sa correspondance montre également qu'elle avait,
malgré sa jeunesse, du goût pour les affaires publiques et
que son mari ne lui interdisait pas de s'y mêler. H avait
eu malheureusement l'adresse de lui faire partager sa propre
intolérance, et les reproches discrets qu'elle adressa à sa
mère à propos de ses concessions au parti réformé, lors
de sa célèbre entrevue de Bayonne (juin 1565), la seule
fois qu'elle ait eu la joie de revoir sa patrie et sa famille,
sont une triste marque de ce que l'influence du démon du
Midi avait fait en si peu d'années de la douce créature que
la France lui avait donnée pour compagne. Léon Marlet.
BiBL. : Marquis du Prat, Elisabeth de Valois. — Baron
DE RuBLE, le Traité de Cateau-Cambrésis, chap. iv.
ELISABETH de France, reine d'Espagne, fille de
Henri IV et de Marie de Médicis, née à Fontainebleau le
2-2 nov. 1602, morte à Madrid le 6 oct. 1644. Elle fut
d'abord promise au prince du Piémont, puis, lorsque son
frère Louis XHI épousa à Bordeaux Anne d'Autriche en
1615, elle fut fiancée puis mariée le 15 nov. suivant à
l'infant d'Espagne, alors âgé de dix ans, qui devint roi
d'Espagne en 1621 et régna sous le nom de Philippe IV.
ELISABETH Farnèse, reine d'Espagne, née le 25 oct.
1692, morte le 11 juil. 1766. Fille d'Edouard H, prince de
Parme, et de Sophie-Dorothée de Bavière, elle fut défigurée,
enfant, par la petite vérole. Elle étonna la petite cour de son
père par une obstination et une opiniâtreté singulière ; la
rigueur avec laquelle elle était tenue par sa mère qui l'en-
fermait souvent au grenier ne fit qu'augmenter ces dis-
positions naturelles, et nul ne lui aurait prédit une grande
fortune, quand M'^^ des Ursins, qui voulait donner à Phi-
lippe V, veuf depuis peu, une femme qui ne fût rien par
elle-même et dût tout à son intervention, songea à la petite
princesse de Parme. Alberoni, qui était de ce même pays et
qui commençait à avoir du crédit en Espagne, appuya, si
même il ne l'avait pas suscité, le projet de M"^« des Ursins.
Le roi, selon son habitude, s'enflamma à l'idée de ce
mariage et Acquaviva alla à Parme le négocier; il fut
conclu le 16 sept. 1714.
La nouvelle reine d'Espagne s'arrêta à Gênes et à
Monaco, vit à Bayonne la veu\e de Charles II et fut mise
au courant de ce qui se passait en Espagne ; elle avait su
aussi, dès avant son départ de Parme, que M"^^ des Ursins,
éclairée trop tard sur son caractère, avait voulu rompre le
mariage. Aussi lorsque celle-ci vint au-devant de la jeune
reine à Xadraque, Elisabeth la traita fort mal, la fit ar-
rêter et conduire à la frontière de France. Elle s'emparait
ainsi par un coup d'autorité de toute influence sur le roi ;
son esprit plus vif qu'on ne supposait, une inépuisable
complaisance , achevèrent de la rendre maîtresse absolue
de l'esprit de PhiHppe V. Elle le réconcilia d'abord avec
le duc d'Orléans ; mais elle déplut aux Espagnols, quoi-
qu'elle eût appris très vite leur langue (elle en parlait fort
bien cinq ou six), parce qu'elle protégea trop des Italiens,
notamment Alberoni, parce qu'elle rappela comme con-
fesseur du roi le jésuite d'Aubenton et appuya l'Inqui-
sition. Elle assistait au conseil et de concert avec Alberoni
elle agita toute l'Europe pour procurer des trônes à ses
enfants; on sait que la politique espagnole se borna alors
à servir son ambition maternelle (V. Alberoni, Espagne,
Philippe V). Elle supporta avec bien de la peine l'abdica-
tion de Philippe V, et ce fut avec une joie très vive qu'elle
lui vit reprendre le sceptre, en 1724, après la mort de
son fils Louis. En 1746, quand son mari mourut laissant
ELISABETH
pour successeur son fils Ferdinand qu'il avait eu de sa pre-
mière femme, Elisabeth Farnèse vécut dans la retraite,
d'ailleurs traitée honorablement. Avant de mourir, elle eut
la joie de voir son fils Carlos devenir roi d'Espagne. Elle
avait eu sept enfants : Carlos, ou Charles III; Maria-Anna-
Victoria, destinée à Louis XV et mariée au roi de Portu-
gal; Francisco, mort en bas âge; Philippe, duc de Parme;
Marie-Thérèse-Antoinette Rafaele, première femme du
dauphin, père de Louis XVI; Louis-Antoine-Jacques, comte
de Chinchon ; Marie-Antoinette-Fernande qui épousa Victor-
Amédée, roi de Sardaigne. E. Cat.
Fraîice,
ELISABETH ou ISABELLE de Hainaut, reine de
France (V. Isabelle).
ELISABETH ou ISABELLE de France, reine de Na-
varre (V. Isabelle).
ELISABETH ou ISABELLE d'Aragon, reine de France
(V. Isabelle).
ELISABETH de France, duchesse de Milan (1348-1372)
(V. Isabelle).
ELISABETH ou ISABELLE de Valois (V. Isabelle).
ELISABETH d'Autriche, reine de France, fille cadette
de l'empereur Maximilien II, née le 5 juin 1554, morte
le 22 janv. 1592. Mariée à seize ans à Charles IX, elle
n'eut jamais ni l'affection ni la confiance de son époux. Le
mauvais génie de la France fut aussi le sien. Catherine
de Médicis ne tolérait, on le sait, autour d'elle aucune
influence susceptible de contre-balancer sa propre influence.
Pour miner celje que la jeune archiduchesse aurait pu
légitimement prendre sur l'esprit du roi, elle favorisa de
tout son pouvoir la liaison antérieure de ce dernier avec
Marie Touchet. Elisabeth ne connut la Saint-Barthélémy
que par les cris des victimes égorgées sous ses fenêtres ;
elle n'eut pas même, comme sa belle-sœur Marguerite de
Valois, la consolation d'en arracher quelqu'une aux bour-
reaux. A la cour elle était respectée, mais peu aimée. La
pureté de son attitude, l'austérité de ses mœurs présentait
jivec la corruption ambiante un contraste trop saisissant
pour ne pas lui sembler un vivant reproche. Que durent
penser, par exemple, toutes ces filles d'honneur, dignes de
figurer comme actrices des scènes les plus risquées du Béca-
méron de Bocçace, du petit incident qui accompagna la
grossesse d'Elisabeth (avr. 1572)? « La reine très chré-
tienne est si pudique, mandait l'ambassadeur de Toscane
à son gouvernement, qu'elle ne l'a avoué à personne, sauf
au roi son mari et encore avec grande hésitation. » Cette
enfant fut une fille, Marie-Elisabeth, qui mourut le 2 avr.
1578. Il y avait alors quatre ans que Charles IX n'était
plus. Aucun lien ne retenait désormais Elisabeth en France.
Elle rentra dans sa patrie et y vécut dans la retraite,
opposant un refus péremptoire aux propositions matrirao-
yiiales dont elle fut l'objet. Les écouter seulement lui eût
paru une injure à la mémoire de celui à qui elle avait juré
fidélité et qui, lui, Catherine de Médicis aidant, la lui avait
si mal gardée. Léon Marlet.
ELISABETH-Cuarlotte d'Orléans, duchesse de Lor-
raine, née le 13 sept. 1676, du second mariage de Philippe
d'Orléans avec Elisabeth-Charlotte de Bavière, titrée d'abord
Mademoiselle, elle fut mariée le 13 oct. 1698 à Léopold-
Joseph-Charles-Dominique-Hyacinthe-Agapet, duc de Lor-
raine et de Bar. A la mort de son mari, elle essaya la
régence (1729). Elle prit le titre de princesse de Commercy
quand la Lorraine fut cédée à Stanislas Leczynski. Elle
mourut le 23 déc. 1 744.
BiBL. : Comte d'HAussoNviLLE,Hisioi>e de la réunion de
?a Lorraine à la France. — Madame, Correspondance. —
Saint-Simon, éd. de M. de Boilisle, t. VI.
ELISABETH de France (PhiHppine-Marie-Hélène, Ma-
dame), sœur de Louis XVI, née à Versailles le 3 mai 1764,
exécutée le 10 mai 1794. Elle était fille du dauphin, fils
de Louis XY, et devint orpheline sans avoir connu son père
et sa mère. Elevée dans des sentiments de piété par la com-
842 -
tesse de Marsan et par l'abbé de Montégut, elle se distingua
par son esprit de charité, par ses goûts pour la science,^ et
ne se mêla point aux affaires du gouvernement. Quand la
Révolution éclata, Elisabeth, qui aimait beaucoup son frère
et ne se maria pas pour ne point le quitter, jugea bien vite
la gravité des circonstances , et se montra de plus en plus
dévouée à Louis XVI, à mesure que les événements se mul-
tiplièrent. Elle partagea sa captivité au Temple, comme elle
avait partagé les péripéties de sa vie dans les journées des
5 et 6 oct. 1789, du 20 juin et du 10 août 1792. Après
la mort de Mario-Antoinette, elle resta seule avec la jeune
dauphine, duchesse d'Angoulême. Le 9 mai 1794, elle
comparut devant le tribunal révolutionnaire, où on l'accusa
d'avoir entretenu une correspondance avec ses frères, d'avoir
fait passer ses diamants et des sommes d'argent aux princes
émigrés. L'arrêt de mort lui fut signifié le 10 mai, et elle
fut immédiatement exécutée sur la place de la Révolution.
Arrivée au lieu du supplice, elle fut respectueusement
saluée par ses compagnons d'infortune, et elle conserva son
calme ordinaire, jusqu'au moment où, par sentiment de
pudeur, elle supplia le bourreau de ne point enlever le
mouchoir attaché sur sa poitrine. Challamel.
ioPo^^^- • J^^ERRAND, Eloge historique de M"'* Elisabeth
lh58. — 1^. DE Bargon, Mémoires de M'^e Elisabeth de
France. — I^ort-Rion, Louis Jourdan, les Femmes devant
Véchafaud. — Du Fresise de Beaucourt, Etude §ur Ma-
dame Elisabeth^ 1864.
Hongrie.
ELISABETH de Hongrie (Sainte), fille du roi André II
et, par alliance, duchesse de Thuringe, née à Presbourg
en 1207, morte à Marbourg en 1231. Elle fut, à 1 âge de
quatre ans, fiancée à Louis, filsamé du landgrave de Thu-
ringe, Hermann L^ et élevée dans son château de Wart-
bourg, au sein d'une cour chevaleresque, la plus brillante
et la plus lettrée de toute l'Allemagne. Tendre et pieuse
nature, Elisabeth se livra dès son enfance aux pratiques
de Tascétisme, aux mortifications, aux jeûnes, ne cessant
de prier que pour aller voir les pauvres, « ses plus chers
amis ». En 1221, elle épousa son fiancé Louis IV le Chari-
table, qui venait de monter sur le trône de Thuringe. Ce
prince,^ à la différence des courtisans qui raillaient la dévo-
tion d'Ehsabeth, avait toujours admiré sa vertu. Parta-
geant la sollicitude de sa femme pour les misères du
peuple, le landgrave lui laissa toute liberté de continuer
ses exercices religieux ; il l'aida même à fonder près de
son château un hôpital de lépreux. Tout le monde connaît
les poétiques légendes auxquelles donnèrent lieu plu-
sieurs épisodes de sa charité vraiment héroïque. Restée
veuve en 1227, Elisabeth eut d'abord à souff'rir des per-
sécutions de ses beaux-frères qui, l'accusant de dissiper en
aumônes les trésors de l'Etat, la privèrent de la régence et
la chassèrent brutalement avec ses quatre enfants de la
résidence souveraine. Son oncle, alors évèque de Bamberg,
lui off'rit un asile jusqu'au moment où on lui proposa de
reprendre le pouvoir, qu'eHe refusa. La duchesse vint alors,
à Marbourg, revêtir l'habit du tiers ordre de Saint-François
et consacra les dernières années de sa vie à des œuvres de
charité ; mais, sous l'influence de son confesseur Conrad
de Marbourg, elle se livra à des mortifications qui abré-
gèrent sa vie. Elle mourut à vingt-quatre ans. Sa cano-
nisation fut prononcée en 1235 par Grégoire IX. Une
superbe basilique fut construite à Marbourg (1235-83)
en souvenir de ses bienfaits. Les reliques de la sainte,
enfermées dans un cercueil richement orné de bas-reliefs
et de pierreries, y reposèrent jusqu'en 1539. A cette époque,
le landgrave Philippe de Hesse les fit enlever de cette châsse,
pour couper court aux actes superstitieux dont ils étaient
l'objet de la part de nombreux pèlerins, et enterrer dans
une partie de l'éghse, connue de peu de personnes. La
basihque de Sainte-Elisabeth, qui est du plus pur style
gothique, a été restaurée en 1860. G. Bonet-Maury."
BiBL. : Liciitenberger, Encyclopédie des sciences reli-
gieuses. — MoNTAj.EMBERT, Histoirc de sainte Elisabeth
de Hongrie, duchesse de Thuringe; Paris, 1836, in-4, avec
gravures.
843
ELISABETH de Pologne, reine de Hongrie, née en
4306, morte à Bude en 1381. Elle était fille de Wladys-
law Lokietek, roi de Pologne. Elle épousa, en 13'20,
Charles-Robert d'Anjou, roi de Hongrie. Après la mort de
son mari, elle devint régente sous la minorité de son fils
Louis dit le Grand. Elle fut accusée d'avoir favorisé les
débauches de son frère Kasimir de Pologne, et blessée par
la foule indignée de l'attentat commis par ce prince contre
Clara Zach. A dater de 4370, elle gouverna en Pologne
pour le compte de son fils, mais la faveur qu'elle accordait
aux Hongrois irrita les Polonais : Elisabeth dut quitter
la Pologne (1376) et retourner en Hongrie. Les contem-
porains prêtent à cette princesse des mœurs très dissolues.
On lui attribue l'invention du parfum connu sous le nom
à'Eau de la reine de Hongrie. L. L.
BiBL. : Histoires de Hongrie et de Pologne.
ELISABETH deBosnie, reinede Hongrie et de Pologne.
Elle était fille d'Etienne, ban de Bosnie. Elle épousa, en
4363, Louis dit le Grand, roi de Hongrie et de Pologne.
Elle en eut deux filles, Marie et Hedwige. A la mort de
son mari, elle réussit à faire reconnaître, comme reme de
Pologne, Hedwige, qui épousa le Lithuanien Jagellon. Marie
épousa Sigismond de Luxembourg. Après la mort du roi
Louis, Marie gouverna la Hongrie sous la tutelle de
sa mère. Mais Charles de Durazzo pénétra en Hongrie
et réussit à se faire couronner roi (déc. 4385) ; il fut tué
peu de temps après (févr. 4386). A la fin de la même
année, Elisabeth fut assassinée au château de Novigrad sur
les ordres de Jean Horvath, partisan du prince étranger
(4388). La princesse Marie vengea cruellement le meurtre
de sa mère. ^' ^*
ELISABETH de Pologne, reine de Hongrie, née en 1548,
morte en 1 558. Fille de Sigismond P% roi de Pologne, elle
épousa en 4539 Jean Szapolya, roi de la partie de la Hongrie
qui n'acceptait pas la domination autrichienne, et^dont la
Transylvanie était le noyau principal. Déjà en 4540 elle
restait veuve avec un fils qui venait de naître, et qui fut
reconnu roi par SoUman le Magnifique. Sa situation de
reine mère était bien difficile entre le Turc qui ne regar-
dait une semblable royauté que comme un instrument de
la domination ottomane, Ferdinand d'Autriche et l'intri-
gant ministre Martinuzzi. Elisabeth chercha plusieurs fois
à satisfaire l'Autriche dans l'intérêt de la cause chrétienne,
même en échangeant les Etats de son fils contre deux du-
chés silésiens; mais après la mort de Martinuzzi, qui avait
louvoyé entre les Turcs et les Habsbourg, et au miheu des
manœuvres les plus compliquées, elle fut maintenue en
Transylvanie par l'alliance et par la diplomatie de Henri II,
roi de Franpe. E. Sayous.
Pays-Bas.
ELISABETH de Gœrlitz, duchesse de Brabant et de
Luxembourg, née vers la fin du xiv« siècle, morte à Trêves
en 4454. Elle était fille de Jean de Luxembourg, duc de
Gorlitz, et de Richarde, fille du duc Albert H de Mecklem-
hourg, roi de Suède. En 4409, elle épousa Antoine de
Bourgogne, duc de Brabant. A l'occasion de ce mariage,
AYenceslas de Luxembourg, qui n'avait pas d'enfants, céda
son duché à Elisabeth. Après la mort d'Antoine, elle épousa
Jean de Bavière qui avait occupé pendant quelque temps le
trône de Liège. Veuve pour la seconde fois en 4424, elle
promit sa succession à Philippe le Bon ; mais sa cousine
germaine et héritière naturelle, une autre Elisabeth, fille
de l'empereur Albert II, en disposa de son côté en faveur
de son gendre, le duc Guillaume de Saxe, auquel les
Luxembourgeois ouvrirent leurs portes. La duchesse se
réfugia auprès de Philippe le Bon et lui demanda aide et
protectiop. La ville fut prise par les Bourguignons en
4443 et, immédiatement après, une cession en due forme
incorpora le duché aux Etats de Philippe en faveur de qui
le duc de Saxe finit lui-même par abdiquer ses droits.
Elisabeth reçut une pension viagère et mourut obscuré-
ment. E. H.
BiRL. : Olivier de La Marche, Mémoires. — Bertho-
ELISABETH
LET, Histoire ecclésiastique et civile du duché deLwcem-
bourg et du comté de Chiny; Luxembourg, 1741, 8 vol,
^^ ELISABETH d'Autriche, princesse belge, née à Bruxelles
en 4504, morte à Swynaerde-lez-Gand en 4526. Elle était
fille de Philippe le Beau et de Jeanne la Folle et sœur ca-
dette de Charles-Quint. A l'âge de treize ans, elle devint
la femme de Christian II, roi de Danemark. Celui-ci s'étant
aliéné ses sujets par ses cruautés fut déposé en 4523;
Elisabeth, qui était très populaire, fut invitée à demeurer
dans le pays; les Etats lui offrirent même de proclamer roi
son fils Jean et de la déclarer régente ; mais elle refusa ces
propositions et accompagna son époux en Angleterre d'abord,
puis en Allemagne et en Flandre. Lorsque Christian eut
adopté les doctripes luthériennes, elle refusa de suivre son
exemple, et les persécutions qu'elle eut à endurer de ce chef
hâtèrent sa fin. E. H,
BiBL. : AI.TMEYER, Histoirc des relations commerciales
et diplomatiques des Pays-Bas avec le nord de VEurope
vendant le xvp siècle; Bruxelles, 1840, in-8. — A. Heî^î^e,
Histoire du règne de Charles-Quint dans les Paus-Bas ;
Bruxelles, 1858-1860, 10 vol. in-8. - De Saint-Genois. ies
Missions diplomatiques de Scepperus; Gand, 1857, in-8.---
A. Bergmann, Histoire de la ville de Lierre (enflamana)^
Lierre, 1873, in-8.
Portugal.
ELISABETH ou ISABELLE de Portugal (V. Isabelle).
ELISABETH de Portugal (4526^4539) (V. ci-dessus,
Elisabeth, impératrice d'Allemagae).
Roumanie.
ELISABETH (-Pauline-Ottihe-Louise), reine de Rou-
manie, connue dans les lettres sous le pseudonyme de
Carmen Sylva, née au château de Monrepos (MeineRuh\
près de Neuwied (Prusse rhénane), le 29 déc. 1843.
Elle est issue d'une famille dont plusieurs membres ont
cultivé avec succès les lettres, les sciences et les arts.
Son père, Guillaume- Hermann- Charles, prince de Wied
(V. ce nom), a publié de remarquables travaux philoso-
phiques, et sa mère, Marie de Nassau, est connue par la
pratique des plus hautes vertus féminines. La princesse
Elisabeth a montré, dès son enfance, un esprit indépendant,
amoureux de la liberté, enthousiaste de la nature et tour-
menté d'un besoin incessant d'activité. Son âine, portée k
la mélancolie, recelait un fonds de poésie native. Grâce à
une étonnante faculté d'assimilation, elle a acquis une
instruction supérieure, a appris successiveipent toutes les
langues qui en valent la peine et étudié toutes les littéra-
tures. Les nombreux voyages qu'elle fit en Europe ont
développé encore sa vive imagination. Le 45 avr. 1869,
elle épousa Charles (V. ce nom) de Hohenzollern-Sigma-
ringen, alors déjà prince de Roumanie. L'unique enfant
née de ce mariage (8 sept. 4870), la princesse Maria, une
créature adorable, a succombé à l'âge de trois ans et derpi,
Dès lors, la princesse EHsabeth, mortellement frappée
dans sa tendresse maternelle, s'est vouée entièrement et
avec passion à être la mère de son peuple. Ses efforts se
sont portés à répandre et à développer en Roumanie l'ins-
truction populaire; elle fonda nombre d'écoles et fit tra-
duire des livres scolaires français. Sa sollicitude s'est
surtout étendue aux jeunes filles de toutes les classes
sociales : elle créa en leur faveur des écoles spéciales da
dessin, de peinture, de musique, de chant, de travaux
manuels. Elle ne dédaigna même pas de faire des confé-
rences littéraires aux élèves de l'Ecole normale. Malgré sa
nationalité d'origine, elle favorisa la culture française
comme étant cefle qui convient le mieux au génie d^une
race issue de souche latine. Au surplus, elle a prêché
d'exemple pour le développement de l'industrie nationale
du tissage et de la broderie en mettant en honneur le cos-
tume du pays, et elle a fondé dans ce but une vaste société.
Elle créa de même de nombreuses institutions de bienfai-
sance. A la suite de la guerre contre la Turquie, durant
laquelle elle a soigné les blessés avec un dévouement infa-
tigable, ses sujets lui ont décerné le beau titre de « Mère
des blessés ». Le 22 mai 4884, elle reçut avec son époux
ÏLÏSABETH
— 844 —
la couronne royale au milieu d'une manifestation inou-
bliable de tout un peuple.
Cette activité sociale n'a pas suffi à sa nature exubérante.
Dès son jeune âge, elle avait pris l'babitude de traduire
en vers toutes ses idées, sous l'impulsion d'un besoin irré-
sistible de son âme. Son talent poétique s'est épanoui sous
l'aiguillon de la souffrance morale, mais elle n'a consenti
que tardivement, encouragée par le poète Alecsandri, à
livrer au public les créations de sa plume, sous le pseu-
donyme de « Carmen Sylva » qui rappelle sa • passion
pour la poésie et pour la forêt. Ses compositions sont
d'un charme pénétrant par la vérité du sentiment, car
elles ont toutes été vécues. Elle s'est d'abord fait connaître
par des librettos poétiques en langue roumaine, puis par
deux poèmes en allemand : Sappho et Hammerstein
(Bucarest, 1880, gr. in -8), auxquels succédèrent : les
Stilrme (Bonn, 1881); un recueil de poésies traduites du
roumain (Rumdnische Dichtungen ; Leipzig, 4881) ; Die
Hexe (Berlin, 1882), poème inspiré par une statue de
Ch. Cauer; Leidens Erdengang (Berlin, 4882), série de
contes symbolisant la souffrance ;/^/ioi'<3/i (Leipzig, 1882),
poème philosophique dont le sujet est la recherche de l'exis-
tence de Dieu (trad. en français; Paris, 1887, in-16).
Carmen Sylva a été présentée au public français d'abord par
L. Ulbach qui la décida à laisser mettre au jour une œuvre
écrite dans notre langue même : Pensées d'une reine
(Paris, 1882, in-18, portr.), confidences intimes d'une
rare profondeur, exprimées avec naïveté et une grâce
attachante. L'une de ces pensées : « Il n'y a qu'un bon-
heur : le devoir; il n'y a qu'une consolation : le travail;
il n'y a qu'une jouissance : le beau », résume à merveille
l'état de son âme et le but qu'elle poursuit dans la vie.
Avec le temps, ses poésies ont pris une envergure plus
large. Les recueils : Meine Ruh' (Berlin, 1884), composé
de ballades et romances, de pièces didactiques, d'un déli-
cieux chapitre sur la « mère et l'enfant », etc., ainsi que
le Mein Rhein (Leipzig, 1884), quatrains consacrés au
grand fleuve de son pays natal, marquent l'apogée de son
talent de poète. Il reste encore à mentionner à cet égard :
Vom Amboss (Bonn, 1890) ; une traduction des chants
populaires de la vallée de Dimbovitza (Lieder; Bonn,
1890); Frauenmutk, poème dramatique (1890); puis
trois charmants recueils de chants (1891) : Heimath,
Meerlieder, Handwerker lieder, ce dernier mis en mu-
sique par A. Brungert.
La reine Elisabeth occupe dans la littérature une place
non moindre comme prosateur. Elle a adopté de préfé-
rence la nouvelle et le conte, et, si les produits de son
imagination sont sous ce rapport généralement tristes, il y
passe un grand souffle dramatique. La plupart ont été
traduits en français : Gebet (Berlin, 1882) et Hand-
zeichnuîigen (iSS4'), par E. Salles (Nouvelles; Paris,
1886); Pelesch-Mârchen (Leipzig, 1883), par L. et E.
Salles (Contes du Pélech; Paris, 1884); Es Klopft (Ba-
tisbonne, 1887), par Bob. Scheffer, avec d'autres nou-
velles et des ballades réunies sous ce titre : Qui frappe?
(Paris, 1889), volume précédé d'une brillante préface de
Pierre Loti, dont la reine avait traduit en allemand le Pêcheur
d'Islande (1888) et qui a eu l'honneur d'être son hôte. Il y
faut joindre encore : Durch die Jahrhunderte (Bonn,
1887). Ensuite elle a abordé le roman, mais en collaboration
avec M™^ Mite Kremnitz, et les noms des deux auteurs sont
dissimulés sous les pseudonymes de « Dito » et « Idem ».
Leurs œuvres sont : Aus iwei Welten (Leipzig, 1884) ;
Astra (Bonn, 1886; trad. en français, Paris, 1890);
Feldpost (Bonn, 1886); In der Irre, Novellen (1888);
Rache und andere Novellen (1889); Roman einer
Princessin (1890; trad. en français, Paris, 1891), plus
une tragédie, Anna Boleyn, A sa plume seule est dû le
roman Déficit (1890). Enfin sa dernière œuvre, Maître
ManolCy drame en vers, a été représentée à Vienne, et
arrangé pour la scène anglaise par Irving. Presque tous
ces ouvrages ont eu plusieurs éditions, et'il y en a aussi
d'illustrés. La plupart furent traduits en toutes les langues
d'Europe, même en turc et en arabe.
Si Carmen Sylva est assurée de gagner les suffrages de la
postérité avec ses œuvres gracieuses et touchantes'j la reine
Elisabeth occupera dans l'histoire une place d'honneur
comme une femme d'une rare supériorité, une grande
souveraine et une véritable civilisatrice. G. Pawlowski.
BiBL. : Mite Kremnitz, Carmen Sylva. Ein Lebensbild;
Breslau, 1882. — L. Ulbach, Préface en tête des Pensées
d'une reine, 1882. — Rudolf Gottschall, Eine Dichterin
aufdem Throne, dans Unsere Zeit, 1883. — Natalie, baronne
VON STACKELBERG,Aits Carmen Sylva'sLeben; Heidelberû-,
1885, gr. in-8;5°éd., 1889. — Félix Salles, Etude biogra-
phique, en tête des Nouvelles, 1886. — F. de Chevigny,
Carmen Sylva, dans le Correspondant, 25 sept. 1888. —
Max ScHMiTz, Carmen Sylva und ihre Werke; Neuwied,
1889, gr. in-8, portr. — Blanche Roosevelt, Elisabeth,
of Roumania ; Londres, 1891, gr. in-8.
Russie.
ELISABETH Iâroslavovna, princesse russe, fille du
grand prince laroslav Vladimirovitch (xi« siècle). Elle ins-
pira une violente passion à Harald le Hardi, qui l'épousa
en 4045.
ELISABETH (Petrovna), impératrice de Russie, née en
4709, morte le 9 janv. 4762 (1764, style russe). Elle
était fille de Pierre le Grand et de Catherine P«. Sa mère
avait songé à la marier à Louis XV ; mais ce projet n'aboutit
pas. Elle resta fille. Sous le règne d'Anna Ivanovna, elle
vécut éloignée des affaires publiques, se consolant de son céli-
bat et de son isolement avec des favoris dont le plus célèbre
fut Alexis-Gregorovitch Razoumovsky (qu'elle aurait d'après
certains témoignages épousé secrètement). Après la mort
d'Anna Ivanovna, qui laissait le trône au jeune Ivan VI et la
régence à Anna Léopoldovna, Elisabeth profita habilement
du mécontentement de l'armée et du peuple qui étaient las de
la domination des étrangers, et qui éprouvaient une vive sym-
pathie pour la fille de Pierre le Grand. Avec le concours
du chirurgien français Lestocq, l'appui du ministre de
France, La Chétardie, et de Vorontsov, elle réussit à se faire
proclamer impératrice (48 déc. 4742). Anna Léopoldovna et
sa famille furent exilés, le jeune Ivan enfermé à Schliissel-
bourg; Osterman et Munich furent déportés. L'avènement
d'Elisabeth mit fin à la domination des Allemands; il
marque le commencement de l'influence française en Russie.
Les principaux confidents de la nouvelle impératrice furent
les Razoumovsky et les Schouvalov. A. -P. Bestoujev fut
chargé de diriger la politique extérieure. Elisabeth proclama
pour son successeur son neveu Pierre de Holstein qui fut
fiancé peu de temps après à Sophie d'Anhalt Zerbst (la
future Catherine II). Elle termina heureusement la guerre
commencée avec la Suède. Le traité d'Abo (4743) assura
à la Russie le S.-E. de la Finlande jusqu'à la rivière de
Kiiimen. En 4746, EHsabeth conclut un traité d'alliance
avec l'Autriche : trente mille Russes furent envoyés sur
le Rhin, mais ils revinrent sans avoir eu l'occasion de
combattre. Les années qui suivirent furent marquées par de
nombreuses réformes à l'intérieur. En 4754, des colonies
serbes furent introduites dans la Russie méridionale ; en
4753, les douanes intérieures furent supprimées ; des
banques furent établies à Saint-Pétersbourg et à Moscou.
La peine de mort fut abolie, mais la torture maintenue.
Le sénat fut rétabli dans les attributions dont Pierre le Grand
l'avait investi. L'université de Moscou fut ouverte (4755),
et le premier théâtre national organisé (4756). L'académie
des beaux-arts fut créée en 4758. Elisabeth prit part à la
guerre de Sept ans; jalouse du succès de Frédéric II, et
blessée par ses épigrammes, elle envoya en Prusse une
armée de quatre-vingt mille hommes. Le général Apraxine
vainquit les Prussiens à Grossj œger ndorf, mais il ne sut
pas profiter de son succès. En 4758, les Russes prirent
Kœnigsberg, mais ils furent battus à Zorndorf; l'année
suivante, ils prirent leur revanche à Zullichau et à Kuners-
dorf en Silésie. En 4 760, ils pénètrent à Berlin ; en 4764,
ils occupent la Poméranie. La mort d'Elisabeth sauva Fré-
déric. Sous le règne de cette princesse, la Russie acquit
en Asie une partie de la Dzoungarie et des pays turk-
mènes. Ce fut en somme un règne prospère. Lomonosov
chanta les triomphes des armées russes, Soumarokov écri-
vit les premières tragédies; les premières revues en langue
russe furent publiées. L'architecte italien Rastrelli embellit
l'empire de remarquables édifices. Malgré les scandales de
sa vie privée, Elisabeth Petrovna continua dignement l'œuvre
de Pierre le Grand et prépara celle de Catherine H. L. L.
BiBL. : SoLOviEv, Histoire de Russie, t. XXI et XXII. —
Weidemayer, le Règne d'Elisabeth; Saint-Pétersbourg,
1^49. — Vandal, Louis XV et Elisabeth de Russie ; Paris,
1882. — Rambaud, Recueil des instructions données aux
ambassadeurs et ministres de France ; Paris, 1890, 2« vol.
ELISABETH (Alexievna), impératrice de Russie, née
à Karlsruhe en 4779, morte à Bielev en 1826. Elle s'ap-
pelait Louise-Maria-Augusta et était fille du margrave de
Bade, Charles-Louis. Elle devint, en 4793, femme du grand
duc Alexandre qui devait être Alexandre I^'", et fut à la
tète d'un certain nombre d'institutions patriotiques.
ELISABETHGRAD ou lELISAVETGRAD. Vdle de Rus-
sie, chef-lieu de district du gouvernement de Kherson, sur
la rivière Ingoul et le chemin de fer; 52,000 hab. Elle fut
fondée en i 754 sous le règne d'Elisabeth Petrovna. Le dis-
trict d'Elisabethgrad est peut-être de toute la Russie le
plus riche en céréales.
ELISABETHPOL. Ville de la Russie d'Asie (Transcau-
casie), ch.-l. du gouvernement de même nom, à 170 kil.
S.-E. de Tiflis, sur la riv. Gandja-tchai ; 20,300 hab. —
Le gouvernement a une superficie de 43,632 kil. q. et une
population d'environ 730,000 hab.
ÉLISE. Com. du dép. de la Marne, arr. et cant. de
Sainte-Menehould ; 149 hab.
ÉLISE, théologien et historien arménien (V. Eghishé).
ELISÉE, prophète hébreu, disciple et successeur d'£/i>
(V. ce nom), continue son œuvre en poussant Jéhu à dé-
truire la dynastie d'Achab, roi d'Israël, coupable d'avoir
favorisé le culte de Baal. On lui fait honneur d'une série
de faits merveilleux qui reproduisent et exagèrent les ma-
nifestations surnaturelles attribuées à son maître Elie. 11
est digne de remarque qu'il s'intéresse aux choses et aux
personnes du dehors, soit au royaume de Damas dont il
désigne le futur occupant, soit à l'officier syrien Naaman,
qu'il guérit de la lèpre et gagne à la vraie religion. Elisée
est, en réalité, une nouvelle édition du type prophétique
exprimé par la figure d'Elie (V. 2 Rois^ chap. ii et suiv.).
ÉLISION.Le mot élision, latin ^/mo, de elidere f=^^,
hors de, et lœdere, heurter), signifie expulsion par suite
cVun choc, écrasement. Quand deux voyelles se rencon-
trent l'une à la fin d'un mot, l'autre au commencement
du suivant, elles se heurtent en quelque sorte, et on dit
qu'il y a élision si, pour éviter l'hiatus, on fait disparaître
l'une d'elles. L'éfision se produit de deux façons : 1^ La
voyelle élidée disparaît purement et simplement : on la
remplace dans l'écriture par un signe appelé apostrophe.
C'est l'élision proprement dite, celle qui a lieu en français :
Vâme^=. la âme. C'est aussi, bien qu'elle ne soit pas
marquée d'une apostrophe, celle qui a lieu en grec dans
les verbes composés : £7;£p)(^o[i.ai:zzl7î(i)£p^o[jLat, sTie^spov
zz:£:i(i)£9£pov. 2<* La voyelle élidée s'alFaiblit sans disparaître
complètement, mais au point de se confondre avec l'autre,
comme dans la synérèse. C'est ce qu'on appelle la syna-
lèphe (auvaXoiorjizz confusion) : c'est l'élision ordinaire en
grec et en latin. La voyelle élidée se remplace bien en
grec par l'apostrophe; mais : 1^ ce signe est d'un usage
récent, et son emploi ne peut rien prouver sur la nature
de l'élision ; 2<* le mot auva>.oior] signifiant mélange, con-
fusion, il serait étrange que les Grecs eussent choisi ce
terme pour désigner l'élision si elle avait consisté dans
l'expulsion pure et simple de la voyelle; 3° enfin Ahrens
a démontré que la voyelle élidée sonne devant l'autre comme
une petite note, et correspond à ce qu'on appelle apoggia-
ture en musique. Quant au latin : 1<* la voyelle élidée sub-
siste dans l'écriture; 2** nous avons un témoignage positif,
celai de Quintilien (Art. orat.,ÏX.) disant que dans le vers
.- 845 - ELISABETH - ÉLIXIR
de Virgile Turrim in pr.rcipite...,o\i. la finale im s'élide,
on distinguait ceux qui prononçaient turrim de ceux qui
prononçaient turrem. Des formes comme animadverto
:= anim(um) ad verto et veneo == ven(um) eo ne
prouvent rien d'ailleurs, puisque les deux mots se sont
fondus en un seul.
L'élision prend le nom à'aphérèse (o^(^ct'.pr](siç) quand
elle porte sur la seconde voyelle. L'aphérèse n'existe pas
en français. Elle n'a lieu en latin qu'avec les formes es et
est du verbe sum employées comme enclitiques : c'est
alors une élision proprement dite, la voyelle disparait de la
prononciation et même souvent de l'écriture : meast =2
mea est., meumst = meum est. L'aphérèse est plus fré-
quente en grec, surtout chez les poètes tragiques : w 'vaÇ
= o) ava?, [Lr\ 'mnx = (Jir) ïr.eizoL. La voyelle élidée
pouvait être une voyelle accentuée, comme dans les exemples
ci-dessus ; on peut donc croire qu'il y a eu successivement
assimilation puis fusion des voyelles, et réunion des deux
accents en un. En tous cas l'aphérèse est marquée par
l'apostrophe.
Les règles particulières de l'élision sont spéciales à
chaque langue. En français elle est obligatoire, mais res-
treinte à certains mots, et a lieu même devant une h
initiale, si cette h est muette. On élide ainsi : 1 ^ a dans
l'article la : rame -= la âme^ et anciennement dans ma :
m' amie (d'oii par confusion ma mie)., m'amour; 2° i
dans si : s'il = si il; 3^* e dans le, je, me, te, se, ce^
de, ne, que et ses composés conjonctifs, quelquefois dans
quelque et entre. En latin on élide toutes les voyelles
finales, les syllabes en m (dites syllabes moyennes), et
même chez les auteurs archaïques les finales brèves eu s.
Seuls, les monosyllabes o, ah (ou a), proh (oiipro), heu
( ou eu) ne s'élident jamais. Toutefois il résulte de la
nature même de la synalèphe que l'élision est plus facile :
1<^ si on élide une brève; 2<* si la seconde est longue. Aussi
les poètes évitent-ils l'élision des monosyllabes, surtout
des monosyllabes en m, et devant une brève, à part quel-
ques-uns d'un emploi très fréquent et déterminés par l'usage.
Ils n'élident pas non plus la dernière de l'iambe devant une
brève. En grec, on n'elide en règle générale que les voyelles
brèves. Font exception la diphtongue ai qui s'élide volon-
tiers dans les formes où elle compte pour brève dans l'ac-
centuation : poùXo[j.' Iyoj 1= pouXofjiai lytiS, et la diphtongue
01 chez Homère dans les formes enclitiques [xoi et aoi. L'u,
même bref, ne s'élide jamais ; s, i, o, a s'élident toujours
sauf dans quelques mots déterminés par l'usage :^ ôs'zret;
les génitifs en oto, oo, les formes ô, to, ô, Tupd, ti, ti,
OTi, TTcpi, ay^pi, Ht.£X,P^ toc, àya (vocaiif de àva^) et \ii. —
L'élision de l'article a amené une erreur curieuse dans la for-
mation de certains mots français. Une fois élidé, il a perdu
son sens et s'est fondu avec le substantif en un seul mot,
susceptible à son tour de recevoir l'article. Ainsi sont formés :
lierre (=^rierre, de heder a), lendemain {^=i lendemain
de en et demain, de mane), loriot (=: l'oriot, deau-
reolus), lors ( = Fors, de hoi^a). Paul Giqceaux.
ELIUS PROMOTUS (A'rAio5npo{j.wTo;), médecin grec
d'Alexandrie, qui vivait peu avant ou après J.-C. On a de
cet auteur plusieurs manuscrits disséminés dans diverses
bibliothèques. Des extraits de son Auvajx£pdv (Medicina-
liiim formularum collectio) ont été publiés par Kiihn
dans son Additam adElench. med. vet. à J.-A. Fabri-
cio in bibl. grœca exhibit; quelques passages du même
ouvrage se trouvent dans le Tractatus de scorbuto (Venise,
1781, in-4) deBona. D-* L. Hn.
ÉLIXIR. I. Alchimie. — Ce mot est d'origine arabe. Il
s'appliquait à l'origine à un certain agent prétendu capable
d'opérer la transmutation des métaux, agent appelé aussi
medicina ou pierre philosophais 11 était tantôt liquide,
tantôt solide, et réputé apte à prolonger la vie (élixir de
longue vie) et à guérir toutes les maladies. Par le cours
des temps, ce nom s'est trouvé réservé à certaines prépa-
rations pharmaceutiques liquides. M. B.
II. Pharmacie. ■— Les élixirs sont des alcoolés sucrés,
^LIXIR — EL-KEF
— Sii) —
formés d'aromates et d'une ou plusieurs substances mé-
dicamenteuses. En pharmacie, le mot élixir a donc subi
une déviation de sens analogue à celle d'alcool^ puisqu'il
ne s'applique plus qu'à des médicaments plus ou moins
agréables, contenant de l'alcool et moins de sucre que
les sirops. — Les élixirs étaient autrefois très nombreux,
et jouissaient d'une grande réputation en médecine ; peut-
être aujourd'hui sont-ils trop délaissés, car ils constituent
une forme pharmaceutique avantageuse pour admi-
nistrer certains médicaments. Citons seulement l'exemple
suivant :
Eîixir de quinquina et de safran.
Quma rouge pulv. . 16 gr.
Cannelle fine 16 —
Ecorce d'orànçç. am. 16 —
Safran 8 gr.
Eau-de-vie vieille. . . 5 lit.
Vin deMalaga 2 —
On fait digérer le tout pendant une semaine ; on passe
et on ajoute 1,250 gr. de sucre très blanc. — Cette pré-
paration eut pendant longtemps une très grande vogue.
Dans la formule primitive, on y plongeait à plusieurs
reprises une pièce d'or chauffée au rouge, pratique inutile
qui n'a d'autre effet que de caraméliser une petite quantité
de sucre. Ed. Bourgoin.
Elixir odontalgique (V. Dentifrice).
ELIZABETH. Ville des Etats-Unis, Etat de New-Jersey,
sur le détroit qui sépare le continent de l'Ile Staten, à
15 kil. au S.-O. de New-York; 37,764 hab. en 1890.
Nombreuses villas, rues larges, belles églises. Commerce
actif de charbons et de fers, fabriques importantes de
machines à coudre.
ELlZABÉTH (V. Elisabeth).
ELIZIA (Malac). Genre de Mollusques Lamellibranches,
de l'ordre des Vénéracés, établi par J.-E. Gray en 18o2
pour une coquille suborbiculaire, mince, aplatie, couverte
d'un épiderme brillant, équivalve, inéquilatérale ; crochets
peu proéminents, presque antérieurs. Charnière composée,
sur la valve droite, de deux dents cardinales obliques,
divergentes, la postérieure allongée et bifide ; sur la valve
gauche de trois dents cardinales, dont la centrale est bifide.
Impression palléale submarginale. Type : Elizia orbiculata
Wood. Les Elizies habitent l'océan Pacifique; ils vivent
sur les côtes des îles Philippines, de Bornéo, etc. J. Mab.
ELIZONDO (Traité d') , conclu entre la France et
l'Espagne le 27 août 1785 pour fixer les limites des deux
pays entre la vallée de Baïgorres (Basses-Pyrénées) et celle
du Baztan et régler les droits de compascuité dans les pâtu-
rages des Aldudes. Ce traité a été remplacé par celui du
2 déc. 1856. — Elizondo est un bourg à 45 kil. de Pam-
pelune.
ELIZONDO (Pablo-Miguelde), jésuite et écrivain espa-
gnol du xvui^ siècle. Il est connu par un ouvrage important,
Compendio de los cinco tomos de los Anales de Na-
varra (Pampelune, 1732, in-4). C'est un abrégé com-
mode des histoires de Navarre par les PP. Joseph Moret
(des origines à la mort de Philippe III de Navarre) et Fran-
cisco Aleson (jusqu'en 1527).
ELK MouNTAiNS. Groupe de montagnes 'volcaniques des
Etats-Unis, dans la partie occidentale de l'Etat de Co-
lorado, se rattachant par les monts Harvard et Lincoln
à la chaîne des Parcs, qui constitue le massif central du
Colorado. Le groupe des Elk Mountains est limité au N.
par le rio Grande, une des deux branches qui forment
le rio Colorado, et au S. par la rivière Gunnison, affluent
du rio Grande. Quelques-uns des sommets du groupe
sont très élevés. Les pics Castle et Maroon dépassent
4,000 m. Aug. M.
EL KAB (Archéol. égypt.). Capitale du nome Latopo-
litès ; elle a été identifiée avec la ville grecque d'Eilithya.
Le nom d'El Kab (en égyptien Nekheb) « a été mêlé, dit
M. Maspéro, aux faits les plus importants de l'histoire
d'Egypte. Sous la XVII® dynastie, au temps où les Pas-
teurs occupaient le Delta, les princes indépendants du Sud
avaient fait 4e cette ville un de leurs boulevards et quel-
quefois leur capitale. Le gouvernement en était confié à
un prince de la famille royale qui prenait le titre de royal
fils de Nekheb. » A El Kab, où un joli petit temple fut
construit par Amenophis III et où un petit hémispéos
ptolémaïque a été dédié à Isis, débouche la gorge qui
facilitait les descentes des Herouchas (les Bicharis actuels)
que les inscriptions du temps nous montrent ravageant
si souvent le territoire égyptien. Aussi une forteresse
dont on voit encore les remparts avait été élevée à El Kab.
Elle est en briques crues et remonte probablement à l'An-
cien Empire. Dans cette localité se trouvent divers tom-
beaux dont les textes et les représentations ont fourni à
la science de précieuses indications sur l'histoire et l'agri-
culture de l'Egypte. Paul Pierret.
ELKAN (David-Lévy), peintre dessinateur, né à Cologne
en 1808, mort en 1866.Elkan, artiste de beaucoup d'ima-
gination, est connu par d'excellentes copies et par des com-
positions dans le style du moyen âge. Il avait étudié à Dus-
seldorf et, en 1850, fondé une imprimerie lithographique
à Cologne. On cite de lui : le Christ, Marie et tes douze
Apôtres (lithographie en couleurs) ; ses compositions pour
les Dombauliede, pour la Chanson du Rhin, ses minia-
tures, ses aquarelles, etc.
EL-KANTARA. Ce mot, qui signifie le pont et désigné
ordinairement des localités remarquables par des ponts
romains, est assez fréquent dans la toponymie de l'Afrique
du Nord et de l'Espagne (dans ce dernier pays sous la forme
Alcantara), Il est appliqué spécialement à un pont situé à
171 kil. au S. deConstantine, où la route de cette ville à Biskra
traverse par un défilé étroit la chaîne des monts qui sépare
les Hauts-Plateaux d'avec le Sahara. Dans la gorge, taillée
à pic au travers des monts escarpés et nus, coule un torrent
sur lequel les Bomains avaient jeté un pont qui subsiste
encore, réparé à plusieurs reprises, et qui a valu son nom
à la gorge et à l'oued qui y coule. C'est en ce point que se
fait brusquement le passage vers le Sahara, et les indigènes
l'appellent quelquefois Foum-es-sahra, la bouche du Sahara.
Au N. de la gorge, le pays est âpre, montueux, parsemé
d'arbres et d'arbustes des pays septentrionaux ; le climat
est froid et les vents violents, et il n'y a en fait d'habita-
tions que quelques maisons européennes dont une auberge
et l'ancienne douane ; mais, quand on a franchi le défilé,
on aperçoit devant soi une vaste plaine aux tons fauves,
entourée de montagnes nues et où se promènent des tribus
nomades ; près de l'issue même du défilé, trois villages
arabes aux maisons bâties en briques séchées au soleil, ou
tôbes, avec 60,000 palmiers-dattiers qui élèvent leurs
cimes élégantes au-dessus des pierres du torrent ou dans
le voisinage immédiat. Ce point a été occupé par les
Bomains, comme le prouvent des ruines assez importantes,
et a aujourd'hui près de 3,000 hab. E. Cat.
EL-KANTOUR. Village d'Algérie, dép. de Constantine,
arr. de Philippeville, stat. du ch. de fer de Philippeville à
Constantine, au plus haut point que cette voie atteigne
(206 m.), et près d'un grand tunnel qui perce un mont de
896 m. de hauteur. Il n'y a, outre la gare et l'école, que
quelques maisons éparses dans les champs. Avec ses an-
nexes : Col-des-Oliviers, Armée-Française et Sainte-
Wilhelmme, El-Kantour forme une com. de plein exer-
cice de 3,308 hab., dont 250 Européens. E. Cat.
EL-KEF. Mot qui, en arabe, signifie le rocher et se
trouve fréquemment dans la toponymie africaine. Il désigne
spécialement une importante ville de Tunisie, dans la vallée
de l'oued Mellègue, affluent de la Medjerda ; 4,000 hab.
environ. Bâtie dans une région montagneuse, à une ait.
moyenne de 800 m., elle est un point stratégique impor-
tant, au nœud des routes entre le bassin de la Medjerda
et le S. de la Tunisie. Occupée dès la plus haute antiquité
par les Phéniciens, elle avait un grand temple consacré à
Vénus, d'où son nom de Sicca F^^/zma à l'époque romaine,
corrompu par les indigènes en celui de Chikka-Benaria^
que l'on emploie encore quelquefois pour désigner la ville.
Elle est entourée d'une vaste enceinte et possède une
847 —
ËL-KEF — ELLÉBORE
kasba ; les rues sont étroites et tortueuses. Aux environs,
belles forêts et sources abondantes. Au début de l'occupa-
tion française, on établit une très forte garnison au Kef ;
aujourd'hui c'est le siège d'un contrôle civil, et le nombre
des Français, commerçants, fonctionnaires, propriétaires
de vignobles, s'élève assez rapidement. E. Cat.
ELKEID (Astron.). Nom de l'étoile de seconde gran-
deur T) Grande Ourse, située à l'extrémité de la queue, ou
la dernière des sept principales.
ELKÉSAITES.Nomportépar des gnostiques judéo-chré-
tiens dont l'origine est controversée. Les renseignements
patristiques nomment comme fondateur de cette secte un
certain Elkésai ('HXçaf, 'HXyaaaf et 'EXxcaai). Ce nom
pourrait bien être l'ethnique d'Elkési, un bourg au delà du
Jourdain ; cela paraît plus probable que d'y chercher une
étymologie symbolique comme Khêl kesay « force cachée »
ou El kesay « dieu caché », et de faire de ce nom, par
hypothèse, le titre du livre des Elkésaïtes. Elkésaï doit
avoir vécu sous Trajan, aux premières années du ii® siècle ;
il prétendait avoir reçu du ciel un livre annonçant surtout
un nouveau pardon des péchés. Ce que l'on sait de plus clair
sur son compte provient du récit des Philosophoumena,
IX, 4, 13-17 ; X, 29 (V. Hippolyte [Saint]), suivant lequel
un missionnaire elkésaïte, appelé Alcibiade d'Apamée, vint
à Rome entre 220 et 230. Il recommandait l'observation
du sabbat et la circoncision ; il rejetait les écrits de l'apôtre
Paul et les parties de l'Ancien Testament qui commandent
des sacrifices sanglants ; il prêchait la foi en un Dieu suprême,
au Fils de Dieu, le « grand roi », et au Saint-Esprit,
ce dernier représenté comme une femme, conformément au
genre grammatical de roiikh, « esprit », dans les langues
hébraïque et syriaque. Le Christ, qu'il faut sans doute
identifier avec le Fils de Dieu, s'est incorporé depuis Adam
un grand nombre de fois. Les rites consistaient en ablu-
tions fréquentes, accompagnées de prières Uturgiques dans
lesquelles les « sept témoins », à savoir le ciel, l'eau, les
esprits saints, les anges de la prière, l'huile, le sel et la
terre, tiennent une grande place. A cela se joignaient des
procédés magiques, de l'astrologie et de la géomancie. En
somme, l'elkésaïsme pourrait bien avoir été un essai de gal-
vaniser rébionisme(Y.EBiONiTEs) par l'addition d'éléments
orientaux ; il paraît avoir été assez répandu dans la contrée
à l'E. du Jourdain et de la mer Morte. F. -H. K.
BiBL. : E. Renan, les Evangiles^ Paris, 1877,pp. 454 et suiv.
— A. îiiiaGEisiFBi.ï), Ketzergeschichte des Urchrislenthums ;
Leipzig, 1884, pp. 433 et suiv. — A. Harnack, Lehrbuchder
Dogmengesckichte ; Fribourg-en-Brisg., 1888, 1. 1, pp. 260
et suiv.'
EL-KESSERA. Village de Tunisie, à l'O.-S. de Makter,
remarquable par sa situation au milieu d'une hamada,
ou plate-forme pierreuse, de 25 kil. carrés, entourée de
tous côtés par des falaises abruptes ; le village est au bord
d'un escarpement, près de torrents abondants lors de la
fonte des neiges.
ELKHART. Ville des Etats-Unis, Etat d'Indiana, près
de la frontière du Michigan, sur la rivière Saint- Joseph,
non loin de la ville de South Bend; 6,953 hab. AteUers
pour construction de locomotives.
ELKO. Ville des Etats-Unis, Etat de Nevada, stat. du
chem. de fer Central Pacific, siège de l'université de l'Etat.
Un minier d'habitants.
EL-KROUBS ou LE KROUBS (mot qui semble une
corruption de Khouroub^ les ruines). Ville d'Algérie, dép.
et arr. de Constantine, à 16 kil. au S. du chef-lieu, dans
une région bien arrosée et fertile en mûriers, céréales,
vignes, prairies et jardins potagers. Le village, créé en 1859
auprès de ruines romaines assez curieuses, a pris rapide-
ment de l'importance ; sa position au point de jonction des
voies ferrées de Constantine, Alger, Bône et Biskra lui
assure un avenir prospère; son marché de bestiaux, le
vendredi de chaque semaine, est le plus important de la
province. Le Kroubs forme avec son annexe El- Aria une
com. de plein exercice de 6,482 hab. dont 600 Euro-
péens. E. Cat.
EL-KSAR-EL-KEBIR (V. Ksar-el-Kebir).
EL-KSAR-SERIR (V. Ksar-Serir).
EL-KSEUR ou BITCHE. Village d'Algérie, dép. dé
Constantine, arr. de Bougie, à 26 kil. au S. de Bougie ;
stat. du chemin de fer de cette ville à Beni-Mansour.
Créé en 1878 , dans une région fertile près de roued
Sahel, ce centre fut d'abord appelé officiellement Bitche,
mais la dénomination indigène El-Kseur â prévalu. Les
terres du pays alentour du village donnent du blé, de
l'orge, de l'avoine, des fèves, des pois chiches, du sorgho
et depuis quelques années du vin estimé ; le village actuelle-
ment manque d'eau d'alimentation, mais la remise en état
d'un aqueduc romain lui en fournira prochainement.
El-Kseur, avec son annexe îlmaten, a 1,038 hab. dont
438 Européens ; il est le chef-heu d'une commune de pleiii
exercice et le siège d'une justice de paix. — A 2 kil. à l'E.,
en une localité appelée Tiklât, sont les importantes ruineâ
d'une ville romaine, Tubusuptu, E. Cat.
ELLAGIQUE (Acide) (V. Bézoardiqué tAcide]).
ELLAIRIA. Village du Soudan égyptien, à 70 kil. envi-
ron S.-E. de Lado. Fabrication de houes en fer, dont le
commerce est très actif dans ces régions.
ELLASAR est le nom d'une ville de la Mésopotamie, nom
qui ne se rencontre qu'une fois dans l'antiquité : le qua-
torzième chapitre de la Genèse mentionne cette cité comme
ca[)itale du roi Arioch, l'un des quatre rois, qui sous la
conduite de Kedorlàomer, roid'Elam, envahirent la Palestine
à l'époque d'Abraham. Arioch est nommé avec Amraphel,
roi de Sennaar, et Tidâl ou Torgal, roi des Nations. La
situation d'Ellasar est incertaine. Quelques savants croyaient
devoir l'identifier avec la ville de Larsa, nommée aujour-
d'hui Senkereh et représentant le nom de Larissa de
Xénophon. Il se peut que cette assimilation soit justifiée
par la raison même que la ville de Senkereh est dans la
Mésopotamie méridionale, tandis que Larissa, traversée par
les Dix Mille de Xénophon, doit sûrement être cherchée dans
les contrées plus rapprochées de Ninive. On a aussi iden-
tifié le nom de la Genèse avec Larancha cité dans Bérose,
mais cette locaUté se trouve représentée par le nom de
Larak des textes cunéiformes. La vraie identification
semble être celle avec la ville de Alya-Assur, citée dais
les textes ninivites et sûrement située sur l'emplacement
des ruines actuelles de Kala-Schergat, sur le Tigre. Cette
cité, très importante depuis le xv^ au xii^ siècle av.
J.-C, fut le siège de la puissance assyrienne naissante; on
y a retrouvé des briques d'anciens princes assyriens, sur-
tout le grand prisme octogonal du roi Téglathphalasar P^, et
daté vers 1120 avant l'ère chrétienne. Cette assimilation
de Alya-Assur à Ellassar est d'autant plus probable que
le roi Arioch semble représenter, dans la confédération
mentionnée par la Genèse, le nord de la Mésopotamie, tandis
que la Chaldée y figure dans la personne du roi de Sennaar^
Amraphel. Dans ce cas, le nom de Larissa pourrait bien
n'être qu'une forme grécisée de celui d'Ellasar, et produit
par l'assonance avec l'antique ville thessalienne qui, encore
aujourd'hui, porte ce nom. J. 0.
ELLE. Bivière de France (V. Dordogne).
ELLE. Bivière de France (V. Finistère et Morbihan).
ELLE (Louis-Ferdinand), dit Ferdinand, i^emtre fran-
çais, né à Paris en 1648, mort à Bennes le 5 sept. 1717*
Fils de Louis-Ferdinand Elle, peintre et graveur, petit-fils
de Ferdinand Elle, portraitiste de talent, il entra à FAca-
demie de peinture en 1681 . Ses deux tableaux de réceptioil
furent un portrait de Samuel Bernard, miniaturiste, père
du célèbre banquier^ et un portrait de Regnaudin, adjoint
au recteur de l'Université. On trouve le premier au musée
du Louvre, le second à l'Ecole des beaux-arts. Protestant^
il fut exclu de l'Académie l'année même de sa réception ;
il y rentra après avoir abjuré, en 1686. Louis-Ferdinand
Elle se distingua par la sévérité du dessin et par une
remarquable vigueur de touche.
ELLÉBORE (Bot.) (V. Hellébore).
ELLÉBORINE — ELLENRIEDER
- 848 -
ELLÉBORINE (Chini.). Substance azotée qui a été re-
tirée par Bastick de la racine de l'Ellébore noir (Helleborus
niger, Renonculacées). Elle est en cristaux incolores, d'une
saveur acre et amère, soluble dans l'eau et dans l'alcool,
très soluble dans l'éther. Elle n'a aucune action sur les
réactifs colorés. Sa solution aqueuse n'est précipitée ni par
le sublimé et l'acétate de plomb, ni par l'iodure de potassium;
chauffée avec de la potasse, elle dégage de l'ammoniaque.
ELLECOURT. Com. du dép. de la Seine-Inférieure,
arr. de Neufchâtel-en-Bray, cant. d'Aumale; 227 hab.
ELLENBOROUGH (Edward Law, baron), jurisconsulte
anglais, né à Great Salkeld (Cumberland) le 16 nov. 1750,
mort le 13 déc. 1818. Après de fortes études à Cam-
bridge, il fut inscrit comme avocat (1780) au barreau de
Londres, où il réussit d'une manière remarquable. Il con-
duisit en 1787 la défense de Warren Hastings devant la
Chambre des lords. Du parti de Pitt, il fut nommé attorney
sénéral, lors de la formation du ministère Addington en
1801, et, en 1802, il succéda à lord Kenyon comme chief
justice du Banc du roi, sous le nom de lord Ellenborough
"(Cumberland), pays natal de sa mère. Il était dur pour les
accusés et les avocats, plus partial qu'il n'aurait convenu dans
les procès politiques, mais sa science juridique, notamment
en droit commercial, a longtemps assuré beaucoup d'auto-
rité à ses décisions.
ELLENBOROUGH (Edward Law, comte d ), fils aîné
du précédent, né en 1790, mort le 22 déc. 1871. Ami du
duc de Wellington, il fut fait de bonne heure lord priuy
seaU puis président du Board of Trade (1828). Sir Robert
Peel le fit gouverneur général de l'Inde ; il occupa cette
charge du 28 févr. 1842 au 15 juin 1844, date à laquelle
il fut rappelé. Sa correspondance avec la reine et avec le
duc de Wellington, pendant le temps de son administra-
tion dans l'Inde, a été publiée {History of the Indian
administration; Londres, 1874, in-8) et permet de
se faire une opinion raisonnée sur ladite administration,
qui fut vivement critiquée. Il dirigea médiocrement la
campagne contre l'Afghanistan, après l'échec du général
England. Il se laissa entraîner à une guerre de conquête
contre les émirs indépendants de l'Indus et contre les
Mahrattes (bataille de Maharadjapore). Il quitta l'Inde
l'idole de l'armée, et, depuis son retour en Angleterre
jusqu'à la fin de sa vie, il joua un très grand rôle, cogime
orateur, dans la Chambre des lords. Il prononça de grands
discours sur la question de l'Inde et esquissa, en 1852, le
plan d'une réorganisation du gouvernement de l'empire
colonial asiatique de l'Angleterre qui devait être réalisée
par lord Stanley en 1858. Ch.-V. L.
ELLENHARD (Elnhardus magnus). Procureur de
l'œuvre de Notre-Dame de Strasbourg (procurator fa-
bricœ), mort le 13 mai 1304, fréquemment mentionné
dans les documents relatifs à la construction de la cathé-
drale, mais surtout connu par un recueil de sources his-
toriques portant son nom et renfermant de précieux docu-
ments sur la fin du xiii« siècle et notamment sur l'histoire
de Rodolphe de Habsbourg. Ce manuscrit, en latin, de la
main de différents écrivams, fut rédigé dans les années
1290 à 1299 et renferme cinq pièces : 1« une série chro-
nologique de notices historiques, très brèves, sur les évé-
nements survenus à Strasbourg, en Alsace et en Allemagne
de 1132 à 1297; ces notices, intitulées par Jaffé Ellen-
hardi Annales, sont en grande partie tirées d"annales plus
anciennes ; seule, la dernière partie comprenant la période
de 1292 à 1297 paraît être l'œuvre d'Ellenhard; 2° une
relation, connue sous le nom de Belliim Waltherianum,
sur la lutte de l'évêque Walther de Geroldseck avec la ville
de Strasbourg (1260-1262) et sur la bataille de Haus-
bergen du 8 mars 1262, dont la conséquence fut l'affran-
chissement de Strasbourg de la domination épiscopale et
l'affermissement de ses libertés municipales; ce récit que
Grandidier, Boehmer et Strobel, sans raison plausible,
attribuent à Godefroi d'Ensmingen, est l'œuvre d'un auteur
anonyme et fut écrit d'après le témoignage d'Ellenhai^d
qui, à la tête d'une partie de la milice strasbourgeoise, avait
pris part à la bataille de Hausbergen ; 3° un récit des mi-
racles, attribués à l'image de la Vierge, qui se sont passés
dans la cathédrale de Strasbourg en 1280; cette notice,
faite à la prière d'Ellenhard, fut rédigée par Godefroi
d'Ensmingen, notaire de la curie de Strasbourg; ¥ le ca-
talogue des évêques de Strasbourg, dressé d'après le
catalogue en vers d'Erchambaud et les Annales Argenti-
nenses et contenant quelques notices d'un intérêt histo-
rique surtout à propos des derniers évêques ; 5^ la Chro-
nique d'Ellenhard proprement dite qui se compose de
trois parties : la première, d'un auteur inconnu, donne la
nomenclature des empereurs romains depuis Auguste, puis
celle des rois francs et des rois et empereurs allemands
jusqu'à Frédéric II et se termine par une histoire abrégée de
l'empire, de l'Alsace et de l'évêché de Strasbourg depuis
Frédéric II jusqu'en 1256; la seconde, la plus importante,
due à la plume de Godefroi d'Ensmingen, partisan des
Habsbourg, est un des documents les plus curieux sur la
fin du xiii^ siècle et s'étend de 1256 à 1290; la troisième
partie, écrite par un auteur anonyme, inspiré par EUenhard,
raconte les Gestes d'Albert, fils de Rodolphe, et continue
la chronique jusqu'en 1299.
Le seul manuscrit qui nous soit resté de cette importante
collection de sources historiques est un manuscrit en par-
chemin et paraît avoir appartenu à EUenhard. On l'appelle
le codex d'Ellenhard, bien que celui-ci n'en soit pas l'au-
teur ; mais c'est lui qui a recruté les écrivains, leur a
indiqué les faits à recueillir et les a secondés de ses sou-
venirs. Ce manuscrit, après avoir successivement servi de
source à Closener, qui en traduisit une partie en allemand,
à Kœnigshoven et à plusieurs autres historiographes alsa-
tiques, se perdit, tomba complètement dans l'oubli et ne
fut retrouvé que quelques siècles plus tard dans la biblio-
thèque des comtes de Kolowrat à Brzcsie, en Lithuanie,
par Martin Pelzel, qui ^n publia les principales parties sous
le titre de Magni Elnhardi Chronicon (Prague, 1777).
Boehmer en donna une nouvelle édition, d'après Pelzel,
dans ses Fontes rerum Germanicarum (III, pp. 111-
147). Quelques années plus tard, Grandidier retrouva le
manuscrit au monastère de Saint-Biaise, dans la Forêt-
Noire, et en prit une copie que M. Liblin édita en 1868
sous le titre de Chronique de Godefroi d'Ensmingen
(1132-1372) ; Grandidier s'était servi non seulement
de la chronique d'Ellenhard, mais encore des autres
récits contenus dans le recueil et avait rangé tous les
faits dans l'ordre chronologique, de manière à former une
suite continue de 1132 à 1272. Quand, en 1806, les béné-
dictins durent quitter Saint-Biaise, ils emportèrent le ma-
nuscrit au couvent de Saint-Paul, en Carinlhie, où Jaffé l'a
de nouveau coUationné pour le publier dans les Monumenta
Germaniœ S. S, (vol. XVII, pp. 105-141). L. Will.
BiBL. : A.-W. Strobel, Godofredi ah Ensmingen Re-
latio de conflictu in Husbergen ; Strasbourg, 1841 (d'après
un manuscrit de la bibliothèque municipale de Strasbourg,
brûlé en 1870). — Mone, Zeitschr. fur Gesch. des Ober-
rheins, V-VII. —Jaffé, Prœfatio, dans Mon. Germ. S. S.,
XVII, pp. 91-101. — Code hist. et diplomatique de la vdle
de Strasbourg; Strasbourg, 1843, I, pp. 1-6; II, pp. 39-60;
221-238. — Ed. Tempeltey, De Godofredo ab Ensmingen;
Leipzig, 1861. — Hegel, Die Chroniken der oberrheini-
schen Stadte : Strassburg; Leipzig, 1870,1, préface, pp. 53-
57. — A. Benoit, Recherches sur le lieu de naissance du
chroniqueur Godefroi d'Ensmingen, dans Rev.d'Als. ,1810.
— W. WiEGAND,Be^/um Waltherianum; Strasbourg, 18^8.
— Pfister, Annales de VEst, 1888, II, pp. 190-191.
ELLENRIEDER (Maria), artiste peintre allemande, née
à Constance le 20 mars 1791, morte à Constance le 5 juin
1863. Elle commença à étudier la peinture à Constance et
la continua à Munich, où elle étudia surtout les vieux
maîtres allemands. Elle y réussit remarquablement en pei-
gnant une Sainte en prière, tableau qui commença sa
renommée. A Rome, où elle vint en 1820, elle acquit une
grande correction de dessin en étudiant les chefs-d'œuvre
classiques. Fixée à Karlsruhe, elle peignit un Saint Etienne
pour une église de cette ville. Parmi ses tableaux, il faut
— 849 -
ELLENRIEDER - ELLI
citer : rEnfant surpris par un orage et priant age-
nouillé^ Joseph et f Enfant Jésus ^ Marie et V Enfant
Jésus ^ Sainte Cécile^ la Foi, P Amour et la Charité. En
peinture, elle sut rester indépendante ; elle fut religieuse jus-
qu'au mysticisme ; pleine de noblesse et de candeur, d'une
naïveté enfantine, elle excellait à rendre le charme délicat
de l'enfance et de la femme, à tel point que l'on disait qu'elle
travaillait avec les anges. D'une très grande beauté, Marie
Ellenrieder devint complètement sourde à la fin de sa vie.
ELLER (Ludwig), violoniste, né à Grœtz (Styrie) en
1819, mort à Pau en juil. 1862. Dès l'âge de neuf ans, il
faisait preuve d'un vrai talent d'exécution ; il étudia en-
suite le chant pendant plusieurs années, et inaugura sa
carrière de virtuose sur le violon dans un concert donné à
Vienne, en 1836. Il voyagea beaucoup, visita Paris en
1844, y fut très apprécié, alla en Italie, puis séjourna à
Toulouse, et enfin se fixa à Pau, dont le climat convenait
à sa mauvaise santé. Il n'en donna pas moins des concerts
à Madrid et à Lisbonne, avec Gotts<îhalk, et à Paris en 1850,
dans les séances de quatuor où figuraient Franchomme,
Sauzay et Seghers. Ses tournées l'amenèrent encore à
Londres, en Allemagne et à Paris (18eD5), où son succès
fut très grand. De retour à Pau, il y fonda des concerts
classiques très remarquables et continua d'y faire applau-
dir les rares qualités de son jeu. Il a composé un assez
grand nombre de morceaux pour son instrument, entre
autres une Corrente, une Valse diabolique, une Rhap-
sodie hongroise, un Menuet sentimental, des Ca-
pricci, etc. A. Ernst.
ELLERO (Pietro), publiciste italien, né à Pordenone le
8 oct. 1833. Ancien professeur de droit à l'université de
Bologne, ancien député, il est aujourd'hui conseiller à la
cour de cassation à Rome. Il avait fondé, à Padoue, étant
encore tout jeune, un journal singulier qui avait pour titre :
Giornale per Vabolizione délia pena di morte ; plus
sérieuse fut sa création de VArchivio giuridico, recueil qui
se continue depuis 1868. On lui doit les ouvrages suivants :
Délia Pena capitale (1858) ; Opuscoli criminali (1874);
Scritti minori (1875) ; Scrittipolitici (1876) ; la Tiran-
nide borghese (1878) ; la Rifor ma civile (i SI ^), etc.
BiRL. : Giuseppe Brini, Le Opère sociali di Pietro
Ellero ; Bologne, 1887.
ELLERTON (John-Lodge), compositeur anglais, né dans
le comté de Chester le 11 janv. 1807, d'une famille d'ori-
gine irlandaise, mort à Londres le 3 janv. 1873. Il com-
mença de composer à sept ans, mais son père étant opposé
à sa vocation musicale, il dut apprendre seul son art. De-
venu maître es sciences à Oxford, il put se rendre à Rome,
où il travailla le contrepoint avec un maître. On lui doit
les opéras suivants : Issifile, Bérénice in Armenia,
Annibalein Capua, Andromacca, Il Sacri/izio d'Epito,
Il Carnavale di Vene.ùa, Carlo Rosa, Lucirida, Il Ma-
rito avista, Domenica, The Bridai of Greermain ; un
oratorio, Paradise lost; des symphonies, ouvertures, mo-
tets, antiennes, sonates, trios, quintettes, soixante et un
glees à quatre, cinq et six voix, quatre-vingt-trois duos
pour voix diverses, et quarante-quatre quatuors pour
cordes. A. Ernst.
ELLESMERE (Francis Leveson-Gower, premier comte
d'), homme politique et littérateur anglais, né à Londres
le l^^'janv. 1800, mort à Londres le 18 févr. 1857. Second
fils de Georges Leveson-Gower-Granville, premier duc de
Sutberland. A sa majorité, il entra au Parlement comme
député de Bletchingly (Surrey). Il représenta ensuite le
Sutherlandshire et le Lancashire. Après la mort de son
père (1833), il hérita du majorât de son grand-oncle Francis
Egerton (V. ce nom), dernier duc de Bridge water, dont
il prit alors le nom. Le 29 juin 1846, il fut élevé à la
pairie avec les titres de vicomte Brackley et de comte
d'Ellesmere, titres déjà possédés, par la famille Egerton.
Comme homme politique, il se montra conservateur libéral
et appartint à l'école de Canning. Il occupa plusieurs postes
importants : en 1827, il fut secrétaire d'Etat aux finances;
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
de 1828 à 1830, secrétaire d'Etat de l'Irlande, et, en 1830,
secrétaire à la guerre. — Il publia une traduction en vers
du Faust, de Gœthe (1823), avec des extraits des lyriques
allemands; une traduction dllernani (1831); une adapta-
tion de Henri III d'Alexandre Dumas, sous le titre de
Anne de Clèves (1832); la pièce fut jouée avec grand suc-
cès à Covent Garden et interprétée par le fameux acteur
Charles Kemble et sa fille Fanny. Ces traductions furent
suivies d'un livre de Poèmes (1839) et de récits de voyage,
Mediterranean Sketches(\S¥d). Ce séjour au bord de^la
Méditerranée inspira au poète le The Pilgrimage (1856),
dont le style et même le sujet rappellent Vltalie de Rogers.
Les vers en sont gracieux et faciles. Citons encore son
Guide to Northern Archaeology (1848). Lord Ellesmere
collabora assez activement à la Quarterly Review. Ses ar-
ticles furent réunis après sa mort. — Lord Ellesmere, qui
se montra pour les artistes un Mécène généreux et intel-
ligent, est également très connu par la belle collection de
tableaux dont il avait hérité et qu'il accrut considérable-
ment. Cette galerie est installée à Bridgewater House,
qu'il fit construire par Barry. Entre autres chefs-d'œuvre,
elle renferme les Sept Sacrements de Nicolas Poussin.
Casimir Stryienski.
BiBL. : Gentleman's Magazine, mars 1857. Times, 19 févr.
et 27 févr. 1857. — J. Evans, Lancashire Authors, 1850. —
Saint-Vincent Beechy's sermons on the Death of the Earl
of Etlesmere, 1857.— Sur la galerie de Bridgewater House
V. A. TONNELÈ.
ELLEVIOU (Pierre-Jean-Baptiste-François), chanteur
scénique français, né à Rennes le 2 nov. 1769, mort à
Paris le 5 mai 1842. Fils du chirurgien en chef de l'hô-
pital militaire de Rennes, il débuta à la Comédie-Italienne,
le 19 avr. 1790, dans le Déserteur, fut engagé comme pen-
sionnaire et devint sociétaire au bout de d'eux années. Ses
premiers temps restèrent pourtant quelque peu obscurs ; mais
bientôt il se distingua, et sa jolie voix, conduite avec le goût
le plus parfait, son jeu scénique plein de grâce et d'élégance,
la distinction de sa personne et ses avantages physiques
devaient faire de lui le type de ténor le plus parfait qu'on
eût jamais vu dans le genre de l'opéra-comique. Sa vogue
fut immense durant une vingtaine d'années. Les créations
d'Elleviou furent donc nombreuses, et leur chiffre s'élève
à beaucoup plus de soixante. Nous ne saurions les rappeler
toutes; mais nous citerons pourtant quelques-uns;des plus
importants parmi les ouvrages dans lesquels Elleviou rem-
plissait l'un des principaux rôles : Gulnare ou VEsclave
persane, Adolphe et Clara, Maison à vendre, Picaros et
Diego, Camille ou le Souterrain, de Dalayrac ; le Pri-
sonnier, V Opéra-Comique, l'Oncle valet, la Fausse
Duègne, de Délia Maria ; le Calife de Bagdad, Beniowski,
Zoraïne et Zulnar, Jean de Paris, de Boïeldieu ; Une Fo-
lie, rirato, Bion, Gabrielle d'Estrées, Joseph, de Méhul ;
les Maris garçons, le Concert interrompu, le Charme
de la voix, de Berton ; les Confidences, Un Jour à Paris,
le Médecin turc, Michel-Ange, de Nicolo ; l'Auberge de
Bagnères, les Aubergistes de qualité, de Catel, etc., etc.
Malgré les triomphes qu'il ne cessait de remporter, malgré
l'adoration que lui témoignait le public, c'est dans la force
de l'âge et dans tout l'éclat de son merveilleux talent
qu'Elleviou prit la résolution de se retirer. Le 1 0 mars 1 813,
il donnait sa représentation de retraite, et il allait aussitôt
habiter un superbe domaine qu'il avait acquis dans la com. de
Ternand, dép. du Rhône. Là il se livra à l'agriculture et
devint par la suite presque un homme politique, maire de sa
commune, membre du conseil général du Rhône. Au cours
d'un voyage à Paris, il fut frappé d'apoplexie et mourut subi-
tement dans les bureaux du Charivari, Arthur Pougin.
ELLEZELLES. Com. de Belgique, prov. de Hainaut,arr.
d'Ath; 5,500 hab. Stat. du ch. de fer d'Alost à Renaix.
Centre d'un commerce agricole très important.
ELLI (Myth. scand.). Nourrice du géant Skrymis(Utgard-
loki) qui soutint sans désavantage la lutte contre Tlior et
lui fit plier les genoux. Elle personnifie la vieillesse qui
courbe les plus puissants.
ELLIANT - ELLIOT
— 850 —
ELLlÂNT. Corn, du dép. du Finistère, arr. de Quimper,
cant. de Ilosporc^e!:, sur le Jet; 3,815 îiab. Camp retran-
ché; deux tombelles.
EL LICE (Iles). Archipel de la Polynésie, au N. des îles
Fidji : l'île centrale, qui donne son nom au groupe, est
située par 8<> 30' lat. S. et 176« 53' long. E. Ces îles sont
coralliaires avec la structure des atolls. L'ensemble n'a
pas plus de 37 kil. q., habités par 2,500 indigènes chré-
tiens. Les neuf principales sont : Nanomea ou Saint-
Augustin, Hudson ou Nanomaga, Lynx ou Speiden, Nui
Eg ou Niederland, Vaitoupou ou Tracy, Noukoufetaou ou
De Peyster, Founafouti ou EUice, Noukoulaïlaï ou Mitchell,
Sophia ou Indépendance. Elles ont été découvertes par l'Amé-
ricain Peyster en 1819, explorées par Wilkes en 1840 et
sont exploitées par une compagnie allemande.
BiBL. : Whitmeb, A Missionary Cruise in South Pacific ;
Sydney, 1870 (trad. dans Arin. Hydrogr., 1871).
EL LICE (Edward), homme politique anglais, né en 1781,
mort à Ardochy le 17 sept. 1863. Fils d'un grand banquier,
il entra, après de fortes études classiques, dans la maison
de son père à Londres, voyagea pour affaires au Canada et
aux Etats-Unis, prit une part prépondérante à la fusion
des compagnies du iV.-O., de VHudson's Bay et de l'A'. Y.
En 1818, il fut élu membre de la Chambre des communes
par Coventry, et réélu en 1820, en 1830 et en 1831.
Membre du parti radical, il fut nommé en nov. 1830 secré-
taire de la trésorerie, démissionna en 1832 et devint la
même année secrétaire d'Etat à la guerre, poste qu'il
occupa jusqu'en déc. 1834. Jouissant d'une influence poli-
tique considérable, il demeura, sans vouloir accepter de
nouvelles fonctions, le conseiller écouté des cabinets Hbé-
raux et contribua à la formation de plusieurs ministères,
notamment celui de lord Melbourne. Très hé avec les prin-
cipaux hommes politiques français, Thiers, Guizot, Méri-
mée entre autres, il séjourna souvent à Paris où il fréquen-
tait le salon de M^^ de Lieven. « Il était, écrit Mérimée,
l'un des plus parfaits modèles du gentleman de la vieille
roche. » Brougham, on ne sait pourquoi, l'avait surnommé
VOurs, et il était universellement connu sous ce sobriquet.
E LLI C E (Edward), homme politique anglais, né à Londres
le 19 août 1810, mort près de Portland le 2 août 1880,
fds du précédent. Il fit ses études à Eton et à Cambridge,
entra dans la diplomatie et accompagna lord Durham, en
qualité de secrétaire particuher, en Russie (1832) et au
Canada (1838). Après un échec à Inverness aux élections
de 1834, où il se présentait comme tory, il fut élu à la
Chambre des communes par Huddersfield en 1836, puis par
Saint-Andrews qu'il représenta pendant quarante-deux ans.
Il fut au Parlement un défenseur convaincu du libre-échange.
En 18iS9, il refusa la pairie que lui offrait M. Gladstone.
Il joua en poKtique un rôle beaucoup plus effacé que son
père. Il a écrit The State of the Highlands in i864
(Londres, 1855). R. S.
ELLICOTT (John), savant anglais, né vers 1706, mort
à Londres en 1772. Il était membre de la Société royale
de Londres et horloger du roi. Ses montres ont longtemps
été très recherchées en Angleterre. Il a inventé un pyro-
mètre (1736), un pendule compensateur (1752), a per-
fectionné plusieurs autres instruments de précision et a fait
divers calculs et observations astronomiques relatifs aux
inégalités du mouvement de la lune et au passage de
Vénus de 1761. lia publié dans les Philosophical Trans-
actions de la Société royale quelques mémoires intéres-
sants : On the Influence of two Pendulum Clocks
upon each other (il 39); Spécifie Gravity ofDiamonds
(1745) ; Essays towards discovering the laws of elec-
tricif (1747-48) ; Heights of the ascent of rockets
(1750), etc. L. S.
ELLiCOTT (Andrew), ingénieur et astronome améri-
cain, né à Bucks (Pennsvlvanie) le 24 janv. 1754, mort à
West-Point (Etat de New-York) le 28 août 1820. Il était
fds du fondateur de la vihe à'Ellicott City, dansleMary-
land. Il reçut en 1792 le titre d'arpenteur général dès
Etats-Unis, fut secrétaire d'Etat de 1801 à 1808 et, à par-
tir de 1812, professeur de mathématiques à l'académie
militaire de AVest-Point. Il a participé à de nombreuses
déhmitations de frontières, a levé les plans de quelques
régions encore mal connues de l'Amérique du Nord , a donné
ceux de plusieurs villes et a mesuré le Niagara, ses chutes
et ses rapides. Il s'est en outre livré à d'intéressantes
observations astronomiques. Ces divers travaux sont rela-
tés dans une dizaine d'ouvrages et de mémoires : Journal
for determining the boundaries of the United States
(Philadelphie, 1803, in-4, avec cartes) ; Observations on
a phenomen on termed looming (dans les Transactions
ofthe American Philosophical Society , 1793); On the
Aberration ofthe stars, etc. (z/^.,1799); Astronomical
Observations (ib., 1799) ; Astronomical and thermome-
trical Observations (ib., 1802), etc. L. S.
ELLiCOTT (Charles-John), prélat anglais contemporain,
né à Whitwcll, près de Stamford, le 25 avr. 1819.
Après de très fortes études, il entra dans les ordres et
devint en 1863 évêque de Gloucester et Bristol. Il a publié
un grand nombre d'ouvrages parmi lesquels nous citerons :
The History and obligation of the Sabbath (1842) ;
Treatise onanalyticalstatics (1851); Criticalandgrcmi-
matical Commentaries on the epistles to the Galatians
(1 854) et autres ; Adresses on modem scepticism (1 877) ;
Adresses on the being of God (1879); Présent Dangers
to the Church of England (1881) ; Are we to liiodify
fimdamental doctrines ? (1885), etc., etc.
EL LIN G EN. Village de Bavière, prov. de Franconie
moyenne, sur le Rezat souabe ; 1,500 hab. Château des
princes Wrede, à qui cet ancien fief de l'ordre teutonique
fut donné en 1815.
ELLIOT (Adam), voyageur anglais, mort en 1700. Au
cours d'un voyage, il fut fait prisonnier par les Maures en
juin 1670 et vendu comme esclave. Il réussit à revenir en
Angleterre et se fit ordonner prêtre en 1672. Il a laissé une
curieuse relation de ses aventures qui est fort sujette à
caution, Narrative of my travels, captivity and escape
from Salle in the Kingdom ofFez (1682). Il engagea une
polémique extrêmement vive et une série de procès avec
Titus Gates qui l'accusait d'être un jésuite et un renégat
mahométan. Cette polémique a donné heu aux pamphlets
suivants : Apologia pro vita meâ, d'Elliot (1 682) ; A
Modest V indication of Titus Oates the Salamanca
doctor from Perjury (1682) et i Vindication of Dr,
Titus Oates from two scurrilous Libels, de Bartholomew
Lane (1683). R. S.
ELLIOT (Sir Gilbert), né en 1651, mort le 1^^ mai
1718. Il prit une part active à toutes les intrigues contre
Jacques P^', sauva le comte d'Argyll en le tirant de sa pri-
son, voyagea en Hollande, en Allemagne, pour recueillir
des fonds dans le but de préparer un soulèvement en
Ecosse et fut condamné à mort le 16 juil. 1685. Il avait
pu quitter à temps l'Angleterre. En 1687, il obtint sa grâce,
se fit recevoir avocat en 1688 et en 1692 fut nommé
commis au conseil privé. En 1700, il fut créé baronet
avec le titre de lord Minto, et nommé juge de session. Il
entra en 1705 à la cour de justice. Depuis 1073 il repré-
sentait à la Chambre des communes le comté de Roxburgh.
— Son fils, Gilbert, né en 1693 ou 1694, mort à Minto
le 16 avr. 1766, avocat en 1715, représenta le comté de
Roxburgh au Parlement de 1722 à 1726, entra à cette
date à la cour du Banc du roi, devint lord justice en 1733
et justice clerk en 1763. Il acquit une grande réputation
comme magistrat et jouit d'une très grande influence.
C'était un lettré et un excellent musicien. R. S.
ELLIOT, comtes de Minto (V. ce nom).
ELLIOT ((Teorge-Augustus), baron Heathfield (1717-
1790) (V. EuoTT).
ELLIOT (Sir Gilbert), homme politique et poète écos-
sais, né en 1722, mort en 1777. Il se destina d'abord au
barreau, mais il entra bientôt dans la vie publique et re-
présenta tour à tour le comté de Selkirk, puis celui de
. 8ol —
ELLIOT
Roxburg à la Chambre des communes, où il se distingua
comme orateur, et défendit en plusieurs occasions graves
la politique de Georee III. Il remplit, en outre, de hautes
fonctions, comme celles de lord de l'amirauté, de garde du
signet en Ecosse, de trésorier de la marine. A la mort de son
père (1766), il devint baronet de Minto. Ami particulier
de Robertson et de Hume, il jouissait d'une réputation de
poète qui ne s'appuie guère aujourd'hui que sur quelques
pastorales et pièces légères, éparses dans les recueils du
temps. Son Journal manuscrit a servi à Horace Walpole
pour les Memoirs of George IIL B.-H. G.
ELLIOT (William), graveur anglais, né à Hampton Court
en 1727, mort à Londres en 1766. H a fait d'excellentes
gravures d'après Cuyp, Smith of Chichester, Van Goyen,
Rubens, etc.
ELLIOT (Jane ou Jean), femme poète écossaise, née en
1727, morte en 1805. On ne connaît d'elle qu'une ballade
sur la bataille de Flodden, qui parut anonymement en 1 756,
et qui est un chef-d'œuvre. Elle était fille de sir Gilbert
Elliot, second baronet de Minto, et sœur du troisième
baronet de ce nom (V. ci-dessus).
ELLIOT (Hugh), diplomate anglais, né le 6 avr. 1752,
mort le 10 déc. 1830. Il fit ses études à Paris, où il se lia
avec Mirabeau, et les termina à Oxford. Il fréquenta ensuite
l'école militaire de Metz, servit comme volontaire dans
l'armée russe lors de la guerre de 1772 contre les turcs et
entra enfin dans la diplomatie. Ministre plénipotentiaire à
Munich en 1773, envoyé extraordinaire et plénipotentiaire
à Beriin en 1777, il occupa en 1782 les mêmes fonctions
à Copenhague, où il se distingua en obtenant, malgré d'in-
finies difficultés, le maintien des bonnes relations entre le
Danemark et l'Angleterre. En 1791, il fut chargé d'une
mission secrète à Paris, fut ensuite envoyé à Dresde
comme plénipotentiaire et de là à Naples (1803). Il subit
à ce point l'influence de la reine de Naples qu'il ordonna à
sir Henry Craig, contrairement aux instructions de son gou-
vernement, de demeurer en Italie avec son armée pour
défendre le royaume de Naples. Craig refusa, et, après cet
éclatant scandale, Elliot fut rappelé et dut quitter la diplo-
matie. Il fut nommé en i 809 gouverneur des îles Leeward
et, en 1814, gouverneur de Madras, où il demeura jusqu'en
1820. Il rentra ensuite dans la vie privée. R. S.
BiBL. : Comtesse de Minto, Memoir ofthe R. H. Huah
Elliot; Londres, 1868. '^
ELLIOT (Ebenezer), poète anglais, né à Masborough,
près de Rotherdam (Yorkshire) le 17 mars 1781, mort à
Argilt Hill, près deBarnsley (Yorkshire) le 1^' déc. 1849.
Fils d'un petit employé de fonderie chargé de famille et
qu'on représente comme calviniste austère et farouche
démocrate, il ne reçut que l'instruction de l'école de son
village. Cependant, à peine sorti de l'enfance, à dix-sept
ans, il publia son premier poème, The Vernal Walk, où
se sent l'influence de Thompson. Il se maria vers l'âge de
vingt ans, fit de mauvaises affaires et se vit ruiné après
quelques années de travail, malechance qu'il attribua aux
lois sur les céréales (corn-laws), contre lesquelles il porta
désormais toutes ses colères. Ayant emprunté un petit
capital, il s'établit à Sheffield marchand de fer, d'où son
surnom de Forgeron de Sheffield, C'est en 1827, quelque
temps après son installation, gue parurent ses fameuses
Corn Laiv Rhymes, Elles obtinrent un grand et légitime
succès, établirent sa réputation et lui valurent l'amitié de
sir E. Rulwer qui, ayant alors la direction du New Monthly
Magaûne, lui demanda sa collaboration. — En 1831, il
prit une part prépondérante au mouvement chartiste qu'il
abandonna deux ans après à cause de son opposition à
VAnti Corn Law et se retira dans sa petite propriété de
Great Hougton, où il eut avant de mourir la satisfaction
de voir les lois sur les céréales abolies. Outre les Corn
Law Rhymes, Elliot a publié des vers énergiques contre
les Alehouses (cabarets), écho du puritanisme paternel, et
la taxe du pain. Des histoires campagnardes, des croquis
champêtres dans le genre de Crabbe, parus en 1829 sous
le titre de The Village Patriarch, contribuèrent à le placer
au premier rang des poètes populaires de la Grande-Bre-
tagne. Son style est énergique à la fois plein de chaleur
et de rudesse. H défendit la cause des pauvres en décrivant
la dure vie des ouvriers de fabrique avec Une simplicité,
une droiture et une ironie sans égales ; le seul reproche
qu'on puisse lui adresser, c'est qu'il a dépensé trop de
phrases déclamatoires en vains appels à la justice et à la
pitié des riches, verbiage inutile qui alourdit l'œuvre, ne
prêche que des convertis ou ne heurte que des oreilles de
sourds. Outre ses poésies complètes, parues à Edimbourg
en 1840, on publia à Londres, en 1850, plusieurs écrits
posthumes. Hector Frange.
^.?.^^^' J Serle, LiCe^ character and genius of Ebenezer
Elliot; Londres, 185-0.
ELLIOT (SirGeorge), amiral anglais, né le 12 août 1784,
mort à Londres le 24 juin 1863. Entré dans la marine en
1794, il assista aux combats du cap Saint-Vincent et du
Nil, servit sous Nelson, qui l'estimait fort, fut employé à la
répression de la piraterie à Java et à Bornéo, devint secré-
taire de Famirauté en 1834 et lord commissaire en 1835.
En 1837, il fut nommé commandant en chef au cap de
Bonne-Espérance, où il resta jusqu'en 1840. Il passa alors
en Chine, où il remplit les fonctions de plénipotentiaire. Il
fut promu vice-amiral en 1847 et amiral en 4853.
ELLIOT (Sir Charles), amiral anglais, né en 1801, mort
à Exeter le 9 sept. 1875. Entré dans la marine en 1815,
il prit part au bombardement d'Alger (1816), servit aux
Indes, en Afrique, à la Jamaïque et, à partir de 1828, fut
employé dans les bureaux des colonies. De 1830 à 1833,
il servit à la répression de l'esclavage à la Guyane, fut
nommé en 1834 secrétaire de la commission chargée de
régler les affaires de Chine et devint en 1837 plénipoten-
tiaire. En 1840, il bloqua Canton et, après la destruction
des forts commandant l'entrée du fleuve, signa avec les
autorités locales un traité préliminaire qui fut désavoué à
la fois par l'Angleterre et par la Chine. Les hostilités
reprirent et Canton était sur le point d'être emporté lorsque
Elliot obtint une rançon de 1,250,000 livres sterlino-. Il
fut envoyé au Texas comme chargé d'affaires (1842-1846),
fut nommé gouverneur des Bermudes (1846), de la Trinité
(1854) et de Sainte-Hélène (1863). Il rentra dans la vie
privée en 1869. Il avait été promu amiral le 12 sept. 1865.
ELLIOT (Sir Walter), fonctionnaire et archéologue an-
glais, né le 16 juin 1803, mort en 1887. H alla à Madras,
en 1818, comme employé de la Compagnie des Indes et fut
fait prisonnier pendant l'insurrection 'de Kittur. Il revint
en Europe en 1833 en passant par Constantinople, Athènes,
Corfou et Rome. Il retourna en 1835 dans l'Inde, où il
resta jusqu'en 1860. Pendant ce long séjour, il s'intéressa
aux sciences naturelles et à l'archéologie, et travailla avec
un jeune brahmane au déchiff'rement des inscriptions qu'il
recueillait dans les différentes contrées de l'Inde. Le Bri-
tish Muséum possède une collection de sculptures rap-
portées par lui et qui provenaient du tope bouddhiste
d'Amrâvati. H fut nommé, en 1877, membre de la Royal
Societ-y. Outre son ouvrage sur les monnaies de l'Inde mé-
ridionale (Coins of Southern India, 1886, 2^ partie du
vol. in da y International Numismata Orientalia),
EUiot a publié de nombreux travaux dans Vlndian Anti-
quary, le Journal of the Royal Asiatic Society, etc.
J.-A. Blanchet.
BiBL. : Leslie Stephen, Dictionary of national Bloara-
phij; Londres, 1889, voL XVII, p. 262.
ELLIOT (Sir Henry-Miers), fonctionnaire de la Compa-
gnie des Indes et historien anglais, né à Londres en 1808,
mort au cap de Bonne-Espérance en 1853. H rendit de
grands services dans la guerre des Sikhs et dans les négocia-
tions relatives au Pendjab et au Goudjerat. On a de lui, outre
des mémoires spéciaux, un supplément au Glossary of In-
dian Judicial and Revenue Terms (Agra, 1845); un
Ribliographical Index to the Historians of Mohamme-
dan India, dont il n'eut le temps de publier que le premier
ELLIOT - ELLIPSE
— 852 —
volume (Calcutta et Londres, d849). Ses deux œuvres pos-
thumes : History of Inclia as told by Us own Histormns
(1866-77, 8 vol.; avec une suite, 1886), et Memoirs of
thc History, Folklore and Distribution of the Races
of the Nortli'West Provinces of India (1869, 2 vol.),
ont une très grande valeur.
ELLIOT (Céleste), connue sous le nom de M"^' Céleste.,
actrice anglaise, d'origine française, née à Paris le 16 août
1814, selon quelques-uns, le 6 août 1815, selon d'autres.
Elève, dès ses plus jeunes années, des classes de danse de
l'Opéra, elle obtint, à peine âgée de quinze ans, un enga-
gement avantageux pour les Etats-Unis, où elle connut
M Eiliot, qu'elle épousa et qui la laissa bientôt veuve.
Elle revint alors en Europe et se produisit avec succès
au théâtre de Liverpool, dans le rôle de Fenella de la
Muette de Porlici, après quoi elle se montra dans plu-
sieurs grandes villes de l'Angleterre, et enfin à Londres,
où elle tut accueillie avec une grande faveur à^nslatiUe
de Cachemire et la Révolte au Sérail. En 18o4, elle
retournait aux Etats-Unis, et là ses triomphes furent tels
qu'au dehors on lui portait les armes, que ses admirateurs
dételaient sa voiture pour la traîner eux-mêmes, et qu enhn
on la nomma par acclamation citoyenne de 1 Union. On
raconte même que le président Jackson la présenta au
conseil des ministres, en la félicitant d'avoir mente et
obtenu un tel honneur. M'"^ Céleste était devenue million-
naire lorsque, en 1837, elle revint en Angleterre. Elle
modifia pourtant sa carrière, de danseuse se fit actrice, et
c'est en cette qualité qu'elle se présenta sur la scène de
Drury Lane, puis sur celle de Haymarket, où elle retrouva
ses succès en jouant le drame et la comédie. Bientôt elle
se fit directrice, s'associa en 1844 avec M. Webster pour
l'administration du théâtre Adelphi, puis prit ensuite,
seule, la direction du Lyceum, qu'elle conserva jusqu en
1861 Elle fit alors plusieurs tournées dans les grandes
villes des comtés, et, en 1865, alla faire un troisième
voyage aux Etats-Unis, où elle resta jusqu'en 1868, tou-
jours ietée et toujours triomphante. De retour à Londres,
elle reparut au théâtre Adelphi, où elle donna sa repré-
sentation d'adieux le 22 oct. 1870. Sa retraite pourtant
ne fut pas encore définitive, car on la vit encore par inter-
valles, et pendant quelques années, se produire plus d'une
fois à la scène, notamment dans son rôle tavori d une
pièce de M. Buckstone, Green Rushes, qu'elle avait crée
pendant sa direction au théâtre Adelphi. A. P.
ELLIOT (Sir George-Henrv), diplomate anglais, ne
en 1817. Après avoir fait ses études à Eton, il servit en
Tasmanie, comme aide de camp de sir John Franklin, de
4836 à 1839. Il entra dans les bureaux des atlaires
étrangères en 1840, puis suivit régulièrement la carrière
diplomatique. Attaché d'ambassade à Saint-Pétersbourg
en 1841, secrétaire de légation à La Haye en 1848, a
Vienne en 1853, envoyé à la cour de Danemark en 18o8,
à celle des Deux-Siciles en 1859 et en Grèce en 1862, il
succéda à Hudson à l'ambassade d'Italie en 1863 et devint
ambassadeur près de la Porte en 1867. Entré au conseil
privé, il fut adjoint au marquis de Salisbury à la conterence
de Constantinople (1876-77), et, tenu quelque temps en dis-
grâce par le parti libéral, exerça les fonctions d ambassa-
deur à Vienne de 1877 à 1883. ^
ELLIOTSON (John), médecin anglais, né à Lonares vers
1792, mort à Londres le 27 juil. 1868. Brillant professeur,
il enseigna la physiologie et la médecine légale à l'école de
médecine de Grainger, puis passa à l'hôpital Saint-Thomas,
enfin en 1831 obtint une chaire de médecme à l'université
de Londres ; grâce à ses efibrts, l'University Collège Hos-
pital fut créé en 1834, et il Y obtint un service de médecme
et une chaire de clinique. A partir de 1838, sur l'instiga-
tion du baron Dupotet, il s'adonna à la pratique du magné-
tisme animal et fonda même un hôpital spécial pour lap-
pUcation de cette méthode thérapeutique. — Principaux
ouvrages : Lectures on the theory and practice ofmedi-
cine (Londres, 1839, in-8) ; The Principles and pract.
ofmedicine (Londres, 1839, in-8) ; Mesmerism in India
(Londres, 1850, in-8). D^ L. Hn.
ELLIOTT (Grâce Dalrymple), aventurière anglaise, née
vers 1758, morte à Ville-d'Avray le 16 mai 1823. Fille
d'un avocat d'Edimbourg, elle fut élevée en France; sa
beauté séduisit le D^ John EUiott, médecin fort riche et
déjà â^é, qui l'épousa en 1771. Mais la vertu de la dame
n'égalait pas sa beauté; elle eut de nombreuses intrigues
dans la société d'Edimbourg et s'enfuit en 1774 avec lord
Valentia. Vers 1782, elle accoucha d'une fille dont le prince
de Galles, .Charles Windham, Georges Selwyn, et lord
Cholmondeley réclamèrent simultanément la paternité.
Ce fut le prince de Galles qui présenta Mrs. Elliott,
connue sous le nom « la grande Daily » au duc d'Orléans
(Egalité) en 1784; en 1786, elle vint s'étabHr à Paris, où
elle reçut plusieurs visites de sa fille, élevée dans la famille
Cholmondeley et mariée en 1808 à lord Charles Bentinck.
A Paris, elle fut la maîtresse du duc d^Orléans. Elle resta
dans cette ville pendant toute la Révolution. — Elle écrivit,
pendant les dernières années du siècle, un Journal of my
life during the french Révolution, qui fut publié en
1859 par H. Richard Bentley. C'est un livre curieux,
mais qui fourmille d'erreurs, volontaires ou involontaires.
Quelques-unes sont amusantes. Mrs. Elliott se dit née
en 1765; elle aurait donc eu neuf ans à l'époque de sa
fuite avec lord Valentia. Elle dit que Bonaparte lui adressa
une demande en mariage. Elle se vante d'avoir été dans
quatre prisons, dont les registres d'écrou ne portent point
son nom, etc. Ch.-V. L.
ELLIOTT (Charles-Loring), peintre américain, né dans
l'Etat de New-York en 1812, mort en 1868.^Elève du
portraitiste Trumbull , il fut élu associé de l'Académie
nationale en 1845 et membre ordinaire en 1846. Il pei-
gnit plus de sept cents portraits, remarquables^ par leur
vérité et la vigueur du coloris. G. P.-i.
ELLIPSE. î. Mathématiques. — On appelle ellipse la
courbe plane, lieu des points tels que la somme de leurs
distances à deux points fixes reste constante. Cette courbe,
dont il a été question au mot Coniques, a la forme d'une
ovale. — On a aussi donné le nom d'ellipses à des courbes
ressemblant plus ou moins à celle que nous venons de
définir. L'ellipse de Casshii (V. Cassinoïde), l'ellipse sphé-
rique (V. Conique sphérique) sont de ce nombre. Pour le
tracé de cette courbe, V. Système articulé, Ellipsographe.
— La projection orthogonale du cercle est une eUipse ; un
grand nombre de propriétés de cette courbe découlent de ce
théorème. ^^' L-.
IL Grammaire. — On appelle ellipse la suppression
dans une phrase d'un mot indispensable pour la construc-
tion grammaticale. L'ellipse est l'opposé du pléonasme
(V. ce mot). Elle se rencontre dans toutes les langues,
parce qu'elle procède d'une tendance naturelle du langage
à abréger l'expression pour suivre la rapidité de la pensée
ou lui donner plus de vivacité. Or on conçoit qu'un mot
grammaticalement indispensable puisse n'être pas exprimé,
lorsque l'idée qu'il signifie se dégage du contexte ou que
l'habitude d'associer ensemble deux ou plusieurs mots
dans une même expression fait qu'en entendant l'un on
devine immédiatement les autres. De là deux sortes
d'ellipses : 1» le mot supprimé se retrouve avec la même
construction dans une proposition voisine; c'est généra-
lement un verbe : Dieu est bon, rhomme (s.-entendu
est) méchant; 2« le mot est supprimé en vertu d'une
association intime établie par l'usage entre deux ou plu-
sieurs termes. A quoi bon? Quid multa? (sous-en-
tendu dicam),Mereri (sous-entendu stipendia). Ce genre
d'ellipse se rencontre particuhèrement dans la langue tami-
lière (Unde et quo Catiiis?), dans les sentences et les
expressions proverbiales (Fortuîia fortes, sous-entendu
juvat;''A'jbi o\ Trotafxo', sous-entendu peouai), et dans
toute une série d'expressions analogues au français Z>072
gré malgré, dans lesquelles on sous-entend une conjonc-
tion {et ou ou) (velim nolim, forte temere, et environ
- 8o3 -
ELLIPSE - ELLIPTIQUE
deux cent vingt expressions de ce genre en latin). Il a même
donné naissance à certaines constructions grammaticales où
l'ellipse est de règle, par exemple avec les relatifs dont on
sous -entend l'antécédent dans certaines conditions :
Quanta celeritate potuit {sous-entenàu tanta). Il y a
ainsi des ellipses où le terme supprimé ne pourrait être
rétabli sans déroger à l'usage. Les Latins disaient Cn,
Pompeio M, Crasso consulibus et non Cn, Pompeio et
M, Crasso consulibus; ferunt, on rapporte, et non ho-
mmes ferunt. Aussi peut-on distinguer deux sortes d'el-
lipses : 1° celles que l'on fait sans s'en apercevoir, et qui
appartiennent an fond même de la langue, auxquelles on
ne renoncerait pas s'en rendre le discours pesant et en-
nuyeux; 2^ les ellipses oratoires, par lesquelles les écri-
vains arrivent à produire des effets de style :
Je t'aimais inconstant, qu'aurais-je fait fidèle ? (Racine.)
Il ne faut pas confondre l'ellipse avec Vaposio-
pèse qui n'est qu'une simple figure de rhétorique où la
suppression des mots est déterminée par la passion (le
Quos ego de Virgile). L'ellipse est essentiellement gram-
maticale. Il n'y a ellipse que si le mot étant nécessaire à
l'analyse logique, la marche de la pensée ou l'usage per-
met de le supprimer sans nuire à la clarté. Mais il ne faut
pas dire qu'il y a ellipse parce qu'un mot qui pouvait être
exprimé, sans être grammaticalement nécessaire, ne l'a pas
été. C'est l'erreur où est tombé Sanctius dans sa Minerva
(1587) et qui s'est perpétuée après lui jusqu'à God. Her-
mann au commencement de ce siècle. Paul Giqueaux.
BiHL. : Grammaire. — Franc. Sanctii, Minei'va, seu de
causis linguœ lalinse; Amsterdam, 1761, pp. 526-708. —
God. Her'mann, De Ellipsi et pleonasmo, 1808, publié en
1822 à la suite des Idiotismi de Viger, pp. 869-888.
ELLIPSI M BRE. Courbe gauche du quatrième degré,
intersection de deux cylindres du second degré dont les
génératrices sont perpendiculaires.
ELLIPS06RAPHE ou COMPAS elliptique. On a cons-
truit un grand nombre d'instruments destinés à décrire
une ellipse d'un trait continu ; ces instruments portent le
nom d'ellipsographes. Nous citerons d'abord pour mémoire
l'ensemble de deux piquets ou de deux pointes fichées aux
foyers et d'un fil de longueur constante 2a égal au grand axe,
attaché aux deux piquets ; en tendant le fil au moyen d'une
pointe à tracer, cette pointe décrit l'ellipse dont le grand
axe est 2a. Ce procédé est employé par les jardiniers
pour tracer les parterres elliptiques, et c'est ce qui a fait
donner à l'ellipse le nom
d'ovale des jardiniers. Voici
un ellipsographe très ingé-
nieux; il est formé de quatre
tiges FF^F^G^G^G,GF ar-
ticulées en F, F^ G, G' (fig.
i);onaFF^ = GG^=i2^,
FG-FG'= 'la; si l'on
fixe les points F et F^ et si
l'on fait mouvoir l'appareil
dans un plan, le point de
concours 0 des tiges GF et
G'F' (qui sont évidées) décrit une ellipse de foyer F,F^ et
de grand axe 2a. En effet, les triangles GW et G'FG
sont égaux comme ayant les côtés égaux, donc les angles G
et F^ sont égaux ; les
angles GGl^' et GFF' le
sont aussi, donc les trian-
gles GOG^ et FOF^ sont
égaux ; donc G^O = OF
et G'O -h OF' étant égal
à 2a, FO -\- rO sera
égal à 2a, donc 0 décrit
l'ellipse de foyer F et F'
et de grand axe 2a. Il
y a des ellipsographes fondés sur ce principe, que quand
une tige AB (fig. 2) de grandeur constante se meut en conser-
vant ses extrémités sur deux droites rectangulaires GA, OB,
un point C quelconque de cette tige décrit une eUipse dont
les axes sont dirigés suivant OA et OB et respectivement
de longueur BC et AC. H. Laurent.
ELLIPSOÏDE (Math.) (V. Quadrique).
Ellipsoïde d'inertie. Ellipsoïde central. — Si l'on
considère une série d'axes passant par un point fixe 0 et
un corps solide S, on pourra prendre le moment d'inertie du
solide S par rapport à chacun de ces axes, et porter sur chacun
d'eux à partir du point 0 une longueur OM proportionnelle
à la racine carrée de l'inverse du moment d'inertie en ques-
tion. Le lieu des points M ainsi construits est un ellipsoïde,
qui porte le nom d'ellipsoïde d'inertie du corps S par rap-
port au point 0. Les axes de cet ellipsoïde sont les axes
principaux d'inertie relatifs au point 0; et quand le point 0
coïncide avec le centre de gravité du corps S, l'ellipsoïde
d'inertie porte le nom d'eHipsoïde central. L'ellipsoïde cen-
tral joue un rôle important dans l'étude du mouvement des
corps solides (V. Kotation). On donne le nom d'ellipsoïde
de Mac-Cullagh à la transformée par rayons vecteurs réci-
proques de l'ellipsoïde d'inertie quand on prend le centre
pour pôle de la transformation. L'ellipsoïde d'inertie peut
être de révolution et même se réduire à une sphère. Etant
donné un solide quelconque, il existe une infinité de points
situés sur trois coniques, et tels que pour ces points l'ellip-
soïde est de révolution; l'une de ces coniques est une
ellipse, la seconde une hyperbole, la troisième est imagi-
naire. Il y a deux points réels ou imaginaires donnant lieu
à une sphère d'inertie.
BiBL. : Les Traités de mécanique rationnelle.
ELLIPTIQUE (Math.). Immédiatement après l'inven-
tion du calcul différentiel, les géomètres ont été conduits
à déterminer des fonctions admettant des différentielles don-
nées ; leurs premières recherches pour les cas les plus
simples ont été couronnées de succès, et ils ont rapidement
trouvé les intégrales de toutes les différentielles rationnelles
en X, en sin x et cos x, etc. Il était naturel ensuite de
chercher les intégrales des fonctions irrationnelles, mais ils
se sont heurtés à des difficultés insurmontables dès qu'ils
ont voulu intégrer les irrationnelles renfermant un radical
carré recouvrant un polynôme d'un degré supérieur au
second. Ces difficultés étalent effectivement insurmontables,
car il est démontré aujourd'hui que la plupart des inté-
grales des fonctions irrationnelles sont des transcendantes
qui ne peuvent pas s'exprimer en employant les signes
ordinaires de l'algèbre, y compris même les signes trigo-
nométriques, en nombre fini. Avant même d'avoir la cer-
titude de cette impossibihté, les géomètres l'ont soupçonnée
et ont cherché à étudier les transcendantes définies par
l'intégration des irrationnelles en commençant par les plus
simples. Les plus simples étaient les intégrales de fonc-
tions rationnelles de x et d'un radical carré recouvrant un
polynôme entier. (Juand ce polynôme est du premier ou
du second degré, l'intégration s'effectue au moyen des loga-
rithmes, des fonctions trigonométriques inverses, ou même
des fonctions algébriques renfermant une seule irration-
nelle, le radical en question : on s'est bien vite aperçu que
lorsque le radical recouvrait un polynôme du troisième ou
du quatrième degré, l'intégrale pouvait se réduire à trois
types simples que l'on a désignés sous le nom de fonctions
elliptiques, et que l'on appelle plus volontiers aujourdhui
intégrales elliptiques. Legendre, à qui l'on doit, non pas
précisément les premières recherches sur ce sujet, mais
qui a jeté les premiers fondements d'une théorie des inté-
grales eUiptiques, a indiqué ces types
Jno do
0 V 1 — f^ sm^co
E (o,k) =z r^ d:^ s/l-Zc-^sin^a ,
J o
Jr^'f d^
où k et a sont indépendants de cp ; la première de ces
ELLIPTIQUE
— SU —
quantités porte le nom de module, la seconde celui de para-
mètre, enfin 9 est l'amplitude ; ces trois intégrales ont été
appelées, par lui, respectivement, intégrales de première, de
seconde, de troisième espèce. L'intégrale de seconde espèce
représente la longueur d'un arc d'ellipse dont l'excentricité
est ^, et dont les extrémités ont pour anomalies excen-
triques 6> et ^ ; c'est ce qui a fait donner aux nouvelles
transcendantes le nom d'intégrales elliptiques. Aujourd'hui
on appelle fonctions elliptiques les fonctions plus simples
définies de la manière suivante, parce qu'elles ont l'avan-
tage d'être monodromes, propriété dont ne jouissent pas
les fonctions de Legendre. On pose :
o
sin 9 = ^ .
puis on fait
\Ji — k'^ sin^9
et l'on a :
Jrx dx
0 'JTT^^
cpest, comme nous l'avons dit, ce que l'on appelle l'ampli-
tude de u et l'on pose : 9 = amu, ^ m: sin 9 = sin a7nu.
Les trois fonctions elliptiques simples que l'on étu-
die si)écialement aujourd'hui sont sin amu, cos amu et
v/ 1 — /c^ sin amïi que l'on représente au moyen des nota-
tions Snu, Cnu, dnu. L'intégrale u est alors ce que l'on
appelle la fonction inverse de Snu, Abel et Jacobi ont été
les premiers à étudier les fonctions Sm/^, Cnu, dnu (ou
des fonctions analogues), dont les deux premières ont une
grande analogie avec sinu et cosz^. Lamé proposait d'ap-
peler Snu, Cnu et dnu pseudo-sinus, pseudo-cosinus et
pseudo-rayon.
On a écrit des volumes sur les fonctions elliptiques ;
nous résumerons en quelques mots leurs propriétés les plus
importantes. Snx, Cnx^ dnx sont monodromes, mono-
gènes, et continues dans toute l'étendue du plan, excepté
en des points particuliers où elles deviennent infinies. Elles
possèdent chacune deux périodes ; ce sont les plus simples
de toutes les fonctions doublement périodiques; elles peu-
vent servir à former plus ou moins simplement toutes les
autres. Si l'on pose avec Jacobi
Jr^ dx
0
s/(i
Jo \/{i— x^^
x') (1 — k^x^)
dx
^(i—x^)(i — k'x'')'
A:/2 z=z i - k\
^nx aura les périodes 4K et 2KV — i ,
Cnx — 2 K et 2 K -+-2KV^,
dnx — 2Ket2KV-l,
Snx s'annulera pour ^ = 0, 2K,
Cnx — ^=:K, — K,
dnx — x=:li-\-Ws/—\,-\i-\-K'\/^[.
Snx^ Cnx, dnx deviennent infinis pour
X =1 KV^^l", 2 K + KV^^T.
On trouve les autres zéros et les autres infinis en ajou-
tant à ceux-ci des multiples quelconques des périodes. On
a en outre :
Cn^x -f- S^n^x = 1, k^Sn^x + dn^x =r 1.
. _4- \ , ^nxùiydxy ± SnyCnxdnx
Oi {x ±: y)
1 -
CnxCny
• k^sn^xSn^y '
± SnxS7iydnxdny
dn (xdzy) =1
4 — k'Sîi^xSn^y '
dnxdny ± k'^SnxSnyCnxC7iy
dSnx
dx
dCnx
dx
d.dnx
— k^Sn^xSn'^y
Cnxdnx^
dx
== — Snxdnx,
— — k'^SiîxCnx,
la fonction Snx est impaire, Cnx et dnx sont paires.
Toutes les propriétés des fonctions elliptiques peuvent
se déduire des suivantes qui peuvent servir à les définir :
ce sont des fonctions admettant des périodes données et
deux zéros, et deux infinis donnés à des multiples de
périodes près; enfin on achève de les définir en se donnant
une valeur pour une valeur donnée de la variable. Sno 1= 0,
C/^6>r=4, dnozizi.
Les fonctions Snx^ Cnx, dnx peuvent s'exprimer au
moyen d'une seule et même transcendante, que Jacobi a
désignée par 0 (x)^ et au moyen de laquelle il a exprimé
les intégrales de seconde et de troisième espèce; cette
transcendante est donnée par la formule
(d(x)
+ ^q"^ cos -^ -
: 1 — 2^ cos .r^
±2f
7ir.X
COS-j^+.
K^
Ainsi, en posant
@(x-}-K) = S,{x),
r.^-l
0 ç,. + r v/^:T) = Ki—ie-^K~ ('^^^+^' ^-^)
]\{x)\l{x-
1 ll(^)
Cnx=.s/^^
S71X = -r- •
/k" II, (x)
@(xy
Les fonctions 0, H, 0^, H^ jouissent de propriétés
nombreuses et intéressantes; elles facilitent l'étude des
fonctions Snx, C7ix, dnx; on les appelle aussi fonctions
elliptiques auxiliaires ou intermédiaires.
Nous n'avons pu, dans ce court aperçu, fait connaître que
les propriétés les plus simples des fonctions elliptiques
dont il a été fait un nombre considérable d'applications à
toutes les branches des mathématiques pures et appliquées.
Compas elliptique (V. Ellipsographe).
Coordonnées elliptiques. — Considérons le système de
surfaces du second degré homofocales
(1)
x'^
b'-{-l
+
c- ■
= i,
r
b^ 4- [X
c^ H- [X
:i,
Ces surfaces par leurs intersections déterminent un cer-
tain nombre de points qui dépendent des valeurs des para-
mètres X,[jL,v. Ainsi on peut dire que )^,(i.,v étant données,
un point de l'espace se trouve déterminé (non pas sans
ambiguïté, il est vrai) , et réciproquement si l'on se donne un
point par ses coordonnées ordinaires x,y,%, les équations
(1) déterminent X,(j-,v. Ces quantités >.,p-,v sont donc des
coordonnées curvilignes, propres à déterminer la position
d'un point dans l'espace : on leur a donné le nom de coor-
données elliptiques. Les coordonnées eUiptiques imaginées
par Lamé et étudiées surtout par ce géomètre et par Jacobi
sont orthogonales. Les formules (4) résolues par rapport
à x'^,y^,z^ donnent
^ __ (g^ + X) (g-- + [x) (a^ + y)
^ — (^2 - b^) [a^ - c^)
, __ {b^ 4- y^) (b'' + {x) {b^ 4- y)
y — (^2 _ «2) (^2 _ c^)
2 _ (c^ 4- X) (c^ 4- (x) {c^ + y)
(c^ — a^) (c^ — b^)
H. Laurent.
855
ELLIPTIQUE - ELLIS
BiBL. : Aux personnes qui voudront s'initier rapidement
aux princioes les plus élémentaires de la théorie des fonc-
tions elliptiques, nous conseillerons la lecture du quatrième
volume du Traité d'analyse de M. Laurent. — Après quoi
il conviendra d'aborder Fouvrage de MM. Brtot et Bou-
quet, Traité des /"onctions doublement périodiques et en
particulier des fonctions elliptiques. — Halphen, Traité
des fonctions elliptiques et de leurs applications, 8 vol.
Dans ce traité on fait usage d'une fonction que M. Weiers-
trass a proposé de substituer aux transcendantes Snx, Cn.v,
dnx. — Jacobi, Fundamenta nova théorise fonctionwn
ellipticarum. — Le traité de Legendre. — Les œuvres
d'ABEL. — Les notes à la dernière édition du Traité de
calcul différentiel et intégral de Lacroix par M. HERMrrE.
— Hermite, Sur quelques Applications des fonctions
elliptiques.
Coordonnées elliptiques. — Jacobi, Vorlesungen
ûber Dynamik. — Lamé, Coordonnées curvilignes. — Les
traités un peu complets de calcul diiférentiel et intégral.
ELLIPTOÏDES (Géom.). De La Hire appelait elliptoïdes
des courbes algébriques fermées ayant la forme d'ovales.
ELLIS (Sir William), secrétaire d'Etat anglais, né vers
1606, mort à Rome en 4681. Il exerça de lucratives siné-
cures en Irlande, notamment le secrétariat sous le comte
de Tyrconnel, lord lieutenant d'Irlande, qui l'enrichirent.
Mais, à la Révolution, il embrassa la cause jacobite, et,
frappé (Tattainder en 1691, il dut s'enfuir avec Jacques II
sur le continent. Là il fut l'un des fidèles de la petite cour
de Saint-Germain, tant sous Jacques II que sous son fils,
le premier prétendant. Ch.-V. L.
ELLIS (Clément), théologien et poète anglais, né en
1630, mort en 1700. Il a laissé quelques mauvais vers et
un très grand nombre d'écrits sur des sujets de théologie
et de pié'té. On n'a pas encore tout à fait oublié, grâce au
naturel et à la vigueur familière du style, The Gentile
Siîiner, or EnglancVs Brave Gentleman.,, (Oxford,
1660, in-8).
ELLIS (John), sous-secrétaire d'Etat anglais, né vers
1643, mort le 8 juil. 1738. Après avoir fait ses études à
Westminster School et à Oxford, il fut employé comme
secrétaire de sir Leoline Jenkins, plénipotentiaire anglais
au congrès de Nimègue, de 1674 à 1677. De 1678 à
1680, on le trouve secrétaire de Thomas, comte d'Ossory,
général anglais au service du prince d'Orange. En oct. 1684,
il obtint un emploi administratif en Irlande. Il fut enfin
nommé sous-secrétaire d'Etat en mai 1695, par la faveur
personnelle de Guillaume III, s'il faut l'en croire, office
qu'il garda pendant dix années. EUis fut membre de la
Chambre des communes au Parlement de 1705-1805 pour
Harwich (Essex). Il mourut célibataire, ayant amassé une
immense fortune. Sa correspondance a été en partie con-
servée ; elle est au British Muséum et passe pour une source
historique do premier ordre; elle a été publiée en 1849 par
rhonoral)le G„-J.-W. EUis. John Ellis fut un des meilleurs
amis de Humphrey Prideaux. Pope parle de lui comme de
l'un des nombreux amoureux de la duchesse de Cleve-
land. Ch.-V. L.
ELLIS (John), poète anglais, né le 24-mars 1698, mort
le 31 déc. 1790. Il exerçait la profession de scrivener ou
notaire chargé de la rédaction des chartes et actes authen-
tiques. Lié avec les principaux littérateurs du temps, et
notamment avec le iV Johnson, il aimait à traduire les
poètes latins, surtout Ovide. Mais presque tous ses vers
sont restés manuscrits. Il a pourtant publié, outre de
courtes pièces dans les recueils, trois petits ouvrages
comiques : The South Sea Dream (1740) ; The Surprise ,
or the Gentleman turned Apothecary, tiré d'un conte
français traduit en latiu (1739), et une traduction travestie
du livre ajouté par Maphœus à V Enéide de Virgile (1758).
ELLIS (William), agronome anglais, né vers 1700, mort
en 1758. Il est connu par une série d'ouvrages qui eurent
de leur temps une fort grande réputation, mais qui sont
remplis d'anecdotes ridicules et de recettes de bonne femme.
Nous citerons : Chiltern andvale farming (1733); The
Timber-Tree improved (1738); The Shepherd's sure
guide (1749); The Modem Husbandman (1750,8 vol.);
The Coimtry hanse wife's family companion (1750);
Eusbandry abridged'and methodized (1772, 2 vol.).
ELLIS (John), naturaliste anglais, né à Londres vers
1710, mort le 5 oct. 1776. Il s'est principalement occupé
des animaux de l'ancien groupe des zoophytes et a publié
plusieurs ouvrages sur les coraux et les polypes, d'autres
sur divers végétaux, la dionée, le café, l'arbre à pain, etc.
ELLIS (Welbore), premier baron Mendip, fils du Dr.
W. Ellis, évèque de Meath, né à Kildare le 15 déc. 1713,
mort à Londres le 2 févr. 1802. Il fut élu membre de
la Chambre des communes pour le bourg de Cricklade
en 1741, et fut fait lord de l'amirauté en 1747, dans
l'administration d'Henri Pelham. Vice-trésorier d'Irlande
en 1755, membre du conseil privé en 1760, secrétaire
d'Etat pour la guerre en 1762, sa fortune politique fut
rapide jusqu'à cette date. 11 n'occupa plus ensuite qu'un
seul poste en vue, et, pendant très peu de temps, celui de
secrétaire d'Etat pour l'Amérique, depuis le 11 févr. 1782
jusqu'à l'accession au ministère de lord Rockingham. En
1793, effrayé parles progrès de la Révolution française,
il abandonna l'opposition pour joindre le parti de Pitt et
fut créé baron de Mendip, dans le comté de Somerset, le
13 août 1794. U est enterré à Westminster. Christ Church,
à Oxford, possède le portrait de notre personnage, peint
par Gainsborough en 1763. Le premier baron Mendip
était un homme laborieux, sage, industrieux, mais sans
talent; Junius, Horace Walpole et Macaulay en ont parlé
en termes peu flatteurs. Ch.-V. L.
ELLIS (Henry), voyageur anglais, né en 1721, mort à
Naples le 21 janv. 1806. En 1746, il prit part à l'expédi-
tion organisée dans le but de trouver un passage au pôle
nord. li remplissait les fonctions d'hydrographe et de mi-
néralogiste. Il écrivit la relation de cette campagne : A
Voyage to Hudson's Bay in the years 1146 and iliï
for discovering a north-iuest passage (Londres, 1748,
in-8), et cet ouvrage, qui contient quelques observations
intéressantes sur les mœurs des Esquimaux et beaucoup
d'erreurs, le fit élire membre de la Société royale le 8 févr.
1749. Peu après, il fut nommé gouverneur de la Géorgie
et de la Nouvelle-Ecosse. On a encore de lui Considéra-
tions 071 the great advantages which ivould arise of
the north-west passage (Londres, 1750, in-4) et quelques
mémoires insérés dans les Philosophical Transactions.
ELLIS (George), écrivain anglais, né en 1753, mort le
10 avr. 1815. Il commença à se faire connaître par deux
volumes dont l'un, Bath^ its beauties and amusements
(1777, in-4), parut sans nom d'auteur, et l'autre, Poetical
Taies (1778, in-12), fut publié sous le pseudonyme de Gre-
gory Gander, et en collaborant à la llolliad. En 1784, il
fut employé dans la diplomatie comme secrétaire de sir
James Harris, ambassadeur à La Haye et écrivit une His-
toire de la révolution des Pays-Bas (1789) qui fut tra-
duite en français par Monsieur (Louis XVHI). En 1790,
il publiait des Spécimens of the Early English Poets,
recueil qui obtint un fort grand succès et atteignit en
1851 sa sixième édition. Après un voyage en Allemagne
et en Italie, Ellis fut élu membre du Parlement par Seaforp
(1796), accompagna en 1797 lord Malmesbury à la con-
férence de Lille, fonda avec CannmgV Aiiti-Jacobin, auquel
il collabora activement, publia une traduction des Fabliaux
recueillis par Legrandd'Aussy (1815, 3 vol. in-8, 3<'éd.);
un recueil de Spécimens of Early English Romances in
mètre (1805, 3 vol. in-8). Il était fort lié avec Walter
Scott, avec lequel il échangea une volumineuse correspon-
dance. Il fit partie de la Société royale et de la Société des
antiquaires. R. S.
ELLIS (Charles-Rose, premier lord Seaford), chief
justice de la Jamaïque, né le 19 déc. 1771, mort le
1*^^ juil. 1845. Il hérita de bonne heure de très vastes
domaines dans les Indes occidentales et fut élu membre de
la Chambre des communes dès 1793. Il s'attacha à la for-
tune de Canning, qui le fit élever à la pairie sous le nom
de lord Seaford le 16 juil. 1826, à la grande surprise de
tout le monde, car il n'avait aucun talent.
ELUS
— 856 —
ELLIS (Sir Henry), diplomate anglais, né en 1777,
mort le 28 sept. 1855. Son premier poste considérable fut
celui du ministre plénipotentiaire par intérim en Perse
(1814). En 1816, il accompagna lord Amherst dans son
ambassade en Chine et publia en 1817 un récit de ce loin-
tain voyage. De 1825 à 1834, il occupa l'office de Clerk
of the pells, dont il fut le dernier titulaire. En juil. 1835,
il fut nommé ambassadeur en Perse; envoyé extraordinaire
au Brésil en août 1841 ; représentant du gouvernement
britannique à la conférence de Bruxelles en 1848. Ch.-V. L.
ELLIS (William), écrivain et missionnaire anglais, né
à Londres le 29 août 1794, mort le 9 juin 1872. Fils de
parents pauvres, il était ouvrier jardinier lorsqu'il s'offrit
pour la propagande apostolique à la société des missions de
Londres, qui l'accepta, « l'entraîna » et l'envoya en 1816
dans les îles de la mer du Sud. Revenu en Angleterre en
1825, il fit paraître Tour trough Hawaii (1826) et
Polynesian Researches (1829, 2 vol. ; 1831, 4 vol.),
qui excitèrent un certain intérêt et contribuèrent à relever
aux yeux du public le nom des missionnaires qui passaient
alors , à tort ou à raison , pour des ignorants et des
esprits étroits. Après la mort de sa femme, qui l'avait
accompagné dans ses voyages, il épousa en 1837 miss
Sarah Stickney, qui acquit un certain renom littéraire.
A cette époque, les affaires de Madagascar attiraient l'atten-
tion de l'Angleterre à cause des persécutions des chrétiens,
sous la reine Ranavolona, et de l'intervention des Français.
Ellis, secrétaire de la London Missionary Society, fut
chargé d'écrire une Histoire de Madagascar, qui parut en
1838 (2 vol.) et lui valut plus tard d'y être envoyé par la
Société des missions. C'était en 1852; les affaires deve-
naient graves, et la reine, à trois reprises, lui refusa l'en-
trée de sa capitale. En 1868, une reine chrétienne étant
montée sur le trône, une protection ouverte des chrétiens
remplaça les persécutions antérieures ; Ellis en ^ profita
pour inonder le pays de missionnaires anglicans qui minè-
rent partout sourdement l'influence française. C'est grâce
à lui et aux semences laissées par lui qu'elle est encore si
contre-balancée aujourd'hui même sous notre protectorat.
Aussi fut-il fort acclamé à son retour en Angleterre, et les
conférences qu'il donna de ville en ville eurent un succès
considérable. Outre ses deux premiers volumes de voyage,
Ellis publia : Three Visits to Madagascar (1858) ; Mada-
gascar revisited (1867) ; The Martyr Ckurch of Mada-
gascar (1871). Il fut en outre le fondateur du Christian
Eeepsake, Hector France.
ELLIS (George-James-Welbore-Agar), baron Dover,
né à Londres le 14 janv. 1797, mort à Whitehall le
10 juil. 1833. U prit ses grades à Oxford en 1818, fut
élu membre du Parlement par Heytesbury; réélu en 1820
par Seaford, il appuya Canning et s'occupa de questions
artistiques. C'est lui qui fit acquérir par le gouvernement
la belle collection de tableaux Angerstein. Elu par Ludgers-
hall en 1826, en 1830 par Okerhampton, Ellis entra au
conseil privé et fut nommé le 13 déc. 1830 premier com-
missaire des bois et forêts. Le 20 juin 1831, il fut
créé baron Dover. H fut aussi un des administrateurs de
la National Gallery et du British Muséum. H a écrit :
Catalogue of the principal pictures in Flanders and
Hollaîid (Londres, 1822, in-8); The True History of the
state prisoner commonly called the iron mask (1826,
in-8;trad. en français en 1830); Historial Inquiries
respecting the character of Edward Hyde earl of Cla-
rendon (1827, in-8); Correspondence (1829, 2 vol.
in-8); Life of Frederick the second King of Prussia
(1832, 2 vol. in-8); Dissertation on the manner and
period of the death of Richard II, King of England
(1832, in-4); Dissertation on the Gowrie conspiracy
(1833, in-4); Lives of eminent sovereigns of modem
Europe (1853, in-12, ¥ éd.). Il a encore édité les Lettres
d'Horace Walpole à Horace Mann (1833, 3 vol. in-8).
On a un portrait d'Ellis par Thomas Lawrence. R. S.
ELLIS (Charles-Augustus, lord Howard de Walden et
Seaford), fils de Charles-Rose, diplomate anglais, né le5 juin
1799, mort le 29 août 1868. Il devint lord Howard de
Walden à la mort de son grand-père maternel en 1803,
servit d'abord dans les grenadiers de la garde royale; mais
Canning, protecteur de sa famille, l'appela en juil. 1824
au sous-secréturiat d'Etat des affaires étrangères. Il accom-
pagna lord Stuart de Rothesay dans sa fameuse mission
spéciale à Rio de Janeiro (1826). Ministre plénipotentiaire
à Stockholm (1832), puis à Lisbonne (1833), il demeura
treize ans dans ce dernier poste, où il rendit d'éminents
services pendant la guerre civile déchaînée par don Miguel.
Le 10 déc. 1846, il fut nommé ministre plénipotentiaire
à Bruxelles, où il resta jusqu'à sa mort sur le pied d'une
amitié étroite avec les rois Léopold P^ etLéopold II. Ch.-V. L.
ELLIS (Sarah Stickney, Mrs.), femme de lettres an-
glaise, née en 1800, morte en 1872. Elle était déjà connue
par son ouvrage The Poetry of Life, lorsqu'elle épousa
le Rév. William Ellis. Elle a publié un nombre considé-
rable de livres, où elle défend les principes de la tempé-
rance (abstinence des liqueurs fermentées) et la cause des
missions anglaises. H faut citer parmi tant de volumes,
The Women of England, The Daughters of England,
The Wives of England et The Mothers of England,
où elle expose des théories qu'elle mit en pratique avec
plus ou moins de succès à Rawdon House, école qu'elle
avait fondée. B.-H. G.
ELLIS (William), économiste anglais, né en 1800, mort
en 1881. Homme d'affaires, très laborieux et très habile,
il fit sa fortune dans l'Indemnity Marine Assurance Com-
pagny, où il était entré comme bas employé. Disciple
de John Stuart Mill, il s'intéressait vivement à l'économie
politique théorique, et surtout à l'enseignement de cette
science. Il fut l'apôtre de cet enseignement en Angleterre,
et fonda plusieurs écoles à ses frais. Il a beaucoup écrit,
surtout des manuels. On cite : Outlines of social eco-
nomy (1846), et Thoughts on the future of the human
race (1866). Ch.-V. L.
ELLIS (Robert), en gallois Cynddelw, poète du pays
de Galles, né en 1810, mort en 1875. Il s'instruisit et se
forma lui-même, et devint un prédicateur remarquable et
un écrivain fécond. Il appartenait à la secte des baptistes.
Ses œuvres poétiques, précédées de sa biographie par le
Rév. J. Spinther, ont été publiées en 1877.
ELLIS (Alexander-John), philologue anglais, né àHoxton
le 14 juin 1814, mort à Londres le 28 oct. 1890. H fit ses
études à Eton et à Cambridge, fut élu membre de la Société
royale en 1864, de la Société des antiquaires en 1870 et
devint, en 1886, gouverneur de l'University Collège de
Londres. Il fit encore partie d'autres sociétés savantes et
présida notamment la Philological Society. On lui doit
un grand nombre de travaux de linguistique, parmi lesquels
nous citerons : Alphabet of nature (1845); Essentials
of Phonetics (1848) ; Early english Pronunciation
(1869-1875) ; Practical Hints on the quantitative pro-
nunciation of Latin (iSlA); Pronunciation for sin-
gers (1877), etc., sans compter sa collaboration active
aux journaux spéciaux, Phonetic journal et Phonetic
news. Dans d'autres genres, il a écrit Only english
proclamation of Henry UI (1 868) et donné des traduc-
tions des travaux d'Ohm et d'Helmholtz sur la musique et
les mathématiques. Ellis s'appelait en réalité Sharpe. Il
reçut en 1825 l'autorisation de prendre le nom d'Ellis.
ELLIS (Robert), érudit anglais, né vers 1820, mort en
1885. Elevé à Cambridge, il entra dans les ordres en
1845. Il soutint, à propos du passage des Alpes par An-
nibal, une controverse très vive avec William-John Law.
Il s'occupa aussi de la langue primitive du Pérou (Peru-
via Scythica, 1875), et de la langue basque {Sources of
the Etruscan and Basque Languages, 1886). On lui
doit encore: Contributions to the Ethnography of Ualy
and Greece (1858) ; An Enquiry into the Ancient
Routes between Ualy and Gaul (1867); The Asiatic
Afflnities ofthe Old Halians (1870); On Nimerals as
— 857 —
ELUS — ELLORA
Signs of Primeval Unity among Mankind(\Sld), etc.
ELLISSEN (Adolf), littérateur et philologue allemand,
né à Gartow (Hanovre) le 44 mars 1815, mort à Gœt-
tingue le 5 nov. 1872. Il voyagea en Grèce, fut employé
à la bibliothèque de l'université de Gœttingue. Il entra à
la Chambre des députés de Hanovre en 1849, la présida
en 1854 et 1855 et se mit à la tête de l'opposition libérale.
Après 1866, il se rallia au parti national libéral. Il a tra-
duit V Esprit des Lois de Montesquieu (Leipzig, 1846),
un choix des œuvres de Voltaire (Leipzig, 1844-1846),
publié sous le titre Ihee undAsphodelosblûten (Gœttingue,
1840) des adaptations de poésies chinoises et grecques
modernes. Il ne put achever son remarquable Versuch
einer Polyglotte der europœischen Poésie (Leipzig,
1846, t. I). Il se consacra ensuite surtout à l'étude de la
Grèce au moyen âge et écrivit : Michael Akominatos,
Erzbischof von Athen (Gœttingue, 1846); Zur Ge-
schichte Athens nach dem Verlust seiner Selbstœndig-
keit (Gœttingue, 1848); Analekte zur mittel und
rieugriechlscheri Litteraiur {\A\yLv^, 1855-186-2, 5 vol.).
ELLITCHPUR. Ville de l'Inde anglaise, ch.-l. du Bérar,
sur la Parna, affl. du Tapti, au pied des monts Gavalgarh ;
26,728 hab. Non loin sont les rochers à'Adjanta, avec
leurs vingt-quatre couvents et leurs cinq temples boud-
dhiques taillés dans le roc (entre l'an 200 et l'an 800).
BiBL. : Fergusson, History of Indian Architecture;
Londres, 1876.
ELLOBIUS (Zool.). Les genres de Mammifères Ron-
geurs fouisseurs, Ellobiuset Siplmeiis, longtemps confon-
dus avec les Rats-Taupes (Spalacidœ), se rattachent en
réalité au type des Campagnols (Arvicolidœ) et des Lem-
mings (V. ce mot). E. Trt.
ELLON. Corn, du dép. du Calvados, arr. de Bayeux,
cant. de Balleroy; 396 hab. Eglise en partie romane avec
une tour carrée du xvi*' siècle.
ELLOR (Elluru). Ville de Tlnde anglaise, présidence de
Madras, sur un canal alimenté par le Godavéry ; 25,000 hab.
Commerce du coton.
ELLORA. Village de l'Inde, Etat du Nizam d'Hayderabad,
prov. d'Anran^;ib'jd. dans les monts Tchandour, près de
Le Kaïlàsa, à Eilora (Inde).
la viUe de Daoulatabad. Elle doit sa célébrité à ses hypo-
gées, à ses édifices taillés dans le roc et à son temple mo-
nolithique de Kaïlâsa qui constituent une des merveilles de
l'architecture indienne. Ces édifices se répartissent en trois
groupes: 10 temples bouddhiques, 14 temples brahmanes,
6 temples du style djaïna. La montagne granitique a été
entaillée jusqu'à une profondeur de 45 m. et une hauteur
de 25 m. Le plus remarquable des édifices bouddhiques est
la caverne de Viswakarman, temple du viii® ou ix*^ siècle
ap. J.-C, avec une célèbre image du Bouddha.— -Le /tai-
lâsa est une œuvre brahmanique; voici la description qu'en
donne L. Rousselet (l'Inde des Rajahs) : « C'est un édi-
fice grandiose taillé en entier dans un seul bloc de rocher,
avec dômes, colonnes, flèches et obéHsques. Au centre d'une
vaste cour s'élève la pagode principale atteignant, avec ses
clochetons et ses tours, une hauteur do 30 m. Toutes ses
proportions sont gigantesques, et les ornements en parfait
rapport avec la grandeur de l'ensemble. » On n'aperçoit
l'édifice qu'après être entré dans la cour que les architectes
ont découpée dans la montagne, cour de 225 m. de long
sur 62 m. de large, entre des escarpements de 30 à 7 m.
de haut. On pénètre d'abord dans un beau portique de
42 m. de long sur 27 de large, recouvrant un double esca-
lier; de là, dans une vaste salle de 75 m. de long sur
45 m. de large, au centre de laquelle est le sanctuaire;
quatre rangées de pilastres portent le toit. Le temple a
31 m. de long, 17 de large; le sommet de la pyramide est
à 27 m. de haut au-dessus du pavé. « Des balcons aux
légers pilastres s'avancent sur la cour ; des bas-reliefs à
milliers de personnages couvrent les murs. Des passerelles
de pierre réunissent le portique à un élégant pavillon situé
en avant. » Les murailles sont couvertes de sculptures en
ELLORA — ELMES
— 858 —
relief représentant tous les dieux de la mythologie indienne,
des scènes du Râmâyana, du Mahâbhârata, etc. Le Kaïlâsa
date de l'an iOOO environ. — Citons encore l'hypogée
Dhoumârlena, œuvre des sivaïtes, dont les sculptures sont
les plus belles peut-être de l'Inde (V. Inde, §§ Architecture
et Sculpture),
ELLUIN (François-Rolland), graveur français, né à Ab-
beville en d745, mort à Abbeville au commencement du
XIX® siècle. Il était élève de Beauvarlet, chez qui il travaillait
en 1765. On cite six pièces de lui d'après Valade, Le Clerc,
Dugousu, Subleyras, Charlieret Le Tellier. Nous lui devons
aussi les portraits de Mole, du Père Houbigault, et,
d'après Greuze, celui de Marie-Thérèse Villette de la
Comédie-Française, etc.
ELLWANGEN. Ville d'Allemagne, roy. de Wurttemberg,
ch.-l. du cercle du Jagst, sur le Jagst; 4,700 hab, Foires
importantes de bœufs et de chevaux. La ville possède six
églises, dont une romane du xii^siècle (1100-1124), nombre
d'anciens couvents, et a un aspect très pittoresque au pied
du château d'Hohen-Ellwangen et de l'église de Sainte -
Marie-de-Lorette. L'abbaye d'Ellwangen, fondée en 764,
fut sécularisée en 1459 et transformée en une prévôté qui
avait, en 1803, 385 kil. q. et 25,000 hab. lorsqu'on
l'annexa au Wurttemberg.
BiBL. : Seckler, Besckreibung der gefûrsteten Reichs^
propstei; Stuttgart, 1864.
ELLWOOD (Thomas), écrivain et quaker anglais, né en
1639, mort en 1713. Après une jeunesse assez dissipée,
il embrassa les doctrines des quakers, grâce à son ami
Isaac Pennington, fils du régicide. Son père épuisa ses re-
montrances et sa sévérité sans parvenir à le ramener. Il
supporta de même l'emprisonnement et les persécutions
dont le gouvernement d'alors frappait les dissidents. En
1662, il alla à Londres où il étudia avec le poète Milton,
dont il devint l'ami, et à qui, dit-on, il donna l'idée du
Paradise Regained. Depuis sa première publication, An
Alarm to the Priests (1660), il publia un nombre consi-
dérable d'écrits relatifs aux doctrines et aux intérêts de sa
secte. On a aussi de lui un poème en cinq Uvres, intitulé
Davideis (1712), qui n'est nullement imité de la Davi-
deis de Cowley; A Collection of Poems on varions
subjects et The History of the Life of Thomas Ellwood
written by his own hand (1714). Cette autobiographie
a été continuée par Joseph Wyeth, et a eu plusieurs édi-
tions. La dernière est de 1885, dans VUniversal ÏÂbrary
de Henry Morley. B.-II. G.
EL LYS (Sir Richard), théologien et érudit anglais, né
vers 1688, mort en 1742. Elevé à l'étranger, probable-
ment en Hollande, il entretint toute sa vie des relations
avec plusieurs savants du continent, surtout avec Mattaire.
Il s'occupait particuhèrement de la critique biblique {For-
tuita Sacra; Rotterdam, 1727). Il fut membre du Par-
lement et a laissé un renom d'hospitalité que son père,
sir William EUys de Wyham, avait déjà mérité avant lui.
ELLYS (Antoine), théologien anglais, né en 1693, mort
à Gloucester en 1761. Il passa sa vie à rédiger un ouvrage
dans lequel il défend l'Eglise angUcane contre les dissidents
et les cathoHques. L'ouvrage, célèbre avant sa publication,
parut sous le titre de Tracts on the liberiy spiritual
and temporal of Protestants in England (1763, in-4)
suivi d'uue seconde partie intitulée Tracts on the liherty.,.
of subjects in England (1765, in-4).
ELLYS (John), peintre anglais, né en 1701, mort en
1757. Elève de Thornhill, puis de Schmutz, Ellis devint
un fervent disciple de Vanderbank, auquel il succéda, avec
Hogarth, comme directeur de l'Académie fondée, en 1720,
par Cheron et Vanderbank. Il aida sir R. Walpole à for-
mer sa célèbre collection, et fut nommé, en 1736, peintre
du prince de Galles. Parmi ses portraits (gravés par Faber
jeune, Sympson, etc.), on remarque un groupe de Lord
Whitworth et son neveu (1727) ; Frédéric, prince de
Galles; la Duchesse de Bolton, George Stanhope^ decan
çf Canterbury^ etc.
EL M. Village de Suisse, cant. de Claris, à une vingtaine
de kil. au S. du chef-lieu; 850 hab. Entouré de hautes
montagnes de tous côtés, sauf au N., il ne voit pas le soleil
pendant plusieurs semaines de l'hiver. Le village est pro-
testant depuis 1528. Le 11 sept. 1881, un éboulement
enseveht cent quatorze personnes du village et détruisit
quatre-vingt-trois maisons. Cette catastrophe émut telle-
ment la charité publique qu'il fut recueilli plus d'un million
de francs en faveur des victimes et de leurs familles. Le
village a été dès lors réédifié. E. K.
EL-MACIN ou plus exactement EL-MAKIN (Georges),
historien arabe de rehgion chrétienne (1223-1273). Il est
connu par une histoire des Arabes intitulée Tarikh el-
moslimîn et qui s'étend depuis la naissance de Mahomet
jusqu'à l'année 1238. Le texte arabe, pubhé à Leyde en
1625, a été traduit en latin par Erpenius, sous le titre de
Historia saracenica. Wattier a mis en français la traduc-
tion latine d'Erpenius et lui a donné pour titre V Histoire
mahométane ou les Quarante-neuf Chalifes duMacine
(Paris, 1657).
EL-MADHER. Village d'Algérie, dép. de Constantine,
arr. de Batna, à 102 kil. S. de Constantine; 339 hab.,
dont 82 Européens. Stat. de la voie ferrée de Constantine
à Biskra. C'est une annexe de la com. de plein exercice
de Batna.
ELMAS ou EULMAS. Grande tribu d'Algérie, dép. de
Constantine, qui occupait, à l'O. de Constantine et dans la
plaine, une surface de 70,000 hect. Ils n'opposèrent que
peu de résistance à la conquête française. Ils sont aujour-
d'hui répartis dans cinq douars d'une commune mixte qui
porte leur nom et dans les communes de plein exercice de
Bizot, de Condé-Smendou, d'El-Arrouch. — Il y a aussi des
Eulmas en petits groupes dans les environs de l'oued Zenati
et de Bône.
ELMER (Stephen), peintre anglais, mort en 1796. Ayant
abandonné le commerce pour se livrer aux arts, Elmer
devint peut-être le plus grand peintre de nature morte que
l'Angleterre ait produit. Membre de la Société des artistes
libres en 1763, il fut élu à la Royal Academy en 1772.
Outre ses nombreuses natures mortes, il peignit quelques
tableaux de genre tels que l'Avare^ VEomme politique,
le Dernier Soupir^ etc.
ELMERICH (Charles-Edouard), peintre, sculpteur et gra-
veur français, né à Besançon en 1813. Elève d'Horace Ver-
net, il expose au Salon depuis 1831. Ses principales œuvres
sont, en peinture : Une Famille exilée, au musée de Douai ;
le Passage du gué, au musée de Besançon ; en sculpture :
Guillaïune Tell et son fils, groupe marbre, exposé en
1855 ; Heur et Malheur, bas-relief plâtre, exposé en
1867. Cet artiste est aussi l'auteur de nombreuses aqua-
relles et eaux-fortes représentant des vues pittoresques de
Paris et des paysages. M. D. S.
EL-MERIDJ. Localité d'Algérie, sur la frontière tuni-
sienne, à une soixantaine de kil. S.-E. de Souk-Aliras,
où est campée une importante smala de spahis.
ELMES (James), architecte et archéologue anglais, né
à Londres en 1782, mort à Greenwich le 2 avr. 1862. 11
fut vice-président de la Société royale d'architecture et
inspecteur (surveyor) du pont de Londres ; mais la fai-
blesse croissante de sa vue l'obligea à abandonner toute
fonction (1848). Malgré sa pratique très étendue, il don-
nait beaucoup de son temps aux journaux et périodiques
traitant de son art. De 1816 à 1820, il dirigea The An-
nals of the Fine Arts, publication d'un caractère tout
nouveau alors, et qui a Thonneur, devant la postérité,
d'avoir inséré plusieurs des chefs-d' oeuvre de Keats. Outre
ses ouvrages spéciaux, comme Lectures on Architecture
(1823, in-8), The Arts and Artists (1825, 3 vol. in-
12), î Bibliographical Dictionary of the Fine Arts
(1826, in-8), Elmes a laissé un Traité sur la réforme
des prisons (1817, in-4) et une œuvre théologique, The
Gospel of our Lord Jesus-Christ rendered into one
narrative (1856, in-12).
^ 859
ELMES - ELMSLEY
ELMES (Harvey-Lonsdale), architecte anglais, né à
Londres en 1843, mort à la Jamaïque le 26 nov. 1847.
Fils du précédent, il prit part, en 1836, au concours
ouvert pour la construction de Saint-George' s Hall, à
Liverpool, et ses plans ayant été préférés à ceux de ses
quatre-vingt-cinq concurrents, il conduisit, de 1841 à
1846, les travaux de cet édifice, que fit terminer Ch.-R.
Cockerell. C'est aussi Elmes qui donna les dessins des cours
d'assises et de Collegiate Institution dans la même ville,
ainsi que ceux de l'asile d'aliénés du comté à West Derby.
En outre, plusieurs dessins de cet architecte furent exposés
à l'Académie royale de Londres. Charles Lucas.
BiBL.: The Builder, n°» des 3 janv. et 5 févr. 1848; Lon-
dres, in-4.
ELNIGAARD (Hans-Bertel-Marius) , littérateur danois,
né à Sandvad, près de Veile, le 16 oct. 1861. Tout en écri-
vant dans les journaux, il a publié plusieurs volumes de
nouvelles et d'esquisses qui se recommandent moins par
l'intrigue et l'invention que par l'observation et l'exacte
peinture des mœurs populaires : Dégel (Copenhague, 1883);
Lieux calmes (1885); Tableaux du pays natal (1888);
Sous les toits de chaume (1891). B-s.
ELIVI6REN (Sven-Gabriel), érudit finlandais, né à Par-
, gas le 25 oct. 1817. Attaché à la bibliothèque de l'uni-
versité de Helsingfors en 1848, il en devint sous-bibliothé-
caire en 4862. On lui doit la découverte d'un fragment de
Konunga-och hœfdingastyrilsi (Gouvernement des rois
et des grands) qu'il édita (1868) et qui a permis d'établir
l'authenticité de cet ouvrage du moyen âge. Il a publié :
Ephémérides finlandaises (1854); Description de la pa-
roisse de Par g as, dans Suomi (1847); de celle d^ Saint-
Màrten ou Marttila (^/>^(^., 1857); les Ruines du Cloître
de Nâdendal (1863); Coup d'œil sur la littérature en
Finlande de i542 à 186S (1864-1865, 2 fasc). On lui
doit des éditions de : Ecrits choisis de Porthan (1859-
1873, 4 vol. in-8); Voyages en Orient de G.- A. Wallin
(1864-1866). Il rédigea Litteraturblad (1850-1854) et
un grand nombre de notices biographiques pour Finlands
minnesvœrde mœn, Fosterlandskt Album et Lœnnetœr.
ELMHAIVI (Thomas), historien anglais, mort en 1440.
C'était un moine appartenant au monastère bénédictin de
Saint-Augustin, à Canterbury. Le 11 juin 1414, il devint
prieur de Linton (Nottinghamshire) et en 1416 vicaire
général pour l'Angleterre et l'Ecosse. On a de lui : His-
toria monasterii sancti Augustini Cantuariensis, qui
va de 806 à 1418 avec une lacune de deux cent quatre
vingts ans avant 1087; cette histoire, qui contient un
certain nombre de chartes importantes et l'abrégé d'une
chronique de Thomas Sprott aujourd'hui perdue, a été
éditée, en 1858, par Hardwick; A Prose life of Henry F,
publiée en 1 727 par Hearne ; Liber metricus de Henrico V,
publié en 1858 par Cole. R. S.
EL-MILIAH. Localité d'Algérie, dép. et arr. de Cons-
tantine, sur un mamelon de la rive droite de l'oued El-
Kebir, à environ 30 kil. de la mer. Ch.-l. d'une com.
mixte de 98,000 hect. (presque tout en montagnes) et de
40,859 hab., dont 157 Européens. On y établit, en 1858,
un poste militaire chargé de surveiller ^la région monta-
gneuse, alors infestée de brigands, et d'assurer les com-
munications entre Djidjelli, Collo et Constantine. Le bordj
fut assiégé par les Kabyles insurgés en 1871, mais ils ne
purent l'enlever, et aujourd'hui, à l'entour, il y a un petit
village européen.
ELIVIINA, appelé aussi Saint-Georges della Mina, et
La Mine des relations françaises du xiv^ siècle. Etablis-
sement de la Guinée (Côte d'Or), par 5^ 4'' 48'" lat. N. et
30 40' 49'^ long. 0. ; 3,000 hab. C'est le centre du
mouvement commercial de la côte, et la principale escale
pour le trafic avec les populations de l'intérieur, notam-
ment la région des Achantis. En 1383, les Dieppois au-
raient fondé le comptoir de La Mine, ainsi nommé « pour
la quantité d'or qui s'y apportait des environs ». Les Por-
tugais succédèrent aux Français, et, en 1637, lesHollan-
1
dais prirent violemment la place des Portugais. Le traité
du 27 févr. 1871 a fait passer Elmina aux mains de
l'Angleterre ; Elmina est devenue, avec Cape Coast Castle
et Akra, la base d'opération des troupes anglaises dans
leurs expéditions contre les Achantis, et un des comptoirs
les plus prospères de la Côte d'Or. Crozals.
ELMINIUS (ZooL). Genre de Crustacés cirrhipèdes, de
la famille des Balanides, établi par Leach en 1825 pour
des espèces voisines des Tetraclita, qui vivent générale-
ment attachées sur les rochers ou sur d'autres coquiUes.
La couronne, chez ces animaux, est formée de quatre
pièces ; les parois du test ne sont pas poreuses et la base
est membraneuse. Les Elminius sont représentés par trois
espèces très communes sur les côtes de la Nouvelle-Galles
du Sud, de la terre de Van Diemen et de la Nouvelle-Zé-
lande, une quatrième appartient à l'Amérique du Sud.
ELMIRA. Ville des Etats-Unis, Etat de New-York,
comté de Chemung, sur la rivière Chemung, affluent du
Susquehannah; 30,893 hab. en 1890. Belle et régulière-
ment bâtie, elle possède des étabhssements métallurgiques ;
fabriques de machines, etc.
ELMIS (Elmis Latr.) (Entom.). Genre de Coléoptères,
de la famille des Parnides. Ce sont des insectes de petite
taille, au corps ovalaire ou oblong, d'un bronzé foncé ou
noirâtre, avec les antennes simples,
de onze articles distincts, le prothorax
plus étroit que lesélytres, les hanches
antérieures subgbobuleuses et les
tarses de cinq articles, dont le der-
nier, aussi long que les quatre pré-
cédents pris ensemble, est terminé
par de forts crochets. On les trouve
dans les eaux courantes, parfois même
très rapides, où ils vivent accrochés
aux pierres submergées. Leurs espèces,
médiocrement nombreuses, se divisent
en deux groupes selon que le protho-
rax est marqué, ou non, de chaque
côté, d'une hgne longitudinale enfon-
cée. V Elmis œneusMuW. est commun
en Erance dans les cours d'eau rapide. Sa
larve, que nous figurons, a été observée par Westwood, Kole-
nati, Erichson et plus récemment par le D'^ Laboulbène
(Ann. Soc, ent, de France, 1870, p. 405). Elle al'appa-
rence d'un petit Crustacé, d'un gris jaunâtre ou verdâtre,
avec les côtés du corps plus clairs, dilatés et garnis d'appen-
dices très fins, foliacés et laciniés. L'extrémité de Pabdomen
est pourvu, en dessous, d'un petit opuscule qui s'ouvre fré-
quemment pour donner passage à trois faisceaux de branchies
d'un blanc satiné ou argenté très vif. Ed. Lef.
ELMORE (Alfred), peintre anglais, né à Clonakilty
(Irlande) en 1 815, mort à Londres en 1881 . Très connu par
les expositions, il* fut élu académicien en 1856. Parmi ses
œuvres les plus remarquées, nous pouvons citer : Marie,
reine d'Ecosse; Rienzi au Forum; Lucrèce Borgia, Ma-
rie-Antoiriette au Temple; Charles-Quint ciYuste, etc.
ELMSLEY (Peter), helléniste anglais, né à Hampstead,
près de Londres, en 1773, mort à Oxford en 1825. Après
ses études à Oxford, il prit les ordres, résida quelque temps
à Edimbourg oîi il collabora à la célèbre Revue d'Edim-
bourg, puis à la Quarterly Revieiv, par des articles sur la
littérature grecque. Il publia smœsshement Acharnienses
(1809); OEdipus ttjrannus (1811) ; Heraclidœ (1815),
Medea(iS\8);Bacchœ(iS^i); OEdipus Coloneus (1823).
Il avait déjà, pour ses travaux littéraires, visité les princi-
pales bibliothèques du continent, entre autres celles de Flo-
rence, où il passa tout l'hiver de 1818, lorsqu'il fut chargé
par le gouvernement de surveiller, avec sir Humphrey
Davy, le déroulement des papyrus trouvés dans les fouilles
d'Herculanum. A son retour en Angleterre, ayant obtenu
le grade de docteur en théologie, il fut nommé principal
d'un des collèges d'Oxford, poste qu'il occupa jusqu'à sa
mort, Hector F wçe.
Elmis œneus
(larve grossie).
ELNA — ELODEA
860 —
ELNA ou lELNA. Ville de la Russie d'Europe, chef-lieu
de district du gouvernement de Smolensk ; 6,000 hab.
Le district d'Elna est essentiellement agricole.
ELNE. Com. du dép. des Pyrénées-Orientales, arr. et
cant. (E.) de Perpignan, sur une colline entre le Tech et
J(Réart, l'un des points d'où l'on découvre le mieux la
plaine du Roussillon; 3,237 hab. La grandiose beauté du
panorama, le pittoresque des ruines, les tons admirables
que le paysage prend à certaines heures du jour ne sont
pas assez connus des artistes. Le territoire d'Elne produit
du vin de table estimé, des primeurs, des violettes, dont
on fait un certain commerce.
Elne, qui portait primitivement le nom dllliberis,
est l'une des plus vieilles cités de France; on a con-
jecturé qu'elle fut fondée par les Phéniciens au xi^ siècle
av. J.-C. Ruinée vers leiv^ siècle avant notre ère, lUiberis
est signalée par Pline comme « le faible vestige d'une
grande ville ». lUiberis fut restaurée par Constantin, qui
lui donna le nom de sa mère llelena d'où Elne. C'est à
Elne que Constant, troisième fils de Constantin, fut atteint
et assassiné par les émissaires de l'usurpateur Magnence,
en 350 : on montre dans le cloitre un chrisme qui serait
un fragment du tombeau de Constant ; mais la forme du
rho décèle une facture plus récente. Au vi® siècle sans
doute, Elne fut érigée en évéché; prise au viii® siècle, par
les Maures, au ix® par les Normands, la cité soutint encore
quatre sièges : en 1285, elle fut mise à sac par Philippe
le Hardi; en 4344, elle fut enlevée par les troupes du roi
d'Aragon, qui envahissaient les terres du roi de Majorque ;
en 1474, Elne, pressée par les troupes de l'armée française,
ouvrit ses portes au bout de cinq mois et demi ; enfin elle
se rendit, en 1641, à une partie de l'armée de Louis XIIL
La résidence des évêques et du chapitre d'Elne a été trans-
férée à Perpignan, en 1602; le siège de l'évèché est, en
fait, dans cette dernière ville : la curie romaine appelle en
français « évêque de Perpignan » le même prélat à qui
elle donne en latin le titre de « episcopus Elnensis ».
La cathédrale d'Elne est dédiée à sainte Eulalie de Mérida :
restaurée ou refaite vers l'an 900, elle fut reconstruite au
XI® siècle et sans doute terminée vers le commencement
du XII®. L'évêque Udalguer la fortifia vers 1140. C'est une
basilique à trois nefs, avec une abside et deux absidioles
circulaires et sept travées ; la maîtresse voûte est en ber-
ceau; les voûtes latérales en demi-berceau épaulant la
voûte centrale; les unes et les autres sont sur doubleaux.
Derrière l'abside ressort une autre abside basse très an-
cienne. De la fin du xiii® siècle jusque vers le milieu du
XV®, on a successivement bordé de chapelles six travées du
bas côté S. Le clocher surmonte la septième travée, sur la
façade : c'est une tour massive, carrée, couronnée par un
crénelage et d'aspect imposant ; le soubassement a été ren-
forcé par un empattement en 1415. Le second clocher, à
l'autre bout de la façade, n'a jamais été terminé. On entre-
prit, au début du xv® siècle, un chevet avec chapelles
rayonnantes, qui fut arrêté au niveau des bases; on songea
à le continuer vers 1675 : ce projet échoua heureusement.
Le maître-autel, consacré en 1069, subsiste en partie : la
table est dressée devant le tombeau. Le retable d'argent,
du xiv® siècle, a été fondu et remplacé, en 1724, par un
baldaquin de mauvais goût. 11 faut signaler encore, dans la
cathédrale, en outre du chœur du xiii® siècle, qui a disparu,
une cuve antique servant de bénitier, des reliquaires du
XV® siècle, une cloclwitte du xvi®, etc. — Le cloître occupe
un quadrilatère irréguher sur le flanc N. de l'église. Bâti
vers 1175 peut-être, il fut ruiné en 1285, et la recons-
truction dura jusqu'à la fin du xiv® siècle : la galerie S.
était intacte; on releva la galerie 0. en partie avec des
matériaux anciens, puis la galerie N.; à la galerie E., qui
vint ensuite, on modifia le tracé des voûtes, dont les ner-
vures pénétrèrent dans les supports; on appliqua ce sys-
tème à la galerie S., qui fut, en dernier heu, voûtée. Si
les auteurs de cette restauration ont substitué au berceau
ou. plutôt à la charpente du cloitre primitif des voûtes de
structure gothique, ils ont respecté le tracé de la claire -
voie, et l'on peut classer le cloître d'Elne parmi les cloîtres
romans : c'est l'un des plus beaux assurément que l'école
romane ait laissés. Aucun peut-être ne réunit à un pareil
degré le luxe des matériaux, de marbre blanc, veiné de
bleu, et leur conservation, l'unité de l'ensemble et la
luxueuse variété des détails : les colonnes sont en grande
partie à pans coupés, cannelées, tournées en spirales, im-
briquées, feuillagées, etc. Quelques chapiteaux, surtout au
N., et certains culs-de-lampe au S., sont de petits chefs-
d'œuvre de sculpture. Aug, Brutajls.
BiDL. : Alart, les Patronnes d'Elne, dans le Bulletin
de la Société des Pyrénées-Orientales, t. XI, et dans les
Notices historiques sur les communes du Roussillon, t. I,
pp. 121-144. — Campagne, Dissertation sur sainte Eulalie.
— Congrès archéologique de France, XXXV« session. —
L. DE BoNNEFOY, Epigraphic roussillonnaise. — Brut ails,
Monographie de la cathédrale et du cloître d'Elne, extrait du
Bulletin de la Société des Pyrénées-Orientales, t. XXVIII.
ELNES. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. de Saint-
Omer, cant. de Lumbres, sur l'Aa; 459 hab. Papeterie,
blanchisserie de toile. Ancien château fort des comtes de
Vaudelin, converti en ferme.
EL OBEÏO (V. Obejd).
ELOBEY. Nom donné à deux îlots, Elobey Grande
(500 hect.), et Elobey Pequeno (25 hect.) faisant partie
des colonies espagnoles de la côte de Guinée, dans la baie
de Corisco. Le climat de ces îlots est très salubre ; Elobey
Pequeno sert de sanatorium aux postes de la région cir-
convoisine.
ÉLOCUTION(Rhét.).L'élocution,dansracceptionpropre
du mot, n'est autre chose que renonciation de la pensée par
la parole. C'est ainsi que la définit Quintilien en rappro-
chant le mot du grec opaaiç (VIIl, proœm.) : Eloquiest
omnia quce mente conceperis promere atque ad au-
dientes perferre. Dans le sens oratoire, cette énonciation
consiste à choisir, en pariant, l'expression la plus propre à
faire valoir la pensée. Le mot est donc synonyme de style,
avec cette différence qu'il s'applique particulièrement à
l'expression orale. L'élocution a pour objet, par conséquent,
en rhétorique, cette partie de l'art oratoire qui consiste à
exprimer ce que l'orateur a trouvé par l'invention et com-
biné par la disposition. Les auteurs sont d'accord pour
regarder cette partie de la rhétorique comme la plus im-
portante et la plus difficile. Elocutio, dit encore Quintilien
au même endroit, ut inter omnes convenit, difficillima.
Il cite à l'appui de son opinion celle de Cicéron qui a con-
sacré à cette division de l'art la plus grande part de ses
efforts, et suivant qui tout homme inteUigent peut acquérir
l'invention et la disposition, tandis que l'éloquence (elo-
quentia est ici exactement synonyme de elocutio) est le
propre de l'orateur (Or., 44). "'Voltaire etBuffon ne parient
pas autrement du style qui est l'élocution écrite. La partie
de la rhétorique qui s'appelle l'élocution est aussi, on le
conçoit par ce qui précède, la plus étendue. Elle laisse en
eff'et à la grammaire les règles de la correction ; mais elle
traite du style et de ses genres, de ses quahtés générales
et des quahtés particulières à chacun; du choix des mots
et de la construction des phrases ; des tours, des mouve-
ments, des figures ; des défauts de style à éviter, et des
moyens d'acquérir les qualités opposées ; comme l'un des
meilleurs moyens est la lecture et l'étude des modèles en
tous genres, Quintilien a fait entrer dans sa rhétorique un
tableau de l'histoire littéraire de la Grèce et de Rome à
l'usage de l'apprenti orateur (hist.^ X, 1) (V. Style, Fi-
gure, etc.). A. W.
ELOCYON (Paléont.) (V. Cynodictis).
ELODEA (ElodeaL.-C. Kich.) (Bot.). Genre déplantes
de la famille des Hydrocharidacées. Ce sont des herbes
aquatiques, submergées et vivaces, à feuilles sessiles et
verticillées, à fleurs hermaphrodites, polygames ou dioïques,
renfermées, au nombre de trois à sept, dans une spathe
axillaire, ovale ou hnéaire. L'ovaire, infère, devient à la
maturité une capsule oblongue renfermant un petit nombre
de graines à embryon droit, dépourvu d'albumen. —VE.
- 861 —
ELODEA — ÉLOGE
canadensis Kich. (Anacharis i/smas^m/^iBabingt.) est
une espèce dioïque commune dans les cours d'eau de l'Amé-
rique du Nord. Transporté accidentellement dans la Grande-
Bretagne et en Irlande, il s'y est multiplié dans des propor-
tions tellement considérables qu'il est devenu un obstacle
sérieux à la navigation. Depuis plusieurs années, l'individu
femelle s'est également multiplié en grand nombre dans
plusieurs mares et cours d'eau de la France. M. H. Bâillon
a étudié l'organisation floréale de cette espèce dans les
Comptes rendus de l'Association française pour r avan-
cement des sciences (Le Havre, p. ^S^l), Ed. Lef.
ELODES (Elodes Spach.) (Bot.). Genre d'Hypéricacées,
très voisin des Hypericum, dont il diffère par les glandes
écailleuses, pétaloïdes et bifides qui alternent avec les fais-
ceaux d'étamines. L'espèce type, E. palustris Spach {Hype-
ricum Elodes L.), est une herbe vivace commune en France
dans les marais tourbeux des terrains siliceux. Ed. Lef.
ÉLOGE. I. Littérature ancienne. — Il y a, dans la litté-
rature grecque, différentes formes d'éloges, soit des pané-
gyriques, soit des oraisons funèbres. C'est surtout la so-
phistique du v^ siècle av. J.-C. avec Gorgias, Protagoras,
Prodicus, Hippias, Euthydème, qui s'est exercée dans le
genre du panégyrique, en faisant l'éloge de toutes sortes
d'objets, par exemple, de la mouche, de la fièvre, de la
punaise, del'escarbot.Ily a des panégyriques plus sérieux
dans les poésies de Pindare et dans les œuvres d'/50-
crate (V. ces noms). La pièce de Théocrite, intitulée les
Grâces ou Eiéron, est l'éloge d'Hiéron. Les Athéniens
avaient, à l'époque classique, l'habitude de faire célébrer
publiquement la mémoire des soldats morts pendant l'année.
C'est ainsi que Thucydide (2, 34-46) a refait un discours
funèbre de ce genre prononcé par Périclès. Le Ménexène de
Platon est une oraison funèbre du même genre (V. Oraison
funèbre). Nous retrouvons les deux catégories d'éloges,
panégyriques et oraisons funèbres, dans la littérature
grecque de l'époque romaine. Il y a plusieurs éloges dans
les œuvres de Dion Chrysostome ; nous avons deux dis-
cours funèbres dans celles du sophiste Polémon, et dans
celles du rhéteur JElius Aristide une oraison funèbre
adressée à une ville d'Asie, l'éloge de son ami Alexandre
et un discours qui a une certaine valeur historique, l'éloge
de Rome. On conteste à Lucien l'éloge de Démosthène et
l'éloge de sa patrie, mais l'éloge de la mouche paraît être
de lui. Au iv® siècle, le philosophe Themistius a écrit plu-
sieurs panégyriques d'empereurs et l'exorde d'une oraison
funèbre de son père. Dans la littérature chrétienne, nous
possédons de saint Grégoire de Naziance (V. ce nom)
plusieurs oraisons funèbres, et de l'évêque Synesius, l'éloge
de la calvitie, composé sur le modèle des éloges de Lucien.
On peut encore ranger parmi les éloges les sept cent qua-
rante-huit épigrammes funéraires de l'Anthologie grecque.
La littérature latine est beaucoup plus riche en éloges
de tous genres que la littérature grecque. Il faut distin-
guer tout d'abord, d'une part, les panégyriques et les
oraisons funèbres, de l'autre les différents genres qui sont
compris dans l'expression technique elogium. L'étymo-
logie du mot elogium n'a pas encore été bien déterminée;
les uns y voient une forme latinisée du mot grec sXsyctov,
antérieure aux formes elegeia et elegia ; d'autres le con-
sidèrent comme une forme plus ancienne du mot latin
eloquium; d'autres le tirent simplement du \eTheelegere,
avec le sens d'extrait, de sommaire, de sentence. Il est
probable qu'au début elogium a signifié une courte ins-
cription, soit épigrammatique, soit votive. Dans Plaute
(Mercat., v, 409), ce mot signifie une épigramme écrite
sur une muraille; Cicéron appelle ainsi l'inscription en
vers saturniens du consul A. Atilius Caiatinus et un dis-
tique élégiaque de Solon ; Auguste fait graver, sur le
monument élevé à Drusus, un elogium en vers. C'est donc
le sens d'inscription funéraire et, par suite, élogieuse qui
l'a peu à peu emporté sur les autres. Nous avons des elogia
de différentes formes. Ils sont privés ou publics. Comme
monuments privés, nous connaissons, de l'époque républi-
caine, les épitaphes gravées à l'intérieur des tombeaux des
anciens magistrats et des grands personnages ; elles sont
très courtes ; le nom est au nominatif ; nous avons toute
la série des épitaphes des Scipions depuis 290 jusqu'à 130
(Corpus inscriptionum latinarum, I, n^ 30 et suiv.) ;
nous avons aussi r^%mm d'un riche affranchi; on peut
également mettre dans cette catégorie les inscriptions,
dont l'auteur est inconnu, composées en l'honneur de diffé-
rents poètes latins, celle de Nsevius en vers saturniens,
celle de Plaute en hexamètres dactyliques, celle d'Ennius
en vers élégiaques, celle de Pacuvius en iambiques sénaires.
Sous l'Empire, les épitaphes de ce genre se gravent sur la
paroi extérieure des tombeaux avec le nom au datif, et alors
on peut donner le nom d'elogia à toutes les inscriptions
funéraires qui contiennent les titres du défunt et un éloge
plus ou moins long. Les familles nobles avaient aussi l'ha-
bitude de faire écrire au-dessous des portraits des ancêtres
de courtes notices qui s'appellent aussi elogia, mais nous
n'en avons pas conservé. Comme monuments publics, nous
connaissons d'abord les elogia des monnaies, courtes ins-
criptions que les magistrats monétaires furent autorisés
depuis 114 à faire figurer sur les monnaies en même temps
que des symboles de leurs familles ou des portraits d'an-
cêtres. En second lieu, les magistrats qui consacraient des
temples trouvèrent souvent le moyen d'y introduire, en la
faisant graver sur quelque pièce de la décoration intérieure,
une inscription relative à leur famille, sous forme d'elo-
gium. Enfin, on permit à différents magistrats d'élever,
sur les places publiques de Rome et surtout au Capitole,
des statues à leurs ancêtres avec un elogium; nous avons
plusieurs de ces inscriptions ; quelques-unes sont de petites
biographies ; l'histoire ne doit s'en servir qu'avec pru-
dence, car elles ont été généralement composées très long-
temps après la mort des personnes qu'elles concernent ;
celle de Duilius, par exemple, n'a été rédigée que sous
Claude. Auguste fit placer dans son Forum les statues des
principaux personnages de la République, depuis Enée,
avec un elogium ; n(»us avons vingt-quatre inscriptions de
ce genre, soit entières, soit fragmentaires, trouvées soit à
Rome, soit dans les villes d'Italie qui en avaient fait faire
des copies. Chacun de ces elogia renfermait le nom du
personnage au nominatif, l'indication de ses magistratures,
de ses sacerdoces, une esquisse biographique et une courte
appréciation. Après Auguste, on ajouta d'autres statues
dans son Forum. On pratiqua le même système au Forum
de Trajan. Il nous a fourni des biographies de nombreux
personnages depuis le ii® jusqu'au v^ siècle. On peut rap-
procher de ce genre d'inscription les elogia, qui, d'après
un usage grec, étaient placés sous les portraits des grands
hommes dans les musées et les bibliothèques ; la plupart de
ceux qu'on a trouvés à Rome sont en grec, quelques-uns
seulement en latin. Varron avait écrit, dans un ouvrage
intitulé Portraits (Imagines) les biographies de sept cents
personnages, accompagnées chacune d'un portrait et d'un
elogium en vers ; malheureusement, il ne nous en reste
rien, non plus que de l'ouvrage analogue qu'avait composé
Atticus. Nous avons quelques fragments d'un recueil du
même genre qu'avait fait Symmaque le père au iv® siècle ;
on ne sait, au juste, à qui attribuer les deux séries, l'une
de vingt-quatre, l'autre de huit elogia, en hexamètres
dactyliques, que renferment plusieurs manuscrits. Le mot
elogium a gardé, en outre, quelques acceptions particu-
lières dérivées de sa signification primitive ; il désigne, par
exemple, une clause particulière d'un testament, un acte
de la procédure criminelle, un rapport de police sur un
inculpé et quelquefois aussi une sentence rendue au cri-
minel.
Les éloges proprement dits tiennent une grande place
dans la littérature latine ; nous en renvoyons l'étude aux
mots Panégyrique et Oraison funèbre. Citons seulement
ici quelques œuvi'es qui ne rentrent précisément dans au-
cun de ces genres, par exemple le livre de Tacite sur la
vie d' Agricola, qui est à la fois une biographie et un éloge ;
ÉLOGE — ELOPS
862 —
les éloges écrits par Fronton à la manière des sophistes
grecs ; les quatorze pièces de Prudence qui sont des pané-
gyriques de martyres chrétiens, et dans la littérature
chrétienne les nombreux traités (jui renferment Téloge
d'une profession, d'une vertu, ainsi l'éloge delà virginité,
de saint Jérôme, l'éloge du martyre, de saint Cyprien.
Ch. Lécrivain.
IL Littérature contemporaine. — Discours public fait à
l'honneur de quelqu'un après sa mort (V. Oraison funèbre
et Panégyrique). En France, les éloges académiques pré-
sentent un caractère spécial ; c'est un genre de composition
littéraire tout particulier ; on trouvera à l'art. Oratoire
(Art) les règles et les caractères de l'éloquence aca-
démique.
BiBL. : Littérature ancienne. — Bergk, Grieschische
Literaturqeschichte ; Berlin, 1872-1887. — Teuffel, Ge-
schichte der rômischen Literatur; Leipzig, 1890.— Laeaye,
article Elogium, dans Dictionnaire des antiquités grecques
et romaiines ; Paris, 1891.
ELOHIWI. Nom de la divinité chez les Hébreux, que les
traductions anciennes et modernes rendent par D/é^w (V. Hé-
breux [Histoire et religion des]).
ÉLOl (Saint) (EHgius), né à Catillac, près de Limoges, en
588, mort à Noyon le 30 nov. 658 ou 659. Venu à Paris
comme orfèvre, il acquit la faveur du roi Clotaire II qui
en fit son trésorier. Le roi Dagobert accrut encore la situa-
tion d'Eloi, qui l'utilisa au profit de l'Eglise et des cou-
vents, On lui attribue la fondation de l'abbaye de Saint-
Ouen. En 640', on lui donna l'évêché de Noyon. Il continua
d'être un des grands personnages de la monarchie franque.
Il travailla activement à l'évangélisation des Flandres,
fonda l'église Saint-Martin à Courtrai, un monastère à
Tournai, kc. La légende a beaucoup accru le rôle de ce
saint resté très populaire et regardé comme patron des
orfèvres.
ÉLOIE. Com. du territoire de Belfort, cant* de Gi-
romagny; 166 hab.
ÉLOiGNEMENT (Math.) (V. Géométrie descriptive et
Mathématiques).
ÉLOl SE. Com. du dép. de la Haute-Savoie, arr. de
Saint-Julien, cant. de Frangy; 472 hab.
ÉLOMIRE (Marie-Joséphine-Yictorine Jollain, dite),
actrice française, née à Champeaux le 8 mai 4784, morte à
Paris vers 1868. Elle était âgée de quatorze ou quinze ans
lorsqu'elle débuta au théâtre des Jeunes-Artistes. Le 19 juin
1806, elle débuta avec succès aux Variétés, le théâtre alors
le plus populaire de Paris ; pendant dix ans elle fat l'actrice
préférée du public de ce théâtre, puis tout d'un coup, vers
1815, au plus fort de ses succès, elle quittait subitement
la scène pour n'y plus revenir. A. P.
ÉLONGATION. I. Astronomie. — Elongation d'une
PLANÈTE. — Différence entre les longitudes géocentriques
de cette planète et du soleil. La plus grande élongation des
planètes inférieures. Mercure et Vénus, s'appelle aigres-
sion (V. ce mot). Les élongations des autres planètes vont
jusqu'à 180^ puisque ces astres peuvent se trouver opposés
au soleil. L. B.
IL Médecine. — Elongation nerveuse. — Un agent
vulnérant peut produire l'élongation d'un nerf en exerçant
sur lui une traction ; on peut l'observer à la suite des dépla-
cements des extrémités osseuses dans les luxations, lors des
tractions nécessitées pour la réduction des fractures, lors
de l'extension forcée d'un membre. Il faut une force con-
sidérable pour occasionner la rupture d'un nerf; celle du
sciatique exige de 54 à 58 kilogr., celle du médian et du
cubital de 20 à 25 ; la déchirure est précédée d'une élon-
gation de 15 à 20 millim. Les nerfs distendus présentent des
lésions profondes, rupture de la myéline des tubes ner-
veux et des cylindres axes, hémorragies capillaires, etc.,
qui sont suivies plus tard de dégénérescences partielles.
Des douleurs très vives se montrent lors de la distension
dans le territoire du nerf atteint et s'accompagnent de sen-
sation de fourmillement et de brûlure ; elles disparaissent
au bout de peu de temps et peuvent faire place à de Panes-
thésie.
L'élongation des nerfs est employée pour calmer les
névralgies depuis le jour où Billroth vit des douleurs très
vives du sciatique disparaître à la suite de l'élongation de
ce nerf qu'il avait faite accidentellement au cours d'une
opération. En Allemagne, puis en France et en Angleterre,
on eut recours à l'élongation dans les affections les plus
diverses : ataxie, tétanos, spasmes, tics, convulsions, névral
gies rebelles, etc. Mais les résultats obtenus ne répondi-
rent pas toujours aux espérances que la découverte de
l'élongation avait fait naître ; ils furent nuls dans les affec-
tions d'origine centrale ; ils ne furent satisfaisants que dans
les névralgies d'origine périphérique. Même dans celles-ci
l'intervention est fort restreinte, car outre qu'elle nécessite
une opération chirurgicale difficile, elle expose le malade à
tousles dangers consécutifs. Ne pouvant donc pour cette raison
utiliser l'élongation sanglante que pour les névralgies ayant
résisté à tous les autres modes de traitement, on chercha à la
pratiquer sans opération par des mouvements d'extension
forcée imprimés aux membres ; on y réussit dans quelques
cas, surtout lorsqu'il s'agit du sciatique qui se prête facile-
ment à ces manœuvres. Le malade étant anesthésié au préa-
lable, un aide immobilise son bassin pendant que le chi-
rurgien saisit le pied, fléchit la jambe sur la cuisse et
celle-ci sur l'abdomen et l'amène à former un angle de
15° à 20° avec le tronc. Le nerf sciatique est ainsi allongé,
sans aucun danger, quand l'opération est faite avec pru-
dence. Cette opération est suivie de guérison, c.-à.-d. de
la disparition de la douleur, dans plus de la moitié des
cas, et d'amélioration plus ou moins durable dans un tiers
des cas environ. On l'emploie d'autant plus volontiers
qu'elle n'expose le malade à aucune complication et qu'elle
n'entrave nullement un autre traitement concomitant. Mais,
si elle est encore utihsée contre les névralgies, elle ne l'est
plus guère ni dans l'épilepsie ni dansl'ataxie locomotrice, où
elle ne donne que des résultats fort passagers. — Quelque-
fois on a provoqué des paralysies en pratiquant l'élongation
pour remédier à des tics convulsifs ou à des phénomènes
douloureux ; l'arrachement du nerf a été observé au cours
de l'opération quand elle était faite par la méthode san-
glante ; aussi cette méthode de traitement est-elle peu usi-
tée et ne le sera pas avant d'avoir donné des résultats plus
concluants. D^ Georges Lemoine.
ÉLONGIS (Mar.). Fortes pièces de bois" de chêne pla-
cées de chaque côté du mât dans le sens de la longueur
du navire, à la hauteur de la hune et chevillées entre
elles. C'est sur ces pièces que repose le plancher de la
hune ou première plate-forme de la mâture.
ÉLONICHTHYS (Paléont.). Ce genre a été fondé par
Giebel pour des Poissons Ganoïdes appartenant à la famille
des Palœoniscidées et démembrés des Amblypterus ; le type
est Amblypterus nemopterus Ag. du terrain carbonifère.
Les caractères du genre sont les suivants : écailles striées ;
nageoires impaires grandes; fulcres petits; rayons des
pectorales articulés ; caudale puissante ; dorsale située au-
dessus de l'espace qui sépare les ventrales de l'anale ;
suspensorium très oblique ; pas de sous-operculaire ; dents
grandes entremêlées de dents plus petites. E. Sauvage.
BiBL. : Giebel, Fauna der Vorwelt.^ t. I. — Traquair,
Journ. Geol. Soc, 1877.
ÉLOPOPSIS (Paléont.). Heckel a étabh ce genre pour
des Poissons des schistes bitumineux de l'Istrie dont les
caractères sont les suivants : corps fusiforme, squelette
robuste, gueule largement fendue, armée de dents aug-
mentant de force vers la partie postérieure des mâchoires,
les externes étant beaucoup plus fortes ; dorsale peu éten-
due, insérée au-dessus des ventrales ; caudale robuste, très
échancrée. Ce genre est rapporté par Heckel à la famille
des Clupéidées et se place près des Elops. E. Sauvage.
BiBL. : Beitrage z. Kenn. der foss. Fische Œsterreichs,
ÎS56.
ELOPS (IchtyoL). Genre de Poissons osseux (Téléos^
téens) de l'ordre des Physostomes et de la famille des
^ 863 -^
ELOPS - EL PASO
Cliipeidœ, présentant un corps de forme allongée, faible-
ment comprimé, revêtu de petites écailles adhérentes ; la
ligne latérale bien marquée; le museau pointu, des plaques
de dents en velours sur les maxillaires, le vomer, les pala-
tins et les ptérigoïdes, ainsi que sur la langue ; la dorsale
opposée aux ventrales, l'anale plus courte que la dorsale, les
membranes branchiales entièrement séparées. On connaît
deux formes de ce genre, dont VElops saurus est le type,
propres aux mers tropicales ; il peut atteindre la longueur
de trois pieds (92 centim.) et n'est pas estimé comme ali-
ment. On le mange quelquefois au Sénégal. Rochbii.
BiBL. : GuNTHER, Study of Fishes. — De Rochebuuxe,
Faune de la Sénégaynbie. Poissons.
ÉLOQUENCE (V. Oratoire [Art]).
ELORN. Rivière de France (V. Finistère [Dép. du]).
ELORZA Churruca (Cosme-Damian) (V. Ciiurruca).
ELOTHERIUIVI (Paléont.) (V. Chéropotame).
EL-OUDIAN. Groupe d'oasis du Belad-Djerid ou pays
des palmes (S. de la Tunisie), qui renferme plusieurs
villages, tels que Degach, Kriz, Zeddada, assez éloignés les
uns des autres. On y compte environ 4,000 hab. et
200,000 palmiers.
EL-OUED. Ville d'Algérie, dans l'extrême S. du dép.
de Constantine, à 316 kil. E.-S.-E. de Biskra, capitale
des oasis du Souf; 5,000 hab. environ. « La ville, dit un
voyageur, offre l'aspect d'une enceinte de ruches à miel;
ses maisons, petites et basses, sont des cahutes couvertes
de dômes minuscules et ayant la forme d'une calotte bom-
bée et sphérique. » L'oasis, sans cesse menacée par l'en-
vahissement des sables, ne se maintient que par le travail
incessant des habitants. Elle fait partie de la corn, indi-
gène de Biskra et est le siège d'une confrérie religieuse
puissante.
ÉL0U6ES. Com. de belgique, prov. de Hainaut, arr.
de Mous; 4,800 hab. Stat. du ch. de fer de Mons à Quié-
vrain. Fabriques de sucre; exploitations de mines et de
carrières.
BiBL. : C. Delbove, Eloiiges^ ses antiquités et son his-
toire^ dans Ann. du Cercle arch.de Mons, t. XII.
ÉLOUIS (Jean-Pierre-Henri), peintre français, né à Caen
le 20 janv. 17S3, mort à Caen le 23 déc. 1840. Fils d'un
peintre amateur distingué, il fut, très jeune encore, un bon
élève de Restout. Il voyagea en Angleterre, en Hollande,
en Allemagne, alla explorer les Etats-Unis, et s'acquit une
réputation de miniaturiste en peignant plusieurs citoyens
américains célèbres dans la guerre de l'Indépendance, entre
autres Washington. H lit de nombreuses caricatures. Il
accompagna Humboldt dans ses voyages, fut fait prisonnier
par les Anglais aux Antilles, resta plusieurs mois dans l'île
de la Providence, où il connut le duc d'Orléans (depuis,
Louis-Philippe P^), réfugié là pendant la Révolution. Il
revint en France en 1807, et se livra alors à la peinture à
Phuile. Il concourut en 4811 pour obtenir l'emploi de con-
servateur du musée de Caen, et réussit dans ce concours.
Parmi ses œuvres, on cite surtout les portraits du général
(TAumont, de Bridet, de Lair, de Jamet et de l'abbé
lier vieil. Challamel.
EL-OURICIA. Village d'Algérie, dép. de Constantine,
arr. de Sétif, à 12 kil. de cette dernière ville, sur des
terres concédées en 1833 à la Compagnie genevoise, et
qu'elle s'est bornée le plus souvent à louer à des indigènes ;
on élève des bestiaux et on cultive les fruits et les céréales ;
il y a quelques hectares de jeunes vignes. Avec un autre
village très rapproché, Mahouan, El-Ouricia forme une
com. de plein exercice de 3,136 hab., dont seulement
130 Européens.
ELOUT (Corneille-Théodore), homme d'Etat hollandais,
né à Haarlem en 1767, mort à La Haye en 1841. Il était
procureur général à Amsterdam lorsque la Hollande fut
conquise par les Français. En 1803, il refusa le portefeuille
de l'intérieur que lui offrit le grand pensionnaire Schim-
melpenninck, mais il accepta le poste de gouverneur géné-
ral des Indes néerlandaises, dans lequel il fut bientôt rem-
placé par Daendels (V. ce nom). Le roi Louis Pavait
rappelé pour le faire président de section au conseil d'Etat
et le charger de rédiger un code pénal. Après l'abdication
du roi, Elout se démit de ses fonctions et vécut dans la
retraite jusqu'à la révolution de 1813. Guillaume P^ lui
confia la mission de rétablir l'autorité de la Hollande dans
les colonies que le traité de Vienne venait de lui restituer.
Il demeura près de quatre années aux Indes et fît les efforts
les plus méritoires pour obtenir du gouvernement la sup-
pression de l'esclavage. Revenu dans son pays en 1819,
il fut successivement membre des Etats généraux, ambas-
sadeur à Londres, ministre des finances et ministre des
colonies. En cette dernière qualité, il eut à organiser d'une
manière définitive le gouvernement des Indes néerlandaises;
il réussit, aidé par des collaborateurs de haute intelligence
tels que Du Bus et Van der Bosch, à surmonter les diffi-
cultés de la situation et à effacer les traces de la guerre
qui, en 1823, avait désolé Java. Il créa le plus intéres-
sant exemple de monopole qui existe dans le monde et
favorisa de toute son activité la création de puissantes
sociétés commerciales qui missent en valeur les immenses
et riches territoires des colonies. Lorsque son grand âge
l'eut éloigné des affaires actives, Elout consacra ses loisirs
à rédiger l'histoire de son administration coloniale (Ams-
terdam, 1833, 2 vol. in-fol.). E. II.
BiBL. : Van Kampen, Histoire des Néerlandais hors
d'Europe (en hollandais); Harlem, 1831-1833,3 vol. in-8. —
Van Woudrichem van Vliet et Suermonut, Etudes co-
loniales (en hollandais); La Haye, 1867, in-8.
EL-OUTAÏA. Localité d'Algérie, dép. de Constantine, sur
la route de Constantine à Biskra, à 213 kil. S. de la pre-
mière de ces villes et à une ait. de 266 m., au milieu
d'une grande plaine que l'on pourrait fertiliser par un
barrage sur l'oued Biskra. Caravansérail, plantations de
palmiers récentes, ruines romaines.
ÉLOY (Saint) (V. Eloi).
ÉLOY (Gérard) ou E Ll 6 iU S, historien belge, né à Petit-
Han en 1390, mort à Bruxelles en 1641. Il fréquenta les
cours des universités de Louvain et de Douai, puis se fit
chartreux à Bruxelles en 1612. Chargé par ses supérieurs
de classer les archives du couvent, il en recopia les pièces
les plus importantes et y recueillit les éléments d'une his-
toire de l'ordre. Ses principaux ouvrages sont : Vita et
martyrium B, Justi Goudani cartusiœ Delphensis in
HoUandiâ professi et sacristœ (Bruxelles, 1624, in-4);
cette biographie a été traduite en français et publiée par
Ad. Driscart à la suite de sa traduction française de V His-
toire des chartreux de Dorlandus, publiée en 1644; Vita
S. Brimoîiis cartiisiensium institutoris primi^ com-
mentario illustrata (Bruxelles, 1639, in-8); Vie de
sainte Gertrude, abbesse de Nivelles (Bruxelles, 1639,
in-12). Ces travaux présentent beaucoup d'intérêt pour
l'histoire religieuse de la Belgique et ils contiennent la
copie d'un grand nombre de documents dont les originaux
ont aujourd'hui disparu. E. H.
BiBL. : FoppE^s^ Bibliotheca belgica; Matines, 1739, 2 vol.
in-4. — Gœthals, Lectures sur l'histoire des lettres et des
sciences en Belgique ; Bruxelles, 1837-1838, 4 vol. in-8.
ÉLOY (Nicolas-François-Joseph), médecin belge, né à
Mons le 20 sept. 1714, mort à Mons le 10 mars 1788. H
étudia à Louvain et à Paris, puis exerça son art à Mons
et en 1734 devint le médecin consultant de la duchesse de
Lorraine. Son ouvrage le plus important est le Dictionnaire
historique de la médecine ancieîine et moderne, etc.
(Mons, 1773, 2 vol., et 1778, 4 vol. in-4) ; il a encore
publié des opuscules s.ur le thé et le café, un Cou7's des
accouchements (Mons, 1773, in-12) et un Mémoire sur
la dysenterie (Mons, 1780, in-8). D^ L. Hn.
ÉLOY ES. Com. du dép. des Vosges, arr. et cant. de
Remiremont; 1,321 hab.
EL PASO. Ville des Etats-Unis, à l'extrémité N.-O. de
l'Etat du Texas, sur la rive gauche du rio Grande del
Norte, en face de la ville mexicaine de Paso del Norte,
EL PASO — ELPIDIUM
— 864 —
située sur l'autre rive, et tout près de la frontière méri-
dionale du Nouveau- Mexique. El Paso est une station
importante du chemin de fer Southern Pacific.
ELPHINSTON (James), éducateur et écrivain écossais,
né à Edimbourg en 1721, mort en 1809. Il dirigea des
écoles aux environs de Londres, sans grand succès, paraît-il.
Le D"* Johnson, dont il avait édité The Rambler en Ecosse,
parle de lui avec une indulgence que ses autres contem-
porains ne montrent pas. Traducteur de Louis Racine (la
Religion), de Bossuet (Discours sur r Histoire univer-
selle), des épigrammes de Martial, auteur d'un poème sur
l'éducation, inventeur d'un système d'orthographe phoné-
tique, toutes ses tentatives n'aboutirent guère qu'à exciter
les moqueries de ses contemporains, dont le jugement parait
devoir être définitif. ^--H. G.
ELPHINSTONE (William), prélat et homme dEtat
écossais, né à Glasgow en 1431, mort à Edimbourg en
1514. Après avoir débuté dans la carrière ecclésiastique
en Ecosse comme curé, il fut professeur de droit civil et
canonique à Paris et à Orléans. Nommé à son retour dans
son pays recteur de l'université de Glasgow, il ne tarda
pas à se concilier la faveur royale. Jacques III, l'ayant
chargé d'une ambassade en France, le récompensa des ser-
\ices qu'il lui avait rendus en le nommant à l'évêché de
Ross et plus tard au siège d'Aberdeen (1484). Uuelques
années plus tard, à la suite d'une mission à Vienne, il fut
élevé à la dignité de chancelier du royaume. On lui doit
une Histoire (T Ecosse conser\ëe en manuscrit à Oxford. Il
consacra une grande fortune à des œuvres d'utilité publique,
notamment à la construction d'un pont sur la Dee et à
l'établissement de King's Collège dans sa résidence épisco-
pale (1494). ^- Q-
ELPHINSTONE (Alexander, lord), homme d Etat an-
glais, né le 28 mai 1552, mort en juil. 1648. Membre du
conseil privé en 1599, lord haut-trésorier la même année,
il fut encore nommé lord de session. — James Elphins-
tone, premier lord Balmerino, né vers 1553, mort en
juil. 1612, frère du précédent, fut lord de session en
1586, commissaire de la trésorerie en 1595, secrétaire
d'Etat en 1598. Il jouit d'une grande faveur auprès de
Jacques I®"" qui lui donna la pairie avec le titre de lord
Balmerino le 20 févr. 1604. Il fit partie de la commission
chargée d'établir l'union entre l'Ecosse et l'Angleterre,
président de la cour de session en 1605. En 1609, il fut
condamné à mort pour félonie : il s'était reconnu auteur
de la fameuse lettre envoyée au pape Clément VIII avec la
signature du roi et qui laissa supposer que Jacques incli-
nait vers le catholicisme. La sentence rendue contre Bal-
merino ne fut pas exécutée. Il fut emprisonné jusqu'en
oct. 1609 et obtint alors la permission de résider dans sa
propriété de Balmerino. — Son fils, John, deuxième lord
Balmerino, fit une vive opposition à la politique religieuse
de Charles en Ecosse. Emprisonné en 1634, il fut condamné
à mort pour n'avoir pas dénoncé l'auteur d'un pamphlet
contre l'autorité royale. Le peuple, indigné de l'iniquité de
ce procès, se souleva. Balmerino fut gracié; on le trouve
ensuite mêlé aux troubles qui éclatèrent en Ecosse. Prési-
dent du parlement écossais en 1641, conseiller privé la
même année, il accompagna le général Leslie en Angleterre,
en 1643, et fit partie du conseil d'Etat nommé pour
assister sir William Baillie après les désastreuses cam-
pagnes d'Argyll. Il mourut d'apoplexie à Edimbourg, en
févr. 1649. — Son petit-fils, John, quatrième lord Balme-
rino*, né le 26 déc. 1682, mort à Leith le 13 mai 1736.
fut un jurisconsulte distingué. Il fit partie du conseil privé
en 1687 et pair élu d'Ecosse en 1710 et 1713. — Son fils,
Arthur, né en 1688, mort le 18 août 1746, adhéra au
parti jacobite après la bataille de Sheriffmuir et passa sur
le continent, où il demeura jusqu'en 1733. Il rejoignit le
prince Charles en Ecosse en 1745, combattit à Falkirk et
fut fait prisonnier après la bataille de Culloden (1746).
Enfermé à la Tour, il fut condamné à mort et décapité le
18 août. R- S.
ELPHINSTONE (John), amiral russe, né en Ecosse en
1720, mort en 1775. Il servit d'abord en Angleterre, et
acquit le grade de capitaine. En 1768, il passa au service
de Catherine II, avec le grade de contre-amiral. A la fin de
la même année, il partit de Cronstadt à la tète de quatre
vaisseaux et d'une frégate pour rallier, dans l'Archipel, la
flotte de l'amiral Spiridov. Il eut une grande part à la vic-
toire navale que celui-ci remporta dans les eaux de Chio,
le 5 juil. 1770, sur le capitan-pacha Gazl-Hassan, et il
détruisit, au moyen de brûlots, la flotte turque dans la
baie de Tchesmé, puis dans le golfe de Napoli de Remanie.
Il voulait profiter de la victoire en forçant les Dardanelles
et en s'emparant de Constantinople ; ce ne fut pas l'avis
des chefs russes, Spiridov et le commandant Orlov des
troupes de débarquement. Ayant montré, par son exemple
et avec une certaine ostentation, la possibihté de son projet,
il ne fut point suivi, et cet exploit excita la jalousie, de
telle sorte qu'il ne fut pas compris dans les distinctions
honorifiques accordées par l'impératrice. Mécontent, il
donna sa démission et rentra dans sa patrie, où il mourut
quelque temps après. C. Del.
BiBL. : Charnock, Biography navalis.
ELPHINSTONE (Mounstuart), homme d'Etat et his-
torien anglais, né le 6 oct. 1779, mort à Hookward Park
(Surrey) le 20 nov. 1859. Il était le quatrième fils de
John, onzième baron Elphinstone; un oncle le fit entrer
dans le service civil, au Bengale ; il débarqua à Calcutta
le 26 févr. 1796. A cette époque, il avait la vocation du
métier mihtaire; c'était un jeune homme ardent, peu stu-
dieux, enthousiaste pour les idées de la Révolution fran-
çaise. Dans les charges subalternes qu'il occupa d'abord,
il lut beaucoup, surtout des classiques, et combla les
lacunes de son instruction première. Pendant la guerre de
1803, il fut attaché à l'état-major de Wellesley, et se con-
duisit si bien qu'il fut nommé d'emblée au poste très
important de résident à Nagpour. En 1808, il fut envoyé
comme ambassadeur à la cour de Caboul, et rapporta de
son passage en Afghanistan des projets qui, soumis au
consul de Calcutta, furent rejetés, mais qui ont été repris
plus tard par les maîtres de l'Inde pour la protection de
leur empire du côté de l'O. Résident à Pouna à partir
de 1810, il eut à diriger une campagne contre les Mahrattes
en 1817-1818. Il fut gouverneur de Bombay de 1819 à
1827, et occupa son activité à rédiger un code de lois, à
fonder des établissements d'instruction publique. En 1827,
il quitta l'Inde et revint à Londres par la Grèce et l'Italie.
Modeste, vrai philosophe, il déclina tous les honneurs et
vécut dans la retraite plus de trente ans, tantôt à Londres,
tantôt en Italie, assez répandu dans la bonne société, très
écouté des pouvoirs publics sur les afi'aires de l'Inde. Il
employa ses loisirs à écrire une History of India (Lon-
dres, 1841, 2 vol.; 4« édit., 1864) qui est restée clas-
sique. Ch.-V. L.
ELPHINSTONE (John), treizième lord Elphinstone, né
le 23 juin 1807, mort le 19 juil. 1860. Il entra dans
l'armée en 1826 comme cornette dans les horse guards;
Guillaume IV le prit en affection et le nomma de son con-
seil privé en 1836. Lord Melbourne lui confia en 1837 le
gouvernement de Madras : il passait pour avoir plu à la
reine au moins autant qu'au roi. Il resta à Madras jusqu'en
1842, puis fit un voyage d'exploration dans le Cachemire.
Revenu à Londres en 1845, il fut attaché par lord John
Russell à la maison de la reine. En oct. 1853, il accepta
cependant de retourner dans l'Inde comme gouverneur de
Bombay. En cette qualité, il assista à la rébeUion de 1857
et se conduisit admirablement. Le 21 mai 1852, en récom-
pense de ses services, il fut fait lord Elphinstone dans la
pairie d'Angleterre. Il mourut célibataire, épuisé par le cli-
mat des Indes; son titre s'est éteint avec lui. Ch.-V. L.
ELPIDIUM (Zool.). Fritz Muller a fait connaître ce
genre de Cythérides, si curieux par l'habitat de l'espèce
qui le constitue, dans son mémoire Wasserthiere in
Baumivipfeln (Kosmos, 1880, t. VI). Le genre Elpi-
— 865 —
ELPIDIUM - ELSHOECHT
dium tire son nom de la ressemblance de sa coquille avec
celle de VElpe pinguis, autre Crustacé Cladocère de la
famille des Cythérides, trouvé par Barrande dans le terrain
silurien. La plupart des Cythérides vivent dans la mer ;
celle-ci se trouve dans l'eau douce, dans des conditions
que l'on peut qualifier d'extraordinaires : Millier l'a trouvée
communément à Itajahy, dans la partie S. du Brésil, dans
l'eau qui s'amasse à l'aisselle des feuilles des Bromélia-
cées, au milieu de toute une faune, formée de larves d'in-
sectes et même de têtards de grenouilles arboricoles, alors
qu'il l'a cherchée en vain dans les étangs avoisinants qui
donnent pourtant asile à de nombreux Entomostracés. Fait
remarquable aussi, cette espèce d'un type marin se ren-
contre à l'intérieur des terres jusqu'à 100 kil. de la mer.
VElpidium bromeliarum atteint 1 millim. et demi de
longueur; on en est réduit à des hypothèses quant à
son mode de transport d'une plante à l'autre. Sans doute,
les jeunes individus s'attachent aux Insectes aquatiques ou
aux Batraciens qui vivent avec eux, et sont convoyés par
eux. — Théel a donné le nom très analogue à'Elpidia à
un genre d'Holothurides (4877). R. Moniez.
ELPIS (Astron.). Nom du 59® astéroïde (V. ce mot).
EL RI F (V. Rir).
ELRINGTON (Thomas), prélat irlandais, né en 4760,
mort en 483o. Après avoir rempli plusieurs fonctions éle-
vées dans l'Eglise anglicane, il fut promu d'abord à l'évêché
deLimerick (4820), puis à celui de Leighlin et Ferns
(4822). Ses œuvres théologiques sont nombreuses. Peut-
être est-il bon de sauver de l'oubli où elles sont naturel-
lement tombées un mémoire intitulé Inquiry ivhether
the Disturbances in Ireland hâve originated m Tythes
(4822). On a aussi de lui des éditions d'ouvrages clas-
siques. B.-H. G.
ELSA (Astron.). Nom du 482® astéroïde (V. ce mot)
connu aussi sous le nom ^'Elisabeth.
ELSA. Rivière d'Italie, affl. de gauche de l'Arno. Elle
traverse une vallée pittoresque et fertile en arrosant Colle,
Certaldo, patrie de Boccace, et Castelfiorentino, et se jette
dans l'Arno en amont de San Miniato. Sa vallée est suivie
par le chemin de fer de Florence à Sienne.
ELSASSER (Friedrich- August), paysagiste et architecte
allemand, né à Berlin le 24 juil. 4840, mort à Rome le
4®^ sept. 4845. Elève de l'Académie de Berlin, il partit
pour l'Italie en 4832. Sa réputation s'étendit promptement,
et le roi de Prusse lui alloua une pension. Parmi ses plus
belles œuvres, on peut citer: Vue du Volksgebirge;
Intérieur d'une église de Palerme; Vue des ruines
de Rome, du Campo Santo de Pise, etc.
ELSASSER (Juhus), paysagiste allemand, frère du pré-
cédent, néà Berlin en 4 84 5, mort à Rome le 25 déc. 4859.
C'était un peintre de talent, et, parmi ses paysages, on cite
une vue historique de la Campagne romaine.
ELSBERG (Louis), laryngologiste américain, né à
Iserlohn (Westphalie) en 4837, mort à New-York le
19 févr. 4885. Il se fixa à New-York en 4859 et obtint
en 4862 la direction de la clinique des maladies du pharynx,
du nez et du larynx créée pour lui par la faculté de méde-
cine de cette ville, puis fit des cours cliniques à l'hôpital
de la Charité dont il était médecin. Il fonda l'American
Laryngological Association et publia des mémoires impor-
tants sur sa spécialité et de plus : Laryngoscopical Sur-
gery (Philad., 4866, in-8, 4 pL). D^ L. Hn.
ELSBETH (Thomas), musicien allemand, né àNeustadt
(Franconie). Il s'établit à Francfort-sur--rOder vers 4600,
puis vraisemblablement à Jauer en Silésie, et a publié à
Francfort-sur-l'Oder un recueil de vingt-quatre motets à
six voix (4600), sous le titre de Selectissimœ et nouœ
Cantiones sacrœ, vulgo motecta appellatœ, nec un-
quam antehac in lucem emissœ, sex vocum, etc. Ses
autres ouvrages sont : Selectissimœ et novœ Cantiones
sacrœ..,, quinque vocum, etc. (Liegnitz, 4590); Neue
ausserlesene weltliche Lieder,,. mit filnf Stimmen
(Franfort-sur-l'Oder, 4599); Selectissimœ et novœ Can-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
tiones sacrœ.,. quatuor vocum (Liegnitz, 4606); Neue
ausserlesene Lieder, zu Gottes Lob gerichtet, dann
auch von der edlen und lieblichen Musica, mit filnf
Stimmen (Liegnitz, 4607); Erster Theil sontaglicher
Evangelien... mit drei Stimmen (Liegnitz, s. d., avec
une dédicace de 4616); Ander Theil sontaglicher Evan-
gelien, etc. (Liegnitz, avec dédicace de 1621); Melpomene
sacra, festis fideliam nuncupata, das ist ausserlesene
geistliche Gesaenge, etc. (Breslau, s. d., avec une dédi-
cace datée de Jauer, 1624). A. E.
ELSCHEERE ( Astr. ) . Un des noms de Sirius (V. ce mot) .
ELSENEUR (Helsingdr).\i\\e au. Danemark, à l'extré-
mité N.-E. de l'île deSeeland, rade sur le Sundau point le
plus resserré de ce détroit (3,750 m.), en face de la
ville suédoise d'Helsingborg; 11,082 hab. C'est à Else-
neur que s'arrêtaient avant 1857 tous les navires qui
payaient au Danemark un droit de passage pour le Sund.
Depuis la Convention du 14 mars 1857 par laquelle le
Danemark a renoncé à ce péage, l'aspect d'Elseneur s'est
sensiblement modifié. Au N.-O. de la ville, sur la pointe
extrême d'une langue de terre, s'élève le château fort de
Kronborg, bâti en 1574 par le roi Frédéric. R. F.
ELSEVIER (V. Elzevier).
ELSHEIMER (Adam), peintre allemand, né à Francfort-
sur-le-Main en 1578, mort à Rome en 1620. Elsheimer,
que les Italiens appellent Adamo Tedesco, fut élève de
Philipp Uffenbach, peintre de Francfort. Il visita l'Italie
et s'y trouva si bien qu'il y resta. Après un séjour à Ve-
nise, où il a pu rencontrer Rottenhammer, il s'établit à
Rome où ses petits tableaux, d'ordinaire peints sur cuivre
et meublés de figurines microscopiques, eurent beaucoup
de succès. II était fort considéré dans la ville des papes, et
tous les artistes venus des régions du Nord s'empressaient
de le visiter. Poelemburg l'y vit en 1617. Elsheimer exerça
même une certaine influence sur ses contemporains, à
cause surtout de ses effets de nuit et de ses clairs de lune.
Mais attentif à son œuvre, précis et détaillé comme un mi-
niaturiste, il consacrait beaucoup de temps à ses peintures
et à ses gouaches, et il oublia de s'enrichir. Cette négligence
lui fut fatale. D'après la légende, Elsheimer fit des dettes,
et, poursuivi par des créanciers sans entrailles, il fut mis
en prison. Délivré en 1620, il mourut peu après di dolore
di stomaco, dit Baglione. Son élève et son ami, le comte
Goudt, a gravé un certain nombre de ses tableaux. Les
peintures de cet habile artiste sont dans tous les musées.
Indépendamment d'un petit paysage à la gouache, le Louvre
possède le Bon Samaritain et une Fuite en Egypte qui,
avec son effet de lune et le rayonnement du feu que des
bergers ont allumé sous les arbres, est le prototype d'un
motif que le maître a souvent répété. Elsheimer est aussi
à Berlin, à Dresde, à La Haye, où l'on voit de lui deux
petits paysages. Il est très bien représenté à Munich où
l'on conserve une Fuite en Egypte, le Martyre de saint
Laurent, la Prédication de saint Jean-Baptiste et la
Prise de Troie, car l'artiste allemand a toujours aimé les
incendies et les effets de lumière artificielle. Aujourd'hui
les minuscules tableaux d'Elsheimer paraissent plus curieux
qu'émouvants; on s'intéresse à ces œuvres de patience
sans les admirer ; mais l'histoire doit se souvenir que le
maître a eu une véritable influence. Un connaisseur émérite,
Rubens lui-même, ne rougissait pas de posséder des pein-
tures d'Elsheimer. P. Mantz.
BiBL. : Baglione, Le Vite de Pittori, 1649.
ELSHOECHT (Jean- Jacques-Marie- Vital-Carl) , sculpteur
français, né à Dunkerque le 10 août 1797, mort à Paris
le 25 févr. 1856. Elève du baron Bosio, il exposa pour la
première fois au Salon de 1824 une figure représentant
Psyché abandonnée et cinq bustes, parmi lesquels
celui de Ch. Dupin, de l'Institut. En 1827, il exposa
VImmaculée Conception, destinée à l'église Saint-Ouen
de Rouen. Ses œuvres principales sont : Eloa, la sœur
des anges, statue marbre (S. 1835); la Veuve du
soldat Frank, groupe en marbre (S. 1846); la Reine
ELSHOEGHT - ELSTER
866 -
Mathilde (statue marbre, au Jardin du Luxembourg) ;
les anges du maître-autel et les séraphins de la chaire à
N.-D.-de-Lorette, à Paris ; un Triton et une Néréide, à
l'une des fontaines de la place de la Concorde; un des
frontons du Louvre représentant la Navigation mar-
chande; le Génie de l'Asie, au nouveau Louvre: le
Bon Pasteur et les Quatre Evangélistes, à l'église de
Tourcoing (Nord); l'Histoire et la Justice, à l'hôtel de
ville de Laon (Aisne); les sculptures du grand hôpital de
Lyon. Cari Elshoecht a modelé un grand nombre de bustes
et de médaillons ; parmi les bustes, nous citerons ceux des
architectes Crawer, Soufftot et Rondelet, du peintre
Claude Lorrain, du sculpteur Joufjroij, des docteurs
Lis franc et Or fila, de l'astronome François Arago, Il a
fait aussi les statuettes du critique d'art Théophile Thoré
et du général de Goyon. M. D. S.
ELSHOLTZ (Ludvvig), peintre de genre et de batailles,
né à BerUn le 2 juin 1805, mort à Berlin le 3 févr. 1830.
Il étudia d'abord à l'Académie de Berlin, et devint plus
tard élève de Kriiger. Ses meilleurs tableaux sont popu-
larisés par la lithographie. On cite de lui : l'Adieu sur le
champ de bataille; la Bataille de Dennewitx, ; Entrée
des Alliés à Paris, etc.
ELSIE. Rivière à' Australie (V. ce mot).
ELSINBORO (Vitic). L'Elsinboro ou Elsinburg est une
vigne américaine du groupe des .^stivalis, à grains petits,
noirs, très pruinés et de goût franc. Elle s'adapte difficile-
ment aux terrains, reprend mal de bouture et a été aban-
donnée en Erance où elle ne pourrait prospérer que dans
les régions chaudes et les terrains rouges et caillouteux.
ELSLER ou ELSSLER (Thérèse et Eranziska, dite
Fanny), danseuses autrichiennes, nées à Vienne, Thérèse
le 5 avr. 1808,Eanny le 23 juin 1810, mortes, la première
à Meran le 19 nov. 1878, la seconde à Vienne le 27 nov.
1884. Bien que les deux sœurs aient accompli ensemble
la plus grande partie de leur carrière, bien que le talent
de l'une et de l'autre fût remarquable, la très grande
célébrité du nom d'Elsler se rattache surtout à Fanny,
qui fut une artiste d'un ordre absolument supérieur et,
en son genre, une véritable enchanteresse. Elles se ratta-
chaient à l'art musical par leur père (Jean Elsler) et
leur grand-père, qui l'un et l'autre furent secrétaires et
copistes de l'illustre Haydn. Eanny était à peine âgée
de six ou sept ans lorsque, déjà formée par les soins du
danseur Horschelt, elle entra au théâtre An der Wien,
à Vienne, dans le corps de ballet d'enfants de Palty ; elle
en avait quinze environ lorsqu'elle débuta au Kaerthnerthor
(théâtre de la Porte de Carinthie) où commença sa renom-
mée. C'est là qu'elle fut remarquée par le chorégraphe
français Aumer, qui prit soin d'elle et la forma à la danse
noble. De Vienne, les deux sœurs, l'une et l'autre d'une
beauté radieuse, furent engagées à Milan, puis passèrent
à Naples, de Naples se rendirent à Berlin et enfin furent
appelées à Londres, leur renommée augmentant chaque
jour. C'est à Londres que le docteur Louis Véron, alors
directeur de l'Opéra, alla les trouver en 1834, pour leur
proposer un engagement qui fut accepté ; cet engagement
avait une durée de quatre années, à raison de 20,000 fr.
par an pour chacune d'elles. Fanny débuta à l'Opéra le
15 sept. 1834 dans un ballet nouveau, la Tempête, où elle
produisit une sensation immense ; sa sœur se montra bien-
tôt après et fut aussi fort bien accueillie. Leur talent était
d'ailleurs aussi dissemblable que leur affection l'une pour
l'autre était profonde. Thérèse, grande et d'une rare no-
blesse de formes, semblait une personnification delà Diane
antique ; sa danse était sévère, vigoureuse et pleine d'élé-
gance. C'est par une grâce chaste, une coquetterie enchan-
teresse, une souplesse merveilleuse, une sorte d'agilité
ardente et un charme vraiment fascinateur que brillait
Fanny. Elle fut une rivale redoutable pour Marie Taglioni,
qui tenait alors le sceptre de la danse à l'Opéra. Les deux
sœurs se montrèrent bientôt avec le plus grand succès dans un
pas expressément réglé pour elles dans Guillaume Tell et
ensuite, dans un autre ballet nouveau, ri le des pirates.
Fanny créa peu après un rôle important dans le Diable
boiteux, et toutes deux se montrèrent de nouveau dans la
Volière, dont Scribe avait tracé le livret et Thérèse réglé
les danses, et enfin dans un dernier ballet intitulé la Taren-
tule, Leur engagement à l'Opéra terminé, Fanny partit
pour l'Amérique, où des conditions superbes lui étaient
faites et où, en moins d'une année, elle gagna 750,000 fr.
environ. Quant aux triomphes qu'elle remporta dans ce
pays, il serait difficile de s'en faire une idée, si l'on ne
savait ce qu'est l'enthousiasme des Américains et quelle est
son exubérance. D'Amérique, elle revint directement à
Vienne, puis se montra encore avec sa sœur à Berlin, à
Londres, à Bruxelles, à Saint-Pétersbourg et à Moscou.
Enfin, en 1845, les deux sœurs dirent adieu au public et
au succès, Thérèse pour devenir (20 avr. 1850) l'épouse
morganatique du prince Adalbert de Prusse, Fanny pour se
retirer dans une splendide propriété qu'elle avait acquise
aux portes de Hambourg. Ce n'est que plus tard qu'elle
revint à Vienne, où elle était recherchée, pour les grâces
de son esprit et la distinction de sa personne, dans les
plus grandes familles et la plus haute société. On peut
dire que le nom d'Elsler a joui pendant quinze ans, par
toute l'Europe, d'une renommée que nulle autre n'a sur-
passée. Arthur Pougin.
ELSNER (Joseph), compositeur de musique allemand,
né à Grottkau (Prusse) le 1^"^ juin 1769, mort à Varsovie
en 1854. Il comm3nça sa carrière musicale à Vienne. En
1792, il obtint la place de maître de chapelle à Lemberg.
De 1792 à 1798, il composa la musique de scène de Marie
Stuart de Schiller, quatre symphonies, huit quatuors, des
sonates, une messe de Requiem. En 1799, il fut nommé
directeur de musique au théâtre de Varsovie, où il acheva
sa vie. Il a composé vingt-deux ouvrages dramatiques tous
en langue polonaise, un grand nombre d'oratorios et de
messes, une Passion, un Stabat. Fétis donne la longue
liste de ses ouvrages, aujourd'hui oubliés. En 1821,
Elsner a fondé le conservatoire de Varsovie.
ELSNER (Johann-Gottfried), économiste allemand, né
à Gottesberg (Silésie) le 14 janv. 1784, mort à Walden-
burg le 5 juin 1869. Il contribua à répandre dans TAu-
tricheet la Bavière l'élevage du mérinos. Il est l'auteur d'un
grand nombre d'ouvrages techniques. Nous citerons : Die
deutsche Landwirtschaft (Stuttgart, 1830-32, 2 vol.) ;
Die rationelle Schafzucht (Leipzig, 1849, 2® éd.) ; Die
Fortschritte der deutschen Landwirtschaft vo m letzten
Jahrzehnt der vorigen Jahrhunderts bis auf unsre Zeit
(Stuttgart, 1866).
ELSSNER (Jacob), miniaturiste allemand, né à Nurem-
berg, mort à Nuremberg en 1546. L'église Saint-Laurent
de cette ville conserve un livre de messe de sa main (de
1513), ainsi que deux livres de plain-chant.
ELSTER. Nom de deux rivières d'Allemagne, affluents
de l'Elbe, l'Elster blanche et l'Elster noire. — VElster
blanche a un cours de 195 kil. ; elle naît dans les monts
de l'Elstergebirge, dans le royaume de Saxe, traverse la
principauté de Reuss, le grand-duché de Saxe-Weimar, la
Prusse (prov. de Saxe). Sa haute vallée est très pittoresque,
la vallée inférieure gracieuse. Elle arrose Adorf, OElsnitz,
Plauen, Elsterberg, Greiz, Berga, Géra, Crossen, Zeitz, les
fameux champs de bataille de Lutzen et Leipzig, la ville de
Leipzig, et se jette dans la Saale en amont de Halle. L'Elster
se pariage près de Leipzig en deux bras, Elster et Luppe, qui
rejoignent séparément la Saale, de plus un bras dérivé, le
FÏossgraben se détache près de Crossen et va rejoindre la
Luppe après un cours de 92 kil. Les principaux affluents
de l'Elster blanche sont, à droite, le Gœltzsch, laPleisse, la
Parthe (à Leipzig), et à gauche le Weida (Saxe-Weimar).
— U Elster noire, longue de 180 kil., naît dans la Lusace
(royaume de Saxe) au Sibyllenstein, descend au N., arrose
Camenz, entre en Prusse et à Hoyerswerda, prend la direc-
tion de rO. qu'elle conserve jusqu'à Liebenwerda à travers
des plaines sablonneuses ; elle incline ensuite au N.-O. et va
se jeter dans TElbe en amont de Wittenberg. Elle se partage
en plusieurs bras, reçoit la Fulssnitz et la Rœder.
ELSTER (Ghristian-Mandriip), écrivain norvégien, né
dans le Natndal le 4 mars 1841, mort à Throndhjem le
11 avr. 1881. Journaliste besogneux, puis employé dans
Taduiinistralion foi'estière à Throndhjem (1878), avec
1,500 fr. d'appointements, il prit en grippe la société qui
ne le traitait pas selon ses réels mérites et il la dépeignit
avec autant de pessimisme que de talent dans plusieurs
nouvelles : Tora Trondal (Copenhague, 1879); les Gens
dangereux {ibid,, 1881 ; trad. en allemand par Poestion,
Berlin, 1882; en suédois par G. af Geijerstam,Slockholm,
1884); ^ues radieuses et autres nouvelles, éditées par
Kielland (1881 ; 2« éd., 1884). On lui doit aussi : Con-
traste de r ouest et de l'est de la Norvège (1872) et un
drame, Eystein Meyla, joué à Christiania en 1863.
ELSTOB (William), antiquaire anglais, né à Newcastle-
on-Tyne en 1673, mort en 1714, alors qu'il était investi des
fonctions de recteur des paroisses réunies de Saint-Swithin et
de Sainte-Marie Bothaw, à Londres. Il s'adonna particulière-
ment à l'étude de la langue et des antiquités des Anglo-Saxons ;
on lui doit la traduction en latin de l'homélie anglo-saxonne
de Lupus {Dissertatio Epistolaris, dans le Ttiesaiirus de
Hicke, 1701, part. III). Le même recueil de Hicke contient
de lui une étude sur les monnaies anglo-saxonnes. En 1703,
Elstob publia une nouvelle édition des lettres de Roger
Ascham; en 1709, il traduisit en latin l'homélie anglo-
saxonne de la nativité de saint Grégoire. Il avait préparé une
édition des Leges anglo-saxoniœ, ouvrage important qui fut
repris après sa mort par David Wilkins et publié en 1721.
ELSTOB (Elizabeth), femme de lettres anglaise, née à
Newcastle-on-Tyne en 1683, morte en 1756. Elle était
sœur de l'archéologue William Elstob ; après la mort de
celui-ci, elle fonda une école à Evesham, dans le comté de
Worcester, où elle eut besoin du secours de ses amis et
protecteurs, parmi lesquels il faut citer Mrs. Chapone,
pour ne pas tomber dans une misère complète. Elle en fut
tirée cependant, en 1738, parla duchesse de Portlandqui
lui confia l'éducation de ses enfants et chez qui elle resta
jusqu'à sa mort. Versée dans la vieille littérature anglo-
saxonne, elle a laissé une English-Saxon Homily on the
Nativity of St. Gregory, avec traduction et préface (pré-
parées par son frère), et des Rudiments of Grammar for
the English-Saxon Tongue (1715). B.-H. G.
ELStRACKE (Renolds), graveur de l'école anglaise, né
à Hasselt (Belgique) en 1590, mort en 1630. Elève de Van
den Passe, il a laissé des œuvres recherchées plutôt pour
leur rareté que pour leurs qualités artistiques. Il a gravé une
Suite des rois d'Angleterre, publiée en 1618 par Henry
Holland ; les portraits en pied de Marie Stuart et de
Henry Darnley;\^ Reine Elizabeth, etc.
ELSWICH (Johann-Hermann von), théologien allemand,
né dans le Holstein le 19 juin 1684, mort à Stade le
11 juil. 1721. Sa famille, originaire delà Gueldre, avait
dû luir de ce pays pour échapper aux persécutions du duc
d'Albe. Il commença ses études au gymnase de Lubeck , et
les continua à Rostock, à Leipzig, à léna, enfin à Wiltenberg
où il prit ses grades en théologie et en philosophie. En 1717,
il fut nommé curé de l'église" Saint-Cosme et Saint-Damien
à Stade. Théologien fort érudit, il laissa une série d'opus-
cules ayant trait à des questions de polémique religieuse.
Son sermon jubilaire de 1717 (Das Bild und dieUeber-
schrift rechtschaffener Lutheraner) est souvent cité dans
les ouvrages spéciaux ; son étude De varia Aristotelis in
scholis Protestantium fortuna, est une contribution inté-
ressante à l'histoire de la philosophie (dans son édition du
livre de Launoy,/)^ varia Arist, fortuna in Acad. Pa-
risiensi;\iieb., ilîlO), Th. Ruyssen.
BiBL. : pRATJE, Herzogthmn Bremen u. Verden, III,
p. 135. — Athense Liibec, 1.
ELSWICK. Ville d'Angleterre, faubourg occidental de
Newcastle-upon-Tyne, où sont les fameux établissements
Armstrong.
867 - ELSTER — ELUSATES
ELTON ou lELTON. Lac salé de la Russie d'Europe,
sHué dans le gouvernement d'Astrakhan, district de Tsarev.
Sa surface est de 161 kil. q. Son nom vient du kalmouk
Ailan Nor (le lac d'Or). Sa production annuelle de
sel est d'environ 100.000 tonnes et occupe plus de
1,500 ouvriers.
ELTON (Richard), écrivain militaire anglais, né à
Bristol, mort après 1659. Major dans la milice de Londres
en 1649, il devint par la suite gouverneur de Hull. Il est
l'auteur de The Compleat Body of the art military
(Londres, 16.50, in-foL).
ELTON (Sir Charles-Abraham), écrivain anglais, né à
Bristol le 31 oct. 1778, mort à Bath le 1^^' juin 1853.
Elève d'Eton, il servit en Hollande et devint lieutenant-
colonel de la milice du Somersetshire. On a de lui: Poems
(1804) ; Taies of romance and other poems (1810) ;
Appeal to scripture and tradition in defence of the
unitarian failh (1818) ; The Brothers and other poems
(1820); History of roman Emperors (1825); des tra-
ductions d'Hésiode, un recueil de Spécimens ofthe clas-
sical Poets from Homer to Tryphiodorus (1814), trad.
en vers anglais, etc.
ELTON (James-Frederick), voyageur anglais, né le
3 août 1840, mort en Afrique le 19 déc. 1877. H
servit aux Indes, fut aide de camp de sir Hugh Rose, fit
la campagne de Chine (1860), servit dans l'armée fran-
çaise au Mexique (1866) et s'embarqua en 1868 pour
Natal, où il fit une exploration. En 1871, il fut chargé
de faire un rapport sur les champs d'or et de diamants et
de régler divers différends avec les autorités portugaises.
Après avoir occupé le poste d'agent à la frontière du
Zoulouland, il revint à Naial où il fit partie des conseils
exécutif et législatif. En 1873, il fut envoyé en mission
auprès du sultan de Zanzibar, relativement à la traite des
esclaves, devint vice-consul à Zanzibar, puis consul à
Mozambique (1875). Il fit diverses expéditions dans l'inté-
rieur du côté du Zambèze et du lac Nyassa et périt d'une
attaque de fièvre maligne au cours de Lune d'elles. On a
de lui : With the French in Mexico (Londres, 1 867 , in-8) ;
From Natal to Zanzibar (Londres, 1873); Travels and
researches among the Lakes and mountains of eastern
and central i/Vfm (Londres, 1879, in-8). R. S.
ELTVILLE (Altavilla). Ville de Prusse, district de
Wiesbaden ; 3,118 hab. Ruines du château. Ancienne ré-
sidence des archevêques deMayence et chef-lieu duRhein-
gau. C'est là que fut signé, entre Gunther de Schwarzburg
et Charles IV, le traité qui assura l'empire au second (26 mai
1349). Gutenberg y eut une imprimerie en 1465.
ELTZ. Torrent de l'Eifel, aflluent de la Moselle, dominé
par le rocher de 290 m. de haut qui porte le burg d'Eltz,
un des plus beaux d'Allemagne, berceau de la race des
comtes A^Elz,
ÉLU (Théologie) (V. Prédestination).
ELUSATES. Peuple ibéro-aquitain. Battus par Crassus,
lieutenant de César, les Elusates se soumirent aux Romains
en 56 avant notre ère. Leur territoire, qui confinait à l'E.
aux Lactorates et aux Ausci, au S. et à l'O. aux Aturenses,
et au N. aux Nitiobriges et aux Sontiates, correspond au
Gabardan oriental, au Condomois, à la portion septen-
trionale du Fesenzac et à la partie occidentale de l'Arma-
gnac. Une inscription du ii® siècle de notre ère, c|u'on a
trouvée à Sos, en 1876, prouve que ce lieu faisait partie
du territoire des Elusates. Les Sotiates ou Sontiates, peut-
être clients des Elusates, formaient avec eux la civitas
Elusatium de la Notice des provinces. La ville métropo-
litaine d'Etoa, aujourd'hui Eauze (dép. du Gers) ou plus
exactement LaCieutat, com. d'Eauze, fut ruinée au ix^ siècle
par les Normands et le territoire de sa circonscription mé-
tropolitaine fut uni au diocèse d'Auch. L. W.
BiBL. : J. CÉSAR, De Bel. Gai, III, 27. — Pline, IV,
XXXIII, 1. — Chaudruc de Crazannes, Attribution aux
Elusates d'Aquitaine d'une médaille découverte sur leur
territoire, dans Rev. numism.^ 1847, XII, pp. 173-180. —
ÉLUSATES — ELVIRE
- 868
E. Desjardins, Géogr. de la Gaule rom.^ II, 364-367. —
A. LoNGNON, Géogr. de la Gaule au vp s.
ELVAN (GéoL). Type porphyrique des granités à mica
blanc (V. Granulite et Microgranulite).
ELVAS. Ville forte de Portugal, prov. d'Alemtejo, dis-
trict de Portalègre, près de la frontière fispagnole ;
40,471 hab. C'est la plus forte place du Portugal. Située
sur une colline, elle a une enceinte flanquée de sept bas-
tions et de deux forts, Santa Lucia et Santa Sefiora da
Graça, une citadelle, un arsenal, une fonderie de canons,
une manufacture d'armes, etc. C'est l'ancienne Alba. Le
château fut bâti par les Maures. En 1658 et 1711, les Es-
pagnols firent vainement le siège d'Elvas. On y remarque
une belle cathédrale, un aqueduc (os Arcos de Armo-
reiro) à quatre étages. C'est un marché agricole.
ELVEN. Ch.-l. de cant. du dép. du Morbihan, arr. de
Vannes, près de l'Arz, à 6 kil. de la stat. du chemin de
fer; 3,376 hab. Maisons du moyen âge; éghse, recons-
truite en 1873, dans le style du chœur entouré d'une ga-
lerie à jour (1526); nef du xiii^ siècle; clocher pyra-
midal et transept (1642). — A 2 kil. S.-E., au milieu des
bois et d'un bas-fond, s'élèvent les ruines de la forteresse
de Largouët (monument historique) ou des tours d'Elven
(xv® siècle) ; la plus haute est octogonale et surmontée
Tours d'Elven (château de Largouët).
d'un petit châtelet ; la plus petite est ronde, on la dit plus
ancienne ; elles sont en granit. Ruines du manoir de Ker-
léau (Renaissance), que Descartes habita. Château de Ker-
fily (fin du xvii*' siècle). A 4 kil. à l'E., ruines delà villa
gallo-romaine de Saint-Christophe et colonne en l'hon-
neur d'Aurélien. Dolmen delaLoge-du-Loup, pierre bran-
lante la Roche-Binet, des grottes, etc. — La seigneurie de
Largouët existait dès le xii« siècle et appartenait à la
maison de Malestroit, d'où elle passa à celle de Rieux, à
laquelle est due la construction de la demeure féodale (mi-
lieu du xv^ siècle). Le château servit de prison, en 1474,
au comte de Richemont, qui devint Henri Vil d'Angle-
terre. Il fut démantelé en 1496, par ordre d'Anne de Bre-
tagne. Il appartint ensuite au duc d'Elbeuf, au surinten-
dant^ Fouquet (1659). Elven a été attaqué deux fois, en
1795, par le chevalier de Tinténiac, à la tête d'une colonne
d'émigrés, puis par Cadoudal, suivi de ses chouans. C. Del.
BiBL. : De F rèminville, Antiquités de la Bretagne^ Mor-
bihan, 1827 et 1834. — Taylor, Voyage pittoresque en
France. Bretagne, 1847, t. I, pi. 57 à 59.
ELVENICH (Peter-Joseph), philosophe allemand, né à
Embken, près d'Aix-la-Chapelle, le 29 janv. 1796, mort le
i6 juin 1886. Professeur à l'université de Breslau (1826),
il fut un partisan résolu des doctrines de G. Hermès (V. ce
nom). Il les développa dans Die Moralphilosopkie (^àom^
1830-33, 2 vol.) ; quand le pape les eut condamnées (1835-
36), il en reprit l'apologie (Ada Hermesiana; Gœttin-
gue, 1836), se rendità Rome avec Braun pour les défendre;
il continua la polémique et publia encore Der Hermesia-
nismus (Breslau, 1844); Die Wesenheit der Geistes
(Breslau, 1857) ; Der Papst und die Wissenschaft (Bres-
lau, 1875), etc.
ELVERS, jurisconsulte allemand , né à Flensbourg
(Slesvig) le 16 juil. 1797, mort le l^'^ oct. 1858. Il fut
professeur ordinaire à Rostock en 1828 et, depuis 1841,
à Cassel. Ses principaux écrits sont : Beitrdge %ur Rechts-
lehre und Redits wissenchaft (1820); Doctrina juris
civilis romani de culpa (Gotha, 1822) ; Der nationale
Sta7idpunkt in Beziehung aufRecht, Staat und Kirche
(1845).
ELVERT (Christian), historien morave contemporain,
d'origine française, né à Brno (Briinn) en 1803. Ilrempht
des fonctions administratives, fut député à la diète de
Moravie et au parlement de Francfort (1848), et bourg-
mestre de Briinn. Il a publié en allemand un grand
nombre d'ouvrages relatifs à l'histoire de la Moravie et de
la Bohême, notamment Versuch einer GeschichteBrilnns
(1828) ; Geschichte der Stadt Iglau (1850) ; Geschichte
der fiist, Literatur Mœhrens (1854); Zur Kulturge-
schichte Mœhrens (1866) ; Zur Kulturgeschichte Bœh-
mens (1870), etc.
ELVIDEN (Edmund), poète anglais du xvi^ siècle, dont
on connaît trois ouvrages : A Neweyere's Gift to the
Rebellions Persons in the North partes of England
(1570, pet. in-8) ; The Closit of Counsells (1569, in-8),
collection de vers, préceptes, proverbes et paraboles tra-
duits en anglais, et The most excellent and pleasant
Metaphoricall Eistorij of Pesistratus and Catanea (s.
d., in-8). Ces livres sont d'une extrême rareté. Quant à
l'auteur, on ne sait rien de lui, sinon qu'il devait être du
nord de l'Angleterre. B.-H. G.
ELVIRA (Vitic). Semis de Taylor et hybride de V. Ri-
paria et de V. Labrusca, introduit récemment dans les
vignobles des Etats-Unis et propagé dans les vignobles
du Nord. Il est très estimé pour les vins blancs,
à cause de sa grande production, dans les îles du lac Erié
et dans les vignobles des bords du lac. C'est un cépage
nouveau pour les viticulteurs américains et il acquiert de
l'importance, malgré sa grande sensibilité au mildew. —
L'Elvira est très fructifère en France, dans les bons ter-
rains; son vin blanc est des moins foxés, mais il conserve
toujours un arrière-goùt désagréable; ses eaux-do-vie sont
assez bonnes. On a conseillé ce cépage pour les Charentes,
mais il ne peut y prospérer que dans les terres assez fer-
tiles et, dans ces milieux, la Folle blanche greffée donnera
de meilleurs et de plus abondants produits que l'Elvira.
ELVIRE (Astron.). Nom du 277^ astéroïde (V. ce mot).
ELVIRE, ELIBERI ou ILLIBERIS. Cette ville, aujour-
d'hui détruite, était située dans l'Andalousie (ancienne
Bétique), non loin de l'emplacement où, plus tard, Grenade
fut fondée. Il s'y tint un concile [Eliberitanum ou llli-
beritanum concilium) dont les actes sont souvent cités en
l'histoire de la discipline ecclésiastique. La date indiquée
dans ces actes correspond à l'an 324 ; mais des auteurs
modernes l'ont reportée à 305, d'autres à 315 et même
d'autres à 335. Dix-neuf évéques et trente-six prêtres sié-
gèrent à ce concile ; parmi les évéques, le célèbre Osius ou
Hosius de Cordoue. Les diacres et le peuple y assistaient.
— Les actes qui nous sont parvenus contiennent quatre-
vingt-un canons, tous relatifs à la discipline ; mais Gratien
et d'autres canonistes en citent qui ne se trouvent point
dans ces documents. La plupart édictent une discipline
beaucoup plus sévère que celle qui fut adoptée par les
conciles d'Ancyre et de Nicée sur les mêmes objets. Ils
refusent l'absolution, même à P article de la mort, pour
vingt cas (canons : 1, 6, 7, 8, 10, 12, 13, 17, 19, 47,
63, 64, 65, 66, 10, 71, 72, 73, 75). D'autres canons
— 869 —
ELVIRE — ELWART
constituent des dispositions pareillement caractéristiques.
L'habitant d'une ville, qui aura laissé passer trois dimanches
consécutifs sans aller à l'église, sera séparé de la commu-
nion pendant trois autres dimanches (21). Les jeûnes
doubles seront observés tous les mois, excepté en juillet et
août (23). On jeûnera tous les samedis (26). Défense aux
évêques et aux ecclésiastiques d'avoir dans leurs maisons
des femmes étrangères ; on ne leur permet que leurs sœurs
ou des vierges consacrées au Seigneur (27). Les évèques, les
prêtres, les diacres et généralement tous les ecclésiastiques
en service qui ne s'abstiendront pas de leurs femmes seront
exclus de la cléricature (33). Défense d'allumer des cierges
en plein jour dans les cimetières, de peur d'inquiéter les
esprits des saints (34). Défense aux femmes de passer la
nuit dans les cimetières, parce que, sous prétexte de prier,
elles commettent des crimes énormes (35). Ceux qui rece-
vront le baptême ne mettront plus d'argent dans les troncs
ou les bassins pour cette cérémonie (48). Défense aux
fidèles qui possèdent des biens à la campagne d'en laisser
bénir les fruits par les juifs (49). Défense à tous les chré-
tiens de manger avec les juifs (50). Défense aux magistrats
appelés duumvirs d'entrer dans l'église pendant l'année
de leur magistrature (56). Le canon 36 dit expressément :
Nous ne voulons point qu'on mette des peintures dans les
églises, de peur que l'objet de notre culte et de notre ado-
ration soit dépeint sur les murs. E.-H. Vollet.
BiBL. : Ma^^si, Sacrorum conciliorum nova et amplis-
sima collectio ; Florence et Venise, 1757 et suiv., 31 vol.
in-fol. — GoNSALES, Collectio canonum Ecoles. Hisp. ; Ma-
drid, 1849, 2 vol. in-4. — Hefele, Conciliengeschichte ;
Fribourg, 1873, 2« éd.
ELVI RE (nom qui est écrit dans les anciens manuscrits
Geloïra ou Gelvira), princesse espagnole du x® siècle,
sœur du roi de Léon, Sancho. Elle fut à la mort de ce der-
nier, en 966, chargée de la régence pendant la minorité
de son neveu Ramire III. Elle paraît avoir gouverné habi-
lement et en 975, lorsque le jeune prince arriva à la ma-
jorité, elle reprit au couvent de San Salvador de Léon la
place qu'elle avait quittée pour exercer le pouvoir.
ELVIRE, reine de Léon à la fin du x« et au xi® siècle, morte
en 1027. Elle était fille de don Garcia, comte de Castille, et
épousa, vers 992, Bermude II le Goutteux, roi de Léon. A la
mort de celui-ci, le trône passa à son fils, Alphonse V, et
ce fut sa mère, Elvire, qui exerça en son nom la ré-
gence (999). En qualité de régente, elle présida en 1001
à Boveda une assemblée de juges et de seigneurs. Elle
gouverna, à ce qu'il semble, habilement, et les chroniques
espagnoles rapportent qu'elle repoussa une attaque des
Arabes et releva la ville de Léon qui avait été en partie
ruinée par Almansour. A la majorité de son fils, elle se
retira dans un monastère, où elle mourut.
ELVIRE, princesse espagnole du xi^ siècle, fille du
comte Sancho de Castille, morte en 1040. Elle épousa le
roi de Navarre, Sancho Garces, surnommé le Grand, en
eut deux fils qui, en 1035, devinrent rois, Garcia en Na-
varre, Fernando en Castille; quelques chroniques lui en
donnent un troisième, Gonzalo, qui fut roi de Sobrarbe et
Ribagorza.
ELVIRE, reine de Léon au xi® siècle, morte en 1052.
Fille du comte Mendo Gonzalez et de dona Mayor, elle
fut élevée en Galicie avec le jeune roi de Léon, Alphonse V,
dont son père était tuteur. Elle l'épousa en 1008 ou 1009
et en eut deux enfants : Bermude, qui fut appelé à suc-
céder à son père en 1027, et Sancha, qui devait épouser
le comte Garcia de Castille, quand il fut tué par les Vêlas.
La légende lui donne un troisième enfant, Chimène, qui
aurait été la mère de la Chimène du Cid.
ELVIRE NuNA, princesse espagnole, née à la fin du
IX® siècle, d'une noble famille galicienne, morte en 922. Elle
épousa en 910 le roi de Galicie, Ordofio, qui fut de plus roi
de Léon par le choix des Cortès en 914. Elle eut quatre
fils : Sancho, Alonso, liamiro, Garcia, et une fille,
Ximena. E. Cat.
ELVIREA (ZooL). Parona (1887) a donné ce nom géné-
rique à un Protozoaire flagellé qu'il range dans la famille
des Trimastigides. Il vit en parasite dans la portion anté-
rieure de l'intestin d'une Ascidie {Ciona intestinalis) dans
lequel il se meut avec beaucoup de rapidité ; il est carac-
térisé par la forme du corps ovale, arrondi aux deux
extrémités, avec trois flagellums insérés en avant, dont le
médian est plus court; le noyau et le nucléole sont situés sur
la ligne médiane, à la partie antérieure. E. cionœ Gènes.
ELVI US (Per), mathématicien suédois, né à Upsala en
août 1710, mort à Ekolsund le 27 sept. 1749. Elève de
A. Celsius, son cousin, de Klingenstierna et de Polhem, il
fut nommé membre de l'Académie des sciences de Stock-
holm lors de sa fondation (1739), en devint secrétaire
perpétuel (1744) et à ce titre chargé du cours de mathé-
matiques et d'histoire naturelle (1746); mais il en fut
bientôt dispensé à condition de publier ses mémoires et
expériences dans les Actes de cette académie qui en
contiennent vingt-sept de lui. On lui doit, en outre, un
traité d'hydraulique (1 742) ; Histoire des sciences mathé-
matiques (1746); Journal d'un voyage à Trollhœtta,
publié par son compagnon, C. Hârleman (1750); la tra-
duction (1744) de la Géométrie de Clairaut. B-s.
ELVI US (Sofus), biographe danois, né à Copenhague
le 3 avr. 1849. Tout en travaillant à l'institution d'assu-
rances sur la vie, il a fait de si sérieuses études d'histoire
personnelle qu'il a été nommé directeur de l'Institut généa-
logique fondé par son initiative (1887). Il a publié : His-
toire des ecclésiastiques danois de i869 à i8S4
(Copenhague, 1885-87, 3 vol. in-8) et, avec H. -R. Hiort-
Lorenzen, Familles patriciennes du Danemark (\S9i).
ELWART (Antoine-Elie), compositeur, musicographe et
professeur français, né à Paris le 18 nov. 1 808, mort à Paris
le 14 oct. 1877. Il fut enfant de chœur à Saint-Eustache,
puis placé par sa famille chez un layetier-emballeur; il
quitta son emploi contre la volonté de ses parents, s'en-
gagea comme second violon dans un petit théâtre de Pa-
ris, puis entra au Conservatoire, fut élève deReicha, Fétis
etLesueur, et fonda avec quelques camarades les Concerts
d'émulation. En 1831, il obtint le deuxième grand prix
de composition; en 1832, il fut nommé professeur adjoint
à la classe de Reicha, et en 1834 il remporta le premier
grand prix. Après un séjour à Rome, il revint à Paris
(1836), où bientôt (1840) il fut nommé professeur de la
deuxième classe d'harmonie écrite. Il a dirigé aussi les
concerts de la société Sainte-Cécile et ceux de la rue Vi-
vienne. Ce n'est qu'en 1871 qu'il a quitté l'enseignement
actif au Conservatoire, où il était professeur titulaire d'har-
monie. Ses ouvrages principaux sont les suivants : plu-
sieurs messes, dont une à quatre voix et orgue, une à cinq
voix, chœurs et orchestre, deux à quatre voix sans accom-
pagnement; des oratorios, mystères, symphonies reli-
gieuses, Noé ou le Déluge universel, la Naissance d'Eve,
Ruth et Booz, les Noces de Cana; une scène funèbre,
Omaggio alla memoria di Vincenzo Bellini ; des
motets, un Te Deum, un Miserere, un Ave Maria, un
0 Salutaris ; de la musique de scène et des chœurs pour
ri/cé'5^^ d'Euripide ; des opéras, les Chercheurs d'or, les
Catalans, la Reine de Saba ; une opérette. Pas d'or-
chestre ; des cantates. Hymne à la Beauté, le Pouvoir
de rharmonie, le Salut impérial, etc.; des recueils de
chœurs. Mosaïque chorale, le Concert choral, les Heures
de r enfance ; des scènes lyriques, Pénélope, etc.; des
ouvertures, symphonies, quintettes, quatuors, trios ; des
ouvrages théoriques ou ayant plus ou moins trait à la mu-
sique. Petit Manuel d'harmonie... (1839); Duprez, ^a
vie artistique (1838); Théorie musicale... (1830).,.
Feuille harmonique... (1841); le Chanteur accompa-
gnateur, ou Théorie du clavier, de la basse chiffrée, etc.
(1 844) ; Traité du contrepoint et de la fugue (sans date);
Essai sur la transposition, l'Art de jouer impromptu
de l'alto-viola. Solfège du jeune âge, le Coîitrepoint
et la fugue appliqués au style idéal. Petit Manuel
d'instrumentation. Manuel des aspirants au grade de
ELWART — ÉLYTRE
- 870
chef et de sous-chef de musique dans V armée française,
Lutrin et Orphéon ou Grammaire musicale,... Essai
sur la composition chorale, l'Harmonie musicale, poème
en quatre chants (1853); Histoire de la Société des
concerts du Conservatoire impérial de musique (1860);
Histoire des concerts populaires de musique classique
(1864). Il a également complété l'ouvrage commencé par
MM. Burnett et Damour, avec ce titre : Etudes élément
taires de musique, depuis les premières règles jus-
qu'à celles de la composition. On lui doit enfin des ar-
ticles musicaux dans la Picvue et Gazette musicale de
Paris, V Encyclopédie du xix« siècle, et divers autres
journaux. Alfred Ernst.
ELWES (John), encore connu sous le nom de Meggotz,
célèbre avare anglais, né à Westminster le 7 avr. 1714,
mort le '26 nov. 1789. Il reçut une bonne éducation à
Westminster, voyagea en Suisse où il fit la connaissance
de Voltaire. De retour en Angleterre, il vécut, bien que tort
riche, dans la plus sordide médiocrité. Sa répulsion à
dépenser de l'argent lui valut une espèce de célébrité et
donna lieu à une infiaité d'anecdotes. Malgré son avarice,
il se laissa entraîner à des spéculations ou il perdit des
sommes considérables. Elwes représenta le Berkshire au
Parlement, de 1774 à 1787.11 caractérisa Pitt de cette
originale manière : « C'est le ministre qui convient le
mieux au pays. Dans tout ce qu'il dit il y a des livres,
des shellings et des pence. » R- S.
BiBL. : Edward Tûpham, Life of John Elwes; Londres,
1790; 12» éd., 1805.
ELY. Ville d'Angleterre, comté de Cambridge, sur TOuse ;
8,172 hab. Magnifique cathédrale commencée en 1082,
achevée en 1553, remplaçant l'église Ethelreda qui datait
de 673. Elle a 126 m. de long; ses deux tours de TO.
ont 82 m. de haut. A l'O. est le pays épiscopal, au S.,
un collège [Kings School), fondé en 1541. Ely, situé au
centre de la région marécageuse des Fens, qui a été trans-
formée en un vaste jardin maraîcher, servit lors de la con-
quête normande de refuge aux Saxons qui se défendirent
dans le camp du Refuge jusqu'à ce qu'ils fussent livrés
par les moines de l'abbaye (1072). Un évèché y fut établi
en 1107 (V. Fens et Grande-Bretagne [Géogr. phys.]).
ÉLYMAÏOE. Forme grecque du sémitique Elam, en
assyrien Elamtu, qui désigne le pays appartenant au bas-
sin du Tigre, et à TE. de l'embouchure de ce fleuve. Le
nom d'Elam n'étant pas le nom propre de la contrée, mais
seulement le nom que ses voisins de l'Est lui donnèrent
(V. Elam), le nom iVEli/maïde (Elymaïs) ne fut donné
qu'à l'époque des Séleucides à la partie occidentale et mon-
tagneuse de la Susiane. Le nom paraît lors des campagnes
d'Antiochus Epiphane qui y périt (161 av. J.-C).
ELYMUS (Elymus L.) (Bot.). Genre de Graminées,
très voisin des Orges, dont il se distingue par les épillets
tous hermaphrodites, sessiles ou subsessiles, contenant de
deux à huit fleurs, et par les caryopses largement canali-
culés. L'espèce type, E. europœus L., est abondante dans
les dunes du N. 0. de la France, où sa souche rampante, à sto-
lons grêles, est très utile pour retenir les sables mobiles.
ELYOT (Sir Thomas), diplomate et écrivain anglais, né
vers 1490, mort le 20 mars 1546. Vers 1523, il attira
l'attention du cardinal Wolsey qui le fit entrer en qualité
de clerk au conseil privé; il devint en 1527 sherifl" du
Berkshire et de l'OUbrdshire et, ayant écrit un traité de
politique qui fut fort goûté par la c^our, Boke called the
Gouernour (1531), fut nommé ambassadeur auprès de
Charles V, poste qui lui fut confié de nouveau en 1535.
Membre du Parlement pour Cambridge en 1542, Elyot fut
encore sherifl" du Cambridgshire et d'Hutin-donshire en
1544. Très cultivé pour l'époque, il a laissé un certain
nombre d'ouvrages : Pasquil tke Playne (1533), sorte de
dialogue sur les avantages re pectifs delà parole et du silence;
Of the K7iowledge which makelh a wise pian (1533),
dialogue philosophique entre Platon et Aristippe ; A swete
and devoute Sermon of Holy saynt Ciprian of the
mortalitie of man (1534); The Doctrine of princes
(1534), traduit d'Isocrate ; Ihe Castel of Helth (Londres,
1534), sorte de traité médical; The Bankette of science
(Londres,' 1539); Latin-eng lish Dictionary (Londres,
1538, in-fol.), dont Th. Cooper a donné une édition sous le
titre de Bibliotheca Eliotœ (1550); The Education or
Bringinge up of children (Londres, s. d., in-4), traduit
de Plutarque; The Defence of good women (1545) ; The
Image of gouernance (1540), extraits traduits d'Alexan-
dre "Sévère ; How one may take profyte of his enmyes
(Londres, s. d.), traduit de Plutarque; A Preservative
against Death (1545). R. S.
ELYSÉE (Myth. gr.) (V. Enfers).
ELYSEE (Palais de 1'). Résidence du président de la
République française, un des plus beaux palais de Paris.
Il est compris entre les Champs-Elysées et le faubourg
Saint-ïlonoré, sur lequel est l'entrée principale, la rue de
l'Elysée et l'avenue Marigny. Il fut bâti en 1728 pour le
coaite d'Evreux par l'architecte Molet. La marquise de
Pompadour l'acheta et l'occupa jusqu'à sa mort. Son frère
Marigny le céda à Louis XV qui y logea le garde-meuble
en attendant l'achèvement de celui de la place de la Con-
corde. Il fut acheté par Beaujon en 1773 et à sa mort par
la duchesse de Bourbon (1786). Propriété nationale en
1793, il devint un lieu de divertissements publics, sous le
nom à'Elysée, puis de Hameau de Chantilly. Murât le
reçut en 1803 ; Napoléon P"^ le reprit en 1808 et en fit sa
résidence préférée à Paris. On y logea le tsar en 1814
et 1815, puis le duc de Berry (1816-20) ; le duc de Bor-
deaux le posséda ensuite. En"! 830, il fit partie de la liste
civile de Louis-Philippe. Après 1848, V Elysée national
fut afl'ecté à une commission des dons patriotiques, puis à
la résidence du président de la République. On Tagrandit
alors par l'annexion de l'hôtel Sébastiani . Abandonné
sous le second Empire, il redevint sous la troisième Répu-
blique le palais présidentiel.
ELYSIA (Malac). Genre de Mollusques Gastéropodes,
de l'ordre des Opistobranches-Nudibranches, créé par Risso
en 1812 pour un animal mou, dépourvu de coquille, à
corps allongé, élargi en avant, atténué en arrière, déprimé
en dessus. La tête bien distincte du corps porte deux ten-
tacules non rétractiles, auriculiformes ; en arrière et
presque à la base de ces tentacules se trouvent placés les
yeux. Les branchies sont renfermées dans une poche un
peu saillante située à la partie antérieure du dos, près de
la tète. Côtés du corps garnis d'une membrane qui peut en
se relevant couvrir le dos. Type: Elysia viridis Risso. Sec-
tions : 1^ Elysiella Bergh, 1871. Animal à tête carénée
latéralement, à tentacules petits et coniques. Exemple :
Elysia pusilla Bergh. 2<* Thuridella Bergh, 1872. Ani-
mal à tète arrondie, à tentacules bien développés. Exemple:
Elysia splendida Grube. Les Elysies habitent l'océan
Atlantique, le Pacifique, la Méditerranée. Elles vivent sur
diff'érentes plantes, particulièrement sur les algues et les
zostères, lesquelles servent à leur nourriture. Elles ont été
observées sur les côtes d'Europe, aux Antilles, aux îles
Philippines, etc. J* Mab.
ELYTHROPHORA (Zool.). Gerstacker (1853) a carac-
térisé ce genre de Crustacés Copépodes Siphonostomes,
rangé dans la famille des Caligides : ce sont des animaux
dont les antennes biarticulé'es sont insérées au bord
frontal; ils ont trois paires de pattes-mâchoires, fixées sur
le céphalothorax, simples, ongulées; quatre paires de
membres portent les branchies dont trois sont fixées sur le
premier anneau thoraciqne et la quatrième sur le quatrième
anneau; toutes sont bifides, la lame branchiale étant
externe ; il existe deux plaques dorsales foliacées chez le
mâle et quatre chez la femelle ; celle-ci est deux fois plus
grande que le premier et porte deux longs tubes ovifères.
Tvpe : E. brachyptera Gerst. (Arnœus thynni Krôyer),
curieux animal qu'on trouve dans la Méditerranée et
l'Adriatique, dans la cavité buccale du Thynnus vulgaris.
ÉLYTRE (Entom.). Chez les Insectes Coléoptères, on
- 871 —
KLYTRE — ELZEVIER
désigne sous le nom d'élytres (elytra) les deux ailes supé-
rieures, plus ou moins consistantes, cornées ou coriaces,
qui recouvrent en général et protègent, au repos, les ailes
inférieures membraneuses. Leurs bords externes infléchis
ont reçu le nom d'épipleures. L'épaisseur et la solidité des
élytres sont les mêmes que celle des autres téguments, mais
leur structure présente des moditications d'une variété
infinie. Elles sont souvent revêtues, soit partiellement,
soit en totalité, de poils ou d'écaillés, dont la forme, la
disposition, etc., sont très diverses. Elles peuvent également
présenter des appendices en forme de piquants, d'épines,
de crêtes, de tubercules, etc. — Quelquefois les élytres sont
dures et opaques à leur base et membraneuses vers leur
extrémité ; elles prennent alors le nom de demi-élytres ou
hémiélytres {y , Hémiptères). Ed. Lef.
ELZE (Karl), historien littéraire allemand, né à Dessau
le 22 mai 1821. Il a appliqué la méthode critique des philo-
logues à l'histoire de la littérature anglaise. 11 professa au
gymnase de Dessau, puis à Tuniversité de Halle (1875). Il
s'est en particulier occupé de Shakespeare, a donné des
éditions critiques à'Hamlet (Leipzig, 1857), de VEmpe-
ror of Germany de Chapman (Leipzig, 1867) et de When
you see me you know me de Rowley (Dessau et
Londres, 1874); d'excellentes biooraphies de Walter
Scott (Dresde, 1864, 2 vol.) et de Byron (Berlin, 1870;
2^ éd., 1881); il a rédigé presque seul le Shakespeare-
Jahrbuch d'où l'on a extrait Essays on Shakespeare
(Londres, 1874). Son ouvrage capital est William Sha-
kespeare (Halle, 1876). Citons encore Abhandlungen
ilber den englischen Hexameter (Dresde, 1867) et
Notes on Elizabethan dramatists (Halle, 1880-84,
2 vol.).
ELZEVIERou ELSEVIER. Célèbre famille de libraires et
d'imprimeurs néerlandais des xvi*^ et xvn® siècles, qui a fondé
des établissements à Leyde, à La Haye, à Utrecht et à Ams-
terdam. Le fondateur de cette dynastie fut Louis Elzevier,
né à Louvain vers 1540, mort à Leyde le 2 févr. 1617.
Fils de Jean de Louvain (Hans van Leuven), dit Helsevier,
il se fit reheur et suivit à Anvers son père qui y exerça,
de 1565 à 1588, le métier d'ouvrier typographe chez le
célèbre Christophe Plantin. Protestant zélé, Louis dut
s'expatrier (1568) pour fuir les persécutions du duc d'Albe,
et se rendit à Wesel (duché de Clèves). Profitant ensuite
de l'amnistie accordée sous le gouvernement de L. de Re-
quesens (1574), il alla s'établir à Douai, qu'il fut obligé
de quitter en 1580. Il se fixa alors définitivement à Leyde.
A la profession de relieur, il joignit bientôt celle de libraire,
et, en cette qualité, il rendit de sérieux services à l'Uni-
versité, qui l'en récompensa en le nommant appariteur
(1586). L'année suivante, il obtint la faveur d'élever une
boutique sur le terrain de l'Académie, et cette humble
échoppe, a-t-on dit, fut le fondement de la fortune des
Elzevier. En 1594, il se fit recevoir bourgeois de Leyde.
A partir de cette date, il devint un éditeur actif et sur-
tout un négociant en livres plein d'artifice, mais peu scru-
puleux sur le choix des moyens. Néanmoins, il jouissait
d'une considération toute particulière et était en rapports
suivis avec nombre d'illustres savants. On lui doit la pu-
blication d'une centaine de volumes, en latin, en français,
en flamand et même en allemand. Il fut l'éditeur des œu-
vres de plusieurs de ses compatriotes célèbres, tels que
Meursius, Merula, Heinsius, E. Puteanus, etc. Il est bon
toutefois d'avertir que tous les ouvrages publiés par ce
libraire n'ont rien de recommandable au point de vue
typographique. — Louis I*"" Elzevier eut neuf enfants, dont
sept fils : i^ Mathieu, qui va suivre; 2<* Louis, ne à
Anvers vers 1566, mort à Leyde en 1621, fondateur en
1590 d'une librairie à La Haye; 'S^ Gilles, né à Wesel vers
1570, mort à Leyde fin juin 1651. successeur intérimaire
dans la hbrairie du précédent (1598-99), puis régent de la
Compagnie des Indes orientales ; 4° Josse^ né à Douai en
1575 ou 1576, libraire à Utrecht de 1603 à 1607 ; l'un
de ses petits-fils, Pierre (né à Rotterdam en mars 1643,
mort à Utrecht en sept. 1696), y exerça la profession de
hbraire-éditeur de l()67 à 1675 ; 5« Arnout, né à Douai
vers 1577, mort à Leyde après 1617, peintre paysagiste;
6<^ Bonaventure, dont il sera question plus loin ; 7" Adrien^
né à Leyde vers 1585, tué au service de la Compagnie des
Indes dans l'île de Banda-Neira (Moluques), le 22 mai 16C9.
Mathieu, né à Anvers vers 1565, mort à Leyde le
6 déc. 1640, fut appariteur de l'Université et succéda dans
la librairie paternelle avec son frère Bonaventure. Leurs
éditions sont signées E^ Ojficina Eheviriana, En 1622,
il céda sa part à son fils aîné Abraham, que nous retrou-
verons plus loin. Son second fils, Isaac, né à Leyde le
11 mars 1596, mort à Cologne le 8 oct. 1651, est le
premier imprimeur de cette famille. Ses plus anciennes
productions, exécutées aux frais de son grand-père Louis
Elzevier, datent de 1617. Nommé imprimeur juré de l'uni-
versité de Leyde le 9 févr. 1620, il obtint dès l'année
suivante l'autorisation de bâtir dans la cour même de
l'Université, à côté de la hbrairie de son père, une galerie
pour y installer son imprimerie, qui devint la plus impor-
tante parmi celles de la ville, surtout après l'acquisition du
matériel de la typographie orientale d'Erpenius. Le 24 déc.
1625, il céda son établissement à Abraham, son frère,
associé avec leur oncle Bonaventure, et alla se fixer à Rot-
terdam. Il prit service dans la marine et obtint le rang de
capitaine en 1632, mais en 1648 on le trouve associé avec
ses deux plus jeunes fils dans une brasserie à Délit. — Le
second frère d'Isaac, Jacob, né à Leyde en 1597, mort
dans le Palatinat après 1652, aida d'abord son père dans
la gestion de sa librairie, puis, à la mort de son oncle
Louis, acheta la hbrairie fondée par celui-ci à La Haye,
qu'il recéda à Bonaventure Elzevier en 1636. Il devint alors
intendant du comte de Cuylenbourg, et embrassa en 1639
la carrière des armes, on ne sait au service de quelle
puissance.
Bonaventure, né à Leyde en 1583, mort à Leyde le
17 sept. 1652, fut initié de bonne heure au commerce des
hvres. Il yoyagea en France et en Italie, et, dès 1608, il
édita plusieurs volumes à ses frais. Associé, pour l'exploi-
tation de la librairie paternelle, avec son frère aîné, Ma-
thieu, il la continua, à partir du 3 sept. 1622, avec son
neveu, Abraham, Celui-ci (né à Leyde le 14 avr. 1592,
mort à Leyde le 14 août 1652) avait d'abord secondé son
frère Isaac dans les travaux typographiques et s'était établi
libraire pour son compte en 1621. Dans la nouvelle asso-
ciation, Abraham dirigea l'imprimerie. La maison elzévi-
rienne se trouva dès lors définitivement constituée. Bona-
venture, quoique peu lettré, et au surplus très ladre en
affaires, gouvernait la hbrairie sous la direction intellec-
tuelle de réminent mais giincheux Daniel Heinsius, qui
était leur guide, leur client et leur commentateur. Abraham,
de son côté, cherchait à donner à leurs livres le cachet de
la perfection typographique, et il y arriva après neuf ans
d'eôbrts. C'est lui qui lut le véritable auteur de ces bijoux
typographiques dont le succès fut immense. Il y était
secondé par un artiste d'un rare talent, dont le nom n'a
été révélé que récemment, par M. Willems. C'est à Chris-
tophe Van Dyck qu'on doit la création de ce type élégant
qui porte encore le nom d'elzévirien, mais il faut ajouter
que ce type dérive des beaux caractères exécutés par les
graveurs français Sanlecque. Abraham opéra encore une
véritîible révolution en librairie par l'adoption du format
in-12, qui eut de la peine à triompher des opiniâtres résis-
tances de la part des savants. L'activité de la maison des
Elzevier fut incroyable. Elle avait des ramifications et des
représentants dans presque toute l'Europe, et tenait la
première place aux célèbres foires de Francfort, voire même
sur le marché de Paris, grâce à ses charmantes éditions
des pièces de Corneille et'autres du théâtre contemporain,
ainsi que des principaux monuments de la littérature fran-
çaise. Durant leur association, Bonaventure et Abraham
éditèrent plus de cinq cents ouvrages, auxquels des savants
d'élite ont souvent apporté leurs soins. Abraham fut le plus
ELZEVIER — ÉMAIL
— 872 —
habile des quatre typographes qui ont illustré le nom des
Elzevier, et à sa mort, l'Académie de Leyde, par une faveur
exceptionnelle, fit frapper une médaille en son honneur.
Jean, fils aîné d'Abraham (né à Leyde fin févr. 1622,
mort à Leyde le 8 juin 1661), et Daniel, fils aîné de
Bonaventure, succédèrent aux précédents. L'un et l'autre
avaient séjourné à Paris pendant deux ans. Très au fait du
commerce des livres, ils surent d'abord maintenir leur
maison à la hauteur de sa réputation ; mais, au bout de
deux ans, Daniel se retira de l'association pour en con-
tracter une avec son cousin Louis, établi à Amsterdam. Ce
fut le coup fatal pour la maison de Leyde. Jean, par manque
d'initiative et de résolution, se trouva au-dessous de sa
tâche. A plusieurs reprises, il solda des lots de livres, et
sa veuve finit de liquider sa librairie. L'imprimerie passa
en 4681 entre les mains de leur fils Abraham (né à
Leyde le 5 avr. 16S3, mort à Leyde le 30 juil. 1712), et
ce célèbre établissement tomba alors dans une décadence
complète. Le matériel, vendu après son décès, ne produisit
qu'une somme de 2,000 florins, vu son état de vétusté et
de délabrement.
Louis (né à Utrecht en 1604, mort à Leyde en juin 1670),
fils aîné de Josse, fut tout d'abord chargé de représenter à
l'étranger la maison elzévirienne de Leyde, de sorte qu'il
parcourait l'Europe en courtier en librairie. jPuis il se fixa
à Amsterdam. Devenu bourgeois de cette ville le 3 déc.
1637, il se fit recevoir libraire en février suivant. Dès la
fin de 1640, il possédait une imprimerie. Instruit, aimable
et d'un esprit libéral, il se créa de puissantes relations.
Descartes lui confia l'impression de tous ses ouvrages ; les
jansénistes français recouraient à ses presses. Ne pouvant
pas suffire à tout, il faisait imprimer beaucoup pour son
compte par d'autres typographes, surtout par Hackius. Sa
maison égala rapidement en importance celle de Leyde.
De 1640 au l^'' mai 1655, il publia plus de deux cents
ouvrages. A cette dernière date, il prit pour associé son
cousin germain, Daniel, fils de Bonaventure, de vingt-deux
ans plus jeune que lui. Ensemble, ils éditèrent encore cent
cinquante ouvrages. Parmi eux, nous citerons à titre de
curiosité, le ïannenu Pastissier français (1655, pet. in-12),
volume dépourvu aujourd'hui de tout intérêt, mais que les
bibliomanes ont poussé à des prix absurdes : un exem--
plaire broché et non rogné de ce petit bouquin a été payé
10,000 fr. en 1878. Louis Elzevier, qui était céliba-
taire, se retira des afi'aires en 1664, laissant sa maison
à son jeune associé.
Daniel (né à Leyde en août 1626, mort à 's Grave-
land, près d'Amsterdam, le 13 oct. 1680), fils aîné de
Bonaventure, fut d'abord, comme nous l'avons dit, associé
avec son cousin Jean pour l'exploitation de l'établissement
de Leyde. D'un esprit supérieur, il ne s'y sentit pas à
l'aise en raison de la médiocrité de son collaborateur, qu'il
quitta au bout de deux ans pour entrer en association avec
son cousin germain, le fondateur intelligent de la maison
elzévirienne d'Amsterdam. A partir du l®*" mai 1664, il se
trouva seul à la tête de cet important établissement et il se
montra apte à accomplir une tâche aussi considérable. Son
conseiller et guide littéraire fut Nicolas Heinsius, fils de
Daniel. De 1669 à 1676, il eut pour collaborateur tech-
nique l'habile Henri Wetstein. Il publia environ deux cent
soixante ouvrages, parmi lesquels prédominent les livres
français, entre autres les pièces de Molière, treize volumes
pour la défense de Fouquet, etc. Daniel Elzevier fut uni-
versellement regretté. « Sa mort est une perte publique »,
a écrit le philosophe Locke. En effet, avec lui disparut le
dernier grand typographe néerlandais. Sa veuve continua
la maison jusqu'à son décès (mars 1681), puis on liquida
eur fonds. Il ne restait plus alors des Elzevier qu'Abraham
qui végétait à Leyde, se bornant à imprimer, et fort mal,
les thèses universitaires.
L'ensemble des publications des Elzevier dépasse seize
cents ouvrages. Leur vogue continue engendra une foule de
contrefaçons, souvent très trompeuses. On distingue celles-ci
des originaux parla comparaison des caractères, des lettres
grises, des fleurons et autres ornements typographiques.
G. Pawlowski.
BiBL.: Alphonse Willems, les Elzevier. Histoire et an-
nales typographiques; Bruxelles, ISSO, gr. in-8. Cet ou-
vrage magistral annule tous les travaux antérieurs sur
ce sujet,
ELZHEIMER (Adam), peintre allemand (V. Elsheimer).
É M A C i AT 1 0 N (Méd . ) . Amaigrissement général progressif
qui se termine habituellement par le marasme, et qui est
le résultat de la diminution de volume ou de la fonte des
parties molles, adipeuses, charnues; l'émaciation peut être
la conséquence d'un trouble général de la nutrition (ina-
nition, cachexies, etc.), ou ne porter que sur un système,
sur les muscles par exemple (atrophies musculaires). Toutes
les affections qui entravent les fonctions gastro-intestinales
amènent l'émaciation par nutrition insuffisante, le diabète
par dénutrition exagérée, etc. ; l'amaigrissement est égale-
ment très rapide dans la tuberculose et le cancer, dans les
cachexies, etc. La vieillesse, enfin, peut déterminer cet état
d'amaigrissement extrême. D'^ L. Hn.
ÉMÂ6NY. Com. du dép. du Doubs, arr. de Besançon,
cant. d'Audeux; 240 hab.
ÉMAIL. I. Céramique. — (En hébreu Hachs mal (?),
en chaldéen Eraa (?), en allemand Schmelzen, en anglo-
saxon Smaltan). Substance pulvérulente, finement broyée,
vitrifiable au feu sous une température élevée, renfer-
mant des oxydes métalliques destinés à la colorer, qui, en
s'incorporant à la matière qu'elle recouvre, la décore, tout
en la protégeant, de couleurs brillantes, inattaquables à
l'air et à l'humidité. On l'emploie soit à l'état de suspen-
sion dans l'eau, dans un bain où l'on plonge les objets à
émailler, soit à l'état pâteux, en la déposant au pinceau
ou à la curette à l'endroit même que l'émail doit occuper.
La première méthode est principalement usitée pour les
terres cuites (V. Céramique), la seconde pour les mé-
taux. Dans la pratique, le terme émail et surtout le
pluriel émaux s'est trouvé en quelque sorte réservé pour
désigner les émaux sur métaux. Cependant, il ne faut pas
néghger de faire remarquer que les Chinois et les Japonais
ont fait de véritables émaux cloisonnés sur porcelaine;
mais cet art ne date que de 1870. L'histoire de l'émail-
lerie est des plus obscures : on ignore à quelle époque en
remontent les premières apphcations ; les découvertes de
M. Dieulafoy, en Susiane (V. Céramique), sont venues jeter
quelque lumière sur la question, en nous révélant les admi-
rables produits des émailleurs orientaux du vin® siècle
av. J.-C. Lorsque ensuite on peut admirer les merveilleuses
verreries de l'antiquité, on est en droit de se demander si
les origines de Fémaillerie et celles de la verrerie ne seraient
pas en quelque sorte contemporaines, d'autant que dès les
temps les plus reculés, alors que les Bomains et les Grecs
ignoraient complètement l'usage des émaux, les barbares,
au dire de Philostrate (m® siècle av. J.-C), sur les bords
de l'océan Atlantique, connaissaient, comme les peuples
du centre de l'Asie, l'art de couvrir d'émaux des morceaux
d'airain incandescent. Mais la lacune entre les briques
émaillées de Suse et les plus anciens émaux du moyen âge
est encore pour nous impossible à combler. L'Egypte et ses
tombeaux ne nous ont rien appris, et nous devons nous
borner à constater la splendeur des émaux asiatiques, sans
tenter d'en reconstituer l'histoire ou de rechercher ses
influences sur les émaux occidentaux.
Avant de parcourir les diverses étapes de l'art de l'émail-
lerie, il est indispensable d'en étudier la technique et
d'établir les divisions dans lesquelles doivent être classées
les différentes sortes d'émaux. Les émaux sont cloisonnés,
champlevés, translucides ou peints. Les émaux cloi-
sonnés sont retenus dans de petites cellules faites géné-
ralement d'un mince fil d'or étiré, avec lequel l'artiste
forme les lignes d'un dessin qu'on applique sur la plaque
à émailler : les cellules sont remplies, à la curette, d'émaux
de différentes couleurs ; la fusion des émaux les fait adhérer
au fond et suffit pour retenir la plupart du temps le fil
- 873 -
EMAIL
Email byzantin (mixte).
emprisonné par la matière même qu'il est chargé de con-
tenir. Les émaux champlevés sont généralement sur
cuivre rouge. Comme l'indique leur nom, l'ouvrier, après
avoir tracé son dessin, enlève le champ (champ levé)
du dessin qu'il veut remplir d'émail : tantôt le sujet est
réservé en cuivre pour être gravé au burin après la cuisson
(V. ce mot), ce sont les champlevés en réserve ; tantôt le
sujet est au contraire creusé, tandis que le fond reste de
cuivre, et alors l'ouvrier épargiie dans les personnages
de menues bandes de cuivre imitant le fil d'or du cloisonné,
ce sont les champlevés en taille d'épargne. Quelquefois
l'artiste en creusant le sujet n'a pas épargné les petites
lignes de cuivre; il
les remplace alors par
un fil d'or qui trace
les lignes du dessin :
c'est un cloisonné
dans un champlevé;
rémail est alors ap-
pelé mixte. Les
émaux translucides,
mal à propos appelés
di basso relievo, de
basse taille, parce
qu'on les trouve fort
souvent sur de petits
bas-reliefs de métal
ainsi revêtus de cou-
leurs éclatantes,
étaient employés à
décorer de fines pla-
ques gravées , dont
la délicatesse du des-
sin apparaît à tra-
vers l'émail. On rend
chatoyantes certaines
j)arties d'émail, en mettant au-dessous d'elles une mince
feuille d'or légèrement ondulée : ce sont là les émaux sur
paillons. Enfin les émaux peints sont ceux qui, comme un
tableau, reproduisent par des tons dégradés, sans aucune
ligne de cuivre interposée, un sujet au naturel. Les
émaux de plite ou de plicque ne doivent pas entrer dans
la classification des émaux ; malgré les recherches pénibles
de certains archéologues, M. de Laborde, en leur restituant
leur véritable nom d'émaux d'applique, a définitivement
tranché la question. Les nombreuses citations d'inventaires
qu'on pourrait faire prouvent d'une façon évidente que le
nom de plite n'a aucun rapport avec la technique des
émaux, mais qu'ils sont simplement appliqués sur les
pièces qu'ils décorent. Les émaux de la châsse de Sion,
cloisonnés, sont émaux appliqués comme aussi les émaux
champlevés du calice de Reims, du coffret de saint Louis,
comme encore les émaux translucides d'une foule de calices
du xv^ siècle, qui n'appartiennent pas à la pièce même, mais
font partie d'une ornementation rapportée par l'orfèvre.
Nous ne connaissons de l'émaillerie gauloise que quelques
pièces; l'histoire des Chinois, ces maîtres de l'art du feu,
chez lesquels nous retrouvons des émaux cloisonnés de même
technique que ceux des Byzantins, ne nous en apprend
pas les origines : ce sont donc les Byzantins qui renouent
pour nous îa tradition d'un art si brusquement interrompu.
Les émaux du moyen âge peuvent se séparer très nette-
ment en trois écoles : byzantine, du Nord (comprenant les
écoles du Rhin et de la Meuse) et limousine. Les limites
des écoles du Nord et du Limousin sont impossibles à
fixer, parce qu'au moyen âge les ateliers conventuels,
même fort éloignés, se rattachent à l'un ou à l'autre,
suivant le sentiment des artistes et les voyages des religieux.
Les émailleurs byzantins semblent marcher parallèlement
avec les mosaïstes : il ne faut pas négliger en effet de rap-
procher des mosaïques byzantines portatives dont M. Eug.
Miintz a fait si intelligemment le catalogue, des petits
émaux cloisonnés d'or que Byzance nous a légués. Les émaux
de cette école sont assez difficiles à classer ; les reproductions
qu'en a données M. G. Schlumberger, dans Un Empereur
byzantin au x« siècle, permettent, par les dates précises
qui les accompagnent, de commencer un classement, impos-
sible jusqu'ici. La disposition des fils du filigrane dans les
personnages paraît être une base assez certaine ; tandis que
les plus anciens émaux, ceux dux« siècle, présentent dans
les vêtements de longues lignes droites qui rappellent les plis
des vêtements des statues du xii« siècle occidental, ceux du
xi^ ont déjà des inflexions très accentuées, qui, à la fin,
ont les circonvolutions des vêtements des statues du xiv® et
du xv^ siècle français. On a voulu attribuer certains émaux
au viii^ siècle byzantin; jusqu'à présent rien n'est venu
confirmer cette hypothèse.
L'orfèvrerie mérovingienne, avec ses incrustations de
verroteries rouges, avec ses fibules d'émaux cloisonnés,
que l'examen le plus attentif peut à peine faire distinguer
de l'incrustation, montre le lien étroit qui unit la mosaïque
et l'émaillerie. Ce sera toujours là que viendront se heur-
ter forcément les archéologues qui étudieront l'œuvre
de saint Eloi. Fut-il émailleur, se borna-t-il à incruster
de grenats, de pierreries, d'émaux même taillés, les riches
pièces d'orfèvrerie qui sortirent de ses mains ? Les simples
dessins qui nous restent de ses œuvres ne parviendront
pas à trancher la question.
Le reliquaire du bâton de Saint-Pierre de Trêves, garni
d'émaux cloisonnés, exécutés en 980, est une des plus
anciennes pièces de l'école rhénane ; elle montre l'influence
byzantine sur les premiers essais de l'art de l'émaillerie
importée en Allemagne par l'impératrice Théophanie : au
XI® siècle, ont lieu 'les premiers essais de champlevage.
Ce n'est qu'un peu plus tard que Limoges ouvre ses ate-
liers, sans que nous puissions connaître exactement l'ori-
gine de ses manufactures. Faut-il les attribuer à la venue
des Vénitiens établis dès le x« siècle, à Limoges, avec le
doge Orseolo, qui auraient apporté avec eux les procédés des
Byzantins avec lesquels ils étaient en rapports continuels ?
Ce qu'on doit en tous cas constater, c'est que les produits de
l'école limousine se présentent immédiatement tels qu'ils
seront plus tard, sans trace d'influence étrangère. Dès les
plus anciens émaux, on peut les distinguer des émaux du
Rhin, de Cologne, de Verdun, de Liège. Chacun d'eux, en
effet, a sa technique générale particulière, ses couleurs de
prédilection. M. Darcel a ainsi caractérisé les deux écoles :
« Partout où un émail fera montre d'érudition, on peut
être certain qu'on a affaire à une œuvre de Cologne ou de
Verdun. Les émailleurs de Limoges enluminent vivement
leurs sujets, les émailleurs allemands procèdent par tons
rompus et adoptent la tonalité verte. La gamme décrois-
sante ues tons juxtaposés dont on se sert pour nuancer les
draperies sera en France une trace de rouge, de bleu lapis,
de bleu clair et de blanc ; en Allemagne, ce sont le bleu
lapis, le bleu turquoise, le vert et le jaune. » Mais, si la
remarque est vraie en thèse générale, elle ne peut évidem-
ment s'appliquer aux œuvres des ateliers conventuels, les
frères artistes du centre delà France, de Moissac, de Grand-
mont étant certainement aussi érudits que ceux des bords
du Rhin. La couleur et l'aspect général sont, dans ce cas,
bien plus à consulter; et encore une petite châsse dii
musée du Puy, certainement de l'école limousine, mais qui
a tous les caractères des produits rhénans, montre com-
bien la classification est difficile à déterminer.
Les ateliers de Limoges acquirent rapidement une ré-
putation européenne : la prise de Constantinople, en 1204,
jeta dans le monde chrétien nombre de reliques qu'il fallut
habiller : les émaux de Limoges se ressentirent de cet
excès de demandes. On voit alors une foule de pièces de
pacotille; on ne doit pas juger Limoges d'après elles. Pour
comparer l'art limousin et l'art du Nord, il faut mettre en
présence l'Eilbertus de Cologne, du trésor du roi de Ha-
novre, et le triptyque de Chartres, l'émail de Geoffroy
Plantagenet, du Mans, et les châsses de Cologne et de
Maestricht. Il faut juger les écoles rivales par leurs
ÉMAIL
— 874
chefs-d'œuvre et non par les objets courants. C'est prin-
cipalement dans l'école rhénane que nous trouvons les
émaux mixtes ; les émaux en taille d'épargne y sont aussi
plus communs que les champlevés en réserve, auxquels
l'école limousine semble s'être appliquée principalement.
L'émaillerie champlevée brille de son plus vif éclat au
XTi^ et au xiii^ siècle ; elle ne se contente pas de produire
des crosses, des reliquaires, des bijoux, mais il sort des
mains des émailleurs de grandes plaques tombales, comme
celles dont Gaignières nous a conservé le souvenir et dont
la tombe des enfants de saint Louis, à Saint-Denis, est un
des rares spécimens qui nous restent aujourd'hui. Elle va
disparaître totalement devant les émmix feints qui font
leur apparition à la fin du xv^ siècle. Peu de noms d'ar-
tistes de cette époque sont parvenus jusqu'à nous ; ils méri-
tent d'être mentionnés : G. Alpais ou encore Galpais,
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Email rhénan, champlové en taille d'épargne. Dessus
de Fautel de TEilbertus des rois de Hanovre.
de Limoges, Eilbertus, de Cologne, Garnerius, Guina-
mundus, moine, Jean, de Limoges, Nicolas, de Verdun,
Reginaldus, moine, Wilielmus, moine. Vémail des mer-
ciers était une simple imitation des émaux champlevés,
dans lesquels les cellules du champlevage étaient remplies
d'un mastic coloré. Les émaux translucides qui appa-
raissent à la fin du xin® siècle semblent servir de transi-
tion entre les émaux champlevés et les émaux peints. Un
des plus anciens spécimens de ces émaux est certainement
le calice donné par le pape Nicolas IV au couvent d'Assise
(1290), puis vient l'autel d'argent de Saint-Jacques de
Pistoie, auquel travailla, avant 1346, Ognabene (Andréa
di Puccio); le musée de Copenhague possède une pièce
datée de 1333 ; vers 1350, l'emploi en devient commun
en Italie, en France et en Allemagne; au xvi^ siècle, Ben-
venuto Cellini les employait pour décorer ses fines pièces
d'orfèvrerie. Mais très probablement, le plus ancien émail
translucide qui nous soit parvenu est la double agrafe
byzantine d'émaux translucides, cependant cloisonnés d'or
encore, que Gautier de Trainel rapporta de Constantinople
en 1204, et que nous pouvons admirer aujourd'hui au
trésor de la cathédrale de Troyes.
Limoges ne devait pas perdre ses droits. A la fin du
XV® siècle, avec les Pénicaud, les émaux peints font leur
apparition : conçu d'abord dans le style des imagiers,
l'art de l'émaillerie peinte ne tarda pas à subir une trans-
formation complète : il passe brusquement des scènes go-
thiques aux copies des plus célèbres maîtres itahens; sans
aucune transition apparente , Jean II Pénicaud , unique-
ment inspiré par l'art italien, succède à Nardon Pénicaud
et à Jean P^ Pénicaud, restés absolument Français. La
liste des émailleurs limousins est longue : Léonard Limosin
est un de ceux qui tiennent la première place dans la
pléiade des artistes de la Renaissance. Les familles forment
de véritables dynasties : les Pénicaud vont du xv^ au
xvii® siècle, les Reymond, les Court, les Courteys du
xvi*^ au xvn® siècle, les Laudin du xvi® au xviii® siècle,
les Nouailhé, enfin, du xvi^ au xix^ siècle. Cet art charmant
n'a donc jamais été abandonné. Sous Louis XIV, Petitot
Vase américain en émail cloisonné,
de Tiffany, de New- York.
fut célèbre par ses portraits émaillés; de nos jours, enfin,
MM. Claudius Popelin et A. Meyer ont obtenu des résul-
tats dignes de ri-
valiser avec les
plus fines pro-
ductions de Li-
moges du xvi^
siècle.
Les émaux
champlevés, cloi-
sonnés ou mixtes
sur métaux pré-
cieux semblent
aujourd'hui reve-
nir à la mode, et
si pendant de
longues années
la France s'est
contentée de co-
pier les cloi-
sonnés chinois ,
l'Amérique à
l'Exposition de
1889 avait les
émaux extraordi-
naires de Tiffany,
de New -York,
qui, dans une donnée absolument nouvelle, montrent de
quelles combinaisons artistiques sont capables les artistes
qui savent mêler heureusement le cloisonné et le champ-
levé. F- i>E Mély.
Email noir (V. Nlelle).
IL Chimie industrielle. — L'émail qui primitivement
devait être surtout employé pour préserver la terre et
les métaux de l'action destructive des agents atmosphé-
riques, est plutôt utilisé maintenant pour la décoration des
poteries, du verre et des métaux. En principe, quelle que
soit la nature de l'excipient sur lequel il est appliqué, il
faut que l'émail soit assez fusible pour fondre et faire corps
avec son support, à une température que celui-ci puisse
supporter sans altération. Il faut, en outre, qu'il y ait
entre eux comme une sorte d'affinité chimique et physique,
que leurs coetticients de dilatation soient assez voisins pour
que l'émail ne se sépare pas de son support sous l'influence
des changements de température. Salvetat, à qui l'on doit
de remarquables éludes sur la composition des émaux, les
distingue en transémaux ou émaux transparents et en
opérnaux ou émaux opaques. Ces émaux peuvent être
considérés comme des cristaux, en général assez fusibles,
le plus souvent colorés par une quantité extrêmement faible
d'oxyde métallique dissous dans la masse, de façon à for-
mer un tout parfaitement homogène. Les opérnaux sont
de même nature que les transémaux, mais sont opacifiés
par une substance plus réfractaire qui reste en suspension
dans le cristal. Sous le nom de ;?aréfm«w^, Salvetat désigne
toute substance vitrifiable, non homogène, formée de sub-
stances fusibles habituellement colorées par un oxyde mé-
tallique qui, n'étant pas dissous dans la masse, mais bien
en suspension, doit, pour lui communiquer une coloration,
être employé en forte proportion.
Métaux émaillés. Les émaux destinés à être appliqués
sur les métaux doivent avant tout parfaitement adhérer
ou gripper ; il faut, en outre, qu'ils soient plus fusibles non
seulement que le métal, mais encore que sa soudure. L'or,
l'argent et quelquefois le cuivre sont émaillés dans un but
purement décoratif ; au contraire, remaillage du fer et de
la fonte a surtout pour objet de les préserver de l'action
des agents atmosphériques ou de les rendre propres à des
usages domestiques. L'or destiné à l'émaillage doit être au
titre de onze douzièmes, c.-à-d. renfermer 917 7oo <l'or
fin. L'alliage le plus employé est formé de 22 p. d'or pour
1 de cuivre et 1 d'argent. L'or d'un titre moins élevé est
trop fusible ; plus fin il est trop mou. L'argent pur supporte
— 875 —
ÉMAIL
difficilement remaillage : le métal se voile et l'émail ,se
charge de bulles. Les' Orientaux sont cependant parvenus
à vaincre ces difficultés, et Ton possède des pièces d'argent
cloisonnées dans lesquelles l'art ne le cède en rien à la
technique. Il est le plus souvent nécessaire, surtout cfuand
les plaques à émailler sont minces et de grandes dimen-
sions, de les recouvrir sur le verso d'une couche d'émail ;
cette opération, ou contre-émaillage, évite les déformations
qui se produiraient pendant le refroidissement et pourraient
entraîner le fendillement de l'émail. Le plus simple des
émaux opaques est à base de calcine ou stannate de plomb.
C'est avec lui que sont faits tous les émaux opaques colorés.
Suivant l'opacité que l'on désire, la calcine varie de com-
position; le plus souvent, on prend, pour 100 p. de plomb,
22, 25 ou 30 p. d'étain.
L'émail blanc opaque se fait habituellement en prenant,
pour 20 p. de calcine, 10 p. de sable siliceux et 8 p. de
carbonate de potasse ; le mélange est chauffé jusqu'à com-
mencement de fusion, puis finement broyé à l'eau. Le car-
bonate de potasse est dans certains cas remplacé par le
carbonate de soude; de même l'oxyde d'élain est quelque-
fois remplacé comme opacifiant par l'oxyde d'antimoine ;
il devient alors nécessaire d'exclure le plomb de la compo-
sition. Pour obtenir un émail opaque parfaitement blanc, il
est nécessaire de fondre la fritte ci-dessus avec une petite
quantité de bioxyde de manganèse. Les oxydes les plus
employés dans la préparation des émaux opaques colorés
sont : l'oxyde de cobalt pour les bleus; l'oxyde d'antimoine
pour les jaunes ; l'oxyde de chrome, le bioxyde de cuivre
avec ou sans oxyde de fer pour les verts ; le pourpre de
Cassius ou l'oxyde de cuivre pour les rouges; le mélange des
oxydes de fer et de manganèse pour les noirs, dont on
augmente l'éclat par l'addition d'oxyde de cobalt ; l'oxyde
de manganèse pour les violets. Les émaux opaques sont
surtout utilisés dans la fabrication des champlevés et des
cloisonnés. Dans ces deux procédés, la décoration se fait
par teintes plates; l'émail délayé dans l'eau est appliqué à
l'aide de spatules dans les creux faits au burin sur les pièces
champlevées ou entre les cloisons posées de champ sur la
surface des objets cloisonnés. Malgré les efforts de quelques
fabricants français, Tindustrie des émaux cloisonnés ne
s'est pas développée dans notre pays; nous ne voyons guère
que M. Barbedienne dont les productions puissent être
compai'ées aux cloisonnés orientaux. Après avoir constaté
notre infériorité sous ce rapport, il est peut-être intéressant
de signaler l'opinion de quelques auteurs, celle de M. Pa-
léologue, entre autres, qui attribuent aux émaux cloisonnés
une origine européenne. Un de leurs principaux arguments
est tiré du nom de Fa-lan (émail franc) par lequel les
Chinois désignent les cloisonnés ; or il est étabU que ce
peuple appelait indistinctement du nom de Francs tous les
Occidentaux. On prétend que c'est l'importation, vers le
xiii^ siècle, d'émaux champlevés d'origine byzantine qui
auraient conduit les Chinois à la fabrication des émaux
cloisonnés. Quoi qu'il en soit, cette industrie atteignit son
apogée sous l'empereur Kang-hi de la dynastie des Tsing
(1662-1722); elle florissait encore à la fin du règne de
Kien-loung (1736-1796), mais est tombée depuis en déca-
dence.
La fabrication des émaux cloisonnés a pris de nos jours
une énorme extension, tant en Chine qu'au Japon, mais
nous devons constater que si les cloisonnés orientaux sont
encore d'une exécution parfaite au point de vue tech-
nique, ils ont néanmoins beaucoup perdu au point de vue
artistiqu'î. Nous assistons à la décadence d'un art qui, pour
satisfaire aux exigences sans cesse croissantes du coiiiuierce,
s'est trantormé en métier. Dès le début, les Chinois ne
possédaient qu'une palette assez pauvre; les cloisonnés du
commencement du xv'' siècle, sous la dynastie des Ming,
sont en général de couleur éteinte; les nuances les plus
répandues sont le bleu sombre, les jaunes profonds, le violet
pensée, les blancs troubles et mats. Leur palette s'est en-
suite enrichie, et les émaux qu'ils emploient aujourd'hui
possèdent une grande variété de nuances : le bleu est obtenu
par l'oxyde de cobalt, le rouge par l'oxyde de cuivre et le
sulfate d'argent, le vert par l'oxyde de chrome, le violet
par l'oxyde de manganèse, le jaune par le chlorure d'argent,
le blanc d'opale par l'oxyde d'étain, le bleu vif par les oxydes
d'étain et de plomb, le noir par un mélange des oxydes
donnant les bleus, les verts et les violets les plus pro-
fonds.
Un autre procédé d'émaillage consiste à recouvrir le
métal soit sur toute sa surface, soit seulement par place,
d'une couche d'émail transparent à travers lequel on voit
le fond avec sa couleur propre ou modifiée par la nuance
et l'épaisseur des émaux (émaux de basse taillé). On peut
encore poser sur la pièce un fond d'émail opaque sur leqiiel
on dispose des paillons métalliques que l'on recouvre ensuite
d'une couche d'émail transparent. Les émaux transparents
de couleur peuvent être presque tous obtenus à l'aide d'un
même tondant auquel on ajoute des quantités variables
d'oxydes suivant la nuance. Les émaux peints se font en
posant d'abord sur le métal une première couche d'émail
opaque le plus souvent blanc, noir ou gris; sur ce fond,
on peint le décor avec des couleurs appropriées. Suivant
que celles-ci glacent d'elles-mêmes ou ont besoin d'être
recouvertes d'une glaçure transparente , on les distingue
en couleurs sur pâte et en couleurs sous fondants. On
doit apporter le plus grand soin au choix des oxydes
destinés à la préparation des couleurs sous fondants; il
faut qu'ils soient extrêmement résistants au feu et qu'ils
puissent tous supporter le même tondant et la même gla-
çure. Il faut également que le fondant de la couleur et la
couverte qui la recouvrent présentent une certaine analogie
de composition afin de faire corps après la fusion. Dans ces
conditions, la palette dont dispose le peintre émailleur se
trouve assez restreinte. Nous donnons ci-dessous, d'après
Salvetat, la composition d'un fondant et d'une glaçure em-
ployés dans ce genre de décoration :
Sable
Minium
Borax fondu
Carbonate de potasse à
d'eau
50 0/,
Fondant
300
600
100
425
Glaçure
825
500
Les couleurs sur pâte qui doivent posséder dans leur
composition les éléments propres à leur vitrification sont
au contraire en nombre considérable; tous les oxydes
simples ou composés qui peuvent résister sans décompo-
sition à la température de fusion du fondant sont employés.
En principe, tous les émaux sont fondus au creuset avant
d'être employés ; les émaux pour fond sont en général
broyés en grains, lavés à l'acide nitrique, puis à l'eau et
appliqués à la spatule ; les émaux pour peinture sont au
contraire broyés très fins et délayés dans l'essence de téré-
benthine. Pour émailler une grande surface, on préfère
habituellement à l'emploi de la spatule celui du lamis qui
permet de couvrir uniformément par saupoudration des
plaques et des vases de toute dimension. 11^ est alors
quelquefois nécessaire d'imprégner la pièce d'une com-
position agglutinante qui retient l'émail et force son adhé-
rence. C'est à M. Paris du Bourget que Ton doit la grande
extension prise de nos jours par cette industrie. L'émail
qui recouvre les poteries de fer destinées aux usages domes-
tiques ne doit pas renfermer d'acide arsénieux ; il ne doit
pas non plus être trop plombifère, afin de résister à l'action
des acides faibles, du vinaigre en particulier. M. Paris a
proposé pour recouvrir les ustensiles de cuisine l'émail
très résistant et peu altérable que l'on obtient par la fusion
des éléments suivants :
( Silice Q^
Flint glass < Plomb 34
( Potasse 9
Carbonate 20,5
Acide borique 12
ÉMAIL
— 876 —
Souvent, on recouvre la tôle d'une première couche d'un
verre presque transparent, peu fusible, mais très adhérent,
à base de silice, soude, borax et kaohn qui joue le rôle de
contre-oxyde et sur lequel on applique un émail opaque,
assez fusible, à base de borax et de spath fluor ou de cryolite.
On émaille habituellement la fonte en la recouvrant d'une
première couche d'émail opaque sur laquelle on applique
ensuite une glaçure. La préparation de l'émail opaque ser-
vant de fond ou assiette se fait en frittant un mélange
formé de :
Borax 18 kilogr.
Sable blanc 9 —
que l'on additionne quelquefois d'un vingtième d'argile de
potier ou que l'on fait fondre avec d'autres matières dans
les proportions suivantes :
kilogr.
Fritte.. 45
Sable 3,5
Kaolin 2,25
Gypse 0,064
Cet émail fondu et pulvérisé est additionné de 428 gr.
de borax afin de dissoudre la petite quantité d'oxyde qui
aurait résisté au décapage. Cette première couche d'émail
qui est appliquée sur la pièce soit à la spatule, soit par
immersion, est ensuite recouverte par saupoudration d'un
émail transparent, incolore, que l'on obtient par la fusion
de :
kilogr.
Verre pilé 45
Sable 48
Soude calcinée 7,5
Borax 42
Magnésie 0,5
L'émail opaque peut, avant de recevoir une glaçure et
après un premier passage au moufle, recevoir une déco-
ration qui se fait à la main ou par impression et est ensuite
mise sous couverte comme il est dit plus haut. En principe,
toute pièce métallique doit, avant d'être émaillée, subir un
décapage aussi parfait que possible; après un passage dans
une solution alcaline, puis dans une solution étendue d'acide
sulfurique, ou déroche, la pièce est frottée avec du sable
fin ou du grès, puis lavée à grande eau.
Emaux céramiques. La faïence trouve dans l'emploi
des émaux un élément de décoration qui, masquant la cou-
leur propre de la terre, a permis la production de véritables
œuvres d'art sur des poteries à pâte commune. Les émaux
stannifères s'appliquent habituellement sur des terres peu
réfractaires dans la composition desquelles la chaux, les
terres calcaires et les marnes entrent généralement. L'émail
blanc stannifère peut être représenté par la formule sui-
vante (Deck) :
Calcaire 44
Sable de Nevers 44
Soude d'Alicante 2
Sel marin 8
Minium 2
L'émail fondu au four est grossièrement concassé,
puis pulvérisé finement sous l'eau; c'est dans ce liquide,
amené à la consistance convenable, que l'on trempe les
pièces. On obtiendra des émaux colorés en ajoutant à
400 p. d'émail blanc : 9,88 de jaune de Naples ou oxyde
d'antimoine pour le jaune; 5,26 d'oxyde de cobalt à l'état
d'azur pour le bleu; 5,26 de battitures de cuivre pour le
vert; 4,25 de battitures de cuivre et 2,04 de jaune de
Naples pour le vert pistache et 4,46 de bioxyde de man-
ganèse pour l'émail violet. La pièce après le passage dans
le bain d'émail étant parfaitement ressuyée peut être dé-
corée sur cru à l'aide d'émaux colorés ; c'est même par ce
procédé qu'ont été obtenues les belles faïences de Nevers,
de Rouen, de Moustiers, etc. On prépare en outre des
émaux transparents qui trouvent leur emploi pour toute
espèce de faïence. Ces émaux, de nature calcaire, renfer-
ment à l'état de dissolution l'oxyde colorant et correspon-
dent exactement, dans la classification de Salvetat, aux
transémaux pour métaux. Ces. émaux ont pour base un
fondant formé par la fusion de :
Minium 30 35
Sable 50 45
Potasse 42 42
Soude 8 8
Le mélange d'oxyde et de fondant est soumis à une nou-
velle fusion, pulvérisé et appliqué directement sur le biscuit
de faïence ou sur une engobe (V. Faïence).
Porcelaine émaillée. D'après Salvetat {Leçons de cé-
ramique), les émaux diff'èrent des engobes par leur appa-
rence vitreuse qui peut atteindre une transparence parfaite.
D'autre part, ils diff'èrent de la couverte habituelle de la
porcelaine par leur fusibilité plus grande et se distinguent
des couleurs ordinaires de moufle par leur éclat, leur ri-
chesse de tons et la possibilité de les employer sous une
certaine épaisseur. La décoration de la porcelaine à l'aide
d'émaux est fréquemment employée en Chine; elle n'a
guère été qu'essayée en France sur la porcelaine dure.
Les émaux de Chine sont formés d'un véritable cristal
silico-plombeux, à base de potasse ou de soude, coloré par
la dissolution d'une très petite quantité d'oxyde métallique.
Salvetat et Ebelmen ont réussi à obtenir par le mélange
des oxydes une variété de nuances que ne possèdent pas
les céramistes orientaux.
La grande variété et la richesse des tons que l'on peut
obtenir sur porcelaine à l'aide des émaux fait d'autant plus
regretter leur emploi restreint, que les céramistes chinois
disposant seulement d'une palette assez pauvre, sont arrivés
à des productions d'une grande puissance décorative. Des
essais comparatifs exécutés à la manufacture de Sèvres ont
permis de reconnaître que la couverte des porcelaines de
Chine était plus propre à recevoir les émaux que celle de
notre porcelaine dure. Cette aptitude particulière est due
sans doute à la nature de la couverte qui, appliquée sur
une pâte moins réfractaire que la nôtre, doit être également
plus fusible. La composition de l'émail pour porcelaine doit
varier suivant qu'on l'applique directement sur le biscuit
ou sur la couverte. L'émail est appliqué en poudre très
ténue, sous une assez forte épaisseur; l'essence de téré-
benthine maigre sert de véhicule à l'émail. La décoration
se fait naturellement par teintes plates; les ombres sont
produites par les creux ménagés à la surface de la pièce et
dans lesquels l'émail forme épaisseur. C'est sur ce principe
qu'est basée la décoration à l'aide des émaux ombrants
qui ont fait la réputation des produits de l'usine de M. du
Tremblay, à Rubelles, près de Melun. Après dessiccation
complète, l'émail est cuit au feu de moufle à une température
d'environ 850-900^. Le fondant indiqué par Salvetat pour
remaillage du biscuit de porcelaine présente la composition
suivante :
Minium 2.000
Sable 4.000
Borate de chaux 500
C'est à ce fondant que l'on ajoute les oxydes métalliques
pour obtenir les différents émaux colorés. Comme nous
l'avons dit plus haut, l'emploi des émaux sur porcelaine
dure est très restreint. Antérieurement à Salvetat, un
chimiste de Limoges, M. Lesme, avait pris en 4853 un
brevet pour l'appUcation des émaux à la porcelaine dure.
Bien que M. Lesme n'ait pas divulgué ses recettes, il y a
cependant lieu de penser qu'elles ne diffèrent que peu des
compositions que nous a laissées Salvetat. Depuis quelques
années, M. Peyrusson, de Limoges, a repris ces essais et a
réussi à obtenir des émaux qui s'appliquent parfaitement
sur les couvertes les plus dures. Reprenant les expériences
de Salvetat, MM. Lauth et Vogt ont obtenu une porcelaine
dite porcelaine nouvelle qui, plus fusible que la porce-
laine dure, se prête bien h la décoration par les émaux.
La fabrication de cette porcelaine nouvelle, qui n'off're
— 877 —
ÉMAIL
ni la résistance, ni la finesse de pâte de la porcelaine dure
et ne possède pas les qualités de l'ancienne porcelaine pâte
tendre, ne s'est pas développée. Pendant le peu de temps qu'il
a passé à Sèvres comme directeur de la manufacture, Deck
a repris ces essais et a pu montrer en 1889, à l'Exposition
du Champ de Mars, une remarquable collection de porce-
laines émaillées à pâte tendre et à pâte dure (V. Céramique
et Porcelaine).
Les poteries émaillées, destinées aux usages domes-
tiques, possédant une couverte formée en général d'un
silicate plombo-alumineux, il importe que l'émail offre assez
de résistance pour ne pas céder de plomb aux aliments.
Certains fabricants cuisent insuffisamment ces émaux ou
forcent la proportion d'oxyde de plomb pour augmenter
leur fusibileté ; la couverte cède alors du plomb aux acides
faibles. Après avis du conseil d'hygiène du dép. de la
Seine, à la suite d'accidents produits pour les causes énon-
cées ci-dessus, le préfet de police a interdit la fabrication
et la vente des poteries vernissées au plomb dont la cou-
verte ne résiste pas aux acides faibles (2 juil. 4878).
D'après le rapport du comité consultatif d'hygiène publique
de France, en date du 20 janv. 4879, le mode d'essai des
poteries émaillées se fait comme suit : on maintient pen-
dant une demi-heure, à une douce ébullition, une solution
à 6 °/o d'acide acétique cristallisable, en ayant soin de
remplacer le hquide à mesure qu'il s'évapore ; l'acidité de
cette solution correspond à la teneur en acide acétique d'un
vinaigre moyen. Après refroidissement, la solution est
filtrée ; dans une partie, on fait passer un courant d'hy-
drogène sulfuré qui produit en présence du plomb un pré-
cipité noir ou tout au moins une coloration brune; on
verse dans l'autre portion de l'iodure de potassium qui
produit un précipité jaune d'iodure de plomb absolument
caractéristique. On a proposé de substituer à la couverte
plombifère de ces poteries des émaux à base de borax ou
de borate de manganèse, mais les essais tentés jusqu'ici
n'ont pas donné de résultat pratique.
Emaux sur verre, L'émaillage du verre doit remonter
à une époque très reculée, comme le prouvent les petites
figurines et les fragments de vases trouvés dans les fouilles
en Egypte. Cet art a été surtout pratiqué par les Arabes ;
on possède encore de magnifiques spécimens des verres
émaillés d'Alep et de Damas. Le type de cette fabrication
le plus ancien que l'on possède est la coupe de la collection
Ch. Chefer; elle porte, entre autres décors, les armes de
Bedr-ed-din-ed-Dhahery, commandant des troupes du sultan
Bibars qui mourut en 4277. On possède également quel-
ques verreries émaillées françaises, qui ont dû être fabri-
quées vers le xv® siècle dans le Poitou. Les verreries de
Venise se firent remarquer dans ce genre de production
pendant les xv^ et xvi'' siècles. L'Allemagne, et particuliè-
rement la Bohême, nous ont laissé également des verres
émaillés dont quelques-uns remontent au xu^ siècle. En
Chine, on a fabriqué et on fabrique encore des verres re-
marquables par le brillant et la translucidité de leurs
émaux ; il y a lieu de croire que cette industrie a dû être
importée dans ce pays par les Arabes sous la dynastie mon-
gole (1260-4368). De nos jours, l'émaillage du verre est
pratiqué d'une façon courante en Bohêm'e et en France,
Dans notre pays, les productions les plus remarquables sont
dues à M. Brocard quia reproduit des verres émaillés arabes
tels que coupes, lampes de mosquée, etc., et dont toute la
fabrication se ressent de cette influence, et à M. E. Galle,
de Nancy, dont les productions possèdent ce cachet si per-
sonnel qui a fait le succès de toutes ses créations. Au point
de vue technique, les émaux pour verre ne présentent rien
de particulier ni dans leur composition, ni dans leur appli-
cation. Ils ont pour base un cristal assez fusible coloré par
les oxydes métalliques. Les émaux doivent pouvoir fondre
et se vitrifier complètement à basse température de façon à
éviter toute déformation de la pièce à émailler.
Emaux pour mosaïques. Les émaux ou smaltes em-
ployés à la fabrication de la mosaïque ont pour base un
cristal présentant habituellement la composition suivante :
Sable 1.300
Minium 50O
Nitrate de potasse 60
Fluorure de calcium 300
Carbonate de soude 400
Groisil 50O
La coloration de ces émaux se fait par les oxydes simples
ou mélangés. On arrive à obtenir une variété de nuances
presque infinie; l'atelier de mosaïque du Vatican en possède
plus de vingt-six mille. L'émail est fondu sous forme de
galettes de 40 à 45 centim. de diamètre sur 4 à 3 centim.
d'épaisseur qui sont ensuite découpées en cubes en les po-
sant à plat sur un découpoir ou taglioto et en les frappant
d'un coup sec à l'aide d'un marteau ou martellino. On
les amène ensuite à leur forme définitive en les usant sur
une petite meule ou rotino (V. Mosaïque),
Emaux photographiques. Les émaux photographiques
ont été imaginés par M. Lafon de Camarsay en 4854. La
propriété que possède la gélatine chromatée de perdre plus
ou moins son pouvoir hygrométrique après insolation a été
mise à profit pour obtenir sur émail des images photogra-
phiques inaltérables. Sur une glace parfaitement propre, on
étend une couche du liquide suivant :
Eau iOO centim. c.
Miel épuré 0 gr. 50
Sirop de sucre 2 gr.
Gomme arabique en poudre. , . 5 —
Glucose liquide 5
Solution saturée de bichromate
d'ammoniaque 5 à 20 centim. c.
La glace est ensuite séchée à la lampe à alcool. Après
une insolation de dix à vingt secondes au soleil et de trois
à dix minutes à l'ombre, on laisse la glace reprendre son
humidité dans le laboratoire éclairé à" la lumière rouge.
Quand on voit l'image se dessiner par suite du gonflement
de la gélatine sous l'influence de l'humidité atmosphérique,
on tamponne légèrement la plaque avec un pinceau chargé
de poudre d'émail coloré. L'image est ensuite recouverte
de coUodion à 4,5 ou 2 % de pyroxvde, et on détache la
pellicule par immersion dans l'eau acidulée à 5 «/o d'acide
sulfurique. On introduit ensuite une plaque de cuivre
émaillée dans un bain de sucre à 40 ou 45 7^ et on amène
la pellicule, l'image en dessous, à la place qu'elle doit
occuper sur l'émail; on laisse ensuite sécher la pellicule
qui adhère alors fortement sur son support. On se dé-
barrasse de la couche de collodion en plongeant la plaque
d'émail dans de l'acide sulfurique concentré ou, si l'émail
ne supportait pas cet acide, en dissolvant le collodion dans
un mélange de :
Essence de lavande 400 centim. c.
Essence grasse de térébenthine 3 gr.
Ether 50 centim. c.
Alcool 50 —
Après lavage, on laisse sécher complètement la plaque.
Il ne reste plus qu'à procéder à la cuisson qui se fait dans
un petit fourneau à moufle chauffé au rouge cerise. L'image
peut ensuite être retouchée ou colorée' par les procèdes
ordinaires de la peinture sur émail. Ch. Girard.
III. Art héraldique. — Le mot émail ne s'applique qu'aux
cinq couleurs, azur, gueules, sinople, sable et pourpre.
Cependant, on désigne, dans un sens général, ces couleurs,
les deux métaux or et argent et les fourrures (hermine et
noir) sous le nom d'émaux du blason. Dans l'origine,
on peignait des armoiries sur des meubles, sur des armes
et sur des vases d'or et d'argent, et peu à peu on s'habitua
à qualifier d'émail la plaque peinte que les hérauts d'armes
portaient aux armes de leur seigneur. G, G.
IV. Anatomie (V. Dent).
BiBL. : Céramique. — Audsley et Bowes, la, Céramiaue
japonaise [émaux cloisonnés sur porcelaine) ; Paris 1881
p. 2d2. — D'Arclais de Montamy, Traité des couleurs
ÉMAIL - ÉMANCIPATION
878
vour la peinture sur émail: Paris, 1765. in-8.— Bulliot,
Emuillerïe çauloine, dans les Mémoires des Antiquaires de
France, t. XXXIII. - Les PP. Cahier et Martin, Me-
lanqes d'archéologie ; Paris, 1856, in-4. - Ducange, v- Li-
moqilsmaUum -J.-P. Ferrand, l'Art du feu ou de
peindre en émai^- Paris 1721 in-12 - Garnier Co^^ec-
tion Snitzer, dans la Gazette des Beaux-Arts, mi),
t XXXIl p. 467. — Louis Guibert, dans Bulletin archeo-
Ionique du Limousin, t. XXXIL - Raward. Dictionnaire
de l ameublement et de la décoration, v° Email. — Jac-
ouFMART, Histoire de la céramique, émaux cloisonnes
sur porcelaine; Paris, 1873, p. IIL ?r. in-8. - F. de Mely,
la Crosse de Ragenfroid, dans la Gazette archeolog., 18b8.
— Visite aux trésors de Saint-Maurice et de Sion, dans
le Bulletin archeolog, du Comité, 1890. -- Em.>loLI^^IER,
Dictionnaire des émailleurs; Paris, 1885, pet. m-8. — Du
môme, VEmaillerie; Paris, 1891, in-8.-W.-A. Neumann,
DieReliquienschatze des Hanses Braunschweig-Luneburg ;
Vienne, 1891, in-4. — Nïcard, Connaissance des émaux chez
les anciens, dans le Bullet. des Anliq. de France,X. XXVil,
1862 et XLllI, 1882. — Théophile, Diversarum artium
Schedula; Paris, 1843, in-4. — Viollet-le-Duc, Diction,
naire du mobilier, t. II, y« Orfèvrerie.
ÉWIAILLAGE (V. Émail [Chimie industr.]).
ÉMAILLÉ, ÉMAILLERIE, ÉMAILLEUR (V. Émail).
ÉMAILLOTOE (de émail et de stSo?, image). Matière
ressemblant à l'émail et destinée à décorer, assez facilement,
des objets de métal. Au moyen âge c'était Témail des mer-
ciers, sorte de vernis qui s'appliquait à une température
assez élevée, n'atteignant pas cependant le degré de fusion
des métaux sur les lesquels on l'appliquait. Ce procédé
est encore employé de nos jours ; les artisans se servent
également, comme émailloïdes, de matières très fusibles,
translucides, rehaussant ainsi de brillantes couleurs les gra-
vures qu'on peut admirer au travers de leur transparence.
ÉNIAILLURE (V. Émail).
ÉNIALLEVILLE. Corn, du dép. de l'Eure, arr. et cant.
(N.) d'Évreux; l'23 hab.
EMANANT (Malh.) (V. Substitutions linéaires).
ÉMANATION. I. Hygiène. — Dégagement dans l'atmo-
sphère des principes volatils contenus dans certains corps,
ou formés par Taltération de ces corps. Ces principes volatils
peuvent être agréables et parfumés, et donner dans ce cas
àes émanations odorantes; ils peuvent être désagréables
et malsains, lorsqu'ils proviennent de la décomposition de
matières organiques , et produire des émanations 'pu-
trides. Suivant leur nature et leur caractère, ces émanations
putrides portent encore les noms de miasmes, effluves,
exhalaisons et existent le plus souvent en suspension dans
l'atmosphère ou dissoutes dans la vapeur d'eau. On les ren-
contre le plus généralement dans les endroits maréca-
geux, dans les grandes villes, oti elles peuvent donner
naissance à certaines maladies à caractère épidémique. Les
émanations putrides ou cadavéreuses peuvent provenir des
fosses mortuaires, des cimetières, des amphithéâtres d'ana-
tomie et surtout des usines où l'on traite les matières or-
ganiques, fonderies de suif, fabriques d'engrais, de colle
forte, de noir animal, etc. Ces usines sont du reste régle-
mentées par de sévères ordonnances de police, qui obligent
leurs propriétaires à suivre les instructions émanant du
comité consultatif d'hygiène de France. Il en est de même
pour les usines de produits chimiques qui, sous forme de
vapeurs acides, ammoniacales, de gaz, répandent dans
l'atmosphère des émanations in-
dustrielles, nuisibles autant à
la santé qu'aux cultures environ-
nantes (V. Désinfection).
Ch. Girard.
11. Théologie (V. Gnosticïsme).
ÉMANCÉ. Com. du dép. de
Seine-et-Oise, arr. et cant. de
Rambouillet; 429 hab.
ÉMANCHE (Blas.). Pièce hé-
raldique formée de plusieurs pointes
triangulaires mouvantes de l'un
des bords de Técu ; elle symbolise
la représentation d'une dépouille enlevée à l'ennemi;
l'émanche peut être posée en chef, en bande, en pointe,
D'azur au chef éman-
ché d'argent.
en barre : le nombre de ses pointes n'est pas limité ; il
doit être indiqué en blasonnant lorsqu'elles sont plus de
deux. Un écu est émanché lorsqu'il est couvert d'émanches
de deux émaux alternés ; une pièce peut aussi être éman-
chée. ^: ^\ ^
ÉMANCIPATION. I. Droit romain. — Procédé imaginé
par la pratique romaine pour permettre au pater familias
de faire indirectement disparaître la puissance paternelle à
laquelle il ne pouvait légalement renoncer par une abdi-
cation directe. La loi des'Douze Tables décidait, probable-
ment afin d'empêcher le père de faire commerce de sa
puissance, que le fils qui aurait été émanci()é à trois re-
prises par son père ne retomberait plus désormais sous
cette puissance, deviendrait sui juris quand il sortirait de la
mancipii causa. On n'a eu qu'à détourner cette règle de
son but, qu'à remplacer les aliénations sérieuses par des
mancipations de complaisance faites avec le concours d'un
compère pour créer un moyen de rompre la patria po-
testas. Quant aux raisons qui faisaient le père y recourir,
nos idées modernes nous feraient songer à une faveur faite
à l'enfant dont on voudrait accroître l'indépendance, et
celte conception n'est pas non plus étrangère au droit
romain relativement récent. Mais, considérée dans sa phy-
sionomie première, l'émancipation peut parfaitement avoir
été inventée contre le fils, à titre de peine. En tout cas et
quoiqu'on omette souvent de le remarquer, elle paraît
avoir été très peu usitée jusqu'aux derniers siècles de la
République et n'avoir acquis une véritable importance
sociale qu'avec la transformation de ses effets et même de
ses conditions, opérée surtout entre le début de l'Empire
et Jusîinien.
Comme conditions de formes, l'émancipation exigeait
primitivement, et elle a continué à exiger durant toute la
période classique, l'emploi de solennités compliquées tendant
d'abord à remplacer la patna potestas, qui ne peut
être éteinte directement, par la causa mancipii, qui est
facilement destructible, puis à détruire cette dernière par un
affranchissement. La seule atténuation faite par la doctrine
a consisté dans une interprétation bienveillante, mais peu
logique, de la lettre des Douze Tables, en vertu de laquelle
on se contenta d'une seule mancipation pour les filles et
les petits enfants. Il faut arriver jusqu'à l'empereur Anas-
tase pour voir admettre l'émancipation en 1 absence de
l'enfant (l'émancipation par rescrit du prince, où ce rescrit
remplaçait les mancipations et les affranchissements rendus
impossibles par l'absence de l'enfant). Entre présents, les
formes anciennes n'ont disparu que sous Justinien qui
établit comme procédé de droit commun l'émancipation
par déclaration en justice déjà pratiquée antérieurement
dans certaines régions orientales de l'Empire. L'émancipa-
tion cesse alors définitivement, quant à la forme, d'être un
expédient pratique, ignoré par la loi, pour devenir franche-
ment une institution juridique organisée par elle. Le même
mouvement s'était opéré, quant au fond, dès la période
des jurisconsultes classiques qui, au lieu de la laisser à
l'arbitraire du père, demandaient, pour qu'il pût y procé-
der, sinon le consentement, au moins l'absence d'opposition
du fils, et permettaient à ce dernier, dans certains cas
exceptionnels, de l'exiger.
Au point de vue des effets, l'émancipation ne rendait
l'émancipé sui juris qu'en le faisant mourir civilement pour
son ancienne famille, en lui faisant subir une capitis demi-
nutiominima; il se trouvait donc logiquement, au len-
demain de l'émancipation, sans parents, puisque la capitis
deminutiolni avait enlevé les siens, sans espérances suc-
cessorales, puisque le droit de succession se fonde sur la
parenté, et même sans biens présents, car, alors même
qu'il en eût acquis auparavant, ces biens seraient restés, au
moment de l'émancipation, dans le patrimoine du père. Mais
on est parvenu avec le temps à lui assurer tout cela. Non
seulement le pécule profectice, qui devrait légalement rester
au père est, à l'époque classique, ordinairement laissé
à l'émancipé par une libéralité que l'on présume en cas
- 879
ÉMANCIPATION
de silence, mais, depuis la création des pécules castrens
et qiiasi-castrens, les biens qui les composent restent en
pleine propriété à Témancipé, et la mêine règle a été
appliquée à leur tour aux biens adventices, sauf le droit
reconnu au père de retenir, comme indemnité de la perte
de la jouissance, une prime fixée d'abord par Constantin au
tiers de la pleine propriété, puis maladroitement par Justi-
nien à la moitié de l'usufruit. Quant aux liens de famille,
si l'émancipé cesse d'être le parent civil, l'agnat des
membres de son ancienne famille, il reste leur parent
naturel, leur cognât. Et cette cognation, qui ne produisait
aucun effet dans l'ancien droit, lui a donné toujours des
droits plus efficaces à mesure que s'est transformée la
notion romaine de la famille : d'abord depuis la constitu-
tion du système successoral prétorien, le droit de succéder
à son père, comme s'il n'était jamais sorti de puissance ;
ensuite le droit de succéder à tous ses autres parents à un
rang qui, dans le système prétorien, était, il est vrai, fort
inférieur à celui que lui eût donné la parenté civile, mais
qui fut constamment améliorée par le droit impérial jusqu'à
la fusion complète des deux parentés par Justinien. L'attri-
bution de la succession de l'émancipé mort sans enfants en
puissance était assurée depuis encore plus longtemps à son
père et aux membres de sa famille civile, non point en
vertu de la parenté, mais en vertu du patronat, par une
variante de la procédure d'émancipation [remancipatio
patrie émancipation fiduciaire) dont les effets furent ensuite
légalement attachés à l'émancipation d'Anastase et à celle
de Justinien. En somme donc, non seulement à l'époque de
Justinien, mais en grande partie auparavant, l'émancipation
du droit romain récent, qui laisse à l'émancipé ses biens
et qui ne modifie point essentiellement ses liens successo-
raux, se traduit exclusivement pour lui par des avantages.
Aussi s'explique-t-on aisément qu'elle puisse, dès l'époque
de Constantin, être, comme l'affranchissement, révoquée
pour cause d'ingratitude. P.-F. Girard.
II. Ancien droit. — L'émancipation, dans l'ancien droit
français, se présente sous deux aspects : tantôt elle affran-
chit de la puissance paternelle ; tantôt elle affranchit de
la tutelle. Sous le premier aspect, elle trouve son appli-
cation en pays de droit écrit et dans un certain nombre de
pays de coutume où la puissance paternelle était admise.
Elle s'y réalisait selon plusieurs modes. D'abord, par dé-
claration du père de famille faite devant le juge, et, même
au moyen âge, dans certaines villes, devant le corps mu-
nicipal. Dans le ressort du parlement de Toulouse et dans
les pays coutumiers, elle s'accomplissait aussi devant no-
taire. L'enfant impubère, ne pouvant consentir à son
émancipation, ne devait être émancipé sans l'obtention
par le père de lettres du roi. En second lieu, l'émancipa-
tion résultait du fait de la part de l'enfant d'acquérir un
domicile séparé, sous des conditions variables suivant les
coutumes. Ici, il fallait que l'enfant eût vingt-cinq ans
(Bordeaux, Bretagne); là que la séparation ait eu Ueu au
vu et su des parents (Chàlons-sur-Marne, Reims). Ailleurs
elle était la conséquence de l'exercice d'un commerce ou
d'une exploitation distincts de ceux du père (Keims, Se-
dan); ou d'une séparation matérielle ayant dnré dix ans
(pays de droit écrit). En pays coutumiers, le mariage, qui
souvent entraîne un domicile distinct, émancipe dans tous
les cas depuis vers le xiii^ siècle ; de même l'épiscopat et
certaines hautes fonctions parlementaires. En Poitou, cette
émancipation ne s'apphquait pas aux nobles mâles (C,
art. 314). L'émancipé par domicile séparé obtenait le plus
souvent sa part dans les biens communs. Enfin l'émanci-
pation, en pays coutumier, résultait de la majorité, sauf
en Poitou ; et dans certaines coutumes, décès de l'un ou
de l'autre des parents (Montargis, Vitry, Dreux, etc.). L'en-
fant pouvait être émancipé à tout âge ; s'il était impubère,
on lui nommait un tuteur. Outre l'extinction de la puis-
sance paternelle, l'enfant gagnait à l'émancipation la jouis-
sance de ses immeubles, la libre disposition de ses meubles,
le droit de s'obliger par un prêt. L'usufruit du père ces-
sait. L'émancipation ne rompait pas le lien familial.
Sous son second aspect, rémancipation avait pour but
d'affranchir de la tutelle qui se prolongeait en certains
lieux jusqu'à vingt-cinq ans. En pays coutumiers, elle ré-
sulte du mariage ; mais non en pays de droit écrit, sauf
ceux ressortissant du parlement de Paris. Elle est conférée
par lettres de bénéfice d'âge, appelées aussi dans le der-
nier état du droit lettres d'émancipation. Ces lettres
n'étaient pas usitées en pays de droit écrit. Dans les autres
on en signifiait copie aux plus proches parents des deux
côtés, au nombre minimum de sept, avec assignation devant
le juge pour voir dire qu'elles seront entérinées. La sen-
tence devait en même temps contenir nomination d'un cu-
rateur. Pas d'âge préfixe pour l'obtention de ces lettres.
Cette émancipation donnait au mineur l'administration de
ces biens, mais non le droit de vendre, aliéner ou engager
ses immeubles. J. Declareuil.
III. Droit civil actuel. — L'émancipation est, en
droit français, un acte juridique par lequel on fait sortir
un mineur de la puissance paternelle ou de la tutelle ou
même de l'une et de l'autre à la fois, en lui conférant le
droit de se diriger lui-même quant à sa personne, et d'ad-
ministrer ses biens. Comme elle ne constitue pas un con-
trat, elle n'exige pas le consentement de l'enfant, et celui-ci
peut être émancipé même contre son gré. Bien que l'en-
fant sorte, par l'effet de l'émancipation, de la puissance à
à laquelle il était soumis, il n'acquiert cependant pas la
capacité d'une personne majeure : il est placé dans une
situation intermédiaire entre celle du mineur ordinaire et
celle du majeur; il peut se gouverner lui-même; il a même
le droit de passer seul certains actes de gestion ; mais, pour
d'autres, il est soumis, soit à l'assistance d'un curateur,
soit aux règles de la tutelle. On aura remarqué qu'en
droit romain l'émancipation avait un caractère et produi-
sait des effets bien différents. Comme le fils de famille res-
tait indéfiniment sous la puissance paternelle, elle pouvait
avoir lieu à tout âge et même aussi au profit d'un impu-
bère ; dans ce dernier cas l'émancipation, en mettant fin
à la puissance paternelle, faisait commencer la tutelle.
Chez nous, au contraire, l'émancipation ne peut pas avoir
lieu avant un certain âge et elle met fin, soit à la puissance
paternelle, soit à la tutelle. D'un autre côté, chez les Ro-
mains, l'émancipation faisait sortir de la famille civile ;
les liens de la cognatio. étaient seuls maintenus, tandis que
sous l'empire du code civil l'émancipation ne touche en rien
aux liens de la famille.
Il existe aujourd'hui deux sortes d'émancipation :
l'émancipation expresse et l'émancipation tacite; toutes
deux produisent d'ailleurs les mêmes effets. L'émancipation
tacite est celle qui résulte du mariage (art. 476) ; elle
dérive directement de la loi ; elle a lieu forcément ; on ne
pourrait pas y renoncer. L'émancipation tacite se produit
même si le mineur se marie avant l'âge de quinze ans en
vertu de dispenses et elle subsiste même quand le mariage
se dissout avant que l'époux mineur ait atteint sa majo-
rité. Si le mariage, au lieu de se dissoudre, était annulé,
l'émancipation ne subsisterait qu'autant que le mineur se
serait marié de bonne foi (V. Mariage). Il est facile de
justifier cette émancipation résultant du mariage, car celui
que l'on juge capable de contracter un lien aussi sérieux
peut, à plus forte raison, administrer ses biens. D'ailleurs,
s'agit-il d'une fille, elle va trouver dans son mari un nou-
veau protecteur; s'agit-il du mari, sa qualité même de
chef suppose une certaine indépendance. — L'émancipation
expresse est celle qui résulte d'une déclaration faite par
les personnes auxquelles la loi reconnaît ce droit. Elle est
nécessairement pure et simple ; on ne peut la conférer ni
à terme ni sous condition. Tout mineur émancipé est mis
à ia tête de sa fortune ; mais on lui adjoint un curateur
chargé de l'assister pour certains actes. La mission du
curateur est donc tout à fait différente de celle du tuteur :
celui-ci agit pour le compte du mineur; au contraire, dans
la curatelle, le mineur agit lui-même, et le curateur est
ÉMANCIPATION
- 880 -
seulement chargé de l'assister dans certains cas. Aussi, dans
les actions dirigées contre un mineur émancipé, on ne doit
jamais mettre en cause le curateur seul. Celui-ci n'admi-
nistrant pas, il ne peut pas non plus être question pour
lui de l'obligation de rendre compte, et on ne lui applique
pas les dispositions des art. 472, 475, 907 duC. civ. Dans
la tutelle, à côté du tuteur se trouve un subroge tuteur,
mais il n'existe pas, dans la curatelle, de subrogé curateur.
La curatelle des mineurs est, comme la tutelle, une
charge publique; elle répond au même besoin social. Aussi
toute personne est tenue de prendre la curatelle qui lui est
déférée. De même, dans le silence de la loi, on étend, de la
tutelle à la curatelle, les causes d'incapacité, d'exclusion et
de destitution (C. pén., arg. art. 34 et 42). Par le même
motif, il faut aussi appliquer à la curatelle les causes
d'excuse de la tutelle. La loi n'ayant parlé m de curatelle
testamentaire ni de curatelle légitime, il faut conclure de
son silence que la curatelle est toujours dative, c.-à-d.
déférée par le conseil de famille, à moins qu'un texte for-
mel ne consacre une solution contraire. Ainsi, par excep-
tion, le mari majeur est curateur légitime de sa femme;
cette curatelle légitime paraît bien résulter de l'art. 2208
(où il faut évidemment lire curateur), et il est d'autant
plus nécessaire de l'admettre, que la curatelle d'un étran-
ger placée en lace de l'autorité maritale serait à la fois
inutile et peu convenable. Le mari assiste donc sa femme
comme curateur dans les actes pour lesquels cette assis-
tance est nécessaire, en même temps qu'il donne son au-
torisation comme mari. Il peut même arriver que le mari
assiste sa femme comme curateur alors qu'il s'agit d'un
acte pour lequel l'autorisation maritale n'est pas nécessaire :
ainsi une femme séparée de biens peut recevoir seule ses
capitaux mobiliers, mais, si elle est mineure, elle a besoin
de l'assistance de son curateur, c.-à-d. de son mari. Toute
personne intéressée peut provoquer la nomination du cura-
teur par le conseil de famille. Le juge de paix compétent
pour convoquer ce conseil est celui du heu où la tutelle
s'est autrefois ouverte, ou, si le mineur émancipé a ses père
et mère, celui du domicile du père. La curatelle cesse par
la majorité, la mort ou la révocation de l'émancipation ;
de plus, les fonctions de curateur peuvent prendre fin, bien
que la curatelle continue, par l'excuse, la destitution, l'in-
capacité du curateur. ^
Lorsque le mineur a encore ses père et mère ou 1 un
d'eux, il est émancipé par simple déclaration de celui qui
exerce la puissance paternelle au juge de paix qui en dresse
acte (art. 477). Pendant le mariage, le père seul peut
émanciper l'enfant. Après la dissolution du manage, c est le
survivant des époux qui jouit exclusivement de la puissance
paternelle et par conséquent du droit d'émanciper l'enfant;
peu importe qu'il soit ou non tuteur et, s'il est tuteur, il
n'a besoin d'aucune autorisation du conseil de famille, car
c'est comme père (ou mère) et non comme tuteur qu'il
use du droit d'émancipation. De même, la mère peut, du
vivant du père, émanciper l'enfant, lorsque le père est
déchu de la puissance paternelle. En cas de divorce, le
droit d'émancipation appartient à celui des deux époux au-
quel les enfants ont été confiés et, en général, le tribunal
confie les enfants à l'époux qui a obtenu le divorce. Mais
doit-on reconnaître le droit d'émancipation à l'autre con-
joint? L'affirmative paraît bien résulter de l'art. 303 d'après
lequel les époux conservent leurs droits sur les enfants,
quelle que soit la personne à laquelle ils ont été confiés.
Chaque époux divorcé a séparément le droit d'émanciper,
quelle me soit l'opinion de l'autre époux.
Les père et mère naturels étant investis de la puissance
paternelle ont aussi le droit d'émanciper leur enfant.
Mais comme le droit de la mère et celui du père sont égaux
en pareil cas, toutes les fois que l'exercice de la puissance
paternelle n'a pas été spécialement attribué à l'un d'eux,
le père et la mère doivent agir en commun pour émanciper
leur enfant, car l'un ne peut pas porter atteinte aux droits
de l'autre.
Lorsque le père et la mère sont mariés entre eux ou
l'ont été, celui des deux époux qui jouit du droit d'émanci-
pation exerce ce droit de la manière la plus absolue ; il
n'est pas tenu de faire connaître les motifs de sa décision
et le juge de paix ne saurait se refuser à recevoir sa décla-
ration. Mais cependant le père ou la mère ne peut pas user
de ce droit d'émancipation pour détruire l'eff'et d'une déci-
sion de la justice qui lui a enlevé le droit de garde. Ainsi,
en cas de séparation de corps, le père conserve, sans doute,
en principe, le droit d'émanciper ses enfants ; mais lorsque
la garde lui a été retirée et confiée à la mère, la justice a le
droit d'intervenir et d'examiner si l'émancipation a eu lieu
dans l'intérêt des enfants ou dans le but d'enlever à la
mère la garde qui lui avait été confiée ; dans ce dernier cas,
les tribunaux peuvent considérer l'émancipation comme
nulle et non avenue. On est aussi généralement aujourd'hui
d'accord pour décider qu'en cas d'absence ou d'interdiction
du père, la mère peut émanciper l'enfant, même si celui-ci
n'a pas encore atteint sa dix-huitième année et bien que,
dans ce cas, l'émancipation ait pour effet d'éteindre la
jouissance légale du père sur les biens de cet enfant ; au-
trement, en effet, l'émancipation deviendrait impossible
dans ces circonstances ; or l'intérêt de l'enfant exige que
ce bénéfice puisse lui être conféré en tout temps. L'enfant
peut être émancipé par son père ou par sa mère, dès qu'il
a atteint l'âge de quinze ans. S'il n'a plus ni père, nimère,
l'émancipation est faite par le conseil de famille et
seulement à partir de l'âge de dix-huit ans (C. civ.,
art. 478 et 479). La loi craint les dangers d'une émanci-
pation précoce qui pourrait être consentie par un conseil
de famille moins soucieux des intérêts du mineur qu'un
père ou une mère. La loi a donné le droit d'émancipation
au conseil de famille et l'a refusé au tuteur parce que
celui-ci aurait pu être porté à user de ce droit dans le
seul but de se décharger de la tutelle. Le conseil de
famille délibère suivant les formes ordinaires et, s'il se pro-
nonce pour l'émancipation, le juge de paix, en sa qualité de
président, déclare que lemineurest émancipé. Cette décla-
ration est mentionnée au procès- verbal de la délibération.
Le tribunal ne peut pas modifier cette décision, car la loi
ne lui donne ni le droit d'émanciper, ni celui de révoquer
l'émancipation. Ce droit de convoquer le conseil de famille
à l'effet de délibérer sur l'émancipation du mineur appar-
tient, non seulement au tuteur, mais encore à un certain
nombre de parents dont l'art. 479 donne l'énumération, et
il importe de remarquer que ce droit appartient à ces pa-
rents, même s'ils ne sont pas membres du conseil de famille.
L'énumération de cet article étant limitative, aucun autre
parent ni le mineur, ni le subrogé tuteur n'ont le droit de
requérir la convocation du conseil de famille ; mais il ne
faut pas oublier que, si l'on reconnaît au juge de paix,
d'une manière générale, la faculté de réunir d'office le con-
seil de famille, ce magistrat peut toujours tenir compte de
la demande faite, même par une personne qui n'a pas qua-
lité à cet effet. D'ailleurs, si le juge de paix ne pouvait pas
convoquer le conseil de famille d'office dans notre hypo-
thèse, il résulterait de là que le mineur sans parents ou
alliés jusqu'au degré de cousin germain serait à l'entière
discrétion de son tuteur. La loi n'a pas prévu le cas où le
mineur a encore ses père et mère (ou l'un d'eux), mais où
ces père et mère (ou le survivant) se trouvent en état
d'interdiction, ou d'absence déclarée, ou de présomption
d'absence. Dans ces diverses circonstances, l'émancipation
sera consentie par le conseil de famille. En vain objecte-
rait-on qu'en cas d'absence ce conseil n'est pas constitué,
car l'art. 460 du C. civ. prouve bien qu'un conseil de
famille peut être créé, dans certaines circonstances, mal-
gré l'absence de toute tutelle ou curatelle.
L'émancipation, on s'en souvient, fait cesser soit la
puissance paternelle, soit la tutelle, soit à la fois la puis-
sance paternelle et la tutelle. L'enfant émancipé acquiert,
en principe, quant à sa personne, tous les droits d'un ma-
jeur; il peut choisir son domicile et sa résidence, embras-
— 881
EMANCIPATION
ser une profession quelconque, louer ses services, etc.
Par exception, cependant, l'émancipation ne confère au mi-
neur aucune capacité nouvelle pour contracter mariage, et
le mineur émancipé ne peut pas non plus intenter seul les
actions qui concernent son état. Quant aux biens, l'éman-
cipation a pour effet de placer le mineur à la tête de son
patrimoine ; il n'a plus, comme le mineur ordinaire, un
représentant; il agit lui-même soit seul, soit avec l'assis-
tance d'un curateur, soit en observant les formes pres-
crites au tuteur pour les biens du mineur non émancipé.
En principe, le mineur émancipé fait seul les actes de
pure administration ; pour tous les autres actes, il est
soumis aux règles de la tutelle, à moins qu'en vertu
d'une disposition spéciale la loi ne se contente de l'assis-
tance du curateur. Ainsi, le mineur peut faire seul tous les
actes relatifs à l'entretien et à la jouissance des biens,
louer à ferme ou à loyer pour une durée qui n'excède pas
neuf années ; renouveler ses baux pourvu que ce ne soit
pas plus de trois ans avant l'expiration des baux courants
s'il s'agit de biens ruraux et plus de deux ans s'il s'agit de
baux de maisons; recevoir ses loyers ou fermages échus
et, ajoute la loi, en donner décharge (art. 481), c.-à-d.
quittance, mais non pas en faire remise, car les donations
sont défendues aux mineurs émancipés ; faire toutes les
réparations ; exercer tous les actes conservatoires (renou-
vellement d'inscription, interruption de prescription, etc.).
Comme le mineur est, d'après les termes mêmes de la loi,
réputé majeur pour ces actes d'administration, il peut
aussi transiger et même compromettre pour toutes les con-
testations qui y sont relatives (cpr. art. 2045) sans au-
cune assistance ou autorisation. Le code civil ne s'occupe
pas de l'aliénation des meubles corporels ou incorporels et
de là sont résultés autrefois de vives controverses. L'alié-
nation des meubles rentre en principe dans les actes de
disposition : on ne peut la considérer comme acte de pure
administration qu'autant qu'il s'agit de meubles sujets à
un dépérissement rapide. Il résulte cependant des art. 482
et 484, a contrario, que le mineur émancipé peut aliéner
seul ses meubles corporels. Le code civil a manifestement
subi l'influence de l'ancien droit qui n'attribuait aucune
valeur sérieuse aux meubles, et cependant aujourd'hui tel
objet d'art peut atteindre une valeur bien supérieure à
celle de certains immeubles ruraux.
La loi ne s'explique pas clairement sur les obligations
que peut contracter le mineur. Celui-ci est-il capable de
s'obliger seul ? L'affirmative résulte, selon nous, des
art. 483 et 484, sauf exception s'il s'agit de contracter un
emprunt; seulement les obligations que le mineur contracte
seul sont réductibles en cas d'excès ; ainsi il peut, même
à crédit, acheter des meubles ou des immeubles, prendre
à bail des meubles ou des immeubles, passer des contrats
pour Tamélioration de ses biens. Mais de ce que le mineur
peut s'obliger seul dans la plupart des cas, il ne faudrait
pas conclure que, dans ces mêmes cas, seul aussi, il ait le
droit de consentir des hypothèques, des droits d'antichrèse,
de rétention, en garantie de ses obligations. Pour pouvoir
consentir ces droits sur des immeubles, il faut avoir la
capacité d'aliéner ces mêmes biens, et cette capacité fait
défaut au mineur émancipé (G. civ., art. 2024 et 2026).
L'art. 6 du code de com. confirme bien cette solution :
il donne au mineur émancipé commerçant le droit d'hypo-
théquer ses immeubles pour les obligations relatives à son
commerce. Cette disposition n'aurait aucun sens sérieux si,
en principe, tout mineur émancipé pouvait seul constituer
des hypothèques dans les cas où il est capable de s'obli-
ger. Le mineur peut encore seul, sans assistance du cura-
teur, intenterlesactions mobilières et y défendre (art. 482).
Cela est vrai même dans le cas où le procès porte sur une
somme d'argent ; en vain objecterait-on que le mineur ne
peut pas donner décharge d'une pareille somme sans l'as-
sistance de son curateur, car autre chose est reconnaître
la libération d'un débiteur, autre chose plaider sur le
point de savoir si l'on est créancier ou débiteur, et on
GRANDE ENCYCLOPÉDJE. — XV.
reconnaîtra sans peine que ce second acte est beaucoup
moins dangereux que le premier. A plus forte raison le mi-
neur peut diriger seul contre ses débiteurs toutes espèces
de poursuites mobilières ou immobilières ; l'assistance du
curateur ne serait nécessaire que si le débiteur voulait se
libérer du capital mobilier. Cependant le mineur ne peut
pas seul consentir à ce qu'une saisie immobilière pratiquée
sur son débiteur soit convertie en une vente volontaire
(C. proc. civ., art. 744). Il n'a pas davantage le droit,
comme nous le verrons bientôt, de former seul une de-
mande en partage d'une universalité de meubles, bien que
cette action soit mobilière; mais en retour il peut intenter
seul les actions possessoires et y défendre, quoique ces
actions soient immobilières ; comme elles ne préjugent pas
le fond du droit, on les range toujours parmi les actes
d'administration.
Nous arrivons aux actes pour lesquels l'assistance du
curateur est à la fois nécessaire et suffisante (C. civ.,
art. 480 et 482). En première ligne figure l'acte de
réception du compte de tutelle. Que ce compte soit rendu
à l'amiable ou en justice, il est toujours assez important
pour que la loi exige la présence du curateur; si le mineur
était seul, désireux d'entrer en jouissance de sa fortune,
il pourrait passer sur bien des irrégularités. Le curateur
qui assiste le mineur pour la reddition de compte n'est
pas nécessairement celui qui sera nommé définitivement
curateur : on peut choisir pour la reddition de compte un
curateur ad hoc. S'il en avait été autrement, le tuteur
n'aurait jamais pu être nommé ensuite curateur du mineur,
même quand ce tuteur est le survivant des père et mère.
L'assistance du curateur est également nécessaire au mi-
neur qui veut intenter une action réelle immobilière ou y
défendre. La loi l'impose encore s'il s'agit de recevoir,
suivant ses termes mêmes, un « capital mobilier », c.-à-d.
toute somme d'argent qui ne constitue pas un revenu. La
loi étant générale, il faut l'appliquer, même s'il s'agit de
capitaux provenant d'économies faites par le mineur sur
ses revenus et bien qu'il puisse recevoir seul ses re-
venus, car ceux-ci, dans notre hypothèse, ont perdu ce
caractère et sont devenus des capitaux. Le curateur doit
surveiller l'emploi de la somme reçue ; sa responsabilité
serait engagée s'il laissait le mineur la dissiper maladroi-
tement, mais cependant le débiteur ne pourrait plus être
recherché, car il s'est valablement libéré en payant entre
les mains du mineur assisté de son curateur. Il faut
encore exiger l'assistance du curateur pour l'acceptation
d'une donation ou d'un legs à titre particulier (C. civ.,
art. 935), et, s'il s'agit de demander le partage définitif
d'une succession, d'une communauté entre époux ou d'une
société, même à supposer que les biens à partager soient
mobiliers, car la loi ne distingue pas (C. civ., art. 838,
840, 1476, 1872). L'assistance du curateur serait aussi
nécessaire et suffisante à la femme mineure qui voudrait
demander la séparation de biens (C. civ., ars;. art. 840),
et, si le mari était le curateur de sa femme, il faudrait le
remplacer par un curateur ad hoc. Malgré le silence de la
loi, on est généralement d'accord pour exiger l'assistance
du curateur s'il s'agit d'une action relative à l'état du mi-
neur ; les actions de cette nature ont une importance par-
ticulière, et, si la loi impose la présence du curateur pour
les actions relatives aux immeubles, à plus forte raison
entend-elle l'exiger toutes les fois que l'état du mineur est
en question. Toutefois, la présence du curateur cesse d'être
exi:,ée lorsqu'il s'agit de la demande en divorce (arg. du
nouvel art. 234).
S'il arxàvait que le curateur refusât son assistance à l'un
de ces actes, le mineur aurait le droit de s'adresser à la
justice pour faire statuer sur le différend, mais il pourrait
peut-être aussi provoquer la convocation du conseil de fa-
mille pour se faire autoriser par ce conseil, car il semble
bien que le mineur puisse faire, avec le consentement du
conseil de famille, les actes pour lesquels, par faveur et par
exception, la loi n'exige que l'assistance du curateur.
56
ÉMANCIPATION
— 88^2 —
On range dans une troisième classe tous les actes pour
lesquels il faut appliquer au mineur émancipé les principes
de la tutelle (G. civ., art. 483, 484, !«'• alinéa). On exige
donc, en pareil cas, toujours l'autorisation du conseil de
famille et parfois, en outre, l'homologation du tribunal ;
mais il est bien évident que l'assistance du curateur n'est
plus nécessaire. On ne voit pas en efiet quelle serait Futi-
lité de cette assistance puisque, si le curateur la refusait, le
mineur pourrait passer outre avec l'autorisation du con-
seil de famille. Ainsi, par exemple, le mineur aura besoin
à la fois de l'autorisation du conseil de famille et de celle
du tribunal pour emprunter, aliéner un immeuble, cons-
tituer une servitude, une hypothèque ou une autre charge
réelle, comme aussi pour transiger, et, dans ce dernier
cas, il faudra même exiger en outre une consultation de
trois jurisconsultes. Pour accepter ou répudier une succes-
sion, le consentement du conseil de famille suffit. Une loi
récente du 27 févr. 4880 s'est occupée de l'aliénation des
valeurs mobilières appartenant aux mineurs et de la con-
version des titres nominatifs de ces mêmes valeurs en
titres au porteur. D'après cette loi, le mineur émancipé par
le mariage peut aliéner seul ses valeurs mobilières ou con-
vertir les titres nominatifs en titres au porteur. Mais, si le
mineur a été émancipé expressément, alors il doit observer,
pour l'ahénation de ces meubles incorporels, les formes
prescrites à l'égard du mineur non émancipé. En d'autres
termes, il a besoin de l'autorisation du conseil de famille
si la valeur des meubles incorporels à aliéner ne dépasse
pas 1,500 fr. Si elle dépasse cette somme, la délibération
du conseil de famille est soumise à l'homologation du tri-
bunal. L'aliénation est nécessairement faite par le ministère
d'un agent de change toutes les fois qu'il s'agit de valeurs
négociables à la bourse, au cours moyen du jour. Les
mêmes formalités doivent être observées lorsque le mineur
émancipé veut convertir des titres nominatifs en titres au
porteur.
Enfin il y a des actes absolument interdits au mineur
émancipé : la donation sous une forme quelconque, même
sous celle d'une remise de dette (G. civ., art. 903); le
compromis, à moins qu'il ne porte sur un acte d'adminis-
tration ; le testament, à moins que le mineur ne soit âgé
de seize ans, auquel cas il lui est permis de disposer par
acte de dernière volonté de la moitié de ce qu'il pourrait
donner s'il était majeur.
Au point de vue de l'effet des différents actes passés par
un mineur émancipé, il faut établir quatre distinctions. Cer-
tains actes sont toujours valables, comme s'ils avaient été
faits par un majeur : ce sont les actes de pure administration
que le mineur peut faire seul ; les actes pour lesquels l'as-
sistance du curateur est nécessaire si cette assistance a été
donnée, et les actes soumis aux règles de la tutelle si ces
règles ont été observées. La seconde classe comprend les
actes rescindables pour cause de lésion seulement : ce sont
les actes pour lesquels l'assistance du curateur, exigée par
la loi, n'a pas été donnée (art. 1305). En troisième lieu,
les actes soumis aux règles de la tutelle sont annulables
pour cause d'incapacité du mineur et pour vice de forme,
sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'une lésion
toutes les fois que les dispositions de la loi n'ont pas été
observées. Enfin, sauf dans le cas d'emprunt, le mineur
émancipé peut s'obliger seul, mais les engagements qu'il
contracte sont réductibles en cas d'excès (art. 484, 2^ ali-
néa). Ces engagements, qu'on le remarque bien, ne sont
pas nécessairement réduits :les tribunaux peuvent se bor-
ner à les déclarer réductibles pour ne faire éprouver aucun
préjudice aux tiers qui ont traité de bonne foi avec le
mineur et qui ont cru que les engagements par lui pris
étaient en rapport avec sa fortune. Mais alors quelle sera
l'utilité de cette décision ? Nous allons le voir en nous oc-
cupant de la révocation de l'émancipation. L'émancipation
prend fin par la mort ou par la majorité du mineur ; elle
peut aussi être révoquée toutes les fois que le mineur en
abuse pour prendre des engagements excessifs. Toutefois
c'est l'émancipation expresse seule qui peut être révoquée;
l'émancipation tacite attachée au mariage ne saurait être
attaquée, par cela même qu'elle est conférée par la loi. La
révocation de l'émancipation tacite n'est pas possible même
après la dissolution du mariage, même si l'époux survivant
encore mineur est veuf sans enfants. Toutes les distinc-
tions qu'on a voulu établir à cet égard sont arbitraires.
La révocation de l'émancipation expresse suppose que le
mineur a contracté des engagements réduits ou déclarés
réductibles ; il résulté bien nettement de l'art, 485 que
le retrait de l'émancipation est toujours une mesure sub-
sidiaire, une conséquence de la décision judiciaire qui
déclare réductibles les engagements du mineur. Or l'action
en réduction ne peut être intentée que par le mineur lui-
même, lequel a l'exercice de ses actions avec ou sans l'as-
sistance du curateur, suivant les distinctions déjà faites ;
le curateur ne saurait agir en son lieu et place, car aucun
article du code ne lui confère ce droit. Il résulte de là que
le droit de révocation des père et mère et celui du conseil
de famille dépendent du mineur qui, le plus souvent, soit
pour empêcher la révocation, soit même par délicatesse,
ne demandera pas la réduction de ses engagements. La
loi est évidemment défectueuse; elle n'aurait pas dû sou-
mettre la révocation de l'émancipation à la réduction préa-
lable des engagements du mineur. L'effet de la révocation
de l'émancipation est de faire rentrer le mineur en tutelle
ou sous la puissance paternelle, et le mineur ainsi retombé
dans son ancien état ne peut plus être émancipé d'une
manière expresse (art. 486) ; mais, s'il se mariait, il y au-
rait émancipation tacite. L'usufruit légal des père et mère
renaît avec la puissance paternelle, si^ le mineur n'a pas
encore atteint sa dix-huitième année. Si le mineur était en
tutelle avant son émancipation, certains auteurs veulent
que la première tutelle reprenne de plein droit, de sorte
qu'il n'y aurait pas lieu de procéder à la nomination d'un tu-
teur. D'autres pensent, avec plus de raison, que la précé-
dente tutelle a été définitivement éteinte par l'émancipation
et qu'une nouvelle tutelle s'ouvre par l'effet de la réyoca-
tion ; celle-ci doit donc être déférée d'abord au survivant
des père et mère, à son défaut ou au refus de la mère aux
ascendants et, à défaut d'ascendants, il y aurait lieu à la
tutelle dative donnée par le conseil de famille.
N'oublions pas, en terminant, de relever la condition
particulière du mineur émancipé qui est commerçant
(art. 487). Avant la Révolution, la majorité était, en
général, fixée à vingt-cinq ans, mais on pouvait être reçu
marchand à vingt ans (ordonn. de 1673, titre^I, art. 3),
et même, d'après Jousse, dans les villes où il n'existait pas
de maîtrise, on pouvait faire le commerce avant d'avoir
atteint sa vingtième année. Aujourd'hui quatre conditions
sont exigées de tout mineur de l'un ou de l'autre sexe qui
veut faire le commerce : avoir été émancipé, expressément
ou tacitement; avoir atteint l'âge de dix-huit ans; avoir
fait transcrire l'acte d'autorisation sur un registre du
greffe et l'avoir affiché dans un tableau placé dans la salle
du tribunal de commerce (G. com., art. 2). L'autorisation
est donnée par le père ou par la mère en cas de décès,
interdiction ou absence du père, ou, à défaut du père et de
la mère, par une délibération du conseil de famille homo-
loguée par le tribunal civil du domicile du mineur, même
si celui-ci veut exercer le commerce dans un autre arron-
dissement. Le tribunal est libre d'accorder ou de refuser
son homologation ou même de ne la donner que pour
certains commerces déterminés. Celui qui a donné au
mineur l'autorisation de faire le commerce peut la lui re-
tirer, mais ce retrait n'implique pas révocation de l'éman-
cipation. Le mineur commerçant est réputé majeur pour
les faits relatifs à son commerce. Il a donc dans cette me-
sure la même capacité qu'un majeur. Le mineur peut
aussi, à l'occasion de son commerce, engager et hypothé-
quer ses immeubles ; mais le code de commerce déroge à la
règle d'après laquelle il est considéré comme majeur pour
l'aliénation de ses immeubles et, par suite de ce vieux pré-
— 883 —
ÉMANCIPATION
jugé en faveur de la propriété immobilière, il ne permet au
mineur d'aliéner ses immeubles, même pour les besoins de
son commerce, que sous les conditions et formalités pres-
crites par les art. 457 et suiv. du G. civ. E. Glasson.
IV. Sociologie. — Emancipation de la femme (V.
Femme).
V. Histoire d'Angleterre.— Emancipation des catho-
liques. — Depuis Elisabeth (V. ce nom), les catholiques
anglais, les récusants papistes furent soumis, comme traîtres
et rebelles, à des persécutions plus ou moins violentes.
Elisabeth fut impitoyable. Gharles I®'' usa d'indulgence.
Gromwell assura la liberté du culte à tout le monde,
sauf aux papistes et aux prélatistes. En 1673, un Parle-
ment protestant adopta le fameux bill du Test qui exclut
des conseils du roi les ministres catholiques romains. Sous
Guillaume ÏII, la tolérance ne fut refusée par l'Eglise éta-
blie qu'aux catholiques et aux unitaires. Une loi de 1700
offrit une prime de 100 livres sterling à quiconque dénon-
cerait un prêtre catholique, enleva aux personnes de cette
confession la capacité d'hériter ou d'acheter des terres, et
prononça la transmission de leurs propriétés à leurs plus
proches parents protestants. Il y eut en Irlande des exé-
cutions atroces. Les actes de la reine Anne aggravèrent
encore ceux du règne précédent. Les révoltes jabobites de
1715 et de 1745 furent suivies par une recrudescence d'ac-
tivité législative contre les papistes. Ceux-ci n'étaient plus,
paraît-il, en 1767, qu'au nombre de 67,916 en Angleterre:
et, à cette date, comme la rigueur de la persécution s'était
relâchée, ils s'étaient ralliés presque tous à la maison de
Hanovre. Néanmoins, quoiqu'ils eussent cessé d'être dan-
gereux, ils étaient encore fort impopulaires. Parmi les
whigs eux-mêmes, si zélés pour la défense des non-con-
formistes protestants, les catholiques ne trouvèrent guère
d'appui au xvm® siècle que chez Fox et chez sir G. Sa-
vile. « La tolérance envers les catholiques ne faisait nul-
lement partie du Credo traditionnel du parti whig. » Sans
doute, sous George III, on laissait dormir les terribles lois
du temps de la reine Anne, mais il suffisait qu'un fanatique
en requît l'application par une cour de justice pour leur
rendre leur vigueur. Ainsi lord Camden ne réussit qu'à
mettre une dame catholique à l'abri d'une spoliation légale
en obtenant un acte privé du Parlement. Afin d'éviter de
tels scandales, sir G. Savile proposa en 1788 une mesure
pour le redressement des griefs des catholiques, et les péna-
lités de 1 700 furent abolies sans opposition par le Parlement.
Mais le Parlement avait agi sans consulter l'opinion publique,
entêtée dans ses préventions contre le papisme. La décision
libérale de 1 788 suscita les célèbres Gordon riots, qui furent
comprimés à grand'peine. Aussi bien, la proposition de sir
G. Savile n'eut d'effet que pour l'Angleterre ; elle fut
rejetée pour l'Ecosse. — En 1791, on alla plus loin. On ré-
digea une forme de serment, à laquelle la masse des catho-
liques ne pouvait avoir d'objection ; et la prestation de ce
serment suffit « pour assurer la liberté complète du culte
et de renseignement, pour affranchir les propriétés des
catholiques de règles odieuses, pour leur ouvrir la carrière
du droit, et pour rendre aux pairs papistes leur ancien
privilège de communiquer avec le roi ». De même, les
incapacités les plus choquantes des catholiques furent abo-
lies en 1 792 par le Parlement d'Irlande : « la carrière du
droit leur fut ouverte, à condition de prêter le serment
d'allégeance » ; les entraves aux mariages mixtes et à la
libre éducation des enfants furent supprimées. A partir de
1793, les Irlandais catholiques purent s'élever dans l'armée
jusqu'au grade de colonel et recevoir les honneurs de l'uni-
versité de Dublin. Cette même année vit aussi s*opérer l'af-
franchissement tardif et partiel des catholiques d'Ecosse.
L'union de l'Irlande avec l'Angleterre, la fusion du Par-
lement irlandais avec celui de Westminster fit entrer la
question de l'émancipation des catholiques dans une phase
nouvelle. « Avant l'union avec l'Irlande, écrivait plus tard
lord Grenville, il n'était jamais entré dans l'esprit de Pitt
qu'on pût relâcher encore davantage les lois contre les
papistes ; mais, à partir de ce moment, il avait été con-
vaincu qu'on pourrait leur accorder tout ce qui leur serait
nécessaire sans le moindre péril pour les intérêts protes-
tants. » Pitt, l'union consommée, était d'avis qu'on pou-
vait sans danger admettre les catholiques aux emplois, au
droit de siéger dans le Parlement, attacher même le clergé
catholique à l'Etat par le lien du salaire et de la surveil-
lance. Pitt se heurta toutefois aux répugnances invincibles
de George III ; il dut renoncer à les vaincre.
C'est le 10 mai 1805 que lord Grenville porta de nouveau
devant la Chambre des lords la question catholique irlan-
daise. « A l'époque delà révolution de 1688, dit-il, les
catholiques d'Irlande avaient été exclus des privilèges poli-
tiques à cause de leur attachement à une autre dynastie.
Sous le présent règne, ils avaient obtenu la tolérance pour
le libre exercice de leur religion, le pouvoir d'acquérir des
terres, la puissance du droit de suffrage, l'admission à
divers emplois. Eh bien, toutes les objections qui avaient
pu exister jadis à l'admission des catholiques dans le Par-
lement avaient disparu depuis l'union, puisque l'Irlande
avait renoncé au jacobisme, et, puisque le Parlement du
Royaume-Uni contiendrait toujours d'ailleurs une grande
majorité de protestants. » Après d'éloquents débats, la
motion de lord Grenville fut repoussée par 178 voix contre
49. Une proposition analogue, présentée à la Chambre des
communes par Fox, et soutenue par Grattan, y fut re-
poussée par 236 voix contre 124. — La question catho-
lique fut portée bien des fois encore devant les Chambres
jusqu'à la mort de George III, mais toujours avec le même
succès.
Cependant des pétitions étaient déposées tous les ans,
plus longues d'année en année. Ainsi soutenues, les motions
du genre de celles de 1805 se renouvelèrent. « Nous
savons, disait lord Grenville aux Lords en 1812, avec quelle
rapidité la nécessité arrache ce que le pouvoir obstinément
refuse. Nous finirons par céder à ces pétitions, personne
n'en doute. Ne retardons pas assez cette concession pour
qu'elle perde le charme d'une bienveillance spontanée et
pour que nous ne puissions plus la limiter par de sages
délibérations. » Le bill fut encore rejeté cette fois par
174 voix contre 102 aux Lords, et aux Communes, malgré
des discours remarquables de Grattan, de Brougham et de
Canning, par 300 contre 215.
L'histoire parlementaire des années qui suivent est pleine
de débats pareils, quoique moins éclatants (V. Grattan).
Après 1820, grâce à Canning, de nombreux bills en faveur
des catholiques furent adoptés aux Communes ; mais l'in-
domptable protestantisme des Lords les arrêta toujours au
passage, à 30 ou 40 voix de majorité. — Ce n'est qu'en
1828 que l'attitude menaçante de l'Irlande (et des régi-
ments irlandais) persuada le ministère Peel- Wellington,
pourtant hostile à l'émancipation en principe, que les
« nécessités politiques » exigeaient que cette cause triom-
phât enfin. Ce ministère proposa d'admettre les catholiques
romains, sur la prestation d'un nouveau serment rempla-
çant le serment de suprématie, à siéger dans les deux
chambres du Parlement et à remplir toutes fonctions pu-
bliques, sauf celles de lord chancelier et de lord lieutenant
d'Irlande. Cela fut adopté en troisième lecture aux Com-
munes par 320 voix contre 142; et par une majorité de
104 voix aux Lords, à la session de 1829. Le roi, quoiqu'il
en eût envie, ne put refuser sa sanction. — En consé-
quence de la loi d'émancipation, obtenue de la sorte après
quarante années d'efforts continus, le duc de Norfolk, lord
Clifford et lord Dormer vinrent réclamer, le 28 avr. 1829,
leur place héréditaire à Westminster ; ils furent suivis
bientôt des lords Stafford, Petre et Stourton. O'Connell
entra à la Chambre des communes.
L'émancipation avait été arrachée par l'Irlande exaspérée
au gouvernement anglais, que la peur seule rendit juste.
L'Irlande n'en éprouva naturellement aucune reconnais-
sance; elle n'en éprouva que de l'orgueil.— D'autre part,
l'émancipation qui n'amena pas, comme on aurait pu
ÉMANCIPATION — EMBALLAGE — 8^
l'espérer, l'apaisement des haines, n'a pas eu non plus pour
résultat, comme le craignaient avant 1829 les piétistes
protestants, de créer à Westminster une imposante mmo-
rité de sectaires catholiques (Irlandais, Anglais et Ecossais
unis). Ch.-V. L.
BiBL : Droit romain. — Accarias, Précis de droit ro-
main 1886, 1, pp. 303-307, 4« éd. - Rivier, Précis du droit
de t^mille romain, 1891, pp. 103-107.- Cf. A. PERNiCE,Mar-
cus Antistius Labeo, 1813, I. , ^ .
Droit civil actuel. — Aubry et Rau, Cours de droit
civil français, 4e éd., t. I, p. 540. - Demolombe, Traite
de la minorité, de la tutelle et de l'émancipation, 2 vol.
in-8. — Dalloz, Jurisprudence générale, v° -t-Jî^a^cipa-
fion. — Giboulot, De CEmancipation ; Pans, 1855, in-b.
Histoire d'Angleterre.— Th. Erskine May, Histoire
constitutionnelle de iAngleterre depuis Vavenernent de
Georae III ; Paris, 1866, in-8, t. II. - Annual Register of
events, pour l'année 1829. - Spencer Walpole, Historg
of England from 1815.
EMANU EL (Giovanni), acteur italien, ne vers 1«45.
11 avait à peine dix-huit ans lorsqu'il entreprit la carrière
dramatique dans laquelle il devait acquérir une véritable
célébrité. 11 est aujourd'hui, avec Alessandro Salvini, avec
Cesare Rossi, avec M^^ Eleonora Duse, l'un des plus
fameux comédiens itaUens de ce temps. Il fit ses débuts
à Rome, au théâtre Argentina. Il s'est fait applaudir dans
une comédie de caractère comme Mercadet le faiseur aussi
bien que dans une tragédie comme Cola di Rienzi ou
Elisabetha, regina dlnghilterra. Pendant vingt ans
M. Emanuel a parcouru l'Italie en triomphateur, tantôt
simplement comme acteur, tantôt comme acteur et^ direc-
teur. Il n'a pas obtenu de moins grands succès à l'étran-
ger,*et à l'heure où ces lignes sont écrites (1892) il se
fait acclamer en Amérique, où son rare talent est accueilh
avec un véritable enthousiasme. A. Pougin.
EMANUELE (Fra Cosimo), peintre italien, né à Côme
en 1625, mort à Rome en 1701. Il fut élève de Silla de
Messine et, plus tard, entra dans l'ordre des mineurs
réformés. La ville de Côme possède deux tableaux de lui :
une Cène, œuvre médiocre, et une Piété au milieu de
'plusieurs saints,
ÉM AN VILLE. Corn, du dép. de l'Eure, arr. d'Evreux,
cant. de Couches; o28 hab.
ÉMANVILLE. Corn, du dép. de la Seine-Inférieure, arr.
de Rouen, cant. de Pavilly; 453 hab.
ÉMARGEMENT. Au point de vue administratif, on
appelle émargement la signature donnée chaque mois, par
les fonctionnaires, en marge des états de payements qui
indiquent le chiffre de leur traitement,. la retenue pour la
retraite et la somme nette à toucher.
EMARGINULA (Malac). Genre de Mollusques Gastéro-
podes, de l'ordre des Prosobranches-Pectinibranches, établi
par Lamarck, en 1801, pour une coquille de forme conique,
à base plus ou moins allongée ou arrondie, à sommet en-
tier plus ou moins incliné en arrière, portant à son bord
antérieur une échancrure étroite, laquelle, en se comblant
au fur et à mesure que la coquille grandit, laisse à Tinté-
rieur une callosité se poursuivant jusqu'au sommet, et à
l'extérieur un canal peu profond situé en travers, parfois
remplacé par une côte granuleuse. L'animal, fixé sur les
plantes ou sur les rochers, très lent, timide, est pourvu
d'un mufle large, de tentacules allongés ; les yeux sont
pédoncules. —Sections : 1« A^^s^aAdams, 1870, coquille
oblongue, à sommet terminal postérieur, à fissure bien
marquée ; exemple : Emarginula candida Adams. —
^2^ Emarginula sensu stricto, sommet élevé, ouverture
étroite, fissure au miheu du bord antérieur; exemple :
Emarginula fissuraUme. Les Fissurelles habitent l'océan
Pacifique et l'Atlantique. On les rencontre sur les côtes
d'Europe, d'Amérique, etc. J. Mab.
ÉMARGINULE (V. Emarginula).
EMATH (V. Hamah).
ÉMAUX (Céram.) (V. Émail et Céramique).
EMBA. Fleuve de Russie. Il arrose la province de
l'Oural et, après un cours d'environ 700 kil., se jette
dans la mer Caspienne. Ses bords sont habités par des
Kirghiz. Sur son cours supérieur s'élève le fort d'Embinsk.
EMBABEH. Village de la Basse-Egypte, sur la rive
gauche du Nil, en face et un peu en aval de Boulaq. C'est
devant Embabeh que Bonaparte remporta, le 21 juil. 1798,
la victoire dite des Pyramides.
EMBACH. Fleuve de Russie. Il prend sa source en
Livonie et arrose Dorpat où il devient navigable. Sa lon-
gueur est d'environ 260 kil. Ses principaux aftluents sont
la Wassula et l'Elwa.
EMBÂCLE (V. Glace).
EMBALLAGE (Industr.). Le travail de l'emballeur con-
siste en une sorte de menuiserie grossière et restreinte,
ayant pour objet la confection des caisses de tout genre et
de quelques ouvrages accessoires, ainsi que l'emballage
des objets de toutes sortes. S'il ne confectionne que les
caisses, l'emballeur porte plutôt le nom de layetier, dont
l'origine est la layette, espèce de boîte propre à ranger du
linge d'enfant et, par extension, ce linge même. (Juoique
relativement peu importante, cette industrie est fort an-
cienne, car en 1321, sous François P^ il est fait mention
des statuts qui la régissaient. On disait alors layetiers-
écriniers, parce que ces ouvriers fabriquaient des écrins ou
étuis, qui formaient la majeure partie de leurs travaux.
Aujourd'hui, ce sont les gainiers et les tablettiers qui
confectionnent les écrins et tout ce qui se rattache à cette
industrie. Les layetiers se bornent aux travaux relatifs à
l'emballage et s'appellent, en conséquence, layetiers-em-
balleurs. Toutefois, leur profession ne se distingue véri-
tablement de celle du menuisier que dans les grandes
villes ; partout ailleurs leurs travaux sont exécutés par les
menuisiers ordinaires. Les bois dont les emballeurs font
usage sont : le chêne, le hêtre, le sapin, le bouleau et
principalement le peuplier ; ils emploient encore du sapin
très épais, appelé « bois de bateau », pour faire les grandes
caisses à meubles qui demandent avant tout la solidité, la
propreté et le bas prix. Ils débitent et mesurent ces bois
comme les menuisiers, mais en leur faisant subir une pré-
paration spéciale, en les rasant, c.-à-d. en dressant, en
effleurant leur surface. Les outils sont les mêmes que
ceux des menuisiers.
La manière d'emballer diffère suivant la nature ou la
valeur des objets. On peut même dire que chaque caté-
gorie d'objets est soumise à un mode d'emballage parti-
culier, qui est le mieux approprié aux éventualités du
transport, et pour lequel on tient compte également de
considérations qui y sont quelquefois plus ou moins étran-
gères. On distingue deux systèmes généraux d'emballage :
l'emballage en maigre et l'emballage en gras. On dit qu on
emballe en maigre, quand les caisses, après avoir été rem-
plies et clouées, sont enveloppées de lits de paille, de
foin, de varech ou de laine de bois, maintenus par une
grosse toile de chanvre écrue dite d'emballage, et par des
cordes sohdes convenablement disposées afin de préserver
des chocs et des intempéries. Au contraire, on emballe en
gras lorsque, dans l'opération qui précède, on remplace la
toile ordinaire par une toile goudronnée dite toile grasse.
Souvent on réunit les deux systèmes, c.-à-d. qu'après avoir
appliqué sur la caisse une toile grasse, on pratique par-
dessus l'emballage en maigre. C'est ce que l'on appelle
l'emballage en gras et maigre. Remarquons encore que
lorsque les caisses sont destinées à être transportées par
mer, on les munit intérieurement de caisses de zmc ou de
fer-blanc qu'on soude parfaitement après leur remphssage.
Pour la confection de ces caisses, le zinc est préférable au
fer-blanc, parce qu'au lieu de destination des marchandises,
on en tire un meilleur parti. Nous venons de parier de
l'emballage au moyen des caisses ou encaissement. Comme
il est très coûteux, on n'y a recours que lorsqu'on ne
peut faire autrement. Dans tous les autres cas, on emballe
en balles ou en ballots. .
On compte à Paris 350 établissements produisant annuel-
lement un chifi're d'affaires de 26 millions de francs, dont
— 885 —
EMBALLAGE — EMBARGO
23 millions pour Texportation. Le nombre des ouvriers
emballeurs parisiens est estimé à 2,300. Les bois blancs
proviennent de la Bourgogne, de la Champagne, de la
Brie et de la Picardie, les sapins de la Lorraine, de l'Alsace
et de l'Autriche ; les fers-blancs et les zincs viennent des
forges et des fonderies de Montataire, de Commentry
et de la Vieille-Montagne ; les toiles d'emballage, les toiles
goudronnées en jute et en phormium tenax sont fournies,
moitié par l'Angleterre et moitié par le dép. du Nord.
Le Doubs, les Ardennes et l'Orne fournissent les pointes
dites de Paris. Les emballeurs emploient encore les ficelles
et les étoupes du Nord, les feuillards de la Seine, le
varech de la Manche, le papier, la paille, le foin, la laine
de bois, etc. L. Knâb.
EMBALLONURE (Emballonura) (Zool.). Genre de
Mammifères Chiroptères créé par Temminck (1839) et
devenu le type d'une nombreuse famille qui présente les
caractères suivants : Chauve -Souris à narines simples
dépourvues de feuilles ou appendices cutanés, à oreilles
grandes quelquefois soudées ensemble, à tragus court et
petit; Doigt médian à deux phalanges dont la première
est ordinairement repliée en arrière au-dessus du méta-
carpe, lorsque l'animal est au repos. La queue, en partie
libre, traverse la membrane interfémorale ou la dépasse en
arrière. Le nombre des dents est assez variable suivant les
genres : les incisives supérieures sont ordinairement grandes,
séparées, à pointes dirigées en arrière et en dedans, les
molaires bien développées, à tubercules disposés en forme
de W. Ces Chiroptères habitent les régions tropicales et
subtropicales des deux hémisphères, dépassant rarement
le 30^ parallèle au N. et au S. Tous sont insectivores. Ils
ont des formes lourdes, un museau large et tronqué obli-
quement avec les nannes saillantes au-dessus de la lèvre
supérieure. La famille se subdivise en deux sous-familles:
les Emballonurinœ, dont la queue grêle perfore la mem-
brane interfémorale et dont les pattes sont également
grêles, et les Molossinœ dont la queue est épaisse, dépas-
sant la membrane interfémorale, et dont les pattes sont
courtes et fortes (V. Molosse).
La sous-famille des Emballoniirinœ comprend les
genres Furia (F. Cuv.), de la Guyane et du Brésil; Amor-
phochilus (Peters), du Pérou; Emballonura, qui s'étend
de Madagascar aux îles des Navigateurs, mais ne paraît
pas habiter le continent australien ; Coleura (Peters) , du
Mozambique et des Seychelles ; Rhynchonycteris (Peters),
qui s'étend du Mexique au Brésil ; Saccopteryx (Hliger),
des mêmes pays ; Taphozous (Geoffroy), d'Afrique et
d'Australie ; Diclidurus (Wied) et Noctilio (L.), de l'Amé-
rique intertropicale ; Rhinopoma (Geoffroy), de l'Afrique
N.-E. et de l'Asie méridionale. Le genre Emballonura pré-
sente la formule dentaire suivante :
2 1 2 3
j. -, c. j, pm. ^, m. j X 2 = 34 dents.
Les incisives supérieures sont séparées sur la ligne mé-
diane ainsi que des canines, tandis que les inférieures sont
en rangée continue. L'E. monticola, type du genre, est
une Chauve-Souris de la taille de la Pipistrelle et de cou-
leur noire. Elle habite les grandes îles malaises et les Phi-
lippines (V. Chauve-Souris). E. Trouessart.
EM BARBE (Tiss.). Nom donné aux petites cordes qui
figurent les duites ou coups de trame dans les semples sur
lesquels se fait le lisage des mises en cartes pour le per-
çage des cartons des mécaniques Jacquard (V. Lisage).
EMBARCADÈRE. L Architecture (V. Gare).
II. Marine. — Expression générale s'appliquant à une
jetée^ à un wharfs à un môle ou à une cale s'avançant
plus ou moins dans la mer et servant à l'embarquement
ou au débarquement des personnes. L'embarcadère doit
posséder un escalier et être à l'abri de la grosse mer
quand faire se peut, de façon à ce que les embarcations
puissent y accoster et s'y maintenir facilement.
EMBARCATION (Mar.). Terme désignant d'une façon
générale les bateaux de faibles dimensions, qu'ils soient
à voiles, à rames ou à vapeur et quelle que soit leur
forme. Synonyme de canot. Les embarcations d'un navire,
groupe de canots attachés à lui pour le service, se
subdivisent par ordre de grandeur en chaloupes., canots^
baleinières, youyous, ces derniers, armés par quatre ou
deux hommes et étant les plus petites embarcations em-
ployées en marine. Cependant, depuis quelques années, on
se sert à bord des torpilleurs et même des grands bâti-
ments, quand il fait très beau, d'un petit canot en toile,
démontable, qui se replie, monté par un seul homme et
qui s'appelle le berton^ du nom de son inventeur.
EMBARDÉE (Mar.). Sous l'action du vent, de la mer,
de son propulseur même, un bâtiment s'écarte à chaque
instant de sa route, soit à droite, soit à gauche, et y est
ramené par l'action du gouvernail. C'est cet écart qu'on
nomme embardée. On dit : le navire fait une embardée, ou
encore : le navire embarde. Les deux expressions sont éga-
lement employées. Les nouveaux bâtiments cuirassés, avec
leurs formes plates des fonds, formes adoptées pour avoir
plus de stabilité pour le tir de l'artillerie, sont très sujets
à faire des embardées considérables, et c'est une des diffi-
cultés de la navigation, en escadre, que de maintenir ces
masses sur la ligne qu'elles doivent suivre et de les em-
pêcher de s'approcher trop du bâtiment voisin.
EMBARGO (Dr. internat.). Mot espagnol qui signifie
séquestre. On appelle ainsi, dans le langage du droit,
l'acte qui consiste à arrêter provisoirement les navires
qui se trouvent dans les ports ou dans les mers inté-
rieures d'un Etat, en vue de les empêcher d'en sortir.
Il ne faut pas confondre l'embargo proprement dit, ou em-
bargo international, avec l'embargo civil ou arrêt du prince,
et avec l'angarie. L'embargo civil est celui qu'un Etat
prononce, dans la mesure où la législation interne du pays
l'y autorise, lorsque, pour des raisons d'ordre sanitaire ou
économique ou par des considérations de politique inté-
rieure, par exemple en cas d'épidémie, ou à la suite d'une
interdiction d'exporter, ou tout simplement pour prévenir
la divulgation de certaines nouvelles, il tient à empêcher
momentanément ses nationaux ou leurs navires de sortir
de ses ports. L'angarie est la mise en réquisition des bâti-
ments neutres par l'Etat dans les ports duquel ils se
trouvent, à l'effet de transporter pour son compte, moyen-
nant un juste salaire, des armes» des troupes ou des mu-
nitions. L'embargo international, dont il est question ici,
peut avoir différents buts : il peut être une application du
droit de représailles (V. ce mot), ou une confiscation an-
ticipée, en vue d'une guerre imminente et sous réserve de
restitution en cas de solution pacifique du litige en sus-
pens; il peut aussi être une simple interdiction de com-
merce, par voie de coercition, ainsi que cela eut lieu à
l'époque de la séparation de la Belgique et de la Hollande.
Jusque dans les premières années du présent siècle, la
plupart des nations recouraient volontiers, comme préli-
minaires d'une déclaration de guerre formelle, à ce procédé
si préjudiciable au commerce, de la saisie des navires de
l'adversaire dans les ports. De nos jours, ces embargos-là
sont condamnés par le droit des gens, même quand les
nations intéressées ne se les sont pas formellement inter-
dits par des conventions spéciales ; les grandes puissances
n'ont jamais manqué, lors des dernières guerres (d'Orient,
d'Itahe, d'Allemagne), d'accorder aux navires marchands
ennemis un délai raisonnable (nommé induit) pour se
mettre à l'abri dans les ports de leur pays ou dans des
ports neutres. Les embargos ne peuvent donc plus se jus-
tifier que comme un moyen de coercition employé pour
amener le redressement de griefs sérieux, un changement
d'attitude politique ou la réparation de quelque atteinte
flagrante au droit des gens. Cette doctrine, conforme à la
notion moderne que la' propriété privée doit être respectée
à l'étranger, même en temps de guerre et, à plus forte
raison, antérieurement à l'ouverture des hostilités, est
professée aujourd'hui par tous les jurisconsultes qui font
EMBARGO - EMBARQUEMENT
— 886 —
autorité, même en Angleterre, où l'on y avait été assez long-
temps réfractaire. Les effets de l'embargo varient naturel-
lement suivant les circonstances : si la guerre éclate, le
séquestre peut se convertir en prise (V. ce mot); si,^ au
contraire, les puissances intéressées parviennent à s en-
tendre, il est levé purement et simplement. La France a
conclu avec un grand nombre de puissances des conven-
tions interdisant tout' à la fois l'embargo (international) et
l'anearie, notamment : le 44 janv. 4787, avec la Russie ;
les 9 févr. et 23 août 4842, avec le Danemark ; le 7 nov.
4659, avec l'Espagne ; le 42 déc. 4739, avec la Hollande ;
le 8 mai 4827, avec le Mexique, etc. Ernest Lehr.
BiBL. : Twiss, Law of nations, II,§ 12. - Phillimore,
Comment., III, § 25.- UAgsÉ, Droit commercial, I, § 132.
^ Martens et Verge, Précis, t. Il, § 268. — Oalvo,
Droit international, § 1583 et suiv. - Holtzendorff,
Rechlslexicon, v° Embargo. - Bluntschli, le Droit m-
fernadonai codifie, nos 509,669, rem., 674, rem. 2 - De
Clercq et DE V ALLAT, Guicie pratique des Consnia s,t. I,
D 111 - F. DE Martens, Traité de droit international,
t III D 163. - A. RiviER, Lehrhuch des Volkerrechts,
li^ § 5§;_ Neumann, Grundriss des heut. europ. Volker-
rechts,'^. 95.
EMBARQUEMENT.I. Marine. — Mot qui a plusieurs
acceptions. 11 indique la situation d'un marin embarqué
par opposition à celle du marin à terre. Il signifie la mise
à bord quand il s'agit d'un groupe d'hommes, de troupes,
de matériel.
II. Tactique. — Embarquement en chemin de fer. —
Le jour fixé pour le départ, l'adjudant-major, accompagné
d'un sous-ofiicier, précède la troupe d'une demi-heure à la
gare et se présente au commissaire militaire. Il procède
aussitôt après à la reconnaissance du train et prend note de
l'affectation et de la contenance de chaque wagon et de chaque
truc dans l'ordre où ils sont placés. Il s'assure du bon
aménagement des wagons à marchandises qui ont été dis-
posés pour le transport des hommes et des chevaux et veille
à ce que les accessoires d'embarquement : escabeaux, ponts
volants, rampes mobiles, etc., soient en nombre suffisant.
Le sous-officier adjoint numérote au fur et à mesure, à la
craie, chacun des wagons et trucs, et inscrit en regard des
numéros d'ordre la contenance de chaque wagon et de chaque
truc. La tenue du régiment est, en principe, la tenue de
campagne. Les sacs sont paquetés, la petite gamelle et le
pain disposés de façon à pouvoir être facilement enlevés,
le quart et la cuiller dans l'étui-musette. Quand les soldats
voyagent, armés ou non, sans leur équipement, ils occupent
dans les voitures à voyageurs le nombre de places indiqué
pour les voyao,eurs ordinaires; mais, lorsqu'ils sont équipes,
ils n'occupent, dans chaque compartiment, que huit places
sur dix, les places restantes étant destinées au placement
des effets. Dans les wagons à marchandises, les soldats non
équipés sont toujours embarqués au nombre de quarante ;
s'ils sont équipés, ils sont trente-deux, trente-six ou qua-
rante, selon la longueur du wagon. Ces nombres sont du
reste indiqués dans un cartouche placé dans chaque wagon.
Si par exception, le total des places est inférieur à celui
des hommes à transporter, l'excédent est réparti entre les
wagons et dans les fourgons de service au besoin. Dans
chaque wagon, on place huit chevaux ou mulets. Pour les
voitures, chaque truc doit, en principe, recevoir trois
essieux : une voiture à quatre roues et une à deux roues.
La troupe doit arriver au point d'embarquement une heure
et demie avant le départ. L'adjudant-major remet alors au
commandant un état sommaire indiquant la destination et
la contenance des véhicules du train. Ayant arrêté sa troupe
en dehors de la gare, le commandant envoie les chevaux
et voitures au point où ils doivent être embarqués, con-
duits par l'officier d'approvisionnement et le vaguemestre
et accompagnés des conducteurs, ordonnances d'officiers
montés et équipes d'embarquement. Il forme ensuite la
troupe en ligne déployée, en faisant rentrer tous les serre-
files dans le rang. L'adjudant-major divise alors les hommes
en fraction correspondant à la contenance des wagons, sans
distinction de compagnie. Dans chaque fraction, un sous-
officier ou caporal est désigné comme chef de wagon;
celui-ci désigne à son tour des chefs de compartiment s'd
y a lieu. Ce fractionnement terminé, la troupe, conduite
par l'adjudant-major, est introduite, en marchant par le
fianc, sur le quai d'embarquement où chaque fraction est
arrêtée et remise de front, sans dédoubler, face au wagon
qui lui est destiné.
A la sonnerie En avant, les hommes enlèvent leur sac
qu'ils posent à terre devant eux, et l'embarquement com--
mence. S'il se fait dans une voiture à voyageurs, le chef
de compartiment et le chef de l'autre file remettent leur
fusil et leur sac à l'homme placé derrière eux et montent
Placement des armes et des sacs dans un compartiment
de 3« classe.
en wason ; ils reprennent alors leurs fusils et se portent
du côte opposé à l'entrée. Le chef de compartiment place
son fusil verticalement à l'extrémité du petit côté du com-
partiment qui est à sa droite et visse un piton (dont il a
été distribué un par quatre fusils, ainsi que dix vrilles par
compagnie) dans la paroi du wagon, la tige touchant la
monture de l'arme et à 5 centim. au-dessous de 1 embou-
choir Les autres hommes passent successivement leurs
fusils qui sont placés côte à côte contre la paroi du petit
côté du compartiment. Les armes ainsi placées, le chef de
compartiment visse un deuxième piton contre le dernier
fusil et passe une courroie de sac dans les pitons, de ma-
nière à embrasser toutes les armes en les serrant fortement
les unes contre les autres. Si les wagons sont mums de
filets ou de crochets, on y place les fusils, et l'on n emploie
pas le svstème ci-dessus. Quant aux sacs, ils sont remis
par les hommes à leurs chefs de file qui les placent, quatre
«ous les banquettes, trois sur la place libre en face des
fusils et le huitième debout contre les fusils. Ces opérations
terminées, le chef du compartiment fait monter les hommes.
Quand il s'agit d'embarquer dans les wagons de marchan-
dises aménagés pour trente-deux hommes, les chefs défile,
après être montés comme il a été dit et avoir repris leurs
fusils, se portent, savoir : ceux des première et deuxième
files dans la travée de droite la plus rapprochée de l'entrée;
les chefs des troisième et quatrième files dans l'autre travée
de droite; ceux des cinquième et sixième dans la travée de
sauche la plus éloignée de l'entrée ; enfin ceux des septième
et huitième dans la travée de gauche la plus rapprochée.
Ils forment ainsi quatre groupes qui opèrent comme il suit :
le chef de chaque groupe place son fusil contre la paroi du
petit côté du wagon ; il visse un piton comme il a ete dit
plus haut, et les ^fusils passés par les hommes sont places
ainsi qu'on l'a vu. Les pitons sont placés de manière que
les faisceaux se trouvent au milieu de l'intervalle libre
entre les bancs. Les sacs sont placés, quatre sur l'extrémité
d'un des bancs, trois sur l'autre et le huitième appuyé sur
les fusils. Les hommes montent ensuite et prennent place
dans la travée où sont leurs chefs de file. Quelques petites
— 887 —
EMBARQUEMENT
différences qu'il est inutile de mentionner ici existent dans
le procédé d'embarquement pour les wagons qui contiennent
exceptionnellement trente-six ou quarante places. Il est
Wagon à marchandises, aménagé pour le transport des
hommes (32 places ; placement des armes et des sacs).
interdit aux soldats de fermer eux-mêmes les portes ou
portières. Le chef de wagon s'assure que les hommes peu-
vent manœuvrer, de l'intérieur, dans les wagons aménagés,
le système de fermeture, volets et portes.
Pour embarquer les chevaux, ces animaux sont placés
sur un rang et l'officier d'approvisionnement les divise en
fractions correspondant à la contenance des wagons. Les
hommes forment les faisceaux et déposent leur sac et leur
équipement. Les chevaux sont dessellés, mais les harnais
sont laissés, avec la couverture, sur les chevaux d'attelage;
ils sont relevés sur le bât, de manière à ne pas blesser les
animaux et à éviter les dégradations. Les selles ne seront
chargées qu'après l'embarquement des chevaux. Ceux-ci
restent bridés. Dès que les selles sont disposées à terre en
arrière du rang, le sous-officier fait répandre la litière dans
chaque wagon, en ayant soin qu'elle s'étende sur le pont
qui relie le wagon au quai. Il faut toujours qu'il y ait un
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Coupe longitudinale ,
Plan.
Transport des chevaux dans le sens parallèle à la voie.
homme de chaque côté des ponts volants pour empêcher les
chevaux de se traverser et de mettre les pieds entre le
wagon et le quai. Au signal de l'embarquement donné par
le sous-officier, le premier homme de droite de chaque
fraction se porte franchement en avant vers l'entrée du
wagon. Trois autres le suivent successivement en gardant une
distance de 3 m. de tête à croupe. Le premier homme, mar-
chant sans regarder son cheval et le tenant près du mors,
lui fait baisser la tète pour franchir la porte, tourne à
droite et range son cheval contre la paroi longitudinale du
côté de l'entrée, la tête tournée vers le milieu du wagon ;
chacun des autres hommes fait appuyer son cheval contre
celui qui vient d'être placé. Dès que le rang de chevaux
est complet, deux hommes tendent la corde-poitrail (corde
de 16 m. de long, de la grosseur d'une corde à fourrage),
en la faisant passer plusieurs fois repliée dans les anneaux
fixés aux portes du wagon, de manière à la faire passer
devant les quatre chevaux ; ils attachent ceux-ci par la longe
le plus court possible, aux anneaux du plafond, puis ils
sortent du wagon et vont chercher leurs selles. On procède
de la même façon pour le rang opposé. Les selles formant
deux piles sont placées sur les bottillons disposés dans
l'intervalle libre du milieu du wagon, ainsi que l'avoine et
le foin (quatre bottes par wagon). Deux gardes d'écurie sont
affectés à chaque wagon. Ils ne débrident les chevaux que
lorsqu'ils sont calmés et que le train est en marche. On
doit toujours commencer l'embarquement par les chevaux
les plus dociles. Quand un cheval résiste, on fait avancer
le suivant et le premier est entraîné vivement à la suite,
ou bien on lui couvre la tête et on l'amène au wagon après
lui avoir fait faire un tour sur lui-même. Un des moyens
les plus sûrs de faire entrer un cheval récalcitrant est de
le faire pousser par deux hommes qui le saisissent vivement
sous la croupe en se tenant la main. Pour les chevaux qui
ruent, on se sert d'une sangle ou de deux sangles réunies
bord à bord.
L'embarquement des voitures s'effectue sous la direction
de l'officier d'approvisionnement. Les équipes de charge-
ment forment les faisceaux, déposent les sacs et l'équipe-
Truc portant une pièce et un caisson avec avant-train.
ment, ainsi que les capotes ou vestes. Elles commencent à
embarquer les voitures dès que celles-ci sont dételées. Une
équipe est employée pour chaque truc : deux hommes à
chacune des roues de l'arrière- train, deux à l'avant-train
de chaque côté du timon et deux à l'extrémité du timon.
Le chargement terminé, les voitures sont calées et brellées
par les agents du chemin de fer. Les équipes d'embarque-
ment vont rejoindre leur compagnie où leur place a été
réservée.
Pendant rembarquement, le commandant et les officiers
exercent leur autorité sur la troupe pour tout ce qui con-
cerne la discipline, le maintien de l'ordre et du silence et
l'exécution du règlement. Ils ne montent en wagon qu'après
s'être assurés que la troupe est convenablement établie.
L'embarquement terminé, le sous-officier adjoint écrit à la
craie, sur les wagons, l'indication de la compagnie. Le
commandant, accompagné de l'officier de la garde de police,
du commissaire militaire, du chef de gare et du chef de
train, passe une inspection rapide du train avant de monter
lui-même en wagon. Il est rigoureusement interdit à la
troupe embarquée de passer la tète ou les bras hors des
portières pendant la marche; d'ouvrir les portières; de
passer d'une voiture dans une autre ; de pousser des cris
et de chanter ; de descendre avant la sonnerie qui doit en
donner le signal ; de fumer dans les wagons à chevaux ; de
fumer dans les w^agons s'il y a de la paille répandue sur le
plancher à cause du froid. Les chefs de wagon sont respon-
EMBARQUEMENT — EMBATTAGE — 81
sables de l'observation de ces prescriptions (V. Transport
militaire).
L'embarquement des troupes en chemin de fer a une si
grande importance au point de vue de la concentration de
nos armées à la frontière en cas de guerre, que l'on ne
saurait trop y exercer nos soldats, surtout dans les armes
qui comprennent des chevaux et du matériel, beaucoup
plus longs et plus difficiles à embarquer que ne le sont les
hommes. On impose donc à la troupe des exercices de dé-
tail, c.-à-d. par petits groupes, dans la cour des casernes,
au moyen d'un matériel simulé, avant de l'exercer dans
une gare de chemin de fer. Il serait trop long de décrire ici
ce matériel simulé que l'on construit ordinairement avec
des bois de démolitions fournis par le génie. Pour figurer
le vide qui sépare dans la réalité les wagons entre eux et
d'autre part les wagons et le quai d'embarquement, on
creuse autour de l'espace occupé par les cadres représen-
tant les wagons un tossé de 1 m. de largeur au sommet et
de 4 m. de profondeur. Après ces exercices prépara-
toires, des exercices d'ensemble sont exécutés sur les voies
ferrées et comprennent toutes les opérations d'embarque-
ment et de débarquement réels de jour et de nuit, à
l'exception de l'attache des fusils dans les wagons, laquelle
n'est jamais exécutée, afin d'éviter des dégradations au
matériel des compagnies de chemins de fer. Les hommes
sont en tenue de campagne pour ces exercices, et les voitures
ont leur chargement réglementaire. Les chevaux et les
voitures sont embarqués autant que possible à l'aide de
rampes mobiles. Chaque bataillon d'infanterie et du génie,
complété à l'etfectif de guerre, doit effectuer au moins un
exercice de jour et un de nuit, en combinant les opérations
à quai avec celles sur rampes et en donnant à ces dernières
le plus d'extension possible. Tous les officiers et les hommes,
quels que soient leurs emplois spéciaux, doivent prendre
part à ces exercices avec la troupe dont ils tout partie.
Cette instruction doit être, autant que possible, terminée
avant l'inspection générale. En outre, des exercices de cette
nature doivent toujours être exécutés au cours des périodes
d'instruction des réservistes. Ils doivent également être
faits par les troupes de l'armée territoriale. La durée d'un
embarquement est comptée depuis le moment où la troupe
est arrivée à la gare jusqu'à celui où le train est en mesure
de se mettre en marche ; il importe d'arriver à réduire
cette durée le plus possible ; mais il faut bien se garder de
toute précipitation dans les exercices de début, et ne cher-
cher la promptitude de cette opération que dans la grande
instruction de chacun, c.-à-d. dans l'extrême précision et
l'assurance apportées à chacun des actes que comporte cette
importante opération. Ed. Sergent.
EMBARRAS. I. Droit pénaL — Emrarras sur la voie
PUBLIQUE. — L'embarras sur la voie publique constitue une
contravention de simple police, prévue par l'art. 471 , § 4 du
C. pén. et passible d'une amende de 4 à 5 fr. Cette contra-
vention est clairement définie par le texte qui la réprime ;
elle existe par la réunion des trois conditions suivantes : 4 ^ Il
faut que des matériaux ou des choses quelconques de nature
à empêcher ou à diminuer la liberté ou la sûreté du passage,
aient été déposés ou laissés. A l'application de cette con-
dition la jurisprudence a donné une très large extension : elle
y comprend non seulement le stationnement des voitures,
des chevaux et des bestiaux, mais même le fait par un
charcutier de tuer un porc devant sa boutique ou par un
épicier de brûler du café dans les mêmes circonstances.
2° Il faut que le dépôt ou abandon ait été fait sur la voie
publigue. L'expression voie publique comprend les rues,
passages, places et carrefours des villes, bourgs et villages;
elle ne comprend pas les routes et chemins soumis aux
lois et règlements de grande voirie : les dépôts ou aban-
dons sur ces routes et chemins deviennent des contraven-
tions de la compétence des conseils de préfecture. 8*^ Il
faut que le dépôt ou abandon ait été fait sans nécessité.
La nécessité ne peut consister que dans une cause acci-
dentelle, dans un événement imprévu ou de force majeure ;
mais elle ne peut résulter d'un état de choses habituel et
permanent : ainsi, le cas de nécessité ne peut s'entendre
de la station d'une voiture sur la voie publique, motivée
sur ce que l'auberge où descendent les rouliers n'est pas
pourvue d'une cour propre à loger les chariots et n'a que
des écuries pour loger les chevaux. On ne peut tirer une
excuse d'un usage local ou de la tolérance de l'administra-
tion. — Les frais d'enlèvement des matériaux qui causaient
l'embarras rentrent dans la classe des restitutions et dom-
mages-intérêts que le juge de simple police peut prononcer
lui-même, sans être obligé de se dessaisir au profit des tri-
bunaux ordinaires. Louis André.
IL Technologie. — Dans l'évaluation du prix des
ouvrages d'une construction, lorsque, dans une fouille, le
travail des ouvriers est gêné par les étais qui servent à
maintenir les berges de cette fouille pendant le cours de son
exécution, l'entrepreneur a droit à une plus-value du quart
de la valeur des prix ordinaires de fouilles pour embarras
d'étais. Une autre plus-value, qui varie avec les usages
locaux, est accordée par mètre cube pour maçonnerie en
béton, meulière, moellon, brique ou plâtras, exécutée de
même dans l'embarras des étais. L. K.
III. Médecine. — Embarras gastrique. — Ensemble
de symptômes assez mal définis, qui rappelle la gastrite
catarrhale et présente quelques-uns des caractères de la
dyspepsie aiguë et de la fièvre bilieuse ; on le confond
souvent avec la fièvre éphémère ou la fièvre typhoïde au
début. Il est dû généralement aux excès de table, à la
fatigue, à des troubles digestifs de cause variable, et se
caractérise par la lassitude générale, l'amertume de la
bouche avec enduit saburral, l'inappétence, les nausées,
en un mot par tous les symptômes de l'indigestion; sou-
vent il y a fièvre vive dès le début. L'embarras gastrique
fébrile se traite par la diète plus ou moins prolongée,
le repos, les évacuants : vomitifs au début, purgatifs
salins, etc. D'' L. Hn.
BiBL. : Droit pénal. — Ciiauveau et Hélie, Théorie du
code pénale t. VI, pp. 307 et suiv. — Blanche, Code pénai,
t. VII, no* 63 et suiv. — Miroir, Des Contraventions, 1. 1,
p. 27. — Henrion de Pansey, Compét. des juges de paix,
ch. xxvii,n°280. — Mangin, Tr.de l'action publ., t. l^p.blS.
EMBASE (Constr.). Ce mot désigne, toujours dans la
même acception, mais suivant les diverses professions du
bâtiment : en couverture, une lame de métal, plomb ou
zinc, que l'on place au bas d'un arêtier de comble couvert
en tuile ou en ardoise, et en serrurerie, tantôt un renfle-
ment mouluré et parfois orné qui relie la tige d'une clef de
serrure à son anneau ou aussi qui se profile sur la tige
d'une espagnolette de croisée et tantôt le petit socle d'un
barreau de grille, d*appui de croisée ou de rampe d'escalier.
EMBASÉMENT (Archit.). Base continue régnant au
pied d'un mur, soit à l'extérieur, soit à l'intérieur d'un
édifice. Souvent l'embasement , tout en conservant la
même hauteur que la base de la colonne ou du pilastre
qu'il rappelle, est formé de moulures moins nombreuses,
moins refouillées et moins ornées ; parfois même ces mou-
lures sont remplacées, sur une partie ou sur toute la hau-
teur de l'embasement, par une face droite formant plinthe.
EMBASSIS (Paléont.) (V. Peratherium).
EM BATES (V. Chaussure, t. X, p. 971).
EMBATTAGE. Opération qui consiste à poser, après
l'avoir dilatée en l'échauffant, une pièce creuse en forme
d'anneau autour d'un bloc plein d'un diamètre plus grand
que le sien. L'anneau ainsi posé se contracte en se refroi-
dissant de manière à faire complètement corps avec le bloc
qu'il entoure. Cette expression s'applique plus spécialement
à la pose des bandages sur les roues de machines et de
wagons dans les ateliers de chemins de fer où l'em battage
est universellement pratiqué (V. Bandage, t. V, p. 219).
L'embattage est pratiqué également dans le charronnage
pour la pose de la bande de fer autour de la roue en bois
(V. Charronnage, t. X, p. 795). La plupart des ateliers
emploient encore pour l'embattage des fours à sole circu-
laire chauffés à la houille; mais, comme ces appareils ne
peuvent pas donner une température bien constante, on les
remplace avantageusement aujourd'hui par des fours chauffés
à l'aide d'un jet circulaire de gaz brûlant directement sous
le bandage. Dans ce nouveau pro<^édé, le bandage n'a pas
besoin d'être chauffé aussi fortement, la chaleur étant dis-
tribuée d'une manière plus uniforme et en évitant ainsi toute
tension dangereuse. Les joues intérieures du bandage sont
nettes de toute couche d'oxyde et s'appliquent exactement
sur la jante de la roue. On peut enfin mesurer à chaque
instant l'accroissement du diamètre du bandage et, par suite,
ne pas dépasser la dilatation nécessaire à l'embattage. L'ins-
tallation en est moins encombrante que celle du four ordi-
naire à embattre; elle est en même temps moins dispendieuse.
Il y a lieu de penser que, dans ces conditions, le pro-
cédé d'embattage au gaz est appelé à se généraliser dans
les ateliers de chemins de fer. L. K.
EMBAUCHAGE (Droit). Le mot embauchage a plusieurs
acceptions. Dans une première acception, il exprime le
fait de retenir des ouvriers pour l'exécution de certains
travaux : en ce sens il s'agit d'une simple location d'ou-
vrage ou d'industrie, qui n'offre rien d'iUicite ; mais, en
ce sens aussi, l'expression n'est guère usitée qu'entre les
ouvriers et leurs maîtres. Deux autres acceptions du mot
embauchage, particulières au langage du droit pénal, sont
prises en mauvaise part; en ce cas, le mot embauchage
désigne : 1° Soit l'action d'éloigner des soldats de leurs
drapeaux pour les faire passer à l'ennemi, à l'étranger ou
dans un parti de rebelles. C'est Vembauchage militaire.
L'embauchage est plus que la simple provocation à la
désertion. La distinction entre les deux faits résulte nette-
ment de l'art. 3 de la loi du 4 nivôse an IV. Après
acquittement sur l'accusation d'embauchage, il peut y
avoir poursuite pour provocation à la désertion sans
qu'il en résulte violation de la règle non bis in idem.
L'embauchage militaire a été prévu pour la première fois
dans une ordonnance du i«' mars 1768; il est aujour-
d'hui puni par les art. 208 du C. milit. et 265 du C.
miht. marit. C'est un crime passible de la peine de mort.
Bien que commis par des civils, ce crime est de la compé-
tence exclusive des conseils de guerre. 2^ Soit le fait d'avoir,
dans la vue de nuire à l'industrie française, fait passer en
pays étranger des directeurs, des commis ou des ouvriers
d'un établissement. C'est ce qu'on appelle Vembauchage
d'ouvriers. Le fait constitue un délit, puni par l'art. 417
du C. pén. d'un emprisonnement de six mois à deux ans
et d'une amende de 50 à 300 fr. L'exposé des motifs
justifie en ces termes l'incrimination : « Si chacun doit
être libre de faire valoir son industrie et ses talents par-
tout où il croit pouvoir en retirer plus d'avantages, il con-
vient de punir celui qui débauche les hommes nécessaires
à un établissement, non pas pour procurer à ces hommes
un plus grand bien, souvent incertain, mais pour assurer
la ruine de l'établissement même. » Ce que la loi a prévu,
c'est le fait de nuire à l'industrie française par l'embau-
chage frauduleux, pour l'étranger, des ouvriers d'un éta-
blissement français. Il ne faut pas confondre ce fait avec
l'exploitation faite en pays étranger, au moyen d'ouvriers
français, d'une branche quelconque de notre industrie, si
ces ouvriers n'ont été enlevés par fraude à aucun établis-
sement. L'art. 417 ne punit que l'embaucheur et n'atteint
point les directeurs, commis ou ouvriers qui ont cédé à la
séduction. Louis André.
EMBAUMEMENT (V. Conservation, t. XII, p. 536-37).
EMBDE (August von der), peintre allemand, né à
Cassel le 2 déc. 1780, mort à Cassel le 10 août 1862. Il
étudia à Dresde, à Dusseldorf, à Munich et à Vienne. Ses
tableaux de genre, bien connus par la lithographie, repré-
sentent le plus souvent des paysanneries ou des jeux d'en-
fants. — Ses deux filles, Caroline, née en 1812, mariée
à Berlin, et Emilie, née en 1816, furent ses élèves et
l'aidèrent dans ses travaux. L'aînée est connue sous le
nom de Karl von der Embde,
EMBÉRIZIDÉS (Ornith.). Ce groupe, dont on fait
_ 889 — EMBATTAGE — EMBOÎTURE
plus volontiers aujourd'hui une simple tribu des Fringil-
lidés (V. ce mot), sous le nom à'Embérizidés, comprend
les Passereaux, très nombreux, que l'on appelle vulgaire-
ment des Bruants (V. ce mot).
EMBERMÉNIL. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle,
arr. de Lunéville, cant. deBlamont; 417 hab.
EMBLAVAGE, EMBLAVURE (Agric). Emblaver un
champ veut dire ensemencer ce champ; une emblavure
est donc une terre couverte de semences. Au début, ce
terme ne s'appliquait qu'aux champs ensemencés en blé,
mais, par extension, on dit aussi emblaver un champ en
betteraves ou en pommes de terre.
EMBLÈME (Bibliogr. et Iconogr.). Dans son acception
générale, ce mot signifie la représentation figurée d'une idée
ou d'une pensée. L'emblème procède directement de X allé-
gorie (V. ce mot), mais il en diffère par sa portée plus
restreinte et surtout par son caractère, plutôt moral ou
pédagogique; et, par contre, il exprime une idée plus com-
plète que le symbole (V. ce mot), auquel d'ailleurs s'at-
tache plus généralement un sens mystique.
Les représentations emblématiques sont de toute antiquité,
et en littérature cette préoccupation a engendré l'apologue
et la fable. Chez les Grecs, le mot l\jJokr\]xcf. désignait d'une
part une œuvre de marquetterie et s'appliquait surtout aux
mosaïques ; de l'autre, un ornement ou une figure en saillie,
rapportés sur un objet et faits d'une autre matière, comme
par exemple une figure en or fixée sur un vase d'argent, ou
une figure d'argent sur un vase de bronze. Le mot emblème,
avec son sens actuel, n'est entré dans les langues modernes
qu'avec la Renaissance classique. Aux xvi^ et xvu® siècles,
où l'allégorie fut en si grande faveur, on mit toutes choses
en emblèmes : la théologie, la philosophie , la politique,
l'histoire, les sciences physiques et naturelles, et jusqu'à la
grammaire elle-même. Il en est résulté en bibliographie
une section importante de livres illustrés avec des gravures
sur bois ou sur métal, où les artistes de l'époque ont puisé
plus d'une inspiration. Les plus en vogue étaient les em-
blèmes dont le texte a été fourni par le jurisconsulte mila-
nais André Alciat. Depuis leur apparition en 1531 jusqu'en
1781 , il en a paru environ cent trente éditions dans les prin-
cipaux pays de l'Europe. G. P-i.
BiBL. : Brunet, Manuel du libraire. — H. Green, A.
Alciati and his books of emblems ; Londres, 1872. —
Georges Duplessis, les Emblèmes d' Alciat; Paris, 1884,
in-8, fig. . .
EMBOITEMENT des germes. On a désigne sous ce
nom une théorie imaginée à la fin du siècle dernier par
Charles Bonnet, de Genève, pour expliquer la génération
des êtres organisés. Les diverses parties d'un animal
présentent entre elles une si parfaite harmonie, elles
« conspirent si évidemment vers un même but général :
la formation de cette unité qu'on nomme un animal, de ce
tout organisé qui vit, croît, sent, se meut, se conserve, se
reproduit, » qu'on acquiert la conviction « qu'un tout si
prodigieusement composé et pourtant si harmonique n'a pu
être formé, comme une montre, de pièces de rapport ou
de l'engrènement d'une infinité de molécules diverses réu-
nies par apposition successive ; un pareil tout porte l'em-
preinte indélébile de l'ouvrage fait d'un seul coup ». Un
animal ne peut donc se constituer de toutes pièces : il doit
être engendré par un autre animal préexistant. Le petit se
développe dans le corps de sa mère, mais pourtant sans
être en réalité formé par elle : il préexiste chez celle-ci à
l'état de germe. En appliquant ce même raisonnement à
la série des êtres dont cette mère dérive, ainsi qu'à la
série de ses futurs descendants. Bonnet en arrivait à con-
clure que le premier individu femelle de chaque espèce
animale devait renfermer, emboîtés les uns dans les au-
tres, les germes de tous les individus qui, par la suite des
temps, devaient constituer sa descendance directe. Cette
théorie singuUère, dont Cuvier a été le dernier partisan, a
été renversée dès que les études micrographiques ont permis
à l'embryologie de s'établir. R- Rl.
EMBOÎTURE (Constr.). Pièce de bois destinée à rece-
EMBOÎTURE - EMBOSSAGE — 890 —
voir dans une rainure pratiquée sur la longueur de l'une
de ses faces, l'assemblage des bouts de plusieurs morceaux
déjà joints entre eux sur les côtés, à l'aide de clefs ou par
tout autre système. Ce genre d'assemblage appartient à la
catégorie des joints de côté. On distingue V&mboîture
simple où la pièce est arasée au parement des pièces juxta-
posées, et Vemboîture à coulisse, plus épaisse que les bois
qui s'y assemblent ; cette sorte de joint s'applique souvent
aux portes, aux lambris, etc. On dit qu'une porte, un des-
sus de table sont emboîtés à bois de iil, quand ces parties
de menuiserie sont encadrées d'une alaise d'égale largeur
dans toute son étendue et coupée d'angle aux quatre coins.
L'emboîture sert aussi à ajuster deux tuyaux de descente
ou de conduite, de façon qu'ils entrent l'un dans l'autre.
Pour les conduites d'eau, il ne suffit pas d'emboîter ces
pièces ; on doit encore fixer leur jonction au moyen de
noeuds de soudure. De plus, il faut avoir soin de faire
d'abord entrer le tuyau qui donne l'eau dans celui qui la
reçoit. L. K.
EMBOLIE (Méd.). Virchow désigne sous l'expression
d'embolie le mécanisme par lequel un caillot sanguin ou un
bloc migrateur quelconque est transporté du lieu de son
origine jusqu'au point oU il s'est arrêté, donnant le terme
d'embolus ou d'embole au bloc migrateur lui-même. Les
concrétions sanguines que l'on rencontre dans le cœur ou
dans les vaisseaux peuvent, en effet, s'être formées sur
place, ce sont des concrétions autochtones ou thrombus ;
ou bien être transportées sur un autre point, ce sont là les
concrétions migratrices ou emboliques. Au point de vue
du volume, on distingue les embolies en massives, quand
leur volume est suffisant pour oblitérer les vaisseaux d'un
certain calibre, et en capillaires, quand elles s'arrêtent
dans les dernières ramifications artérielles. Les embolies
peuvent être déterminés soit par des concrétions san-
guines, des débris de valvules ulcérées, des plaques cal-
caires athéromateuses, des parcelles de tumeurs, ou des
helminthes s'étant introduits par perforation dans le sys-
tème circulatoire. L'endocardite ulcéreuse est souvent une
cause d'embolie, soit qu'il se forme, au contact de la
membrane endothéliale attaquée, des concrétions fibri-
neuses qui se détachent ensuite pour être lancées dans le
torrent circulatoire, soit que le centre d'altération du noyau
migrateur soit formé par un débris de valvules. Les
thrombus artériels ou veineux peuvent également donner
lieu à des embolies. Les concrétions autochtones, dues à
l'inflammation de la tunique interne des artères peuvent
se ramollir et si, par suite de leur développement, la tête
du caillot arrive à un point de bifurcation des vaisseaux,
elle peut se détacher du corps du thrombus et être empor-
tée par le courant du vaisseau resté libre. Les embolies
observées si fréquemment dans les artères pulmonaires
ont très souvent pour origine un thrombus veineux. La tête
de la concrétion veineuse ramollie est entraînée dans le
courant veineux, vers la veine cave inférieure, de là dans
le cœur droit, qui la lance dans l'artère pulmonaire dont
elle oblitérera une branche.
La connaissance des embolies a permis d'expliquer un
certain nombre de complications, telles les infarctus du
rein et de la rate, considérés autrefois comme des pro-
ductions autochtones, dus à des altérations premières de
ces organes et qui ne sont autre que des embolies capil-
laires. L'apoplexie pulmonaire, le ramollissement cérébral
sont souvent produits par le même mécanisme. La mort
arrive souvent subitement à la suite de l'embolie de l'ar-
tère pulmonaire, soit qu'elle survienne par syncope, par
arrêt des mouvements du cœur, soit, comme le soutient
Panum, que c'est par anémie cérébrale, par insuffisance de
l'afflux sanguin sur les centres nerveux. Les embolies qui
se produisent dans les centres nerveux peuvent donner
lieu à une série de troubles des plus variés, suivant la
région dont elles arrêtent l'irrigation. On conçoit qu'une
embolie déterminant l'anémie des centres respiratoires
amène immédiatement la mort alors que, si elle se produit
dans la région corticale, elle peut donner lieu à des
troubles spéciaux moteurs ou psychiques : aphasie, s'il
s'agit de la troisième circonvolution frontale gauche ;
cécité psychique, si elle porte sur le lobe occipital, etc.
D*- J.-P. Langlois.
EMBOLOMÉRIENS (Paléont.). Cope a établi ce groupe
en d880 pour des Batraciens des terrains permiens de
l'Amérique du Nord, qui ont un supraoccipital, un supra-
temporal et un os intercalaire ; les os prépodiaux sont dis-
tincts ; l'articulation vertébrale basioccipitale se fait par un
intercentrum discoïde indivis ; la corde dorsale est per-
sistante ; le centrum et l'intercentrum sont complètement
développés et supportent à eux deux un seul arcneural; les
os en chevron ne sont supportés que par les intercentraux.
Le groupe des Embolomériens comprend la famille des
Cricotidées. E. Sauvage.
BiBL. : Cope, American Naturaliste 1884.
EMBOLOPHORUS (Paléont.). Ce genre aétéétabli par
Cope pour un Reptile du terrain permien du Texas qui se
différencie par l'articulation des côtes, dont le capitulum
est reçu dans une fossette se trouvant à la partie postérieure
de l'intercentrum en avant de la vertèbre qui supporte la
diapophyse sur laquelle le tubercule s'attache.
BiBL. ; Proc. Amer. Philos. Soc, 1878, t. XVII.
EMBOLUS (Zool.). Genre d'Echinodermes Holothurides,
de la famille des Molpadides, établi par Selenka (1867)
pour une espèce du cap Palmas (?), lE» pauper. Il est ca-
ractérisé par quinze tentacules fort courts et par l'absence
totale d'anneau calcaire. R, Mz.
EMBOMA, M'BOMA ou BOMA. Capitale de l'Etat indé-
pendant du Congo depuis 4886, sur la rive droite du
Congo, à 50 kil. de l'embouchure de ce fleuve; 459 hab.
(de race blanche). Stanley y arriva le 9 août 1877, après
avoir traversé l'Afrique. C'était autrefois un centre impor-
tant du commerce d'esclaves. Boma a une histoire cruelle,
dit Stanley. En 4877, raconte-t-il, le capitaine Hopkins,
consul d'Angleterre, trouva, en remontant le Congo, échouée
sur un banc de sable en face de cette localité, une grappe
de cadavres humains, le carcan de fer au cou, les mains
liées derrière le dos. Sur la chaîne qui reliait les uns aux
autres ces malheureux était inscrit le nom du traitant,
auteur de cette hécatombe. Boma est actuellement la place
de commerce la plus importante du Bas-Congo. De nom-
breuses factoreries de diverses nationalités s'y trouvent
établies le long du fleuve. La rade est superbe, d'une lon-
gueur de 4 kil. et d'une profondeur variant de 6 à 20 m.
Une jetée en fer munie de grues puissantes facilite le
déchargement des marchandises. Cinquante et un bâtiments
au long cours d'un tonnage total de 67,439 tonnes ont
visité ce port en 1890. Les plus grands navires peuvent y
accoster. Boma est le siège d'un tribunal de première ins-
tance et d'un tribunal d'appel. Elle possède une église en
fer, un bureau de poste qui est aussi office d'échange, un
hôpital mihtaire construit en brique et pisé, un atelier de
charpentier, une immense forge et un vaste hôtel à deux
étages en tôle d'acier à doubles parois. Il y existe égale-
ment un tramway à vapeur et des communications télé-
phoniques (V. Congo). H. Droogmans.
EMBOSSAGE (Mar.). Action de maintenir un navire au
moyen d'amarres, malgré le vent et le courant, dans une
direction déterminée. On s'embosse, soit pour présenter le
travers ou la partie du navire la mieux armée à une batterie,
à un fort que l'on veut bombarder, soit encore pour aérer le
bâtiment dans les pays chauds ou en cas d'épidémie. Il y a
plusieurs manières de s'embosser. L'une d'elles consiste à
mouiller par l'arrière une ancre à jet (ancre plus petite qui
peut être portée par une embarcation) ; le navire est alors
tenu par son ancre ordinaire dite ancre de bossoir et par
l'ancre à jet. On peut encore attacher une forte amarre,
qui porte le nom de croupiat on embossure, à la chaîne de
l'ancre de l'avant. On prend cette amarre par l'arrière, et
en filant suffisamment de la chaîne et de 1 amarre, le na-
vire se trouve maintenu par ces deux attaches qui forment
— 891 —
EMBOSSAGE — EMBRANCHEMENT
un angle qui se nomme une patte d'oie. Plusieurs navires
embossés forment une ligne d'embossage.
EM BOSSU RE (Mar.) (V. Embossage).
EMBOTHRIUNI (Embothrimn Forst.) (Bot.). Genre
de plantes de la famille des Protéacées, qui a donné son nom
au groupe des Embothriées. Ce sont des arbres ou des
arbustes à feuilles alternes, simples, sans stipules, à fleurs
hermaphrodites, remarquables par leur périanthe qui a la
forme d'un long tube terminé par une boule arrondie. Le
fruit est un follicule renfermant de nombreuses graines,
pourvues au sommet d'une longue aile membraneuse. Les
espèces, au nombre de cinq, habitent les régions australes
de l'Amérique du Sud. VE. coccineum Forst. est cultivé
dans les serres de l'Europe pour ses belles fleurs d'un
rouge écarlate. Son bois est recherché, au Chili, comme
bois de construction . Ed. Lef.
EMBOUCHE (V. Engraissement),
EMBOUCHURE (Mus.). Partie d'un instrument à vent
sur laquelle on appUque les lèvres ou que l'on pince entre
celles-ci. Il y a plusieurs sortes d'embouchures. Pour les
instruments de cuivre tels que les cors, trompettes, trom-
bones, etc., l'embouchure est de métal, en cuivre ou en
argent, en forme de petit entonnoir s'adaptant directement
sur le tube de l'instrument. Pour les instruments de bois
tels que bassons, clarinettes, hautbois, etc., l'embouchure
est appelée vulgairement anche, simple ou double selon
qu'elle est formée d'une ou de deux lames de roseau mon-
tées sur une embouchure en bois et quelquefois en cristal
pour la clarinette. Elle s'adapte directement sur le corps
de l'instrument, sauf pour le basson auquel elle est reliée
par un tube en forme de S nommé bocal sur lequel elle
s'adapte. Pour la flûte, l'embouchure fait corps avec l'ins-
trument et est placée à l'extrémité du tube. — ■ On dit
également d'un instrumentiste qu'il a une bonne embou-
chure quand il sait attaquer le son avec franchise et netteté.
EMBOUDlNURE(Mar.). Nom d'une sorte de nœud ser-
vant à raccourcir des bouts de filin de petit diamètre, qui
ne sont pas d'un usage journalier et qui, par suite de leur
grande longueur relative, présenteraient à bord un aspect
de désordre, incompatible avec les habitudes maritimes.
Ex. : les cordons, tire-feu des pièces. — L'emboudinure
consiste à enrouler autour d'une mèche centrale formée par
le bout de filin lui-même une série de tours de corde suc-
cessifs placés à joindre. L'aspect extérieur du nœud ainsi
formé est cylindrique, rappelle un boudin, d'où le nom :
boudinure ou emboudinure. — On appelle aussi emboudi-
nure une garniture que l'on fait sur l'organeau d'une ancre,
quand on doit y fixer un câble en fihn, afin que le contact
du fer rouillé ne mange pas au portage l'amarre en ques-
tion. Dans ce cas, on couvre l'organeau d'une toile gou-
dronnée appelée limande, et sur cette toile on passe des
tours bien serrés d'un petit cordage.
EMBOURIE. Com. du dép. de la Charente, arr. de Ruf-
fec, cant. de Villefagnan; 268 hab.
EM BOUTÉ (Blas.). Attribut des marteaux, outils ou
instruments quelconques, pourvus à leur bout d'une virole
ou d'un anneau d'un émail particulier.
EMBOUTISSEUSE (Mécan.). L'emboutissage est l'opé-
ration qui consiste à transformer une feuille plane de métal
en une surface courbe non développable. Ainsi, avec un
disque plat de tôle, on peut faire une calotte sphérique et, en
poussant encore plus loin la déformation, on arrive à une sorte
de tube, quand le métal est très malléable. Le changement
de forme est accompagné d'une diminution d'épaisseur.
On a fréquemment besoin dans les arts d'emboutir les mé-
taux ; pour que l'opération réussisse bien sans rupture de
métal, il faut, quelles que soient les précautions prises, que
sa qualité soit très bonne et son homogénéité très grande.
Certains métaux, tels que le cuivre rouge et l'acier doux,
peuvent être emboutis à froid, mais plus généralement on
opère à chaud (V. Chaudronnerie, t. X, pp. 943 et 944).
Les machines à emboutir ou emboutisseuses sont aussi
variées que nombreuses ; aujourd'hui les grands ateliers
de construction de machines n'hésitent pas à installer de
grandes presses hydrauliques pour emboutir les tôles. On
obtient ainsi un effort plus régulier, réparti uniformément
sur toute la surface qui fatigue moins la tôle et qu'on peut
régler à volonté de manière à donner des déformations
successives, préparant graduellement la forme définitive.
La surface de la tôle reste plus lisse et conserve une épais-
seur uniforme ; on évite en même temps toutes les criques
et fissures qu'entraîne souvent l'emboutissage à la main,
si soigné qu'il soit. Cette méthode a seulement l'inconvé-
nient d'exiger un outillage dispendieux, puisqu'il faut avoir
autant de matrices qu'on veut conserver de formes inter-
médiaires entre la tôle plane et l'objet fini. Une emboutis-
seuse hydraulique très employée est à trois pistons actionnés
par une presse hydraulique dont deux verticaux et un ho-
rizontal. La tôle à travailler est emboutie à plusieurs
reprises, en rabattant à chaque fois le bord sous l'action
de ces pistons. Pour emboutir un fond de chaudière, par
exemple, on chauffe la tôle sur une longueur de l«^oO,
puis on l'amène sur une étampe en forme de segment de
cercle ; quand la pièce est en position, on abaisse le pre-
mier piston vertical qui joue le rôle d'étau et empêche ainsi
tout entraînement de la tôle ; on abaisse ensuite le second
qui est terminé par une tête de forme spéciale pour ra-
battre la tôle sur le bord de l'étampe. Cette opération ter-
minée, on relève les deux pistons et on fait tourner la
plaque autour d'un pivot pour présenter à l'outil une nou-
velle surface ; on répète la manœuvre précédente, et on
arrive ainsi à rabattre toute la partie de la tôle qui a été
chauffée. Après que le bord est ainsi rabattu, on fait agir
le piston horizontal, en lui présentant successivement
toutes les parties de la collerette de manière à faire dis-
paraître toutes les irrégularités. Certains ateliers opèrent
l'emboutissage au marteau-pilon ; on arrive plus rapide-
ment au même résultat qu'avec la presse. Un pilon d'un
poids de "25 tonnes suffit pour préparer des fonds de chau-
dières de sucreries dont le diamètre dépasse quelquefois
2 m. et dont l'épaisseur au centre atteint 10 millim. Lors-
qu'on veut obtenir des pièces en forme de calotte présen-
tant au centre un surcroît d'épaisseur considérable, il
est nécessaire de préparer, à l'avance, la tôle, et de
l'amincir sur les bords ; nous citerons le cas des creusets
en fer, servant au traitement de l'argent au Mexique et
qui sont préparés par emboutissage, en ménageant au centre
un surcroît d'épaisseur de o millim. environ. La tôle plane
est tournée à cet effet sur les bords et on y laisse seule-
ment une épaisseur inférieure de quelques millimètres à
l'épaisseur définitive, car le métal se trouve refoulé exté-
rieurement sous l'action du pilon emboutisseur. L. Knab.
EMBRANCHEMENT.I.Sgiencesnaturelles(V. Science,
Botanique, Zoologie).
IL Chemins de fer. — Ce mot s'emploie pour désigner
soit le raccordement de deux lignes de chemins de fer, soit,
parmi ces deux Hgnes, celle qui est considérée comme
la moins importante. L'embranchement d'une hgne sur
une autre peut se faire au moyen d'une bifurcation
(V. ce mot) ; il peut également avoir lieu sans qu'il y ait
croisement effectif des rails de l'embranchement avec ceux
de la ligne principale. C'est de cette seconde manière
que s'établissent généralement les embranchements, quand
ils aboutissent dans des gares déjà existantes ; on a ainsi
l'avantage de laisser complètement libres les voies prin-
cipales de la gare, condition très favorable à la sécurité,
surtout lorsque la grande ligne est parcourue par des trains
express qui ne s'arrêtent pas dans cette gare. Les dispo-
sitions techniques à adopter en cas d'embranchement par
bifurcation ont été décrites à propos des mots Aiguille,
Changement et Croisement ; il reste à faire connaître les
mesures prises pour assurer la sécurité à la rencontre des
deux lignes. Ces mesures sont diverses et varient suivant
les compagnies exploitantes : elles sont seulement sou-
mises à des prescriptions générales édictées par l'adminis-
tration des travaux pubhcs. A titre d'exemple très simple,
EMBRANCHEMENT
— 892 —
nous citerons la disposition adoptée aux bifurcations de la
Compagnie de l'Ouest. Lafig. ci-dessous représente la bifur-
cation d'Asnières : deux lignes à double voie s'y réunissent
au moyen des deux aiguilles A et B ; ce sont les lignes de
Mantes à Paris, et d'Argenteuil à Paris. Les signaux sui-
vants sont établis pour assurer la sécurité : 4^ trois si-
gnaux avancés 4,6 et 8, destinés à protéger à distance
les voies de la ligne principale (Paris-Mantes), lorsqu'elles
sont occupées à l'embranchement ou à ses abords ; 2<* deux
signaux carrés d'arrêt absolu 2 et 4, un pour chacune des
directions de l'embranchement, afin de pouvoir arrêter les
trams qui se présenteraient lorsque les voies y sont occu-
pées. En outre, des enclenchements du système Vignier
sont établis comme il suit : le signal 4 est enclenché :
l'' avec le signal 8, de manière que ce dernier soit fermé
avant qu'on ferme le signal 4 ; 2^ avec le signal 2, de
manière que chacun de ces deux signaux ne puisse être
ouvert que si l'autre est fermé ; 3^ avec l'aiguille A, de
telle sorte que celle-ci ne puisse être faite pour la direc-
tion de droite que lorsque le signal 4 est à l'arrêt. Voici
maintenant les règles adoptées pour la circulation. En
principe, l'une des trois directions Paris-Mantes, Mantes-
Paris, Argenteuil-Paris est normalement ouverte au passage
des trains, qui doivent seulement réduire leur vitesse à
20 kil. à l'heure : c'est la direction de Paris à Mantes qui
est toujours ouverte. Au contraire, celle d'Argenteuil à
Paris est normalement fermée, et tous les trains venant de
cette direction doivent s'arrêter au signal 2 qui est tou-
jours fermé ; ces trains ne peuvent pénétrer sur la grande
ligne que lorsque le garde de l'embranchement leur a ou-
vert ce signal, ce qui ne peut se faire, en vertu des enclen-
chements, qu'en mettant le signal 4 à l'arrêt. De cette
Bifurcation d'Asnières.
manière, aucune rencontre n'est possible entre les trains
qui passent à la bifurcation.
Les embranchements peuvent être publics ou particu-
liers ; les premiers sont ceux qui raccordent deux lignes
en exploitation ; les seconds servent à relier à une ligne
exploitée une usine ou un établissement industriel situés
à proximité du chemin de fer. Au moment de la constitu-
tion des grandes compagnies françaises et de la concen-
tration entre leurs mains de la plus grande partie des
lignes du réseau national, il était nécessaire de réserver
pour l'avenir la possibilité de créer des lignes nouvelles
et des embranchements particuliers, et l'on a inséré dans
le cahier des charges général des grandes compagnies
les clauses suivantes, qui font l'objet des art. 61 et 62.
L'art. 61 est ainsi conçu : « Art. 61 . Le gouvernement
se réserve expressément le droit d'accorder de nouvelles
concessions de chemins de fer s'embranchant sur le chemin
qui fait l'objet du présentcahier des charges, ou qui seraient
établis en prolongement du même chemin. La Compagnie
ne pourra mettre aucun obstacle à ces embranchements,
ni réclamer, à l'occasion de leur établissement, aucune in-
demnité quelconque, pourvuqu'il n'en résulte aucun obstacle
à la circulation, ni aucuns frais pour la compagnie. Les
compagnies concessionnaires de chemins de fer d'embran-
chement ou de prolongement auront la faculté, moyennant
les tarifs ci-dessus déterminés et l'observation des règle-
ments de police et de service établis ou à établir, de faire
circuler leurs voitures, wagons et machines sur les chemins
de fer, objet de la présente concession, pour lesquels cette
faculté sera réciproque à l'égard desdits embranchements
et prolongements. Dans le cas où les diverses compagnies
ne pourraient pas s'entendre entre elles sur l'exercice de
cette faculté, le gouvernement statuerait sur les difficultés
qui s'élèveraient entre elles à cet égard. Dans le cas où
une compagnie d'embranchement ou de prolongement, joi-
gnant les lignes qui font l'objet de la présente concession,
n'userait pas de la faculté de circuler sur ces lignes,
comme aussi dans le cas où la compagnie concessionnaire
de ces dernières lignes ne voudrait pas circuler sur les
prolongements et embranchements, les compagnies seraient
tenues de s'arranger entre elles, de manière que le ser-
vice de transport ne soit jamais interrompu aux points de
jonction des diverses lignes. Celle des compagnies qui se
servira d'un matériel qui ne serait pas sa propriété, payera
une indemnité en rapport avec l'usage et la détérioration
de ce matériel. Dans le cas où les compagnies ne se met-
traient pas d'accord sur la quotité de l'indemnité ou sur
les moyens d'assurer la continuation du service sur toute
la ligne, le gouvernement y pourvoirait d'office et pres-
crirait toutes les mesures nécessaires. La compagnie pourra
être assujettie par les décrets qui seront ultérieurement
rendus pour l'exploitation des chemins de fer de prolonge-
ment et d'embranchement, joignant celui qui lui est con-
cédé, à accorder aux compagnies de ces chemins une
réduction de péage ainsi calculée : 4** si le prolongement
ou l'embranchement n'a pas plus de 100 kil., 'lO ^Iq du
prix perçu par la compagnie ; 2*^ si le prolongement ou
l'embranchement excède 400 kil., 45 ^/o; 3" si le prolon-
gement ou l'embranchement excède 200 kil., 20 ^/o; 4^ si
le prolongement ou l'embranchement excède 300 kil.,
25 «/o. >>
M. Sévène fait remarquer dans son Cours de chemins
de fer que, bien que les prescriptions de l'art. 64 soient
à la fois simples, justes et logiques en principe, elles ont
cependant donné lieu dans l'application à de nombreuses
difficultés, par suite de la divergence des intérêts en pré-
sence, qui créait presque toujours des opinions différentes
sur les meilleures dispositions à adopter. Ces difficultés ne
se sont guère présentées tant que les grandes compagnies
n'ont eu qu'à se raccorder entre elles ; mais elles ont éclaté
quand les petites compagnies se sont formées et ont
amené des lignes nouvelles qui devaient être reçues par
les anciennes hgnes. Dans bien des cas, l'entente n'a pas
pu s'établir entre les deux compagnies qui venaient se rac-
corder et, au lieu d'avoir au point de raccordement des
deux lignes une gare commune pour les desservir et d'as-
surer ainsi la continuité des transports, ainsi que le veut
Fart. 64 du cahier des charges, on a été conduit à cons-
truire dans une même ville des gares séparées, « combi-
naison vicieuse en principe, coûteuse en application, et
radicalement défectueuse pour le service de jonction ». Le
public se trouvait donc, en définitive, victime du défaut
d'entente entre les compagnies concessionnaires, naturelle-
ment portées à tenir plus de compte de leurs convenances
particulières que de Tintérêt général. Heureusement la
solution défectueuse des gares séparées n a pas eu de très
nombreuses applications et, dans le cahier des charges re-
latif aux nouvelles lignes concédées par les conventions de
1883, une modification heureuse a été introduite dans
Fart. 61, dont le dernier paragraphe se trouve ainsi conçu :
« La compagnie sera tenue, si l'administration le juge conve-
nable, de partager l'usage des stations établies à l'origine
des chemins de fer d'embranchement avec les compagnies
qui deviendraient ultérieurement concessionnaires desdits
chemins. En cas de difficultés entre les compagnies pour
l'application de cette clause, il sera statué par le gouver-
nement. »
]/établissement des embranchements particuliers n'a pas
donné naissance aux mêmes difficultés ; cela tient à ce que
l'art. 62 du cahier des charges est beaucoup plus précis
que l'art. 61 : non seulement il pose des principes, mais
il en règle d'avance l'application. L'art. 62 stipule que
chaque compagnie doit s'entendre avec tout propriétaire de
mines ou d'usines qui, offrant de se soumettre aux condi-
tions réglementaires, demande un embranchement particu-
lier ; cet embranchement est établi avec l'autorisation de
l'administration et sur un projet approuvé par elle ; la
compagnie est tenue de l'accepter et de le desservir en por-
tant les wagons à charger et à décharger jusqu'à l'aiguille
qui est l'origine de l'embranchement ; elle les reprend
ensuite à cette aiguille pour les faire emporter par ses
trains. C'est le propriétaire de mine ou d'usine qui fait, à
ses frais, la construction de son embranchement ; il paye
en outre à la compagnie le service de l'aiguille et la loca-
tion du matériel qu'il reçoit, et qu'il est obligé de garder
quelque temps sur son embranchement. Le prix de cette
location est fixé à 12 cent, par tonne pour le premier kilo-
mètre de l'embranchement, et à 4 cent, pour chaque kilo-
mètre en sus, qu'il soit coinplet ou seulement entamé. La
durée du séjour des wagons sur l'embranchement ne peut
excéder six heures, lorsque celui-ci n'a pas plus de 1 kil.
de longueur ; une demi-heure de plus est accordée pour
chaque kilomètre en sus.
Les embranchements particuliers tendent à se multiplier
de plus en plus. Ils présentent de grands avantages pour
les établissements industriels situés à proximité d'un che-
min de fer, puisqu'ils leur évitent un transbordement et un
transport en voiture. Ils sont également avantageux pour
les chemins de fer, à qui ils donnent une cHentèle assu-
rée ; en outre, les chargements et déchargements se fai-
sant directement dans l'établissement industriel, la gare
correspondante se trouve débarrassée d'autant. — On trou-
vera dans le traité de Superstructure de M. Deharme
(Paris, 1890) plusieurs exemples des dispositions adoptées
pour les embranchements particuliers. G. Humberï.
BiBL. : SÉvÈNE, Cours de chemins de fer professe à
VEcole des ponts et c/iaussees, 1876-1877, avec atlas. —
G. HuMBERT, Traité complet des chemins de fer ; Paris,
1891, 3 vol. — Palaa, Dictionnaire législatif et réglemen-
taire des chemins de fer; Paris, 1887i 2 vol. — A. Picard,
Traité des chemins de fer; Paris, 1887, 4 vol.
EMBRASEMENT (Menuis.) (V. Ebrasement).
EMBRASSE (Ameubl.). Pièce d'étoffe ou de passemen-
terie fixée à une patère et servant à relever les rideaux de
lit ou de fenêtre par le milieu. Les embrasses sont le plus
souvent de la même étoffe que celle des rideaux et garnies
de crêtes ; d'autres sont formées par des cordelières à glands
et à coulants. Leur usage remonte au xviii^ siècle, mais
elles devinrent d'un emploi général à partir du premier
Empire et de la Restauration. La tapisserie actuelle les
emploie fréquemment pour augmenter les plis des rideaux
dont elle drape nos fenêtres.
EMBRASURE. L Technologie. — Terme désignant,
dans un mur de bâtiment ordinaire, comme dans un mur
de forteresse, l'ensemble d'une baie ou ouverture comprise
entre la face extérieure et la face intérieure du mur.
— 893 — EMBRANCHEMENT — EMBRAYAGE
tandis qu'on appelle plus particulièrement ebrasement
(V. ce mot) la partie intérieure de l'embrasure, celle com-
prise entre la feuillure devant recevoir la fermeture de la
baie et la paroi intérieure du mur. Les embrasures des
baies, portes ou fenêtres, ont reçu, aux diverses époques,
différents modes de clôture ainsi que des formes et une
décoration spéciales dont il sera traité aux mots Fenêtre,
Portail, Porte, etc.
IL Fortification. — On donne ce nom soit à une ouver-
ture pratiquée dans une muraille, soit à une échancrure
faite dans un parapet pour livrer passage à la volée d'une
bouche à feu. Les premières embrasures percées dans la
maçonnerie datent de la fin du xv« siècle. Elles étaient
généralement évasées vers l'intérieur et plus larges que
hautes ; vues de l'extérieur, elles se présentaient sous la
forme de larges fentes horizontales ; pour garantir les ser-
vants des pièces contre la mousqueterie, on garnissait ces
ouvertures de volets en bois qui restaient abaissés pendant
les intervalles du tir. Tant que l'artillerie manqua de por-
tée et de précision, on fit un emploi fréquent des embra-
sures en maçonnerie tant pour les pièces de flanquement
que pour l'artillerie de rempart placée en vue des batteries
de l'assiégeant. Mais aujourd'hui on n'en construit plus
qu'autant qu'elles ne sont pas exposées au tir de plein fouet,
par exemple dans les caponnières et dans les batteries à
tir indirect placées derrière une masse couvrante. Encore
cherche-t-on à les garantir contre les coups plongeants ou
obliques par un masque-tunnel (V. Gaponnière), ou un
parapet en terre du système Haxo (V. Casemate). Lors-
qu'une embrasure est percée dans la muraille métallique
d'une casemate cuirassée ou d'une coupole, on en réduit
ordinairement les dimensions au strict minimum en choi-
sissant un système d'affût qui permette de faire tourner la
pièce autour du centre de l'ouverture. En outre, on cherche
à soustraire l'embrasure aux coups pendant les intervalles
du tir, soit en la masquant par une pièce métallique mo-
bile, quand la cuirasse est fixe, soit en imprimant à cette
dernière un mouvement de rotation ou d'éclipsé, quand il
s'agit d'une coupole. — On distingue dans une embrasure en
terre l'axe ou directrice^ le plan de fond, V ouverture
intérieure et V ouverture extérieure qui sont les décou-
pures pratiquées dans les talus intérieur et extérieur du
parapet, les joues qui soutiennent les terres de ce parapet
de chaque côté du plan de fond, la hauteur de genouil-
lère ou hauteur du fond de l'embrasure au-dessus de la
plate-forme. Suivant que la directrice est perpendiculaire
ou non à la projection de la crête intérieure, l'embrasure est
droite ou oblique. En principe, l'obliquité d'une embrasure
ne doit pas excéder 9*^. Quand on est obligé de dépasser
cette limite, on fait une brisure dans la crête de manière
à la redresser perpendiculairement à la direction du tir.
Le plan de fond peut être incliné vers l'extérieur, hori-
zontal ou incliné vers l'intérieur. Dans ce dernier cas, l'em-
brasure est dite à contre-pente ; celte disposition est
appliquée toutes les fois que les pièces ne doivent tirer que
sous de grands angles. La largeur de l'ouverture intérieure
est généralement de O'^oO, et celle de l'ouverture exté-
rieure à la base est la moitié de la longueur du fond. Les
joues sont des surfaces gauches qui rencontrent les talus
intérieur et extérieur, la plongée et le plan de fond sui-
vant des droites ; elles sont verticales dans la partie voi-
sine du talus intérieur et inclinées à 3/1 à l'autre extrémité ;
on les revêt en gabions, en saucissons ou en sacs à terre.
Le massif de terre compris entre deux embrasures con-
sécutives s'appelle merlon. L'espacement à donner à
ces embrasures varie suivant le calibre des pièces ; pour
les canons de campagne, il est de 6 m. Lorsque les direc-
trices ne sont pas parallèles, cet espacement se compte à la
queue des plates-formes ou sur le talus extérieur, suivant
que ces droites convergent vers l'intérieur ou vers l'exté-
rieur.
EMBRAYAGE (Mécan.). On désigne sous ce nom
l'organe ou le mécanisme qui a pour objet de rattacher
EMBRAYAGE - EMBRUN
— 894 —
temporairement une pièce de machine, généralement un arbre
tournant, au mouvement d'un arbre moteur. Lorsque les
deux arbres à réunir sont situés dans le prolongement l'un
de l'autre, on se contente ordinairement de les rendre so-
lidaires en les rattachant par un simple manchon que l'on
fait slisser longitudinalement, de manière à ce qu'il em-
brasse à la fois les extrémités voisines des deux arbres.
Ce manchon est constitué par un prisme creux, presque
toujours en fonte, dont le vide intérieur reproduit la section
pleine des deux arbres en bout. Cette section est quelque-
fois carrée et présente plus souvent une forme de trèfle
qui assure la solidarité des pièces par ses parties saillantes.
Lorsque le mouvement de l'arbre conduit doit être inter-
rompu d'une manière instantanée, on emploie un embrayage
formé de deux manchons à crans dont l'un est calé à de-
meure et l'autre peut glisser à volonté lé long du second
arbre pour venir engrener avec le premier manchon. Le
manchon mobile est commandé par un levier placé à la
main de l'ouvrier qui peut embrayer ou désembrayer à
volonté en agissant sur ce levier. Lorsque les deux arbres
à réunir sont simplement parallèles, sans être situés dans
le prolongement l'un de l'autre, on emploie presque tou-
jours l'embrayage par courroie sansfm. Dans la disposition
la plus fréquemment appliquée et qu'on retrouve, par
exemple, dans les ateliers de construction pour rattacher les
machines-outils à l'arbre de transmission, l'arbre conduit
reçoit deux poulies dont l'une est calée et l'autre est folle.
La courroie qui le rattache à l'arbre moteur est commandée
par une fourche d'embrayage qui permet de la faire passer
de la poulie fixe sur la poulie folle, selon qu'on veut em-
brayer ou désembrayer. Il convient qu'un bon embrayage
soit automatique, c.-à-d. qu'il arrête de lui-même le mou-
vement aussitôt que l'arbre conduit rencontre une résis-
tance trop forte. Cette propriété prévient les ruptures
fréquentes d'organes qui se produisaient autrefois, dans
les machines-outils, par exemple, lorsque l'outil arrive
en présence d'un obstacle qui arrête le mouvement. On
la réalise ordinairement en employant des embrayages à
friction : l'entraînement s'opère alors simplement par le
frottement des surfaces en contact et s'arrête, par suite,
dès que la résistance à vaincre est supérieure à la hmite
du frottement. L- Knab.
ENIBRES-et-Castelmaure. Corn, du dep. de lAude,
arr. de Narbonne, cant. de Durban; 413 hab.
EMBREVAGE (Tiss.). Terme employé dans les tis-
sages à bras pour désigner l'opération par laquelle on relie
les diftërents leviers qui actionnent les lames aux marches
sur lesquelles l'ouvrier agit avec ses pieds pour produire
les foules ou feuillets (V. Tissage).
EMBRÈVEMENT (Chorp.). Prisme en bois que l'on
ménage à l'extrémité d'une pièce venant s'assembler dans
une autre par un joint en coupe, afin d'en consolider l'as-
semblage, et aussi, dans certains cas, pour remplacer le
véritable assemblage à tenon et à mortaise. Lorsque la
surface de l'embrèvement est taillée parallèle à celle du
joint, on dit que l'embrèvement est carré, et il y a encas-
trement (V. ce mot), lorsque la pièce recevant l'em-
brèvement est plus large que l'autre. L'embrèvement est
encore dit découvert ou apparent lorsqu'il comprend toute
la largeur de la pièce qui le reçoit, et on le dit recouyert
ou dépouillé lorsqu'il y a encastrement. — En menuise-
rie, on appelle embrèvement l'assemblage à rainure et à
languette d'un panneau avec un cadre ou un bâti, et l'embrè-
vement est simple ou double selon qu'il y a une ou deux
languettes; on dit que l'embrèvement est à vif si, au
lieu d'une ou de deux languettes, c'est la pièce à embrever
qui entre de toute son épaisseur dans le cadre ou le bâti.
EMBREVILLE. Corn, du dép. de la Somme, arr. d'Ab-
beville, cant. de Gamaches ; 543 hab.
EMBRIGADEMENT (Adm. milit.) (V. Brigade).
EMBRUN (Mar.). Gouttelettes d'eau détachées de la sur-
face de la mer ou d'une lame qui brise, par le vent, et qui
embarquent à bord d'un bâtiment ou d'une embarcation en
marche. Se dit au pluriel en général. Quand le vent est
très violent, comme dans les ouragans, ces embruns occa-
sionnent de véritables souffrances au visage ; on se croirait
piqué par des milliers d'aiguilles, tant est grande la vitesse
dont ils sont animés, et on a beaucoup de peine à tenir les
yeux ouverts.
EMBRUN. Ch.-l. d'arr. du dép. des Hautes-Alpes, au
pied du mont Saint-Guillaume, sur un rocher escarpé
dominant d'environ 100 m. la rive droite de la Durance ;
4,481 hab. Stat. du ch. de fer P.-L.-M., ligne de Veynes
à Briançon. Place de guerre de 3^ classe. Maison centrale
de détention établie dans l'ancien collège des jésuites. Ins-
pection des douanes. Inspection des eaux et forêts. Acadé-
mie Flosalpine. Collège communal. Manufacture de draps.
Histoire. — Embrun, l'antique Ebrodunum, était la
principale ville des Caturiges ; elle conserva son importance
après la conquête romaine : cité latine sous Néron, cité
alliée sous Galba, elle devint sous Adrien la métropole de
la province des Alpes Maritimes, ce qui lui valut de devenir
le siège d'un archevêché. L'intervention surnaturelle de son
premier prélat, saint Marcelin, la sauva, suivant la légende,
de l'invasion des Vandales en 433, mais elle ne fut pas
épargnée par les Lombards, les Saxons, les Huns et les
Sarrasins qui la ravagèrent successivement. Les Sarrasins
en demeurèrent maîtres pendant assez longtemps au x« siècle.
Les archevêques étaient seigneurs de la ville et furent,
durant tout le moyen âge, en lutte avec les habitants. Hs
reçurent en 1147 de l'empereur Conrad III le titre de
prince et le droit de battre monnaie. Au xiv® et au
xv^ siècle, ils se signalèrent par leurs persécutions contre
les Vaudois. Les guerres de religion ensanglantèrent la
ville à diverses reprises au xvi« siècle. Lesdiguières, en
1585, s'en empara et la rançonna. En 1629, Louis XIII,
lors de son passage à Embrun, fit démolir le château et la
citadelle pour empêcher les protestants d'en faire un centre
de résistance. En 169^2, le duc de Savoie assiégea la ville
et la prit après un bombardeaaent de treize jours. — Cinq
conciles ou synodes ont été tenus à Embrun, en 588, 1267,
1290, 1582 et 1727 ; dans ce dernier, qui eut un grand
retentissement, on déposa l'évêque janséniste de Senez,
Jean Soanen.
Archevêché d'Embrun. — Etabli, au milieu du iv^ siècle,
il avait pour suffragants les évêchés de Digne, de Vence, de
Glandève, de Senez et de Nice; il s'y ajouta, en 1244,
celui de Grasse. Le siège archiépiscopal devint en 1790
évêché suffragant d'Aix et fut supprimé en 1802. Les
archevêques étaient princes d'Embrun, comtes de Beaufort
et de Guillestre. En voici la liste chronologique :
Saint Marcellin, mort vers 374 ; Artemius, 374 ; saint
Jacques P^ vers 400; Armentaire, 439 ; Ingenuus, 441-
vers 475 ; Catulin, 517 ; saint Gallican P^ expulsé par les
Ariens; saint Pallade ; saint Gallican H, vers 541-vers
549; Saloine, vers 567: Emérite, vers 585-vers588;
Lopacharus, 614; saint Albin, vers 630; iEîherius, vers
650-vers 653 ; Vualchinus, vers 740 ; Marcellus, vers 791-
794 ; Bernardus ; Ageric, 829 ; Aribert P^ vers 853-
vers 859 ; Bermond, 876 ; Aribert II, 878 ; Ermold, 886;
Arnaud, 899 ; saint Benoît F, 900-916 ; saint Libéral, 920,
mort lors de l'invasion des Sarrasins ; Boson, 943-960 ;
Amédée, vers 970; Ponce, 992; saint Ismidias, 1007-
1010 ; Radon, vers 1016-vers 1027 ; Hismidon, vers
1033-1044 ; Yivemne, vers 1048 ; Guinervinaire, 1050-
1054; Hueues, 1054-1055; Yiminien ou Guinamand,
1055-1065; Guillaume K, 1066-1077; Pierre I^
1077; Lantelme, vers 1080-1084; Benoît H, llOo-
1118; Guillaume H, 1120-1134; Guillaume IH de
Bénévent, 1135-7 déc. 1169 ; RaimondI«^ 9 janv. 1170-
1176 ; Pierre H Romain, vers 1177-1189; Guillaume IV
de Bénévent, 1189-1208; Raimond H Sédu, 1208-vers
1212; Bernard P'^ Chabert, 1212-vers 1235; Aimar,
1236-23 mai 1245; Humbert, 1246-1250; Henri de
Suze, 1250-6 nov. 1261; Melchior, 1267-1275; Jac-
ques H Sérène, 1275-1286 ; Guillaume V, 4 août 1286-
895
EMBRUN — EMBRYOLOGIE
1289; Raimond III de Médullion, 8 oct. 1289-28 juin
1294; Guillaume VI de Mandagot, 28 mars 129r)-mai
1311 ; Jean P^ du Puy, 22 mai 1311-sept. 1317 ; Rai-
mond IV Robaud, 1319-vers 1323; Bertrand le»* de Deaulx,
o sept. 1323-1338; Pasteur de Sarrats, 27 janv. 1338-
17 déc. 1350 ; Guillaume VII de Bordes, 16 févr. 13ol-
1361 ou 1363; Raimond V de Salg, 1363-1364 ; Rer-
trand II de Castelnau, 8 janv. 1364-5 sept. 1365 ; Ber-
nard II, 1365-1366; Pierre III Ameil, 1366-18 déc.
1378: Michel Etienne, J 379-1 «^ mai 1427; Jacques III
Gelu, juil. 1427-7 sept. 1432; Jean II Girard, 1432-17
janv. 1457; Jean HI de Montmagny, 1457-vers 1470;
JeanIVBaile, vers 1470-sept. 1494 ; Rostaingd'Ancezune,
oct. 1494-1510; Jules de Médicis (pape Clément VII),
1510-1511 ; Nicolas de Fiesque, cardinal de Gênes, 1511-
1516; François de Tournon, 1517-1525; Antoine de
Lévis de Château-Morand, 1526-1551; Balthasar de
Jarente, 1551-27 juin 1555 ; Louis de Laval de Bois-
Dauphin, 1554 ; Robert, cardinal de Lenoncourt, 23 mars
1556-7 févr. 1560; Guillaume VIII, cardinal d'Avançon
de Saint-Marcel, 1561-juil. 1600; Honoré du Laurens,
i6 déc. 1601-24 janv. 1612; Guillaume IX d'Hugues,
i6 nov. 1612-24 oct. 1648 ; Georges d'Aubusson de La
Feuillade, 12 sept. 1649-4 sept. 1668 ; Charles Brùlart
de Genlis, 1668-3 nov. 1714 ; François-Elie de Voyer de
Paulmy d'Argenson, 12 janv. 1715-23 avr. 1719; Jean-
François-Gabriel de Hénin-Liétard,l^' nov. 1719-26 avr.
1724 ; Pierre IV Guérin, cardinal de Tencin, 2 juil. 1724-
nov. 1740 ; Bernardin-François Fouquet, 8 janv. 1741-
1767 ; Pierre-Louis de Leyssin, 5 juil, 1767-1790 ; Ignace
Caseneuve, évêque constitutionnel, 3 avr. 1791-1793.
Monuments. — Le plus remarquable des monuments
d'Embrun est la cathédrale, qui a longtemps passé pour
dater de l'époque carolingienne, mais qui est en réalité de
l'époque romane. C'est un édifice à trois nefs sans transept
dont beaucoup de parties sont postérieures à la construction
primitive. Le portail nord est le. plus ancien et le plus inté-
ressant ; il a servi de modèles à plusieurs églises de la
région. Il est précédé d'un porche dont la lourde toiture
repose sur des colonnes de marbre rose à curieux chapi-
teaux historiés et dont la base est soutenue par des lions.
En arrière du porche, le portail est encadré de colonnes
accouplées, reposant sur des personnages à jambes croisées.
Dans le tympan est un Christ entouré des figures symbo-
liques des quatre évangélistes, sculpture du xi® siècle qui
avait été masquée au xiii® et remplacée par une figure
représentant la Vierge. La façade de l'église a été refaite
au xni® siècle et est percée d'une grande rose du xv® ; elle
est flanquée d'une tour carrée surmontée par une flèche de
pierre. Les voûtes de la grande nef sont sur croisées d'ogives
très surbaissées; celles des nefs latérales sont en plein
cintre. A l'intérieur se conserve une cuve baptismale en
marbre jaunâtre. On sait le culte que professèrent plusieurs
rois de France et notamment Louis XI pour N.-D. d'Em-
brun ; il a valu à l'église les riches ornements anciens qui
se conservent dans la sacristie. Deux fers de mule cloués
derrière le portail, et qui sont probablement un ancien ex-
voto, passent pour les fers du cheval de Lesdiguières qui
se serait cabré lorsqu' après la prise de la ville le connétable
aurait voulu pénétrer dans l'église. Derrière la cathédrale,
enclavée dans la gendarmerie, s'élève une haute tour
romane, carrée, nommée la tour Brune. En face de l'église,
la maison du prévôt, décorée de sculptures, date du
xiv^ siècle. L'ancienne église des Cordeliers sert aujourd'hui
de halle ; elle a conservé une ancienne chapelle romane et
des peintures du xv® siècle. Sur l'emplacement de l'an-
cienne forteresse romaine qui devint le château fort du
moyen âge, s'était établi un couvent de capucins, converti
aujourd'hui en logement du commandant de place et en
bureaux de l'état-major et du génie.
ENIBRUNOIS (Ebrodunensis pagus). Ancien pays de la
Gaule ayant Embrun pour capitale, qui devint au moyen
âge un comté. Il était compris entre le Briançonnais au N.
et à l'E., la vallée de Barcelonnette au S., le Gapençais et
le Grésivaudan à l'O.
EMBRY. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. de Mon-
treuil-sur-Mer, cant. de Fruges; 568 hab.
EMBRYOGÉNIE (V, Embryologie).
EMBRYOLOGIE. L'embryologie est l'histoire du déve-
loppement des êtres vivants. L'homme, l'animal le plus
élevé de la « création », comme tout autre animal, comme
la plante la plus vulgaire, sort d'un œuf qui n'est qu'une
simple cellule. Le développement de cet œuf (V. Cellule
et ŒIuf) aboutit à la reproduction d'un être semblable à
celui d'où il est sorti, mais cela seulement après de mul-
tiples transformations qui sont autrement merveilleuses que
les métamorphoses si connues du papillon. C'est ainsi que,
pendant le cours de sa vie embryonnaire, l'homme commence
par une forme qui rappelle celle des cœlentérés, puis il
passe par une autre dans laquelle il ressemble aux poissons
pour de là atteindre la forme des amphibies, puis celles des
mammifères inférieurs avant de réaliser le type de son
espèce propre. Cette constatation a conduit les naturalistes
philosophes à considérer Vontogénie (V. ce mot), c.-à-d.
l'histoire du développement individuel de l'organisme hu-
main, comme une récapitulation brève et abrégée de la phy-
logénie, c.-à-d. l'histoire du développement des formes ani-
males, desquelles, peu à peu, dans le cours d'innombrables
siècles, est sortie l'espèce humaine. Les lois de l'hérédité
et de l'adaptation établissent qu'entre l'évolution de l'em-
bryon et celle de la tribu, il y a un lien étiologique, et,
quand on a bien compris ces lois, on peut admettre que la
phylogénèse est la cause mécanique de l'ontogenèse. Ainsi
se comprend l'un des phénomènes les plus extraordinaires
de la nature, à savoir la cause de la forme des corps orga-
nisés. Quant à la raison pour laquelle l'homme durant sa
vie embryonnaire passe par cette série de formes, nous ne
l'avons bien comprise que depuis que Lamarck et Darwin
ont élevé leur doctrine généalogique (V. Développement,
Evolution, Transformisme).
Si nous négligeons les connaissances forcément restreintes
d'Aristote en embryologie, et celles de Fabrice d'Aqua-
pendente, Spigel, Needham, Ilarvey, Swammerdam et Mal-
pighi qui, au xvii® siècle, marquèrent pour l'anatomie et
l'embryogénie une époque de renaissance, nous pouvons
dire que l'histoire vraiment scientifique du développement
de l'homme et des animaux date de Gaspar-Friedrich Wolff
(1759). Ce grand naturaUste établit toute l'inanité de la
fameuse théorie de la préformation, de la préexistence et
de l'emboîtement des germes (V. Préformation et Emboî-
tement DES germes) qui peut se résumer ainsi : l'embryon,
miniature de l'homme adulte, est dans l'œuf, et, toutes les
générations passées, présentes et à venir, ont été emboî-
tées dans l'ovaire de notre commune mère Eve. Par sa
théorie de l'épigénèse, il sortit l'embryologie de l'ornière
des faits confus dans laquelle elle se débattait en vain,
en démontrant la création successive des organes par la
différenciation d'un seul élément cellulaire résultant de la
fusion de la cellule mâle et de la cellule femelle. — Wolff
n'eut pas la consolation de voir le triomphe de ses idées.
Combattu à la fois par le camp des « ovistes » et celui des
« animalculistes » ou « spermistes », sa mémoire attendit
que Meckel, en 1812, eût rappelé l'attention sur son œuvre
de génie, la Theoria generationis. Pendant ce temps, le
malheureux Wolff mourait (1794), proscrit par ses com-
patriotes, auprès delà grande Catherine, qui lui avait offert
un refuge honorable à Pétersbourg. (iuoi qu'il en soit, Wolff,
par sa théorie de l'épigénèse, montra la véritable nature du
développement des êtres vivants ; il fit voir comment tout
l'organisme dérive de simples feuillets membraneux, et fut
le précurseur de la « théorie cellulaire ».
Un peu plus tard (1814-1817), Dœllinger et Pander
accumulent à leur tour des faits de détail en embryogénie,
et avec eux s'élève un naturaliste de premier ordre, Karl-
Ernst Baer qui, dans son Entwickelungsgeschichte clcr
' Thiere (1820-1837), donna la théorie fondamentale des
EMBRYOLOGIE
896 —
feuillets germinatifs, et fit voir comment de ces feuillets,
par simple formation tubulaire, résultent le système nerveux
central, le canal intestinal, la corde dorsale, le cœur, etc.
Ses immortels travaux préparèrent les lois fondamentales
de la morphologie générale, à savoir que le type du déve--
loppement est le résultat mécanique de l'hérédité, tandis
que le degré de perfectionnement est le résultat méca-
nique de l'adaptation. Le type dépend delà position relative
des éléments anatomiques et des organes ; le degré de per-
fection du corps est le résultat d'une différenciation histo-
losique et morphologique toujours croissante. Les travaux
de Baer excitèrent fesprit des chercheurs, et ainsi on vit
naître de nombreux mémoires sur la science du développe-
ment, ceux de Purkinje, Prévost et Dumas, Coste, Wagner,
Rusconi, W. Bischoff, Dugès, Serres, Rathke, etc., qui nous
fixèrent en grande partie sur l'embryologie descriptive et
svstéma tique.
"^ En 4838, Schwann (de Berhn), en fondant la fameuse
« théorie cellulaire », fit faire à la science un pas décisif.
Omnis cellula e cellula, voilà la formule.— Tout dans la
plante comme dans l'animal se ramène en dernière ana-
lyse à des cellules ; l'œuf est une cellule, les feuillets ger-
minatifs sont des membranes cellulaires, l'animal est une
colonie de cellules hiérarchisées et disciplinées. Vhisto-
génie (V. ce mot) était née, et avec elles les remarquables
acquisitions de l'embryogénie moderne, auxquelles se rat-
tachent les noms de Remak, Kupffer, Kowalevsky, Cari Vogt,
Goette, His, Balfour, Kœlliker, Van Beneden, Waldeyer,
Mathias Duval, Hertwig, Hœckel, etc. Avec l'école trans-
formiste, enfin, l'embryologie, si utile pour élucider la
question de l'origine des espèces, a acquis son apogée.
L'embryogénie, en montrant qu'un embryon, pour arriver
à l'état de sujet achevé, traverse différentes formes tran-
sitoires dans lesquelles son organisation rappelle l'état défi-
nitif d'espèces inférieures, a fourni le critère le plus sûr des
classifications zoologiques, qui sont ainsi ramenées à la for-
mule d'arbres généalogiques. Et ce qui est vrai de i'en-
.semble d'un organisme l'est également pour chacun de ses
organes ! Que l'on se rappelle à cet égard ce que disait
Serres en 1842 : « L'organogénie humaine est une ana-
tomie comparée transitoire, comme à son tour l'anatomie
comparée est l'état fixe et permanent de l'organogénie de
l'homme. » i,. i
Après ce préambule historique, arrivons à 1 étude propre
de l'embryogénie ou étude du développement de l'embryon.
L'animal nait d'un œuf (Omne vivum ex ovo) qui se
développe dans une glande de la femelle appelée ovaire
(V. (Miiv et Ovaire) ; mais pour que cet œuf donne nais-
sance à un animal, il faut qu'il soit fécondé, c.-à-d. qu'il
ait été imprégné par la semence du mâle qui se forme dans
une autre glande appelée testicule (V. Fécondation et
Sperme). En un mot, il est nécessaire, pour qu'un embryon
sorte de l'œuf, que le noyau de ce dernier se soit conjugué
avec le novau de l'élément mâle, la tête du spermatozoïde.
Une fois que l'ovule s'est divisé par kariokynèse, une
fois qu'il a expulsé ses globules polaires, il est mûr et apte
à être fécondé. Le spermatozoïde l'aborde et se confond
avec le noyau de l'œuf. De la conjugaison de ces deux
noyaux, pronucleus mâle et pronucleus femelle, résulte un
noyau unique, le noyau embryonnaire, qui n'est qu'une
cellule hermaphrodite contenant à la fois les éléments du
père et de la mère, et qui dans ses segmentations succes-
sives fournira des cellules qui toutes contiendront à la fois
une parcelle du père et une parcelle de la mère. On conçoit
de la sorte, les tissus, les organes, les humeurs n'étant que
des colonies de cellules, le mécanisme intime de l'hérédité
physiologique et pathologique.
Ainsi modifiée, l'ovule est devenu un véritable organisme
monocellulaire, comparable à un amibe, et contenant en soi
la puissance proUférative qui le dédoublera bientôt en une
véritable colonie de cellules par des bipartitions ou segmen-
tations successives. Cette segmentation de l'ovule fécondé,
noyau embryonnaire ou première sphère de segmentation.
sera partielle si l'œuf appartient à la catégorie des œufs
méroblastiques, et totale s'il appartient à la catégorie des
œufs holoblastiques. Cette segmentation peut aussi être égale
ou inégale selon que les sphères de segmentation sont
égales ou différentes entre elles quant au volume. Mais, au
fond, ces divers modes de division reviennent toujours à
une division cellulaire par kariokynèse, et celle-ci finit par
transformer l'œuf en une masse de cellules agglomérées à
laquelle, en raison de son aspect, on a donné le nom de corps
muriforme ou monda, stade dans lequel l'œuf des ver-
tébrés rappelle un invertébré, la larve ciliée de certains
volvox. Bientôt dans le centre de cette masse de cellules
s'amasse un hquide clair qui refoule les cellules à la péri-
phérie, si bien qu'à un moment donné succède à la sphère
pleine une sphère creuse, dont la paroi est formée par les
cellules précédentes juxtaposées en membrane, véritable
épithélium, car les cellules ont pris dès lors les caractères
de cellules épithéliales.
La sphère s'appelle la blastosphère, blastula ou vési-
cule blastodermique, la paroi le blastoderme et la cavité
la cavité blastodermique ou cavité de segmentation.
Cette cavité s'efface bientôt. L'hémisphère inférieur de
la blastosphère se déprime et s'invagine dans l'hémisphère
supérieur, si bien que la poche primitive à un seul feuillet
se transforme en une poche à double feuillet. A ce stade
l'œuf a réalisé la forme gastrula dans laquelle il est com-
parable aux cœlentérés. Ses deux feuillets épithéliaux sont
les deux feuillets primaires dn blastoderme ;s2i cavité, c'est
la cavité d'invagination ou archentéron; son orifice,
c'est le blastopore ou anus de Rusconi. Dans ce mode
de formation, nous avons une gastrula par invagination
dont le type nous est présenté par l'Amphioxus. Entre
les deux feuillets blastodermiques primaires, l'ectoderme
ou épiblaste en dehors, l'endoderme ou hypoblaste en
dedans, s'en montre bientôt un troisième, le feuillet moyen,
mésoderme ou mésoblaste. Ce dernier provient de l'en-
doderme par invagination de chaque côté de la corde dor-
sale ; quand sa cavité a cessé de communiquer avec la
cavité gastruléenne par suite de l'oblitération de l'orifice
d'invagination des parentères, elle prend le nom de cavité
pleur o-péritonéale, cavité générale du corps ou cœlome
(entéro-cœlome d'Hertwig), et l'endoderme est redevenu
continu (endoderme définitif). Des deux lames du mésoderme
ainsi dédoublé par la fente pleuro-péritonéale, la supérieure
s'accoU à l'ectoderme pour constituer avec lui le feuillet
fibro-cutané ou somalopleure, et l'inférieure s'unit à l'en-
doderme pour former avec lui le feuillet fibro-intestmal ou
splanchnopleure. Il faut savoir pourtant que chez les verté-
brés supérieurs on n'a pas encore pu découvrir que le cœlome
soit réellement un diverticule de l'archentéron. A ceux-là
on a réservé le nom de pseudocéliens par opposition aux
autres qu'on a appelés enter océliens, parce que chez eux
le tissu intermédiaire aux deux feuillets primaires ne serait
pas un v,éritable mésoderme, mais un tissu conjonctifjeune
auquel on a donné le nom de mésenchyme, et que le cœlome
serait une fausse cavité pleuro-péritonéale formée par déla-
mination. .
Sur l'œuf de poule fraîchement pondu et non incube, le
blastoderme forme une tache d'environ 3 millim. de diamètre,
dont le centre est d'un blanc moins intense que la péri-
phérie, à cause de sa plus grande minceur. A la périphérie
du blastoderme l'ectoderme se continue avec l'endoderme.
Epaissi à ce niveau, il porte le nom de bourrelet blasto-
dermique ou marginal. A sa partie postérieure, il porte
une dépression ou encoche qui est le début de la ligne pri-
mitive. Au-dessous de lui se développe une fente pleine
de liquide albumineux, la cavité sous-germinale de Mathias
Duval. Tendu au-dessus de cette cavité comme une toile
mince, le blastoderme prend à cet endroit l'aspect trans-
parent en forme de poire qui a valu à cette portion du
blastoderme le nom d'aire transparente. Quand cette aire
a gagné la partie postérieure du blastoderme, elle laisse
bien voir par transparence l'encoche ou suture appelée
- 897 —
EMBRYOLOGIE
ligne primitive sous la forme d'une ligne obscure. Celle-ci
conduit dans la cavité sous-germinale limitée en haut par
l'endoderme primitif. On peut donc dire que, si la cavité
sous-germinale représente la cavité gastruléenne, la ligne
primitive représente le blastopore. Seulement la gastrula
icis'est formée non plus par invagination,comme nous l'avons
exposé plus haut, mais par délamination. Un peu après, le
feuillet externe s'étend progressivement de façon à enve-
lopper le jaune, et en même temps le feuillet interne pro-
lifère également pour suivre le mouvement de l'ectoderme.
A ce moment apparaît le feuillet moyen. Les uns le font
sortir de l'endoderme de chaque côté de la ligne primitive,
les autres de l'ectoderme. Quoi qu'il en soit, le mésoderme
s'insinue entre l'ectoderme et l'endoderme ; il dépasse l'aire
transparente et forme ce que l'on a appelé Vaire opaque,
qui deviendra Vaire vasculaire quand les vaisseaux paraî-
tront, et en dehors de celle-ci Vaire vitelline. Pour les
anciens auteurs, Remak, Kœlliker, le mésoderme est cons-
titué par tous les éléments embryonnaires compris entre
les deux feuillets primaires, et tous ces éléments ont la
même origine. Pour les embryolo^istes plus modernes,
His, Hertvvig, etc., on doit au contraire considérer le méso-
derme comme formé de deux portions, une qu'ils appellent
archiblastique, l'autre qu'ils ont nommée parablastiqiie.
La première, archiblaste ou zone intra-embryonnaire,
dériverait de l'endoderme primitif ; la seconde, parablaste
de His, mésenchy germe de Hertvvig, proviendrait des
noyaux du germe ou plutôt de l'endoderme vitellin qui
entoure le vitellus et double l'endoderme proprement dit.
Le parablaste pénètre ultérieurement dans le corps de
l'embryon, se met en relation avec l'archiblaste et s'orga-
nise en mésenchy me (V. ce mot) aux dépens duquel se
développeront le tissu conjonctif et le sang. Telles sont, en
résumé, les fameuses théories du parablaste et du mé-
senchy me des Allemands.
Dans l'œuf des mammifères, dont la segmentation est
inégale, la gastrula se forme par épibolie; les sphères
ectodermiques se multipliant plus vite, enveloppent les
sphères endodermiques en ne laissant à découvert qu'un
seul point auquel par analogie on a donné le nom de blas-
topore par lequel font saillie les cellules endodermiques
en une sorte de bouchon analogue au bouchon d'Ecker, qui
obture l'anus de Rusconi dans l'œuf des batraciens. A
cette forme de l'œuf des mammifères. Van Beneden a ré-
servé le nom de métagastnda. Un peu plus tard l'ecto-
derme recouvre le blastopore, un liquide s'amasse dans
l'œuf et refoule la masse endodermique contre la face in-
terne de l'ectoderme, là où était le blastopore. Cette masse
constitue dès lors l'amas endodermo-mésodermique, et
l'œuf est transformé en une vésicule blastodermique, dont
la cavité a été regardée comme une cavité blastuléenne
(homologue à la cavité sous-germinale de l'œuf d'oiseau)
par les uns (mais alors le stade précédent ou de la méta-
gastrula ne saurait représenter une gastrula ?) et par
d'autres comme un véritable sac vitellin vide de jaune.
Quoi qu'il en soit, l'amas endodermo-vitellin se dessine à
ia surface extérieure de la vésicule comme une tache
opaque, la tache ou aire embryonnaire ; un peu plus tard
il s'aplatit et s'étale à la face profonde de l'ectoderme.
Tout d'abord circulaire, l'aire embryonnaire devient ova-
laire, puis piriforme ou en raquette, et à son extrémité
postérieure apparaît la ligne primitive limitée à sa partie
antérieure par une tache claire (nœud de Ilensen), en
avant de laquelle se creusera bientôt un sillon, la gout-
tière primitive. De chaque côté de la ligne primitive se dé-
veloppe ensuite le mésoderme comme clans l'œuf d'oiseau.
Le blastoderme est alors complet et on a sous les yeux
l'ébauche de l'embryon, car le corps tout entier de celui-
ci va sortir du développement progressif et spécialisé des
trois feuillets blastodermiques.
Continuons l'exposé de l'origine et de l'évolution de
l'embryon. Après la formation de la ligne primitive se forme
en avant de celle-ci une gouttière qui s'avance d'avant en
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
arrière sur la portion axiale de l'aire embryonnaire et em-
brasse en arrière la ligne primitive. Cette gouttière, qui
résulte d'une dépression de l'ectoderme, c'est la gouttière
médullaire, origine du né vraxe. Voici comment les choses
se passent sur la ligne axiale. L'ectoderme s'épaissit en
une sorte de plaque que l'on a appelée la plaque médul-
laire. Les bords de cette plaque se relèvent bientôt et
marchent l'un vers l'autre en formant une crête de chaque
côté, crêtes dorsales ou médullaires, au niveau où ils se
continuent avec le reste de l'ectoderme (épiderme du corps).
Les deux crêtes finissent par se rencontrer ; elles se sou-
dent ensemble, se séparent des lames épidermiques ou cor-
nées qui s'unissent aussi au-dessus d'elles, et dès lors
la gouttière médullaire est remplacée par un tube qui est
l'origine du système nerveux central (V. Encéphale et
Moelle épinière). De l'ectoderme sortent donc à la fois la
moelle et le cerveau avec les nerfs d'une part etl'épiderme
du corps de l'autre avec tous ses dérivés (poils, ongles,
glandes de la peau, vésicules et corpuscules sensoriels).
A une époque un peu plus avancée du développement,
on voit se former, au-dessous et tout le long de la gout-
tière médullaire, un cordon cellulaire. Ce cordon, qui court
entre les deux feuillets primaires, entre les deux moitiés
du mésoderme, c'est la notocorde ou corde dorsale
(V. Rachis), que les uns regardent encore comme une por-
tion isolée du mésoderme, les autres comme dérivée d'une
invagination de l'endoderme, dernière constatation que
Kollmann aurait faite récemment (1890) sur un embryon
humain d'une quinzaine de jours.
A cette époque, le canal neural communique avec la ca-
vité intestinale primitive (archentère) par l'intermédiaire
du blastopore et l'entremise d'un conduit appelé canal
neur enter ique, découvert par Kowalevsky chez l'Am-
phioxus. Une communication analogue existe aussi chez
les oiseaux par l'intermédiaire de la ligne primitive, et
chez les mammifères par l'intermédiaire de la corde
dorsale. Celle-ci est au début une gouttière qui se met en
rapport par son extrémité postérieure avec la partie anté-
rieure de la ligne primitive, partant la gouttière médul-
laire. Or, comme la gouttière cordale communique avec la
gouttière intestinale, on comprend que cette union repré-
sente le canal neurentérique. Seulement la communication
n'est réalisée à aucun moment entre la cavité médullaire et
intestinale, parce que la gouttière cordale est oblitérée
lorsque la gouttière médidlaire arrive à la ligne primitive.
La tache embryonnaire, continuant son évolution, prend
la forme d'une semelle de soulier. En même temps naît,
vers son extrémité antérieure, une aire transparente qui
s'avance progressivement en arrière et sépare l'ébauche
embryonnaire de l'aire opaque. Le mésoderme s'est étendu
dans toute l'aire embryonnaire, sauf à la partie antérieure
de la ligne axiale. Il se divise alors longitudinalement de
chaque côté de la notocorde en deux portions, l'une in-
terne, qui constitue la lame vertébrale, l'autre externe,
qui forme la lame latérale. A son tour, la lame verté-
brale se segmente transversalement en disques cubiques,
disposés symétriquement par paires de chaque côté de la
corde dorsale ; ces pièces sont connues sous le nom de
somites, métamères ou protovertèbres, et la segmenta-
tion sous le nom de métamérie du corps. Chacune de
celles-ci est creuse d'emblée chez les vertébrés inférieurs,
mais chez les animaux supérieurs c'est, au début, une
masse cellulaire compacte qui se creuse secondairement
d'une cavité qui la sépare en deux portions, l'une ventrale,
nommée prévertèbre, l'autre dorsale, appelée plaque mus-
culaire. Aux dépens de l'épithélium qui constitue cette
dernière se développeront les muscles squelettiques ; aux
dépens de la première, les éléments de la colonne verté-
brale. Peu après, les lames latérales subissent un cli-
vage qui les divise en deux feuillets et fait apparaître
une cavité à leur centre. Des deux feuillets, l'un s'unit à
l'ectoderme, nous l'avons dit, pour constituer la somato-
pleure, l'autre s'unit à l'endoderme pour former la splanch-
57
EMBRYOLOGIE
898 —
nopleure. La cavité, c'est la fente pleuro-péritonéale qui
ne s'avance pas jusqu'à la région céphalique, et dont les
restes chez l'adulte se voient dans les cavités pleurale et
péricardique et le péritoine.
Jusqu'ici, la masse embryonnaire couchée à plat sur la
cavité blastodermique n'est qu'un petit segment de sphère
ayant une épaisseur plus grande et une constitution histo-
logique différente de celle du reste de la paroi. Mais doré-
navant l'embryon va se distinguer nettement du reste de
la paroi générale de la blastosphère par suite du reploie-
ment de ses bords. Voici comment se fait ce reploiement
de l'ébauche embryonnaire qui subdivise la blastosphère en
deux portions, une embryonnaire, l'embryon lui-même,
l'autre extra-embryonnaire, la vésicule ombilicale. L'ébauche
s'incurve sur elle-même vers le centre de l'œuf; les
extrémités céphalique et caudale se rapprochent l'une de
l'autre , et les parois latérales du corps de l'embryon
en font autant. En même temps l'embryon s'enfonce dans
le vitellus en déprimant tout autour de lui la paroi de
la vésicule blastodermique, de telle façon qu'il est bientôt
circonscrit par une rigole, appelée gouttière limitante,
au delà de laquelle s'élève un repli qui est l'origine du
repli amniotique (V. Amnios). Ainsi s'établissent : 1° le
repli céphalique qui forme une sorte de cul-de-sac ouvert
en bas, capuchon céphalique, dont l'ouverture qui donne
accès dans l'intestin est appelée aditus anterior; 2« le
repli caudal qui forme de même un capuchon cau-
dal et un aditus posterior; 3« les replis latéraux. Dans
ceux-ci s'engage la cavité pleuro-péritonéale ; mais cette
dernière ne s'arrête pas aux parois du tronc de l'embryon ;
elle se prolonge dans toute l'étendue de la blastosphère où
elle constitue le cœlome externe. Après cette incurvation
de l'embryon en nacelle (sabot renversé), la blastosphère a
considérablement changé de forme. Entraînée par l'em-
bryon dans son mouvement de reploiement, elle subit un
étranglement tout autour de lui; cet étranglement se
resserre de plus en plus et finit par la diviser en deux
cavités secondaires, l'une intra-embryonnaire, Vintestin
primitif, l'autre extra-embryonnaire, la vésicule om-
bilicale (V. Digestif [Tube]). L'intestin primitif et le
sac viteUin communiquent ensemble au début par un
orifice, Vombilic intestinal, et plus tard par un canal,
le canal vitello^intestinal ou omphalo-mésentérique,
qui finit du reste par s'oblitérer complètement. Le reploie-
ment des lames ventrales en déprimant les lames fibro-
intestinales avait déterminé la formation d'une gouttière
le long de la face ventrale du rachis. Cette gouttière
qui représente la gouttière intestinale se transforme
maintenant en tube, tube intestinal, par rapproche-
ment et soudure des lames fibro-intestinales. En même
temps les lames fibro-cutanées se soudent aussi en ayant
en ne laissant subsister qu'une ouverture qui constitue
Vombilic cutané. A partir de ce moment, la communica-
tion du cœlome interne et du cœlome externe ou cavité
amnio-choriale cesse de subsister ; l'embryon est défi-
nitivement isolé du reste de la vésicule blastodermique.
Quant aux parois de celle-ci, elles ne restent pas non plus
inactives ; elles se modifient et donnent naissance à des
membranes d'enveloppe, aux membranes embryonnaires
ou fœtales. C'est ainsi qu'elles fournissent l'amnios, et,
quand celui-ci s'est séparé de la vésicule blastodermique,
le chorion blastodermique ou vésicule séreuse, dont la
vascularisation (allantochorion) est dévolue à un organe
embryonnaire, dérivant de l'intestin caudal, la vésicule
allantoïde. L'étude de cette dernière mène naturellement
à la membrane caduque, au placenta et au cordon
ombilical.
Pour achever l'histoire sommaire de l'évolution de l'em-
bryon, nous devons revenir un peu en arrière. Alors que
l'ébauche embryonnaire ne s'est pas encore incurvée, alors
qu on dislingue à peine l'une de l'autre la zone rachidienne
et la zone pariétale par suite de leur coloration difTérente
(aire transparente et aire opaque), on voit poindre les pre-
mières îles de sang et les premiers vaisseaux sanguins
dans la splanchnopleure de la partie interne de l'aire
opaque, ainsi transformée en aire vasculaire (V. CœuR,
Vaisseaux et Sang). Ces vaisseaux rampent à la surface de
la blastosphère, dans l'épaisseur des parois de la vésicule
ombilicale : ce sont les veines et les artères omphalo-
mésentériques ou vitelUnés qui, à la périphérie, se jet-
tent dans un cercle vasculaire appelé sinus terminal. Les
deux veines omphalo-mésentériques pénètrent dans l'em-
bryon et marchent à la rencontre l'une de l'autre en sui-
vant les bords de la splanchnopleure qui limitent la gout-
tière pharyngienne (intestin antérieur). Quand ces bords se
réunissent pour transformer la gouttière en tube (pha-
rynx), les deux veines s'accolent, se fusionnent et donnent
naissance à un tube, le tube cardiaque (V. Cœur), dont
on s'explique ainsi l'apparition dans la paroi ventrale du
pharynx. De ce cœur partent presque aussitôt de nouveaux
vaisseaux qui se portent à l'embryon lui-même : ce sont
les arcs aortiques et les aortes descendantes. Ainsi s'est
faite la première circulation, circulation omphalo-
mésentérique, du sac vitellin ou de la vésicule ombilicale.
Mais, porté aux parois du corps et aux organes en voie
de développement de l'embryon par les aortes, le sang
devait faire retour au cœur. C'est pour remplir ce but
que se développent les veines cardinales qui débouchent
dans le cœur par deux canaux appelés canaux de Cuvier.
Pendant ce temps-là se différenciait la partie intérieure
du canal médullaire pour donner naissance à V encéphale
(V. ce mot); les lames céphaliques enveloppaient les vési-
cules cérébrales et formaient la capsule membraneuse
appelée crâne primordial ; les vésicules oculaires et olfac-
tives émergeaient du cerveau; les nerfs sortaient du né-
vraxe, et les vésicules acoustiques, les fossettes olfactiyes
et le cristallin se détachaient de l'ectoderme; l'inflexion
crânienne se produisait ; l'intestin terminé précédemment
en cul-de-sac en avant et en arrière s'ouvrait à l'extérieur
par une bouche et un anus (V. Bouche, Anus et Digestif
[Tube]) ; de chaque côté du cou se faisaient des bouton-
nières,/"^n^^s branchiales, pharyngiennes ovl viscérales
qui font communiquer la cavité du pharynx avec l'ex-
térieur, et entre ces fentes les trois feuillets blastoder-
miques, soudés ensemble, s'épaississaient sous le nom
d'a?T5 branchiaux., pharyngiens ou viscéraux^ dans
lesquels courent les arcs aortiques. — Avec la formation
des arcs branchiaux s'est développé le cou, et ea même
temps le cœur, primitivement situé sous la bouche, descen-
dait dans la poitrine où il se logeait dans une dépendance
de la cavité pleuro-péritonéale, la cavité péricardique (V. Pé-
ricarde).
De tous côtés du tube intestinal poussaient des bour-
geons qui donnent progressivement naissance à la vési-
cule allantoïde, à des glandes importantes, l'hypophyse,
le thymus, le corps thyroïde, le foie, le pancréas, les glan-
dules gastro-intestinales et des organes de première ordre,
comme les poumons et peut-être la rate. L'intestin lui-
même se divisait en ses principales portions et acquérait
sa forme et sa disposition définitives. Avec le développe-
ment du foie et des intestins, la veine porte abdominale
prenait naissance; avec celui de l'allantoïde naissaient
les artères et veines ombilicales et se formait la vessie
urinaire et le sinus uro-génital. L'apparition des canaux
et des corps de Wolff ou reins primitifs avait été
le prélude de la formation des veines cardinales posté-
rieures ; le développement des reins définitifs voit naître la
veine cave inférieure. Un peu plus tard, un épaississement
localisé de la paroi du cœlome donnait lieu à l'épithélium
germinatif, d'où sortira la gUmde génitale, testicule
ou ovaire, et l'involution de la même paroi fournissait
un nouveau canal, le canal de Millier, d'oti déri-
veront les trompes de Fallope, l'utérus et le vagin. Les
canaux de Wolff, les conduits de Mùller et les uretères
qui, primitivement, sont des bourgeons des canaux
de Wolff, débouchent dans un cloaque temporaire,
— 899 —
EMBRYOLOGIE — EMBRYONNAIRE
que plus tard la formation du périnée subdivisera définiti-
vement en un canal anal et en un canal génito-urinaire
chez les animaux qui n'ont pas de cloaque permanent. —
Bien avant que toutes ces modifications se soient accom-
plies, enfin, la corde dorsale s'entourait d'un étui, colonne
vertébrale primitive, dont chaque vertèbre donnait en ar-
rière deux prolongements qui entourent la moelle épinière,
les arcs vertébraux, et deux prolongements en avant, les
côtes ou arcs hémaux, dont l'union à la partie antérieure
du tronc formait un hémisternum. Les éléments épithé-
liques des plaques musculaires (myoblastes) bourgeon-
naient et donnaient les muscles épisquelettiques ; le sque-
lette viscéral de la tète donnait naissance à la face
(Y. Face); les membres naissaient à leur tour sous la forme
de bourgeons coniques sur un double épaississement laté-
ral de la somatopleure auquel on a donné le nom d'émi-
nence de Woltf (V. Membre); la cavité pleuro-péritonéale
se divisait en deux parties superposées, les plèvres au-
dessus, le péritoine au-dessous, par suite du développe-
ment d'une cloison musculaire transversale, le diaphragme,
qui sépare désormais le thorax de l'abdomen chez les
vertébrés supérieurs, et l'extrémité caudale de l'embryon
s'allongeait si l'animal doit porter une queue, ou se raccour-
cissait, si l'animal ne doit jamais porter cet appendice
.(pour l'organogcnie et l'histogenèse, V. les art. Organe et
Tissu). Si nous jetons pour terminer un regard rétros-
pectil sur ce que nous avons dit, nous voyons que nous
sommes partis d'une simple cellule microscopique pour
aboutir à un animal complet et d'une rare complexité.
Pour accomplir c e merveilleux travail, la nature n'a em-
ployé que ses moyens ordinaires. La division du travail
physiologique, ayant pour corollaire fatal la différenciation
et la spécialisation des tissus et des organes a entraîné un
développement morphologique progressif et continu qui n'a
de limites que le progrès lui-même. Ch. Debierre.
EMBRYON. L Anatomie (V. Embryologie).
IL Botanique (V. Graine et Ovule).
EMBRYONNAIRE (Cellule et tissu) (Path. générale).
Lorsque Virchow édifia sa doctrine de la pathologie
cellulaire et qu'il substitua à la théorie de la formation
libre des éléments anatomiques (V. Blastème) la notion
d'une filiation non interrompue de toutes les cellules de
l'organisme, il dut chercher également une solution au
problème concernant l'origine première des jeunes cellules
qui apparaissent au cours des diverses néoplasies patho-
logiques. Partant de ses études sur les phénomènes inflam-
matoires envisagés particulièrement dans les tissus non
vasculaires (V. Inflammation), il admit que tous les
éléments néo-formés provenaient de la segmentation des
cellules du tissu conjonctif proliférant sous l'influence
d'une irritation formative. Assimilant les cellules jeunes
nées par ce mécanisme à celles qui constituent le corps
de l'embryon, avant l'intervention des phénomènes de dif-
férenciation (Y. Développement), il leur attribua la pro-
priété de fournir ultérieurement, sous l'impulsion d'une
irritation appropriée, les tissus les plus variés ; c'est ainsi
qu'on les verrait devenir, suivant les cas, cellules osseuses,
cartilagineuses, tuberculeuses, cancéreuses, etc. Avec
cette doctrine, on voit que le tissu conjonctif et ses équi-
valents prenaient en histologie pathologique la place de la
lymphe plastique de Hunter, des blastèmes de Schwann,
Jean Millier, Lebert, Kùss et Ch. Robin, ainsi que des
exsudais organisables de quelques auteurs plus récents.
Pour Yirchow, le type de ce tissu générateur universel, dont
l'idée première est empruntée à de Blainville, est représenté
par le tissu des bourgeons charnus des plaies, d'oti les
noms de tissu et de cellules de granulation, tissu et
cellules embryonnaires, jeunes, formatives, indiffé-
rentes, noms qui sont devenus d'un usage courant depuis
cette époque (1838).
Depuis lors, les travaux de von Recklinghausen sur la
locomotion amœboïde des leucocytes et surtout la décou-
verte de la diapédèse (Y. ce mot), par Cohnheim ont fait
reporter sur les globules blancs du sang et de la lymphe
le rôle générateur primitivement assigné par Yirchow aux
éléments connectifs : c'est ainsi qu'aux dénominations
précédentes vint s'ajouter, sous la plume des auteurs con-
temporains, celle de cellules lymphoïdes. Mais les vues
trop exclusives de Cohnheim ne furent pas, cependant,
admises sans restriction ; la plupart des pathologistes ont
montré à cet égard un certain éclectisme, en professant
qu'à côté des leucocytes échappés du torrent circulatoire,
d'autres éléments indifférents pouvaient être fournis par la
multiplication des cellules du cartilage, du périoste et de
la moelle des os, etc. D'ailleurs on se montre générale-
ment très sobre de développements en ce qui concerne le
fond même de la doctrine histogénique : l'existence de cel-
lules embryonnaires chez l'adulte, cellules provenant de
partout et formant le point de départ de toutes espèces de
néoplasies, constitue une hypothèse si séduisante par sa
simplicité qu'on l'accepte presque toujours sans même la
discuter. Pourtant quelques observateurs, s'appuyant sur
les laits de différenciation progressive qui président à
l'évolution des feuillets blastodermiques, ont soutenu que
la loi de l'homologie du développement devait s'appli-
quer également à la néoformation pathologique (Remak,
Thiersch, etc.). En France, c'est surtout Ch. Robin qui
s'éleva énergiquement contre la théorie de la métaplasie,
ou transmutation des différentes espèces histologiques les
unes dans les autres. Mais, comme il continuait à se rat-
tacher à la doctrine de la formation libre des éléments dé-
finitifs de l'organisme dans des blastèmes, son opposition
aux idées régnantes trouva peu de crédit, faute de s'être
rallié à l'axiome omnis cellula e cellula, qui, dès lors,
se trouvait établi à titre de loi incontestable.
Depuis l'introduction en anatomie pathologique de la
méthode de Flemming, l'étude de la karyokinèse dans les
productions morbides de tout ordre a permis de faire jus-
tice de la thèse trop absolue de Cohnheim, et l'on tend de
plus en plus à restituer aux cellules fixes des tissus le
rôle essentiel dans les phénomènes de génération et de pro-
Ufération. Du reste Yirchow lui-même avait fait certaines
réserves concernant la génération des tissus les plus élevés
en organisation, réserves que vinrent corroborer bientôt,
en ce qui concerne les tumeurs épithéliales, les travaux
de Thiersch et de Waldeyer.
Aujourd'hui on s'accorde assez généralement à mettre
à part les éléments épitheliaux et nerveux provenant de
l'archiblaste, et qui ne se reproduisent chez l'adulte qu'aux
dépens de leurs semblables. Il en est de même pour les
muscles striés (exception qui se montre en harmonie avec
les théories embryogéniques de Hertvvig). La conception
de la cellule embryonnaire se trouve ainsi restreinte aux
autres tissus mésodermiques : squelette, muscles lisses,
tissus conjonclifs, endotheliums, éléments du sang et de la
lymphe et des organes dits lymphoïdes. C'est surtout dans
l'appareil vasculaire et connectif, dérivé du parablaste,
qu'on place l'origine des cellules formatrices indifférentes.
Il est facile de voir que les cellules embryonnaires ainsi
définies répondent sensiblement à ce que Ch. Robin décri-
vait sous le nom d'éléments embryoplastiques, si ce n'est
qu'il faisait naître ceux-ci dans un blastème élaboré par les
cellules du mésoderme primitif, l'apparition du noyau pré-
cédant celle du protoplasma cellulaire. Pour cet auteur, le
tissu conjonctif, seul, dérivait directement du tissu em-
bryoplastique, tandis que les tissus osseux, cartilagineux,
élastique, etc., provenaient de cellules spéciales, également
nées par genèse au sein du tissu embryoplastique et se
substituant à lui, comme lui-même avait pris la place du
tissu mésodermique antécédent. Robin a étudié minutieuse-
ment l'évolution des cellules embryoplastiques, leur trans-
formation en fibres lamineuses, etc. ; l'analogie de ces
phénomènes embryogéniques avec ceux qu'on observe en
pathologie, l'avait porté à croire qu'il demeurait, dans le
tissu conjonctif de l'adulte, un certain nombre de ces élé-
ments, pouvant intervenir dans la formation des cicatrices
EMBRYONNAIRE
— 900
et des tumeurs. En mettant à part les divergences d'ordre
surtout doctrinal et théorique, toute l'histoire normale et
pathologique de la cellule embryoplastique de Robin se
rapproche beaucoup de ce qui a été écrit au sujet des cel-
lules dites embryonnaires.
Aujourd'hui que l'idée des blastèmes générateurs est
reléguée dans le passé, il reste à élucider la question rela-
tive à la spécificité cellulaire. Admise par quelques-uns,
elle est niée, au moins implicitement, partons ceux qui pro-
fessent la doctrine de la cellule embryonnaire indiftérente.
En examinant les choses de plus près, on ne tarde pas à
se convaincre que, dans chacune des interprétations oppo-
sées, et en apparence inconciliables, il peut se trouver une
part de vérité. Remarquons d'abord qu'il n'est nullement
nécessaire d'admettre qu'il persiste dans les tissus de l'adulte
des éléments réellement embryonnaires, arrêtés dans leur
développement et constituant une sorte de réserve pouvant
évoluer plus tard pour produire les néoplasies régénéra-
trices ou pathologiques. Sans parler ici des phénomènes
de prolifération qui président à la rénovation continue des
éléments caducs (épithéUums, globules du sang, etc.), on
sait que les cellules de la plupart des tissus manifestent
une certaine faculté reproductrice : tels sont les noyaux
situés sous le sarcolemme avec la zone protoplasmique qui
les entoure, les endothéliums des vaisseaux capillaires, les
cellules fusiformes ou aplaties des couches internes du pé-
rioste ; nous voyons, en effet, ces éléments ou leurs des-
cendants fonctionner respectivement, le cas échéant, comme
myoblastes, angioblastesouostéoblastessans qu'aucun indice
nous permette de distinguer, parmi les cellules adultes d'un
même tissu, celles qui seraient plus spécialement chargées
de ce rôle histogènique. Il paraît probable que, sinon
toutes, du moins la plupart, possèdent à cet égard une
aptitude à peu près égale. Mais les cellules jeunes résultant
ainsi de la segmentation des cellules constituant le corps
de l'adulte pourront-elles donner naissance, suivant le cas,
à différents tissus, ou sont-elles fatalement destinées à suivre
la même courbe évolutive que leurs ancêtres immédiats ?
Il est certain que l'examen histologique des tissus en
voie de prolifération ne fournit généralement que des don-
nées insuffisantes pour distinguer spécifiquement les uns
des autres les éléments nouveau-nés que l'on a sous les
yeux ; il y a un stade où ils sont morphologiquement
indifférents, au moins pour nos moyens actuels d'investi-
gation. Mais cette indifférence est-elle réelle? En d'autres
termes, la direction évolutive ultérieure de ces cellules
leur sera-t-elle imprimée par des influences extérieures à
elles, telle que Vaction de voisinage attribuée jadis aux
organes sur les blastèmes formateurs venant s'épancher à
leur contact, et invoquée également par quelques modernes
à l'égard des cellules dites embryonnaires ? Ou s'agit-il au
contraire d'une indifférence simplement apparente, due
à l'imperfection de nos procédés d'étude? Les cellules
« renferment-elles déjà, chacune en particuHer, quelque
chose qui motivera leur développement ultérieur », comme
l'a dit Virchow, dont l'esprit pénétrant n'a point méconnu
le point faible de la théorie histogènique issue de ses
travaux ?
Ainsi qu'il a été dit plus haut, on ne peut songer à
chercher dans l'organisme adulte des cellules absolument
indifférentes, pourvues d'aptitudes évolutives aussi éten-
dues et pouvant se suppléer entre elles d'une manière
aussi complète que les sphères de segmentation dans les
premiers stades de la division du vitellus. Notamment l'au-
tonomie des éléments archiblastiques n'est plus guère mise
en doute, et, dans l'esprit de la plupart des auteurs, l'épi-
Ihète de mésodermiques est implicitement accolée aux cel-
lules embryonnaires. Mais ce premier correctif ne répond plus
à l'état actuel de nos connaissances, moins encore à cause
de la complexité d'origine du feuillet moyen mise en
lumière par les publications de Hertwig, que parce qu'on
a une tendance marquée à rendre plus ou moins indépen-
dante de la différenciation morphologique la différenciation
histologique et physiologique de l'embryon. Il faudrait
pouvoir préciser dans chaque cas particulier, non seule-
ment l'espèce de tissu, mais encore le stade d'évolution
auquel correspond l'élément envisagé ; et, à cet égard, la
description de Robin relative aux cellules embryoplas-
tiques, puis fibroplastiques, donnant finalement naissance
aux fibres lamineuses, peut être considérée comme un
modèle du genre. Mais, qu'est-ce qu'une espèce en ana-
tomie générale ? Au point de vue pratique, on distingue,
en histologie, les cellules et les tissus d'après leur aspect
anatomique et d'après les propriétés chimiques et physio-
logiques qu'ils manifestent. La philosophie biologique ne
saurait se contenter de cette caractéristique : en suivant
pas à pas, à partir de l'ovule fécondé, les phénomènes du
développement, on voit que, pour chacune des catégories
de cellules issues du vitellus, il vient un moment où la
différenciation s'arrête, et où la reproduction, lorsqu'elle
se poursuit, ne fournit plus que des cellules filles, sem-
blables à leurs cellules mères ; et c'est à partir du moment
où un ensemble de caractères fixes se transmet ainsi de
génération en génération que ces catégories cellulaires mé-
ritent le nom &' espèces.
Or, nous ne saurions affirmer que cette évolution, qui
revient d'une façon constante dans le plan de l'évolution
normale, est, pour cela, absolument immuable dans tous
les cas. Bien des observations semblent indiquer, au
contraire, que les courbes évolutives sont susceptibles de
varier dans certaines limites sous l'influence de causes
occasionnelles ; c'est ainsi qu'on voit, par suite de simples
actions mécaniques, des cellules polyédriques ou pavimen-
teuses se substituer aux éléments ciliés à la surface des
épithéliums stratifiés ; c'est ainsi encore que se développent
les os professionnels de la cuisse, décrits par Virchow
chez les cavaliers, etc., etc. En réalité, nous assistons ici
à la lutte entre les caractères transmis par hérédité et les
influences modificatrices exercées par le milieu ambiant :
c'est le problème du transformisme qui vient se poser sur
le terrain de l'histogénie. Lorsque nous voyons en patho-
logie un tissu déterminé se constituer aux dépens d'un
amas de jeunes cellules indifférentes, et cela dans des
points où ce tissu n'existe pas normalement, ce fait ne
peut s'expliquer que de deux façons : les partisans de la
spécificité absolue soutiendront que, dans le tissu embryon-
naire, il y a en fait un mélange de cellules jeunes appar-
tenant à des espèces histologiques différentes, bien qu'elles
offrent toutes le même aspect extérieur. On en arrive ainsi
à recourir à l'hypothèse d'une immigration d'éléments
jeunes provenant de régions plus ou moins éloignées du
lieu où on les trouve, et à considérer, par exemple, les os
professionnels comme de véritables métastases physiolo-
giques (Klebs). . .
Or, ne paraît-il pas plus logique d'appliquer aux indi-
vidualités cellulaires les mêmes principes évokitionnistes
qu'aux animaux et aux végétaux ? d'admettre qu'à côté des
tissus très élevés en organisation et montrant d'ailleurs
peu de tendance à proUférer, il en est d'autres moins dif-
férenciés, plus proches parents, en quelque sorte, par
suite plus accessibles aux influences extérieures, et capables,
de ce chef, de se succéder les uns aux autres dans cer-
taines conditions ? Cette supposition n'a rien que d'admis-
sible en ce qui concerne les groupes des tissus dits
conjonctifs, et rien ne s'oppose à ce que des cellules du
tissu lamineux ou leurs descendants, soumises à des pres-
sions répétées, ne puissent être amenées à remplir la
fonction ostéogénique ou chondrogénique, par exemple,
tout comme on les voit, dans bien des cas, s'entourer
d'une substance amorphe, riche en mucine. Ces aptitudes
se manifesteraient avec prédilection dans certains points
de l'économie, et cette explicaHon, appliquée, par exemple,
aux chondromes du testicule ou des glandes salivaires, est
aussi plausible que celle qui a recours à l'hypothèse d'une
migration des chondroblastes ou à celle d'une persistance
hétérotopique de cellules cartilagineuses embryonnaires
— 901 —
EMBRYONNAIRE — EMELÉ
dans les organes malades. Mais, si nous ne répugnons pas
à nous rallier à cette hypothèse pour un petit nombre de
tissus fort voisins, nous ne pouvons nous dissimuler,
d'autre part, que nous connaissons bien peu les facteurs
susceptibles d'amener ces modifications supposées de l'évo-
lution. A plus forte raison, ne saurions-nous considérer
comme représentant de simples variétés d'une même espèce,
et par conséquent comme histogéniquement équivalents,
non seulement les éléments connectifs, osseux et cartila-
gineux, mais encore les globules blancs, les endothéliums,
les cellules propres des gangUons lymphatiques, de la moelle
des os, etc. Il existe encore, à la vérité, un grand nombre de
points obscurs au sujet de la provenance exacte et du sort
final de beaucoup de ces éléments mésodermiques, et ces
lacunes dans nos connaissances expliquent suffisamment la
faveur dont a joui l'hypothèse d'un tissu ubiquitaire et à
puissance génératrice iUimitée. Mais il est évident que la
solution de ces inconnues relève de l'observation directe
pour chaque fait en particulier et que ces difficultés ne sau-
raient être tranchées valablement à l'aide d'une formule
unique établie à priori et s'appliquant à tous les cas pos-
sibles (V. Néoplasie, Histologie, Tumeur). G. Herrmann.
EMBRYOPLASTIQUE (Anat. gén.) (V. Embryonnaire),
EMBRYOTOMIE (Chir.). On comprend sous l'expression
générale d'embryotomie les divers procédés opératoires per-
mettant d'extraire par parties le fœtus du sein de la mère.
L'embryotomie prend différents noms suivant la manière
dont on y procède. Dans la craniotomie ou céphalotomie
(V. Craniotomie), l'opérateur se borne à la perforation du
crâne du fœtus, opération suffisante lorsque la dispropor-
tion entre la tête fœtale et le bassin n'est pas excessive.
Dans la céphalotripsie (V. ce mot) qui se trouve indiquée
dans les cas plus graves, la tête, perforée ou non dans un
premier temps, est ensuite broyée une ou plusieurs fois
entre les branches du céphalotribe. La détroncation ou
décollation (V. Détroncation) est généralement réservée
aux cas où l'enfant se présente par l'épaule ; elle comporte
la section du fœtus au niveau du cou, en deux parties
qu'on extrait ensuite séparément. L'éviscération, qui s'ap-
phque aux cas où le corps du fœtus est très élevé, est de
tous les procédés d'embryotomie le plus répugnant et aussi
le moins usité. L'opérateur se servant au début de longs
ciseaux, sectionne d'abord le bras qui pend dans le vagin,
puis le thorax. Introduisant la main dans le corps de l'en-
fant, il arrache ensuite un à un les organes internes de
celui-ci ; il brise enfin la colonne vertébrale avec un cro-
chet, et termine l'extraction à l'aide du forceps ou du
céphalotribe. Il est à peine besoin de dire que les suites
d'une opération de ce genre sont des plus graves. L'em-
bryotomie peut, dans certains cas, être remplacée avec
avantage par l'opération césarienne ou gastro-hystérotomie ;
on trouve dans les traités classiques l'indication des cir-
constances qui doivent guider le médecin dans le choix de
telle ou telle méthode opératoire. D^ Alphandéry.
EMBU. I. Peinture. — Aspect mat, opaque et presque
incolore que prend une peinture lorsqu'elle a été exécutée
sur un dessous insuffisamment sec. Il est difficile de déter-
miner exactement la méthode à suivre pour éviter les embus ;
on peut dire toutefois qu'ils se produisent très rarement
dans les ouvrages des peintres qui peignent seulement au
premier coup, dans la couleur toute fraîche. Une autre
manière de les éviter, pour l'artiste, est de ne repeindre
son tableau que lorsque les dessous, frottis ou ébauche
empâtée, sont parfaitement secs. Il est du reste facile de
remédier aux embus ; il n'y a qu'à les frotter légèrement
avec un mélange de copal à l'huile ou de vernis et d'es-
sence de térébenthine rectifiée ; si le tableau est terminé,
le vernis final détruit complètement les embus. Ad. T.
II. Marine. — Différence d'allongement qui se produit
au bout d'un certain temps de service, dans une voile
neuve, entre la toile de la voile et la bordure en corde
appelée ralingue qui l'entoure. Si on ne remédiait à cet
allongement, les voiles établiraient fort mal, seraient toutes
plissées. Les ouvriers voiliers tiennent compte de l'embu
quand ils confectionnent les voiles, en tendant fortement,
ou en tordant au contraire les ralingues suivant qu'elles
seront appliquées dans le sens de la largeur ou de la hau-
teur de la toile. Ils cousent alors à faux frais la voile, et
les ralingues, en se contractant ou en se détordant, donnent
la mesure de l'embu.
EMBURY (Mrs. Emma C), femme de lettres américaine
du xix« siècle, fille du docteur James R. Manley, de New-
York. Ses premières œuvres, signées lanthe, eurent un
succès qui l'encouragea à écrire désormais sous son nom.
Elle a publié un grand nombre de volumes de vers et de
prose, parmi lesquels on peut citer : Guido and other
Poems; Constance Latimer ; Pictures of Early Life ;
Naturels Gems; Love' s Token-flowers, etc. B.-H. G.
EMBUSCADE (Art miht.). Ce mot désigne un piège
tendu à l'ennemi, sous forme de soldats cachés sur son
passage et se démasquant à un moment donné pour tomber
*sur lui à l'improviste. Les embuscades ont toujours été
très employées dans la petite guerre, surtout en terrain
coupé. Elles se tendaient de plusieurs manières dans les
villages, dans les vignes, dans les bois et dans les champs
couverts de céréales' assez hautes. C'étaient celles-ci ainsi
que celles de vignes qui étaient réputées les meilleures,
celles des villages -et des bois n'assurant pas de lignes de
retraite faciles au cas où l'on était trahi. S'il se trouvait
des arbres touffus dans le voisinage de l'embuscade, on y
plaçait des sentinelles qui signalaient l'approche de l'en-
nemi. La guerre d'embuscades a toujours réclamé des
officiers très expérimentés, la moindre négligence, la plus
légère imprudence ou indiscrétion pouvant entraîner la
perte totale des troupes embusquées. Ed. Sergent.
EMBUVAGE (Tiss.). Retrait qui se produit pendant le
tissage d'une chaîne par suite des ondulations des fils
autour des duites. Il varie suivant les contextures et les
réductions de 2 à 8 <*/o environ.
EIVIDEN. GÉoGRApmE. —Ville de Prusse, district d'Au-
rich (Hanovre), près du golfe de l'Ems, dans la Frise orien-
tale; 14, 020 hab. Un canal navigable relie la ville au golfe.
Elle-même est bâtie au milieu de canaux analogues à ceux
des villes hollandaises et traversée par plus de 30 ponts.
Elle comprend six quartiers distincts (Altstadt, Nordfaldern,
Sudfaldern, Mittelfaldern, faubourgs deBoltenthor etNeu-
thor). Elle a assez de caractère avec ses vieilles maisons,
sa cathédrale de 1455, ses huit autres éghses, son hôtel
de ville (1574-76) imité de celui d'Anvers. C'est un marché
agricole. Le cabotage est assez actif et comporte un mou-
vement de 650 navires et 31,000 tonnes; la flotte du port
est de 70 navires jaugeant 7,200 tonnes.
Histoire. — La ville d'Emden (Emuden, Emetha)
apparaît au xiv® siècle. Elle prospéra comme lieu de recel
et débouché des pirates. Hambourg s'en empara en 1402 et
la posséda d'accord avec les seigneurs de la famille Cirksena
à qui elle vendit sa part. EUe'se releva après la révolution
des Pavs-Bas, devint ville libre sous le protectorat de la
Hollande (1595) qui y tint garnison jusqu'en 1744. SoU-
dement fortifiée, elle prit de l'importance et comptait au
temps de la guerre de Trente ans 22,000 âmes. En 1744,
elle passa à la Prusse avec la Frise orientale. Ce fut sa
période la plus brillante. Mais les guerres de l'Empire
amenèrent la ruine de son commerce. Chef-lieu du dépar-
tement français de l'Ems oriental (1810), Emden fut cédé
au Hanovre en 1814 et revint à la Prusse en 1866.
EWIEIO ou MOOREA. Ile de l'archipel de Taïti (V.
Moorea).
EMELÉ (Wilhelm), peintre allemand contemporain, né
à Buchen (grand-duché de Bade) le 20 mai 1830. D'abord
voué au métier des armes, il devint à Munich élève de
Dietz, suivit les cours de l'Académie des beaux-arts, com-
pléta ses études à Anvers et à Paris et se consacra à la
peinture militaire. Ses principaux tableaux sont : la
Bataille de Stockach, le Combat au pont de Heidel-
berg en il99 (pour l'empereur d'Autriche), le Combat
EMELÉ - EMERILLON
— 902 -
d' Aldenhoven et les Bataillons autrichiens résistant à '
la charge des cuirassiers français (4860). Ernelé a fait
une étude spéciale du cheval ; son Combat de cavalerie
(1865-1867) obtint un grand succès. Il réside à Berlin
depuis '1886.
ÉMÉRAINVILLE. Corn, du dép. de Seine-et-Marne,
arr. de Mi^aux, cant. de Lagnv; 232 hab.
ÉMERAUDE (Miner.) (V. Béryl, t. VI, p. 477).
ÉMERCHICOURT. Com. du dép. du Nord, arr. de
Valenciennes, cant.de Bouchain; 307 hab.
ÉNIERI (Miner.). Variété de corindon grenu et consti-
tuant, avec un peu de magnétite, d'oligiste et de mica, une
roche intercalée dans les micaschistes. Cette roche, de com-
position variable suivant les gisements, est noire ou noire
grisâtre. L'émeri pulvérisé sert à user et polir les métaux,
les glaces, les pierres précieuses, à confectionner les ins-
truments d'optique, etc. Pour le préparer à ces usages,
on le broie entre des meules d'acier ; on délaye sa*
poudre dans Teau, puis on Fabandonne au repos en ayant
soin de recueillir la poussière se déposant de minute en
minute : on obtient ainsi des poudres ayant des degrés de
finesse variés. L'émeri est exploité à l'île de Naxos, en
Asie Mineure, dans le Massachusets, etc. A. Lacroix.
EMERI (Michel Particelli, dit d') (V. Particelli).
ÉMERIAU (Maurice-Julien, comte), amiral français, né
à Carhaix (Finistère) le 20 oct. 1762, mort à Toulon le
2 févr. 4845. Engagé dans la marine en 4777, il prit
part à la guerre d'Amérique et se distingua brillamment
au siège de La Grenade et à l'assaut de Savanah. Promu
lieutenant de vaisseau en 1791, il servit à Saint-Domingue,
fit partie de l'expédition d'Egypte, combattit avec éclat à
Aboukir où il succomba sous le nombre (4798). Contre-
amiral en 1802, il retourna à Saint-Domingue en 1803 et
dégagea Port-au-Prince. Nommé préfet maritime à Toulon
en 1804, il fut créé comte de l'Empire le 3 déc. 1840 et
en 1844 fut nommé au commandement d'une escadre. Blo-
qué à Toulon par les Anglais en 4844, il adhéra à la Res-
tauration et signa avec Exmouth l'armistice qui délivra les
prisonniers de Cabrera. Membre de la commission de réor-
ganisation de la marine le 19 mai 4844, il reçut la pairie
des mains de Napoléon et fut pour ce fait disgracié par la
seconde Restauration. Peu après l'avènement du gouver-
nement de Juillet (4834), il rentra à la Chambre des pairs.
ÉMERIC (Jean -Joseph), publiciste français, né à
Eyguières vers 4755, mort à une date que nous ignorons.
Avocat à Avignon, il dut, au moment de la Révolution,
s'enfuir de cette ville à cause de ses opinions ultra-roya-
listes. Plus tard, il se fit inscrire au barreau de Nimes. On
a de lui : la Vérité et la Justice ou le Cri des Boijalistes
français (Avignon, 4816, in-8) ; Ermite de Vaucluse
(4822, in-8) ; Réponse aux réflexions faites par Agri-
cole Moureau sur les protestations du Pape (4818,
in-8) ; la Sainte Alliance ou le Tombeau des Jacobins
(1818, in-8).
ÉMERIC (Louis -Damien), publiciste français, né à
Eyguières vers 1765, mort à Paris en 1825, frère du précé-
dent. Après avoir mené une vie assez aventureuse, il entra
en 1812 dans les bureaux de l'administration des postes
militaires en Hollande. Il abandonna bientôt cette modeste
situation — la seule régulière qu'il ait jamais occupée —
et mourut à l'hôpital. D'un esprit fort caustique, mais
d'une paresse incurable, il a laissé quelques écrits qui ne
manquent pas d'un certain intérêt. Nous citerons : De la
Politesse (1819, in-8; nouv. éd. sous le titre Nouveau
Guide de la politesse^ 1821, in-8); Généalogie de la
maison de France (1822, in-8); des poésies insérées
dans VAlmanach des muses, des traductions de Catulle,
Martial, etc.
ÉMERIC-David (Toussaint-Bernard), archéologue, écri-
vain d'art et homme politique français, né à Aix en Pro-
vence le 20 août 1 i55, mort à Paris le 2 avr. 1839. Doc-
teur en droit en 1775, et avocat dans sa ville natale, il
succéda à son oncle maternel Antoine David, comme impri-
meur du Parlement (1787). Partisan modéré de la Révo-
lution, il fut nommé maire d'Aix le 13 févr. 1791, mais
il dut fuir pendant la Terreur et s'établit à Paris après le
9 thermidor. Dès lors il se consacra de plus en plus à
des études d'archéologie classique et fut lauréat de l'Institut
en 1800 pour ses Recherches sur l'art statuaire (Paris,
1805, in-8). Appelé à biéger au Corps législatif en 1809,
il vota en 1814 la déchéance de Napoléon, et rentra en
1845 dans la vie privée. Elu membre de l'Académie des
inscriptions et belles-lettres le 41 avr. 4846, il ne cessa
de lui apporter un concours actif jusqu'à sa mort, malgré
son grand âge. Parmi ses travaux, il faut d'abord citer
ses ouvrages de mythologie d'art : Jupiter; recherches^
sur ce dieu, sur son culte et sur les monuments qui
le représentent (Paris, 1833, 2 vol. in-8, grav.); Vul-
cain, etc. (4837); Neptune, etc. (4839). Les tomes
XVII à XX de V Histoire littéraire de la France contien-
nent de lui des articles sur des poètes provençaux et sur
quelques artistes français. Enfin Paul Lacroix a réuni en
volumes d'autres mémoires et articles : Histoire de la
peinture au moyen âge, suivie de l'Histoire de la gra-
vure, etc. (4842, in-42). Histoire de la sculpture
française (4853, in-42) et Vie des artistes anciens et
modernes (1853, in-42). G. P-i.
BiBL. : Walckenaer, notice dans le Moniteur univer-
sel, 3 août 1845. — Fauriel, dans l'Histoire liUéraire de
la France, t. XX. — Paul Lacroix, notice en tôte de l'His-
toire de la peinture, 1812.
EMERICH, en magyar Imre, Nom porté au moyen âge
par. deux princes de la dynastie des Arpâd. L'un, fils du
roi saint Etienne, héritier de grande espérance, mourut en
4034, au moment où son père Tassociait à la couronne.
L'autre, fils de Bêla lit, fut roi de Hongrie de 1496 à
4205. Les difficultés ne manquèrent pas à ce court règne
d'un prince maladif, assez énergique d'ailleurs et intelli--
gent. Son frère André, qui devait être le célèbre roi
André II, fut presque continuellement en révolte contre
son autorité. Emerich n'en vint à bout que par une dé-
marche hardie ; seul et désarmé, il pénétra dans le camp
des rebelles, qui, au lieu de le tuer, se jetèrent à ses pieds
et lui livrèrent leur chef. D'autre part, malgré toute
sa soumission à l'autorité d'Innocent III, il eut avec lui
d'assez graves conflits. Enfin, les Vénitiens, associés aux
Français dans la fameuse expédition de la quatrième croi-
sade, enlevèrent à son royaume une partie de la côte dal-
mate. E. Sayous.
BiBL.: E. Sayous, Histoire générale des Hongrois.
ÉiVlERIGON (Balthasar-Marie), jurisconsulte français,
né vers 4744, mort en 4785. Fils d'un procureur au par-
lement d'Aix, il devint avocat au môme parlement, puis
conseiller à l'amirauté de Marseille. Il a publié, sans y
mettre son nom, un Nouveau Commentaire sur l'ordon-
nance de la marine du mois d'août i68i (Marseille,
4780, 2 vol. in-12) ; son nom est porté sur une 2'' édition
(due à Pastoret) (Marseille, 4803 ; Paris, an XI, 3 vol.
in-12). Il a publié aussi un Traité des assurances et des
contrats à la grosse (Marseille, 1783-1784, 2 vol. in-4;
réimpr. par Boulay-Paty, Rennes et Paris, 1826-1827,
2 vol. in-4). G. R.
BiBL. : Cresp, Notice sur Emerigon, dans Revue de
législation et de jurisprudence, t. XI, p. 32.
ÉMÉRILLON. I. Technologie. — Outil de cordier com-
posé d'un bois creux muni d'un crochet mobile dans un
tube en laiton et qui sert à câbler la corde et la ficelle
(V. Cable, t. VIII, p. 611).
IL Marine. — Système permettant au croc d'une poulie
de tourner en tout sens, sans que la poulie tourne
elle-même, ce qui aurait l'inconvénient de faire faire des
tours dans les deux brins de corde de la poulie, et créerait
ainsi des frottements impossibles à vaincre. Les lignes de
pêche pour gros poissons tels que requins sont terminés
par une petite chaîne, de façon que le poisson ne puisse
la couper de ses dents puissantes. Au bout s'adapte l'hameçon
qui, dans ce cas, n'est autre chose qu'un croc fort aigu à
- 903 —
ÉMÉRILLON — EMETINE
émerillon, c.-à-d. libre de tourner. Il en résulte que, quelle
que soit la défense du squale, la ligne ne se tord jamais
et est moins exposée à casser. Le système consiste tout
simplement en ceci : la ferrure de la poulie, ou l'extré-
mité de la chaîne de la ligne, est terminée par une boucle
en fer, dans laquelle passe librement la partie droite du
croc de la poulie ou de l'hameçon dont l'extrémité est beau-
coup plus large, de façon que le croc ne puisse sortir.
Il peut alors tourner, sans faire tourner la poulie. L'émé-
rillon est employé non seulement dans la pêche au vif,
mais encore pour la pêche avec le tue-diable, la cuiller,
dans la pêche au passé.
m. Ornithologie. — Nom vulgaire du Falco litho-
falco ou Msalon (Briss.), type du genre JEsalon (V. ce
mot et Faucon).
ÉMERINGES. Com. du dép. du Rhône, arr. de Yille-
franche-sur-Saône, cant. de Beaujeu; 416 hab.
ÉMERSION (Astron.). Réapparition d'un astre caché
momentanément par un autre, lorsque le premier était
éclipsé (V. Eclipse), ou encore s'il était occulté par la
lune. L'émersion est la sortie de l'ombre, tandis que Yim-
mersion est au contraire l'entrée dans l'ombre.
EMERSON. Ville du Canada, prov. de Manitoba, sur la
rive droite de la rivière Rouge, affluent du lac Ouinipeg.
Elle a été fondée par les mennonites.
EMERSON (William), mathématicien anglais, né à Hur-
worth (comté de Durham) le 14 mai 1701, mort à Hur-
worth le 20 mai 4782. Fils d'un maître d'école, il tint lui-
même, durant quelques années, une pension, mais ne tarda
pas à se consacrer tout entier à l'étude, se contentant
des revenus d'un patrimoine très modique. Il acquit ainsi
de profondes connaissances en mathématiques et en mé-
decine et cultiva aussi la musique. Il a laissé vingt-cinq
ouvrages sur les mathématiques, l'astronomie et la physique;
il convient de citer plus particulièrement les suivants :
Fluxions (1748 ; 3« éd., 1768) ; Eléments oftrigono-
metry (1749; 2« éd., 1764) ; Principles of Meclianics
(1754 ; 5^ éd., 1825) ; Navigation (1755) ; Treatise on
algebra (1764); The Arithmetic of Infinités (1767);
Eléments of optics (1767) ; The Laws of centripetal
and centrifugal force (1769) ; A System of Astronomy
(illO); Tracts (illO), etc. L. S.
EMERSON (Ralph-Waldo), philosophe et littérateur
américain, né à Boston le 25 mai 1803, mort à Concordle
27 avr. 1882. Fils d'un ministre unitairien, il se destina
de bonne heure à la même profession que son père, prit ses
degrés à l'université de Harvard où il étudia la théologie et
devint pasteur d'une église unitairienne de Boston. Mais il
renonça bientôt à cette profession et se retira en 1835 à
Concord où il se consacra entièrement à l'enseignement au
moyen de conférences publiques et à la composition de ses
ouvrages. Il écrivait en même temps dans plusieurs revues
(Christian Examiner, North American Review, Chris-
tian Review, etc,) et fonda lui-même une revue de philo-
sophie religieuse, T/iéîDmLLes premiers ouvrages d'Emerson
ont un caractère purement philosophique : Man thinking
(Boston, 1837); Literary Ethics (ici., 1838); Nature
(id., 1839), ouvrage qui fit grand bruit, plusieurs fois
réimprimé; Lectures on the Times; Method of nature, and
man the reformer (id., 1841); Essays on the nature
(id., 1841-44, trad. en franc., 1865, 2 vol. in-12) ; On
New England reformers (id., 1844). A la suite d'un
voyage en Angleterre (1848) qui lui permit de voir de très
près les hommes et les choses de l'ancien monde et éveilla
en lui des qualités maîtresses de psychologue, il écrivit
l'ouvrage célèbre qui lui a valu le titre de « Carlyle
américain » : Essays on Représentative Men (Londres,
1849; Boston, 1850, traduit en parîie en français dans
la Revue de Paris par M. Alf. Hédouin, et en entier
par M. Boulogne; Paris, 1863). Dans cet ouvrage,
Emerson étudie certains personnages historiques considérés
comme types d'une qualité particulière élevée jusqu'à l'idéal.
Emerson a encore écrit un ouvrage sur les mœurs anglaises
English Traits (Boston, 1856) ; enfin, The Conduct of
Life (1860) ; l'oraison funèbre du président Lincoln
(1865); Society and Solitude (Boston, 1870); Letters
and Social Aims (1875) et quelques poésies : Parnassus,
Selected Poems (1871). M. Em. Montégut a traduit sous
le titre d'Essais de philosophie américaine plusieurs
opuscules d'Emerson. Th. Buyssen.
BiBL. : Alex. iREhA^B , Ralph Waldo Emerson, a biogr.
sketch; Londres, 1882. — Holmes, J^. VT.E.; Londres, 1885.
EMERY (Josiah), constructeur de chronomètres, né à
Chardonne (Vaud) vers 1730, mort à Londres le 2 juil.
1794. On ne sait presque rien de sa vie si ce n'est qu'il
s'établit en Angleterre et y devint le plus célèbre construc-
teur de chronomètres de son temps. 11 rendit ainsi désignâ-
tes services à la science et à la marine. A sa mort il ne
laissa, dit-on, qu'une guinée pour toute succession. E. K.
ÉMERY (Jacques-André), né à Gex en 1732, mort
en 1811. Il entra dans la Société des Prêtres de Saint-
Sulpice en 1750, et il en fut nommé supérieur général en
1782. Après le rétablissement des cultes, il fut choisi par
l'archevêque de Paris comme grand vicaire ; en 1808, il fut
nommé conseiller de l'Université, et il obtint la réouver-
ture du séminaire de Saint-Sulpice (V. Sulpiciens). —
OEuvres principales : Pensées de Leibnitz sur la reli-
gion et la morale (Paris, 1772 et 1803, 2 vol. in-12) ;
Exposition de la doctrine de Leibnitz sur la religion
(Paris, 1819, posthume) ; Christianisme de Racon
(Paris, 1779, 2 vol. in-12); Défense de la Révélation
d'Euler (Paris, 1805) ; Pensées de Descartes sur la
religion et la morale (Vsiris, 1811, in-8) ; Esprit de
sainte Thérèse (Lyon, 1774, 1779, 1820, 2 vol. in.l2);
articles dans les Annales philosophiques. E.-H. V.
ÉMERY(Ant.-François), graveur français (V. Hémery).
ÉMERY (Edouard-Félix-Etienne), chirurgien français,
né à Lemps (Dauphiné) le 25 juin 1788, mort à Paris en
mars 1856. Il prit part aux deux campagnes de France en
qualité de chirurgien de la garde impériale, obtint en 1830
la chaire d'anatomie de l'Ecole des beaux-arts, puis un
service à Saint- Louis, enfin devint en 1835 membre
titulaire de l'Académie de médecine. Ses nombreux tra-
vaux sur la chirurgie, l'hygiène publique, les maladies de
la peau, etc., sont disséminés dans les recueils périodiques
de l'époque. D'' L. Hn.
EMES (Thomas), illuminé anglais, mort à Londres le
23 déc. 1707. Affilié aux Camisards, il s'acquit à Londres
une grande popularité en prophétisant. Il avait même prédit
la date de sa résurrection, et le gouvernement dut interdire
l'accès du cimetière où il était enterré pour prévenir des
troubles. Il a écrit : A Dialogue between alkali and acid
(Londres, 1698, in-8), où il donna l'alcali comme cause
et l'acide comme remède de toutes les maladies; A Letter
to a gentleman concerning alkali and acid (Londres,
1700', in-8) ; The Atheist turned Deist and the Deist
turned Christian (Londres, 1698, in-8).
^..é-r.Mr T n V JEquiv. C^SH^OAz^O^o
EMETINE. L Chimie. — Form. l ^^^^ 0?^''^ kz^O^ .
L'émétine est un alcaloïde retiré en 1817 par Pelletier
du Cephalis ipecacuanha (Kuh'mœes). Magendie a cons-
taté qu'elle représente le principe vomitif de l'espèce du
Brésil. Lefort et F. Wurtz sont parvenus à l'obtenir à
l'état cristallin, en passant par l'azotate d'émétine, sel peu
soluble dans l'eau. Le procédé d'extraction de Glénard con-
siste à mélanger la poudre d'ipéca avec de la chaux, à
épuiser le mélange par l'éther ; on distille ce dernier ; on
reprend le résidu par l'eau accidulée et on précipite par
l'ammoniaque. Le rendement est tout au plus de i °/o.
L'émétine est blanche, cristalline, relativement assez soluble
dans l'eau, soluble dans les dissolvants usuels : alcool,
éther, chloroforme, sulfure de carbone, huiles essen-
tielles, etc. Sa saveur est amère et désagréable ; il en est
de même de ses sels, qui sont à la fois solubles dans l'eau
et dans l'alcool. - Le chlorhydrate, C^^^'kzW^mCU
est cristallisé (Glénard). — Vazotate, C^'^R'^^Az^^O^^
ÉMÉTINE — ÉMIGRANT
904 —
-i-2AzH0^, est en cristaux qui exigent 100 p. d'eau pour
le dissoudre à la température ordinaire. Ed. Bourgoin.
II. Thérapeutique (V. Ipécacuanha).
BiBL. : BuciiNER, Rép. de pharm., t. VII, 289. — Dumas
et Pelletier, An. ch. et phys., 1823, t. XXIV, 180. —
Glénard, Journ. ph. et ch., t. XXII, 175 (4). — Lefort
et F. Wurtz, id., t. XXVI, 16; Soc. ch.^ t. XXIX, 469. -
Magendie et Pelletier, Ann. ch. et phys., t. IV, 172 (2).
ÉMÉTIQUE. I. Chimie. — L'émétique, tartre stibié,
tartrate d'antimoine et de potasse, se préparait autrefois en
faisant bouillir dans 20 parties d'eau 3 p. de crème de
tartre et 2 p. de verre d'antimoine pulvérisé ; on évaporait
à siccité, on reprenait par l'eau bouillante et la liqueur
donnait à l'évaporation des cristaux d'émétique. Soubeiran
a substitué à ce mode opératoire le procédé suivant :
Protochlorure d'antimoine sec 400
Sesquicarbonate d'ammoniaque 80
Eau distillée 4,000
On dissout le sel d'ammonium dans l'eau, on ajoute le
chlorure d'antimoine et on fait bouillir le tout pendant une
demi-heure, en ajoutant de temps en temps un peu d'eau.
La liqueur étant encore légèrement alcaline, on laisse dé-
poser et on recueille le précipité d'oxyde d'antimoine qu'on
fait sécher. On prend alors :
Oxyde d'antimoine sec 75
Bitartrate de potassium 400
Eau distillée 700
On broie les deux sels avec 2 Htres d'eau bouillante pour
former une pâte demi-liquide qu'on abandonne à elle-même
pendant vingt-quatre heures ; on ajoute le reste de l'eau et
on fait bouillir jusqu'à dissolution complète en remplaçant
l'eau au fur et à mesure qu'elle s'évapore ; on filtre et on
concentre jusqu'à 4,24 de densité. Par le refroidissement,
l'émétique cristallise. L'émétique est alors en octaèdres
rhombiques, incolores, inodores, transparents, retenant
un équivalent d'eau. Il s'efïleurit à l'air, possède une sa-
veur acre et désagréable. Il se dissout dans 44 p. d'eau
froide et dans un peu moins de 2 p. d'eau bouillante. La
solution aqueuse rougit faiblement le papier de tournesol ;
traitée par l'hydrogène sulfuré, elle donne lieu à un pré-
cipité rouge orangé caractéristique. Ed. Bourgoin.
II. Thérapeutique (V. Antimoine, t. III, p. 245).
ÉMEU (Ornith.). Les Emeus (Dromains V.) qui ap-
partiennent à l'ordre des Struthioniens, des Brévipennes ou
des Coureurs (V. ce mot), ont été souvent confondus avec
les Casoars (V. ce mot), mais se distinguent facilement de
ces derniers oiseaux par leur tête dépourvue de casque et
par leur corps couvert d'un pelage terne, d'un blanc jau-
nâtre, rayé de brun ou de noir chez les jeunes, d'un brun
grisâtre tacheté de noir chez l'adulte. Par leur costume
ils rappellent un peu les Autruches, mais ils ont des formes
plus lourdes, une tête plus grosse, portée sur un cou
moins allongé, des pattes plus courtes, plus épaisses, tou-
jours emplumées jusque dans le voisinage de l'articulation
tibio-tarsienne et terminées par trois doigts munis d'ongles
puissants. En outre, leur corps ne présente en arrière
aucun rudiment de queue, et les plumes qui s'insèrent
sur leurs membres antérieurs, presque entièrement atro-
phiés, ne diffèrent pas des plumes avoisinantes. Celles-ci
offrent d'ailleurs une structure particulière ; elles ont des
barbes piliformes et isolées et se trouvent réunies deux à
deux sur la même tige. Enfin, il existe, chez les Emeus
des deux sexes, sur le devant du cou, une poche qui com-
munique avec la trachée et qui contribue probablement à
donner à la voix de l'oiseau un son guttural. Les Emeus ne
se trouvent qu'en Australie. Jadis il y en avait trois es-
pèces, le Dromains Novœ-Hollandiœ (Lath.), habitant
l'E. du continent, le D. irroratvs (Bennet), vivant dans
le S. et l'O., et le D. ater V. cantonné dans l'île des
Kangourous ou île Decrès ; mais cette dernière espèce a
été complètement anéantie au commencement de ce siècle.
La seconde espèce est assez rare, la première au contraire
très commune dans les jardins zoologiques de l'Europe où
elle se reproduit sans difficulté. Les jeunes supportent bien
notre climat et sont élevés par les mâles qui s'étaient déjà
chargés des soins de l'incubation. Chaque couvée com-
prend une douzaine d'œufs, La multiplication en captivité
Emeu.
de l'Emeu de la Nouvelle-Hollande assurera sans doute la
conservation de cette espèce remarçîuable qui était assurée
d'une destruction prochaine par suite de la chasse effrénée
dont elle était l'objet dans son pays natal. E. Oustalet.
BiBL. : PÉRON, Voyage aux terres australes^ 1807-1816,
pi. 36 et 41. — J. GouLD, Birds of Australia, 1848, t. VI,
pi. 1. — Bartlett, Trans. Zool. Soc. Lond.^ t. IV, pi. 73
et 76.
ÉMEVILLE. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Senlis,
cant. de Crépy; 474 hab.
EMFRAS. Ancienne ville de l'Abyssinie, province de
Béghamider, à une faible distance du lac Dembéa, vers l'E.
Bruce en donne la description suivante : « La ville d'Em-
fras est sur une haute montagne. Les maisons, au nombre
de trois cents, sont à mi-côte, faisant face au S. D'Em-
fras, on voit aisément tout le lac. Le roi d'Abyssinie rési-
dait autrefois dans cette ville; Emfras est par 42*^ 42^ 38^''
de lat. N., et par 37^ 38' 30''' de long. E. de Greenwich. »
ÉMIÉYILLE. Com. du dép. du Calvados, arr. de Caen,
cant. deTroarn; 452 hab.
ÉMIGRANT (Jeu). Deux disques de bois, d'ivoire ou
de métal réunis au centre par un petit boulon percé
perpendiculairement à son axe d'un trou dans lequel par
un nœud est fixé un cordonnet, tel est l'appareil qui sert
au jeu dit de Vémigrant. Le joueur enroule ce cordon-
net autour du boulon, saisit entre le pouce et l'index le
bout resté libre et laisse tomber l'objet qui remonte au
point d'où il était parti en vertu de la force de rotation
acquise. Un petit coup sec du poignet, quand l'appareil
touche de nouveau à l'extrémité de sa chute, permet au
mouvement ascensionnel et vice versa de se répéter
indéfiniment en acquérant une intensité croissante. C'est
dans les premiers temps de la Révolution française que ce
jeu compta quelques jours de vogue. Dans le monde aris-
tocratique, il supplanta le bilboquet bien suranné depuis
Henri ÏII, et son nom à'émigrant semble avoir été une
allusion à la fureur d'émigration qui, à cette époque, poussa
— 905 —
ÉMIGRANT — ÉMIGRATION
toute une partie de la population hors du pays jusque dans
les bras de l'étranger. D'un assez médiocre intérêt, le jeu
de rémigrant n'a joui que d'une faveur fort éphémère. Ce
fut affaire de mode tout au plus. Il est tombé en désuétude
aujourd'hui. ^" Collineau.
ÉMIGRATION. Généralités.— L'émigration est l'acte
par lequel un homme abandonne sa patrie, sans esprit de
retour, pour s'établir dans un autre pays. A toutes les
époques et partout il y a eu des transferts de population.
Mais ils se produisent selon des modes tout à fait différents,
selon le degré de civihsation de la société à laquelle appar-
tiennent les émigrants. Lorsqu'il s'agit d'une société jeune,
dont l'évolution est peu avancée, où l'Etat n'est pas forte-
ment constitué, où l'adhérence de la nation au sol n'est
pas complète, nous voyons se produire des émigrations en
masse. 11 est malaisé à un individu d'émigrer : les voyages
sont rares ; on connaît mal les contrées, même voisines;
l'étranger est l'ennemi; sorti de sa cité, du territoire
national, l'homme n'a plus de garantie, pas de justice à
espérer ; il est hors du droit, de la loi religieuse comme de
la loi civile. L'émigration isolée est donc exceptionnelle,
surtout dans les classes inférieures ; on ne se déplace
qu'en masse, pour la colonisation ou pour une migration
qui entraîne le peuple entier. Ce n'est pas ici le lieu de
parler des migrations proprement dites, par lesquelles des
tribus ou des peuples se sont déplacés. On sait d'ailleurs
que la vie nomade peut être regardée comme une des
phases de l'évolution sociale ; bien que les nomades par-
courent en général un territoire défini, il est évident que
leur mode d'existence les prépare à des déplacements même
très lointains. L'histoire est pleine du récit de ces grands
mouvements de peuples qui, le plus souvent, étaient accoin-
pagnés de guerres. Rappelons la migration ou l'invasion
des Scythes en Asie Mineure au vi^ siècle av. J.-C, celle
des Pasteurs en Egypte vers le xxi^ siècle, celle des Philistins
en Palestine au xiii^ siècle av. J.-C; la série des invasions
et migrations qui décidèrent au iv^ et au v^ siècle de notre
ère l'effondrement de l'empire romain fut la consé-
quence du déplacement des Huns vers l'Occident. Plus
récemment, des faits analogues se sont produits dans l'Asie
centrale et, pour nous en tenir aux races européennes civi-
lisées, rappelons l'émigration des Mormons se transportant
de Nauvoo sur les rives du grand Lac Salé, celles des Boers
reculant devant la domination anglaise au delà de l'Orange,
puis du Vaal. Ces phénomènes sociologiques très curieux
seront étudiés dans l'art. Migration.
Nous ne traiterons que sommairement des émigrations
coloniales, les plus importantes de toutes cependant, nous
en référant à ï'art. Colonisation. Indiquons seulement en
quelques mots les modifications successives dans le mode
d'émigration. Dans l'enfance des peuples, c'est, comme nous
venons de le dire, un mouvement en masse; la nation
entière ou une fraction considérable quitte ses foyers.
Dans cette période, l'émigration est armée et a tous les
caractères d'une conquête ; elle a pour cause l'infécondité
du sol, l'excès de population, l'esprit d'aventures. La con-
quête détermine à son tour par contre-coup des émigra-
tions considérables, et les répercussions peuvent être nom-
breuses. Ainsi dans la Grèce ancienne, vers le x^ siècle
av. J.-C, l'invasion des Doriens émigrant du N. au S. du
golfe de Corinthe et refoulant les Achéens de l'Argolide et de
la Corinthie détermina l'émigration de ces Achéens vers le
littoral septentrional du Péloponèse (Achaïe), d'où ils chas-
sèrent les Ioniens, lesquels émigrèrent en Asie Mineure.
Il nous faut également rappeler les transplantations de
peuples vaincus opérées par les grands conquérants asia-
tiques ; l'exemple le plus fameux est celui des Juifs qui,
durant la captivité de Babylone, durent quitter la Pales-
tine pour s'établir dans la Mésopotamie. Plus tard, dans
les moments des grandes crises politiques ou religieuses, il
y eut de grandes émigrations déterminées par les causes
morales. Les vaincus refusant de se soumettre aux idées
du vainqueur, bien que de même race, s'exilèrent en masse
ou individuellement, souvent pour fonder des colonies.
D'autres fois, la minorité dissidente fut expulsée. Le pre-
mier cas fut celui des Parthéniens de Laconie qui fondèrent
Tarente, des colons puritains du Massachusetts ou catho-
liques de Pennsylvanie, des protestants français après la
révocation de l'édit de Nantes ; le second cas fut celui des
Juifs et des Morisques espagnols. Ces expatriations sont
devenues rares avec les progrès de la civilisation et l'orga-
nisation des grands Etats modernes. Mais l'émigration indi-
viduelle et spontanée est devenue plus facile et plus fré-
quente par les progrès des relations internationales, des
échanges, la multiplication des moyens de transport et par
la sécurité que la législation internationale garantit à
chacun hors de son pays.
Nous étudierons principalement ici les faits relatifs à
l'émigration des races européennes. Nous ferons d'abord
un historique sommaire des émigrations européennes jus-
qu'à la période contemporaine qui est l'objet propre de
cette étude. Nous placerons à la fin un exposé des faits
essentiels relatifs à l'émigration africaine, indoue et chi-
noise qui fut généralement provoquée ou dirigée et régle-
mentée par les puissances européennes. Nous aborde-
rons ensuite l'analyse des faits relatifs à l'émigration chez
les différentes nations européennes exposant successivement
la statistique, le nombre, la nature et la qualité des émi-
grants ; les lieux de destination de l'émigration ; le trans-
port des émigrants, puis nous aborderons les considéra-
tions morales, causes et conséquences de l'émigration, et
nous examinerons l'intervention des pouvoirs publics et la
législation relative aux émigrants en France et à l'étranger.
Historique. — Dans l'antiquité, l'émigration se confond
soit avec les migrations dont il sera parlé en un autre lieu
(V. Migration), soit avec la colonisation. Ainsi, la fonda-
tion de l'Etat carthaginois fut le résultat d'une émigration
considérable qui créa le peuple mixte des Libyphéniciens ;
de Carthage, des mouvements analogues se produisirent
notamment vers l'Espagne méridionale. L'émigration tient
dans l'histoire grecque une place essentielle ; on a dit
comment la race grecque s'établit sur les rivages de l'Asie
Mineure, de l'Italie méridionale (V. Colonisation). Ces émi-
grations eurent des causes multiples : invasions de tribus
voisines ; excès de population ; dissidences politiques ; plan
de colonisation conçu par les gouvernants. Roscher a énu-
méré les principales : « Les établissements des Eoliens et
des Ioniens sur la côte d'Asie et les îles de la mer Egée ont
été créées, dit-il, par les anciens maîtres du Péloponèse,
lorsqu'ils durent se retirer devant les invasions des Héra-
clides venant du N. de la Grèce... Lorsque, quelques siècles
plus tard, la défaite des Messéniens assura la suprématie
de Lacédémone, les plus indépendantes des races soumises
se décidèrent à aller chercher une patrie libre de l'autre
côté de la mer, et les conquérants eux-mêmes favorisèrent
ce mouvement... Tarente paraît avoir été fondée parles
Parthéniens, c.-à-d. par les enfants naturels de Sparte
auxquels le parti dominant de l'époque avait refusé la
plénitude de leurs droits civils et politiques. Un refus de
même nature paraît avoir déterminé l'expatriation des
Doriens-Epizéphy riens. Il est également probable que Cro-
tone et Sybaris doivent leur origine aux Périèqueslacédémo-
niens auxquels la mère patrie refusait les droits complets
de citoyens. La création de Syracuse est due à une famille
considérable de la puissante aristocratie corinthienne des
Backhiades qui s'était compromise poUtiquement au point
de ne pouvoir rester à Corinthe. Les Messéniens opprimés
se sont plus d'une fois réfugiés à Reggio. Il ne faut pas
oublier les Phocéens qui, chassés de leur patrie par les
Perses, se réfugièrent à Velia, puis à Marseille. »
Les émigrations coloniales des Grecs ont été le plus
souvent organisées avec grand soin sous la direction du
gouvernement métropolitain ou de l'oracle de Delphes
(V. Divination). Ce n'étaient pas des individus, quelques
familles, qui se déplaçaient, mais une société complète avec
ses chefs divins et humains, son culte, sa législation, son
ÉMIGRATION
906
aristocratie dirigeante ; elle ne changeait pas de patrie,
elle allait faire revivre la sienne ou une copie de la sienne
sur une terre nouvelle.
La colonisation romaine fut également alimentée par
l'émigration, mais suivant un s};stème un peu différent.
Elle l'ut à l'origine surtout militaire ; les colons furent
recrutés à peu près exclusivement parmi les pauvres et
restèrent subordonnés à la métropole. Ils ne fondaient pas
une patrie nouvelle. Aussi la colonisation de la période
romaine républicaine ne comporte-t-elle pas de véritable émi-
gration. Elle se faisait par terre et non par mer, remarque
importante. Plus tard, à l'époque de l'empire romain, il se
produisit au contraire de véritables émigrations favorisées
par le gouvernement et grâce auxquelles furent latinisées
l'Afrique septentrionale, l'Espagne, la Gaule, les contrées
alpestres, la Roumanie actuelle. Mais ces faits, imparfaite-
ment connus, seront étudiés à part.
A la frontière septentrionale de l'empire romain se pro-
duisaient constamment des migrations. Nous sommes peu
renseignés sur celles de Celtes et des Gaulois accomplies
au V®, au IV® et au ni® siècle avant l'ère chrétienne. Nous
e sommes mieux sur celles des Cimbres et des Teutons
exterminés par Marins, puis des Suèves et des Helvètes
refoulés par César. On sait comment, à la fin du iv® siècle
et au V® siècle de l'ère chrétienne, l'empire romain finit
par être incapable de contenir les barbares germains dont
un grand nombre de tribus vinrent s'établir sur son terri-
toire (V. M1GRA.T10N, Barbares [Invasion des], Celtes, Ger-
mains, etc.). Les Germains subissaient eux-mêmes la pous-
sée des Slaves en marche vers l'O. Au S. et à l'E. de
la Méditerranée, les invasions arabes s'accompagnent de
grandes émigrations qui se prolongent fort tard, comme
celle des Hillalites par exemple (V. Khalïfat). Dans l'Europe
orientale, les mouvements de peuples continueront à tra-
vers tout le moyen âge, et même la constitution du grand
empire russe n'y a pas mis tout à fait fin; il suffirait de
citer le fait récent de l'exode des Tcherkesses. Mais on doit
regarder tous ces déplacements comme de véritables migra-
tions. De même, dans l'Europe centrale, l'établissement des
Àvars, puis des Magyars sur le moyen Danube. Le mouve-
ment vers rO. fut arrêté par les Erancs et définitivement
par la dynastie carolingienne. Cependant, après sa déca-
dence, nous constatons encore les invasions normandes,
émigrations Scandinaves à main armée qui établissent des
populations nouvelles en Grande-Bretagne, en Irlande, aux
bouches de la Seine, dans l'Italie du Sud et en Sicile. Les
populations de l'Europe occidentale réagissent ensuite : en
Espagne ellesrefoulent les Maures; en Allemagne, les Slaves;
enfin les croisades ont été une véritable émigration de Fran-
çais, d'Italiens, d'Allemands, vers la Syrie et la Palestine.
Il se fonda au xi® siècle une série de colonies européennes
recrutées par une émigration continue qui les soutint jus-
qu'au xni® siècle et, en Grèce, jusqu'au xv® (V. Croisade).
Rarement émigration fut plus dispendieuse et, à ce point
de vue, aucune n'a drainé autant d'hommes dans les classes
supérieures d'une société. ■— La découverte de l'Amérique
produisit au xvi« siècle un renouveau d'émigration, et depuis
lors les populations européennes n'ont cessé de s'expatrier
vers le Nouveau-Monde. Cette émigration est un des faits
les plus considérables de notre histoire, et il faut y insister
d'autant plus que ce sont ses conséquences actuelles qui
forment l'objet fondamental de cette étude. Ainsi que l'af-
firme Gladstone, « il ne faut pas chercher ailleurs que dans
l'amour de l'or la cause des migrations qui ont peuplé les
nouveaux continents. C'est Vauri sacra famés qui a sus-
cité de l'itahe, de l'Espagne, de la France, de l'Angleterre,
du Portugal, ces aventuriers pleins de vaillance auxquels
on doit la fondation, au milieu d'incroyables dangers, de
la puissante république de l'Amérique du Nord et des Etats
de l'Amérique du Sud. Il est certain que, sans cette puissante
amorce, la colonisation de ces vastes continents n'eût peut-
être jamais eu lieu. Si l'on avait dit, en effet, aux chefs
des premières expéditions qu'ils allaient dans un pays, oti,
au lieu des métaux précieux qu'ils attendaient, ils ne trou-
veraient que misère et labeur, pas un n'eût quitté le foyer
paisible de la patrie. »
Nous reviendrons tout à l'heure sur cette émigration
transocéanienne. Constatons-en la marche générale. Les
passions qui poussaient vers le Nouveau-Monde les aventu-
riers du xvi® siècle ayant rencontré de grandes désillu-
sions, ce mouvement s'arrêta au xvii® siècle. A ce moment
se place la colonisation officielle et concurremment avec
celle-ci l'émigration des dissidents religieux vers la Nou-
velle-Angleterre. Au xviii® siècle, les progrès du commerce
et les relations régulières entre l'Europe et l'Amérique
créent une sorte de courant d'émigration vers ce continent
encore presque vide d'habitants. Les grandes guerres de
la Révolution et de l'Empire marquent un temps d'arrêt;
mais, aussitôt après, l'émigration prend un nouvel essor.
« Le monde colonial a grandi : il a triomphé des périls de
l'acchmatation, du défrichement et de l'hostilité des indi-
gènes. Il s'est élevé à la hauteur d'une société régulière. »
(Legoyt.) L'Amérique espagnole va s'affranchir et s'ouvrir
aux travailleurs européens. La navigation a fait d'immenses
progrès; la rapidité et la sécurité des transports se sont
accrues en même temps que le prix s'abaissait. Bientôt la
marine à vapeur marquera une nouvelle et décisive amélio-
ration. D'autre part, la législation internationale s'élabore ;
les restrictions opposées à l'émigration par les gouver-
nements tendent à disparaître. Chaque fois qu'une mau-
vaise récolte ou une crise industrielle privera de travail
et d'aliments une fraction de la population, elle sera tentée
de chercher ailleurs les ressources qui lui manquent. Des
sociétés se forment pour organiser l'émigration. A partir
de 18^20, leur action grandit. Elles orientent les émigrants
vers l'Amérique du Sud qui a grand besoin de travail libre,
d'autant que la traite des nègres va être abolie. Les socié-
tés d'assistance pour les émigrants se multiplient; les gou-
vernements des pays d'origine et des pays de destination
prennent des mesures pour les protéger efficacement; de
grandes compagnies de navigation abaissent au minimum
le prix des transport. Enfin des causes particulières
accroissent sans cesse le nombre des partants. Les progrès
des moyens de transport ont beaucoup rapetissé le monde
dont l'enseignement de la géographie vulgarise la connais-
sance. Les grandes espérances déçues par les révolutions
de 4830 et "i 848, les crises industrielles et agricoles du
milieu du siècle (surtout en Grande-Bretagne et en Irlande),
les persécutions politiques et religieuses (dans l'Europe
centrale, en Italie), d'autre part l'enrichissement prodi-
gieux des Etats-Unis qui deviennent une sort.e d'Eldorado
du travailleur lui offrant la terre à bas prix et des salaires
très élevés, la découverte des mines de la Californie et
d'Australie, créent de puissants foyers d'attraction. Ces
causes agissant simultanément ou successivement ont donné
un extrême développement à l'émigration ; elle n'est plus
un fait accidentel, se produisant à la suite de crises natio-
nales, de bouleversements politiques ou religieux, mais un
fait normal et permanent qui entraîne chaque année un
grand nombre d'hommes à changer de patrie. C'est là un
des phénomènes sociaux les plus graves de notre époque et
il faut l'analyser avec soin.
L'histoire nous permet de constater de profondes diffé-
rences entre les tendances des divers peuples pour ce qui
concerne l'émigration. Ces tendances sont très développées
chez les populations germaniques et chez les Anglo-Celtes
qui peuplent les Iles-Britanniques ; elles le sont moins chez
les races latines et nul n'émigre moins que le Français. La
France est bien plutôt un foyer d'attraction pour les émi-
grants des contrées voisines. Quant aux Slaves, ils s'épan-
chent sur les régions asiatiques conquises par la Russie.
Les nègres n'ont émigré que contraints; les Chinois au
contraire se répandent sur les rivages du Grand Océan.
Emigration allemande, La race germanique, patiente
et laborieuse, a toujours tendu à se propager au delà des
frontières territoriales. On sait que dès l'époque romaine
- 907
on regardait la Germanie comme un réservoir de peuples;
après les migrations qui semblaient l'éfmiser quand les
O?trogoths, les Wisigoths, les Burgondes, les Saèves ,
les Lombards, les Francs, etc., se furent établis dans l'an-
cien empire romain, colles de ces nations qui restaient en
contact avec la Germanie se renouvelèrent par un afflux
continuel d'éléments barbares. La Grande-Bretagne fut
en même temps occupée par des émigrants saxons, angles
et jutes, en attendant les danois. Les Carolingiens arrêtent
le mouvement vers l'O. Aussitôt, malgré les saignées
effroyables de ces guerres d'extermination, les Allemands
s'épanchent vers l'E., refoulant les Slaves. Ce mouvement
(Drang nach Osten) caractéristique de l'histoire d'Alle-
magne depuis mille années s'opère moins par une poussée
générale reportant à l'est l'ensemble des populations, que
par une colonisation militaire dont les agents sont recrutés
dans toute TAllemagne. Ce sont des émigrants venus des
provinces les plus diverses qui fonderont le Brandebourg
et la Prusse (V. Prusse). Ce ne sont pas seulement les Ba-
varois qui peuplèrent les Marches de l'Est (Autriche), de
Styrie,deCarinthie. Le commerce, surtout quand fut orga-
nisée la Hanse, crée de véritables colonies allemandes dans
les villes de la mer du Nord, de la Baltique, de la Pologne
et de la Russie. Les grands cataclysmes du xvi® et du
XVII® siècle, des guerres de religion et de la guerre de Trente
ans enrayent l'émigration allemande. Cependant, dès cette
époque, elle se porte vers l'Amérique du Nord. Quand les
Hollandais fondent sur l'Hudson la Nouvelle- Amsterdam, ils
appellent des Allemands, leur offrant à la fois la liberté de
conscience et des concessions de terres ; on les transporte,
et p. leur débarquement on leur donne des vêtements, des
semences, des outils agricoles, à titre d'avances rembour-
sables sur les premières récoltes. Un peu plus tard, le
quaker Penn s'adresse aux Allemands, leur offrant des
terres au prix de 40 shillings l'acre sur les bords de la
De!aware. En 168^2, se crée à Francfort une société de
colonisation qui envoie ^0 familles sous la conduite de
Pastorius ; d'autres suivent; en 1710, on comptait
4,000 mennonites allemands en Pennsylvanie. Lors de la
grande famine de 1709, la reine Anne offrit le passage
gratuit et des terres en Amérique aux Allemands cjui vou-
draient émigrer. Il s'en présenta 32,000 qui vinrent à
Londres. On ne put les expédier en Amérique ; 7,000 furent
rapatriés, d'autres envoyés en Irlande, ou bien aux mines
de Sunderland; un tiers mourut; le reste fut trans-
porté en Amériqu^î dans l'été de 1710. Dans la période
suivante, on continua de recruter des Allemands pour les
colonies anglaises ; ils furent victimes de spéculateurs qui,
après les avoir fait venir, les vendaient aux enchères
comme de véritables esclaves. Les frères moraves amènent
en 1741 un élément plus homogène. L'émigration alle-
mande était toujours très forte; en 1742, on comptait en
Pennsylvanie près de moitié d'Allemands ou fils d'Allemands.
Plus on avance, plus le mouvement s'accentue; en 1739,
il passe par Philadelphie 22,000 émigrants allemands ; de
1772 à 1776, il aborde plus de 20 navires d'émigrants
allemands dans les colonies anglaises. Au xix^ siècle, l'émi-
gration allemande est encore plus considérable (V. ci-dessous
§ Statistique),
Les souverains autrichiens ont cherché à accroître l'in-
fluence de l'élément germanique dans les provinces orien-
tales, en faisant appel aux émigrants. Par une patente du
25 févr. 1763, Marie-Thérèse accorda aux colons « qui
viendraient s'y établir et y construire une maison d'habi-
tation, la gratuité des frais de transport, des avances en
argent remboursables pour moitié en cinq ans, une cer-
taine quantité de bois de chauffage et de construction, enfin
l'exemption de tout impôt pendant six ans pour les paysans
propriétaires, et pendant dix ans pour les simples manœuvres .
Des agents furent ensuite envoyés dans les principales villes
d'Allemagne pour y recruter des émigrants. En 1768, les
terres de la couronne dans le Banat furent cadastrées et
partagées entre les colons dans la proportion de 32 jochs
ÉMIGRATION
(1 8 hect. 42 cent.) par maison. Dix années après, 30,000 per
sonnes s'y étaient établies et y avaient fondé 100 com-
munes nouvelles. » Ce mouvement d'immisçration officielle
s'arrêta lorsque l'Etat autrichien suspendit la subvention.
Joseph II reprit le plan de sa mère, et, pour attirer les
émigrai^ts allemands, il leur promit des terres, des avances
en argent, l'exemption du service militaire pour le fils aîné,
l'exemption de tout impôt pour dix-neuf ans et une liberté
d€ conscience absolue. En dix-huit mois, il vint 5,663 fa-
milles composées de 25,896 personnes. L'immigration cessa
faute de terre et faute d'argent, l'Etat ayant épuisé ses
ressources. Ultérieurement, le gouvernement autrichien se
montra peu favorable aux émigrants; il commença par re-
fuser ceux qui n'avaient pas de moyens d'existence assurés
(1802) et à partir de 1805 ne regut même plus les colons
aisés. Ce n'est qu'au milieu du siècle qu'il revint à une
politique plus libérale (V. § Intervention de VEtat),
La Prusse, qui doit son existence à une véritable coloni-
sation dut encore une partie de ses progrès, au xvii® et au
xviii^ siècle, à la protection méthodique que ses souverains
accordèrent aux immigrants étrangers. Le fait est remar-
quable, puisque la Prusse, qui fut un pays d'immigration,
est actuellement un des principaux centres de l'émigration
européenne. Au xvii^ siècle, elle recueillit successivement
les protestants français fuyant devant les persécutions de
Louis XIV, les Wallons chassés des Pays-Bas, les Vaudois
du Piémont, des réformés de Suisse, de Bohème, ceux de
Salzbourg exilés par l'archevêque Firmian. Frédéric-Guil-
laume dépensa 6 millions de thalers pour repeupler avec
des Souabes et des Suisses sa province de Prusse. Pendant
son règne et celui de Frédéric II, l'immigration ne cessa
d'être un des principaux soucis du roi. Frédéric H attira et
établit en Prusse au moins 250,000 émigrants venus de
tous les pays d'Europe. C'est à partir de l'annexion des
provinces rhénanes, pays riches, que l'émigration prussienne
a dépassé l'immigration.
D une manière générale pour l'émigration allemande, le
fait capital c'est que jusqu'au xvii« siècle elle fut presque
exclusivement et même jusqu'au siècle actuel prin-
cipalement dirigée vers l'E. et continentale; aujourd'hui
elle est surtout dirigée vers l'O. et transocéanique. Pen-
dant le moyen âge, rappelons la colonisation de la Prusse,
des duchés de la Baltique, d'une partie de la Pologne ; plus
récemment, des colonies allemandes ont été établies dans
la Russie méridionale, sur la Volga, etc. Catherine II et
ses successeurs adressèrent des appels réitérés aux émi-
grants allemands. De même en Hongrie, où déjà le roi
Geisa H les attirait, où la Transylvanie en fut en partie
peuplée, avant les entreprises de Marie-Thérèse et de Jo-
seph K que nous citions tout à l'heure. Enfin, à notre
époque comme dans les âges précédents, l'émigration alle-
mande est surtout agricole.
Emigration anglaise, écossaise, irlandaise. Les po-
pulations de langue anglaise se sont plus que toutes autres
répandues sur la surface du globe. Nulles n'émigrent da-
vantage et ne profitent plus de cette tendance. La person-
nalité énergique des Anglo-Saxons s'affirme ici. Ils n ont
pas la souplesse des émigrants allemands; ils ne peuvent
comme ceux-ci subir la domination étrangère; aussi ne se
transportent-ils guère que dans les pays où ils sont les
maîtres, où leur langue, leurs mœurs, leurs institutions ont
été implantées. Dans cette émigration, c'est l'élément cel-
tique qui l'emporte par le nombre, Irlandais, Gallois, Ecos-
sais des Highlands, mais pour la qualité c'est l'inverse.
L'Irlandais est pauvre, accepte à l'étranger les besognes
intérieures, s'emploie comme terrassier, comme domes-
tique ; il améliore sa condition par l'émigration, mais sans
sortir de la condition de salarié ; son ignorance et son in-
tempérance lui nuisent. Au contraire, l'émigrant anglais ou
écossais est très souvent un cadet de famille, un petit fer-
mier ou un petit marchand. H n'est pas indigent comme
l'Irlandais, d'autant que les parents subventionnent en
général le cadet qui s'expatrie. Aussi l'émigrant anglais
ÉMIGRATION
— 908 —
devient-il à l'étranger fermier, industriel, commerçant pour
son propre compte, ou bien contremaître dans une grande
industrie, commis dans une maison de commerce ou une
entreprise financière. Beaucoup pourtant s'emploient comme
ouvriers dans les mines et les manufactures. L'histoire de
l'émigration anglaise dans le passé se confond avec celle
des colonies anglaises et a été donnée dans l'art. Coloni-
sation. On trouvera plus bas les indications relatives à
l'émigration britannique depuis le commencement du
XIX® siècle. Notons seulement que l'émigration irlandaise
qui est la plus intense l'a toujours été. On évalue à cinq
millions le nombre d'Irlandais qui se sont expatriés au xvii*^
et au xviii*^ siècle. A ce moment la persécution religieuse
était le motif capital. On sait que la France fut alors un
des foyers d'attraction de l'émigration irlandaise, laquelle
portait surtout sur les mâles, et que notre armée comptait
des régiments entiers d»'Irlandais. Depuis il s'est dessiné un
grand mouvement d'émigration des Irlandais vers les villes
anglaises. Nous y reviendrons. L'Ecosse a de même pen-
dant le moyen âge et aux temps modernes envoyé à l'étran-
ger, notamment en France, beaucoup de ses nationaux ; les
crises religieuses et politiques du xvi® au xvni*^ siècle y ont
contribué et ont eu des effets analogues en Angleterre. —
Quant à l'immigration étrangère en Angleterre, elle fut assez
mal vue ; toutefois, les gens des Pays-Bas appelés par
Edouard III, ceux qui fuyaient les persécutions de Phi-
lippe II, les protestants français sous Louis XIV ont eu
une grande part à la fondation de l'industrie anglaise. Mais
on peut dire que, sauf ces exceptions et abstraction faite des
Irlandais, l'immigration en Angleterre est insignifiante.
Emigration française. L'émigration française est
depuis longtemps extrêmement faible, relativement à l'émi-
gration anglaise et allemande. On sait qu'à notre époque
elle est surpassée par l'immigration des étrangers en France.
On a souvent examiné les causes qui retiennent le Français
chez lui : attachement au sol natal, tutelle administrative
qui lui laisse peu d'initiative et le prépare mal aux risques
de la vie coloniale ; mais la cause principale est certaine-
ment le bien-être des habitants ; ils restent chez eux parce
qu'ils s'y trouvent bien ; les salaires sont relativement
élevés ; nulle part autant qu'en France le luxe n'est vul-
garisé, pour ainsi dire ; aussi, comme les habitants ont
sagement limité l'accroissement de la population, mainte-
nant l'équilibre économique et social qui les rend heureux,
surtout dans les campagnes, rien ne les pousse à émigrer.
Ce sont souvent les gens les moins estimables qui vont
chercher fortune ailleurs ; aussi l'émigrant français qui se
porte de préférence vers les villes étrangères est-il trop
souvent tenu en médiocre renommée. Le mouvement même
vers nos colonies est faible et c'est là une des préoccupa-
tions de nos économistes (V. Colonisation). Dans le passé,
il n'en a pas toujours été ainsi. Sans remonter jusqu'aux
Gaulois, qui se déplaçaient très facilement et avaient peu-
plé l'Italie septentrionale, la Bavière et la Bohême et jus-
qu'à une province de l'Asie Mineure (V. Celtes), nous
avons déjà parlé des croisades. C'est par des émigrants
français que furent créées en Palestine et en Syrie des
principautés qui se maintinrent durant deux siècles et por-
tèrent dans ces régions, puis dans l'ancienne Grèce, notre
civilisation. Les Normands qui fondèrent le royaume des
Deux-Siciles étaient de véritables Français. Enfin, dans le
haut moyen âge, il y eut un courant ininterrompu d'émi-
gration française au S. des Pyrénées. L'influence de l'abbaye
de Cluny fut pour beaucoup dans ce mouvement. Il se créa
en Espagne, du xi® au xiv^ siècle, un grand nombre de
communes françaises, sans parler du royaume de Portugal.
Plus tard, les crises religieuses du xvi® et du xvii® siècle
déterminèrent des expatriations très considérables : celle
des Vauclois (V. ce mot), celle des réformés français qui
fut presque continue depuis le règne de François l^^ jus-
qu'à celui de Louis XV. La ville de Genève lui dut son
importance. De -1549 à 4559, cette seule ville avait reçu
plus de 5,000 réfugiés. La recrudescence des persécutions
religieuses sous Louis XIV accentua l'émigration à partir
de 1663; elle devint générale après la révocation del'édit
de Nantes. En quinze années, il sortit de France près
de 300,000 personnes. Vauban parle de 600 officiers,
42,000 soldats aguerris, 9,000 matelots, les meilleurs de
la flotte. On peut se faire une idée de l'importance de cette
émigration en songeant que, par la seule ville de Genève,
il passait des centaines de fugitifs chaque jour. En cinq
semaines (août 4687), on en compta près de 8,000. Cette
émigration forcée fut un désastre national, du même ordre
que celui causé à l'Espagne par l'expulsion des Juifs et
des Morisques. C'est le plus remarquable exemple de ces
exodes motivés par la persécution religieuse qui furent si
fréquents au xvi^ et au xvii^ siècle. Aussi entrerons-nous
dans quelques détails en reproduisant le tableau dressé par
M. Ch. Haussoullier, d'après les rapports des intendants
que Boulainvilliers a analysés. « D'après ces rapports, la
Provence perdit 45,000 habitants. On n'a pas de chiffre,
même approximatif, sur le nombre d'habitants qui sorti-
rent du Dauphiné et du Languedoc,, les deux provinces du
Midi où se trouvaient le plus de réformés. Cette dernière
province seule en contenait, assure-t-on, 200,000. La plu-
part des 400,000 protestants de la générahté de Bordeaux
émigrèrent ; la généralité de La Bochelle perdit plus du
tiers de ses habitants ; la population de Lyon descendit de
90,000 à 70,000 âmes. La Normandie, la province du
Nord qui contenait le plus de protestants, perdit, selon
M. Floquet, 484,000 habitants, et plus de 26,000 de ses
habitations devinrent désertes. Des 400 tanneries de la
Touraine, il n'en restait plus que 54, en 4698, et cette
province vit ses 8,000 métiers à soie réduits à 4,200,
ses 700 moulins à soie à 70, ses 300 métiers à rubanà à
60, ses 40,000 ouvriers à 4,000 et sa consommation de
2,400 balles de soie à 800 ; les 48,000 métiers de Lyon
furent réduits à 4,000 à peine; la fabrique de dentelles
d'or et d'argent de la généralité de Paris subit une grande
diminution. La Champagne fut singulièrement appauvrie ;
sur 4,842 métiers, Reims n'en garda que 950 ; des 80 ma-
nufactures de lainages de Rethel, il n'en restait c[ue 38 ;
à Mézières, les 408 métiers à serge étaient réduits à 8 ;
il ne restait plus que 2 ouvriers dans les manufactures de
drap de Sézanne ; Sedan souffrit à ce point que, de cité
florissante qu'elle était, elle devint pauvre bourgade. Les
60 manufactures de papier de l'Angoumois furent réduites
à 46. Le commerce de toiles de Bretagne, qui s'élevait à
Morlaix, pour les toiles fines seulement, à 4 millions et
demi, fut réduit des deux tiers. Dans le Maine, les manu-
factures du Mans, de Mayenne, étaient en pleine décadence;
celle de Laval fut ruinée. En Normandie, le commerce et
l'industrie avaient reçu un coup si terrible, que c'était à peine
si cette riche et industrielle province pouvait suffire à sa
consommation. »
La Révolution française détermina chez les privilégiés
qui la combattaient un mouvement d'émigration analogue
sur lequel on trouvera d'amples détails ci-dessous (V. le
§ Histoire de la Révolution). — Quant à l'émigration
vers les colonies françaises, elle fut toujours faible (V. Co-
lonisation), bien que Colbert et Louis XIV aient fait de
grands efforts pour la généraliser, spécialement vers le
Canada. Il y a là un modèle de colonisation et d'émigration
officielle ; le roi et le ministre s'occupent sans cesse d'expé-
dier de nouveaux habitants, d'accroître les mariages; ils
expédient des filles nubiles prises souvent à l'hôpital géné-
ral de Paris ; désireux de créer une race vigoureuse, ils
éliminent avec soin de ces convois les personnes malades
ou chétives. La santé physique et morale des Franco-Cana-
diens doit probablement beaucoup à cette attention offi-
cielle. La tradition s'en maintint sous les règiies suivants,
même lorsque la France eut perdu sa colonie de peuple-
ment. On expédia aux Antilles, à Cayenne et aussi à l'île
de France et à Bourbon des émigrants français ; dans ces
pays tropicaux, ils mouraient dru; deux sur cinq dispa-
raissaient dès la première année. On sait l'échec de la colo-
— 909 —
EMIGRATION
nisation alsacienne de la Guyane. Au xix^ siècle, le principal
but des émigrants français aurait dû être notre colonie
algérienne ; il n'en est pas encore ainsi, malgré les efforts
du gouvernement. On jugera, par les chiffres qui seront
donnés plus bas, de la faiblesse de l'émigration française
comparée à celle d'Allemagne ou de Grande-Bretagne.
Emigration italienne. Les Italiens ont relativement
peu émigré au moyen âge, malgré l'étendue de leurs rela-
tions commerciales (V. Commerce) et la fréquence des dis-
cordes civiles ; les exilés passaient dans une cité voisine,
mais bien peu quittaient la péninsule sans espoir de retour.
La domination autrichienne en obligea des milliers à s'ex-
patrier, mais ceux qui passèrent en Europe revinrent dès
qu'ils le purent. Nous exceptons bien entendu les aventu-
riers de haute ou basse marque qui cherchaient fortune
auprès des princes étrangers et se fixèrent dans leurs pays
d'adoption. Au xix^ siècle, l'émigration transocéanique a
pris une grande importance ; d'autre part, la situation
économique a poussé chaque année des milliers d'ouvriers
à chercher du travail au dehors, particulièrement en France.
Ils n'émigrent pas définitivement dès la première fois, mais
beaucoup finissent par s'établir tout à fait et peuvent être
regardés comme de véritables émigrants, d'autant que le
voisinage de leur pays natal leur permet de faire venir leur
famille et de fonder un établissement plus complet que celui
de bien des adultes qui ont émigré seuls.
Emigratio7i hispano-portugaise. L'émigration espa-
gnole qui a commencé de peupler l'Amérique du Sud et
l'Amérique centrale (Mexique et Antilles) n'a plus grande
raison d'être, semble-t-il, puisque la densité de la popu-
lation est insuffisante dans la péninsule ibérique. Elle con-
tinue néanmoins vers l'Amérique espagnole et vers l'Algé-
rie et la France. L'émigration portugaise fut et est encore
dirigée vers le Brésil.
Émigration Scandinave. Habitant un sol infertile,
sous un climat très rude, la race Scandinave, très éner-
gique, familiarisée avec la mer, a, de tout temps, essaimé.
Nous avons déjà signalé les invasions normandes qui con-
duisirent dans les Iles-Britanniques, en Neustrie, et sur les
rivages orientaux et méridionaux de la Baltique des groupes
nombreux de Danois, de Norvégiens, de Suédois. La colo-
nisation de l'Irlande vint ensuite. Puis l'activité de ces
nations se confina dans la Baltique et la mer du Nord. Ce
n'est qu'au xix^ siècle que l'émigration Scandinave a repris
avec une intensité telle qu'elle menace presque de dépeu-
pler la presqu'île suédo-norvégienne.
Emigration russe. L'empire russe ayant développé une
colonisation analogue à celle des Romains, l'émigration
y présente des caractères particuliers. Elle se produit par
des déplacements de populations slaves qui vont coloniser
des terres conquises récemment ou abandonnées par leurs
occupants. C'est ainsi que les Russes s'épanchent sur
l'Asie, dans la Sibérie, dans le Turkestan, dans la Trans-
caucasie, après avoir remplacé en Crimée les Tatares. Le
gouvernement, qui interdit en principe l'émigration propre-
ment dite, laisse cependant partir les dissidents religieux,
les juifs, les mennonites. Il cherche à renforcer l'élément
slave dans les provinces occidentales de l'empire. Toutes
ces mesures, comme celles relatives à l'immigration, notam-
ment des Allemands, qui eut une influence énorme au xvii®
et au xv!!!*^ siècle, seront étudiés à l'art. Russie.
Les faits relatifs à l'émigration de petits pays, Belgique,
Hollande, Suisse, etc., seront analysés plus bas, en même
temps que nous parlerons de leur situation actuelle à ce
point de vue.
Emigration africaine. L'émigration des nègres qui a
installé la race noire dans les deux Amériques est un des
faits les plus graves de l'histoire moderne. On sait qu'il
ne s'agit pas là d'une expatriation volontaire, mais d'un
commerce d'esclaves. Nous renvoyons pour son étude à
l'art. Esclavage, en rappelant seulement que la traite a
été abolie en ce siècle et que l'émigration des noirs engagés
par contrats est à peu près insignifiante. Toutefois, un
grand nombre de noirs sont encore transportés chaque an-
née dans les pays musulmans d'Asie.
Emigration incloue. Privées, par la suppression de l'es-
clavage et de la traite, des bras qui étaient nécessaires à
la culture de leurs plantations, les colonies européennes de
la zone tropicale ont cherché une compensation. Les Anglais
eurent l'idée de remplacer les nègres par des Indous. Ceux-
ci habitant des régions où la population est surabondante
et souvent décimée par la famine, n'ont pas de répugnance
à émigrer pour trouver ailleurs un travail mieux rému-
néré. Le gouvernement anglais organisa l'embauchement
des coolies pour ses colonies, à partir de 183o. La grande
majorité fut dirigée vers l'ile Maurice. On calcule, en effet,
que sur un total de 658,000 coolies émigrés de 1835 à
1882, l'île Maurice en a reçu près de 400,000 ; un tiers
environ sont retournés dans l'Inde; beaucoup sont morts.
Il n'y a donc pas là une émigration au sens propre du mot ;
cependant une partie des Indous se fixent dans leur nou-
veau séjour. On veille à ce que ce ne soient pas seulement
des hommes qui émigrent ; on exige qu'il y ait au moins
une femme par quatre hommes. De 1843 à 1860, sur les
"274,61 3 Indous transportés à l'île Maurice, on comptait
47,902 femmes et 31,368 enfants contre 195,343 adultes
mâles. Les Antilles anglaises avaient dans la même période
reçu 46,000 travailleurs indous ; la Guyane et la Trinité
avaient absorbé presque tout : la première, 27,295 ; la
seconde, 14,840. La mortalité était considérable pendant
la traversée, de 7 à 10 ^jo, soit sept à dix fois plus forte
que sur les émigrants anglais voguant vers l'Australie. On
voit que les visées humanitaires qui présidaient à ces trans-
ports n'étaient que relatives. Plus récemment, l'Australie
et les îles Hawaï ont aussi fait venir des coolies. Les colo-
nies françaises, la Réunion et les Antilles, en reçurent en
grand nombre. Le gouvernement anglais s'y prêta pour
remplacer les nègres. Enfin le Pérou en engagea plus de
180,000 de 1860 à 1872.
Emigration chinoise. La race chinoise est une des plus
prolifères et des plus expansives du globe. La Chine ac-
tuelle a été formée en partie par un travail de colonisation.
Elle continue de s'étendre vers l'intérieur du continent
asiatique de la même manière ; soit vers la Manchourie ,
vers la Mongolie, soit dans la région de Thian-chan et du
Tarim les émigrants affluent. Nous ne savons rien de pré-
cis de cette émigration. L'Indo-Chine est plus que jamais
envahie par les Chinois, pacifiquement, et, à l'occasion,
les armes à la main. L'émigration maritime est aussi con-
sidérable ; on l'évalue à 150,000 individus par an. Un
des centres est Singapour ; dans les colonies anglaises,
françaises, espagnoles, néerlandaises de la région malaise,
l'élément chinois s'accroît sans cesse, quoique beaucoup
des émigrants rentrent dans leur patrie. Ils ont aussi porté
leur travail dans des contrées plus éloignées, sur les
côtes améncaines du Grand Océan, aux Etats-Unis, en
Australie. Mais les ouvriers blancs redoutant l'avilisse-
ment des salaires ont exaspéré l'antipathie de race et fait
adopter des mesures prohibitives. L'immigration chinoise
dans ces pays a été arrêtée; seule, la colonie chinoise
actuellement existante aux Etats-Unis est tolérée. Dans
l'Amérique centrale et aux Antilles anglaises ou espagnoles,
les travailleurs prétendus libres qu'on faisait venir de
Chine peuvent encore moins être regardés comme de véri-
tables émigrants ; il ne venait guère que des hommes, et ils
ne créaient pas d'établissement définitif. Au point de vue
du travail agricole, la supériorité du nègre paraît acquise.
Voici ce que dit Granier de Cassagnac des trois races :
« L'Hindou est doux, obéissant, élégant de sa personne,
mais faible de constitution et produit peu de travail. Sa
religion lui interdisant la viande de bœuf, il vit exclusi-
vement de riz et de poisson ; il ne communique pas avec le
reste de la population, qu'il considère comme impure, et
rentre généralement dans son pays à l'expiration de son
engagement. Les nègres sont, sans comparaison, les meil-
leurs cultivateurs de la zone tropicale. Ils sont dociles,
ÉMIGRATION
910 -
maniables, susceptibles d'attachement et facilement gagnés
au christianisme. Ils coûtent beaucoup moins cher à faire
venir que les Chinois ou les Hindous, et ils ne s'en retour-
nent presque jamais. Ils sont donc une acquisition précieuse
pour le sol et pour le travail. En outre, les nègres vivent
des produits locaux, tels que racines, légumes, poisson ou
viande ; ils consomment la plus grande partie du rhum, et
ce régime développe en eux une force musculaire considé-
rable. Avec l'introduction des travailleurs nègres, on ne
cultive pas seulement les contrées tropicales, on les peuple. »
Ce sont donc, à proprement parler, les seuls qui méritent
tout à fait la qualification d'émigrants.
Statistique.— France.— La question de l'émigration
est à double face : émigration des nationaux à l'étranger,
immigration des étrangers dans le pays. Les pays européens
sont surtout des pays d'émigration, et le problème de l'im-
misration n'a pour eux que très peu d'intérêt, actuellement
du moins. 11 n'en est pas de même pour la France qui est
plutôt un pays d'immigration. Les chiffres et les faits de
nos statistiques devront donc être classés sous deux ru-
briques: émigration des Français à l'étranger, immigration
des étrangers en France. D'autre part, la question de l'émi-
gration n'est pas seulement démographique ou sociologique,
elle a aussi un intérêt commercial; celui-ci mérite pour la
France une mention spéciale, attendu que les ports français
embarquent chaque année une foule d'émigrants non fran-
çais, lesquels ne font que transiter par notre territoire et
forment une fraciion considérable des passagers de nos
navires. Nous rappelons dès le début de cette statistique
deux choses qu'il ne faut pas oublier : la première, c'est
que l'émigration vers nos colonies n'est pas considérée
comme telîe par nos statistiques, lesquelles ne portent que
sur les émigrants passant de France à l'étranger ; la se-
conde, c'est'la définition de Témigrant. Elle est donnée
par l'art. 7 du décret du 9 mars 1861 (V. ci-dessous le
ï Législation) qui déclare qu'il y a lieu de considérer
comme émigrant, sans autre justification, tout passager qui
n'est pas nourri à la table du capitaine ou des officiers et
qui paye pour le prix de son passage moins de 80 fr. par
semaine sur les vapeurs, 40 fr. par semaine sur les voiliers.
Il en résulte que les passagers de première et de seconde
classe ne sont jamais réputés émigrants. Au contraire, les
passagers d'entrepont sont réputés tels. Ainsi que l'observe
M. Mayssent, le très compétent chef du bureau chargé de
ce* service au ministère de l'intérieur, « ces destinations,
qui paraissent au premier abord étranges, sont fondées sur
la présomption, généralement justifiée par les faits, que les
passagers des classes inférieures se transportent dans les
pavs transatlantiques dans l'intention de s'y établir, tandis
quie les passagers des classes supérieures appartiennent pour
la plupart à la catégorie des voyageurs ordinaires. La
méthode, usitée en certains pays, qui consiste à demander
aux passagers s'ils émigrent sans esprit de retour ou dans
l'intention de revenir, fait dépendre la qualité d'émigrant
des déclarations qui peuvent n'être pas véridiques et que
les événements ne justifient pas toujours. Très peu d'émi-
grants, en effet, partent avec la pensée qu'ils ne reviendront
pas dans leur patrie. Quels que soient les avantages ou les
inconvénients de la règle établie à l'art. 7, c'est exclusive-
ment aux passagers visés dans cette disposition que s'ap-
plique la statistique de Fémigration dressée en France par
les soins de la direction de la sûreté générale.
C'est seulement à partir de 1836 qu'on a constaté régu-
lièrement le nombre des émigrants français ; à cette date,
en effet, furent créés des commissariats spéciaux chargés
de ce service. Toutefois, on avait déjà quelques renseigne-
ments pour la période antérieure. A la fin du xviii^ siècle,
Moreau, dans ses Recherches sur la population (1778),
évaluait de 20 à 23,000 le nombre des Français qui s'ex-
patriaient annuellement, librement ou non, vers nos colo-
nies. Si l'on ajoutait actuellement aux émigrants vers les
pays d'outre-mer ceux qui se rendent dans nos colonies,
on"^ n'arriverait pas encore au chiffre de 1 778. Il faut ajouter
que, pour les émigrants par voie de terre, lesquels sont
assez nombreux, nos statistiques sont muettes. En 1861 et
en 1886, on a procédé à un recensement général des
Français résidant à l'étranger. Voici les chiffres obtenus :
1861 1886
Europe 127.000 200.000
Amérique du Nord. . . . 113.000 120.000
Amérique du Sud .... 58.000 40.000
Afrique , . . 15.000 30.000
Asie , . . 3.000 15.000
Océanie » 3.000
316.000 408.000
Il faut dire tout de suite que ces chiffres ne méritent
aucune confiance, sauf peut-être pour l'Europe. En Asie,
ils comprennent pour 1886 le corps militaire d'expédition
au Tonkin. Pour l'Amérique du Nord, les chiffres sont
beaucoup trop faibles; de même pour l'Amérique du Sud,
où nos agents recensent 26,000 Français à la République
Argentine, alors que le dénombrement officiel de ce pays en
accuse près de 60,000. Pour l'Europe, on compte environ
50 à 60,000 Français en Belgique et autant en Suisse,
26,000 en Angleterre, 17,000 en Espagne, 10,000 en
Italie. Nos statistiques d'émigration citent 1 émigrant vers
l'Angleterre, alors qu'évidem'ment une bonne partie de nos
nationaux étabhs de l'autre côté de la Manche s'y sont
fixés. On peut juger par là avec quelles réserves il convient
d'accepter les documents statistiques que nous allons
donner. Les statistiques françaises et étrangères n'étant pas
établies de même en ce qui concerne la définition de l'émi-
grant, la concordance ne se trouve jamais réalisée.
Voici les chiffres de l'émigration française à partir de 1 853 :
1853 9.694
1854 18.079
1855 19.957
1856. ..... 17.997
1857 18.809
1858 13.813
1873 7.161
1874 7.080
1875 4.400
1876. ..... 2.867
1877 3.600
1878 2.316
1879 3.634
1880 4.642
1881 4.456
1882 4.848
1883 4.011
1884 3.768
1885. . . .
1886. . . .
1887. . . .
1888. . . .
1889. . . .
1890 20.560
1891 6.217
6.063
7.314
11.170
23.339
31.354
1859 9.164
1860 6.786
1861 6.334
1862. ..... 5.036
1863. ..... 4.285
1864 4.057
1865. ..... 4.489
1866 4.531
1867 4.938
1868 5.274
1869 4.837
1870 4.845
1871 7.109
1872 9.581
A partir de 1860, nous ne faisons plus figurer dans le
total les émigrants pour l'Algérie.
On remarque tout d'abord le mouvement d'émigration qui
suit l'établissement de l'Empire ; le malaise politique y
concourt avec la crise économique. Dans la dernière période
décennale, on remarque un brusque relèvement en 1885,
lorsqu'on put tenir compte des émigrants embarqués à
Bordeaux sur les navires de la Compagnie des Messageries
maritimes qui ne figuraient pas dans les statistiques des
années précédentes. Ainsi, en 1884, si on les avait ajoutés,
le total des émigrants se serait élevé à 6,100 environ. On
remarque la brusque augmentation de l'émigration à partir
de 1888 jusqu'en 1891; elle s'explique par le grand
courant qui s'est porté vers la République Argentine. La
crise subie par ce pays a ralenti le mouvement en 1890
et l'a presque arrêté en 1891. La République Argentine à
elle seule a reçu 22,871 émigrants français de moins
qu'en 1889.
Le tableau de la page suivante indique comment 1 émi-
gration française se répartit d'après le département d'ori-
914 —
EMIGRATION
gine et quelle est la proportion des émigrants à la popu-
lation totale du département dans la période 1885-1887,
la dernière sur laquelle des renseignements officiels aient
été publiés. Le total des émigrants pour ces trois ans a été
de 24,547. Nous y joignons un tableau donnant les mêmes
indications pour la période 1857-1877 (V. à la p. 912).
Pour comparer ce tableau à celui ci-dessous, il ne faut
pas oublier que dans l'un la proportion pour 10.000 hab.
est comptée sur une période de trois années, dans l'autre
sur une période de vingt années.
DEPARTEMExNTS
Ain
Aisne
Allier
Alpes (Basses-) . . .
Alpes (Hautes-) . . .
Alpes-Maritimes. . .
Ardèche
Ardennes
Ariége
Aube
Aude
Aveyron. .......
Bouches-du-Riiône ,
Calvados
Cantal
Charente ,
Charente-Inférieure
Cher
Corrèze
Corse
Côte-d'Or
Côtes-du-Nord . . .
Creuse
Dordogne
Doubs
Drôme
Eure
Eure-et-Loir
Finistère
Gard. ,
Garonne (Haute-). . .
Gers
Gironde -,
Hérault
Ille-et- Vilaine
Indre
Indre-et-Loire
Isère
Jura
Landes
Loir-et-Cher ....
Loire
Loire (Haute-) . . . ,
Loire-Inférieure . .
Loiret
w c
2 -û
ç-i c5
H fH 5
f3 br
tf 3-^
O Oo
Z.5
O S-
P4 o
t:3
Ph '"*
111
3,04
102
1,83
104
2,44
147
11 »
676
54,99
136
5,71
154
4,10
85
2,55
298
12 »
66
2,78
248
7,47
971
23 »
203
3,35
96
2,01
61
2,52
233
6,35
265
5,72
69
1,96
113
3,48
299
10,73
99
2,50
130
2 »
37
1,20
408
8,28
781
25,11
170
5,40
42
1,17
70
2,46
110
1,55
159
3,81
507
1,05
440
1,60
658
8,48
66
1,51
116
1,86
43
1,45
71
2,08
207
3,55
152
5,40
219
7,24
65
2,32
195
3,23
60
1,87
151
2,34
60
1,60
DEPARTEMENTS
Lot
Lot-et-Garonne
Lozère
Maine-et-Loire
Manche
Marne
Marne (Haute-)
Mayenne
Meiirthe-et-Moselle
Meuse
Morbihan
Nièvre
Nord
Oise
Orne
Pas-de-Calais
Puy-de-Dôme. . . ;
Pyi"énées (Basses-)
Pyrénées (Hautes-)
Pyrénées-Orientales
Rhin (Haut-) (Belfort depuis 1871).
Rhône
Saône (Haute-)
Saône-et-Loire
Sarthe
Savoie
Savoie (Haute-)
Seine
Seine-Inférieure
Seine-et-Marne
Seine-et-Oise
Sèvres (Deux-)
Somme'
Tarn
Tarn-et-Garonne
Var
Vaucluse
Vendée
Vienne
Vienne (Haute-)
Vosges
Yonne
Colonies françaises et émigrants
français, de provenance inconnue.
5S
356
201
37
61
60
122
68
63
302
87
80
97
246
87
66
196
49
5.653
1.422
196
274
358
624
158
92
605
372
1.331
327
89
127
61
74
167
84
133
140
43
81
92
228
113
72
o oo
13,11
6,50
2,62
1,15
1,15
2,84
2,74
1,85
6,97
2,97
1,49
2,78
1,59
2,15
1,79
2,29
0,85
130 ))
60,55
9,32
34 »
4,63
21,44
2,52
2,10
22,62
13,52
4,49
3,21
2,50
2,05
1,72
1,36
4,68
3,92
4,68
5,79
0,98
2,65
2,53
5,53
3,17
Le chiffre total des émigrants durant ces vingt années
1857-77 est un peu supérieur au total de ceux qui figurent
sur ce tableau. Il est de 148,290 personnes. Quoi qu'il en
soit, la remarque fondamentale c'est que le centre principal
d'émigration depuis trente ans est toujours le dép. des
Basses-Pyrénées ; vient ensuite le dép. voisin des Hautes-
Pyrénées; puis les pays de montagnes, les Hautes-Alpes,
PAveyron, le Doubs, la Savoie. Il y a aussi un fort mouve-
ment d'émigration du territoire de Belfort, mais qui est
compensé par Fimmigration alsacienne. Les habitants des
Pyrénées-Orientales, qui émigraient relativement beaucoup,
ont presque cessé; de même les Bouches-du-Rhône, la
Haute-Garonne et la Gironde. En revanche, il s'est créé un
nouveau fover dans le dép. de TAveyron d'où sont partis
U émigrants en 1883, 244 en 1884, 681 en 1887 ; ce
mouvement a gagné le dép. contigudu Lot. Paris et le dép.
de la Seine fournissent un chiffre assez fort, envisagé en
lui-même, mais faible proportionnellement à leur population.
Le premier fait ressortant des tableaux que nous don-
nons, c'est que l'émigration n'est pas en France propor-
tionnée à la population, et ne saurait par conséquent être
considérée comme l'écoulement naturel du trop-plein de con-
sommateurs et de producteurs qui existe en d'autres pays.
En effet, le dép. des Basses-Pyrénées, qui compte environ
430,000 hab., a fourni, de 1885 à 1887, 5,653 émigrants,
alors que la Seine avec une population sept fois plus forte n'a
donné que 1 ,33 1 départs, et le Calvados avec une population
équivalente seulement 96 départs. Tandis que des Basses-
Pyrénées, il sortait 130 hab. sur 10,000, du dép. du Puy-
de-Dôme, il n'en sortait pas même 1 sur 10,000 (0,85).
On peut multiplier ces rapprochements qui démontrent
péremptoirement que le mouvement de l'émigration est sans
rapport aucun avec le nombre des habitants. Elle n'est pas
non plus en raison inverse de la richesse mobilière ou
immobilière des départements, et par conséquent ne peut
être attribuée à l'insuffisance de ressources matérielles ou
à la misère. Le tableau de la répartition proportionnelle
par tête des valeurs successorales, et le tableau propor-
tionnel des contributions indirectes permettent d'évaluer la
richesse relative de chaque département ; les moins riches,
Corrèze, Creuse, Morbihan, ne fournissent presque pas d'émi-
grants. On ne constate pas non plus de rapport avec l'ex-
cédent des naissances sur les décès. Il parait résulter de là
que les causes de l'émigration, en France, doivent être cher-
chées non pas dans des faits d'ordre économique, mais dans
des faits d'ordre moral ou purement accidentels, l'organi-
sation des agences, l'activité de leur propagande. Les
Basses-Pyrénées fournissent plus du cinquième du chiffre
ÉMIGRATION - 912
total; ce sont les Basques qui émigrent le plus volontiers,
se rendant dans l'Amérique du Sud. La région pyrénéenne,
les Alpes, le Jura, la région des Causses viennent ensuite ;
mais si l'on tenait compte de l'émigration par voie de terre,
on verrait que les départements frontières viennent en pre-
mière ou deuxième ligne pour le nombre des émigrants,
DÉPARTEMENTS
Ain
Aisne
Allier
Alpes (Basses-).. .
Alpes (Hautes-).. .
Alpes-Maritimes. .
Ardèche
Ardennes
Ariège
Aube
Aude
Aveyron
Bouches-du-Rhone
Calvados
Cantal
Charente
Charente-Inférieure
Cher
Corrèze
Corse
Côte-d'Or
Côtes-du-Nord. . .
Creuse
Dordogne
Doubs
Drôme
Eure
Eure-et-Loir ....
Finistère
Gard
Garonne (Haute-) .
Gers
Gironde
Hérault
Ille-et-Vilaine. . . .
Indre
Indre-et-Loire. . .
Isère
Jura
Landes
Loir-et-Cher
Loire
Loire (Haute-) . . .
Loire-Inférieure . .
260
266
72
883
.408
417
887
182
.628
209
.465
903
1.132
124
!.312
479
304
169
497
!.903
521
829
82
327
1.446
..435
146
119
176
[.470
).046
>.410
Î.984
L.168
430
126
343
L.234
722
950
193
L088
409
669
2 O 03
M O-Tii O
1
64
118
20
23
6
66
8
48
20
110
3
100
13
7
5
16
110
14
13
o
7
110
46
4
4
127
80
177
25
7
4
9
20
27
31
7
16
13
10
DÉPARTEMENTS
Loiret
Lot
Lot-et-Garonne
Lozère
Maine-et-Loire
Manche
Marne
Marne (Haute-)
Mayenne
Meurthe-et-Moselle . .
Meuse
Morbihan
Nièvre
Nord
Oise
Orne
Pas-de-Calais
Puy-de-Dôme
Pyrénées (Basses-) . .
Pyrénées (Hautes-) . .
Pyrénées Orientales. .
Rhin (Haut [Belfort]) .
Rhône
Saône (Haute-)
Saône-et-Loire
Sarthe
Savoie
Savoie (Haute-)
Seine
Seine-Inférieure . . . .
Seine-et-Marne
Seine-et-Oise
Sèvres (Deux-)
Somme
Tarn
Tarn-et-Garonne. . . .
Var
Vaucluse
Vendée
Vienne
Vienne (Haute-) . . . .
Vosges
Yonne
216
465
528
80
196
599
480
407
23
,437
247
163
350
885
205
143
291
416
.299
.765
.819
.157
.233
.645
356
343
.086
963
.241
.718
152
117
94
260
.056
726
561
.961
48
424
275
.066
290
«-S-G
6
17
15
6
3
11
11
16
0,7
85
8
3
10
5
5
3
7
700
406
141
31
87
5
7
111
36
38
34
4
2
29
32
19
77
1
13
8
26
8
comme pour celui des immigrants; il y a un véritable
échange de population des deux côtés de la zone frontière.
Les tableaux de la page suivante, dressés par M. Mays-
sent, se rapportent à l'émigration française par voie de mer
dans les années 1885, 1886 et 1887.
La proportion des deux sexes est toujours sensiblement
la même, deux hommes contre une femme ; c'est la nor-
male. En ce qui concerne l'âge, on remarquera la faible
proportion d'enfants ou de personnes âgées. Le nombre des
hommes qui émigrent sans avoir satisfait au service mili-
taire est assez considérable dans le pays basque, moins
ailleurs ; les statistiques ne fournissent à ce sujet que des
renseignements très incomplets. En ce qui concerne les
professions, on remarque pour la période 1883-87 un
accroissement de l'émigration rurale. Voici en effet quels
étaient les chiffres des deux périodes précédentes :
^, . , Professions Professions Autres
Périodes industrielles acrricoles professions
1878-1881.. 3.890 5.407 5.721
1882-1884.. 3.555 3.823 5.259
En ce qui regarde les pays de destination, on voit que
la RépubUque Argentine et' les Etats-Unis attirent plus des
quatre cinquièmes de nos émigrants. Dans la période 1878-
1881, ceux-ci allaient en plus grand nombre aux Etats-
Unis (7,198 contre 5,425 à TArgentine), et beaucoup se
rendaient en Uruguay (1,121); par contre, l'émigration
vers le Brésil et le Chili s'est développée dans les der-
nières années. En 1889, on comptait 24,706 émigrants a
l'Argentine, 3,664 aux Etats-Unis; en 1890, 13,058 à
l'Argentine, 3,037 aux Etats-Unis, 2,105 au Chih; en
1891, 1,835 seulement à l'Argentine.
L'émigration par les ports français, qui nous intéresse
au point de vue commercial, porte sur les étrangers bien plus
que sur les nationaux. Les grands ports français servent
en effet de débouché naturel aux émigrants italiens, espa-
gnols, suisses, allemands, qui se rendent en Amérique ; la
Erance, par sa situation intermédiaire, est le chemin qu'ils
prennent naturellement. Comme d'autre part l'émigrant
est bien protégé à bord de nos navires et installé aussi bien
que possible, il emprunte volontiers le chemin de la Erance.
L'ensemble des émigrants de toute nationalité qui s'étaient
embarqués dans nos ports, de 1875 à 1877, s'élevait à
70,391, c.-à-d. à une moyenne de 23,463 par année. Dans
le cours des années 1878, 1879, 1880 et 1881, il s'éleva
à 161,519, ce qui portait la moyenne annuelle à 40,379.
Dans la période triennale 1882-84, la moyenne annuelle
dépassait 45,000. Dans la période de 1885 à 1887, le total
des émigrants étrangers embarqués dans nos ports s'élevait
à 126,704, ce qui, si on y ajoute les Français, donnerait
une moyenne de 50,000 embarquements par année. L^aug-
mentation, qui s'est produite entre la période 1875-77
et la période 1885-87, a porté sur les Italiens (75,667 au
lieu de 27,840), les Allemands (11,845 au lieu de 1,649),
les Suisses, etc. Le rapport présenté parM.Schnerb pour
la période 1878-1881 donne quelques détails intéres-
sants. La statistique de l'émigration par les ports français
et la classification des émigrants d'après leur pays d'ori-
gine font ressortir une recrudescence sensible dans l'émi-
gration européenne: elles accusent en même temps une
augmentation considérable du transit par nos voies ferrées
et maritimes, et, par conséquent, l'extension d'une des
branches du commerce national. Le produit de ce négoce
ne figure pas au tableau des importations ; il n'en a pas
moins son importance. En évaluant, suivant l'usage, à une
moyenne de 200 fr. le total des frais de toute nature faits
par chaque émigrant en transit sur nos voies ferrées ou
913 — ÉMIGRATION
dans nos ports, on arrive pour la période de 1878 à 1881
à un chiffre de plus de 32 millions de fr. Les frais de
transport maritime, en tenant compte de la concurrence
étrangère dans nos ports, atteignent un chiffre presque
aussi considérable. La proportion des émigrants directe-
ment embarqués dans les ports français est d'environ 85 «/o
pour les agences françaises de navigation et de 15 ^lo pour
les agences étrangères. Il suit de là que, sur les 161,519
émigrants embarqués en 1878, 1879, 1880 et 1881, les
agences françaises en ont emporté 137,291, et les agences
étrangères 24,228. En fixant le prix de la traversée à une
moyenne de 150 fr. pour les ports (Est et Ouest) de l'Amé-
rique du Nord, de 235 fr. pour les ports de l'Amérique
centrale et de la mer des Antilles, et de 300 pour les ports
1885
1886
1887
Totaux .
MASCULIN
16.734
PORTS D'EMBARQUEMENT
PORT DU HAVRE
2.018
2.892
4.554
9.464
7.813
an-dess«Ds
d'BD an
723
PORT DE MARSEILLE
331
534
1.280
de 1 an
à
10 ans
2.085
2.145
PORT DE DORDEAUX
3.670
3.608
5.061
12.339
PORT DE S'"-NAZAIRE
44
280
275
599
de 10 ans
à
20 ans
2.979
de 20 ans
à
50 ans
17.811
au-dessus
de
50 ans.
949
7.377
10.848
6.063
7.314
11.170
24.547
PROFESSIONS
INDUSTRIELLES AGRICOLES AUTRES
6.322
24.547
PAYS DE DESTINATION
République
Argentine
Etats-Unis
d'Amérique
du Nord
'ce
t
O
•s
3
a
o
<
c3
'a
S
"cl
O
03
3
tu
g
05
3
3
C
o;
>
3
3
8
3
2
4
.2
3
<
1
b
||l2.193
7.820
1.645
1.642
322
309
231
164
74
55
37
25
20
24.547
de l'Amérique du Sud (Atlantique ou Pacifique), on cons-
tate que, de 1878 à 1881, l'émigration par les ports
français a produit à la marine marchande environ 33 mil-
lions, dont 28 au profit du pavillon français. Complé-
tons ces détails par les indications relatives à la période
de 18S5 à 1887.
L'émigration étrangère qui a emprunté les ports fran-
çais s'est élevée aux chiffres suivants :
ANNÉES
(0
<
1
>
es
2
'S
03
3
•S
O
a3
(h
1885
1886
1887
Total...
30.137
35.618
60.949
15.125
16.055
25.666
7.526
14.539
28.430
7.318
4.857
6.741
168
167
112
126.704
56.846
50.495
18.916
447
En ajoutant à ces chiffres ceux relatifs aux émigrants
français, on trouve un total de 151,538 émigrants embar-
qués, dont 66,310 au Havre, 52,640 à Marseille, 31,255
à Bordeaux et 1,333 à Saint-Nazaire.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
Sur le total de 126,704 émigrants étrangers, on comptait :
Hommes 78.228
Femmes 28.421
Enfants 14.978
Nourrissons 5.077
Total. .... 126.704
Au point de vue de la répartition par nationalités, on a
relevé les chiffres suivants :
Italiens 75.667
Suisses 18.932
Espagnols 11.845
Allemands 11.206
Turcs 2.495
Américains 2.214
Autrichiens 1.423
Anglais 824
Belges 724
Gre'cs 604
Russes 443
Hollandais ou Luxembourgeois . . 142
Roumains 121
Suédois et Norvégiens. . o . . . 22
Nations diverses ». 42
Total 126.704
58
ÉMIGRATION — 944 —
Quant aux lieux de destination, ils se répartissent de la
manière suivante :
Etats-Unis de l'Amérique du Nord 5^ . 736
République Argentine. . . , . . 44 . 082
Brésil « . . . . 24.563
Chili «... 3.366
Uruguay. ........... 2.589
Colombie • 1.089
Mexique » • • 400
Antilles. 316
Venezuela. ........... 255
Canada 161
Pérou • • ^^^
Côte occidentale et orientale d'A-
frique .........'.. 46
Equateur • • '"^O
Guyane 1^
Guatemala ........... 3
Total '126.704
Après avoir étudié l'émigration française par les ports
français, il nous faut parler de l'immigration en France,
question au moins aussi importante. De tout temps il
vint en France des étrangers, mais nous ne possédons
aucune donnée statistique à ce sujet avant l'année 4851.
C'est dans ce dénombrement que, pour la première fois,
on mentionna la nationalité des habitants. Il y avait alors
380,834 étrangers sur 35,783,470 hab., soit une propor-
tion de 1,06 ^Iq. Dix ans plus tard, la proportion s'élevait
à 1,33 ^/o et le chiffre à 497,091. En 1866, on recensa
635,495 étrangers, 1,67 «/^ de la population. En 1872,
bien que la perte de l'Alsace-Lorraine eût enlevé 46,000
Allemands et 60,000 Suisses, Belges, Luxembourgeois, etc. ,
de ces trois départements, on trouvait 740,668 étrangers,
2,03 o/o de la population totale; en 1876, sur 36,069,524
hab. de la France, il y avait 801,754 étrangers, 2,17 «/o;
en 4884, sur 36,327,454, 4,001,090 étrangers, soit
2,67 «/,; en 4886, sur 36,700,342, on trouve 4,426,534
étrangers, soit 3,07 7o. En trente-cinq ans, la population
française a augmenté de 7 <>/o, le nombre des étrangers
domiciliés en France a triplé. Le tableau suivant indique
la part de chaque nationalité dans l'ensemble :
NATIONALITES
Anglais
Allemands
Austro-Hongrois
Belges
Hollandais, Luxembourgeois.
Italiens - -
Espagnols
Portugais • . . .
Suisses
.Russes
Scandinaves « •
Américains . . •
Autres nationaUtés
Nationalités inconnues. . . .
Totaux.
4851
20.357
57.064
428.403
»
63.307
29.736
25.485
9.338
»
45.476)
2.268\
4864
25.744
84.958
204.739
43.143
76.539
35.028
34.739
9.291
789
5.020
7.124
380.834
497.094
4866
29.856
406.606
275.888
46.058
99.624
32.650
42.270
42.464
4.226
7.223
14.930
635.495
4872
26.003
404.469
5.446
347.558
47.077
442.579
62.954'
(
42.834
9.340
4.058
6.859
5.327
9.824
740.668
4876
30.077
59.028
7.498
374.498
48.099
465.343
62.437
4.237
50.203
7.992
4.622
9.855
9.353
4.542
804.754
4884
37.006
84.986
42.090
482.265
24.232
240.733
73.784
852
66.284
40.489
2.223
9.846
8.754
3.582
4.001.090
1886
36.134
100.114
44.817
482.264
37.449
264.568
79.550
4.292
78.584
44.980
2.423
40.253
7.043
3.363
4.426.534
Les étrangers qui ont le plus augmenté, par rapport à leur
effectif initial en 4854, sont les Italiens. Ils ont plus que
quadruplé, car, pour 4 ,000 Italiens comptés en 4854 , on en
a compté 4,480 en 4886; pour 4,000 Belges recensés en
4854, on en trouve aujourd'hui 3,765; pour 4,000 Amé-
ricains en 4854, on en trouve aujourd'hui 3,065; pour
4,000 Suisses, on en trouve, au bout de trente-cinq ans,
3 075. Viennent ensuite, par ordre d'accroissement, les
Hollandais et Luxembourgeois, 2,820. Les Scandinaves ont
doublé, les Allemands et les Anglais ont presque double.
L'ensemble des étrangers ayant triplé, on voit que c'est sur-
tout aux Suisses, aux Américains, aux Belges et aux Itahens
qu'il convient d'attribuer cet accroissement. L'accroissement
de l'élément allemand, suisse et luxembourgeois est plus
rapide qu'il ne semblerait à envisager les chiffres extrêmes,
parce qu'en 4874 la France a perdu les régions où il y en
avait le plus grand nombre. La colonie étrangère la plus
nombreuse est la colonie belge qui comprend 43 «/o du total
des étrangers; les Italiens viennent ensuite (24 <»/o), puis
les Allemands (9 °/o), les Espagnols et les Suisses (7 «o).
Voyons maintenant quelle est la distribution géographique
des principales nationalités étrangères sur le sol français.
Les Anglais, qui augmentent lentement, vivent surtout à
Paris (l'2,804 et44J04 dans le dép. entier de la Seine),
puis dans les dép. de la Manche, Pas-de-Calais (3,806),
Seine-Inférieure (4,922); il y a plus de femmes que
d'hommes. — Les Américains du Sud et du Nord habitent
surtout le dép. de la Seine (6,945 sur 10,2o3). — Les
Allemands sont très nombreux dans la Seine (35,718), en
Meurthe-et-Moselle (20,683), dans les Vosges (4,947),
le territoire de Belfort (4,807), la Meuse (2,676), la Marne
(3,345), etc. Le sexe féminin l'emporte sur le sexe mas-
cuHn. — Des Austro-Hongrois, la moitié habitent Paris
(5,206 sur 11,817). — Les Belges sont extrêmement
nombreux dans le dép. du Nord qui en compte 298,991 ;
il y en a 57,649 dans celui de la Seine, 32,871 dans les
Ardennes, 48,545 dans le Pas-de-Calais: 42,734 dans
l'Oise, 9,993 en Seine-et-Oise, 9,343 dans l'Aisne, 8,248
en Seine-et-Marne, etc. ■— Des Hollandais et Luxembour-
geois, plus de la moitié habitent la Seine (49,227 sur
37,449). — Les Italiens affluent du préférence dans les
Bouches-du-Rhône(70,088),les Alpes-Maritimes (39,465),
la Seine (28,354), le Var (23,405), la Corse (46,087),
leRhône(40,454),laSavoie(8,404), l'Hérault (5,487), etc.
— Les Espagnols sont, comme les Italiens, surtout ré-
pandus le long de leur frontière, dans les Basses-Pyrénées
(47,958), Pyrénées-Orientales (40,404), Aude i(8,709),
Lot-etGaronne(6,223), Gers (5,904), Gironde(5,759), etc.
— Les Suisses viennent de préférence à Paris (27,233
dans le dép. de la Seine) et dans l'Est : il y en a 40,777
dans le Doubs, 4,617 dans le Rhône, etc.
Si l'on examine la répartition des étrangers au point de
vue du sexe, on voit qu'elle varie beaucoup. Pour 100
femmes, on compte :
— 915 —
EMIGRATION
Hommes
Anglais. ...... 87
Allemands ..... 91
Américains 1 04
Belges , Hollandais ,
Luxembourgeois . 110
Portugais. ..... 127
Espagnols. ..... 129
Russes 132
Hommes
Suisses. ...... 133
149
160
173
192
195
Scandinaves. . .
Italiens
Austro-Hongrois
Grecs
Turcs, Africains
Roumains , Serbes ,
Bulgares 259
Beaucoup d'Anglaises viennent seules, institutrices,
vieilles filles, etc. ; les Allemandes se placent en grand
nombre comme domestiques; d'autre part, les Espagnols,
Suisses, Italiens, sont pris comme travailleurs et beaucoup
ne sont en France que pour une période plus ou moins
longue et sans projet définitif. L'importance de la colonie
étrangère, dans les départements suivants, atteint la pro-
portion pour 100 de la population totale :
Alpes-Maritimes 19,10
Nord 18,92
Bouches-du-Rhône 12,85
Ardennes 11,31
Belfort 10,49
Var 8,71
Meurthe-et-Moselle ......... 7,61
Seine ................ 7,19
Corse o 6,05
Pyrénées-Orientales. , 5,11
Une portion de ces étrangers sont nés en France, plus
du tiers, ce qui indique qu'il s'agit d'émigrants complète-
ment établis ; c'est dans les départements de la frontière
qu'on en trouve le plus.
Allemagne. — L'Allemagne est, par excellence, un pays
d'émigration. Nous^ avons déjà dit l'histoire générale des
émigrations allemandes. Au xix® siècle, le courant s'est
définitivement détourné de l'E. à l'O. et porté sur les
Etats-Unis qui, durant tout le xviii® siècle, avaient déjà
reçu des immigrants allemands. Les guerres de la Révolu-
tion et de l'Empire suspendirent ce mouvement. Il reprit
en 1815 et surtout en 1817, année de grande misère où
le pain fut très cher. D'après Loiher {Histoire et situation
des Allemands en Amérique^ 1856, 2^ éd.), on avait
compté, en 1819, 20,000 émigrants allemands ; puis le
nombre s'abaissa au tiers environ de 1820 à 1825, et, dans
la période suivante (1825-1830), il n'en serait guère parti
que 3,000 par an. Après la révolution de 1830, l'émigra-
tion reprit une marche ascendante. Voici les chiffres de
Lœher, qui n'est pas d'accord avec Pœsche et Gœbler {Die
Statistik der deutschen Auswanderung). Il serait parti
en 1831, 8,600 émigrants allemands; en 1833, 20,000;
en 1834, 31,000; en 1837, 30,000; en 1838, 20,000;
en 1840, 27,000; en 1841, 20,000; en 1842, 28,000;
en 1843, 24,000; en 1844, 46,000; puis l'accroissement
continue: en 1845, 74,000; en 1846, 94,581. A dater
de l'année 1847, nous possédons une statistique régulière;
elle n'est pas rigoureusement exacte, parce que c'est une
statistique commerciale qui indique le nombre des émigrants
de toute nationalité embarqués dans les ports allemands ;
on a proposé d'admettre que le nombre des émigrants
allemands embarqués à l'étranger (Pays-Bas, Belgique,
France, etc.) compense à peu près celui dos émigrants
étrangers embarqués dans les ports allemands. Sous ces
réserves, voici les chittres pour les treize premières années.
Ils sont tirés des statistiques officielles combinées avec les
statistiques commerciales.
~ ■■ . . . 251.931
. . . 81.698
, . . 98.573
. » . 115.976
. . . 53.266
. . . 45.100
1847 . . .
. . 109.531
1854
1848 . . .
. . 81.895
1855
1849 . . .
. . 89.102
1856
1850 . . .
. . 82.404
1857
1851 . , .
. . 112.547
1858
1852 . . .
. . 162.301
1859
1853 . . .
. . 157.180
celle de la crise économique qui sévit sur toute l'Europe
de 1847 à 1857 et des années de disette où les céréales
furent le plus cher : 1847, 1852-54. C'est dans cette
période que se dessma le grand mouvement d'émigration.
Les chiffres donnés ci-dessus s'appliquaient à l'ensemble
de l'émigration allemande; voici maintenant ceux de l'émi-
gration allemande ou étrangère par ports allemands :
On constate sur-le-champ l'influence de la crise politique
de 1848-49, qui ne se traduit qu'un peu après, et surtout
1847-1853 .
1854-1860
1861-1867
370.415
446.370
472.881
1868-1874
1875-1881
1882-1884
772.294
644.442
590.492
Ces chiffres sont certainement trop faibles, parce qu'ils
ne comprennent que les passagers embarqués sur navires
spécialement affectés au service de l'émigration et négligent
les émigrants qui ont été embarqués sur les autres. La
confusion entre émigrants allemands et étrangers n'a plus
été faite à partir de 1871 à Brème et à Hambourg, de
1874 à Stettin; de même à partir de 1872, on a distingué
à Anvers les émigrants allemands des autres. Voici les
chiffres pour l'émigration allemande par ces quatre ports :
1873 ..... 103.638
1874 ..... 45.112
1875 ..... 30.773
1876 ..... 28.368
1877 ..... 21.694
1878 ..... 24.217
1879 33.327
1880 106.190
1881 210.547
1882 ..... 193.869
1883 166.119
1884 143.586
En somme, les deux grandes périodes de l'émigration
allemande ont été de 1847 à 1857 et de 1880 au moment
actuel. La répartition par pays appelle quelques observa-
tions : ce ne sont pas les mêmes régions qui ont fourni
les émigrants des deux périodes. La Bavière en trois
années (1852-54) perdit 65,000 personnes par l'émi-
gration, les duchés de Mecklembourg, près de 24,000. En
Wurttemberg, l'émigration fut aussi très forte de 1851
à 1854, où le royaume perdit ainsi 71,000 sujets. Pour
la Prusse, dans l'histoire de laquelle l'immigration tient
un si grand rôle, mais où, depuis une cinquantaine d'an-
nées, l'émigration l'emporte sur l'immigration, voici les
chiffres pour la période de 1845 à 1859 :
Années
1845 .
1846 .
1847 .
1848 .
1849 .
1850 .
1851 .
1852 .
1853 .
185i .
1855 .
1856 .
1857 .
1858 .
1859 .
Immigrants
3.534
3.074
3.093
2.783
2.221
2.481
2.733
2.859
2.752
3.254
2.644
3.027
3.296
3.469
3.606
44.826
Emigrants
9.239
16.662
14.906
8.297
8.780
7.516
8.922
21.372
18.194
32.765
14.776
18.699
23.972
13.329
9.807^
227.236
Voici la répartition des émigrants par province d'origine :
Prusse
Brandebourg
Poméranie .
Posen. . . .
4.970
17.699
17.982
5.516
Silésie 24.496
Saxe 32.415
Westphalie . . . 39.750
Province Rhénane 74.601
Le pécule moyen par tête d'immigrant était de 4,046 fr. ;
par tête d'émigrant, de 934 fr. ; de sorte que l'excédent
des sorties d'hommes était annuellement de 15,000 têtes,
l'excédent des sorties de capitaux était seulement de 2 mil-
lions par an, 200 fr. par tête. Près de la moitié des émi-
grants venaient de la Province Rhénane et delà Westphalie
(74,601 et 39,750). Ajoutons que le nombre réel des émi-
grants, si Fou ajoute ceux qui partirent sans autorisation,
doit être majoré d'un tiers et qu'il dépasserait 300,000
ÉMIGRATION
— 916 —
pour la période étudiée. Voici maintenant les chiffres pour
les périodes de 1871 à 1881 :
PAYS D'ORIGINE
Prusse orientale et occidentale.
Brandebourg
Poméranie
Posen
Silésie
Saxe
Slesvig-Holstein
Hanovre
Westphalie
Hesse-Nassau
Province Rhénane
Hohenzollern. ........
Prusse (sans désignation de
province)
Total pourle royaume de Prusse
Bavière
Saxe
Wurttemberg
Bade ^
Hesse : * • •
Mecklembourg-Schwerin . . .
Mecklembourg-Strelitz. . . .
Principautés de Thuringe. . .
Oldenbourg
Brunswick
Anhalt . . .
Waldeck
Schaumbourg-Lippe
Lippe
Lubeck
Brème
Hambourg
Alsace-Lorraine .
Allemagne (sans désignation
d'Etat)
Total pour l'Empire allemand.
tf ^
96.820
35.897
90.400
77.425
23.000
13.791
46.738
62.500
21.464
30.081
25.893
750
878
525.637
71.669
26.525
43.591
33.125
20.298
28.665
3.259
12.544
8.866
3.227
1.426
1.074
1.945
887
5.894
11.816
3.762
1.488
805.698
26,3
9,6
53,4
41,3
5,2
5,1
37,7
27,2
9,5
17,5
5,8
19,1
17,5
12,3
8,1
20,1
19,2
19,7
45,1
29,5
9,7
23,9
8,4
5,6
17,3
11,3
12,7
34,2
23,7
2,2
16,2
Si nous comparons l'émigration contemporaine avec celle
du milieu du siècle, nous remarquons la grande influence
des causes locales; dans tous les temps, la tendance à
l'émigration a été très diverse d'une province ou d'un Etat
à l'autre ; mais ce ne sont pas aux mêmes années qu'elles
se manifestent avec le plus d'intensité dans chacune des
régions. L'Allemagne du Sud a émigré surtout après 1848,
tandis que les prolétaires des provinces prussiennes (Po-
méranie, Silésie) ne se sont mis en mouvement que plus
tard. Le Mecklem bourg a toujours fourni un contingent
très abondant. Dans la Province Rhénane, les oscilla-
tions sont très grandes. En certaines années, elle fournit
une très forte fraction de l'émigration allemande ; en d'autres,
le mouvement s'atténue beaucoup.
Les provinces qui émigrent le plus sont des provinces
où la population est surtout agricole, celles de la plaine de
l'Allemagne du Nord, relativement peu fertile, où le
paysan ne peut arriver à la possession du sol ; la cause
est sociale autant qu'économique, la mauvaise répartition
de la propriété influant autant que la misère pour décider
le paysan à chercher au delà de l'Atlantique une destinée
meilleure sur une terre à lui. Ce désir est encore plus
manifeste chez les émigrants de l'Allemagne du Sud, dont
la condition matérielle laisse moins à désirer. Voici la répar-
tition des émigrants allemands par lieu de destination dans
la période 1871-84. Notons que sur le chiffre total de
1,309,272, 648,930 se sont embarqués à Brème, 531,670
à Hambourg, 7,629 à Stettin, 121, 043 à Anvers. On néglige
ceux qui ont pris les autres routes, en particulier la France.
Ce chiffre doit donc être majoré d'au moins 100,000.
RÉGIONS
ÉMIGRANTS
PROPORTION
sur 1.000
émigrants.
Etats-Unis de l'Amérique
du Nord
Canada
1.250.937
3.289
444
916
27.128
8.524
2.929
441
14.664
955,5
2,5
0,4
0,7
20,7
6,5
2,2
0,3
11,2
Mexique et Amérique cen-
trale
ATitillpc
Brésil
Autres Etats de l'Amé-
rique du Sud
A friQue
Asie . •
Australie
Total
1.309.272
1.000
On voit que les Etats-Unis sont le lieu de destination de
plus des dix-neuf vingtièmes des émigrants allemands;
quelques-uns vont au Brésil ou en Australie ; les autres
débouchés sont presque négligeables. Nous rappelons encore
que l'émigration vers- les autres pays d'Europe n'est pas
mentionnée ici, bien qu'assez considérable encore vers la
France, les principautés danubiennes et même la Russie.
Autriche-Hongrie. — On ne possède pas de renseigne-
ments complets sur l'émigration austro-hongroise, parce
qu'on ne porte comme émigrants que ceux qui en font la
déclaration, alors que bien d'autres s'en vont sans dire et
sans savoir qu'ils ne reviendront pas. La statistique offi-
cielle donne pour la période 1850-1883 le chiffre de
169,356 émigrants de la Cisleithanie. Ils proviennent
surtout de la Bohême, de la Moravie, du Tirol, de la Galicie
et du littoral, notamment du cercle de Gradisca. Ils
prennent généralement la route de Brème ou de Hambourg.
Pour les années 1867-1883, les statistiques allemandes de
ces ports en ont compté 115,473. Dans la période de 1834
à 1843, l'immigration en Cisleithanie compensait au moins
l'émigration ; celle-ci l'emporta décidément après 1851 ;
ce furent les Tchèques qui se mirent en mouvement. Le gou-
vernement autrichien qui favorisait l'immigration (V. plus
bas le § Intervention de l'Etat) s'opposa le plus qu'il
put à l'émigration, cherchant au moins à la dériver vers
les provinces polonaises et hongroises. — Pour la Hongrie,
il n'existe aucune statistique de l'émigration. On n'a de
données que sur celle qui se dirige vers les Etats-Unis,
24,346 personnes de 1871 à 1881. On doit aussi émigrer
vers les pays de l'Est, Russie, Roumanie, Serbie, Bulgarie,
Turquie. L'émigration transatlantique donne les chiffres
suivants :
1871 6.169
1872 6.099
1873 6.927
1874 5.837
1875 10.012
1876 9.259
1877 5.887
Elle est donc à peu près stationnaire.
Suisse. — La Suisse montagneuse, relativement pauvre,
habitée par une race énergique et laborieuse, a de tout
temps essaimé au dehors. Les Suisses sont, comme les
Français, très attachés au sol natal et, bien que cherchant
fortune à l'étranger, émigrent rarement sans esprit de
retour. Mais la plupart de ceux qui ont passé la mer ne
1878 5.395
1879 5.929
1880 10.145
1881 13.341
1882 7.759
1883 7.366
— 917 —
ÉMIGRATION
4878 2.608
1879 4.288
1880 7.255
1881 i 0.935
1882 10.896
1883 13.502
réalisent pas ce désir. Ainsi pour le Tessin, de 1850
à 1859, il était parti 4,437 hab.; 549 seulement ^sont
revenus. L'émigration suisse était évaluée vers 1850 à
6,000 ou 7,000 individus par an, en 1853 et 1854 elle
doubla et absorba tout l'excédent annuel des naissances
sur les décès. L'émigration transatlantique était la plus
importante ; elle s'effectuait surtout par le port du Havre.
Depuis, le mouvement s'est ralenti. Les chiffres donnés
par le rapport officiel sur V Emigration suisse pour les
pays d' outre-mer sont les suivants : de 1868 à 1883,
84,775 personnes ont quitté la Suisse, dont 45,127 se
rendaient aux Etats-Unis. L'émigration transatlantique a
atteint les chiffres suivants :
1871 3.852
1872 4.899
1873 4.957
1874 2.672
1875 1.772
1876 1.741
1877 1.691
On remarque combien elle s'est développée depuis 1880.
Pays-Bas. -— La population des Pays-Bas est une des
plus denses de l'Europe ; cependant elle émigré très peu ;
il est du reste malaisé d'avoir à ce sujet des renseigne-
ments précis et de distinguer les émigrants véritables des
voyageurs ou des employés qui se rendent dans les colonies
néerlandaises. Aussi la statistique publiée depuis 1869
pour les Pays-Bas ne peut-elle nous être d'un grand secours.
Au milieu du siècle, il se dessina un courant d'émigra-
tion, moindre cependant que dans les autres pays européens;
en 1847, 5,322 Hollandais émigrèrent : c'est le chiffre
maximum pour cette période; en 1850, il ne sort que
774 personnes; en 1852, 1,184 ; en 1853, 1,646 ; en
1854, 3,611; en 1855, 2,077; en 1856,1,924; c'est le
moment de la crise; en 1859, le chiffre s'abaisse à 497;
c'étaient surtout la Zélande et la Gueldre qui émigraient.
Dans la période actuelle, la fièvre de l'émigration a fini par
gagner les Pays-Bas. On en jugera par les chiffres relatifs
aux années 1873-1883 :
1873 3.867 1879. ..... 4.664
1874. ..... 4.042 1880 11.875
1875. ..... 2.130 1881 29.110
1876 2.402 1882 34.321
1877. ..... 2.403 1883 19.643
1878 2.783
Ces chiffres ne s'appliquent qu'à l'émigration transatlan-
tique. Dans les autres pays d'Europe, notamment en France,
en Belgique, en Allemagne aussi, on trouve une assez grande
quantité de Hollandais et de Luxembourgeois qui, jusqu'à
la séparation intervenue en 1891 , étaient recensés avec eux.
Belgique.— Bien que la Belgique soit le pays d'Europe
où la population est le plus dense, l'émigration y a été
longtemps presque nulle. On en jugera par les statistiques
suivantes relatives au milieu du siècle. Elles indiquent les
moyennes annuelles :
Emigrants Immigrants
1841-1845. . . . 4.539 3.104
1846-1850. . . . 5.669 5.236
1851-1855. . . . 8.186 4.856
1856-1858. ... 9.974 6.664
On admet d'ailleurs que la plus grande partie des immi-
grants étaient des Belges qui avaient précédemment émigré
et rentraient après une longue absence. Nous avons déjà
dit en parlant de la France combien les Belges avaient
tendance à s*y rendre ; beaucoup finissent par s'y étaWir et
ne conservent la nationalité d'origine que pour échapper au
service militaire (V. Naturalisation). Le mouvement d'émi-
gration s'accentua à peine durant la période de 1861 à
1870 où la moyenne annuelle des sorties fut de 10,194.
n diminua de 1871 à 1880 où la moyenne annuelle
s'abaissa à 7,487. La Belgique était alors presque comme
la France un pays d'immigration plus que d'émigration.
Dans la période de 1841 à 1866, l'émigration ne l'empor-
tait sur l'immigration que de 46,500 têtes. Dans la période
suivante, il entra plus d'immigrants en Belgique qu'il n'en
sortitd'émigrants.Del867àl882,rexcédentdesimmigrants
se chiffrait par 64,528. Cependant l'émigration de transit
par Anvers s'accrut rapidement et elle finit par entraîner
aussi les Belges au delà de l'Océan. Déjà le gouvernement
belge avait tenté d'organiser une colonisation transatlan-
tique; il avait encouragé trois tentatives ; à Santo-Thomas,
dans le Guatemala, on envoya, en 1844, 871 Belges;
il fallut que l'Etat, en 1846, affrétât un navire pour rapa-
trier les survivants ; les deux autres eurent lieu dans les
Etats-Unis (Pennsylvanie en 1849 et Missouri en 1850),
le succès fut négatif. L'émigration officielle échoua. La
grande crise industrielle et agricole qui sévit à partir de
1880 eut pour conséquence une recrudescence de l'émi-
gration. En 1885, il partit 13,236 personnes habitant la
Belgique, dont 6,845 nées en Belgique; en 1886, 17,029
hab., dont 8,189 nés en Belgique. Cette distinction montre
que, dans les statistiques précédentes, le nombre des Belges
émigrants n'était guère que de la moitié du chiffre énoncé.
Mais, ce qui est important, c'est le nombre des Belges émi-
grant vers les pays d'outre-mer. La progression est rapide.
A Anvers, on relève, en 1885, 1,286 départs; en 1886,
2,048 départs; en 1887, 3,834 départs; en 1888,7,794
départs. Un bon nombre des émigrants revinrent ; les autres
s'établirent, surtout dans l'Amérique du Sud.
Grande-Bretagne et Irlande. — Le Boyaume-Uni de
Grande-Bretagne et d'Irlande a été, durant tout le xix^ siècle,
le foyer le plus intense de l'émigration. D'autre part, il
n'y a nul pays où l'immigration soit plus faible. Les sta-
tistiques anglaises portent sur le nombre total des émigrants
qui se sont embarqués dans ses ports :
1815-1819. .
97.799
1850-1854. .
1.638.945
1820-1824. .
97.548
1855-1859. .
800.640
1825-1829. .
121.084
1860-1864. .
774.111
1830-1834. .
381.956
1865-1869. .
1.064.988
1835-1839. .
287.358
1870-1874. .
1.356.214
1840-1844. .
465.577
1875-1879. .
796.828
1845-1849. .
1.029.209
1880-1883. .
1.523.253
Sur ce total de 10,444,992 émigrants, les cinq sixièmes
étaient des citoyens du Royaume-Uni. On sait que
6,860,261 se rendirent aux Etats-Unis, 1,765,586 au
Canada, 1,437,243 en Australasie, 381,902 dans les colo-
nies africaines ou les autres pays. Voici maintenant des
détails plus complets sur la période de 1853 à 1883.
Durant ces trente années, il est parti des ports britanniques
5,405,917 indigènes, 1 ,250,003 étrangers et 325,450 per-
sonnes de nationalité non constatée. Sur les émigrants
nationaux, on comptait 2,516,356 Anglais, 525,470 Ecos-
sais, 2,346,091 Irlandais. On remarquera que l'émigration
irlandaise est, proportionnellement à la population de l'île,
beaucoup plus forte que celle des Anglais. Ajoutons que
les retours d'émigrants, qui représentent plus du quart des
départs (1 ,508,778 de 1854 à 1883), portent moins sur les
Irlandais que sur les autres groupes. Cette émigration irlan-
daise est un fait capital dans l'histoire de l'île et de la race ;
elle sera étudiée à part (V. Irlande). Nous nous contenterons
donc de donner ici quelques indications générales. En pre-
mier lieu, les chiffres de l'émigration britannique dans la
grande période de l'émigration de 1845 à 1860; puis les
chiffres de 1871 à 1883; enfin la part de chaque race,
anglaise, écossaise, irlandaise, autrefois et aujourd'hui :
1845 93.501
1846 ..... 129.851
1847 , . . . . 258.270
1848 248.089
1849 . • . . . 299.498
1850 ..... 280.849
1851 ..... 335.966
1852 368.764
1853 ..... 329.937
1854 323.429
1855. .... 176.807
1856 ..... 176.554
1857 , . . . . 212.875
1858 113.972
1859 . . , . . 120.432
1860 ..... 128.469
EMIGRATION
- 918 -
Plus qu'en aucun autre pays d'Europe, on constate
l'influence de la grande crise économique qui débuta par
la lamine de 4 847; dès qu'elle prit fin, après 4 857, le nombre
des émigrants diminue de moitié.
4874 492.754
4872 210.494
4873 228.345
4874 497.272
4875. .... 440.675
4876 109.469
4877 ..... 95.495
4878 4d2.902
1882 . . = . . 279.366
4883 320.418
1879 . . , . . 164.274
1880 227.542
1881 ..... 243.002
On voit ici encore Faction de la crise économique ; elle
s'aggrave à partir de 4880 et l'émigration suit la même
progression.
Voici la proportion des émigrants de chacun des trois
royaumes et des étrangers :
ANNÉES
ANGLAIS
ÉCOSSAIS
IRLANDAIS
ÉTRANGERS
NATIONALITÉ
non
constatée.
TOTAL
4853 . .
4854. .........
! 4855 . .
62.945
90.966
57.432
64.527
78.560
39.974
33.930
22.605
25.872
44.037
42.033
46.253
44.845
40.482
492.609
450.209
78.854
74.724
86.238
43.284
52.984
34.459
37.704
40.554
9.474
42.624
4.560
4.442
20.349
48.078
46.230
48.796
49.200
44.345
48.897
329.937
323.429
476.807
476.554
212.875
113.972
120.432
4856
4857 , . . .
4858 .,,.,,....
4859
Pour les six années, de 1853 à 1858, la proportion
pour 100 des différents éléments était la suivante :
Anglais 29,55
Ecossais ,,,..,.... 7,70
Irlandais 46,71
Etrangers „ , . 7,97
Nationalité inconnue . . . , 8,07
100
Le rapport de l'émigration anglaise à la population
totale nous donne :
1 émigrant par 293 hab. en 1853
1 _ 205 _ 4854
1 _ 329 - 1855
1 _ 295 - 1856
1 _ 246 - 1857
1 _ 488 — 1858
1 _ 582 - 1859
Ces chiffres sont considérables relativement aux autres pays
d'Europe, mais ils sont dépassés en Ecosse, où l'on compte :
1 émigrant par 214 hab. en 1855
1 _ 254 — 1856
1 - 188 — 1857
1 _ 262 - 1858
1 __ 306 - 1859
et bien plus encore en Irlande, où la proportion fut de :
1 émigrant par 26 hab. en 1851
1 - 84 — 1856
1 — 113 — 4859
Même dans la dernière période où l'émigration s'atténuait,
elle était encore deux fois plus forte relativement en Irlande
que dans l'année la moins favorable pour l'Angleterre,
La part de l'Irlande dans l'émigration totale du Royaume-
Uni fut la suivante de 4854 à 4860 :
ANNÉES
ÉMIGRATION
totale
ÉMIGRATION
irlandaise
RAPPORT
pour 100
4854
4852. , „ . .
4853. . . . .
4854. . . , .
4855. . . . ,
4856. . . . ,
4857. . . . .
4858. . . . ,
4859. . . . .
4860. . . . .
335.966
368.764
329.937
323.429
476.807
476.554
242.875
443.972
420.432
428.469
254.537
224.997
492.609
250.209
78.854
74.724
86.238
43.284
52.984
60.835
75,76
64,04
58,37
46,44
44,59
40,62
40,54
38,85
43,99
47,34
Il faut observer que ces chiffres ne représentent que
l'émigration transatlantique; mais, pour avoir le total de
l'émigration irlandaise, il faut y ajouter les chiffres relatifs
aux nombreux natifs d'Erin qui se rendent en Angleterre,
en Ecosse ou sur le continent. Voici les chiffres de cette
émigration, sans distinction de destination : en 4852,
368,966, et, en 4859, 84,599. On voit qu'ils sont presque
doubles de ceux relatifs à Témigration transatlantique.
Le -grand mouvement d'exode de la population irlandaise
fitsortir de File en cinq années (1847-4851 ) 4,423,000 per-
sonnes et dans les huit années suivantes plus de 4 ,740,000,
soit en treize années plus de 3,460,000 émigrants; et, si
l'on pense que, de 4846 à 4850, la famine fit périr dans
l'ile environ 600,000 Irlandais, on se rendra compte de
l'impérieuse nécessité qui préside à cette émigration. C'est
de cette époque que date la dépopulation progressive de
l'Irlande. Mais il ne faudrait pas croire que l'émigration
irlandaise ne fût pas déjà très forte auparavant. Lock don-
nait en 1853 les appréciations suivantes : « De 4620 jus-
qu'en sept. 4853, on peut évaluer à 9 millions et demi le
nombre des Irlandais qui ont quitté leur pays, l'Angleterre
et le Canada, pour se rendre aux Etats-Unis d'Amérique.
De 4806 k 4853, 4 millions et demi au moins d'Irlandais
ont abandonné le sol natal. Un grand nombre s'est établi
en Angleterre et en Ecosse. On compte aujourd'hui plus
d'Irlandais à Londres qu'à Dublin ; à Manchester et à Sal-
ford qu'à Cork ; à Glasgow qu'à Belfast. Des individus de
race anglo-saxonne et celtique à l'étranger, bien près de la
moitié est d'origine irlandaise. » Pour conclure, nous rappe-
lons qu'en 4883, il émigrait 483,236 Anglais, 34, 439 Ecos-
sais et 405,743 Irlandais. Ceux-ci ne représentaient plus
que le tiers de l'émigration transatlantique, mais à peine
le sixième de la population britannique totale ; la propor-
tion est donc deux fois plus forte chez eux et l'émigration
vers les cités industrielles de Grande-Bretagne ne se
ralentit nullement. — L'émigration écossaise fut en partie
déterminée par la transformation de la propriété dans les
Ilighlands où les clans furent dépossédés au profit de leurs
chefs ; des régions entières ont été dépeuplées et converties
en territoires de chasse. — Nous parlerons plus loin de la
politique du gouvernement anglais en matière d'émigration.
Pays Scandinaves. — Les pays Scandinaves qui four-
nirent au début du moyen âge une grande quantité d'émi-
grants vers les autres pays d'Europe, se déversent aujour-
d'hui vers l'Amérique du Nord, qu'ils avaient touchée au
XI® siècle. Les émigrants Scandinaves sont une des caté-
gories les meilleures ; énergiques, instruits, ils prospèrent
généralement.
Danemark, L'émigration danoise est surtout agri-
919 -^
EMIGRATION
cole ; elle n'a pas une très grande extension. Mais, depuis
1855, les Mormons font de nombreuses recrues dans le
Jutland et, à dater de cette époque, 1 ,500 Danois sont allés
annuellement rejoindre leurs coreligionnaires de l'Utah ;
aussi le contingent des émigrants aisés est-il considérable.
Les statistiques danoises évaluent à 74,423 le nombre des
émigrants de 1869 à 1883. La progression se marque
depuis 1880. Voici les chiffres des émigrants danois
depuis 1871 jusqu'en 1883 :
1871 . . . .
. . 3.906
1878. . . .
. . 2.972
1872, . . .
. . 6.893
1879. . . .
. . 3.068
1873. . . .
. . 7.200
1880. . . .
. . 5.658
1874. . . .
. . 3.322
1881. . .
. . 7.985
1875. . . .
. . 2.088
1882. . . .
. . 11.614
1876. . . .
1877. . . .
. . 1.581
. . 1.877
1883. . .
. . 8.375
1877 3.206
1878 4.863
1879 7.608
1880 20.212
1881 25.976
1882 28.804
Norvège, La Norvège est un pays déshérité, que le froid
et la structure du sol empêchent de nourrir une population
abondante. Celle-ci augmentant par l'excédent annuel des
naissances sur les décès, l'émigration est nécessaire pour
rétablir l'équilibre. D'autre part, les émigrants parvenus à
l'aisance attirent à eux bon nombre de leurs compatriotes,
de sorte que le mouvement s'accentue surtout depuis la
crise économique commencée en 1880. De 1836 à 1882,
il émigra 292,398 Norvégiens. Voici les chiffres pour la
période de 1871 à 1882 :
1871 12.276
1872 13.865
1873 10.352
1874 4.601
1875 4.048
1876 4.355
Ces chiffres sont énormes relativement à la population
du pays, qui a vu partir, en 1882, 1 émigrant sur 66 hab. ;
seule l'Irlande dépasse cette proportion. Le fait est récent,
car, dans le milieu du siècle, l'émigration n'avait enlevé
en 1853, année maximum, que 5,458 Norvégiens; 2,337
seulement en 1850 ; 1,001 en 1847 et 1,176 en 1855.
Les Norvégiens se rendent dans l'Amérique du Nord ou
l'Australasie, vers des régions de climat analogue à celui de
leur patrie, mais plus tempéré.
Suède, La Suède émigré non seulement vers l'Amérique
du Nord, mais aussi vers l'Allemagne et le Danemark. Les
motifs sont les mêmes que pour la Norvège : rigueur du
climat, excédent des naissances. Le mouvement fut très
faible vers le milieu du siècle : 1,102 émigrants en 1851 ;
3,319 en 1852 ; 2,998 en 1853 ; 4,243 en 1854, c'est
le maximum ; puis seulement 1,087 en 1855; 1,115 en
1856; 1,650 en 1857; 540 en 1858; 221 en 1859,
Mais le mouvement a repris avec une grande intensité,
surtout après 1880. Voici les chiffres de 1871 à 1882 :
1871 13.190
1872 11.969
1873 9.646
1874 3.570
1875 3,691
1876 3.786
1877 2.998
1878 4.403
1879 12.870
1880 36.400
1881. 40.672
1882 44.585
Italie. — Dans les pays de l'Europe méridionale, ce n'est
pas, comme dans la Scandinavie, la rigueur du cUmat qui
force les habitants à aller chercher fortune ailleurs ; cepen-
dant la misère est plus grande et est la cause fondamen-
tale de l'émigration. La population de l'Italie est très
dense et l'organisation de la propriété étant assez mau-
vaise, un grand nombre d'Italiens s'en vont chaque année
chercher à l'étranger leur subsistance. Beaucoup ne font
qu'une absence temporaire, cherchant du travail pour une
saison ou plus, mais revenant dans leur patrie avec leurs
économies. Ceux-ci vont en France, en Autriche-Hongrie,
en Suisse, ou plus loin en Allemagne, dans la péninsule
balkanique, en Angleterre. Beaucoup finissent par s'y fixer.
L'émigration transatlantique se dirige de préférence vers
l'Amérique latine, de la République Argentine au Mexique.
M. Daireaux, dans son remarquable ouvrage sur la
Vie et les mœurs à la Plata (Paris, 1888), apprécie
très exactement les caractères de l'émigration italienne et
son importance pour le pays d'origine. « L'Italie, qui
n'a d'existence nationale que depuis 1860, semble avoir
consacré ses premiers efforts, après la constitution de
son unité, à développer sa vitalité par l'émigration. Elle
nous a donné un grand exemple et a si bien réussi
dans cette entreprise, que nos hommes d'Etat, pendant
ce temps, condamnaient sans l'avoir étudiée, qu'elle est
devenue pour nous, au dehors, un concurrent des plus
redoutables. On ne soupçonnait pas, il y a quinze ans, le
commerce italien à l'étranger : pour un peu, nous aurions
nié l'existence de son industrie et la possibilité pour ce
pays d'en créer une. L'Italie a donné un démenti à ces
prévisions, et, ce qu'il faut retenir, c'est que ce sont les
émigrants qui ont déterminé la création d'une industrie
chez elle, et que son commerce, très peu actif autrefois, a
appris, par les bénéfices de l'exportation, à devenir très
envahissant. N'oublions pas aussi que son climat favorise
son agriculture, et que ses huiles et ses vins pourraient
bien se substituer aux nôtres, non qu'ils soient préférables,
mais parce que le nombre toujours croissant des consom-
mateurs italiens en apprend, à l'étranger, l'existence, et
que le nombre toujours croissant des petits commerçants
italiens se répandant dans le monde en impose la consom-
mation. L'émigrant et le commerce italiens sont servis, en
outre, par cet avantage que l'Italien est navigateur beau-
coup plus que le Français, qu'il a une tendance à déve-
lopper très vite sa flotte à vapeur, sans renoncer aux na-
vires à voiles, là où les petits tonnages sont encore
recherchés. » Les provinces italiennes dont les habitants
émigrent le plus volontiers sont celles du Piémont, de la
Vénetie, de la Lombardie, de la Ligurie et, au S. de la
péninsule, la Calabre (Cosenza, Potenza, Salerne). De 1869
à 1883, on a compté environ 1,774,536 départs, dont
près de moitié pour les pays d'outre-mer. De 1876 à 1883,
il s'est rendu dans l'Amérique latine 230,383 Italiens.
Voici le détail de l'émigration annuelle des Italiens de 1876
à 1883 :
1876 22.392
1877 22.698
1878, 23.901
1879 39.827
1^0 35.677
1881 ...... 43.725
1882 67.632
1883 70.436
La crise économique n'ayant fait que s'aggraver en Italie,
la tendance à l'émigration devient de plus en plus forte,
Espagne. — L'Espagne n'a pas de statistique officielle de
l'émigration. On admet que 8 à 10,000 personnes passent
chaque année l'Atlantique pour se rendre dans l'Amérique
du Sud. Ils sont originaires, pour la plupart, des provinces
septentrionales. En revanche, les provinces méridionales
envoient chaque année de 15 à 20,000 personnes en
Algérie ; le plus grand nombre n'y font que séjourner pour
travailler; mais une assez forte fraction s'y établit à
demeure.
Portugal. — Le Portugal n'a pas de statistique officielle;
mais, comme presque tous les émigrants sont au Brésil, on
peut en dresser le tableau. De 1872 à 1881, il en est
parti 133,008, dont 129,549 pour l'Amérique.
1872 17.284
1873, . , . , . 12.989
1874 14.835
1875 15.440
1876 11,035
1877 11.057
1878 ' 9.926
1879 13.208
1880 12.597
1881 14.637
On remarquera la grande régularité de ce courant d'émi-
gration qui n'a pas eu les grandes variations constatées
dans les autres pays ; en Suède, d'où l'on a émigré douze
fois plus en 1882 qu'en 1877; en Allemagne, d'où l'on a
émigré six fois plus en 1881 qu'en 1879, en France même
et en Italie.
Nous arrivons maintenant aux pays qui sont les lieux de
ÉMIGRATION
920 —
destination de Témigration européenne et peuvent être
regardés, par opposition aux précédents, comme pays d'im-
migration. C'était le cas pour la Belgique, de 1867 à
1882 ; c'est encore le cas de l'Europe orientale, péninsule
balkanique et Russie, et des colonies européennes d'Amé-
rique, d'Australie, d'Afrique (Algérie, le Cap).
Russie. — La Russie dispose de vastes espaces fertiles et
à peu près inoccupés ; aussi l'émigration au dehors est-elle
très faible. L'immigration est certainement plus consi-
dérable. De 1830 à 1882, il est entré en Russie 7,249,178
Allemands; il en est sorti seulement 6,458,729, ce qui
laisse une plus-value de 790,449 immigrants allemands.
D'autre part, les colons allemands établis dans l'empire
depuis deux siècles ayant été privés de leurs privilèges, il
en est parti, de 1871 à 1881, plus de 70,000, dont
55,400 se sont embarqués pour les Etats-Unis, 6,500
pour le Canada, 4,200 pour le Brésil. Le total des citoyens
russes émigrés de 1857 à 1879 est évalué par l'inm^air^
des finances russes (de 1879) à 499,514. Les principaux
groupes émigrants ont été les Polonais, les colons allemands,
les musulmans (de Crimée) et les juifs (V. Russie).
Serbie. — Les Etats chrétiens de la péninsule balkanique
sont également des pays d'immigration, bien que l'élément
musulman de la population tende à émigrer. On n'a de
détails précis que sur la Serbie. De 1860 à 1875, elle a
reçu 51,033 immigrants, dont 40,868 venaient de Turquie
et 10,209 d'Autriche-Hongrie.
Amérique. — Le continent américain est le principal but
des émigrants, et tous ses Etats ont plus ou moins profité
de ces déplacements d'hommes et de capitaux. Ils ont été
peuplés par les émigrants venus d'Europe. D'une ma-
nière générale, les gens de l'Europe septentrionale, Anglo-
Irlandais, Allemands, Scandinaves, vont à l'Amérique du
Nord ou Amérique anglaise ; ceux de l'Europe méridionale
à l'Amérique du Sud, Amérique latine. Dans la dernière
période, 96 «/o des émigrants allemands, 98 «/o des Sué-
dois, 67 «/o des Suisses, 73 «/o des Anglais, Ecossais,
Irlandais, se sont transportés dans l'Amérique du Nord,
tandis que presque tous les Hispano-Portugais, 79 «/o des
Italiens et 56 « o des Français passaient dans l'Amérique
méridionale.
Etats-Unis. — Les Etats-Unis de l'Amérique du Nord
furent, pendant de longues années, le but de l'émigration
européenne, on pourrait dire le but unique. Voici comment
M. Legoyt résumait en 1860 les raisons de cette supé-
riorité : « 1*^ De tous les pays transatlantiques, celui de
l'Union américaine est le plus rapproché de l'Europe et
celui que desservent les lignes de navigation les plus nom-
breuses et les plus régulières ; 2<^ par cette raison, les
frais de transport sont moins élevés que pour toute autre
destination hors d'Europe ; 3« les Allemands trouvent aux
Etats-Unis un grand nombre de compatriotes ; 4^ la terre
y est à meilleur marché que partout ailleurs et les facilités
de payement y sont très grandes; 5<^ les débouchés y
abondent pour les produits agricoles; 6^ l'égahté, les
libertés civile, politique, religieuse, industrielle y sont
complètes ; 7« l'impôt est léger (il passe au moins pour
tel); 8*^ la conscription (cette douloureuse préoccupation
des familles allemandes) n'y existe pas ; 9^ le climat, sur-
tout dans les Etats du Nord, se prête facilement à l'accli-
matation de la race européenne ; 1 0« la naturalisation y
est accordée après cinq années de séjour seulement ;
11^ il existe dans les principaux ports de l'Union et par-
ticulièrement à New-York et à la Nouvelle-Orléans, des
sociétés de secours et de placement spécialement instituées
en faveur des émigrants et qui leur rendent les plus
grands services. Des caisses de secours existent également
\ leur profit dans tous les Etats où ils sont établis en grand
nombre. L'Amérique du Nord a été le refuge de tous les
persécutés ou la terre de prédilection de ceux chez lesquels
un vif sentiment d'indépendance individuelle, la haine du
gouvernement absolu, un sentiment de répulsion pour les
mœurs de la vieille Europe, ou seulement le besoin de
fortes émotions, peut-être le désir de contempler les aspects
grandioses et nouveaux de la nature américaine, faisaient
naître un besoin d'émigration. »
A toutes ces raisons, il faut en joindre une autre,
l'attraction morale exercée par la République américaine et
son essor inouï; les avantages immenses qu'il y a pour un
homme entreprenant à trouver un champ que n'encombrent
pas les préjugés, les traditions, tout le bagage social dont
l'Europe a hérité (V. Etats-Unis). L'immigration euro-
péenne a été, d'autre part, une cause décisive dans la for-
tune extraordinaire des Etats-Unis, surtout depuis le milieu
du siècle. Nous reproduisons ci-dessous le tableau de cette
émigration depuis 1821 jusqu'en 1884 :
1821-1830.
151.824
1871-1880.
2.944.719
1831-1840.
599.125
1881 . . . .
720.045
1841-1850.
1.713.251
1882 . . . .
730.349
1851-1860.
2.598.214
1883 . . . .
569.628
1861-1870.
2.491.209
1884 . . . .
461. 36 'é
On voit que le mouvement est loin de décroître.
Voici comment se répartissaient les immigrants par
nationalité durant cette période de 64 années :
Originaires cV Europe 1 1 .290.740
à savoir :
Grande-Bretagne
Allemagne
Autriche-Hongrie
France
Suède et Norvège
Danemark
Pays-Bas
Belgique
Suisse
Espagne et Portugal. . . .
Italie
Russie
Autres pays d'Europe. . .
Originaires d'Asie
à savoir :
Chine
Autres pays d'Asie. . . .
Originaires d'Afrique.. . .
Originaires d'Amérique. .
à savoir :
Canada
Antilles
Mexique
Amérique centrale ....
Amérique du Sud
Originaires d'Océanie. . .
Nationalité ou provenance
Total.
5.456.757
3.946.972
212.748
337.622
642.040
97.082
75.654
31.018
136.378
42.207
181.144
130.048
1.030
288.727
1.611
290.338
987
135.898
1.028.791
69.775
26.881
1.376
9.075
inconnue.
15.306
246.351
12.979.620
Tous ces immigrants ne sont pas restés, mais plus des
cinq sixièmes. En eff'et, on possède une statistique à partir
de 1867, et il en résulte que 3,834,352 personnes ont
immigré, 640,764 ont émigré ou sont reparties, ce qui
fait ressortir une plus-value de 3,193,587 immigrants. La
majorité des immigrants du Royaume-Uni sont des Irlan-
dais. En effet, tandis que les Anglais et les Ecossais vont
de préférence dans les colonies anglaises, Australasie et
Canada, n'envoyant aux Etats-Unis guère plus du tiers de
leur émigration, les Irlandais y viennent dans la pro-
portion de 3 sur 4. Ils fournissent le contingent prin-
cipal avec les Allemands. Les Allemands et les Scandinaves
sont surtout agriculteurs ; les Irlandais ouvriers et domes-
tiques, les Anglais, ouvriers dans les manufactures, les
mines ; de même les Ecossais et les Canadiens ; les Fran-
çais, les Suisses se partagent entre toutes les professions.
Canada. — Le Canada ne reçoit d'immigrants que de
la Grande-Bretagne et des pays Scandinaves. Il lui en est
venu, de 1815 à 1883, 1,765,586; le gouvernement fa-
vorisa l'immigration, notamment celle des Ecossais, afin de
balancer l'accroissement rapide de l'élément franco-cana-
dien. Il faut ajouter que beaucoup des immigrants ne font
que passer par le Canada pour se rendre aux Etats-Unis,
tandis que d'autre part les Canadiens, en particulier les
Canadiens français, émigrent par centaines de mille vers la
république voisine. De 1870 à 1883, pour 854,531 immi-
grants, il y en a eu 385,011 qui se sont rendus aux Etats-
Unis. Une fraction retourne en Europe.
Mexique et Amérique centrale. — L'immigration est
faible, d'autant que le climat tropical est peu favorable aux
Européens. Les gouvernements ont fait des efforts répétés
pour attirer à eux les émigrants, mais sans grand succès.
Antilles. — Le climat n'a pas permis à l'immigration
européenne de prendre de grands développements ; en a tenté
de faire venir des travailleurs européens, au moment où la
suppression de l'esclavage priva les plantations d'une par-
tie de la main-d'œuvre des nègres. Français, Allemands,
Anglais ne purent réussir. Il fallut se rabattre sur les mé-
ridionaux, les insulaires de Madère et surtout sur les Chinois
et les coolies (V. ci-dessus). De même dans la Guyane,
Amérique du Sud. — Les républiques de l'Amérique du
Sud situées dans la zone tropicale ont rencontré les mêmes
difficultés ; ajoutez l'instabilité des gouvernements, les
crises politiques, les guerres civiles. Malgré des plans par-
fois bien conçus, l'immigration européenne y a été minime
dans ce siècle; ni le Venezuela, ni la Colombie, ni le
Pérou n'ont pu l'attirer à eux. Il n'en est pas de même
des pays plus méridionaux où le climat est meilleur. Le
Chili à reçu beaucoup d'Italiens, des Allemands, des Fran-
çais, et aussi des Chinois et des coolies.
Brésil. — Le Brésil est un des pays qui offrent le plus
large débouché à l'émigration européenne. Il peut nourrir
des centaines de millions d'hommes et la fertilité du sol
est très grande. Stimulé par l'exemple des Etats-Unis, il a
compris les avantages de l'immigration et s'est efforcé de
l'attirer à lui. Dès 1812, il recrutait des colons aux îles
Açores ; dès 1818 des Allemands arrivaient. Il en est en-
core venu un bon nombre depuis, qui ont formé une petite
colonie dans le Sud du pays . Mais la majorité des immi-
grants furent et sont de pliïs en plus des Latins, Portugais,
Espagnols, Italiens et Français. De 1855 à 1883, il vint
600,000 Européens dont 215,000 Portugais, 65,000 Alle-
mands, puis, par ordre d'importance numérique, des Ita-
liens, des Français, des Anglais, des Espagnols. Depuis
quelques années l'immigration italienne est la principale.
En 1887, on comptait, sur 54,990 immigrants, 14,245
Italiens, 13,785 Portugais, 2,686 Espagnols, 294 Fran-
çais, 292 Belges. Depuis, l'immigration, qui était entravée
par l'insouciance du gouvernement en présence d'abus par-
fois scandaleux, s'est rapidement accrue et on l'évaluait, en
1889, à plus de 130,000 têtes.
U Uruguay (V. ce mot) reçoit par Montevideo les
mêmes immigrants que Buenos Aires : Espagnols, Italiens,
Français. Le Paraguay, dépeuplé par la guerre, n'a pas
encore réussi à attirer beaucoup d'Européens.
République Argentine. — La République Argentine
est après les Etats-Unis le pays d'Amérique qui reçoit le
plus d'immigrants. Son climat tempéré, ses vastes plaines
leur sont favorables. C'est là que viennent de préférence
les gens de race latine. En 1887, il a débarqué à Bue-
nos Aires 120,000 émigrants dont 67,000 Italiens,
16,000 Espagnols, 7,000 Français. Nous empruntons à
l'ouvrage de M. Daireaux des renseignements à ce sujet :
« Ils viennent de Naples, de Gênes, de Marseille, de Bar-
celone, de Bordeaux, du Havre, de Liverpool, d'Anvers, de
Hambourg. Nous avons donné le nom de tous les ports qui
les fournissent et nous les avons cités dans l'ordre de leur
importance. Cet ordre, par une singulière coïncidence, est
aussi l'ordre géographique, en partant du Midi et remon-
tant vers le Nord. L'Italie, la Savoie, le midi de la France,
l'Irlande, voilà les grandes sources qui alimentent l'immi-
_ 921 — ÉMIGRATION
gration dans la République Argentine. Il serait assez diffi-
cile de déterminer avec précision le nombre des étrangers
appartenant à chaque nationalité ; nous possédons cepen-
dant sur ce point des renseignements nombreux. L'immi-
gration italienne, depuis 1863, époque où elle a pris quel-
que importance et s'élevait, pour cette année, à 7,201,
a fourni au total 433,000 individus; la progression a été
continue. Du chiffre de 1,863, elle a atteint 23,000 en
1870, sans dépasser ce maximum annuel jusqu'en 1882 ;
mais, en 1882, elle s'est élevée à 32,000, en 1883, à
37,000, en 1884, à 32,000, et, en 1885, par un
saut prodigieux, à 57,580; elle a atteint 60,000 encore
en 1886. Pendant la même période, l'immigration fran-
çaise a atteint au total le chiffre de 150,000, mais elle
ne dénote pas, dans les dernières années, la progression
colossale qu'indique la statistique des arrivages italiens.
En prenant la movenne de l'immigration, on la décompose
comme suit: Italiens, 70 «/o; Espagnols, 10 «/o; Français,
10 «/o ; Germains et Suisses, 4 «/o ; Anglais et Irlandais,
2 ^L; divers, 4 ^/o. L'immigration pour l'année 1855 a
dépassé 110,000 et atteint 100,000 en 1886. » M. Dai-
reaux apprécie ensuite la valeur relative de chacun de ces
groupes. Nous avons déjà relaté son opinion sur les émi-
grants italiens. Nous reproduisons ici l'énoncé de son juge-
ment sur l'immigration anglaise et française : « L'immi-
gration anglaise avait, dès l'origine, le caractère spécial
qu'elle a toujours conservé, qui l'a toujours distinguée
d'être fournie par les classes commerçantes de la Grande-
Bretagne, et surtout, aidée de capitaux. Il est rare, aujour-
d'hui encore, de trouver parmi les immigrants anglais,
hors quelques matelots égarés, des travailleurs et des
hommes du peuple. Par contre, l'Irlande a fourni, depuis
1822, des travailleurs en abondance, des servantes et des
pasteurs, qui, ayant gagné, chacun de leur côté, les pre-
mières piastres, ont contracté ensemble des unions, se
sont répandus de bonne heure et établis à la campagne, y
ont édifié des fortunes considérables, surprises de la statis-
tique. Les premiers immigrants français furent des Basques,
entraînés par l'exemple de leurs frères transpyrénéens ;
ils apparurent vers 1825. Le courant, assez faible d'abord,
s'est' accru vite, et est devenu considérable le jour où la
navigation à vapeur lui a fourni des moyens de transport
commodes à bon marché. Ce grand mouvement s'est pro-
duit de 1833 à 1870.11 a perdu, depuis, de son inten-
sité ; les Basques français , qui n'ont pas cessé d'émi-
grer, se dirigent aujourd'hui, en plus grand nombre,
vers le Chili. Ils y trouveront, du reste, dans la population
chilienne, le souvenir des traditions de leur race. C'est,
en effet, le pays basque qui a fourni, pendant les trois
siècles de l'ère coloniale, les éléments de constitution les
plus vigoureux de la race chilienne. Si les Basques sont
encore, en France, considérés comme les seuls émigrants
qui se dirigent vers la Plata, c'est par habitude ; la vérité
est tout autre. Toutes les provinces fournissent leur contin-
gent ; une seule, peut-être, en fournit un plus considérable,
c'est la Savoie. Il y a assez de Savoisiens à Buenos Aires
pour qu'ils aient formé une société spéciale d'aide et de
protection à leurs compatriotes; beaucoup sont aisés et
propriétaires ; la spécialité où ils se confinent est le jardi-
nage et la culture de la vigne. Au même rang que la
Savoie figurent le Languedoc, la Gascogne, le Béarn et,
en général, toutes les provinces en relations faciles avec
les ports de Marseille et de Bordeaux . » Momentanément
enrayée par la grande crise financière qui y sévit depuis
189Ô, l'immigration européenne reprendra certainement
son ancienne extension dans la République Argentine.
Australasie. — Les colonies anglaises d'Australie, de
Tasmanie et de Nouvelle-Zélande ont été peuplées par des
émigrants européens dans le courant du siècle. Les pre-
miers vinrent en Australie, d'Angleterre, en 1788. Mais,
pendant longtemps, l'élément prédominant numériquement
fut fourni par la transportation. Le gouvernement mettait
gratuitement à la disposition des colons « autant de con-
EMIGRATION — 922
\icts qu'ils pourraient en nourrir et en vêtir, leur donnant
sur eux des droits à peu près absolus. Lorsque le système des
concessions gratuites de terres eut fait place dans^ la colonie
au régime de la vente par parcelles, l'immigration libre y fit
des progrès rapides et bientôt les rapports entre les proprié-
taires et les convicts durent se modifier. » On organisa en
faveur de ceux-ci, qui avaient été jusqu'alors soumis à un
véritable esclavage, un régime de libération provisoire et on
leur fit des concessions de terres à l'expiration de leur peine.
« On a calculé, dit Legoyt, que, de i 793 à 4 860, l'x^ngleterre
a envoyé 131,450 convicts en Australie, non compris les
convicts irlandais envoyés avant 1840. Dans la seule année
1840, cette colonie en a reçu 42,000. Ces énormes expé-
ditions de condamnés étaient accueillies avec la plus grande
faveur par les grands propriétaires auxquels elles permet-
taient de mettre en valeur leurs immenses domaines, mais il
en était autrement des autres colons qui, mus par des senti-
ments plus généreux et n'ayant pas le même intérêt au main-
tien du système, demandaient au gouvernement de la mère
patrie ou de modifier sa législation pénale au point de vue
de la transportation ou de choisir une autre colonie péni-
tentiaire. » Ils firent prévaloir leur opposition en 1840, et
on décida que les convicts seraient désormais envoyés à
Van Diemen. Au bout de peu d'années, les colons libres ne
le souffrirent plus. Mais d'autre part, les membres de l'aris-
tocratie terrienne d'Australie désiraient la restauration du
travail servile qui leur procurait de grands bénéfices. Ils
firent venir des transportés libérés de Van Diemen, puis ils
firent conclure une transaction par laquelle le gouverne-
ment anglais recouvrait le droit de déporter en Australie
les malfaiteurs d'Europe, à la condition d'envoyer à ses
frais un colon libre pour chaque convict. Ce pacte ne fut
pas exécuté, et les petits colons obligèrent l'Angleterre à
l'abandon définitif de la transportation. Celle-ci avait retardé
les progrès de l'émigration spontanée. On tenta alors une
entreprise d'émigration officielle patronnée par Wakefield,
« Ce plan approuvé par le gouvernement fut immédiate-
ment, mis à l'essai. Jusque-là, il avait vendu l'acre de
terre, en Australie, au prix de 5 shil. ; il l'éleva à 12shil.
et réduisit en même temps les superficies à aliéner annuel-
lement. Cette double mesure eut immédiatement pour effet
de réduire le nombre des émigrants.Mais, en même temps,
pour venir en aide aux propriétaires australiens, dont ce
résultat froissait les intérêts, le gouvernement décida, tou-
jours conformément au projet de Wakefield, que les res-
sources provenant de la différence entre l'ancien et le nou-
veau prix seraient affectées au transport, par ses soins, de
colons à la destination de l'Australie, et que ces colons
seraient recrutés dans les maisons des pauvres (work-
Jioiises). Le vice de ce système consistait surtout en ceci
que l'on éloignait de la colonie les émigrants à petit capi-
tal, c.-à-d. l'élite des émigrants, pour les remplacer par
des hommes sans ressources, souvent affaiblis par le vice
ou la misère, et incapables, pour la plupart, d'un travail
utile. Restaient, il est vrai, les spéculateurs riches; mais
l'expérience avait prouvé qu'ils étaient plus dangereux
qu'utiles. Les hommes d'Etat les plus éminents de l'époque
(Aberdeen, Russel, Stanley, Grey) n'en poursuivirent pas
moins son exécution, et les documents officiels ont fait
connaître que, de 1832 à 1850, le gouvernement anglais
avait déjà envoyé en Australie 64,807 personnes, jusqu'à
la nouvelle de la découverte des gîtes aurifères. L'émigra-
tion anglaise, se détournant momentanément de ses cou-
rants ordinaires, se porte en grande partie sur les nou-
veaux placers. Dès ce moment, le système de Wakefield
ou tout autre système de colonisation devenait sans inté-
rêt. Plus tard, le mouvement s'étant modéré, le gouverne-
ment est revenu au système du transport direct des colons
libres pour l'Australie, aux frais des gouvernements colo-
niaux et sur le produit, soit de la vente directe par ces
gouvernements, des terrains domaniaux, soit de ressources
spéciales. » La majorité des immigrants sont venus non à
l'instigation du gouvernement, mais spontanément surtout
lorsque la découverte des mines d'or offrit des espérances
de fortune presque illimitées. Au total, en 1883, il était
venu dans l'Australasie britannique, Australie, Tasmanie et
Nouvelle-Zélande plus de 1,500,000 personnes origi-
naires des Iles-Britanniques. On évalue le nombre des immi-
grants allemands (surtout au Queensland) à une centaine
de mille ; celui des Scandinaves est faible ; l'apport des
autres pays est négligeable .
ïIawaï. — L'histoire de l'immigration aux îles Hawaï
est particulièrement intéressante par la série d'expériences
auxquelles elle a donné lieu. Le récit en a été fait par
M. Henri de Varigny au Congrès international de l'émigra-
tion tenu à Paris en août 1889.
Cette immigration est destinée à contre-balancer la dépo-
pulation locale qui est considérable, puisque, de 1778 à
1889, le nombre des indigènes, qui était d'environ 300,000
au moment de la découverte de l'archipel par le naviga-
teur Cook, s'est abaissé à 35,000. Vers 1860, le gouver-
nement hawaïen, préoccupé de cette situation, conclut avec
la Chine une convention réglant l'émigration de travailleurs
chinois. L'immigration chinoise fut considérable; mais,
après quelques années, le gouvernement chinois ayant
élevé des objections, celui d'Hawaï discontinua une immi-
gration qui ne produisait pas tous les résultats qu'il avait
espérés. La plupart des immigrants chinois se sont fixés
dans les îles après l'expiration de leur contrat; le dernier
recensement effectué en 1884 a constaté la présence de
18,000 Chinois dans l'archipel.
Après avoir essayé sans succès des Polynésiens pris dans
d'autres archipels et qui, de 1878 à 1887, furent intro-
duits au nombre de 1,996, le gouvernement hawaïen enga-
gea des Européens, et, de 1881 à 1885, fit venir 1,176
Allemands et 223 Norvégiens, mais le mouvement de l'im-
migration européenne fut surtout alimenté par des Portu-
gais recrutés à Madère et aux Açores. Du 30 sept. 1878
au 23 sept. 1886, il est arrivé seize convois comprenant
ensemble 10,715 émigrants engagés par contrat, dont
3,320 hommes, 2,413 femmes et 4,982 enfants. En 1887,
il y avait plus de 12,000 Portugais aux îles Hawaï; mais
l'immigration par contrat a été provisoirement arrêtée, le
gouvernement cherchant le moyen d'en réduire le coût qui
est très onéreux. Le relevé des sommes déboursées par le
gouvernement et les planteurs porte, en effet, à 1,325 fr.
la dépense résultant de l'arrivée de chaque tête d'émigrant.
A tous autres égards, l'immigration portugaise avait donné
de bons résultats, notamment en contribuant pour une forte
part au repeuplement de l'archipel. Le nombre des Portu-
gais qui, à l'expiration de leurs contrats, sont rentrés dans
leur pays ou sont allés ailleurs, est fort restreint ; presque
tous sont restés aux îles, et on peut espérer qu'ils s'y fixe-
ront définitivement, si le gouvernement leur donne des faci-
lités pour s'établir et pour acheter des terres.
Pour remplacer les Portugais, le gouvernement hawaïen
songea aux Japonais. Le premier convoi d'émigrants arrivé
en 1885 a été libéré en 1888. Il était venu 943 individus,
il en mourut 53, il en naquit 41. A l'expiration du contrat
de trois années, 260 retournèrent au Japon et 671 restè-
rent aux Hawaï et continuèrent, pour la plupart, à travail-
ler pour les plantations, mais avec des salaires plus élevés :
17 à 24 dollars par mois au lieu de 15 dollars. Le nombre
des Japonais arrivés ou nés dans l'archipel, de 1885 à la
fin de 1887, a été de 4,385, dont 3,457 hommes et 711
femmes. Le coût de l'immigration japonaise n'est pas oné-
reux ; il atteint seulement 350 fr. par tète d'immigrant,
dont 90 fr. à la charge du gouvernement, le surplus étant
payé par le planteur. Les premiers résultats obtenus avec
l'immigration japonaise permettent de beaucoup espérer
pour l'avenir.
Afrique. — En Afrique, l'immigration européenne n'est
un peu nombreuse que sur trois points, l'Algérie, l'Egypte,
le Cap. Encore faut-il constater qu'en Egypte les Euro-
péens ne font guère souche. Il y a plutôt là une colonie
renouvelée sans cesse qu'une immigration. Toutefois on
— 923 —
EMIGRATION
peut appliquer ce mot aux établissements formés par les
Grecs et même les Italiens et les Français. — Sur V Al-
gérie nous renvoyons à l'article spécial, rappelant seulement
que les principaux immigrants sont, par ordre numérique,
les Français, les Espagnols, les Italiens, les Maltais. — En
Tunisie, ce sont les Italiens et les Français. La colonie
anglaise du Cap recevait annuellement 7,000 immigrants
britanniques; les découvertes minières (diamant, or) ont
accru sensiblement ce chiffre. Il faut aussi tenir compte des
coolies, surtout au Natal.
Economie politique. — Conditions de l'émigration.
Transport des émigrants. Les agences d'émigration. —
L'émigration ne résulte pas le plus souvent d'une décision
spontanée de l'émigrant, et il est assez rare que celui-ci
parte isolément ou avec sa seule famille. Jadis les grands
exodes étaient déterminés soit par des persécutions reli-
gieuses ou politiques, soit par les velléités colonisatrices
du pouvoir officiel. Le fait capital était l'émigration ; le but
variait. Aujourd'hui le fait capital est l'immigration. Les
sociétés nouvelles cherchent à attirer à elles des recrues ;
de là la grande prospérité de l'industrie des agences et
des racoleurs d'émigrants. Nous avons vu que les voyages
d'émigrants se chiffraient chaque année par centaines de
mille, et que celte calégorie de passagers était pour la
marine marchande un fret très lucratif. Il s'est donc cons-
titué des sociétés spécialement destinées au transport des
émigrants, et des agences qui, vivant de ce commerce, font
naturellement tout ce qu'elles peuvent pour le développer,
c._à-d. pour décider à émigrer le plus grand nombre pos-
sible de gens. Ces agences se sont créées au xix^ siècle,
lorsque l'émancipation des nègres eut bouleversé tout le
régime économique et qu'on eut l'idée de substituer le travail
libre au travail servile. On chercha donc des travailleurs
et on organisa à cet effet des sortes de bureaux de recru-
tement, des agences d'émigrants, en Europe, en Chine,
dans l'Inde. Ces agences, qui étaient encouragées par les
gouvernements ou par des sociétés de colonisation protégées
par ceux-ci, recevaient une prime par tête d'émigrant et
de plus une part dans les bénéfices réalisés sur le transport
par les compagnies de navigation. Elles se fondèrent d'abord
en Allemagne et en Suisse, à Mayence, puisa Bàle. L'agence
mayençaise rayonnait sur toute l'Allemagne du Sud-Ouest.
Elle avait plusieurs succursales ; ses agents étaient surtout
les voituriers; elle leur allouait une prime par émigrant
qu'ils lui allouaient, et son bénéfice consistait d'abord dans
le transport des émigrants, ensuite dans le courtage que
lui payait l'armateur ou le propriétaire du navire qui em-
barquait l'émigrant. Celui-ci voyait donc la somme géné-
ralement minime qu'il emportait avec lui, réduite, parfois
absorbée entièrement par ces intermédiaires ; mais, d'autre
part, ils lui rendaient service en lui évitant des difficultés
dont il n'aurait guère pu se tirer tout seul. Pour recruter
les émigrants, les agents ne reculent devant aucune pro-
messe et ils les leurrent en leur promettant un pays de
cocagne ; les colporteurs vendent à prix réduit des chan-
sons, des images populaires où l'Amérique joue le rôle de
paradis terrestre. C'est pour protéger les émigrants contre
ces agences qu'a été élaborée toute une législation dont
nous parlerons ci-dessous.
Nous avons déjà eu l'occasion de nommer les principaux
ports d'embarquements des émigrants : c'est une portion
appréciable de leur trafic total. En Allemagne, Brème et
Hambourg; en Belgique, Anvers; en France, Le Havre,
Bordeaux, Marseille; dans la Grande-Bretagne, Londres,
Liverpool, Plymouth, Southampon, Glasgow; en Italie,
Gènes et Naples : tels sont les principaux ports d'émigrants.
Le prix du transport varie selon la rareté du fret et la
concurrence des diverses compagnies. On trouvera des
détails à ce sujet dans l'art. Passager. De même sur la
mortalité à bord des navires. Quant aux conditions maté-
rielles du transport, elles ont été réglementées complètement
par la législation, et nous renvoyons au paragraphe ci-
dessous où l'on trouvera les indications pour la France, la
Belgique, etc. Ufle des clauses qui a donné lieu aux plus
grands abus, c'est l'émigration par contrat ou par engage-
ment qui est presque le seul système pour les Asiatiques et
les noirs. L'émigrant n'ayant pas de capitaux, l'entrepreneur
du transport lui en avance les frais à la condition qu'il
s'engage à le rembourser sur le produit de son travail et
pour cela contracte un engagement dont la durée peut
varier de six mois à dix ans, jadis même davantage ; ainsi
lié, l'émigrant lorsqu'il débarque a aliéné une partie de sa
liberté. Les contrats de ce genre furent au début du siècle
de simples variantes de l'esclavage et donnèrent lieu à une
véritable traite des blancs. Des histoires de l'émigration
allemande qui sont des martyrologes racontent comment à
leur arrivée les émigrants étaient vendus à des propriétaires
qui les exploitaient, comment on séparait les époux, les
parents et les enfants; dans d'autres cas, c'était la misère
qui contraignait les émigrants à se vendre ainsi eux ou les
leurs. Un des derniers exemples de ces exploitations s'est
produit au Brésil où les grands propriétaires ont trompé
les émigrants par de prétendus contrats de métayage
(parceria),— Les agences d'émigration autorisées étaient
en France au nombre de 31 en 1860; il y en avait 11
au Havre, 5 à Paris, 8 à Bordeaux, 3 à Bayonne, 1 à
Uhart-Cize (Basses-Pyrénées), 1 à Dunkerque, 1 à ^\issem-
bourg,! à Houffach (Bas-Rhin). En 1879, le nombre était
réduit à 25, dont 7 au Havre, 6 à Bordeaux, 5 à Paris, 4 à
Marseille, 2 à Bayonne, 1 à Modane. Le courant d'émigra-
tion devenant plus fort, leur nombre s'est élevé; en mai
1883, on en comptait 33, dont 9 ayant leur siège au
Havre, 8 à Paris, 7 à Bordeaux, 5 dans le dép. des Basses-
Pyrénées, 2 à Marseille, 2 en Savoie. Enfin, en 1886, il y
en avait 36, dont 10 à Paris, 8 au Havre, 7 à Bordeaux,
6 dans les Basses-Pyrénées, 3 à Marseille, 2 à Modane.
Elles fonctionnent à l'aide de sous-agents qui,^ munis de
procurations authentiques pour les engagements d'émigrants,
étendent leurs opérations jusque dans les pays étrangers.
En 1883, les 33 agences en activité n'occupaient pas moins
de 800 sous-agents. La surveillance exercée parla direction
de la sûreté générale a prévenu tous les abus ; elle examine
le choix des agents recruteurs, contrôle les enrôlements,
prévient et réprime les fraudes, veille à la salubrité et à la
sécurité des navires affectés au transport des émigrants,
recueille les renseignements utiles sur les pays dans lesquels
ils se rendent, attirés souvent par des espérances chimé-
riques ou par des promesses fallacieuses.
Néanmoins la surveillance de l'Etat ne peut suffire, et la
meilleure sauvegarde des émigrants sera toujours leur
propre prudence. N'est pas bon émigrant qui veut, et, de
plus, il faut se préserver de bien des pièges et des dangers
pour réussir à se refaire une situation dans une patrie nou-
velle. Nous résumons ici brièvement les conditions de succès.
n faut être adulte, d'une bonne santé, d'un caractère assez
énergique pour envisager les obstacles et ne pas se laisser
abattre. H est à peu près indispensable d'emporter avec
soi un pécule assez fort pour suffire aux frais de première
installation et aux besoins de la vie matérielle pendant les
premiers mois. Il vaut mieux que l'homme émigré seul
d'abord, pour ne faire venir sa famille que lorsqu'il aura
assuré ses moyens d'existence. H faut choisir avec som le
pays de destination parmi ceux dont le climat est le plus
semblable à celui du lieu d'origine; il est très utile d'en
savoir la langue ou de l'apprendre dès son arrivée. Il vaut
mieux émigrer dans une contrée où la liberté individuelle
et la liberté du travail soit assurée. A cet égard, l'Amé-
rique offre les plus grands avantages. « Dès qu'il met le
pied sur le sol, dit M. Daireaux, l'étranger est placé sous
la protection de ce principe américain que nous résumerons
dans un axiome qui n'est écrit nulle part et que personne
ne conteste : En Amérique, personne n'est étranger. Les
personnes, les biens, les droits personnels et réels de
l'étranger sont garantis à l'égal de ceux des nationaux par
la constitution. » Ajoutons que cette garantie est beaucoup
moindre que dans les pays de l'Europe, en France surtout.
ÉMIGRATION
924 ~
et qu'il est trop fréquemment impossible 'd'obtenir justice
des tribunaux étrangers. L'émigrant doit donc surtout
faire fonds sur son énergie; il fera bien de se grouper
avec des compatriotes et de rechercher un pays qui ne soit
pas trop troublé par les dissensions politiques et les guerres
intestines. Au point de vue professionnel, il ne faut pas
oublier que les professions libérales n'ont pas de place
dans un pays neuf; il faut avoir le courage de changer
d'état, et même plusieurs fois, pour trouver celui qui sera
le plus lucratif. Il ne faut jamais acheter par intermédiaire
la terre que l'on cultivera, mais la voir de ses yeux aupa-
ravant. Pour le transport, il ne faut traiter qu'avec des
agents autorisés et éviter de signer un engagement qui
enchaîne la liberté dans le pays où l'on va. Il faut con-
sulter, avant le départ, les autorités constituées ou les
sociétés protectrices des émigrants. Il faut emporter peu
de bagages, le transport en étant onéreux et la perte ou le
vol très à redouter. Il faut se renseigner soigneusement sur
les questions de change dans le pays de destination, choisir
le moment de son départ de manière à arriver dans la sai-
son favorable. Une fois débarqué, il ne faut séjourner dans
la ville que le temps nécessaire pour s'informer des
moyens d'atteindre le lieu où l'on va s'établir ; descendre
dans les asiles ouverts aux émigrants et non à l'hôtel ; en
cas de discussion avec le capitaine, s'adresser à la société
protectrice ou à son consul ; à leur défaut, aux autorités
locales ; ce sont également ceux-ci qui le renseigneront s'il
y a lieu. On devra conserver avec soin ses papiers, enga-
gement, passeport si l'on en a, pièces constatant la natio-
nalité et l'état civil. Il faut éviter soigneusement tout acte
de contrebande, même involontaire. Enfin, une fois établi,
il faut se tenir à l'écart des querelles et, par-dessus tout,
des agitations politiques, pour ne pas entrer en conflit
avec les nationaux. Quant au changement de nationalité et
aux questions qui s'y rattachent, nous renvoyons au § Di^oit
international et à l'art. Naturalisation.
Causes de l'émigration. — L'homme ne se décide pas
volontiers à abandonner sa patrie et à courir les chances
d'une vie nouvelle en un milieu inconnu. Parmi les causes
qui l'y décident, il faut pourtant placer l'esprit d'aventure
qui entraîne un certain nombre d'émigrants; mais c'est
une faible minorité. L'accroissement rapide de la popula-
tion que le sol natal ne suffit plus à nourrir et à occuper,
tel parait être, à première vue, la cause fondamentale. Ce
n'est pas tout à fait exact, comme nous le verrons plus bas,
en parlant des conséquences de l'émigration. Le grand
nombre est déterminé par la misère ou du moins par l'in-
suffisance de sa condition sociale et matérielle. La surface
du sol étant limitée, beaucoup de paysans ne peuvent
espérer conquérir la propriété dans leur patrie ; le cas est
le même pour les cadets partout où s'est maintenu le droit
d'aînesse ; ce désir d'acquérir la propriété est pour beau-
coup, en particulier, dans les campagnes allemandes, le
plus puissant motif de départ ; le bas prix de la terre, en
Amérique, l'espérance de passer de la condition de salarié
à celle de propriétaire ; la misère, le manque de travail
coïncidant avec la cherté des vivres, ont fait partir d'Eu-
rope des millions d'émigrants, surtout après les crises de
1847-1854 et de 1882. Tous les pays d'Europe, mais sur-
tout l'Irlande, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie,
en ont ressenti les effets. Le régime égalitaire de la société
américaine, les chances de fortune rapide, les promesses
des agents d'émigration qui font miroiter des merveilles
aux yeux de l'émigrant, décident, chaque année, une foule
de gens à tenter l'aventure. Enfin, les lettres et les envois
d'argent des émigrants qui ont réussi sont un puissant
moyen de propagande. Le grand développement de l'émi-
gration au xix'^ siècle s'explique par la rapidité, le bon
marché et la sécurité des moyens de transport, par la poli-
tique des gouvernements américains qui appellent l'immi-
gration et assurent de grands profits aux agences d'émigra-
tion ou aux sociétés de colonisation; par l'assimilation
quasi complète des étrangers aux nationaux, la diffusion
des langues étrangères, le développement des relations
commerciales. A ces causes générales, dont Pimportance
relative varie d'un pays à l'autre, il faut ajouter les causes
locales dont nous avons déjà parlé dans le § Statistique
en passant en revue les pays de provenance et de destina-
tion des émigrants.
Conséquences de l'émigration. — Quelles sont les consé-
quences de l'émigration ? Ce problème comporte trois sub-
divisions : quelles sont les conséquences pour l'émigrant
lui-même ; pour le pays d'émigration ; pour le pays d'im-
migration. Pour l'émigrant lui-même, les conséquences
varient naturellement selon les cas. Il court évidemment
de très grands risques et beaucoup y succombent ; de vastes
entreprises ont subi des échecs mémorables : celle des
Belges au Guatemala, des Prussiens au pays des Mos-
quitos (1847), plus récemment en France celle du marquis
de Rays; bien plus nombreux encore sont les émigrants
qui se sont laissés duper par des agents et n'ont trouvé
que la ruine au lieu du paradis promis. Combien de fois ce
sont des gens incapables de gagner leur vie dans leur
patrie qui ont à la légère risqué l'aventure de la rude
existence de l'émigrant pour laquelle ils étaient tout à fait
désarmés, trop jeunes ou trop vieux, trop faibles physi-
quement ou moralement ; ce fut notamment le cas de bien
des ouvriers des manufactures européennes qui ne trou-
vaient nul emploi dans un pays neuf. Boscher s'en est
indigné. « Ces tisserands de Silésie qui ne peuvent même
pas, dans leur pays, couper du bois ou casser des cailloux,
vous voulez en faire des colons ; vous croyez qu'ils ont
l'étoffe de pionniers ou de squatters. Vous les envoyez à
grands frais par delà l'Océan à la misère et à la mort. »
Les cas de ce genre se reproduisent si souvent, l'indiffé-
rence de l'agent recruteur pour l'intérêt réel de l'émigrant
et son sort au lendemain du débarquement est si manifeste
que les administrations ont une attitude très défiante vis-
à-vis de l'émigration. Confinées dans leur rôle de protec-
tion sociale, elles voient surtout les risques; en France,
on peut dire qu'elles sont hostiles à l'émigration. C'est une
vue trop étroite, car, à envisager les choses dans leur en-
semble, le nombre des émigrants qui réussis^nt, qui amé-
liorent leur situation et se font, à eux et à leur famille, une
vie plus heureuse et autrement large qu'elle n'eût été dans la
patrie première, le nombre de ceux-là compense et au delà
celui des faibles qui succombent dans la lutte. Pour l'in-
dividu, l'émigration est une aventure, mais il dépend de
lui d'en atténuer les risques, et les profits, quand il
réussit, peuvent être immenses.
Pour les pays d'origine, quelles sont les conséquences
de l'émigration ? Le problème est double, car l'émigration
humaine implique une émigration de capitaux. Nous l'étu-
dierons sous les deux aspects. Les économistes et les
hommes d'Etat ont, dans bien des cas, exprimé l'opinion
que l'émigration était pour la mère patrie une perte con-
sidérable. Un homme arrivé à l'âge adulte représente un ca-
pital, ne fût-ce que celui qui a été dépensé pour le nourrir
et l'élever. S'il part, le capital est perdu. J.-B. Say
déclarait que le départ de cent mille émigrants par an
avec le pécule qu'ils emportaient était l'équivalent de la
perte d'une armée de cent mille hommes qui, tous les ans,
seraient engloutis au passage de la frontière avec armes et
bagages. Ce langage est d'autant plus frappant que les éco-
nomistes n'en sont plus à croire, comme au xvii® siècle,
que la richesse d'une nation est proportionnelle à sa
population. L'excédent continu des naissances sur les décès
entraîne un accroissement normal de la population. L'émi-
gration y fait contrepoids en enlevant tout ou partie de cet
excédent. Les malthusiens s'en félicitent, d'autres le
déplorent. Mais, d'abord, le fait est-il exact? Est-il vrai
que l'émigration diminue la population, ou, du moins,
retarde son accroissement ? Cela n'est nullement prouvé.
L'Espagne s'est dépeuplée depuis le xvi® siècle, mais ce
sont précisément les provinces du Nord, Biscaye, Galice,
Catalogne, d'où l'on émigrait, qui sont restées les plus
— 925 --
EMIGRATION
peuplées et les plus prospères et augmentent le plus vite
leur population. En France, où la population est presque
stationnaire, ce ne sont pas les départements de Normandie
où elle diminue qui émigrent, mais ceux des régions mon-
tagneuses de l'Est et du Midi où les naissances continuent
de surpasser les décès. L'exemple de la Grande-Bretagne
est encore plus frappant. La petite île de Skye (Ecosse)
avait, au début du xviii^ siècle, 11,000 hab.; vers 1755,
8,000 émigrèrent; au bout d'une génération, le chiffre de
11,000 était retrouvé et dépassé. De 1851 à 1861, le
Royaume-Uni a fourni plus de 2 millions d'émigrants,
et néanmoins, par l'excédent des naissances sur les décès,
sa population a cru de 1,519,000 âmes, soit un accrois-
sement naturel de 1 ,2 "/o par an. Or, dans la période
décennale précédente (1841-1851) où l'émigration fut plus
faible, l'accroissement avait été encore plus faible ; de telle
sorte que, dans la seconde période, malgré l'émigration, la
population qui restait s'accrut deux fois plus vite. Ce n'est
pas l'excédent des naissances qui stimule l'émigration, car
on ne part pas à un an ; c'est l'émigration qui stimule la
reproduction humaine. Sous l'influence de la grande émi-
gration de 1847 à 1853, le nombre des mariages contractés
en Angleterre s'accrut subitement. En 1847-49, on comp-
tait, année moyenne, 130,000 mariages et 560,000 nais-
sances; en 1852, on releva 158,000 mariages et 624,000
naissances; dans le premier semestre de 1853, 320,000
naissances. Ceci tient à l'influence des causes psychologiques
sur la reproduction. Boscher l'a indiquée en ces termes :
« Toute extension relative de la masse des subsistances
(qu'elle provienne d'une production plus abondante ou d'une
restriction dans les besoins des travailleurs) entraîne après
soi un accroissement de la population. Or, il est incon-
testable que la croyance universelle à une extension des
subsistances doit avoir exactement le même effet que cette
extension réalisée. Si, par exemple, pendant que l'émi-
gration est en faveur, des millions d'Allemands s'imaginent
que non seulement les émigrants sonjt dans une position
plus satisfaisante qu'auparavant, mais encore que ceux qui
sont restés dans le pays vont se trouver également dans une
condition meilleure, ce simple espoir suffit pour faire con-
clure un grand nombre de mariages et produire un grand
nombre de naissances qui sans lui n'auraient pas lieu. »
En d'autres termes, comme dit M. Leroy-Beaulieu, la
tendance à l'augmentation de la population a pour mesure
non seulement les ressources réelles des travailleurs, mais
l'opinion qu'ils ont de ces ressources. Les espérances pro-
duisent ici les mêmes effets que si elles étaient réalisées.
L'émigration n'a donc pas pour effet de réduire la popu-
lation; ce serait plutôt le contraire. Ainsi tombent d'une
part les reproches que lui adressent certains publicistes :
d'autre part, les espérances des malthusiens ; l'émigration
n'est pas un remède à l'excès de population ; quand elle est
régulière et considérable, elle tend à augmenter la popu-
lation du pays d'origine. On a songé à l'utiliser du moins
pour améliorer le sort des travailleurs et le taux des
salaires en diminuant la concurrence spécialement au mo-
ment des grandes crises industrielles. Cela parait plus aisé,
car l'émigration, portant surtout sur les adultes, a incon-
testablement pour eft'et d'en réduire le nombre dans un
pays pour un laps de temps assez sensible. Cependant
l'expérience, faite en Angleterre, n'a j)as donné de bons
résultats. De 1827 à 1833, l'adoption de la vapeur pour
les machines à filer réduisant le nombre de bras nécessaire
aux filatures détermina une crise terrible. Le Parlement bri-
tannique décida en 1827 d'envoyer aux colonies 95,000
de ces ouvriers sans travail. On forma des comités, on
subventionna les émigrants, on en embarqua 70,000 par an
au lieu de 24,000. Ils furent très malheureux dans les
colonies, et l'Angleterre, peu après leur départ, manqua de
bras pour l'industrie qui avait pris une extension inat-
tendue. Le fait se reproduisit vers 1840 quand prévalut le
métier automate ; des sociétés privées firent émigrer les
travailleurs sans ouvrage et bientôt on regretta leur départ.
Les mêmes observations ont été faites en Allemagne. Il en
résulte que la hausse artificielle des salaires provoquée par
une émigration est plus dangereuse qu'utile. L'émigration
provoquée ou systématique offre de grands inconvénients.
Ce que demandent les pays neufs, c'est la portion la plus
active de la population, des couples d'adultes dans la force
de l'âge ; mais l'exode d'une trop grande quantité de ceux-
ci nuit à la métropole. Celle-ci, au contraire, se débarras-
serait volontiers de malheureux sans ressources. On a
voulu faire de l'émigration un remède contre le paupé-
risme, mais sans grand succès. On ne soulage qu'impar-
faitement la métropole et on nuit à la colonie. Cependant
cette manière de procéder a parfois réussi. Merivale cite
l'exemple de l'Angleterre. Lorsqu'on y réforma la loi des
pauvres, les paroisses se taxèrent pour faire émigrer une
partie de leurs pauvres. On en exporta 5,000 en 1835-36,
1,200 et 800 dans les deux années suivantes; on continua
et, au 31 déc. 1861, il en était parti 26,000 environ.
C'était peu sans doute, et pourtant l'amélioration qu'elle
produisit dans le taux des salaires et le sort des pauvres
fut réelle. Nous citerons un exemple analogue pour le
grand-duché de Bade. En somme, l'influence de l'émi-
gration sur la population de la mère patrie a été très exa-
gérée ; elle est bien moindre que ne l'ont cru bien des
publicistes ; ses grands avantages sont ceux qui résultent
de la colonisation ; nous avons aussi signalé celui qu'elle
offre pour le développement du commerce en multipliant,
sur divers points du globe, des consommateurs habitués à
se fournir dans la mère patrie et à préférer ses articles
d'échange.
L'émigration des capitaux est une conséquence de l'émi-
gration humaine. Les avis sont partagés sur les avantages
et les inconvénients de cette émigration d'argent. Consta-
tons d'abord qu'elle est minime. Le pécule emporté par
chaque émigrant est proportionnellement plus faible que la
part conservée par ceux qui demeurent. Les statistiques
allemandes indiquent que les émigrants n'ont guère plus
de 700 à 900 fr. par tête, alors que la richesse nationale,
répartie par tête, donnerait à chacun une part quadruple
pour le moins. De plus, ce pécule représente des économies
faites en vue de l'émigration et dont une bonne partie
n'aurait pas été amassée sans cette destination spéciale.
On peut admettre qu'en totalisant toutes les sommes em-
portées par les émigrants d'Allemagne, dans l'année
la plus défavorable (1854, où il en sortit 252,000),
ils ne prélevèrent pas le quart de l'épargne annuelle.
L'exportation des capitaux offre, d'autre part, des avantages.
« Quand, dans une contrée comme l'Angleterre, dont l'in-
dustrie travaille en grande partie pour l'étranger, la somme
des capitaux s'accroît beaucoup plus rapidement que dans
les pays avec lesquels l'iVngleterre trafique, nous croyons
que, si une partie de ces capitaux n'émigre pas, il y aura
en Angleterre une sorte d'excès de production, c.-à-d.
que les articles anglais produits en nombre beaucoup plus
grand qu'auparavant, alors que la contre-partie qui leur est
destinée en articles étrangers est restée à peu près station-
naire, baisseront de prix par rapport à ces derniers... Or
la baisse des profits, quand elle est exagérée, malgré l'opi-
nion de Ricardo et de quelques autres économistes, est à
nos yeux un mal réel, un symptôme redoutable : c'est, en
effet, la mort de l'esprit d'entreprise... Au contraire, si
une partie de ces capitaux, accumulés en Angleterre,
émigré dans des colonies nouvelles, ils y développent une
production abondante ; ils rapportent à leurs propriétaires
des intérêts plus élevés ; ils créent par delà les mers de
nouveaux objets d'échange qui vont se troquer contre les
articles de la mère patrie; ils donnent naissance à des
matières premières qui alimentent à meilleur prix les
usines de la métropole ; ils constituent en même temps une
demande toujours croissante pour les produits manufacturés
métropolitains. » (Leroy-Beaulieu.) En résumé, l'émigra-
tion des capitaux est très lucrative pour la métropole
comme pour le pays de destination. Il y a même, comme
ÉMIGRATION
926
dit spirituellement M. Leroy-Beaulieu, une supériorité
immense en faveur de l'émigration des capitaux sur l'émi-
gration des personnes ; c'est qu'il est difficile de trouver
de bons colons, que beaucoup d'émigrants tombent dans
la misère et deviennent une charge, tandis que tous les
capitaux indistinctement sont bons et productifs.
Voyons maintenant l'autre face du problème, l'immi-
gration. Est-elle avantageuse pour les pays oli elle se pro-
duit? C'est l'opinion générale et elle parait fondée. L'accrois-
sement de la population est certainement un bien pour les
pays neufs, dont les ressources ne peuvent être mises en
valeur que par ce moyen. A un point de vue plus spécial,
la vente des terres domaniales a procuré de grandes res-
sources aux pays américains. Tous 'sont d'ailleurs con-
vaincus que l'immigration est pour eux d'un intérêt vital
et n'ont cessé de l'encourager. Il y a lieu cependant de
faire des réserves. Toute immigration n'est pas profitable ;
loin de là. Nous l'avons déjà dit et les pays neufs le savent
fort bien. « Il y a, écrit Merinale, une jalouse surveillance
de la part de la population des colonies contre l'introduc-
tion d'émigrants qui tombent à leur charge, c.-à-d. pré-
cisément de la classe que nous sommes le plus portés à
leur envoyer et qui eux-mêmes sont le plus portés à s'y
rendre. Les gens qui veulent émigrer sont, en général, les
paresseux, les hommes d'un caractère capricieux et mécon-
tent, ceux qui ne »sont qu'irrégulièrement employés, ceux
qui ont l'espérance prompte et croient toujours améliorer
leur position par le changement, ou bien encore la classe
la plus infortunée des hommes de peine, ceux dont les
familles sont sans ressource, ou enfin ceux qui, ayant été
élevés pour un métier spécial, voient tout à coup le travail
manquer dans cette partie. » Les colonies et les Etats amé-
ricains font leur possible pour écarter les mauvais émi-
grants. Mais cette réserve n'est pas la seule.
L'immigration est redoutée par les ouvriers du pa} s,
comme créant une concurrence qui abaisse le taux des
salaires. L'hostilité qu'ils manifestent pour le travailleur
étranger est universelle. On sait qu'elle existe en France,
particuhèrement envers les Belges et les Italiens. Nous la
retrouvons aux Etats-Unis ; là, elle a pris vis-à-vis des
Chinois un caractère aigu, et on a fini par prohiber toute
nouvelle immigration des jaunes. A la République Argen-
tine, les craintes sont d'un autre ordre : on redoute la
prépondérance de l'élément étranger, qui est indifférent à
la politique et aux passions nationales et « ne forme pas
plus un peuple qu'une poignée de sable n'est une pierre ».
Mais ce n'est là qu'un inconvénient passager. Quant à celui
de la concurrence au travail des indigènes, il est clair que
les avantages compensent les inconvénients.
Politique.— Intervention de l'Etat dans l'émigration
ET l'immigration. — L'importaucc sociologiqu3 de l'émigra-
tion ressort suffisamment des faits exposés jusqu'à présent
pour qu'on comprenne que l'Etat ne pouvait s'en désinté-
resser. Les problèmes soulevés étant fort complexes, on est
loin de s'accorder sur les solutions théoriques et pratiques.
Les questions ont été amplement débattues au Congrès
international de Vintervention des 'pouvoirs publics
dans V émigration et V immigration^ tenu à Paris les
12, i3 et 14 août 1889. Les principaux mémoires et dis-
cours ont été analysés dans une publication de la Biblio-
thèque des Annales économiques où nous puisons une
grande partie des renseignements qui suivent.
Frappés de ce fait que tout départ de citoyens, surtout
adultes, est un affaiblissement au point de vue militaire et
un appauvrissement au point de vue économique, les gou-
vernements ont été longtemps hostiles à l'émigration, sauf
vers les colonies nationales; même celle-ci n'était pas
toujours vue d'un bon œil. L'Espagne y mit de grands
obstacles. Nous renvoyons à ce sujet à l'art. Colonisation.
D'autre part, les souverains d'autrefois ne reconnaissaient
nullement le droit d'émigrer (V. ci-dessous le § Droit
international). Ce droit nous parait cependant indiscutable.
Une société ne peut imposer ses charges à qui renonce à
ses profits. Le droit d'émigrer résulte du droit de vivre.
J.-B. Say l'a exprimé éloquemment : « Il n'est pas plus
sage, dit-il, de retenir les hommes prisonniers dans un pays
que de vouloir les y faire naître. Toutes les lois contre
l'émigration sont iniques : chacun a le droit d'aller où il
se flatte de respirer plus à l'aise, et c'est respirer plus à
l'aise que de subsister plus facilement. Veut-on par là
conserver le nombre d'hommes que le pays peut nourrir,
on le conservera sans ce moyen. Veut-on en avoir plus que
le pays ne peut en contenir, on n'y réussira point. Lors-
qu'on empêche une population surabondante de sortir par
la porte des frontières, elle sort par la porte des tom-
beaux. »
La liberté a prévalu depuis la Révolution française.
Mais, si les gouvernements n'interviennent plus pour empê-
cher l'émigration, s'ensuit-il qu'ils doivent s'en désintéresser
complètement ? Faut-il proclamer ici le principe de non-
intervention ? Plusieurs l'afiirment, mais leur opinion est
vivement combattue. La question touche de près à celle de
colonisation libre et de la colonisation officielle qui a été
examinée ailleurs. Rappelons l'opinion de Stuart Mill qui
soutient que l'Etat doit agir dans une certaine mesure.
« On ne peut, dit-il, avoir une émigration considérable de
travailleurs qu'à la condition que les frais de voyage soient
supportés, ou tout au moins avancés, aux frais de quelque
autre que les travailleurs eux-mêmes. Qui donc fera cette
avance ? Naturellement, dira-t-on, les capitalistes de la
colonie qui ont besoin du travail et qui se proposent de
l'employer. Mais à ceci il y a un obstacle, c'est que le
capitaliste, après avoir dépensé les frais de voyage du tra-
vailleur, n'est pas assuré d'en profiter. Lors même que les
capitalistes de la colonie s'associeraient et feraient par
souscription ces frais de voyage, ils n'auraient aucun moyen
de garantir que les travailleurs ainsi transportés travaille-
raient pour eux. Après avoir travaillé pendant quelque temps
et gagné quelques livres, l'ouvrier s'empresse, s'il n'en
est pas empêché par le gouvernement, de s'emparer de la
terre inoccupée et de ne travailler qu'à son propre compte.
On a essayé plusieurs fois de voir s'il était possible d'as-
surer l'exécution des contrats de travail ou le rembourse-
ment par les émigrants des frais de leur voyage à ceux qui
les avaient avancés ; mais on a toujours trouvé plus de peine
et de dépenses que d'avantages. Il n'y aurait d'autres
ressources que les contributions volontaires des paroisses
et des particuliers pour se débarrasser de Pexcédent de
travailleurs qui sont ou probablement ne tarderont pas à
se trouver à la charge des fonds d'assistance communale.
Si cette spéculation devenait générale, elle pourrait amener
une émigration suffisante pour débarrasser le pays de la
population sans emploi, mais non pour élever les salaires des
ouvriers employés, et il faudrait recommencer avant qu'une
nouvelle génération se fût écoulée. » Nous adoptons com-
plètement cette manière de voir, et il est clair que toutes
les fois qu'une collectivité jugera qu'elle a un avantage
positif à une émigration et plus encore à l'immigration, ce
qu'elle a de mieux à faire, c'est de la provoquer ou même
de l'organiser. Les principaux Etats européens ont admis
cette idée et s'y sont conformés. Nous citons l'exemple de
l'Angleterre, de la France, de l'Allemagne et de la Belgique
pour l'émigration ; celui des colonies anglaises, de l'Au-
triche, des Etats-iJnis, l'Amérique du Sud pour l'immigra-
tion. En ce qui concerne l'intervention protectrice du gou-
vernement en faveur des émigrants, nous renvoyons au
§ Législation.
L'intervention du gouvernement anglais dans les opéra-
tions d'émigration et d'immigration a été fort bien étudiée
par M. Arthur Raffalovich dans un mémoire lu au Congrès
de 1889. La politique anglaise est da diriger et d'encou-
rager l'émigration coloniale, mais celle-ci n'est subventionnée
que par les colonies. On demande pourtant que le trésor
public d'Angleterre lui vienne en aide; l'efiet serait de
relever le niveau des émigrants et d'opérer une relation
profitable aux colonies, mais nuisible à la métropole.
— 927 —
EMIGRATION
Les colonies elles-mêmes ont réduit de plus en plus
l'émigration subventionnée. Actuellement, le Queensland
accorde le passage gratuit aux filles de service non mariées
et aux ouvriers "agricoles (bona fide) entre dix-sept et
trente-cinq ans et à un petit nombre d'ouvriers de ferme
âgés de moins de quarante-cinq ans, n'ayant pas plus de
trois enfants au-dessous de douze ans, qui ont reçu l'appro-
bation de l'agent général du Queensland ou de l'agent local.
Une partie du transport est donnée gratuitement aux ou-
vriers agricoles, jardiniers, mineurs, terrassiers, gardes-
malades, couturières (hommes de huit à dix ans, 8 livres,
femmes, 4 livres; hommes et femmes entre quarante et
cinquante-cinq, 12 livres); les enfants de un à douze ans
touchent, les garçons 4 livres, les filles 2 livres. Les
personnes qui ont résidé dans la colonie pendant six mois
peuvent en désigner d'autres qui ont été reconnues comme
parents ou amis personnels, et ceux-ci reçoivent le passage
gratuit, à condition que la personne fixée dans la colonie
paye une somme variant de 2 à 8 livres, suivant l'âge et
le sexe. Les personnes ainsi transportées sont libres de
travailler où et chez qui leur plaît. Mais elles doivent rester
dans la colonie au moins pendant un an. Les patrons qui
ont résidé dans le Queensland pendant six mois peuvent
engager des ouvriers en Angleterre ou sur le continent
européen, et la colonie paye une partie ou la totalité des
frais de voyage.
L'Australie occidentale fait les frais d'une partie du
transport pour un certain nombre de professions de nature
à être utiles dans un pays agricole, mais ces émigrants doi-
vent posséder un petit capital, 100 livres au minimum,
qu'ils déposent avant leur départ et qui leur sera rem-
boursé à leur arrivée dans la colonie. Un petit nombre de
passages subventionnés sont accordés à des personnes qui
ont des amis ou parents dans la colonie. — La Nouvelle-
Zélande a supprimé depuis 1888 toute espèce de sub-
vention à l'émigration. — La colonie du Cap accorde la
gratuité du passage aux ouvriers engagés par le gouverne-
ment. Celui-ci paye la moitié du voyage aux mécaniciens et
artisans qui ont conclu des engagements avec des patrons
au Cap. — Le Canada cherche à encourager l'émigration
en accordant des billets à prix réduits sur les chemins de
fer canadiens.
On sait que, malgré ces avantages, les trois cinquièmes
des émigrants britanniques sont allés aux Etats-Unis, mais
cela tient à la prédilection des Irlandais pour cette desti-
nation.
L'intervention officielle de l'Etat dans l'émigration
remonte au règne de Guillaume IV et à la création de
l'Australie méridionale, qui donna lieu à de déplorables
spéculations. En 1840 fut créé un bureau d'émigration
formé de trois commissaires. Sa mauvaise gestion accrut
les frais ; il finit par disparaître en 1878. Plus récemment,
il s'est organisé en Angleterre un bureau d'informiitions
pour les émigrants. C'est simplement une institution sub-
ventionnée en relation avec le ministère des colonies. Il est
administré par un conseil d'administration désigné par le
secrétaire d'Etat pour les colonies, dont les fonctions sont
gratuites. Il est composé de personnes éminentes et des
représentants des classes ouvrières. La subvention de l'Etat
est de 650 livres par an. Le bureau jouit de la franchise
postale, et l'impression de ses circulaires, brochures, etc.,
est faite par l'imprimerie de l'Etat. Du 1 '''' avr. 1 888 au
31 mars 1889, 5,962 personnes sont venues demander
des informations. Il a été reçu 13,222 lettres et il en a été
expédié 55,821 dont 30,000 ont été des circulaires. Il a
été envoyé 12,750 circulaires au clergé de la province. —
Enfin, il a été fondé à Londres, en 1884, une société
d'émigration par l'initiative privée. Une commission parle-
mentaire mixte prépara, à partir de 1887, un vaste plan de
colonisation et d'émigration officielle qui fut froidement
accueilli.
En France, l'intervention de l'Etat dans l'émigration
s'est bornée à des tentatives répétées de colonisation offi-
cielle, en dernier lieu en Algérie (V. Colonisation et
Algérie), à l'organisation de l'immigration des coolies
dans nos colonies et à une législation protectrice des émi-
grants (V. le § suivant). D'une manière générale, l'admi-
nistration est peu sympathique à l'émigration.
En Belgique, le gouvernement, en présence du récent
mouvement d'émigration transatlantique, a créé des bureaux
de renseignements dans les chefs-lieux de province et pré-
venu le pubhc par voie d'affiches apposées dans toutes les
communes, l'invitant à se défier des agents racoleurs et à
ne prendre de décision qu'après avoir consulté les bureaux
de renseignements officiels.
En Allemagne, l'on s'est alarmé à plusieurs reprises de
l'intensité de l'émigration. Rappelons l'édit impérial du
7 juil. 1850, qui punissait de mort l'émigrantet prononçait
la confiscation de ses biens. En dernier lieu, la Diète
songea, en 1858, à des peines restrictives; elle dut y
renoncer devant le soulèvement de l'opinion publique. En
revanche, le gouvernement badois organisa, de 1851 à
1854, une émigration systématique vers l'Amérique du
Nord afin de débarrasser le pays des indigents. Il y
réussit, mais provoqua les plaintes les plus vives du Canada
et des Etats-Unis, qui prirent des mesures pour mettre un
terme à cet abus. « Nous ne saurions trop appeler l'atten-
tion, disaient les fonctionnaires canadiens, sur l'invasion
de notre pays par cette horde d'émigrants originaires du
grand-duché de Bade qui, en 1854, ont débarqué à Québec
à une époque avancée de la saison, ayant à peine l'argent
nécessaire pour vivre une semaine et présentant la triste
apparence de la plus dégoûtante saleté et de la misère la
plus profonde. Cet expédient coupable du gouvernement
badois et des municipalités qui consiste à imposer ainsi à
un Etat étranger le fardeau de leurs pauvres, pour la plu-
part incapables d'un travail utile, est de nature à pro-
voquer une disposition législative destinée à mettre un
terme à une semblable spéculation. »
En ce qui concerne l'immigration, nous avons déjà dit
combien, dans le passé, les gouvernements prussien, autri-
chien, russe, la favorisèrent. C'est encore la politique des
Etats de l'Amérique latine ; elle se traduit par des conces-
sions de terres ou des ventes à prix réduit et par des
primes accordées aux agences d'émigration.
Législation. — La législation des pays européens
porte spécialement sur les agences d'émigration. La pro-
fession d'agent d'émigration a été presque partout soumise
à des restrictions spéciales afin d'éviter aux émigrants « les
mécomptes, les déceptions, les tromperies auxquels ils sont
exposés par les exactions des intermédiaires ou des four-
nisseurs exploitant leur ignorance avec l'impitoyable âpreté
du gain ». (Heurtier.) Cette surveillance de l'Etat est
indispensable pour protéger les émigrants et leur assurer
des garanties en maintenant les agences dans leur rôle
d'intermédiaires de transports. Une étude détaillée de la
législation française et étrangère a été rédigée par M. Chan-
dèze, chef de bureau au ministère du commerce, et publiée
dans les Annales économiques de 1890.
En France, le premier décret sur la matière est celui du
27 mai 1852 réglementant l'émigration vers les colonies
françaises. Elle imposait aux agents la tenue d'un registre
matricule ; la responsabilité ne portait que sur l'armateur
et le capitaine. Les progrès du transit par Le Havre et
Toulon des compagnies d'émigration décidèrent le gouver-
nement à instituer en 1852 une commission chargée d'étu-
dier la question de l'émigration. Un remarquable rapport
fut rédigé par M. Heurtier, conseiller d'Etat, et la commis-
sion prépara le décret rendu le 15 janv. 1855 qui posa les
principes de la législation actuelle.
Les autres pays d'Europe ont, avant ou après la France,
édité des mesures analogues. En 1837, la Bavière avait
réglementé l'émigration, puis, suivant les décisions minis-
térielles des 8 mai 1840, 11 juil. 1847 et 9 mai 1849. Le
gouvernement bavarois cherchait à restreindre l'émigration;
il exigeait des agents une autorisation officielle, des entre-
ÉMIGRATION
928 —
preneurs de transports une caution. La Belgique, à cause
d'Anvers (1843), la ville de Brème (1849), l'Angleterre
(1852), la Prusse (1853), la Saxe (1853), l'Espagne
(1853), exigèrent des agences des garanties analogues.
Voici quelles sont, en France, les dispositions législa-
tives relatives à l'émigration. Elles sont contenues dans la
loi du 18 juil. 1 860, les décrets du 9 et du 15 mars 1861 ,
les arrêtés du 20 mars, du 15 et du 21 mai 1861 ; ces
actes reproduisent les dispositions essentielles du décret
du 15 janv. 1855.
Nul ne peut entreprendre les opérations d'engagement
ou de transport des émigrants sans l'autorisation ^du mi-
nistre du commerce. Les compagnies ou agences d'émigra-
tion ne reçoivent cette autorisation qu'à la condition de
fournir un cautionnement fixé par le ministre, dans la
limite de 15,000 à 40,000 fr. Il a été uniformément fixé
à 40,000 fr. par un arrêté du 8 févr. 1889 qui a décidé
que les deux tiers devaient être déposés en argent, le der-
nier tiers devant être représenté par une soumission cau-
tionnée. L'autorisation sera toujours révocable par le
ministre en cas d'abus grave. Les agents que les compagnies
autorisées peuvent employer, soit en France, soit à l'étran-
ger, doivent être munis d'une procuration authentique.
Les compagnies sont responsables des actes de leurs agents.
Les compagnies ou agences d'émigration seront tenues de
remettre à l'émigrant avec lequel elles auront traité, soit
en France, soit à l'étranger, à défaut d'une copie de son
contrat, un bulletin nominatif indiquant la nationalité de
cet émigrant, le lieu de sa destination et les conditions
stipulées pour le transport. Dans les vingt-quatre heures
de l'arrivée des émigrants dans le port d'embarquement, les
compagnies ou agences devront faire viser le contrat de
l'émigrant par le 'commissaire de l'émigration. Tout navire
qui reçoit à son bord quarante émigrants est réputé spé-
cialement affecté à l'émigration. Toutefois, l'émigrant qui
devra être transporté par un navire ayant moins de qua-
rante émigrants aura le droit d'invoquer l'intervention du
commissaire de l'émigration pour ce qui concerne les vivres
et les conditions de son contrat. Est réputé émigrant, sans
autre justification, tout passager qui n'est point nourri à
la table du capitaine ou des officiers et qui paye pour le
prix de son passage, nourriture comprise, une somme de
moins de 40 fr. par semaine pour les navires à voiles et de
moins de 80 fr. par semaine pour les navires à vapeur, en
prenant pour base de calcul la durée du voyage, telle
qu'elle sera déterminée par les règlements. En cas de
doute sur la qualité d'émigrant, le commissaire de l'émi-
gration a'ppréciera. Tout navire destiné à l'émigration devra
être pourvu d'un coffre à médicaments et, lorsque le
nombre des émigrants atteindra cent, il y aura toujours à
bord un médecin, un officier de santé ou un chirurgien de
marine. Il est interdit de recevoir à bord aucun passager
atteint d'une maladie grave ou contagieuse et d'y placer
aucune marchandise qui serait reconnue dangereuse ou
insalubre.
Aucun navire aff'ecté au service de 1 émigration ne peut
sortir du port sans que le capitaine ou l'armateur soit
muni d'un certificat constatant que toutes les prescriptions
imposées soit par la loi, soit par les décrets et arrêtés
ministériels dans l'intérêt de la police et des émigrants, ont
été remplies. Les émigrants ont le droit d'être reçus à
bord la veille du jour fixé pour le départ. Ils ont également
le droit de demeurer à bord pendant les quarante-huit
heures qui suivent le mouillage au port de destination, à
moins que le navire ne soit obligé de repartir immédiate-
ment. Tout émigrant empêché de partir pour cause de
maladie grave ou contagieuse, régulièrement constatée, a
droit à la restitution du prix payé pour son passage. Le
prix du passage est également restitué aux membres de sa
famille qui restent à terre avec lui. Si le navire ne quitte
pas le port au jour fixé par le contrat, l'agence respon-
sable est tenue de payer à chaque émigrant : par chaque
jour de retard, pour Tes dépenses à terre, une indemnité
dont le taux est fixé par un décret. Si le délai dépasse
dix jours et si, dans l'intervalle, l'agence n'a pas pourvu
au départ de l'émigrant sur un autre navire et aux condi-
tions fixées par le contrat, l'émigrant a la droit de renon-
cer au contrat par une simple déclaration faite devant le
commissaire de l'émigration, sans préjudice des dommages-
intérêts qui pourront être alloués à l'émigrant. Toutefois,
si les retards sont produits par des causes de force
majeure, constatées et appréciées par le commissaire de
l'émigration, l'émigrant ne peut renoncer au contrat ni
réclamer l'indemnité de séjour à terre, pourvu qu'il soit
logé et nourri soit à bord, soit à terre, aux frais de
l'agence ou de ses représentants. L'agence est responsable
du'transport de l'émigrant au lieu de destination fixé par
le contrat. Le transport doit être direct, à moins de stipu-
lations contraires. En cas de relâche volontaire ou forcée
du navire, les émigrants sont ou logés et nourris à bord,
au compte du navire, pendant toute la durée de la relâche,
ou indemnisés de leurs dépenses à terre. En cas de nau-
frage ou de tout autre accident de mer qui empêche le
navire de poursuivre sa route, l'agence est tenue de pour-
voir, à ses frais, au transport de l'émigrant jusqu'au lieu
de destination fixé par le contrat. Dans le cas où les agences
d'émigration n'auraient pas rempli, depuis le départ du
navire, leurs engagements vis-à-vis des émigrants, le mi-
nistre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics
procède au règlement et à la liquidation des indemnités,
sauf recours au conseil d'Etat. Le recouvrement de ces
indemnités, réglées et liquidées, est fait à la diligence du
ministre des finances. Toute infraction aux dispositions de
la loi est punie d'une amende de 50 fr. à 5,000 fr. En
cas de récidive dans l'année, l'amende est portée au double.
Toute contravention aux règlements d'administration pu-
blique, aux décrets et aux arrêtés ministériels pris pour
l'exécution desdits règlements et décrets, en ce qui con-
cerne la police de l'émigration, est punie des peines por-
tées dans l'art 471 du C. pén. Les délits et contra-
ventions peuvent être constatés : 1" en France par les
commissaires de l'émigration, en la]qualité d'officiers de police
auxiliaires du procureur de la République, par tous offi-
ciers de police judiciaire et par les fonctionnaires ou agents
qu'un arrêté ministériel a investis à titre définitif ou tem-
poraire des attributions de commissaire de l'émigration ;
2° à bord des navires français dans les ports étrangers par
les consuls assistés, s'il y a lieu, de tels hommes de l'art
qu'ils jugeront à propos de désigner. Les procès-verbaux
font foi jusqu'à preuve contraire.
Il avait été établi, dans les principaux ports, des commis-
saires spéciaux chargés de surveiller le mouvement de
l'émigration française et étrangère. Le crédit inscrit à ce
chapitre ayant été réduit par la Chambre des députés, on
a dû supprimer ces fonctionnaires et charger du service
les commissaires de surveillance attachés aux chemins de
fer ou aux ports. Dans chacun des ports d'embarquenient
importants au point de vue de l'émigration, il a été ins-
titué, sous la direction du commissaire de l'émigration,
un bureau de renseignements auquel les émigrants pour-
ront s'adresser pour obtenir gratuitement toutes les infor-
mations relatives tant à leur voyage à travers la France,
leur séjour à terre et la rédaction de leurs contrats d'em-
barquement, qu'aux pays vers lesquels ils doivent se
diriger.
Nul émigrant n'est admis en France s'il ne justifie,
quand il arrive par la frontière de terre, de la possession
en espèces ou en bonnes valeurs, d'une somme de 200 fr.
pour les adultes et de 80 fr. pour les enfants de six à
quinze ans; ou, quand il arrive par la frontière de mer
d'une somme de 150 fr. pour les adultes et de 60 fr. pour
les enfants de six à quinze ans, à moins qu'il ne soit por-
teur d'un contrat régulier qui lui assure son transport à
travers la France et son passage pour un pays d'outremer.
Si le contrat contient le signalement de l'émigrant, ainsi
que les indications nécessaires pour étabfir l'identité, il
- 929
ÉMIGRATION
pourra, après avoir été visé par la légation ou le consulat
de France, tenir lieu de passeport. Le visa sera gratuit.
Les bagages et denrées alimentaires appartenant aux émi-
grants transportés sur le territoire français par chemin de
fer seront, à moins de soupçons de fraude, affranchis à la
frontière française de toute vérification de douane et du
plombage par colis. Les bagages non visités seront accom-
pagnés d'une feuille de route dressée par l'administration
du" chemin de fer et visée par la douane de départ. Ils
seront placés dans des wagons à coulisse et sous bâches,
dûment scellés par le plomb de la douane et, au besoin,
mis sous l'escorte de ses préposés. Les émigrants ne pour-
ront conserver avec eux, dans les voitures affectées à leur
transport, aucun colis contenant des marchandises soumises
aux droits ou prohibées.
A l'arrivée du convoi au port d'embarquement, le trans-
bordement des bagages dans le navire exportateur pourra
s'effectuer également sans visite et en franchise de toute
taxe de douane.
Il est alloué à chaque passager, à bord d'un bâtiment
affecté au transport des émigrants : 1° i™30 décim. q., si
la hauteur du pont est de 2™i28 et plus ; 2*^ 4 '^33 décim. q. ,
si la hauteur du pont est de 4 "^83 et plus; 3*^ 4 "^49
décim. q., si la hauteur du pont est de i^66 et plus. Les
enfants au-dessous d'un an ne sont pas comptés dans le
calcul du nombre des passagers à bord et deux enfants âgés
de plus d'un an et de moins de huit ans, seront comptés
pour un passager. Les navires affectés au transport des
émigrants devront avoir un entrepont, soit à demeure, soit
provisoire, présentant au moins 4™66 de hauteur. Lorsque
les navires recevront un nombre de passagers suffisant
pour l'espace déterminé d'après les bases énoncées ci-
dessus (4 '"30, 1™33, 4 "^49 par passager) l'entrepont
sera laissé entièrement libre, sauf les parties ordinairement
occupées par le logement du capitaine, des officiers et de
l'équipage.
Lorsque le chiffre des passagers sera inférieur à la capa-
cité réglementaire du navire, l'espace inoccupé pourra être
affecté au placement des provisions (la viande et le poisson
exceptés), des bagages et même d'une certaine quantité de
marchandises, le tout réglé proportionnellement à la dimi-
nution du nombre de passagers qui auraient pu être em-
barqués. Il est interdit de charger à bord d'un navire affecté
au transport des émigrants toute marchandise qui serait
reconnue dangereuse ou insalubre et entre autres les che-
vaux, les bestiaux, la poudre à tirer, le vitriol, les allu-
mettes chimiques, le guano, les peaux vertes, les produits
chimiques, inflammables, et les fromages, excepté ceux durs
et secs ne portant aucune odeur. Ces prescriptions ne sont
pas appliquées à la lettre. En effet, sur les grands navires
actuels, elles n'ont plus leur raison d'être comme sur ceux,
plus petits, d'autrefois. Aussi l'autorisation d'embarquer,
par exemple, des bestiaux, est-elle régulièrement accordée.
Le commissaire de l'émigration vérifie les qualités, quan-
tités et espèces de vivres dont l'entrepreneur devra s'ap-
provisionner ; il constate l'existence des ustensiles de
cuisine, du combustible et de la vaisselle nécessaire. Il
examine la disposition des couchettes (1"^83 de long, 0"^50
de large, deux rangées au plus, superposées à une distance
de O'^TG au moins), celle des lieux d'aisance ; l'existence
de la chaloupe et de canots en nombre suffisant pour
assurer la sécurité des passagers.
L'armateur ou le capitaine de tout navire affecté au trans-
port des émigrants doit aviser de la mise en armement du
navire et de l'époque du départ le capitaine du port et le
commissaire de l'émigration. Avant le départ, le navire est
visité dans les formes prescrites par la loi du 43 août 4794
pour certifier sa navigabilité et constater la suffisance de
l'équipage.
Le capitaine ou l'armateur devra remettre, vingt-quatre
heures avant le départ, au commissaire de l'émigration, la
liste exacte des passagers émigrants qu'il doit transporter,
avec indication de l'âge, du sexe, de la nationahté et de
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
la destination de chacun d'eux. Si, après la remise de cette
liste, de nouveaux passagers émigrants se présentent pour
l'embarquement, le capitaine ou l'armateur adressera au
commissaire de l'émigration autant de listes supplémen-
taires qu'il sera nécessaire, rédigées dans la même forme
que ci-dessus. La liste primitive et les listes supplémen-
taires, dont un double sera annexé aux papiers de bord,
seront définitivement visées et signées au moment du départ
par le commissaire de l'émigration et par le capitaine ou
l'armateur. Après la clôture de ces listes définitives, et
avant que le navire soit sorti des bassins, il sera fait un
appel des émigrants embarqués et aucun émigrant nouveau
ne pourra plus être admis à bord du navire. Si le navire
ne quitte pas le port au jour fixé par le contrat, l'agence
responsable sera tenue de payer à chaque émigrant, pour
les dépenses à terre, une indemnité de 2 fr. 25 par chaque
jour de retard.
Nous reproduisons, d'après M. Chandèze, la liste des
législations étrangères, offrant d'utiles points de comparai-
son avec la nôtre : Angleterre. Ad du 4 août 4855, act
complémentaire de 4 863. — Belgique. Loi du 4 4 déc. 4 876,
complétée par le règlement d'exécution du 45 déc. 4876.
— Hollande. Loi du 4^^ juin-45 juil. 4869 et l'ordon-
nance de 4875. — Suède. Ordonnances royales des 4 juin
et 28 nov. 4884. — Suisse, Loi du 22 mars 4888. Règle-
ment d'exécution du 40 juil. 4888 et arrêté du conseil
fédéral du 48 sept. 4888. — Italie. Loi du 30 déc. 4888.
Règlement d'exécution du 40 janv. 4889 et circulaire du
ministère de l'intérieur du 46 janv. 4889. — Allemagne.
Aux termes de l'art. 4 de la constitution de l'empire d'Alle-
magne, l'émigration doit être réglementée par une loi
d'empire, mais cette loi générale n'est pas encore faite.
Le gouvernement impérial s'est borné à créer en 4874 un
commissaire impérial pour l'émigration, siégeant à Ham-
bourg. En attendant, la législation particulière des diffé-
rentes parties de l'empire est restée en vigueur. En Prusse,
on continue à appliquer la loi du 7 mai 4853 et le règle-
ment du 6 sept, de la même année; dans le Hanovre, la loi
du 19 mars 4 853 ; en Bavière, l'ordonnance du 7 juin 4862 ;
en Saxe, les ordonnances des 3 janv. et 9 déc. 4853; dans
le Wurttemberg, la constitution du 44 juin 4870 et la loi
du 27 déc. 4874 ; à Brème, la loi du 40 juin 4872, et dans
le Mecklembourg-Schwerin, l'ordonnance du 4févr. 4864.
A Hambourg, une loi du 44 janv. 4887 a été complétée
par deux ordonnances des 43 et 26 mai 4887.
L'autorisation préalable est accordée aux agents par le
ministre en Italie, en Belgique ; par le conseil fédéral en
Russie; par les gouverneurs en Suède ; par les juges de
paix en Angleterre ; par des commissions spéciales à Ham-
bourg et en Hollande. Elle ne peut être donnée qu'à des
nationaux en Italie, en Suisse et à Hambourg. En Suisse,
on constate l'aptitude professionnelle du postulant.
Le taux du cautionnement est, en Belgique, de 20,000
à 40,000 fr. en numéraire ou en fonds belges; en Hol-
lande, 40,000 florins, pouvant être représentés par une
soumission cautionnée; en Angleterre, 4,000 livres ster-
ling, représentées par une soumission cautionnée; en Suède,
de 40,000 à 60,000 couronnes; à Hambourg, 20,000 marks
(soumission cautionnée) ; en Suisse, 40,000 fr. (obligations
d'Etat ou bonnes valeurs) ; Italie, 3,000 à 5,000 livres de
rente sur l'Etat.
Plusieurs pays ont mis des restrictions à l'emploi des
sous-agents ; ils doivent être agréés par le préfet, en Italie ;
par le conseil fédéral, en Suisse ; dans ce dernier pays, il
faut que l'agence pour chacun verse une taxe et un cau-
tionnement supplémentaire de 3,000 fr.
Pour la rédaction des contrats, les lois belge, hollan-
daise, hambourgeoise, italienne, suisse, entrent dans de
grands détails. Les clauses relatives aux retards, aux
restitutions du prix de passage, aux accidents de mer
sont analogues aux nôtres. Les lois belge, hollandaise,
hambourgeoise et suisse exigent que l'expéditeur contracte
une assurance contre les risques du transport.
59
ÉMIGRATION
- 930 -
Les sanctions pénales sont : en Belgique, amende de
500 à 5,000 fr. ; en Angleterre, amende de 20 à 50 livres ;
en Suède, de 20 à 1,000 couronnes ; en Suisse, de 50 à
4,000 fr. et même jusqu'à six mois de prison; en Italie,
amende de 500 à 5,000 fr. et un an à six mois de prison ;
à Hambourg, amende de 1,500 marks et jusqu'à un an de
prison. A. -M. B.
Droit internationaL — Le droit d'émigration est
une conquête relativement récente. Au moyen âge, les liens
étroits qui reliaient le vassal à son suzerain et le serf à la
terre, l'absence de liberté individuelle, étaient un obstacle
insurmontable à la faculté de quitter son pays à son gré,
pour aller s'établir ailleurs. On n'admit que lentement cer-
tains cas oti les sujets devaient être laissés libres de s'expa-
trier ; ainsi les traités de Westphalie (Osnabriick, art. 5,
§ 30) accordèrent le « bénéfice d'émigration » aux personnes
dont la religion n'était pas autorisée dans leur pays. L'im-
portance économique de l'émigration date de la colonisation
du Nouveau-Monde, qui, dès le xvi^ et le xvii° siècle,
exerça ses séductions sur les peuples maritimes de l'Europe
occidentale. Mais il s'en faut de beaucoup que, dès cette
époque, les gouvernements se soient montrés favorables à
cette expansion coloniale : ils voyaient, au contraire, dans
l'émigration un attentat contre les droits du souverain, une
sorte de trahison tombant sous le coup de la loi et méritant
des peines. En 1669, Louis XIV défendait encore expressé-
ment à ses sujets « de s'établir sans sa permission dans les
pays étrangers par mariage, acquisition d'immeubles et
transport de leurs familles et biens, à peine de confiscation
de corps et de biens et d'être censés et réputés étrangers,
sans qu'ils puissent être ci-après rétablis ni réhabilités, ni
leurs enfants naturalisés pour quelque cause que ce soit » ;
ceux qui allaient servir hors du royaume de pilotes, cano-
niers, mariniers ou pêcheurs, ou comme constructeurs de
navires, encouraient la peine de mort; il n'était même pas
permis de se marier à 1 étranger sans la permission du roi,
sous peine d'être déclaré coupable « d'infidélité envers
l'Etat >> et puni de « confiscation de corps et de biens ».
L'édit de 1669 demeura en vigueur jusqu'à la promulga-
tion de la constitution de 1791. Cette constitution proclama
la liberté de l'émigration ; mais le gouvernement n'en con-
tinua pas moins de publier contre les émigrants et les émi-
grés toute une série de décrets absolument contraires à
cette liberté. L'un des plus connus et des plus draconiens
est le décret du 26 août 1811, qui privait de leurs droits
civils les Français qui émigraient sans l'autorisation du
gouvernement, les excluait de toute succession ouverte sur
le territoire français, leur interdisait de rentrer en France
sous peine d'expulsion et les punissait de mort s'ils por-
taient les armes contre leur pays d'origine. Le décret de
1811 n'a été abrogé que tout récemment, par la loi du
26 juin 1889 sur la naturalisation. Aujourd'hui, et grâce
aux modifications apportées par ladite loi au code civil de
1804, la qualité de Français ne se perd plus « par tout
établissement fait en pays étranger sans esprit de retour » ;
elle ne se perd même plus par l'acceptation, non autorisée,
de fonctions publiques conférées par un gouvernement
étranger, pourvu qu'on les résigne à la première injonc-
tion du gouvernement français (C. civ., nouvel art. 17).
La matière est, d'ailleurs, loin d'être régie par des prin-
cipes uniformes dans les divers Etats de l'Europe. En Alle-
magne, pour ne citerque deux ou trois exemples, la liberté
d'émigration est un droit garanti par la constitution de
l'empire, mais sous la réserve que l'émigrant ne soit pas
sous le coup de la loi militaire ; celui qui émigré pour
se soustraire au service actif est passible d'une amende de
150 à 3,000 marks ou d'un emprisonnement d'un mois à
un an ; et un simple réserviste encourt, s'il émigré sans
autorisation, une amende de 150 marks. Les Anglais
rangent parmi leurs libertés personnelles le droit de s'éta-
bUr où bon leur semble sans nulle entrave ; mais il est à
remarquer, d'une part, que, sauf naturalisation à l'étranger
ou renonciation expresse, la qualité d'Anglais est indélébile
et n'est nullement affectée par une émigration, d'autre part,
que le souverain, en vertu de sa prérogative royale, peut,
par un writ ne exeat regno, interdire à un de ses sujets
de sortir du royaume ; c'est, d'ailleurs, un droit dont il
n'use guère que pour empêcher un prévenu de quitter
l'Angleterre. En Russie, nul sujet ne paraît avoir la
liberté d'abandonner légalement sa qualité de Russe ; car,
d'après le code pénal, quiconque quitte sa patrie et prend,
sans l'autorisation du gouvernement, du service à l'étran-
ger, encourt la confiscation de ses biens, le bannissement
perpétuel et, s'il revient dans le pays, la déportation en
Sibérie. Il appartient à chaque gouvernement d'apprécier,
suivant les conditions locales, les inconvénients ou les
avantages de l'émigration et, par conséquent, de la favo-
riser onde l'entraver. Au point de vue international, elle
soulève souvent des questions délicates, à raison du chan-
gement de nationalité qu'on y rattache d'un côté et qu'on
y méconnaît de l'autre ; il serait utile que, de nos jours,
ces questions fussent toujours et partout résolues d'avance
par des conventions internationales afin que les émigrants
ne soient pas exposés à posséder une double nationahté ou,
ce qui est pire, à n'avoir plus de nationalité du tout, leur
départ non autorisé ayant suffi parfois à leur faire perdre
leur nationalité d'origine sans leur en assurer une dans le
pays oti ils s'étaient rendus. Des conventions expresses
seraient d'autant plus nécessaires qu'à la liberté d'émigra-
tion ne correspond pas toujours et forcément la liberté
d'immigration, que certains Etats, usant d'un droit incon-
testable, subordonnent à toute sorte de conditions l'admis-
sion d'étrangers sur leur territoire et qu'il importe à tout
le monde de connaître ces conditions par avance ; en prin-
cipe, les obstacles à l'immigration ne peuvent être motivés
que par les intérêts légitimes de l'Etat, par des raisons
économiques ou politiques sérieuses.
Après l'abolition de l'esclavage, la France a dû se préoc-
cuper d'assurer le travail dans les colonies en y favorisant
l'immigration. Dans la convention additionnelle au traité
de Tien-tsin conclue le 25 oct. 1860 avec la Chine, il a
été stipulé que les Chinois auraient la faculté d'émigrer
dans nos colonies, et des règlements devaient être élaborés
entre les autorités chinoises et le ministre de France pour
assurer aux engagements, toujours volontaires, toutes ga-
ranties de moralité et de sécurité ; ces règlements n'ayant
jamais été faits, il a été recommandé à nos consuls de sur-
veiller les Français qui se livrent en Chine aux opérations
d'émigration; le transport des coolies chinois est donc
licite en principe. Le 1^^ juil. 1861, la France a conclu
avec l'Angleterre une autre convention (modifiée en 1872)
qui l'autorise à recruter également dans l'Inde, sous diverses
conditions, des travailleurs pour ses colonies ; cette faculté
est accordée exclusivement au gouvernement et ne consti-
tue pas une industrie libre ; l'émigration est organisée et
surveillée, d'accord avec les autorités anglaises, par des
agents du gouvernement français ; en 1877, le gouverne-
ment anglais, conformément à un droit qu'il s'était réservé,
l'a interdite pour la Guyane, en 1884, pour la Réunion et,
en 1888, pour les Antilles. Ernest Lehr.
Histoire de la Révolution. — Le 17 juil. 1789,
trois jours après la prise de la Bastille, Louis XVI
s'était rendu à l'Hôtel de Ville, avait pris et porté à son
chapeau la cocarde tricolore, accepté, en un mot, la Révo-
lution : le lendemain, on apprenait le départ pour Turin
du second frère du roi, le comte d'Artois ; ses deux fils, le
duc d'Angoulême et le duc de Berry, prenaient avec leur
gouverneur, de Sérent, le chemin des Pays-Bas autri-
chiens, d'oii ils devaient bientôt rejoindre leur père. Les
jours suivants, cet exemple est suivi par le prince de Condé,
qui emmène son fils le duc de Bourbon, son petit-fils le
duc d'Enghien. Ces princes du sang entraînèrent avec eux,
à défaut du roi qu'ils n'avaient pu déterminer à venir à
Metz, une notable partie de la noblesse de cour. Les atta-
ques des paysans contre les châteaux, avant et même après
la nuit du 4 août, mais surtout les journées d'octobre, qui
931 —
EMIGRATION
permirent de considérer le roi comme ramené et retenu
de force à Paris, les pressantes invitations que le marquis
de La Queuille, au nom de Condé, que le comte d'Artois,
conseillé par Galonné, adressaient aux nobles d'épée, pré-
cipitèrent le mouvement de l'émigration. La mode s'en
mêla ; on se fit un point d'honneur de sortir du royaume :
les femmes envoyaient des poupées et des quenouilles aux
indécis, comme pour les taxer de lâcheté. Dès la fin de
juillet, bien avant le décret qui mettait les biens du clergé
à la disposition de la nation, l'abbé Maury, le principal
orateur ecclésiastique de la Gonstituante, et dont le courage,
le sang-froid, ne peuvent être mis en doute, avait essayé
de gagner les Pays-Bas autrichiens : la municipalité de
Péronne l'avait renvoyé à son poste, qu'il devait occuper
si brillamment. Mais la plupart des prélats de cour, des
abbés commendataires, etc., firent comme la caste noble
à laquelle ils se rattachaient, même avant que la constitu-
tion civile du clergé leur eût fourni un prétexte honnête.
Le 18 févr. 1791, les tantes du roi, filles de Louis XV,
partirent pour Rome : le peuple essaya vainement de s'y
opposer. Sur le bruit que Monsieur, l'aîné des frères du
roi, déjà compromis un an auparavant dans l'affaire Favras,
se disposait également à la fuite, la multitude se porta à
son palais, et exigea sa parole qu'il demeurerait en France :
le prince le promit et fut couvert d'applaudissements.
Quatre mois après, travesti en domestique par le comte
d'Avaray, il réussissait à franchir la frontière, presque au
moment où la berline du roi et du reste de sa famille était
arrêtée à Varennes et ramenée à Paris (juin 1791). L'en-
semble des faits, la suite des dates, indiquent que le roi,
sans encourager ni autoriser formellement l'émigration en
masse, ne s'y opposa pas non plus. Plusieurs gentilshommes,
le baron (plus tard duc) des Gars, le duc de Duras, le duc
de Villequier, le baron de Breteuil, avaient même reçu de
lui des permissions individuelles d'émigrer qui pouvaient
être regardées comme des ordres; de même, ses aumôniers.
Enfin, sans son arrestation à Varennes, il eût été le roi
des émigrés, et leur aurait donné tout au moins un centre
de ralliement qui leur fit toujours défaut.
Ils étaient d'ailleurs livrés aux plus étranges illusions.
Persuadés que la Révolution aurait son temps, que ce
n'était qu'un court orage à traverser, ils se figuraient
n'avoir à s'exiler que pour peu de temps, revenir triom-
phalement et rétablir à leur profit exclusif l'ancien état de
choses, en tenant à bonne distance les tièdes, les modérés,
les partisans des deux Ghambres, les impartiaux, les
monarchiens, enfin tous ceux qui en France s'obstinaient
à chercher un terrain de conciliation entre le privilège et
l'égalité. L'émigration nobiliaire s'était recrutée, bien
malgré elle, des débris des minorités politiques mécon-
tentes, pour une raison ou pour une autre, des votes de
l'Assemblée. Soit bouderie, soit prudence, soit espoir d'une
prompte revanche, beaucoup de députés du côté droit
s'étaient munis de passeports pour un exil volontaire, dont
Mounier et Lally-Tollendal avaient donné l'exemple. La
Gonstituante, effrayée de cette désertion, avait même décrété
qu'on n'accorderait plus de passeports que pour affaires
urgentes ; mais elle n'avait osé aller plus loin. Le comité
de constitution ayant été chargé de préparer un projet sur
les émigrations (févr. 1791), le rapporteur, Ghapelier,
avait demandé qu'avant de lire le projet, l'Assemblée dé-
cidât si elle voulait une loi sur ce sujet : Mirabeau, qui
était plus étroitement que jamais dans la confidence de la
cour, domina l'opinion de ses collègues par un audacieux
discours tout de principes. Il invoqua la liberté indivi-
duelle : << L'homme ne tient pas par des racines à la terre ;
ainsi il n'appartient pas au sol. » Il imposa « silence aux
trente voix », et osa conclure : « Si vous faites une loi
contre lesémigrants, jejure de n'y obéir jamais. » L'ajour-
nement du projet l'emporta, mais à une très faible majo-
rité. Ce fut un des derniers triomphes de Mirabeau qui,
de longue date, avait d'ailleurs conseillé au roi de quitter
Paris non pour l'étranger, mais pour une ville forte de son
royaume. Après la mort de Mirabeau (2 avr. 1791), et
« à l'approche du moment où le roi devait fuir, les émi-
grations redoublèrent ; on fit disparaître le plus d'argent
qu'il fut possible; on tâcha, dans chaque régiment, de dé-
baucher beaucoup de soldats ; les prêtres redoublèrent de
soins pour diviser les familles; plusieurs officiers quittèrent
leurs régiments » (Rabaut Saint-Etienne) ; les nobles accou-
rent alors à Paris, qu'ils afl'ectaient de regarder pourtant
comme une ville d'exécration ; bref, le projet d'émigration
du roi n'est un secret pour personne. Turin, Bruxelles,
Madrid, Worms, Goblentz, Londres en sont informés.
Lorsque les émigrés apprirent que le roi était en marche,
« les témoignages de leur joie allèrent jusqu'à l'extrava-
gance : ils étaient persuadés que le temps des proscriptions
et des vengeances était arrivé », que le roi allait rentrer
dans son royaume à leur tête et avec des corps étrangers,
qu'enfin la France envahie de toutes parts retomberait sous
le joug. On sait comment l'arrestation du roi déjoua ces
espérances, mais aussi comment la Gonstituante l'ayant
admis à prêter serment à la constitution de 1791 pour lui
éviter la déchéance, tout fut remis en question. Dès lors,
les frères du roi accentuèrent encore leur politique de
déclarer que Louis XVI n'était pas libre, et de ne pas
reconnaître ce qu'il ferait. A cette date, le comte d'Artois,
le « premier émigré », avait laissé sa femme à son beau-
père, le roi de Sardaigne, et s'était rendu à Goblentz avec
Galonné ; il avait dans son entourage , entre autres ,
Mirabeau le jeune, l'évêque d'Arras de Gonzié, le marquis
de Vaudreuil. Il fut rejoint le 7 juil. 1791 par le comte
de Provence, lequel fut d'abord mal reçu par les purs, et
traité de démocrate. Les deux frères habitèrent ensemble
le château de Schœnburnlust près de Goblentz; M"^^ de Po-
lastron y vint retrouver le comte d'Artois, avec qui elle
vivait ; le comte de Provence vécut entre sa femme et sa
favorite, M°»« de Balbi. — Le château de l'électeur de
Trêves, Louis-Wenceslas de Saxe, frère de la mère de
Louis XVI, avait donné asile au seul homme de guerre de
l'émigration, au prince de Gondé, âgé alors de cinquante-
cinq ans, à sa fille, Louise de Bourbon, à son fils et à son
petit-fils, à sa maîtresse, la princesse de Monaco. G'est
principalement à Worms que s'enrôlaient les gentilshommes
de quelque valeur ; mais les cent premiers inscrits affec-
taient du mépris pour les autres, et ainsi de suite. La réor-
ganisation de la maison militaire de Monsieur, de celle du
comte d'Artois (mousquetaires, chevau-légers, grenadiers
à cheval, gendarmes) ; les chevaliers de la couronne, sous
le comte de Bussy ; la compagnie de Saint-Louis des gardes
de la porte, sous le marquis de Vergennes ; les huit com-
pagnies bretonnes (dont une du tiers état, en modeste uni-
forme gris de fer) donnèrent aux émigrés l'illusion de
leur importance et de leur force. Les rangs se mainte-
naient difficilement dans ce milieu factice. On tenait compte
surtout du zèle, de la haine ancienne et violente contre les
rebelles du royaume. Aussi le souverain, qui avait dû
plier et pactiser, n'était pas ménagé dans les conversations
et les correspondances. Le sage marquis de Vaudreuil est
obligé d'écrire au comte d'Antraigues : « Si la Reine a
l'air d'écouter les enragés, c'est à coup sûr pour les en-
dormir. Elle est mère et elle est femme. Serons-nous assez
barbares pour ne pas lui pardonner des terreurs que ses
ennemis n'ont que trop justifiées? D'ailleurs, c'est Louis XVI
et Marie-Antoinette que nous voulons replacer sur le trône :
il faut donc dissimuler leurs torts et non les exagérer. »
(Lettre du U août 1791.) Tels ne furent que bien rare-
ment les sentiments des émigrés, chez qui prévalurent
trop les préventions, les haines, les rivalités de cour sur
les conseils d'une sage ou du moins d'une décente politique.
Lorsque arriva Gazalès, le plus brillant défenseur de la
noblesse à la Gonstituante, on lui fit retenir deux chambres
à l'auberge par allusion à la solution constitutionnelle
qu'il avait soutenue. L'arrestation de Louis XVI à Va-
rennes ne fut pas considérée comme un malheur par tous
les émigrés : « S'il avait échappé, il aurait institué les
ÉMIGRATION
932 -
deux Chambres. » De son côté la reine, qui détestait Condé
jusque dans sa glorieuse blessure, répétait : « Ce serait
dur d'être sauvés par ce maudit borgne. » De part et
d*autre, on ne songeait et on ne pouvait songer sérieuse-
ment qu'à une chose : l'intervention étrangère. Mais l'Eu-
rope, prise dans son ensemble, avait plaisir à croire que
tant que durerait la Révolution, la France ne compterait
plus. L'électeur de Cologne, Maximilien, frère de Marie-
Antoinette, pense que c'est à chacun à se garder, et re-
proche à Louis XVI d'avoir armé l'Amérique, soulevé la
Hollande, la Belgique. L'autre frère, l'empereur Léopold,
veut bien que Gustave III de Suède, le chevalier de la
royauté, envoie une flotte au Havre, mais il ne veut pas
qu'elle relâche à Ostende... de peur que les Russes ne lui
en demandent autant. Il ne doute pas que l'Autriche ne
gagne à l'affaiblissement de la constitution monarchique
en France : « J'ai une sœur en France, dit-il, mais la
France n'est pas ma sœur. » Le Bourbon Ferdinand de
Naples ne compte pas devant sa femme Caroline, sœur de
Marie-Antoinette ; mais, malgré leurs bonnes intentions,
ils ne sauraient venir qu'en seconde ligne. Le Bourbon
Charles IV d'Espagne, dominé par Godoï,ne reculerait pas
devant l'idée de devenir roi constitutionnel de France :
voilà pour les parents. — En Prusse, Frédéric-Guillaume
répond au baron de Roll, agent du comte d*Artois, qu'il
ne peut rien avant que la question de la Pologne et de la
Turquie ne soit résolue. Catherine II accueillit Richelieu,
Damas, Langeron, etc., offrit à Bouille un traitement de
22,000 roubles et le grade qu'il avait en France, mais
elle comptait battre en Pologne les rebelles de Paris. Dès
1791, Genêt, frère de M""® Campan, introducteur officiel
des émigrés à Pétersbourg, est éconduit et remplacé par
les agents des princes, Esterhazy, Bombelles. Catherine
s'efforce de faire croire à sa sympathie pour les émigrés,
afin de pousser l'Autriche et la Prusse contre la France,
■ et d'avoir les mains libres en Pologne. En Angleterre,
George III prend « un vif intérêt » à la position de
Louis XVI, mais le duc de Leeds et son successeur lord
Grenville refusent d'abord toute relation avec les princes
français et leur agent le duc d'Harcourt. Aussi, de l'avis
de Breteuil, « Pitt est un pauvre homme pour les affaires
extérieures».
Le comte d'Artois qui, de Turin, avait pensé, dès déc.
1790, à tenter un coup de main sur Lyon, ne fut informé
que par hasard de l'entrevue de Pilnitz, et n'eut aucune
influence sur les décisions du ministre autrichien Kaunitz,
lequel aff'ectait de n'avoir en vue que les indemnités à ob-
tenir pour les princes allemands dépossédés en France.
Quand Louis XVI eut accepté la constitution, Noailles, am-
bassadeur de France à Vienne, reçut de Montmorin, mi-
nistre des affaires étrangères, l'avis formel que« les frères
du roi étaient sans mission à Vienne» : Mercy-Argenteau,
le baron de Breteuil, Mallet du Pan, principaux agents de
Louis XVI à cette époque, désavouent les émigrés, princes
ou autres, pour ne faire appel qu'aux étrangers, surtout à
l'Autriche : car du côté de la Suède, malgré le baron des
Cars, la mort de Gustave HI, assassiné le 29 mars 1792,
ne laissait plus rien à espérer. La mort de Léopold, la
jeunesse et le peu de capacité politique de son successeur
François II (2 mars 1792) tournaient encore au profit de
la Révolution.
Cependant la Législative ne pouvait plus rester dans
l'attitude expectante de l'Assemblée constituante. Les
princes avaient solennellement protesté contre l'acceptation
de l'acte constitutionnel par Louis XVI, lui contestant le
pouvoir d'aliéner les droits de l'ancienne monarchie. Les
officiers refusaient le serment, et désertaient, parfois avec
des compagnies entières. Barentin, ex-garde des sceaux,
donnait à la « France extérieure » son parlement, le par-
lement de Mannheim, formé de cinquante magistrats émi-
grés, et vite dissous, il est vrai, par la police palatine.
Enfin, la question religieuse envenimait tout : Rome bénis-
sait en même temps le clergé réfractaire et l'émigration.
Brissot, alors chef du parti girondin, distingua les émi-
grés en trois classes : 1° les princes et les chefs; 2^ les
fonctionnaires publics qui abandonnaient leurs postes et
leur pays et cherchaient à embaucher leurs collègues;
3° les simples particuliers qui, par crainte des mouvements
populaires ou par simple mécontentement politique, avaient
passé la frontière. C'étaient les seuls auxquels on pouvait
témoigner quelque indulgence. Le 30 oct., le frère aîné
du roi, Louis-Stanislas-Xavier, fut requis aux termes de
la loi de rentrer en France dans les deux mois, sous peine
de perdre ses droits à la régence : tous les partis furent
d'accord sur le décret. Quant aux émigrés, il n'y eut pas
la même entente. Le 9 nov., toutefois, la majorité de l'As-
semblée décréta que les Français assemblés au delà des
frontières étaient suspects d'hostilité contre la patrie ; que
s'ils ne se dispersaient pas avant le l^^janv. 1792, ils
seraient traités en conspirateurs, encourraient la peine
capitale, et qu'après leur condamnation par contumace, les
revenus de leurs biens seraient perçus par l'Etat, réserve
étant faite des droits de leurs femmes, de leurs enfants
et de leurs créanciers reconnus. Le roi sanctionna le pre-
mier décret, relatif à son frère : il mit son veto sur
l'autre, d'accord avec les constitutionnels. Il avait cepen-
dant désavoué publiquement l'émigration. Il avait écrit à
ses frères : « Je vous saurai gré toute ma vie de m'avoir
épargné la nécessité d'agir en opposition avec vous, parla
résolution invariable où je suis de maintenir ce que j'ai
annoncé. » L'opinion publique ne put que trouver fort
étrange la conduite contradictoire du souverain qui, tout
en réprouvant l'émigration, se refusait à adhérer aux me-
sures prises contre les émigrés. Au fond, dit Mignet, « la
cour attendait toujours des temps meilleurs, ce qui l'em-
pêchait d'agir d'une manière invariable et lui faisait porter
ses espérances de tous les côtés ». La reine, si odieuse-
ment traitée par les grands, bien avant la Révolution,
sentait peut-être mieux que les émigrés ne pouvaient
servir en rien la royauté, qu'ils ne pensaient qu'à eux,
qu'ils la mettaient en danger elle et le roi : « Les lâches,
après nous avoir abandonnés, veulent exiger que seuls
nous nous exposions, et seuls nous servions tous leurs
intérêts. » Leur conduite nettement agressive ne tarda pas
à justifier les mesures légales proposées parla Législative.
Le parti catholique de Strasbourg s'était montré disposé
à ouvrir au comte d'Artois les portes de la France ; mais
ce prince ayant manqué à l'appel, les corps de Condé,
Bussv, Mirabeau le jeune et Rohan s'approchèrent inuti-
lement delà ville (2 janv. 1792). Six mois après, Condé
écrivait à son fils : « Nous sommes sans tentes, sans
canons,, sans argent. » (11 août 1792.) Il y avait alors
vingt-deux mille hommes dispersés entre trois cents can-
tonnements. Pour les solder, Calonne est réduit à émettre
de faux assignats qu'il fait écouler en Angleterre : la
preuve de cette émission est l'arrêté même des princes,
qui, sur la plainte du gouvernement anglais, interdit d'en
fabriquer de nouveaux à partir de nov. 1792. Ils étaient
soi-disant hypothéqués sur les propriétés confisquées aux
nobles ; seulement, aucun signe ne les distinguait des
vrais assignats émis par le gouvernement français.
Quand la guerre eut été déclarée (20 avr. 1792) à l'em-
pereur et à la Prusse, nos ennemis se gardèrent de cons-
tituer une armée d'émigrants : ils en formèrent trois corps,
l'un qui devait marcher sur Thionville (de Broglie, de
Castries et le comte d'Artois), l'autre qui devait suivre
Brunswick (Condé) et le troisième qui devait opérer en
Belgique (Bourbon). Le manifeste de Brunswick, préparé
par le comte de Fersen, corrigé par Marie-Antoinette,
remis au généralissime prussien par le comte de Limon,
est tout entier inspiré par l'esprit de l'émigration et non
par une haine nationale qui n'existait pas alors. Après
Valmy et la retraite des Prussiens, les émigrés déclarent
que Brunswick étant franc-maçon, les loges lui avaient
interdit de marcher sur Paris. Beurnonville, chargé de la
poursuite des fuyards, fit surtout main-basse sur les Fran-
— 933 —
ÉMIGRATION
çais qui avaient trahi leur patrie et qui ne furent d'ailleurs
pas plus épargnés, dans la déroute, par les paysans d'Alle-
magne. Le comte de Provence dut se retirer près de Dus-
seldorf, à Hamm-sur-la-Lippe : il avait remplacé Galonné
par d'Avaray, « son sauveur ». Le comte d'Artois, très
endetté, fit un jour de prison à Maëstricht sur la plainte
de ses créanciers. En Belgique, après Jemappes, les émi-
grés suivent l'archiduchesse Christine dans sa fuite ou se
retirent en Hollande, la plupart à pied.
La condamnation et l'exécution de Louis XVI laissèrent
la plupart des émigrés fort indifférents. A Maëstricht,
d'après Fersen, on en vit même assister au spectacle et au
concert le jour de la funèbre nouvelle. A Rome, la populace
rendit tous les Français responsables de cet événement et
les émigrés d'Osmont, de Roquefeuille coururent le risque
de la vie. La coalition de la plupart des puissances de
l'Europe, y compris l'Angleterre longtemps hésitante, contre
la Convention, rendit naturellement les émigrés encore plus
odieux dans leur pays natal et redoubla la sévérité de la loi
à leur égard.
Dès le 2 sept. 1792 (et sans doute en prévision des
excès populaires que cette mesure n'empêcha point), la
Législative avait confisqué et mis en vente les biens des
émigrés. Le 23 oct. 1792, la Convention prononça contre
eux un bannissement perpétuel : elle déclara passibles de
mort ceux qui, inscrits sur les listes de l'émigration, ren-
treraient en France ; la présomption légale était qu'ils n'y
pouvaient rentrer qu'en ennemis. Le 1^^ mars 1793, ils
sont frappés de mort civile : non seulement leurs biens
sont acquis à l'Etat, mais aussi leurs successions à échoir
pendant cinquante ans. Tout individu convaincu d'émigra-
tion sera exécuté dans les vingt-quatre heures (décret du
18 mars). Les individus sortis de France avant la prise de
la Bastille et qui depuis n'y sont pas rentrés sont passibles
de la confiscation (1^^ nov.). Les parents des émigrés sont
exclus des fonctions pubHques jusqu'à la paix générale
(24 oct. 1795). L'évasion était d'ailleurs de plus en plus
dangereuse : celui qui demandait un passeport devenait
vite suspect. Des étrangers venaient à Paris épouser à la
municipalité les femmes qui voulaient émigrer, les faisaient
inscrire sur leurs passeports et les emmenaient hors des
frontières, puis revenaient contracter de nouveau. On
arrêta un Suisse qui en était à son dix-huitième mariage
simulé. — Les parents des émigrés qui étaient restés en
France ne correspondaient avec eux qu'en risquant leur
vie : de Barbotan fut guillotiné pour avoir fait tenir
de l'argent à son petit-fils émigré. Les agents de la Répu-
blique en pays étranger avaient d'ailleurs au nombre de
leurs devoirs essentiels l'observation des émigrés, et la
police française ne manquait pas de renseignements sur
leurs agissements et sur leurs projets.
Après Nerwinde, les émigrés de Belgique mirent leur
espoir dans le traître Dumouriez ; ils lui offrirent l'amnistie
pour lui et pour ses amis, de l'argent, et, peut-être, une
place honorable au service de la royauté, si elle était ré-
tablie : Dumouriez ne put qu'émigrer lui-même avec un
millier d'hommes et se mettre piteusement au service de
l'Autriche. Le prince de Lambesc, le héros des Tuileries le
12 juil. 1789, fut un des assiégeants vainqueurs de Valen-
ciennes : il put contempler les atrocités des Hongrois et des
Croates auxquels cinq heures de pillage avaient été offi-
ciellement accordées. Cependant les armées républicaines
repoussent sur toutes les frontières la première coalition ;
bientôt la Hollande est occupée ; la plupart des volontaires
des régiments d'émigrés à la solde de la Hollande périssent
sous des balles françaises; les femmes, réfugiées au Helder,
sont embarquées pour Hambourg.
Après les folles espérances du début, après les fêtes et
les chansons de victoire prématurées, commence une longue
période de misère et d'humiliation dont témoignent et les
rapports des agents français et de nombreux mémoires
publiés depuis. A Londres, un magasin de modes et de
fleurs, créé par la marquise de Buckingham, donne du
travail à la marquise des Réaux, à la comtesse de Saisse-
val, à la comtesse de Lastic, etc., devenues ouvrières et
dames de comptoir. En Allemagne, la comtesse de Neuilly
tient aussi un magasin de modes. Le marquis de Romans
et la comtesse d'Asfeld sont associés pour un commerce de
vin. M°^^ de Tessé tient une grande ferme à Ploen (Olden-
bourg) avec sa nièce. M'"® de Montaigu. Parmi les hommes,
beaucoup se tuent, ne pouvant obtenir du service ni sur-
vivre à leurs espérances. Beaumarchais et l'abbé Louis
fondent à Hambourg un bureau d'affaires. Charles de Viel-
castel rédige le Spectateur du Nord. D'autres se font
acteurs, souffleurs, hôteliers, cafetiers, cantonniers. On
ne s'est rendu sans doute qu'à la dernière extrémité, après
avoir vendu, à des prix souvent dérisoires, bijoux, den-
telles, livres rares, et vainement attendu de l'argent de
France. Parmi les émigrés heureux et utiles, on peut toute-
fois citer quelques noms : celui du duc de Richelieu, par
exemple, le créateur d'Odessa.
Quant à essayer de rentrer, il n'en pouvait guère être
question : il fallait tout attendre des victoires de l'étranger
sur le pays natal et l'étranger prétendait bien se faire
payer. Or, l'agent Macartney l'affirme, plus d'un royaliste
« aimerait mieux voir en France une république puissante
qu'une monarchie mutilée » (lettre du 27 sept. 1795).
Le prince de Coudé, à la solde de l'Autriche, s'écrie :
« Les Autrichiens sont nos ennemis depuis cinq cents ans. »
Louis XVIII (et c'est son honneur) se refuse à prendre
aucun engagement avec l'Autriche. Bref, conclut un histo-
rien éminent, « la restauration de la monarchie est le seul
objet de l'alliance entre les émigrés et les étrangers : et
cette alliance a pour effet de rendre la restauration impos-
sible. » (A. Sorel.) L'émigration reste flottante, sans point
d'attache à l'intérieur, sans point d'appui au dehors.
Lorsque Toulon se révolta contre la Convention, le comte
de Provence, devenu régent de France par la mort de
Marie-Antoinette, eut la velléité de se jeter dans la place ;
les Anglais, qui ne visaient qu'à la destruction de notre
flotte, furent presque indignés de ce qu'il ne se fût pas
concerté d'avance avec le cabinet de Londres : mais la
prompte réduction de la ville par Dugommier et Bonaparte
mit d'accord Anglais et émigrés. — (Juant à la Vendée, les
princes la laissèrent agir; ils n'intervinrent que tard, timi-
dement, lorsque, après la déroute des Vendéens, le comte
de Puisaye et Tinténiac rallumèrent l'insurrection en Bre-
tagne ; le marquis de Dresnay prépara des renforts à
Saint-Hélier. Mais le projet traîna, par suite des défiances
réciproques des chefs populaires et des royalistes du dehors.
Le régent s'était installé à Vérone, en qualité de noble
inscrit sur le hvre d'or de la république de Venise ; moins
bien vu des émigrés que son frère, il est toutefois mieux
conseillé et beaucoup plus apprécié par les hommes de sens
qui l'approchent, comme les agents anglais Macartney et
Wickham. Devenu roi par la mort de Louis XVII, il publia
en 1795 une proclamation qui était de rigueur, mais qui,
dans les circonstances, fut trouvée naïve. De Venise, le comte
d'Antraigues, homme peu estimé, mais nécessaire par sa
connaissance des langues européennes et des intrigues
diplomatiques, tient les chiffres de la correspondance avec
les agents secrets de Paris, les abbés Brotier et Lemaître,
le chevalier de Pomelles. De Thauvenay, à Hambourg,
Fauche-Borel, La Maisonfort, les frères Montgaillard, toute
une nuée d'intrigants qui souvent reçoivent des deux mains,
imaginent complots sur complots.
Le comte d'Artois, que Catherine II avait très bien reçu
à Saint-Pétersbourg en mai 1793, se donnait, lui, comme
l'homme d'action du royalisme. Il avait demandé à lord
Grenville, qui accepta, l'autorisation de s'embarquer pour
la Vendée dont les chefs l'appelaient à leur tête. L'empe-
reur consentit également à l'entreprise. D'Artois passa par
Hamm, en partit au mois d'août 1794, vint à Rotterdam,
à Osnabriick et prit ses quartiers d'hiver à Bremenvorde,
pendant que la Vendée attendait son prince. Le 28 janv.
1795, il se décida enfin à donner de pleins pouvoirs au
EMIGRATION
934
comte de Puisaye et aux chouans et promit formellement
d'intervenir : le tout avec Taveu et l'appui du ministre
Pitt qui avait résolu une grande expédition contre la Bre-
tagne. Au printemps, cent cinquante navires vinrent prendre
à Brème les émigrés d'Allemagne et rallièrent, à Spithead,
les émigrés d'Angleterre. Mais le comte d'Artois envoya
objections sur objections , prétendit ensuite mettre le
colonel comte d'Hervilly, commandant des émigrés, au-dessus
de Puisaye et, en définitive, par son abstention, donna un
prétexte de s'abstenir aussi à tous ceux qui étaient égaux
ou supérieurs en grade à d'Hervilly. Le 25 juin, les An-
glais vinrent mouiller à Quiberon, et les émigrés, à Carnac,
turent accueillis par des milliers de paysans mal armés
qui réclamaient toujours leur prince. Hoche avait eu tout
le temps de concentrer les bataillons républicams et de
refouler Bretons et émigrés dans l'étroite presqu'île.
L'affaire était déjà désespérée pour eux lorsqu'un second
débarquement, dirigé par Sombreuil, vint encore ajouter
au désarroi et à la confusion. Le sang anglais ne coula pas,
mais quinze cents Français, presque tous officiers de marine,
furent livrés à une défaite et à une mort certaines. Capi-
tulèrent-ils ? c'est possible ; en tout cas, la capitulation ne
fut pas écrite et la loi était formelle. Cinq mois de suite,
elle fut appliquée aux prisonniers français au nombre de
sept cents. Pendant ces fusillades, le comte d'Artois, resté
en rade, sur le Jason, multipliait ses messages à Puisaye,
à Charette qui reprit les armes en septembre, mais il ne
voulut pas aller « chouanner » de sa personne, suivant son
expression. Il revint à Londres le 25 nov. ; le séjour de
Holyrood le mit à l'abri de ses créanciers, au moment où
Charette et Stofïlet succombaient en Vendée (févr.-mars
4796). Officiellement, on fit retomber sur Puisaye le poids
des fautes et de l'inertie dont l'opinion européenne accusa
justement le seul comte d'Artois.
Après le 9 thermidor, les partisans de la monarchie, en
-partie confondus avec les ennemis de la Terreur, avaient
commencé à relever la tète. Mais ceux qui étaient restés
en France étaient parfaitement convaincus qu'il était im-
possible de rétablir l'ancien régime; au contraire, parmi
les émigrés, les royalistes du droit divin formaient la ma-
jorité, sauf en Suisse, dans le cant. de Vaud, et en Angle-
terre, dans le comté de Surrey (à Juniper Hall, asile des
constitutionnels). Le 13 vendémiaire fit voir à tous que la
République serait maintenue par la force, la paix de Bâle,
signée avec la Prusse et l'Espagne, que la coalition euro-
péenne n'était pas indissoluble et que la croisade des rois
et des émigrés contre la France n'était qu'un mot.
L'apparente accalmie du Directoire, en ramenant en
France un certain nombre d'émigrés, fit de nouvelles vic-
times parmi eux. « Dans le jugement d'un émigré, déclare
le ministre de la justice Merlin de Douai, il ne s'agit que
de constater un fait ; autoriser un avocat serait un crime. »
Les fusillades de la plaine de Grenelle, la longue et mor-
telle prison des naufragés de Calais, témoignent que les
décrets de la Convention sont toujours appliqués. C'est à
cette époque que Louis XVIII (ainsi s'appelait-il pour ses
partisans) autorisa les relations de Condé avec le général
Pichegru (V. ces noms) : mais elles furent entravées par
l'Autriche elle-même, où le ministre Thugut songeait, par
le mariage projeté de Madame Royale, fille de Louis XVI,
avec un archiduc, à fonder pour la France repentie une
dynastie nouvelle. Les émigrés faisaient alors défection,
même dans les régiments de Condé. Ils s'efforçaient de se
faire rayer des listes de l'émigration et de se faire inscrire
sur les listes de surveillance, afin de pouvoir rentrer. Les
prêtres, qui avaient été les plus malheureux, apprenant la
restauration du culte, revenaient en masse. Les meilleurs
évèques prêchaient la soumission aux puissances : « N'est-
il pas à craindre, écrit Condé à La Fare, évêque de Nancy,
que le peuple ne s'accoutume au gouvernement qui tolérera
la religion, et qu'il n'en puisse conclure que la royauté
n'est pas nécessaire à son salut ici-bas ? »
Dès l'entrée en campagne de Bonaparte en Italie, le
podestat de Vérone, au nom du Sénat vénitien, somma
Louis XVIII de quitter le territoire de la République. Le roi
se rendit à Riegel, auprès de Condé, puis à Blankenburg
dans le Brunswick ; il se rapprocha de plus en plus des
royahstes constitutionnels, congédia La Vauguyon et de
Conzié pour Saint-Priest ; le 40 févr. 1797, presque
chassé, il est obligé de gagner Mittau. Bonaparte, entré à
Venise, s'empara de la personne du comte d'Antraigues,
auquel il fit livrer ses papiers, notamment la correspon-
dance de Pichegru. — Les progrès du parti monarchique
ou du moins modéré aux élections partielles des Conseils
(V. Directoire) encouragent les émigrés à rentrer. Il en
est qui s'imaginent pouvoir corrompre Bonaparte par sa
femme. Talleyrand revient à Paris en sept. 4796. M""® de
Staël se plaint et s'étonne qu'on oublie son père. Mais le
coup d'Etat répubhcain du 48 fructidor « fut un coup de
foudre pour les émigrés qui se préparaient à rentrer »
{Journal de Thibault^ p. 464) ; dès le lendemain 19 est
portée contre eux une nouvelle loi, qu'aggravait encore
celle du 6 messidor an VI (6 juil. 4798) autorisant les visites
domiciliaires. Le Directoire arrête tant de personnes en
rupture d'émigration qu'il recule devant de nouvelles
fusillades : il déporte en Guyane surtout les prêtres mêlés
aux intrigues royalistes.
A Mittau, dans l'empire du fantasque Paul P% le roi
ne fut rejoint par la reine qu'au bout de quatorze mois de
négociations : Madame Royale, qui avait su résister aux
intrigues autrichiennes, y épousa son cousin le duc d'An-
goulême, le 10 juin 1799 ; Dumouriez y reçut une inutile
mission pour Saint-Pétersbourg. A Paris, après l'auda-
cieuse visite du duc d'Enghien à Bernadotte qui lui donna
trois jours pour repartir, on conspirait surtout avec
Barras, par l'intermédiaire de Fauche-Borel. A Naples,
quelques émigrés avaient essayé d'organiser la défense du
royaume contre Bonaparte: ils se firent tuer... par les
Napolitains eux-mêmes. L'occupation de Rome après le
meurtre de Duphot ne fit cependant pas chasser de cette
ville le marquis de Mirepoix, de Montchevreuil, le comte
et la comtesse de Sade, qui y étaient réfugiés : Berthier
consentit à tolérer leur présence.
Lorsque Bonaparte revint d'Egypte pour mettre fin au
gouvernement du Directoire, le ministre Saint-Priest infor-
mait gravement l'agence royaliste de Souabe qu'il était
question d'un infant d'Espagne pour la couronne de
France. Après le 18 brumaire, l'Angleterre et la Russie
seules offrent encore quelque dédaigneux secours aux
émigrés : l'Angleterre prit à sa solde les débris de l'armée
de Condé (1,007 officiers et 5,840 volontaires). La mode
fut alors de rentrer, comme jadis de sortir. Le ministre
de la justice Abrial est favorable aux radiations ; Fouché
les fait souvent ajourner, par crainte et des conspirations
et des revendications de biens. Bonaparte exigea absolu-
ment la radiation des anciens constituants. En rayant les
morts, ce qui lui devint facile, il pouvait, dit M*"® de Staël,
rendre leurs propriétés aux héritiers et se les attacher.
Cependant, c'est seulement le 26 avr. 1802 (6 floréal
an X) qu'un décret des consuls autorisa la rentrée de tous
les émigrés non exclus nominativement. Mais ce n'est
. là qu'une amnistie toute conditionnelle ; ceux qui en béné-
ficient sont soumis pendant dix ans à la surveillance de la
police, et cette surveillance peut être prolongée. L'émigré
fait prisonnier sur un champ de bataille est toujours fusillé,
ou, s'il obtient sa grâce, c'est pour être enfermé sa vie
durant. Le 15 nov. 1807 était encore pubhée une nou-
velle et dernière liste d'émigrés sur laquelle sont inscrits
les noms de d'Avaray, du duc d'Havre, du duc de Duras,
du comte de Blacas, de Chateaubriand. En 1810, l'empe-
reur renonça aux successions des émigrés que la loi du
1^"* mars 1793 attribuait au domaine, et, somme toute, les
mesures générales continuèrent à présenter un caractère
de conciliation. Mais, quant aux mesures individuelles, rien
n'en égale l'arbitraire. Tenues secrètes pour la plupart,
elles ont longtemps échappé à l'histoire. « L'autorité,
— 935 —
ÉMIGRATION
dit M. Trésor de La Rocque, reconnaissait probablement
un corps de délit puisqu'elle infligeait une peine ; mais
c'était sans information, sans instruction, sans interro-
gatoire, sans débats, et trop souvent, sans jugement. »
En nov. 1812, un émigré, le comte de Bar, est attiré en
Bretagne par des agents provocateurs ; on cerne la maison
où il dort, on le tue, lui et deux compagnons, et le préfet
du Morbihan écrit au ministre de la police : « Le fameux
de Bar et ses deux complices n'existent plus » (25 nov. d 812).
Ce n'est là qu'un simple exemple entre mille. « L'Empire
a laissé, en 1814, 2,500 exilés ou prisonniers d'Etat. Avant
ou avec eux avaient été enfermés, déportés, exilés, fusil-
lés des milliers de suspects. » (Trésor de La Rocque.) Les
anciens émigrés qui ne s'étaient pas ralliés formèrent
certainement une partie de ces victimes.
La première Restauration abolit (21 août 1814) les
inscriptions sur les listes des émigrés, lesquelles se sont
élevées peut-être à deux ou trois cent mille noms (mais
personne n'en a fait le compte exact). Louis XVIII restitua
aux ayants droit les biens non vendus (5 déc. 1814). Enfin
la loi du 27 mars 1825 affecta aux émigrés dépossédés
une indemnité de 30 millions de rente, soit un milliard
en supposant la rente capitalisée à 3 °/o.
Pour juger l'émigration avec l'impartialité qui convient
à l'histoire, il ne faut pas confondre le point de vue moral
et le point de vue politique. Au point de vue moral, on
doit essayer de se mettre à la place des émigrés, d'entrer,
s'il est possible, dans leurs sentiments, effet de leur édu-
cation et de leurs préjugés de classe : « On a publié dans
ces derniers temps, écrivait récemment M. de Vogiié,
beaucoup de mémoires ou de correspondances d'émigrés.
Il n'est plus permis d'ignorer aujourd'hui que ces hommes
très loyaux, sinon très éclairés, croyaient accomplir le plus
strict des devoirs en prenant les armes pour leur roi contre
leur pays rebelle. Ils suivaient la loi féodale qui lie le
vassal au seigneur et non à la terre. La conduite opposée
eût été forfaiture. Si nous faisions de la casuistique, nous
devrions plutôt réserver nos sévérités morales pour ceux
qui ne commirent pas le crime dont leur conscience parti-
culière leur faisait un devoir. » (Remarques sur l'Expo-
sition du Centenaire, p. 239.) C'est faire retomber non
sans raison la responsabilité de l'émigration sur le roi,
qui cependant eut plus à s'en plaindre qu'à s'en louer ;
c'est exagérer aussi, je ne dis pas chez tous les émigrés,
mais chez beaucoup, la part du devoir et du sacrifice, et
diminuer celle de l'intérêt (mal entendu, il est vrai) et des
sentiments de vengeance qui les animaient. — Une triste
et fausse apologie de l'émigration consiste à la représen-
ter comme un effet de la crainte, comme un résultat iné-
vitable des excès populaires, lorsque précisément ce fut
l'émigration qui devint ou la cause ou le prétexte de la
plupart de ces excès. Beaucoup d'hommes et de femmes de
tous les partis et de toutes les classes ont fui devant la
loi des suspects, devant la guillotine, devant les coups
d'Etat ou les journées : mais ce ne sont point là des
émigrés à proprement parler, ce sont des proscrits, et
c'est un jeu puéril de confondre sous la même dénomina-
tion Condé et Dulaure, le comte d'Artois et Carnot : cepen-
dant le principal historien contemporain de l'émigration ne-
ne s'en est pas fait faute. Les seuls émigrés sont ceux-là
qui ont cru « qu'on emportait sa patrie à la semelle de
ses souliers ». W^^ de Staël, qui avait favorisé le départ
de Montmorency, de Jaucourt, de M"^^^ d'Hénin, de Poix,
de Simiane, et qui avait bien fait, vu les circonstances,
n'en a pas moins écrit des pages vertueuses contre l'émi-
gration volontaire: « Au milieu des uniformes étrangers,
s'écrie-t-elle, les émigrés ne voyaient-ils pas la France
tout entière se défendant sur l'autre bord ? » Elle refait
dans son style le mot de Danton : « Ah ! l'on ne peut trans-
porter ses dieux pénates dans les foyers des étrangers. »
Ajoutons que plus d'un émigré apprit le patriotisme dans
l'exil : on le voit par la plupart de leurs mémoires pos-
thumes, et mieux encore par l'esprit militaire et loyaliste.
sinon civique, de leurs descendants. — Quant au point de
vue politique, l'erreur de l'émigration est trop évidente
dans les faits pour qu'il soit nécessaire d'insister. « L'émi-
gration, dit M. A. Sorel, c'est l'ancien régime se survivant
et se condamnant lui-même. Ce sont les causes de la Révo-
lution qui continuent de se développer à côté de la Révo-
lution, comme pour l'expliquer à ceux qui, dégoûtés par
ses excès et trompés par ses déviations, ne la compren-
draient plus ou en méconnaîtraient la raison d'être et la
puissance. » La Révolution, en fondant l'unité nationale
et le patriotisme, nous dissimule les précédents de l'émi-
gration dans le passé. Rappelons-le avec M. Edme Cham-
pion, « on distinguait si mal la patrie de la couronne,
que pour peu que l'on fût brouillé avec l'une, on n'hésitait
pas à faire cause commune avec les ennemis de l'autre ».
Le duc de Guise, les ligueurs et les frondeurs alliés de l'Es-
pagne, Turenne, Condé, Retz, le chevalier de Rohan, voilà
l'école de l'émigration. « Ceux qui n'avaient pas craint de
traiter avec les ennemis de la France quand elle était inti-
mement unie à la royauté se trouvèrent tout disposés à le
faire lorsqu'elle commença à se détacher du trône et que
ses intérêts devinrent distincts de ceux de la couronne. »
(E. Champion.) On ne saurait en moins de mots à la fois
expliquer et condamner l'émigration. H. Monin.
BiBL. : GÉNÉRALITÉS. — DuvAL, Histoîve de Véinigra-
tion européenne, asiatique et africaine; Paris, 1862. —
F. Kapp, Ueber Auswanderung ; Berlin, 1871. — Wap-
p^us, Die deutsche Auswanderung und Kolonisation ;
Leipzig, 1816 et 1848. — G^bler, Deutsche Auswande-
rung und Kolonisation; Berlin, 1850. — Frœbel, Die
deutsche Auswanderung und ibre national und kulturhis-
torische Bedeutung; Leipzig, 1858. — Roscher et Jan-
NAscH, Kolonien, Kolonialpotitifi und Auswanderung;
Leipzig, 1885, 3« édit. — Leroy-Beaulieu, De la Colonisa-
tion chez les peuples modernes; Paris, 1886. — Schade,
Immigration since 1190 (aux Etats-Unis). — Bromwell,
History of the immigration to the United States.— V. aussi
Annuat Report of the New-York commissionners of émi-
gration^ les statistiques officielles publiées dans les diffé-
rents pays et le compte rendu du Congrès de Paris (1889)
sur rintervention des pouvoirs publics dans Témigration
et l'immigration (Bibl. des Annales économiques, 1890).
Droit international. — Calvo, Etude sur l'émigration
et la colonisation; Paris, 1875. — Laurent, Droit civil
international, t. III, §§ 128 et suiv. — Vincent et Penaud,
Dictionnaire de droit international privé, v° Emigration.
— Holtzendorff, Rechtslexicon, v° Aus-wanderung. —
Ellena, Délia emigrazione et délie sueleggi; Rome, 1877.
— F. de Martens, Traité de droit international, t. II, §§ 44
et suiv. — DuvAL, Histoire de l'émigration eur op., asiat.
et afric. au xix^ s. ; F^aris, 1862. — Robert, Zur Auswan-
derungsfrage ; Vienne, 1879. — Seward, Chinese immi-
gration in ils aspects; New-York, 1881. — Neue Awswan-
derungszeitung , publiée à Leipzig par Voigt. — Loi
italienne sur l'émigration du 30 déc. 1888, suivie d'un règle-
ment du 10 janv. 1889.
Histoire de la Révolution. — Le Commissionnaire
de la ligue d'outre-Rhin, ou, etc., par un Français
qui fait sa confession générale et qui rentre dans sa
patrie ; Paris, 1792, in-8. — Noms, qualités et dernier
domicile des personnes dont les biens ont été portés sur
la liste d'émigrés, arrêtés par le directoire du départe-
ment de Paris, en exécution de Vart. 8 de la loi du 8 avr.
1192 ; Paris, 1792, in-4. — Liste générale par ordre alpha-
bétique des émigrés de toute la République ; Paris, an II
(1794), 4 vol. in-fol. (Il y a eu des suppléments à cette liste
et aussi des listes de noms rayés; cf. le catalogue de
VHist. de France de la Bibl. nat., La/34, n»» 5, 6, et le sup-
plément).—Histoire secrète de Coblence dans la Révolution
des Français; Londres, 1795, in-8. Cet ouvrage anonyme
serait de Rocques de Mont^aillard, revu par Rivaro'l. —
Mémoires ducomte Jos. de Puisaye, lieutenant général, etc. ;
Londres, 1803-1806, 7 vol. in-8. — Mémoires secrets de
J.-G.-M. de Montgaillard pendant les années de son émi-
gration ; Paris, an XII, in-8. — Récit de ce qui s'est passé
de plus remarquable à l'armée de S. A. S. Mgr le prince
de Condé, par B. P...; Paris, 1817, in-8.-- A. -H. Dampmartin,
Coup d'œil sur les campagnes des émigrés ; Paris, 1818,
in-8. — De l'Emigration, par un émigré; Paris, 1820, in-8. —
Comte d'EcQUEviLLY, Campagnes du corps sous les ordres
de S. A. S. Mgr le prince de Condé; Paris, 1818, 3 vol.
in-8, carte et fac-similé. — Souvenirs d'un officier roya-
liste, par M. de R... (le comte de Romain); Paris, 1824-
1829, 3 vol. in-8. — F. de Montrol, Histoire de l'émi-
gration (1189-1825) ; Paris, 1825, in-8. — De Marcillac,
'Souvenirs de l'émigration ; Paris, 1825, in-8. — Antoine
de Saint-Gervais, Histoire des émigrés français depuis
1189 jusqu'en 1828 ; Paris, 1828, 3 vol. in-8. — H. Forne-
ron, Histoire générale des émigrés pendant la Révolution
ÉMIGRATION - EMIN
— 9m
française ; Paris, 1884, 2 vol. in-8 (le t. III, posthume,
concernant la période consulaire et impériale, a été publié
en 1890 par M. Trésor de La Rocque). — Comte de
PuYMAiGRE, Souvenirs sur l'émigration...; Paris, 1884,
in-8. — Correspondance intime du comte de Vaudreuil et
ducomte d'Arloispendantl'émigration(1189-1815), publiée
par M. Léonce Pingaud ; Paris, 1890, 2 vol. in-8. — Papiers
d'un émigré (1789-1829) ; Lettres et notes extraites du
portefeuille du baron de Guilhermy, député aux Etats
généraux, conseiller du comte de Provence, attaché à la
légation du roi à Londres, mises en ordre par le colonel
de Guilhermy; Paris, 1890, in-8. — Ernest Daudet, His-
toire de l'émigration : I. Les Bourbons et la Russie pen-
dant la Révolution française; Paris, 1886, in-8; II. Les
Emiqrés et la seconde coalition (1197-1800); Pans, 1886,
in-8; III. Coblentz (1789-1793); Paris, 1889, in-8. -
André Lebon, l'Angleterre et l'émigration française de
179fà à 1801, avec une préface de M. Albert Sorel; Pans,
1882, in-8. — Comte de Sainte-Colombe , Catalogue des
émigrés français à Fribourg, en Suisse., de 1789 à 1798;
Lyon, 1884, in-8. — L. Guibert, les Emigrés limousins à
Quiberon; Limoges, 1886, in-8. - Mémoires du duc des
Cars..., avec une introduction par le comte Henri de
l'Epinois ; Paris, 1890, 2 vol. in-8. — Il y aurait à citer
d'innombrables mémoires particuliers et un certam nombre
de correspondances diplomatiques ; je renvoie aux ou-
vrages qui les ont cités et utilisés, prmcipalement à ceux
de ^orneron, de M. Daudet et de M. Lebon.
ÉMIGRÉS (Hist.) (V. Emigration [Hist. de la Révol.]).
EmUk (Gens) (V. .&ilia).
EMILIE (lat. Mmilia). d^ ttalie ancienne. Ce mot a
désigné d'abord la via Mmilia, c.-à-d. la route qu'en
l'an 187 av. J.-C. le consul M. iEmilius Lepidus fit cons-
truire au N. des Apennins depuis Ariminum (Rimini)
jusqu'à Placentia(V\'à\^2iUç,^) sur le Pô. Cette route, qui à
Rimini rejoignait la voie Flaminienne venant de Rome,
formait une espèce de boulevard stratégique le long du Pô.
Les principales stations étaient les colonies fortifiées^ de
Rologne, Modène, Reggio, Parme et Plaisance. Elle subsista
jusque dans les derniers temps de l'Empire, et toujours
sous ce nom ; elle était administrée par un curator spé-
cial. Lorsque sous Auguste l'Italie fut divisée en un certain
nombre de régions, cette partie commença à s'appeler la
région de la voie Emilienne : elle était la huitième dans le
classement fixé par Auguste. A partir du second siècle, on
dit couramment l'Emilie, et dans le Ras-Empire l'Emilie
forme une province italienne, gouvernée par un juridicus
d'abord, puis par un corrector, enfin par un consulaire.
Jusque vers l'an 395, elle paraît avoir été réunie à la pro-
vince voisine de Ligurie. Les limites de l'Emilie étaient
marquées par l'Apennin, la Trébie, le Pô : Ravenne y fut
rattachée vers 395. L'Emilie a subsisté, comme nom et
comme limites, bien au delà de l'empire romain. C. J.
2° Italie moderne. Le nom d'Emilie a été conservé à
la région de l'Italie située au S. du Pô qui embrasse les
anciens duchés de Parme et de Modène et une partie des
anciens Etats pontificaux (Romagne); c.-à-d. les dép. de
Rologne, Ferrare, Forli, Modène, Parme, Plaisance, Ra-
venne et Reggio. Sa superficie est de 20.750 kil. q., sa
population de 2,235,729 hab. (en 1884) (V. Italie et les
noms des divers départements).
BiBL. : Italie ancienne. — Jlllian, les Transforma-
tions de l'Italie, 1884. — Corpus inscrlptionum latina-
rum, t. XL
ÉMILIEN (Dialecte) (V. Italie [Linguistique]).
ÉMILIEN (Scipion) (V. Scipion).
ÉMILIEN (M./Emilius A^milianiis), empereur romain
en 253-254. Né vers 207, Maure d'origine, gouver-
neur de Pannonie et de Mésie sous le règne de Trebonia-
nus Gallus, il se signala par des succès remportés en Pan-
nonie sur les Goths, au moment même oti l'empereur
venait de signer avec ces barbares un traité honteux avec
la promesse d'un subside annuel. Aussi ses soldats le sa-
luèrent-ils du titre d'empereur, vers la fin de 253. Il
marcha alors en Italie et défit auprès de Terni son adver-
saire Gallus que ses soldats massacrèrent (févr. 254). Mais
lui-même n'eut que quelques jours de règne. Il fut mis à
mort par ses troupes auprès de Spolète, sur un pont à qui
ce meurtre valut le nom de Pont-Sanglant. Il avait régné à
peine trois mois. — Un peu plus tard, sous le règne de
Gallien, en 262 ou 263, il y eut un autre empereur de
quelques jours, du nom d'Emilien. l\ était préfet de
l'Egypte quand il prit la pourpre ; vaincu par Theodotus,
général de Gallien, il fut mis à mort. G. L.-G.
ÉMILIEN (Saint), évêque-comte de Nantes, né proba-
blement à Nantes à la fin du vii« siècle, mort le 22 août
725.11 s'est illustré surtout par l'expédition qu'avec l'aide
des Rretons il dirigea contre les Sarrasins qui occupaient
alors tout le midi de la France et qui venaient d'envahir
la Rourgogne. Il les joignit sous les murs d'Autun et les
obligea à lever le siège de cette ville, mais en les poursui-
vant il s'exposa à leurs coups et fut tué, suivant la tradi-
tion, à l'endroit même où s'élève aujourd'hui le village de
Saint-Emiland, près de Couches-les-Mines. L-x.
BiBL. : Abbé Cahour, Notice historique et antique sur
saint Emilien; Nantes, 1859, in-12.
EMILIENNE (République) (V. Cisalpine).
EMILIO (Paolo) ou Paul-Emile, historien italien, né à
Vérone, mort à Paris le 5 mai 1529. Il vint en France où
sa réputation d'excellent latiniste le fit bien accueillir.
Charles VIII lui fit une pension, continuée par Louis XII ;
il fut nommé chanoine de Notre-Dame et chargé d'écrire,
en latin, mais en latin classique, à la Tite-Live, les annales
de France. Il en résulta une sorte de pastiche bizarre que
la contradiction entre le genre de faits à narrer et le style
a rendu singulièrement obscur et ennuyeux. Cet ouvrage
longtemps célèbre a eu de nombreuses éditions et traduc-
tions dont voici les principales : De Rébus gestis Fran-
corum usque ad ann. i488 libri X, Additum est
Chronicon Joan. Tilii (Paris, 1539, in-fol.) ; avec l'ad-
jonction de Arnoldi Fer r ont de Rébus gestis Gallorum
libri IX usque ad Henricum II (Paris, 1550 , in-fol.) ;
avec la continuation de Jac.-Henric. Petrus (Râle, 1601) ;
deux livres de Paul-Emile, de l'Histoire de France, traduits
par Simon de Monthière (Paris, 1556, in-4) ; les cinq
premiers livres de V Histoire françoise, traduits par Jean
Regnart, Angevin (Paris, 1556 et 1566, in-fol.) ; l'His-
toire des faicts, gestes et conquestes des roys, princes,
seigneurs et peuple de France descripte en X livres,
mise eii françois par Jean Regnart, avec la suyte de
ladicte histoire tirée du latin de M. Arnold le Fer r on
et autre bons auteurs, etc. (Paris, 1581, in-fol.), édi-
tion de beaucoup la meilleure, la plus complète et la plus
commode à consulter à cause de la table des matières « très
ample ». R. G.
EMILY (Vitic). Cépage américain du groupe des La-
brusca, sans valeur pour la France; estimé comme raisin
de table aux Etats-Unis d'Amérique.
EMIN-MucKLis Pacha, diplomate et administrateur otto-
man, né à Smyrne en 1811 , mort à Constantinople en 1873.
Issu d'une famille distinguée, il reçut une instruction assez
étendue, entra au ministère des affaires étrangères de
Turquie (1837) comme employé au bureau des traductions,
accompagna en 1838 le sultan Mahmoud dans son voyage
en Roumélie et fut secrétaire d'ambassade d'abord à Lon-
dres, puis à Paris. Commissaire de la Porte en Serbie
(1841), il ne fut pas sans contribuer à la révolution par
laquelle Michel Obrenovitch fut expulsé de ce pays au
profit d'Alexandre Karageorgevitch (1842). Rentré au
bureau des traductions, nommé en 1846 interprète en
chef, il fut, en 1848, adjoint au commissaire ottoman
chargé de la pacification de la Moldo-Valachie et prit part
à la conclusion du traité de Ralta-Liman avec la Russie
(1849). Peu après, il partit pour la Syrie, où il devait
présider aux opérations du cadastre dans la province du
Liban. L'habileté et le bonheur avec lesquels il s'acquitta
de cette mission et d'une autre semblable dans la province
de Reyrout (1852-54) lui valurent d'être appelé au conseil
suprême. Nommé plus tard gouverneur de Damas dans des
circonstances difficiles, c.-à-d. à la suite des troubles poli-
tiques et religieux dont la Syrie venait d'être le théâtre
en 1860, il sut remphr sa tâche à la satisfaction des chré-
tiens et des puissances européennes. Dans ses dernières
- 937 -
EMIN — ÉMISSIF
années, il fut gouverneur de Trébizonde, puis vice-pré-
sident du conseil d'Etat, et enfin gouverneur d'Erzeroum.
— Son frère aîné, Essacl Pacha, est actuellement (1892)
ambassadeur de la Porte à Paris. A. Debidour.
ENIINPâchà, explorateur et administrateur égyptien
(V. Schnitzler).
ÉMINE (Fedor-Alexandrovitch), écrivain russe, né vers
4735, mort en 1770. Très versé dans les langues orien-
tales, il voyagea en Turquie et fut contraint d'embrasser
l'islamisme. Après son retour en Russie, il fut interprète
du cabinet de l'impératrice et professeur à l'Ecole des
cadets. Il a écrit un certain nombre de romans et une
Histoire de Russie qui ne va que jusqu'en 1213. En
1769, il avait fondé un journal, la Poste infernale.
EMIN EH (Monts). Partie orientale des Balkans, terminée
par le cap du même nom (V. Bâlkan).
ÉMINENCE. Grégoire le Grand avait autorisé tous les
prélats à prendre ce titre, que les empereurs s'étaient
déjà donné, dans les derniers temps de l'Empire. En 1630,
Urbain VIII le réserva exclusivement aux cardinaux, aux
trois électeurs ecclésiastiques de l'empire d'Allemagne et
au grand maître de l'ordre de Malte. On les qualifia aussi
ù'éminentissimes. Aujourd'hui, les cardinaux ont seuls
droit à ces qualifications.
EMINESCU (Michel), poète roumain, né à Ipatesti, près
deBotuchani, le 20 déc. 1848, mort à Bucarest le 15 juin
1889. Il fit ses études universitaires en Autriche et en
Allemagne; revenu en Roumanie, il y fut quelque temps
professeur d'allemand, puis inspecteur des écoles (1874-6)
et bibliothécaire à Jassy. Il était rédacteur au journal le
Temps de Bucarest, quand il fut frappé d'un accès de folie :
ce fut la cause de sa mort quelques années plus tard. Emi-
nescu publia ses premiers essais en vers dans la Famille
d'Oradia-Mare (Hongrie) : ils étaient bien loin de prédire
son génie poétique. Devenu, quelque temps après, membre
de la société littéraire la Jeunesse, à Jassy, il commença
dans les Causeries littéraires, organe du groupe, la
publication de ses plus beaux morceaux lyriques, Vénus
et Madone, puis Empereur et Prolétaire, qui valurent
du premier abord une certaine réputation à leur auteur.
Son talent ne fit que s'accroître : ses premières incertitudes
en fait de langage disparurent bientôt; son pessimisme
résigné et puissant fit école. C'est alors qu'il publia, outre
un assez grand nombre de petites poésies lyriques, ses
admirables Sonnets, sa Venise, restée classique, son Câlin,
fragment épique, dans le genre des contes populaires, et
surtout les Satires. Les Hirondelles et Kamadeva, de
beaucoup inférieurs à ses morceaux de maître, furent com-
posés pendant sa maladie. Il écrivit aussi en prose : le Fat-
Frumos né d'une larme, le Pauvre Denis, etc. Sa
poésie très populaire, depuis sa mort surtout, en Roumanie,
se distingue par une profonde connaissance et un habile
maniement du langage, par l'élévation des aperçus philo-
sophiques et la suggestivité étonnante des images. Il passe
pour le premier poète de son pays. Les seules éditions de
ses œuvres sont: celle de Socec et C^^ 3^ édit. en 1890
(elle contient les poésies publiées dans les Causeries lit-
téraires, préface du critique Maiorescu) et celle de Jassy,
publiée par M. V. G. Mortzun, la même année (on y
trouve ses premières poésies et ses œuvres en prose).
Toutes les deux sont posthumes. N. Jorga.
BiBL. : J. Gherea, Etudes critiques; Bucarest, 1890,
pp. 85-187; 2" éd., z5., 1891, etc. — J.-L. Caragiale, Nir-
vana, dans le Constitutionnel du 20 juin 1889.
ÉMIR. Mot arabe qui signifie commandant. A l'origine,
ce nom ne s'appliquait guère qu'aux chefs d'armée ou gé-
néraux arabes ; cependant les Arabes non musulmans don-
naient déjà au prophète Mahomet la qualification d'émir
de La Mecque et d'émir du Hedjaz, ce qui imphque qu'à
cette époque lointaine le titre d'émir avait déjà cours pour
désigner un chef politique. Les souverains musulmans,
dont les Etats avaient peu d'étendue et qui n'avaient au-
cune prétention à revendiquer l'autorité spirituelle accor-
dée aux khalifes, prirent tantôt le titre d'émir, tantôt celui
de sultan, ce dernier titre étant toujours considéré comme
supérieur au premier. Le plus souvent l'émir n'exerçait
son autorité que sur un simple district qui portait le nom
de son chef-lieu ; ce n'était donc en réalité qu'un prince
ou chef de principauté. Celui qui réussissait à s'annexer
d'autres districts prenait parfois le titre à'émir el-omara
(commandant des commandants), mais, en général, cette
désignation a été réservée aux sortes de maires du palais
qui régnèrent au nom des derniers khalifes abbassides. Le
khalife Omar est le premier qui ait pris, parmi les Arabes,
le titre de émir el-mouminin (commandant des croyants),
appellation devenue plus tard l'équivalent de celle de kha-
life. On raconte que cette expression fut employée pour la
première fois par un courrier qui, arrivé à Médine pour
annoncer une grande victoire, aurait, en cherchant le kha-
life Omar, demandé à tous ceux qu'il rencontrait sur sa
route : « Où donc est l'émir el-mouminin? » Cette expres-
sion, employée dès lors concurremment avec celle de kha-
life, fut par la suite spécialement réservée aux chefs spiri-
tuels de l'islamisme. En dehors des Omeyyades et des
Abbassides, le titre d'émir el-mouminin a été successivement
porté par les Fatimites, les Omeyyades d'Espagne et les
Almohades. Quant aux Almoravides et aux Mérinides, ils
adoptèrent une formule un peu différente, celle à' émir el-
moslimi7i (commandant des musulmans), titre qui avait
été décerné autrefois au général arabe Saad Ibu Abi Ouaq-
qâs à la suite de la bataille de Cadéciya (636). Sous les
Almohades Hafsides, le ministre des finances portait le titre
à' émir el-achghal ou saheb el-achghaL De nos jours,
le chef de la grande caravane des pèlerins qui se rendent
chaque année à La Mecque est désigné sous le nom à^émir
el'haddj (commandant du pèlerinage). Enfin dans l'extrême
Orient musulman, les grands personnages ajoutent devant
leur nom, en manière de titre honorifique, le mot mir
qui n'est autre chose qu'une altération remontant pour le
moins au xii^ siècle du mot émir. O.K.
ÉMIRNE (V. Imerina).
ÉMISSAIRE (Hydraul.). Terme désignant surtout de
grands travaux d'hydraulique, bassins ou canaux artificiels,
accomplis par les anciens Romains, imitateurs en cela des
Egyptiens et des Grecs, pour décharger le trop-plein de
lacs et de cours d'eau ou pour faciliter l'écoulement d'eaux
stagnantes. Les deux plus remarquables travaux de ce
genre, dus aux Romains, sont les émissaires des lacs Albain
et Fucin. Le premier de ces émissaires, remplissant encore
de nos jours son office primitif, mais remontant au siège de
Veies vers l'an de Rome 355, consiste en un canal de dé-
charge creusé sur une longueur d'environ 2 kil. dans la
masse même de la montagne et à 100 m. au-dessous du
village moderne deCastel Gandolfo, qui en occupe le sommet :
il porte, de l'autre côté de cette montagne, l'excédent d'eau
du lac dans des champs que ces eaux fertilisent, et on ne
sait ce qu'il faut le plus admirer de la promptitude avec
laquelle il fut exécuté, de la difficulté qu'offrait alors un
tel percement et de la solidité dont ce travail fait preuve
encore aujourd'hui. L'émissaire du lac Fucin est plus extra-
ordinaire encore : projeté par Jules César, il date de l'em-
pereur Claude et consiste en un souterrain de 4 kil. de
longueur sur plus de 6 m. de hauteur et 3 m. de largeur,
souterrain percé à 300 m. environ au-dessous du sommet
de la montagne qui sépare la rivière du Liri, où il verse
les eaux du lac Fucin, du petit port où il prend naissance
sur les bords du lac. Laissé inachevé par l'empereur Néron,
mais continué par Adrien, ce canal, obstrué par le temps,
fut déblayé et terminé, il y a environ quarante années,
par le dernier roi de Naples. Les parties extrêmes de ce
canal sont voûtées en briques du côté du Liri et en pierres
appareillées du côté du lac. Charles Lucas.
ÉMISSIF (Pouvoir). On appelle pouvoir émissif absolu
d'un corps à la température t la quantité de chaleur,
évaluée en calories, qui est rayonnée pendant l'unité de
temps à travers une surface de ce corps égale à l'unité et
ÉMISSIF - ÉMISSION
- 938
placée dans une enceinte portée à la température ^ + 1 et
où l'on a fait le vide. Désignons par E ce pouvoir émissif.
Si on peut appliquer au corps la loi de Newton, c.-à-d. si
la vitesse de refroidissement du corps dans le vide est
proportionnelle à la différence de température du corps et
de l'enceinte, on pourra déterminer le pouvoir émissif en
déterminant une vitesse de refroidissement. En effet, soient S
la surface du corps, 6 l'excès de sa température sur celle
de l'enceinte, P et C le poids et la chaleur spécifique du
corps. Pendant un temps très court dx^ la température
s'abaisse de dt et en égalant deux évaluations différentes
de la quantité de chaleur perdue par le corps, on aura
l'égalité suivante :
SEMx = — ^Cdt
d'où l'on tire le pouvoir émissif absolu P en fonction de
la vitesse de refroidissement — r-
dx
E=:-
v4
dx
S9
En exprimant ces quantités en centimètres, grammes,
secondes et degrés centigrades, Mac Farlane a trouvé pour
le noir de fumée que la valeur de E augmentait avec
l'excès 0 et que, par suite, la loi de Newton n'était pas
applicable. En prenant Ô assez petit, il a obtenu pour E la
valeur 0,025. M. Lehnebach a trouvé 0,015. L'écart est
considérable et nécessite de nouvelles expériences.
On appelle pouvoir émissif relatif d'un corps à la tem-
pérature t le rapport entre son pouvoir émissif absolu et
celui d'un corps choisi pour unité à la même température.
Le corps auquel on compare tous les corps est le noir de
fumée. Les pouvoirs émissifs relatifs sont plus faciles à
déterminer que les pouvoirs émissifs absolus. Leslie les
déterminait de la façon suivante : il plaçait devant un mi-
roir un cube métallique plein d'eau bouillante dont trois
faces verticales étaient recouvertes chacune d'une subs-
tance dont on voulait déterminer le pouvoir émissif, et
dont la quatrième était recouverte de noir de fumée. Au
foyer conjugué du miroir était placée la boule d'un ther-
momètre différentiel. Celui-ci s'échauffait, son index se
déplaçait, puis devenait stationnaire, lorsque le thermo-
mètre recevait autant de chaleur qu'il en perdait. Soient A'
le pouvoir absorbant de la boule du thermomètre , E^ son
pouvoir émissif, 6 l'excès de la température de la boule
sur la température ambiante, E le pouvoir émissif absolu
de la substance considérée, K et K^ deux constantes dépen-
dant de la surface de la boule, des dimensions et de la
position du miroir, etc. On a, lorsque l'index est immobile,
KA'E=K^E^Ô.
Si maintenant on tourne vers le miroir la face du cube
enduite de noir de fumée, un autre équilibre s'établit cor-
respondant à une température 6^, et, si l'on désigne par e
le pouvoir émissif absolu du noir de fumée, on a :
KA^^=:K^E^9^
d ou 1 on tire - = r
e 6j^
E
or - est la valeur du pouvoir émissif relatif.
Melloni substitua au thermomètre de Leslie, qui était
peu sensible, une pile thermo-électrique, et il obtint les
pouvoirs émissifs d'un certain nombre de corps. Le tableau
ci-après donne quelques résultats trouvés par ces deux
physiciens et par MM. de La Provostaye et Desains.
Les nombres trouvés par Leslie et Melloni pour les corps
de faible pouvoir émissif sont erronés comme le montrent
les expériences de La Provostaye et Desains, faites en
évitant diverses causes d'erreurs qu'ils ont signalées et qui
existaient dans les expériences de Leslie et de Melloni.
Variation du pouvoir émissif avec la température.
Il est difficile, comme nous l'avons vu, de déterminer le
SUBSTANCES
POUVOIRS ÉMI
d'après
SSIFS
Desains
Leslie
Melloni
Noir de fumée
100
))
98
95
»
90
88
85
80
12
12
12
100
100
))
))
91
»
85
))
»
12
12
12
100
»
».
»
»
))
2,2 à 5,4
4,9
4,3
Blanc de céruse
Papier
Cire à cacheter
Colle de poisson
Verre
Encre de Chine
Glace
Minium
Argent
Cuivre
Or
pouvoir émissif absolu d'un corps avec précision, même
pour des températures peu élevées ; les difficultés augmen-
tent si l'on veut faire ces déterminations à des tempéra-
tures plus élevées ; aussi ces expériences n'ont-elles pas
été faites, mais MM. de La Provostaye et Desains ayant
montré que les rapports entre les pouvoirs émissifs absolus
d'une substance et du noir de fumée variaient avec la tem-
pérature, on peut en déduire que le pouvoir absolu d'au
moins l'un de ces corps varie avec la température. L'un
des corps qu'ils ont étudiés était le borate de plomb ;
jusqu'à 100° le pouvoir émissif relatif de ce corps est
resté sensiblement constant, mais à 550<* il avait diminué
d'un quart de sa valeur. Les expériences de LesHe, de
Melloni et de Ritchie ont montré que les pouvoirs émissifs
relatifs étaient égaux aux pouvoirs absorbants relatifs
(V. Absorbant [Pouvoir]). On peut donc, au lieu de déter-
miner le pouvoir émissif relatif d'un corps, déterminer son
pouvoir absorbant. A. Joannis.
ÉMISSION. I. Physique. — Emission de la chaleur.
— Quand plusieurs corps possédant des températures
différentes se trouvent en présence, on constate que, même
dans le vide, il y a échange de chaleur, les corps les plus
froids se réchauffant, les plus chauds se refroidissant. On
expliquait autrefois ces phénomènes par l'émission d'une
substance particulière à laquelle on avait donné le nom de
calorique, lors de la réforme de la nomenclature chimique,
c.-à-d. à la fin du siècle dernier. Plus la température
d'un corps était élevée, plus il renfermait de calorique;
lorsque deux corps inégalement chauds agissaient l'un
sur l'autre, en revenant à la même température, le
plus chaud cédait au plus froid une partie de son calo-
rique. Cette idée de la matérialité de la chaleur est actuel-
lement abandonnée ; on considère les phénomènes calo-
rifiques, ainsi que les phénomènes lumineux, électriques
ou magnétiques, comme des manifestations des mouvements
vibratoires d'une substance particulière, l'éther, répandue
dans tous les corps et par suite sans pesanteur apparente
possible. L'émission de la chaleur ou, pour préciser, la
quantité de chaleur émise par un corps dépend à la fois de
la température et de la nature du corps ; elle n'est pas
non plus la même dans toutes les directions, à moins que
le corps ne soit sphérique ou réduit à un point. L'inten-
sité de la radiation calorifique, émise par une portion de
surface plane d'un corps dans une direction déterminée,
est proportionnelle au cosinus de l'angle de cette direction
avec la normale à la surface : c'est la loi du cosinus
énoncée par Lambert. Si l'on considère un corps chaud
réduit à un point et rayonnant dans l'espace, et si on dé-
signe par Q la quantité de chaleur qu'il émet dans l'unité
de temps, Q étant exprimé en calories, et si l'on désigne
par I l'intensité de l'émission à une distance r du point,
on a pour définir I la relation Q=z4:7zrH^ c.-à-d. que
l'intensité de l'émission à la distance r est la quantité de
chaleur reçue sur l'unité de surface située à la distance r;
en effet, la quantité de chaleur totale Q se répartit unifor-
mément sur la surface ^rzr^ d'une sphère de rayon r. Si
939 —
ÉMISSION - EMLY
nous prenons une portion de surface de cette sphère égale
à S et si nous considérons le cône ayant pour sommet le
centre de la sphère et pour directrice le contour de cette
portion, SI est la quantité de chaleur qui chemine à l'in-
térieur de ce cône. Si nous coupons maintenant ce cône
par un plan oblique passant par le centre de cette portion
de surface, nous obtenons une nouvelle surface S^ donnée
g
approximativement par la relation S^ = -; ' to étant
l'angle de S et de S'. Or la surface S' ne reçoit que la
quantité de chaleur que reçoit S ; par suite, les inten-
sités I et r de la radiation sur les surfaces S et S' sont
données par la relation SI = 81^ ouI = Icosw. Si nous
considérons maintenant non plus un point, mais un corps
ayant une surface finie, par exemple un petit élément plan,
il émettra des radiations, et l'expérience montre que l'in-
tensité de la radiation reçue dans une direction déterminée
variera proportionnellement au cosinus de l'angle de la
direction avec la normale au plan. Si le petit élément
considéré n'est pas un plan, la même loi subsistera, la
normale au plan étant remplacée par la normale à la sur-
face. Cette loi peut être vérifiée à l'aide du banc de Mel-
loni (V. Chaleur rayonnante). Lorsque, au lieu de radia-
tions calorifiques, on considère des radiations lumineuses,
cette loi est vérifiée par ce fait que les corps sphériques
lumineux, comme le soleil ou une boule incandescente,
nous apparaissent plats comme s'ils étaient des disques
plans. La quantité de chaleur rayonnée par un corps dans
l'unité de temps dépend de l'étendue de sa surface, de sa
nature, de la température à laquelle il est porté ; l'étude
des relations qui existent entre ces quantités est exposée
plus haut (V. Emissif [Pouvoir]). La quantité de cha-
leur rayonnée par un corps n'est pas la seule quantité à
considérer dans le phénomène de l'émission de la chaleur.
Suivant la température, la nature de cette chaleur change;
ainsi, une lame de cristal de roche de 2™""Ô d'épaisseur
laisse passer, d'après Melloni, 38 % des rayons qui pro-
viennent d'une lampe Locatelli, 28 <^/o de ceux qui pro-
viennent d'une spirale de platine incandescente, 6 ^Jo de
ceux qui proviennent d'un cube noirci à 390% et arrête
complètement ceux qui proviennent d'un cube noirci à
100^. Le sel gemme laisse passer, au contraire, sensible-
ment dans la même proportion les rayons calorifiques
émanés de ces diverses sources (92 %). La plupart se
comportent comme le cristal de roche, mais dans des pro-
portions diverses, les rayons provenant des sources à
température élevées passant toujours en plus grande quan-
tité que les autres. A. Joannis.
IL Finances. — L'émission de titres quelconques,
actions ou obligations, est une opération financière dont
il est impossible d'énoncer les règles ; le crédit de la mai-
son qui émet, la sécurité plus ou moins grande offerte par
les titres émis, l'état du marché des capitaux, etc., sont
autant de facteurs dont il faut tenir compte. Mais, en
dehors des agissements particuliers à chaque émission, il y
a des prescriptions auxquelles il faut absolument se con-
former. L'émission d'actions d'une société française ne
peut être faite que si la société est régulièrement constituée;
l'infraction est punie d'une amende de 500 à 1,000 fr.
(loi du 24 juil. 1867, art. 13); il n'en est pas de même
pour les sociétés étrangères, dont les actions n'ont à rem-
plir des conditions déterminées que si elles doivent être
admises à la cote (V. ce mot). Pour les obligations, la loi
française n'indique aucune limite, ni pour l'importance du
titre, ni pour le montant total à émettre ; il n'y a donc
aucune prescription à suivre pour les sociétés qui emprun-
tent de cette manière, sauf en ce qui regarde le timbre ;
il est toutefois à remarquer que, pour les chemins de fer
d'intérêt local, les décrets qui donnent la déclaration d'uti-
lité publique prescrivent en général que le montant des
obligations émises ne pourra être supérieur au capital
actions; les législations étrangères, notamment les lois
commerciales de la Belgique et de l'Italie, contiennent des
dispositions spéciales pour les émissions d'obligations. Pour
les obligations émises par des sociétés étrangères, on peut
faire la même observation que pour les actions de la même
catégorie ; il est toutefois à remarquer que, d'après la loi
du 30 mars 1872, ces titres ne peuvent être négociés en
France sans être dûment timbrés au droit proportionnel ;
aucune émission ne peut donc être faite sans que les titres
émis aient été soumis à cette formalité ; la date et le nu-
méro du visa pour timbre doivent être mentionnés sur les
prospectus d'émission. G. François.
III. Chant. — L'art d'attaquer ou d'émettre le son
est une des parties les plus difficiles de la science du
chant. Pour commencer l'étude de l'attaque des sons, il
faut d'abord s'exercer par des notes dont l'émission se
fera sans gêne et sans fatigue. Pousser la voix vers l'aigu
ou le grave au commencement des études, c'est se fatiguer
inutilement. Le son doit être attaqué franchement, mais
avec douceur, ni au-dessus ni au-dessous, comme on le
voit par cet exemple :
BOD
11 faut bien se garder d'émettre le son mollement ; la
voix doit toujours rester ferme et pour ainsi dire intelli-
gente, et le son doit être articulé sans brusquerie, par un
léger mouvement des lèvres et de la glotte et sans être
amené par aucune traînée; émis ainsi, il restera rond,
sonore et moelleux. Il ne faut pas croire que toutes les
voyelles soient favorables à l'émission du son. La voyelle
a, par exemple, donne beaucoup d'éclat et de sonorité à
certaines notes de la voix, tandis que d'autres notes voi-
sines de celles-là et chantées sur la même syllabe seront
ternes, sourdes ou rudes. Pour éviter cet inconvénient, il
faudra chercher les voyelles qui donneront au son la cou-
leur le plus en rapport avec les notes déjà émises. ^ C'est
lorsque l'émission et l'attaque du son auront atteint un
degré suffisant de perfection que l'on pourra attaquer cette
autre partie délicate de l'art du chant qui a nom : pose
de la voix. H* Lavoix.
BiBL.: Chant. — Th. Lemaire et Lavoix fils, le Chant,
l«"e partie et bibliographie.
EMLER (Joseph), historien tchèque contemporain, né
à Liban le 10 janv. 1836. Il fit ses études à Vienne et fut
attaché ensuite aux archives du royaume de Bohême et de
la ville de Prague dont il est devenu directeur en 1870.
En 1879, il a été nommé professeur de l'université tchèque
de cette ville. Il a dirigé depuis 1871 la Revue du musée
de Prague. 11 a publié, en tchèque, en latin et en alle-
mand, un grand nombre de documents relatifs à l'histoire
de la Bohème : Reliquiœ tabularum regni Bohemiœ
(en cours de publication) ; Decem Registra censuum
Bohemiœ (1881) ; Regesta diplomatica nec non épis-
tolaria Bohemiœ et Moraviœ (Prague, 1872-1890).
Nommé secrétaire de la fondation Palacky pour la publi-
cation des Fontes Rerum Bohemicarum, il a publié
dans cette collection un grand nombre de textes impor-
tants, notamment : la Chronique de Cosmas, la Vie de
V empereur Charles IV, la Chronique de Pribik de
Pulkava, etc. Il a collaboré activement à la Revue
archéologique tchèque et donné un grand nombre^ de
monographies historiques. Il est secrétaire de la Société du
musée de Prague, membre correspondant de l'Académie de
Saint-Pétersbourg, etc. L- L-
EMLY (William Monsell, lord), homme politique an--
glais, né en 1812. Membre du Parlement pour le comté
de Limerick, de 1847 à 1874, il fut créé pair à cette der-
ËMLY ~ EMMACS
- 940
nière date. Il a occupé de hautes situations officielles,
celles entre autres de président du bureau de la santé
(1857), vice-président du bureau du commerce (1866),
sous-secrétaire d'Etat des colonies (1868-70) et direc-
teur général des postes (1870-73). Il appartient au parti
libéral.
EMLYN (Thomas), premier pasteur unitairien d'Angle-
terre, né en 1663, mort en d 741. Son éducation première,
faite par des dissidents, lui inculqua des doctrines particu-
lières qu'il propagea par la parole avec beaucoup d'ardeur
et de succès ; mais il fut accusé d'hérésie, à Dublin, où il
avait été nommé coadjuteur de Joseph Boyse, et obligé de
se démettre de sa charge. Des brochures, qu'il publia pour
sa défense, lui valurent un procès devant le Banc de la
reine, et, après une procédure fort irrégulière, il fut con-
damné à la prison et à 1,000 liv. sterl. d'amende (1703).
Il ne fut relâché qu'en 1703. A partir de ce moment, il
gagna des adhérents en Angleterre et en Irlande, et il ne
cessa pas un moment de travailler activement à la diffu-
sion de ses doctrines, soit par ses prédications, soit par
ses écrits. Son fils a publié une édition collective de ceux-
ci en 3 vol. in-8 (1746). B.-H. G.
EMMA, reine de France, fille de l'impératrice Adélaïde
et de son premier mari Lothaire II, roi d'Italie. Elle épousa
en 965 ou 966 le roi de France Lothaire, et fut accusée,
en 977, par son beau-frère Charles de Lorraine, d'adultère
avec l'évêque de Laon, Ascelin ; celui-ci fut acquitté par le
synode de Saint-Macre et Emma continua à jouir de la con-
fiance de Lothaire. Lorsqu'il mourut, en 986, on n'en
accusa pas moins sa veuve de l'avoir empoisonné ; Emma
reçut cependant les serments de fidélité des grands en
même temps que son fils Louis V, sous le nom duquel elle
semble avoir voulu gouverner. Mais ses relations avec la
cour impériale et son intimité avec l'évêque Ascelin ne tar-
dèrent pas à la faire chasser de la cour, à l'instigation de
Charles de Lorraine. Elle se réfugia auprès de Hugues
Capet. Après l'avènement de celui-ci au trône, elle se trou-
vait à Laon lors de la prise de la ville par Charles de
Lorraine (avr. 988) ; elle fut faite prisonnière et ne recouvra
sa liberté qu'au bout de huit mois. Elle se retira alors à
Dijon où elle mourut sans doute peu après.
BiBL. : F. Lot, les Derniers Carolingiens ; Paris, 1891,
in-8 (87^ fasc. de la Bibl. de l'Ecole des hautes études).
EMMA, reine d'Angleterre (appelée aussi i^//"^2'/z/).
Elle était fille du duc de Normandie, Richard sans Peur,
et fut surnommée la Perle de la Normandie, à cause de sa
beauté. Elle épousa, en 1002, le roi des Anglo-Saxons,
Ethelred, mariage qui prépara les voies à la conquête de
l'Angleterre par les Normands. Elle ne fut pas heureuse
avec Ethelred, bien qu'elle ait eu de lui deux fils : Edouard
(le Confesseur) et Alfred. Quand les Danois conquirent
l'Angleterre en 1013, elle se réfugia auprès de son frère,
Richard le Bon, duc de Normandie, avec ses fils. Elle
retourna cependant en Angleterre, où Ethelred mourut en
1016. La haine qu'elle avait éprouvée pour le mari rejail-
lissait sans doute sur les enfants qu'elle en avait eus, car
elle épousa en juil. 1017 l'usurpateur danois Cnut, qui
avait dépouillé les fils d'Ethelred de leur héritage. Elle
promit ainsi de faire en sorte que le fils qu'elle aurait de
Cnut lui succédât en Angleterre au détriment de ceux
qu'elle avait eus du premier lit. Harthacnut, son fils par
Cnut, fut, en effet, son favori. Au milieu de l'anarchie que
déchaîna la mort de Cnut en 1035, elle assura à Hartha-
cnut le royaume de Wessex, tandis que les sethelings,
fils d'Ethelred, tentaient une expédition malheureuse, où
l'un d'eux, Alfred, périt. Cependant Harold, descendant de
Cnut par une autre femme, conquit le Wessex : Emma
dut se réfugier à la cour de Baudouin de Flandre. Elle
revint avec Harthacnut en 1040, et exerça la plus grande
influence pendant le court règne de ce prince. Mais, lorsque
Edouard le Confesseur eut récupéré le trône de ses pères,
son premier soin fut de dépouiller de ses trésors Emma,
sa mère « parce qu'elle avait moins fait pour lui dans
l'adversité qu'il ne l'aurait désiré ». La vieille reine, in-
ternée dans l'ancien palais royal de Winchester, mourut
le 6 mars 1052, et fut enterrée, à côté de Cnut, dans
rOldminster de la capitale saxonne. Le curieux panégy-
rique contemporain qui a pour titre Encomium Emmœ
a été publié dans les Moiiumenta Germaniœ. Ch.-V. L.
EMMANCHEMENT (Peint, et sculpt.). Manière dont les
membres et les extrémités sont articulés dans les statues
ou les figures peintes (V. Attache).
EMMANUEL, c.-à-d. Dieu est avec nous. Nom sym-
bolique donné par le prophète Isaïe à l'un de ses fils {Isaïe,
VII, 14 ; vin, 8, 18) et que la théologie chrétienne ap-
pliqua au Messie {Saint Mathieu, i, 22-23).
EMMANUEL, roi de Portugal (V. Manoel).
EMMANUEL, ducs de Savoie (V. Charles-Emmanuel,
t. X, p. 737).
EMMANUEL (Charles), astronome français, né à Paris
en 1810. Il étudia d'abord le droit et la littérature, puis
s'adonna à l'astronomie et entreprit de corriger « les
erreurs de la science officielle ». Sa nouvelle théorie des
mouvements des corps célestes, qu'il soutint dans les con-
férences et dans la presse avec une ardeur et un acharne-
ment dignes d'un meilleur objet, fut examinée en 1850 par
une commission composée de mathématiciens et d'astro-
nomes ; les rapporteurs, Liouville et Babinet, la déclarèrent
extravagante. Emmanuel s'adressa alors de nouveau au
public dans plusieurs opuscules où, tout en exposant ses
doctrines, il malmenait quelque peu les savants de l'Institut
et de l'Observatoire : Astronomie nouvelle (Paris, 1851,
in-18) ; Notices astronomiques (Paris, 1855-60, 2 vol.
in-12); Conférences astronomiques (Paris, 1860, in-8) ;
la Camarilla scientifique (Paris, 1865, in-i2); Reli-
gion et tolérance de M. Le Verrier (Paris, 1865, in-12);
A B C D astronomique (Paris, 1867, in-12). Ses autres
écrits ont pour titres : Pantographe astronom,ique ou
observatoire portatif (Paris, 1863, in-12); Lettre à
M. Thiers sur la suppression de l'impôt (Paris, 1872,
in-8) ; Sur les Mouvements des corps flottants, note
intéressante insérée dans les Comptes rendus de V Aca-
démie des sciences de Paris (1871, t. LXXII, p. 596).
L. S.
EMMANUEL-PHILIBERT, duc de Savoie (1553-1580),
né à Chambéry le 8 juil. 1528, mort le 30 août 1580.
Seul survivant de neuf enfants, héritier d'un duché occupé
par les Français, il entra dans les armées de Charles-Quint
en ^548, servit en Flandre, en Piémont, à Metz. Il com-
mandait l'armée impériale qui prit Hesdin en juil. 1553.
C'est à ce moment qu'il devint duc de Savoie par la mort
de son père. Il continua de commander les armées espa-
gnoles et impériales et c'est lui qui gagna la bataille de
Saint-Quentin le 10 août d557, après laquelle il voulait
marcher sur Paris. Il dut ensuite se replier sur Maubeuge.
Le traité de Cateau-Cambrésis lui rendit son duché et il vint
à Paris épouser Marguerite, sœur de Henri II (9 juil. 1559).
Au sujet de son rôle historique, V. Savoie (Histoire).
Ce fut un des fondateurs de la maison de Savoie.
EMMAÙS, aujourd'hui Amouas, près de Latroun, sur
la route de Jaffa à Jérusalem. Cette localité joue un rôle
dans les guerres des Machabées, reçoit le nom de Nico-
poliset pfus tard celui de Castellum Emmaiis ; elle com-
mande la principale voie qui met Jérusalem en communi-
cation avec la mer. On a proposé d'y voir l'Emmaus
mentionné par saint Luc dans les scènes de la résurrec-
tion (xxiv, 13 et suiv.), et, malgré la difficulté qui provient
de la distance alléguée en cet endroit, cette opinion est
encore la plus probable. M. Vernes.
EMMAÙS (Monastère d'). Monastère de Prague. H a
joué un rôle considérable dans l'histoire religieuse de la
Bohême. Il fut fondé en 1346 par l'empereur Charles IV ;
il y établit des moines bénédictins qui pratiquaient la
liturgie slave. Les moines furent dispersés pendant les
guerres hussites, puis le monastère passa aux mains de
- 941 ~
EMMAUS — EMMERY
moines utraquistes. Il existe encore aujourd'hui et appar-
tient à Tordre des bénédictins. L. L.
EMME (L'). Deux rivières portent ce nom en Suisse : la
grande Emme prend sa source dans la chaîne de montagnes
qui borde la rive droite du lac de Brienz, traverse l'impor-
tante vallée de V Emmenthal (V. ce mot), d'où elle débouche
à Berthoud et va se jeter dans l'Aare au-dessous de la ville
de Soleure; l'Ilfis, torrent impétueux, est son principal
affluent. La petite Emme vient du cant. d'Untervvalden,
traverse le cant. de Lucerne jusqu'à Lucerne où elle se
jette dans la Reuss. Toutes deux charrient de l'or et sont
sujettes à des débordements qui causent presque tous les
ans des ravages importants. L'endiguement des deux Emme,
surtout celui de la grande Emme, est en voie d'exécution.
EMMÉNAGEMENT (Mar.). Terme d'architecture navale
indiquant les dispositions intérieures des logements, des
aménagements d'un bâtiment. Se dit toujours au pluriel,
Ex. : Ce paquebot a des emménagements superbes. Il faut
ajouter que, depuis quelques années, les ingénieurs ont fait
de grands progrès dans cet ordre d'idées, et nos transports
de guerre, type Annamite, Shamrock, etc., nos paquebots
des grandes lignes transatlantiques ou Messageries mari-
times, n'ont rien à envier comme emménagements et sont
même supérieurs aux bâtiments similaires des marines étran-
gères. Il y a eu de ce chef, dans les vingt dernières années,
un progrès considérable accompli, et l'on jouit notamment
à bord des paquebots d'un véritable confort.
EMMÉNAGOGUE (Thérap.). Les emménagogues sont
des substances médicamenteuses qui ont pour effet de con-
gestionner l'utérus et d'y provoquer le flux menstruel. Ils
sont employés dans les cas où les règles sont supprimées,
tardives, laborieuses ou peu abondantes. Les plus usités
sont l'absinthe, l'apiol, l'armoise, Tergot de seigle, la rue,
la Sabine et le safran. Ces médicaments ont habituellement
besoin d'être secondés dans leur action par les toniques et
les excitants locaux (V. Aménorrhée et Avortement). D^'A.
EMMENDIN6EN. Ville d'Allemagne, grand-duché de
Bade, cercle de Fribourg, sur l'Ely, au pied de la Forêt-
Noire; 2,600 hab. Il y fut tenu, en 4590, un colloque
entre catholiques et luthériens. Les Autrichiens y battirent
les Français les 19 et 20 oct. 1796.
EMMENTHAL. Vallée de Suisse, cant. de Berne. Elle
s'étend du versant N. du Hohgant jusqu'à la ville de Ber-
thoud, qui en est aussi le débouché commercial. Remar-
quable au point de vue géologique par la quantité de décombres
de toutes espèces qui y sont accumulés. Les deux versants
sont couverts de forêts et de pâturages. Grand commerce de
bois et importante fabrication de toiles. L'Emmenthal, re-
nommé pour son fromage de gruyère, est le centre principal
de la production du fromage en Suisse ; l'exportation y est
considérable. C'est dans l'Emmenthal que l'on voit les plus
beaux chalets du cant. de Berne.
EMMÉRAN (Saint), mieux EM M ERAM ou HAIMAREM,
mort en 715 (22 sept.). Voici ce qui paraît historique
dans la légende racontée par Aribon de Freysing (dans
Act. sanct. BolL, sept. VI, pp. 454 et suiv., et dans
Pertz, Monum. germ, hist., Script., t. VI) au viii^ siècle,
le seul document que l'on ait sur Emméran : Il n'existe
aucune trace d'un évêque de Poitiers de ce nom ; comme
Corbinien (V. ce nom) et Rupert, Emméran doit avoir
été envoyé en Bavière par un roi franc pour rattacher, au
profit de la politique franque, le christianisme récent des
Bavarois à l'église franque. Après la mort de Pépin (714),
Emméran dut battre en retraite ; peut-être pensa-t-il se
couvrir de l'autorité de Rome. Il fut assassiné avant
d'avoir passé les Alpes, sous l'inculpation d'avoir séduit
la fille du duc Théodore, dit Aribon. On sait, en tout cas,
que Théodore se rendit à Rome en 716 pour affaires ecclé-
siastiques (Monum, germ, hist., Leges, t. III, p. 451).
L'abbaye de Saint-Emméran, près de Ratisbonne, où Théo-
dore doit avoir fait ensevelir les restes du saint, devint
le centre de la réorganisation ecclésiastique opérée par
Boniface. F.-H. K.
BiBL. : QuiTZMANN, Die œlteste Geschichte der Baiern ;
Brunswick, 1873, pp. 230 à 239. — Riezler, Gesch. Bayerns ;
Gotha, 1878, t. I.
EMMERICH. Ville d'Allemagne, roy. de Prusse, district
de Dusseldorf (Province Rhénane), à droite du Rhin;
8,900 hab. Ancienne colonie romaine, saint Willibrord y
fonda un couvent. La ville prospéra à la fin du moyen âge,
grâce surtout à la Hanse; elle comptait, au xv® siècle,
40,000 hab. Elle passa au Brandebourg avec le duché de
Clèves, fut occupée par les Hollandais de 1614 à 1672, fit
partie du grand-duché de Berg en 1806. Son fameux
collège de jésuites, fondé en 1592, disparut en 1811.
BiBL. : Dederich, Annalen der Stadt Emmerich; Em-
merich, 1867.
EMMERICH (Frédér ic-Charles-Timothée) , théologien
strasbourgeois, né à Strasbourg en 1786, mort à Strasbourg
le 1^^ juin 1820. Il professa l'histoire de l'Eglise à la
faculté de théologie de Strasbourg. A la fois érudit, élo-
quent et d'une piété sympathique, il exerça une grande
influence sur ses élèves. Mort jeune, il ne publia que sa
thèse de doctorat, De Evangeliis secundum Hebrœos^
Mgyptios atqiie Justinum Martyrem (1807) ; on a publié
après sa mort un volume de ses Sermons (1830). C. P.
EMMERICIA(Malac.). Genre de Mollusques Gastéro-
podes, de l'ordre des Prosobranches-Pectinibranches, établi
en 1870 par Brusina pour une coquille de forme conique,
lisse, subperforée, à spire élevée et à sommet déprimé,
presque enfoncé. Ouverture ovale piriforme,un peu grande,
anguleuse supérieurement ; bord externe arqué ; bord co-
lumellaire épaissi ; péristome continu ; un opercule ovale,
paucispiré et à nucleus presque marginal. Type : Emme-
ricia patula Brumati. Les espèces de ce genre vivent dans
les eaux douces de l'Europe orientale. J. Mab.
EMMERIN. Com. du dép. du Nord, arr. de Lille, cant.
de Haubourdin ; 1,595 hab.
EMMERY (Jean-Louis-Claude), comte de Grozyeulx,
homme politique français, né à Metz le 26 avr. 1742,
mort près de Metz le 15 juil. 1823. Avocat au Parlement de
Metz (1760), député du tiers aux Etats généraux en 1789,
il prit une part importante aux discussions de l'Assem-
blée nationale dont il fut élu président le 25 sept. 1790.
Il travailla notamment aux questions militaires, fut rap-
porteur du comité militaire et s'opposa le 4 janv. 1791 à
la destruction de l'hôtel des Invalides. Membre du parti
dit des re viseur s, qui tenta sans succès de relever la
popularité de Louis XVI avec l'aide de la liste civile, il fut
nommé, après la session, par le dép. de la Moselle, juge au
tribunal de cassation dont il fit partie jusqu'en mai 1797.
Il présida la section civile en 1793. Arrêté sous la Ter-
reur, il fut déUvré par le 9 thermidor. Elu député de la
Seine au conseil des Cinq-Cents le 21 germinal an V, il
se rangea parmi les modérés et s'occupa de questions juri-
diques. Elu secrétaire le l'^'^ thermidor an V, il appuya
le coup d'Etat du 18 brumaire et fut appelé le 4 nivôse
an VIII à la section judiciaire du conseil d'Etat. Il fut un
des rédacteurs du code civil. En août 1803, il passa au Sénat
conservateur, fut créé comte le 23 mai 1808, ce qui ne
l'empêcha pas de signer l'acte de déchéance de Napoléon P^
Nommé pair de France par la Restauration (4 juin 1814),
il rentra au conseil d'Etat pendant les Cent- Jours, reprit
son siège à la Chambre des pairs en 1815 et vota pour
la mort du maréchal Ney. On a de lui : Faits concernant
la ville de Metz et le pays messin (Metz, 1788, in-8) ;
Recueil des édits, déclarations ., etc., enreg, au Parle-
ment de Metz (1774-1788, 5 vol. in-4); Défense de la
Constitution 'par un aîicien magistrat (1814, in-8).
BiBL. : Michel Béer, le Comte Emmery ; Paris, 1823.
EMMERY (Jean-Marie- Joseph, chevalier), homme poli-
tique français, né à Dunkerque le 16 janv. 1754, mort à
Dunkerque le 11 févr. 1825. Négociant dans cette ville, il
fut élu député du Nord à l'Assemblée nationale législative
le 29 août 1791 et s'y occupa surtout de questions com-
merciales et notamment du canal des deux mers. Après
la session il fut élu maire de Dunkerque ; il se montra
EMMERY — ÉMORITES
- 942 —
partisan du coup d'Etat du 18 brumaire, et, après avoir fait
partie du conseil général du Nord, fut désigné par le Sénat
comme député du Nord le 5 vendémiaire an XIV. Il fut
réélu en 4814.
EMMERY (Henri-Charles), ingénieur français, né à
Calais le 49 avr. 4789, mort à Paris le 27 mai 4842.
Il a été l'une des lumières du corps des ponts et
chaussées, oti sa popularité était des plus grandes. On lui
doit le souterrain du canal Saint-Maur et l'écluse aux
abords, la gare de Charenton, le pont d'Ivry et la route
qui y aboutit. Mais c'est surtout comme secrétaire de la
commission des Annales des ponts et chaussées et
comme ingénieur en chef du service municipal de Paris,
qu'Emmery a marqué. Dans ce dernier service, qu'il a
occupé de 4832 à 4839, il a dirigé l'exécution de 80 kil.
d'égouts et de 400 kil. de conduites d'eau, quantité consi-
dérable pour l'époque. Il a présidé au creusement du puits
de Grenelle et à l'établissement de grands réservoirs pour la
distribution des eaux. Il fut nommé inspecteur divisionnaire
le 29 déc. 4 839 . On trouvera dans les J^lotiœs de Tarbé {Eiicy-
clopédie des travaux publics) la liste des nombreux arti-
cles publiés par Emmery dans les Annales des ponts et
chaussées; citons seulement son grand rapport de 4844
sur la police du roulage, fruit de longues et laborieuses
recherches. Un mémoire, publié séparément en 4837,
traite de V Amélioration du sort des ouvriers dans les
travaux publics; le sujet n'était pas alors de ceux dont
tout le monde parle et le mémoire d'Emmery témoigne des
bons sentiments qui accompagnaient chez ce savant émé-
rite sa haute valeur intellectuelle. — Emmery a laissé un
fils connu sous le nom d'Emmery de Sept-Fontaines, qui
a suivi la même carrière et est mort, il y a quelques
années, inspecteur général en retraite ; il a coopéré aux
travaux de la Seine maritime, puis à ceux de la basse
Seine entre Paris et Rouen, et enfin est devenu inspecteur
de l'Ecole des ponts et chaussées. M.-G. L.
EMMET (Robert), poUticien irlandais, né à Dublin en
4778, mort le 20 sept. 4803. Il fit de très fortes études à
Dublin, voyagea en Belgique, en France et en Espagne,
faisant une active propagande pour l'indépendance de l'Ir-
lande. Il entretint à ce sujet Napoléon P^ et Talleyrand,
qui lui promit son concours. De retour en Irlande en 4802,
il organisa un soulèvement qui éclata le 23 juil. 1803 :
lord Kilv^arden fut assassiné. Emmet, arrêté le 25 août,
fut condamné à mort et pendu un mois après.
EMMINGER (E.), peintre et lithographe allemand du
xix^ siècle, né à Riberach (Wurttemberg). Il a travaillé aussi
souvent avec des collaborateurs que seul. Parmi ses meil-
leures œuvres, on cite une Vue sur le Rothenberg, près
de Stuttgart, avec Steinkopf ; des Vues de la Souabe, de
Rome, etc. Parmi ses lithographies avec figures : la Mort
de Socrate, avec Wâchter ; le Christ et les Evangélistes,
avec Weitbrecht.
EMMÉTRA6E (Techn.). On fait un emmétrage quand
on met en tas des matériaux, de manière à permettre d'en
mesurer la quantité ; ainsi, les pierres, moellons, briques,
provenant de démolitions sont triés, décrottés et arrangés
ou emmétrés. Si l'on prend comme base le prix de 0 fr. 40
pour l'heure d'un manœuvre, l'emmétrage d'un mètre
cube de moellon ou de meulière, demandant 1^30, coû-
tera 0 fr. 60. L. K.
EMMIUS (Ubbo), historien hollandais, né à Grietzijl le
5 déc. 4547, mort à Groningue le 9 déc. 4625. Fils d'un
pasteur luthérien, il étudia la théologie à Rostock, voyagea
ensuite en France et en Allemagne, noua des relations
avec les savants les plus illustres de l'époque et s'arrêta
longtemps à Genève où il devint l'élève et l'ami de Théo-
dore de Bèze. En 4579, il rentra dans son pays et fut mis
à la tête de l'école latine de Norden ; mais son séjour à
Genève avait eu pour effet de le convertir aux doctrines
calvinistes et il refusa de souscrire à la confession d'Augs-
bourg : il fut destitué par les administrateurs de Norden
et passa à l'école de Leer, puis à Groningue. Il devint rec-
teur de l'université de cette ville dès son érection, en 4614,
et porta l'institution nouvelle à un haut degré de pros-
périté. Son œuvre principale est une histoire de la Frise,
Rerum Frisicarum historia, divisée en six décades,
dont les cinq premières ont paru séparément (Franeker,
1596-98; Leyde, 1599-1604; Groningue, 1607) et
la sixième dans l'édit. complète (Leyde, 1646, in-fol.). Il y
détruit impitoyablement les légendes et les fables dont les
anciens historiens avaient abusé. Il déchaîna ainsi contre
lui les rancunes de l'esprit local ; on lui reprocha avec
amertume d'avoir rabaissé les gloires de la patrie ; il se
défendit avec infiniment d'esprit eî; de succès. Ses autres
ouvrages sont : De Agro Frisiœ inter Omastm et Lavi-
cam flumina deque urbe Groninga in agro eodem et
de Jure utriusque syntagma (Groningue, 4605, in-8 ;
rééd., Leyde, 4646, in-fol., Groningue, 4 646, in-8); Chro-
nologia rerum romanarum cum série consulum (Gro-
ningue, 4619, in-fol.); Vêtus Grœcia illustrata (Leyde,
4626, 3 vol. in-8; inséré dans Gronovius, Thésaurus
antiquitatum Grœcarum, t. IV) ; Historia nostri tem-
poris; cet ouvrage, publié seulement en 4732 à Groningue,
cent sept ans après la mort de l'auteur, fut condamné
à être brûlé par la main du bourreau. E. H.
BiBL. : S^EEKTiJj s, Athènes Belgicae; Anvers, 1628, in-fol.
— Paquot, Mém. pour servir à Vhist. litt.des Pays-Bas;
Louvain, 1765-1770, 3 vol. in-fol. — Van Kampen, Histoire
des lettres néerlandaises (en hollandais); La Haye, 1821-
1826,3 vol. in-8.
ÉMOLLIENTS (Thérap.). Nom donné aux médicaments
qui ont la propriété d'amollir, de relâcher les tissus en-
flammés, d'en diminuer la sensibilité. Les uns agissent lo-
calement (cataplasmes, lavements émollients, gargarismes
émoUients, etc.) ; les autres se prennent à l'intérieur : ce
sont les tisanes émoUientes (mucilagineuses et huileuses,
gommes. Un, mauve et guimauve, bouillon blanc, bour-
rache, violette, pariétaire, tussilage, réglisse, orge, chien-
dent, riz, gruau, sucre, fécules, albumine, miel, lait,
glycérine, etc.). Les émollients agissent par leur tempéra-
ture, comme enduit isolant, et par une action délayante due
à la pénétration endosmotique dans les tissus (cette action,
possible pour les muqueuses, ne l'est pas pour la peau). Ils
font à un certain degré partie de la médication antiphlo-
gistique. D^ L. Hn.
"EMOLUMENT (Bénéficed') (V. Bénéfice, t. VI, p. 447).
ÉM0NDA6E (Arboric). L'émondage consiste à couper
les branches latérales d'un arbre sauf celles du sommet
qui, avec la flèche, constituent un toupet plus ou moins
développé. Les branches doivent être coupées rez-tronc.
Après la coupe, les bourgeons situés autour des sections
s'allongent, et, lorsque les nouvelles branches ont acquis
des dimensions suffisantes, on les coupe à leur tour. L'opé-
ration va donc ainsi se répétant périodiquement, mais à des
intervalles plus ou moins rapprochés selon l'espèce, la
vigueur des arbres et le produit qu'on désire. Le feuillage
des branches d'émonde est donné au bétail, ou bien ces
branches servent au chauffage ou à faire des échalas. Dans
le premier cas, on les coupe tous les deux ou trois ans;
tous les quatre ou six ans dans les deux autres cas. C'est
d'ordinaire à la fin de l'hiver qu'on exécute l'émondage.
Mais, quand c'est le feuiUage qu'on veut obtenir, il se fait
en septembre : les feuilles n'ont pas alors perdu leurs
réserves nutritives. L'émondage est donc un mode d'exploi-
tation appliqué aux arbres. Ceux qu'on y soumet surtout
sont : les peupliers. Faune, les saules, le frêne et aussi le
chêne. Terme, le cliarme. L'émondage est généralement
poussé trop haut. Les arbres s'allongent, mais leur grossis-
sement est faible ; ils restent grêles et sont plus facilement
rompus par le vent. Par suite d'ailleurs des coupes suc-
cessives, le tronc se déforme, se couvre de nodosités volu-
mineuses; il est de qualité inférieure et ne peut être utilisé
le plus souvent que comme bois de feu. G. Boyer.
ÉMONDEVILLE. Com. du dép. de la Manche, arr. de
Valognes, cant. de Montebourg ; 466 hab.
ÉMORITES (V. Amorrhéens).
- 943 -
EMOTION — EMPATTEMENT
ÉMOTION (PsychoL). I-<3 mot émotion vient du latin
moiio, mouvement, e^ qui vient de, et cette étymologie
indique très exactement le sens de ce mot. L'émotion est
en effet un mouvement provoqué par une excitation exté-
rieure. C'est ce qui la distingue de l'inclination qui est un
mouvement provoqué par une tendance interne. Il suit de
là que l'émotion est toujours accidentelle et est précédée
d'une sensation qui l'excite. De cette sensation naît un
mouvement psychique, une dissociation des états de cons-
cience présents, puis une réorganisation des états cons-
cients dans un système dont la sensation excitante fournit
l'axe central directement par elle-même ou indirectement
par des habitudes antérieures. En conséquence de ce mou-
vement psychique, il se produit ordinairement un mouvement
extérieur correspondant. Parfois l'excitation psychique
n'actionne que les nerfs vaso-moteurs, et elle se borne alors
à produire une accélération de la circulation et de la respi-
ration, la rougeur de la face ; parfois, par un effet inverse,
la pâleur, des constrictions des lèvres, des dilatations de
la pupille ; d'autres fois l'excitation psychique plus forte
actionne le cervelet et les nerfs moteurs, et il se produit
alors des vertiges, des tremblements. Enfin, quand la réor-
ganisation psychique qui succède à l'émotion est complète
et se rapporte à un mouvement ou à un ensemble de mou-
vements, ces mouvements s'exécutent le plus souvent sans
qu'on les ait expressément voulus. Si nous prenons pour
exemple la peur qui résulte de la vue subite d'un objet
terrifiant, nous voyons très aisément comment la sensation
visuelle imprévue désorganise nos états de conscience actuels ;
nous savons aussi que la pâleur arrive aussitôt, le trem-
blement, un relâchement général de la peau et même du
sphincter, puis, peu à peu nous ressaisissons nos esprits,
c.-à-d. que nos états de conscience se groupent, s'orga-
nisent; nous concevons les moyens de fuir ou de résister
et alors ou nous résistons avec le courage du poltron
révolté, ou nous fuyons avec les ailes que la peur nous
donne. G. Fonsegrive.
BiBL. : Paulhan, les Phénomènes affectifs et les lois de
leur apparition; Paris, 1887, in-8. — Mosso, la Peur,
trad. fr. ; Paris, 1886, in-8. — Bain, les Sentiments et la
Volonté, trad. fr. ; Paris, 1885, in-8.
ÉNIOUCHET (Ornith.). Nom vulgaire que l'on donne,
dans nos campagnes, à VEpervier, à la Crécerelle et par-
fois au Coucou.
ÉMOUCHETTES (ArchéoL). Forme ancienne du mot
moucliettes, que l'on appelait également au moyen âge :
esmucette (V. Mouchettes).
ÉIVIOUCHOIR(V. EsMoucHom).
EMOULAGE (V. Coutellerie, t. XIII, p. 208).
ÉMOUTIERS (V. Eymoutiers).
EMOUY (V. Amoy).
EMPAILLAGE. L'empaillage des animaux est un art
dont les procédés ont fait des progrès sensibles dans ces
dernières années. Il exige de l'ouvrier, pour être pratiqué
avec succès, non seulement la connaissance des procédés
matériels de conservation, mais encore le talent de repro-
duire, d'une façon exacte et naturelle, les poses et les
allures variées des divers animaux. Pour les oiseaux, l'ou-
vrier commence d'abord par dépouiller et vider le corps,
en ayant soin d'en saupoudrer abondamment toutes les
parties de plâtre, de façon à éviter leur souillure par les
produits de cette opération. Il bourre ensuite l'intérieur
du squelette avec du coton ou de l'étoupe, après avoir
préalablement fait usage d'une poudre insecticide, variable
dans sa composition, mais presque toujours à base d'arse-
nic et de camphre. Il place et maintient chacune des par-
ties dans la position la plus voisine possible de l'état de
nature au moyen de fils de fer, qui assurent en même
temps la solidité de l'assemblage. Pour les animaux de
grande taille, on moule les parties les plus caractéristiques
du corps et on établit ensuite au moyen de cire, de carton,
de plâtre, de cadres en bois, un squelette creux artificiel
sur lequel l'ouvrier applique la peau préalablement tannée
à l'alun et amincie à l'intérieur. Cette partie de l'opéra-
tion est d'autant plus difficile que le squelette est plus
grand ; elle exige de l'ouvrier un véritable travail de mo-
delage pour éviter les creux et arriver à une tension uni-
forme de la peau. Les yeux sont formés au moyen de boules
d'émail ; la bouche au moyen d'étoupes et de mastic
(V. Taxidermie). L. K.
EMPALEMENT (V. Pal).
EMPAN (Métrol.). Fraction de la coudée égyptienne
valant 0^225. Ce mot est quelquefois employé pour dé-
signer la distance de l'extrémité du pouce à celle du petit
doigt quand la main est bien ouverte. C'est aussi quelque-
fois la distance mesurée par les deux bras étendus.
EMPAN NON (Constr.). Nom que l'on donne, dans un
comble avec croupe, aux chevrons des faces triangulaires
de la croupe et des longs pans qui diminuent de longueur
à mesure qu'ils se rapprochent des angles de l'édifice. Ces
pièces de bois qui posent sur lasabhère, comme les autres
chevrons, sont assemblées, à leur extrémité supérieure,
dans les chevrons arêtiers. L. K
EMPÂTAGE (Industr.) (V. Bière, t. VI, p. 778).
EMPÂTEMENT. I. Peinture. — Manière de poser la
couleur sur la toile par touches épaisses, grasses, pour
obtenir un coloris puissant et vigoureux. La touche qui ne
contient qu'une minime proportion d'huile, et dans laquelle
la matière colorante a l'épaisseur et la consistance d'une
pâte est moins sujette à noircir, à se ternir, à se décolorer
qu'un léger frottis à peine teinté. La peinture dite ^^^^^m^
pâte présente une surface solide, homogène, comme celle
de l'émail. Avec l'empâtement, la touche d'un tableau prend
une très grande importance ; son épaisseur la rendant très
visible, il est important qu'elle concoure à l'effet général
voulu par le peintre. Les rochers et les terrains, empâtés
d'une façon rugueuse, dure et massive, où le couteau à
palette vient parfois s'employer comme une truelle de maçon,
doivent contraster par leur facture avec la pâte souple,
coulante et unie des ciels. Les eaux, transparentes et pro-
fondes, sont d'un travail encore plus délicat que celui du ciel,
tandis que les touches multipliées du feuillage des arbres,
d'une pâte variée d'épaisseur, doivent aider, par leurs mille
petits reliefs, à l'effet des ombres et des lumières. L'habi-
leté de l'empâtement rend les plus grands services au paysa-
giste et arrive parfois à des effets surprenants de puissance.
Pour la peinture de figures, l'empâtement doit être beaucoup
plus égal; ses hardiesses, ses irrégularités se conciheraient
mal avec les exigences d'un dessin sévère. C'est surtout à
ce dernier genre de peinture, plus encore qu'aux autres,
qu'on peut appliquer ce précepte : les lumières doivent être
peintes par empâtements, et les ombres par demi-pâtes ou
par frottis. Ad. T.
II. Arboriculture. — C'est la base d'insertion des ra-
meaux et des branches sur la tige. L'empâtement pré-
sente des bourgeons très petits, à 'l'état latent, dont on a
souvent intérêt à provoquer le développement. Par exemple,
lorsque le rameau est un gourmand ou lorsqu'il reste
improductif, on le rabat sur son empâtement. Les bour-
geons de l'empâtement s'allongent alors et peuvent être mis
à fruit. G. B.
EMPATTEMENT ou EMPATEMENT (Constr.). Plus
grande épaisseur et par suite saiUie donnée à la base d'une
partie de construction. L'empattement d'un mur est la plus
grande largeur que ce mur a en fondation et qui forme
ainsi, de chaque côté du mur en élévation, une saillie géné-
ralement de 0"^05 à O'^'OTS. Lorsqu'il s'agit de construc-
tions peu importantes, de cloisons de brique dans la hau-
teur d'un rez-de-chaussée par exemple, l'empattement, sur
leur nu, du parpaing en pierre qui leur sert de base, n'est
guère que de 0°"01 à 0"^02. On appelle aussi empattement
la surface des murs en fondation d'un édifice, surface sur
laquelle on trace le plan des parties en élévation. Enfin,
en serrurerie, on donne le nom d'empattement à tout élar-
gissement d'une pièce de quincaillerie, barre, gond, ver-
rou, etc., permettant de fixer cette pièce avec des boulons ou
EMPATTEMENT — EMPÉDOCLE — 94.4 —
des vis. Souvent l'empattement, ou plus grande épaisseur,
à la base de certaines parties de constructions en pierre,
en bois ou en métal, a fourni une donnée rationnelle per-
meltant d'ornementer le raccord de Tempattement à la
partie principale par des moulures ou des motifs décoratifs
(V. Amortissement). Charles Lucas.
EM PATURE (Mar.). Espace qui sépare le pied d'un mât
du point d'attache sur le pont des grosses cordes appelées
haubans qui, fixées à la tête du mât, servent à le tenir
dans le sens transversal.— Terme employé aussi pour dési-
gner certaines parties de la charpente intérieure du bâtiment
nommée vaigrage, d'où vaigres d'empature.Il ne s'agit ici,
bien entendu, que de bâtiments en bois. Les vaigres d'empa-
ture recouvrent intérieurement l'endroit où la courbe qui
forme le contour du couple se relève, où la muraille devient
plus verticale. C'est une des parties qui fatiguent le plus; aussi
donne-t-on à ces vaigres une épaisseur plus grande qu'aux
autres. — Dans les constructions en fer, l'intérieur du bâti-
ment est consolidé, au lieu de vaigrage, par des courbes, des
ceintures composées de cornières adossées, renforcées au
besoin par des tôles à boudin.
ENIPAUMURE (Vénerie) (V. Cerf, t. X, p. 45).
EM PEAUX. Corn, du dép. de la Haute-Garonne, arr.
de Muret, cant. de Saint-Lys; 186 hab.
EMPÊCHEMENT de Mariage (V. Mariage).
EMPECINADO (Juan-Martin Diaz, dit F) (V. Diaz).
EMPÉDOCLE, philosophe grec, né à Agrigente, à une
époque qu'il nous est impossible de fixer avec précision,
probablement un peu avant l'an 484 av. J.-C. 11 appar-
tenait à une famille riche et puissante. Son père, Méton,
était le chef du parti démocratique, et Empédocle paraît lui
avoir succédé dans ce rôle. Il est assez peu vraisemblable
qu'on lui ait, comme le raconte un historien ancien,
offert le trône et qu'il l'ait refusé. Pour des raisons que
nous ne connaissons pas, Empédocle tomba en disgrâce et
dut s'expatrier : il se réfugia dans le Péloponèse ; c'est
là qu'il mourut, vers 424 av. J.-C. Bien des légendes se
sont formées au sujet de sa mort : on a raconté qu'il s'était
pendu et qu'il avait disparu à la suite d'un sacrifice et
qu'il s'était précipité dans l'Etna. Nous ne savons rien de
précis sur ce point. Ce qui est certain, c'est qu'Empédocle
fut un homme remarquable, doué d'une grande activité,
d'une puissante intelligence. Il fut un orateur habile,
peut-être le maître de Gorgias, et Aristote le signale comme
ayant donné à la rhétorique la première impulsion. Il paraît
s'être donné, à l'exemple de Pythagore, le rôle d'un médecin,
d'un prêtre et d'un prophète. Dans un des fragments qui
nous ont été conservés, il se vante d'être honoré à l'égal d'un
dieu ; quand il entre dans une ville, le front ceint de bande-
lettes et de fleurs, le peuple se presse autour de lui, lui de-
mandant des prédictions ou la guérison de quelque maladie.
On lui attribuait divers prodiges, comme d'avoir interdit à
des vents nuisibles l'accès d'Agrigente ou de provoquer la
pluie et la sécheresse ou de ressusciter des morts. Lui-même,
ainsi que l'attestent quelques-uns de ses vers, se croyait
doué d'un pouvoir magique. Aucun des ouvrages qu'il avait
composés (4>uaixa,Ka6apfjLo0nenous est parvenu en entier:
les fragments que nous en avons ont été réunis par Sturz,
Karsten et Mullach.
On a pu dire, non sans raison, que la doctrine philoso-
phique d'Empédocle est un éclectisme. Il est certain en
effet qu'il s'inspira de Parménide, de Pythagore et surtout
d'Heraclite. Cependant, il ne se borna pas à faire des em-
prunts à ses devanciers; du moins il y ajouta une idée
nouvelle et il attacha son nom à une théorie qui, jusqu'à la
création de la chimie moderne, a été adoptée par presque tous
les philosophes et les médecins : celle des quatre éléments.
Parménide avait établi que l'être ne peut, à proprement
parler, ni commencer ni finir, et la démonstration reste
acquise aux yeux d'Empédocle ; mais Parménide en con-
cluait qu'il n'y a ni changement, ni devenir dans le monde :
Empédocle se refuse à le suivre jusque-là. Pour conciUer
la réalité des phénomènes avec la permanence immuable de
l'être, il admet l'existence de quatre éléments : terre, eau,
air, feu, indestructibles et éternels. Les combinaisons va-
riables de ces éléments forment tous les êtres de l'univers :
et ainsi on peut dire avec Parménide que rien ne com-
mence ni ne finit, puisque les éléments sont toujours les
mêmes ; et, avec Heraclite, que tout change sans cesse,
puisque les composés formés par les éléments ne restent
pas un instant identiques à eux-mêmes. C'est, au fond, la
même idée que Démocrite devait développer plus tard et
c'est pourquoi Lucrèce parle d'Empédocle avec admiration.
La différence est que, pour Démocrite, les atomes sont tous
de même nature, ne diffèrent que par la grandeur et la
forme, c.-à-d. quantitativement, au lieu que, pour Empédocle,
les éléments ont déjà des qualités radicalement distinctes.
Là ne s'arrête pas l'originalité d'Empédocle. Les élé-
ments étant conçus comme des substances immuables, il
faut chercher en dehors d'eux la cause de leurs mou-
vements et de leurs combinaisons. Tandis que Démocrite
trouvera cette cause dans le tourbillon éternel qui emporte
toutes choses, et Anaxagore dans l'intelligence qui gouverne
le monde, Empédocle croit l'apercevoir dans deux principes
opposés, l'Amitié et la Discorde, qui agissent tour à tour,
l'un pour unir, l'autre pour séparer les éléments. Il n'est
pas sûr que ces principes soient à ses yeux des forces mo-
trices abstraites : il paraît plutôt les avoir considérés
comme des substances corporelles, des éléments étendus,
analogues et égaux aux autres éléments. Ce sont des mi-
heux doués de propriétés spéciales, au sein desquels sont
plongées les molécules matérielles.
A l'origine, tous les éléments, unis par l'Amour, for-
maient une masse homogène appelée le spherus. La Dis-
corde y pénètre et sépare les éléments les uns des autres :
le philosophe paraît n'avoir pas insisté beaucoup sur cette
partie de son système. Puis, après cette période de disso-
lution, l'Amour pénètre de nouveau dans le monde et re-
prend à la Discorde les éléments dissociés. Il se produit
d'abord en un point (soit par l'action de l'Amour, soit à
la suite d'une rupture d'équihbre entre le feu et l'air, si
bien que le commencement du monde serait le résultat
final des mouvements désordonnés imprimés au tout par la
Discorde) un mouvement tourbillonnant en vertu duquel
une partie des substances sont mélangées : la Discorde se
trouve repoussée au dehors. Le tourbillon, d'abord très
lent, s'étend sans cesse davantage ; les substances séparées
sont attirées par le mélange primitif ; la Discorde est de
plus en plus chassée vers l'extérieur. Ainsi se forme le
monde, qui doit périr de nouveau lorsque, après l'unifi-
cation complète, il sera revenu à l'état primitif du spherus.
Du tourbillon primitif s'est dégagé d'abord l'air, puis
le feu, qui a repoussé l'air sous la terre, et occupé la
moitié de la sphère. La sphère céleste, mise en mouvement
par la pression du feu, se compose ainsi de deux hémi-
sphères, l'un lumineux, l'autre obscur : il fait jour quand
la moitié ignée est en haut, nuit quand elle est en bas.
Le soleil est comme un corps vitreux, à peu près aussi
gros que la terre, réunissant, comme dans un miroir ardent,
les rayons de feu répandus dans rhémisphère igné. La
lune, iprovenant d'une matière cristalline faite d'air durci,
a la forme d'un disque. Enfin les plantes et les animaux
sortent d'abord isolément de la terre. Le mouvement les
rapproche; mais, comme le hasard seul préside à cette
opération, il se forme d'abord une multitude de créatures
monstrueuses qui ne vivent pas parce qu'elles ne sont pas
viables. Après un grand nombre de tâtonnements appa-
raissent enfin des êtres harmoniques, appropriés au milieu
dans lequel ils doivent vivre ; c'est, au fond, l'idée à
laquelle le darwinisme devait donner, de nos jours, un si
grand développement. Empédocle paraît avoir étudié atten-
tivement tous les problèmes de la vie organique, depuis la
génération jusqu'à la sensation. H expliquait cette dernière
par le principe que le semblable seul agit sur le semblable.
Nous connaissons l'air extérieur par l'air qui est en nous,
et le feu par le feu. La faculté de penser est formée par
— 945 —
EMPEDOCLE — EMPHASE
le mélange étroit qui se fait surtout dans le cœur, mais
aussi dans toutes les parties du corps, entre les quatre élé-
ments dont nous sommes composés. Plus le mélange est
intime, plus le sens et Tesprit sont pénétrants. Sans bien
s'expliquer sur ce point, le philosophe fait une différence
entre la connaissance sensible et la connaissance intellec-
tuelle. Comme Parménide, il se défie de la première, lui
refuse toute créance et veut connaître la vérité à l'aide de
la seule intelligence.
Nous trouvons encore chez Empédocle des théories reli-
gieuses, très essentielles à ses yeux, mais qui n'ont aucun
rapport assignable avec son système. Telle est la doctrine
de la transmission des âmes, empruntée sans doute à Py-
thagore. Dans des vers que nous avons conservés, Empé-
docle déclare se souvenir de son existence passée dans le
ciel : il a été précipité sur la terre ; mais il sait que les
hommes pieux doivent retourner vers les dieux. Dans leurs
transmigrations, les démons réprouvés entrent, suivant le
degré de leurs fautes, dans des corps d'animaux ou même
de végétaux. A cette théorie se rattache la défense de
manger la chair des animaux et de les tuer ; ces deux
actes sont aussi criminels aux yeux d'Empédocle que de
tuer les hommes et de se nourrir de leur chair. Enfin le
philosophe parle de la divinité tantôt d'Une manière popu-
laire, tantôt en des termes qui rappellent le langage de
Xénophane : il obéit visiblement à la préoccupation de
combattre les idées fausses et d'épurer la religion popu-
laire. Victor Brochard.
BiBL. : Sturz, Empedocles Agrigentinus ; Leipzig, 1805.
— Karsten, Emp. Agrig. Carm. ; Amsterdam, 1838. —
Stein, Emped. Agrig. Fragm. ; Bonn, 1842. — Bergk, De
Proœm Emped. ; Berlin, 1839. — Mullach, De Emped.
proœm. ; Berlin, 1850. — Quœstion. Emped. spec. secund.;
Berlin, 1852. — P. Tannery, Pour VHist. de la science
/leWéne,- Paris, 1887.
EMPEDOCLES (Paléont.). Cope a désigné sous ce nom
un reptile du terrain permien du Texas, qui a de {petits
intercentraux ; l'hyposphène est bien développé, ainsi que
le hypantrum ; la zygapophyse est élevée ; l'expansion de
la diapophyse et de la zygapophyse postérieure donne à
la partie postérieure de la vertèbre un aspect particulier ;
l'épine neurale est très robuste. E. Sauvage.
BiBL. : Cope, American Philos. Society, 1876.
EMPEIGNE (Cordon.). Cuir ou étoffe qui forme le des-
sus de la chaussure depuis le cou-de-pied jusqu'à la pointe
(V. Cordonnerie).
EMPENNELA6E (Mar.). Lorsque l'on craint qu'une
ancre ne tienne pas assez solidement au fond, on augmente
sa tenue avant de la mouiller en l'empennelant, opération qui
consiste à attacher à la jointure des pattes et de la verge de
la première ancre une forte corde qui, par son autre extré-
mité, est passée dans la boucle d'une ancre un peu plus
faible. Il en résulte que, pour que la première ancre une fois
au fond puisse traîner, ou chasser suivant l'expression
consacrée, il faut qu'elle commence par déplacer la seconde ;
d'où augmentation énorme de résistance de tout le système.
D'autant que l'effort s'exerçant horizontalement, il faut une
traction considérable pour faire mouvoir la deuxième ancre.
Quand on mouille dans ces conditions, le navire garde de
la vitesse, laisse tomber d'abord la plus petite ancre,
élonge bien son amarre, puis mouille enfin la grosse, sous
laquelle il file la quantité de chaîne voulue, ordinairement
trois fois la hauteur du fond donnée par la sonde.
EMPENOIR (Menuis.). Ciseau recourbé par ses deux
extrémités qui sont tranchantes, mais en sens inverse et
qui sert aux menuisiers pour faire les entailles destinées
à recevoir les serrures.
EMPEREUR. I. Histoire romaine. — Le titre d'em-
pereur, imperator, remonte aux temps les plus anciens
de l'Etat romain. On désignait de ce nom celui qui com-
mandait en chef une armée romaine, qui avait sur elle
Vimperium, c.-à-d. l'autorité suprême. Ce n'était d'ailleurs
qu'un titre honorifique, et qui n'avait pas sa place dans la
langue officielle. C'était surtout, semble-t-il, une expres-
sion littéraire, ou peut-être aussi une appellation d'un
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
caractère religieux et archaïque. Plus tard, au temps de la
deuxième guerre punique, on prit l'habitude de conférer ce
titre au général en chef, après sa première grande victoire. Le
Sénat le lui décernait comme un titre d'honneur; souvent
même, les soldats proclamaient de leur propre initiative
leur chef victorieux imper ator sur le champ de bataille. Le
premier général romain (jui fut ainsi appelé paraît avoir été
le premier Scipion Africain. Le général ainsi honoré por-
tait ce titre dans les cérémonies publiques et le faisait
graver sur les inscriptions. Il pouvait le recevoir plusieurs
fois, s'il remportait plusieurs victoires. Il s'appelait ainsi
imper ator., ou imper ator II, « empereur pour la seconde
fois », Cet usage persista et devint un des fondements du
régime impérial. Jules César porta le titre d' imper ator
d'une manière continue, sans qu'il soit possible de dire s'il
le considéra comme un simple titre d'honneur ou comme la
formule d'un pouvoir suprême. Toutefois, il est à remar-
quer qu'il le mit d'ordinaire immédiatement après ses noms
propres et qu'il le rendit inséparable de ses qualifications
oflîcielles. Octave prit le titre àHmperator dès l'année 40.
Il en modifia seulement l'usage. Il le mit toujours en tête
de tous ses noms, comme si imperator était une sorte de
prénom, s'appelant ainsi : Imperator Cœsar Divi Julii
filius. Dès lors on s'habitua à considérer le titre dHmpe-
rator comme une espèce de prénom héréditaire et perma-
nent des chefs de l'Etat, et on disait couramment prœno-
men imperatoris. Il persista comme tel autant que le
régime monarchique lui-même. Dans l'empire oriental, on
traduisit imperator par auioxpaxcop. A côté de cela, l'an-
cien usage de décerner le titre d'imperator après chaque
victoire subsista. Il subsista d'abord pour les simples
généraux, d'ailleurs pour peu de temps, et, à partir de
l'an 22 de notre ère, il n'y eut plus d'autre salutation im-
périale que celle de l'empereur. Il subsista surtout pour
l'empereur. Indépendamment de son prœnomen d'empe-
reur, il prit encore ce titre d'zm/?^m^or dans le courant de
ses appellations officielles ; il le prit après sa première vic-
toire, et il le fit suivre d'autant de chiffres qu'il avait rem-
porté de triomphes, lui et les généraux qui combattaient sous
ses auspices. On disait par exemple Imperator Cœsar
Trajanus imperator III , après la troisième victoire rem-
portée par Trajan. Bien que ni l'un ni l'autre de ces deux
titres dHmperator ne comportât véritablement l'exercice
d'une autorité supérieure, et qu'ils fussent essentiellement
honorifiques, on s'habitua cependant à appeler le chef de
l'Etat du nom dHmperator, Tout d'abord il n'y eut que
les soldats qui le nommèrent ainsi. Les écrivains du
i^^ siècle ne l'appellent imperator que lorsqu'il s'agit
d'affaires militaires. Tibère affectait de dire qu'il n'était
Vimperator que pour les soldats, et qu'il était seulement
leprinceps, le premier des citoyens; mais, à partir du
II® siècle, tout le monde appela couramment imperator
le chef de l'Etat; et c'est de là qu'est venu chez les anciens
et chez nous l'usage du titre d'empereur et de régime im-
périal pour désigner une monarchie absolue fondée sur la
puissance militaire. Le titre disparut en Occident en l'an
476. Charlemagne le fit reparaître en 800, en se faisant
proclamer à Rome Imperator Augustus. C. Jullian.
[I. Histoire moderne (V. Empire).
BiBL. : V. surtout les exposés lumineux de Mommsen
dans son Droit public
EMPEREUR, graveur français (V. Lémpereur).
EMPHASE (Rhét.). Ce mot, gui vient dugrec'ejx^aaiç,
démonstration, signification, désigne la propriété de cer-
tains termes de faire comprendre plus qu'ils n'expriment
directement. Ainsi, lorsque Virgile dit du Cyclope : jacuit
per antrum immensum^ il donne indirectement la mesure
du géant lui-même. Même dans certains cas l'écrivain sug-
gère ainsi une idée qui n'est aucunement exprimée. Par
exemple Cicéron, dans le Pro Ligario, dit à César : « Si
dans une si grande fortune tu ne montrais une si grande
bonté par toi-même, oui par toi-même, je sais ce que je
veux dire. » Sans prononcer le mot, il donne à entendre
60
EMPHASE - EMPHYSÈME
946
que l'on accuserait César de cruauté. Quintilien fait remar-
quer que Temphase est dans la nature et se trouve dans les
locutions les plus familières : « Il faut être homme.
Celui-là est un homme. Il faut vivre. » Dans ce cas la pro-
nonciation donne au mot toute sa valeur ; elle est empha-
tique. Ce même auteur place l'emphase parmi les figures
de pensée ; il y a emphase, dit-il, lorsque d'une phrase on
tire un sens caché ; par exemple, lorsque Didon s'écrie :
Non licuit thalami expertem sine crimine vitam
Degere more ferœ.
Quoiqu'elle se plaigne du mariage, elle donne à entendre
sa pensée secrète, que la vie sans lui n'a plus rien d'hu-
main. Dans un sens un peu différent, l'emphase désigne
l'exagération prétentieuse du langage; le style est empha-
tique comme la voix lorsqu'ils soulignent à l'excès; le mot
emphase devient alors synonyme d'enflure. A. W.
EMPHYSÈM E. I. Médecine. -—L'emphysèmepulmonaire,
alvéolaire ou vésiculaire est une affection particulière du
poumon qui consiste dans la dilatation anormale des alvéoles
de cet organe. Celle-ci est habituellement le résultat d'une
distension forcée du tissu pulmonaire. On l'observe chez les
vieux tousseurs, ainsi que chez les malades atteints de
coqueluche, de bronchite chronique ou de bronchite capil-
laire. Cet emphysème est dit pathologique par opposition
avec l'emphysème accidentel qui se rencontre chez les
individus adonnés à des professions pénibles. Le mécanisme
de l'effort explique ici la production de l'emphysème. Pour
que cet acte puisse se produire, il faut en effet que les
muscles qui doivent entrer en jeu trouvent un solide point
d'appui sur le thorax ; or, pour cela, il est nécessaire que
le poumon se dilate largement et que les lèvres de la glotte
rapprochées empêchent la sortie de l'air introduit. Il existe
donc à ce moment une tension excessive des alvéoles, et l'on
s'explique que celles-ci finissent pas se dilater à la longue,
pour peu que la résistance du tissu pulmonaire ne soit pas
normale. La dyspnée ou gêne de la respiration, le change-
ment de forme de la poitrine, les modifications dans les
phénomènes de percussion ou d'auscultation, les tro^ubles
consécutifs du système circulatoire sont les principaux
symptômes de Temphysème pulmonaire. La gêne de la
respiration est l'un des signes les plus évidents de l'emphy-
sème ; elle s'explique parole rétrécissement du champ res-
piratoire qui résulte de l'atrophie du tissu pulmonaire, de
l'oblitération d'une partie des capillaires et de la perte
d'élasticité de l'organe. Cette dyspnée est presque caractéris-
tique de l'emphysème ; on voit le malade respirant plus
vite, avec peine, d'une façon superficielle et dans une atti-
tude très particulière, nécessitée par le fonctionnement
actif des muscles auxiliaires du thorax. La déformation de
la poitrine, à la période d'état de l'emphysème est, après
la dyspnée, le symptôme le plus caractéristique delà maladie.
Dans les cas intenses, la poitrine se trouve soulevée par en
haut, élargie par en bas, en même temps que les espaces
intercostaux se trouvent agrandis et quelque peu bombés.
Dans les formes moins marquées, la déformation est limitée
au siège du mal, et, comme c'est habituellement par la
partie supérieure du poumon que commence l'emphysème,
c'est à ce niveau que se montrent les signes dus à l'ectasie
pulmonaire, signes qui se manifestent ici par l'effacement
de la saillie de la clavicule ainsi que par la disparition con-
nexe des creux sus et sous-claviculaires. Si l'on percute la
poitrine, on trouve une exagération de la sonorité au niveau
des parties du poumon qui sont modérément distendues par
l'emphysème ; le son est au contraire étouffé et presque
mort lorsque la distension des alvéoles est très marquée.
Dans les deux cas, mais particulièrement dans le dernier, la
zone de sonorité se trouve en outre augmentée par suite de
l'abaissement du diaphragme. Les bruits perçus à l'auscul-
tation varient suivant que l'emphysème se trouve ou non
compliqué de bronchite chronique. Dans le dernier cas, qui
est l'exception, l'inspiration est brève et presque sifflante,
l'expiration rude et prolongée. Le murmure vésiculaire est
affaibli ou même absent. Les vibrations de la voix se pro-
pagent enfin moins bien à la cage thoracique qu'à l'état
normal. L'emphysème est-il accompagné de bronchite chro-
nique ? on perçoit également les bruits précédents, mais
associés à des sibilances, des ronflements et des râles dus
à l'élément inflammatoire (V. Bronchite). Ces symptômes
ont pour cortège habituel la toux et l'expectoration. Les
troubles circulatoires ^ui complètent la symptomatologie
de l'emphysème alvéolaire sont la conséquence de l'atrophie
du tissu pulmonaire et de la destruction d'une partie de
ses capillaires. La partie droite du cœur éprouvant une plus
grande difficulté pour faire pénétrer le sang veineux dans
le poumon, il se produit peu à peu une dilatation de cet
organe, puis une insuffisance des valvules. Le cœur réagit
bien un certain temps par suite d'une hypertrophie com-
pensatrice, mais comme cette compensation arrive souvent
à être insuffisante avec les progrès de la maladie, l'em-
physémateux finit assez souvent par succomber avec tous
les signes des affections organicjues du cœur à leur période
terminale. L'emphysème est loin cependant d'aboutir d*une
façon régulière à une terminaison aussi funeste. Les formes
légères, qui sont fréquentes, n'ont presque pas de reten-
tissement sur l'ensemble de l'économie ; c'est à peine si le
sujet est essoufflé après la marche ou un effort un peu pro-
longé. L^emphysème compliqué de la bronchite est plus sé-
rieux, mais il peut durer de longues années sans gêner le
sujet qui en est atteint outre mesure. La mort, lorsqu'elle
survient du fait de la maladie, résulte soit de la brusque
rupture des alvéoles et de la formation d'un emphysème
interlobulaire ou sous-pleural (V. plus bas), soit des com-
plications cardiaques, soit encore de l'asphyxie lente qui est
la conséquence du catarrhe chronique. — Le diagnostic
de l'emphysème est assez facile ; il n^est guère nécessaire
d'y insister ; il n'y a que dans les formes légères que la
maladie pourrait être méconnue, mais, [comme ces cas-là
sont sans gravité, cela n'a pas grande importance. L'em-
physème compliqué de bronchite doit être traité de la
même façon que les bronchites (V. ce mot); on doit cepen-
dant insister plus particulièrement sur les calmants, les
quintes de toux favorisant le développement de l'emphy-
sème. Conti'e la lésion elle-même, on a préconisé la strych-
nine et les arsenicaux, mais leur action est sujette à
contestation. Les bains d'air comprimé ou les inhalations
d'oxygène ont une action d'autant plus réelle qu'ils sup-
pléent à l'insuffisance de la surface respiratoire et relèvent
l'ensemble de l'économie. On a conseillé dernièrement d'ap-
pliquer sur le haut de la poitrine du malade un bandage
double destiné à faciliter l'expiration. Il n'est pas prouvé
que cet appareil ait une influence bien marquée sur la
marche de la maladie, mais il soulage tout au moins certains
emphysémateux.
L'emphysème interlobulaire ou sous-pleural est cons-
titué par la présence de l'air dans le tissu interlobulaire
ou sous-pleural. Cette variété d'emphysème se produit ha-
bituellement à la suite d'un effort de voix ou d'une quinte
de toux ; circonscrit, Temphysème interlobulaire ne donne
pas lieu à des symptômes particuliers ^ et passe inaperçu.
Etendu, il produit une gêne respiratoire considérable et
peut même amener la mort. Cet état est au-dessus des res-
sources de la thérapeutique.
II. Chirurgie. — L'emphysème chirurgical est cons-
titué par un épanchement gazeux dans l'épaisseur du tissu
cellulaire. L'emphysème est dit spontané ou faux lorsque
les gaz qui se trouvent dans le tissu cellulaire se sont
développés spontanément ; il est dit traumatique ou vrai
lorsque la pénétration gazeuse s'est opérée à la suite d'un
traumatisme. L'emphysème spontané est assez rare, et
sa pathogénie est loin d'être élucidée ; il est habituelle-
ment la conséquence d'un violent traumatisme et est sou-
vent suivi de gangrène. L'emphysème vrai provient soit
d'une plaie des téguments, soit de la communication anor-
male d'un viscère avec le tissu cellulaire sous-cutané.
L'emphysème consécutif à une plaie est rare ; il faut en
effet que l'air soit poussé avec force par la solution de
947
EMPHYSÈME - EMPHYTÉOSÉ
continuité, et que Touverture soit assez étroite pour em-
pêcher la sortie immédiate de l'air introduit. Les bouchers
qui insufflent les animaux pour en enlever la peau ont
soin de réaliser ces deux conditions. Il en est de même des
simulateurs qui emploient assez souvent ce moyen fort
simple pour paraître atteints d'une infirmité qui a au
moins le mérite d'être aussi facile à créer qu'à faire dispa-
raître. L'emphysème qui résulte de l'ouverture d'une ca-
vité viscérale est le plus fréquent. Il peut s'observer à la
suite d'une plaie des fosses nasales, des sinus de la face,
du larynx, de la trachée, des bronches, des poumons ou
de l'intestin. L'air ou les gaz contenus dans ces organes
se trouvent en effet soumis à une pression plus forte dans
certains actes tels que l'effort, la toux, le cri, l'expiration ;
aussi peuvent-ils pénétrer peu à peu dans le tissu cellu-
laire à travers l'orifice accidentel. Cette variété d'emphy-
sème s'observe surtout dans les plaies de la face et plus
encore dans les fractures de côte avec perforation du pou-
mon. L'emphysème peut être locahsé ou généralisé ; dans
le premier cas, le tissu cellulaire distendu par les gaz se
présente sous l'aspect d'une tumeur blanche, molle, indo-
lente, sonore, s'affaissant à la pression, et donnant lieu à
une sensation particulière de crépitation dite crépitation
emphysémateuse. Cette sensation peut assez bien se
comparer à celle que donne la neige écrasée entre les
doigts. Si l'emphysème est généralisé, le corps tout en-
tier se trouve déformé d'une façon plus singulière. Toute
dépression normale s'effaçant, le tronc s'arrondit, les
membres deviennent cylindriques, la face elle-même toute
bouffie n'est plus connaissable. C'est dans ces cas excep-
tionnels que la mort est possible tant par suite de la gêne
qu'éprouve le malade à respirer que par l'existence des
lésions qui accompagnent presque toujours un état aussi
grave. L'emphysème circonscrit est ordinairement bénin ;
les gaz épanchés se résorbent peu à peu sans difficulté.
L'emphysème spontané est le plus souvent mortel. Le
traitement de l'emphysème doit viser d'abord à faire ces-
ser la cause déterminante de l'épanchement gazeux, à faire
disparaître ensuite les gaz existants. On atteint le premier
résultat en empêchant certains mouvements, en retar-
dant l'occlusion de la plaie, en débridant même quelque-
fois celle-ci. Le deuxième effet est obtenu par des fric-
tions ou des compressions méthodiques, au besoin par des
mouchetures ou des incisions. L'emphysème spontané né-
cessite souvent l'amputation immédiate. On doit dans tous
les cas recourir aux toniques et aux excitants dans le but
de relever l'état général. D^ Alphandéry.
III. Art vétérinaire. — Nom donné à un état pathologique
caractérisé par l'infiltration de l'air ou de fluides gazeux
dans le tissu cellulaire sous-cutané ou viscéral. Sous-cu-
tané, l'emphysème succède généralement à une lésion trau-
matique dont il est la conséquence immédiate ou éloignée,
et sa gravité varie suivant la nature des gaz qui le pro-
duisent ; si ces gaz sont méphitiques et le produit d'une
plaie gangreneuse, il est grave ; s'il provient de l'air at-
mosphérique, il est généralement sans gravité, alors même
qu'il est diffus et répandu sur une grande surface. L'em-
physème viscéral ne se remarque guère, en vétérinaire,
que dans le poumon du cheval, dont il envahit le tissu
cellulaire interlobulaire et dont il dilate anormalement les
vésicules. L'emphysème des poumons est fréquent chez
le cheval, surtout sur les chevaux utilisés aux allures
vives ou qui, soumis aux allures lentes, sont obligés de
faire des efforts considérables de traction. L'emphysème
pulmonaire débute lentement, et dès que ses premiers symp-
tômes apparaissent par des signes visibles, ces signes ne
sont pas les indices du début du mal mais bien de la vaste
extension qu'il a prise. Il se traduit alors par une irré-
gularité dans les phénomènes mécaniques de la respiration,
irrégularité consistant dans une certaine interruption du
mouvement respiratoire examiné au flanc. S'il y a em-
physème, un temps d'arrêt se produit dans le mouvement
expirateur, après quoi il se continue et s'achève. Lorsque
les altérations produites par l'emphysème ont envahi la
totalité des poumons, elles se caractérisent par un mou-
vement beaucoup plus accusé des mouvements respira-
toires. La poitrine alors est violemment soulevée non seu-
lement dans la région des flancs, mais dans tous les
muscles qui concourent aux actes mécaniques de la respi-
ration. A l'auscultation des chevaux emphysémateux,
l'oreille perçoit dans la poitrine différents bruits anor-
maux : bruits de souffle, bruits de frottement, râle crépi-
tant sec. L'emphysème pulmonaire est une maladie d'une
extrême gravité. On le traite par le repos, un régime vert,
des boissons rafraîchissantes, l'acide arsénieux à la dose
de 1 ou 2 grammes par jour, mais la plupart du temps
sans parvenir à le guérir. D'après la loi du 2 août 4884,
l'emphysème pulmonaire est rangé au nombre des vices
rédhibitoires avec neuf jours de garantie. L. Garnier.
EMPHYTÉOSÉ. I. Droit grec. — On ne sait pas à quelle
époque les Grecs ont commencé de pratiquer l'emphytéose. Il
faut descendre assez bas pour en saisir la trace dans les au-
teurs ; mais une inscription prouve qu'elle était en vigueur
dès le v^ siècle av. J.-C. On ignore d'ailleurs si à ce moment-
là elle était déjà ancienne ou d'institution récente. La plupart
des baux emphytéotiques que nous possédons concernent
des terres qui appartenaient à une cité, un temple ou une
association. Quelques-uns laissent dans le vague le caractère
véritable du bailleur. Mais on peut affirmer que celui-ci était
toujours une personne morale, un être collectif destiné à vivre
éternellement. Il n'y a guère qu'une exception à cette règle
(Dittenberger, Sylloge inscr. Grœcar., 114) ; mais le docu-
ment dont il s'agit provient de l'Asie Mineure et est daté
du règne d'Alexandre. Les Romains ont emprunté aux
Grecs le mot emphytéose, mais on ne remarque pas que
les Grecs s'en soient jamais servi, du moins à l'époque de
leur indépendance. Ils emploient des locutions comme àsv-
jyawç, ou elç tov a^avra ip6'/ov^ ou elç Tca-upi/a, ou encore
xaià (3iou. Dans tous ces cas, la concession est perpétuelle.
L'emphytéote n'est pas complètement assimilé à un proprié-
taire. Le contrat d'Héraclée lui refuse la faculté de vendre ou
d'hypothéquer. Cette défense figure aussi dans un contrat de
Mylasa. Ici même, on va plus loin, et on prohibe toute ces-
sion gratuite du fonds. Les autres contrats se montrent,
en général, moins rigoureux et permettent au fermier de
faire abandon de son bien, mais sous certaines conditions.
Il ne peut, par exemple, le diviser en plusieurs lots ; il ne
peut pas non plus modifier les clauses du bail primitif ni
stipuler pour lui-même le moindre avantage. Il semble enfin
qu'il n'ait pas le droit de sous-louer. Trois sortes d'obli-
gations pèsent sur l'emphytéote : 1° il paye une redevance
annuelle, soit en argent, soit en nature. Le taux de cette
rente n'est jamais élevé ; il est surtout plus faible que dans
les fermages temporaires, et il demeure invariable pendant
toute la durée du bail ; 2° le fermier acquitte l'impôt fon-
cier ; 30 il est tenu d'exploiter sa terre de telle manière
qu'au lieu de dépérir elle s'améliore entre ses mains. Parfois
on entre à cet égard dans les plus grands détails. Ainsi
le contrat d'Amorgos interdit l'élève du bétail ; il parle d'un
mur de clôture à réparer et d'un autre mur à bâtir au-
dessus de la cave; il détermine à quel moment les vignes
seront travaillées, quelle quantité de fumier il faudra
répandre sur le sol, combien il faudra chaque année plan-
ter de pieds de vigne et de figuiers. Le contrat d'Héraclée
est encore plus explicite.
Des précautions étaient prises pour garantir les droits
respectifs des parties. Si le fermier ne payait pas sa rente
au terme prescrit, elle était tantôt doublée, tantôt augmentée
de moitié. Dans quelques villes, le bail était aussitôt annulé ;
dans d'autres, il fallait que le ferm.ier eût été insolvable
deux ans de suite. La terre était alors remise en location
sur le même pied que précédemment. Qu'arrivait-il si à ce
prix elle ne trouvait point preneur ? Un seul texte nous le
dit, et il n'est pas sûr que cette règle existât partout. En
pareil cas, on avait coutume à Héraclée de faire payer pen-
dant cinq ans par le fermier évincé la différence entre l'an-
EWPHYTÉOSE
— 948 —
cienne redevance et la nouvelle. On n'était pas moins atten-
tif à punir les autres violations du contrat. Le bail du Firee
prononce l'expulsion du fermier et lui inflige une amende
Laie à la rente s'il ne fait pas telle réparation dans un an.
A Amorsos, à Héraclée, chaque négligence a sa sanction
pécuniaire. Suivant l'usage hellénique, le fermier tourms-
sait des cautions. Celles-ci devaient être solvables et agréées
par le bailleur. Leur responsabilité n'était partois renfer-
mée dans aucune limite de temps; parfois aussi elle s étei-
gnait au bout d'un certain délai, et le locataire était tenu
d'en présenter d'autres. Tant que le premier remplissait ses
obligations, il était à l'abri de toute chance d éviction. Le
seul document qui contienne une réserve à ce sujet est 1 ms-
cription du Pirée. Partout ailleurs, le propriétaire renonce
au droit de reprendre son bien. Le bail ne peut être résilie
par lui que si le fermier enfreint tel ou tel article du con-
trat. Quant au locataire, il est autorisé à en réclamer dans
certain cas l'annulation. A Héraclée, s'il était chasse par
la euerre et qu'il fût mis dans l'impossibilité de récolter,
le bail était rompu, non de plein droit, j'imagine, mais sur
sa demande. A Chio, la guerre était également un motit de
résiliation ; mais on admettait aussi, même en temps de paix,
d'autres causes qui ne sont pas spécifiées, et que peut-être
on laissait à l'appréciation des parties. Paul Guiraud.
IL Droit romain. — Le droit réel d'emphytéose, que
les textes du Bas-Empire appellent emphyteusis, jus
emphyteuticarium, jus emphyteuticum, n'apparaît avec
ce nom qu'assez tardivement. On le trouve mentionne pour
la première fois dans un passage d'Ulpien où ce juriscon-
sulte, faute d'un terme latin équivalent, le désigne sous le
nom qui lui avait été donné dans les provinces grecques
de l'Empire : pis Iijloutsuti/ov. Mais si le mot parait être
de création récente, 'il n'en est pas ainsi de l'mstiLution.
On retrouve déjà l'équivalent dans le droit réel préto-
rien appelé jus in agro vectigali. Les agri vectigales
étaient des fonds appartenant à l'Etat, aux villes ou a des
colleqia et dont la jouissance était concédée à des parti-
culiers, à charge par ceux-ci de payer une redevance,
vectiqal. Il est probable qu'au début ces concessions ne
furent faites que pour une durée annuelle ou quiquennale.
Mais plus tard et afin de permettre aux concessionnaires
des travaux d'amendement et une exploitation de longue
haleine, le délai de la concession ne fut plus limite. El e
était censée faite in perpetuum, en ce sens que m le
concessionnaire ni ses héritiers ne pouvaient être renvoyés
tant qu'ils continuaient à payer régulièrement la redevance.
Ce caractère de quasi-perpétuité du droit conféré au déten-
teur de Vager vectigalis fit qu'on le considéra comme
ayant un droit réel sur la chose d'autrui, jus prœdii, droit
réel que le préteur garantit au concessionnaire par l octroi
d'un interdit et d'une action in rem, Vactio vectigalis.
Ce régime de concessions à longue durée fut pratique
dans l'Orient de l'Empire par les empereurs désireux de
mettre en valeur les nombreuses terres incultes faisant
partie de leur domaine, fundi patrimoniales, ou du do-
maine public. Plus tard, les grands propriétaires fonciers
imitèrent l'exemple donné par le prince, et c'est ainsi que
prit naissance l'institution à laquelle fut donné le nom
significatif de jus £p.cpuT£uxr/.dv (de £[i.cpui£uw, planter
dans), pour bien marquer que le concessionnaire reçoit les
terres à l'effet de les mettre en culture. L'analogie entre
ce jus et le jus in agro vectigali était telle que, dans la
législation du Bas-Empire, les deux institutions ont fini par
se fondre en une seule qu'on continua à désigner sous son
nom grec. Le droit du concessionnaire ou emphytéote est
un jus in re protégé par une action in rem. Semblable
à l'usufruit, il permet à l'emphytéote d'user de la chose,
d'en percevoir les fruits et de les garder en pleine propriété.
Toutefois et à raison même du but qu'on se proposait en
faisant de semblables concessions, on fut amené à recon-
naître à l'emphytéote des droits plus étendus que ceux
d'un usufruitier. C'est ainsi qu'il pouvait faire sur le fonds
les améliorations et changements qui lui paraissaient utiles,
modifier même sa destination. De même, Vintuitus per-
sonœ ne jouait pas ici un rôle aussi marque qu en cas
d'usufruit. Aussi le droit de l'emphytéote n'est-il pas viager;
il passe à ses héritiers et il peut être cède par lui a un
tiers, sauf la faculté de préemption laissée au propriétaire.
Toutefois, et malgré l'étendue des droits qui lui sont
reconnus, le concessionnaire ne devient pas dormwws. Le
concédant conserve le titre dejpropriétaire, et il a au surplus
contre le concessionnaire les droits qui résultent de la
convention constitutive de l'emphytéose. Il peut notamment
reprendre la chose, à défaut de payement de la redevance
pendant plusieurs années consécutives. C'était là une règle
semblable à celle qui régissait le contrat de louage avec
lequel la convention emphytéotique présente la plus grande
analogie. C'est précisément à raison de cette ressemblance
que certains jurisconsultes voulaient qu'en cas de perte par
cas fortuit des récoltes, le concessionnaire fût considère
comme locataire et eût droit par suite à la remise &MveC'
tigal. Mais, dans une autre opinion, la convention d em-
phvtéose devait être assimilée à la vente, à raison de la
quasi-perpétuité du droit du concessionnaire, et, comme
conséquence, les risques de perte par cas fortuit devaient
rester à la charge de l'emphytéote qui contmuait a
être tenu au payement de la redevance. La controverse
ne prit fin que sous l'empereur Zenon qui, pour le
règlement de la question des risques, fit de la con-
vention emphytéotique un contrat à part. En cas de perte
totale de la chose, les risques furent mis à la charge du
dominus comme dans le louage; au cas de perte partielle,
on les laisse à la charge de l'emphytéote, comme dans la
vente. ^^^^^'^ ^^^'
IIL* Ancien droit. — Bien que le mot emphytéose se
rencontre dans les sources et qu'on ne puisse ainsi^ mettre
en doute son existence dans notre ancien droit, il n est pas
très aisé d'en dégager la notion à raison de la grande
analogie existant entre cette institution et divers autres
droits dont les auteurs ne l'avaient pas suffisamment dis-
tinsuée. Deux voies s'ouvraient en effet à celui qm voulait
démembrer son droit sur un immeuble, autrement que par la
constitution d'une servitude : il pouvait conférer a un tiers
le domaine utile de cet immeuble, c.-à-d. un droit de
jouissance qui devait être exercé à titre de propriétaire, ou
plus exactement à titre de titulaire de ce droit sui generis.
mais non à titre de servitude, et se réserver avec le domaine
direct les autres attributs de la propriété en stipulant de
celui qui était investi du domaine utile le payement d une
redevance annuelle, irrachetable constituant la reconnais-
sance du domaine direct. Il pouvait aussi transterer a un
tiers le domaine direct et le domaine utile et ne se reserver
que le droit à une redevance annuelle et irrachetable, assise
sur l'immeuble constituant un droit réel immobilier, et
pouvant, par suite, être exigée de tout détenteur de cet
immeuble. On disait dans ce second cas qu il y avait bail
à rente foncière. L'emphytéose rentrait au contraire dans
la première catégorie des conventions qui viennent d être
indiquées et dans laquelle on trouvait également le bail a
cens. Il importe donc, pour en préciser la nature propre,
de la distinguer successivement du bail à rente foncière et
du bail à cens. , , ., , * ^ «
La distinction entre l'emphytéose et le bail a rente ton-
cière paraît au premier abord des plus simples et des plus
importantes : dans le premier cas, en effet, le propriétaire
conservait une partie de son droit, le domaine direct, 1 em-
phytéote ne recevant que le domaine utile ; dans le second
cas, au contraire, le propriétaire abandonnait le domaine
direct et le domaine utile et ne conservait sur la chose qu un
simple droit réel. Mais en réalité, en allant au tond des
choses, on s'aperçoit que les conséquences pratiques de cette
différence étaient peu sensibles à raison du peu d attributs
qui subsistait au profit de la directe emphytéotique. Un
était en effet assez généralement d'accord pour retuser au
bailleur du fonds concédé en emphytéose la cornmise ou
droit de rentrer ipso jure dans la pleine propriété de ce
— 949 —
E'MPHYTEOSE
fonds à défaut du payement de la redevance (V. le mot
Commise emphytéotique). De même, le droit de retrait ou de
prélation, e.-à-d. le droit pour le bailleur de se substituer
à celui à qui l'emphytéote céderait son droit, n'existait que
dans deux provinces, en Languedoc et en Dauphiné. Enfin,
les droits de lods et ventes, perçus par les seigneurs à
chaque mutation du bien inféodé et que certains textes
avaient reconnus exister au profit du bailleur à emphytéose,
étaient, à une certaine époque, complètement tombés en
désuétude, c'est Merlin qui nous le dit, et une stipulation
formelle était indispensable pour les imposer à l'acquéreur
du domaine utile. L'obligation d'améliorer le^ fonds
sous-entendue dans les contrats d'emphytéose et qui devait
être formellement exprimée dans les baux à rente, et le
droit de stipuler les droits de lods et ventes étaient donc
les seules différences séparant l'emphytéose du bail à rente
foncière.
Si nous comparons maintenant l'emphytéose au bail à
cens seigneurial, la distinction devient encore plus délicate,
car tous deux avaient pour effet de démembrer la propriété
en domaine direct et domaine utile; tous deux supposaient
une redevance ; ils entraînaient l'un et l'autre la commise, en
théorie du moins, puisque nous avons dit qu'en pratique ce
droit était dénié au bailleur en cas d'emphytéose ; tous deux
enfin ne pouvaient avoir pour objet qu'un alleu, car il était
impossible au possesseur d'un fief ou au censitaire de se
réserver une directe quelconque, puisqu'ils n'étaient pleins
propriétaires ni l'un ni l'autre. L'emphytéose n'existait
comme droit spécial et propre que lorsqu'il s'agissait d'un
alleu roturier sur lequel il était impossible d'établir une
rente seigneuriale. Telle était la seule place que notre
ancien droit avait faite à l'emphytéose, ce qui faisait dire à
Argon qu'il y en avait bien peu de véritables.
Droits de l'emphytéote. L'emphytéote avait le domaine
utile, c.-à-d. les principaux attributs de la propriété. Il
pouvait vendre, échanger ou hypothéquer l'héritage concédé
en emphytéose, mais les droits qu'il transmettait étaient
afi'ectés de la même condition que le sien ; le bien retour-
nait donc franc et libre de toute charge entre les mains du
bailleur lorsque le temps assigné à la concession emphy-
téotique était expiré ou bien lorsque le contrat venait à
être résolu. Il ne lui était toutefois pas permis de dégrader
le fonds et, d'une manière générale, d'en diminuer la valeur.
On était assez généralement d'accord pour refuser à l'em-
phytéote le trésor trouvé dans l'immeuble, mais certains
auteurs lui attribuaient les produits des mines.
Obligations de Vemphytéote, La principale de ces obli-
gations était de payer le canon emphytéotique (V. Canon,
t. IX, p. 56). Il devait en outre entretenir la chose en bon
père de famille, et il répondait par suite des détériorations
survenues par sa faute. Il s'obligeait même à construire des
bâtiments, à planter des bois, des vignes, etc., en un mot,
à améliorer le fonds, et nous avons dit que cette obligation
sous-entendue dans le contrat était un des traits qui dis-
tinguait l'emphytéose du bail à rente foncière.
Durée de l'emphytéose. L'emphytéose était perpétuelle
ou temporaire. Dans ce dernier cas elle durait, nous dit
Argon, trente, cinquante ou quatre-vingt-dix-neuf ans.
Elle pouvait être limitée à une ou plusieurs vies ; celles du
preneur, de ses enfants, de ses petits-enfants. L'emphytéote
ne pouvait prescrire la directe par quelque laps de temps
que ce fût. A ce point de vue, il était considéré comme un
preneur possédant pour le compte du propriétaire, et, par
conséquent, comme un possesseur précaire.
IV. Droit intermédiaire. — La loi des 18-29 déc. 1790
conserva à l'emphytéose tous les caractères qui lui appar-
tenaient antérieurement, puisqu'elle excepta de la faculté de
rachat les rentes dues en vertu de baux emphytéotiques.
Ce privilège lui fut, il est vrai, retiré par la loi des 1 o sept.-
16 oct. 1791, mais l'emphytéose n'en subsista pas moins
à tous autres égards telle que notre ancien droit l'avait
conçue, car la loi que nous venons de citer la qualifie de
propriété réversible, expression qui fait bien ressortir la
nature spéciale du droit du preneur emphytéotique. Le
mot d'emphytéose se trouve encore prononcé dans les lois
du 9 messidor an III (art. 15) et du 11 brumaire an VII
(art. 6), mais cette institution n'y est envisagée que comme
droit réel susceptible d'hypothèque.
V. Droit actuel. — Le code civil est absolument muet
sur l'emphytéose. Faut-il déclarer pour cela qu'elle n'existe
plus aujourd'hui ? De nombreux auteurs le soutiennent et
considèrent comme investi d'un droit purement personnel le
preneur dans les baux à longue durée. Ni l'art. Q'iQ qui
énumère les droits réels immobiliers, ni l'art. 21 d 8 qui
mentionne ceux de ces droits qui sont susceptibles d'hypo-
thèque ne parlent de l'emphytéose. Que conclure de ce
silence, sinon que les rédacteurs du code qui avaient sous
les yeux les textes où l'existence de l'emphytéose était
proclamée ont manifesté, par leur silence à cet égard, leur
intention d'abandonner les anciens errements ?
La jurisprudence est unanime à rejeter cette théorie et à
admettre l'existence de l'emphytéose avec tous ceux de ses
caractères qui ne sont pas contraires à des principes d'ordre
public. On ne saurait évidemment, à ce dernier point de vue,
stipuler que la redevance emphytéotique sera irrachetable
ou que l'emphytéose sera perpétuelle ; mais, cette réserve
une fois admise, pourquoi ne pas permettre aux parties
d'étabhr sur un bien tel droit réel qu'il leur plaît? N'est-ce
pas un principe que la liberté des conventions reste entière
chaque fois qu'elle ne vient pas heurter un principe d'ordre
public? Comme le dit fort bien Demante, il faudrait une
prohibition spéciale et formelle pour enlever aux proprié-
taires la faculté de constituer un droit d'emphytéose. Il y
aura lieu seulement de rechercher dans chaque espèce si les
parties ont bien voulu établir un droit de ce genre ou, si,
d'après leur intention, le bail dit emphytéotique n'est pas
un bail ordinaire consenti seulement pour de longues années.
Dans ce dernier cas, le contrat ne donnera au preneur qu'un
droit personnel contre le bailleur; dans le premier, au
contraire, la propriété du bailleur sera démembrée : le
domaine direct lui appartiendra toujours, mais le domaine
utile sera transféré au preneur. La jurisprudence a tiré de
là des conséquences fort importantes au point de vue civil
en classant l'emphytéose parmi les droits réels immobiliers,
au point de vue fiscal, en décidant que le bail emphyléo-
tique doit être frappé du droit proportionnel de vente im-
mobilière et de mutation par décès.
Disons en terminant que les baux emphytéotiques sont
très peu nombreux aujourd'hui. On les rencontre cependant
dans les concessions faites par l'Etat aux compagnies de
chemin de fer. Dans les villes, dit M. Garsonnet, ce bail
vient en aide aux entrepreneurs de constructions ; ainsi, à
Paris, toutes les maisons de la rue de Rivoli ont été cons-
truites de cette manière. Les terrains vagues du faubourg
Montmartre où s'élèvent aujourd'hui de magnifiques de-
meures ont été donnés en emphytéose par l'Assistance pu-
blique, à qui ces immeubles vont revenir au fur et à mesure
de l'extinction des baux.
Une loi belge du 11 janv. 1824 a organisé l'emphytéose
et, plus récem'^ment, la loi du l'^^juil. 1885 sur la propriété
foncière en Tunisie a consacré l'existence de ce droit que
le projet de code rural, soumis en ce moment aux Chambres
françaises, mentionne également. Paul Nachbaur.
BiBL.: Droit grec— Caillemer, le Contrat de louage
à Athènes; Paris, 1869.— Euler, De Locatione conduc-
tione atque emphyteusi Grœcoimm; Giessen, 1882. — P.
GuiRAUD, Dict. des antiquités, II, pp. 605-609. ^ ^^ ^
Droit romain. - 3, § 4, Dig., De Reb. eor., XXVII, 9. --
Gaius, III, 145. — 1 pr., § 1, Dig., Si ager vectigaL,Y\, 3.
— 1, § 1, Dig., De Loc. public, fruend., XLIII, 9. — 71, § 5,
6, Dig», De Légat.. I, xxx.- 15, § 1, Dig., Qui satisdare cog.
n, 8. — 13, Cod. Jùst., De Prœd.et aliis reb., Y, 71. — 2, Cod.
Just., De Jureemphyt., IV, 66. — ^ 3, Institut., De Locat,
U\, 24. — Accarias, Précis de droit romain; Pans, 188b-
1891, t. I, n» 283 bis, t. II, n° 618,2 vol. in-8, 4« éd.-- G. May,
Eléments de droit romain; Paris, 1889-1890, t. I, n» 218;
t. II, n» 322, 2 vol. in-8, l-*" éd. — Mainz, Cours de droit
romain; Bruxelles, 1876, 1. 1, §§ 146-151, 3 vol. in-8, 4« ed -
KuNTZE, Cursus des rômischen Rechts; Leipzig, 1879,
^5^ 583-587, 969, in-8, 2« éd. - R. Sohm, Institutionen; Leipzig,
EMPHYTEOSE — EMPIRE
— 950 —
1888, § 57, in- 8, S" éd. — Sciiulin, Lehrbuch der Ge-
schichte des rômischen Rechts; Stuttgart, 1889, §83jin-8.—
Pépin le Halleur, Histoire de l'emphytéose; Paris, 1843,
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pp. 446-456. — Demante, Cours de code civil, t. II, n» 378
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t. IX, n»" 490, 491, 529. — Valette, Traité des privilèges
et hypothèques., pp. 191 et suiv.
EMPILAGE (Pêche). Empiler un hameçon, c'est l'atta-
cher à une empile ; les empiles varient, d'ailleurs, comme
les hameçons, pour la grosseur et la longueur ; la manière
d'empiler varie également suivant la grandeur de l'hame-
çon et le genre de pêche (V. Hameçon, Ligne).
EMPILE (Pêche). On désigne ainsi les lignes, souvent
doubles ou triples, auxquelles on attache un hain et qui
s'adaptent aux lignes ou aux cannes ; on fait les empiles
en métal, en chanvre pour la pêche de mer; en soie, en
crin de Florence, en corde filée pour la pêche en eau douce.
EMPIRE. Généralités. — L'Empire fut l'institution
politique la plus considérable des races européennes;
sa constitution domine encore leur histoire. L*empire
romain proprement dit a duré près de quinze siècles; le
saint-empire romain germanique qui en était issu s'est
prolongé jusqu'au commencement du xix® siècle. Bien que
le mot n'ait plus de signification spéciale et qu'on compte
au moins cinq empires et empereurs (Allemagne, Autriche,
Russie, Inde anglaise, Chine), il ne faut pas oublier que
cette valeur éminente attachée au titre impérial est un
dernier hommage au souvenir de l'Empire. Celui-ci était
une souveraineté plus haute, dominant ou comprenant les
divers royaumes. C'est seulement à partir de l'époque mo-
derne que le particularisme national a prévalu de nouveau
et que les nations se sont dégagées des cadres généraux de
l'Empire et de l'Eglise. Le moyen âge a vécu de ces idées
générales. C'est l'empire romain qui, par le caractère uni-
versel de son organisation, fusionnant les nationalités les
plus diverses, avait créé cet état d'esprit sur les ruines des
gouvernements et des religions particularistes de l'an-
tiquité.
Nous décrirons d'abord l'empire romain et les régions
dont il se composait ; nous dirons comment ces vastes
territoires furent organisés sous Auguste, fondateur de
l'Empire ; nous ferons brièvement l'histoire de cet Empire
dans sa première période, celle du principat ; nous dirons
comment il se transforma en une monarchie bureaucra-
tique au ïii® et au iv® siècle. Nous verrons quelle était alors
l'idée de l'Empire et comment elle put survivre au fait.
L'invasion des Barbares laissa subsister l'Empire en Orient,
puis il fut restauré en Occident par Charlemagne, et nous
ferons l'histoire de cette institution à la fois ancienne et
nouvelle du saint-empire romain germanique.
Géographie de l'empire romain. — La connais-
sance du cadre géographique de l'empire romain est indis-
pensable pour l'intelligence de son histoire. Celle-ci continue
non seulement l'histoire de la cité romaine, mais celle de
tous les peuples que les Romains s'étaient successivement
subordonnés. C'est l'histoire de tout le bassin de la Médi-
terranée, de l'Europe, de l'Asie occidentale, de l'Afrique
septentrionale durant quatre ou cinq cents ans. Comme l'a
dit éloquemment M. Duruy, les hommes et les choses de
l'avenir « ce sont les provinciaux qui vont arracher à
, l'Italie ses vieux privilèges, propager dans tout l'Occident
•barbare la civilisation gréco-latine et faire donner à cent
millions d'hommes, par des empereurs nés à Séville, à
Lyon, à Leptis, des lois qu'on appellera la raison écrite.
C'est encore la rehgion nouvelle qui se formera pour cette
nouvelle société ; de sorte qu'au temps même où les empe-
reurs mettront dans la loi civile le principe du droit indi-
viduel qui isole, le christianisme s'efforcera de me^re dans
le cœur le sentiment de la fraternité qui réunit : deux
grandes idées de l'époque impériale que l'Europe moderne
a retrouvées sous les ruines du moyen âge. Pour mesurer
cette marche des provinces vers l'égalité de droits, de
civilisation, de richesse et plus tard de religion, il convient
de marquer nettement le point d'où chacune d'elles est
partie. On jugera mieux ensuite l'œuvre des empereurs ;
on verra s'ils ont su faire par des institutions au profit de
l'Etat ce que le christianisme fit par ses doctrines au profit
de l'Eglise ; si enfin, pour prendre le langage de Bossuet,
« un peuple nouveau va naître de toutes les nations enfer-
« mées dans l'enceinte de l'Empire ». L'empire de Rome,
ou, comme disaient ses historiens et ses légistes, VUnivers
romain^ était assez vaste, quand Auguste en devint le
maître, pour que les peuples, sujets ou ennemis, qui appar-
tiennent à son histoire, représentassent presque toutes les
races d'hommes de l'ancien continent. » (Duruy, t. III,
p. 660.) C'est même là ce qui donne à cet empire sa phy-
sionomie propre, qu'aucun autre n'a retrouvé depuis.
D'autres dominations se sont étendues sur de plus vastes
surfaces et sur des hommes plus nombreux; aucune n'a
ainsi donné des institutions communes à une aussi grande
quantités de nations d'origine et de mœurs différentes. Ni
l'immense monarchie des Mongols, ni celle des Russes, ou
le domaine colonial presque universel des Anglais, ne
peuvent être comparés à l'Empire. C'est d'ailleurs à celui-
ci que remontent les origines de la civilisation de tous les
peuples de l'Europe moderne, directement pour les races
latine et grecque, indirectement pour les Germains et les
Slaves.
L'empire romain avait été fondé par les Latins; les Ita-
liens comprenant la race ligure, la race étrusque, en
étaient les premiers sujets. Dans le Sud, ils étaient mé-
langés de Grecs ; dans le Nord, de Celtes. Ceux-ci occu-
paient, outre le bassin du Pô, les Alpes et les cantons du
haut Danube, la Gaule entre la Garonne et la Somme, la
Grande-Bretagne ; ils étaient mélangés aux Germains dans
la Gaule septentrionale, aux Ibères dans l'Espagne cen-
trale, aux populations de l'Asie Mineure dans le centre de
cette péninsule- Les Ibères occupaient les deux versants
des Pyrénées, de l'Ebre à la Garonne ; le long de la Médi-
terranée, ils étaient mélangés de Phéniciens ; de Gaulois
dans le centre de l'Espagne. Les Germains s'étendaient dans
la plaine de l'Europe centrale et septentrionale jusqu'au
Danube supérieur et jusqu'aux Alpes ; plus à l'E., après la
Vistule et la Theiss, venaient les Sarmates ou Slaves. Les
populations grecques ou grécisées tenaient la péninsule
balkanique et les rivages de la Méditerranée orientale ; les
races sémitiques occupaient la Syrie et plus loin l'Arabie ;
de l'Arménie à la Mésopotamie s'étendaient les populations
d'origines diverses, débris d'un passé lointain, aryens,
sémites, touraniens, etc.; plus à l'E., la race iranienne et
la race touranienne, puis l'Inde et dans le lointain les
Sères ou Chinois. En Afrique, derrière l'Egypte, on tou-
chait aux Hamites et aux nègres ; ceux-ci étaient mélangés
de sémites sur tout le littoral méditerranéen, du Nil aux
colonnes d'Hercule. Sauf l'Inde et la Chine, qui n'auront
que des relations commerciales avec l'empire romain, tous
les autres sont sujets de l'Empire, ou ses alliés ou ses
ennemis, et leur histoire durant cinq siècles se confond
avec celle de l'empire romain, laquelle se trouve ainsi être
presque l'histoire universelle.
Dans l'empire romain du i^** siècle, il n'y a pas seu-
lement des différences radicales de races et de langues,
mais aussi de mœurs et de civilisation. « Depuis le Can-
tabre, farouche et libre dans ses montagnes, jusqu'au Grec
d'Antioche ou d'Ephèse, servile et efféminé, il y avait dans
- 951 --
EMPIRE
PROVINCES
EN 117 APRÈS JÉSUS-CHRIST
DATE
DE LA FORMATION
Sicilia
Sardinia et Corsica.,
Hispania citerior ou Tarraco-
nensis
Hispania ulterior ou Baetica. .
Lusitania
Gallia Narbonensis.
Aquitania.
Lugdunensis.
Belgica
Germania superior.
Germania inferior.
Alpes Maritiniae. .
Alpes Cottiae. . . .
Alpes Penninae.
Britannia. . .
Rsetia. .
Noricum.
Pannonia superior.
Pannonia inferior..
Illyricum ou Dalmatia.
Mœsia superior.,
Mœsia inferior. .
Dacia. .
Thracia.
Macedonia,
Achaia.,
Epirus..
Asia.
ADMINISTRATION
U\ av. J.-C.
231 av. J.-C.
197 av. J.-C.
197 av. J.-C.
détachée de l'Hispania
ulterior en 27 av. J.-C.
120 av. J.-C.
17 ap. J.-C.
17 ap. J.-C.
17 ap. J.-C.
17 ap. J.-C.
17 ap. J.-C.
14 ap. J.-C.
sous Néron
au 11^ siècle ap. J.-C.
43 ap. J.-C.
15 av. J.-C.
15 av. J.-C.
10 ap. J.-C, partagées
entre 102 et 107
entre 167 et 59 av. J.-C.
29 av. J.-C.
partagées sous Domilien
107 ap. J.-C.
46 ap. J.-C.
146 av. J.-C.
146 av. J.-C.
probablement
sous Vespasien
133 av. J.-C.
sénatoriale
sénatoriale
puis impériale
impériale
sénatoriale
impériale
impériale de 27 à 22
av. J.-C,
puis sénatoriale
impériale
impériale
impériale
impériale
impériale
impériale
impériale
impériale
impériale
impériale
impériale
impériale
impériale
sénator. puis impér.
à partir de 11 av. J.-C
PROVINCES
VERS 400 APRÈS JÉSUS-CHRIST
impériale
impériale
impériale
impériale
sénatoriale
impériale de Tibère
à Claude
sénatoriale
impériale de 15 a?, J.-C. à 14 ap. J-C.
sénatoriale
Sicilia.
Sardinia.
Corsica.
Tarraconensis.
Carthaginiensis.
Gallœcia et Asturia.
Insulse Baléares.
Baîtica.
Lusitania.
Narbonensis prima.
Narbonensis secunda.
Viennensis.
Aquitanica prima.
Aquitanica secunda.
Novempopulana.
Lugdunensis prima.
Lugdunensis secunda.
Lugdunensis tertia.
Lugdunensis Senonia.
Maxima Sequanorum.
Belgica prima.
Belgica secunda.
Germania prima.
Germania secunda.
Alpes Maritimse.
Alpes Cottiae (annexée à Pltalie par
Dioclétien).
Alpes Graise et Penninae.
Maxima Caesariensis.
Fia via Caesariensis.
Britannia prima.
Britannia secunda.
Valentia.
Baetia prima.
Rsetia secunda.
Noricum mediterraneum.
Noricum ripense.
Pannonia prima.
Pannonia secunda.
Savia.
Valeria.
Dalmatia.
Praevalitana.
Mœsia prima.
Dacia ripensis.
Dacia mediterranea.
Dardania.
Mœsia secunda ) annexées à la
Scytha ] Thracia.
Evacuée sous Aurélien (270-275).
Europa.
Thracia.
Haemimontus.
Rhodope.
Macedonia prima.
Macedonia secunda.
Thessalia.
Epirus nova.
Achaia.
Epirus.
Asia proconsularis.
Hellespontus.
Lydia.
Phrygia salutaris.
Phrygia pacatiana.
Caria.
Insularum provincia.
EMPIRE
- 952 -
PROVINCES
EN 117 APRÈS JÉSUS-CHRIST
Bithynia et Pontus.
Galatia.
Cappadocia.
Pamphylia et Lyciu.
Cilicia
Cyprus
Syria.
Arabia..
Armenia.
Mesopotamia.
Assyria. . .
^gyptus.
Creta.
et Cviviiaica. .
Africa.
Numidia.
Mauretania Caesariensis.
Mauretania Tingitana. .
DATE
DE LA FORMATION
74 av. J.-C.
accrue en 63 av. J.-C.
et 7 av. J.-G.
25 av. J.-C.
47 ap. J.-C.
25 av. J.-C, la Lycia
annexée en 43 ap. J.-C.
64 av. J.-C.
détachée de la Cilicia
en 27 av. J.-C.
64 av. J.-C.
405 ap. J.-C.
444 ap. J.-C.
445 ap. J.-C.
évacuée en 447, recon-
quise en 465 ap. J.-C.
445 ap. J.-C.
30 av. J.-C.
74 av. J.-C.
67 av. J.-C.
réunies en 27 av. J.-C.
446 av. J.-C.
46 av. J.-C.
province particulière à
partir de Septime Sévère
40 ap. J.-C.
40 ap. J.-C.
ADMINISTRATION
PROVINCES
VERS 400 APRÈS JÉSUS-CHRIST
sénatoriale ^
puis impériale <
après 435 ap. J.-C. 1
impériale
impériale
impériale jusqu'en 435 (
ap. J.-C.
puis sénatoriale (
impériale <
impériale de 27 à 22 I
av. J.-C.
puis sénatoriale
impériale
impériale
impériale
impériale
impériale
impériale
sénatoriale
sénatoriale
impériale
impériale
impériale
Bithynia.
Honorias.
Paphlagonia.
Helenopontus.
Pontus Polemoniacus.
Galatia prima.
Galatia salutaris.
Lycaonia.
Pisidia.
Cappadocia prima.
Cappadocia secunda.
Armenia prima.
Armenia secunda.
Pamphylia.
Lycia.
Cilicia prima.
Cilicia secunda.
Isauria.
Cyprus.
Euphratensis.
Syria prima.
Syria secunda.
Phaenicia prima.
Phsenicia secunda.
Palœstina prima.
Patestina secunda.
Palaestina tertia.
Arabia.
Evacuée en 447 ap. J.-C.
Osrhoëne.
Mesopotamia.
Evacuée en 447 ap. J.-C.
iEgyptus.
Augustamnica.
Heptanomis ou Arcadia.
Thebais.
Libya inferior.
Creta.
Libya superior.
Africa proconsularis.
Byzacena.
Tripolitana.
Numidia.
Mauretania prima ou Sitifensis.
Mauretania secunda ou Caesariensis.
Tingitana.
Italia divisée en onze régions
par Auguste
Venetia ou Histria
Italia Transpadana
Liguria
^milia
Etruria et Tuscia
Umbria
Picenum
Samnium
Bruttii et Lucania.
Apulia et Calabria.
Campania
Venetia et Histria.
Liguria.
iEmilia.
Tuscia annonaria.
Tuscia suburbicaria.
Flaminia et Picenum annonarium.
Valeria et Picenum suburbicarium.
Samnium.
Lucania et Bruttii«
Apulia et Calabria.
Campania.
— 953 —
EMPIRE
ces populations tous les degrés par lesquels on passe de la
barbarie la plus grossière à la civilisation la plus raffinée. »
L'œuvre des empereurs fut de rapprocher tous ces élé-
ments, de leur donner la cohésion, de faire régner la paix
à rintérieur durant deux siècles, donnant ainsi au monde
le bienfait inconnu avant et après lui de h paix romaine.
Nous passerons rapidement en revue les différentes parties
de Tempire romain, renvoyant pour les détails aux articles
consacrés à chaque pays (Espagne, Italie, etc.) et à chaque
province (Bétique, Lusitanie, Rétie, etc.). Le centre
politique et géographique était Tltalie. Epuisée par les
guerres de la conquête romaine et par les guerres sociales
et civiles du i^' siècle av. J.-C, elle avait plus souffert
que profité des colonies de vétérans. Tandis que Rome
s'encombrait d'une foule de mendiants, dans les campagnes
les pâturages remplacent les champs. La population ita-
lienne conserve encore ses privilèges. 11 n'y a plus de diffé-
rence entre Romains et Italiens. Ce qu'on appelle l'Italie,
c'est une série de villes libres romaines qui ne payent pas
de contributions foncières, ne fournissent pas à l'armée de
contingent régulier et par conséquent peuvent se passer
d'une administration commune. Seulement, comme la sou-
veraineté n'appartient plus au peuple, mais à l'empereur,
les Italiens seront progressivement assimilés aux autres
sujets. L'Italie, étendue jusqu'aux Alpes, est partagée sous
Auguste en onze régions qui, plus tard, servirent de base
à son organisation administrative. Les défauts des admi-
nistrations urbaines obligèrent à les priver de leur auto-
nomie. Elle subsista pourtant jusqu'au commencement du
second siècle; mais alors la justice était si mal rendue, les
finances mal gérées, la police mal faite, qu'il fallut pro-
céder à une réforme. Limitée d'abord au système judiciaire,
elle entraîna, vers l'an 300, la division de l'Italie en pro-
vinces ; la péninsule fut privée de son exemption d'impôts;
la région septentrionale entretint la cour de Milan ou de
Ravenne, la région méridionale (suburbicaria) entretint
la ville de Rome. On trouvera le détail des divisions de
l'Italie dans les tableaux ci-joints (pp. 951 et 952) auxquels
nous renvoyons de même pour tout ce qui concerne les
divisions administratives de l'empire romain.
Voici le tableau des grandes divisions administratives
de l'empire romain au commencement du second siècle :
PROVINCES SÉNATORIALES
Consulaires.
Asie.
Afrique.
Prétoriennes,
Bétique.
Narbonnaise.
Corse et Sardaigne.
Sicile.
Illyrie, de 27 à il av. J.-C.
Macédoine.
Achaïe.
Crète et Cyrène.
Chypre.
Bithynie (jusqu'en 35 ap. J.-C).
PROVINCES IMPÉRIALES
Consulaires,
Tarraconaise.
Germanie supérieure.
Germanie inférieure.
Bretagne.
Pannonie supérieure.
Pannonie inférieure.
Mésie supérieure.
Mésie inférieure.
Dacie.
Dalmatie.
Cappadoce (après Vespasien).
Syrie.
De plus, l'Egypte sous un préfet investi de la puissance
consulaire.
Prétoriennes,
Lusitanie.
Aquitaine.
Lyonnaise.
Belgique.
Galatie.
Pamphylie et Lycie (jusqu'en 135 ap. J.-C).
Cilicie.
Arabie.
Numidie.
Probablement aussi Arménie, Assyrie, Mésopotamie.
Alpes
r rucurauur wruivd ,
Maritimes.
Alpes
Cottiennes.
Alpes
Pennines.
Rétie (jusqu'à Marc Aurèle).
Norique (jusqu'à Marc Aurèle).
Thrace.
Epire
Maurétanie Tingitane.
Maurétanie Césarienne.
Et momentanément Cappadoce (avant Vespasien), Judée
(jusqu'en 70
ap. J.-C).
Voici enfin
, d'après Bœckine et Marquardt, le tableau
des divisions administratives romaines et des fonctionnaires
placés à leur tête vers l'an 400 ap. J.-C. :
PR^FECTUS PR^TORIO GALLIARUM
(3 diocèses, 29 provinces)
A. Vicarius Hispaniœ,
1. Consularis Bœticae.
2.
— Lusitaniœ.
3.
— Gallaecise.
4. Praeses Tarraconensis.
5.
— Carthaginiensis.
6.
— Tingitanae.
7.
— Insularum Balearium.
B.
Vicarius septem provinciarum.
1. Consularis Viennensis.
2.
— Lugdunensis.
3*.
— Germanise I.
4.
— Germanise IL
5.
— Belgicae I.
6.
— Belgicae IL
7.
Praeses Alpium Maritimarum.
8.
— Alpium Pœninarum et Graiarum.
9.
— Maximae Sequanorum.
10.
— Aquitanicae I.
11.
— Aquitanicae II.
12.
— Novempopulan*.
13.
— Narbonensis I.
14.
— Narbonensis IL
15.
— Lugdunensis IL
16.
— Lugdunensis III.
17.
— Lugdunensis Senoni».
C Vicarius Britanniarum,
1. Consularis Maximœ Csesariensis.
2.
— Valentiae.
3.
Praeses Britanniae I.
4.
— Britanniae IL
5.
— Flaviae Cœsariensis.
PR^FECTUS PR^TORIO ITALIE
(3 diocèses et 29 provinces, 30 en comptant le proconsulat
d'Afrique)
A. Vicarius Urbis Romœ,
1. Consularis Campaniœ.
2. — Tusciae et Umbriae.
3. — Piceni suburbicarii.
4. — • Siciliae.
5. Corrector Apuliae et Calabriae.
6. — Bruttiorum et Lucaniae.
EMPIRE
— 954 —
7.
Prseses Samnii.
8.
— Sardinise.
9.
— Corsicge.
10.
— Valerise.
B. Vicarius Italiœ,
4.
Consularis Venetiae et Histriœ.
2.
— iEmiliœ.
3.
— Ligurise.
4.
— Flaminiae et Piceni Annonarii.
5.
— Pannoniae II.
6.
Corrector Saviae.
7.
Praeses Alpium Cottiarum.
8.
— Rœtise I.
9.
— Raetise II.
10.
— Pannoniae I.
11.
— Dalmatiae.
12.
— Norici mediterranei.
13.
— Norici ripensis.
14.
Dux Valeriae ripensis.
C. Vicarius Africœ.
1.
Consularis Byzacii.
2.
— Numidiae.
3.
Praeses Tripolitanae.
4.
— Mauretaniae Sitifensis.
5.
— Mauretaniae Caesariensis.
Proconsul A fricœ (relewaint directement de Tempereur).
PR^FECTUS PR^TORIO ILLYRICI
(2 diocèses et 1 proconsulat, 12 provinces)
A. Le diocèse de Dacie est sous ses ordres directs, sans
vicaire spécial.
1 . Consularis Daciae mediterranese.
2. Praeses Mœsiae I.
3. — Praevalitanae.
4. — Dardaniae.
5. Dux Daciae ripensis.
B. Proconsul Achaïe.
C. Vicarius Macedoniœ
1. Consularis Macedoniae.
2. — Cretae.
3. Praeses Thessaliae.
4. — Epiri veteris.
5. — Epiri tiovae.
6. — Macedoniae salutaris.
PR^FECTUS PR^TORIO ORIENTIS
(5 diocèses et 46 provinces, 49 en comptant celles du pro-
consulat d'Asie)
A. Cames Orientis.
1. Consularis Palestinae I.
2. — Phœnices.
3. — Syriae I.
4. — Ciliciae.
5.
6.
Praeses
Cypri.
Palaestinae II.
7.
—
Palaeslinae salutaris
8.
—
Phœnices Libani.
9.
—
Euphratensis.
10.
—
Syriae salutaris.
11.
—
Osrhoënae.
12.
—
Mesopotamiae.
13.
Ciliciae IL
14.
Cornes rei
militaris Isauriae.
15.
Dux
Arabiae.
B. Prœfectus Augustalis,
1.
Corrector
Augustamnicae,
2.
Praeses
Arcadiae.
3!
—
^gypti.
4.
—
Thebaidos.
5.
—
Libyae superioris.
6.
—
Libyae inferioris.
C. Vicarius dioceseos Asiœ.
1. Consularis Pamphyliae.
2. — Lydiae.
3. Praeses Cariae.
4. — Lyciae.
5. — Lycaoniae.
6. — Pisidiae.
7. — Phrygiae Pacatae.
8. — Phrygiae salutaris.
D. Vicarius Ponticœ.
1. Consularis Bithyniae.
2. — Galatiae.
3. Corrector Paphlagoniae.
4. Praeses Honoriados.
5. — Galatiae salutaris.
6. — Cappadociae I.
7. — Cappadociae IL
8. — Helenoponti.
9. — Ponti Polemoniaci.
dO. — Armeniae I.
11, — • Armeniae IL
E. Vicarius Tkraciarum.
1. Consularis Europae.
2. — Thraciae.
3. Praeses Haemimonti.
4. — Rhodopae.
5. — Mœsiae IL
6. — Scythiae.
PROCONSUL ASI^
relevant directement de l'empereur; il avait sous ses
ordres :
1 . Consularis Hellesponti.
2. Praeses insularum.
Les îles italiennes avaient été annexées, dès le m® siècle
av. J.-C. La Sicile, pacifiée depuis longtemps et exploitée
à fond, à cause de sa richesse agricole, comprenait 68 com-
munes, dont une douzaine de colonies romaines. Les autres
conservaient leur constitution grecque. La Sardaigne, qui
fut alternativement province impériale et sénatoriale, était
entièrement regardée comme pays conquis et domaine de
l'Etat. Les communes étaient administrées par des préfets
que nommait le gouverneur romain.
L'Espagne ne fut définitivement soumise qu'en l'an 19
av. J.-C, dans les premières années de l'Empire. Le Sud
formant la province de Bétique était depuis longtemps pacifié ;
les richesses minières et agricoles y étaient grandes ; dans
le centre, les Celtibériens avaient été domptés; de ce
côté, les villes étaient rares. Au N.-O., les Gallaïques et
les Astures étaient contenus par deux légions; sur le
rivage du golfe de Gascogne, Astures et Cantabres
étaient de véritables sauvages, comparables aux Peaux-
Rouges. La Bétique et la partie limitrophe de la Tarra-
conaise étaient devenues complètement latines de mœurs et
de langue dès le premier siècle de l'Empire ; les routes,
l'immigration de milliers de colons romains, le service mi-
litaire agirent avec une telle rapidité que, dès l'an 75, on
put conférer à toute l'Espagne le droit latin (jus Latii),
Bientôt elles donnèrent à l'Empire deux de ses meilleurs
souverains, Trajan et Adrien.
La Gaule ne fut complètement organisée que par Auguste.
Dans les années 38 et 27 av. J.-C, il fallut encore com-
primer des révoltes de l'Aquitaine. La Narbonnaise, romaine
depuis un siècle, était docile; le reste forma trois pro-
vinces. Dans son ensemble, le pays comprenait 300 à 400
cantons qui furent groupés par Auguste en 64 cités ; il se
forma de grande villes, notamment la capitale commune,
Lyon, où le culte de l'empereur fut centralisé, ainsi que
l'administration financière des trois provinces. Sur la fron-
tière du Rhin, on détacha une large bande de territoire qui
forma les deux provinces de Germanie. Nous y reviendrons
en parlant de l'organisation des frontières. Sauf dans
l'Aquitaine, les Gaulois furent d'abord réfractaires à la
- 955
EMPIRE
civilisation romaine ; les peuplades avaient leurs privilèges
garantis par des traités particuliers et y tenaient, l'aris-
tocratie refusant l'octroi du droit de cité romaine. Mais, au
bout de deux générations, la résistance s'atténua ; plusieurs
régions demandèrent le droit de cité, et la romanisation,
favorisée par quelques colonies (Cologne,Trèves, Avenches),
s'accéléra.
Les pays alpestres doivent être classés à part. Les
Romains les avaient négligés, malgré les continuels actes
de brigandage des montagnards. Ceux-ci faisaient même
payer aux armées un tribut pour les laisser passer.
Auguste soumit, en 14 av. J.-C, les Alpes Maritimes et
leurs quatre cités des deux rives du Var (Cimiez, Vence,
Senez et Castellane). La province fut plus tard agrandie
au N. Dans les Alpes Cottiennes, le royaume de Cottius et
ses quatorze cités qu'il gouvernait furent de même incor-
porées à l'Empire. Comme les précédents, ils reçurent, dès
le 1®^ siècle, le droit latin. Dans les Alpes Pennines, la
population resta très indocile, mais fut mise à la raison
par Auguste; la province ne fut bien organisée qu'au
11^ siècle, comprenant le Valais avec quatre cités et une partie
de la Savoie jusqu'à la Tarentaise.
La Grande-Bretagne ne fut conquise que lentement.
Auguste y exerçait une sorte de protectorat. Claude com-
mença l'occupation qui fut achevée par Agricola, lequel
fortifia la frontière septentrionale, renonçant à conquérir
la pointe N. de l'île. 11 éleva des retranchements entre la
Clyde et le Forth. Plus tard, Adrien recula la frontière
au S. entre la Tyne et le golfe de Solway où il traça une
double ligne de" retranchements , celle du N. flanquée
de 80 redoutes. Antonin reporta la frontière au N. et
édifia des ouvrages en terre sur la ligne de ceux d'Agricola;
Septime Sévère revint au mur d'Adrien. La Bretagne ne fut
que peu latinisée.
Les provinces danubiennes furent ajoutées à l'empire
romain par Auguste. Elles s'étendaient entre les Alpes et
le fleuve. La Rétie allait jusqu'à l'Inn, comprenant l'E. de
la Suisse, le S. de la Bavière et le N. du Tirol actuel ;
elle fut conquise en l'an 15 av. J.-C. par Drusus et
Tibère. Les Romains y fondèrent quelques villes, surtout
Augusta Vindelicorum (Augsbourg). Elle conserva le carac-
tère de gouvernement militaire. Le royaume de Norique,
réduit en province à la même époque, conserva son auto-
nomie jusqu'à la fin du second siècle. 11 allait de l'Inn
au Kahlenberg (Catius mons) et correspond aux pays
actuels de Salzbourg, Carinthie, etc. Plus à l'E., la Pan-
nonie résista bien plus énergiquement que le Norique. La
conquête dura plus de quinze années (35-9 av. J.-C.) et
exigea de nouvelles campagnes de l'an 6 à l'an 9 de l'ère
chrétienne. La population indigène fut décimée, la plupart
des adultes tués ou vendus au loin. C'était le pays au N.
de la Saxe, compris dans le coude du Danube (Hongrie
occidentale); les Romains y créèrent plusieurs villes, Sir-
mium, Mursa (Eszeg), Aquincum (Ofen), Savaria (Szom-
bathely), Siscia (Siszek), Emona (Laibach), Vindobona
(Vienne) et d'autres. Cette province, subdivisée plus tard,
acquit une grande importance.
L'Illyrie comprenait la vaste région circonscrite par les
Alpes, le Danube, l'Adriatique, les Balkans et la mer
Noire. Ce nom avait été emprunté à l'ancienne ïllyrie
(Albanie septentrionale), assujettie vers l'an 167 av. J.-C.
La Dalmatie fut peu à peu subjuguée, définitivement par
Auguste. Ces farouches montagnards ne furent domptés
qu'après la défaite de leurs alliés les Pannoniens. Voisine de
l'Italie, la Dalmatie se romanisa ; les villes s'y multiplièrent,
surtout sur le rivage oii furent établies des colonies romaines.
L'ancienne Dalmatie englobait la Bosnie actuelle. — La
Mésie s'étendait entre le bas Danube et les Balkans. Elle
fut soumise en 29 av. J.-C. sans grande difficulté. On en
forma une province bornée à l'O. par la Drina ; plus tard,
elle fut subdivisée en Mésie supérieure (Serbie) et Mésie infé-
rieure à rO. du Ciabrus (Tzibritza). Les villes sont ou des
comptoirs grecs du littoral de la mer Noire ou des colonies
romaines comme Singidunum (Belgrade). Au m® siècle, ces
contrées deviennent prospères ; sur la rive droite du Danube
se multiplient les villes romaines qui sont encore les prin-
cipales aujourd'hui, Nicopolis, Sistova, Widdin. Le gou-
verneur de la Mésie inférieure représentait l'influence
romaine sur la côte septentrionale de la mer Noire. Les
colonies grecques de cette région étaient tributaires des
rois sarmates ; ceux-ci étaient sous le protectorat de Rome.
La ville de Tyras (Akermann) fit partie de la Mésie jusqu'en
237 ap. J.-C. Le royaume du Bosphore (Crimée) reconnut
l'autorité romaine jusqu'au iv® siècle ; ses princes plaçaient
sur la monnaie l'effigie de l'empereur régnant. Il y eut
même à Chersonesos une garnison romaine.
Au N. du Danube, fut organisée par Trajan la grande
province de Dacie, subdivisée sous Adrien en Dacie supé-
rieure à l'O. et Dacie inférieure à l'E., puis sous Marc
Aurèle en trois provinces. Les guerres de Trajan avaient
exterminé le peuple dace, et pour repeupler ce vaste terri-
toire compris entre le Dniester et la Temes, il fallut
appeler des colons de toutes les parties de l'Empire.^ Cette
œuvre est le plus extraordinaire succès de la colonisation
romaine. Bien que les Romains n'aient gardé le pays que
durant un siècle et demi, il y ont créé un peuple, le
peuple roumain, le seul qui ait gardé leur nom. Lorsque
Aurélien rappela les garnisons de la Dacie, il transporta
une partie des habitants sur la rive droite du Danube où
il transféra également le nom de Dacie.
Ou donne parfois le nom d'illyrie (lUyricum) à tout
l'ensemble des provinces danubiennes. Elles ont, en eff'et,
une physionomie commune. « Autant la vie romaine se déve-
loppait avec richesse et fécondité dans le groupe des pro-
vinces occidentales, autant sur cette pente des Alpes et de
l'aemus qui descendait du Danube, vers la barbarie germa-
nique et slave, les mœurs étaient encore grossières et vio-
lentes. Peu de villes, de colonies et de cités privilégiées,
mais des camps, des forteresses et, dans les peuplades
indigènes, l'habitude des armes rendue nécessaire par le
voisinage de l'ennemi. Cependant l'Illyricum deviendra une
des parties vitales de l'Empire, parce que ses habitants
conservent des mœurs guerrières au milieu des travaux de
la paix. De là, en etFet, sortirent les seuls grands princes,
Théodose excepté, qui arrêteront quelque temps la déca-
dence romaine, et le plus illustre des empereurs du Bas-
Empire, Justinien. » (Duruy.)
La Thrace, dont l'importance géographique est grande,
en raison de sa situation intermédiaire entre l'Europe et
l'Asie, était un des pays les plus réfractaires à la civili-
sation. Le rivage méridional, colonisé par les Grecs, était
tombé au pouvoir des Romains en même temps que la
Macédoine et avait été rattaché à cette province. La Cher-
sonèse fut la propriété privée d' Agrippa, puis, par héritage,
de la famille impériale. Dans l'intérieur, les tribus indigènes
résistaient à toute discipline. Les Romains leur firent une
guerre méthodique, les obligèrent tous à se soumettre sous
le nom d'aUiés et, après les avoir gouvernés par l'intermé-
diaire de princes indigènes, ils mirent à la tête des fonc-
tionnaires et réduisirent la Thrace en province (46 ap. J.-C).
Les cités grecques de la côte (Abdère, i^nos, Byzance,
Samothrace) furent déclarées libres. L'intérieur du pays
fut divisé en 50 stratégies entre lesquelles on groupa
les tribus. Des colonies romaines furent établies, des
villes créées ou relevées. Trajanopolis , PhiUppopolis ,
Hadrianopolis. Les progrès de la vie urbaine et de la pros-
périté furent grands au n® et au m® siècle, et la Thrace,
subdivisée en six provinces, était, au iv® siècle, une des
parties les plus peuplées et les plus riches de l'Empire.
La Macédoine s'étendait du Nestus (Kara-sou) à l'E. à
la mer Adriatique à l'O., jusqu'au Drin et au mont Scar-
dus (Tchar Dagh) au N., jusqu'à l'Œlta et au golfe Maliaque
au S. ; c'était le boulevard de la puissance romaine dans
cette région ; les anciens Macédoniens, divisés en quatre
districts, avaient été déclarés libres et gardaient leurs lois, .
leurs magistrats électifs, battant monnaie, percevant les
EMPIRE
— 956 —
impôts, qu'ils versaient aux Romains; de même, les cités
de Dyrrachium, Amphipolis, Thessalonique, étaient libres;
la première devint avec Pella, Philippis Cassandria (Poti-
dée), etc., une colonie romaine. La grande voie militaire
de la péninsule balkanique {via Egnatia) traversait la
Macédoine de Dyrrachium à Thessalonique, reliant l'Italie
à l'Orient. La ipaix assurée par la compression des bar-
bares voisins (Dardaniens, Thraces, lUyriens) ramenait la
prospérité dans ce pays.
L'Achaïe, l'ancienne Grèce, ne se relevait pas. Toutes
les confédérations avaient été dissoutes, au moins en tant
que pouvoirs politiques ; les cités étaient donc isolées ;
quelques-unes étaient libres (Athènes, Sparte, Delphes) ;
la plupart n'avaient aucun privilège. Rattachée d'abord à
la Macédoine, l'Achaïe ne devint province particulière
qu'en 27 av. J.-C. L'Epire lui fut rattachée momentané-
ment. Des colonies romaines furent fondées à Corinthe,
Patras, Actium (Nicopolis). Tandis que les pays occiden-
taux, Espagne et Gaule, et les provinces danubiennes tiraient
grand bénéfice de la domination romaine et développaient
une richesse matérielle et une civilisation urbaine qu'elles
n'avaient pas encore possédée, en Grèce, la ruine de la
la liberté politique acheva la ruine matérielle. La popu-
lation décrut sans cesse, les campagnes désertes se trans-
formaient en pacages; les îles n'étaient plus cultivées. Le
sort de l'Epire et des cantons montagneux du Nord fut
pire encore ; les tribus de cette zone retombaient dans la
demi-barbarie d'où Rome tirait les lUyriens et les Thraces.
L'Asie Mineure était autrefois et est restée jusqu'à la
conquête turque un pays très favorisé; les plateaux du
centre, les montagnes et les belles vallées du pourtour ont
abrité bien des royaumes et bien des races. Il acceptèrent
assez facilement la domination romaine qui, comme celle
des Perses, respectait leurs constitutions particulières. Au
début, les Romains n'occupèrent que les plaines occiden-
tales et les côtes, laissant à l'intérieur les dynasties natio-
nales qui leur obéissaient servilement. Ce n'est que len-
tement que celles-ci furent l'une après l'autre éliminées.
La première province était celle d'Asie, l'ancien royaume
de Pergame, comprenant l'ancienne Lydie avec la Mysie,
la Carie et les colonies grecques d'Eolide, lonie et Doride
(moins Rhodes, incorporée sous Vespasien). Les limites
vers l'E. changèrent à plusieurs reprises. Les communes
urbaines très nombreuses, on en comptait 500, furent
groupées en 44 districts ; beaucoup des cités avaient le pri-
vilège de l'autonomie. Ultérieurement, l'Asie fut morcelée
en sept petites provinces.— La Bithynie (du Rhyndacus au
Sangarius [Sakaria]) s'accrut à la mort de Mithridate du
Pont occidental jusqu'à l'Halys (Kyzyl Irmak), mais les
deux fractions conservèrent leurs institutions particulières ;
la première comprenait 12 cités, la seconde il cités;
quelques-unes jouissaient de privilèges, à titre de villes
libres ou de colonies. Les colonies étaient peu nombreuses
en Asie Mineure, car le pays n'avait guère résisté; les
armées y séjournèrent peu et on n'eut pas souvent d'occa-
sion d'y établir des vétérans. — Le royaume de Galatie,
réduit en province l'an 25 av. J.-C, comprenait de vastes
territoires, la Galatie proprement dite (Ancyre, Pessinonte,
Tavium), la Pisidie, la Phrygie orientale, la Lycaonie,
l'Isaurie, la Paphlagonie méridionale, une partie du Pont
(Amasia, Comana), et l'on y adjoignit encore momentané-
ment (63 ap. J.-C.) le Pont Polémoniaque, dont dépendait
la côte jusqu'à Trébizonde. La province renfermait deux
cités libres, Sagalassus et Termessus, plusieurs colonies
romaines, Iconium, Claudiopolis, Antioche de Pisidie, etc. ;
chacune des régions énumérées avait gardé son adminis-
tration propre avec sa métropole et son assemblée. —
Quand le royaume de Cappadoce devint province romaine
(17 ap. J.-C), on lui laissa son administration avec ses
onze stratégies ; la province fut agrandie plus tard par
l'annexion "du Pont, de la Petite- Arménie, enfin de la
, Lycaonie avec Iconium; elle confinait à l'Euphrate et au
Taurus. C'était un pays rural ; peu de villes ; aussi l'in-
fluence romaine fut-elle médiocre, bien moindre qu'en
Galatie. Au ii® siècle, les bords de la mer Noire, dans la
région caucasique, étaient rattachés à la Cappadoce, jus-
qu'à Pliasis et Dioscurias; dans les montagnes de l'inté-
rieur se maintenaient les petits princes indigènes, vassaux
peu fidèles. La Petite-Arménie {Armenia minor) compre-
nait la vallée supérieure de l'Euphrate avec Mélitène. Cette
province de Cappadoce avait une réelle importance poli-
tique, parce qu'elle était contiguë à l'Arménie et à la Cau-
casie. Nous en reparlerons à l'occasion de la défense des
frontières. Aux quatre anciennes villes (Tyane, Mazaca,
Ariarathia, Archelais), les Romains en ajoutèrent succes-
sivement une quinzaine d'autres. Aussi put-on subdiviser
la province en sept autres au iv® siècle ap. J.-C. — La
province de Lycie et Pamphylie date seulement de Vespa-
sien; la Pamphylie, annexée en 103 av. J.-C, avait été
réunie d'abord à la Cilicie, puis à la Galatie, et, quant à la
Lycie, elle demeura libre jusque sous Néron et sous Galba.
Les deux pays conservèrent leurs nationalités distinctes ; la
Lycie était une confédération de 23 cités, élisant ses fonc-
tionnaires. — La Cilicie ne fut bien nettement une pro-
vince particulière que depuis Adrien. Les Romains y lais-
sèrent vsubsister longtemps de petites dynasties locales ;
celle d'Elaiussa, possédant la Cilicie Trachée ; celle d'Olbe,
ancienne théocratie ; celle de Tarcondimotus, dans les
monts Amanus; six villes étaient fibres. Tarse, Ana-
zarbus, Corycus, Mopsus, Seleucia ad Calycadnum eXE^x^ ;
on cite do plus trois colonies romaines. La province de
Cilicie n'avait en somme aucune unité; on y rencontre
plus de douze ères différentes pour les supputations chro-
nologiques. — L'île de Chypre comprenait quinze cités ;
Paphos puis Salamine furent les principales.
La Syrie avait été morcelée d'une manière si compliquée
à cause des diff'érences de races ou des luttes locales que
la province de ce nom subit des remaniements continuels.
Les Syriens à demi hellénisés allaient jusqu'à Damas;
à l'E. et au S., on trouvait les Arabes, à l'O. les Phéni-
ciens, au S. les Juifs, parlant des langues différentes. Mais,
de plus, chacun de ces territoires nationaux comprenait des
villes helléniques; enfin un certain nombre de dynasties
locales se maintenaient sur des districts plus ou moins vastes.
Les Romains, se substituant aux Séleucides, respectèrent
à peu près ces divisions compliquées, ramenant graduelle-
ment l'unité. Aux villes, ils donnèrent une constitution
aristocratique censitaire, leur laissant l'administration et
la gestion de leurs revenus. Dans toute la région maritime,
ils favorisèrent et restaurèrent les villes, partageant le
pays en circonscriptions urbaines. Dans l'intérieur, au
contraire, ils utilisèrent les dynasties régnantes comme
agents responsables. Ces petits royaumes furent l'un après
l'autre annexés. Celui de Comagène (entre l'Euphrate, l'Ama-
nus et la Syrie), en 72 ap. J.-C; celui de Chalcis (entre le
Liban etl'Antiliban), vers 92 ap. J.-C; la tétrarchie d'Abi-
lène (versant oriental de l'Antiliban), en 48 ou 49 ap. J.-C;
le royaume d'Aréthuseet d'Emèse, sous Domitien; celui de
Damas, en 106 ap. J.-C— La Judée, organisée comme la
Syrie, redevint bientôt un royaume vassal, subdivisé en trois
lots à la mort d'Hérode(4 av. J.-C), réuni entre les mains
d'Hérode Agrippa en 41 ap. J.-C Mais, dès 44, il est
administré par des procurateurs romains, et les révoltes des
Juifs amènent leur extermination. En plein désert, dans
l'oasis de Palmyre, est une cité grecque que l'Empire
s'annexa vers l'an 106 av. J.-C. et qui prit une grande
importance au point commercial et stratégique. La Judée,
ou Syriœ Palœstinœ, fut à peu près toujours une pro-
vince particulière; la Syrie proprement dite fut divisée,
sous Septime Sévère, en Syria Cœle et Syria Phœnice,
la première comprenant le N. avec Antioche et la Coma-
gène, la seconde la Phénicie, Emèse, Damas, Palmyre,
VAuranitis, la Batanea, la Trac/iomifi'. Enfin, au temps
du Bas-Empire, ces trois provinces en formèrent sept. La
Syrie fut une des parties principales de l'empire romain,
par l'abondance de sa population, par sa richesse, par son
957 —
EMPIRE
originalité. L'élément romain \int s'ajouter aux autres,
syriaque, araméen, phénicien, hébreu, arabe, grec. —
La province d'Arabie comprenait la région de Bostra et de
Petra annexée par Trajan en 105 ap. J.-C.
Les provinces de l'Euphrate, disputées entre les Romains
et les Parthes, n'appartinrent qu'irrégulièrement à l'Empire.
L'Arménie, de l'Euphrate à la mer Caspienne, était un
royaume alternativement vassal de ses deux puissants voi-
sins. Elle ne fut réduite définitivement en province que par
l'empire byzantin. La Mésopotamie et l'Assyrie, conquises
par Trajan, furent évacuées par Adrien; mais Marc Aurèle
réoccupa la région septentrionale entre l'Euphrate et le
Tigre et rétabht une province de Mésopotamie; la zone
orientale, l'Osrhoëne, fut laissée à la dynastie indigène.
Des colonies romaines étaient établies à Ninive, Carrhes,
Singara, Edesse, Nisibis. En 363, celle-ci fut cédée aux
Perses par Jovien « et c'est là le premier exemple de
cession forcée de territoire qui nous ait été présenté par
l'histoire romaine ».
Des provinces africaines, la première était l'Egypte, le
plus ancien des Etats méditerranéens. Auguste lui fit une
place à part; elle fut considérée comme domaine des empe-
reurs et l'on prit de grandes précautions à son égard ; autant
tous les pays que nous venons de parcourir étaient hétéro-
gènes avec leurs cités, leurs cantons, de race, de lang,ue,
de mœurs différentes, leurs tribus rivales et ennemies,
autant ce vaste pays de sept ou huit millions d'àmes avait
l'homogénéité d'un Etat moderne. On lui laissa le système
administratif des Ptolémées; la langue grecque resta langue
officielle; le vice-roi relevant directement de l'empereur
prit la place des anciens rois ; les institutions religieuses
furent respectées soigneusement. La nationalité égyptienne
fut conservée, et l'on ne s'efforça nullement de la romaniser.
Cependant quelques villes grecques avaient leur constitution
particulière, et Alexandrie fut aussi traitée à part.
Les anciens ne comptaient dans l'empire romain que
quatre provinces africaines : la Cyrénaïque, l'Afrique, la
Numidie, la Maurétanie ; en effet, ils rattachaient l'Egypte
à l'Asie et, pour l'administration romaine, cette opinion
prévalut encore au iv*^ siècle. La Cyrénaïque était séparée
de l'Egypte par les terrasses presque désertes du Cata-
bathmus; ces solitudes de la Marmarica furent cependant
conquises et leurs nomades habitants rattachés à la pro-
vince de Cyrénaïque, de même que l'île de Crète. La Cyré-
naïque était en décadence; la Crète également. — L'Afrique,
(aujourd'hui Tunisie et Tripohtaine), c.-à-d. l'ancien terri-
toire de Cartilage, fut agrandie en 25 av. J.-C. par
l'annexion de laNumidiequi s'étendait jusqu'à l'Ampsaga;
celle-ci devint une province particulière sous Septime
Sévère ; sous Dioctétien, on détacha de l'Afrique la Byza-
cène et la Tripolitaine. Les tribus berbères avaient conservé
une partie de leur autonomie ; l'élément phénicien demeu-
rant prépondérant dans la province d'Afrique, la religion
et surtout la langue persistèrent. Toutefois, l'élément ro-
main acquit beaucoup d'importance, et Carthage devint le
centre d'une civilisation latino-africaine très curieuse. En
Afrique et en Numidie, les colonies romaines furent, au
temps de Pline, au nombre de six, plus quinze villes ayant
le droit de cité romaine et trente villes libres. — La Mau-
rétanie, royaume vassal, ne fut annexée qu'en 40 ap. J.-C.
On en forma deux provinces; un grand nombre de colonies
y furent fondées, et la civilisation romaine y a laissé des
traces profondes.
Les frontières. Une des premières tâches de l'Empire
fut l'organisation des frontières. Il définit son territoire et
en assura la défense contre l'ennemi extérieur. Auguste
s'efforça de lui donner des frontières naturelles, cours d'eau
ou montagnes, et, dans son testament, il conseilla de s'en
tenir là. Les guerres de conquête cessent donc ; la politique
sera surtout défensive. Cependant Claude annexa la Bre-
tagne, Trajan la Dacie et la Mésopotamie. Mais on revint
ensuite à la tradition du fondateur. On s'efforça d'avoir
une frontière continue, protégeant l'Empire soit par des
barrières naturelles, soit par des retranchements. Comme
l'indique Marquardt, le but semble avoir été d'isoler l'Em-
pire, non moins que de le défendre. « Ces retranchements
étaient tels qu'ils semblaient avoir pour objet moins de
défendre les frontières contre une invasion nombreuse que
d'empêcher en général toute communication. Dans une vue
semblable, on imposa entre autres conditions de paix aux
tribus des Quades, des Marcomans, des lazyges et des
Buriens qui habitaient au-dessus du Danube l'obHgation de
laisser au N. de la frontière un certain nombre de milles
inhabités et déserts, même de n'avoir aucun bateau sur le
fleuve, alors que la flottille romaine du Danube surveillait
les communications par eau ; et la rigueur de la police
exercée aux frontières au regard des personnnes et des
marchandises apparaît dans des cas nombreux appartenant
à des époques très différentes, d'où l'on peut conclure à
l'existence de certaines règles appliquées pendant toute la
durée de l'Empire. Les étrangers ne peuvent franchir les
frontières que de jour, après avoir déposé leurs armes et
sous une escorte militaire qu'ils doivent payer; de temps
en temps même l'accès des frontières était interdit à
quiconque n'apportait pas des dépêches à l'empereur. Au
contraire, la circulation des marchandises est libre, mais
sous certaines conditions. » Les précautions prises pour
isoler l'Empire des pays voisins contribuent à manifester
son homogénéité, derrière ses frontières, naturelles ou
artificielles.
Au N., en Europe, c'est la ligne du Rhin et du Danube
qui le sépare des peuples germains et slaves. Les marécages
des bouches du Rhin étaient gardées par les Bataves, vas-
saux des Romains. A la hauteur de Cologne, grande colonie
et place d'armes, Agrippa avait cantonné les Ubiens et les
Tongres, ennemis des Suèves et des Cattes, qui défendront
le passage du fleuve. Sur la répartition des forces militaires
dans l'Empire, nous renvoyons aux art. Armée romaine et
Auguste. A partir de l'embouchure du Main, la frontière
passait sur la rive droite du Rhin et un retranchement allait
joindre le coude du Danube, couvrant les Champs décu-
mates (V. t. XIII, p. 1097). A partir de ce point la frontière
suivait le Danube jusqu'à la mer Noire, sauf pendant la
période où fut constituée au N. du fleuve la province de
Dacie (V. ce mot). De fortes colonies romaines avaient été
établies dans cet angle saillant de la Pannonie, dans les
vallées de la Save et de la Drave, de manière à couvrir
l'ItaHe du côté vulnérable. Sur le Danube même nous trou-
vons les places de Taurunum (Semlin) et Sirmium, puis les
villes de la Mésie. Nous avons déjà indiqué sommairement
l'extension de l'influence romaine autour de la mer Noire.
— En Asie, la frontière était flottante ; l'ascendant de
l'Empire s'étendait sur les pays du Caucase, mais non sur sa
domination directe. L'Arménie lui échappa plusieurs fois.
Nous avons dit comment la Mésopotamie fut disputée avec
les Parthes, puis les Perses. La hmite de la Syrie était le
désert, Palmyre servant d'avant-poste. — En Afrique, de
même, la frontière méridionale est formée par le désert;
on avait multiplié les postes au débouché des vallées. Pour
toutes ces questions des limites précises et successives de
chaque province, il faut se reporter aux articles spéciaux
(Syrie, Egypte, etc).
Les voies romaines. Au point de vue stratégique, la
défense de l'empire romain n'était pas seulement assurée
aux frontières ; les mesures prises de ce côté furent com-
plétées par la construction d'un vaste réseau de routes,
routes militaires d'abord, mais qui servirent à tous les
besoins d'une circulation d'hommes et de marchandises de
plus en plus active. On lira dans l'art. Route la descrip-
tion des voies romaines qui sont encore un des témoignages
les plus persistants de la grandeur de l'Empire. Ici nous
ne nous en occuperons qu'au point de vue politique. L'im-
portance de ces grandes voies était telle qu'Auguste s'en
fit attribuer l'administration par une loi spéciale (20 av.
J.-C). Il lui donna un grand développement. Toutes par-
taient de Rome, du Milliaire d'or que l'empereur fit
EMPIRE
958 -
ériger au Forum ; de là elles rayonnaient vers les extré-
mités de l'Empire. On discerne cinq réseaux principaux.
Par la voie Appienne, on se rendait en Campanie, puis dans
l'Italie méridionale jusqu'à Rhegium ; de là on passait en
Sicile et la route longeait la côte septentrionale de l'île,
par Palerme, gagnant Lilybée; on s'y embarquait pour
Carthage d'où partaient deux grandes routes, dont l'une fut
prolongée jusqu'à Tingis (Tanger) vers l'Atlantique, l'autre
jusqu'à Alexandrie en Egypte. D'Alexandrie, deux voies
remontaient le long des deux rives du Nil jusqu'à la fron-
tière éthiopienne ; une troisième chaussée traversait l'isthme
de Suez et par la Palestine et la Syrie arrivait à Antioche.
— Ceux qui voulaient de l'Italie passer dans les provinces
orientales suivaient la voie Appienne jusqu'à Capoue, bifur-
quaient alors vers le S.-E. et allaient à Brundusium, tra-
versaient l'Adriatique et débarquaient à Dyrrhachium. Ce
port grec était la tète de la belle voie Egnatia qui, par la
Macédoine, gagnait Thessalonique ; deux embranchements
se dirigeaient par la région occidentale et la région orien-
tale de la péninsule hellénique et se réunissaient à Athènes
où ils se reliaient au système routier du Péloponèse. De
Thessalonique, la voie maîtresse continuait le long du rivage
de la mer Egée, par les villes grecques de Thrace vers
Byzance d'une part et Callipolis de l'autre. La grande route
des armées était celle-ci : elle franchissait l'Hellespont
entre Callipolis et Lampsaque, traversait toute l'Asie
Mineure pour aboutir à Antioche. — Trois réseaux routiers
mettaient en communication Rome avec les contrées septen-
trionales. Par la voie Flaminia, on allait en Ombrie et vers
Ancône; ensuite la voie ^Emilia ramenait vers le N.-O. à
Milan. De celle-ci se détachait à Mutina (Modène) une
chaussée qui conduisait à Aquilée par Vérone ; une autre
partie de Milan, atteignait le même but par Bergamum et
Brixia, rejoignant la précédente à Vérone. Du grand marché
et poste militaire d'Aquilée partaient une série de routes ;
celle de la Dalmatie qui, par Pola et les côtes orientales de
l'Adriatique, se dirigeait vers Dyrrhachium; celle de la
péninsule balkanique qui passait par Siscia, Sirmium, Sar-
dique et Andrinople pour aboutir à Byzance et s'y rattacher
aux routes de l'Asie Mineure ; enfin celle de la Pannonie
dont l'extrémité était Carnuntum (en face du confluent de
la March et du Danube), d'où l'on allait à l'E. vers Aquin-
cum (Ofen), à rO. vers l'Enns. L'affermissement de la
domination romaine dans les Alpes centrales décida la
construction de nouvelles routes ; l'une d'Aquilée à Veldi-
dena (Wilden) sur l'Inn, franchissait les Alpes Carniques.
Mais la grande voie était celle du Brenner, dont la tête
était Vérone et l'aboutissant Augusta Vindelicorum
(Augsbourg) ; cette ville était rattachée à Ratisbonne et
Enns (et par là à Carnuntum) vers l'E., à l'O. avec les
établissements romains des bords du Neckar (Champs décu-
mates), enfin au S.-O., avec ceux du lac de Constance
desservis par la route de Milan et du col du Splugen vers
Bregenz et Augusta Rauracoriim (vVugst-Bâle). — Les
relations entre l'Italie et la Gaule se faisaient par l'intermé-
diaire de Milan et de Turin. Les voies romaines principales
étaient celle du mont Genèvre, par où l'on se rendait à Arles ;
celle du Petit-Saint-Bernard qui menait à Vienne, à Genève,
à Besançon et à la vallée moyenne du Rhin; celle du
Grand-Saint-Bernard qui se détachait de la précédente à
Augusta Prœtoria (Aoste), passait par Martigny, Vevey,
Augusta Rauracorum, et la rive gauche du Rhin jusqu'à
Moguntaciacum (Mayence) ; on la prolongea par Trêves,
Cologne, Nimègue, Utrecht, jusqu'à la mer du Nord, et,
dans un autre sens, vers Reims, la grande place de la
Gaule septentrionale, reliée à la vallée de la Seine par
Paris et Rouen, à celle de la Loire par Orléans, enfin à
celle du Rhône par Lyon ; de Lyon, centre de la Gaule
entière, d'autres routes joignaient Strasbourg et Bordeaux.
— La dernière grande route militaire de l'Italie était la
voie Aurélia qui longeait le rivage de la mer Tyrrhénienne,
par Centumcellse, Pise, Luna, Gênes, puis suivant le trajet
de la Corniche conduisait à Marseille et Arles. De là elle
allait à Narbonne, avec embranchejnent sur Bordeaux ; elle
franchissait les Pyrénées à Juncaria^ se rendait à Bar-
celone, Tarragone, Tortose où elle passait l'Ebre pour
suivre la côte méditerranéenne jusqu'à Gades (Cadiz).
En somme, les cinq réseaux que nous venons de décrire
sommairement, rattachaient la capitale de l'Empire à
l'Afrique, à l'Orient hellénique, aux pays danubiens, à la
Gaule, à l'Espagne. Leur raison d'être essentielle était le
transport rapide des légions d'un point à l'autre des pro-
vinces. La faiblesse numérique de l'armée romaine était
compensée par cette mobilité. Nous avons déjà dit que ce*
routes furent aussi utilisées pour le commerce et servirent
au développement de la poste, institution publique créée
par le fondateur de l'Empire (V. Route, Commerce, Poste
et Auguste).
Fondation de l'Empire. — Les faits relatifs à la
fondation de l'Empire ont été exposés dans l'art. Auguste
(V. aussi l'art. César). Nous n'y reviendrons que très
brièvement . On a dit comment le vainqueur d'Actium trans-
forma les institutions républicaines et s'efforça de dissi-
muler le principe monarchique. L'empire romain des pre-
miers siècles, que l'on désigne sous le nom de Haut-Empire,
n'est pas à proprement parler une monarchie. Mommsen
l'a désignée sous le nom de dyarchie, faisant allusion au
partage de l'autorité entre l'empereur et le Sénat (V. ce
mot). Le terme usuel fut celui de principat. Nous en dé-
crirons plus loin les principes et l'organisation (V. le § V Or-
ganisation de l'Empire).
Histoire du Haut-Empire. — Octave, décoré du
nom d'Auguste en 27 av. J.-C, consacra sa vie à l'orga-
nisation du nouvel empire. Sous la forme qu'il lui donna,
celui-ci dura environ trois siècles, jusqu'à la grande ré-
forme politique et administrative de Dioclétien. Ces trois
premiers siècles embrassent la durée du Haut-Empire
ainsi nommé pour le distinguer du Bas-Empire, On y peut
marquer plusieurs divisions : la période des douze Césars
ou du premier siècle ; la période des Antonins ou du second
siècle ; la période des princes syriens, et enfin la période
de l'anarchie et des empereurs illyriens.
La période des douze Césars comprend deux groupes de
souverains, d'abord ceux de la famille Julienne et Clau-
dienne (Jules César, Auguste, Tibère, Caligula, Claude,
Néron) ; à la fin, ceux de la famille Flavienne (Vespasien,
Titus, Domitien). Entre ces deux dynasties s'intercalent
les règnes de trois empereurs éphémères (Galba, Othon,
Vitellius). Auguste, lorsqu'il eut pris possession officielle
du pouvoir impérial (27 av. J.-C.) et ordonné l'adminis-
tration provinciale, d'accord avec le Sénat, fut un des princes
les plus actifs qu'ait possédés l'Empire. En dehors de son
travail d'organisation politique et administrative, de la
réforme complète de V armée romaine (V. ce mot), des
réformes financières, de la réforme religieuse, de la protec-
tion éclairée donnée aux lettres et aux arts, de ses grands
travaux publics, il eut une politique extérieure méthodique,
poussant l'Empire jusqu'à ses frontières naturelles. La
conquête de l'Espagne fut achevée par la défaite des Can-
tabres, et les Alpes gauloises pacifiées par celle des Salasses;
l'Afrique par celle des Gétules et l'institution du royaume
de Maurétanie. Après une première série de voyages qui
achèvent l'œuvre de la fondation du gouvernement impé-
rial, Auguste, pour faire jouir ses sujets de la paix romaine,
travaille à la frontière. Du côté de TEuphrate, il établit en
Arménie un roi vassal, intimide les Parthes ; il noue des
relations avec l'Inde. Les Ethiopiens sont vaincus sur le
haut Nil; les nomades africains soumis ou châtiés. Les
grandes difficultés se trouvaient en Europe, sur la frontière
septentrionale du monde romain. On se trouva aux prises
avec une race dont l'entrée dans l'histoire était récente, la
race germanique, et les mesures prises à ce moment furent
décisives pour l'histoire de l'empire romain. On débuta
par la conquête du massif alpestre et des vallées qui en
descendent jusqu'au Danube. La soumission des Rètes, des
Vindéliciens, des Pannoniens, des Dalmates, la formation
- 959 -
EMPIRE
d'une série de nouvelles provinces et la création de puis-
santes colonies militaires ont été indiquées. La Germanie
fut alors attaquée à la fois du côté du Danube et du côté
du Rhin. Du côté du Danube, on se heurta au royaume des
Marcomans ; du côté du Rhin aux Sicambres, aux Bruc-
tères, aux Cattes, aux Chérusques. La Germanie fut
conquise jusqu'à l'Elbe. L'expédition décisive contre les
Marcomans fut arrêtée par le soulèvement de la Panno-
nie et de la Dalmatie. A peine celui-ci fut-il comprimé que
la Germanie du Nord s'insurgea ; le massacre des légions
de Varus rejeta les Romains sur le Rhin. La conquête de
la Germanie était manquée (V. Auguste et Germanie). Les
dernières années du règne d'Auguste furent occupées par
la question de sa succession ; ses grands collaborateurs
militaires, Agrippa, Drusus et Tibère, avaient été tour à
tour ses successeurs désignés ; la mort prématurée de ses
petits-fils laissait la place libre au dernier.
Auguste, qui avait régné de l'an 30 av. J.-C. à l'an 14
ap. J.-C., eut donc pour successeur son beau-fils Tibère
(14-37). Celui-ci continue la politique d'Auguste, sans
remédier aux défauts de la première organisation de l'Em-
pire. L'aristocratie romaine n'avait pas de motif de con-
sidérer comme une institution définitive le principal, dont
le mode de succession n'était pas réglé ; l'équivoque, résul-
tant du maintien des formes républicaines, pèsera sur tout
le premier siècle de l'Empire et sur les douze Césars dont
la moitié auront une fin violente et qui tous seront en
butte à des conspirations à Rome et à des soulèvements
de l'un ou l'autre des groupes de leur armée permanente.
Tibère fut d'abord menacé par la rivalité de Germanicus.
Après sa mort (19), celle du fils de l'empereur, Drusus
(23) isole l'empereur qui devient de plus en plus ombra-
geux et cruel. C'est l'époque des délateurs ; la loi de
majesté devient une arme terrible. D'autre part, la con-
centration de la garde prétorienne met Rome et l'Empire
à la merci d'une troupe de mercenaires. En revanche,
l'administration de Tibère fut remarquable, surtout au
point de vue de la gestion financière. Sa politique exté-
rieure fut habile ; il contint les Germains en les divisant
et n'eut pas de grande guerre.
Caligula (37-41), fils de Germanicus, était un aliéné;
après d'heureux commencements, il tourne mal ; ses atroces
cruautés, ses folies mettent en relief la bassesse des Romains
de son temps; cette capricieuse tyrannie finit par l'assas-
sinat du maître. Après une vaine tentative pour restaurer
la liberté républicaine, on lui donne pour successeur le
timide Claude (41-54), son oncle. Celui-ci remet le gou-
vernement à ses affranchis, réalise de grandes améliora-
tions dans la législation civile. Il signale son règne par la
conquête de l'île de Bretagne, les progrès de la colonisa-
tion romaine vers le Rhin et le Danube. Ridiculisé par
Messaline, sa première femme, dans ses dernières années,
il est dominé par la seconde, Agrippine, qui élève au trône
son fils ^'éron (54-68). Celui-ci eut d'abord cinq bonnes
années (quinquennium Neronis) ; à l'extérieur, la guerre
parthique assure la prépondérance romaine en Arménie.
Mais, arrivé à l'âge d'homme, Néron s'abandonne à tous
les excès. Il désorganise les finances ; les folies criminelles
de cet histrion couronné provoquent une série de soulève-
ments, au nom du Sénat. Néron est tué et remplacé par
Galba qui a été proclamé en Espagne.
La mort du dernier prince de la famille des Césars crée
des dangers nouveaux. Menacé par les conspirateurs, Tibère
s'était mis sous la protection de la garde prétorienne. Ces
mercenaires avaient disposé de l'Empire; mais, lorsque la
famille des Césars est éteinte, les légions des provinces
n'ont plus de raison pour accepter l'élu des prétoriens,
celui à qui ils vendaient la monarchie ; chacune des armées
songe naturellement à porter au pouvoir son chef. On
revient aux révolutions militaires qui avaient désolé le
dernier siècle de la république romaine. En dix-huit mois,
trois empereurs vont se succéder et tomber au profit d'un
quatrième. Galba (68-69) ne règne que sept mois ; les
prétoriens l'égorgent et intronisent OthoUy qui ne gardera
l'Empire que quatre-vingt-huit jours. Les légions de Ger-
manie amènent leur chef Vitellius, dont la victoire de
Bédriac assure le triomphe. Il ne voit dans l'Empire qu'une
proie et ne laissera d'autre souvenir que celui d'une insa-
tiable gloutonnerie. Les légions d'Orient proclament Ves-
pasien, qui dirigeait la guerre de Judée; celles d'Illyrie
l'acceptent, écrasent les soldats de VitelHus près de Cré-
mone, puis à Rome.
Vespasien (69-79), le premier empereur plébéien, est
le fondateur d'une nouvelle dynastie, celle des Flaviens,
qui durera peu, mais réorganise l'Empire. Il achève la
soumission de la Gaule insurgée à la mort de Néron, par
la défaite des Bataves, et il extermine dans Jérusalem les
Juifs qui avaient tenté une lutte suprême pour l'existence
nationale. Il renouvelle la noblesse romaine en ajoutant
aux deux cents génies romaines, mille familles italiennes
ou provinciales. Le Sénat, avili par les tyrans de la géné-
ration précédente, reprend sa place dans le système impé-
rial. Son économie sévère répare les désastres des années
antérieures. Il multiplie les colonies et les fondations de
villes. Titus (79-81) règne juste assez pour laisser un
souvenir de bonté qui contraste avec la cruauté soupçon-
neuse de son frère et successeur, Domitien (81-96). Ses
guerres défensives contre les Germains furent sans gloire.
11 fit construire le retranchement qui couvrait les Champs
décumates entre le Rhin et le Danube ; mais il paya tribut
aux Daces. Les dépenses énormes de ses constructions et
de ses spectacles épuisent le trésor laissé par Vespasien ;
« le besoin le rendit avide et la peur le rendit cruel ». Il
fut assassiné. Comme tant d'autres, tyran abominable dans
Rome, il fut pour les provinces un administrateur vigi-
lant et bienfaisant.
Après la dit parition des Flaviens, s'ouvre pour l'empire
romain une ère nouvelle, celle des empereurs provinciaux
se recrutant par 'e système de l'adoption. Ce fut la
période la plus prospère de l'empire romain. Le court
règne de Nerva (96-98) l'inaugure. M. Duruy en a très
bien marqué le caractère et celui de la première époque
« Dix empereurs se sont partagés les quatre-vingt-deux
années écoulées entre l'avènement de Tibère et celui de
Nerva. Cinq provenaient de l'hérédité ; cinq de l'élection
des soldats ; l'une donnait par exemple Caligula et Néron ;
l'autre Claude et Vitellius. D'après leurs résultats, les deux
systèmes se valaient. C'est qu'ils différaient seulement par
les apparences. Qu'Othon achetât l'Empire aux prétoriens ou
que Domitien héritât de son père, il importait peu. Le prince,
de quelque façon qu'il le fût devenu, était maître sans
partage dans un pays qui n'avait cependant pas supprimé
toute trace de ses institutions libres, et dans un temps où
l'on se souvenait encore du peuple, du Sénat, des comices
avec leurs magistrats annuels et responsables. Ainsi la
la forme du pouvoir était en contradiction avec les mœurs
et les traditions, deux grandes forces qui veulent être mé-
nagées ; mais elle paraissait d'accord avec une autre puis-
sance dont il faut tenir compte : les intérêts, car partout
régnait un immense besoin de paix et d'ordre public. Il y
avait donc, pour cette société, deux questions très diffé-
rentes ; l'une, politique qui se débattait à Rome, et malheu-
reusement aussi dans les camps, le plus souvent au milieu
de péripéties sanglantes : celle de l'avènement, du maintien
ou de la chute du maître ; l'autre économique, qui était le
seul souci des provinciaux : la paix sans concussions ni
violences, la sûreté des routes et l'activité du commerce,
sans impôts trop lourds. Auguste et Vespasien avaient
satisfait à ce double besoin ; sous eux, Rome avait été
tranquille, la loi de majesté oubliée, le licteur sans emploi,
et il y avait eu : à l'armée, de la discipline, dans les
provinces, du bien-être; dansl'Etat, les formes extérieures
de la liberté; mais ces biens provenaient de la sagesse de
deux hommes, non des institutions, et ils passèrent avec
eux. » Au n^ siècle, il n'y a pas de transformation radicale,
mais une amélioration sensible. Cinq princes vont régner
EMPIRE
— 960 -
durant quatre-vingt-cinq années et aucun ne mourra de
mort violente. Ils continuent pourtant la même politique
générale que leurs devanciers, mais en la perfectionnant.
C'est vis-à-vis de l'aristocratie romaine que leur plan de
conduite est différent. Ils ne la jalousent plus, mais au
contraire l'entourent d'égards. Décimée par les tyrans,
reconstituée par Vespasien, elle se groupe autour du sou-
verain. « Ses membres remplissent à ce moment toutes
les hautes charges de l'Etat. Sans rendre aux grands le
pouvoir, les Antonins paraîtront gouverner avec eux et
pour eux. Ils feront des patriciens afin de tenir cette
noblesse au complet. Cela suffira pour des ambitions deve-
nues modestes : l'aristocratie qui était contre les Césars,
même encore contre les Flaviens, en état de conspiration
permanente, ne formera plus que de rares complots dont
pas un ne réussira ; et le Sénat qui croit avoir recouvré à
jamais le droit de nommer le magistrat suprême de la
République fera frapper des médailles avec cette légende :
Libertas restituta, » Ce sont en effet les sénateurs qui
désignèrent Nerva. Trop faible pour gouverner, son grand
mérite est d'avoir adopté Trajan.
Traian (98-117), natif d'Espagne, général éraérite, fut
le dernier des empereurs conquérants, à vrai dire le seul
depuis Auguste; il conquit la Dacie et porta la frontière
romaine aux Carpates et au Dniester; il la colonisa et
prépara le peuple roumain ; il annexa l'Arabie septentrionale
à la fin de son règne et il faillit détruire la monarchie des
Parthes, subjuguant momentanément la Mésopotamie jus-
qu'au golfe Persique. Ce ne sont pas là ses seuls titres :
son œuvre législative et administrative est considérable,
sans parler de l'institution alimentaire au profit des
enfants. Ses tendances humanitaires ne sont pas moins
remarquables que son esprit de justice. Son règne est mar-
qué par de nouveaux progrès de la centralisation adminis-
trative. — Adrien (117-138), fils adoptif de Trajan, fut
aussi pacifique que son prédécesseur avait été belliqueux ;
ce fin lettré fut un excellent prince, qui consacra presque
tout son temps aux provinces. Sauf dans les dernières
années, il passa son règne à voyager à travers l'Empire,
étudiant sur place les besoins de chaque région et de
chaque cité. Sa politique extérieure reposa sur le régime
subsidiaire et la fortification des frontières ; il replia les
légions à l'abri de frontières nettement délimitées, et au
delà il pensionna les rois barbares afin de s'assurer de
leur fidéUté. Les places fortes qu'il éleva, surtout le long
du Danube, seront pendant deux siècles les boulevards de
l'empire romain. A aucune époque l'ensemble des pays
méditerranéens n'a été aussi tranquille et aussi prospère
qu'en cette apogée de l'Empire. La réorganisation du con-
silium principis, le recrutement de l'administration cen-
trale parmi les chevaliers romains et non plus parmi^ les
affranchis, donnent au régime impérial le caractère d'une
grande monarchie centralisée et lui assurent les avantages
du gouvernement impersonnel. A cet égard Adrien prépare
le Bas-Empire, la centralisation administrative et la hiérar-
chie bureaucratique qu'il a légués à l'Europe moderne. —
Antonin (138-161) laisse se détendre les ressorts tendus
par Adrien ; son excessive bonté et la sécurité complète dont
jouit alors l'Empire lui valurent une immense popularité ;
son œuvre législative est considérable. — Il eut pour suc-
cesseur son gendre, Marc Aurèle (161-180). Ce stoïcien
vit reparaître le danger à la frontière. Les Parthes furent
défaits, l'empereur lui-même dirigea sur le Danube une
interminable guerre contre les barbares et réussit à arrêter
une invasion dangereuse et dévastatrice. Son associé au
trône, Lucius Verus, ne régna que de mm, — Commode
(180-193), fils et successeur de Marc Aurèle, se comporta
en gladiateur couronné. Avec lui finit la période bénie des
Antonins. Il fut assassiné.
Il y eut alors une période de troubles et de guerres
civiles acharnées, pire que celles qui avaient suivi la mort
de Néron. Le grave Pertinax (193) fut bientôt égorgé
par les prétoriens : ceux-ci vendirent l'Empire à Didius
Julianus, Mais les légions de Syrie proclamèrent empereur
Niger, celles de Bretagne Albinus, celles de Pannonie
Septime Sévère. Ce dernier l'emporta ; reconnu à Rome,
il défit Niger en Asie, puis Albinus, avec qui il avait
d'abord partagé l'empire à Trévoux (196). — Septime
Sévère (193-211), bien que d'origine africaine, est le pre-
mier des empereurs orientaux : sa femme était Syrienne et
exerça une grande influence. Ce fut un prince sévère et
énergique qui fit de grandes réformes ; il dépouilla l'Italie
de la plupart de ses privilèges, donna une grande impor-
tance au préfet du prétoire ; le travail législatif fut consi-
dérable. Néanmoins ce fut avant tout un prince militaire,
et le militarisme acquit alors une prépondérance qui ne fut
pas une des moindres causes de la ruine de l'Empire au
111^ siècle. Les fils de Septime Sévère, Caracalla et Géta,
régnent ensemble sous la tutelle de leur mère syrienne,
Julia Domna. Caracalla égorgea son frère et régna seul
(212-217). Son grand acte fut l'extension du droit de
cité romaine à tous les habitants libres de l'Empire. Il
marque le terme du travail d'assimilation progressive des
vaincus aux vainqueurs. Il combattit avec succès les Ala-
mans et les Parthes. Il fut assassiné et remplacé par Macrin
(217-218). Les princesses syriennes, Julia Domna, Julia
Mœsa, Soœnias et Mammée renversent celui-ci au profit d'un
jeune prêtre d'Emèse, Elagabal (218-222). Cet enfant,
n'ayant d'autre souci que la propagande de son dieu, tente de
donner à Rome une nouvelle religion officielle ; ses débauches
le déconsidèrent; Mœsia et Mammée le remplacent par son
cousin, le doux Alexandre Sévère (222-235), sous le nom
duquel gouverne le grand jurisconsulte Ulpien. On réalise
une réforme grave en séparant dans l'administration pro-
vinciale l'autorité militaire de l'autorité civile. Alexandre
Sévère rêve des réformes religieuses et cherche à faire
prévaloir le syncrétisme qui amalgamerait toutes les
croyances et tous les cultes. Après une guerre contre les
Perses, il est assassiné par le soudard Maximin, un géant
d'origine gothique. Celui-ci n'est même plus un provincial,
c'est un barbare romanisé.
Maximin (235-238) ne fut pas accepté par les Romains;
ni l'aristocratie ni le peuple ne le supportèrent longtemps,
malgré ses victoires sur les Germains. Gordien fut pro-
clamé en Afrique avec son fils ; le Sénat les reconnut tous
deux; ils périrent près de Carthage; le Sénat élut alors
empereurs Cœlius Decius Balbinus et Pupienus Maximin,
auxquels on associa le petit-fils du vieux Gordien, Gor-
dien IIL Maximin fut tué par ses soldats, les deux em-
pereurs sénatoriaux par les prétoriens; Gordien resta seul
(238-244). Au cours d'une expédition contre les Perses,
il fut tué à l'instigation de l'Arabe Philippe qui prit sa
place. Philippe (244-249) abandonna l'Arménie aux Perses,
célébra à Rome le jubilé millénaire de la fondation de la
cité; sa grande affaire fut la lutte contre l'invasion des
Goths. Les légions de Mésie et de Pannonie proclamèrent
empereur Decius, vaincu à Vérone. Philippe périt. Decius
(249-231) est le premier empereur qui ait systématique-
ment poursuivi les chrétiens (V. Persécution). Il périt en
combattant les Goths dans la Dobroudja. La péninsule bal-
kanique était ouverte aux envahisseurs. L'Empire faillit
s'effondrer.
Gallus (231-254), associé à son fils Volusianus et à
celui de Decius, Hostilius, achète la retraite des Goths et
rentre en Italie. Les légions de Mésie se prononcent pour
leur légat /Emilianus (233-254) qui bat les Goths et
renverse Gallus. Mais Valérien amène les légions rhénanes
et succède à .Emilianus, tué par ses propres soldats. Valé-
rien (254-260) s'associe son fils GalHenus. Il commence
par déblayer des envahisseurs gothiques la péninsule bal-
kanique; "^il se porta ensuite contre les Perses, mais fut fait
prisonnier. GalHenus (254-268) resté seul ne put suffire à
la tâche. De toutes parts l'Empire se disloquait. Le système
des pronunciamentos se généralise ; chaque armée, chaque
province veut avoir ses empereurs; tous les chefs niili-
taires prennent la pourpre. C'est l'époque qu'on désigne
~ 961 —
EMPIRE
par l'appellation caractéristique des Trente Tyrans. Le
mouvement commence en 258, par les légions de Pannonie
qui font empereur Ingenuus. Il est vaincu et tué. En
Gaule, Gallienus avait désigné comme césar son jeune fils
Saloninus. Le général qui avait vaincu les Francs et
les Alamans, Postumus, mit à mort cet enfant et prit la
pourpre (260); il fut reconnu en Gaule. A Fautre extré-
mité de l'Empirer, à Palmyre, Odenath, qui tenait les
Perses en échec, se rend indépendant. L'armée d'Asie Mi-
neure élève Macrianus; celle d'Achaïe Valens, puis
Pison; les deux derniers sont bientôt assassinés; Macria-
nus fut vaincu et tué par Aureolus, général de Gallienus
et chef des légions illyriennes (262). En Egypte, le gou-
verneur Mmilienus est proclamé empereur^ (262). Gal-
lienus se tourne contre la Gaule, s'entendant seulement
avec Odenath qu'il accepte comme auguste et son collègue
pour l'Orient (264). En Gaule, Postumus est forcé de
partager l'Empire avec Victorinus. Les Pannoniens se
rangent autour d'un nouvel usurpateur, Regalianus, qui
fut tué presque aussitôt. En 265, Gallienus reconquiert
l'Egypte; les Isauriens font un empereur, Trebellianus,
qui succombe peu après. Les provinces centrales de l'Em-
pire étaient dans une situation pitoyable. Dans celles de
l'Ouest, Postumus eut à lutter contre un concurrent, Mlia-
nus, candidat des troupes rhénanes (266), le vainquit,
mais fut tué par ses soldats; iElianus de même (267).
Alors parut Marins, qui eut le même sort, et enfin Vic-
torinus. Sa mère, Victorina, prend sa place et fait élire
empereur Tetricus (268) auquel la Gaule, la Bretagne,
la moitié de l'Espagne restent fidèles. En Orient, Odenath
est assassiné avec son fils Hérode, et les meurtriers accla-
ment son beau-fils, Mœonius, bientôt abattu. La veuve
d'Odenath, Zénobie, se fait obéir par l'armée et le peuple
de Palmyre sous le titre de reine de l'Orient; elle s'allie
aux Perses; les Romains sont rejetés au delà de l'Haly par
les soldats de Zénobie. Enfin Aureolus revêt à son tour
la pourpre, et est vaincu par Gallienus, mais les généraux
de celui-ci le font tuer et donnent l'Empire à Claude.
Claude II (268-270) est le premier de ces énergiques
empereurs illyriens qui vont restaurer l'empire romain et
refouler la première invasion. Vite débarrassé d' Aureolus,
il fait une boucherie des Barbares qui avaient passé le Da-
nube et menaçaient la péninsule balkanique par terre et
par mer. La terrible bataille de Naissus (iNisch, sur la Nis-
sawa) sauve la domination romaine. Emporté par la peste,
Claude a pour successeur son frère Quintillus, mais les
légions désignent Aurélien, et Quintillus disparaît au bout
de trois semaines. Aurélien (270-275) évacue la Dacie
qu'il abandonne aux Goths, mais réorganise et défend bien
la frontière du Danube. Il reconquiert l'Orient sur Zénobie,
la Gaule sur Tetricus, rétablit ainsi l'unité de l'Empire
(274). La réforme monétaire remet un peu d'ordre dans
la vie économique. Victime d'une sédition, ce grand empe-
reur a pour successeur le vieux Tacite (275-276) qui a
le même sort; son frère Florianus est reconnu en Asie,
mais l'armée se prononce pour Probus (276-282), le dernier
des grands empereurs illyriens; il repousse les Germains
du Rhin et du Danube, écrase les Isauriens, colonise les
provinces dépeuplées en y transplantant des Barbares. Il
est assassiné dans une révolte militaire. Carus (282-283)
perd les Champs décumates, mais bat les Perses; il est
assassiné; ses fils, Carinus et Numérien, lui succèdent.
L|assassinat de Numérien par Aper amène l'élection de
Dioclétien, le fondateur de la monarchie administrative et
hiérarchisée du Bas-Empire (284). Avant d'en aborder
l'histoire, il convient d'étudier les institutions politiques
du Haut-Empire.
Organisation de l'Empire. — La révolution qui
substitua l'Empire à la république romaine se fit par
quelques mesures très simples. « On est surpris, écrit
M. Fustel de Coulanges, de la facilité avec laquelle ce
nouveau régime s'établit, et du peu qu'il fallut pour dresser
le pouvoir le plus absolu qui fut jamais. Les fondateurs de
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
l'Empire n'eurent à formuler aucun principe nouveau. C'est
avec les vieux principes et les règles de la Rome républi-
caine qu'ils régnèrent; c'est au nom de la souveraineté de
la République qu'ils furent des maîtres. Les jurisconsultes
de l'époque impériale proclament cet axiome du droit
public de leur temps : si l'empereur peut tout, c'est parce
que le peuple romain lui confère et met en lui toute sa
puissance. Dans les idées de ces générations, le vrai sou-
verain était encore le Peuple ; l'Etat s'appelait encore la
République ; ce Peuple ou cette République continuait à
déléguer sa souveraineté au prince comme il l'avait délé-
guée autrefois aux consuls. Cette délégation de l'autorité
n'était pas une pure fiction. Elle se fit au temps d'Auguste
par un acte formel et par une loi régulière du Sénat et du
peuple. Elle fut renouvelée ensuite pour chaque prince par
le Sénat, qui représentait officiellement la république
romaine. Cet acte n'était pas différent de celui qui avait été
dressé autrefois pour chaque roi et chaque consul : aussi
continuait-on de l'appeler lex regia de imperio. Il n'y
avait donc aucun pouvoir qui ne fût aux mains du prince.
L'empereur avait dans ses mains l'armée et les finances ;
il était à lui seul l'administration, la justice, la loi, la reli-
gion même. On ne saurait imaginer une monarchie plus
complète. Le Sénat était une sorte de conseil d'Etat ou
de commission consultative. Toute l'action politiqne résidait
dans la personne du prince, sans partage et sans contrôle. »
Nous allons maintenant examiner les différentes attribu-
tions du souverain et le fonctionnement de son gouver-
nement.
La souveraineté des empereurs et leur despotisme, un
des plus illimités que l'Europe ait connus, dérive du principe
politique des anciens, l'omnipotence de VEtat (V. ce mot).
Mais ce n'est pas en vertu d'un acte unique et définitif que
la monarchie se substituant à la république, tous les droits
et pouvoirs de l'Etat furent concentrés sur une tête. Dans sa
forme première, celle du principat, l'empire romam ne
marqua pas une révolution si radicale. Le principat fut une
magistrature ; l'empereur ou prince ne fut que le premier
des magistrats de l'Etat, régnant conformément à la loi.
C'est à ce point de vue qu'il faut se placer, avecMommsen,
pour bien coniprendre la nature de l'autorité impériale dans
les premiers siècles de l'ère chrétienne, et pour bien appré-
cier l'évolution qui conduisit à la monarchie du Bas-Empire.
L'Empire est né le 13 janv. de l'an 27 av. J.-C. lorsque
le fils de César, Octave, abdiqua ses pouvoirs dictatoriaux
qu'il avait reçus et exercés en qualité de triumvir reipu-
blicœ constituendœ (V. Triumvir). Il remit le pouvoir au
peuple et au Sénat ; celui-ci, le 16 janv., lui conféra le sur-
nom d'Augustus. Ce nom restera pour désigner les empe-
reurs, et c'est de cette année que datera leur ère. La période
dictatoriale qui durait depuis vingt-deux années, l'entrée de
César à Rome, fut close ; sans doute, il serait absurde de
considérer le nouveau régime comme un gouvernement par
le peuple et le Sénat, mais il ne le serait guère moins de
dire qu'au siècle précédent le peuple gouvernait. Le carac-
tère originel du principat fut un partage d'attributions entre
le Sénat et le magistrat suprême ou prince. Ce compromis
régla la situation de l'Empire jusqu'au milieu du m® siècle.
Il ne fut dénoncé qu'alors, quand eut lieu l'organisation d'une
monarchie proprement dite ; celle-ci, la monarchie de Dio-
clétien et de Constantin, diffère presque autant de celle
d'Auguste et de Tibère que celle-ci de la république romaine.
Le principat repose sur la souveraineté du peuple ; tous
les pouvoirs de l'Etat sont exercés, non en leur nom pro-
pre, mais comme représentant le peuple, et le prince n'est
qu'un délégué du peuple romain, et non pas un délégué
avec mandat illimité, mais un délégué dont la compétence
est nettement définie. Le prince est soumis aux lois, comme
tous les autres citoyens ; on lui a sans doute accordé de
nombreux privilèges, sans cesse accrus, mais il ne peut
s'affranchir de l'observation de la loi ; pour une donation,
une adoption, un testament, il s'y soumet ou demande la
dispense selon les formalités ordinaires. Plus tard, ils se
61
EMPIRE
— 962 —
feront délier des obligations des lois civiles ; Ton admit
qu'ils étaient implicitement dispensés, et leurs actes con-
traires à une loi ou ordonnance furent censés en contenir la
dispense. Ils sont responsables de leurs actes, mais selon le
principe romain, seulement après leur sortie de charge; on
peut donc les poursuivre en justice après déposition ou
abdication ; on peut surtout attaquer leurs actes après leur
mort et, à maintes reprises, ils ont été ainsi blâmés et leurs
actes soumis à revision. Cette responsabilité n'est évidem-
ment que théorique, mais il en résulte que la monarchie de
fait n'est pas une monarchie de droit ; la personne du
prince n'est pas effacée par l'institution monarchique ; l adage
que le prince ne peut rien faire d'illégal est contraire à la
conception romaine du principat. C'est seulement quand pré-
valut la conception de l'Orient hellénisé que le souverain
fut au-dessus de la loi. L'inviolabilité du magistrat romain,
le prince en bénéficia à son tour ; il en étendit même l'ap-
plication en assimilant toute attaque contre sa personne par
parole ou par écrit, à une agression directe, mais c'est au
nom de sa puissance tribunicienne qu'il revendiqua cette
inviolabilité. Il est vrai qu'on alla plus loin en assimilant à
ces crimes la violation d'un serment fait en attestant le
génie du prince et surtout en appliquant à la torture les
offenseurs ; la torture était réservée aux esclaves ; mais il
faut ajouter que c'est seulement au temps de Sévère qu on
inscrivit dans la loi que, pour les attentats contre la per-
sonne impériale, tous les accusés seraient traités comme des
esclaves
Cependant l'idée monarchique d'une différence de qualité
entre le souverain et ses sujets, idée incompatible avec la
conception d'une magistrature, apparaît dès l'origme du
principat, et l'importance de cet élément hétérogène gran-
dira sans cesse. Officiellement écartée d'abord, elle finira
par prévaloir. César, qui projetait de restaurer la monarchie
avec le titre royal, et qui était imbu des idées helléniques
et asiatiques, s'est fait décerner de son vivant des honneurs
divins, plaçant sa statue dans tous les temples à côté de
celles des dieux et se nommant un prêtre (flamme). Apres
sa mort, on ne mit pas de côté cette manière de voir. Son
parti victorieux fit placer divus Julius au rang des dieux
de la cité romaine. Cette décision eut la plus grave influence
sur l'évolution ultérieure du principat. La monarchie que
César voulait rétablir ne le fut pas juridiquement, mais le
caractère sacré que lui attribuaient les Orientaux fut trans-
mis aux successeurs de César. Son fils adoptif ne se fit pas
décerner un culte de son vivant, mais il laissa faire en
Grèce et même en Italie où bien des cités lui dédièrent des
temples, lui nommèrent des flamines, placèrent son effigie
dans les chapelles domestiques ; il ne se fit pas appeler
dieu, mais fils de dieu ; le nom d'Auguste est sigmhcatit ;
le prince se place auprès des dieux, fils de dieu il sera
divinisé après sa mort. Mais de même qu'Auguste avait ete
moins loin que César, Tibère, esprit positif , dédaigneux des
honneurs, alla moins loin que lui. Il renonça définitivement
à fonder la monarchie impériale sur le droit divm. La légi-
timité qui en fut résultée pour la famille impériale resta
acquise aux membres de la lignée julienne (Auguste, Tibère,
Caligula) ; leurs parents de la lignée claudienne (Claude,
Néron) l'eurent encore, mais elle disparut avec eux pour ne
se retrouver qu'à l'époque de Constantin. Le principat resta
une institution de droit public, appuyée, il est vrai, sur la
religion. Après Tibère et Cahgula, on reprit l'usage de placer
l'imai^e du prince à côté de celle des Lares et des Pénates,
et naturellement dans les temples des provinces. Mais il n y
eut plus de second fils de dieu dans la longue série des fon-
dateurs de dynasties impériales ; la consécration ou apo-
théose de l'empereur passant après sa mort au rang des
dieux se réduisit de plus en plus à une cérémonie, ridicu-
lisée dès l'époque de Claude et mal vue. Aucun des autres
empereurs ne se fit plus passer pour dieu de son vivant ;
s'il le laissa faire dans des fêtes, par adulation, aucun ne
le fit officiellement. On s'explique d'ailleurs cela si l'on
réfléchit que le sentiment de la légitimité et l'orgueil du
droit divin ne peuvent guère se développer que chez des
souverains, fils de souverains, « nés dans la pourpre »,
comme on dira plus tard ; or le principat ne connut jamais
ce système de succession héréditaire fonctionnant norma-
lement. La tentative d'Auguste pour rattacher par la con-
sécration les dieux et les chefs de l'Etat, d'illustrer ceux-ci
du reflet de la divinité de leurs ancêtres, cette tentative
échoua. C'est seulement à la fin du ni« siècle, quand pré-
valent les idées orientales, qu'Aurélien se déclare homme-
dieu, que Dioclétien et Maximien se disent Jovien et ïïer-
cuUen ; c'est alors qu'on assimile la souveraineté monarchique
et la souveraineté divine. .
Il y a cependant dans les usages du Haut-Empire un
autre symptôme contradictoire, nous voulons dire l'usage
de qualifier de maître (dominus) le prince. On accentue
ainsi la subordination d'autant que de maître à dieu il n y
a qu'un pas et que les deux termes sont associés. Auguste
et Tibère avaient décliné cette appellation; les flatteurs la
renouvellent sous Caligula; Domitien l'impose dans la ter-
minologie officielle ; Trajan l'y conserve ; quand on le
harangue, il veut être appelé dominus ; mdi\s dans les actes
publics on ne l'écrit pas encore; c'est seulement avec
Sévère et les empereurs syriens que se marque par là un
nouveau progrès de l'idée monarchique ; enfin Aurélien sur
ses monnaies s'intitule maître et dieu. Dioclétien impose la
formule; enfin, dans le courant du iv« siècle, les empereurs
se qualifient eux-mêmes ainsi. Le christianisme modifia
cet usage, mais en un temps où la conception de la monar-
chie de droit divin avait complètement prévalu.
Le prince ne reprit pas l'ancien titre de roi, pas même
dans les pays où il gouvernait au lieu d'un roi, comme en
Egypte; bientôt, d'ailleurs, l'empereur romain ayant une
série de rois sous ses ordres considéra sa dignité comme
supérieure. Cette idée se répandit tout à fait à l'époque du
Bas-Empire, En somme, le souverain ne prend pas de titre
spécial. Mais, d'autre part, il modifie son nom propre; cette
manière de se distinguer des sujets a été adoptée par Au-
guste et conservée depuis lors par les monarques jusqu a
notre époque. Les premiers empereurs du Haut-Empire
abandonnent leur nom de gens, à l'exception de ceux de
la gens Claudia et de ViteUius, pour se désigner par leur
cognomen. Cet usage fut suivi exclusivement par les princes
et par leur famille mascuhne. A partir d'Adrien, ils y
renoncèrent, tout le système romain de dénomination étant
tombé en désuétude. Le prénom àHmperator, empereur,
adopté par César et par Auguste, abandonné par Tibère,
CaHsula et Claude, fut repris par Néron et devint de style
après Vespasien (V. l'art. Empereur). Le surnom {cogno-
raen) de Cœsar porté par le fondateur de la monarchie
était héréditaire dans la gens Julia : à la mort de son
dernier agnat, Caius CaUgula, il fut repris par son succes-
seur Claude ; les empereurs suivants continuèrent de le
porter, de sorte que chaque fois il fut donné non seulement
à eux-mêmes, mais à leurs fils et petits-fils. A dater
d'Adrien, on en hmita l'usage au successeur désigné. Le
surnom (cognomen) d'Auguste impliquait son caractère
relisieux ; il était honorifique et n'était pas héréditaire.
Mais, à la mort d'Auguste, le Sénat attribua à son succes-
seur le même surnom honorifique. Il l'accepta, mais sans le
conférer à aucun membre de sa famille. Ce surnom devint
donc bientôt une caractéristique de la fonction impériale.
La quahfication de prince {princeps) qu'Auguste s'attribua
à lui-même exprime à merveille la situation du souverain
dans l'Empire des premiers siècles. Elle indique seulement
une primauté individuelle, sans la compétence attachée a
une magistrature. Jamais elle ne figura dans les titres
officiels. Il n'y eut donc aucun titre spécial désignant la
fonction impériale. Cependant, il y eut un certain nombre
de titres qui furent particuUers aux empereurs; deux se
rapportaient à leur fonction : tribunicia potestate (myesii
de la puissance tribunicienne) et proconsul (à partir de
Trajan et réguhèrement après Sévère); un autre était ho-
norifique, père de la patrie, et ne fut décerné qu au bout
963 -
EMPIRE
de quelque temps; mais, après Pertinax, les empereurs le
prirent dès leur avènement; enfin les empereurs sont encore
les seuls qui puissent inscrire parmi leurs titres celui de
souverain pontife ; ils y ajoutent à l'occasion ceux de
consul, de censeur et répètent celui d'empereur pris dans
le vieux sens du mot, pour les féliciter d'une victoire. Ces
titres sont rangés en général dans l'ordre suivant : ponti-
[exmaximus, tribimicia potestate, imperator, consul,
censor, pater patriœ, proconsul.
Pour revêtir officiellement l'empereur de son pouvoir,
pour effectuer ce qu'on appelait la « création » en parlant
des magistrats romains, il faut deux actes différents, le
pouvoir impérial se composant théoriquement de l'addition
du pouvoir proconsulaire et du pouvoir tribunicien. C'est
le premier, l'investiture du pouvoir proconsulaire et simul-
tanément la prise du nom d'Auguste qui représente la
« création » de l'empereur. Aucune condition n'est requise;
au m® siècle, le titre d'Auguste fut souvent donné à des
enfants et, dès le i®^, Caligula avait désigné pour lui suc-
céder sa sœur Drusilla; plusieurs femmes ont eu le titre
d'Aiigusta auquel était incontestablement lié le pouvoir,
au moins pour Livie et pour Agrippine. Ce sont les circon-
stances et non les obstacles juridiques qui ont empêché que
Rome n'eût de souverain féminin. Le patriciat était oc-
troyé par le Sénat aux empereurs qui ne l'avaient pas ;
et d'abord à Vespasien, qui fut le premier empereur plé-
béien ; Macrin fut le premier empereur de la classe des
chevaliers (217) ; il prit soin de se rattacher à la famille
des Sévères et à celle desAntonins.
Aucune cérémonie particulière ne marque l'avènement
ou entrée en charge du prince; les premiers actes sont son
acclamation comme imperator par les soldats, la prise des
titres qui lui afféraient, l'entrée en relation avec le Sénat;
mais il n'y a nulle manifestation comparable à la prise
d'auspices ou à la prise des faisceaux par les anciens ma-
gistrats, au couronnement des rois. Le prince ne prête
aucun serment dont la formule lui soit spéciale; en re-
vanche, il reçoit celui des soldats, en sa qualité de généra-
lissime ; sous Tibère et Caligula, la population tout entière
prêta un serment de fidélité.
Le principat possède la condition fondamentale du régime
monarchique ; il est viager, La puissance proconsulaire n'a
jamais été renouvelée annuellement à Rome comme Tétaient
la plupart des magistratures. Lorsque Auguste accepta
Vimperium, le commandement, il le fit avec cette restric-
tion qu'il le déposerait quand les circonstances le permet-
traient; il fixa même plusieurs fois un terme, cinq ou dix
années ; il n'en fut pas moins un empereur perpétuel {im-
perator perpetuus), et le fait qu'il incorpore à son nom
cette appellation àHmperator est significatif. Tibère renonce
à cette limitation apparente et accepte Vimperium à titre
définitif, en ajoutant cependant qu'il s'en dessaisira quand
il sera juste qu'il prenne du repos. Après lui, la fiction
tombe et jamais on ne contesta la perpétuité du pouvoir
impérial. D'ailleurs, pour l'autorité civile, Auguste l'avait
fondée sur la puissance tribunicienne, et, celle-ci, on la lui
avait conférée à vie. C'est par les années de la puissance
tribucinienne que se comptait la chronologie impériale.
Mais, en Egypte, on la rattache à l'ancienne année royale,
l'empereur étant, dans la forme, le remplaçant et continua-
teur des anciens rois.
Le costume impérial est emprunté aux anciens magis-
trats romains. L'empereur porte leur toge avec la bande
de pourpre; dans les grandes fêtes, la toge triomphale,
entièrement pourpre et brodée d'or. Il ne se met pas en
deuil. Comme général, il porte le manteau rouge [palu-
damentum ou piirpura) ; à partir de Sévère, qui éten-
dit à tout l'Empire le pouvoir proconsulaire, l'empe-
reur porta toujours et partout ce costume mihtaire; la
pourpre devint le vêtement impérial. Tandis que les ma-
gistrats marchaient tête nue, l'empereur porte une cou-
ronne de laurier; dans les fêtes, une couronne d'or. Con-
stantin adoptera le diadème des monarques orientaux. Le
port de l'épée était réservé jadis aux officiers et magistrats
fonctionnant comme tels : l'empereur, en sa qualité de
généralissime, la porte de droit. Il ne prend le sceptre que
dans les processions triomphales. Il s'assied toujours sur
la chaise curule; quand il paraît avec les consuls, il se
place au milieu d'eux. Dans les fêtes publiques, il a son
siège doré et plus haut, parmi les places réservées aux
magistrats supérieurs et aux tribuns de la plèbe. Il n'a pas
en ^principe le droit de parcourir la ville en voiture attelée,
mais seulement en chaise à porteur {sella). Il peut se faire
précéder d'un flambeau. Toujours et partout, il a ses lic-
teurs et ses faisceaux, douze, puis, après Domitien, vingt-
quatre. Ceux-ci sont décorés de laurier. Il a aussi ses
appariteurs {viatores, prœcones). Il a une escorte mili-
taire fournie par les cohortes de la garde, par les préto-
riens (V. ce mot) ; c'est là une des marques distinctives
de son pouvoir; elle manifeste sa qualité de chef militaire.
Il a de plus une garde du corps {corporis custodes), for-
mée de Germains, qui protège sa maison et celle des siens;
cette troupe de cavaliers figure parmi la domesticité du
prince.
^^ Une des prérogatives les plus graves de l'empereur, c'est
l'importance attachée au serment prêté en invoquant son
nom : ici, encore, nous constatons que c'est l'élément reli-
gieux du pouvoir impérial qui le différencie le plus profon-
dément des magistratures romaines et en fait quelque chose
de réellement nouveau. Jadis, on prêtait serment par les
dieux de la cité romaine, Jupiter et les Pénates ; on leur
associa le génie {genius, Ti5-/.r]) de l'empereur régnant,
les empereurs divinisés, La formule du serment de la ville
de Salpensa est caractéristique ; on y jure « par Jupiter,
et le divin Auguste et le divin Claude et le divin Vespasien
Auguste et^ le divin Titus Auguste et le génie de l'empereur
César Domitien Auguste et les divins Pénates ». Cette for-
mule fut adoptée pour tous les serments nécessités par les
actes de l'Etat ou des communautés et aussi pour les ser-
ments privés. Le serment par le génie de l'empereur ré-
gnant est une prérogative du souverain, car on regarde
comme un attentat de jurer par le génie d'un autre homme;
pourtant, Séjan sous Tibère et Plautien sous Sévère ac-
quièrent une telle situation qu'on jura par les génies de
Tibère et Séjan, ceux de Sévère et Plautien. Mais ce sont
des exceptions. Les conséquences de cette modification de
la formule du serment par la mention du génie de l'empe-
reur furent considérables. Dans le droit criminel de la
RépubHque, on ne punissait pas le faux serment, laissant
aux dieux le soin de venger l'ofl'ense qu'il leur faisait; mais
lorsque le faux serment devint une offense à l'empereur
régnant ou à un de ses prédécesseurs, il tomba sous le coup
delà loi qui protégeait la considération {majestas) du
prince. On fait officiellement à la nouvelle année des vœux
pour la prospérité de l'empereur ; sa fête a été placée au
3 janv.; dans tous les actes officiels des fonctionnaires et
des prêtres, on appelle la bénédiction divine sur l'empereur
comme sur la communauté. Les fêtes privées de l'empereur
et de sa maison prennent rang parmi les fêtes publiques ;
en premier lieu, on fête le jour anniversaire de sa nais-
sance, puis celui de son avènement, ceux où il a échappé à
un danger, à une maladie. Son image fut placée dans tous
les temples ou chapelles des camps, son nom figure sur
les étendards, à côté de l'aigle. C'est en plaçant ces effigies
qu'on reconnaît le prince, en les enlevant qu'on s'insurge
contre lui. Enfin, un des signes essentiels de la souveraineté,
c'est le fait de placer sur les monnaies la tête du monarque!
César reçut ce privilège du Sénat; les triumvirs le con-
servent, Auguste ensuite. Les rois vassaux le partagent dans
les limites de leur royaume ; certains membres de la famille
impériale l'ont aussi reçu du prince, mais l'image d'aucun
autre personnage vivant ne figure sur les monnaies de
l'empire romain. Lorsqu'à la mort de Néron on essaya de
restaurer la République, on frappa des monnaies à l'effigie
de certains magistrats; cela est topique. Enfin, sur ces
monnaies, on inscrit seulement le nom et les titres de
EMPIRE
— 964 —
Tempereur ou de son parent autorisé, sauf sur les pièces
de cuivre où on laisse figurer jusqu'à Aurélien le nom du
Sénat, symbole de la dyarchie.
Le dernier privilège honorifique du prmce est la consé-
cration ou apothéose (V. ce mot), par laquelle il prend
rang au milieu des autres dieux. Elle n'est pas accordée à
tous; il y faut une sorte de jugement du Sénat dont nous
reparlerons plus bas. Au milieu du iii^ siècle, sur les
vingt et un dieux honorés par les Annales, quinze étaient
des empereurs divinisés : Auguste, Claude, Vespasien,
Titus, Néron, Trajan, Adrien, Antonin, Verus, Marc-
Aurèle, Commode, Pertinax, Sévère, Caracalla et Alexandre
Sévère.
Autour de l'empereur se range sa maison, c.-à-d. l'en-
semble des parents, hommes et femmes, qui sont les
agnats (V. ce mot) ou parents en ligne masculine du fon-
dateur de la dynastie ; de plus, la femme de celui-ci et de
ses descendants en ligne masculine. On a commencé par
étendre à ces personnes le privilège de l'inviolabilité tri-
bunicienne ; on les fait aussi figurer dans les formules de
serment. On fit jurer aux soldats, aux employés, aux sujets,
d'aimer et de défendre, non seulement l'empereur, mais
toute sa maison. Celle-ci a donc une situation juridique
privilégiée. L'empereur confère d'ailleurs à sa maison
comme à d'autres de ses parents ou des gens de son entou-
rage, surtout aux femmes, des privilèges honorifiques.
Voici quelles sont les principales de ces distinctions. Le
surnom de Caesar est donné aux hommes de la maison
impériale, celui d'Auguste est réservé au prince ; mais en
donne aux femmes celui à'Augusta, à Livie, femme d'Au-
guste, à Antonia, grand'mère de Caligula, puis à Agrip-
pine, femme de Claude ; à partir du règne de Domitien, on
le confère régulièrement aux épouses de l'empereur, même
quand elles sont mortes avant son avènement ; on le con-
féra également à la mère de l'empereur, à sa fille, à sa
sœur, mais moins constamment; ainsi à la mère et à la
erand'mère d'Elagabal (Julia Mœsa et Julia Sosemias), aux
sœurs de Néron (Claudia), de Titus (Julia), de Didms
Julianus (Didia Clara), à Marciana, sœur de Trajan, à
Matidia, sa nièce, à une autre Matidia, sa belle-sœur.
Cette quahfication d'Augusta fut purement honorifique,
sauf peut-être pour Livie, Agrippine et les femmes de la
famille de Sévère. La femme de l'empereur est affranchie
de la tutelle ; elle est souvent appelée Mère des camps
(Mater castrorum), à partir delà jeune Faustme, femme
de Marc Aurèle. Les femmes de la maison impériale ont
fréquemment reçu les privilèges des vestales. Dans les
fêtes publiques, on place au premier rang, à côté de l'em-
pereur, toute sa maison; les femmes à côté des vestales.
Les femmes ont plusieurs fois obtenu une garde de préto-
riens (ou de gardes du corps), comme l'empereur lui-
même ; les hommes rarement. On a mis au rang des fêtes
publiques les fêtes domestiques de plusieurs femmes de la
maison impériale. Enfin on a fait figurer sur les monnaies
l'efligie de diverses personnes de ce groupe, ce qui mérite
considération ; car cet usage de frapper la monnaie à
l'effigie du prince est caractéristique de la monarchie. On
trouve sur les monnaies les têtes de Germanicus et d'Agrip-
pine (père et mère de Caligula) ; d'Agrippine, belle-sœur
de Claude, et de Drusus et d'Antonia, ses parents; du
père de Yitellius, de Domitilla, femme de Vespasien. Cet
usage disparut après les Flaviens ; mais, dans tous ces
cas, il s'agit de morts ; ceux qui, de leur vivant, jouirent
de cet honneur, furent : Agrippa, Tibère, successeur dési-
gné d'Auguste, investis de la puissance tribunicienne ; le
jeune Drusus, fils de Tibère; Néron, beau-fils de Claude ;
enfin Agrippine, femme de Claude; tous ces personnages
avaient une part de l'autorité impériale. A l'avènement des
Flaviens, le droit d'images perd de sa valeur politique et
est décerné à titre honorifique ; on trouve sur des mon-
naies les têtes d'impératrices. D'une manière générale, on
y met celle du successeur désigné et déjà associé à l'Em-
pire. L'apothéose, ordinairement réservée au prince, fut
aussi décernée à des impératrices ; on en cite sept jusqu'à
l'année 483, à savoir Livie, Poppée, Domitille, Plotine,
Sabine et les deux Faustines ; en éliminant Poppée, on
arrive au chiffre des seize dieux (divi) impériaux, vénérés
à cette époque où dix empereurs avaient reçu l'apothéose.
Plus tard, on l'octroya encore à Julia Domna. Le même
honneur fut décerné encore à d'autres personnes de la
famille impériale, mais il semble qu'on les ait laissées en
dehors du culte officiel ; on cite Drusilla, sœur de Caligula;
Claudia, sœur de Néron ; Julia, nièce de Domitien ; Mar-
ciana, sœur de Trajan; Matidia, mère de Sabine; un fils
de Domitien mort dès l'enfance ; le père de Trajan ; enfin
Valérien, fils de Gallienus.
Après la famille ou maison impériale, il nous faut par-
ler de sa cour. Les amis du prince (amici Augusti) sont
d'abord ceux qui sont avec lui en relations privées, puis
ceux à qui il accorde l'accès de sa maison ; il semble que
cette qualification ait été réservée aux ordres privilégiés et
qu'on ne l'ait jamais étendue aux plébéiens ni surtout aux
non-Romains. Cette situation d'ami du prince, bien qu'ho-
norifique, n'a pas de caractère tout à fait officiel, n'im-
plique pas de droits spéciaux. Mais c'est parmi eux qu'il
prend ses conseillers, et, lorsqu'il voyage hors d'Italie, sa
suite, ses compagnons (comités Augusti) ; celle-ci fut,
de bonne heure, salariée ; les compagnons sont couram-
ment employés dans les affaires publiques ou forment le
conseil du prince. Les esclaves et affranchis de l'empereur
n'ont pas de situation juridique privilégiée ; ils sont les
égaux des esclaves et affranchis des simples particuliers
et, comme eux, exclus des situations officielles et des
emplois publics; on ne les assimile pas aux esclaves
publics. Une des différences fondamentales entre le prm-
cipat et la monarchie de Dioclétien, c'est que les services
personnels du prince ne sont pas assimilés à des fonctions
publiques. Parmi les serviteurs du prince, il faut distinguer
des catégories : ceux qui appartiennent à l'ordre sénatorial
ne peuvent, par définition, être salariés et sont comparables
à des officiers publics ; ceux de l'ordre équestre sont payes
sur la caisse privée de l'empereur, le fisc. Tous les soldats
et officiers, exception faite pour les commandants des
légions, lesquels appartiennent à l'ordre sénatorial, sont
regardés comme des serviteurs personnels de l'empereur,
l'armée étant la chose de celui-ci ; on envisage de même le
préfet de l'annone, les receveurs de l'impôt des provinces
(procuratores Augusti), Les services privés de la maison
impériale, confiés d'abord à des affranchis ou à des esclaves,
furent de plus en plus assimilés à l'administration publique
et confiés à des chevaliers. La correspondance de l'empe-
reur fut considérée comme affaire privée par les empereurs
de la maison julienne et claudienne; les inconvénients
de ce système furent tels, sous Claude et Néron, qu'on prit
le parti de ranger ce service parmi les fonctions pubUques
et de le confier à des chevaliers. De même, la gestion du
domaine et de la caisse privée de l'empereur passa des
comme
c*xw"v.»v pouvoirs
spéciaux; au contraire, le pouvoir proconsulaire, la pos-
session de Vimperium, du droit exclusif de commander
aux soldats dans tout l'Empire, suffit à constituer l'autorité
impériale; quiconque possède ce pouvoir est empereur,
n'eût-il que celui-là et, rédproquement , les empereurs
prennent plus tard le pouvoir tribunicien. Il peut arriver
qu'ils ne possèdent jamais ce dernier ; tel fut le cas pour
Pescennius Niger, qui n'en agit pas moins comme empe-
reur. Puisque l'Empire est lié à Vimperium, il faut bien
se rendre compte delà manière dont s'acquiert et se perd
celui-ci. Vimperium est décerné par l'armée et le Sénat ;
l'assemblée du peuple n'a rien à y voir. L'empereur le
prend sur invitation du Sénat ou sur l'invitation des
troupes. Sans doute, on regarde l'intervention du Sénat
comme plus correcte ; mais, en droit, nulle différence ; ne
fùt-on invité à prendre le titre d'empereur que par les sol-
— 965 —
EMPIRE
dats, rien ne vous en empêche. En fait, il faut l'accord de
l'armée et du Sénat pour créer un empereur, attendu qu'il
n'a de pouvoir légitime qu'une fois accepté par les deux.
Les soldats qui nomment l'empereur étant censés agir au
nom de l'armée entière, nul ne s'étonne s'ils sont peu nom-
breux ou de rang inférieur. La prise du pouvoir impérial
implique une décision du Sénat, mais surtout le concours
des troupes, et tout soldat armé peut se dire qu'il a un droit
égal à désigner un empereur. Il serait probablement impos-
sible de trouver dans l'histoire un autre régime qui ait à
ce point dédaigné la légitimité. Est prince ou empereur
légal quiconque a été reconnu tel par l'armée et le Sénat ;
il continue de l'être aussi longtemps que le Sénat et l'armée
continuent de le reconnaître.
Uimperium d'Auguste et des princes suivants fut, dès
le début, regardé comme pouvoir proconsulaire. Ce pou-
voir est le noyau du pouvoir impérial ; mais il s'exerce
seulement sur les provinces, mais non pas en Italie et à
Rome. Durant le i^' siècle, l'empereur ne s'intitule jamais
proconsul ; après Trajan, il le fait couramment, mais seu-
lement hors d'Italie et, jusqu'à Alexandre Sévère, les em-
pereurs observent cette réserve ; vers le milieu du m® siècle
et définitivement à dater du règne de Dioclétien, cette
appellation de proconsul figure parmi les titres impériaux.
Le nom d'Auguste exprime l'ensemble du pouvoir impérial
et non plus seulement sa face militaire ; on le prend dès
qu'on a été appelé à l'Empire, que ce soit par le Sénat ou
par l'armée. Ce qui distingue le pouvoir impérial du pou-
voir proconsulaire, c'est qu'il n'est hmité ni dans le temps
ni dans l'espace, comme celui des proconsuls ordinaires.
La base de l'autorité de l'empereur, c'est que dans tout
l'Empire toutes les troupes indistinctement lui prêtent le
serment d'obéissance comme à leur général commun. Sans
doute, il y eut jusqu'au règne de Caligula et dans quelques
cas après lui, des troupes assez nombreuses dans les pro-
vinces sénatoriales ; elles obéissent aux proconsuls, mais
ceux-ci ne commandent pas en leur nom propre, mais en
celui de l'empereur auquel a été prêté le serment de fidé-
lité. Nul dans l'Empire n'a de soldats à lui que le prince.
Le droit de lever des troupes et de les organiser est, au
plus haut degré, une prérogative impériale ; le gouverneur
qui lève des troupes sans ordre du souverain tombe sous le
coup de la loi de majesté ; quand il y procède, l'empereur
ne consulte même pas le Sénat. L'armée étant peu nom-
breuse, la durée du service militaire très longue, on n'eut
guère recours à la conscription obligatoire. Le recrutement
se fait sur l'ordre et avec mandat de l'empereur ; il en
charge soit, en Italie, des commissaires spéciaux, soit,
dans les provinces, le gouverneur. Tous les officiers et
sous-officiers sont nommés par l'empereur ; c'est lui qui
leur désigne leur poste ; c'est encore lui qui fixe la hiérar-
chie militaire, lui qui dispose des décorations militaires ;
ce dernier droit, d'abord laissé aux proconsuls, fut de moins
en moins exercé par eux. Quant au triomphe et aux orne-
ments triomphaux, c'est le Sénat qui les décerne, mais, à
partir du règne de Vespasien, sur la proposition de l'empe-
reur. Le congé ne peut être accordé aux soldats que par
l'empereur ; tous les vétérans sont dénommés vétérans
d'Auguste (veterani Augusti), Nous avons déjà fait re-
marquer le caractère perpétuel ou viager de Vimperium.
Il n'est plus limité comme jadis à une province, mais
s'étend sur toutes les provinces ; il est vrai que Rome et
l'Italie jusqu'aux Alpes demeurent en dehors ; les troupes
ne peuvent être casernées que hors de l'ItaHe. Toutefois,
Vimperium s'applique aux forces maritimes et aux côtes
d Italie comme aux autres ; c'est même dans la péninsule
et dans ses ports de guerre que sont concentrées les forces
navales. D'autre part, le général était toujours accompagné
de son escorte, de ses prétoriens ; ceux de l'empereur
furent casernes à Rome ou sur son enceinte. Des forces de
police furent également logées dans la capitale. Néanmoins,
c'est un fait important que Rome et l'Italie soient sous-
traites à l'autorité militaire de l'empereur et qu'il n'eut
pas le droit d'y établir des légions. Septime Sévère fut le
premier qui transgressa ce principe en faisant stationner
sur le mont Albain la seconde légion parthique ; il soumit
l'Italie à son pouvoir proconsulaire, l'assimilant aux pro-
vinces. L'exercice du pouvoir proconsulaire de l'empereur
varie selon qu'il s'applique à des provinces remises à son
administration exclusive, à des pays qui ne sont pas de
véritables provinces, à des provinces sénatoriales, à la
flotte ou à la garde. Les premières provinces remises à
l'administration impériale, dès l'an 27, furent celles de la
Gaule, la Syrie, l'Espagne citérieure; nous verrons plus
loin comment l'empereur et son délégué ou légat s'y com-
portent; le fait capital, c'est que l'appel des décisions de ce
légat est porté à l'empereur exclusivement. Les Etats vas-
saux, rattachés à l'Empire, sans y être précisément incor-
porés, villes alliées, principautés ou royaumes, sont
subordonnés au prince, lequel exerce tous les droits réser-
vés à l'Etat romain : désignation des garnisons (au Bos-
phore, en Arménie, comme chez Cottfus et en Egypte) ;
désignation ou confirmation du roi vassal (chez les Armé-
niens, les Quades, les Thraces, les tribus africaines) ou du
gouverneur romain qui a remplacé ce dernier. Dans tous
ces Etats vassaux, le prince a la souveraineté entière, sans
la partager avec le Sénat, même dans la mesure limitée où
ce partage a lieu pour les provinces impériales ; c'est cette
règle qu'on appliqua à l'Egypte, aux régions alpestres
(Alpes Maritimes, Alpes Cottiennes, Rétie, Norique), où
l'on ne mit pas de commandant militaire de rang sénato-
rial, mais de modestes délégués du prince, pris dans l'ordre
équestre, ayant le titre de préfet ou p^rocurateur. Dans les
provinces sénatoriales, l'empereur a, par rapport à chacun
des proconsuls, un pouvoir analogue, mais supérieur (im-
perium majus) ; il peut leur donner des instructions ; il
leur a enlevé, pour se les réserver, une partie des droits
proconsulaires : celui de lever des soldats, de faire la paix
ou la guerre, de fixer les impôts. Le commandement mari-
time fut rétabli par Auguste à son profit ; il s'étendait à
l'ensemble des mers de l'Empire ; l'empereur nomme les
amiraux des deux flottes de Misène et de Ravenne.
Quant à la garde, c'était une institution de l'époque
républicaine ; dès lors, on avait admis que le général se
formât une cohorte de soldats ayant le droit de cité romaine
et pourvus d'avantages particuliers, dispense de corvées et
solde plus haute, qui étaient spécialement chargés de pro-
téger sa personne et son quartier général (prœtorium).
L'empereur étant venu se fixer à Rome, son quartier géné-
ral et sa prde se trouvèrent dans la ville. Auguste n'en
laissait séjourner que le tiers et non caserne. Tibère établit
toute la garde, sous les ordres de Séjan, dans une vaste
caserne bâtie près de la porte Viminale ; cette forteresse
fut, durant trois siècles, une menace permanente pour
Rome ; une foule d'empereurs furent créés ou renversés
par des mouvements partis de là. Cette garde fut augmen-
tée et portée à la force d'une légion : neuf cohortes sous
Auguste et Vespasien, puis dix; c'étaient des cohortes
doubles, ce qui faisait un total de 9,000, puis d 0,000 sol-
dats. On les recrutait, par engagement volontaire, parmi
les Italiens. Pour le commandement, l'empereur était sup-
pléé par le préfet du prétoire {prœfectus prœtorio) ;
nommé par l'empereur, il devint bientôt un des personnages
prépondérants de l'Empire ; on en nommait généralement
deux ; trois sous Commode, Alexandre Sévère ; pris dans
l'ordre équestre, la durée de leur fonction était illimitée.
Leur compétence s'agrandit beaucoup au m® siècle ; mais,
dès l'origine, leur situation à la tète de la garde impériale
leur assura une grande influence (V. Préfet du prétoire).
Le pouvoir proconsulaire et Vimperium formaient le
noyau du pouvoir impérial ; mais ils ne suffisaient pas à le
constituer entièrement, étant exclusivement militaires et
administratifs et, théoriquement, ne s'étendaient pas sur
Rome et l'Italie ; ce pouvoir fondait bien la puissance du
prince en fait, mais non en droit. Pour compléter celui-ci,
il fallait la rattacher à l'une des grandes magistratures.
EMPIRE
- 966
Auguste songea d'abord au consulat, qu'il garda plusieurs
années de suite, puis il y renonça. Il se contenta de la
puissance tribunicienne conférée à César, puis à lui-même,
durant son triumvirat, pour sa vie entière. La puissance
tribunicienne devint ainsi, dans la forme, l'expression com-
plète de la souveraineté impériale. Le prince n'est pas tri-
bun de la plèbe, ni collègue des tribuns; il hérite de cette
vieille magistrature démocratique, avec son pouvoir d'ex-
ception dans la limite d'une compétence spéciale, placée
sous la protection expresse des dieux. C'était bien, si on y
ajoutait le pouvoir militaire qui avait manqué à Caius Grac-
chus, l'instrument le plus efficace de la souveraineté mo-
narchique. Voici quelle était la procédure usitée pour con-
férer la puissance tribunicienne : après décision du Sénat,
l'un des consuls en charge proposait la chose à l'assemblée
du peuple réuni en comices centuriates. C'est là ce qui a
permis aux juristes de dire que le pouvoir souverain était
donné à l'empereur par le peuple. La loi qui lui accordait
la puissance tribunicienne, qu'on appelle à partir d'Ulpien
loi royale, par une réminiscence archaïque, a la forme
d'un sénatus-consulte. Celle qui fut rendue par Vespasien
a été conservée ; elle spécifie à son profit une série de
pouvoirs spéciaux, déjà obtenus par ses prédécesseurs.
Sous cette forme, le pouvoir impérial est donc un pouvoir
tribanicien accru par un certain nombre de clauses spé-
ciales. En lui-même, le pouvoir tribunicien donne les droits
des anciens tribuns de la plèbe (V. Tribun), le droit d'in-
tercession ou de veto contre les décisions sénatoriales sou-
vent employé au i«^ siècle, le droit de coercition, l'invio-
labilité personnelle, le droit illimité de protéger les opprimés,
d'intervenir contre les abus. Mais l'empereur a la puissance
tribunicienne sans les restrictions qui la limitaient chez les
tribuns; il la reçoit non pour une année, mais pour sa vie
entière ; non seulement pour la ville de Rome, mais pour
toute l'étendue de l'Empire ; même lorsqu'il n'est pas per-
sonnellement présent, il ne peut pas être tenu en échec par
l'intercession d'un collègue. Quant aux clauses annexes,
nous les indiquerons en passant en revue les différents droits
de l'empereur.
L'empereur a une part de la puissance législative. Au-
guste, qui avait reçu le pouvoir constituant, y renonça quand
il rétablit l'ordre de choses régulier, ce qu'on appela la
restauration de la République, et que nous appelons le
commencement de l'Empire. Comme par le passé, l'initia-
tive des lois appartient aux magistrats supérieurs, la puis-
sance législative proprement dite à l'assemblée du peuple.
Le prince a le droit d'initiative en vertu de sa puissance
tribunicienne ; les lois qu'il propose ont le caractère de
plébiscites. D'ailleurs, les empereurs usent fort peu de ce
droit ; les exemples qu'on peut citer sont ceux d'Auguste,
de Claude, de Nerva, pour une loi agraire ; à l'origine, ils
laissent plutôt aux autres magistrats l'initiative apparente
des propositions de loi, et à partir du milieu du règne de
Tibère, sauf trois propositions de Claude et une de Nerva,
on n'en peut citer aucune. La compétence législative de
l'assemblée du peuple, dernier vestige de son ancienne sou-
veraineté, disparaît ; on ne la réunit plus que, lors de
chaque changement de prince, pour le vote de la loi sur la
puissance tribunicienne. Le droit de casser les lois ou de
dispenser de leur observation appartenait, en principe, aux
comices ; il avait été, dès la République, transféré au Sénat ;
il lui fut confirmé dans le i^^ siècle de l'Empire, et c'est là
une des limitations les plus nettes de l'autorité impériale.
Le droit de grâce —non celui de remettre la peine à une
date indéterminée ou d'en dispenser, droit que possédait à
Rome le juge qui avait prononcé cette peine — le droit de
grâce, attribut de la souveraineté, appartenait jadis au
peuple et se manifestait par la provocatio ou appel au
peuple ; à l'époque impériale, il passe au Sénat, pour la
forme, du moins ; en fait, c'est le prince qui l'exerce. La
dispense des conditions d'éUgibilité est conférée d'abord
aux candidats par le Sénat, mais le prince s'en empara
bientôt en vertu de son droit de vérifier la qualification
des candidats. Le triomphe est accordé par le Sénat ; il est
vrai qu'à partir de Vespasien, il ne le décerne que sur la
proposition du prince, saut lorsqu'il s'agit de celui-ci.
Quant à la consécration, l'admission d'un dieu nouveau
parmi le cercle des dieux romains, il faut une décision
sénatoriale, qu'il s'agisse d'un dieu étranger ou de l'apo-
théose d'un empereur défunt ; c'est seulement au iii^ siècle
que ce droit fut enlevé au Sénat ; il était important parce
qu'il impliquait le jugement des actes du souverain décédé.
Le Sénat conférait le patriciat, concurremment avec les
censeurs; après Trajan, ce droit passa à l'empereur. Au-
guste avait supprimé le droit d'association, ne tolérant
d'exceptions qu'en Italie et après autorisation du Sénat ;
celui-ci a en eff'et la surveillance des municipalités itahennes;
les associations qu'on tolère étaient limitées au territoire
d'une cité. Le droit de tenir des marchés était accordé par
le Sénat ; de même, celui de s'affranchir des restrictions
mises aux jeux de gladiateurs. La législation d'Auguste était
très dure pour les célibataires et les gens sans enfants;
pour s'affranchir des charges et des incapacités qu'elle édic-
tait, on s'adressait au Sénat, et même les empereurs ou les
membres de leur famille s'adressent à lui. Vers le temps
de Vespasien, cette prérogative passa à l'empereur; il
venait de recevoir l'administration du trésor pubHc (œra-
rium) auquel étaient attribuées les ressources prélevées
sur les célibataires et gens sans enfants.
En principe donc, dans le Haut-Empire, le pouvoir légis-
latif reste à l'assemblée du peuple, le pouvoir de dispenser
des lois au Sénat ; néanmoins, dans un certain nombre de
cas, on reconnut au prince le droit de prendre, au nom du
peuple, des décisions constituant des privilèges (V.. ce
mot). Autrefois, c'étaient bien les magistrats qui, sous le
contrôle du Sénat, décidaient de la situation des cités su-
jettes ou vassales, mais la décision revenait à l'assemblée
du peuple lorsqu'on voulait soit créer une cité nouvelle,
soit lui donner le droit latin, le droit de cité romaine, soit
changer une colonie en municipe ou réciproquement, etc.
Tous' ces droits revinrent exclusivement au prince en vertu
de son droit de décider les questions de paix, de guerre,
d'alliance, d'administrer sans contrôle les biens de l'Etat.
C'est le prince qui fonde les nouvelles colonies, définit la
condition juridique de chacune, concède le droit latin aux
cités sujettes, le droit romain aux cités latines, transforme
les colonies en municipes et réciproquement. Ces pouvoirs
impliquent celui de donner aux cités leur constitution et
de la modifier ; de conférer le droit de cité aux individus
soit au moment de la fondation d'une colonie, soit en qua-
lité de général aux soldats qui ont accompli leur service,
soit même dans tout autre cas. L'empereur ne pouvait pas au
i^r siècle retirer le droit de cité, sauf en agissant comme
censeur. Il a le droit d'accorder l'ingénuité, c.-à-d. d'assi-
miler à un homme né libre un homme de classe servile, un
affranchi ; il y faut l'agrément du patron.
Les rapports officiels du prince avec le Sénat sont les
suivants. Il est, depuis le premier recensement fait par
Auguste, « prince du Sénat », c.-à-d. inscrit en tête de
la liste des membres du Sénat ; il siège et vote dans cette
assemblée, votant soit le premier, soit le dernier. Il a,
comme les autres magistrats, le droit de convoquer le
Sénat et de lui soumettre des propositions, non seulement
au nom de sa puissance tribunicienne, mais par une déci-
sion spéciale inscrite dans la loi rendue à son avènement.
Nous renvoyons le lecteur à l'art. Sénat, où seront exposés les
attributions et le rôle du Sénat impérial. Le prince fait au Sé-
nat des propositions, mais sans avoir, à cet égard, de compé-
tence spéciale, distincte de celle des autres magistrats ; il fait
contrôler les procès-verbaux par un délégué. Il prend, à l'oc-
casion, pour le conseiller, une commission de sénateurs :
Auguste et Tibère s'étaient ainsi adjoint un conseil formé de
20 sénateurs et des magistrats en fonctions ; cette institution,
si elle eût persisté, aurait conduit à une collaboration com-
plète du prince et du Sénat. Mais elle disparut après Tibère
et ne fut reprise qu'un moment par Alexandre Sévère.
En dehors des actes officiels accomplis avec le concours
du peuple ou du Sénat, le prince prend une série de déci-
sions qui ont une valeur législative ; ce sont ses consti-
tutions (V. ce mot). Il leur donne la forme de Védit
(V. ce mot), comme les anciens magistrats, de décrets ou
jugements, ou de lettres {epistiilœ subscriptiones). La
question juridique étant traitée ailleurs, nous n'y revenons
pas ici ; la loi de Vespasien nous a transmis la formule
donnant à l'empereur le droit et le pouvoir de faire tout
ce qu'il jugera bon pour l'Etat : uti quœcumque exusu
reipublicœ majestateque divinarum humanarum pu-
blicarum privatarumque rerum esse censebit ei agere
facete jus potestasque sit ita uti divo Augudo. Dans
le serment imposé aux fonctionnaires au moment de leur
entrée en charge, renouvelé par les sénateurs et eux au
1^^ janv., ils juraient d'observer, outre les lois, les actes
(acta) de CésUr et des princes ; plus tard même, on ajouta
la mention des actes à venir du prince régnant. Cet usage
est bien caractéristique de la puissance absolue ; cependant,
au point de vue formel, il convient de faire des réserves ;
en somme, le prince est autorisé à prendre toute mesure
qui n'exige pas de loi ou ne va pas à l'encontre d'une loi.
Sauf dans les matières où on lui a concédé exceptionnelle-
ment la compétence législative, ses décisions sont toujours
révocables et valables seulement pendant la durée de son
gouvernement ; elles ont un caractère provisoire , ne lient
ni lui-même ni ses successeurs. Il y a donc lieu de dis-
tinguer dans les actes législatifs du prince ceux qui sont
irrévocables et ceux qui ne le sont pas. Sont irrévocables :
i^ ceux qu'il a exécutés en vertu des pouvoirs analysés
ci-dessus, par exemple l'octroi du droit de cité à une ville
ou à un individu, les traités conclus avec un Etat voisin ;
2° les décisions judiciaires ; 3^ les interprétations authen-
tiques des lois existantes, en particulier par la voie du
rescrit {rescriptum) au ii® siècle ; 4*^ les mesures rela-
tives aux propriétés de l'Etat, contrats , assignations de
terres. — En revanche, certaines décisions sont nulles
lorsque l'empereur n'est pas compétent pour les prendre ;
par exemple l'octroi du patriciat héréditaire, au temps où
on ne l'avait pas encore autorisé à le donner ; et, d'une ma-
nière générale, toutes les mesures législatives dont les con-
séquences dépassent forcément la durée de sa vie. Plus on
avance dans l'histoire de l'Empire, plus ce cas se présentera
rarement, attendu que le principat se transforme en monar-
chie. Sont révocables toutes les décisions que le prince prend
en vertu de son autorité propre ; les nominations aux em-
plois militaires et civils; dans les premiers temps, elles
prenaient sans doute fin avec le prince qui les avait faites
et il fallait que son successeur les renouvelât. La concession
de droits utiles (bénéficia) à des individus ou à des col-
lectivités dut être renouvelée à chaque changement de sou-
verain ; Titus se contenta de les confirmer en bloc ; ses
successeurs suivirent cette méthode, et il en résulta une
plus grande stabilité et une analogie croissante avec le
système monarchique. En somme, les actes du gouver-
nement de l'empereur sont toujours révocables par lui-
même ou après lui ; ils conservent le caractère personnel
qu'avaient jadis ceux des magistrats, et c'est là une diffé-
rence bien tranchée entre le principat et la monarchie :
dans celle-ci on admet que la volonté du monarque régu-
lièrement énoncée a force de loi ; c'est la théorie du Bas-
Empire. Comme les autres magistrats, l'empereur est
exposé à ce qu'après sa sortie de charge ses actes soient
cassés à la suite d'un jugement au criminel. Cette cassation
(actorum rescissio) s'est produite plusieurs fois après la
mort des empereurs; ce fut le cas pour Tibère, Galba,
Othon, Caracalla ; leurs décisions ne sont pas mentionnées
dans la formule du serment cité plus haut (in leges et
acta principum). Les bénéfices concédés par eux peuvent
aussi être annulés ; ainsi Claude soumit à revision ceux de
Caligula, Vespasien ceux de Néron et des trois empereurs
venus ensuite. Vespasien prononça même la cassation des
procès de majesté intentés sous le règne de Néron.
967 — EMPIRE
Les règles suivies pour la nomination des fonctionnaires
se rapprochent beaucoup de celles qui sont relatives aux
décisions législatives. Nous y retrouvons trois catégories :
celle où le peuple intervient directement, celle où il inter-
vient indirectement, celle qui résulte du choix direct du
prince. Les magistrats proprement dits sont élus par
l'assemblée du peuple ; des fonctionnaires analogues sont
pris par l'empereur dans les rangs du Sénat; enfin,
d'autres sont nommés par l'empereur à sa fantaisie et
généralement pris en dehors du Sénat. L'élection des ma-
gistrats par les comices, suspendue pendant le triumvirat,
fut rétablie en l'an 27 av. J.-C. Après la mort d'Auguste,
pour la plupart des élections, le Sénat fut substitué au
peuple; ce mode d'élection indirecte laissa subsister tous
les droits de contrôle donnés à l'empereur. Celui-ci a,
d'une part, le droit de vérifier l'éligibilité du candidat,
d'autre part, celui de le recommander. La vérification de
l'éligibilité (le terme technique est nomination) continuait
d'appartenir, concurremment avec le prince, au magistrat
qui présidait les comices électoraux ; mais il va de soi que
les candidats désignés par l'empereur avaient l'avantage ;
et couramment il n'en nomme qu'un nombre égal à celui
des places. De plus, l'empereur a droit de recommandation,
c.-à-d. qu'il peut indiquer au corps électoral des choix que
celui-ci doit ratifier ; sous la République, on admettait déjà
qu'un homme politique important pesât sur l'élection ; mais
ici le passage au régime monarchique se manifeste parce
que la recommandation devient un acte légal et juridique
qui supprime la liberté électorale. Auguste se présentait
encore avec les candidats qu'il recommandait ; bientôt l'em-
pereur se contenta d'aviser par écrit le Sénat de son choix ;
enfin, au m® siècle, on déclare franchement que c'est l'em-
pereur qui élit. Le consulat ne figure pas parmi les magis-
tratures pour lesquelles César et Auguste reçurent le droit
de recommandation. C'est seulement au temps de Vespasien
que ce droit fut étendu à la plus haute magistrature, pour
laquelle on avait continué jusqu'alors de faire élire les
titulaires par l'assemblée du peuple. Quant aux autres ma-
gistratures (préture, questure, édilité, tribunat de la
plèbe), le système de la recommandation a pour consé-
quence de partager la désignation entre le prince et le
Sénat ; c'est seulement une partie des magistrats qui sont
désignés par le prince et se distinguent par le titre de
candidati principis. A partir de ce règne, les consuls
furent directement nommés par l'empereur sans simulacre
d'élection. Au m'' siècle, il arrive que l'empereur désigne
tous les magistrats. Cependant encore au iv*^ siècle, dans
la monarchie organisée par Dioctétien et Constantin, les
consuls suppléants, les préteurs et les questeurs, seuls ma-
gistrats conservés dans le nouveau régime, sont toujours
choisis par les Sénats de Rome et de Constantinople et
simplement confirmés par l'empereur. Le droit de recom-
mandation était tombé en désuétude et avait disparu. —
Le prince, n'élisant pas les magistrats, ne pouvait les
déposer ; il devait provoquer une décision du peuple à cet
effet; mais, au nom de la puissance tribunicienne, il pouvait
les suspendre, les inviter à démissionner.
Les employés de l'empereur, nommés par lui sans réserves,
sont affectés soit à son service privé, soit à des services
publics ; ce sont des auxiHaires qu'il emploie comme bon lui
semble. Mais quelques-uns ont le caractère de magistrats :
les légats pro prœtore, par exemple. On établit même une
hiérarchie régulière où ils prennent place. Cela est d'autant
plus utile que la grande majorité des fonctions sont dans
ce cas, toutes les fonctions militaires, la plupart des fonc-
tions civiles, administratives ou financières. Ceux des fonc-
tionnaires qui sont de rang sénatorial sont assimilés aux
magistrats proprement dits, à l'exception des militaires.
Le principal effet de la constitution d'une hiérarchie mé-
thodique et de règles d'avancement dans l'ordre civil et
militaire, était de limiter l'arbitraire du prince.
La nomination des sénateurs est une question d'impor-
tance capitale ; car le pouvoir étant partagé entre le prince
EMPIRE
- 968 —
et le Sénat, si c'est le prince qui nomme le Sénat, ce par-
tage est illusoire. — Mais jusqu'à la tin du i«^ siècle
de l'Empire, il n'en fut pas ainsi (V. Sénat). On entrait au
Sénat quand on avait rempli une des magistratures prin-
cipales auxquelles on arrivait par le choix du Sénat ou par
celui du prince ; en second lieu, par la désignation des
censeurs (adlectio) inscrivant sur la liste du Sénat des
membres nouveaux ; Auguste, Claude, Vespasien, Titus
l'ont fait en qualité de censeurs. Mais à la fin dui^'' siècle,
en l'an 84, Domitien prit la censure à vie, de sorte que le
droit d'inscrire sur la liste du Sénat des membres nou-
veaux appartint à l'empereur ; ceux qui suivirent conser-
vèrent ce droit. Ils y joignirent celui de rayer les membres
indignes; ils procédaient à une revision annuelle de la
liste ; après Domitien, ils purent la faire à tout moment.
Le souci de l'administration publique appartient essen-
tiellement à Tempereur ; en sa qualité de premier magis-
trat, il faut qu'il agisse personnellement. Cette action per-
sonnelle, qui est le fait capital de tout le gouvernement de
l'Empire, nous échappe en grande partie. L'empereur
donne l'impulsion à cette énorme machine et sa tâche est
immense. Il n'a pour l'aider dans ce travail central que
les auxiliaires qu'il prend autour de lui ; rien qui res-
semble aux états-majors de nos administrations centrales.
Dans Tordre militaire, il n'y a pas de plus haut fonction-
naire que le légat provincial ; dès qu'une guerre dépasse
les limites d'une province, il faut que l'empereur en prenne
personnellement la direction ou se décharge sur un délé-
gué spécial ; cela est vrai dans tous les ordres. Rien ne
fait mieux ressortir la distance entre le principat et une
monarchie, telle que l'organisa Dioclétien, avec tout le per-
sonnel et la hiérarchie de l'administration centrale. Le
Haut-Empire n'a qu'un prince, lequel est à la fois seul
ministre et seul général en chef pour tout le territoire
romain. Il ne nomme guère de fonctionnaires extraordi-
naires, ne charge même pas les fonctionnaires ordinaires
de traiter les affaires extraordinaires ; il se les réserve
presque toutes et les décide avec l'aide de ses conseillers
personnels. Les fondations de colonies, les vastes travaux
publics exécutés aussi bien dans les provinces qu'à Rome,
sont dirigés par l'empereur, auquel seul en reviennent la
charge et l'honneur. On ne peut entrer ici dans de grands
détails, d'autant plus que les informations nous manquent,
mais il faut retenir que le Haut-Empire est peut-être le
régime politique le plus personnel que l'histoire rencontre.
Ce ne fut pas une des moindres causes de la ruine de
l'empire romain.
Nous dirons successivement comment s'exerçait l'action
de l'empereur sur les affaires étrangères, sur la justice,
sur les finances, sur l'administration générale. Sur les
affaires étrangères, c'était jadis le Sénat qui décidait ; sous
l'Empire, ce fut le prince. Il a seul et sans réserves le droit
de paix et de guerre ; il négocie et conclut les traités.
Quelquefois le Sénat reçoit les ambassades ; mais nul
fonctionnaire n'a le droit d'entreprendre une guerre sans
ordre de l'empereur ; il y va de sa tête. Il s'ensuit que
toutes les mesures pour la sécurité de l'empire romain
sont l'affaire du prince, qui statue personnellement. C'est
lui qui répartit les troupes, qui les concentre en cas de
besoin ; il tient le Sénat au courant des événements, mais
ses lieutenants, c.-à-d. tous les chefs mihtaires, ne cor-
respondent qu'avec lui, même dans les provinces sénato-
riales.
La juridiction criminelle, le droit de punir, attribut de
la souveraineté, n'appartient plus au peuple. Dès le début
de l'Empire, il en est privé. Jusqu'aux premières années
du iii^ siècle, tant que dure le système des jurys, c'est
l'empereur qui dresse et re vise les listes des jurés, lesquels
sont nommés à vie. Il a le droit, lorsqu'une condamnation
n'a été prononcée qu'à une voix de majorité, d'ajouter la
sienne en sens contraire et de déterminer l'acquittement ;
il assiste souvent aux procès. Mais, ce qui est bien plus
important, c'est le droit de punir qui appartient à l'empe-
reur ; les anciens droits du peuple romain sont, en cette
matière, transférés d'une part au Sénat et aux consuls, de
l'autre au prince. Tout le monde, même un sénateur, peut
être cité devant le tribunal du prince et, à vrai dire, il
offrait autant de garanties, ou aussi peu, que le tribunal
sénatorial. A la fin du i^^' siècle, on convint que les procès
des sénateurs, surtout en matière capitale, seraient sous-
traits au tribunal du prince. Cette immunité fut inscrite
dans la loi au temps de Sévère. Toute affaire peut être
portée au tribunal impérial, lequel connaît le plus fréquem-
ment de celles où sont impliqués des officiers, des fonc-
tionnaires ; en cas de conflit de juridiction, c'est la juri-
diction impériale qui prime celle du Sénat ou du tribunal
ordinaire (quœstio). Le tribunal impérial siège partout où
séjourne l'empereur ; il n'est pas public. De même que le
Sénat, l'empereur peut déléguer son autorité judiciaire.
Ces délégations ont une grande importance, parce qu'elles
sont le principal fondement de la juridiction criminelle des
gouverneurs et le seul pour les préfets de la ville et du
prétoire (V. Province et Préfet).
Dans la justice civile, l'influence de l'empereur est
limitée, comme celle des autres magistrats ; il a le choix
des jurés, qui revenait jadis au préteur urbain ; quelque-
fois il casse des arrêts, mais au même titre que les anciens
magistrats. Le progrès du régime monarchique se marque
du reste par la décadence des jurys, qui finissent par dis-
paraître. La juridiction civile de l'empereur est surtout
importante dans les cas d'appel contre l'arrêt d'un magis-
trat. Absolu en principe, puisque l'empereur a une puis-
sance d'ordre supérieur (imperium majus)^ ce droit est
limité dans la pratique ; l'empereur le délègue.
L'empereur imite encore les magistrats de la Rome répu-
blicaine en ceci qu'il ne statue dans les affaires juridiques
importantes qu'avec le concours d'amis et de conseillers.
Auguste et ses successeurs agirent ainsi. Adrien donna à
ce conseil (consilium^ plus tard appelé consistorium)
une organisation réguhère (V. l'art. Consilium).
Tout ce qui concerne le domaine et les finances de l'Etat
romain est soumis à l'empereur ; non seulement il statue
souverainement sur les litiges relatifs aux limites entre les
territoires de telle ou telle communauté, mais il dispose
comme il veut du domaine public ; il fait les assignations
de terres sans s'assujettir à aucune restriction ; il ne s'ar-
rête que devant les expropriations de propriétés privées.
Pour l'administration financière, on distingue plusieurs
caisses. Le prince a d'abord la sienne, comme chaque pro-
consul : c'est le fisc {fiscus Cœsaris) ; mais elle lui appar-
tient sans réserve ; il en dispose comme de sa fortune privée.
C'est sur le fisc qu'il paye les dépenses de l'armée de terre
et de mer, de l'administration des provinces impériales, de
l'annone, des routes, des aqueducs, etc. Quant aux dépenses
de la maison impériale, celles de ses employés personnels
et particulièrement de ceux qu'il emploie à l'administration
financière, ce sont des dépenses privées du souverain ; bien
loin d'être appointé par l'Etat, c'est lui qui fait les frais
de véritables services publics. Les ressources du fisc étaient
fournies par les revenus des provinces impériales, auxquels
s'ajoutaient une partie des revenus des provinces probablement
sénatoriales et probablement des subventions du trésor public
(œrariiim). Tout balancé, le prince donnait plus qu'il ne
recevait. Auguste, dans son testament, nous apprend qu'il a
dépensé sur sa fortune personnelle et les legs qu'il a reçus,
plus de 4 milliards de sesterces pour l'Etat et ne laisse
ainsi à ses héritiers que 450 millions. En l'an 62, le fisc
privé de l'empereur versait annuellement 60 miUions de
sesterces de plus qu'il ne recevait. Ces témoignages et bien
d'autres démontrent que l'empereur de cette époque ne
tire pas ses revenus de l'Etat, comme fera celui du Bas-
Empire ; il affecte aux services publics la plus grande partie
de son revenu personnel, lequel, il est vrai, lui vient en
particuUer de royaumes dont il est censé le maître, comme
l'Egypte, mais aussi par héritage. Le système d'Auguste
avait ce grave défaut qu'il n'avait pas créé de ressources
- 969 -
EMPIRE
équivalentes aux dépenses ; le déficit était donc Tétat normal ;
sous les bons princes, il était comblé par les libéralités im-
périales, sous les mauvais, on recourait à des confiscations,
à des mesures vexatoires ou à des économies mal entendues.
-— L'empereur intervient dans la gestion du trésor public;
sans doute Auguste a laissé au Sénat le trésor (œrarium
populi Romani) proprement dit; mais il a constitué à
côté un trésor de guerre (œrarium militare) géré par
des préfets. L'autre, auquel on appliqua le nom d' œrarium
Saturni, fut contrôlé, et, dès le règne de Néron (56),
confié à deux préfets subordonnés encore au Sénat, mais
davantage au prince. La distinction du fisc et du trésor
public subsista jusqu'à Dioclétien probablement, mais elle
était désormais de pure forme. ■— Le droit de créer des
impôts nouveaux sur le peuple romain n'appartenait pas en
principe aux empereurs ; en fait, ils n'en créèrent presque
pas jusqu'au règne de Dioclétien, lequel remania tout le
système financier. En revanche, c'est l'empereur seul qui
règle la répartition, c'est lui qui surveille la levée de
l'impôt, soit que ses employés y procèdent, comme pour
l'impôt foncier, soit qu'il soit affermé.
Le prince et le Sénat ont des droits égaux pour le mon-
nayage; mais, dès l'an 15 av. J.-C, où l'on reprit la
frappe du cuivre, on convint que la monnaie de cuivre
serait frappée par le Sénat, celle d'argent et d'or par l'em-
pereur. La monnaie de cuivre d'abord, puis la monnaie
d'argent après les altérations de Néron, ne fut autre chose
qu'une monnaie fiduciaire; il en résulta de grands maux,
surtout au m® siècle, et c'est seulement le Bas-Empire qui
y mit fin en rétablissant une bonne monnaie; elle fut uni-
quement frappée par l'empereur (V. Monnaie).
A l'administration financière de l'Empire, il faut encore
rattacher la poste, création d'Auguste, uniquement affectée
d'abord aux besoins des services publics (V. Poste). C'est
une des innovations importantes de l'Empire.
L'histoire de l'administration de la ville de Rome est très
intéressante parce qu'elle permet de suivre les accroisse-
ments successifs de l'autorité impériale ; bornée d'abord à
une surveillance conforme à celle qu'exerçaient les consuls et
les tribuns, elle se développa rapidement dès le règne d'Au-
guste ; la raison en fut la même que celle qui explique les
progrès de la centralisation administrative, la nécessité de
pourvoir à des besoins en souffrance ; une famine décida
l'empereur à se charger de l'approvisionnement de la ville
(cura annonœ); il se chargea ensuite de l'entretien des
routes, puis des aqueducs, puis des édifices publics ; il fut
conduit à organiser le corps des pompiers, puis à s'occuper
de régulariser le cours du Tibre, d'entretenir les égouts;
enfin Tibère organise la police urbaine. Cette dernière ins-
titution était une des plus contraires à l'ancien esprit répu-
blicain et de caractère ouvertement monarchique ; d'autant
plus que la compétence de cette juridiction administrative,
la préfecture urbaine (V. Préfet), se développa aux dépens
de celle des jurys. Dès le i^' siècle de l'Empire, toute
l'administration urbaine de Rome a pris un aspect monar-
chique. Pour le détail, nous renvoyons à l'art. Rome,
rappelant seulement le mot cruel d'après lequel le pain et
les jeux étaient tout ce que le peuple demandait à l'empe-
reur. Il lui assurait l'un et l'autre et de plus la sécurité.
Claude fit décerner à l'empereur la prérogative monarchique
de reculer le pomerium, l'enceinte religieuse de Rome.
A l'époque républicaine, les cités italiennes avaient l'au-
tonomie administrative. L'Empire la respecta mieux que
celle de Rome, où la vie municipale avait péri depuis long-
temps. Cependant, pour avoir été plus lente, l'évolution fut
la même, et la monarchie finit par absorber toute l'admi-
nistration des communautés italiennes. Nous étudierons
dans l'art. Italie la condition privilégiée de la péninsule
et la manière dont elle fut assimilée aux autres provinces
de l'Empire. Cette transformation politique, qui s'acheva
sous le Bas-Empire, attesta la fusion complète des vain-
queurs et des vaincus dans un Etat nouveau qui est la con-
tinuation de l'Etat romain, mais qui a son originalité
propre, l'Empire. L'extension de la juridiction de la pré-
fecture urbaine sur l'Italie fut suivie de l'institution de
fonctionnaires préposés aux routes (curatores viarum) ;
ceux-ci furent peu à peu chargés de surveiller les revenus
de l'institution alimentaire (de Nerva), puis les douanes,
l'annone. On créa ensuite des curateurs pour contrôler les
administrations municipales ; les abus qui se produisaient
inévitablement donnèrent lieu à l'intervention de l'empe-
reur, auquel on faisait souvent appel. C'est au temps de
Trajan que se généralisent ces empiétements. Ils ne sont
pas limités aux municipalités italiennes; les communes
libres des provinces sont également en cause. Partout on
établit, au iii^ siècle, ces fonctionnaires dont le titre est
significatif : correctores civitatum liberarum (V. Muni-
cipe). On finit par donner à l'ItaUe des administrateurs
analogues à ceux des autres provinces. ,
L'administration provinciale, qui fut le grand bienfait
de l'Empire et son œuvre propre, sera exposée avec tous
les développements qu'elle comporte dans l'art. Province.
Nous avons déjà dit que la puissance proconsulaire de
l'empereur était le fondement de son autorité dans les pro-
vinces, mais que, dans quelques-unes, il gouverne à la place
des anciens rois et comme souverain territorial ; c'est à ce
titre qu'il confère, par exemple, le droit de bourgeoisie
d'Alexandrie. Dans cette catégorie de provinces, la pro-
priété du sol appartient à l'empereur. On généralisa, et au
milieu du ii« siècle les juristes soutinrent que, dans toutes
les provinces impériales, le sol n'appartenait pas à l'Etat,
mais à l'empereur. Il en résulta que les privilèges dont
jouit la propriété publique furent étendus aux biens prives
du prince. Cette confusion entre le domaine de l'Etat et le
domaine du souverain montre une fois de plus comment le
principal est devenu une monarchie dans toute la force du
fppme
Après avoir passé en revue les différentes attributions
du prince, en tant que tel, il reste à dire un mot des diffé-
rentes magistratures qu'il prenait temporairement. En pre-
mier lieu, le consulat : l'empereur le prenait dans l'année
de son avènement ; à plusieurs reprises, on songea à le
lui conférer tous les ans, mais seulement parce que l'usage
s'étant conservé de désigner les années par le nom des
consuls, on voulait procurer l'avantage de cette éponymie
au souverain. D'ailleurs, l'empereur prend le consulat
lorsque cela lui plaît et sans suivre de règle constante,
(îuant à la censure, tant qu'elle ne fut pas absorbée par
le principat, l'empereur la prit à plusieurs reprises. Quand
elle disparut, on cessa de faire le recensement du peuple ;
celui des chevaliers et du Sénat fut fait annuellement par
le prince à partir d'Auguste. L'empereur attacha un certain
prix à la possession des sacerdoces ; il fait partie des
grands collèges (pontifes, augures, quindécemvirs, épulons,
augustales, arvales) ; outre les droits qu'il exerce comme
grand pontife, il a pris celui de nommer des membres de
ces collèges recrutés en principe par cooptation.
Le prince n'a pas de suppléant désigné ; rien qui res-
semble à la régence dans les Etats monarchiques ; rien non
plus d'analogue à la situation des ministres dans nos
monarchies constitutionnelles. Quand le prince se fait
représenter, c'est seulement pour un cas défini, comman-
dement de la garde, d'une légion, d'une province, juge-
ment des appels d'une province ; pas de délégation géné-
rale de ses pouvoirs. Les conseillers les plus influents
n'eurent pas de titre spécial, de pouvoir formellement
énoncé. Cependant il y eut un personnage qui, plus que
tout autre, devint dans l'Empire le suppléant de l'empe-
reur : ce fut le commandant de sa garde, le préfet du
prétoire. Comme l'idée romaine supposait l'action person-
nelle du magistrat suprême, quand celui-ci ne peut venir
lui-même, il fait porter ses ordres par ses employés les plus
sûrs, au premier rang desquels est le chef de la garde ;
d'autre part, dans ce régime militaire, celui-ci a une situa-
tion très forte ; l'empereur doit avoir confiance en lui, et,
d'autre part, s'en méfier, car l'influence du préfet du pré-
EMPIRE
— 970
loire est une menace permanente pour lui ; cet antagonisme
domine l'histoire du Haut-Empire. Pour s'en délivrer, on
affaiblit l'institution de la préfecture du prétoire en y appli-
quant le principe des anciennes magistratures, la collégia-
lité. Plus tard, dans la monarchie du Bas-Empire, on
complète la précaution en revenant au second principe de
l'époque républicaine, la brève durée de la fonction. En
revanche, on lui attribua une compétence et une autorité
de plus en plus vastes (V. Pbéfet).
Nous voici parvenus au terme de l'étude analytique du
pouvoir impérial. Il nous reste à voir comment se termi-
nait le principal : par la mort, l'abdication ou la déposition
du titulaire. L'empereur acquérant son pouvoir par la
volonté populaire manifestée par l'organe du Sénat et de
l'armée, il le perd de même. L'expression de la volonté
populaire se confond avec le droit du plus fort. La situation
est donc toujours révolutionnaire ; le peuple souverain peut
élever ou renverser le prince quand et comme il lui plaît.
Tibère songea à abdiquer, Dioclétien et Maximien abdiquè-
rent, Vitellius et Didius Julianus, offrirent de le faire afin
d'avoir la vie sauve. Le Sénat reconnut Galba du vivant de
Néron, de même Septime Sévère du vivant de Julianus, et
les Gordiens du vivant de Maximien. La responsabilité du
prince n'est efficacement mise en jeu qu'après sa mort;
mais cependant, s'il survit à sa déposition, il peut lui être
intenté une action criminelle; elle le fut contre Néron,
Julianus, Maximien et son fils Maxime. Mais un procès de
ce genre peut être intenté aux morts ; c'est pourquoi on
prit l'habitude de juger le prince après sa mort ; la sanc-
tion était la condamnation de sa mémoire ou du moins la
cassation de ses actes. La cassation des actes entraînait
l'omission du nom dans la formule du serment imposé aux
magistrats à leur entrée en fonctions. Ce fut le cas pour
Caracalla. La condamnation de la mémoire était plus grave :
le condamné était assimilé à un criminel de haute trahison,
privé de sépulture, les monuments élevés en son honneur
supprimés, son nom rayé des lieux où il figurait officielle-
ment. Lorsque aucune de ces condamnations n'était en-
courue, on prononçait la consécration de l'empereur mort,
qui était inscrit au nombre des dieux.
Le principat n'a pas eu de règle de succession, ni l'hé-
rédité, ni la désignation d'avance. L'hérédité ne fut jamais
admise en principe ; Tibère dans son testament se borne à
léguer ses biens privés à ses deux neveux. L'hérédité qui
tendit à s'établir, car il y eut une série d'efforts pour créer
des dynasties impériales, ne prévalut jamais. Elle était en
contradiction avec ce fait que le principat était une magis-
trature. Lorsque l'empereur indique son successeur, cette
indication n'a rien d'obligatoire. Tandis que, pour les magis-
tratures républicaines, le successeur était désigné, tandis
que fonctionnait son prédécesseur, il n'en est pas ainsi
pour l'Empire. Le pouvoir impérial n'a pas de durée fixe;
nul ne peut donc, tant que le titulaire vit, en désigner un
autre, à moins d'éliminer le premier. Il y a donc là une
situation qui est particulière à l'empire romain ; alors que
dans la république, comme dans une monarchie, le gouver-
nement n'est jamais vacant et que dès que disparaît celui
gui l'exerce il est aussitôt remplacé, dans le principat il
?en est pas ainsi. Entre chaque règne il y a une vacance
plus ou moins longue pendant laquelle nul ne possède Vim-
perium. Il n'existe pas d'institution comparable à celle de
l'interrègne dans la période républicaine. Ce fut là le pire
défaut du Haut-Empire; ce système hybride, cette monar-
chie hypocrite eut tous les inconvénients de l'équivoque et
cumula ceux de la république et de la monarchie ; nulle
sécurité dans la désignation de l'empereur : la violence y
joue le principal rôle. Et telle est la difficulté qu'il y a à
réparer une faute originelle que jusqu'à l'époque byzantine
l'empire romain continua de souffrir du manque d'un sys-
tème régulier pour la transmission du pouvoir. Il avait été
facile de prévoir celle-ci conformément aux habitudes adop-
tées pour les autres magistratures romaines. Les fonda-
teurs du nouveau régime n'avaient eu confiance ni en eux-
mêmes ni dans l'institution qu'ils créaient ; le second de
ceux-ci, Tibère, en fut la première victime ; sa vie en fut
empoisonnée, et pourtant, malgré cet exemple, on ne put
revenir en arrière ; le mal était fait, l'institution dura des
siècles et jusqu'au bout elle subit les conséquences de la
faiblesse d'Auguste.
Il y eut cependant des tentatives faites pour pallier ces
inconvénients ; à défaut d'un successeur proprement dit,
l'empereur prit un associé, qui, ayant part à son autorité,
était tout désigné pour lui succéder. Cet associé n'était pas
l'égal du prince, quoique le cas se soit présenté à partir de
la fin du II® siècle. Le plus souvent on confère cette qua-
lité au fils de l'empereur, fils légitime ou adoptif, ce qui
revenait à préparer une succession dynastique et à créer
des familles factices comme celle des Antonins oii Caracalla
put se regarder comme le septième empereur de sa maison.
Comme le prince, son associé renonce à son nom de gens^ il
prend celui de la famille impériale et tout d'abord le sur-
nom de Cœsar, A partir d'Adrien, celui-ci est réservé à
l'associé à l'Empire, héritier présomptif; le nom de César
prend ainsi un sens politique défini. Ce qu'il faut noter
comme un nouveau pas vers la monarchie, c'est que la
qualité de césar n'implique aucune attribution de magis-
trat et que le césar est un héritier présomptif, mais n'est
plus un associé. D'autre part, ce titre ne confère pas de
droit légal à l'Empire et quand celui-ci devient vacant, il y
est pourvu par le peuple, l'armée et le Sénat, selon le mode
usuel. Quant aux pouvoirs dont était investi l'associé de
l'empereur, il n'y a pas grand intérêt à les passer en revue
dans le détail ; ce sont ceux de l'empereur, mais à un de-
gré inférieur, puissance tribunicienne et proconsulaire, etc.
Cette puissance proconsulaire atténuée fut conférée en der-
nier lieu à Commode; au m® siècle elle disparaît et l'im-
portance de la puissance tribunicienne secondaire paraît
accrue. Les césars du iii^ siècle ne reçoivent pas celle-ci,
ou du moins ne la reçoivent qu'avec une association à l'au-
torité réelle de l'auguste. Néanmoins, l'associé à l'Empire,
même lorsqu'on lui avait conféré la puissance proconsu-
laire et la puissance tribunicienne, ne succédait pas de plein
droit ; il fallait l'agrément du Sénat et du peuple.
Le dernier cas qui se présente est celui du partage du
pouvoir impérial entre deux souverains ayant également le
titre d'augustes. Ce fut une innovation de Marc Aurèle qui
s'associa ainsi Lucius Verus, puis Commode ; après lui
l'usage persista ; repris par Sévère pour ses deux fils, il
fut constamment appliqué dans le courant du iii^ siècle.
En général, cependant, le premier en date des augustes
conservait une certaine primauté, surtout lorsqu'il s'agis-
sait du père et du fils. On sait que Dioclétien tenta d'ériger
en système ce partage du gouvernement entre deux ou
plusieurs empereurs et que cela conduisit au partage ter-
ritorial de l'Empire.
Administration de l'Empire (V. les art. Administration,
MuNiciPE, Province). Pour tout ce qui concerne la défense de
l'Empire et son organisation mihtaire, V. les art. Armée, Au-
guste et Légion. Pour l'état social, V. l'art. Classes sociales.
Le culte des empereurs. — Le culte des empereurs est
une des particularités de l'empire romain ; c'était le seul
culte qui fût pratiqué dans toute l'étendue de cet Empire où
coexistaient les religions les plus diverses (V. Religion
[Antiquité gréco-romaine]). Toutes les villes et les provinces
rivalisaient de zèle en faveur de ce culte, plus encore que
de leurs cultes locaux ou nationaux. Les dieux protecteurs
de chaque peuple ou de chaque cité avaient perdu de leur
crédit par la suppression de l'indépendance ; la puissance
romaine qui avait tout plié sous son ascendant avait inspiré
aux vaincus un respect presque religieux ; incorporée dans
la personne de l'empereur, elle fut aisément adorée. Le
culte des empereurs a été la religion officielle de l'Empire,
car, si Rome resta fidèle à ses dieux nationaux, elle ne connut
pas le prosélytisme religieux et laissa chaque pays adorer
les siens ; au contraire, elle les traitait avec bienveillance.
La nécessité d'un culte commun à toutes les parties, si
974
EMPIRE
diverses de FEmpire, n'en existait pas moins, la vie reli-
gieuse étant étroitement associée à la vie publique. Il fallait
avoir une religion administrative ; ce fut le culte des em-
pereurs. Nous' en avons déjà indiqué les origines et parlé
du serment que tous les magistrats et fonctionnaires prê-
taient au nom de Jupiter, des divins augustes et des Pénates.
C'est l'hostilité marquée par les Juifs et les chrétiens à ce
culte du génie de l'empereur et des divins augustes ses pré-
décesseurs qui explique qu'on les ait considérés comme des
ennemis de l'Etat. Les bienfaits de la paix romaine valu-
rent à l'Empire et à sa religion une profonde popularité.
Elle se manifeste au ii^ et au iii^ siècle. L'influence gran-
dissante des Orientaux, de longue date accoutumés à rendre
aux souverains des honneurs divins, celle des Grecs qui
divinisaient les hommes sans répugnance, donnent au culte
des empereurs dans la moitié orientale de l'Empire un
caractère particuHer qui prépare la monarchie byzantine.
L'empereur est qualifié de divin, de très saint ; les impéra-
trices syriennes sont de même adorées de leur vivant. Bien-
tôt Dioclétien exigera de tous les honneurs divins et fera
prosterner ses sujets devant lui. Les associations religieuses
fondées pour desservir le culte des empereurs sont partout
répandues et très actives: aux Augustales sont venus
s'ajouter les collèges ou sodalités des Flaviales et des An-
toniniani ; chaque empereur ou impératrice divinisé a son
prêtre ou sa prêtresse. Aux corporations oflicielles, il faut
ajouter une foule d'associations privées qui se proposent le
même objet, vénérant soit tous les augustes divins, soit
l'un d'entre eux ; on en compte autant dans les provinces
et leurs principales villes qu'à Rome. Elles prennent rang
dans la société et en forment une classe ; au-dessous de
l'ordre des décurions qui est fermé et héréditaire, se place
un second ordre privilégié, celui des Augustales ou sévir i
Augustales, Ces associations fournissent donc aux petites
gens une occasion de s'élever, revêtus des charges honori-
tiques ; nouvelle cause de popularité pour le culte qui leur
procure ces avantages. Les divins augustes sont de tout
point assimilés aux autres dieux ; ils ont leurs temples,
leurs autels, leurs images, leurs fêtes. On célébrait l'anni-
versaire de leur naissance, de leur consécration, de la
dédicace de leur temple, celui de l'avènement de Tempereur
régnant : on lui apportait ses vœux le 3 janv., et plus
solennellement tous les cinq ans, tous les dix ans, tous les
quinze ans. Le peuple prenait une part très grande à ces
réjouissances ; on allumait des lampes à la porte des mai-
sons, on les décorait de feuillage, on se réunissait entre gens
du même quartier pour banqueter. « Dans ce culte, dit
Fustel de Coulanges, tout n'était pas public, tout n'était
pas pour l'apparat. Beaucoup d'hommes dans le secret de
leur maison, loin des regards de la foule et sans nul souci
des fonctionnaires impériaux, adoraient la divinité de l'em-
pereur associé à leurs dieux pénates. Il est impossible d'at-
tribuer tout cela à la servilité ; des peuples entiers ne sont
pas servîtes et ne le sont pas durant trois siècles. Ne sup-
posons pas que ce culte fut un simple cérémonial, une règle
d'étiquette ; le palais impérial était presque le seul endroit au
monde où il n'existait pas. Ce n'étaient pas les courtisans
qui adoraient le prince, c'était Rome. Ce n'était pas Rome
seulement, c'était la Gaule, c'était l'Espagne, c'étaient la
Grèce, l'Asie. Si l'on excepte les chrétiens qui vivaient
alors obscurs et cachés, il y avait dans tout le genre
humain un concert d'adoration pour la personne du prince.
Ce culte étrange se comprend et l'on en sent toute la sin-
cérité et toute la force si l'on songe à l'état psychologique
de ces générations. Les hommes étaient fort superstitieux.
Dans la société de l'empire romain, les pratiques de la dévo-
tion étaient universelles ; les plus hautes classes s'y Hvraient
avec la même ferveur que les classes ignorantes. L'esprit
humain tremblant voyait la divinité partout. Son besoin
d'adorer s'appliqua naturellement à ce qu'il trouvait de plus
puissant dans les choses humaines, à l'autorité impériale.
Nous ne devons pas d'ailleurs confondre les pensées de ce
temps-là avec la doctrine du droit divin des rois qui n'a
appartenu qu'aune autre époque. Il ne s'agit pas ici d'une
autorité établie par la volonté divine ; c'est l'autorité elle-
même qui était divine. Elle ne s'appuyait pas seulement sur
la religion ; elle était une religion. Le prince n'était pas un
représentant de Dieu; il était un dieu. Ajoutons même que
s'il était dieu, ce n'était pas par l'effet de cet enthousiasme
irréfléchi que certaines générations ont pour leurs grands
hommes. Il pouvait être un homme fort médiocre, être même
connu pour tel, ne faire illusion à personne et être pourtant
honoré comme un être divin. Il n'était nullement nécessaire
qu'il eût frappé les imaginations par de brillantes victoires
ou touché les coeurs par de grands bienfaits. Il n'était pas
dieu en vertu de son mérite personnel ; il était dieu parce
qu'il était empereur. Bon ou mauvais, grand ou petit, c'était
l'autorité pubhque qu'on adorait en sa personne. Cette re-
ligion n'était pas autre chose en effet qu'une singulière con-
ception de l'Etat. La puissance suprême 'se présentait aux
esprits comme une sorte de providence divine. Elle s'asso-
ciait dans la pensée des hommes avec la paix dont on
jouissait après de longs siècles de troubles, avec la pros-
périté et la richesse qui se multipHaient, avec les arts et
la civilisation qui s'étendaient partout. L'âme humaine,
par un mouvement qui lui était alors naturel et instinctif,
divinisa cette puissance. De même que dans les vieux âges
de l'humanité on avait adoré le nuage qui, se répandant
en eau, faisait germer la moisson, et le soleil qui la faisait
mûrir, de même on adora l'autorité suprême qui apparais-
sait aux peuples comme la garantie de toute paix et la
source de tout bonheur. » Les considérations développées
par Fustel de Coulanges prouvent combien l'esprit des
hommes du ii*^ et du in® siècle était profondément monar-
chique. L'autocratie avait été organisée par Auguste avec
des formes républicaines afin de ménager les scrupules des
Romains ; mais, à mesure que l'Empire prévaut sur Rome,
que celle-ci et l'Italie s'y absorbent, le principe monarchique
s'affirme davantage dans les mœurs et les institutions, et
c'est par une évolution continue et fatale qu'on aboutit à
la monarchie sacro-sainte de Dioclétien et de ^Constantin.
V^La monarchie du m'' et du iv® siècle. — Le prin-
cipat, tel que l'avait institué Auguste et que nous venons
de le décrire, subsista jusqu'à la grande crise du ni® siècle,
laquelle marque la fin du Haut-Empire. Lorsqu'il fallut recon-
struire sur les ruines laissées par un demi-siècle de guerres
étrangères, de guerres civiles et d'anarchie, il parut inu-
tile de conserver les formes qui dissimulaient mal la mo-
narchie absolue. C'est celle-ci que proclama sans scrupule
et sans réticence Dioclétien, le fondateur du Bas-Empire.
Il commença par supprimer la fiction d'après laquelle le
pouvoir était délégué par le peuple à l'empereur. Il se
considéra comme empereur par la volonté des dieux, non
point par le choix du peuple, de l'armée et du Sénat. Il
ne demanda à celui-ci nulle confirmation de son titre. Il
gouverna et légiféra seul. C'est en vertu de son droit propre
qu'il procéda à la réorganisation complète de l'Empire. Il
ne faudrait pas, sans doute, lui attribuer l'œuvre tout
entière ; elle ne fut consommée que par Constantin, et elle
avait été préparée depuis longtemps. « Plus d'un empe-
reur avant Dioclétien avait senti la nécessité de prendre
un collègue, de diviser les grands gouvernements, même
de partager l'Empire et d'affaiblir les prétoriens ; plus d'un
s'était laissé nommer seigneur ou dieu, et les monnaies de
Trajan et d'Antonin le Pieux les représentent avec la cou-
ronne radiée. Les peuples ne s'indignaient ni de ces titres,
ni de ces couronnes, car la religion officielle leur faisait un
devoir d'adorer l'empereur vivant, et ils élevaient des
temples à l'empereur mort. Un siècle et demi avant Dio-
clétien, Adrien avait fait de son consilium le rouage prin-
cipal de l'administration. » (Duruy.) Caracalla avait
séparé les fonctions civiles des fonctions militaires; le
repeuplement des provinces frontières par des colons ger-
mains, le recrutement de l'armée parmi les Barbares, qui
seront deux causes essentielles de la ruine de l'Empire,
ont été inaugurés avant Dioclétien ; de même, il a consacré
EMPIRE
-- 972
plutôt que créé la hiérarchie des titres et la nomenclature
nobiliaire. La chancellerie impériale était depuis longtemps
le vrai pouvoir central et le moteur de tout l'Empire.
« Dioctétien n'a donc pas créé de toutes pièces un nouvel
édifice politique et social ; au fond il n'accomplit qu'une
grande réforme administrative. Mais les apparences répu-
blicaines si soigneusement prises par Auguste, conservées
par beaucoup de ses successeurs et que Carus gardait en-
core, tombèrent; rien ne cacha plus le maître, el rey
netto, et la république autocratique d'Auguste revêtit sa
forme dernière, celle d'une monarchie orientale. » (Duruy.)
La monarchie absolue fut affirmée en principe ; le sou-
verain règne en vertu d'un droit divin ; il est la loi vivante,
supérieur à toutes les lois écrites. On doit l'appeler maître
et le qualifier de saint et de sacré. Pour le saluer, on plie
les genoux à la mode orientale. Il est paré du diadème
comme les anciens rois perses, dont il adopte le fastueux
costume surchargé de pierreries. Il s'entoure d'une cour
dont l'étiquette rigoureuse marque la distance entre lui et
les autres hommes. Une foule d'employés, de gardes, s'in-
terposent entre ses sujets et lui ; on ne peut obtenir l'ac-
cès auprès de l'empereur que selon les règles d'un céré-
monial minutieux. Il garantit ainsi sa sécurité personnelle
et frappe les esprits en s'entourant d'une sorte de mystère.
En même temps, Dioclétien essaye d'assurer la succession
régulière par un système ingénieux qui dura peu, celui de
la tétrarchie. Il répartit les affaires de l'Empire selon une
division territoriale, et, pour en diviser la charge, il se
donne des collègues. L'un de ceux-ci sera auguste comme
lui ; à chacun des augustes est adjoint un césar plus jeune,
son successeur désigné. De cette manière, le pouvoir ne
sera jamais vacant ; sa transmission est assurée et un usur-
pateur, fût-il vainqueur dans un quart de l'Empire, aura
toujours à lutter contre trois princes et trois armées. L'in-
convénient du système, on le vit tout de suite, c'est la
rivalité entre ces quatre empereurs qui se feront la guerre ;
de sorte qu'au lieu de garantir la régularité de la succes-
sion, Dioclétien préparait un conflit permanent. Le résul-
tat de ce partage de l'Empire sera pourtant de faire écla'*
ter les dissidences entre la moitié occidentale ou latine et
la moitié orientale ou grecque de l'Empire, lesquelles fini-
ront par se séparer.
Un des premiers actes de la monarchie absolue du Bas-
Empire fut de faire disparaître les derniers restes de la
prépotence romaine. L'Italie fut assimilée aux autres ré-
gions, partagée en provinces auxquelles on préposa des
gouverneurs (consulaires ou correcteurs) et son privilège
de l'exemption d'impôt foncier lui fut enlevé. Rome cessa
d'être la capitale. Celle-ci fut d'abord la résidence de
Tempereur ; tour à tour, Sirmium, Antioche et Nicomédie
du temps de Dioclétien ; plus tard, Constantinople, en
Orient ; Milan et Ravenne, en Occident. La garde préto-
rienne fut réduite et Rome soumise à l'autorité d'un préfet
de police. Le Sénat, qui avait partagé le gouvernement
avec le prince, fut mis de côté ; il ne subsiste guère qu'à
titre honorifique; on lui témoigne encore quelques égards.
Des anciennes magistratures, on supprime le tribunat et
l'édilité, on conserve le consulat, la préture et la ques-
ture, dignités plutôt que fonctions.
Si l'on débarrasse le terrain des vestiges du passé, il
n'en faudrait pas conclure que le rôle personnel de l'empe-
reur est accru ; loin de là, il diminue ; l'institution monar-
chique absorbe la personnalité du monarque, si prépondé-
rante au temps du Haut-Empire. Le Bas-Empire est une
monarchie administrative et bureaucratique, à la manière
du moderne empire russe (V. Etat et Monarchie). Les
employés y deviennent les vrais maîtres ; on constitue de
grands départements ministériels avec des bureaux et un
personnel hiérarchisé. En haut, à la place du Sénat, est
le conseil secret du prince, qu'on appelle officiellement
consistorium sacri^im L'organisation administrative, mili-
taire et financière, fut achevée par Constantin. C'est donc
à cette époque, c.-à-d. au milieu du iv® siècle, qu'il faut
se placer pour décrire les rouages du Bas-Empire. Sur
l'œuvre personnelle de Dioclétien et de Constantin, on
trouvera des détails dans les biographies de ces empereurs.
Au point de vue de l'administration intérieure, l'empire
romain resta partagé en quatre groupes de provinces assem-
blés deux à deux dans les empires d'Occident (Gaule, Italie)
etd'Orient (Illyrie, Orient) (V. le tableau desp.p. 953-954).
Il comprend quatre grandes préfectures : celle d'Orient,
subdivisée en 5 diocèses et 46 provinces ; celle d'IUyrie,
subdivisée en 2 diocèses et 11 provinces; celle d'Italie,
subdivisée en 4 diocèses et 30 provinces ; celle de Gaule,
subdivisée en 3 diocèses et 29 provinces. De plus, les petites
provinces proconsulaires d'Asie et d'Afrique relevaient
directement du pouvoir central, et les deux capitales, Rome
et Constantinople, a\ aient leurs préfets, égaux hiérar-
chiques de ceux des grandes préfectures. La préfecture
d'Orient comprenait, en outre, l'Asie, l'Egypte et la Thrace;
celle d'IUyrie n'embrassait plus les provinces illyriennes
proprement dites, lesquelles formaient le diocèse de Pan-
nonie ou d'IUyrie occidentale dépendant de l'Itahe, à
laquelle on rattachait encore les pays alpestres et l'Afrique.
La tendance au morcellement des provinces ne s'arrête pas ;
Auguste en avait 14, Dioclétien 96, Constantin 120.
A la tête de l'Empire est le pouvoir central, la cour avec
ses offices. L'entourage personnel de l'empereur, particu-
lièrement les femmes et les prêtres, auront une grande
influence dans le Bas-Empire. Celui-ci représente, à ses
débuts, un compromis entre l'organisation de la monarchie
orientale des cours de Suse et de Ctésiphon et les usages
de l'empereur romain, chef militaire, vivant autant dans
les camps qu'en sa demeure du Palatin. Bien qu'il se forme
de véritables dynasties, on n'arrive pas à constituer soli-
dement la monarchie héréditaire ; la succession ne sera
jamais aussi bien réglée que chez les Perses ou les Egyp-
tiens. La conception absolutiste prévaut de plus en plus ;
l'Etat, c'est l'empereur. Il s'entoure d'une bureaucratie
ordonnée en de grands ministères. Mais ces charges pu-
bliques se confondent avec les offices de la cour. Cinq per-
sonnages se partagent les principaux départements. Le
grand chambellan^ chargé du service privé de la maison
de l'empereur, a sous ses ordres les quatre classes de ser-
viteurs, les cubicularii, le comte du palais, les pages, les
architectes et gens de service, le comte de la garde-robe,
l'intendant des résidences impériales, les silentiaires, les
médecins, les gardes du corps à pied et à cheval, protec-
tores et domestici. — Le maître des offices est à la fois un
maréchal du palais et un chancelier d'Etat : il a la juridic-
tion sur tout le personnel de la cour ; il commande aux
écoles militaires, aux 3,500 scolares qui montent la garde
au palais ; une section, celle des agentes in rébus, qui
comprit plus tard 240 officiers, 250 sous-officiers et
750 agents, fournit les courriers et le personnel de la
police secrète. En même temps, le maître des offices a sous
ses ordres la poste, les manufactures d'armes de l'Empire,
contrôle l'administration militaire. Comme chancelier, il
préside au travail législatif, à la justice, à l'administration,
aux affaires étrangères, commande aux interprètes, règle
les audiences des ambassadeurs étrangers. Il dispose de
quatre grands bureaux (scrinia) avec 150 employés :
scrinium memoriœ, bureau qui expédie les résolutions
impériales et les ordres de cabinet, les grâces, etc ; scri-
nium epistolarum, service de chancellerie pour les affaires
extérieures ; scrinium libellorum, pour les affaires judi-
ciaires ; scrinium dispositionum, pour la besogne admi-
nistrative. A la tête de ce dernier est un comte ; à la tête
de chacun des autres, un sous-secrétaire d'Etat. Le maître
des offices est moins puissant que ne l'indiquerait cette
énumération parce que les préfets du prétoire partagent
une partie de ses attributions ; de plus, la durée de ses
fonctions est assez courte, et il ne peut s'adresser à l'em-
pereur que par écrit. — Le questeur du palais sacré
est une sorte de ministre d'Etat ; il est le seul qui commu-
nique verbalement avec l'empereur ; il reçoit les requêtes
— 973
EMPIRE
et transmet les réponses ; il prépare les lois ou les ordres
impériaux qui seront discutés en conseil et il les contre-
signe. Il n'a pas de bureau, mais prend pour son service
\ingt-six employés du maître des offices. — Le ministre
des finances (cornes sacrarum largitionum) est un grand
personnage auquel incombe toute la direction de l'ensemble
des impôts directs et indirects, la surveillance des four-
nitures en nature, des transports pour les approvisionne-
ments, la surveillance fiscale du commerce, celle des mines,
de la monnaie, des magasins et des manufactures publiques,
celle du trésor de l'Etat. Il est vrai que les autorités pro-
vinciales ont la responsabilité de la répartition et de la
perception de l'impôt et que la caisse centrale ne reçoit
que les excédents des caisses des préfectures du prétoire.
Dans chaque diocèse, le ministre des finances a un direc-
teur des finances, dans chaque province des employés
(rationales) ; au centre, il dispose de quinze bureaux
(en Orient, treize en Occident). — Le trésorier de l'em-
pereur (cornes rerum privatarum) administre la caisse
privée de l'empereur, les domaines publics, palais impé-
riaux, haras, forêts, etc., les biens confisqués ou tombés
en déshérence. — On doit encore mettre auprès des cinq
ministres les deux chefs de la garde impériale (domestici
et protectores) ; cette garde est formée soit de vétérans,
soit de jeunes gens de bonne naissance qui y font leur
apprentissage. Enfin, les maîtres de la milice (magistri
militum), généraux en chef, dont nous reparlerons tout
à l'heure. A côté des ministres détenteurs des grandes
charges de la cour, il faut nommer le primicerius des
notaires ou grand notaire ; c'est lui qui tient le grand
livre des fonctions et offices publics constatant et contrô-
lant l'avancement et la situation hiérarchique de chacun.
— Le conseil de l'empereur (consistorium sacrum) com-
prend le préfet du prétoire de la résidence, les généraux
en chef présents, le maître des offices, le questeur, les
deux ministres des finances, un certain nombre de comtes
ou de conseillers secrets. Il arrive qu'on y adjoigne, pour
des circonstances spéciales, des employés supérieurs ou des
personnages de haut rang spécialement compétents.
Au-dessous de l'administration centrale vient la hiérar-
chie de la bureaucratie provinciale. A la tête de celle-ci
sont les quatre préfets du prétoire ; ce sont, chacun dans
sa circonscription, de véritables vice-empereurs ; ils pro-
mulguent les lois impériales, édictent en certains cas en
leur nom propre. Ils président à l'administration et aux
finances ; ils ont le droit de vie et de mort, la juridiction
suprême, mais ne peuvent statuer sur les affaires de plus
de 50 livres d'or. Leurs décisions ne sont pas susceptibles
d'appel à l'empereur. Les sièges des quatre préfectures
étaient : Constantinople pour l'Orient; Sirmium pour l'illy-
rie; Milan pour l'Italie; Trêves pour la Gaule. A Rome ne
réside que le vicaire du diocèse d'Italie. — Dans chaque
diocèse, le préfet est représenté par un vicaire (sauf dans
ceux de Dacie et d'Illyrie, administrés directement par le
préfet du prétoire d'Illyrie et par celui d'Italie). Le vicaire
est un fonctionnaire nouveau interposé par Dioclétien entre
le gouverneur de province et l'empereur que supplée au
temps de Constantin le préfet du prétoire. Au-dessous des
vicaires viennent les administrateurs civils : 37 consulaires,
71 présidents, 5 correcteurs (V. le tableau des pp. 953-954);
les trois proconsuls relèvent immédiatement des préfets du
prétoire. Ces gouverneurs de province sont des administra-
teurs et des juges, soit en première instance, soit définiti-
vement pour certaines catégories d'affaires, soit en appel
des juridictions des cités. L'appel de leurs décisions est
porté au vicaire ou au préfet du prétoire. Ceux-ci ont des
bureaux considérables; le préfet d'Orient occupait 150 em-
ployés, le vicaire d'Egypte 50. Le préfet du prétoire a un
pouvoir disciplinaire sur les vicaires et les gouverneurs
qu'il peut suspendre, mais ils sont nommés par l'empereur
et ils correspondent directement avec le maître des offices.
A tous les degrés de la hiérarchie administrative, nous
retrouvons de grands bureaux ; ils sont répartis en trois
sections principales : affaires judiciaires, affaires financières,
expéditions. Les emplois supérieurs sont encore réservés
aux chevaliers, mais on sentit bientôt qu'il était fâcheux
d'exclure la noblesse sénatoriale de l'administration. D'autre
part, on renonça complètement à l'emploi des esclaves ou
des affranchis. La petite bourgeoisie recruta donc les carrières
administratives, et il se forma une classe sociale d'employés
pubHcs. Ce n'est pas le lieu de nous en occuper (V. Classes
SOCIALES et Etat). Il est toutefois très intéressant de re-
marquer comment l'empire romain, qui était d'abord un
Etat militaire, se transforma en monarchie bureaucratique
par une évolution progressive.
La hiérarchie de rangs et de titres achevée par Cons-
tantin eut une importance décisive. Les consuls restent en
dehors, avec le titre de gloriosus. Le patriciat est devenu
une dignité que l'on confère un peu comme les grands'-
croix de nos ordres modernes ; le titre de nobilissime est
réservé aux princes du sang. Les plus hauts fonctionnaires
sont dits viri illustres (les six préfets, les maîtres de la
milice, les cinq ministres) ; puis viennent les spectabiles,
qui occupent les hautes charges de la cour : notaire supé-
rieur, sous-secrétaire d'Etat, proconsuls d'Asie, d'Afrique
et d'Achaïe, vicaires des diocèses et généraux; les claris-
simi, parmi lesquels figurent les gouverneurs de province,
les sénateurs, etc.; les perfectissimi, qui répondent à peu
près à nos chefs de bureau ; on vend aussi ce titre ; celui
d'egregii est donné aux chevaliers, celui d'honorati à
ceux qui ont reçu le titre d'une fonction sans l'exercer en
fait. Un grand nombre des personnages de cette hiérarchie
sont qualifiés de comtes (comités), c.-à-d. compagnons du
prince, on pourrait traduire conseillers. C'est le cas pour
les membres du conseil, les ministres des finances, le vicaire
d'Orient, les commandants de la garde et plusieurs chefs
militaires. Il va de soi que, pour chacun des degrés de la
hiérarchie, on admettait des différences de grade, d'an-
cienneté, etc. On multiplie les décorations, les insignes
extérieurs de chaque fonction ; c'est dans ces images sym-
boliques qu'on trouve une origine de notre blason.
Le personnel administratif fut très favorisé dans le nou-
veau régime. Outre le salaire ou traitement, les employés
bénéficièrent d'une série de privilèges et d'exemptions ;
rien de plus contraire à nos idées démocratiques. Ces pri-
vilèges, par l'extension qu'ils prirent, devinrent très nui-
sibles au reste de la population (V. Classes sociales).
Il se constitue une noblesse administrative à côté de la
vieille noblesse sénatoriale et municipale. D'autre part, le
pouvoir a conservé vis-à-vis de ses agents la méfiance de
l'époque républicaine et du principat. Il redoute leur am-
bition et leurs intrigues. Il ne les nomme que pour un
certain délai, ne les laisse en fonctions qu'un temps assez
court, déplace constamment les employés inférieurs. En un
mot, il repose sur la bureaucratie, mais il ne se décide pas
à accepter les conséquences de son système et il en paralyse
les principaux mérites. Il ne se trompait pas sur la valeur
morale de ces employés qui était des plus médiocres : à
tous les degrés de la hiérarchie sévissent l'intrigue, la
fourberie, la violence, la corruption, les exactions. D'autant
plus lourdement pèse sur le peuple cette énorme machine.
Les embarras fiscaux seront une des causes de la ruine de
l'Empire. Pour surveiller ce personnel bureaucratique et
administratif, Constantin et ses successeurs cherchent à
relever les assemblées provinciales (V. Province).
Nous avons déjà signalé la gravité de la réforme qui
sépara les carrières civiles des carrières militaires. Le
résultat fut de faire de l'armée un Etat dans l'Etat. A
d'autres égards encore, l'armée du Bas-Empire est orga-
nisée sur un tout autre modèle que celle du Haut-Empire ;
les nécessités ne sont plus les mêmes. Auguste avait pu
concentrer toutes les forces aux frontières ; cela n'est plus
possible maintenant. A la tête de l'armée sont deux géné-
ralissimes, les maîtres de la milice de la cavalerie et de
l'infanterie, dont le nombre fut porté à quatre sous Cons-
tance II. Ils dirigent l'administration centrale de l'armée ;
EMPIRE — 974
ravancement, les déplacements, la juridiction sont réglés
par eux. Pour ne pas se mettre à leur discrétion, l'empe-
reur a laissé les chefs de troupe de la frontière sous l'au-
torité du maître des offices, et une fraction de l'état-major
est à la nomination du questeur. Le système militaire est
nouveau. Aux frontières, on a bâti des forteresses et l'on
y a caserne des troupes, une milice locale (riparienses ou
castricianï) qui arrête le premier choc d'une invasion et
suffit contre les incursions de simples pillards. On recrute
cette milice dans la population de la frontière, et on com-
plète celle-ci par l'établissement de colons empruntés gé-
néralement aux Barbares. Ces milices de la frontière sont
spécialement affectées à la garde de leur district. En arrière
est l'armée proprement dite, la force mobile. On la partage
en deux groupes, l'armée palatine et l'armée des comita-
tenses; celle-ci forme la véritable armée de ligne et com-
prend les deux tiers au moins de la cavalerie et les quatre
cinquièmes des légions. Pour le détail de l'organisation,
V. Armée et Légion. A côté de ces forces régulières, il faut
citer les auxiliaires barbares et des troupes spéciales comme
celle des Lœti; enfin, sur chaque fleuve important et même
sur les lacs, on a armé une flottille. La force numérique
des unités tactiques a diminué, puisqu'on compte maintenant
175 légions. Cette armée conserve encore quelque chose de
son ancien prestige, mais elle est de plus en plus recrutée
parmi les Barbares ou les gens qui n'ont rien à perdre ;
tous les privilégiés échappent à l'impôt du sang. L'élément
germanique y deviendra prédominant, au moins en Occident,
dès la fin du iv« siècle (V. Armée, t. III, p. 999),
Cette armée plus nombreuse qu'autrefois est une lourde
charge, non moins que la bureaucratie et la cour. Il a donc
fallu procéder à une réorganisation financière, afin d'ac-
croître les ressources du budget impérial (V. ^rarium,
t. I, p. 66, et CoNTRiRUTioNS, t. XII, pp. 829 et suiv.).
Dioclétien a réformé l'impôt foncier, assis sur un cadastre
soigneusement dressé. Il a conservé tous les anciens impôts,
monopoles, droits réguliers, capitation, et les a étendus à
ritahe, sans parler des corvées et des impôts indirects. On
en trouvera ailleurs la nomenclature et l'étude détaillée.
Ce qu'il faut constater ici, c'est que le gouvernement coûtait
très cher; que l'impôt direct sur lequel il vivait était une
charge écrasante, aggravée par le mode de perception qui
en rendait responsables les autorités municipales et la
classe des Curiales (V. ce mot). En Occident, au moins,
celle-ci en fut écrasée. L'empire romain succomba autant
sous le déficit financier que sous la décadence de l'esprit
militaire qui livra ses armées aux barbares.
Nous avons négligé à dessein de parler des rapports de
l'Empire avec les chrétiens, lesquels contribuèrent beau-
coup à sa ruine. On en trouvera l'exposé dans les art.
Etat (§ Rapports de l'Eglise et de l'Etat), Persécu-
tion, où l'attitude des chrétiens envers l'Empire sera indi-
quée, et nous y reviendrons dans l'art. Saint-Empire. On
ne doit pas oublier que c'est dans la monarchie byzantine
que l'empire romain a trouvé sa dernière expression et
que le Bas-Empire a parachevé son organisation (V. Byzan-
tin [Empire] , Justinien, Constantinople, Etat, Monarchie) .
Histoire du Bas-Empire. — Dioclétien (284-305)
est le fondateur du Bas-Empire. Il triompha de Carinus en
Mœsie et fut reconnu par tout l'Empire. Il s'occupa sur-le-
champ de la défense des frontières et pour la faciliter par-
tagea l'Empire avec Maximien qui prit l'Occident avec le
titre d'auguste; ensuite ils s'adjoignirent deux césars.
Galère et Constance Chlore, Maximien eut Fltahe et
l'Afrique, Constance la Gaule, Galère l'Illyrie, Dioclétien
l'Orient. Celui-ci, après avoir supprimé l'influence du Sénat
et des prétoriens, réorganise l'Empire (V. ci-dessus). En
305, il abdique avec Maximien. Constance Chlore et Galère
deviennent augustes. Sévère et Maximin césars. Mais le
fils de Constance (mort en 306), Constantin, revendique sa
succession à titre de césar ; celui de Maximien, Maxence,
se fait proclamer à Rome où Maximien reparaît en 307.
Licinius succède d'autre part à Sévère tué par ceux-ci. Il
y eut alors six empereurs : Constantin^ Maximien,
Maxence, Maximin, Galère, Licinius; tous prennent le
titre d'auguste. Maximien, chassé par son fils, est tué par
Constantin (310), qui enlève l'Italie et la vie à Maxence
(312), vaincu au pont Milvius devant Rome; Galère meurt
en 311 et Licinius bat Maximin, qui périt dans la fuite
(313). Constantin traite avec Licinius vaincu en 314, puis
le défait et le tue en 324, rétablissant l'unité de l'Empire.
Constantin règne seul de 324 à 337. Il achève l'œuvre de
Dioclétien et transfère sa capitale sur les rives du Bosphore,
enfin il adopte le christianisme et en fait la religion offi-
cielle. C'est le dernier des grands empereurs. Il laisse
l'Empire à ses fils : Constantin (337-340), Constance
(337-361) et Constant (337-350); le premier reçoit la
Gaule, le second l'Orient, le troisième l'Italie et l'Illyrie;
Constantin périt en 340 en combattant Constant ; celui-ci
est tué en 350 par l'usurpateur Magnence, et Constance
vainqueur de ce dernier et de deux autres compétiteurs
règne seul jusqu'en 361. Son neveu, Julien (360-363),
proclamé en Gaule en 360, lui succède ; il essaye de restaurer
l'ancien polythéisme et combat vainement le christianisme ;
il périt dans une guerre contre les Perses avec lesquels
son successeur Jovien (363-364) signe une paix honteuse.
Valentinien P'^ (364-375) règne alors en Occident, lais-
sant l'Orient à son frère Fa/^ws (364-378). Gratien (367-
383), fils et associé de Valentinien, s'associe à son tour
le jeune Valentinien II (375-392). A ce moment, la
frontière de l'Empire est définitivement forcée par les Bar-
bares. Refoulés par les Huns, les Visigoths passent le
Danube. Valens est vaincu est tué par eux à Andrinople
(378) ; la péninsule ballvanique est dévastée. Gratien nomme
empereur en Orient Théodose (379-395) qui refoule les
Goths et les cantonne en Thrace et en Mœsie. Il venge
Gratien tué par l'usurpateur Maxime qu'il renverse (388);
Valentinien II ayant été tué par son général Arbogast qui
fait empereur Eugène (392), Théodose défait et met à mort
Arbogast et Eugène. Il réunit alors pour une année la
totalité de l'empire romain et achève la victoire du chris-
tianisme en poursuivant les anciens cultes. A sa mort a
lieu le partage définitif de l'empire romain entre ses fils,
Arcadius, qui règne sur l'Orient, et Honorius, qui règne
sur l'Occident. L'histoire des empereurs orientaux a été
traitée à l'art. Byzantin ^Empire). Celle des empereurs
occidentaux est brève. Il ne faudrait pas croire qu'il
y eut à ce moment deux empires romains ; il y a seulement
un partage territorial de l'empire entre deux souverains.
Ce partage ne fut que provisoire, car, avant la fin du
iv^ siècle, les conquêtes des Barbares ont amené l'extinction
de l'Empire en Occident et rétabli l'unité au profit du
souverain de Constantinople.
En Occident, Honorius (395-423) ne peut résister à
l'invasion des Barbares (V. ce mot, t. V, pp. -342-343)
qui forcent toutes les frontières et s'étaMissent dans toutes
les provinces occidentales. Il s'enferme dans Ravenne,
tandis que son général, Stilicon, combat pour lui. Après
sa mort et le châtiment de l'usurpateur Jean, monte sur
le trône un enfant de six ans, fatentinien /// (425-455),
sous lequel les dévastations et l'invasion continuent. Il est
tué par Petionius Maximus qui lui succède (455), mais
est renversé par Avitus (456) ; ce dernier est culbuté par
Ricimer, chef des auxiliaires barbares, qui fait et défait
les empereurs suivants : Majorien (457-461), Libius
Severus (461-465); puis, après un interrègne de deux
ans, Anthemius (467-472), protégé de la cour d'Orient.
Il disparaît ainsi que Ricimer et l'empereur Olybrius
(472) dans les combats qu'on se livre à Rome. Après le
règne de Julius Nepos (474-475), le patrice Oreste revêt
de la pourpre son fils Romulus Augustule (475) ; Oreste
est tué et Romulus Augustule déposé par l'Hérule Odoacre,
qui renvoie à Constantinople les insignes impériaux. Ainsi
finit l'Empire en Occident.
L'empire romain ne se termine pas en 476 ; il se pro-
longe en Orient jusqu'en 1453, où la prise de Cônstanti-
975
EMPIRE
nople par les Turcs y met fin. Mais, dans l'intervalle, on
avait restauré en Occident une copie de TEmpire. Les
populations soumises aux Barbares et même ceux-ci ne
concevaient pas, en efîet, que l'Empire pût cesser d'être.
Il semblait que ce fût, non pas un gouvernement, mais
une manière d'être du monde. Aussi, tandis que l'Empire
meurt en fait dans les provinces orientales, l'idée de
l'Empire se perpétue en Occident. Lorsque Charlemagne a
réuni sous sa domination presque tous les pays de cette
partie de l'Europe, d'accord avec la papauté et l'Eglise, il
restaure l'Empire en Occident; mais il crée ainsi une
institution nouvelle, le Saint-Empire romain germa-
nique, dont l'histoire sera exposée plus loin. Nous dirons
alors quelle fut la persistance de l'idée de l'Empire et
comment elle se combina avec les théories ecclésiastiques
et domina toute l'histoire du moyen âge. A.-M. B.
Bas-Empire (V. ci-dessus et Byzantin [Empire]).
Saint-Empire romain germanique (V. Saint-
Empire).
Empire français (V. Constitution et Napoléon).
Empire mongol, russe, chinois, etc. (V. Mongols,
Russie, CmNE, etc.).
Empire fédératif (V. Confédération, t. XII, p. 372).
Style Empire. — Le caractère de l'art, les formes
du mobilier et du costume, en un mot ce que l'on nomme
le style^ tout cela fut complètement modifié par la crise
de la Révolution. Aux galanteries du règne de Louis XV,
aux ornements contournés, aux commodes ventrues, avait
succédé déjà, sous Louis XVI, des lignes plus simples,
une décoration toujours gracieuse, mais moins agitée, et
dont la sobriété était inspirée par une connaissance plus
exacte de l'antiquité, vers laquelle tous les artistes, sti-
mulés par l'influence de M^® de Pompadour, portaient leurs
regards. Le xviii® siècle n'était pas achevé que David
Leroy 'avait publié les Ruines des plus beaux monu-
ments de la Grèce, Delagardette ses Temples de Pœs-
tum. L'architecte Antoine avait construit à Paris la
Monnaie; Louis, le Théâtre-Français et le Grand-Théâtre
de Bordeaux; Gondoin, l'Ecole de médecine; Soufflet, le
Panthéon ; enfin Peyre, de Wailly,Desprez, etc., des monu-
ments dans lesquels se manifestaient les tendances de
l'esprit nouveau. La Révolution ne fit qu'accentuer le mou-
vement. Le besoin de réforme passe du livre dans les
mœurs, et celles-ci se reflètent immédiatement dans les
arts. Aux esprits afl'amés de liberté, la Grèce et Rome
apparaissent comme les uniques modèles qu'il convienne
de copier servilement, même dans des applications que ces
anciennes république^ n'avaient pas eu à réaliser, puisque
la vie sociale, les habitations, le climat y avaient été diffé-
rents. C'est alors que l'on vit en France les maisons
prendre les allures de temples. Le fronton antique s'accom-
mode assez mal du voisinage de la cheminée, le toit en
pente jure avec l'entablement horizontal. Peu importe 1
Dans la demeure, on ressuscite Herculanum et Pompéi ;
sur les murailles apparaissent des peintures archaïques,
imitant la fresque, et, sur des fonds noirs, bistres ou rou-
geâtres, s'enlèvent des arabesques ou bien se groupent des
faunes dansants. La forme des meubles affecte celle des
monuments antiques. Le fauteuil devient une chaise curule.
Le pied d'une paisible chaise prend l'apparence d'une griffe
formidable. Pour supports de la table, voici le quatuor de
sphynx inquiétants. Les montants de la glace seront figu-
rés niaisement par des torches enflammées. Partout, des
ornements d'une imagination prétentieuse, d'un symbolisme
ridicule. Sous prétexte de respect pour la simphcité et
d'amour pour la nature, on a des lits à corbeille dont les
rideaux sont jetés négligemment sur une flèche. Bien plus,
on particularise la forme des lits en l'appropriant aux goûts,
à la profession de celui qui les commande, et on a le lit
pour le militaire, surmonté d'un trophée auquel s'attachent,
non pas des rideaux, mais « des draperies d'étoffes destinées
à le garantir de l'air et des insectes pendant la nuit » ;
on a fe lit type du chasseur, et comme les attributs du
fusil, de la poire à poudre ou de la cartouchière n'auraient
rien eu d' « antique », on n'y autorise que les javelots,
l'arc et le carquois. Il va sans dire que « la dépouille d'un
animal sauvage » était la seule courtepointe d'une couche
aussi redoutable. Il y avait également le lit type du marin,
lit à la Neptune, semblable à un navire des temps homé-
riques. Puis, aux ornementations de casques, de boucliers,
de sabres, succèdent des couronnes, des palmettes, des cols
de cygne ; l'Empire s'adoucit, l'orage se calme et les déco-
rations admettent la figuration des amours et des attributs
souriants sur les meubles pacifiés.
Dans le costume, même affectation de réminiscence an-
tique (V. Costume).
Ce fut le peintre Louis David qui, le premier, prit
l'initiative de faire exécuter pour son usage un mobilier
hardiment conçu d'après ses idées personnelles. Dès l'an-
née 4789, on put voir dans son ateher, au Heu des sièges
alors à la mode, bergères Marie -Antoinette ou cau-
seuses coquettement recouvertes d'étoffes à ramages, des
chaises en bois d'acajou accompagnées de coussins en
laine rouge avec des palmettes noires près des coutures. Il
Berceau du roi de Rome.
avait aussi une chaise curule en bronze dont les extrémités
figuraient des têtes et des pieds d'animaux. Le lit était à
l'avenant. L'ébéniste Jacob, qui avait fabriqué ce mobiUer
d'après les dessins de David et de Moreau, eut bientôt, et
surtout à partir de l'année 1797, à fournir toute sa clien-
tèle de modèles analogues. C'est à dater de ce moment qu'il
s'adressa aux architectes Percier et Fontaine (V. ces
noms), qu'on doit considérer comme les véritables inven-
teurs du style empire. Ces deux hommes de grand talent
devinrent les inspirateurs de toutes les industries de cette
époque. Ils dessinèrent non seulement des ameublements,
mais aussi des étoffes, des tapis, des papiers peints ; ils
composèrent des modèles pour l'orfèvrerie, pour le bronze,
pour les cristaux. Sans doute, on pourrait citer, à côté
d'eux, d'autres artistes qui suivirent la même voie. C'est
ainsi que le peintre Prud'hon fit, à la demande de Napo-
léon P^, les dessins du mobilier de l'impératrice Marie-
Louise, le berceau du roi de Rome, etc. De même, un
grand nombre de sculpteurs travaillèrent aux orfèvreries,
aux garnitures de cheminées, aux innombrables pendules
— 976
EMPIRE - EMPIRISME
que les Auguste, les Odiot, les Thomire exécutèrent alors.
Mais c'est à Percier qu'est due l'adoption du principe dé-
coratif, de la méthode ornementale, pour ainsi parler, qui
caractérise le style de cette période.
Ce principe, Percier lui-même, dans la préface du volume
publié par lui en 1842 (Recueil de décorations inté-
rieures, etc.), a essayé d'en préciser la formule : « Quelle
que soit, dit-il, la manière d'imiter ou de faire qui domine
dans un temps ou dans un pays, l'œil éclairé du connais-
seur en distingue, en suit l'effet et les conséquences dans
les plus grandes entreprises de l'art de peindre, de sculpter
et de bâtir, comme dans les moindres œuvres des arts
industriels, qui se mêlent à tous les besoins et à toutes les
jouissances de l'état social. » Pour parvenir, contmue-t-il,
à une sorte de critérium du bon goût dans la composition
des œuvres industrielles, pour échapper aux trompeuses
illusions de la mode et aux influences fugitives, il est de
toute nécessité de donner au jugement, en matière d'art,
un point d'appui solide. Ce point d'appui, pour lui, il le
voit dans le sacrifice des caprices de l'invention aux cal-
culs de la logique. « La nature, c.-à-d. le vrai modèle de
chaque objet, de chaque meuble, de chaque ustensile,^ est
pour l'artiste cette raison d'utilité, de commodité qu'en-
seigne son emploi. » Il suit de là, selon Percier, qu'une
composition architecturale quelconque, soit pour un monu-
ment, soit pour un meuble, ne doit pas tant être inspirée
par le désir de plaire (car ce serait céder à l'anarchie du
caprice) que par le respect des proportions, le sentiment
de la convenance ou de la destination des objets. Par
exemple, la forme d'un siège sera imposée d'abord par la
forme de notre corps, par des rapports de nécessité ou de
commodité. De même, un membre d'architecture ne devra
jamais être remplacé par l'ornement conçu simplement pour
le décorer. Un motif décoratif ne peut que s'adapter aux
formes essentielles sans jamais dissimuler la fonction de
celles-ci ni dénaturer le principe qui leur donne naissance.
C'est pour cette raison, conclut Percier, qu'il faut demander
aux anciens leur secret de composition, car, dans tous
leurs ouvrages, depuis les plus grands jusqu'aux plus
plus petits, depuis les temples jusqu'aux vases d'argile, les
anciens ont appliqué ce principe qui « consiste à conserver
dans tout objet ce qui en est le type originaire, le principe
ou la raison nécessaire, et à varier, sans blesser le fond,
les formes accessoires, les détails, les circonstances, de
manière que l'essentiel soit invariable et que l'accidentel
seul change ». . ., -on».
Comme théoricien, Percier avait-il tort ou raison / C est
là un problème sur lequel l'accord est loin d'être fait et
qui divisera longtemps encore les esthéticiens en deux
camps bien tranchés ; il y a ceux qui n'admettent point
dans l'œuvre d'art le despotisme de la logique au-dessus de
la fantaisie et de l'imagination, et il y a ceux qui pensent
que le rationalisme est l'unique principe auquel il soit sage
de se rattacher. Quoi qu'il en soit, en invoquant l'exemple
des anciens, Percier ne se trompait pas. A l'heure qu'il
est, on remet en faveur des idées identiques, desquelles
l'illustre Yiollet-le-Duc s'est fait l'apôtre éloquent et obstmé.
On délaisse les fantaisies romantiques pour revenir à cette
règle prêchée par l'initiateur du style empire, à savoir que
toute œuvre décorative est soumise aux conditions d'usage,
de destination et de matière servant à son exécution. Si
l'on s'accorde à reconnaître que Percier a poussé jusqu'à
l'abstraction le respect du principe par lui adopté ; si l'on
trouve ses lignes trop dures, ses contours trop arides, ses
figures trop sèches, ses formes trop indigentes ; si l'on
constate le plus souvent son manque de grâce, on doit,
d'autre part, proclamer la justesse des théories dont il
s'est inspiré. Il est vrai qu'en art il y a loin de la théorie
à la pratique et que les formules ne suflisent pas à faire
éclore des chefs-d'œuvre. Le style empire est la démons-
tration éclatante de cette vérité. Victor Champier.
Ordre de l'Empire indien. — Cet ordre a été fondé
dans le royaume de la Grande-Bretagne par la reine
Victoria P^, impératrice des Indes, le l®»* janv. 1878;
les statuts ont été modifiés le 2 août 1886 et le 1®' janv.
1887; il ne comporte qu'une seule classe de décorés, qui
portent en sautoir un ruban pourpre (sans plaque). G. G.
BiBL. : Empire romain.— On trouvera, dans le Manuel
d'antiquités romainesde Marquardt et Mommsen, traduit
sous la direction de M. Humbert, des notices bibliogra-
phiques très complètes et très détaillées. Nous nous con-
tentons donc de rappeler les histoires de l'empire romain
les plus remarquables. — Hœck, Rœmische Geschichte
von Verfall der Republik bis zur Vollendung der Monar-
chie untev Konstantin; Brunswick, 1841-1850.— Merivale,
History ofthe Romans under the Empire, 1865, 8 vol., 2" éd.
— DuRUY, Histoire des Romains; Paris, 1879-1885, 7 vol.
— Hertzberg , Geschichte des rœmischen Kaiserreichs ;
Berlin, 1881. — Mommsen, Rœmische Geschichte; Berlin,
1885, t. V. — V. aussi le t. I des Institutions politiques
de Vancienne France, de Fustel de Coulanges, et l'His-
toire universelle {Weltgeschichte), de Ranke.
Beaux-Arts. — Comte de Laborde, Rapports sur les
beaux-arts à l'Exposition universelle de 1851. — Per-
cier, Préface de son Recueil de décoratioiis intérieures,
1812,in-fol.— L. David, Rapports à la Convention. — Er-
nest Chesneau, Dessins de décoration, 1880, in-foL— Henry
Havard, l'Art à travers les mœurs. — Ch. Blanc, Gram-
tnaire des arts décoratifs.
EMPIRE City. Non fréquemment donné à la ville de
New-York. — Petite localité des Etats-Unis, Etat d'Orégon,
située sur le rivage de l'océan Pacifique, ou plus exactement
sur la rive méridionale de la baie de Coos qui débouche dans
l'océan Pacifique, centre de la région limitée au N. par la
rivière Umpqua, au S. par la rivière Rouge. Aug. M.
EMPIRE State (Vitic). Hybride nouveau d'Hartford
prolific et de Clinton, créé par J.-H. Rickett. Ce cépage,
à fruits blancs et foxés, a eu de la vogue en Amérique ; il
n'a aucune valeur pour la France.
EMPIRIQUE (Math.) (V. Fonction).
EMPIRISME. I. Philosophie. — On appelle empirisme
la théorie de la connaissance qui soutient que toutes les
idées que nous avons, tous les jugements que nous formons
nous sont dictés par l'expérience. Or, l'expérience est
essentiellement constituée parles données de la conscience
et des sens, du sens interne et du sens externe. 11 s'ensuit
donc qu'au regard des empiristes nous n'avons aucune
idée, nous ne formons aucun jugement que nous n'en ayons
auparavant trouvé le modèle dans quelque fait de la cons-
cience ou dans quelque impression des sens. Dans l'histoire
de la philosophie, l'empirisme a subi une évolution qui l'a
amené, par des raffinements successifs, du matérialisme
objectiviste le plus grossier au phénoménisme subjectif le
plus quintessencié. — Arorigine,en eff'et,rempirisme admet
que nous ne connaissons rien en dehors des données des
sens. Or, les sens n'atteignent que des corps. Nous ne con-
naissons rien que des corps et il n'y a rien qui ne soit
exclusivement matériel. Bien plus, Epicure admet que ce
sont des résidus matériels des corps, des sortes de pelli-
cules atomiques qu'il nomme el'SwXa, qui pénètrent réelle-
ment dans cet assemblage d'atomes ronds et glissants qu'est
notre âme. Ces ôrScoXa sont nos idées mêmes, nos connais-
sances. Ainsi non seulement nous ne connaissons rien qui
ne soit corps, mais nos connaissances elles-mêmes sont des
corps. C'est bien le matérialisme le plus objectif qu'on puisse
rencontrer, puisque la connaissance elle-même est un objet,
et un objet matériel.
Dans la philosophie du moyen âge l'empirisme est repré-
senté par les nominalistes (V. ce mot), dont les plus
célèbres sont Roscelin au xii^ siècle et Ockam au xiv^ siècle
(V. ces noms). Ces nominaHstes admettaient que les objets
extérieurs produisaient dans l'âme, à travers les organes
sensoriels, une représentation ou sprcies. Cette species
sensibiiis, se combinant avec toutes les autres species
sensibiles qui lui ressemblaient, donnait naissance soit à
une simple et unique tendance à désigner tous les objets
semblables par le même nom, soit à une représentation
nouvelle qu'on appela un concept (conceptus). Seuls, les
conceptualistes (V. ce mot) admettaient l'existence de ce
concept ; les nominalistes purs comme Ockam ne l'admet-
taient pas ; pour eux, toute la généralisation se bornait à
— 977 —
EMPIRISME — EMPIS
la dénomination et à la tendance qui en résulte. On est
frappé en étudiant ces vieux auteurs de la ressemblance
que présente leur système avec celui que M. Taine a déve-
loppé dans son livre De Vhitelligence, Mais il y a entre
ces scolastiques et notre contemporain une différence capi-
tale. Ils sont dogmatiques et objectivistes; pour eux, la
species reproduit l'objet ; ce n'est pas à titre de fait de
conscience qu'elle les intéresse, mais à titre de représen-
tation (reprœsentatio), de substitut réel et adéquat de
l'objet, sur l'existence duquel ils n'élèvent pas plus de doutes
que sur son exacte correspondance avec la species qui le
représente. M. Taine, au contraire, s'intéresse surtout au
fait de conscience ; la valeur de la connaissance est presque
tout entière dans la sensation et dans l'image ; non seule-
ment l'objet externe ne correspond très probablement pas
à l'image intérieure de la conscience, mais même peut-être
il n'existe pas. La perception extérieure se définit « une
hallucination vraie ». Entre le subjectivisme de M. Taine et
l'objectivisme des anciens nominalistes, quelles que soient
les ressemblances apparentes, il y a donc des différences
très importantes.
C'est que des nominalistes à nos jours l'évolution de
l'empirisme s'est poursuivie. Locke est le premier des mo-
dernes qui marque un pas en avant. Il admet le principe
essentiel de l'empirisme, à savoir que nos idées dans leur
totalité et dans leur intégrité viennent des sens, mais il
reconnaît deux sortes d'idées, celles qu'il appelle les idées
de la sensation et celles qu'il nomme les idées de la réflexion.
Les idées de cette seconde espèce ne sont sans doute rien
de plus que des résultats de la rencontre dans l'âme des
idées de la sensation ; mais, comme cette rencontre s'est
produite dans la conscience, il ne saurait y avoir au dehors
des objets de ces idées ; elles sont subjectives, et voilà le
premier pas fait par l'empirisme en dehors du dogmatisme
objectiviste. Locke est du reste tout près d'en faire d'autres.
Il reconnaît que les qualités secondes des objets : la cou-
leur, le son, l'odeur, la saveur, sont très différentes dans
la conscience et dans les objets eux-mêmes. Il accorde une
importance très grande à toutes les modifications intérieures
révélées par l'observation consciente. Cependant il n'arrive
pas encore à considérer toutes choses du point de vue de
la conscience, du point de vue intérieur et subjectif. Par
conséquent, il demeure dogmatique avec des tendances au
matérialisme.
C'est à David Hume qu'était réservée la gloire de con-
duire l'empirisme à la dernière étape de son évolution. Il
ne considère plus dans la sensation que la sensation même,
dans l'idée que l'idée, dans le jugement que le jugement.
Par un coup de génie il comprend qu'admettre quelque
chose hors de la sensation, hors de la conscience c'est se
mettre en contradiction avec les principes essentiels de
l'empirisme. Rien ne doit être affirmé que ce qui est expé-
rimenté. Or peut-on expérimenter quoi que ce soit en
dehors de l'état de conscience ? L'expérience a la même
sphère que la conscience. Elle ne saurait aller au delà. Elle
ne peut même dépasser la conscience présente. Car la cons-
cience passée n'existe qu'en tant qu'elle est expérimentée,
et elle n'est expérimentée qu'autant qu'elle est présente
dans un acte de mémoire. Par conséquent, il n'y a rien au
delà du phénomène de conscience, du point de conscience
présent, et le reste des choses ne saurait être que la pro-
longation des perspectives dans l'espace et dans le temps
de ce présent en lui-même intemporel et| inétendu. — Voilà
bien l'empirisme amené à un phénoménisme idéaliste. —
Hume explique ainsi que les principales idées de l'esprit,
celles dont avait constamment argué la doctrine adverse,
telles que les idées de substance et de cause, sont des idées
que nous devons à une expérience répétée, à des associa-
tions habituelles. Ainsi l'idée de cause se ramène à l'im-
pression de détermination éprouvée par la conscience
lorsque, étant dans un certain état, elle attend un autre
état qui se produit habituellement après le premier ou
lorsque, étant dans un état, elle s'en représente, elle en sup-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
pose un autre qui se produit habituellement avant. La cause
est ainsi l'antécédent invariable, l'effet un invariable con-
séquent. La loi de causalité se réduit à une association
entre des termes que l'habitude rend inséparables. C'est
pour cela que l'école empirique anglaise contemporaine,
dont les principaux représentants sont Stuart Mill et Bain,
et qui n'a guère fait qu'étendre et développer la doctrine
de Hume, a reçu le nom à' école de Vassociation (V. Asso-
ciation [Philosophie]). Pour tous les partisans de cette
école, les principes universels et nécessaires ne sont que
des habitudes mentales indissolubles. Tous les hommes en
contact avec les mêmes séries de phénomènes doivent
prendre ces habitudes, voilà pourquoi ces principes sont
universels ; tous les hommes subissent ces habitudes qui, à
force de se répéter, deviennent tout à fait invincibles, voilà
pourquoi ces principes paraissent nécessaires. Ainsi rien
n'est inné dans l'intelligence humaine, rien n'est absolu-
ment nécessaire. La causalité universelle, sans laquelle il
ne saurait y avoir de lois de la nature, ni d'induction,
ni par conséquent de science, n'est qu'un postulat, une habi-
tude de notre conscience dont rien ne peut absolument
garantir la certitude. C'est sur ce point qu'insistent tous
les nativistes (V. ce mot), quand ils veulent discuter
l'empirisme et lui contester la possibilité de servir de base
à une science certaine.
Avec M. Herbert Spencer l'empirisme a pris une forme
encore plus savante et plus solide. Pour Stuart Mill les
principes sont des associations inséparables formées par
chaque individu. Or la conscience semble bien au contraire
nous montrer que, dès que nous pensons, nous sommes en
possession de ces principes. M. Herbert Spencer n'admet
donc pas que nous les ayons formés individuellement, il
soutient que nous les avons hérités de l'évolution antérieure.
D'après sa formule, les principes sont innés dans l'individu,
mais acquis par la race.
En France, les sensualistes dont Condillac fut au siècle
dernier le plus brillant représentant, n'ont pas fait autre
chose que continuer d'une façon claire, brillante et un peu
superficielle, les traditions de l'empirisme. De nos jours
enfin, le positivisme français, dont Auguste Comte (V. ce
nom) est le fondateur, est aussi un empirisme, puisqu'il
n'admet comme vrai que ce qui peut être expérimentalement
vérifié. — En face de l'empirisme, dans tout le cours de
l'histoire de la philosophie, on voit se développer la doc-
trine opposée qui soutient que, dans les idées universelles,
il se trouve d'autres facteurs que les sensations purement
passives. Ces autres facteurs, ou l'intelligence les porte
directement en elle et les impose comme une forme aux
intuitions sensibles, c'est la théorie de Kant, ou elle les
constitue par un acte propre, à l'aide des données sensibles,
c'est la théorie d'Aristote et de saint Thomas. D'autres phi-
losophes enfin, tels que Descartes, admettent que certaines
de nos idées sont purement innées, et qu'elles ne doivent
rien à la sensation. On trouvera l'exposé de ces doctrines
au nom de chacun de ces philosophes. G. Fonsegrive.
II. Médecine (V. Médecine [Histoire]).
BiBL. : DiOGÈNE Laerte, Yita philosophorum^ lib. X.
— Gassendi, Logica. — Locke, Essais sur l'entendement
humain. — Leibniz, Nouveaux Essais. — Hume, Traité
de la nature humaine. Essais sur Ventendeme^it humain.
— Huxley, Philosophie de Hume; Paris, 1885, in-8. —
Condillac, Traité des sensations. — Comte, Cours de
philosophie positive. — Stuart Mill, Système de logique
inductive et déductive., tr. fr.; Paris, 1864, 2 vol. in-8. —
Philosophie de Hamilton^ tr. fr.; Paris, 1866, in-8. — Bain,
les Sens et V Intelligence, tr. fr. ; Paris, 1874, in-8. — Her-
bert Spencer, Principes de philosophie., tr. fr. ; Paris,
1868, 2 voL in-8. — Les Premiers Principes, tr. fr.; Paris,
1869, in-8. — Ferri, la Psychologie de Vassociation; Paris,
1885, in-8. — Lachelier, Du Fondement de l'induction ;
Paris, 1872, in-8. — Piat, De l'Intellect actif; Paris, 1890, in-8.
EMPIS (Paléont.) (V. Diptères [Paléont.]).
EMPIS (Adolphe-Dominique-Florent- Joseph Simonis-) ,
littérateur français, né à Paris le 29 mars 1795, mort à
Paris le 11 déc. 1868. Successivement chargé, par la
Restauration, de divers emplois ressortissant à la liste
62
EMPIS — EMPLOI
— 918. —
civile, il fut, de 1856 à 1859, administrateur de la
Comédie-Française et reçut, après sa retraite, le titre d'ins-
pecteur général des bibliothèques. Elu, en 1847, membre
de TAcadémie française où il remplaça de Jouy, il eut lui-
même pour successeur Auguste Barbier. Outre V Agiotage
ou le Métier à la mode, comédie en cinq actes, écrite
avec Picard (1 826) et un certain nombre de livrets d'opéras,
les principales œuvres dramatiques d'Empis, dont Mazères
fut le collaborateur habituel, sont : Lambert Simmel ou
le Mannequin politique (1826); la Mère et la Fille
(1830); Un Changement de ministère (1831); Ine
Liaison (1834); Lord Novart (1836); Julia ou une
Séparation (1837); V Héritière ou un Coup de parti
(1844). Empis a réuni, sous le titre collectif de Théâtre,
onze de ses pièces (1840, 2 vol. in-8) et publié depuis /^5
Six Femmes de Henri VHI, scènes historiques (1854,
2 vol. in-8). ^ ^ M. Tx.
EMPIS (Adolphe-Georges-Gaspard-Joseph Simonis-), ne
à Paris le 22 mars 1824, fils du précédent. Interne des
hôpitaux en 1846, docteur en médecine en 1850, médecin
des hôpitaux en 1856, agrégé delà Faculté au concours de
1857, membre de l'Académie de médecine depuis 1875.
De ses travaux originaux nous citerons : Sur la Paralysie
du membre supérieur à la suite de la luxation du bras
(1850); Sur la Diphtérie (1850) ; Recherches sur Ven-
céphalopathie saturnine (1 851) ; Sur les Varioles irré-
gulières (1852); Sur les Dysenteries épidémiques (1 861);
Du Carnage bro7icho-trachéal chez r homme (iSQI) ; Sur
le Catarrhe bronchique pseudo-gangreneux (1863) ;
De la Granulée ou maladie granuleuse connue sous les
noms de ftèvre cérébrale, de méningite granuleuse, etc.
(1865). On lui doit d'avoir indiqué et pratiqué le premier,
en 1863, dans les hôpitaux, l'isolement des accouchées
lors de l'épidémie de fièvre puerpérale et d'avoir institué
contre cette maladie des mesures prophylactiques de haute
valeur, consignées dans son important travail intitulé : De
la Statistique du service des accouchem£nts de l'hôpital
de la Pitié et des mesures hygiéniques instituées dans
cet hôpital contre la fièvre puerpérale (1 867) .
EMPLANTURE (Mar.). On désigne par ce mot l'en-
semble des pièces, bois ou fer, disposées pour recevoir le
pied des mats, qui généralement reposent tout à fait dans
les fonds du navire, presque sur la quille, et sont encastrés
dans un massif en bois composé de plusieurs pièces très
fortes. Quelquefois, à cause des machines, les mâts ne
descendent pas si bas; ils reposent alors dans des espèces
de fourches en fer qui, présentant beaucoup moins de
diamètre, donnent ainsi un plus grand espace disponible, et
qui sont fortement chevillées et boulonnées dans les fonds
sur lesquels ils s'appliquent par des pattes. Dans les nou-
velles constructions, les mâts sont en tôle creuse, et les
modes de fixation, dans l'emplanture, diffèrent un peu, sui-
vant la force de la mâture et les poids qu'elle supporte. A
bord des cuirassés, les mâts ne sont plus appelés à résister
à l'effort de la voilure qui n'existe plus, mais doivent sup-
porter les canons-revolvers ou à tir rapide des hunes, la
mousqueterie, etc.
EMPLÂTRE (Pharm.). On donne le nom à: emplâtres
proprement dits à des médicaments pour usage externe,
ayant pour base les composés qui résultent de la combi-
naison de l'oxyde de plomb avec les acides gras, spéciale-
ment les acides stéarique, palmitique, oléique et Mnoléique.
On donne aussi par extension ce nom aux écussons (V. ce
mot), ainsi qu'à certains onguents résineux ou rétinolés.
Les savons plombiques constituent l'emplâtre simple; ce
dernier, additionné de diverses substances médicamenteuses,
comme des corps gras, des gommes-résines, de la cire, des
essences, des sels métalliques, du mercure, etc., constitue
les masses emplastiques usitées en médecine. On ks divise
en deux séries : 1° ceux qui sont obtenus par l'intermé-
diaire de l'eau et dont le type est l'emplâtre simple ;2<' ceux
qui sont préparés sans eau, ou emplâtres brûlés, comme
V onguent de la Mère (V. ce mot).
Emplâtre simple
Litharge en poudre, axonge, huile d'olive ââ.. 1 p.
Eau commune ^ ~~
On chauffe dans une grande bassine de cuivre l'axonge,
l'huile et l'eau. Après liquéfaction, on ajoute la litharge en
la faisant passer à travers un tamis et en remuant cons-
tamment avec une spatule de bois, jusqu'à ce que l oxyde
ait disparu et que la masse ait acquis une couleur blanche
uniforme. L'opération est terminée lorsqu'une petite por-
tion jetée dans l'eau prend une consistance sohde et se
laisse pétrir avec les doigts, sans y adhérer. On laisse re-
froidir la masse, et, tandis qu'elle est encore chaude, on
la malaxe dans les mains pour séparer l'eau, et on la roule
en magdaléons. L'emplâtre simple étant un mélange de
stéarate, de palmitate et d'oléate de plomb, on doit pou-
voir le préparer par double décomposition, à la manière des
sels insolubles. C'est ce qui a été fait par Gélis en traitant
une dissolution de savon par une dissolution d'acétate de
plomb ; mais l'emplâtre ainsi obtenu n'est pas identique
avec l'emplâtre ordinaire, ce qui tient à ce qu'il est forme de
sels neutres, alors que le dernier renferme des sels ba-
siques. L'emplâtre simple sert à préparer les autres masses
emplastiques, ces dernières étant aujourd'hui beaucoup
moins nombreuses qu'autrefois. La complication des for-
mules anciennes est due à ce que les pharmacologistes
avaient appliqué aux emplâtres les idées qui avaient préside
à la confection des autres médicaments galéniques, des
électuaires (V. ce mot). Les emplâtres les plus employés
actuellement sont les suivants : emplâtre de Nuremberg
(emplâtre de minium) ; emplâtre diachylon gomme ; em-
plâtre de Canet (aucolcothar); emplâtre de Vigo (emplâtre
mercuriel) ; emplâtre diapalme (à l'oxyde de zmc) ; emplâtre
résolutif (emplâtre des quatre fondants). Ed. Bourgoin.
EMPLECTONEMA (ZooL). Genre de Némertiens créé
par Stimpson en 1857, dont l'espèce type est JE. Camillea,
Il est probable que ce genre ne devra pas être conserve et
que les espèces qui y sont décrites devront rentrer dans le
fi^enre Cerebratulus. L. J.
EMPLEURUM (Empleurum Soland.) (Bot.). Genre
de Rutacées, du groupe des Diosmées, essentiellement carac-
térisé par les fleurs monoïques, apétales et tétramères, et
par l'ovaire excentrique et uniloculaire. L'unique espèce,
E. serrulatum Ait. {Diosma ensata Thunb.), est un
arbuste de l'Afrique australe, dont les feuilles ont ete par-
fois substituées au vrai Buchu (V. ce mot). Ed. Lef.
EMPLOI (Théâtre). Tout comédien ne peut pas jouer
toute espèce de rôles, et il faut que ceux dont il est charge
rentrent dans la nature de son sexe, de ses quahtés phy-
siques, de son âge, de sa voix et de ses aptitudes person-
nelles. Il est évident qu'un vieillard ne pourrait se montrer
dans les amoureuses, non plus qu'une jeune fille ne pour-
rait paraître dans un personnage de père ou de tuteur. Il
a donc fallu établir des catégories de rôles qui, dans leur
ensemble, convinssent à tel ou tel individu, et c'est a ces
séries de rôles qu'on donne, au théâtre, le nom d'emplois.
Il y a les emplois sérieux, les emplois comiques, les em-
plois jeunes, les emplois marqués, mais chacun d'eux a
d'ailleurs son nom bien particulier. Depuis la création du
théâtre régulier, ces noms ont changé, comme le théâtre
lui-même a changé. Jadis, les emplois tenaient leur nom
de la qualité des' personnages représentés d'ordinaire par
tel ou tel acteur. Ainsi, dans la tragédie et dans 1 opéra,
on avait les rois, les reines, les princesses, et dans la
comédie les valets, les petits-maîtres, les paysans
(comme on a encore aujourd'hui les financiers et les
soubrettes). D'autres fois, c'était une particularité du cos-
tume qui servait à caractériser l'emploi ; on avait alors les
rôles à baguette (reines d'opéra), les rôles â manteau
(premiers rôles et pères de comédie), les rôles a tablier
(basses d'opéra-comique, personnifiant d'ordinaire un ou-
vrier avec un tablier de cuir), les rôles â corset (villa-
geoises d'opéra-comique, qui se jouaient en corset et en
— 979
jupon), etc. Il arrivait enfin que Temploi prenait son nom
du personnage qui semblait le caractériser dans un grand
nombre de pièces où il portait ce même nom ; c'est ainsi
qu'on disait les Colins (amoureux d'opéra-comique), les
Frontins {\dlQts d'opéra-comique), les ^^^m (ingénuités
de vaudeville), les Margots (duègnes d'opéra-comique),
d'autres encore.
Il faut encore remarquer que les noms d'emplois dif-
fèrent selon le genre représenté, c.-à-d. selon qu'il s'agit
du genre purement dramatique ou du genre lyrique. Pour
ce dernier, ils se divisent même en deux catégories, rela-
tives l'une à l'opéra ou drame lyrique, l'autre à l'opéra-
comique. Voici du reste comme, aujourd'hui, les emplois
sont régulièrement établis dans chaque genre : 4° Opéra,
premier fort ténor ; ténor léger ; deuxième ténor ; baryton ;
première basse ou basse noble; deuxième basse ; troisième
basse ; première forte chanteuse (soprano); première chan-
teuse (contralto); chanteuse légère, ou chanteuse à rou-
lades ; seconde chanteuse ; seconde chanteuse légère, jouant
les pages. — 2^ Opéra-comique : premier ténor léger ;
second ténor; trial, ténor comique ; baryton; basse chan-
tante; laruette, seconde basse; troisième ténor et second
trial; première chanteuse légère; ^v^miQv^ dugay^on ;
seconde chanteuse ; seconde dugazon ; jeune mère dugazon ;
duègne. — 3<* Drame, comédie, vaudeville : grand pre-
mier rôle ; fort jeune premier amoureux, jeune premier
rôle ; second amoureux ; premier comique ; second comique ;
troisième rôle, raisonneur ; financier, père noble; grime;
caricature; troisième amoureux, second au besoin ; troi-
sième comique, second au besoin; grand premier rôle
(femme); forte jeune première amoureuse, jeune premier
rôle ; ingénuité ; seconde amoureuse, jeune première au
besoin ; grande coquette, rôles de convenance ; première
soubrette, déjazet, rôles travestis; seconde soubrette;
mère noble, seconds rôles ; duègnes, rôles de caractère.
On remarquera, dans cette énumératioh, les noms de
certains artistes : Trial, Laruette, M°^^ Dugazon, Mii«Dé-
jazet, dont les noms ont servi de type à l'emploi jadis
tenu par eux, ce qui suffit à donner une idée de leur valeur
et du^ talent qu'ils déployaient dans cet emploi. Il ne se
produit guère, d'ailleurs, à Paris, de comédien remar-
quable, sans qu'aussitôt son nom serve à caractériser le
genre de rôles auquel il s'est attaché. C'est ainsi qu'on a
dit successivement les Elleviou, les Martin, les Lays, les
Sohé, les Gavaudan, les Philippe, les Juliet, les Dozain-
ville, les Potier, les Tiercehn, les Brunet, les Levassor,
les Achard, les Arnal, les Bouffé, les Dressant, et pour les
femmes les Philis, les Saint-Aubin, les Minette, les Aldé-
gonde, les Rose Chéri, etc. Mais toutes ces dénominations
disparaissent à mesure que disparaissent les artistes qui
y ont donné lieu. Seuls, les quatre noms cités plus haut ont
résisté au temps et continuent de qualifier des emplois très
P^^^^s. Arthur Pougin.
EMPLOMBAGE (ArtilL). Opération qui consiste à gar-
nir un projectile d'une chemise en plomb ou de cordons
de plomb destinés, pendant le tir, à se forcer dans les
rayures du canon. Le projectile étant préalablement écroulé,
on visse dans l'œil une tige en fer qui sert à le manier; on
le fait chauffer et on le trempe successivement : 'P dans
un bain de sel ammoniac pour décaper sa surface; 2» dans
un bain de zinc pour faciliter l'adhérence ultérieure du
plomb. On le porte ensuite dans un moule en fonte com-
posé de deux parties symétriques juxtaposées et l'on verse
autour de lui du plomb fondu. Le projectile, refroidi et
couvert d'une épaisse couche de plomb, est d'abord ébarbé,
c.-à-d. débarrassé des bavures, puis ébauché de manière
à ne conserver l'enveloppe de plomb qu'aux emplacements
des cordons, enfin tourné suivant le profil à donner à ces
cordons^ Les projectiles des canons en bronze de 5, de 7
et de 138 sont les seuls qui soient emplombés; tous les
a-utres sont munis de ceintures de cuivre (V. Ceinture).
EMPLOYE. En économie politique, celui qui cède son
travail à un autre, par opposition à celui qui le fait faire,
EMPLOI — EMPLOYÉ
et que l'on nomme employeur ; au sens usuel : commis de
bureau. — La physionomie des employés, leur position
sociale, leur manière de vivre et leurs habitudes ont souvent,
sinon toujours sérieusement, occupé nos peintres de mœurs
et nos romanciers depuis que la centrahsation et le dévelop-
pement des affaires ont nécessité un personnel considérable.
Mais, si nous nous reportons vers des époques reculées^
nous sommes à peu près dépourvus à leur sujet de ce
qu'on appelle aujourd'hui les documents humains. A
Rome, les écritures publiques étaient entre les mains des
scribes, analogues aux logographes grecs ; les écritures
privées étaient confiées aux librarii. Dans la Grèce démo-
cratique, la fonction de l'employé semble avoir été plus
considérée qu'à Rome ; toutefois, le scribe latin était de con-
dition libre, tout au plus affranchi ; aucun de ceux dont il
est incidemment question dans les auteurs ne porte de nom
étranger, preuve qu'ils comptaient parmi les citoyens.
Quant à la considération, elle fut assez mince, le labeur
salarié ne trouvant pas grâce devant l'orgueil patricien ; à
part deux ou trois exemples, on ne voit pas de scribes par-
venir aux premières charges de l'Etat.
Il y avait différentes catégories de scribes, suivant qu'ils
étaient attachés aux consuls, aux préteurs, aux édiles, aux
pontifes ; ceux des pontifes étaient les plus considérés. En
somme, ils appartenaient à la classe moyenne, comme nos
fonctionnaires actuels, pour qui la chance n'est guère plus
grande de s'élever bien haut. Il y a tout lieu de croire
cependant que la valeur de l'homme, la nature de ses ser-
vices, le caractère de ses patrons, rapprochait les distances,
surtout dans les relations privées ; même en public, Cicéron
ne jette pas sur eux un regard trop dédaigneux ; lorsqu'il
a, comme avocat, consulté leurs dossiers, il s'autorise de
leur compétence, fait valoir que leurs impressions person-
nelles sont en faveur de sa partie. Si nous classons les
suppôts du fisc parmi les employés, constatons qu'il s'élève
contre eux des malédictions et des cris de haine. Les Ver-
rines nous apprennent du reste à quelles opérations mal-
propres ils prêtaient la main. En Judée, ni les impôts ni les
agents préposés à leur prélèvement n'étaient populaires,
même quand c'était un coreligionnaire qui mettait ses
aptitudes financières au service des traitants. Cependant le
Christ préfère le publicain au pharisien, et un publicain,
Mathieu, devient un des douze apôtres. Quant au librarius,
il ne sert que les particuliers, ou encore il est admis en
sous-ordre dans les bureaux du scribe. Il y restera simple
expéditionnaire, car il porte la tare de l'esclavage; du
caprice de son maître dépend tout son avenir ; peut-être
pourra-t-il mériter l'affranchissement par sa fidélité et son
intelligence.
Le nombre et l'importance des employés publics au moyen
âge vont augmenter à mesure que la royauté grandira.
Mais l'histoire ne s'attache guère qu'à nous renseigner
sur l'impopularité et les dangers de l'employé fiscal.
Quand on conduit à Montfaucon les trésoriers royaux
disgraciés ou que l'émeute se déchaîne à travers les rues,
les agents de la maltôte ne sont plus en sûreté dans
leurs bureaux ; malavisé celui qui brave le courroux popu*
laire. En Espagne, à la veille du xvii« siècle, Cervantes,
réduit à accepter une fonction infime dans les gabelles,
est jeté en prison par ses administrés; son génie ne lui
évite pas même la honte d'être soupçonné par l'autorité
royale. Dans notre premier Dictionnaire de l'Académie,
peu s'en fallut que figurât cette définition de Richelet :
« Tout comptable est pendable »; « rayé quoique vrai »,
ajouta-t-il sur les registres.
Avec Colbert et Louvois apparaissent les grands admi-
nistrateurs ; l'employé s'appelle commis, même au sommet
delà hiérarchie; Colbert a été commis avant de devenir
ministre. Le commis à Versailles est pourvu de larges trai-
tements et très honoré; le titre sonnait haut alors, et la
chose bien plus encore. C'était une espèce de seigneur
qu'un commis de la monarchie absolue ; on savait son
nom ; il pouvait parvenir à tout ; aujourd'hui, c'est moins
EMPLOYÉ
— 980
que rien. Ni Colbert ni Louvois, ces rudes travailleurs,
ne devaient prendre pour collaborateurs les premiers venus.
Nous voyons, par exemple, un fort galant homme et à
vues très larges, l'académicien Charles Perrault, diriger
sous Colbert le service des bâtiments et des beaux-arts.
Mercier, ordinairement si précieux à consulter sur l'état
social de son temps, ne s'élève pas au-dessus des lieux
communs contre l'administration, et il ne voit que celle
des finances. L'employé, pour lui, n'a qu'une mission,
remplir le Trésor et pressurer le contribuable. Des flots
d'encre et de papier, des plumes occupées à griffonner, un
tiers de la ville enrôlé sous le drapeau de la maltôte : << Le
moindre commis à 600 livres, a le canif en poche etl'épée
au côté ; il fait un peu d'arithmétique, voilà sa science,
voilà son gagne-pain » ; et ailleurs : « Quelles tètes fortes
et privilégiées que celles qui, tel le balancier d'une hor-
loge, font tous les jours exactement ce qu'elles ont fait la
veille ! » Soulignons du moins un trait ; ces automates por-
tent l'épée, donc ils ont un rang ; leur commission les tire
de la roture.
La République et l'Empire ne furent pas une mauvaise
époque pour l'employé, qui avait du reste à créer de nou-
veaux services, à organiser tout un système gouverne-
mental. L'Empire condamna les commis à une besogne
excessive, et sévit sans pitié contre les paresseux et les
malhonnêtes; la discipline des armées régnait dans les bu-
reaux. Mais les gens de mérite avaient de belles chances ;
un habile mémoire, une lettre bien tournée suffisaient
quelquefois pour attirer sur eux la faveur impériale ; le
maître, qui avait l'œil ouvert sur tout, allait chercher
l'employé de talent dans le fond ignoré de quelque mi-
nistère, et relevait sans transition à un siège au conseil
d'Etat. Quel est le ministre, aujourd'hui, qui s'astreindrait
à faire quelques tournées dans ses bureaux, à chercher
si dans la foule anonyme ne se trouve pas, fourvoyée et
découragée, quelque intelligence d'élite ? — La Restau-
ration elle-même eut du bon. Elle avait de grandes ma-
nières et se montrait paternelle et généreuse.
L'employé contemporain est moins bien traité par l'Etat
et plus ridiculisé par l'opinion. Des écrivains, plus ou
moins soucieux de l'exactitude, mais jaloux surtout de pro-
voquer le rire et de flatter les goûts frondeurs et les vel-
léités réformatrices de leurs lecteurs, ont donné l'employé
en pâture au gros public. Automatisme, esprit routinier,
paresse, déformation de l'espèce humaine dès qu'elle appar-
tient à la gent paperassière, voilà sur quel thème on a
brodé des variations multiples, mais assez semblables les
unes aux autres. Les différents types d'employés ridicules
furent créés vers 182o. Un écrivain spirituel, Imbert,
traça des mœurs administratives un tableau, peut-être
ressemblant à sa date. A la suite d'Imbert est venu Henri
Monnier, dont le crayon s'est inspiré de la même verve
railleuse et a chargé les portraits. Texte et dessins sont
à peu près calqués, pendant un demi-siècle ; tant que
le lecteur ne se lasse pas, on l'accable de physiologies,
de caricatures ; le Tableau de Paris, par Edmond Texier
(1853), est un des derniers ouvrages où figure l'employé.
Mais le public n'a pas cessé de se le représenter sous
les traits de M. Bellemain; la tradition était établie et
l'on croyait l'administration assez frappée d'immobilité
pour échapper à la transformation graduelle des mœurs !
Qui ne connaît ce chef de division, sorte de croquemitaine,
cambré, gourmé, impotent, occupé uniquement à donner
des signatures, à tenir des audiences, heureux de laisser
entendre que le ministre, c'est lui ? Le chef de bureau
s'enferme pour tailler des plumes et travaille moins qu'il
ne fait travailler. Le commis d'ordre n'a d'humain que la
face ; son crâne est un casier à étiquettes. L'expéditionnaire
e^t un vieillard misérable d'aspect. La plus piteuse physio-
nomie est celle du surnuméraire placé au dernier rang de
cette galerie, et que l'on exhume aujourd'hui encore, bien
qu'il ait disparu de la hiérarchie : à l'heure du déjeuner,
il tirera de sa poche deux flûtes qu'il arrosera d'un verre
d'eau ; car il est de tradition également que le bureau se
transforme en un réfectoire oii chacun se repaît maigre-
ment, et cuisine, au besoin, sur le poêle. Les ronds de cuir,
les conserves, l'abat-jour vert, les manches de lustrine, les
plumes d'oie et le canif passeront longtemps encore pour
les attributs indispensables du bureaucrate.
Il y a cependant des traits de caractère qui n'ont pu
changer, parce qu'ils tiennent au fond permanent de la
nature humaine ; c'est le souci constant d'améliorer une
position insuffisante; c'est l'ardeur des compétitions en
face d'un poste vacant ; ce sont encore les jalousies, les
déboires, le découragement et la mauvaise humeur, trop
motivés par l'indifférence des chefs, les passe-droits et
les injustices criantes. Le favoritisme et le népotisme sont
une plaie toujours incurable. Nul règlement qu'on ne
puisse tourner ; nuls droits qu'il n'y ait moyen de mécon-
naître.
Dans la balance où se pèsent les titres, les protections
sont toujours prépondérantes ; en vain les ministres ont-ils
parfois cherché à s'armer contre les influences en se dé-
pouillant d'une partie de leurs prérogatives pour déléguer
des conseils ou des commissions à leur place ; amis ou
ennemis leur forcent la main ; à choisir entre deux mé-
contentements, on s'expose à celui qui est sans danger.
Balzac, dans sa Comédie humaine^ a consacré une longue
étude aux employés. Il choisit précisément l'époque où la
mort vient de laisser vide une place de chef de division.
Les bureaux sont en pleine crise ; tout le personnel est dans
l'attente et calcule les chances, cherche à saisir les détails
d'une lutte où chacun prend parti. Les sourdes menées,
les perfidies, les scélératesses même amènent le triomphe
d'un demi-idiot; le candidat qui s'imposait par son talent
et son caractère est sacrifié et réduit à donner sa démission.
Voilà cette fois un sérieux tableau de mœurs, une profonde
étude des physionomies. En réduisant le roman à de justes
proportions, on aura l'image fidèle de la réalité.
L'insuffisance de presque tous les appointements est de
notoriété publique. Tout homme doit vivre de son métier,
dit un adage ; si l'employé vit du sien, il en vit tout juste.
Les améliorations sont lentes à venir, et elles ne suivent
que de loin, et dans des proportions insuffisantes, renché-
rissement de toutes choses. Bon nombre d'ouvriers ont à
s'imposer moins de privations ; des obligations, des charges
inconnues au manœuvre pèsent sur le fonctionnaire con-
damné à sauver les apparences, à se montrer honora-
blement. La chose est malaisée, même pour le célibataire ;
le père de famille doit exécuter des tours de force, s'il n'a
d'autre ressource que ses émoluments. Lorsque M. E. Zola
met en scène, dans Pot- Bouille, un chef de bureau,
rongé de soucis, vrai forçat, condamné à faire des écritures
pour gagner des sommes dérisoires, ce sont les folles
dépenses de sa femme et de ses filles qui l'ont amené là,
et il serait injuste d'en rendre la société ou le gouverne-
ment responsables ; mais que de ménages besogneux,
quoique exemplaires, se soutiennent à peine par de sem-
blables expédients ; que d'employés condamnés, après une
journée de travail, à tenir des livres ou à entrer dans un
orchestre !
On dira que du moins l'employé a la sécurité et la pers-
pective d'une retraite pour ses vieux jours. Ces avantages
deviennent, hélas ! de plus en plus problématiques. Quant
à la sécurité , que peut-elle être dans un temps où
les empiétements de la politique sur le pouvoir adminis-
tratif menacent d'aboutir à une omnipotence redoutable ?
Si l'employé ne compte que pour une unité aux élections,
il n'est point tenu compte de lui. Si, au contraire, il peut
avoir, par ses fonctions, de l'influence sur le suffrage
universel, son sort devient une question intéressante au
premier chef. Mais, devenu un instrument du pouvoir, il
payera demain l'avancement qu'il reçoit aujourd'hui. Fai-
sons des vœux pour que nos administrations ne descendent
pas davantage sur cette pente. L'Espagne et l'Amérique
l'ont suivie jusqu'au bout. Là, chaque changement de cabi-
— 981 —
EMPLOYE
net amène un renouvellement complet du personnel. Sur le
pavé de Madrid, il n'est pas rare d'entendre les doléances
d'un mendiant déguenillé, chef de division mis à pied.
Quoique le personnel de la Banque de France et des
grandes administrations financières soit plus nombreux
encore que celui des ministères et se trouve en contact
encore plus immédiat avec le public, il ne s'est pas encore
établi à son sujet de légendes aussi caractérisées ; la satire
a respecté les manieurs d'argent. Elle aurait eu cepen-
dant beau jeu contre eux ; mais elle les a laissés en paix
dresser leurs colonnes de chiffres, épingler leurs valeurs
en papier, ranger en bataille leurs rouleaux de louis. Si
le sort de ces employés n'est pas plus brillant que celui
des fonctionnaires publics, la somme de travail qu'ils don-
nent est certainement plus considérable ; les non-valeurs
sont impitoyablement éhminées, les administrations par-
ticulières n'admettant pas le salarié improductif. Si nous
passons aux employés de commerce, la différence est plus
accentuée, les origines et l'éducation étant difierentes.
Préjugé ou non, la bourgeoisie, qui s'honore de vouer son
fils au servage de l'Etat, souffrirait de dire qu'il gagne
derrière un comptoir des appointements beaucoup plus
élevés que ceux du bureaucrate : végéter dans un bureau
n'est pas déroger ; on ne cesse pas d'appartenir aux pro-
fessions libérales.
C'est à peu près tout ce qui reste de la tradition établie
par les commis de l'ancien régime. Leur nom même a été
usurpé par l'employé de commerce, et, dans la hiérarchie
des ministères, il a été réservé pour des fonctions spéciales.
Que le destin préserve mes amis
D'avoir affaire à messieurs les commis,
disait VAlmanach des Muses ^ en 1789. Panard ajoutait :
On y voit des commis
Mis
Comme des princes.
Qui jadis sont venus
Nus
De leurs provinces.
Que messieurs les commis de nouveauté ne commettent
pas l'anachronisme de croire qu'il s'agit d'eux ; à cette
époque, ils étaient moins nombreux qu'aujourd'hui et s'ap-
pelaient modestement garçons, quand on ne les traitait
pas de courtauds ; il est vrai que le magasin était boutique,
le patron n'avait pas remplacé le maître, et la pratique
n'avait pas encore l'honneur d'être la clientèle. Les grands
magasins se sont montés, pour le malheur des commis,
leur enlevant à peu près toute possibilité de s'établir à
leur tour ; enrégimentés par centaines, perdus dans la
masse, condamnés au prolétariat, ils peuvent à bon droit
regretter le régime des petits magasins. Leur âge d'or,
leur ère de gaieté et de folle insouciance remonte àl'époque
où Paul de Kock faisait du calicot le héros de ses romans,
la coqueluche des grisettes et de la bourgeoisie ; où Musard
et Valentino lui voyaient déployer ses talents chorégra-
phiques. Ses bonnes fortunes ne défrayent plus la litté-
rature ; au roman joyeux a succédé le roman réaliste.
Voyez les noires colonnes d'employés qui se dirigent le
matin vers l'immense édifice où ils doivent rester debout
jusqu'au soir; leur physionomie porte, par avance, l'em-
preinte de la fatigue qui les attend. Le soir, la lassitude est
encore plus visible; pour tout répit, ils sont venus par four-
nées prendre place le long des tables dressées dans un
réfectoire au sous-sol et rappelant la caserne. Le chiffre de
la mortalité passe pour très élevé dans le personnel de ces
grands magasins. En outre la discipline y est dure et l'avan-
cement précaire. A quoi bon augmenter le salaire? Que
l'employé mécontent disparaisse, mille autres se présentent
pour le remplacer au rabais. Les rides et les cheveux
blancs sont un vice rédhibitoire ; ce qu'on deviendra après
la mise en réforme, les chefs s'en préoccupent peu. La
clientèle féminine, sur qui, dit-on, le vendeur masculin
exerce une fascination profitable à la vente, ne se laisserait
plus aussi facilement induire en dépense, si c'était un
homme trop mûr qui faisait l'article. Quant à la jeunesse,
elle ne perd pas tous ses droits. Si les commis ont tenu
si fort à conquérir la Hberté du soir et celle du dimanche,
ce n'est sans doute pas avec l'intention de les consacrer à
un repos sans distraction. Passe encore de dépenser une
partie de leur budget dans les cafés, les concerts, les
théâtres et autres lieux de plaisir ; mais malheur à eux
s'ils fréquentent les champs de course ! C'est la misère à
courte échéance, et parfois, pis encore. Ne faut-il pas
conclure par le mot de M. Vacherot : « Le commis «st
plus indépendant que le domestique, moins que l'ouvrier? »
et n'y a-t-il pas lieu d'ajouter que pour lui souvent il eût
mieux valu être valet ou manœuvre ?
Mais les magasins ont un état-major, et les positions de
chef de rayon, de caissier, surtout d'acheteur, sont des
plus enviables ; tel acheteur se fait les appointements d'un
ministre ; les chefs de rayon ne changeraient pas leurs
bénéfices contre la solde d'un général. Seulement, combien
de soldats deviennent colonels ? Il ne suffit pas de désirer
le grade ; il faut encore être de taille à le porter. Sur
l'acheteur repose tout le succès de la maison. S'il a du
goût, du flair, une certaine divination qui lui permettent
de pressentir la mode, de lancer à coup sûr de nouvelles
créations, de risquer sans chance d'échec une grosse affaire,
s'il sait traiter avantageusement avec la fabrique, devancer
la concurrence en accaparant un article destiné à être très
demandé, la saison sera magnifique, et on lui en saura gré ;
mais, si les acquisitions restent en solde, si la vogue de la
maison est compromise, le désastre lui est imputable. Le
chef de rayon assure l'écoulement des articles, dirige une
escouade, a l'œil sur elle, apporte au besoin son renfort.
Il ne s'agit plus de copier le Gaudissart de Balzac, de
recourir à des boniments et à des procédés de vente qui
sentent le charlatan ou même le fripon et qui déshonore-
raient une maison moderne ; il n'y a plus à vendre le châle
invendable. C'est avec un art plus délicat et une probité
commerciale suffisante qu'il doit décider la clientèle, faire
succéder la tentation à la tentation, prouver que l'argent
bien dépensé est de l'argent bien placé, déjouer tous les
plans d'économie. De son savoir-faire, de l'entrain com-
muniqué à ses sous-ordres dépend sa fortune; lui aussi, il
mérite de sortir des rangs, de se retirer avec des capitaux,
de faire bonne figure. Quant à ses humbles subordonnés,
qu'ils laissent toute espérance à la porte des magasins ; qu'ils
se résignent à ne connaître du luxe que les tentations, de
l'élégance que le vernis, obligatoire pour eux.
Durant des siècles, le mot employé a eu cours seulement
au masculin dans les administrations publiques. Depuis
plusieurs années, la direction des postes et télégraphes
a été amenée, par la multipHcation de ses services, à
introduire des employées dans ses bureaux. Cette mesure
— imitée bientôt par des administrations privées — a été
un acte non seulement d'équité envers la femme, mais
de bonne gestion à tous égards. Il n'est question ici que de
la direction centrale, car depuis longtemps, hors de Paris,
des femmes sont placées comme receveuses dans un certain
nombre de bureaux. La femme a des qualités et des apti-
tudes qui auraient pu être utilisées plus tôt. Elle fait vite
et bien ; la légèreté du doigté la prédestinait au rôle de
télégraphiste; elle est bonne calculatrice, en tout soigneuse
et ponctuelle, d'autant plus attentive à son devoir qu'elle
apprécie mieux l'avantage, inespéré pour son sexe, d'assurer
par un labeur honorable sa subsistance et au besoin celle
de sa famille. Les inspecteurs affirment du reste qu'on n'a
qu'à se louer du service féminin et insistent sur ce point
qu'entre employées règne une concorde rare entre agents
de l'autre sexe et une grande solidarité. Une seule réserve
est faite à cet éloge. Très dociles quand un homme les
dirige, les femmes n'aiment pas à être commandées par des
femmes. Est-ce la jalousie qui se réveille alors ? Est-ce que
la femme, investie du droit de commander, aurait une ten-
dance trop marquée à devenir autoritaire, à s'exagérer soit
la responsabihté, soit le prestige du pouvoir ? Elle serait
EMPLOYÉ — EMPOISONNEMENT
— 982 —
en ce cas un chef de bureau fort redouté. Mais il n'est pas
encore question de lui ouvrir toutes les portes ; lui procurer
des positions modestes, mais appréciées d'elles, voilà ce que
commande tout d'abord l'humanité.
Quelques maisons de commerce prêtèrent les femmes
comme caissières. La comptabilité n'est pas moins bien tenue
et il y a plus de sécurité à leur confier les clefs du coffre-
fort. Les caissiers infidèles ne sont que trop nombreux et,
derrière eux, il faut presque toujours chercher la femme à
laquelle ils ont sacrifié leur honneur. Une mère de famille
est à l'abri des tentations qui amènent un comptable à la
Bourse et des entraînements de la passion désordonnée. Sa
probité ne sombre pas du jour au lendemain.— Quant aux
demoiselles de magasin, dont le rôle n'est pas moins impor-
tant dans les grandes maisons que celui des commis, leur
sort est des plus dignes d'intérêt. La littérature légère ne
les a guère ménagée's et elles n'ont que trop souvent fait les
frais de plaisanteries faciles et de railleries peu justifiées.
Si l'employée commet des fautes, bien des circonstances
commandent la pitié, et la culpabilité n'est que trop par-
tagée par ceux qui n'ont aucune part à l'expiation. Mieux
vaut exagérer le respect pour la femme, et pour la femme
qui travaille, qui accepte un labeur souvent au-dessus de
ses forces et dont le salaire ne correspondra ni à ses be-
soins, ni aux services rendus. La jeunesse, la grâce, les
façons avenantes ont une action incontestée sur la chentèle
du magasin. Si le commis plaît davantage aux acheteuses,
le réciproque est vrai pour la clientèle masculine ; de plus,
il est des comptoirs oîi la clientèle féminine elle-même ne
peut être servie que par des femmes; qu'il s'agisse de ma-
nier de légers objets, de faire valoir des modes, de chiffonner
artistement une dentelle, une pièce de soie, il y faut le goût
féminin. L'essayeuse doit être encore plus artiste, sans
parler de sa patience et de sa complaisance mises à de
rudes épreuves ; c'est la confidente, la conseillère ; auprès
des grandes clientes, elle remplit le rôle de Pétrone auprès
de Néron ; elle est la maîtresse des élégances {arbiter
elegantiarmn); tantôt elle transporte ses cartons à domi-
cile, tantôt elle introduit son sujet, suivant la destination
des costumes, soit dans le salon ouvert au grand jour, soit
dans le salon éclairé par des bougies. Mercier parle de la
fameuse poupée, habillée par les couturières de son temps
et destinée à faire le tour des capitales européennes pour y
révéler chaque année les créations du goût parisien. 11
s'agit bien de poupée, aujourd'hui, pour faire apprécier
l'effet d'une toilette. Une belle fille, digne par la correction
des formes de poser devant un maître, remplace la poupée.
On la soumet à l'appréciation, après quoi on la dépouille
de sa parure provisoire. Mettons hors de pair la première
et quelques demoiselles convenablement traitées, parce
qu'elles sont plus difficiles à remplacer ; les autres n'ont
guère à se féliciter de leur emploi. Si l'atmosphère des
magasins est délétère pour les hommes, quels n'y sont pas
les ravages de l'anémie sur le tempérament féminin ! Les
règlements ne ménagent aucun sexe ; la consigne de rester
toujours debout n'admet pas d'exception; même quand le
comptoir est inoccupé, il faut qu'il présente l'aspect de
l'activité. Marcel Charlot.
Dans l'armée, la direction et le contrôle des différents
services appartiennent à des officiers (artillerie, génie) ou
à des fonctionnaires miUtaires (intendants, contrôleurs), la
gestion ou V exécution, le travail des bureaux, la garde et
la conservation du matériel sont assurés par des employés
7mlitaires. Ce sont : 1° les archivistes d'état-major char-
gés de la tenue des archives et de l'expédition des travaux
de chancellerie dans les états-majors ; 2<* les officiers d'ad-
ministration, gestionnaires des magasins administratifs ou
attachés aux bureaux des fonctionnaires de l'intendance ;
3<^ les gardes d'artillerie et les adjoints du génie chargés
des mêmes fonctions dans les services de l'artillerie et du
génie ; 4*^ les contrôleurs d'armes et les chefs ouvriers d'état
employés dans les manufactures d'armes et les fonderies ;
5** les greffiers delà justice militaire. Tous ces employés miH-
taires ont rang d'officier et leurs grades sont garantis par
la loi sur l'état des officiers (V. ce mot), mais ils ont dans
chaque service une hiérarchie spéciale sans assimilation
avec les grades des officiers combattants. On donne égale-
ment la qualification d'employé militaire aux gardiens
de batterie, aux portiers-consigne, aux commis greffiers
et aux surveillants des prisons militaires, qui ont rang de
sous-officiers (V. Administration de l'armée, Artillerie,
Génie, Justice militaire). E. Feller.
EMPO (Paléont.). Ce genre, qui appartient à la famille
des Stratodontidées, a été établi par Cope pour des pois-
sons des terrains crétacés du Kansas, ayant deux rangées
de dents au prémaxillaire, le maxillaire court, le dentaire
muni d'une rangée de larges dents de même grandeur et de
dents en brosse. . E. Sauvage.
BiBL. : U. S. Geol. Survey, 1875.
EMPOINTURE (Mar.). Coins de la voile ou points qui
servent à la fixer sur les vergues qui doivent la tendre, si
la voile est carrée , ou sur les mâts si elle est aurique
(forme d'un quadrilatère). Dans ces coins se trouvent
enchâssés dans la toile, et soutenues par un entourage en
corde , de fortes bagues en fer appelées cosses. A pro-
prement parler, c'est l'ensemble du coin et de la cosse qui
forme l'empointure. Ces cosses sont attachées à la vergue
ou au mât par un fort amarrage et retenues par des
adents entaillés à l'extrémité de la vergue. La voile se
trouve ainsi tendue par le haut et fixée d'une façon ina-
movible. Le mot empointure s'applique aussi aux cosses
fixées à l'extrémité de chaque bande de ris, et cela par
analogie (V. Ris).
EMPOIS (Chim. indust.). L'amidon possède la propriété
curieuse de gonfler considérablement dans l'eau chaude,
jusqu'à former une masse épaisse à laquelle on donne le
nom d'empois. L'action de l'eau, autrefois discutée, est
aujourd'hui bien connue ; elle commence à se faire sentir
vers 50°, température à laquelle les grains d'amidon com-
mencent à gonfler, à se déformer. Entre 60° et 70<*, la dilata-
tion augmente de telle façon qu'un seul grain peut arriver à
occuper 25 à 30 fois son volume primitif; puis il éclate et
une partie entre en solution ; le liquide s'épaissit, les tégu-
ments dilatés se soudent et forment une masse gélatineuse.
Il est facile de se rendre compte de la marche du phéno-
mène en examinant au microscope l'empois fortement dilué.
On aperçoit les membranes qui enveloppent le grain ; par-
fois, quand la chaleur a été ménagée, on peut encore
retrouver des grains déformés, simplement entr'ouverts, à
côté de grains intacts à peine gonflés. C'est la série des
transformations par lesquelles passe l'amidon avant de se
transformer en empois.
La façon d'opérer a une grande importance sur la con-
sistance de l'empois ; cette consistance est beaucoup plus
considérable lorsque la température est élevée brusque-
ment. Ainsi 15 gr. d'amidon délayés dans une très petite
quantité d'eau de façon à former une pâte peu épaisse,
versée dans 300 centigr. d'eau bouillante en agitant, don-
nent un empois aussi consistant que 20 gr. du même ami-
don portés lentement à la même température dans la même
quantité d'eau. Cette propriété est très importante à con-
naître pour la préparation industrielle des empois. Les
alcalis caustiques facilitent et augmentent la propriété de
l'amidon de se gonfler dans l'eau. Mis dans une solution
froide de potasse ou de soude caustique très faible, il aug-
mente de 60 à 70 fois de volume. Les empois servent,
dans l'industrie, à l'encollage des papiers, des fils et des
tissus; ils sont fréquemment employés par les fleuristes,
les feuillagistes, les relieurs et les blanchisseuses. Ces der-
nières l'additionnent généralement de borax. Ch, G.
EMPOISONNEMENT. L Histoire (V. Poison).
II. Toxicologie (V. Intoxication).
III. Droit criminel. — Dans notre législation pénale,
l'empoisonnement est considéré à plusieurs points de vue
différents, et fait l'objet d'autant de dispositions dis-
tinctes : 1^ L'art. 301 du C. pén. prévoit l'homicide par
9SH -
EMPOISONNEMENT — EMPORIA
empoisonnement. Ce texte qualifie empoisonnement « tout
attentat à la \ie d'une personne, par l'effet de substances
qui peuvent donner la mort plus ou moins promptement,
de quelque manière que ces substances aient été employées
ou administrées, et quelles qu'en aient été les suites ».
Comme éléments constitutifs, cet attentat suppose qu'il
y a eu intention de donner la mort, que les substances
vénéneuses ont été administrées, enfin que ces substances
étaient de nature à donner la mort. La loi incrimine
l'empoisonnement à l'égal de l'assassinat et, dans Fart. 302
du C. pén., elle le punit de mort. De tout temps, juris-
consultes et moralistes ont considéré l'homicide par le
poison comme le plus odieux des crimes contre la vie hu-
maine. — 2° La dernière partie de l'art. 317 du C. pén.,
suite et complément de l'art. 301, ajoutée par la loi du
28 avr. 1832, dans le but de suppléer à une omission du
code, est spéciale aux maladies et accidents causés par
l'emploi et l'administration volontaires, « de quelque ma-
nière que ce soit, de substances qui, sans être de nature à
donner la mort, sont nuisibles à la santé ». L'incrimina-
tion offre deux degrés : elle ne constitue qu'un simple délit,
puni d'un emprisonnement d'un mois à cinq ans et d'une
amende de 16 à 500 fr., si la maladie ou incapacité de
travail n'a duré que vingt jours; elle prend, au contraire,
le caractère d'un crime, puni de la réclusion, si la maladie
ou incapacité de travail s'est prolongée pendant plus de
vingt jours. Toutefois, si la victime est l'un des ascen-
dants du coupable, celui-ci est puni, au premier cas, de la
réclusion, et au second cas, des travaux forcés à temps. —
3° L'art. 452 du C. pén. s'occupe de l'empoisonnement,
dans un but coupable, des animaux domestiques et bes-
tiaux, « chevaux ou autres bêtes de voiture, de monture
ou de charge, bestiaux à cornes, moutons, chèvres ou
porcs ». La peine est un emprisonnement de un à cinq ans,
une amende de 16 à 300 fr. et, en outre, l'interdiction
facultative de séjour pendant deux ans au moins et cinq
ans au plus. — 4° Sous le coup de l'art. 452 du C. pén.,
tombe également l'empoisonnement volontaire des poissons,
s'il s'agît de poissons placés dans des étangs, viviers ou
réservoirs : ces poissons constituent alors une véritable pro-
priété. Quant aux poissons des fleuves et rivières navi-
gables ou flottables, des canaux, ruisseaux ou cours d'eau
quelconques, ils sont, à ce même point de vue, protégés par
l'art. 25 de la loi du 15 avr. 1829 sur la pêche fluviale,
qui défend de les enivrer ou de les détruire en jetant dans
les eaux, à cet effet, des drogues et appâts, à peine d'une
amende de 30 à 300 fr. et d'un emprisonnement de un à
trois mois. Louis André.
BiBL. • Briand et Chaude, Médecinelég., t. I, pp. 622 et
suiv. — Barse, Manuel de la cour d'assises dans les ques-
tions d'empoisonnement ; Paris, 1845. — Flandin, Traité
des poisons ou Toxicologie appliquée à la médecine légale;
Paris, 1846-1853. — Tardieu et Roussin, Etude médico-
léqale et clinique sur l'empoisonnement ; Paris, 1874,
2ô éd. — Blanche, C. pén., t. IV, pp. 590 et suiv. — Boi-
TARD, c. pén., n°8 385 et 403. — Chauveau et Hélie, Théo-
rie C. pén., t. III, pp. 520 et suiv. — Garraud, Dr. pén., t. IV,
n°8 269 et suiv.
EMPOISSONNEMENT (Piscicult.). On nomme ainsi le
repeuplement d'un étang, soit en déposant dans cet étang
des touffes d'herbes chargées d'œufs, soit à l'aide d'alevins
provenant de fécondation artificielle, soit encore en y in-
troduisant des reproducteurs adultes. Quatre espèces sont
principalement exploitées danslesétangs : la carpe, la perche,
la truite, l'anguille. Pour être propre à l'élevage delà carpe,
un étang doit être alimenté par les eaux pluviales ou par des
ruisseaux ; il est nécessaire que les eaux de l'étang puis-
sent s'échauffer facilement de manière à atteindre en été
une température de 18 à 20*^ ; les eaux doivent être, en
effet, tièdes et stagnantes, le fond un peu vaseux ; les bords
doivent être garnis de plantes, de manière à ce que le
poisson puisse frayer. Avant l'hiver, et après avoir fait
disparaître le plus possible les poissons carnassiers, tels
que brochets, perches et anguilles, on jette dans l'étang à
empoissonner, et par hectare de superficie, six carpes
femelles et quatre mâles d'un poids moyen de 500 à
1,000 gr. Vers le mois de juin ou juillet, suivant que la
température est plus ou moins élevée, les carpes déposent
leurs œufs sur les plantes qui garnissent les bords de
l'étang ; chaque carpe pond environ cent mille œufs ; en
admettant qu'un quart seulement de ces œufs arrive à éclo-
sion, on aura donc par hectare, cent cinquante mille ale-
vins ou feuilles dans l'étang. Ces alevins doivent être
nourris avec un mélange ainsi formé : poudre de viande,
60 ; gâteau de sésame, 20 ; gâteau de lin, 4 ; avoine, 16.
Lorsque l'étang est bien aménagé, la carpe à l'âge de
10 centim. doit trouver seule sa nourriture.
Lorsque l'on veut faire en grand l'élevage de la carpe,
il est utile d'avoir quatre étangs distincts, pouvant com-
muniquer entre eux : 1° étang à feuilles ou à alevins, d'une
profondeur de 1 m., bien exposé au soleil, dans lequel les
reproducteurs sont mis au printemps ; 2"^ étang à nour-
rains ou empoissonnages, ayant environ 2 m. de profon-
deur ; on y met environ cinq cents poissons par hectare ;
d'habitude on y introduit 8 à 10 kilogr. de tanches adultes
et dix brochetons de 250 gr. par cent empoissonnages ;
3^ étang à carpes destiné à recevoir l'empoissonnage qu'y
attend la taille marchande ; 4^ étang ou vivier d'hiver-
nage, à fond vaseux, à eau profonde dans lequel le poisson
passe l'hiver dans une sorte de torpeur. L'empoissonne-
ment des étangs à carpes est principalement pratiqué en
grand en Allemagne, par le système de Dubisch, qui repose
en partie sur l'assèchement; ce système est appliqué en
France dans les Bombes. Un étang de bon fond, péché tous
les deux ans, rapporte en moyenne 278 fr. pour 28 fr. de
dépense par hectare.
Les étangs à truites doivent être alimentés par des eaux
froides, limpides et courantes ; le fond doit être exempt
de vase, pierreux ou couvert de graviers dans une partie
au moins de sa superficie ; les bords doivent être plantés
d'arbustes touffus ; de petits ruisseaux, à fond de gra-
vier, à courant assez rapide, devront être aménagés pour
servir de frayères. Pour pourvoir à la nourriture des
futurs habitants de l'étang, on met au printemps une cen-
taine de gardons parhectare de superficie d'étang, en ayant
soin de ménager à ces poissons des frayères. Au commen-
cement de l'automne on peuplera l'étang de truites adultes,
sept ou huit mâles et autant de femelles par hectare. Les
étangs destinés à la reproduction de l'anguille doivent être
établis sur fond argileux ; les bords seront plantés d'arbres
et d'arbustes à racines fortes et abondantes entre lesquelles
le poisson pourra se cacher ; toutes les eaux conviennent à
l'anguille, mais on doit se rappeler que sa chair est d'au-
tant plus délicate que les eaux sont plus fraîches et plus
limpides ; il est utile d'avoir près de l'étang une prairie
touffue où puissent se rendre les anguilles. On favori-
sera dans, l'étang la production des grenouilles et de petits
poissons. L'empoissonnement se fera en mettant par hec-
tare, soit environ mille cinq cents anguilles âgées d'un
an, soit un seau plein de montée. On nourrit l'anguille
en lui donnant des vers de terre, des larves d'insectes,
des détritus d'abattoir. Lorsqu'il est bien pratiqué, l'éle-
vage de l'anguille est lucratif. Pour les étangs à perches,
on se contente de disposer des frayères de distance en
distance. E. Sauvage.
EMPOLL Ville d'itahe (Toscane), ch.-lieu de circondario
de Florence, sur la rive gauche de l'Arno, bifurcation des
deux grandes lignes de Florence à Pise et de Florence à
Sienne et à Rome; 16,439 hab. (avec la com.). Le sol
des environs est plus fertile et l'air plus pur qu'à Florence.
Fabriques de chapeaux de paille, de pâtes et de cotonnades
peu importantes. Une éghse du xii^ siècle avec quelques
fresques des commencements de la Renaissance et des restes
de tours et de fortifications attestent son ancienne^impor-
tance au moyen âge.
EMPOLI (Jacopo CmMENTi da), peintre italien (V. Chi-
MENTl).
EMPORIA. On appelait de ce nom une partie du rivage
EMPORIA — EMPRISONNEMENT
— 984 -
de TAfrique septentrionale, avoisinant les Syrtes. Cette
région correspond à une partie de la Tripolitaine actuelle.
Occupée et exploitée par Carthage, conquise par les Nu-
mides, puis annexée par les Romains à leur provmce
d'Afrique, elle passait pour un des territoires les plus
fertiles de l'Afrique. Elle était en outre le point d'arrivée
de toutes les caravanes qui apportaient de l'Afrique cen-
trale l'or, rivoire, l'ébène, les esclaves. Elle a été pour
Carthage une source incomparable de richesse. Aussi s'ar-
rangea-t-elle de manière à n'y permettre le développement
d'aucune cité qui pût lui porter ombrage. C. J.
BiBL. : Perroud, De Syriicis Emporiis, 1881.
EMPORION. Bourg de l'île de Santorin (Cyclades), au
pied du mont Saint-Hélie; 1,480 hab. Au N.-E., on trouve
les ruines d'OEa, qui renferment des inscriptions très
anciennes et des débris d'enceinte cyclopéenne.
EMPORIUM (Géogr. anc). Ville maritime de l'an-
cienne Espagne, aujourd'hui Castellon de Ampurias.
C'était une colonie des Phocéens de Marseille ; elle fit
partie de la Tarraconaise. C'est là que débarqua en 21 8
Cn. Scipion.
EMPORTE-PIÈCE. I. Technologie. — Instrument qui
est une des formes de Toutil désigné sous le nom général de
découpoir et qui sert à découper les matières suivant une
forme déterminée. L'emporte-pièce s'emploie pour découper
au corps même de la matière. La forme de l'outil, le nom,
la manière de s'en servir varient suivant les usages aux-
quels il est destiné. S'il s'agit de percer un trou dans une
pièce de cuir, on se sert du marteau pour faire pénétrer
Poutil, quiaffecte alors la forme d'un poinçon. Faut-il, au
contraire, découper une feuille de tôle ou de cuivre, on
emploie les presses à vis ou à balancier ; dans ce cas,
l'emporte-pièce prend le nom à'étampe. Il se compose
alors d'une vis, à laquelle une traverse horizontale munie
de deux boules de fonte à ses extrémités, permet d'im-
primer un mouvement de descente très brusque. En s'abais-
sant, la vis entraîne une tige qui en est le prolongement
et qui porte à son extrémité inférieure un piston en acier.
Sur la face interne de ce piston se trouve exactement en
relief le dessin qu'il s'agit d'obtenir. La contre-étampe est
semblable à l'étampe, mais elle est fixe et porte en creux
le dessin que l'étampe porte en relief. Les emporte-pièces
se font en acier ; la partie coupante est trempée dure et
est généralement à double biseau; en tous cas, le côté le
plus incliné du biseau doit se trouver du côté où l'on re-
jette la matière. L. K.
II. Chirurgie. — On donne ce nom à des instruments
destinés à opérer une incision ou une section avec enlè-
vement d'un lambeau de tissu. Il y en a de divers modèles,
appropriés au genre d'opération que l'on veut pratiquer.
C'est ainsi que l'emporte-pièce de Richet a été imaginé
pour opérer les rétrécissements du rectum , la pince em-
porte-pièce de Nélaton pour la section mousse des polypes
de l'utérus. L'emporte-pièce de Duchenne (de Boulogne),
qui, introduit sous la peau, permet de ramener une por-
tion de tissu, destiné à l'examen histologique, est un em-
porte-pièce explorateur. Celui de Desmarres est employé
pour opérer le déplacement de l'iris par enclavement, dans
des cas d'opacité de la cornée. D»^ A. Coustan.
EMPOUTAGE (Tiss.). Opération par laquelle on passe
les cordes d'arcades dans les trous de la planche d'empou-
tage pour établir la concordance qui doit exister entre les
crochets d'une mécanique Jacquard et les fils de la chaîne
qu'ils actionnent (V. Jacquard). Suivant l'ordre dont il
s'effectue, l'empoutage prend différents noms : empoutage
bâtard, empoutage suivi, à pointe, à pointe et retour, à
ailes, empoutage composé, sur plusieurs corps, etc.
ENI PREI NTE.I. Technologie. — Quand on applique deux
corps l'un sur l'autre avec une certaine pression, si les deux
corps sont d'inégale dureté, le plus dur laissera son image,
sa figure, sur le plus mou. Les images ainsi obtenues sont
des empreintes. La technologie tire chaque jour partie de
ce moyen si simple de se procurer les traits sensibles des
objets ; une foule d'industries ont besoin de prendi^e des
empreintes. Chacune d'elles a recours pour cela à des
moyens souvent fort différents et dont la description nous
entraînerait trop loin (V. Clichage, t. XI, pp. 669 et suiv. ;
Estampage, Galvanoplastie, etc.). L. K.^
IL Beaux-Arts. — Impression en creux et en relief
d'une médaille, d'une intaille ou d'un objet quelconque.
On obtient les empreintes des médailles ou des bas-reliefs
de faibles dimensions au moyen de la cire, du plâtre ou du
soufre; cette dernière matière est la plus fréquemment
employée et présente l'avantage de pouvoir se colorer le
plus souvent d'une manière identique à l'original. On peut
aussi prendre des empreintes au moyen de la cire à mode-
ler et de la terre glaise ; ce procédé constitue plus spécia-
lement Vestampage (V. ce mot). Ad. T.
m. Artillerie. — Dans la visite intérieure des bouches
à feu, il est prescrit, toutes les fois qu'on a reconnu dans
l'âme des défauts graves, d'en prendre des empreintes à la
gutta-percha. Le procédé à suivre pour cette opération est
indiqué dans V Aide-Mémoire a l'usage des officiers d'ar-
tillerie (chap. i).
EMPRISONNEMENT. I. Histoire du droit et droit
criminel actuel. — L'emprisonnement consiste à tenir
enfermée une personne, accusée d'une infraction à la loi
pénale et non encore jugée , ou condamnée à être privée
de la liberté, pendant un temps plus ou moins long, à
raison d'une infraction à la loi pénale dont elle a été re-
connue coupable. Dans le premier cas, l'emprisonnement
n'est qu'une mesure de précaution destinée à empêcher le
prévenu d'échapper au jugement; dans le second cas,
c'est une véritable peine. L'emprisonnement est également
un moyen de coercition contre les débiteurs insolvables,
du moins pour certaines catégories de dettes. L'emprison-
nement est aujourd'hui considéré par tous les criminalistes
comme la clef de voûte de tout régime pénal rationnel. La
peine de mort, en effet, ne peut être prononcée que pour
un petit nombre de crimes graves; les châtiments corpo-
rels, si fréquents autrefois, sont unanimement écartés des
législations modernes, comme avilissants et cruels : les
peines pécuniaires ne présentent pas un caractère d'inti-
midation suffisant. Reste la prison, qui, rationnellement
organisée, réunit les qualités que l'on considère générale-
ment comme devant être celles d'une bonne pénalité ; elle
est afïlictive, elle a un pouvoir réel d'intimidation: elle est
divisible ; égale, dans la mesure du possible : elle peut être
rendue non corruptrice, et même morahsatrice.
Il n'en était pas ainsi dans l'ancien droit français, où
l'emprisonnement ne tenait que fort peu de place dans le
système pénal. Dans l'énumération que fait Jousse [Traité
de la Justice criminelle de France (i""^ partie, titre III,
chap. Il) des peines qui sont en usage en France, au miUeu
des innombrables supphces corporels qu'il mentionne, nous
ne trouvons comme peines privatives de la liberté que les
galères à temps ou à perpétuité et la réclusion à temps
ou à toujours dans une maison de force. Et encore, cette
dernière peine n'est-elle établie normalement que contre
les femmes et les filles, pour leur tenir lieu de la peine
des galères perpétuelles, auxquelles elles ne peuvent être
condamnées à cause de la faiblesse de leur sexe (Jousse,
loc. cit., n« 41). Quant à la prison, elle n'existe que pour
la garde des criminels, pendant l'instruction de leur pro-
cès et non pour les punir, suivant cette maxime : Carcer
ad continendoshomines, non ad puniendos haberi débet
(Jousse, ibid,, n° 124). Elle n'est employée à titre de peine
que tout à fait exceptionnellement (Jousse, ibid,, n«^ 124,
125 et 126). De plus, les juges ecclésiastiques pouvaient
condamner à être renfermés en prison, soit dans un mo-
nastère, soit ailleurs. Le régime intérieur des prisons était
déplorable: prévenus et condamnés, simples débiteurs, cri-
minels endurcis, tous les prisonniers vivaient dans une
promiscuité complète : renfermés dans des cachots mal-
sains, humides, sans air et sans lumière, souvent brutalisés
par les geôliers, laissés dans une oisiveté démorahsatrice,
— 985 —
EMPRISONNEMENT
ils subissaient une mort lente et douloureuse : le corps
était frappé durement ; rien n'était fait pour redresser
l'âme ni même l'empêcher de se corrompre.
L'Assemblée constituante fit de l'emprisonnement une
véritable peine et lui donna une place importante dans la
répression. Elle créa quatre espèces de prisons : les prisons
préventives ; les prisons pénales criminelles, comprenant
les bagnes, les maisons de force et les maisons de gène ;
les prisons pénales correctionnelles ; les prisons de jeunes
délinquants, pour les mineurs au-dessous de seize ans.
Mais, en fait, ni les maisons de gêne, qui eussent été de
véritables prisons cellulaires, ni les prisons de jeunes dé-
linquants ne furent organisées. Il ne suffit pas, en effet,
d'une loi ou d'un décret pour accomplir une réforme péni-
tentiaire : il faut du temps et des crédits. Le code de bru-
maire an IV ne changea pas le système d'emprisonnement
établi parle code de 1791. Les choses restèrent dans le
même état jusqu'à la rédaction du code pénal en 1810. 11
faut signaler toutefois un arrêté du 8 pluviôse an IX, or-
ganisant des ateliers de travail, et un arrêté du 20 oct. 1810
supprimant les cachots et tous les logements malsains.
Le code pénal de 1810 divisa les prisons en cinq classes
différentes : les maisons de détention ou maisons centrales
destinées aux condamnés à la réclusion ; les bagnes, des-
tinés aux condamnés aux travaux forcés ; les maisons de
correction, ou prisons départementales ; les maisons de
justice; les maisons d'arrêt, destinées aux individus en état
de détention préventive. En fait, les prisons départemen-
tales furent tout ensemble maisons de correction, de jus-
tice et d'arrêt. Il y avait aussi les prisons d'Etat, où l'on
renfermait, par mesure administrative, les individus que
l'on jugeait également dangereux de laisser en liberté et de
déférer aux tribunaux : elles étaient au nombre de huit.
Enfin, tant que la déportation ne s'exécuta pas par la
transportation effective, certaines forteresses (le Mont-
Saint-Michel, Doullens) furent affectées aux condamnés à
la déportation. Dans tous ces établissements, le régime était
celui de la vie en commun, de jour et de nuit. On voyait
mêlés ensemble et vivant dans un état de promiscuité dé-
plorable, non seulement des condamnés de différentes ca-
tégories, mais des prévenus en état de détention préventive
et'même des mineurs. Déplus, le mal était encore aggravé
dans les bagnes par le mode d'exécution de la peine, qui
consistait en travaux à l'extérieur, au vu et au contact de
la populationhbre. Ce régime, non seulement était impuis-
sant pour obtenir l'amélioration morale des condamnés,
mais il était profondément dégradant et corrupteur. Depuis
le commencement du siècle, des efforts considérables ont
été faits, tant par le législateur que par l'administration
pour atténuer les vices de nos institutions pénitentiaires ;
des résultats ont été obtenus: malheureusement la réforme
n'a pas été conçue suivant un plan d'ensemble, ^ni pour-
suivie avec méthode. Aussi sommes-nous loin d'avoir un
régime pénitentiaire satisfaisant, ce qu'atteste surabondam-
ment le nombre croissant des récidives.
Le gouvernement de Juillet avait entrepris une réforme
d'ensemble et se proposait de faire voter une loi générale
sur les prisons. Le système adopté devait être celui de
Temprisonnement cellulaire, de jour et de nuit, connu sous
le nom de système de Philadelphie. Le projet de loi pré-
senté en 1840, objet de deux rapports de M. de Tocque-
ville et d'une longue discussion à la Chambre des députés
en 1840 et 1843, adopté par elle le 18 mai 1844, com-
muniqué aux cours royales et à la cour de cassation, ob-
jet d'un rapport de M. Bérenger à la Chambre des pairs
(1848), allait y être discuté, quand la révolution de 1848
emporta la loi avec le gouvernement. L'introduction en
France du régime de l'emprisonnement cellulaire en fut
retardé de trente années.
Le prince-président, en effet, comptait surtout, pour
purger le territoire des criminels dangereux, sur la trans-
portation dans les colonies. Dès lors, tous les efforts de
l'administration tendirent à organiser cette transportation.
Plusieurs bagnes avaient été fermés successivement. Un
décret du 21 févr. 1851, puis la loi du 30 mai 1854, dé-
cidèrent que désormais les travaux forcés seraient subis
sous la forme de la transportation dans les colonies fran-
çaises : la Guyane et la Nouvelle-Calédonie. La réclusion
se subit dans les maisons centrales, où sont également
internés les condamnés à plus d'un an et jour d'emprison-
nement correctionnel. Quelques maisons centrales, en Corse
et en Algérie, sont organisées sous la forme de péniten-
ciers agricoles. Quant aux prisons départementales, desti-
nées aux autres condamnés correctionnels, elles sont léga-
lement, depuis la loi du 5 juin 1875, sous le régime
cellulaire, à séparation continue entre détenus ; en fait,
comme le nombre des cellules, existant à cette époque ou
construites depuis, est tout à fait insuffisant, la loi de 1875
est restée, en grande partie, lettre morte, et la généralité
des condamnés'correctionnels à un an et jour ou moins,
continue à vivre en commun. Les prévenus et accusés en
état de détention préventive devraient être aussi en cellule:
sur ce point encore la loi de 1875 n'est pas appliquée.
Enfin les condamnés à plus d'un an et jour peuvent
demander à subir leur peine en cellule ; c'est là non un
droit, mais une faveur qui peut leur être refusée. La du-
rée des peines subies dans le régime de l'emprisonnement
individuel sera, de plein droit, réduite d'un quart, pourvu
qu'il s'agisse d'une peine supérieure à trois mois. La loi
française admet donc comme maximum normal d'emprison-
nement cellulaire une durée de neuf mois ; à cet égard,
elle est restée bien au-dessous de plusieurs autres législa-
tions qui admettent la cellule pour un temps bien plus
long : en Belgique, par exemple, le maximum est de dix
ans. L'emprisonnement cellulaire, au moins pour les
peines de courte durée, est aujourd'hui presque univer-
sellement considéré comme la forme la plus recomman-
dable de l'emprisonnement. Il ne s'agit pas d'établir un
régime d'isolement absolu, ce qui serait un supplice cruel ;
mais un régime qui sépare le détenu de toute influence
mauvaise pour lui et laisse au contraire l'accès ouvert le
plus librement possible à toute influence morahsante. La
prison commune actuelle a pour résultat, presque néces-
saire, la corruption des détenus les uns par les autres, la
formation d'associations de malfaiteurs, la difficulté du
reclassement des libérés, la multiplication des récidives.
Quant aux objections tirées du danger de la cellule pour
la santé et pour l'état mental des détenus, une expérience
déjà longue, tant en France qu'à l'étranger, en a fait en-
tièrement justice, surtout en ce qui concerne les peines
de courte durée. Les rapports des directeurs des prisons,
des aumôniers, des instituteurs, des médecins sont una-
nimes pour constater la supériorité de la détention indivi-
duelle sur l'emprisonnement en commun. Le nombre des
cellules existantdans les 382 prisons départementales était,
en 1888, de 3,716 pour 17 prisons, d'après le rapport au
Sénat de M. Bérenger, sur le projet de loi sur la réforme
des prisons de courte peine et sur les moyens préven-
tifs de combattre la récidive. Le rapporteur évalue à
16,000 au total le nombre de cellules nécessaires. La
moyenne du prix des dernières construites est de 3,429 fr.
En''tenant compte des appropriations possibles, la dépense
est évaluée, mobiher compris, à environ 40 millions de
francs. Il est désirable que le projet de loi sorti des déli-
bérations de la commission, dont M. Bérenger était rap-
porteur, aboutisse enfin et permette de hâter l'application
de la loi de 1875 sur les prisons départementales. Com-
biné avec la libération conditionnelle, avec l'augmentation
progressive de la peine en cas de récidive et la possibilité
pour les tribunaux de suspendre l'exécution de la peine,
en cas de premier défit, le régime cellulaire, largement pra-
tiqué, contribuerait efficacement à réduire le nombre sans
cesse grandissant des malfaiteurs dangereux. E. Gardeil.
IL Droit canon. — Suivant un usage très ancien, les
clercs coupables de crimes graves étaient renfermés dans
un monastère ou même dans une véritable prison, appelée
EMPRISONNEMENT — EMPRUNT — 986
decania par les constitutions ecclésiastiques, pour y
pleurer leurs péchés et faire pénitence. Cet usage a été
confirmé par le droit des Décrétâtes, qui considère Fem-
prisonnement temporaire et même perpétuel des clercs
comme une peine ecclésiastique. En conséquence, la plu-
part des canonistes, même les gallicans, enseignent que
la prison perpétuelle est une peine canonique à laquelle les
juges de l'Eglise peuvent condamner. Mais un arrêt du
Parlement du 26 juin 1629 reçut un appel comme d'abus
contre une condamnation de ce genre. Dès lors, les offi-
ciaux s'appliquèrent à éluder les réclamations des juges
royaux et le conflit, en évitant d'employer dans leurs sen-
tences le mot prison ; ils condamnaient le coupable à se
retirer dans un séminaire ou monastère pour y être
retenu et y jeûner, etc. D'autre part, une déclaration du
roi (15 déc. 1698) statua que les ordonnances par les-
quelles les évêques auraient estimé nécessaire d'enjoindre,
dans le cours de leurs visites et sur les procès-verbaux, à
des curés et aux ecclésiastiques ayant charge d'âmes, de se
retirer dans des séminaires jusques et pour le temps de
trois mois, pour des causes graves, mais ne méritant pas
une instruction dans les formes de la procédure criminelle,
seraient exécutées, nonobstant toutes appellations, oppo-
sitions quelconques et sans y préjudicier. — D'après les
canons de l'Eglise, les clercs ne doivent être traduits, pour
aucun crime, devant la juridiction laïque ; en conséquence,
ils ne peuvent être ni arrêtés ni emprisonnés par ordre des
séculiers. Dans les concordats qui ont concédé aux juges
civils le droit de condamner des clercs à l'emprisonnement,
il est stipulé que leur arrestation se fera avec toutes les
formes exigées par le respect de la condition cléricale et
qu'ils subiront leur peine dans des lieux séparés des sécu-
liers (Concordat d'Autriche, art. 14; de Guatemala,
art. 16). Pour complément, V. Immunités ecclésiastiques
et In Page. E.-H. Vollet.
EMPRUNT. I. Finances. ~ L'emprunt est la consé-
quence naturelle du crédit, et, sous différentes formes, on le
retrouve comme un des premiers actes économiques dans
toutes les associations humaines. Pour les particuliers, il est
à peu près le seul moyen de fournira l'entrepreneur les capi-
taux qui lui manquent ; pour les Etats, il est souvent indis-
pensable, lorsque des sommes importantes doivent être payées
pour frais de guerre, pour travaux publics, ou pour régler des
dettes antérieures trop importantes. A l'origine, les em-
prunts effectués par l'Etat affectaient trop souvent la forme
spoliatrice ; mais au fur et à mesure que se formait une
plus complète connaissance des droits et des devoirs de
chacun, ces errements disparurent, et actuellement, au
moins chez les nations civilisées, les emprunts sont libre-
ment contractés, et c'est par leur volonté seule que les
prêteurs se constituent créanciers de l'Etat. En France, on
prend comme origine des emprunts publics l'édit du 10 oct.
1522, quoique la somme demandée l'ait été plutôt comme
une contribution spéciale que comme un véritable emprunt,
avec cette distinction toutefois que les sommes ainsi pré-
levées devaient porter intérêt jusqu'à leur remboursement;
quelques années plus tard (1536), un véritable emprunt
était émis, par la constitution de rentes sur l'hôtel de
ville. Ces rentes obtinrent une vogue extraordinaire ; mais
quelque temps après, les guerres et les dilapidations des
finances vinrent arrêter le payement de ces rentes. Malgré
tout, les emprunts se continuèrent sous toutes les formes
possibles : rentes perpétuelles, temporaires, viagères, sur
l'hôtel de ville, gagées sur les aides, les gabelles, les cinq
grosses fermes, sur les généralités, sur le clergé même ;
billets d'Etat, anticipation, et surtout ventes des charges,
création de nouveaux offices, dont on ne devenait titulaire
que moyennant finance, etc. La période révolutionnaire vit
les contributions patriotiques, les emprunts forcés sur les
riches, le cours forcé donné aux assignats et aux bons ter-
ritoriaux; en dehors de l'emprunt sur les aisés (10 déc.
•1795)^ le Directoire ne connut que les bons de toutes
sortes ; le Consulat et l'Empire virent surtout les avances
demandées à la Banque de France et aux banquiers ; on
peut à peine citer comme un emprunt l'avance de 12 mil-
lions faite par des banquiers sur le produit d'une augmen-
tation de 25 cent, par franc sur le principal des contribu-
tions foncière, personnelle, mobilière et somptuaire (1799).
C'est sous la Restauration que se présentèrent des emprunts
sous une forme analogue à celle qu'ils affectent aujourd'hui.
En dehors des contributions et taxes levées directement,
l'emprunt, de son origine à nos jours, a affecté des formes
diverses. Pour présenter ces divers systèmes, il faudrait
écrire une histoire du crédit chez les divers peuples ; mais
on peut au moins citer : les rentes viagères, qui n'existent
plus en France, mais qu'on retrouve encore en Angleterre,
avec un mode d'emploi qui rappelle plutôt les placements à
fonds perdus; les tontines, rentes dont la quotité se par-
tage en un nombre de plus en plus petit de titulaires, jus-
qu'au décès du dernier survivant; les loteries, qu'on
retrouve encore en quelques pays comme une ressource
budgétaire ; les annuités terminables, usitées en Angle-
terre, emprunts contractés moyennant le payement, pen-
dant un certain nombre d'années, d'une annuité déter-
minée, le taux d'intérêt étant naturellement plus élevé que
le taux courant ; l'emprunt se trouvait éteint avec le paye-
ment de la dernière annuité; les rentes amortissables, dont
l'annuité comprend l'intérêt au taux convenu et une somme
suffisante pour rembourser le capital après un certain
nombre d'années, type de rentes existant maintenant en
France ; enfin les rentes perpétuelles. Il existe aussi des
emprunts à court terme comme les bons 5-20 des Etats-
Unis, remboursables au plus tôt cinq ans après leur émis-
sion, mais qui devaient être complètement remboursés dans
les vingt ans ; des bons de ce genre (5-10) ont été émis
en France vers la fin de l'Empire ; on peut y comprendre
aussi les bons du Trésor, et en général tout ce qui alimente
la dette flottante ; il y a également ce qu'on pourrait appe-
ler les emprunts dissimulés, fonds des caisses d'épargne,
de la caisse des dépôts et consignations, fonds des com-
munes, dont le Trésor fait emploi, mais qui sont rembour-
sables à vue ou à très court délai, et pourraient en cas de
crise susciter de graves difficultés. Les émissions ont lieu
soit par intermédiaires, banquiers syndiqués prenant la
totalité de l'emprunt à un taux déterminé pour le placer
ensuite dans le public au mieux de leurs intérêts ; soit par
adjudication, la préférence étant donnée à ceux qui
offrent les meilleures conditions, système fréquemment
employé en Angleterre ; soit enfin par souscription pu-
blique, avec versements échelonnés. Ce dernier mode a
l'avantage de permettre aux petits souscripteurs d'obtenir
un placement à des conditions plus favorables ; il permet
également à l'Etat emprunteur d'obtenir un taux un peu
plus élevé, puisqu'il n'y a plus à tenir compte du bénéfice
des intermédiaires ; mais il a l'inconvénient de favoriser la
spéculation par suite de souscriptions uniquement faites
pour profiter de la prime. Il est souvent avantageux d'émettre
un emprunt important sur les marchés étrangers en même
temps que dans le pays emprunteur, le mouvement des ca-
pitaux ayant moins d'inconvénients lorsqu'il se produit sur
une plus grande étendue ; mais il faut considérer pourtant
que les souscriptions reçues de l'étranger constituent une
charge annuelle, en dehors du remboursement final ou du
retour des titres vers leur pays d'origine, et que la baisse
du change qui en résulte peut imposer des charges plus
lourdes que celles qui résultent directement des conditions
de l'emprunt. Il est avantageux que le taux nominal de
l'emprunt soit à peu près le taux réel que peut obtenir
l'Etat emprunteur, et qui permet une émission à un prix
se rapprochant du pair ; la charge pour l'intérêt est la
même, mais en cas de remboursement la somme à payer
ne diffère que peu du montant reçu; il est vrai, par contre,
que la prime à espérer étant plus faible, le classement d'un
tel emprunt est un peu plus difficile. La quasi-totalité des
emprunts qui existent actuellement ont été émis au-dessous
du pair, et souvent même avec des différences considérables,
— 987 —
EMPRUNT — EMPUSA
imposant ainsi aux Etats d'énormes sacrifices, qui se chif-
freraient par centaines de millions si ces divers emprunts
devaient être remboursés au pair. Il est vrai de dire que
ce moyen a pu être employé pour se conformer, en appa-
rence, aux lois qui interdisaient comme usuraires les taux
supérieurs à 6 *^/o.
Emprunts des établissements de bienfaisance. — Les
emprunts doivent être demandés par délibération des com-
missions administratives, qui sont exécutoires par arrêté du
préfet, après avis conforme du conseil municipal, lorsque
l'emprunt est remboursable dans un délai de douze ans et
que son montant n'est pas supérieur au chiffre des revenus
de l'établissement. Autrement l'emprunt ne peut être auto-
risé que par un décret ; il faut une loi si la somme à em-
prunter est supérieure à 500,000 fr.
Emprunts des départements. — Les conseils généraux
peuvent décider des emprunts non soumis à la ratification
législative lorsque l'amortissement est compris dans une
période de quinze années et que l'emprunt trouve un gage
dans les ressources normales du département. Le service
de l'intérêt et de l'amortissement peuvent être assurés sur
le budget ordinaire et extraordinaire, mais sans dépasser
le maximum des centimes fixé par la loi de finances. Si
l'amortissement comprend une période plus longue, ou si
le maximum des centimes est dépassé, une loi est néces-
saire. Dans tous les cas, une copie des délibérations du
conseil général approuvée par le préfet doit être soumise
au ministre de l'intérieur. Les départements sont libres de
contracter les emprunts par le mode qu'ils jugent le plus
avantageux ; mais, en cas de lots et primes, l'autorisation
législative est nécessaire.
'Emprunts communaux. — En cas de nécessité, les villes
et communes peuvent contracter des emprunts rembour-
sables soit sur des centimes extraordinaires, soit sur les
ressources ordinaires quand, dans ce dernier cas, l'amor-
tissement ne dépasse pas trente années. Tout emprunt rem-
boursable sur le produit d'une contribution extraordinaire
dépassant le maximum voté par le conseil général doit être
autorisé par décret ; le décret est rendu en conseil d'Etat
si la contribution est établie pour plus de trente ans, ou
si l'emprunt remboursable sur ressources extraordinaires
excède cette durée ; il est statué par une loi si l'emprunt
dépasse un million ou si, réuni au montant d'autres em-
prunts non encore remboursés, le montant est supérieur à
un million. Les pièces suivantes doivent accompagner tout
décret ou projet de loi tendant à autoriser un emprunt
communal : i^ copie de la délibération par laquelle le con-
seil municipal a voté l'emprunt ; 2° certificat du maire
faisant connaître le chiffre de la population et le nombre
des membres du conseil municipal ; 3° le budget de la
commune de l'exercice courant; 4" certificat du maire
constatant les impositions communales de toute nature qui
peuvent grever la commune, les emprunts non encore rem-
boursés, les autres dettes et enfin le montant des fonds
placés au Trésor, et leur destination ; 5<* les pièces justi-
ficatives de la dépense en vue de laquelle l'emprunt est
voté ; 6^ un tableau d'amortissement dudit emprunt et un
état présentant dans trois colonnes : a, les sommes à payer
chaque année jusqu'à complète libération pour le service des
emprunts et des dettes antérieurement contractées; ^, les
ressources extraordinaires affectées annuellement à l'extinc-
tion de ce passif ; c, les prélèvements à opérer sur les
revenus ordinaires pour compléter les annuités de rem-
boursement ; 7<> un relevé présentant, d'après les trois
derniers comptes, les recettes et les dépenses communales
séparées en ordinaires et en extraordinaires ; 8° l'avis
motivé du préfet.
Emprunts à la caisse des dépôts et consignations»
La Hmite d'amortissement est de quinze années ; l'intérêt
est variable. En dehors des pièces indiquées ci-dessus, il
y a lieu de produire une copie de la délibération du con-
seil municipal autorisant le maire à contracter avec la
caisse des dépôts et consignations.
Emprunts à la caisse des lycées et collèges. Ces em-
prunts sont réglés par un contrat synallagmatique signé
par le maire et le directeur général de la caisse des dépôts.
Le remboursement s'effectue au maximum en trente années
et se fait par versements semestriels comprenant l'intérêt
et l'amortissement.
Emprunts à la caisse des chemins viciiiaux. Les
emprunts faits ainsi doivent être exclusivement affectés à
l'achèvement des chemins vicinaux ou pour le rachat des
ponts à péage. Les remboursements doivent être effectués
dans un délai maximum de trente années.
Emprunts au Crédit foncier. Ces emprunts sont con-
sentis avec ou sans affectation hypothécaire et sont rem-
boursables soit à long terme par annuités, soit à court
terme avec ou sans amortissement. La durée des prêts
peut varier de cinq à cinquante ans. Les pièces à produire
sont : l'' la copie de la déhbéralion par laquelle l'emprunt
a été voté ; 2*^ l'ampliation de l'acte approbatif de l'em-
prunt (loi ou décret) ; S^' le relevé des recettes et dépenses
de la commune d'après les bordereaux détaillés des trois
derniers exercices ; 4<^ un état certifié des dettes ; 5<* la
copie de la délibération dûment approuvée par le préfet,
portant que l'emprunt sera réalisé auprès du Crédit foncier.
Emprunts par voie d'adjudication publique ou de
gré à gré. Le cahier des charges, en cas d'adjudication
publique, ou les conditions des souscriptions à ouvrir et
des traités de gré à gré doivent être soumis à l'approbation
préfectorale. Les communes peuvent émettre des obliga-
tions au porteur ou transmissibles par endossement ; ces
titres sont soumis aux droits et impôts ordinaires.
G. François.
II. Droit civil et commercial (V. Prêt).
Certificat d'emprunt (V. Certificat).
Emprunt par anticipation (V. Anticipation).
EiViPSON (William), publiciste anglais, né en 1791,
mort à Hailesbury le 10 déc. 1852. 11 prit ses grades à
Cambridge et entra dans la rédaction de VEdinburgh
lieview en 1823. 11 donna à ce recueil, entre cette date et
1849, une foule d'articles politiques, littéraires et juridiques.
En 1824, il devint professeur de politique générale et de
législation anglaise à VEast India Collège d'Hailesbury, et,
en 1847, prit la direction de VEdinburgh Review.
EiVlPURANY. Com. du dép. de l'Ardèche, arr. de Tour-
non, cant. de La Mastre; 1,794 hab.
EMPURÉ.Com. du dép. de la Charente, arr. de Ruffec,
cant. de Villefagnan; 292 hab.
EMPURY. Com. du dép. de la Nièvre, arr. deClamecy,
cant. de Lormes ; 307 hab.
ENIPUSA. I. Mythologie grecque. — Fantôme très
redouté; il apparaissait la nuit sous les formes les plus
variables, avec un ou deux pieds, un pied d'âne et un pied
d'airain. C'est une création voisine des Lamies et des
Mormolyces qu'on supposait envoyées par Hécate (V. ces
mots).
II. Botanique. — Genre de Champignons de la famille
des Entomophtorées (ordre des Oomycètes), vivant en
parasites sur les larves des insectes. Ses spores sont portées
à l'extrémité d'un filament simple ou ramifié et lancées en
l'air à la maturité. E. muscce se développe en automne
sur le corps des mouches. H. F.
III. Entomologie. — Genre d'Orthoptères, de la famille
des Mantides, dont les représentants, voisins des Mantes
(V. ce mot) , s'en distinguent surtout par leur tête petite,
triangulaire, à vertex prolongé en avant en forme de fer
de lance. De plus, les hanches sont armées d'une épine
et les cuisses des pattes intermédiaires et postérieures sont
munies, à leur extrémité, d'un lobe foliacé. L'espèce type,
E. egena Charp. (E.pauperata IHig.), n'est pas rare en
Provence. Elle est d'un vert jaunâtre, avec les élytres d'un
vert opaque dans leur région antérieure, transparentes dans
leur région postérieure et nuancées d'incarnat à la base ;
les pattes, d'un vert jaunâtre, sont annelées de brun ver-
dâtre. Ed. Lef.
EMPYËME — EMS
— 988
EM PYÈM E (Pathol.). Ce terme s'applique indifféremment
à la pleurésie jfuriilente (V. ce mot) et à l'opération qu'elle
nécessite parfois. Nous ne nous occuperons ici que de cette
dernière. L'opération de l'empyème ou pleurotomie a pour
objet d'ouvrir au travers d'un espace intercostal un pas-
sage au pus collecté dans la plèvre ; elle était déjà employée
du temps d'Hippocrate ; elle fut reprise puis abandonnée au
commencement de ce siècle, mais depuis vingt ans elle entre
de plus en plus dans la pratique courante. Tantôt elle se
fait au lieu de nécessité, au point où le pus est venu faire
saillie sous la peau, tantôt au lieu d'élection, dans le sep-
tième ou le huitième espace intercostal. L'incision doit par-
tir de la ligne axillaire et de là se diriger en arrière et
porter sur la partie moyenne de l'espace intercostal pour
ne pas blesser l'artère ; elle suit le bord supérieur de la
côte inférieure et se fait couche par couche jusqu'à la
plèvre ; celle-ci est débridée avec un bistouri boutonné. Le
pus s'échappe alors en abondance, et quand la plèvre est
vidée on y introduit de gros drains que l'on fixe solidement
au dehors et qui servent à faire des lavages. Autrefois ces la-
vages étaient faits journellement, mais ils ralentissaient la
guérison et pouvaient provoquer des accidents nerveux tels
que des crises d'épilepsie, de l'hémiplégie, de l'hémichorée,
ou des complications pulmonaires. On préfère aujourd'hui
pratiquer l'empyème avec une antisepsie rigoureuse et ne
faire ensuite qu'un seul lavage avec une solution de sublimé
jusqu'à ce que tout le pus soit sorti; un pansement de Lis-
ter est ensuite placé sur la plaie et n'est renouvelé que le
plus rarement possible. On obtient souvent ainsi la réunion
par première intention des deux feuillets de la plèvre. La
blessure de l'artère intercostale, du diaphragme ou du
cœur, et la hernie du poumon sont des accidents fort rares
que l'on peut toujours éviter. Il est préférable de prati-
quer l'empyème dès que la pleurésie purulente est recon-
nue et de ne pas attendre qu'elle ait affaibli le malade et
provoqué la fièvre hectique. Cependant on s'asbtiendra
souvent quand elle est due à une tuberculose déjà avancée.
Il est également inutile d'opérer quand la pleurésie est liée
à un état général tel que la pyohémie ou la fièvre puerpé-
rale. Quand il y a intérêt à ouvrir très largement la plèvre
pour en faire la désinfection complète, l'opé.'ation de l'em-
pyème est précédée de la résection d'une ou plusieurs côtes ;
elle prend alors le nom d'opération de Letiévant ou d'Est-
lander. Pour réussir, l'opération demande à être faite lar-
gement ; l'essentiel est de ménager les deux premières et
les deux dernières côtes qui sont indispensables pour sou-
tenir le sternum. Cette opération a de beaux succès à son
actif, mais elle n'est ni inoffensive ni toujours efficace.
Georges Lemoine.
EMPYRÉE. Nom donné par les anciens à la sphère
céleste supérieure, où s'assemble le feu, l'élément le plus
léger et le plus subtil ; de là le nom qui signifie « séjour
du feu ». Sous l'influence du christianisme, le mot a pris,
par exemple dans la Divine Comédie du Dante, le sens de
« lieu de la lumière » et séjour des bienheureux (V. Pa-
radis).
EMPYROMANCIE (V. Divination).
EMS (holl. Eems, lat. Amisia), Fleuve d'Allemagne,
tributaire de la mer du Nord. Il prend sa source dans le
Teutoburgerwald et coule vers le N. à travers une plaine
marécageuse parsemée de tourbières; son cours est assez
sinueux; il a une longueur de 330 kil., dont 224 navi-
gables et 277 flottables. Il débouche dans le golfe de Dol-
lart, près d'Emden ; ses eaux forment dans les sables du
golfe un double chenal, Oster et Wester-Ems^ profond
de 7 m. ; entre les deux est l'île de Borkum. Ses princi-
paux affluents sont : à droite, la Haase, la Leda, toutes
deux navigables, et l'Ahe ; à gauche, la Werse. Son bas-
sin, très tourbeux, est sillonné par de nombreux canaux
qui le drainent.
EMS. Ville d'Allemagne, roy. de Prusse, district de
Wiesbaden, sur la Lahn; 6,943 hab. C'est une des plus
anciennes et des plus célèbres villes d'eaux de l'Europe.
Les Romains y avaient formé un établissement et on a
retrouvé les ruines de leurs thermes ; la XXIP légion y
était campée. Au x^ siècle, Ems fut acquis par les arche-
vêques de Trêves, passa ensuite aux comtes d'Arnstein,
puis de Nassau. Le premier étaWissement balnéaire mo-
derne fut bâti en 1382. Ems appartenait en commun
aux comtes de Nassau (maison d'Orange) et à la Hesse-
Darmstadt. En 1803, les Nassau se le firent attribuer
entièrement. En 1866, Ems fut annexé à la Prusse. Outre
le congrès de 1786 (V. ci-dessous), il faut rappeler que
c'est à^'Ems qu'eurent lieu entre le roi Guillaume et l'am-
bassadeur français Benedetti l'entretien et la discussion
qui amenèrent la guerre de 1870-71. A.-M. B.
Eaux minérales. — Les eaux d'Ems (plus de vingt
sources) sont thermales (29^5 à 47, °o C), bicarbonatées
sodiques moyennes, chlorurées sodiques moyennes ou faibles,
carboniques"^ fortes ; on les emploie en boissons, bains,
douches et inhalations ; elles sont plus toniques que les
bicarbonatées sodiques franches et conviennent surtout chez
les malades dont le sang est peu plastique, tandis que les
eaux de Vichy s'adressent de préférence aux malades fran-
chement sanguins ; elles exercent une action sédative sur
le système nerveux et ne provoquent jamais les accidents
nerveux que produisent parfois les eaux de Vichy. Elles
exercent une action spécifique sur les affections catarrhales
chroniques, catarrhe pulmonaire, bronchites, laryngites ;
elles doivent être préférées aux eaux sulfureuses trop exci-
tantes chez les malades pléthoriques et névropathiques. Les
eaux d'Ems sont surtout recommandables dans le catarrhe
sec de Laënnec avec emphysème et dyspepsie; elles ne
guérissent pas la phtisie, comme on l'a prétendu, mais sont
éminemment utiles dans cette forme où les malades sont
sujets aux congestions sanguines, aux épistaxis, oppression,
palpitation, à l'enrouement, ou bien présentent un vif éré-
thisme du système vasculaire. Elles rendent également de
grands services dans les catarrhes des voies digestives où
Vichy est trop excitant, dans les congestions chroniques du
foie, les hépatites chroniques, l'hypertrophie simple du foie,
les catarrhes des voies urinaires et des organes génitaux ;
elles guérissent l'aménorrhée et la dysménorrhée. D'" L. Hn.
Congrès et punctation d'Ems. — Acte de protesta-
tion de la part des archevêques allemands, en 1786,
contre les empiétements de la cour de Rome. Dès 1763,
le coadjuteur de l'évêché de Trêves, Nie. Hontheim (V. ce
nom) avait exposé dans un livre fameux les principes de
l'autonomie épiscopale menacée depuis la création des non-
ciatures à la fin du xvi« siècle. En 1769, les archevêques de
Cologne, de Mayence et de Trêves s'étaient adressés à l'em-
pereur Joseph II pour obtenir la cessation des abus, mais
sans succès. Quand, sur le désir de l'électeur Charles-
Théodore de Bavière, la nonciature de Munich fut établie
en 1785, et que, malgré la note envoyée à Rome par plu-
sieurs archevêques, le nonce Ces. Zoglio occupa son poste
en mai 1786, les archevêques de Mayence, Trêves, Cologne
et Salzbourg firent formuler par des délégués réunis à Ems
les prérogatives que le droit canonique réserve à l'épisco-
pat. Cet acte signé le 25 août 1786 par les quatre arche-
vêques et envoyé simultanément à l'empereur et au pape,
a recule nom de punctation {punctatio^^^ro'iei) d'Ems.
Les points principaux de ce remarquable document sont
les suivants : renonciation de la part du pape à tous droits
et réserves issus des fausses dêcrétales ; application des
principes fébroniens (V. Hontheim [Nie.]), à savoir: autono-
mie complète de l'épiscopat ; nulle juridiction ecclésias-
tique autre que l'épiscopale, nul recours à Rome autre
que par la voie épiscopale, mais création de synodes pro-
vinciaux. On demandait de plus la convocation d'un con-
cile général avant deux ans. Depuis les grands conciles
duxv« siècle, les représentants autorisés de l'Eghse catho-
lique n'avaient pas dirigé un coup droit aussi formidable
contre Rome. La cour de Rome fut aussi habile qu'on
pouvait l'attendre : elle ignora les propositions des arche-
vêques et donna aux nonces l'ordre d'agir comme si de
- 989 -
EMS - EMULATION
rien n'était. L'empereur, qui était favorable aux arche-
vêques, leur conseilla de gagner le clergé et de généraliser
le mouvement ; mais les évèques se déclarèrent contre la
punctation d'Ems : ils redoutaient plus le pouvoir métro-
politain augmenté que celui de Rome qu'ils ne voyaient que
de loin. De plus, le gouvernement prussien pria les arche-
vêques de Cologne et de Mayence de se désister. La diète
de Ratisbonne (1788) conseilla aux prélats de traiter per-
sonnellement et séparément avec le saint-siège. C'était la
fin. Un ou deux ans plus tard, en nov. 1789, Pie VI
répondit par une lettre imprimée, intitulée Sanctiss. dom.
nostri PU papœ VI responsio ad metropolitanos Mo-
gunt., Trevir., Colon, et Salisburg. super nuntiatu-
ras (Rome, 1789) : le pape maintient les principes^ des
décrétales d'Isidore et reproche aux prélats leur oubli du
serment de Grégoire VIL F.-H. Kruger.
BiBL. : GÉOGRAPHIE.— V. les Gwides de Braun, Dœring,
Panthel, Orth, etc. _ ,,. ^
Congrès d'Ems. — Ch.-Fr. Weidenfels, Grûndliche
Eniwickelung u. aktenmœssige Geschichte des Nuntia-
tursireites, etc., s. 1., 1788. — Munch, Geschichte des
Emser Congresses u. seiner Punktate: Karlsruhe, 1840.—
O. Mejer, Zur Geschichte der rœmisch-deutschen Frage;
Rostock, 1871, l'-^ partie, pp. 33 et suiv., pp. 89 et suiv.
EMS. Gros village de Suisse, cant. des Grisons, à 8 kil.
à rO. de Coire; 1,400 hab. catholiques et parlant ro-
manche. Les environs sont fort beaux. En 1630, les Ligues
grises tinrent à Ems un congrès où fut prise la décision de
secouer le joug autrichien et de reconquérir la Valteline.
Un incendie y détruisit trois cents bâtiments en 1776.
EMS-OcciDENDAL (Département de F). Il fut formé, en
181 0, d'une partie de la Hollande réunie à l'empire français
et eut pour ch.-l. Groningue. Il avait pour limites : au N.
la mer du Nord, àl'E. les dép. de l'Ems-Oriental et del'Ems-
Supérieur, au S. le dép. des Bouches-de-l'Yssel, à l'O. le
dép. de la Frise.
EMS-OrieiVTAl (Département de 1'). Il fut formé à la
même époque que le précédent avec Aurich pour ch.-l. Ses
limites étaient : au N. la mer du Nord, au S.-O. le dép. de
l'Ems-Occidental, au S. celui de l'Ems-Supérieur, à l'E.
le dép. des Bouches-du-Weser.
EWIS-SupÉRiEUR (Département de 1'). Il fut formé à la
même époque que les précédents d'une partie du Hanovre
et eut Osnabruck pour ch.-l. Il était borné au N. par le
dép. de l'Ems-Oriental, à l'E. par celui des Bouches-du-
Weser, au S. par le dép. de la Lippe et le royaume de
Westphalie, à l'O. par les dép. de l'Ems-Occidental et des
Bouches-de-l'Yssel.
ÉMULATION (Psychol. et pédag.). Aux mots Composi-
tion et Concours nous avons fait déjà des réserves sur
l'abus qu'on fait souvent, dans l'éducation, de l'esprit de
rivahté naturel aux hommes en général et particuHèrement
vif chez les enfants. Au mot Discipline, nous avons signalé
le danger qu'on fait courir au caractère des enfants en les
habituant à se comparer sans cesse et en leur donnant pour
sentiment dominant le désir de se surpasser les uns les
autres. Il n'est que juste, cependant, de commencer ici
par avouer que l'émulation est à part entre toutes les
formes que revêt l'esprit de rivalité. Le mot ne se prend
qu'en bonne part. Il désigne, à rencontre de la jalousie et
de l'envie, le désir actif et généreux, le besoin avoué et
même noble d'égaler d'abord, de surpasser, s'il se peut,
toujours par de bons moyens, les mérites, les talents, les
succès d'un autre en ce qu'ils ont de parfaitement hono-
rable. C'est un sentiment très vif , qui suppose de l'énergie,
mais qui excite au plus haut point celle que l'on a , et en
augmente beaucoup l'effet. Un bon cheval ne souffre pas
d'être dépassé à la course, et donne, pour ne pas l'être, son
maximum de vitesse. L'indifférence à cet égard est, au
contraire, le signe d'une grande pauvreté de sang. De
même pour les enfants : les mieux doués sont, au travail
comme au jeu, pleins d'une émulation joyeuse, qui seule
leur fait donner toute leur mesure ; manquer tout à fait
de ce sentiment n'est certes pas un signe de supériorité ni
une promesse de brillant développement. On comprend
donc à merveille qu'une tendance si générale à la fois et si
honorable ait été utilisée dans l'éducation. Une infériorité
notoire des éducations privées est que l'émulation y fait
défaut, et l'on croit souvent, avec raison, devoir y re-
médier en donnant par exemple aux jeunes princes des
compagnons d'études. Au contraire, parmi les avantages de
l'éducation en commun, et principalement des écoles pu-
bliques, on compte à bon droit celui de placer l'enfant dans
les conditions mêmes de la vie sociale et de le préparer à
ses luttes.
Il y a pourtant une mesure à garder. V éducation (V. ce
mot) ne doit pas seulement former l'individu pour la vie
telle qu'elle est, mais préparer autant que possible une vie
meilleure. Il est très vrai que l'esprit de lutte et de riva-
lité joue un rôle immense dans nos sociétés, et ce serait
déjà un progrès que d'y faire prédominer l'émulation de
bon aloi sur les rivalités mauvaises. Mais on n'en est pas
toujours maître ; et si l'on développe chez les enfants l'ha-
bitude de se comparer sans cesse, la rage de l'emporter les
uns sur les autres, personne ne peut dire à coup sûr quel
tour prendra ni où s'arrêtera ce sentiment. Il n'est pas
nécessairement bon par lui-même ; il varie en qualité selon
les caractères : généreux et fécond chez les natures mora-
lement élevées, amer et stérile chez les natures basses et
disposées à l'envie. Tels émules de collège continuent toute
leur vie à rivaliser d'ardeur dans la poursuite des honneurs
et des fonctions ; bien qu'un peu puéril, cela n'a pas d'in-
convénients sociaux quand la lutte, ouverte et loyale,
pousse chacun uniquement à se surpasser lui-même, au
grand profit de la chose publique. Mais quelques-uns cher-
chent moins à s'élever qu'à rabaisser leur émule, moins à
faire mieux que lui qu'à déprécier tout ce qu'il fait : c'est
pitié alors de voir un ancien « fort en thème » parler avec
amertume, à quarante ans, du renversement des rangs que
les affaires ou la politique ont produit entre lui et un cama-
rade autrefois dédaigné, comme si la vie était tenue de
respecter à jamais les places du collège et ne mettait pas en
jeu d'autres facteurs que les quahtés écolières. Cette ému-
lation morose, si c'en est encore, 6u ce triste effet de
l'émulation, n'est évidemment un bien ni pour l'individu
ainsi aigri, ni pour la société, que ces rivalités troublent
et affaibhssent.
Il faut donc tout faire pour modérer, tout en l'utilisant,
durant l'enfance et la jeunesse , pour maintenir pur et
généreux un sentiment dont la perversion a ces dangers.
Le moyen? Guizot l'indique {Conseils d'un père sur
V éducation^ III) : c'est d'inspirer en général aux enfants,
le désir d'être estimés, considérés, loués, mais en évitant
de mettre aux prises leurs amours-propres. Vémidation
d'un à plusieurs, dit-il, est à ce point de vue relati-
vement saine; l'émulation d\m a un est toujours dange-
reuse. « Lorsqu'une rivalité s'établit entre deux enfants,
on a à traiter avec deux amours-propres, un amour-
propre mécontent et un amour-propre satisfait : de l'amour-
propre satisfait peuvent naître l'orgueil, l'arrogance, la
dureté , toutes les passions hautaines ; l'amour- propre
mécontent peut conduire au découragement, à l'indifférence,
à la jalousie, à l'aigreur, aux passions basses et faibles. »
En un mot, il faut éviter et d'humilier et d'enorgueillir.
Si le but est de fortifier les enfants pour les luttes de la
vie, le meilleur moyen n'est pas de les y jeter prématu-
rément; et c'est une lourde faute de prendre l'excitation
pour la force, de substituer une ardeur factice qui fait
dépenser à un moment toute l'énergie qu'on a, à la chaleur
qui seule féconde, c.-à-d. à l'amour désintéressé de l'étude.
Ce qui importe, c'est de faire bien, c'est de faire mieux
aujourd'hui qu'hier ; ce n'est pas de faire moins mal qu'un
autre. Sans doute en cherchant à surpasser les autres on
arrive à se surpasser soi-même : mais ce n'est pas du tout
la même chose, ni pour la quaUté du travail, ni surtout
pour le pli qu'en prend le caractère, de chercher à faire
bien absolument et toujours de son mieux, advienne que
pourra, ou de mettre toute son ambition à l'emporter sur un
ÉMULATION ~ ÉNACITES
99Ô -
mal. Car, même honnête et scrupuleuse, cette ambition
toute relative n'est jamais la plus fière, et elle se satisfait
souvent à trop bon marché. H. Marion.
ÉMULSEUR (Techn.) (V. Photographie).
ÉMULSINE (Chim.). L'émulsion ou synaptase est un
principe azoté qui appartient à la classe des ferments so-
lubles et qui est caractérisée par la propriété de dédoubler,
au contact de l'eau, l'amygdaline en essence d'amandes
amères, acide cyanhydrique et glucose ; elle existe dans
les amandes douces et dans les amandes amères en compa-
gnie de la caséine végétale, composé albuminoïde également,
mais sans action sur l'amygdaline. L'émulsine a été dis-
tinguée de la caséine en 4838 par Robiquet qui lui donna
le nom de synaptase (auvaTuxw, je réunis) ; c'est Liebig
qui a proposé le nom à'émulsine pour rappeler qu'elle se
rencontre dans les amandes douces. Pour la préparer, on
fait avec ces dernières un tourteau qu'on délaye dans deux
_„ précipite l'èmuisme par ^
besoin par de l'eau, et on précipite une seconde fois par
l'alcool (Robiquet). L'émulsine est une poudre blanche, très
soluble dans l'eau, insoluble dans l'alcool et dans l'éther.
Sa solution aqueuse, qui se coagule vers 60% précipite par
le tanin, mais non par les acides; elle se putréfie facilement
à l'air en donnant plusieurs produits, notamment de l'acide
acétique; sa propriété caractéristique, c'est de dédoubler
l'amygdaline en présence de l'eau, propriété qu'elle perd
lorsqu'elle a été coagulée par les acides; elle dédouble
également la salicine en glucose et saligénine ou alcool-
phénol p-oxybenzylique, propriété qui appartient égale-
ment à la ptyaline de la salive (Piria). Ed. Bourgoin.
BiBL. : Bull. An. der Ch. und Phann., t. LXIX, 145. —
RiCHARDSON et Thomson, id., t. XXIX, 180. — Robiquet,
Joiirn. pharm., t. XXIV, 326. — Ortloff, Archives de
pharm.. t. XLVIII, 16.
ÉMULSION. 1. Chimie (V. Photographie).
IL Pharmacie. — On donne en pharmacie le nom
à'ëmulsion à des liquides d'apparence laiteuse tenant en
suspension des matières huileuses, résineuses ou gommo-
résineuses. Le mot vient de emulsum, emulgere, traire,
tirer du lait ; le lait n'est d'ailleurs autre chose qu'une
émulsion de matières grasses finement divisées au sein d'un
liquide albumineux et sucré. On divise les émulsions en
naturelles et artificielles. Les premières se préparent à
l'aide des semences émulsives : amandes, pistaches, noix,
noisettes, chènevis, etc. ; les secondes se préparent dans
les officines avec des mucilages, du jaune d'œuf ou du
blanc d'œuf, du lait, des solutés de saponine, etc. La
division de l'huile est due dans les amandes à la pré-
sence des matières albuminoïdes, notamment à l'émulsine
et à la caséine végétale. Citons, comme exemple, la prépa-
ration de l'émulsion simple.
Emulsion simple ou lait d'amandes
Amandes douces mondées. ... 50 gr.
Sucre blanc SO —
Eau ordinaire filtrée 4000 —
On pile les amandes mondées de leurs pellicules dans
un mortier de marbre avec une partie du sucre et un peu
d'eau, de manière à les réduire en une pâte fine, qu'on
délaye peu à peu avec le reste de l'eau ; on passe à travers
une étamine. On prépare de la même manière les émul-
sions de chènevis, semences fraîches, pistaches, pignons
doux, noisettes, concombres, etc.
Les émulsions artificielles se préparent avec un muci-
lage de gomme arabique ou de gomme adragante, avec un
blanc d'œuf ou un jaune d'œuf; on peut même opérer
avec le lait d'amande, ou même le lait, qui renferment
plus de matières albuminoïdes qu'il n'est nécessaire pour
émulsionner les substances grasses qu'ils contiennent natu-
rellement. Toutes ces préparations doivent être faites à froid
et au moment du besoin. Au bout d'un certain temps, elles
perdent leur homogénéité et l'huile monte peu à peu à la
surface. Leur stabilité dépend de causes variées qui sont :
la tension superficielle des liquides, la densité, la viscosité,
la propriété de mousser comme le savon. L'émulsion est
d'autant plus stable que les tensions superficielles des
liquides hétérogènes sont plus voisines, que leur visco-
sité est plus considérable et que l'un d'eux, ou les deux
à la fois donnent plus facilement une mousse persistante.
C'est à cette dernière propriété que le savon et la tein-
ture de bois de Panama, ainsi que toutes les solutions
alcooliques qui renferment de la saponine, doivent leur
efficacité bien connue pour former des émulsions d'une
grande stabilité. Ed. Bourgoin.
EMUND l'Ancien ou le Mauvais, roi de Suède, mort
vers 4060. Fils du roi Olof Skœtkonung et d'une prin-
cesse captive, il se vit primé par son frère cadet Anund
Jacob et ne régna qu'après ce dernier (4030). Ses surnoms
lui viennent sans doute, l'un de ce qu'il fut le dernier
agnat de l'ancienne branche upsalienne des Lodbrokides,
l'autre soit de ce qu'il fut en lutte avec l'archevêque
de Hambourg, alors primat du Nord, soit de ce qu'au
congrès de Danaholm il aurait cédé au Danemark le Ble-
king. Par suite du prédécès de son fils, qui périt avec
toute son armée dans une expédition contre les Qvsenes
(Finnois de la Bothnie), il eut pour successeur son gendre
Stenkil, tige d'une nouvelle dynastie. B-s.
ÉMYDlbÉS (V. Emys).
ÉMYDINE (Chim.). Nom donné par Fremy et Valen-
ciennes à une substance particulière qui existe dans le
jaune d'œuf des tortues. En recevant ce dernier dans une
grande quantité d'eau, il se fait un dépôt qu'on lave par
décantation, avant de l'épuiser par l'alcool et par l'éther.
L'émydine reste sous forme de petits grains blancs, durs,
transparents, très solubles dans la potasse diluée ; l'acide
acétique la gonfle sans la dissoudre, tandis que l'acide
chlorhydrique la dissout avec une coloration violette,
comme les matières albuminoïdes. Ed. B.
EM YS.I. Erpétologie. — Genre de Tortues Pleurodères^
dont les caractères se rapprochent des Cistudes (V. ce mot),
mais s'en séparant par la complète immobilité de la partie
inférieure du plastron ne pouvant clore la dossière en tout
ou en partie. Les Emides ont en outre cinq ongles aux
pattes de devant et quatre à ceux de derrière ; elles ont deux
écailles axillaires et deux inguinales ; enfin la queue est
longue. Les formes de ce genre sont assez nombreuses, et
propres à l'Amérique du Nord et aux parties chaudes de
l'Asie. La plus connue est FEmide Sigris (Emys leprosa),
propre à l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, où elle vit dans
les endroits marécageux ; elle se nourrit de Poissons. Le
dessus du corps, est ohvàtre, orné de taches orangées, cerclées
de noir ; la tête est d'un vert ohve uniforme ; le cou porte
des Hgnes d'un beau jaune orangé ; le sternum est noir ou
brun, bordé d'une ligne ondulée d'un jaune vert. Les mem-
bres et la queue sont d'un orangé vif. Elle peut atteindre
20 à 25 centim. Rocher.
IL Paléontologie. — Les Emydidœ ne sont pas con-
nues avec certitude avant l'époque tertiaire. Les genres
Ptychogaster (Pomel) et Dithyrosternon (Pictet et Humb.)
sont du miocène d'eau douce du S. de la France et de la
Suisse. Le genre Emys a de nombreux représentants à la
même époque (E. parisiensis Cuv. du gypse de Mont-
martre). Palœochelys (von Meyer) est du miocène d'Alle-
magne. Le miocène des monts Siwaliks est aussi très riche
en types de cette famille. Le genre Cistudo remonte à
l'époque oligocène (C. anhaltina Giebel), et la Cist, lu-
taria^ encore vivante dans le S. de l'Europe, se trouve
dans les dépôts quaternaires du N. du continent et jusqu'en
Angleterre. E. Trt.
BiBL. : Erpétologie. — Sauvage, dans Brehm, éd.
française. Reptiles. — Duméril et Bibron, Erpét. génér.
ÉNACITES ou ANAQITES. Nom d'une population pré-
tendue de géants, qui aurait précédé les plus anciennes
races connues du pays de Chanaan.
BiBL. : Vernes, les Populations primitives de la Pales-
tine, dans Essais bibliques ; Paris, 1891, pp. 263 et suiv.
991 —
ENADELPHIE - ENBOM
ÉNADELPHIE (Téràtol.). Monstruosité caractérisée par
rinclusion d'un fœtus arrêté dans son développement, dans
le corps d'un autre individu (V. Inclusion fœtale et
Monstre double),
ÉNALIOSAURIENS (Paléont.). La plupart des paléon-
tologistes réunissent dans cette sous-classe les reptiles des
temps secondaires généralement gigantesques, qui ont des
dents nombreuses, préhensiles, des membres transformés
en nageoires. Les caractères anatomiques de ces animaux
seront donnés lorsque l'on fera connaître les trois groupes
admis chez lesEnaliosauriens, savoir : les Ichthyosauriens,
les Nothosauriens, les Sauroptérygiens.
ÉNAMBUC (Pierre Belain d') ou sieur de Nambuc, navi-
gateur français, né à Allonville (Seine-Inférieure) en 4585,
mort à Saint-Christophe (Antilles) en 1636. Il gouverna
pour le compte du roi les colonies de la Dominique, de
la Martinique et de Saint-Christophe. Il fut, dit-on, le
premier gouverneur des Antilles. On lui donna pendant
longtemps le nom de Diel, qui appartenait à son neveu,
Jacques Diel du Parquet, qui fut après lui gouverneur des
Antilles et mourut à Saint-Pierre (Martinique) en 1658.
ENANTIA (ZooL). Genre de Turbellariés de l'ordre des
Dendrocdes, tribu des PoUijclades, créé en 1889 par
Ludwig von Graff pour une planaire fort curieuse , trouvée
à Trieste sous les pierres. Le genre ne comprend jusqu'à
présent qu'une seule espèce, E, spinifera,Qt est lui-même
le seul représentant de la famille des Enantiadées. La
marge du corps est pourvu de fortes épines chitineuses,
pointues, à large base appliquée sur le tégument. Les ca-
ractères donnés par von Graff sont les suivants : corps
ovale, lisse, dépourvu de ventouses et de tentacules ;
bouche vers l'extrémité antérieure, immédiatement en
arrière du cerveau ; pharynx en forme de cloche dirigé en
avant. Pas d'intestin antérieur médian, les ramifications
intestinales anastomosées. Appareil copulateur mâle simple
avec vésicules séminales musculaires dirigées en avant,
situées immédiatement en arrière de la vésicule pharyn-
gienne et là ouverte au dehors. Appareil copulateur femelle
s'ouvrant en arrière des organes mâles, avec une puis-
sante bourse séminale incîibatrice (vésicule accessoire).
Quatre amas ocuUformes sur la région cérébrale, mais pas
d'yeux sur la marge du corps. L. Joubin.
ENARE ou INARE. Lac de Finlande, dans le gouverne-
ment d'Uleaborg; sa superficie est d'environ 2,500 kil. q.
ENAREA. Royaume du S. de l'Abyssinie proprement
dite, par 8° de lat. N. Sa capitale Saka est située par
8<> 12' 30'' de lat. N. et W 18' 36 de long. E. L'Enarea
est compris entre le Choa au N., le pays des Gallas à l'E.,
et le Kaffa au S. L'Enarea passe pour être riche en or ;
l'Abyssinie en tire en grandes quantités des esclaves et de
l'ivoire.
ÉNARME (Archéol.). Courroie fixée à l'intérieur du
bouclier et qui sert à passer le bras ou à être empoignée
(V. Bouclier). Les énarmes n'existent que dans les grands
boucliers tels que ceux des Romains ou dans les écus ;
dans les rondaches et les petits broquels ou rondelles à
poing, il n'existait qu'une poignée située au centre de
l'arme. Les énarmes étaient ordinairement bouclées à des
anneaux rivés à l'intérieur du disque ; elles se passaient
au bras gauche et permettaient de porter le bouclier, de
s'en couvrir, en gardant, même au besoin, l'usage des
deux mains. Mais, dans le cas le plus ordinaire, les énarmes
occupent, l'une, le centre du disque, et l'on y passe
l'avant-bras, l'autre, la région rapprochée du bord, et on
l'empoigne avec la main gauche. Le bouclier grec portait
parfois en son milieu une grande énarme attachée à ses
deux bords extérieurs et traversant un quadrilatère irré-
guher formé par un lien fixé en quatre points sur la con-
cavité du champ, la grande énarme du centre pouvant
même manquer. Dans les écus, les énarmes étaient souvent
disposées en croix. Maurice Maindron.
ÉNARMURE (V. Enarme).
ÉNAULT (Etienne), littérateur français, né en 1807,
mort à Paris le 21 août 1883. Il a écrit un très grand
nombre de romans-feuilletons, soit seul, soit avec la colla-
boration de M. L. Judicis : la Vallée des pervenches
(1847, 2 vol. in-8), recueil de nouvelles; l'Homme de
minuit (1857, 4 vol. in-8); le Vagabond (iS^9, 2 vol.
in-8); Comment on aime (1859, 3 vol. in-8); le Porte-
feuille du diable (1860, 3 vol. in-8); le Dernier Amour
(1863, in -12); le Lac des cygnes (1864, in-12);
Scènes dramatiques du mariage (1865, in-12); le Ro-
man d'une abbesse (1866, in-18); VEnfant trouvé
(1867, 2 vol. in-12); V Amour à vingt aîis (1868,
in-18); Mademoiselle de Champrosay (1869, in-18);
Gabrielle de Célestange (1873, in-18) ; Diane deKerdo-
fa^l 880, in-12), etc. Plusieurs de ces romans furent
l'objet de réimpressions populaires avec illustrations. On
a parfois confondu Etienne Enault avec son cousin M. Louis
Enault (V. l'art, suivant). M. Tx.
ÉNAULT (Louis), littérateur français, cousin du précé-
dent, né à Isigny (Calvados) en 1824. Reçu avocat et inscrit
au barreau de Paris, il fut un instant inquiété après les
journées de juin 1848 à raison de ses liaisons avec le parti
légitimiste et quitta la France à l'issue d'une courte déten-
tion. Il visita d'abord l'Angleterre, l'Ecosse, l'Irlande et
l'Allemagne, parcourut, en 1852, la Judée et la Turquie,
puis, l'année suivante, le Danemark, la Suède et la Nor-
vège. Ces longues pérégrinations lui ont fourni les éléments
de toute une série de récits de voyages et le sujet d'un
grand nombre de romans et de nouvelles. Parmi les pre-
miers nous rappellerons : Promenade en Belgique et sur
les bords du Rhin (1852, in-8); la Terre Sainte^ his-
toire de quarante pèlerins (1854, in-18); Constanti-
nople et la Turquie (1855, in-18); la Norvège (1857,
in-18); la Méditerranée^ ses îles et ses bords (1862,
gr. in-8 , ill.) , ainsi que le texte d'une publication de
Gustave Doré : Londres (1876, gr. in-4). Les principaux
romans de M. Louis Enault sont les suivants : Christine
(1857, in-18); Nadèje (1859, in-18), fiction à laquelle
le siège de Sébastopol sert de cadre; Alba (1859, in-18) ;
épisode de la domination autrichienne en Italie ; l'Amour
en voyage (1860, in-8), recueil de trois nouvelles; Her-
mine (1860, in-18); l'Amour enLaponie (1861, in-8);
Pêle-Méle, nouvelles (1862, in-18); 5^^//a (1863, in-18);
En province (iSQ^!, in-18); 0/^^^(1864, in-18); Irène
(1865, in-18); Un Drame intime (1866, in-18); le
Roman d'u7ie veuve (i^l , in-18); le Baptême du sang
(1873, in-18); la Veuve (1877, in-18); l'Amour et la
Guerre (1882, 2 vol. in-18); Cordoval (1882, in-18);
Histoire d'amour (1884, in-18) ; Valneige (1887, in-18);
leChâtiment(iSSl,m'iS);leSacrifice{iS90,m-iS),etc.
On cite encore de M. Louis Enault un compte rendu du
Salon de 1852 (1853, in-18) ; des traductions de l'Oncle
Tom (1853, in-18) et de Werther (1855, in-18); une
édition tronquée des Mémoires de M"'*' d'Epinay (1854,
in-18); un volume de circonstance: Paris brûlé (1871,
in-18) et toute une série de comptes rendus des Salons
annuels avec gravures en phototypie : Paris-Salon (1880-
1890, 11 vol. in-8). M. Tx.
EN B ERG (Lars-Magnus), écrivain suédois, né le 3 nov.
1787 à Millesvik (Vaermland) , mort à Stockholm le
20 nov. 1 865. Lecteur en philosophie et recteur du gym-
nase de Stockholm (1821-1843), il fut l'un des membres
actifs du comité scolaire et publia des manuels peu origi-
naux, mais fort répandus, de Psychologie (1824; 4^ éd.,
1860) ; de Philosophie morale (1830, 2^ éd. 1831) ; de
Philosophie théorique (1848); de Logique (1862). Ses
éloges de/. Banér (1814) et de Magnus Stenhock (1817),
et un Essai sur le goût (1815), lui valurent trois fois le
grand prix de l'Académie suédoise et, plus tard (1824), un
des dix-huit fauteuils de cette compagnie, qui le chargea
de rédiger sa Grammaire (1836). Il prit part aux travaux
du Dictionnaire et traduisit en vers les Méditations
nocturnes de Young (1850). B-s.
ENBOM (Peter-Ulrik), littérateur suédois, né à Stock-
ENBOM - ENCARTACIONES
— 992 -
holm le 14 août 1739, mort vers i8d0. Simple maître
d'école, admirateur de la Révolution française, servile imi-
tateur de Thorild, il osa s'attaquer aux écrivains en renom
et à l'Académie suédoise qui avait dédaigné son poème en
prose sur V Immortalité (iWd), Leopold le ridiculisa dans
une chanson qui devint populaire (4795), mais plus tard,
lorsque le trop réel sans-culottes fut tombé dans la
misère, il lui tendit généreusement la main, lui chercha un
éditeur et le secourut avec délicatesse. Outre de nombreux
articles de critique, écrits d'un style clair, coulant et coupé
à la française, Enbom publia : Chansons amoureuses et
religieuses (1794), où la mesure et la rime sont rem-
placées par le phébus; l'Ouvrière, drame philanthropique
(1796); Pièces de vers (1796, 1799, 1806, 3 fasc.) ;
Eloge du paysan (1809). Il traduisit les Idylles de Gessner
(1794) et édita (1794) les Nouvelles Œuvres de Lidner,
où il inséra deux pièces de sa composition, qui furent
louées comme les meilleures du recueil. Beàuvois.
ENCABLURE (Mar.) Ancienne mesure de longueur qui
tombe en désuétude et mesurait exactement 120 brasses ou
193 m. Les hausses des canons étaient autrefois graduées
en encablures. Avec la précision de tir des pièces modernes ,
cette mesure a disparu. On y a substitué la graduation en
centaines de mètres, avec ses sous-muhiples. Ce mot enca-
blure venait de la longueur qu'avaient autrefois les anciens
câbles. Encore aujourd'hui les grosses cordes employées en
marine, pour remorques, amarrages à terre, mouillage des
petites ancres, etc., sont confectionnées par bouts d'une
longueur de 200 m.
ENCADREMENT. I. Beaux-Arts. — Art d'encadrer un
tableau, un dessin, une glace, et aussi bordure servant
d'entourage à ces objets. Les premiers cadres (V. ce mot)
furent de bois sculpté et relevaient plutôt des sculpteurs
que des encadreurs tels que nous les connaissons aujour-
d'hui ; à notre époque, la généraUsation du goût des œuvres
d'art a fait adopter pour l'encadrement des tableaux un
procédé plus rapide et moins coûteux. C'est une bordure
composée généralement de moulures dorées faites à
l'avance, de profils et de modèles très variés, qu'on se
borne à couper et assembler dans les dimensions voulues ;
les ornements en pâte qui décorent ces moulures sont
ensuite raccordés aux angles. Si l'encadrement des tableaux
est passé des mains de l'artiste dans celles de l'ouvrier, on
ne peut pas en dire autant de celui des gravures et dessins.
Quoique la bordure extérieure s'achète en fabrique ainsi
que celle des tableaux, les dimensions plus restreintes des
œuvres permettent l'adjonction de nombreux enjolivements
où peut se manifester le goût et l'habileté de l'encadreur.
La forme et la dimension des marges, les métaux, les riches
étoffes, les émaux, les imitations de pierreries même, con-
courent à faire de ces petits encadrements de véritables
écrins et en font, à notre époque, un élément de décora-
tion bien plus important que les cadres relativement simples
et sévères des siècles passés. Ad. T.
IL Art militaire (V. Cadre).
ENCADREUR. Ouvrier dont la profession est d'enca-
drer les peintures à l'huile, dessins, estampes, aqua-
relles, etc. (V. Cadre et Encadrement). A Paris, le métier
d'encadreur est confondu avec celui de doreur sur bois.
Presque tous les doreurs font de l'encadrement, et il n'y a
qu'un nombre très restreint d'encadreurs proprement dits.
On peut comprendre dans les travaux à exécuter par l'en-
cadreur le rentoilage des tableaux (V. ce mot). — Les
ateliers d'encadrement sont composés des mouleurs, qui
préparent la pâte et l'appliquent sur le cadre ; des repas-
seurs, qui retouchent le moulage et lui donnent le fini, la
régularité et le poli voulus ; des doreurs, qui commencent
par appliquer un vernis gras au jaune de chrome, puis y
étendent des feuilles d'or battu au moyen d'un large pin-
ceau ; des brunisseurs, qui rendent certaines parties bril-
lantes, tandis que les autres restent mates ; enfin des enca-
dreurs. Le personnel de ces ateliers est en général peu
nombreux, à l'exception pourtant des maisons qui joignent
à l'encadrement la dorure de meubles, d'appartements, de
salles de café, etc. — Les ouvriers sont payés à l'heure
(50 à 90 cent.). Dans beaucoup d'ateliers, les doreurs re-
çoivent 7 fr. 50 par jour : les repasseurs 7 fr. et les bru-
nisseurs 5 fr. Dans le bâtiment, le prix de la journée est
delOfr. On compte à Paris de 3,000 à 4,000 ouvriers
encadreurs.
ENCAISSE. I. Commerce. — C'est le montant qui, à un
moment donné, se trouve dans les caisses d'un négociant,
d'une maison de banque, etc.; on y ajoute le plus souvent
les sommes à disposition dans les grandes banques d'émis-
sion (Banque de France, Banque d'Angleterre, etc.) ou
dans les banques de dépôts, sommes qui sont en fait aussi
disponibles que si elles se trouvaient réellement en caisse.
L'encaisse doit être suifisante pour faire face à toutes les
demandes, mais en ne laissant qu'une marge aussi réduite
que possible, puisque les capitaux sous cette forme sont
naturellement improductifs. C'est en Angleterre, et grâce
à l'utilisation rationnelle des banques, que l'encaisse se
trouve réduite au plus strict minimum. Pour les banques
d'émission, l'encaisse a une importance bien plus grande.
Pour certaines d'entre elles, l'encaisse détermine le mon-
tant des billets qu'il est possible d'émettre ; en outre, cette
encaisse doit quelquefois être composée d'or et d'argent
dans une proportion déterminée (V. Emission). Précisément
à cause de ces diverses circonstances, l'état de l'encaisse
des grandes banques permet de prévoir les variations du
taux de V escompte (V. ce mot) et fait comprendre l'intérêt
qui s'attache à la publication des bilans hebdomadaires.
II. Finances (V. Banque).
ENCAISSEMENT. A proprement parler, l'encaissement
est l'action de mettre en caisse le montant d'une traite,
d'une quittance, etc., qu'on vient de recevoir ; mais, en
matière de banque et de finance, le mot a une signification
moins étroite et devient presque synonyme du mot recou-
vrement. C'est en ce sens qu'on dit qu'un changeur se
charge de l'encaissement des coupons, qu'un banquier se
charge de l'encaissement des effets de commerce, alors
que l'un et l'autre sont quelquefois obligés de les faire
présenter au payement par un intermédiaire. Lorsque les
valeurs remises ainsi ne sont pas encaissées, celui qui en
fournit le montant au préalable a un droit de répétition ;
s'il s'agit d'effets de commerce remis en compte courant, la
clause sauf encaissement est toujours au moins sous-
entendue, sauf convention expresse, de sorte que le mon-
tant d'un effet non payé doit être porté en compte courant
au débit de celui qui l'a remis, et venir en due compensa-
tion sur les sommes dont il pourrait être créditeur ; cette
compensation est admise même en matière de faillite. Pour
éviter toute contestation à cet égard, les banquiers ont
l'habitude de stipuler sur les imprimés qui servent à éta-
blir les bordereaux tout ce qui a trait à la clause de sauf
encaissement et à ses conséquences. G. F.
ENCAN (Vente à l') (V. Vente).
ENCANTADA (Ciudad). La cité enchantée que l'on cher-
chait au S. de la République Argentine et qu'on rechercha
jusqu'à la fin du xviii® siècle.
ENCARAMADA. Localité du Venezuela, sur la rive
droite de l'Orénoque, à 15 kil. en amont du confluent de
l'Apure et à 318 m. d'alt. Là se trouvent des rochers
couverts de gravures et de figures hiéroglyphiques dont on
ignore la provenance.
ENCART (Typogr. et reliure). Carton simple ou double
qui, dans les feuilles de certains formats divisibles par
cahiers, se détache à la pliure pour être intercalé dans la
partie principale d'un cahier.
ENCARTACIONES. Territoire d'Espagne, dans la partie
0. de la province de Biscaye ; 40 kil. de longueur sur 20
environ de largeur. Il est couvert de hautes montagnes
boisées et parsemé de ravins où coulent d'innombrables
rivières; le pays, très pittoresque, produit des fruits et
du bois, a des mines de fer dont les plus connues sont
celles de Somorrostro, et des eaux minérales, notam-
ment celles de Carranza. Les habitants, très laborieux,
s'adonnent à Tagriculture, au travail des mines, à la navi-
gation, et beaucoup vont chercher fortune dans l'Amérique
espagnole pour revenir ensuite au pays natal. Le territoire
de Encartaciones comprend les dix vallées ou communes
de : Très concejos de Somorrostro, Cuatro concejos de So-
morrostro, Carranza, Gordejuelas, Trucios, Arcentales,
Giiénes, Zalla, Galdàmes, Sopuerta. E. Cât.
ENCARTEUSE (Techn.) (V. Epingle).
ENCASTAGE. Mise en cazettes des pièces céramiques
au moment de leur mise au four (V. Cuisson et Cazette).
EN CASTE LU RE (Art vétér.). Affection des pieds du
cheval qui consiste dans un rétrécissement plus ou moins
accusé des talons et des quartiers, affection qui trouve sa
cause dans la conformation même du pied du cheval, com-
posé de trois parties distinctes, la paroi, le fourchette et
la sole. La corne qui constitue le sabot est susceptible de
rétractilité, et cette force de rétractilité est telle que rien
ne peut en arrêter les effets quand l'ongle est privé des
parties qu'il Fenferme, tel le sabot qu'on remplit de plâtre
et qu'on consolide au moyen d 'étais en fer placés dans son
intérieur. La force de rétractilité est si considérable qu'elle
courbe les étais et que le sabot se rétrécit malgré l'obstacle
mis à son rétrécissement. Maintenant, qu'une cause quel-
conque agisse sur la paroi : travail excessif sur un terrain
brûlant, structure défectueuse de la corne, fourchette trop
faible, mauvaise ferrure fatiguant le pied et y entretenant une
chaleur anormale, le pied peut se rétrécir, ses talons s'éle-
ver, et l'encastelure se produire. On a accusé la ferrure à
chaud de provoquer l'encastelure ; la mauvaise ferrure sans
doute, mais la ferrure à chaud rationnellement appliquée ne
cause pas plus, moins probablement, d'accidents de pied que
la ferrure à froid, qui a été depuis de longues années à peu
près partout délaissée. Diminution de la dimension normale
du pied, forme ovalaire du sabot, rétrécissement brusque
de l'ongle depuis le centre des quartiers jusqu'à l'extrémité
des talons, hauteur exagérée de la paroi, en arrière sur-
tout, dureté et sécheresse de l'ongle, atrophie de la four-
chette, difficulté de la locomotion : tels sont les signes de
l'encastelure. Comme moyens de traitement, on a employé
tour à tour le fer à lunettes, le fer en demi-lune, le fer
à étampures unilatérales de JamesTurner, le fera planche,
le fer du professeur Coleman, fer ayant pour but, en com-
primant la fourchette, de maintenir l'écartement des talons,
le fer de de La Broue, de Ruini, de Belleville, le désencaste-
leur de Defays, de Jarrier. Tous ces procédés divers, qui
tendent tous au même but: opérer l'écartement des talons,
ont produit, dans quelques circonstances, des résultats
favorables ; mais, dans d'autres, tous ont également échoué.
Tenir les pieds frais et gras, entretenir la nourriture du
sabot au moyen d'applications irritantes à la couronne;
pratiquer sur les quartiers, en dedans comme en dehors,
des rainures longitudinales pour permettre la dilatation
de la muraille, tels sont les meilleurs moyens, joints à
une bonne ferrure, de prévenir l'encastelure dans les
sabots prédisposés, et d'en arrêter les ravages dans ceux
qui en sont atteints. L. Garnier.
ENCASTREMENT (Constr.). Enfoncement d'une pièce
de construction dans une autre sans qu'il y ait possibilité
de jeu (V. Embrèvement) : une poutre de plancher est
dite encastrée dans un mur quand une de ses extrémités,
engagée dans ce mur, y est entourée de maçonnerie de
tous côtés. Les conditions d'encastrement des poutres dans
les murs mitoyens ont donné heu, depuis plusieurs siècles,
à une législation spéciale : ainsi l'art. 90 de la Coutume
de Paris (édition de 4510) permettait de placer des poutres
dans la moitié seulement de l'épaisseur du mur mitoyen,
tandis que l'art. 657 du C. civ. permet de placer ces pou-
tres dans toute l'épaisseur dudit mur, à deux pouces
(0^^^054) près, mais sans préjudice du droit qu'a le voisin
de faire réduire à l'ébauchoir les poutres jusqu'à la moitié
du mur, dans le cas où il voudrait lui-même asseoir des
poutres dans le même lieu ou y adosser une cheminée. Il
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
993 — ENCARTACIONES — ENCAUSTIQUE
est bien entendu que cette faculté de placer des poutres
dans toute l'épaisseur du mur mitoyen à 0"^054 près, ne
peut s'appliquer qu'aux poutres en bois qu'il est possible
au voisin de faire réduire à l'ébauchoir, et que les poutres
en fer, dont l'usage était presque inconnu lors de la ré-
daction du code civil, ne doivent pas être encastrées au delà
de la moitié de l'épaisseur du mur mitoyen, vu l'impossi-
bilité de les réduire à l'ébauchoir. On ne peut encastrer,
dans un mur mitoyen, les solives en bois d'un plancher,
solives dont le nombre produirait trop de vides quand le
bois viendrait à se détériorer; en revanche, on peut y
encastrer des solives en fer, vu leur plus grand écartement
et leur incorruptibilité. Enfin, il est interdit de faire dans
les murs mitoyens des tranchées verticales pour y encastrer
des pièces de bois posées dans le sens de leur hauteur ;
mais on peut y faire de semblables tranchées pour y liai-
sonner les murs aboutissants. Charles Lucas.
BiBL. : Socicté centrale des Architectes, Manuel des
lois du bâtiment; Paris, 1879, t. I, in-8, fig.
ENCAUSSE. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr.
de Saint-Gaudens, cant. d'Aspet, sur le ruisseau du Job, à
362 m. d'alt. ; 540 hab. Ce village s'appelait autrefois Codz
ou Cotz, dont on a fait Encausse, en y joignant la parti-
cule honorifique E7i. Les seigneurs de Codz eurent de longs
démêlés avec les templiers, puis les hospitaliers de Mont-
saunés pour la possession de Soueich ; les deux partis fini-
rent par se partager la seigneurie de ce dernier village.
Les eaux minérales, connues dès l'antiquité (on a trouve à
Encausse nombre de débris romains), ont été très fréquentées
à la Renaissance; il en est parlé dans les œuvres de Du
Bartas et dans le voyage de Chapelle et Bachaumont. Dès
1619, on publiait un traité technique sur leur efficacité.—
Ruines du château de Notre-Dame sur la colline du Plech;
grotte d'Argut. A. Molinier.
Eaux minérales. — Ces eaux, hypothermales (23^ à
290c.), sulfatées calciques moyennes (2,1p. 1,000), azo-
tées et carboniques moyennes, se prennent en boisson et en
bains; elles jouissent de propriétés diurétiques, laxalives
et diaphorétiques, excitent l'appétit, favorisent la nutrition,
rendent de grands services dans la gravelle hépatique et
rénale, dans les affections utérines avec état subinflam-
matoire, dans l'hystérie et l'hypocondrie, enfin dans les
manifestations consécutives aux fièvres intermittentes.
ENCAUSSE. Com. du dép. du Gers, arr. de Lombez,
cant. de Cologne; 618 hab.
ENCAUSTIQUE. L Technologie. -- Préparation à base
de cire, destinée à enduire les parquets, carreaux, meubles
ou tout autre objet qu'on veut cirer. L'encaustique a le
grand avantage sur la cire de s'étendre facilement en une
couche mince et uniforme. Nous donnons ci-après les
principales recettes et formules employées dans l'industrie
pour préparer les encaustiques :
Encaustique à l'essence. Faire fondre dans une bas-
sine de cuivre 500 gr. de cire jaune que l'on porte ensuite
presque à l'ébullition ; on retire du feu et l'on ajoute peu
à peu en remuant sans cesse 1 kilogr. d'essence de téré-
benthine préalablement tiédie. Pour avoir un encaustique
rouge, il suffit de faire infuser la veille 30 gr. d'orcanète
dans^ le kilogr. d'essence à employer, et de filtrer avant
de s'en servir. Cette préparation s'applique facilement à
l'aide d'un tampon de laine, et est susceptible, après frot-
tement, d'acquérir un beau brillant, mais a l'inconvénient de
sentir fortement l'essence.
Encaustique à la potasse. Mettre dans une bassine
de cuivre 500 gr. de cire jaune en morceaux, 1 kilogr.
d'eau et 60 gr. de carbonate de potasse ; on fait ensuite
bouillir en remuant sans cesse jusqu'à ce que la masse soit
bien homogène et ne contienne plus de grumeaux ; on re-
tire du feu en continuant de remuer jusqu'à entier refroi-
dissement.
Encaustique liquide. On fait dissoudre 125 gr. de
savon dans 5 litres d'eau, on y ajoute 500 gr. de cire jaune
coupée en petits morceaux, et l'on fait fondre à chaud. On
63
ENCAUSTIQUE - ENCEINTE
— 994 —
met alors dans le mélange 60 gr. de carbonate de potasse;
on agite avec une spatule, et on laisse refroidir en remuant
de temps à autre, afin que les parties de densité différentes
soient mélangées en une sorte d'émulsion épaisse. Cette
composition peut recouvrir une surface de 48 à 56 m. On
peut frotter quinze à vingt heures après son application.
Encaustique ou fommade de cire dure à V es-
sence. Cette préparation est particulièrement recomman-
dable. On fait fondre 1 kilogr. de cire jaune dans une
bassine; on y ajoute 120 gr. de litharge en poudre et on
mélange intimement avec une spatule. Lorsque la prépara-
tion a pris une teinte marron et qu'une goutte posée sur
une assiette s'écrase en poussière sous la pression de
l'ongle, on laisse refroidir. En retournant la masse solidifiée
on enlève le culot de litharge déposé pendant le refroidis-
sement. Ilsufit alors de dissoudre 500 gr. de ce produit
dans 1 kilogr. d'essence pour obtenir un encaustique pos-
sédant après son application l'éclat et la solidité d'un bon
vernis à l'alcool sans en présenter les inconvénients.
Encaustique pour cuirs et gibernes. Faire fondre
400 gr. de cire jaune, ajouter 400 gr. d'essence de téré-
benthine, 400 gr. de colophane et incorporer après agita-
lion 40 gr. de noir animal. Ch. Girard.
II. Peinture (V. Peinture).
ENCEINTE. I. Archéologie préUistoriquë. — Les crom-
lechs (V. ce mot) sont des enceintes de pierres plantées ou
posées sur le sol, entourant habituellement un ou plusieurs
tombeaux. On comprend, sous le nom d'enceintes proprement
dites, des monuments qui sont en certain nombre du même
genre que les cromlechs, mais qui ont eu visiblement une
autre destination. Ce sont pour la plupart des sortes de
camps retranchés. Les uns, construits en terre, sont formés
d'une terrasse entourée de fossés qui domine une coUine.
D'autres ont un entourage de pierres dressées ou de mu-
railles en pierres sèches. On rencontre de ces enceintes en
particulier en Alsace et dans le midi de la France. Les
unes et les autres appartiennent à différentes époques,
depuis l'époque néolithique jusqu'à l'époque romaine. Au
centre des Etats-Unis, pays de plaine où les défenses
naturelles sont rares, les ouvrages en terre, édifiés dans
un but défensif, sont particulièrement importants. Dans
rOhio, il y a un de ces ouvrages qui consiste en un paral-
lélogramme renfermant 444 acres et en un carré enfer-
mant 76 acres. Les portes d'entrée sont protégées par
un petit tertre, et il y a dans la grande enceinte plusieurs
tertres et plusieurs petites enceintes. Cet ouvrage a dû
nécessiter l'emploi de 3 millions de pieds cubes de terre,
sans doute apportée dans des corbeilles ou des sacs. Les
enceintes placées au sommet de collines n'ont pas néces-
sité ces terrassements. Elles consistent quelquefois uni-
quement en un cercle de pierres ou en une muraille édifiée
à une petite distance du sommet. Il y a, en outre, mais
Porte et mur d'enceinte de Faléries.
uniquement dans les plaines, de grandes enceintes du même
genre qu'on a distinguées, peut-être sans motifs suffisants,
sous le nom d'enceintes sacrées. Tous ces monuments de
l'Amérique du Nord sont fort anciens et probablement an-
térieurs aux Peaux-Rouges. Zaborowski.
IL Architecture. — Les ouvrages mihtaires exécutés,
soit en maçonnerie sèche ou reliée par du mortier, soit en
blocs bruts ou en pierres d'appareil, pour servir à la défense
des villes ou des palais, ont donné Heu, dès la plus haute
antiquité, à des travaux d'architecture, murs, tours et
portes, souvent remarquables par le soin apporté dans leur
construction et parfois aussi par les détails de leur orne-
mentation. Le mur d'enceinte, percé d'une porte flanquée
de deux pavillons, qui précède encore de nos jours le pa-
lais bâti à Medinet-Abou par Ramsès III ; les textes de Dio-
dore de Sicile et les fouilles de M. Dieulafoy nous font con-
naître, pour l'ancienne Egypte et pour les villes de Persépolis
et de Suze, le développement pris par les enceintes fortifiées
dans les anciens empires de l'Orient, tandis que les élèves
de l'Ecole d'Athènes et les pensionnaires de l'Académie de
France à Rome ont, dans leurs missions archéologiques en
Italie, en Grèce, en Macédoine et en Asie Mineure, relevé
nombre d'enceintes de villes ou d'acropoles encore exis-
tantes, et nous pouvons voir, par l'enceinte de Faléries,
comment les anciens Etrusques, au temps des premiers
consuls romains, fortifiaient leurs villes avec une science
et une sobriété n'excluant pas un certain style et même
une note d'art. L'enceinte de Faléries est construite en
grands blocs, taillés en parallélépipèdes rectangles, posés à
sec et dont un grand nombre, formant boutisses, ont toute
l'épaisseur du mur. Une archivolte, d'un style simple, orne
la porte dont l'arc est appareillé en voussoirs extradossés
et dont la clef est décorée d'une tête saillante, sculptée en
ronde bosse, comme sur d'autres portes étrusques de la
môme époque. Après les Etrusques, les Romains, puis les
Byzantins maintinrent les traditions d'architecture mih-
taire des anciens jusqu'au moment où, dans l'Occident, se
créa tout un nouveau système d'enceintes fortifiées pour
les villes, les abbayes et les châteaux, système qui dura
jusqu'à l'invention de la poudre à canon et au rôle prédo-
minant joué par l'artillerie dans les attaques des villes et
des places fortes. Charles Lucas.
m. Art militaire. — Retranchement continu ^établi
autour d'une place ou d'une position fortifiée. Dans l'anti-
quité et au moyen âge les enceintes des forteresses étaient
constituées par de hautes murailles précédées quelquefois
d'un fossé et renforcées de distance en distance par des
tours en saillie rondes ou carrées, sur lesquelles les as-
siégés installaient leurs machines de jet. Ces tours avaient
en général un relief supérieur à celui des murailles qui les
réunissaient et étaient, pour cette raison, considérées comme
les points forts de l'enceinte. Pour battre le pied des es-
carpes, on se contenta d'abord de percer des meurtrières
dans les flancs des tours; puis, à la suite des croisades, on
— 995 —
ENCEINTE — ENCENS
garnit le sommet des remparts de hourds et de mâchi-
coulis (V. Créneau). Yersle milieu duxv^siècle, les progrès
accomplis par l'artillerie obligèrent à modifier radicalement
le profil et le tracé des enceintes ; on renonça à ces grands
reliefs auxquels depuis tant de siècles on avait attaché une
importance capitale ; on renforça les murailles en y ap-
puyant des parapets en terre et, pour couvrir les escarpes,
on les enfonça en creusant par devant un fossé profond,
qui d'obstacle accessoire devint une partie essentielle de la
fortification. D'autre part, les défenseurs ne pouvant plus
s'établir au sommet de l'escarpe pour en surveiller le pied,
il fallut recourir exclusivement au flanquement latéral. On
augmenta donc la saillie et les dimensions des tours qui
prirent la forme de lunettes (deux faces et deux flancs) et
le nom de bastions. A l'origine, ces bastions étaient creux
et avaient leurs flancs casemates; mais, comme leurs em-
brasures livrèrent plusieurs fois passage aux assiégeants
(prise de Thion ville par Montluc), on finit par leur pré-
férer le flanquement à ciel ouvert. C'est par cette dernière
modification que fut enfin constitué le tracé bastionné,
le seul qui assure un flanquement complet des fossés par
les crêtes du corps de place. Les premières enceintes bas-
tionnées sont l'œuvre d'ingénieurs italiens. A la fin du
XVI® siècle, Errard introduisit en France le nouveau tracé ;
Deville et Pagan l'améliorèrent, et Vauban après eux le
consacra de l'autorité de son génie. Jusqu'au xix® siècle,
ce système de fortification fut presque exclusivement em-
ployé pour la construction des forteresses ; toutefois, on se
servait aussi quelquefois d'un autre tracé plus simple, mais
moins perfectionné, le tracé tenaillé, qui se compose d'une
série de saillants et de rentrants alternatifs, chaque face
servant de flanc à la face voisine et réciproquement.
A la fin du xvin® siècle, le marquis de Montalembert
imagina pour le tracé des enceintes un nouveau système
qui prit le nom de fortification polygonale et dans lequel
le flanquement des fossés est obtenu, non plus par une bri-
sure de l'escarpe, mais par un ouvrage casemate, appelé
caponnière et placé en avant du corps de place, soit au mi-
lieu, soit à une extrémité du front. Après 1815, les Alle-
mands appliquèrent, pour la construction de leurs forte-
resses, les idées de Montalembert, pendant qu'en France on
restait fidèle à l'ancien système bastionné. Le général belge
Brialmont devint l'ardent champion du nouveau tracé et
le fit adopter pour la place d'Anvers. Jusqu'en 1870 les
ingénieurs militaires restèrent partagés en deux camps sys-
tématiquement attachés à l'une ou l'autre des deux fortifi-
cations rivales. Mais, depuis cette époque, les grandes portées
obtenues par l'artillerie ayant obligé à entourer les places
fortes d'une ceinture d'ouvrages détachés, c'est sur cette
nouvelle ligne que la défense a dû concentrer tous ses
moyens d'action. Ces nouvelles conditions ont fait perdre
aux enceintes une grande partie de leur importance ; quelques
militaires en ont même contesté l'utilité. La plupart des
places fortes modernes possèdent néanmoins en arrière de
la ligne des forts un noyau central entouré d'une enceinte
continue ; toutefois on admet qu'il suffit de mettre cette
dernière à l'abri d'une attaque de vive force, et on lui
donne, en conséquence, une organisation des plus simples
pour laquelle les procédés de flanquement sont empruntés
indifféremment au système bastionné ou au système poly-
gonal.
BiDL. : Architecture. — J. Gailhabaud, Monuments
anciens et modernes; Paris, 1850, 1. 1, in-4, pi.
EN CE LAD E. Un des géants, fils du Tartare et de la
Terre. Dans la lutte contre les dieux, il succombe ou frappé
par la foudre de Zeus ou sous les coups d'Athéna, munie
de l'égide. D'autres le montrent écrasé sous la Sicile que
la déesse jette sur lui ; Virgile le relègue au fond de l'Etna,
où ses mouvements produisent les tremblements de terre,
tandis que son souffle lance les flammes par le cratère.
ENCENS. L Pharmacie. — Vencens ou oliban est une
gomme-résine fournie par plusieurs espèces de Boswellia
(Térébinthacées), qui croissent dans les parties chaudes et
arides de l'Afrique orientale , notamment le côté S. de
l'Arabie. Son emploi comme aromate remonte à la plus
haute antiquité, comme le prouvent les nombreuses allusions
faites à l'encens dans les écrits mosaïques de la Bible, ainsi
que les détails donnés par Théophraste. Plutarque rapporte
qu'Alexandre le Grand trouva dans Gaza cinq cents talents
d'oliban qu'il envoya en Macédoine comme une matière
précieuse. Suivant Carter, la gomme-résine s'obtient en fai-
sant des incisions longitudinales dans l'écorce des Boswellia;
il s'écoule un liquide laiteux, qui se concrète peu à peu à
l'air, avant d^être récolté par les Somalis. L'encens est
généralement en lames isolées, plus ou moins globuleuses,
parfois agglutinées, d'une teinte légèrement jaunâtre. Il se
ramollit dans la bouche, en développant une saveur téré-
benthineuse, non désagréable ; son odeur, qui est agréable
et aromatique, ne se développe bien qu'à chaud. Vers 100^
il se ramollit sans entrer en fusion ; à une température
plus élevée, il se décompose, émet des vapeurs aromatiques,
dernière propriété qui le fait employer dans les églises du
culte grec et catholique. Il est formé de 28 à 35 % d'une
matière gommeuse, analogue ou identique avec la gomme
arabique (Hambury) ; le reste est constitué par une
matière résineuse, soluble dans l'alcool, insoluble dans
les alcalis et à laquelle Hlasiwetz attribue la formule
(^8ojj[30()i2^ Il existe, en outre, dans l'encens une petite
quantité d'huile essentielle (5 <*/o), qui n'est autre chose
qu'un térébenthène, G'^*^H^^, bouillant à 158^ et possédant
une odeur agréable (Braconnot).
Dans le commerce on connaît deux sortes d'encens : ïeri^
cens de F Inde, formé de larmes choisies, jaune pâle, demi-
transparentes ; Veîîcens d'Afrique, moins estimé que le pré-
cédent , se présente en fragment jaunes opaques. On le
falsifie au moyen d'un certain nombre de résines, du ben-
join particuHèrement. L'encens est aujourd'hui peu employé
comme médicament. Il fait partie de quelques préparations
galéniques, comme les pilules de cynoglosse, la thériaque,
l'emplâtre de Vigo, l'emplâtre céroène, etc. Ed. Bourgoin.
Encens de Java (V. Benjoin).
II. Liturgie. — La fumée de l'encens montant vers le
ciel paraît avoir été considérée, dès une haute antiquité,
comme le symbole du vœu que l'homme porte en son cœur,
lorsqu'il rend un culte à la divinité : « Que ma requête
monte vers toi comme le parfum, et l'élévation de mes mains
comme l'oblation du soir {Psaumes, CLI, 2). Le livre de
VExode prescrit la manière de compo'ser le parfum qui
doit être brûlé dans le tabernacle et défend sévèrement de
l'employer à un usage profane (XXX, 34-37). Les prêtres
brûlaient l'encens sur l'autel des holocaustes et sur l'au-
tel des parfums (I Chroniques, VI, 49). Les païens brû-
laient aussi de l'encens dans leurs temples et devant les
statues de leurs dieux. Jeter des grains d'encens dans le
foyer d^un autel était, suivant eux, un acte de religion.
Quand un chrétien consentait à le faire, on tenait cette
action comme un signe d'apostasie. C'est pourquoi les apolo-
gistes des quatre premiers siècles, Athénagoras, Clément
d'Alexandrie, Tertullien, Arnobe déclarent que les chré-
tiens ne brûlent point d'encens pour leur culte. Mais ils
faisaient un grand usage de substances aromatiques pour
les ensevelissements (Tertullien, Apologia, XLII) ; ils sem-
blent même les avoir employées pour chasser les mauvaises
odeurs de leurs assemblées (Tertullien, De Corona mili-
tari, X). La Liturgie de saint Clément, qui est généra-
lement considérée comme représentant les olTices du iv® siècle,
n'indique aucun encensement. La première mention du fait,
comme rite ecclésiastique, se trouve dans le traité deDenys
VAréopagite (V. ce nom), De Hierarchia ecclesiastica
(III, sect. 2 et 3). Depuis lors, les encensements se sont
multipliés de siècle en siècle dans les églises catholiques
et sont devenus les objets de prescriptions liturgiques mi-
nutieuses. On encense l'autel, la croix, les images, le livre
des Evangiles, les offrandes, les reliques des saints, les
morts, les tombeaux, les fidèles eux-mêmes et tout parti-
culièrement les évêques, les prêtres, les princes, les magis-
ENCENS - ENCEPHALE
996 -
trats et les autres personnes de distinction. Des significa-
tions allégoriques plus ou moins ingénieuses ont été attri-
buées à chacune de ces pratiques. — Comme la plupart
des mires droits honorifiques (V. ce mot), l'encensement
se réglait sur l'usage et la possession. Par arrêt du 28 juin
4676, il fut ordonné que le curé de Tallemoi, étant sur
les marches de l'autel, serait tenu de se tourner du côté
de la chapelle du seigneur, de l'encenser lui et sa femme,
chacun une fois séparément (d'autres arrêts disent trois
fois), ensuite leurs enfants une fois pour eux tous. A
vêpres, au chant du Magnificat, après les encensements
ordinaires, il devait se rendre à la chapelle du seigneur et
l'encenser lui et sa femme chacun une fois, et leurs enfants
une fois, en quelque nombre qu'ils fussent (Mémoires du
Clergé, t. Xll, pp. 343-363). E.-H. Vollet.
ENCENSOIR (ArchéoL). L'usage de l'encensoir remonte
aux premiers temps du christianisme qui l'avait emprunté
aux cultes orientaux. Il se compose d'un récipient ovoïde
dans lequel on met des charbons ardents destinés à brûler
l'encens que l'on y répand; au-dessus vient s'adapter un
second récipient ajouré pour donner passage à la fumée. Il
est suspendu à plusieurs chaînes se réunissant à une boucle
Encensoir en cui\rc fondu ci doré (lin du xii^ siècle).
que le thuriféraire tient à la main. Les plus anciennes
représentations d'encensoirs que l'on connaisse sont tirées
des bas-reliefs et des sculptures des églises du xi^ siècle.
Ce n'est qu'au siècle suivant que l'on peut attribuer les
beaux spécimens qui sont conservés dans les trésors des
cathédrales de Trêves et de Lille, pièces liturgiques qui
ont été souvent reproduites par nos fabricants de vases
sacrés. Celui de Lille représente : Ananias, Misaël et Aza-
rias sauvés de la fournaise par l'ange du Seigneur. Ces
deux précieux ustensiles sont des chefs-d'œuvre de l'art
roman, si original dans ses formes et si varié dans son
ornementation. A partir du xiii^ siècle, les encensoirs reçu-
rent invariablement la forme d'édifices à fenêtres et à tou-
relles plus ou moins simples, en métal repercé à jour, dont
le travail et la matière variaient suivant les ressources des
établissements religieux. Cette tradition religieuse se per-
dit à l'époque de la Renaissance, et l'on vit des encensoirs
répéter les dispositions des édifices antiques et les portiques
à arabesques des palais italiens. Vers la même date l'Es-
pagne fabriquait des encensoirs d'une grande richesse dont
les proportions architecturales réunissaient tout à la fois
les ogives. du moyen âge et les ornements du nouveau style.
Les dessinateurs Meissonnier et les frères Slodtz compo-
sèrent, sous le règne de Louis XV, des encensoirs dans le
goût rocaille, qui furent exécutés par les orfèvres Ger-
main et par les fabricants contemporains. La Révolution a
amené la destruction de toutes ces pièces conçues en dehors
de toute tradition liturgique et dans lesquelles étaient oubliées
les règles fondamentales de la destination des objets ; mais
les gravures qui nous en restent en font saisir l'exécution
gracieuse et originale. Après avoir été longtemps réduite à
n'être qu'une industrie grossière, la fabrication des encen-
soirs a tiré profit des études historiques qui ont remis en
honneur le moyen âge et les arts qu'il cultivait. Nos sacris-
ties actuelles possèdent toutes des encensoirs qui sont imités
des meilleurs modèles que nous aient laissés les anciens
maîtres orfèvres. A. de Champeaux.
BiBL. : DiDRON, les Annales archéologiques. — L'abbé
]^OTTiER, Etude sur les Encensoirs — L'abbé Barraud,
les Encensoirs. — Rohaut de Fleury, la Messe.
ENCEPHALARTOS (Encephalartos Lehm,). I. Bota-
nique.— Genre de Cycadacées, dont on connaît une douzaine
d'espèces de l'Afrique tropicale et australe. Ce sont des arbres
dioïques à tronc cylindrique, quelquefois renflé au milieu
et couvert des bases persistantes des feuilles tombées. Leur
tissu médullaire renferme une grande quantité de fécule,
qui est utilisée comme alimentaire. VE. caffer Lehm. et
VE. Altcnsteînii Lehm. sont cultivés en Europe dans les
serres tempérées. Ed. Lef.
IL Paléontologie. — On rencontre plusieurs espèces
d'Encephalartos dans les terrains tertiaires, entre autres
VE. longifolius Lehm. , VE. Lehmanni Eckl. et VE.
Gorceixianus Sap. Ce dernier, trouvé parGorceix dans le
dépôt miocène de Koumi (Eubée), constitue la Cycadacée la
plus septentrionale trouvée en Europe. Il est donc certain
que les Encephalartos, refoulés aujourd'hui dans le S. de
l'Afrique, faisaient partie de la flore européenne à l'époque
tertiaire. - D^L. Un.
III. Horticulture. — La culture de ces arbres ne
peut être essayée que sous le climat de l'oranger. Ailleurs
il faut les placer en serre chaude ou tempérée tout en les
éclairant et aérant largement. Cette condition essentielle
assurée , ils s'élèvent aisément en caisses remplies de
terre franche substantielle, bien drainée, qu'il suffit de
maintenir fraîche. Pendant la saison de repos on diminue
les arrosages et on abaisse la température de la serre. On
les multiplie quelquefois de graine, mais la multiplication
se fait surtout par le bouturage des œilletons ou bourgeons
nés sur la tige. On réussit encore, en plantant dans une
terre tiède et humide des rondelles de la tige, à faire déve-
lopper les bourgeons rudimentaires que portent ces ron-
delles et à obtenir ainsi de nouveaux sujets. G. B.
ENCÉPHALE. I. Anatomœ. — Chez tous les verté-
brés, sauf chez l'amphioxus, l'extrémité antérieure renflée
du tube médullaire de l'embryon contenu dans la cavité
crânienne, dont le développement est corrélatif du sien,
subit d'intéressantes modifications. Deux sillons circulaires
qui l'étreignent, la divisent d'avant en arrière en trois vési-
cules, dites primitives, qui prennent les noms de cerveau
antérieur, de cerveau moyen et de cerveau postérieur. Cette
division opérée, il s'en produit une autre qui affecte le
cerveau antérieur et le cerveau postérieur. Le cerveau
antérieur donne ainsi naissance à deux vésicules symé-
triques et symétriquement placées, les futurs hémisphères
cérébraux, qui se distinguent du cerveau intermédiaire ou
région du troisième ventricule.
Aux dépens du cerveau postérieur se forment le cer-
velet, la région du quatrième ventricule et la moelle
allongée. Les parois de ces divers renflements en même
temps s'épaississent en certains de leurs points, constituant
ainsi les corps striés, les couches optiques et les tuber-
cules quadrijumeaux, tandis que, de leur surface, se
— 997 —
ENCEPHALE
Fig. 1. — Schéma des
ventricules. — vh, vé-
sicule iiémisphérique;
sv, ventricule latéral;
z/i, cerveau intermé-
diaire ; em, trou de
Monro ; m/i, cerveau
moyen; hl, troisième
ventricule; aq, aque-
duc de Sylvius; hh,
cerveau postérieur;
n/i, arrière - cerveau ;
iv, quatrième ventri-
cule ; Ce, canal de
répendyme; ?% moelle
épmière.
détachent des appendices, des prolongements, les uns pairs
et symétriquement placés, les nerfs optiques et leurs
aboutissants (les rétines) , les lobes olfactifs, les nerfs crâ-
niens, les autres symétriques et
médians tels que la glande pinéale
et l'hypophyse cérébrale. A cet
état de développement rudimen-
taire et de différenciation de ses
différents éléments, l'encéphale
représente encore une sorte de
tube sensiblement rectiligne et
symétrique, dont la cavité est
quelque peu sinueuse (la fig. 1
en donne bien l'idée) et dont on
reconnaît la continuité avec le
canal de l'épendyme. A quelques
variantes près, constituées par
la prépondérance du développe-
ment (par exemple les lobes
optiques des oiseaux, les lobes
olfactifs) de certaines parties
n'altérant pas sensiblement les
principaux traits du schéma mor-
phologique que nous venons
d'esquisser, l'encéphale ne subit
guère de modifications dans la
série animale avant que l'on
n'arrive aux vertébrés supé-
rieurs. La symétrie par rapport
au plan médian antéro-postérieur
du corps constitue le caractère
le plus essentiel de la struc-
ture de l'encéphale (fig. 3 et 6).
Chez les animaux supérieurs se manifeste une tendance
à la concentration d'autant plus accusée que l'intelligence
de l'être augmente davantage. L'extrémité céphalique du
tube nerveux de Tembryon
subit une doubleinflexion con-
temporaine de la coudure de
la capsule crânienne, néces-
sitée par l'augmentation du
volume de certaines de ses
parties et déterminée par les
diverses connexions de celles-
ci. Le tube nerveux décrit
ainsi une sorte de S majus-
cule bien représentée par la
fig. 2. Les vésicules hémis-
phériques se développant alors
recouvrent de plus en plus
les parties situées en arrière
d'elles, pendant que la cavité
primitive se rétrécit de plus
en plus. L'attitude bipède
étant réalisée chez l'homme,
elles recouvrent même Tar-
rière-cerveau (cervelet); leurs
parois externes s'étant épais-
sies au point de représenter
la plus grande partie de la
masse totale de l'encéphale,
il se dessine à leur sur-
face, par suite d'un plisse-
ment régulier et nécessaire, des anfractuosités et des plis
(V. Circonvolution). Les connexions des diverses par-
ties de l'encéphale entre elles, que nous ferons connaître
avec soin et en détail, en décrivant les dispositions géné-
rales du système nerveux, sont d'abord très simples et
peu développées dans le sens transversal. Dans de pré-
cédents articles, nous avons décrit le cerveau et ses cir-
convolutions, le cervelet, le bulbe rachidien. A ces parties,
viennent s'ajouter des commissures transversales ; la com-
missure antérieure, le corps calleux (V. Cerveau), la pro-
Fig. 2. — Flexion crânienne
de Tembryon des mam-
mifères. — d/i, cerveau
antérieur; zh, cerveau
intermédiaire ; s5, cou-
dure encéphali(|ue; mh^
cerveau moyen; h/i, cer-
veau postérieur; nh, ar-
riére-cerveau ; n5, cou-
dure de la nu(iue; bb,
coudure antérieure cor-
respondant au pont de
Varole.
FM
tubérance annulaire ou pont de Varole, qui joint les deux
moitiés du cervelet l'une avec l'autre, en passant en avant
des faisceaux fibreux résidant du bulbe au cerveau et
qui, au-dessus de lui, prennent le nom de pédoncules
cérébraux (V. ce mot). Les pédoncules cérébelleux supé-
rieurs unissent le cerveau au cervelet, qui lui-même se
rattache à la moelle par l'intermédiaire des pédonculse
cérébelleux inférieurs. Les
fig. 5 et 6 donnent une
bonne idée delà disposition
et de la configuration de
l'encéphale et de ses par-
ties constituantes. Les nerfs
que l'on voit naître à la
base de l'Encéphale seront
décrits ultérieurement sous
le nom de nerfs crâniens.
L'encéphale humain est
pourvu d'un réseau vas-
culaire très riche. Les ar-
tères vertébrales s'unis-
sent pour former le tronc
basilaire, qui commence au
bord inférieur de la protu-
bérance annulaire, dont il
suit la face antérieure sur
la ligne médiane. Après
avoir fourni de chaque
côté les artères cérébel-
leuses inférieure et anté-
rieure et supérieure, il se
divise au niveau de l'origine des pédoncules cérébraux en
deux artères cérébrales postérieures s'infléchissant en
dehors. Ces dernières sont reliées par les communicantes
postérieures aux artères cérébrales antérieures, branches de
la carotide interne, ainsi que les artères cérébrales moyennes
Fitr. 3, — Section diagram-
matique horizontale, (Les
lettres ont la même signi-
fication que dans la lig. 4).
//j;jp ThE\ Jltl
Vin
m VL
Fig- 4. — Encéphale d'un vertébré, section longitudinale
et verticale. — Mb, cerveau moyen; Hmp^ vésicules
hémisphéri(|ues; Olf, lobes olfactifs; CS, corps striés;
FAf, trou de Monro ; Th, couches opti({ues ou thala-
mencéphale ; CQ^ corps ou tubercules ([uadrijumeaux ;
Cb, cervelet; CC^ pédoncules cérébraux; PV, pont de
Varole ; MO, moelle allongée ; Pn, glande pinéale ; Pt/,
corps pituitaire; /, nerfs olfactifs; II, nerfs optii^ues;
I//, lieux de sortie des nerfs moteurs oculaires com-
muns; i, ventricule olfactique; 2, ventricule latéral; 5,
troisième ventricule; 4, (juatrieme ventricule.
qui cheminent au fond de la scissure de Sylvius. Les céré-
brales antérieures elles-mêmes sont solidarisées par l'inter-
médiaire de la communicante antérieure, transversalement
étendue de l'une à l'autre. Ainsi se trouve constitué l'hepta-
gone artériel de Willis. Les artères des corps optostriés pro-
viennent des cérébrales antérieures ; leur disposition et leur
mode de ramification ont été bien étudiés par le D*^ Daret.
Les diverses parties de l'encéphale sont fixées en place
par des replis fibreux fournis par la dure-mère, l'un ver-
tical, antéro-postérieur et médian, séparant les faces internes
des deux hémisphères jusqu'au niveau du corps calleux ;
le second, horizontal et perpendiculaire au premier, la tente
du cervelet, isolant la face supérieure de cet organe des
lobes occipitaux du cerveau. Ces dispositions seront étudiées
avec plus de détails avec les méninges, ces enveloppes de
l'encépbale, analogues aux enveloppes de la moelle, dont
elles sont la continuation. Ce sera également le lieu de
ENCÉPHALE - ENCHANTEMENT
— 998
traiter de la circulation veineuse de l'encéphale et du
liquide céphalo-rachidien.
CJi
.4
Cm
Fiii. 5. — Pr, protubérance; P.cé, pédoncule cérébral; U,co^
nerf moteur oculaire commun; T.ma^ tubercule mamil-
] aire; G. pi, glande pituitaire ; iV. op^ nerf ojjtique; 2, ï)e-
doncules postérieurs de la glande pinéale; Ca, commis-
sure antérieure ; 4, trou de Monro ; C. ir, cloison trans-
parente; Tr^ trigone cérébral; C. Ca, corps calleux; 5,
circonvolution du corps calleux; Co, couche optique;
Cm. commissure molle ; 5, pédoncule antérieur de la
glande pinéale; G.vU glande pinéale; Tg , tubercule
quadrijumeau; A.Sy, acqueduc de Sylvius ; Y,vï, val-
vule de Vieussens; Eu, Bulbe.
On a recherché les indications qui pouvaient être tirées
de l'étude du poids de l'encéphale, sans grand succès, pour
diverses raisons. L'étude
de la capacité crânienne,
représentant le volume
de l'encéphale, plus facile
à manier, est devenue
plus fructueuse parce
qu'elle a pu s'exercer sur
de nombreuses séries,
tout en laissant encore
prise à l'erreur. Variable
suivant le développement
de l'intelligence, le poids
et le volume du corps, le
sexe, l'âge et surtout sui-
vant la race, la capacité
crânienne paraît ne pou-
voir franchir le maximum
de 1,800 centim. c. sans
anomalie. Mais ce serait
empiéter sur le domaine
de l'anthropologie ana-
tomique et de l'ethnolo-
gie que d'entrer dans les
détails de cette ques-
tion. D** G. KUHFF.
II. Physiologie. —
L'encéphale est le centre
d'innervation du corps
tout entier, et c'est lui
qui préside à toute acti-
vité d'ordre nerveux et
d'ordre psychique. Aux art. Cerveau, Cervelet, Bulbe, les
fonctions spéciales de ces organes ont été énumérées en détail :
ici, il suffira d'une vue d'ensemble. L'encéphale préside
d'abord à toute la vie mentale des organismes. Sans lui, point
de pensée ou d'inteUigence, telles que nous les connaissons
chez l'homme et les animaux supérieurs. C'est évidemment
dans le cerveau proprement dit, les circonvolutions, que s'éla-
borent celles-ci, bien qu'assurément le fonctionnement har-
monieux et l'intégrité des autres parties de l'encéphale
soient nécessaires à leur production normale; sans ce
fonctionnement et sans cette intégrité il manque un certain
nombre des éléments qui sont à la base de FinteUigence; il
lui manque telle ou telle donnée, et par suite toute l'intel-
ligence est troublée. En second lieu, c'est à l'encéphale
qu'aboutit toute vibration nerveuse née à la périphérie.
Là se fait la sensation et la perception. Ces vibrations
peuvent ne pas arriver toutes dans le domaine de la
conscience et néanmoins déterminer des effets parfaite-
ment nets : les vibrations de ce genre s'arrêtent, pour
ainsi dire, dans des centres inférieurs, comme le bulbe ou
la protubérance, et déterminent des réflexes. Cela a lieu
par exemple, pour certaines vibrations d'origine pulmonaire,
ou digestive, ou circulatoire, et le bulbe et la protubé-
rance^ voire même le cervelet et le cerveau, contiennent de
ces centres réflexes en grand nombre. D'autres vibrations,
qui déterminent des sensations, passent plus haut, dans le
cerveau, où elles sont perçues, tout en pouvant agir sur
des centres réflexes aussi. C'est ainsi que les sensations
visuelles sont le résultat de modifications dans des organes
nerveux très variés, comme les tubercules quadrijumeaux,
les couches optiques et l'écorce des hémisphères. Les
centres les plus élevés sont les centres sensitifs de l'écorce;
ce semble être dans ces points que se fait la sensation,
soit-elle spéciale, comme celle de l'odorat ou du goût, ou
générale comme celle du toucher, du sens thermique, etc.
L'encéphale préside en troisième lieu à la production des
vibrations nerveuses qui se traduisent par des mou-
vements, généraux ou particuliers, réflexes ou volontaires,
conscients ou inconscients. Mouvements des membres
ou mouvements phonateurs, mouvements expressifs ou
mouvements inconscients d'équilibre, tout cela a son ori-
gine dans l'encéphale, les uns dans l'écorce cérébrale
(mouvements volontai-
res), les autres dans le
cervelet, le bulbe ou la
protubérance (mouve-
ments des organes non
soumis à la volonté, coor-
dination des mouvements
volontaires, etc.). Enfin
Tencéphale préside dans
une mesure encore peu
connue à la nutrition, au
métabolisme des tissus et
organes, et aux phéno-
mènes qui constituent leur
vie propre. Pour détails,
V. Cerveau, Cervelet,
Bulre, Protubérance.
ENCÉPHALITE (Méd.)
(V. Cerveau, t. X,
p. 418).
ENCÉPHALOGÈLE
(V. Anencéphaliê).
ENCEPHALOGRAPHA
(Bot*)* Genre de Lichens
Ascosporés , ^ymnocar-
pes, à thalle hétéromère,
crustacé, à asques petits,
contenant huit spores,
avec des paraphyses gra-
nuleuses, mucilagineuses,
peu visibles. La lamepro-
ligère est mince, subcylindrique et l'excipule propre est
noir, charbonneux. H. F.
ENCHANTEMENT. Effet mystérieux produit par cer-
taines paroles chantées ou simplement prononcées, avec ou
sans accompagnement de rites accessoires. La foi en cet
effet se retrouve au fond des superstitions de tous les peuples
et aussi au fond de la plupart des religions. On y voit
l'enchantement s'exercer sur les éléments, sur les forces
de la nature, sur les animaux, spécialement les oiseaux,
les serpents et les crapauds, suf les hommes vivants où
V. ïnf.
Fig. 6. — Lf, lobe frontal; S. Sy, scissure de Sylvius; T .ci^
tubercule cinereum; T. ma, tubercule mamillaire; P.ce^ tu-
bercule cérébral; Pr.an, protubérance annulaire; Py.an,
pyramide ant.; Oi, olive; C.re^ corps restiforme; Bu, bulbe;
Ce, cervelet; N.hg, nerf hupoglosse; N.sp, nerf spinal;
N.p.ga^ nerf pneumogastrique; N.g.ph, nerf glosso-pha-
ryngien ; N. ac, nerf acoustique ; N. fa, nerf facial ; N. m. ex,
nerf oculaire externe; N.ti\ nerf trijumeau; iV.pa, nerf
pathétique; N.m.co, nerf moteur oculaire commun; iV.op,
nerf optique; N.ol, nerf olfactif.
ddd
ENCHANTEMENT ^ ENCHÈRE
morts, sur les démons, sur les génies, sur les anges, même
sur la divinité. H opère au moyen des pratiques des sor-
ciers et des magiciens : des évocations; des exorcismes;
des formules sacramentelles de bénédiction ou de malédic-
tion, d'absolution et de consécration. Il paraîtrait peut-être
irrespectueux de constater les caractères de l'enchantement
dans l'effet attribué aux paroles qui changent le pain en
chair et le vin en sang ; néanmoins il est fort difficile de
ne pas les y reconnaître. — Le Deutéronome (XVÏII, 41)
interdit les enchantements aux Israélites. Dans les docu-
ments catholiques, ce nom désigne généralement toutes les
paroles et toutes les cérémonies destinées à évoquer les dé-
mons et à produire des prestiges et des maléfices. Elles
sont sévèrement condamnées par les lois ecclésiastiques et
par les anciennes lois civiles. Une déclaration en forme
d'édit (juil. 1683, enregistrée le 31 août) prononce les
peines les plus fortes contre les devins, magiciens et les
enchanteurs. E.-H. Vollet.
ENCHASTRAYES. Com. du dép. des Basses-Alpes, arr.
et cant. de Barcelonnette ; 482 hab.
E N C H ÂTR E (Mobilier) . Ce mot servait à désigner les com-
partiments ou les divisions intérieures d'un meuble. Les
anciens inventaires citent souvent des coffrets et des écrins
à une ou plusieurs enchâtres fermant à clef. — En cons-
truction, l'enchàtre est une pièce qui sert à encastrer un
panneau.
. ENCHAUSSÉ (Blas.). Atribut d'un écu taillé oblique-
ment au milieu d'un côté à la pointe du côté opposé.
ENCHELIDIUM (Zool.). Genre créé par Ehrenberg en
1837 pour de petits Nématodes marins non parasites,
irangés actuellement dans la famille des Enoplidœ (V. ce
mot). La cavité buccale fait défaut ; l'œsophage est sur-
monté d'un gros œil. On connaît huit espèces : E. acumi-
natum Eberth, E. Eberthi de Man, E. exile Marion,
E. Grubei Bastian, E. marinum Ehrenberg, E, obtu-
SLim Grube, E. subrotundum Eberth, E, tenuicolle
Eberth. Toutes ces espèces sont des mers d'Europe. R. Bl.
ENCHELYODON (Zool.). Genre d'infusoiresholotriches,
de la famille des Trachélophyllides, établi par Claparède
et Lachmann ; il ne diffère des Trachelophyllum que par
la portion antérieure du corps, qui n'est pas différenciée
en une sorte de col. Eau douce et eau salée. R. Mz.
ENCHELYOPUS (Paléont.). Agassiz a établi ce genre
pour un poisson des formations de Monte-Bolca {E. ti-
grinus) dont le caractère est de réunir aux traits généraux
de l'anguille une dorsale prolongée jusqu'à la nuque, et
d'avoir une ceinture thoracique très grêle. E. Sauvage.
BiBL. : Agassiz, Poissons fossiles^ t. V, p. 131.
ENCHELYS (Zool.). Genre d'infusoires holotriches,
type d'une famille, établi par O.-F. Millier, modifié dans son
acception par Ehrenberg. Ce sont des animaux d'eau douce
au corps ovale, mais changeant de forme à la volonté de
l'animal ; l'extrémité antérieure porte la bouche, tronquée
obliquement, l'anus est au bout opposé ; toute la surface
de la cuticule est finement ciliée, mais les cils sont plus
longs à la région buccale. Type : E. farcimen Ehr. Le
genre Enchelys de Dujardin ne correspond pas à celui
d'Ehrenberg, mais contient des formes qu'il est mieux de
compter au nombre des Cyclidliim^ selon Sav. Kent.
ENCHÈRE. On appelle enchère, dans les ventes pu-
bliques faites par autorité de justice, toute offre supérieure
à la mise à prix ou excédant une autre offre précédemment
faite : l'adjudication est faite au profit du plus offrant ou
dernier enchérisseur. L'enchère porte quelquelois le nom
d'encan, dont l'étymologie vient du mot incantare, crier,
ces sortes de vente se faisant, en effet, à la criée. Le sys-
tème des enchères remonte aux temps les plus reculés.
Usité à Athènes pour les concessions de mines, il était
pratiqué à Rome pour la vente des esclaves, pour l'adju-
dication des travaux publics ou de la ferme des impôts.
En France, les adjudications aux enchères ont été en
usage de temps immémorial. Elles pouvaient avoir lieu
pour toutes sortes d'objets ; elles étaient obligatoires pour
la vente ou le fermage des biens domaniaux ou commu-
naux. Aujourd'hui, toute vente, soit mobilière, soit immo-
bilière; qui a lieu par autorité de justice, doit se faire aux
enchères. Les cas les plus fréquents sont ceux de saisie et
de succession. Quant aux ventes à l'amiable, elles peuvent
aussi être faites dans cette forme.
Les formes de la vente aux enchères varient, selon qu'il
s'agiyie vente de meubles ou de vente d'immeubles. S'il
s'agit de meubles, la vente aux enchères est faite par les
commissaires-priseurs, dans les ville où ils sont établis,
et, concurremment avec eux, parles greffiers ou les huis-
siers, dans l'étendue de ^arrondissement ou dans les com-
munes rurales. Dans ce cas, toute personne est admise à
enchérir. S'il s'agit d'immeubles, les enchères sont faites
par le ministère des notaires, si la vente a lieu à l'amiable,
et par le ministère d'avoués et à l'audience, si la vente a
lieu par autorité de justice. Dans ce dernier cas, il n'ap-
partient qu'aux avoués d'enchérir. Dans les ventes mobi-
lières, c'est la personne qui procède k la vente qui met la
première enchère ; dans les ventes immobilières, c'est le
poursuivant qui met au greffe la première enchère; sinon,
la mise à prix est faite par le tribunal. Pour les ventes de
meubles, la loi ne détermine pas exactement le laps de
temps qui doit s'écouler après la dernière offre faite, pour
que cette offre soit considérée comme non couverte, et par
conséquent définitive : ce point est abandonné à la discré-
tion et à la probité de l'officier public qui procède à la
vente. Avant de prononcer le mot sacramentel : adjugé,
il doit laisser s'écouler un laps de temps suffisant pour que
les assistants puissent se convaincre que l'offre qui vient
d'être faite n'a plus de chance d'être couverte. L'art. 624
du C. de proc. civ. se borne à disposer que « l'ad*
judication sera faite au plus offrant et dernier enchéris-
seur ». Mais, pour les ventes publiques d'immeubles, la
loi édicté certaines formalités qui ont pour but de laisser
aux offres supérieures le temps de se produire. L'art. 705
du C. de proc. civ. dispose, en effet, que, dès que les
enchères sont ouvertes, il doit être allumé successive-
ment des bougies, préparées de manière que chacune ait
environ une durée d'une minute. Et l'art. 706 ajoute que
l'adjudication ne peut être faite qu'après l'extinction de
trois bougies allumées successivement. S'il ne survient pas
d'enchères pendant la durée de ces bougies, le poursui-
vant est déclaré adjudicataire. Si, pendant la durée d'une
des trois premières. bougies, il survient des enchères, l'ad-
judication ne peut être faite qu'après l'extinction de deux
i30ugies sans nouvelle enchère survenue pendant leur
durée. La loi du 2 juin 1841, qui a remanié les dispo-
sitions du C. de proc. en matière de saisie immobilière,
avait disposé que l'emploi des bougies pourrait être rem-
placé par un autre moyen chronométrique, en vertu d'une
ordonnance rendue en forme de règlement d'administra-
tion publique : le moyen en question n'a pas encore été
trouvé, et la pratique en est toujours à l'usage tradition-
nel des bougies.
L'enchère constitue un contrat que l'enchérisseur passe
avec la partie qui poursuit la vente et par lequel il s'oMige
à prendre la chose au prix par lui offert, s'il n'est couvert
par une enchère plus forte ou surenchère. Le précédent
enchérisseur est déchargé, dès que son enchère est cou-
verte par une surenchère, car cette surenchère emporte
rejet de ses offres et acceptation des offres nouvelles. L'ad-
judication prononcée oblige l'adjudicataire jusqu'à concur-
Vencc delà somme par lui offerte. Dans les ventes publiques
d'immeubles, l'avoué dernier enchérisseur est tenu, dans
les trois jours de l'adjudication, de déclarer l'adjudicataire
et de fournir son acceptation, sous peine d'être réputé
adjudicataire en son nom. Dans ces mêmes ventes, toute
personne peut, dans les huit jours de l'adjudication, faire,
par le ministère d'un avoué, une nouvelle surenchère,
pourvu qu'elle soit du sixième au moins du prix principal
delà vente : c'est ce qu'on appelle la surenchère du sixième.
Si au jour indiqué pour la nouvelle adjudication, il ne se
ENCHÈRE — ENCHONDROME _ lOOO —
présente pas d'enchérisseurs, le surenchérisseur du sixième
est déclaré adjudicataire. Les enchères, lorsqu'il s'agit de
vente de meubles, ont toujours lieu au comptant, et l'otii-
cier pubhc est responsable du prix vis-à-vis de celui qui
poursuit la vente. Mais, en matière de vente immobilière,
lorsque le dernier enchérisseur ne satisfait point aux con-
ditions de son adjudication dans les délais prescrits, on
procède à la revente aux enchères de l'immeuble : cette
opération s'appelle folle enchère. Si, dans ce cas, l'en-
chère produit un prix inférieur à celui qu'avait offert l'ad-
judicataire évincé, celui-ci est tenu de payer la différence
de son prix avec celui de la vente nouvelle. La loi ne se
contente pas de réglementer les enchères ; elle en assure
encore la liberté. L'art. 412 du C. pén. punit, en effet,
d'un emprisonnement de quinze jours à trois mois et d'une
amende de 100 fr. à 5,000 fr. ceux qui dans les adjudica-
tions entravent ou troublent la liberté des enchères par
voies de fait, violences ou menaces, soit avant, soit pendant
les enchères. La même peine est édictée contre ceux qui, par
dons ou promesses, écartent les enchérisseurs (V. Adju-
dication , Saisie et Soumission) . Georges Lagrésille .
ENCHEVÊTREMENT (Art vétér.). Appelé plus com-
munément enchevêtrure ou prise de longe, l'enchevê-
trement désigne la blessure plus ou moins grave que le
cheval peut se faire avec la longe, soit sur le pli du paturon,
soit sur la face postérieure du canon. Si l'enchevêtrure est
profonde, si la peau est entamée, la plaie peut se cicatri-
ser d'emblée, laissant après elle, dans le pli du paturon,
un bourrelet saillant, inégal, que recouvre un épiderme
épais, d'apparence et de consistance cornée. La peau du
paturon, à la suite de la prise de longe, parfois s'escarrifie
dans une étendue plus ou moins grande ; des complications
peuvent survenir alors : décollements et chutes de peau,
javarts cutanés et javarts cartilagineux, nécrose des liga-
ments et des tendons. Si la plaie est plus profonde encore,
les tendons peuvent être directement atteints, ainsi que l'os
du paturon lui-même. Le traitement de la prise de longe
est des plus simples : repos absolu, bains d'eau froide ou
légèrement astringente, cataplasmes émollients, lotions aro-
matiques, et, aux accidents consécutifs, comme nécrose ou
carie, les soins indiqués en pareil cas. L. Garnier.
ENCHEVÊTRURE (Constr.). Ce mot désigne, dans les
planchers en charpente de bois ou de fer, un assemblage
composé de trois pièces, destiné à éviter les chances d'in-
cendie et interrompant, à cet effet, la disposition générale
du plancher afin de réserver une trémie ou vide danslequel
passent les tuyaux de fumée ou sur lequel est établi un
âtre de cheminée. Des trois pièces formant l'enchevêtrure,
deux sont des soUves, dites d'enchevêtrure, perpendicu-
laires au mur le long duquel passent les tuyaux de fumée
ou contre lequel on veut appliquer une cheminée, et la
troisième, appelée chevêtre (V. ce mot), s'assemble avec
les deux premiers et reçoit l'about des solives de remplis-
sage. — La largeur et la longueur de la trémie sont ré-
glées par les dimensions de la cheminée à établir ou par
le nombre et la dimension des tuyaux à faire passer; mais
il faut toujours réserver une distance de 0°^16 (l'ancien
demi-pied) entre les bords du châssis de charpente formé
par l'enchevêtrure et les jambages de la cheminée ou les
boisseaux formant les tuyaux de fumée. Charles Lucas.
ENCHIR. Ce mot, qui entre dans la composition d'un
grand nombre de localités barbaresques, paraît signifier
« les ruines ». L'origine en est obscure. Il n'a pas la
physionomie d'un mot arabe et pourrait bien provenir de
quelque dialecte berbère. Citons, parmi les endroits ainsi
dénommés : Enchir-Cheragnac, Enchir-el-Bey, Enchir-
Halloufa, dans les environs de la Meskiana (dép. de Cons-
tantine), Enchir-Djendeli, près de Batna (dép. de Constan-
tine), Enchir-el-Abassi et Enchir-Mamra, près Khenchela
(dép. de Constantine) , Enchir-el-Amara, près Aïn-Beida
(dép. de Constantine), Enchir-Kasria, Enchir-Merouana et
Enchir-Encedda, au S. de Sétif (dép. de Constantine), Enchir-
bou-Djadi, Enchir-Zouïra-Sidi-Median , Enchir-Smidia,
Enchir-el-Hamira, Enchir-si- Ahmed et Enchir-Tungar,
dans la vallée de la Medjerda (Tunisie), Enchir-Tindja, près
Bizerte (Tunisie), Enchir-Teboursouk , Enchir-el-Meden,
Enchir-Khanga, sur la route de Tunis à Sousse (Tu-
nisie), etc. Toutes ces locaUtés ont des ruines ro-
maines. E. Cat.
ENCHIR-SAÏD. Village d'Algérie, dép. de Constan-
tine, arr. de Guelma, à 22 kil.' de cette ville, dans une
région montueuse, bien arrosée, qui produit des oliviers,
des céréales et un peu de vin; ch.-l. d'une com. de plein
exercice d'une superficie de 8,361 hect. et d'une pop. de
1462 hab. dont 64 Européens (rec. de 1891). E. Cat.
ENCHODUS (Paléont.). Agassiz a étabU ce genre pour
des poissons qui ont les dents fortes, à bords tranchants,
à face externe plus plane que l'interne ; le bord des mâ-
choires est garni de dents en brosse ; les os prémaxillaires
sont massifs ; les maxillaires sont armés de fortes dents.
Ce genre, que l'on rapproche des Trichiauridées, est des ter-
rains crétacés de Hollande, d'Angleterre, des Etats-Unis.
BiBL. : Agassiz, Poissons fossiles, t. V, p. 64. — Cope,
The Vertebrataof tJie cretaceous formations of the v;est,
dans U. S. Geol. Survey, 1875.
ENCHONDROME (Pathol.). Sous le nom à'enchon--'
drames ou de chondromes, on désigne des tumeurs pré-
sentant la structure du tissu cartilagineux. Ces tumeurs,
désignées autrefois sous le nom de spina ventosa, siègent
de préférence sur les os, trois à quatre fois contre une fois
dans les parties molles, d'après les statistiques de Lebert
et Heurtaux, et les os qui sont le plus fréquemment atteints
sont ceux de la main et du pied, puis les extrémités des
os longs des membres. Tantôt elles naissent dans l'épais-
seur même de l'os, enchondromes proprement dits ; tantôt
à sa périphérie, périchondromes. Les chondromes des par-
ties molles sont, en général, encapsulés par une coque
fibreuse, plus rarement diffus ; leur siège de prédilection
est le testicule, la glande parotide, mais on peut aussi les
rencontrer dans les autres glandes, les mamelles, les pou-
mons, etc. Leur forme est d'ordinaire arrondie, bosselée,
leur volume nécessairement très variable ; mais, de tous
les néoplasmes, le chondrome est peut-être celui qui peut
acquérir de plus grandes dimensions. Témoins ceux de
Lugol et Nélaton, celui de Philip Crampton qui avaient,
les premiers 1°^75, le second 2™15 de circonférence. Leur
consistance est tantôt ferme et élastique, d'autres fois
molle, et ailleurs fluctuante. La structure de la tumeur
expUque ces différents états. Si on en pratique une sec-
tion, on aperçoit sur cette coupe des îles d'une substance
gris bleuâtre séparées les unes des autres par des bandes
de tissu fibreux où courent des vaisseaux sanguins. Ces
îles, ce sont les lobes du chondrome, constitués eux-
mêmes par du tissu cartilagineux divers, depuis le cartilage
hyalin jusqu'au cartilage réticulé ou même à cellules ra-
mifiées (V. Cartilage). Dans certains cas, le cartilage
embryonnaire prédomine, et l'on a la forme appelée chon-
dro-myxome ; d'autres fois, c'est le tissu fibreux, chondro-
fibrome ; ailleurs, le tissu sarcomateux, chondro-sarcome ;
dans certains cas, le chondrome s'ossifie en partie, chondro-
ostéome ou chondrome ostéoïde. Il peut aussi se mélanger
à du tissu glandulaire, chondro-adénome ; devenir kys-
tique, chondro-kystome, ou très vasculaire, chondrome
télangiectasique. Le plus ordinairement, l'enchondrome reste
une tumeur locale, mais il faut savoir qu'il peut infecter le
système lymphatique et sanguin et aboutir à une véritable
genérahsation avec tumeurs secondaires dans les poumons,
îa plèvre, le foie, la rate, le cerveau, etc., ainsi que l'ont
observé Paget, Bichet, Virchow, Yerneuil, Wolckmann,
Michaloff, etc. Walsdorff a bien étudié {Thèse de Paris,
1878) ces types mahns du chondrome, ces cancers car-
tilagineux.
L'enchondrome se montre de préférence chez les jeunes
sujets. Il se développe ordinairement lentement et insi-
dieusement sans provoquer de phénomène douloureux ni
altérer la santé générale. La gêne fonctionnelle qu'il pro-
— 1001
ENCHONDROME - ENCISO
voque est fatalement en rapport avec son siège anatomique.
A la longue, il peut comprimer les nerfs, donner lieu à
des phénomènes inflammatoires du côté de la peau et
même amener l'ulcération de celle-ci. Il évolue en une
marche presque fatalement progressive, mais il met sou-
vent dix, quinze et vingt ans avant d'acquérir un gros
volume. Il faut savoir toutefois qu'il existe des enchon-
dromes maUns à marche rapide. Les formes myxomateuses
paraissent surtout prendre ce cachet pernicieux. L'exis-
tence d*un chondrome sera soupçonnée à la dureté et à
l'élasticité de la tumeur, à la lenteur de son évolution.
Seul, l'enchondrome des doigts permet un diagnostic sûr,
que l'on fait même ordinairement à distance. Le seul trai-
tement curatif de l'enchondrome est l'ablation, méthode
courante pour les enchondromes des parties molles, et
l'extirpation suivie d'évidement pour ceux qui siègent dans
les os. Enfin, dans certains cas, le chirurgien ne pourra
débarrasser le malade de sa tumeur que par la résection
ou même l'amputation. Ch. Debierre.
ENCHYTRAEUS (ZooL). Genre créé par Henleeni837
pour des Annélides oligochètes limicoles. Ce genre est
devenu le type d'une famille spéciale, caractérisée par
l'absence d'anses vasculaires contractiles et par la présence
de quatre rangées de soies courtes, ordinairement recour-
bées à leur extrémité et au nombre de deux à dix par
rangée. Du troisième au sixième segment, les organes seg-
mentaires sont réunis et transformés en glandes salivaires.
Les testicules sont situés dans les segments 10 et 11 ; les
ovaires, dans la cloison qui sépare les segments 11 et 12.
Les réceptacles séminaux débouchent entre les segments 4
et 5. Les pores génitaux s'ouvrent sur le segment 12 ; le
canal déférent aboutit parfois entre les segments 12 et 13.
Ces Vers vivent dans la terre humide, dans le bois pourri
et dans les eaux vaseuses ; ils pondent des œufs très gros,
renfermés chacun dans un cocon. Trois genres principaux :
i« Anachaeta Vejdovsky, 1879 (V. ce mot). — 2o Pachy-
drilus Claparède, 1862. Le sang est rouge ; les soies sont
fortement recourbées ; la rangée dorsale de pores fait
défaut; les organes segmentaires existent dans tous les
segments, à partir du troisième ; les testicules sont pédon-
cules ; l'extrémité inférieure du canal déférent joue le rôle
d'organe copulateur. Pack. KrohiniChi^. vit en Allemagne;
P. verrucosus Clap., en Ecosse. — 3° Enchytraeus
Henle. Le sang est incolore ; on voit un pore sur la ligne
médio-dorsale de chaque segment ; les soies sont ordinai-
rement droites. Les principales espèces sont : E, vermi-
cularis 0. Miiller, E, albidus Henle, E. galba Hoffmann,
E, appendiculatus Buchholz, E. Buchholzi,
Les Enchytraeus peuvent s'observer chez l'Homme à
l'état de pseudo-parasites. En 1839, Curling a décrit
VE, albidus comme un nouvel helminthe, sous le nom de
Dactylius aculeatus : une fillette de cinq ans rendait avec
l'urine des Vers de cette espèce. Nous pensons qu'ils ne
provenaient pas de la vessie, mais que, amenés préalable-
ment au niveau de la vulve par une ablution ou par quelque
autre manœuvre, ils étaient simplement balayés par le jet
de l'urine. — Plus récemment, en 1885, R. Bergh a rap-
porté l'observation d'une paysanne de vingt-neuf ans qui,
à la fin de sa seconde grossesse, vit la production de sa
salive s'exagérer, en même temps qu'elle ressentait des
chatouillements dans la bouche et le pharynx ; ses glandes
salivaires n'étaient pas tuméfiées. La salive renfermait une
masse de petits Vers appartenant à l'espèce E. Buchholzi;
ils avaient sans doute été introduits dans l'estomac par l'eau
de boisson, puis s'en étaient échappés en remontant le long
de l'œsophage. R. Bi-
ENGIN A (Juan de La), poète espagnol, né au village
de la Encina (d'où lui vint son nom) en 1468 ou 1469,
mort à Salamanque en 1534. Il étudia d'abord à Sala-
manque, quitta sa province pour habiter Madrid ; à l'âge
de vingt-cinq ans, il était attaché à D. Fadrique de To-
lède, premier duc d'Albe. Plus tard, Encina s'établit à
Rome , fut ordonné prêtre et nommé directeur de la
musique, dans la chapelle de Léon X ; il abandonna l'Italie
(1519), visita Jérusalem en pèlerin, adora le Saint-Sé-
pulcre, et ne retourna de ce pieux voyage qu'en 1521.
Vers 1534, il obtint un prieuré dans le royaume de
Léon, et alla résider à Salamanque. Six éditions de ses
œuvres [Cancionero de todas obras) et de son poème allé-
gorique, Vision del Templo de la Fama y glorias de Cas-
tilla, parurent de 1496 à 1516. Mais la véritable origina-
lité d'Encina, ce sont ses églogues dramatiques, sacrées
ou profanes, au nombre de onze, dont les premières furent
représentées l'année même de la prise de Grenade et de la
découverte de l'Amérique (1492), comme le remarquent
Rodrigo Mendez de Silva et Augustin de Rojas. Malgré la
primitivité de ces essais, leur manque d'action et surtout
d'intérêt, ils contiennent de ravissants passages idylliques,
au milieu des bizarreries et des anachronismes (l'apôtre
saint Jean fait l'éloge du duc d'Albe à propos de la nais-
sance de Jésus). Encina écrivit une poétique, qui sert d'in-
troduction à son Cancionero, et une médiocre relation de
son pèlerinage à Jérusalem {Tribagia 6 via sagra de Hieru-
salem; Rome, 1521, et autres édit.). Lucien Dollfus.
ENCINAS (Francisco de) (V. Dryander).
ENCINAS (Juan de), poète espagnol du xvi® siècle.
Il pubha les Didlogos de amor, intitulado (sic) Dolo-
rida, por donde pue de justamente un amante , sin
ser notado de inconstante, retirarse de su amor, etc.
(Burgos,1593,in-8).Cet ouvrage, curieux à quelques points
de vue, et intéressant pour la connaissance des idées de
l'époque, manque absolument de valeur littéraire et n'a
jamais été réimprimé depuis.
ENCINAS (Pedro de), poète espagnol du xvi« siècle,
moine de l'ordre de Saint- Augustin. Il essaya d'écrire
des églogues mystiques (les bergeries étaient alors fort à
la mode) et en composa six, en tercets et en octaves,
mais il échoua complètement dans sa tentative. Ses autres
productions lyriques, sur des sujets profanes, sont de
beaucoup supérieures. Les œuvres poétiques de Pedro de
Encinas forment un volume, Versos espirituales (Cuenca,
1596, in-8). On ne sait rien sur la vie de cet auteur.
Lucien Dollfus.
EN C ISO (Martin -Fernandez de), navigateur et géo-
graphe espagnol, né au xv^ siècle, mort dans la première
moitié du xvi«. C'est à bord d'un de ses navires que s'embar-
qua secrètement Vasco Nufiez de Balboa, et que le conquis-
tador quitta Haïti pour le continent américain. Dans la
suite, Balboa força son chef à lui céder le commandement
de l'expédition. Dépouillé de l'autorité, Enciso revint en
Espagne et porta plainte devant Ferdinand le Catholique.
Les richesses du Nouveau-Monde, apportées par Colmenares,
eurent raison des scrupules. Enciso, qui exerçait la charge
à'alguacil mayor, dans la Castille d'Or, et qui l'avait
explorée en tous sens, a écrit un livre, fort rare aujour-
d'hui, Suma de geografia, etc. (Séville, 1519), réim-
primé également à Séville en 1846(in-fol.).
ENCISO (Bartolomé-Lopez de), poète espagnol du
xvi^ siècle, né à Tendilla. Il est auteur d'un long roman
pastoral, en six livres, mélangé de prose et de vers, inti-
tulé Desengano de celos (Madrid, 1586, in-8), œuvre
de sa jeunesse. On y voit les bergers du Tage discourir
en langage alourdi de vaine érudition sur des subtilités
amoureuses, et, quoique l'action se passe à une époque
reculée, cet étrange ouvrage finit par l'éloge de Charles-
Quint, de Philippe H, et même de Philippe lU, qui ne
régnait pas encore. Enciso promet au lecteur une seconde
partie; elle n'a jamais été publiée, ni probablement écrite.
Ticknor lui attribue une pièce de théâtre, Juan Latino.
Dans l'examen satirique des livres de D. Quichotte, le curé
fait jeter par la fenêtre le Desengano de celos.
ENCISO (Diego-Ximenez de), poète espagnol du xyii^ siè-
cle, chevalier de Santiago, né à Séville, dont il fut l'un des
« vingt-quatre ». La volumineuse collection : Comedias
escogidas de los mejores iîigenios (Madrid, 1652-1704,
in-4), renferme plusieurs œuvres de lui, entre autres
ENCISO — ENCLAVE
- 1002 -
deux drames : El Principe D. Cdrlos et la Mayor
Hazana de Cdrlos Quint o, dont l'un met en scène D. Car-
los et Philippe II, l'autre l'abdication et la mort de Charles-
Quint à Yuste. Ces pièces sont remarquables par la vérité
des caractères et la gravité de l'action. Montalvan les pro-
pose comme modèles à ceux qui veulent faire des comedias
grandes.
ENCISO Y MoNzoN (Juan-Francisco de), poète espagnol
de la fin du xvii® siècle. Il écrivit une épopée sacrée sur le
Christ, la Cristiada, pocma sacro tj vida de Jésus
Cristo, etc. (Cadiz, 1694, in-4). Comme beaucoup de
poèmes de cette époque, cette production est pleine d'em-
phase et d'un goût détestable. Lucien Dollfus.
ENCKE (Jonann-Franz), astronome allemand, né à Ham-
bourg le 28 sept. 1791, mort à Spandau, près de Berlin,
le 26 août 1865. Fils d'un pasteur protestant, il vint suivre
à Gcettingue, en 1811, les leçons de Gauss, s'engagea en
1813, comme canonnier, dans la légion hanséatique, reprit
du service en 1815, comme lieutenant d'artillerie, dans l'ar-
mée prussienne, et entra en 1816, avec le titre d'aide-
astronome, à l'observatoire de Seeberg, près de Gotha. Il
dirigea effectivement cet établissement dès 1811, en fut
nommé vice-directeur en i 820, directeur en 1822. En 1818,
il entreprit sur la comète de 1680 une série de calculs qui
lui valurent le prix Cotta. En 1819, il détermina les élé-
ments elliptiques et annonça la périodicité de la comète que
Pons avait découverte à Marseille le 26 nov. 1818 et qui
est connue sous le nom de comète d'Encke (V. t. XII,
p. 20). La décroissance lente et régulière de la période de
révolution de cet astre l'amena à supposer l'existence d'un
miheu interplanétaire pondérable, qui occasionnerait par
sa résistance une diminution progressive du grand axe de
l'orbite ; mais cette explication de V accélération séculaire
devait soulever de nombreuses objections, notamment de
la part de Bessel. Plus tard, il déduisit de ses études sur
les perturbations causées à sa comète par Mercure et Jupi-
ter les masses exactes de ces deux planètes (1838). En
1822, il essaya de déterminer, par une discussion nouvelle
des passages de Vénus de 1761 et 1769, la véritable dis-
tance de la terre au soleil; il trouva 152,921,984 kil.,
correspondant à une parallaxe de 8^''57 (les plus récents
travaux la fixent à 8'"86 environ). Appelé en 1825 à la
direction de l'observatoire de Berlin, qu'il partagea durant
les premiers mois avec Bode, il fut nommé la même année
membre et secrétaire de l'Académie des sciences de cette
ville, membre correspondant de l'Académie des sciences de
Paris, et, en 1844, professeur d'astronomie à l'université
de Berlin. Il conserva ces diverses fonctions jusqu'en 1863,
année où il prit sa retraite. Cette deuxième partie de sa
brillante carrière ne fut pas du reste la moins active. Il
découvrit de 1827 à 1835 plusieurs étoiles doubles, donna
une nouvelle méthode, avantageusement remplacée depuis,
pour la détermination, par quatre observations complètes,
des éléments des orbites de ces couples stellaires, indiqua
une autre méthode (1 854) pour le calcul des orbites et des
perturbations planétaires et réforma à cette occasion la
théorie de l'astéroïde Vesta. Il poursuivit encore beaucoup
d'autres travaux, eut une grande part à l'élaboration de
l'atlas des cartes célestes (1829-1859) et dirigea, à partir
de 1830, le Berliner astronomischer Jahrimch, fondé
par Bode. Outre deux cents mémoires ou articles parus
dans ce dernier recueil (avant et après 1830), dans la
Monatlicher Correspondent de Zach, dans les Astrono-
mische Nachrichten, dans les Abhandlungen de l'Aca-
démie de Berlin, dans les Comptes rendus de l'Académie
des sciences de Paris ^ etc., il a écrit : Die Entfernung
der Sonne (Gotha, 1822-24, 2 vol.); Astronomische
Beobachtungen aiif der Sternwarte zu Berlin (Berlin,
1840-57, 4 vol.); Ueber die Bestimmung der Èntfer-
nungen im Weltgebàude (Berlin, 1842); Be Formulis
dioptricis{BQv[m, 1844); Ueber die Anordnung des Ster-
nensy stems (Berlin 1 844); Ueber das Verhâltniss der As-
tronomie zu den anderen Wissenschaften (Berlin, 1 846) .
Parmi ses mémoires les plus importants, il convient de
citer : Sur la Comète de Van illi (Corresp. de Zach,
1821, V); Ueber die Balm der Vesta {Abhandlungen
de l'Académie de Berhn, 1826) ; Ueber die geographische
Lange und Breite der Berliner Sternwarte (ib., 1829);
Ueber die Begrilndung der Méthode der kleinsten qua-
drate {Berlin. a^^mz./a/irZ?., 1834-35-36); Constanten
fur Berlin {ib., 1839); Ueber den Cometen von Pons
{Abhandlungen, 1844, 1854, 1859) ; Ueber die Astrœa
{ib.^Wil); Eine neue Méthode der Berechnvng der
Planelenstôrungen {Astron. nachr., 1852, XXXIII);
On a Neiv Method of Computing the perturbation of
planets {Nautical Alman., 1856); Ueber die magne-
tische Deklination in Berlin {Abhandlungen, 1857).
Léon Sagnet.
BiBL. : G. Hagen, Notice nécrol. dans les Abhandlun-
gen de l'Académie des sciences de Berlin, année 1866,
p. 1. — Bruhns, J-F, Encke, sein Leben und Wirken;
Leipzig, 1869. — Pour la liste des mémoires d'Encke, cf.
Catalogue of scientific papers, by the Royal Society;
Londres, 1868, t. II, in-4. ^ ^ ' ^ ^ ^'
ENCKE (Erdmann), sculpteur, né à Berlin le 26 janv.
1843, élève d'Albert Wolf. C'est un artiste de talent dont
les œuvres énergiques ont été de bonne heure très appré-
ciées. On lui doit une statue de bronze du margrave
Frédéric F'' de Brandebourg; la statue de la reine
Louise-, un buste de l'actrice Jackmann-Wagner, etc.
11 est professeur à l'Académie de Berlin depuis 1883.
ENCKHAUSEN (Heinrich-Friedrich), organiste et com-
positeur allemand, né à Celle le 28 août 1799, mort le
15 janv. 1885. Il travailla avec son père, instrumentiste
de quelque valeur. En 1816, il fit partie de la musique des
cuirassiers de la garde en garnison à Celle. En 1826, il
se rendit à Berlin et travailla la musique avec Aloïs Schmitt
qu'il suivit à Hanovre, quand celui-ci fut nommé organiste
de la cour. Il succéda à son maître comme organiste de la
cour et directeur de l'école de chant. Il composa environ
soixante-dix œuvres : musique d'harmonie militaire, pièces
de piano, quelques œuvres d'orchestre et un grand nombre
de pièces chorales à quatre voix d'hommes ainsi que des
psaumes et des cantiques pour les églises du royaume. Il fit
représentera Hanovre en 1832 un opéra, Der Savoyarde,
ENCLAVE. I. Architecture. — Nom donné générale-
ment à un terrain enfermé de tous côtés dans la propriété
d'autrui ; mais on appelle encore ainsi toute partie de terrain
ou de construction formant avancée ou angle saillant dans
un terrain ou dans un bâtiment ; ainsi la partie circulaire
d'un escalier prise aux dépens d'un appartement et y en-
traînant une disposition spéciale. — En architecture hydrau-
lique, on désigne sous ce même nom d'enclaves le ren-
foncement ménagé dans les parois d'une chambre d'écluse
pour recevoir les vantaux des portes de cette écluse lors de
leur ouverture. Charles Lucas.
II. Droit civil. — Dans le langage juridique, le nom
d'enclave désigne l'état d'un fonds entouré de tous côtés
par des fonds appartenant à autrui. Cette situation de fait
donne lieu à la servitude de passage, dont traitent les
art. 682 et suivants du C. civ. Aux termes de ces ar-
ticles, le propriétaire d'un fonds enclavé peut réclamer,
pour l'exploitation de son fonds, un passage sur les fonds
voisins, à la cliarge d'une indemnité proportionnée au dom-
mage que peut occasionner l'exercice de cette servitude.
On admet généralement qu'on doit considérer comme en-
clavés, non seulement les fonds qui sont privés de toute
issue sur la voie publique, mais encore ceux qui n'ont pas
une issue suffisante pour leur exploitation. Le passage
peut être réclamé par l'usufruitier ou l'usager, aussi bien
que par le propriétaire ; mais il ne pourrait l'être par un
simple fermier, sauf à celui-ci à s'adresser au propriétaire
pour se le faire procurer. La servitude de passage est im-
posée à tous les fonds voisins du fonds enclavé, quelles que
soient d'ailleurs la nature physique et la condition juri-
dique de ces fonds : ainsi les enclos tenant ou non aux
habitations, tels que parcs, cours et jardins, y sont soumis
— 1003 —
ENCLAVE — ENCLUME
uussi bien que les terrains ordinaires et non clos ; de
même les fonds dotaux sont, malgré leur inaliénabilité, su-
jets à cette servitude. Toutefois, lorsque renclave est le
résultat de la division, par suite de partage ou d'aliénation
partielle, d'un fonds qui, dans son intégrité, avait accès sur
la voie publique, le passage devant être fourni, en vertu
d'une convention tacite, par le propriétaire de la portion
de ce fonds qui touche à la voie publique, il ne peut plus
être réclamé des autres voisins. Comment s'établit le pas-
sage ? En principe il doit être pris sur les fonds voisins
qui présentent le trajet le plus court pour arriver à la voie
publique. Ce principe n'est pas toutefois tellement absolu
que les juges ne puissent s'en écarter, soit dans l'intérêt
des fonds voisins, soit même dans celui du fonds enclavé,
si la situation des lieux ou des circonstances particulières
l'exigent. Dans tous les cas, le passage doit être fixé dans
l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel
il est accordé. Le droit de réclamer le passage nécessaire
à l'exploitation d'un fonds enclavé est de sa nature impres-
criptible ; au contraire, le droit de demander l'indemnité
due à raison du passage est soumis à la prescription de
trente ans, qui commencent à courir du jour où le passage
a été exercé. Quant à la servitude de passage elle-même,
comme elle est établie par la loi, elle ne peut être acquise
par la prescription ; mais, à défaut de règlement conven-
tionnel ou judiciaire sur l'assiette du passage, la posses-
sion trentenaire a pour effet de la déterminer d'une ma-
nière irrévocable. La loi n'accordant au propriétaire du
fonds enclavé le droit de passage sur les fonds voisins qu'à
raison de Tenclave, ce droit ne peut plus être réclamé,
lorsque l'enclave vient à cesser, soit par l'établissement
d'un chemin, soit par la réunion du fonds originairement
enclavé à un fonds ayant accès sur la voie publique. Il en
est autrement lorsque l'enclave est le résultat d'un par-
tage ou d'une aliénation partielle ; la servitude de passage
due, en pareil cas^ par suite d'une convention tacite, con-
tinue de subsister malgré la cessation de l'enclave.
Georges Lagrésille.
III. Droit international. — En droit international, on
dit qu'un territoire est enclavé lorsqu'il est entièrement en-
touré par le territoire d'un autre Etat. Ainsi, en Italie, la
république de Saint-Marin est enclavée dans le royaume d'Ita-
lie. En France, au contraire, la principauté de Monaco, Etat
indépendant, et la république d'Andorre, Etat vassal à la
fois de la France et de l'Espagne, ne sont pas enclavés ;
le premier a un débouché sur la Méditerranée et le second
est situé entre la France et l'Espagne. En Allemagne, les
duchés d'Anhalt sont des enclaves de la Prusse. — On
donne encore le nom d'enclave à de simples portions de
territoire qui relèvent de souverains différents de celui des
territoires d'alentour. Ce fait, autrefois très fréquent en
Allemagne, n'y a pas encore complètement disparu.
ENCLAVE-de-la-Martinière (L'). Com. du dép. des
Deux-Sèvres, arr. et cant. de Melle; 560 hab.
ENCLIQU ETAGE (Mécan.). Dispositif ayant pour but
de transformer un mouvement circulaire alternatif en un
mouvement circulaire discontinu, mais dirigé constamment
dans le même sens. Les encliquetages employés dans les
ateliers sont généralement de deux sortes : à rocket ou à
frottement. Dans les encliquetages à rochet, qu'on em-
ploie surtout pour la transmission des efforts de faible
importance, l'arbre conduit porte une roue dentée dont les
dents formant un angle aigu, ont une face dirigée dans le
prolongement du rayon, tandis que l'autre est oblique sur
celle-ci et forme une sorte de plan incliné par rapport à
elle. Un levier articulé sur l'arbre, et qui peut se mouvoir
indépendamment de celui-ci, porte une branche articulée
formant cliquet à rochet dont la pointe recourbée vient
s'intercaler dans l'un des espaces libres laissés entre les
dents successives de la roue, et elle est maintenue dans
cette position par un ressort fixé au levier. Lorsqu'on fait
mouvoir le levier dans un sens déterminé, il entraîne la
roue par le rochet, qui s'appuie sur la face radiale de la
dent correspondante ; mais, lorsqu'on relève le levier en le
faisant tourner en sens contraire, l'entraînement s'arrête,
la dent du rochet glisse en effet sur le plan incliné formé
par la face oblique de la dent de roue, jusqu'à ce qu'elle
aille tomber dans le vide suivant : la roue reste immobile
et elle est entraînée à nouveau seulement dans le sens ini-
tial. Le mouvement ainsi déterminé est assez lent, car la
roue ne tourne que pendant une demi-oscillation du levier.
Dans les encliquetages à frottement, la disposition des or-
ganes en contact assure l'entraînement par frottement dans
un sens déterminé de rotation, tandis que, dans le sens
opposé, certaines pièces se trouvent coincées par le mou-
vement même et opposent ainsi une résistance absolue à
l'entraînement. L. K.
ENCLOUURE (Art vétér.). Blessure des tissus intra-
cornés faite par les clous qui attachent le fer. Les causes sont
l'inattention ou l'inhabileté des ouvriers maréchaux. Cer-
tains pieds sont plus que d'autres prédisposés à l'enclouure :
tels sont les pieds maigres, chez lesquels la corne est très
mince, et peu éloignée des tissus sous-jacents. Elle pro-
vient aussi de la façon dont le fer est percé ou étampé ;
que si, par exemple, le fer est étampé trop gras, il y a
chance pour que le clou meurtrisse et détermine l'enclouure.
Le clou mal affilé, le mauvais clou dont la lame est pail-
leuso, peut s'infléchir également sur le tissu vivant et
causer l'enclouure. Si un cheval est encloué, le premier
signe qui en est la manifestation est la boiterie, boiterie
qui apparaît tantôt immédiatement après la ferrure, tantôt
plusieurs jours, ou même plusieurs semaines après. Si^ la
boiterie apparaît de suite après la ferrure, la première
indication est de déferrer l'animal, d'enlever les clous et
de s'assurer lequel lui cause de la souffrance. Une goutte
de sang apparaît à la paroi dans le point piqué; on dégage
la paroi et la sole à l'endroit correspondant, on panse
avec de l'étoupe imbibée d'essence, et on remet le fer
avec des clous, mais en évitant d'en placer un à l'endroit
qui a été piqué. Si la boiterie se manifeste quelque temps
après le ferrage, on déferrera le pied, on le parera et par
la pression des tricoises on reconnaîtra facilement le point
douloureux. Ce point trouvé, on dégage sole et paroi, on
fait écouler la suppuration, on incise les parties malades,
cariées ou nécrosées, on les cautérise à l'acide nitrique, on
applique un pansement et on remet le fer. Il est rare que
le mal ne guérisse pas. L. Garnier.
ENCLUME. L Technologie. — Masse en fonte ou en
fer sur laquelle on forge les métaux à froid ou à chaud.
L'enclume en fonte, composée d'un métal cassant, est pour-
tant employée dans les grosses forges par suite de l'avan-
tage qu'elle présente qu'on peut en repasser les morceaux
aux fours d'affinage ou de fusion. L'enclume ordinaire est
en fer aciéré ; la surface doit être dure et lisse, présentant
au milieu une partie plane en forme de parallélogramme
qu'on appelle la table avec un trou carré destiné à rece-
voir un tranchet pour couper le fer. Les deux extrémités
portent le nom de « bigornes » et sont terminées en pointe,
l'une ronde, l'autre quadrangulaire, afin de permettre au
forgeron d'ébaucher des objets en métal de formes diverses,
ronds ou à angles vifs. La fabrication des enclumes exige
l'emploi de fers et d'aciers de natures diverses. La surface
doit être en acier trempé; on la forme avec des bouts
d'acier assemblés par un lien en fer, qui sont soudés sur
le paquet en fer formant le corps de l'enclume, et comme
la haute température nécessaire pour la soudure dénature
l'acier, on est obhgè de cémenter la surface en faisant
chauffer l'enclume dans une boîte de cément et on ^ la
trempe en la maintenant sous l'action d'un courant continu
d'eau froide. L» K.
IL Musique. — L'imitation du bruit de l'enclume ou
plutôt du rythme des coups de marteau sur l'enclume a été
souvent tentée par les musiciens descriptifs, aussi bien en
des opéras ou des poèmes symphoniques qu'en des fantaisies
pour piano et des morceaux de musique dansante. A la
scène, on a plusieurs fois associé, sur des rythmes prévus
ENCLUME — ENCOiMIUM
1004 —
et s'accordant avec ceux de l'orchestre, le son même de l'en-
clume à la symphonie insirumentale. L'enclume joue alors
le rôle d'un instrument à percussion où la hauteur absolue
du son est indiiférente, l'effet utile ne provenant que de la
sonorité métallique, claire et brève qui est produite, et de
son rôle rythmique dans l'ensemble. C'est du reste aussi
le cas du triangle. Verdi s'est servi de cet effet pittoresque
dans un chœur du Trovatore, et M. Georges PleifFer dans
un petit opéra-comique, précisément intitulé l'Enclume,
Mais les exemples les plus typiques de cet emploi se trou-
vent dans r Anneau du Nibelung de R. Wagner; Mime
d'abord, Siegfried ensuite, au premier acte de Siegfried^
martèlent l'acier sur l'enclume, et, au troisième tableau du
Rheingold, dix-huit enclumes doivent se faire entendre
derrière la scène, pendant l'interlude qu'on appelle quel-
quefois « la descente à Nibelheim ». Alfred Ernst.
ENCLUMETTE (ArtilU). Nom donné àla petite enclume
que contient le culot des cartouches pour canon à balles ;
sous l'action d'un des percuteurs du mécanisme du canon,
elle se porte en avant, frappe l'amorce et la fait détoner.
ENCOCHE (Techn.). Généralement petite entaille pra-
tiquée sur une pièce de mécanique ; en serrurerie, l'en-
coche est l'entaille faite sur le pêne ou sur la gâchette
d'une serrure pour former arrêt (V. Serrure).
ENC0I6NÉ (V. Encoignure).
ENCOIGNURE (Archit.). Angle rentrant ou saillant
formé par deux parties de mur et nécessitant des dispositions
spéciales dans l'appareil de leur maçonnerie. Lorsque même
l'angle saillant formé par la rencontre de ces deux parties
est trop aigu, on fait ce que l'on appelle un pan coupé,,
c.-à-d. que l'on coupe l'encoignure sur un plan vertical
et suivant un plan perpendiculaire à la bissectrice de
l'angle formant cette encoignure. On donne aussi le nom
d'encoignure aux angles saillants d'un bâtiment ou aux
angles formés par un corps de logis principal avec des bâ-
timents en aile formant avant-corps ou arrière-corps.
ENCOLLAGE. I. Beaux-Arts. — Opération consistant à
enduire d'une ou plusieurs couches de colle de parchemin les
toiles à peindre, destinées ensuite à recevoir une couche
de blanc de céruse. On fait aussi subir l'encollage aux bois
destinés à être dorés à la détrempe. Les papiers destinés
au lavis et à l'aquarelle sont encollés à l'aide d'un mélange
fait de savon blanc, de colle de Flandre, d'alun et d'une
faible partie d'alcool.
IL Tissage (V. Apprêt).
E N C 0 L P 1 A (Reliquaires) ( Archéol. chét .) . Ety mologique-
ment ce mot, qui vient de xoXtûoç, poitrine, signifie tout
ce que l'on porte sur la poitrine ; dans l'archéologie chré-
tienne, il a pris un sens plus particulier et désigne de
petites boîtes en métal, destinées à recevoir des rehques
ou des versets de l'Evangile inscrits sur un bout de par-
chemin, et que l'on portait suspendues au cou par une
chaînette. Les textes anciens attestent que de très bonne
heure les chrétiens firent usage de ces encolpia. Saint
Grégoire de Nazianze, Paulin de Noie, saint Jean Chrysos-
tome en mentionnent l'existence ; plus tard, Grégoire de
Tours en parle fréquemment, et le patriarche Nicéphore
déclare qu'à l'époque des empereurs iconolastes la chré-
tienté était pleine de ces petits monuments. Les encolpia^
généralement formés de métal précieux, parfois aussi de
bronze ou de verre, affectent des formes diverses : les uns
sont carrés, d'autres ovales; à partir du iv® siècle, ils
prennent fréquemment la forme d'une croix. — Un assez
grand nombre de ces petits monuments nous ont été con-
servés. Parmi eux, il faut nommer les deux encolpia
trouvés en 1571 à Rome dans les tombeaux du Vatican;
ce sont des boîtes carrées, pourvues d'une boucle à la
partie supérieure, et portant sur une de leurs faces une
colombe, sur l'autre le monogramme du Christ entre les
lettres A et w (fig. i). Un autre encolpium en forme de
bulla a été trouvé dans le tombeau de l'impératrice Maria,
femme d'Honorius; on y voit le monogramme du Christ et
le nom de la princesse et de son époux avec l'inscription
Vivatis. Beaucoup à'encolpia en forme de croix nous sont
parvenus. Le plus ancien de cette sorte est une croix pec-
torale en or trouvée à Rome
dans les fouilles de Saint-
Laurent-hors-les-Murs ; elle
est munie de vis fermant
une cavité où était contenue
la relique, probablement une
parcelle de la vraie croix
(fig. 2). Le musée chrétien
du Vatican conserve plu-
sieurs croix de cette sorte,
décorées d'inscriptions ou
de figures; le trésor de
Monza possède encore celle
que le pape Grégoire le
Grand envoya à la reine
Théodelinde. On peut également considérer comme des
encolpia les petites fioles renfermant des huiles recueillies
au tombeau du Christ ou des martyrs, et dont le trésor de
Monza (îonserve plusieurs exemplaires, également adressés
par Grégoire le Grand à Théodelinde, et les clefs d'or ren-
fermant de la limaille des chaînes de saint Pierre, dont il
est question en plusieurs passages de la correspondance de
Grégoire le Grand.
Dans un sens plus général, le mot encolpium désigne
tous les objets religieux, médaillons, pierres gravées,
figures symboliques, médailles de dévotion, que les fidèles
portaient suspendus au cou par piété. Il faut citer dans
cette seconde classe d' encolpia les poissons symboliques
en or, en bronze, en ivoire ou en cristal, les médaillons
de verre portant des figures religieuses, les croix et sur-
tout les médailles commémoratives du baptême ou d'un
autre événement considérable, et sur lesquelles sont repré-
sentées des scènes fréquemment rencontrées dans les pein-
tures des catacombes : le Bon Pasteur, le Sacrifice
d'Abraham, etc. Les plus anciennes de ces médailles datent
du iii^ siècle. Ch. Diehl.
ENCOMIUM. Ce mot grec (£yxc6|jliov) veut dire éloge et
vient de */6lj[xo; (procession). Il désignait spécialement des
poèmes chantés en l'honneur des vainqueurs des jeux publics
par le cortège de leurs amis ; mais les encomia se distin-
guaient des epinicia, qui avaient un caractère plus élevé,
plus solennel, et s'exécutaient souvent dans les temples.
Héphestion appelle encomiologicos un vers qui fut pro-
bablement employé dans ces sortes de poèmes ; il est d'un
mouvement rythmique bien marqué où alternent avec grâce
une mesure rapide et une autre plus lente ; il est composé
de deux dactyles et demi, plus deux iambes et demi. D'ail-
leurs on appelait aussi encomia des éloges funèbres, tels
que l'éloge que fit Simonide des guerriers morts aux
Thermopyles [Diod,, XI, 11). On employa même ce terme
pour désigner des éloges quelconques en vers ou en prose.
iOOo —
ENCOMIUM ~ ENCRE
par exemple rencomium d'Hélène, attribué au sophiste Gor-
gias, différents discours d'Isocrate, etc. A. W.
ENCONTRE (Daniel), savant géomètre et théoloî>ien
protestant, né le 30 juil. 1762, mort le 46 sept. 1818,
tils de Pierre Encontre, pasteur du désert. Destiné par ses
parents à la carrière ecclésiastique, Encontre fit à Lau-
sanne et à Genève de brillantesé^tudes théologiques (1780-
1788) et, à son retour, desservit d'abord comme « propo-
sant » quelques églises du Bas-Languedoc, puis comme
pasteur l'égHse des Vans. Mais, contramt par une laryngite
de renoncer à la prédication , il alla se perfectionner à
Paris dans l'étude des mathématiques , pour lesquelles il
avait de si bonne heure montré des aptitudes remarquables.
Au moment de la Terreur, Encontre se réfugia à Mont-
pellier et se livra tout entier à l'enseignement, occupant
la chaire de belles-lettres à l'école centrale de cette ville,
puis celle de mathématiques à la faculté des sciences dont
il fut nommé doyen (1808). Sa carrière semblait devoir se
terminer par l'étude des sciences, quand il fut appelé à
remplir la chaire de dogme à la faculté de théologie de
Montauban (1814).— Depuis 1809, il préparait avec quel-
ques collaborateurs une nouvelle édition de la Bible quand
il fut surpris par la mort. Daniel Encontre a écrit sur les
branches les plus diverses des sciences et des lettres ; voici
un aperçu de la Hste de ses ouvrages : Mémoire sur la
théorie des probabilités ; Recherches sur la botanique
des anciens; Commentaire sur la mécanique céleste de
Laplace; Dissertation sur le vrai système du monde,
comparé avec le récit que Moïse fait de la création (Mont-
pellier, 1807) ; Lettres à M. Combes-Dounous, sur Platon
et les apôtres (Paris, 1811); Traité de l'Eglise (en
latin) ; Mémoires sur sa propre vie. G. Bonet-Maury.
ENCONTRE (Pierre-Antoine), fils du précédent, né à
Anduze le 1 0 juin 1798, mort à Montpellier le 9 févr. 1 847 .
Il professa la médecine jusqu'en 1823, puis occupa, à la
faculté de théologie de Montauban, la chaire de littérature
grecque. Savant aussi modeste qu'habile à enseigner, il sut
attirer à ses cours une affluence considérable d'élèves assi-
dus et dévoués. Encontre n'a laissé que des ébauches de
travaux théologiques, parmi lesquelles il faut signaler un
Discours sur la patristique (1839) et une llevue théo-
logique, fondée par lui à Montauban, qui parut en 1840
et en 1841.
BiBL. : LiCHTENBERGER, Encyclopédie des sciences reli-
gieuses. — Haag, la France prolestante.
ENCORE Agassiz (Zool.). Genre d'Echinodermes, classe
des Echinoïdes, famille des Scutellides, appartenant à ce
groupe que caractérisent des perforations ou des incisures
dans les rayons et une perforation impaire derrière l'anus
qui est situé près de la bouche ; ce genre est très voisin
des Melitta, dont il diffère principalement, entre autres
caractères, par les pores génitaux, au nombre de cinq au
lieu de quatre, et parce que la cavité intestinale est parta-
gée en deux étages par une cloison horizontale. Toutes les
espèces à'Encope appartiennent à l'époque actuelle et
vivent sur les côtes d'Amérique. R. Moniez.
ENCORBELLEMENT. L Architecture.— Toute saillie,
corniche, balcon, tourelle et même partie avancée d'étage
qui porte à faux hors le nu d'un mur. Les encorbellements
reposent généralement sur des modillons, des corbeaux, des
consoles, des cariatides ou des parties de solives encastrées
dans le mur de face où saillit l'encorbellement. La cons-
truction en encorbellement remonte à la plus haute anti-
quité, car les plus anciens constructeurs eurent recours à
ce système de construction pour diminuer les portées des
linteaux formant les baies et pour créer, au-dessus de ces
baies, des parties triangulaires ajourées formant décharge.
Les maisons de Rome et de Pompéi avaient des balcons
dont la saillie réglée par la loi était portée en encorbelle-
ment sur des abouts de solives et, pendant tout le moyen
âge et la Renaissance, dans les rues étroites des cités, les
étages supérieurs s'avançaient en encorbellement sur l'étage
inférieur; enfin, de nos jours, il n'est pas rare de voir un
corridor de dégagement créé par encorbellement au long
d'une façade. La construction en encorbellement a produit
les motifs les plus pittoresques de l'architecture du moyen
âge et de la Renaissance, et si, à notre époque, il est interdit
dans les villes de construire des étages en encorbellement
formant saillie sur la voie publique, il faut reconnaître
que les encorbellements autorisés pour saillies de couver-
ture, de corniche, de balcon, de tourelle et même d'angle
de bâtiment apportent une heureuse diversité sur les façades
souvent trop nues et manquant de relief de nos construc-
tions urbaines. Charles Lucas.
IL Marine. ^- Construction en saillie et en porte à
faux des demi-tourelles qui servent pour le tir des canons
du pont à bord de certains bâtiments, et qui débordent la
paroi verticale de la muraille. Cette construction augmente
énormément le champ de tir de la pièce qui peut battre
alors près de 180^, depuis l'extrême arrière jusqu'à l'extrême
avant.
ENCOTYLLABE (Zool.). Genre de Trématodes mono-
génèses tristomiens, créé par Diesing en 1850. Monticelli
considère ces Vers comme constituant une famille particu-
lière. Le corps est allongé, un peu rétréci en arrière ; les
deux ventouses antéro-latérales sont grandes, pédonculées,
à bord rephé ; la ventouse postérieure est également pédon-
culée et armée de deux gros crochets. Ces Vers vivent dans
les cavités buccale et pharyngienne des Poissons de mer.
Deux espèces : E. Nordmanni Diesing, dans le gosier de
la Castagnole (Brama Raii) ; E. pagelli Van Beneden et
Hesse, dans la cavité et les commissures de la bouche du
Rousseau (Pagellus centrodontus). Parona et Perugia
signalent aussi, sans la décrire, une espèce qui vit sur les
branchiesdu Crenilabruspavo, dans la Méditerranée. R. Bl.
ENCOUBERT (V. Tatou).
ENCOUNTER (Baie). Baie del'Australie du Sud, entre le
cap Bernouilli, le cap Jervis et l'Ile des Kangourous, par
33« 30' et 37« lat. S., 13B« 40' et 137« 38' long. E. ;
elle communique par le détroit de Backstairs avec la baie
Saint-Vincent au N. 0. ; elle reçoit le fleuve Murray et
renferme d'excellents mouillages : Port Victor au N., la
baie Lacépède au S. — Près du rivage septentrional, sur le
Murray, est une ville du même nom.
ENCOURTIECH. Com. du dép. de l'Ariège, arr. et
cant. de Saint-Girons; 301 hab.
ENCOURTINEIViENT(Ameubl.). Garniture d'une cham-
bre, d'un lit ou d'un siège en étoffe ou en papier de ten-
ture. L'encourtinement désignait spécialement la pose des
courtines autour du lit. On l'étendit par la suite à la déco-
ration des rues ou des édifices qu'à l'occasion des fêtes
on encourtinait de tapisseries ou de pièces d'étoffes.
Depuis le xvi* siècle, ce terme fréquent, au moyen âge, a
cessé d'être en usage.
ENCRATISTES (V. Apotactique, Marcion, Saturnin,
Sévère).
ENCRE (Chim. ind.). L'emploi de l'encre remonte à
plusieurs siècles avant l'ère chrétienne ; elle devait être
connue dès la plus haute antiquité, puisqu'il en est fait
mention dans le Pentateuque de Moïse, sous le nom de
dego, et dans Jérémie, chap. xxxvi, v. 18. Sa composition
se rapprochait beaucoup de l'encre de Chine ordinaire ; il
y entrait du charbon très divisé, ou du noir de fumée dé-
layé dans de l'eau additionnée de gommes végétales. Les
empereurs se servaient d'une encre pourpre qu'ils avaient
seuls le droit d'employer, et deux célèbres peintres athé-
niens, PolygnoteetMycon, inventèrent l'encre de marc de
raisin, nommé truginon, qui veut dire fait de lie de vin.
On peut diviser les encres en cinq classes principales :
\^ encres noires liquides et communicatives pour écrire
sur le papier ; 2° encre sèche dite de Chine ou à dessin ;
3" encres colorées ; 4** encres à marquer le linge et les
étoffes ; 5^ encres autographiques, lithographiques, typo-
graphiques, pour taille-douce, et toutes les encres pour écrire
sur la pierre, le zinc, le cuivre et autres métaux poli est
grenés. Une bonne encre à écrire doit satisfaire aux condi-
ENCRE
1006 —
lions suivantes : 1° les caractères formés avec elle doivent
être suffisamment foncés, nets et d'un noir bleuté ; 2° la
matière colorante doit pénétrer à une certaine profondeur
dans le papier ; S"* ne pas s'enlever par un simple lavage à
l'eau ; 4"" ne pas s'altérer à l'air ni dans l'encrier ; 5« le
liquide doit adhérer à la plume et ne couler que par l'ap-
position de celle-ci sur le papier.
Les encres noires sont généralement composées de tan-
nate et de gallate de peroxyde de fer en suspension dans
de l'eau contenant un peu de gomme ou autres épaisissants
destinés à empêcher ou retarder la précipitation de la ma-
tière colorante, à donner du corps et un certain vernis aux
caractères. En résumé, la base est toujours formée d'un
principe colorant dissous ou intimement mêlé à un véhicule
liquide, additionné de gomme, de sucre et de quelques
corps destinés à la préserver des altérations dues à la for-
mation de microzoaires et de champignons; ces corps sont
l'acide phénique, salicylique, le sublimé, la créosote, les
huiles essentielles, etc., mais on ne saurait approuver
l'emploi de substances toxiques par la raison que les en-
fants et même les grandes personnes ont souvent l'habi-
t»de de porter fréquemment les plumes à leur bouche et
qu'il pourrait résulter des accidents de l'addition de sub-
stances très actives. Sans citer ici toutes les formules de
préparation de l'encre ordinaire, nous donnerons la sui-
vante comme type d'une encre d'un très beau noir :
Noix de galle concassée 2 kilogr.
Sulfate de fer cristallisé, | —
Gomme arabique ^1 ~"
Eau de pluie • • • /^f ^^j;
On épuise complètement la galle avec 20 à ^io lit. d eau.
On passe à travers une toile ; on ajoute à la liqueur claire
d'abord la gomme, puis le sulfate de fer, que l'on a fait
dissoudre séparément dans le reste de l'eau. On agite le
mélange de temps en temps, et on l'abandonne au contact
de l'air jusqu'à ce qu'il ait acquis une belle teinte noir
bleuâtre. On laisse alors reposer, on décante et on enferme
l'encre dans des bouteilles bien bouchées. Dans le com-
merce, cette encre est appelée encre double, celle dite
simple contient son volume d'eau en plus. Les dépôts noirs
de tannate et de gallate de fer résultant de la décantation
sont vendus comme boues d'encre aux emballeurs et mar-
queurs de caisses. L'encre préparée d'après cette formule
générale est un peu terne ; on lui donne du brillant par
l'addition d'un peu de sucre et de sulfate de cuivre, mais
ce dernier corps a l'inconvénient de précipiter du cuivre
sur les plumes métalliques, ce qui les empâte^ et les rend
cassantes. Souvent aussi l'encre jaunit, ce qui est dû à un
excès d'acidité du sulfate de fer ; on y remédie en ajoutant
un alcali pour neutraliser l'acide libre. La noix de galle
qui est assez chère est fréquemment remplacée par d'autres
écorces riches en tanins, telles que le sumac, le bois de
campêche, l'écorce de chêne, etc., mais le noir obtenu est
moins beau et l'encre plus altérable. Voici quelques-unes de
ces recettes économiques :
Noix de galle 96 gr.
Bois de campêche "^^
Couperose verte 'j^
— bleue 32
Gomme arabique 32
Sucre ^ ,.
Eau 21^t.
On peut obtenir avec le bois de campêche seul une encre
presque aussi bonne que l'encre ordinaire, telle que l'encre
de Bunge, d'Erdmann, qui est une combinaison d'hémateine
et d'oxyde de chrome ; on la prépare en mélangeant 4,000 p.
de décoction de bois de campêche (1 p. de bois pour 7 p.
d'eau) avec d p. de chromate jaune de potasse dissous
dans 1 p. d'eau et 0s25 de bichlorure de mercure. Cette
encre, d'un noir pur, se distingue par sa soKdité, sa beauté
et son bas prix.
L*encre communicative ou de transport dont le com-
merce fait grand usage pour la copie des lettres à la presse
86 ^T.
96 gr.
82
33^
32
32
dO
»
32
64
40
»
2 lit.
2 lit.
est composée de 3 p. d'encre ordinaire additionnée de 4 p.
de sucre candi et quelquefois d'un peu de glycérine. Depuis
que Lewis fit paraître, en 4764, un traité sur les encres
et les procédés de les rendre indélébiles, il a été publié une
foule de travaux sur le même sujet ; mais toutes les encres
essayées dans ce but ont le défaut d'être trop épaisses, de
s'écouler difficilement de la ylume sans pénétrer le papier et
de donner des dépôts considérables qui finissent par laisser
une encre presque incolore. En outre, ces encres ont le
grand inconvénient de pouvoir s'effacer mécaniquement et
résistent mal à un grattage. Celles vendues comme indélé-
biles contiennent, pour la plupart, une certaine dose de
carbone incorporé et participent alors au défaut de sépara-
tion du principe décolorant par la décantation. L'Académie
des sciences a conseillé l'encre de Chine en solution éten-
due et légèrement acide ou alcaline ; le milieu alcalin est
préférable pour les plumes métalliques, et ce produit a
l'avantage de faire pénétrer l'encre dans le papier. M. Graille
a fait connaître une encre indélébile composée en faisant
dissoudre du gluten frais dans de l'acide pyroligneux et
incorporant au liquide savonneux ainsi obtenu une petite
quantité de noir de fumée et d'indigo. Cette encre résiste à
la plupart des réactifs qui altèrent l'encre ordinaire. L'encre
nouvelle de Mathieu Plessy est aussi donnée comme inal-
térable ; elle est préparée avec des matières colorantes dé-'
rivées de la fabrication de l'acide pyroligneux. M. Crè, de
Lyon, a composé une encre dite encre diplomatique, qui
résiste aux alcalis, aux acides, au chlore, et est ineffaçable
par lavage ou grattage ; elle est préparée avec un carbone
particulier. On a expérimenté en ces derniers temps une
encre à base de matières vitrifiables en suspension dans un
Hquide épaissi, et destinée à être employée concurremment
avec du papier d'amiante, ce qui offrirait l'indestructibi-
lité ; la pratique n'a pas encore sanctionné son emploi.
Eiicre de Chine. L'encre de Chine, dont l'importation
en Europe remonte fort loin, est originaire de l'Inde. Ac-
tuellement, on l'imite parfaitement en France comme qua-
lité, et voici une recette qui donne de bons résultats :
Noir de fumée purifié 4 p.
Suc de réglisse 4
Colle de poisson 6
Eau 42
On dissout le suc de réglisse dans une petite quantité
d'eau ; d'un autre côté, on fait fondre la colle dans le reste
de l'eau et, après avoir mélangé les deux liquides, on^ y
incorpore le noir de fumée. La pâte qui en résulte est mise
dans des moules enduits de cire et séchée soit au soleil,
soit à l'étuve. La pâte peut être aromatisée par du musc ou
du camphre, marquée et dorée avant entière dessiccation.
De la pureté du charbon employé dépend la qualité de
l'encre et sa solidité ; le noir de fumée purifié par des dis-
solvants énergiques, potasse, acides, carbures liquides, et
calciné en vase clos, donne les meilleurs résultats.
Encres de couleur. Les encres de couleur sont, soit
des décoctions de bois de Brésil, de campêche, _ addition-
nées de gomme, d'alun, d'acétate de cuivre, soit des dis-
solutions de cochenille, de carmin ou de laque de garance
pour les encres rouges; la graine d'Avignon, la gomme-
gutte pour les encres jaunes ; l'indigo, le bleu de Prusse en
solution oxalique pour l'encre bleue, et le mélange de
celle-ci avec la gomme-gutte pour l'encre verte. Voici
quelques recettes d'encres rouges les plus employées :
Encre rouge de Ferrari
Bois de Brésil 96 gr.
Alcool à 22« 250
Après macération pendant quelque temps, on filtre et on
ajoute 40 gr. d'alun et 40 gr.de gomme avec un peu de sucre.
Encre pourpre
Bois de campêche 42 gr.
Eau 420
Verdet 4
Alun 44
Gomme. ..... o 4
— 1007 —
ENCRE — ENCRIER
Même préparation que ci -dessus.
L*encre de Kuhlmann est composée d'une décoction de
cochenille additionnée de silicate de potasse; la solution
de la laque de garance dans l'acide pyroligneux donne aussi
une belle encre rouge. La plupart des couleurs d'aniline
sont actuellement employées et fournissent directement des
encres colorées de bonne qualité qui remplacent avanta-
geusement dans beaucoup de cas les couleurs végétales.
V encre d'imprimerie, ainsi que les encres lithogra-
phiques, sont essentiellement composées de charbon et
d'huile siccative, le plus souvent d'huile de lin épurée et
rendue siccative en la faisant bouillir dans des chaudières
de fonte ou mieux de cuivre, jusqu'à ce qu'elle laisse dé-
gager des vapeurs combustibles que l'on fait brûler quel-
ques minutes pour obtenir l'huile ou vernis à la flamme,
puis on éteint en appliquant le couvercle sur la chaudière.
Dans d'autres fabriques, on chauffe l'huile dans des chau-
dières fermées jusqu'à consistance voulue et sans enflam-
mer les vapeurs. Après avoir subi cette sorte de cuite,
l'huile est devenue épaisse et visqueuse ; elle n'est plus
bue par le papier et sèche rapidement. Souvent on aug-
mente encore sa viscosité en y dissolvant de la poix noire
ou de la résine colophane. Le point exact de la cuisson de
l'huile exige une grande* pratique et beaucoup de soins,
sous peine d'obtenir, au lieu de vernis, un produit caout-
chouté qui ne peut être utilisé ; c'est le point délicat de la
fabrication des encres grasses.
L'encre d'imprimerie n'est, en somme, qu'une sorte de
vernis très siccatif, composé d'huile, de noir de fumée et
quelques autres substances destinées à lui donner du mor-
dant et plus de brillant. Sa préparation comprend trois
opérations principales : 1° fabrication du noir ; 2*^ prépa-
ration de l'huile cuite ou vernis ; 3° mélange et broyage
du vernis avec le noir. Le noir est préparé par la combus-
tion des huiles lourdes, riches en carbures d'hydrogène,
dans des cornues ad hoc ; les gaz sont enflammés et le
noir recueilli dans des grandes chambres qui ont jusqu'à
3,000 m. c. ; pour le priver des goudrons et huiles qui se
sont condensés en même temps, on le calcine en vase clos.
Le mélange et le broyage de l'huile cuite avec le noir s'opè-
rent à l'aide de broyeuses à cylindres de granit pour éviter
réchauffement et l'altération de la pâte. Il faut plusieurs
passages pour obtenir l'homogénéité et la finesse de grain
nécessaire. Ainsi, à l'Imprimerie nationale, les encres fines
à vignettes subissent de dix à douze passages et tritura-
tions successives.
Pour l'imprimerie en taille-douce, qui exige une encre
grasse spéciale, l'huile ne doit pas être cuite aussi loin, et
rester susceptible de ne pas adhérer ; le noir est formé,
dans ce cas, par un mélange de noir d'os et de noir de lie
de vin. Les encres lithographiques et autographiques dif-
fèrent peu des précédentes ; la base colorante est toujours
le carbone, le vernis seul est plus léger, surtout pour le
dessin; voici deux formules courantes :
I
Savon 93
Cire vierge 125
Suif de mouton 62
Gomme laque blonde 93
Noir q. s.
II
Savon n
Cire vierge 40
Mastic en larmes .. . 10
Gomme laque blonde 28
Noir 9
Les encres pour écrire sur le zinc et le fer-blanc, ainsi
que les étiquettes de jardin exposées à l'humidité, sont com-
posées par des sels métalliques en solution additionnés de
noir de fumée et recouverts ou non d'un vernis inaltérable.
On a une bonne encre pour écrire sur le zinc en prenant :
Acétate de cuivre en poudre (verdet).
Sel ammoniac —
Noir de fumée
Eau
On mêle ces poudres dans un mortier et on y ajoute peu
à peu la quantité d'eau indiquée. Pour l'emploi, il faut
avoir soin de l'agiter ; les caractères formés ne tardent pas
Ip.
1
1/2
10
à noircir et à acquérir une grande solidité. On peut rem-
placer le noir de fumée par toute autre matière colo-
rante minérale. Pour écrire sur le fer-blanc, on peut
employer une solution étendue d'azotate de cuivre addi-
tionnée d'un épaississant et de noir de fumée.
Enfin les encres de sympathie, connues depuis fort
longtemps, sont composées de liquides qui ne laissent
aucune trace visible sur le papier et que des agents chi-
miques font apparaître avec diverses couleurs. Tous les sels
métalliques peuvent servir à cet usage en employant comme
révélateur des réactifs susceptibles de produire soit un
précipité, soit une coloration. L'encre de sympathie la plus
sensible est composée avec une dissolution très étendue de
chlorure de cobalt additionné d'un peu de chlorure de fer.
Les caractères tracés avec cette encre sont invisibles et
apparaissent en vert foncé par laction de la chaleur; ils
disparaissent de nouveau sous l'influence de l'air humide.
Ch. GmARD.
ENCRE (V. Albert, 1. 1, p. 1149).
ENCRIER. I. Archéologie. — Petit réservoir destiné à
recevoir et à conserver l'encre pour écrire : faisait autre-
fois partie de Vescritoire, d'où est venu qu'on a souvent con-
fondu les deux objets. Dans Vescritoire, c'était une petite
bouteille de verre ou de corne, généralement placée près des
pennes (plumes), du canivet (canif), du style de plomb à
régler le parchemin : séparé, il s'appelait cornet. A par-
tir du xiv^ siècle, on
le trouve mentionné,
seul, dans les inven-
taires. Charles VI
avait un encrier d'ar-
gent doré : les plombs
trouvés dans la Seine
et conservés au musée
de Clunyne nous font
connaître que les en-
criers du XV® et du
xvi® siècle. Jusqu'au
XVIII® siècle, comme
ils étaient mal fermés,
ils se répandaient fré-
quemment. Baradelle,
ingénieur du roi, in-
venta en 1735 un en-
crier à fermeture hermétique qui prit son nom : les encriers
à pompe font leur apparition en 1791. F. de Mély.
IL Technologie. — On a donné aux encriers toutes
sortes de formes et on en fabrique avec toutes sortes de
de matériaux : verre, porcelaine, marbre, bronze, etc.
Parmi les diverses espèces ^ui ont été ou qui sont encore
le plus employées, il faut citer l'encrier siphoïde, l'en-
crier à pompe et V encrier inversable , (jui ont pour
but de soustraire l'encre à l'action de l'air qui la décom-
pose lentement et de ne jamais permettre à la plume de
prendre une quantité d'encre trop
considérable. L'encrier siphoïde
consiste en un réservoir en verre
fermé par le haut et muni par
le bas d'un tube latéral qui fait
siphon avec le réservoir et qui sert
de godet. — V encrier à pompe
(fig. 2) se compose d'un vase
ordinairement en porcelaine, dans
lequel plonge un cylindre plein
soutenu par une vis fixée au
couvercle; ce réservoir est percé
latéralement au-dessus du niveau
habituel du liquide d'un petit
trou qui vient aboutir au fond du godet où l'on plonge la
plume. Le vase étant plein, si l'on tourne le bouton qui
forme la tête de la vis, le cylindre s'enfonce dans l'encre
qu'il déplace et force à remonter dans l'intervalle annu-
laire compris entre le cylindre et la paroi du réservoir ;
Fig. 1. -Encrier en ploml) (xv« s.)
(Musée de la Ville de Paris.)
Fig. 2. — Encrier à
pompe (Coupe.)
ENCRIER - ENCYCLOPÉDIE
— 1008 —
dans ce mouvement ascensionnel, le niveau de Tencre atteint
le trou latéral qui communique avec le ^odet où elle s'élève
plus ou moins suivant le degré d'immersion du cylindre. En
tournant le bouton en sens inverse, on fait remonter le cy-
lindre et l'encre rentre dans le réservoir : on a ainsi l'avan-
tage de conserver l'encre à l'abri de l'air et de la poussière.
— L'encrier inver sable est le type le plus perfectionné : il
se compose d'un récipient en verre à large base fermé par
une monture en étain sur laquelle se visse un couvercle de
même métal, au centre duquel se trouve un cylindre creux
dont l'extrémité inférieure, en forme de cône, va presque
toucher le fond de l'encrier. L'encre pénètre par la petite
ouverture conique dans le cylindre oii la plume va la
puiser. Il suffit de dévisser le bouchon d'un demi-tour, puis
de le revisser pour faire remonter l'encre au fur et à
mesure des besoins journaliers. — Citons enfin les encriers
de poche à fermeture hermétique, double ou simple, petits
réservoirs de verre enfermés dans un étui en bois ou en
fer-blanc recouvert d'une peau.
BiBL. : Archéologie. — Lacurne de Sainte-Palaye,
Dictionnaire raisonné de Vancien langage finançais, v° En-
crier. — Havard, Dictionnaire de l'ameublement et de la
décoration, t. II, p. 398.
EN CRI NE (Encrinus) (Paléont.). Genre de Crinoïdes
(V. ce mot) fossiles créé en 1735 par Guettard, sous le
nom d'Encrinites, et devenu pour les modernes le type
d'une famille (E?icrinidœ), qui ne renferme que des formes
éteintes. Les caractères de cette famille sont : calice sur-
baissé cupuliforme, à base dicyclique. Iiifrabasalia très
petits, au nombre de cinq, recouverts par l'article supérieur
de la tige. Cinq parabasalia grands et cinq radialia. Les
bras au nombre de dix ou de vingt, robustes, non divisés,
sont accolés les uns aux autres formant une pyramide :
ils ont deux rangées d'articles ou sont à rangées alter-
nantes. La tige est ronde. Le type est Encrinus lilii-
formis du Muschelkalk, que nous avons figuré au mot Cri-
noïdes (V. ce mot). Tous les Crinoïdes de ce genre sont
du trias, et ce sont les plus anciens des Articulata. Les
têtes d'Éncrines se rencontrent dans les couches de cette
époque, notamment dans les Vosges (près de Lunéville),
dans les Alpes méridionales, le Brunswick, les environs de
Berlin, la Silésie supérieure, le Wurttemberg, etc. On en
trouve aussi dans le trias d'Asie (Himalaya). Les ar-
ticles détachés de la tige forment dans certaines localités
de véritables bancs (calcaire à Encrines ou Trochites) qui
attestent l'abondance de ces Echinodermes qui formaient
de véritables forêts sous-marines, et la longueur de la tige
qui s'accroissait presque indéfiniment. Les genres C 'lelo-
crinus, Dadocrimis, Calathocrinus et Porocrinus ap-
partiennent à la même famille et diffèrent i^en à' Encrinus.
Les têtes d'Encrines avaient déjà attiré l'attention des
anciens, et Agricola les considère comme le résultat d'infil-
trations semblables à des stalactites. Les noms vulgaires
de Grains de rosaire, Larmes de géants. Pierres étoilées,
Entrochites, etc., leur ont été appliqués au moyen âge.
Lhuid, Ellis, Guettard ont été les premiers à reconnaître
leur véritable nature. Linné en faisait sa Pennatula en-
crinus, et plaçait le seul Crinoïde vivant que l'on connût
(Pentacrinus) dans son genre Isis. Le genre Encrinus
de Guettard a été définitivement adopté par Lamarck, Cu-
vier et tous les auteurs modernes. E. Trouessart.
ENCRINOÏDES ou ENCRiNID>€ (V. Encrine et Eucri
NOÏDES).
ENCRINURUS (Paléont.). Genre de Trilobites type de
la famille des Encriiiuridœ qui présente les caractères sui-
vants : carapace trilobée, enroulable; tête assez grande,
tuberculée, à coins postérieurs arrondis ou pointus ; gla-
belle bien limitée, grande suture partant du bord externe
en avant des coins et traversant le bord frontal. Thorax de
onze à douze segments, parfois terminés en pointe. Pygi-
dium assez grand, sans limbe, à segments nombreux, à
lobes latéraux couverts de côtes. Les genres Cybele, Den-
dymene, Encrinurus et Cromus composent cette famille
qui est du silurien inférieur et supérieur de Suède, de
Russie, de Bohême, de Grande-Bretagne et de l'Amérique
du Nord (V. Trilobites). E. Trt.
ENCUVAGE (Blanch.). Opération par laquelle on dépose
les pièces de tissus dans les chaudières à blanchir ou à
aviver. Il est nécessaire d'observer certaines règles pour
l'encuvage, surtout dans le blauchiment. Il importe de
donner à la marchandise, en boyau, une inclinaison de
43^ environ dans un sens pour la première couche et la
même inclinaison dans le sens opposé pour la deuxième
couche et ainsi de suite ; le liquide pénètre plus facilement
et plus régulièrement. En retorsant les pièces, comme
elles sortent des clapets, sans observer cet agencement, on
a de grandes inégalités dues à la circulation imparfaite du
bain dans les tissus. L. K.
ENCUVEMENT (Trav. publics). Conduite en maçonne-
rie établie dans le sol des voies publiques, pour recevoir
les conduites d'eau ou de gaz. Ces canaux souterrains,
dont il n'a encore été fait qu'un usage restreint, ont pour
objet de remédier notamment aux inconvénients nombreux
que présentent les conduites de gaz placées dans des tran-
chées faites au milieu des rues ; il faut, à chaque abonne-
ment nouveau, ouvrir, dans le trottoir et dans la chaussée,
une tranchée pour poser le tuyau communiquant avec la
conduite centrale ; il en est de même quand on veut chan-
ger les dispositions premières ou réparer une fuite; ce der-
nier cas exige de plus de longues recherches, le tout au
grand détriment de la salubrité publique et de la circula-
tion. L'encuvement, maçonné et recouvert de dalles faciles
à enlever, simplifiele problème. Nous pouvons citer une ap-
plication qui a été faite de ce système au Palais-Royal, à
Paris, sous la direction de M. Chabrol. L. K.
ENCYCLIQUE. Lettre adressée par le pape à tous les
évêques de l'Eglise catholique romaine ou unis à elle, or-
dinairement avec cette suscription : Venerabilibus Fra-
tiibus Patriarchis Primatibus Archiepiscopis et Episco-
piscatholici Orbis universis gratiam et commumonem
cum Apostolica Sede habentibus, l>lè3inmoms l'encyclique
In plurimis sur l'esclavage n'a été adressée qu'aux
évêques du Brésil. Dans les encycliques, le pape commu-
nique aux évêques ses vues sur les droits et les devoirs,
les besoins et les épreuves de l'Eglise ; il parle comme le
pasteur suprême, chargé d'instruire, d'exhorter et de
diriger. — Dans les constitutions dogmatiques et les
brefs dogmatiques, il agit comme législateur et juge, et
il s'adresse à tous les chrétiens : Universis Christi fide-
libus. E--H. V.
ENCYCLOPÉDIE. Généralités. — On appelle encyclo-
pédie un ouvrage embrassant l'ensemble des connaissances
humaines ; ces enseignements sont distribués sous une
forme méthodique, de manière à faire ressortir la cohésion
intime des diverses sciences et des divers arts et à les
ordonner selon des cadres rationnels. Une encyclopédie est
donc plus et mieux qu'un dictionnaire, lequel se borne à
réunir le plus de renseignements possibles sur un sujet
donné. En dehors des encyclopédies générales ou univer-
selles, il existe des encyclopédies spéciales exposant seu-
lement une science ou un groupe de sciences, mais toujours
d'un point de vue d'ensemble et en rattachant les faits de
détails aux principes fondamentaux.
Le mot d'encyclopédie ne fut appliqué à ces traités
universels qu'à partir de la seconde moitié du xyi® siècle ;
cependant le mot et la chose remontent à l'antiquité. Ce
que les anciens appelaient encyclopédie (Ij/uyAio; Tuaiôsta),
c'était l'ensemble des connaissances générales que tout
homme instruit devait posséder avant d'aborder la vie
pratique ou de se consacrer à une étude spéciale. On y
comprenait la grammaire, la musique, la géométrie, l'as-
tronomie, la gymnastique; c'était à peu près la même
chose que ce qu'on dénommait les arts libéraux, dont le
nombre fut fixé à sept après Marcianus Capella : gram-
maire, dialectique, rhétorique, arithmétique, géométrie,
musique, astronomie. Terentius Yarro , dans son grand
— 1009 —
ENCYCLOPÉDIE
ouvrage (Disciplinarum libri IX), et Marcianus CapeQa,
dans le Satiricon (vers 415 ap. J.-C), donnent des ency-
clopédies au sens ancien du mot, c.-à-d. quelque chose
d'analogue à nos manuels du baccalauréat. Il existait aussi
des encyclopédies spéciales, comme celle rédigée par
Speusippe, disciple de Platon, le traité d'archéologie de
Varron (Rerum humanarum et divinarum antiqui-
tates) et V Histoire naturelle de Pline.
Au moyen âge, on a rédigé de véritables encyclopédies.
On a essayé de rassembler en un ouvrage la totalité des
connaissances humaines, et, à mesure que domina davan-
tage l'esprit philosophique, on s'efforça de les coordonner
à des points de vue généraux. Les Originum seu etymo-
logiarum libri XX d'Isidore de Se ville (vers l'an 600) ne
sont guère dépassées par le De Universo de Raban Maure,
mais le sont tout à fait par les ouvrages de Vincent de
Beauvais, dont le Spéculum majus, rédigé vers 1260,
est une œuvre colossale.
Au temps de la Renaissance, lorsque l'imprimerie se
fut répandue, on vit paraître plusieurs compilations ency-
clopédiques, celles de Ringelberg {Cyclopœdia, Bâte,
1559), de Scalich (Encyclopœdia, Bâle, 1559), de Mar-
tini (1606), d'Alsted (Encyclopœdia, Herborn, 1620).
Elles sont d'une valeur médiocre : l'esprit philosophique
leur manque, et la classification est défectueuse. Celui qui
prépara les encyclopédies vraiment dignes de ce nom, en
établissant les principes de la classification des sciences,
fut le fameux Bacon. C'est d'après la même méthode que
fut composée la fameuse Encyclopédie de Diderot et
d'Alembert. Pour tout cet exposé général, nous renvoyons
à la Préface de notre Grande Encyclopédie, où le lecteur
trouvera d'abondants renseignements.
L'Encyclopédie (de Diderot et d'Alembert). —
Pour les contemporains, V Encyclopédie fut avant tout
l'œuvre de d'Alembert et plus encore de Diderot, mais ce
jugement, que la postérité a ratifié, ne serait qu'à demi
équitable si une large part n'était faite aux collabo-
rateurs, dont les chefs ont, d'ailleurs, aussi longtemps
qu'ils l'ont pu, proclamé bien haut les services. Ainsi qu'il
arrive souvent pour des œuvres très célèbres, la gestation
de celle-ci a été singulièrement laborieuse, et les compé-
titions n'ont pas manqué pour réclamer la paternité de
l'idée première. Sans remonter jusqu'à Bacon, ni même à
Chrestophle de Savigny, le « gentilhomme rethelois », au
profit de qui Delisle de Sales voulait déposséder le chan-
celier d'Angleterre, il est certain que la conception de
V Encyclopédie ne germa pas inopinément dans le cerveau
de ceux qui lui donnèrent sa forme définitive et qu'il
s'agissait en principe, dans la pensée de ses éditeurs, d'une
simple spéculation de librairie. On a dit plus haut (V. Di-
derot) comment le bruit du succès de la Cyclopœdia,
de Cbambers, étant venu à la connaissance de Briasson et
de Le Breton, ceux-ci sollicitèrent et obtinrent un privi-
lège pour donner de ce dictionnaire une traduction abrégée
qu'ils avaient confiée à un Anglais nommé John Mills et à
un Allemand nommé Godefroy Sellius. Bientôt Le Breton
rompit le traité, non sans violence, si l'on en croit une
plainte déposée par Mills devant le Châtelet, et s'adressa,
pour traiter la même matière, à un mathématicien, l'abbé
Gua de Malves, esprit ingénieux et hardi, mais paresseux
et inconstant. Gua de Malves, après avoir, dit-on, conseillé
aux libraires un plan tout différent et beaucoup plus vaste,
se déroba quand il fallut l'exécuter et leur présenta
Diderot. Sous l'impulsion de celui-ci, l'œuvre projetée
changea définitivement de proportions et de but ; un nou-
veau privilège fut obtenu pour vingt ans, un autre titre
fut adopté, un codirecteur (d'Alembert) fut adjoint à
Diderot, et tous deux, après avoir déterminé respectivement
les parties qu'ils entendaient traiter, recrutèrent les adhé-
sions des écrivains ou des savants les plus qualifiés pour
mener à bien une tâche gigantesque : Voltaire s'enrôla des
premiers et avec l'ardeur qu'il apportait en toutes choses.
Montesquieu promit plus qu'il ne put donner, mais laissa
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
en mourant l'article Goût. Rousseau prit pour sa part la
théorie et la pratique de la musique. Dans son célèbre
Discours préliminaire, et plus tard dans V Avertissement
du t. VII, d'Alembert a énuméré presque tous les noms
de ceux qui avaient concouru à l'entreprise ; mais, faute de
place, on ne saurait ici rappeler que les principaux d'entre
ces ouvriers de la première heure : Daubenton s'était chargé
de l'histoire naturelle, l'abbé Mallet de la théologie, l'abbé
Yvon de la métaphysique, de la logique et de la morale,
Dumarsais de la grammaire, l'abbé de La Chapelle de l'arith-
métique et de la géométrie élémentaire. Le Blond des ar-
ticles de fortification, de tactique et d'art militaire, Gous-
sier de la coupe des pierres, d'Argenville du jardinage et
de l'hydraulique, J.-N. Bellin de la marine, J.-B. Le Roy
de l'horlogerie et de la description des instruments d'as-
tronomie. Tarin de l'anatomie et de la physiologie, Van-
denesse de la matière médicale et de la pharmacie, Louis
de la chirurgie, Malouin de la chimie, Landois de la pein-
ture, sculpture et gravure, Blondel de l'architecture,
Cahusac de la chorégraphie et de la technique théâtrale, etc.
Mais, fidèles au but qu'ils s'étaient fixé, les directeurs de
V Encyclopédie n'avaient pas un instant perdu de vue que
la description des arts mécaniques et la représentation
exacte de leur fonctionnement était la partie la plus neuve
et la plus essentielle du travail auquel ils s'étaient engagés.
Aussi, après les metteurs en œuvre des matériaux accu-
mulés, viennent les noms de ceux qui les avaient fournis.
D'Alembert n'oublie personne, depuis les savants qui
s'étaient contentés de fournir des notes ou, comme on
disait alors, des « mémoires », tels que le vieux médecin
Camille Falconet, le fermier général Dupin, le comte d'Hé-
rouville de Claye, lieutenant général, jusqu'aux industriels
et aux ouvriers qui avaient, devant Diderot et ses aides,
démonté et remonté leurs métiers, fourni toutes les expli-
cations nécessaires et donné des croquis dont Goussier se
servait pour dessiner les planches destinées à accompagner
chaque description. C'est la première fois que ce légitime
hommage était rendu à des travailleurs obscurs, et ce sim-
ple détail a, par sa date, une importance capitale. On pres-
sent que des temps nouveaux sont proches.
D'après le prospectus rédigé par Diderot, VEncyclo-
pédie ne devait primitivement comporter que dix volumes
in-folio, dont deux de planches; mais ce chiffre fut promp-
tement reconnu insuffisant, et le premier tome fut d'ailleurs
accueilli avec un tel succès que ni les libraires ni les sous-
cripteurs ne se plaignirent alors des développements néces-
saires qu'elle devait prendre. Ce n'était pas toutefois sans
peines et sans dangers que l'œuvre était enfin venue à
terme et promettait d'être viable : la détention de Diderot
à Vincennes (1749), la suspension provisoire du tome I,
les polémiques intéressées, les critiques justifiées ou per-
fides avaient salué sa naissance et entravé ses premiers
pas. Mais elle réussit à conjurer tous les périls jusqu'aux
fameux arrêts du 10 oct. 1758, qui prononçait l'exa-
men du septième volume par une commission de théolo-
giens, du 8 mars 1759 qui révoquait le privilège, et du
21 juillet suivant qui prescrivait le remboursement aux
souscripteurs des 72 livres qu'ils avaient versées à titre
d'avance pour les volumes restant à paraître. En apparence,
c'en était fait de V Encyclopédie, et ses détracteurs pous-
sèrent de retentissants cris de triomphe ; mais ils comp-
taient sans l'énergie de son principal « entrepreneur » et
aussi sans la bienveillance (d'autres diraient la connivence)
du directeur général de la librairie, Lamoignon de Males-
herbes, et du lieutenant de police Sartines, sans la pro-
tection secrète, mais efficace de M°^^ de Pompadour, sans
la générosité de M^^ Geoffrin. Si Malesherbes et Sartines
n'avaient point volontairement fermé les yeux sur l'im-
pression et le tirage des planches qui se poursuivaient dans
l'atelier des libraires associés, si M"'^ de Pompadour n'avait
point obtenu de l'indolence naturelle du roi qu'il n'eût
point égard aux dénonciations parvenues jusqu'à lui, si
M"^^ Geoffrin n'eût pas avancé, plusieurs fois, d'assez
64
ENCYCLOPÉDIE
— 1040 —
fortes sommes pour parer aux dépenses que les souscrip-
tions ne pouvaient plus couvrir, le zèle de Diderot et du
chevalier de Jaucourt, son infatigable auxiliaire, se serait
heurté à d'insurmontables obstacles. Personne, d'ailleurs,
plus que Diderot, ne se rendait mieux compte de tous les
disparates que devait présenter une publication de cette
importance poursuivie et achevée dans des conditions aussi
défavorables. Le jugement qu'il portait sur l'ensemble, pré-
cisément au mot Encyclopédie, il le confirmait en termes
non moins sévères dans une conversation qu'il eut en 1768
avec Panckouke et d'autres libraires au sujet d'un supplé-
ment, dont il refusa d'ailleurs de se charger. Encore
n'avouait-il que devant ses amis les plus intimes la véri-
table cause du mécompte et du découragement que trahis-
saient ses propos, les mutilations clandestines accomplies
par Le Breton ou son prote, sur les épreuves revêtues du
dernier bon à tirer. « Il était convaincu que le public voyait
comme lui ce qui manquait à chaque article, et l'impossi-
bilité de réparer ce dommage lui donnait encore de Thumeur
vingt ans après », dit M^« de Vandeuil, dont le témoignage
a éfé confirmé en termes presque identiques parNaigeon. —
« Chose inouïe, dit Grimm en racontant la stupeur de
Diderot et en transcrivant sa véhémente lettre à Le Breton,
je n'ai jamais entendu aucun des auteurs maltraités se
plaindre ; l'intervalle des années qui s'est écoulé entre la
composition et l'impression de leurs articles leur avait sans
doute rendu leur ouvrage moins présent, et l'on mit tant
d'entraves à la publication des dix volumes que l'édition se
trouva vendue aux souscripteurs de province et des pays
étrangers avant que les auteurs en eussent pu hre une seule
ligne ! » Grimm écrivait ceci au mois de janv. 1771. L'im-
pression de V Encyclopédie était terminée depuis 1765.
Diderot semblait avoir le droit de revenir à ses travaux
personnels, quand il se trouva mêlé, par son imprudence
habituelle, à un procès qui pouvait gravement compromettre
son repos. Un homme de lettres qui s'était, de son auto-
rité privée, institué éditeur d'un Cours d'histoire natu-
relle et de géographie et d'autres livres d'éducation,
Luneau de Boisjermain, s'était vu inquiéter par Briasson et
Le Breton, syndics de la librairie, en raison de ses pubh-
cations, contraires aux règlements en vigueur de la corpo-
ration. Usant de représailles, il engagea contre eux une
longue instance tendant à se faire restituer, à lui et aux
autres souscripteurs de V Encyclopédie, le surplus des
souscriptions que les éditeurs de cet ouvrage, légalement
supprimé, n'avaient pas remboursé. A ce grief, en^ appa-
rence fondé, il rattacha mille chicanes de détail et, qui plus
est, produisit dans les factums dont il accabla ses adver-
saires (avec la collaboration de Lin guet, au moins pour le
premier mémoire), plusieurs lettres où Diderot donnait tort
aux libraires. Profitant d'un voyage de Grimm en Angle-
terre, « parce que, dit celui-ci, lorsqu'on veut faire une
sottise, il faut savoir s'en cacher de ses amis », Diderot
répondit en termes hautains aux dénonciations de Luneau
et revendiqua pour lui seul la responsabilité de tous les
accroissements de V Encyclopédie. Bien plus, dans une
brochure intitulée iit public et aux magistrats et signée
de son nom (1771, in-8), il affirma de nouveau cette res-
ponsabilité. Les libraires donnèrent tout au long, à la suite
de leur factum, la lettre que Diderot leur avait adressée et
que Luneau s'efi'orça de nouveau de réfuter. Mais la bro-
chure, sans doute sur un conseil officieux, fut supprimée
avec tant de soins qu'on n'en connaît présentement qii'un
seul exemplaire (à la Bibliothèque impériale de Saint-
Pétersbourg). Après plusieurs années de lutte, Luneau fut
définitivement débouté de ses prétentions et condamné aux
dépens (juil. 1778).
Une autre accusation qui poursuivit longtemps les
libraires et l'éditeur de V Encyclopédie, fut celle que
fomenta et propagea l'architecte Patte, au sujet des plan-
ches destinées à accompagner les descriptions d'arts et
métiers et copiées, selon lui, sur celles dont l'Académie
des sciences avait ordonné l'exécution. Chargée par Colbert
de rédiger une série de monographies des diverses sciences
et professions manuelles, l'Académie avait quelque peu
oublié la tâche assignée par son protecteur ; la renommée
de V Encyclopédie naissante vint secouer sa torpeur et
les matériaux préparés par Filleau des Billettes (1634-1720)
furent confiés à Béaumur dont la mort seule (1756) inter-
rompit le zèle, puis à Duhamel du Monceau et à un grand
nombre de collaborateurs recrutés parmi les membres de
l'Académie, ses correspondants, ou de simples particuliers.
La publication, interrompue par la Révolution, ne fut
jamais reprise, malgré les efforts de Camus qui dressa, en
1798, dans les Mémoires de l'Institut naissant, la liste
des Arts qui restaient à traiter. Voici, dans l'ordre alpha-
bétique des noms de leurs auteurs, un tableau sommaire
des descriptions mises au jour avec la date de leur publi-
cation. Toutes sont de format in-folio et ornées de plan-
ches plus ou moins nombreuses.
Beauvais-Raseau, Indigotier (1770, 11 pL). — Bedos
de Celles (Dom Fr.), Facteur d'orgues (1766-73, 137 pi.).
— Blakey (W.), Ressorts démontres (1780, \1 pi.).—
Chaulnes (duc de). Instruments de mathématiques
(1768), Description d'un microscope (1768, 6 pi.). —
Demachy (Jacques-François), Distillateur d'eau- forte
(1775, 12 pi.); Distillateur-liquoriste (1773, 12 pi.).
— Dudin, Relieur et doreur de livres (1772, 16 pi.).
— Duhamel du Monceau (H.-L.), Colles (différentes sortes
de) (1774, 3 pi.); Amidon (1775); Pipes à fumer
(1771, 11 pi.); Tapis faconde Turquie connus sous le
nom de tapis de la Savonnerie (1766, 4 pi.); Etofl'es
de laine (1766, 5 pL); Corderie (4764, 8 pi.) ; Dra-
perie (draps fins) (1765, 15 pi.); Raffmeur de sucre
(1790, 10 pi.); Fil d'archal (1768, 5 pL); Cartier
(1762, 5 p].); Chandelier (1761, 3 pi.); Charbonnier
(1771); Cirier (1762, 8 pi.); Couvreur (1766, 4 pL);
Potier de terre (1773, 17 pL); Savonnier (1774, 6 pi.);
Serrurier (1767, 42 pi.); Tuilier et briquetier (1760,
10 pi.), avec Fourcroy de Ramecourt et Gallon (V.
aussi Jars). — Fougeroux d'Angerville, Criblier (suite
du Parcheminier de Lalande) (1772, 2 pi.). — Fouge-
roux de Bondaroy (Auguste-Denis), Pierre d'ardoise
(1762, 4 pi.); Cuirs dorés et argentés (1762, 2 pi.);
Coutelier en ouvrages communs (1772, 7 pi.); Jonne--
lier (1763, 6 pL). — Fourcroy de Ramecourt (Ch.-Bi-
chard). Chaufournier (1766^15 pi.); Tuilier et brique-
tier (V. Duhamel du Monceau). — Gallon ou Galon,
Cuivre rouge (1764, 18 pi.). — Garsault (Fr.-Alex.),
Rourrelier et sellier (1774, 15 pi.); Cordonnier (1767,
5 pi.); Lingère (1771, 4 pi.); Paumier-raquetier
(1767, 5 pi.); Perruquier et baigneur-étuviste (1767,
5 pi.); Tailleur, culottier , couturière et marchande de
modes (1769, 16 pi.). — Hulot, Tourneur-mécanicien
(1^^ partie, seule parue) (1775, 44 pi.). — Jars (Ga-
briel), Brique et tuile de Hollande (fabrication et cuis-
son) (1767, 1 pi.) (V. Duhamel). — Lagardette (A.-M.
de), mombier-fontainier (1773, 23 pL). Anonyme. —
Lalande (Joseph-Jérôme Le François de), Cartonnier
(1763, 30 pi.); Chamoiseur (1763, 4 pi.); Corroyeur
(1767, 2 pi.); Maroqimùer (1766, 1 pL); Papier (fabri-
cation du) (1761, 16 pi.); Parcheminier (1762, 5 pL);
Hongroyeur (1766, 1 pi.); Mégissier (1765, 2 pi.);
Tanneur (1764, 3 pi.). — Lemonnier (P.-C), histru-
ments d'astronomie (4774). — Le Vieil (P.), Peinture
sur verre (1774, 13 pi.). — Lucotte (J.-R.), Maçonnerie
(1783, 18pl.).—Macquer (Pierre-Joseph), T^m^wr^msofg
(1763, 7 pi.). — Malouin (?.-L), Meunier, Vermicellier,
Boulanger (1767, 6 pi.). — Milly (Nicolas -Christiern
de Thy, comte de), Porcelaine (1771, 8 pi.). — Morand
(J.-F.-Clément), Charbon déterre (1768-1779, 4 sections
et une table des matières suivie d'additions, 72 pi.). —
Nollet (l'abbé Jean-Antoine), Chapelier (1775, 6 pL). —
Paulet (de Nîmes), Fabricant d'étoffes de soie (7 sec-
tions, 1773-4789, 195 pL). — Perret (J.-J.), Coutelier
et instruments de chirurgie (1771-1772, deux sections,
— 1011 —
ENCYCLOPÉDIE
122 pi. ). — Réaumur (René- Antoine Ferchault de), Fer
fondu (nouvel art d'adoucir le) (1762, 15 fig.); Epin-
glier (avec additions et remarques, par Duhamel du Mon-
ceau et Perronnet [1762, 10 pi.]); Ancres (di\ec additions
par Duhamel du Monceau). — Roland de LaPlatière(J.-M.),
Etoffes en laine (deux parties, 1780, 17 pi.) — Romme
(Charles) et Chapmann, Voilerie (1781, 9 pL). — Roubo,
Layetier (1782, 7 pL); Menuisier (3 parties et 4 sec-
tions, 1769-1775, 28 pi.). — Saint-Aubin (Ch.-Germain
de). Brodeur (1777, 10 pL). — Salmon (de Chartres),
Potier d'étain (1788, 32 pL).
Toutes ces Descriptions des arts et métiers faites et
approuvées par MM. de r Académie des sciences ont
été réimprimées à Neufchâtel (1771-1783, 19 vol. in-4),
avec observations et augmentations par J.-E. Bertrand.
Les analogies inévitables que Ton pouvait constater entre
les planches commandées par l'Académie et celles àeV En-
cyclopédie ne justifiaient nullement l'accusation de plagiat
imaginée par Patte. La plupart avaient été gravées anté-
rieurement au début de la mise au jour des Descriptions
et pour un très grand nombre d'arts se trouvaient être
plus nombreuses 'et plus détaillées dans V Encyclopédie.
Aussi Panckouke et divers autres libraires pensèrent-ils
faire et firent, en effet, une excellente affaire en rachetant
aux libraires associés les planches au prix de 250,000 fr.
Tout d'abord, Panckouke avait proposé une refonte de V En-
cyclopédie^ avant même que la première édition de celle-
ci ne fût achevée; mais, dit Grimm avec raison, les sous-
cripteurs ne se souciaient pas de concourir par de nou-
velles avances à rendre celle-ci inutile, et Panckouke dut
renoncer à son projet. Une réimpression intégrale du texte
primitif, accompagnée d'un supplément qui devait se vendre
séparément aux possesseurs de la première édition, fut
mieux accueillie. La distribution en était commencée
lorsque l'assemblée du clergé, tenue en 1770, se plaignit
de cette tolérance au roi, et les trois premiers volumes fu-
rent saisis, transportés à la Bastille, d'où ils ne sortirent
qu'en 1777. En même temps, un pasteur de l'Eghse fran-
çaise de Bâle, Pierre Mouchon, rédigeait une table ana-
lytique qui pouvait s'adapter aux diverses éditions françaises
de V Encyclopédie. Un exemplaire, pour être complet, doit
donc comporter les dix-sept volumes du texte de Diderot et
de ses collaborateurs, quatre volumes de Supplément,
onze volumes de planches, dont un afférent au supplément,
et deux volumes de tables. L'Encyclopédie a été en outre
l'objet de réimpressions multiples, les unes conformes au
texte authentique, les autres très modifiées et parfois même
entièrement dénaturées. Parmi les premières, on cite celles
de Genève et Lucques (1751-1767), avec notes d'Octavien
Diodati, de Genève (1777, 39 vol. in-4, dont 3 de pi.);
de Lausanne et de Berne (1777-1779, 36 vol. gr. in-8 et
3 vol. de pi. in-4). L'édition donnée par Fortuné-Barthélémy
de Felice à Yverdon (1770-1780, 58 vol. in-4) a eu de
nombreux collaborateurs dont la dernière édition du i)îc-
tionnaire des anonymes de Barbier donne la liste. En
dépit de ces contrefaçons d'une introdution d'ailleurs tou-
jours^ difficile en France, le succès de VEncyclopédie
n'était pas encore épuisé quand Panckouke singénia à le
renouveler sous une autre forme : renonçant cette fois à
l'ordre alphabétique, le plus commode à coup sûr, mais
assurément le moins scientifique, il lança, en 1781, le
prospectus d'une refonte générale par ordre de matières.
La spéculation au début s'annonça comme excellente, mais
les événements politiques, aussi bien que le progrès des
sciences, la rendirent par la suite singulièrement onéreuse,
et, quand elle fut enfin achevée (1832), cinquante ans
s'étaient écoulés entre la publication du premier et celle
du dernier de ses 166 volumes, accompagnés de 6,439
planches ! Diderot, qui avait pu voir le début de cette
entreprise colossale, avait autorisé Naigeon à insérer, en
les retouchant au besoin, ses articles sur l'histoire de la
philosophie ; ceux de d'Alembert sur les sciences exactes
avaient également reparu avec des additions par Condorcet,
Bossut, La Chapelle, etc. Aussi Panckouke avait-il légiti-
mement décoré le frontispice de VEncyclopédie métho-
dique d'une très belle planche d'Augustin de Saint-Aubin
offrant, avec les médaillons accolés de Diderot et de d'Alem-
bert, ceux des principaux coopérateurs de l'ancienne et de
la nouvelle Encyclopédie : Voltaire, Rousseau, Daubenton,
La Marck, Condorcet, Dumarsais, Marmontel, etc.
Les principales divisions de VEncyclopédie métho^
dique se répartissent ainsi qu'il suit :
Agriculture, par l'abbé Tessier, Thouin, Fougeroux de
Bondaroy, Bosc et Baudrillard (1787-1821, 7 vol. in-4).
— Anatomique (système), par Yicq d'Azyr et Cloquet
(Termes d'anatomie et de physiologie. (Juadrupèdes, mam-
mifères et oiseaux, reptiles, mollusques, poissons, etc.)
(1792-1830, 4 vol. in-4 et 1 vol. de pi., 1825). —
Animaux (histoire naturelle des), par Daubenton, Mau-
duit, Latreille, Godard, Lamarck, Bory de Saint-Yincent,
Bonnaterre, etc. (1782-1832, d4 vol. in-4 et 16 t. en
14 vol. de pi.). — Antiquités, mythologie, diplomatique
et chronologie, par Mongez (1786-an II, 5 vol. in-4 et
1 vol. de ]^\.). — Aratoire (art) et jardinage, par Jacques
Lacombe(an Y, in-4, et 1 vol. de pL, i^{)^ï) , -^ Arbres et
arbustes (Y. Forêts). — Architecture, par Quatremère
de Quincy (1788-1825, 3 vol. in-4). — Art militaire,
par Kéralio (1784-1797 et 1 vol. de pi.). Le ¥ vol. ren-
ferme un Supplément par Lacuée de Cessac et Joseph Ser-
van. — Artillerie, par le colonel IL Cotty (1822, in-4).
— Arts et métiers mécaniques (1782-1791, 8 vol. in-4
et 8 t. en 6 vol. de pi.). — Assemblée nationale consti-
tuante, par Peuchet (t. II, seul paru, 1792, in-4). — Atlas
encyclopédique contenant la géographie ancienne et la
géographie moderne, par Bonne et Desmarets (1787-
1788, 2 vol. in-4). — Beaux-Arts, par Watelet et
Lévesque (1788-1791, 2 vol. in-4 et un vol. de pi.). —
Blason et Chronologie (1787-1804, 6 vol. in-4 et 1 vol.
de pi.). — Botanique, par Lamarck et Poiret (1783-
182-^, 11 vol. in-4 et 4 vol. de pi.). — Chasses et Pêches
(dictionnaire de toutes les espèces de) (an III, in-4 et
1 vol. de pi.). — Chimie, pharmacie et métallurgie,
par Guyton-Morveau, Maret, Duhamel, Fourcroy, Chaussier,
Yauquelin (1786-1815, 6 vol. in-4 et 1 vol. de pL). —
Chirurgie, par La Roche et Petit-Radel (1790-1792,
2 vol. in-4 et 1 vol. de pL). — Economie politique et
diplomatique, par Démeunier (1784-1788, 4 vol. in-4).—
Encyclopœdiana ou Dictionnaire encyclopédique des
Ana (1791, in-4). — Equitation, escrime, danse et
art de nager (1786, in-4). — Finances, par Rousselot
de Surgy (1784-1787, 3 vol. in-4). — Forets et bois,
arbres et arbustes, par L.-M. Blanquart de Septfontaines
et Jean Senebier (Physiologie végétale) (1791-1815,
t. P^). — Géographie ancienne, par Mentelle (1787-
1792, 3 vol. in-4 et pi. dans V Atlas de Bonne et Des-
marest). — Géographie moderne, par Robert et Masson
de Morvilliers (1782-1788, 3 vol. in-4 et pi. dans VAtlas
de Bonne et Desmarest). — Géographie et physique,
par N. Desmarest, Bory de Saint-Yincent, Doin, Ferry
et ïluot (an 111-1828, 5\-ol. in-4 et un atlas). — Gram-
maire et littérature, par Marmontel (1782-1786, 3 vol.
in-4). — Jeux mathématiques (et jeux de société).,
par Jacques Lacombe (an Yll, in-4). — Jurisprudence,
par Lerasle et Peuchet (1782-1791, 10 vol. in-4). —
Logique, métaphysique et morale, par Lacretelle (1786-
1791, 4 vol. in-4). — Manufactures, arts et métiers,
par Roland de La Platière, Doin et Pontet (1785-1828,
4 vol. in-4 et 2 vol. de pi.).— Marine, par Yial de
Clairbois (1793, 4 vol. in-4 et 175 pL). — Mathéma-^
tiques, par d'Alembert, l'abbé Bossut, Lalande, Condor-
cet, Charles, etc. (1784-1789, 3 vol. in-4). — Musique,
par Framery, Ginguené et de Momigny (1791-1818,
2 vol. in-4). — Pêches (Y. Chasses). — Philosophie
ancienne et moderne, par Naigeon (1791-an II, 3 vol.
in-4). — Physique, par Monge, Cassini, Bertholon, Has-
senfratz (1793-1822, 4 vol. in-4 et 1 vol. de pi. en deux
ENCYCLOPÉDIE
— 10 J 2
oarlies). — Théologie, par l'abbé Bergier (1780-1790,
3Yol.m-4). Maurice TouRNEUx.
Les Encyclopédies aux viii'^ et au xix^ siècle. —
L'œuvre des encyclopédistes français du xyiii« siècle est
l'Encyclopédie par excellence, et toutes les publications ana-
logues qui se sont multipliées depuis l'ont plus ou moins
imitée. Cependant on continua encore quelque temps a
donner le nom d'encyclopédie à de simples traités de clas-
sification des sciences, comme celui de Schmid {Allgemeine
EncMopœdie und Méthodologie der Wissenschaften;
léna, 1810) ou de Schaller, dont le litre indique bien le
caractère élémentaire (Emyklopœdie und Méthodologie
der Wissenschaftenfûr angehende Studierende;mâg-
débours, 1812), les ouvrages de Kirchner (Akademische
Propœdeutik; Leipzig, 1^842, et Hodegetik; Leipzig,
1852), ont été rédigés sur le même plan. Enfin, les Alle-
mands ont très souvent donné le titre d'encyclopédie et
méthodologie à des traités relatifs à l'ensemble dune
science, comme les traités de philologie classique de
Bœckh, de philologie romane de Kœrting, de théologie
de Haeenbach, Raebiger, Zœckler, de sciences juridiques
d'Arndt, Holtzendorff, Merkel, de sciences politiques de
Mohl, de pédagogie de Stoy, d'agriculture de Dunkelberg.
Ce sont là plutôt des manuels généraux, et nous ne leur
conservons pas le nom d'encyclopédie, appliqué de préfé-
rence aux ouvrages conçus sur le plan de V Encyclopédie de
Diderot et d'Alembert. Celle-ci a été, ainsi que nous l'avons
expliqué, ordonnée tour à tour selon l'ordre méthodique et
selon l'ordre alphabétique. Les publications postérieures
ont suivi tantôt l'un, tantôt l'autre. Cependant la grande
majorité ont adopté l'ordre alphabétique, lequel est plus
commode et assure mieux la vente de l'ouvrage entier et
l'homogénéité de la rédaction.
L'ordre alphabétique, mis à la mode par 1 Encyclopédie
de Diderot avait été employé déjà par les lexicographes
byzantins, tels que Suidas. Il l'avait été plus récemment
dans les Dictionnaires de Furetière (Rotterdam, 1690,
2 vol.) et de Thomas Corneille (Paris, 1694, 2 vol.), prin-
cipalement consacrés aux sciences et aux arts, et dans ceux
de Moreri (Paris, 1673; 20« éd., 1759, 10 vol.) et de
Bayle (Dictionnaire historique et critique, 1696), prin-
cipalement consacrés à l'histoire, à la biographie, à la
géographie. Le succès du dictionnaire de Bayle (V. ce
nom) fut remarquable. Parmi les lexiques ou dictionnaires
universels du même genre, il faut citer le Lexicon uni-
versale de Hoffmann (Bâle, 1677, 4 vol.); celui de Zedler
(Leipzig, 1731-1750, 64 vol. et 4 vol. supplém.); celui
de Jablonski, Allgemeinen Lexikon der Kûnste und
Wissenschaften (Leipzig, 1721); enfin, en Angleterre, la
Cyclopœdia d'Ephraïm Chambers (Londres,1728,2 vol.).
On sait que le succès de librairie obtenu par cette dernière
publication contribua à faire décider par Diderot, d'Alem-
bert et leurs amis, celle de leur fameuse Encyclopédie ou
Dictionnaire raisonné des scie7ices, des arts et des
métiers (1751-1772).
On a dit l'immense influence exercée par cette œuvre
géniale, d'une portée philosophique exceptionnelle. Aus-
sitôt, non contents de la traduire, les pays voisins cher-
chèrent à l'imiter. En Allemagne, Kœster et Roos com-
mencèrent une Deutsche Encyklopœdie (Francfort,
1778-1804, t. I à XXIID nui demeura inachevée; Ersch
et Gruber en entreprirent une autre à Leipzig, en 1818 ;
mais leur Allgemeine Encyklopœdie der Wissenschaften
und Kiinste, divisée en trois sections, n'est pas encore
terminée, malgré les efforts successifs de Brockhaus et de
Leskien; en 1886, il en avait paru 162 volumes. Sur un
plan différent, conservant l'ordre méthodique, Snell, moins
ambitieux, avait été plus heureux, et il put mener à bien
son Encyklopœdie sœmmtlicher Kenntnisse oder SchuU
wissenschaften (Giessen, 1805-1815, 19 vol.). Mais,
dès ce moment, un plan un peu différent et un titre nou-
veau avaient été adoptés en Allemagne. Lœbel publia un
Konversations-Lexikon{\196) dont Brockhaus fit l'acqui-
sition en 1808. La treizième édition publiée en 1882 en
atteste le succès persistant ; il est d'ailleurs très mérité
par le soin apporté à la rédaction et l'abondance des ren-
seignements. A titre de complément, le même libraire a
publié Bilder-Atlas (Leipzig, 1868-1874 ; 2- éd., 8 vol.)
et une revue intitulée Die Gegenwart (1848-1856), puis
Unsere Zeit (1857 et suiv.). Un résumé en deux volumes
du Konversations-Lexikon de ?yïoc\^hdiUS s'est aussi beau-
coup vendu (4^ éd., 1885). La concurrence suscita des
dictionnaires encvclopédiques analogues à celui de Brock-
haus. Pierer publia Universal-Lexikon oder vollstœn-
diges encyklopœdisches ^c^r^^r/?w^/i (Altenburg,1822-
1836, 26 vol.; 14 vol. de supplém. parurent de 1840 à
1856). La sixième édition en a été donnée (Oberhausen,
1873-79, 18 vol.); le dictionnaire de Pierer est complété
par des revues annuelles : /a/ir^wc/i^rc^^r Wissenschaften,
Kûnste und Gewerbe. La librairie juive a opposé au
Brockhaus un Konversations-Lexikon SiU moins aussi bien
fait et dont la dernière édition, plus récente, est plutôt
supérieure, celui de Meyer (Hildburghausen, 1840-18o2,
46 vol., plus 6 vol. supplém.), réédité à Leipzig (1857-
1860, 15 vol.; 4« éd., 1885-87, 16 vol.); il est com-
plété par des suppléments annuels et un abrège en a ete
donné {Meyers Handlexikon des allgemeinen Wissens.,
2 vol.; 3« éd., 1885). Les grands dictionnaires de la con-
versation de Brockhaus et de Meyer sont des ouvrages très
remarquables et répondant pleinement au but que se propose
l'acheteur d'avoir sous la main un magasin de renseignements
sur toutes les questions. Ils font une très grande place à
la géographie et à l'histoire contemporaine. Ils sont rela-
tivement courts, se composant d'une quinzaine de volumes
in-8 de 1,000 pages sur deux colonnes, mais, en raison
de leur format, très maniables et d'un usage facile.
D'autre part, le côté encyclopédique est un peu sacrifie ;
la philosophie générale y tient peu de place; les différents
groupes de connaissances sont isolément bien exposés, mais
ne sont guère reliés les uns aux autres. Ce sont, comme
leur titre l'indique, d'excellents lexiques plutôt que des
encyclopédies. Cette remarque s'applique à plus forte raison
aux publications analogues de l'Allemagne ; deux sont
spécialement destinées aux catholiques: Allgemeine real-
encyklopœdie oder Konversations-Lexikon fur das
kalholische Deulschland (Ratisbonne, 1 846-1 850 , 1 2 vol . ;
4« éd 1880 et suiv.) et Konversations-Lexikon, de
Herder (Fribourg, 1853-57, 5 vol.; 2« éd., 1876-1879,
4 vol.). Citons encore Die deutsche Encyklopœdie
(Leipzig, 1885 et suiv., 8 vol.) et l'ouvrage de vulgari-
sation de Spamer llllustriertes Konversations-Lexikon
fur dus Volk (Leipzig, 1869-1880, 8 vol. in4 et 2 vol.
de supplément). Sur un plan plus méthodique et renonçant
à l'ordre alphabétique fut publiée Neue Encyklopœdie
der Wissenschaften und Kûnste {Sintlgort, 1847-1 8o2,
8 vol.). ^,,, , ^
En Angleterre, l'imitation de Diderot et dAlemberta
produit un chef-d'œuvre, la célèbre Encyclopœdia Bri-
tannica publiée à Edimbourg ; la première édition qui
parut en 1771 n'avait que 3 vol. in-4. La seconde (177«-
1783) en comptait 10; la troisième (1797) en comp-
tait 18 auxquels vinrent s'ajouter 2 vol. de supplément.
La neuvième édition a paru de 1875 à 1889 (24 vol.
in-4). Cette publication est parfaitement digne de son
titre d'encyclopédie ; les questions y sont traitées avec es
développements les plus complets en de grands articles
dont chacun forme un petit traité dépassant de beaucoup
l'étendue d'un livre ordinaire ; le vocabulaire est donc
assez restreint, et les petits articles tiennent peu de place
dans l'ensemble ; c'est tout le contraire d'un dictionnaire.
Ajoutons que tous les articles sont signés et plusieurs de
noms très connus. L'Angleterre avait produit au cours de
ce siècle une autre encyclopédie non moins remarquable,
pour laquelle on s'en était tenu à l'ordre méthodique, sans
classement alphabétique, V Encyclopœdia metropolitana
(Londres, 1818-1845, 3 vol.) rédigée d'après le plan de
— 1013 —
ENCYCLOPÉDIE
S. Taylor Coleridge. Sur un plan analogue furent com-
posés les 132 vol. de la Cabinet Cijclopœdia de Lardner
(Londres, 4830 etsuiv.). Les autres encyclopédies an-
glaises n'ont pas le mérite exceptionnel de VEncyclo-
pœdia Britannica et de VEncyclopedia metropolitana ;
elles se rapprochent plutôt du type du Dictionnaire de
la conversation. Citons The English Cyclopœdia de C.
Knight (Londres, 4853-1862; 2<^ éd., 4866-68, 23 vol.
supplém. depuis 4869) ; Chambers Encyclopœdia
(Londres, 4860-68, dO vol., rééd. en 4874); VEncy-
clopœdic Dictionary de H un ter (Londres, 4879 et suiv.).
Aux Etats-Unis, on publia d'abord : Encyclopœdia Ame-
ricana (Philadelphie, 2« éd., 4829-4846, 44 vol.) ;
Touvrage le plus remarqué fut celui d'Appleton, New
American Cyclopœdia (New-York, 4858-4863, 46 vol.),
complété depuis 4864 par des suppléments annuels,
d'après le système allemand (Annual Cyclopœdia) ; on
peut encore mentionner la National Encyclopœdia de
L. Colange (New-York, 4872 et suiv.), Vlllustrated
Universal Cyclopœdia de Johnson (New-York, 4874-78,
4 vol. in-4), \ Encyclopœdia Americana de Stoddart
(Philadelphie, 4883 et suiv.), enfin le Deutsch-Amerika-
nische Konversations-Lexikon de Schem (New-York,
4870-74).
En France, il faut arriver au milieu du xix® siècle pour
retrouver des dictionnaires encyclopédiques originaux ; ils
se rapprochent autant du type de celui de Brockhaus que
de celui de Diderot. L'Encyclopédie des gens du monde
(Paris, 4833-4845, 22 vol.); VEncyclopédie du
xix« siècle (Paris, 4836-4859, 75 vol. pet. in-8, rééd.
en 4883 ; V Encyclopédie moderne de L. Renier (Paris,
4846-4854, 30 vol., plus 42 vol. de supplém., 4856-62)
reçurent un accueil assez médiocre : bien supérieur est le
Dictionnaire de la conversation et de la lecture (2^ éd.,
4854-58, 46 vol., plus 5 vol. de supplém., d 864-4882)
par la qualité de ses articles. Tous furent éclipsés par le
Grand Dictionnaire universel du xix^ siècle de P. La-
rousse (Paris, 4864-4876, 45 vol. et 2 vol. supplém.,
4878-4890). Cette énorme compilation dut à son caractère
anecdotique et aux facilités qu'elle offrait aux journalistes
pour la rédaction de leurs chroniques une vogue très
grande. C'est encore un très amusant dictionnaire, mais le
manque de plan méthodique et de proportion entre les
articles^ l'absence presque complète d'esprit critique en
rendent l'usage hasardeux pour les travailleurs ; ce n'est,
d'ailleurs, en aucune manière, une encyclopédie. On a
tenté de compléter le Dictionnaire Larousse et de le
tenir au courant par une Revue encyclopédique qui paraît
depuis déc. 4890. Le Dictionnaire des mots et des
choses (Paris, 4884-86, 3 vol. in-4) semble particulière-
ment destiné aux étabhssements scolaires.
En Italie, nous trouvons Nuova Encyclopedia ita-
liana (Turin, 4844-4854, 44 vol.; 6** éd., par Boccardo,
4875 et suiv., 25 vol.) ; Dizionario universale di
scienze, lettere ed arti de MM. Lessona et C.-A. Valle
(Milan, 4873 et suiv.) et V Enciclopedia popolare eco-
nomicaàe G. Berri (Milan, 4874 et suiv.). — En Espagne,
V Enciclopedia moderna de Melledos (Madrid, 4848-
1854, 34 vol.). — En Portugal, le Diccionario universal
portuguez de Costa. Aucun de ces ouvrages n'est compa-
rable aux grandes publications françaises, allemandes ou
anglaises. — La Russie possède les encyclopédies en langue
russe de Startschewski (Saint-Pétersbourg, 4847-4855,
12 vol.) et de Pljuschar, Krajewski et Beresin (Saint-
Pétersbourg, d880, 15 vol.) ; celles en langue polonaise
de S. Orgeïbrand (Encyklopedya powszechna (Varsovie,
1859-1868, 28 vol.; abrégée en 12 vol., 1871 et suiv.). —
Les Tchèques ont celle de L. Rieger et Maly (Prague, 1854-
1874, 12 vol.; abrégée en 1873). — Les Hollandais ont :
Nieuwenhuis' woordenbœk van kunsten en wetenschap-
peu (La Haye et Leyde, 1851-1868, 10 vol.); Algemeene
Nederlandsche Encyclopédie vor den beschaafden stand
(Zutphen, 1865-68, 15 vol.); Geillustreerde Encyclo-
pédie de A. Wintler-Prins (Amsterdam, 1868-1882,
15 vol.).— Les Danois ont Nor disk Conversationslexikon
(Copenhague; 3^ éd., 1883 etsuiv.) et Kortfattet Conver-
sationslexikon (Copenhague, 1880, 2 vol.) ; les Suédois,
Nordisk familjebok (Stockholm, 1875 et suiv.) et les
Norvégiens, Norsk Uaandlexikon (Christiania, 1879 et
suiv.). — Rappelons enfin la tentative faite par Bistany
(Beirout, 1876) pour publier une encyclopédie arabe.
Nous n'avons parlé ici que des encyclopédies univer-
selles, négligeant à dessein les dictionnaires et les ency-
clopédies spéciales qui ne traitent que d'une science ou
d'un groupe de connaissances. On en trouvera l'indication
dans l'article Bibliographie, auquel nous renvoyons pour
compléter les informations contenues dans cet article.
La Grande Encyclopédie. — De l'exposé historique
qui précède, il résulte que, sauf en Angleterre, il n'a été
publié depuis un siècle aucun ouvrage comparable à VEn-
cyclopédie de Diderot et d'Alembert. En 1882, une société
de savants et de gens de lettres entreprit, à l'instigation
de M. Camille Dreyfus et de l'éditeur Baer, de combler
cette lacune. Il ne s'agissait d'abord que de réaliser une
entreprise analogue à celle de Brockhaus et d'Appleton.
Mais bientôt le plan fut élargi par M. Dreyfus, d'accord
avec les directeurs, aux proportions d'une véritable ency-
clopédie. Il prit son extension définitive lorsque M. Lami-
rault assuma l'exécution de cette grande entreprise. Ce
plan a été exposé dans la Préface, et nous n'avons rien
à ajouter aux considérations générales qu'elle renferme.
Ce qui caractérise l'œuvre, c'est son impartialité com-
plète ; elle veut être l'inventaire exact et précis des faits
connus et des doctrines acceptées ou discutées à notre
époque. Lorsqu'elle sera achevée, en 1896 probablement,
elle comprendra 28 volumes de 1,200 pages, chacune de
ces pages renfermant 146 lignes de 50 lettres. Rien n'a été
abandonné au hasard ; l'œuvre est dirigée par un comité
de douze membres : M. Berthelot pour les sciences phy-
siques et chimiques; MM. Laurent et Laisant pour les
sciences mathématiques et leurs applications; le D"^ Hahn
pour les sciences naturelles et médicales ; M. Camille
Dreyfus pour les sciences pohtiques, l'administration et les
finances; M. Glasson pour le droit; M. Marion pour la
philosophie; M. Levasseur pour la géographie; M. Waltz
pour l'antiquité classique; M. Derenbourg pour la philolo-
gie orientale ; M. Giry pour l'histoire de France et d'Eu-
rope; M. Miintz pour les beaux-arts. Avec l'aide de leurs
collaborateurs et du secrétariat de la rédaction, les direc-
teurs dressent d'abord, pour chaque lettre de l'alphabet,
la liste des articles qui devront être traités ; ce vocabulaire
est imprimé ; on sait d'avance quelle doit être la part de
chaque lettre dans l'ensemble; on répartit entre les direc-
tions le total des lignes disponibles. Chacun des directeurs
procède alors à la distribution entre ses collaborateurs des
articles à traiter, en indiquant à chacun le nombre de
lignes qui lui est assigné et la date de livraison des articles.
Ceux-ci sont visés en manuscrit parle directeur; le secré-
tariat vérifie ensuite s'ils ne dépassent pas les limites
fixées, s'ils traitent bien la question sans empiéter sur une
spéciaUté voisine, ni sur un mot déjà traité ou qui le sera
ultérieurement. Ils sont alors envoyés à l'imprimerie.
Après les corrections d'épreuves, on établit une mise en
pages provisoire qui est soumise à une double revision par
chacun des directeurs, de telle sorte qu'ils puissent con-
trôler non seulement leur spécialité, mais ses rapports avec
l'ensemble. Ces contrôles multiples assurent l'homogénéité
de la Grande Encyclopédie ; les articles sont groupés
d'après un système de renvois tel que de chacun on puisse
se reporter à tous ceux qui traitent d'une question et
remonter aisément aux principes généraux et philosophiques
de chaque art et de chaque science. La qualité de chacun
des articles pris isolément est garantie par le fait que tous
ceux de quelque importance sont signés et que les colla-
borateurs de la Grande Encyclopédie comptent parmi les
écrivains les plus illustres. Outre les directeurs, qui tous
ENCYCLOPÉDIE — ENDERLEIN
— 1014 —
ont contribué largement à la rédaction, quelques-uns par
de véritables ouvrages (art. Alchimie de M. Berthelot,
Alpes de M. Levasseur, Cassation et Dot de M. Glasson,
Commune de M. Giry, etc.), nous mentionnerons MM. Liard
(art. Descartes), Boutroux (art. Aristote), Sarrau (art.
Energie), Brunetière (art. Boileau, Bossuet, Cor-
neille, etc.), Oppert (art. Assyrie, Babylone), etc.
Chacun des articles est d'ailleurs accompagné d'une notice
bibliographique qui permet aux travailleurs de vérifier ses
assertions et de trouver tous les renseignements complé-
mentaires dont ils auraient besoin. Enlin, à côté de près
de 15,000 gravures, VEncyclopédie contiendra plus de
200 cartes formant un atlas presque unique en France.
Elle réunit les avantages des dictionnaires spéciaux ou des
ouvrages comme le Conversations-Lexikon de Brockhaus
à ceux d'une encyclopédie, car elle a un vocabulaire plus
riche qu'aucune autre. Achevée, elle comptera plus de
200,000 articles ; un grand développement a été donné à
la partie biographique et, par une innovation remarquable,
on a fait autant de place aux illustrations de l'étranger
qu'aux illustrations nationales; les biographies espagnoles,
italiennes, anglaises, russes, Scandinaves, sont plus com-
plètes que dans nul autre dictionnaire de France ou de
l'étranger. Ce qui est remarquable, c'est que le comité de
direction a pu donner cette abondance et cette variété
de détails sans rien sacrifier du caractère encyclopédique
de l'œuvre. Celui qui lira les art. Allemagne, Chine,
Espagne, Etats-Unis, ou bien les art. Art, Botanique,
Chimie, ou encore les art. Académie, Constitution,
Ecole, Enseignement, s'en convaincra aisément et verra
comment tous se complètent sans double emploi, ainsi que
doivent se raccorder les pièces et les engins d'un grand
navire. A. -M. B.
BiBL • V. Tart. Bibliographie et les noms cités dans
l'article*: sur VEncyclopédie de Diderot et d'Alembert,
consulter la plupart des travaux mentionnes à la biblio-
graphie de Farticle Diderot.
ENCYONEMA (Kiitzing 1834) (Bot.). Genre de Diato-
macées, de la tribu des Cymbellées, dont les frustules, à
valves cymbiformes et non symétriques par rapport au
raphé, sont renfermés dans un mucus filamenteux et tubu-
liform'e, à l'intérieur duquel ils se meuvent et se multi-
plient par division. Ce genre se distingue des autres Cym-
bellées par son raphé droit et par ses nodules terminaux,
qui sont assez distants des extrémités de la valve. Toutes
les espèces d'ailleurs peu nombreuses, appartiennent aux
eaux douces.
BiBL. : KûTziNG, Synopsis Diatomearu77i. — Du même,
Bacillariœ, p. 82.- W. Smith, Brit. Diat., t. II, p. bb.
ENDACTIS (Paléont.). Egerton a établi ce genre pour
un Poisson des terrains liasiques de Lyme Régis {E. Agas-
sizi), chez lequel la tête est petite, la dorsale opposée aux
ventrales, l'anale située non loin des ventrales, la caudale
échancrée ; les écailles sont petites, arrondies, légèrement
pectinées au bord postérieur, qui est orné de lignes sail-
lantes. Les Endactis se placent près des Pachycormus.
BiBL. : Memoirs of the Geological Survey, 1858, IX.
ENDADELPHIE (Tératol.) (V. Monstre double).
EN DAM EN ES. Habitants sauvages de l'intérieur de la
Nouvelle-Guinée. Noirs à cheveux droits et lisses, ils parais-
sent appartenir à la même race que les Australiens. Les En-
damènes sont nus ; ils s'incisent les bras et la poitrine.
ENDEAVOUR. Fleuve d'Australie, colonie de (Jueens-
land, qui se jette dans le Grand Océan (mer de Corail), à
l'E. de la presqu'île d'York, par 450^ lat. S. ; là se trouve
le port de Cookstown. — Au N. de la presqu'île d'York,
est le détroit d'Endeavour, qui forme la passe méridio-
nale du détroit de Torrès.
ENDECOTT (John), administrateur anglais, né à Dor-
chester vers 4588. Il s'entendit, en 4628, avec cinq
autres « religieuses personnes » pour constituer une com-
pagnie d'exploitation de la Nouvelle- Angleterre américaine.
Accompagné d'une trentaine d'émigrants et de sa femme,
il aborda à Naumkeag (Salem) le 6 sept. 4628. Là, son
puritanisme l'engagea dans des querelles continuelles avec
les colons antérieurs : il voulut empêcher la culture du
tabac, comme contraire à la morale, l'usage du Prayer
Book, les « habitudes profanes » des gens de Quincy ; il
protesta contre la présence d'une croix, la croix rouge de
Saint-George, sur le drapeau de la milice, sous prétexte
que la croix était un emblème papiste. Endecott, le « puri-
tain des puritains », fut fait néanmois gouverneur de la
colonie en 4644, et, depuis 4649 jusqu'à sa mort, la colonie
prospéra sous son administration, malgré la sévère police
religieuse qu'il y institua, notamment contre les quakers.
11 eut quelques difficultés avec le gouvernement de la Res-
tauration, mais il mourut le d5 mars 4665, avant qu'elles
n'eussent atteint de fâcheuses extrémités. Endecott est un
des « pères » des Massachusetts. Ch.-V. L.
ENDÉMIE (Méd.). L'endémie embrasse l'ensemble des
circonstances multiples qui engendre ou entretient des mala-
dies spéciales dans certaines contrées. Les endémies sont
liées à des conditions particulières soit du sol, soit de la
nourriture ; mais plus nos connaissances sur les modes
de propagation des maladies acquièrent de précision, plus
aussi les causes mystérieuses des endémies disparaissent.
On a divisé les maladies endémiques en plusieurs classes :
4° endémies causées par un vice de l'alimentation : ergo-
tisme, scorbut; 2<> endémies provenant de l'influence du sol
et, par suite, de la qualité des eaux : goitre, crétinisme ;
3« endémies d'origine parasitaire : tœnia, dragonneau,
distome ; 4<> endémies d'origine inconnue : éléphantiasis ;
5<^ endémies miasmatiques : dysenterie, typhus, peste,
choléra, suettemiliaire, fièvre jaune, fièvre typhoïde : mala-
ria. Presque toutes ces maladies sont susceptibles de devenir
épidémiques et d'émigrer en dehors de leurs foyers habituels.
L'état endémique qu'elles présentent dans certaines contrées
est dû uniquement à la persistance de l'agent de contage,
qu'une sage hygiène parviendrait à détruire. C'est ainsi que
la fièvre typhoïde, jadis à l'état endémique dans certaines
villes, a presque complètement disparu le jour où l'on a .
assuré une eau pure aux habitants et où de sages mesures
de désinfection ont été prises. De toutes les maladies endé-
miques, celle qui constitue encore le type le plus parfait est
la malaria ou plutôt le groupe malarique : fièvre palu-
déenne, fièvre intermittente, etc. D^ P. Langlois.
ENDENTÉ (Blas.). Attribut de pièces héraldiques hono-
rables couvertes de longs triangles alternés d'émaux diff*é-
rents. C'est à tort que ce mot est parfois écrit endenché.
ENDER (Thomas), peintre et graveur autrichien, né à
Vienne le 4 nov. 4793, mort à Vienne le 28 sept. 4875.
11 compte au nombre des plus marquants paysagistes de
son pays, et il professa pendant longtemps à l'Académie
des beaux-arts dont il avait été élève.
ENDER (Johann), portraitiste et peintre d'histoire, frère
jumeau du précédent, né à Vienne le 4 nov. 4793, mort
à Vienne le 46 mars 4854. 11 étudia à l'Académie de Vienne
et remporta plusieurs prix. En 4848, il fit un voyage en
Italie et en Grèce avec le comte Szechenyi, et, en 4820,
obtint le prix de Rome, c.-à-d. une pension accordée par
l'empereur pendant plusieurs années pour lui permettre de
visiter Rome, Florence, et, plus tard, Paris. En 4829, il fut
nommé professeur à l'Académie. Au Belvédère de Vienne,
on a de lui une Vierge avec V enfant Jésus et un paysage.
Il s'occupa aussi d'illustrations. Sa dernière grande œuvre
est la fresque du Crucifiement à la cathédrale de Vienne.
ENDER (Eduard) , fils et élève de Johann, peintre de genre
et d'histoire, né à Vienne en 4824. On cite de lui : Fran-
çois P** dans V atelier de Benvenuto Cellini ; Shakespeare
à la cour d'Elisabeth, etc.
ENDERBURY (Ile). Ile du Grand Océan, dans l'archi-
pel des îles Phœnix, par 3« 8^ lat. S. et 486« 31^ long. E.
EN DERBY (Terre d'). Terre de la région polaire antarc-
tique, entre Qi^"" et 67" lat. S., par 48^ long. E. Elle fut
explorée par le capitaine Biscoe sur un navire que lui
avait confié l'armateur Enderby (mort en 4876).
ENDERLEIN (Kaspar), fondeur et ciseleur allemand, né
— 1015 —
ENDERLEIN — ENDOCARDITE
à Baie, mort à Nuremberg en 1633. On lai doit les fonts
baptismaux de l'église Samt-Laurent de Nuremberg.
ENDERLIN (Joseph-Louis), sculpteur français, né à
Baie (Suisse) de parents français. Elève de Jouffroy et de
Roubaut jeune, il expose depuis 1878. Citons son Joueur
de billes (S. 1880 et 1888). Au Salon de 1891, il a exposé
Poverîno (buste bronze) et Paternité (groupe plâtre).
ENDERMO, ENDOMO, EDOMO, YEDOMO. Baie à l'en-
trée orientale du golfe des Volcans, au S. de l'île de Yeso
(Japon), province de Ibouri. Moro-ran, petite ville de
1,000 hab. située près du cap Endomo, otFre un beau port
d'où l'on s'embarque généralement pour traverser le golfe
des Volcans et se rendre en face, à Mori, dans la province
d'Osima qui forme au S. de Yeso une péninsule au S. de
laquelle est Hakodaté. H. C.
ENDIGUEMENT (Hydraul.) (V. Digue).
ENDIVE (Bot.) (V. Chicorée).
ENDJA (Oued). Rivière d'Algérie, dép. de Constantine,
formée par la réunion de l'oued Bou-Salah et de l'oued
Kebir, qui lui amènent les eaux du Ferdjioua et des pla-
teaux au N.-E. de Sétif. Elle se dirige de l'O. à l'E., for-
mant comme un fossé au revers méridional du prolon-
gement oriental de la chaîne des Babors et finit dans
l'oued el-Kebir, près des gorges des Beni-Haroun. E. Cat.
ENDLICHER (Stephan-Ladislas) , célèbre botaniste
allemand, né à Presbourgle 24 juin 1804, mort (suicidé)
à Vienne le 28 mars 1849. Bibliothécaire de la cour de
Vienne en 1828, conservateur du cabinet d'histoire natu-
relle de la cour en 1836, professeur de botanique à l'Uni-
versité, et directeur du Jardin des plantes depuis 1840 ;
il prit part, pour son malheur, aux événements politiques
de 1848. Son grand ouvrage, Gênera plantarum, etc., avec
cinq suppléments (Vienne, 1836-1850, pet. in-4), et illustré
par VIconographia g enerum plant arum (Vienne, 1838,
125 pi. in-fol.), puis VEnchiridion botanicuni, etc.
(Leipzig, 1841, in-8), ont rendu d'éminents services à la
science des familles naturelles. Citons encore: Grundzilge
der Théorie der Pflanzenzeugung (Vienne, 1838, in-8) ;
avec von Martius : Flora brasiliensis^ etc. (Vienne et
Leipzig, 1840-46, 6 fasc. in-fol.); avec Unger: Grund-
zilge der Botanik (Vienne, 1843, in-8, av. 1 pi.) ; Sy-
nopsis coniferarum (Vienne, 1847, in-8), etc. Endlicher
a donné des plantes des caractères plus précis et plus
exacts que la plupart de ses devanciers ; les érudits van-
tent la pureté de son style latin et considèrent à ce titre
le texte de son Enchiridion comme un modèle. Plusieurs
jardins botaniques et quelques herbiers, notamment celui
de Vienne et du Muséum de Paris, sont classés suivant la
méthode d'Endlicher. Ce savant s'est également occupé de
linguistique ; citons de lui à cet égard : De Ulpiano ins-
titutionum Fragmento in Bibl. Palat. niiper reperto
(Vienne, 1835) ; Fragm, theotisca versionis antiquiss.
Evangelii Mathœi (av. Fallersleben, Vienne, 1834) ;
Analecta grammatica^ 1836 ; Anfangsgrilnde der chi-
nesischen Grammatik (Vienne, 1845), etc. D"" L. Hn.
ENDOCARDE (Anat.). L'endocarde est une membrane
lisse, brillante, mince et blanchâtre, de la nature des
séreuses, qui tapisse les cavités du cœur en formant un
manteau à toutes les saillies et en s'enfonçant dans toutes
les anfractuosités et dépressions pour les revêtir. Une fois
le trou de Botal fermé, il y a donc un endocarde droit et
un endocarde gauche, comme il y a deux cœurs, l'un
droit, l'autre gauche, et chacun des deux endocardes n'est
que la tunique de Bichat des vaisseaux ou plutôt l'endo-
veine qui se continue à travers le cœur. Très adhérent
aux parois du cœur, l'endocarde est plus épais dans le
cœur gauche ou artériel que dans le cœur droit ou vei-
neux. Il comprend, dans sa texture, de la face superfi-
cielle ou libre à la face profonde ou adhérente : l*' un
épithélium pavimenteux à une seule couche (endothélium
vasculaire) ; 2^* une membrane basale, d'aspect amorphe,
mais en réalité composée d'une nappe de cellules étoilées
et anastomosées (lame striée des Allemands) ; 3<* une
couche élastique, constituée par des réseaux de fibres élas-
tiques ou même de véritables membranes fenêtrées ; 4° une
couche de tissu conjonctif qui, par des transitions ména-
gées, se continue en dedans avec la couche élastique pré-
cédente, et en dehors avec le tissu conjonctif interstitiel
du muscle cardiaque. Cette dernière couche est la seule
qui soit vasculaire. Dans l'endocarde ventriculaire, on ren-
contre çà et là chez l'homme, et d'une façon constante et
régulière chez un grand nombre de mammifères, des fibres
grises, ramifiées, nucléées et légèrement striées, connues
sous le nom de fibres de Purkinje, qu'on a considérées
comme intimement liées à la néoformation de fibres mus-
culaires. Ch. Debierre.
ENDOCARDITE (Méd.). Sous le nom d'endocardite on
désigne l'inflammation aiguë ou chronique de l'endocarde ;
il est bon seulement de remarquer que l'élément inflam-
matoire a perdu de son importance depuis que le rôle des
microorganismes pathogènes est mieux connu. L'endocar-
dite peut donc aujourd'hui être divisée en simple (aiguë ou
chronique) et en infectieuse ; cette division permet à peu
près de classer les formes cliniques de l'endocardite.
I. Endocardite aiguë simple. — Etiologie. Rarement
primitive et alors due au refroidissement, elle est plus
souvent secondaire ; elle apparaît dans le rhumatisme sous
toutes ses formes, et surtout dans le rhumatisme articu-
laire aigu ; puis vient la scarlatine, qui agit probablement
par l'élément rhumatismal , puis la variole, l'érythème
noueux, la chorée, l'érysipèle de la face, les phlegmasies
pleuro-pulmonaires ; la myocardite et la péricardite peu-
vent gagner l'endocarde. L'endocardite est surtout fré-
quente à l'âge adulte et dans l'enfance.
Anatomie pathologique. L'endocardite a pour lieu
d'élection le cœur gauche, le ventricule gauche ; elle est
souvent limitée aux valvules, surtout à la mitrale, et atteint
de préférence la face qui regarde le courant sanguin ; les
altérations sont celles de toute séreuse enflammée ; il
y a hyperémie, proHfération et chute des épithéliums, pro-
lifération du tissu conjonctif, formation d'un exsudât plas-
tique, d'oîi des végétations qu'on avait d'abord prises pour
des agglomérations fibrineuses, mais qui sont en réalité
constituées par un tissu embryonnaire de nouvelle forma-
tion, recouvert d'une couche relativement mince de fibrine.
Ces végétations sont friables, molles et transparentes dans
l'endocardite aiguë et parfois renferment à leur centre
des vaisseaux en voie de formation. Lorsque les végéta-
tions sont petites, l'endocarde prend un aspect dépoli et
chagriné, car elles sont toujours très nombreuses ; en
même temps il devient rugueux au toucher, opaque et
épaissi. Les végétations siègent de préférence à une petite
distance des bords hbres des valvules, et forment quelque-
fois comme une guirlande tout autour ; elles peuvent deve-
nir une source d'embolies, mais le fait est exceptionnel
dans l'endocardite simple aiguë. Lorsque les végétations
contractent des adhérences entre elles et se rétractent, elles
déforment les valvules, les fixent contre les parois ventri-
culaires et transforment l'orifice en un canal étroit à pa-
rois immobiles. En général, l'endocardite est accompagnée
de myocardite de voisinage. Le processus n'a pas toujours
cette forme plastique et proliférante ; parfois il aboutit
vite à des ulcérations, à la perforation des valvules, à des
anévrysmes valvulaires ; les tendons de la valvule mitrale
peuvent être ulcérés, la cloison interventriculaire perforée.
Ces ulcérations sont bien plus fréquentes dans l'endocar-
dite infectieuse que dans l'endocardite simple.
Symptômes. L'endocardite a des débuts insidieux ; les
phénomènes d'invasion, frissons, élévation de température,
dyspnée, palpitations, peuvent passer inaperçus, surtout
si le malade est atteint par exemple de rhumatisme arti-
culaire aigu. A l'auscultation, l'épaississement des val-
vules et l'imperfection de leur jeu se traduit par des bruits
de souffle en rapport avec le siège de la lésion (V. Cœur) ;
le souffle est perçu à la pointe du cœur, car c'est l'orifice
mitral qui est le plus souvent atteint ; ce souffle est gêné-
ENDOCARDITE — ENDŒOS
1016 —
ralement systolique, l'insuffisance mitrale étant la règle,
le rétrécissement l'exception dans l'endocardite aiguë. La
durée de la maladie est de quelques jours à deux semaines ;
au bout de ce temps la séreuse recouvre son intégrité ou
Taffection devient chronique ; dans le premier cas, le souffle
disparaît; dans le second, il peut disparaître pour des
années, mais, fatalement, il reparaîtra lorsque les lésions
valvulaires seront constituées.
Traitement, Le traitement de l'endocardite est à peu
près celui de la péricardite. On fait des émissions san-
guines locales et générales, on applique des révulsifs, vési-
catoires, etc., à la région précordiale, et on donne de la
digitale, parfois du tartre stibié ou des alcalins. Comme il
y a toujours lieu de craindre le passage à l'état chronique,
il faut continuer à appliquer des révulsifs (cautérisation,
cautères) sur la paroi thoracique longtemps après la dis-
parition des phénomènes aigus.
IL Endocardite chronique. — Etiologie. I /endocardite
chronique ou bien est consécutive à l'endocardite aiguë, ou
elle prend naissance sous l'influence des mêmes conditions
qui déterminent l'athérome artériel (vieillesse, alcool, sy-
philis, etc.) ; les phlegmasies de l'appareil respiratoire
paraissent y prédisposer.
Anatomie pathologique. Les lésions constatées dans
Tendocardite chronique sont celles de l'endocardite aiguë
devenues persistantes par la transformation calcaire et la
dégénérescence graisseuse ; il peut arriver çjue les foyers
graisseux se vident dans le ventricule et laissent des ca-
vités et des ulcérations ; souvent les valvules sont comme
criblées de trous ; des fragments détachés des végétations
peuvent être eutrainés par la circulation, et par oblitération
donner lieu à l'anémie ou au sphacèle de la région irriguée
(V. Embolie et Gangrène).
Les symptômes de l'endocardite chronique ont été dé-
crits à l'art. Coeur.
III. Endocardite infectieuse (Endocardite ulcéreuse,
typhoïde, maligne, diphtéroide, etc.). — Etiologie et pa-
thogénie. L'endocardite infectieuse accompagne ou suit
des affections telles que l'ostéomyélite, la septicémie, la
pyémie, les fièvres infectieuses, la diphtérie et le rhuma--
tisme articulaire suraigu. Il paraît démontré aujourd'hui
qu'elle est le résultat presque mécanique du dépôt de bac-
téries en nombre considérable sur les valvules (Cornil),
bactéries provenant des foyers d'ostéomyélite, de septicé-
mie, etc. ; dans les conditions de misère physiologique,
dans l'alcoolisme, la puerpéralité, etc., le terrain est
favorable à la malignité de l'aff'ection, et, au lieu d'une en-
docardite simple, c'est une endocardite infectieuse (souvent
par auto-infection) qui éclate, que le malade soit ou ne soit
pas rhumatisant.
Anatomie pathologique. L'endocardite infectieuse a
pour siège d'élection les valvules et de préférence les
valvules mitrale et aortique, et les lésions en occupent soit
les bords seulement, soit toute la surface. On constate sur
la valvule une couche de fibrine homogène réticulée avec
des masses de bactéries dans les mailles ; dans certaines
formes se produisent très rapidement des végétations vo-
lumineuses, bourgeonnantes, des érosions, des ulcérations,
des perforations des valvules, du septum interventricu-
laire, des mortifications de l'endocarde ventriculaire, des
anévrismes valvulaires ; des débris des valvules sont lan-
cés au loin par la circulation et vont former des embolies
ou des infarctus dans les reins, le foie, la rate, l'intes-
tin, etc. Ces lésions prennent ici une extension et une gra-
vité bien plus grandes que dans l'endocardite simple aiguë,
et comme elles peuvent se présenter chez de francs rhuma-
tisants, c'est, si l'on veut, l'endocardite aiguë ordinaire
devenue maligne sous l'influence des mauvaises conditions
dans lesquelles est placé le malade. On peut donc décrire une :
Endocardite ulcéreuse, dans laquelle la lésion locale a
été le point de départ des accidents, sans qu'il y ait lieu
d'invoquer un état général primitivement grave. Cette va-
riété d'endocardite est facile à reconnaître pendant la vie.
grâce aux bruits de souffle ; ces bruits prennent un timbre
musical nommé piaulement (Bouillaud), dû à la vibration
d'un corps flottant (pilier, cordage ou végétation) au-de-
vant d'un orifice ; ce caractère a permis plusieurs fois d'an-
noncer à l'avance l'explosion des accidents de l'embolie.
Dans ses autres formes, l'endocardite mérite, plutôt que
dans celle-ci, le nom d'infectieuse, car les ulcérations, si
elles sont représentées en général, peuvent être insigni-
fiantes et même manquer; dans ce dernier cas, il est évi-
dent que l'endocardite n'est plus qu'un épiphénomène d'un
état général grave prédominant. Reste à décrire deux
types d'endocardite :
Endocardite typhoïde. C'est en général l'endocardite
ulcéreuse prenant la forme typhoïde ; on constate la plupart
des symptômes de la fièvre typhoïde : prostration, diar-
rhée, ballonnement de l'abdomen, taches rosées lenticu-
laires, congestion pulmonaire, urines albumineuses, etc.
Le diagnostic est fondé sur l'irrégularité de la courbe des
températures, sur les bruits morbides qu'on perçoit au ni-
veau des orifices du cœur, sur les douleurs rhumatismales
(si elles existent), sur l'apparition de certains désordres
spéciaux, telles que les paralysies par embolie, sans compter
que l'invasion n'est pas la même. L'endocardite typhoïde
tue fatalement en deux ou trois semaines.
Endocardite pyohémique ou pyémique. Elle a toutes
les allures de l'infection purulente: frissons répétés et
hyperthermie, teinte terreuse, subictérique, formation
d'abcès sous la peau, autour des articulations, dans les
articulations ; la mort survient au milieu du délire au bout
de huit à dix jours. Le diagnostic est basé sur l'absence de
traumatisme capable de développer l'infection purulente et
sur les bruits morbides du cœur.
Traitement, Le traitement de ces difi'érentes formes est
celui de l'endocardite simple et des affections qu'elle com-
plique. D"* L. Hahn.
ENDOCARPES (Bot.). Tribu de Lichens Ascosporés
Angiocarpes, à thalle hétéromère, foHacé, à apothécies très
petites, punctiformes, enfoncées dans le réceptacle.
ENDOCARPON (Bot.). Genre de Lichens, de la tribu
des Endocarpes, à thalle foliacé et à noyau subglobuleux,
gélatineux, renfermé dans des verrues superficielles ouvertes
par un ostiole proéminent.
ENDOCERAS (Paléont.) (V. Orthoceras et Nautile
[Paléont.]).
ENDOCHROME (Bot.). Protoplasma coloré par la
chlorophylle et propre aux cellules allongées ordinaires qui
constituent les filaments des Conferves. Ce protoplasma est
diversement distribué dans les cellules ; il y forme parfois
des rubans spiraux ou des amas ; du reste, l'endochrome
se contracte à un moment donné pour former une sorte de
noyau susceptible de se diviser. Ce protoplasma se rajeunit
ainsi en formant une ou plusieurs cellules nouvelles qui
s'échappent dans l'eau ambiante par une ouverture de la
cellule mère, ou par résorption de cette membrane. Ces
cellules ne sont autre chose que des zoospores, d'abord
mobiles, qui se fixent après un temps variable et germent
(V. Conferve). Dr L. Hn.
ENDOCRÂNE(V. Crâne).
ENDOCYMIENS (Térat.). (V. Inclusion fœtale et
Monstre double parasitaire).
ENDŒOS ou ENDOIOS, sculpteur athénien qui vivait
dans la seconde moitié du vi^ siècle av. J.-C. La tradition
le présentait comme ayant été l'élève du légendaire Dédale,
ce qui signifie simplement qu'on le rattachait à la période,
obscure pour les Grecs, des premiers essais de la plastique
(V. Dédale). Il était célèbre par une statue d'Athéna assise
que Callias avait consacrée sur l'Acropole, statue dont les
anciens nous ont laissé une description assez précise (Pau-
sanias, VII, 5, 9) et dont on possède une copie retrouvée
sur l'Acropole même. Il y avait encore de lui sur l'Acropole
une statue de femme dont il nous reste la base avec la
dédicace suivie de la signature de l'artiste. Le style d'En-
doios était celui de l'école attique à la fin du vi« siècle.
— 1017 —
ENDOEOS — ENDOSCOPE
élégant mais un peu sec et un peu grêle, curieux du détail,
minutieux surtout dans le rendu de la chevelure et des
draperies. J. M.
BiBL. : OvERBECK, GescMchte d. gr. Plastik. — Colli-
GNON, Manuel d'archéologie grecque. — Murray, Hislory
of ihe greek sculpture from ihe earliest limes down the
âge o/" P/ieidias. — Loewy, Inschriften gr. Bildhauer^ p. 11.
END06AIVI1E (Ethnogr.) (V. Famille, Mariage).
ENDOGÈNES (Vésicules) (Zool.) (V. Vésicule).
ENDOGONE (Bot.). C'est le sac sporifère des mousses
au moment de leur floraison ; recouvert par Vépigone, il
constitue l'archégone (fleur femelle) ; dans la fig. 1 de Fart.
Archégone, on voit en a^^ l'endogone, sorte de membrane
celluleuse, dont l'extrémité a plus ou moins l'apparence
soit d'un stigmate, soit de l'exostome d'un ovule. A la
maturité, la base de l'endogone s'allonge en pédicelle et
constitue la capsule ou urne, tandis que l'épigone forma
la coijfe. D»* L. Hn.
ENDOMORPHISME (GéoL). Beaucoup de roches érup-
tives ayant subi au contact et sous l'influence des terrains
traversés des modifications physiques ou chimiques plus
ou moins profondes, il en résulte un métamorphisme spé-
cialement désigné sous le nom à'endomorphe (ou endo-
morphisme), par opposition à celui d' exomorphe qu'elles
exercent sur les roches encaissantes (V. Métamorphisme).
ENDOMYCHUS. I. Zoologie. — (Endomychus Panz.).
Genre de Coléoptères-Phytophages, qui a donné son nom à la
famille des Endomychides. Cette famille a de grands rap-
ports avec celle des Coccinellides (V. Coccinelle) ; elle en
diffère surtout par le corps oblong, le dernier article des
palpes maxillaires oblong ou
ovoïde, les antennes allon-
gées, non rétractiles, insé-
rées sur le front en avant
des yeux , le prothorax présen-
tant toujours en arrière deux
sillons bien marqués, les
épimères du mésosternum en
forme de trapèze, les hanches
antérieures globuleuses, les
cuisses non sillonnées en
dessous et les tarses terminés
par des crochets simples. Les
Endomychides vivent presque
exclusivement dans les productions cryptogamiques (Bolets,
Agarics, moisissures, etc.). Ils sont surtout répandus
dans les régions équatoriales de l'Amérique et dans les
grandes îles de l'archipel Indien. D'après la monographie
de Gerstœcker, publiée en 1858, le groupe renferme plus
de trois cents espèces réparties en une cinquantaine de
genres, dont les principaux sont : Eumorphus Web. ,
Dapsa Latr., Mycetina Muls., Lycoperdina Lâir,, Ste-
notar su s y eviy, Mycetœa Steph., et Endomychus Vam,
Une revision des espèces européennes a été publiée en 1867
par de Marseul (Abeille, t. V). Le genre Endomychus a
pour espèce type VE. coccineus L., que Ton trouve sous
les écorces de certains arbres lorsqu'elles sont détachées
du tronc et revêtues de productions cryptogamiques. Sa
larve a été décrite par Kirby et Spence, Curtis, Westwood
et Gerstaecker. Ed. Lef.
II. Paléontologie. — On trouve dans l'ambre tertiaire
des représentants de la famille des Endomychidœ,
ENDOMYXÉES (Bot.). Famille de Champignons Myxo-
mycètes, constituant la plus grande partie de l'ordre et
ayant pour principal caractère la formation des spores par
division à l'intérieur d'un sporange. Celui-ci, solitaire, est
tantôt sessile, globule ou allongé verticalement, rarement
appliqué horizontalement contre le support de la plante,
tantôt muni d'un pédicelle creux à membrane dure, ridée
et plissée dans sa longueur. La cavité du pédicelle est
séparée ou non du sporange suivant les espèces. La forma-
tion des spores se fait en nombre aussi grand qu'il y a de
noyaux dans la masse protoplasmique du sporange, ou bien
aux dépens de certains filaments constitués aux dépens de
Endomychus coccineus L.
(très grossi).
certaines parties de cette masse et dont l'ensemble, entre-
mêlé aux spores, forme ce qu'on appelle le capillitium. Les
spores prennent, dès leur formation, leur dimension défini-
tive. Elles sont toujours rondes, mais se creusent d'un côté
d'une concavité par le dessèchement. A la maturité, la
membrane du sporange s'ouvre pour laisser passer les
spores qui peuvent germer presque aussitôt après leur
sortie. Une fois humectée, la spore s'ouvre et laisse échapper
son protoplasma qui bientôt s'allonge, pousse un cil vibra-
tile à l'une de ses extrémités qui est effilée et renferme le
noyau. Elle devient une zoospore qui devient myxamibe
par rétraction de son fil et se divise en deux autres. Par
fusion de ces myxamibes se forment des symplastes qui
réunis constituent le plasmode, lequel prend une forme
réticulée et continue à garder les mouvements amiboïdes
très actifs qui caractérisaient isolément les myxamibes.
Cette conservation des mouvements explique son déplace-
ment à travers le milieu qui le contient, terre, bois
pourri, feuilles mortes, etc. Pendant la période de crois-
sance du thalle, les éléments épais, zoospores et myxamibes,
peuvent s'enkyster sous l'influence du froid, de la séche-
resse, etc. Dans les mêmes conditions, les plasmodes peuvent
plus tard subir à leur tour la même transformation. Alors
ils rentrent tous leurs prolongements et chacune de leurs
cellules s'entoure d'une membrane de cellulose. Ces kystes
peuvent se conserver pendant une très longue durée et, au
retour de circonstances favorables, rendre la vie au plas-
mode reconstitué par dissolution des membranes et fusion
nouvelle des corps protoplasmiques. On connaît environ
une quarantaine de genres dans la famille des Endomyxées.
On peut les répartir en cinq sections d'après la coloration
des spores, la présence ou l'absence de columelle, de capilli-
tium, l'infiltration calcaire du pédicelle, etc. Chacune des cinq
sections ainsi constituées est elle-même divisée en types à
sporange simple et à sporange composé. H. Fournier.
ENDOPARASITE (V. Parasite).
ENDOPHYLLUM (Bot.). Champignon de l'ordre des
Urédinées, dont le conceptacle produit des écidioles et des
écidies, mais ne donnant ni urédospores, ni téleutospores.
C'est le seul genre de l'ordre qui n'ait pas de spores
d'hiver. Elles sont remplacées au printemps par des fila-
ments courts, munis de sporidies, émanant des écidios-
pores. L'Endophyllum est parasite de la Joubarbe, du
Sedum et de l'Euphorbe. H. F.
EN DOPLASME CELLULAIRE (V. Cellule, t. IX, p. 1058).
ENDOPROCTES (Zool.). Division des Bryozoaires créée
par Nitsche à la suite de ses travaux sur la Pédicelline. A
l'inverse des Ectoproctes, les animaux de ce groupe ont
l'anus situé en dehors du lophophore, et celui-ci n'est pas
rétractile. Ils ne comprennent qu'un petit nombre de genres
répartis dans les familles des Pedicellidœ et des Loxo-
somidœ (V. ces mots). L. Chabry.
EN DUR. Localité de l'ancienne Palestine, située dans la
plaine de Jezrahel et où se place la scène de la consultation
d'une pythonisse par le roi Saiil, à la veille de la bataille
où il devait perdre la vie (1 Samuel, ch. xxviii).
ENDOSCOPE. L'endoscope est un instrument imaginé
en 1853 par Désormeaux dans le but de permettre l'exa-
men intérieur des cavités physiologiques ou pathologiques
du corps. Il est particulièrement employé pour explorer
l'urèthre, la vessie ou le point d'abouchement des uretères
dans la vessie, mais il peut servir également à examiner
les fosses nasales, l'œsophage, l'intérieur du col ou du
corps de l'utérus ainsi que toutes les cavités accidentelles,
qu'elles soient d'origine kystique, inflammatoire ou trau-
matique. L'endoscope de Désormeaux (fig. 1) se com-
pose essentiellement : i^ d'un tube AB renfermant un
miroir métallique CD incliné de 45<> sur l'axe de l'ins-
trument et percé à son centre d'un petit orifice circu-
laire. Ce tube porte à son extrémité B une douille E
dans lequel peut s'introduire une sonde telle que FG ou
toute autre de forme appropriée à l'objet de l'examen. Il
présente en A un diaphragme percé à son centre d'un petit
ENDOSCOPE — ENDOSMOSE
- 1018
trou tout comme le miroir CD ; 2° d'une petite lampe H qui
se réunit à la pièce précédente à l'aide d'un tube latéral.
Cette lampe est munie d'un réflecteur concave J disposé de
façon à renvoyer les
rayons lumineux sur le
miroir incliné qui les
dirige à son tour sur la
partie à éclairer; 3° enfin
d'une lentille I destinée
à faire converger en un
même point la lumière
de la lampe et par suite
à rendre cette partie
plus visible. Pour se
servir de cet appareil,
on fixe dans la douille
E la sonde dont on a
besoin ; on met en place
la lampe allumée dont
la flamme a été soi-
gneusement montée à la
hauteur du centre du
miroir et l'on regarde par
l'orifice A muni ou non
d'une lentille grossissante. Les parties qui se trouvent
placées à l'extrémité de la sonde apparaissent ainsi à
l'œil très facilement, et il est possible de faire le diagnostic
des lésions dont elles sont le siège. Dans certains cas, l'en-
doscope facilite l'opération, le 'chirurgien n'agissant plus
à l'aveuglette, mais conduisant de l'œil son instrument.
L'appareil de Désormeaux, comme ceux qu'ont construit
ou fait construire Bruck, Fonssagrives, MiUiot, Trouvé et
tant d'autres, présente l'inconvénient capital de ne rendre
accessible à l'œil que l'espace très restreint qui se trouve
au bout de la sonde. Il n'en est pas de même du mégalos-
cope de Boisseau du Rocher qui, par une disposition optique
Fig. 1. — Endoscope de Désormeaux.
tste^
Fia:. 2
Môgaloscope du docteur Boisseau du Rocher.
fort heureuse, permet l'examen d'une surface bien plus
étendue. Dans cet appareil (fig. 2), le système éclairant
se trouve constitué par' une petite chambre L dans laquelle
est placée une lampe électrique à incandescence. La partie
optique comprend un prisme de 3 millim. de côté A, en
rapport immédiat avec un double système de lentilles
à court foyer BB^ Elle se trouve complétée par une
lunette CD montée à l'extrémité supérieure de l'instru-
ment , et dont le but est de grossir l'image réelle et
renversée ff de la surface FF^ La lentille terminale D^
est mobile ; elle fait fonction de lampe, et permet par suite,
s'il est besoin, d'avoir une image agrandie de la partie exa-
minée. Le mégaloscope de Boisseau du Rocher sert aux
mêmes usages que l'endoscope dont il constitue un ingé-
nieux perfectionnement. D^ Alphândéry.
EN DOS M G M ÊTRE. Cet instrument a été imaginé par
Dutrochet pour étudier l'endosmose des liquides. C'est un
instrument qui ne permet que de constater le phénomène
et nullement de le mesurer. Il se compose d'un flacon sans
fond bouché par une membrane (vessie de cochon, papier,
parchemin, etc.). Le goulot de la bouteille est fermé par
un bouchon qui laisse passer un tube le long duquel se
trouve une planchette portant une division. La bouteille
contenant de l'alcool, si on la plonge dans l'eau, on voit
le niveau du liquide monter peu à peu par un phénomène
à' endosmose (V. ce mot). Mais la division à laquelle s'ar-
rête le liquide n'a pas
de signification ; l'indi-
cation de l'instrument
ne donne, en effet, que
la diflérence de deux
phénomènes d'osmose ;
en outre, les conditions
de l'expérience varient
constamment pendant
sa durée puisque la
pression augmente, ce
qui favorise l'un des
phénomènes d'osmose et
entrave l'autre. Il faut
donc considérer cet ap-
pareil comme un instru-
ment de démonstration
et non comme un ins-
trument de mesure ;
c'est donc plutôt un
endosmoscope qu'un
endosmomètre : encore n'indique-t-il que les difi'érences
d'endosmose, et, si l'on avait deux liquides se diô'usant très
rapidement à travers les membranes, mais avec la même
vitesse, et si on les essayait avec l'endosmomètre, celui-ci
resterait au zéro. A. Joannis.
ENDOSMOSE (Phys.). Les phénomènes d'endosmose
ont été découverts par Nollet ; ayant placé un vase entière-
ment plein d'alcool et fermé par une vessie dans un récipient
plein d'eau, il constata au bout de quelques heures que la
membrane primitivement plane était gonflée et convexe ;
il fit alors l'expérience inverse consistant à remplir d'eau
la bouteille et à la mettre dans un vase plein d'alcool ;
il obtirft le résultat inverse ; la membrane se déprima et
présenta une surface concave. Nollet abandonna ces expé-
riences ; on ne pouvait en déduire que le passage de l'alcool
à travers la membrane ; mais si on analyse dans les deux
expériences de Nollet les liquides qui sont de chaque côté
de la membrane, on trouve que l'eau est devenue alcoo-
lisée et que l'alcool contient plus d'eau qu'auparavant ; il
y a donc, en réalité, passage des deux liquides avec des
vitesses difî'érentes. Dutrochet, qui a beaucoup étudié ces
phénomènes, désigne ces deux courants sous les noms
d'endosmose et d'exosmose. L'eau et l'alcool ne jouissent
pas seuls de cette propriété ; tous les liquides miscibles la
possèdent; les sels métalliques ont donné lieu à un grand
nombre d'expériences et on a cherché à en déduire des
lois. Il faut remarquer tout d'abord qu'on doit opérer dans
des conditions exactement semblables, ce qui est souvent
difficile. La membrane, en eff'et, joue un rôle considérable
dans ces expériences, rôle mal connu et variable. Dans les
expériences de Nollet et dans celles que Dutrochet a faites
avec Vendosmomètre (V. ce mot), on ne mesurait que la
diff'érence de deux phénomènes d'osmose ; or, cette diff'é-
rence variait avec la nature de la membrane, et, si on prenait
toujours une vessie de cochon, elle variait d'un animal à
l'autre. Dans une même vessie les diverses régions ne don-
naient pas les mêmes phénomènes. M. Gayon a montré
qu'en prenant pour membrane cette pellicule fine qui
tapisse l'intérieur des œufs d'oiseaux, on obtenait avec
l'eau et l'eau sucrée des phénomènes d'une intensité très
diff'érente, selon que la surface extérieure de la membrane
était tournée du côté de l'eau sucrée ou du côté de l'eau.
Avec une lame de caoutchouc, la vitesse relative de diff'u-
sion de l'eau et de l'alcool change de signe. On voit com-
bien est complexe et obscur le rôle de la membrane et
combien il doit être difficile de trouver les lois de ces
phénomènes.
Expériences de Jolly. Ce savant opérait à l'aide d'un
tube de 0^20 de long, de 0^^015 de large fermé en bas par
— 1019 —
ENDOSMOSE — ENDOTHERMIQUES
une vessie ; dans ce tube il mettait la solution saline sur
laquelle il voulait opérer, et il le plaçait dans un vase con-
tenant de Teau, de façon que le niveau du liquide dans le
tube fût le même qu'à l'extérieur, non seulement au début,
mais pendant toute l'expérience. L'eau pénétrait dans le
tube, la substance saline en sortait peu à peu, mais le
poids total du tube augmentait ; il le pesait une fois par
jour jusqu'à ce qu'il n'y eût plus changement ; il n'y avait
plus alors de sel dans le tube intérieur. Ayant fait une
série d'expériences de ce genre, il trouva que le poids
d'eau qui remplaçait un certain poids de sel était propor-
tionnel à ce poids ; aussi 4^'34 d'eau s'introduisaient dans
l'appareil pendant que 1 gr. de chlorure de sodium en
sortait. Si on admet, avec Jolly, cette proportionnalité, il
y a lieu de déterminer pour chaque sel ce qu'il appelle
l'équivalent osmotique, c.-à-d. le poids d'eau qui pénètre
dans l'appareil quand 4 gr. du sel en sort. Il faudrait
ensuite, pour que ces nombres aient une signification,
qu'en employant une autre membrane, on retrouvât ou les
mêmes nombres ou au moins des nombres proportionnels ;
il n'en est rien. Il résulte des expériences de Graham et de
Eckhard que les équivalents osmotiques n'existent pas.
Mais, si la théorie de ces phénomènes est peu avancée, du
moins on a pu les appliquera divers usages, en particuKer
pour réparer les substances inégalement endosmotiques,
soit dans un but d'analyse qualitative, soit dans des appli-
cations industrielles ; ïosmogène de Dubrunfaut sépare
les sels minéraux contenus dans les jus sucrés incristalli-
sables par l'endosmose à travers du papier parchemin ;
la dissolution de sucre en partie privée de ses sels peut
alors cristalliser de nouveau. A. Joannis.
ENDOSPORE (Bot.) (V. Spore).
ENDOSSEMENT. L'endossement est la mention, écrite
au dos d'un titre auquel cette formalité est applicable, et
qui en constate la cession. Suivant les cas, cette mention
doit ou non comprendre certaines indications déterminées.
Lorsqu'il s'agit de valeurs mobilières (actions ou oMigations),
transmissibles par endossement, celui-ci ne comprend, en
général, que le nom du cessionnaire, la date de la cession
et la signature du cédant ; il est souvent complété par une
transcription sur un registre ad hoc tenu au siège social.
En matière d'effets de commerce, les énonciations exigées
sont'i)lus nombreuses et leur omission modifie profondé-
ment les effets de l'endossement. Pour produire tout son
effet, Tendossement doit comprendre : le nom du bénéfi-
ciaire, renonciation de la valeur fournie, la date de la
cession ; il est naturellement signé par le cédant. Si l'une
de ces énonciations fait défaut, l'endossement est irrégu-
lier ; il ne constitue plus qu'un mandat donné par le cédant
à celui qui est indiqué comme cessionnaire, et expose celui-
ci, en cas de faillite du cédant, à une revendication de
l'effet cédé, s'il en est resté propriétaire. On admet pour-
tant que, si l'omission relevée ne provient que d'une négli-
gence, l'endossement même irrégulier produira tout son
effet entre les parties, mais non à l'égard des tiers qui
ignorent les conventions faites. L'endossement en blanc,
c.-à-d. celui qui consiste uniquement dans la signature du
cédant, est évidemment irrégulier ; mais, tandis qu'en géné-
ral l'endossement auquel manque une des énonciations obli-
gatoires ne peut être complété, on reconnaît au porteur
d'un effet de commerce endossé en blanc le droit d'écrire
un endossement régulier à son profit, étant admis que cette
inscription est faite de bonne foi et à une époque oii le
cédant est encore investi du droit de transférer les effets
qui lui appartiennent. En matière de chèque, les prescrip-
tions des art. 137 et 138 du C. de comm. ne sont pas
applicables, la loi de 486o disant expressément que le
chèque peut être transmis même par voie d'endossement
en blanc. Il est à remarquer que les législations étrangères,
et surtout les législations anglaise et allemande, donnent
à la transmission des effets de commerce des facilités beau-
coup plus grandes, et sont loin de reproduire toutes les
restrictions qui existent encore en France.
Effets de V endossement. Par le fait de l'endossement
d'une valeur mobilière, résultant d'une opération faite de
bonne foi, le cessionnaire en acquiert la complète et abso-
lue propriété, au même titre que son cédant. S'il s'agit
d'une lettre de change, et en général d'un effet de com-
merce, l'endossement' régulier donne au porteur, de plein
droit, la propriété du titre, avec tous les droits accessoires.
C'est ainsi que, si le payement de la lettre de change a été
garanti par une hypothèque, le porteur aura le droit de
s'en prévaloir ; il obtient, en outre, la garantie de tous les
endosseurs ayant figuré sur le titre transmis, en plus de
celle du tireur et du tiré accepteur, et en cas de non-paye-
ment, il peut, après protêt en temps utile, exercer son
action en garantie individuellement contre chacun des obli-
gés, ou collectivement contre tous. Il en est de même de
l'endosseur qui a remboursé à l'égard de tous ceux qui, par
le fait de l'endossement, étaient devenus ses garants. Le
recours doit être exercé par le porteur dans la quinzaine
de la date du protêt, délais de distance non compris, ^ et
par les autres endosseurs, dans la quinzaine de la citation
en justice, ou de la date du payement si le remboursement
a été fait sans citation. Dans tous les cas, il y a lieu
d'ajouter les délais de distance. G. François.
ENDOTHÉLIUM (Anat.). Les surfaces libres des sé-
reuses, la surface postérieure de la cornée et la surface
antérieure de l'iris, les tendons et les gaines tendineuses,
les sacs lymphatiques des amphibies, la cavité du cœur,
les vaisseaux sanguins et lymphatiques sont tapissés par
une membrane faite de cellules minces et transparentes
comme du verre (cellules endothéliales) à laquelle on donne
le nom d'endothélium (V. Epithélium). Les endothéliums
dérivent du feuillet moyen du blastoderme. Les uns ne sont
que la transformation de l'épithélium de la cavité pleuro-
'péritonéale (V. Péritoine, Plèvre, Péricarde, Ovaire,
Testicule, Rein) et dérivent par conséquent de l'entéro-
cœlome. Seul, l'endothélium de l'arachnoïde provient d'un
schyzocèle (V. Cornée, Cœur et Vaisseaux).
ENDOTHERMIQUES et EXOTHERMIQUES (Compo-
sés et réactions). Il existe en chimie deux ordres de réac-
tions et de combinaisons, savoir : 4« les réactions et com-
binaisons directes, c.-à-d. susceptibles d'être réalisées par
l'action réciproque des éléments et autres composants libres ;
soit immédiatement, soit lentement; soit par la simple
réaction des composés mis en présence ; soit avec le con-
cours d'énergies auxiliaires , empruntées à réchauffement,
à la lumière, à l'électricité, aux agents dits de contact, etc.
2° les 7'éactions et combinaisons indirectes^ c.-à-d.
les combinaisons qui ne peuvent être produites par l'action
réciproque des composants libres.
Soient d'abord les combinaisons dont la formation peut
avoir heu directement sans le concours d'une énergie étran-
gère, et au moyen des corps composants pris à l'état de
liberté. La formation de cet ordre de composés a lieu avec
dégagement de chaleur. Ce sont les combinaisons exother-
miques. Leur formation s'effectue en vertu d'un travail
positif des affinités, c.-à-d. qu'il y a perte d'énergie, en
passant des corps composants au corps composé, ^ Réci-
proquement, la décomposition de ces combinaisons exige une
dépense de travail, une absorption de chaleur ; pour repro-
duire les corps primitifs, il faut restituer au système l'éner-
gie perdue : leur décomposition est donc endothermique.
Telles sont les combinaisons de l'oxygène avec l'hydrogène,
le phosphore, le carbone, les métaux ; celles du chlore avec
l'hydrogène et les métaux ; celles des acides avec les
bases, etc. C'est cet ordre de composés que l'on a cou-
tume d'envisager, lorsqu'on raisonne en général sur la
combinaison chimique.
Les combinaisons endothermiques sont au contraire
formées par voie indirecte, et leur décomposition directe
donne lieu à un dégagement de chaleur , c.-à-d. qu'il y a
pe7'te d'énergie en passant du corps composé à ses
composants. Réciproquement, la formation directe de ces
combinaisons exige une certaine dépense de travail, c.-à-d.
ENDOTHERMIQUES — ENDUIT
1020
qu'elle répond à une absorption de chaleur. Il ne faudrait
pas croire que la chaleur ainsi mise en jeu ait été absor-
bée par le simple fait du rapprochement des particules
élémentaires : son absorption répond à de certains travaux
effectués pour disposer ces particules suivant un arrange-
ment spécial. On peut prendre une idée de tels composés,
en les comparant à un ressort tendu ; pour bander le res-
sort, il faut exécuter un travail équivalent à une certaine
quantité de force vive, que la détente du ressort fera
reparaître. Un corps composé de cet ordre renferme plus
d'énergie que le simple mélange de ses composants. C'est
là un caractère commun au cyanogène, à l'acétylène, au
bioxyde d'azote, tous corps qui jouent le rôle de véritables
radicaux composés. Or le caractère que je viens de signa-
ler tend à rendre compte de cette propriété de radical com-
posé effectif, manifestant dans ses combinaisons ultérieures
une énergie plus grande que celle de ses éléments libres.
En effet, l'énergie de ceux-ci se trouve exaltée par l'effet
de cette absorption de chaleur, au lieu d'être affaiblie,
comme il arrive dans les combinaisons qui dégagent de la
chaleur ; et cet accroissement d'énergie rend le système
comparable aux éléments les plus actifs.
Cet ordre de composés, plus rare en chimie que le précé-
dent, se présente toutefois assez souvent et son étude offre un
grand intérêt. Tels sont, par exemple, en chimie minérale, le
bioxyde et les autres oxydes d'azote, l'hydrazine, l'hydro-
gène arsénié, le chlorure d'azote, les composés oxygénés
du chlore, l'acide permanganique, etc. Tels sont encore en
chimie organique : l'acétylène (C^H)^, formé depuis les
éléments avec une absorption de 60 calories ; le sulfure
de carbone, CS^, formé avec absorption de IS^'^^d; le cya-
nogène (G^Az)^, formé avec absorption de 74«^i. Lesmêmes
propriétés appartiennent aussi à un grand nombre de com-
posés, en tant que formés par l'union de deux composants
plus simples avec élimination des éléments de Teau. Ainsi,
les éthers composés dérivés des acides organiques sont
formés avec absorption de chaleur : soit pour l'éther acé-
tique — 2^^^0, depuis l'acide et l'alcool générateurs. De
même les amides et les nitriles, en tant que dérivés des sels
ammoniacaux, etc. On voit par là toute la généralité des
combinaisons formées avec absorption de chaleur dans la
chimie organique. Il n'est pas douteux que leur formation
et leur décomposition ne jouent un grand rôle dans les mé-
tamorphoses de la matière qui s'accomplissent au sein des
êtres vivants ; leur décomposition en particulier peut s'ef-
fectuer sous l'influence de simples agents déterminants,
sans le concours d'une énergie étrangère. Elle rend pos-
sibles, au sein des êtres vivants, des dégagements de cha-
leur en apparence spontanés, comme ceux que l'on observe
dans les fermentations. M. Berthelot.
ENDOTHIODON (Paléont.). Genre de Reptiles fossiles
créé par Owen, et appartenant au groupe des Theromor-
pha (V. ce mot), dans lequel il doit constituer une famille
à part dont les caractères sont : intermaxillaire dépourvu
de dents ; mâchoire supérieure n'ayant qu'une seule canine ;
palais revêtu de plusieurs rangées de dents. Le type
E. bathystoma est des couches triasiques de Karoo, dans
l'Afrique australe. E. Trt.
ENDOUFIELLE. Com. dudép. du Gers, arr. deLombez,
cant. de L'Isle-en-Jourdain ; 679 hab.
ENDOXYLA (Bot.). Genre de Champignons de la famille
des Sphériacés, à périthèces réunis en séries, à asçjues lon-
guement stipitées, à spores d'un brun clair, cylindriques
et courtes. Habite le bois de chêne.
ENDRA6T (Terre d'). Région côtière d'Australie, colo-
nie de l'Australie occidentale, entre les golfes d'Exmoulh
et de Shark ; elle fut découverte en oct. 4616 par le Hol-
landais Hartog qui montait ÏEndragi.
EN DR ES. Bourg de la Turquie d'Asie, vilayetde Sivas;
600 hab., aune heure et demie de l'ancienne Nicopolis
qui, ainsi que l'a prouvé Taylor en 1866, fut bâtie par
Pompée après sa victoire sur Mithridate. — Village près de
Mossoul, où les Israélites vont en pèlerinage.
ENDRŒDY (Jean), écrivain hongrois, né en 1756, mort
en 1824. Il appartenait à l'ordre des piaristes, et s'est
occupé de philosophie. Mais son principal service littéraire
fut de travailler à un recueil des œuvres dramatiques en
magyar composées jusqu'aux premières années de notre
siècle.
ENDROMIDIS (V. Chaussure, t. X, p. 971).
ENDROMIS (Endromis Ochs.) (Entom.). Genre de
Lépidoptères-Hétérocères, qui a donné son nom au groupe
des Endromides, intermédiaire entre les Bombycides et
les Attacides (V. Bombyx et Attacus). L'unique espèce
connue, E, versicolora L., est un Papillon de petite taille
aux antennes pectinées, aux ailes antérieures allongées, fer-
rugineuses, avec deux lignes noires transversales sinueuses ;
les postérieures sont courtes, d'un jaune brunâtre avec
une hgne noire en S et deux petites taches blanches vers
le sommet. Le papillon se trouve dans toute la France ; il
vole en plein jour avec beaucoup de rapidité. La chenille,
d'un brun verdâtre, avec des lignes blanches sur le dos,
vit principalement sur le bouleau, le tilleul, l'aulne, le
noisetier, etc. ; son pénultième anneau est élevé en forme
de pyramide. Ed. Lef.
EN DRU LAI (Bernhard), écrivain allemand, né à Berlin
le 24 août 1828, employé aux archives prussiennes. Il a
écrit des poésies (Hambourg, 1857), des nouvelles en prose
et en vers, Geschichtenund G^sfa/^^n (Hambourg, 1863),
traduit Flaubert, etc.
ENDUIT (Chim. industr.). On donne le nom d'enduits
aux corps ou compositions employés pour préserver les
murs, les cloisons, le bois, le fer, etc., de l'humidité, de
l'action de l'air, ou pour rendre leur surface plus unie ou
plus agréable à l'œil. On peut les classer en deux caté-
gories : 1<» les enduits simples ; 2° les enduits hydrofuges.
Les premiers sont usités depuis fort longtemps. A Rome,
où les lambris étaient inconnus, on apportait le plus grand
soin à la confection des enduits. Ils consistaient en couches
d'épaisseu?s et de compositions différentes, généralement
au nombre de trois. Les deux premières se composaient
simplement de chaux et de sable, et la troisième, beaucoup
moins épaisse, de chaux et de marbre pulvérisé. Malheu-
reusement, ces couches, en raison des différences de com-
position, se soudaient mal entre elles et se séparaient assez
rapidement par plaques. On retrouve cependant dans plu-
sieurs ruines romaines quelques-uns de ces enduits qui
ont partiellement résisté à l'action du temps et des intem-
péries. Aujourd'hui, les enduits simples sont très variés ;
on les fait en mortier de chaux grasse ou hydraulique, en
plâtre, en ciment ordinaire ou romain, etc. Les mortiers
de chaux s'appliquent principalement sur les murs de
clôture qui ont peu à craindre de l'humidité; ils ont
surtout pour but d'empêcher les pluies de pénétrer les
pierres gélives ou s'infiltrer dans les joints. Les enduits en
plâtre servent à peu près dans les mêmes circonstances que
les mortiers de chaux ; ils sont appliqués comme eux d'une
façon un peu grossière sur les murs de clôture en couches
de 10 à 14 centim. ou pour garnir le dessus et l'intérieur
des cheminées. Pour les ouvrages plus soignés, on enduit
sur crépi ; le plâtrage est alors fait en trois couches, savoir
le gobetage^ le crépi et l'enduit proprement dit.
Les chaux hydrauliques, le ciment ordinaire et le ciment
romain s'emploient de préférence pour enduire l'extrados
des voûtes, les murs de soubassement, qui sont toujours
humides. D'une façon générale on les applique à toutes les
constructions devant se trouver en contact immédiat avec
l'eau, telles que bassins, citernes, fosses, aqueducs, etc.
On emploie très souvent un mélange de chaux et de ciment
appelé mortier bâtard qui préserve suffisamment en coûtant
beaucoup moins cher. Dans certains pays, les enduits sont
faits en mortier de bourre qui se compose de bourre et de
chaux éteinte depuis plusieurs mois. Cette extinction pro-
longée est nécessaire pour avoir un mortier fin et de bonne
qualité. Les plus appréciés sont faits avec de la bourre de
veau ou celle provenant de la tonte des draps. Pour pré-
— 1021 —
ENDUIT — Ex\EE
parer le mortier, on commence par battre la bourre avec
des baguettes. Puis on fait le mélange d'eau, de chaux et
de sable fin dans les proportions convenables ; on agite
avec soin de façon à avoir un mélange bien homogène;
puis on ajoute la bourre par portions en continuant d'agi-
ter jusqu'à ce que la masse ait pris la consistance
nécessaire pour permettre son emploi. Cet enduit est assez
résistant. Tous les enduits que nous venons de citer re-
çoivent leurs applications dans la grosse construction pour
les murs exposés directement à l'air et à l'humidité. Dans
l'intérieur des appartements on demande moins de solidité,
mais plus d'aspect. Le plâtre est le plus souvent employé
pour enduire les parties non lambrissées, seul, ou re-
couvert de peinture à l'huile ou à la colle de papier
ou de tentures. On lui substitue parfois des compositions
telles que le mélange de plâtre et de colle appelé stuc
de plâtre ; de chaux et de marbre ou stuc de chaux. On
a essayé aussi de préconiser l'emploi des plâtres alunés et
de l'oxychlorure de zinc qui se rapprochent beaucoup des
stucs précédents, mais sans grand succès.
Enduits hydrofuges. Les enduits hydrofuges ont pour
but de préserver complètement de l'humidité la pierre, le
bois ou le fer sur lesquels ils sont appliqués. On les emploie
presque toujours à chaud, parfois comme peinture, délayés
dans de l'huile de lin ou de l'essence de térébenthine. Sur
les métaux, l'enduit ne forme qu'une couche imperméable à
l'humidité et à l'air ; c'est en quelque sorte un vernis qui,
le plus souvent, s'écaille avec le temps. Les peintures
appliquées sur les murs des maisons sont généralement
dans ce cas. Pour que l'enduit ait toute sa puissance, que
sa durée soit presque inimitée et que la préservation
de l'humidité soit absolue, il faut que la composition
pénètre dans la pierre, forme avec elle une masse homo-
gène, de telle sorte que la dernière couche, qui, elle, sert de
vernis, soit intimement liée à la pierre et ne puisse par le
temps ni se détacher ni s'écailler. Toutes ces conditions ont
été réunies au Panthéon, où l'on a hydrofugé le plafond en
1813 pour recevoir les peintures du baron Gros. Depuis
près de quatre-vingts ans que l'enduit a été posé, il a con-
servé toute sa solidité, et les peintures sont admirable-
ment conservées. Cet enduit hydrofugé est dû à Thénard
et Darcey ; pour le préparer on fond 1 kilogr. de cire
dans laquelle on incorpore 5 kilogr. d'huile de lin cuite
et 100 gr. de litharge, ou bien on fait fondre deux parties de
résine dans laquelle on ajoute une partie d'huile de lin cuite
et un dixième de litharge. Cette composition a été employée
à la faculté des sciences de Paris pour préserver de l'hu-
midité des murs se recouvrant constamment de salpêtre.
Pour appliquer cet enduit, on gratte fortement la surface
de façon qu'elle soit lisse et bien nette, puis on la chauffe
assez fortement et on passe une couche de la composition
qui se trouve assez rapidement absorbée, on en passe ainsi
une seconde, puis une troisième, etc., jusqu'à ce que le
calcaire ou l'enduit simple refuse d'en absorber. Les com-
positions d'enduits varient à l'infini ; nous citons les princi-
pales, quelques-unes avec leur prix de revient au mètre carré:
Enduit ruolz. Oxyde de zinc, 366 gr. ; oxyde de fer,
273 gr. ; carbonate de zinc, 233 gr. ; silice, 70 gr. ;
charbon, 47 gr. ; zinc, 14 gr.; argile, 10 gr. Ces matières
porphyrisées et mélangées sont broyées avec 2 parties
d'huile de lin et 7 parties d'huile d'œillette. On l'emploie
à chaud ou, comme la peinture ordinaire, délayé dans l'es-
sence de térébenthine. — Enduit Dondemi. Huile de lin,
15 gr. ; résine, 15 gr. ; suif, 15 gr. ; oxyde de zinc,
12 gr. ; minium, 10 gr. ; peroxyde de fer, 8 gr. ; chaux
éteinte, 6 gr. ; ciment, 6 gr. ; résidu de couleurs, 4 gr. ;
litharge, 2 gr. ; gutta-percha, 2 gr. ; colle forte, 2 gr.
Tous ces corps sont intimement mélangés et cuits jusqu'à
réduction de un dixième. — Enduit ou mastic Nachabé.
Poix grasse, 60 gr. ; bitume de Bastennes, 19 gr. ; chaux
hydraulique fusée à l'air, 6 gr. ; ciment romain, 6 gr. ;
cire, 4 gr. ; suif de Russie, 3 gr. ; galipot, 2 gr. Les
matières grasses et résineuses sont fondues ensemble et
additionnées de matières solides pulvérisées. — Enduits
divers. Cire jaune, 100 gr. ; huile de lin cuite, 300 gr. ;
litharge, 30 gr. ; pénétration, 12 millim. Prix, 4 fr. le m. q.
— 100 gr. de savon, de suif et de chaux dans 400 gr.
d'huile de lin cuite et 10 gr. de litharge. Prix, 2 fr. 05
le m. q.. — 100 gr. de résine, 100 gr. d'huile de lin cuite,
10 gr. de litharge. Prix, 1 fr. 50. — Savon de suif et de
chaux, 300 gr. ; acide oléique, 400 gr. Prix, 2 fr. 25. —
Oléate de chaux (100 gr. acide oléique, 8 gr. de chaux).
Prix, 1 fr. 75. — On emploie aussi les goudrons pour
enduire les bois servant à la construction des navires ou
employés comme pilotis, la paraffine, les solutions de gutta-
percha, de caoutchouc, de celluloïd, etc. ; on peut dire, en
général, tous les corps imperméables à l'eau résistant assez
longtemps à l'influence de l'air. Ch. Girârt).
ENDYMATA (V. Costume, t. XII, p. 1154).
EN DYWI ION. I. Mythologie. FilsdeZeus ou d'iEthlios et
Kalyké, jeune homme d'une rare beauté ; il fut aimé de
Séléné, déesse de la lune ; elle venait le trouver pendant
son sommeil sur le mont Latmus, où il se reposait après
la chasse ; elle eut de lui cinquante filles et obtint de Zeus
que son amant s'endormît d'un sommeil éternel en conser-
vant sa jeunesse et sa beauté. Une autre légende fait Endy-
mion un roi de l'Elide. Il y a encore d'autres versions.
Les mythologues ont fait de grands efforts d'imagination
pour interpréter ce mythe (V. Lune).
II. Botanique. — (Endijmion Dum., Agraphis Link).
Genre de Liliacées, voisin des Scilla (V. Scille) dont
il diffère par les divisions du périanthe dressées et
conniventes en tube dans une grande partie de leur éten-
due. L'espèce type, E, niitans Dum. (Hyacinthus non
scriptus L. ; Agraphis niitans Link), est extrêmement
commune au printemps dans les bois des environs de Paris.
On l'appelle vulgairement Jacinthe des bois, J. sauvage.
Ses fleurs, d'un beau bleu, exhalent une odeur faible de
Jacinthe. Ed. Lef.
ENE. Rivière du Pérou qui forme le Tambo par sa jonc-
tion avec le rio Perene ; le Tambo uni à l'Urubamba forme
l'Ucayali. L'Ene lui-même est formé par la jonction
du Mantaro et du Catongo ou Apurimac. Ce n'est donc
qu'un tronçon fluvial assez court, d'une des branches
maîtresses de l'Amazone ; il sépare les dép. de Junin et de
Cuzco.
ENEBER6 (Carl-Fredrik), poète et orientaliste finnois,
né à Nerpes le 19 mars 1841, mort à Mossoul le 23 mai
1876. Après avoir étudié à Helsingfors, Saint-Pétersbourg,
Leipzig, Paris, Londres, il partit avec l'expédition anglaise
de Smith (1876) pour recueillir des inscriptions cunéiformes
en Assyrie. On lui doit un poème (Karin, 1869) et des
Poésies en suédois (1869) et en finnois dans Kirjallinen
Kuukauslehti; deux thèses enlatin (Des Pronoms dans la
langue arabe, iSl^.iSl^) qui lui valurent le grade de doc-
teur et le titre de docent ; enfin un mémoire, dans le Jour-
nal asiatique, sur une inscription de Tiglat Pilezer. B-s.
ÉNÉE, fils d'Aphrodite et d'Anchise, un des héros prin-
cipaux der//mc^^, devenu, par un concours extraordinaire
de circonstances, une des figures les plus importantes
de l'histoire légendaire dans l'antiquité gréco-romaine.
1<^ Enée chez Homère. Dans VIliade Enée est,
parmi les héros de second rang, un des plus remarquables,
sinon par le rôle militant qu'il y joue, du moins par les
destinées exceptionnelles auxquelles le poète le réserve et
pour la protection particulière dont le couvrent Aphro-
dite, Apollon, Poséidon. C'est surtout dans l'épisode du
XX*^ chant (156 à 352) qu'il apparaît avec le caractère
imposant d'un prédestiné ; il y prend même une impor-
tance qui n'est pas en rapport avec le reste du poème ; sa
généalogie y est détaillée tout au long, de sorte qu'il est,
par les auteurs premiers de sa race, Zeus et Dardanos,
sur le même rang que Hector, l'héritier de Priam, tandis
que sa qualité de fils d'Aphrodite le rend supérieur à tous
ses parents. Cet épisode est d'accord avec l'hymne homé-
rique à Aphrodite et semble issu de la même inspiration,
ÉNÉE
1022 —
c.-à-d. qu'il a été, vers le ix^ siècle, interpolé dans V Iliade
par quelque rapsode qui se fait prophète après coup. Le
berceau de la légende d'Enée est la région du mont Ida ;
c'est là qu'il est né, fruit de l'amour d'x\phrodité pour le
prince le plus aimable de la contrée. Quoique Priam, roi
de la Troade, possède une nombreuse lignée, la déesse
prédit qu'il régnera un jour sur les Troyens. Elle le fait
élever jusqu'à sa cinquième année par les nymphes de la
montagne, avant de le remettre aux mains de son père. Il
est arrivé à l'âge viril au moment de la guerre de Troie ;
une première fois, il se mesure avec Achille, qui Ta surpris
gardant ses troupeaux sur les pentes de l'Ida, et il échappe
à ses coups par la protection de Zeus. Dans V Iliade, nous
le voyons remplir vaillamment ses devoirs de soldat ; il
s'expose dans maints combats, s'attaquant aux plus rudes
adversaires, à Achille en personne, après Sthenelos, Dio-
mède et Idoménée ; toujours la protection de quelque divi-
nité l'arrache aux dangers. Tandis que la race de Priam
est vouée à la destruction, Enée est sauvé en vue d'une
royauté future qui doit se perpétuer dans ses enfants. Il
est évident qu'au moment où les Homérides célèbrent ainsi
sa fortune et sa gloire, la descendance d'Enée règne sur
une partie de la Troade, non loin des régions où sombra
la royauté de Priam. Les mêmes poèmes lui donnent vis-à-
vis de ce prince les allures d'un prétendant dynastique qui
fait de l'opposition dans l'occurrence et est regardé d'un
mauvais œil à la cour. Enée, disait-on, avait désapprouvé
la guerre à l'origine, et les logographes citaient une tra-
dition en vertu de laquelle Aphrodite n'aurait suscité cette
guerre que pour faire passer le pouvoir aux mains de son
fils.
2° Enée chez les Cycliques. Arctinos, dans VEthio-
pide, poème aujourd'hui perdu, mais qu'on lisait encore
au siècle d'Auguste, racontait que Enée, après le prodige
des serpents qui étouffèrent Laocoon, quitta la ville de
Troie condamnée par les dieux et se réfugia dans la Dar-
danie ; d'autres ne l'en font partir qu'après l'occupation
de la ville par les Grecs. Tous les témoignages qui vont
d'Homère aux temps de Périclès s'accordent à cons-
tater qu'Enée échappa à la ruine de Troie et fonda au
pied du mont Ida une royauté nouvelle. Le premier docu-
ment qui le fasse sortir de la Troade après ces événements
est une monnaie d'Jîlnia, qui est à peine postérieure à
600 av. J.-C. La tradition généralement reçue, celle que
Virgile suivra plus tard dans la conclusion du IP chant de
VEiiéide^ a été consacrée par un poète épique du nom de
Pisandre, un Rhodien du vn^ siècle avant notre ère. En
ce moment, on ne fait pas encore sortir Enée de la Troade,
mais il est considéré comme le fondateur d'une royauté à
laquelle se rapportent, suivant toute vraisemblance, les
prédictions et les louanges que nous Hsons dans les poèmes
homériques et dont l'écho se prolonge jusque dans la poésie
du vi^ et du ve siècle.
3^ Enée chez les poètes lyriques et dramatiques.
Le premier poète qui ait fait entreprendre à Enée un
lointain voyage après la guerre de Troie est le Sicilien
Stésichore ; du moins son témoignage semble invoqué en
faveur d'une tradition de ce genre par un morceau de
sculpture connu sous le nom de Table iliaque. C'est là
que l'on voit Enée en compagnie d'Anchise, d'Ascagne
et de Misène, mettant à la voile pour l'Hespérie et empor-
tant dans ses bras Pédicule qui renferme les divinités
protectrices de Troie. Quoique cette œuvre soit du i*^^ siècle
de notre ère, il n'y a pas de raison pour ne pas rapporter
l'épisode au poète Stésichore, grand novateur en matière
de mythes et porté par ses origines mêmes à y faire inter-
venir les régions italiques. Cependant longtemps encore
après Stésichore, Sophocle, dans la tragédie de Laocoon^
maintient la tradition d'une royauté des Enéades en Phry-
gie; elle survit également, dans certains récits d'Hella-
nicus, un contemporain d'Hérodote, et dans un passage de
Xénophon où, pour la première fois, la piété d'Enée, sau-
vant les images divines du désastre, est l'objet d'une
mention spéciale. D'un grand nombre de citations tirées
par Denys d'Halicarnasse d'auteurs grecs aujourd'hui per-
dus résulte ce fait qu'aux temps de la guerre du Pélopo-
nèse, Popinion générale est qu'Enée n'était point sorti de
l'Asie Mineure ; on montrait même son tombeau à Bere-
cynthia en Phrygie.
4^ Les voyages d'Enée. C'est à l'aide de Denys d'Hali-
carnasse et de Virgile, qui utilisent tous les deux, pour
les concilier, les témoignages d'un grand nombre d'écri-
vains grecs, que nous pouvons refaire la carte de ces
voyages vers l'Occident. Remarquons d'abord que, dès
les temps d'Homère et d'Hésiode, l'Hespérie s'emparait
comme une région mystérieuse des imaginations hellé-
niques. On y avait localisé certains épisodes célèbres de
VOdyssée, et Ulysse lui-même est, par Hésiode, associé à
la généalogie des plus anciens héros de l'Italie. Le Troyen
Enée lui dérobe la gloire d'avoir porté la civilisation gréco-
asiatique dans ces parages. Il n'y va pas tout droit, mais
il aborde successivement sur les côtes de la Thrace, où il
fonde la ville d'/Enos, puis dans la presqu'île de Pallène
où s'élève zEnea. De là il s'arrête dans l'île de Délos, où
il rencontre un roi du nom d'Anius dont il épouse la fille.
Nous le retrouvons à Cythère, au S. du Péloponèse, où
il institue le culte d'Aphrodite ; à Zacynthe, à Leucas, à
Actium, à Ambracie ; il pousse jusqu'à Dodone en Epire
pour y consulter l'oracle ; il se repose à Buthrote, en face
de Corcyre, où Helenos a fondé une autre Troie ; partout
il laisse un autel d'Aphrodite comme marque de son pas-
sage. En partant des côtes d'Epire, il sort au plus vite des
parages inhospitaliers de l'Adriatique, débarque à Thurium
en Lucanie, remonte la côte du Bruttium et de la Cam-
panie jusqu'à Cumes, laissant son nom à l'île d'Aenaria et
celui de son pilote au cap Misène. Puis il revient sur ses
pas jusqu'en Sicile où il visite les Troyens Elyme et Egeste,
touche au cap Palinure, après avoir franchi à nouveau la
mer Tyrrhénienne, enterre sa tante à Fîle de Leucosie, une
autre parente à l'île de Prochyte et sa nourrice au pro-
montoire d'Epityché, tous ces lieux recevant les noms que
portaient les personnages mêlés à la légende. Enfin, il
débarque à proximité de Laurente, sur la côte du Latium,
et le lieu où il campe porte longtemps après le nom de
Troie.
5° Interprétation du voyage d'Enée, Deux faits
méritent d'attirer notre attention dans ces pérégrinations
diverses d'Enée; le premier, c'est que partout où il aborde
se rencontrent les vestiges d'un culte d'Aphrodite ; le
second, c'est que tantôt les lieux mêmes, tantôt les per-
sonnalités fabuleuses fixées dans ces lieux portent un nom
qui rappelle celui d'Enée. Or Aphrodite est une des divi-
nités protectrices des navigateurs ; l'étoile qui annonce
l'aurore lui est spécialement consacrée, et le ciel, où les
pilotes cherchent des guides dans les constellations, est son
domaine. Comme telle, elle est honorée sous le vocable de
Aïneias, dont le sens n'a pu être nettement déterminé,
mais qui semble être, pour les Grecs, en rapport avec le
radical a'ivsw, al'vr) ou aivoç, c.-à-d. que Aïneias signifie-
rait ou la Glorieuse (Uschold) ou la Secourable (Klau-
sen). L'hymne homérique lui-même se réfère, pour inter-
préter le nom que Aphrodite donne à son fils, au. mot
aivo;, qui signifie gloire ou stupeur. Des linguistes récents
l'ont mis en rapports avec la déesse sémitique Anaitis
(V. ce nom) qui correspond à l'Aphrodite Urania. Polybe
mentionne cette divinité sous le nom hellénisé de At'vT) et
nous dit qu'elle possédait, au voisinage d'Ecbatane, un
temple encore en grande faveur du temps d'Antiochus le
Grand. Il est d'autant plus naturel de chercher un rap-
port entre cette déesse et l'Aphrodite Aïneias que d'autres
personnalités héroïques de VIliade ont une origine sémi-
tique. Aineias s'est séparé par dédoublement du nom de
la divinité et en est venu à prendre, comme d'autres noms
à désinence semblable, une signification patronymique, il
signifie : fils d'Aîné. Le culte d'Aphrodite a propagé le
nom d'Enée et donné après coup, aux peuples que ce culte
a visités, Fillusion d'un voyage accompli par un héros
imaginaire, iils de la déesse. L'opinion vulgaire renversa
les termes ; pour elle, Enée, dans ses voyages, propagea
le culte d'Aphrodite, sa mère ; il faut dire qu'Aphrodite,
transportée d'Orient en Occident, abordant un peu sur
toutes les côtes et dans toutes les îles, répandit partout le
nom d'Enée.
6^ Stations principales du culte d'Aphrodite : la
Sicile, la Campanie, le Latium. C'est en Sicile et à
Cumes, en Campanie, que le culte d'Aphrodite JEneade
fut surtout en honneur. De là deux systèmes destinés à
expliquer comment il fut implanté dans le Latium, où il
se mêla à la légende des origines de Rome. Le premier
système, qui est celui de Preller, remarque que non
loin d'Eryx, dont la fable rapportait la fondation à des
Troyens échappés au sa(î de leur ville, s'élevait un temple
d'Aphrodite, plus tard appelée Erycine, et qui était en
réalité un temple d'Aphrodite Mneaàe, fondé par quelque
colonie gréco-asiatique. C'est dans ces parages que la civi-
lisation hellénique entra en contact avec les Phéniciens, et
que les Etrusques, maîtres d'une grande partie de l'Italie,
eurent à lutter, à l'aurore des temps historiques, contre
les Grecs et les Carthaginois. Le culte d'Aphrodite, d'une
tendance antihellénique, dut servir de trait d'union entre
ces derniers et les plus anciens habitants de l'Italie. C'est
ainsi que les navigateurs étrusques transplantèrent ce culte
sur les côtes du Latium, à Ardée, dans le pays des Ru-
tules, d'où il arriva à Lavinium, chez les Latins propre-
ment dits. La Vénus de cette dernière ville s'appelait,
originairement et longtemps encore dans la langue popu-
laire, Frutis, nom où il est facile de reconnaître une alté-
ration d'Aphrodite. Ce système, qui rend compte de l'ar-
rivée, dans l'Italie centrale, du nom d'Enée accolé à celui
de sa mère, est plus admissible de beaucoup que celui
d'O. MuUer qui fait aborder le nom du héros par Cumes,
en Campanie, et le met en rapport avec le culte d'Apollon
(V. Sibylle). Il est vrai que la sibylle de Cumes, en Italie,
est apparentée à la fois à celle de Cymé, en Anatolie, et à
la sibylle de Gergithe, en Troade ; mais il n'est pas pro-
bable que le nom d'Enée ait été prononcé dans les plus
anciens oracles sibyllins, et la légende du héros troyen n'a
que fort peu de rapports avec le culte d'Apollon, alors
qu'elle est inséparable de celui d'Aphrodite. Du reste, ce
n'est pas l'influence de Cumes qui a fait entrer Enée dans
l'histoire des origines fabuleuses de Rome ; c'est celle de
Lavinium, ville des Latins. L'époque où cette translation
s'opéra ne saurait être déterminée avec certitude. C'est en
247, l'année de la bataille du lac Trasimène, que les
Romains dédièrent un temple sur le Capitole à Vénus Ery-
cine et à Mens, mais les temples d'Ardée et de Lavinium
sont plus anciens et paraissent remonter jusqu'à l'époque
des luttes entre Rome et le Latium; le rôle considérable
que le sanctuaire de cette dernière ville joua pour la cons-
titution de la confédération latine invite à placer la popu-
larité naissante du culte de Vénus associé à celui des
Pénates vers le miheu du iv® siècle de Rome. C'est à partir
de cette époque que le nom d'Enée dut prendre place dans
les annales du Latium.
7^ Enée à Lavinium. Comment le héros troyen passa-
t-il du temple de Vénus Frutis, sa mère, dans celui
des Pénates (V. ce mot) de la confédération latine?
C'est en s'identifiant avec une divinité locale, qui fut ou
Latinus, l'ancêtre divinisé de la race, ou Numicius, per-
sonnification d'un petit fleuve qui arrose la contrée,
ou un Divus Pater Indiges, sorte de Jupiter topique
que l'on avait successivement identifié avec tous les deux.
A côté de ce Jupiter, les Latins invoquaient Vesta et les
Lares publics, dont le culte fut le trait d'union rehgieux
avec Rome, lorsque fut établie la confédération latine.
Enée mis à part, Lavinium possède, à l'aurore des temps
historiques, une religion politique formée d'éléments pure-
ment indigènes, qui en fait la ville sainte des Latins. Cette
religion n'admet à aucun degré, avant l'intervention des
— 1023 — ENÉE
Grecs, le culte des ancêtres nominativement divinisés ;
lorsque l'hellénisme religieux, tant à la faveur des poèmes
homériques qui furent colportés de bonne heure tout le
long des côtes de l'Itahe, que des pratiques et des croyances
d'ordre général apportées par les navigateurs, eut accli-
maté l'idée des héros éponymes, la personnalité d'Enée
reçut, dans le culte de Lavinium, un rôle déterminé.
L'historien Timée, qui écrit vers 260, fixe la tradition qui,
se rattachant au témoignage de Stésichore (V. plus haut),
fait importer de Troie dans le Latium par Enée les dieux
protecteurs de l'antique Ilion et identifie ces dieux avec
les Pénates publics de Lavinium. Enée devient le fonda-
teur de Lavinium, l'allié et le gendre de Latinus, roi des
Aborigènes, qu'il assiste dans sa lutte contre Turnus, roi
des Rutules, et Mézence, roi de Cœré, en Etrurie. C'est
dans la bataille décisive livrée sur les bords du Numicius
que le héros troyen disparaît mystérieusement, changé en
divinité locale. Le détail de ces événements, arrangé avec
ingéniosité par les savants grecs, qui fabriquèrent aux
Romains leur première histoire en mêlant aux antiquités
nationales du Latium les fables helléniques qui cadraient
tant bien que mal avec elles, a pris place dans les œuvres
des plus anciens annalistes, en particulier dans les Ori-
gines de Caton et dans le poème de Naevius sur la première
guerre punique. Il est probable qu'il faut attribuer à ce
dernier écrivain la partie de la légende qui mêle Enée à la
fondation de Carthage et aux aventures de Bidon (V. ce
nom). Varron et finalement Denys d'HaHcarnasse ont cher-
ché à donner la vraisemblance historique à cet ensemble de
fables, en supprimant ou en expliquant les impossibilités et
les contradictions; mais Virgile seul, par la magie de son
talent et aussi par la solidité de son érudition, a réussi à
leur procurer la vraisemblance poétique.
8^ Enée à Rome, Lorsque Pyrrhus vint faire la guerre
en Italie, la légende d'Enée était encore toute neuve ;
c'est alors que sa signification antihellénique la recom-
manda surtout à la piété des Latins menacés. Sa popu-
larité ne commence qu'aux temps des guerres puniques,
et le sentiment des masses l'accommode aux préoccupations
suscitées par les victoires d'Annibal. Alors seulement une
croyance, jusque-là individuelle et flottante, fut fixée et
définie par l'intervention des pouvoirs pubhcs, qui lui
donnèrent la consécration officielle. Nous voyons, en 250
avant notre ère, le Sénat de Rome demander aux Eto-
liens la liberté des Acarnaniens, en se fondant sur les
bons rapports que le peuple eut jadis avec les Troyens,
ancêtres de la nation romaine. Cinquante ans plus tard,
le même Sénat réclame aux Phrygiens l'image de Cybèle,
vénérée à Pessinonte, en invoquant la communauté des
races romaine et troyenne avec le nom d'Enée. Les deux
Africains en allant combattre contre Antiochus ; Flaminius,
en proclamant la liberté de la Grèce, se réfèrent égale-
ment à la descendance troyenne des Romains. Il est pro-
bable que, dès cette époque, les familles patriciennes de
Rome se fabriquèrent, à la faveur des oraisons funèbres
prononcées devant les rostres, des parchemins qui ratta-
chaient leur noblesse aux héros troyens de la poésie
grecque. Bientôt Varron pourra consacrer un ouvrage en-
tier m\ familles troyennes, et Denys, au temps d'Auguste,
en comptera une cinquantaine qui, suivant lui, pouvaient
revendiquer cette illustre origine. Celle qui réussit le mieux
à l'imposer à l'opinion fut, grâce à César, la gens Julia ;
elle prétendait remonter, par Julius, consul en 323 de
Rome, à Ascagne ou Juins, fils d'Enée. Quand César pro-
nonça l'éloge funèbre de sa tante, il donna pour ancêtres
à sa race le roi Ancus Marcius, par sa mère, qui fut de
la gens Marcia, et Vénus, qui est la mère des Jules, « de
sorte qu'ils brillent encore de l'éclat des dieux qui fait
pâlir celui des rois ». Quand il dédia plus tard un temple
à Vénus sous les vocables de Victrix et de Genitrix^ il se
donna lui-même comme l'Enée des temps nouveaux, comme
le fils et le favori de la déesse qui avait garanti aux des-
cendants d'Anchise la royauté universelle. Dès ce moment
ÉNÉE — ÉNEKGIE
— 1024 —
l'origine troyenne des Romains devint une sorte de dogme
national, et le poème de Virgile eut en partie pour but de
l'imposer à l'opinion. Mais la faveur de ce dogme ne fut
pas longue ; elle ne survécut guère à la race des Jules,
c.-à-d. à l'empereur Claude ; à la fin du i®^ siècle, le pres-
tige en était tombé. Sans le talent de Virgile, on peut
affirmer qu'il n'en serait pas resté grand'chose, même dans
la latinité païenne. Cependant, l'imitation poétique et le
grand renom de l'auteur de VEnéide a donné à toute la
légende et par suite à Enée, le héros principal, une impor-
tance particubère : cette légende est dans son genre un
spécimen unique, résultante complexe de toutes les actions
religieuses, politiques, historiques et morales qui propa-
gent, en les modifiant, les croyances fabuleuses.
9^^ Enée dans Vavt, Le plus ancien des monuments artis-
tiques où figure la personnabté d'Enée transplantée dans un
cadre autre que celui des fictions homériques est, après la
monnaie d'^nia que nous avons citée, une ciste trouvée à
Palestrina en 4861 et expliquée pour la première fois par
H. Brunn. L'opinion à peu près incontestée des savants
est que cette œuvre d'art n'est guère postérieure à la
seconde guerre punique. Comme on y voit figurer les per-
sonnages principaux que Virgile a mis dans la conclusion
de son Enéide, c.-à-d. Enée, Turnus, le roi Latinus,
Amata et Lavinie, il en faut conclure que dès cette époque
la légende a reçu sa forme presque définitive, sous la seule
réserve que la gens Julia n'y réclame encore aucune
part. Le groupe d'Enée, emportant son père Anchise, peut
revendiquer une antiquité beaucoup plus haute ; outre
qu'il a fourni le motif de la monnaie d'^nia, on le ren-
contre sur un certain nombre de vases peints. Auguste en
avait fait dresser une représentation monumentale sur le
forum romain. A Pompéi figurait une statue d'Enée divi-
nisé ; c'est également dans cette ville qu'a été découverte
la fresque caricaturale qui nous montre Enée, Anchise et
le petit Ascagne sous les traits de singes. Nous avons déjà
cité la Table iliaque qui nous off're le motif, souvent
traité, d'Enée emportant vers l'Hespérie ou le Palladium
ou les dieux Pénates. Presque toutes ces représentations
sont postérieures au temps d'Auguste et s'arrêtent au règne
d'Antonin le Pieux. J.-A. Hild.
BiBL. : Aux ouvrages que nous avons cités dans notre
Légende d'Enée avant Virgile (Paris, 1883, et Revue de
l'histoire des religions, 1882 et 1883), il faut ajouter les
suivants : Rubino, Beitrœge zur Vorgeschichte Italiens ;
Leipzig, 1868.— Zœller, Laiium und Rom^ ibid., 1878. —
Jackel, Zur JEneassage ; Freistadt, 1881. — E. Wœrner,
Die Sage von den Wanderungen des Aineias ; Leipzig,
1882, et Fart, Aineias^ dans le Dictionnaire de mythologie
de Roscher ; ibid., 1884, fasc. I. — Fr. Cauer, De Fabulis
grœcis ad Romam conditam pertinentibus ; Berlin, 1884,
et Die Rœmische JEneassage ; Leipzig, 1886. — Boissier,
Nouvelles Promenades archéologiqnes. — Pour la discus-
sion de la ciste de Palestrina, V. H. Brunn, Monum. des
archœoL Instit., VIII, t. VII et VIII ; Ann. de Inst.,
XXXVI, p. 356, et H. Nissen, Zur Kritik der JEneassage,
dans les Jahrb.fûr Klass. PhiL, XLVIII, pp. 375 et suiv.
— Cf. Dictionnaire de Daremberg et Saglio, I, p. 107,
art. de M. de Ronchaud.
ÉNÉE DE Gaza, philosophe néoplatonicien de la seconde
moitié du v® siècle ap. J.-C, élève d'Hiéroclès à Alexandrie.
Lui-même y professa la rhétorique et la philosophie. Il se
convertit au christianisme, qu'il essaya d'accommoder avec
ses idées néoplatoniciennes. On a de lui vingt-cinq lettres
et un dialogue (Théophraste) sur l'immortaUté de l'âme
(édité par Boissonnade, Paris, 1836).
EN E M AN (Michael), orientaliste et voyageur suédois,
né à Enkœping le 1®^ févr. 1676, mort à Upsala le 5 oct.
1714. Après avoir étudié les langues orientales sous Olof
Rudbeck le Jeune et reçu la prêtrise (1706), il suivit
Charles XII comme greffier du consistoire auHque (1707-
1709), fut envoyé à Constantinople comme aumônier delà
légation (1710) et de là en Asie Mineure, en Syrie, en
Arabie et en Egypte (1711-13) et ne rentra en Suède
qu'en 1714, pour occuper la chaire de langues orientales à
Upsala. Il n'a été publié qu'un spécimen de sa volumineuse
relation de voyage (1740) et deux lettres de Damas
(dans Svenska Bibliotheket de Gjœrwell, 1757, 1758,
t. I et II).
ÉNENCOUR-Léage. Com. du dép. de l'Oise, arr. de
Beauvais, cant. deChaumont; 162 hab.
ÉNENCOUR-le-Sec. Com. du dép. de l'Oise, arr. de
Beauvais, cant. de Chaumont; 141 hab.
ÉNERGIE. I. MÉCANIQUE. — Dénomination attribuée
à deux grandeurs mécaniques, le travail des forces et la
force vive, qui jouent un rôle capital dans la mécanique
appliquée et dans les théories physiques. On trouvera, dans
l'exposé suivant, le résumé des principes de mécanique
rationnelle, qui servent de base à la théorie de l'énergie,
ainsi que des applications de cette théorie à quelques phé-
nomènes naturels.
1. Le travail des forces. — 1. Définitions. Lorsque
le point d'application d'une force F parcourt un élément
de chemin ds, dont la direction fait un angle a avec la
direction de la force, le produit F cos a ds s'appelle le
travail élémentaire de la force. Le travail ainsi défini est
une grandeur susceptible d'un signe qui sera 4- ou —
suivant que les directions de la force et du déplacement
font entre elles un angle aigu ou obtus. Le travail élémen-
taire, s'exprimant par F Xds cos a ou par ds X F cos a,
peut être défini comme le « produit de la force par la pro
jection du déplacement sur la force » ou comme le « pro-
duit du déplacement par la projection de la force sur le
déplacement ».
2. Si l'on considère un déplacement fini du point d'ap-
plication d'une force et si l'on divise l'arc parcouru en
éléments infiniment petits, l'intégrale f¥ cos (xds des tra-
vaux élémentaires correspondants s'appelle le travail total
de la force.
3. Lorsque des points matériels en nombre quelconque
sont soumis à l'action d'un système de forces, la somme
des travaux de ces forces s'appelle le travail du système.
4. Théorème. Le travail de plusieurs forces appli-
quées à un point est égal au travail de leur résultante.
Considérons, en effet, un déplacement élémentaire du point;
la projection de la résultante sur la direction de ce dépla-
cement est égale à la somme des projections des compo-
santes sur la même direction. En multipfiant toutes ces
projections par le déplacement, on obtient une égalité qui
établit le théorème pour le travail élémentaire, et il suffit
de prendre l'intégrale des deux membres pour passer au
cas du travail total.
5. Théorème. Le travail élémentaire de deux forces
égales et directement opposées est égal au produit de
leur intensité par V accroissement de la distance de
leurs points d'application. Soient deux forces, ayant la
même intensité F, qui agissent sur deux points A et A^ en
sens contraires, suivant la ligne qui les joint ; cherchons la
somme des travaux de ces forces dans un déplacement infi-
niment petit qui amène AA^ à la position BB'. Désignons par
p,p^ les projections des déplacements AB et A^B' sur la di-
rection AA'; en supposant que les forces soient répulsives,
c.-à-d. tendent à éloigner l'un de l'autre leurs points
d'application, les travaux élémentaires de ces forces, appli-
quées aux points A et A^ sont — ¥p et Fp\ ce qui donne
la somme ¥(p^ — p). Mais, si l'on désigne par r la dis-
tance AA^ et par p^^ la projection de BB' sur AA', on a,
par le théorème des projections, r ^=ip-\-p^^ — p'; enfin
l'angle des directions AA', BB^ étant infiniment petit, la
longueur BB^ z=.r-{-dr ne diffère de sa projection //''
que par un infiniment petit du second ordre ; on a donc
r=ip-{-r-hdr—p\ d'où p^ — p =^ dr. Le travail des
deux forces est donc Vdr. — Dans le cas de forces attrac-
tives, ce travail change de signe; l'expression Fc^/' s'ap-
plique donc à tous les cas en convenant de considérer
comme négatives les forces d'attraction.
6. Expression du travail élémentaire en coordon-
nées rectangulaires. Soient, par rapport à trois axes rec-
tangulaires, X, Y, Z les composantes d'une force F, x^
?/, % les coordonnées de son point d'application, dx, dy, dz
— 1025
ENERGIE
les projections d'un déplacement élémentaire ds de ce
point. L'expression F cos a ds du travail élémentaire devient
^,/Xdx Y dy , Z dz\ ,
^[Wd^ + jd^ + fdl)'^'^
c.-à-d. Xdx + Ydy + 7dz. Il en résulte que le travail
élémentaire d'un système de forces a pour expression :
(^T = S (Xdx + Ydy + Mz),
Je S s'étendant à toutes les forces du système.
7. Fonction des forces. Un système de forces peut être
tel que le travail de ces forces, pour un déplacement infi-
niment petit des points d'application, soit la différentielle
exacte d'une fonction f(x, y, z, x\ y\ z', ) des
coordonnées de ces points considérées comme variables
indépendantes. Dans ce cas, lorsque le système des points
d'application passe de l'état caractérisé par l'indice zéro à
un état quelconque, le travail total est égal à l'accroissement
f(x, y, z, x\ y", z\ ) — f(Xo, î/o, :^-o, ^'o. .V'o^'o. )
ou simplement f ■— fo- La fonction /"des coordonnées dont
la variation mesure le travail s'appelle la fonction des
forces. Cette fonction a pour dérivées partielles les com-
posantes de la force appliquée à chaque point, car, si l'on
désigne par x, y, % les coordonnées de l'un des points et
par X, Y, Z les composantes de la force qui lui est appli-
quée, on doit avoir, quels que soient dx^ dy^ dz,
dy
dy-
'H
S (X dx + Ydy + Mz) ^^ (%, àx
et cette équation entraîne les suivantes :
Xz=:^ Y=^ Z=i^
dx dy ' dz
qui ont lieu pour tous les points du système. La fonction
des forces, n'entrant dans le calcul que par ses dérivées,
n'est définie qu'à une constante additive près, et on peut
choisir cette constante de manière que la fonction ait une
valeur arbitraire pour un état déterminé du système de
points.
8. Systèmes conservatifs. Lorsque la fonction des
forces est uniforme, c.-à-d. n'a qu'une valeur pour chaque
système de valeurs des variables, la différence f — /o a une
valeur déterminée, quels que soient les chemins parcourus
par les points entre leurs positions initiale et finale. Il en
résulte que « le travail des forces ne dépend que des états
extrêmes et reste le même, quelle que soit la série des
états intermédiaires ». En particulier, si le système de points
revient à son état primitif, on a /'=/'o et le travail est
nul. — Les systèmes de forces qui admettent une fonction
uniforme sont dits conservatifs.
9. Forces centrales. Un exemple de fonction de forces
se présente dans le cas où les points mobiles agissent les
uns sur les autres, de telle sorte que l'action mutuelle de
deux points se compose de deux forces, égales et opposées,
appliquées à ces deux points suivant la droite qui les joint
et dont l'intensité ne varie qu'avec leur distance. — En
effet, soient r la distance de deux points et 9 (r) l'inten-
sité de leur action mutuelle ; pour un déplacement infini-
ment petit, le travail de cette action est o(r)dr (n^ 5), ou
bien c^(r) en posant ^ (r) :=z fo(r)dr. Le travail
élémentaire des forces agissant sur l'ensemble des points
mobiles sera donc ^d^7')=z d^^r), le S s'étendant
aux combinaisons deux à deux de tous les points. — Les
forces considérées dans cet exemple jouent un rôle impor-
tant dans la théorie des phénomènes naturels ; M. Helmholtz
leur a donné le nom de forces centrales. — La fonction
/ =z= S t|< (r) d'un système de forces centrales ne dépend
que des distances des points et elle reprend la même
valeur quand ces distances deviennent les mêmes. Un tel
système est donc conservatif, et son travail est nul quand
le système des points d'application part d'un état et y
revient. Pour que le travail soit nul, il n'est même pas
nécessaire que les points reviennent à leurs positions pri-
mitives, il suffit qu'ils conservent leurs positions relatives.
II. La force vive. — iO. Définition. 'Nous appellerons
dans cet article force vive d'un point matériel la moitié du
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
produit de sa masse par le carré de sa vitesse. La force
vive d'un système de points est la somme des forces vives
de ses points.
M. Théorème de la force vive. Désignons par m et y
la masse et la vitesse d'un point, par R la résultante des
forces qui agissent sur lui et par a l'angle compris entre
la direction de cette résultante et la direction de la vitesse.
:Rcosa; on a aussi î;(^^=:(/s,
ds étant le chemin parcouru pendant le temps dt. En mul-
tipliant ces deux relations membre à membre, il vient
mvdv m R cos a ds^ c.-à.-d.
- On a la relation m -^
dt
d
{\^nv^) = K
cos a ds.
Donc, pendant un temps infiniment petit, l'accroissement
de la force vive est égal au travail élémentaire de la résul-
tante, c.-à-d. à la somme des travaux élémentaires des
forces appliquées. Il en résulte que, pendant un temps
fini quelconque, l'accroissement de la force vive d'un point
est égal au travail total des forces. — Enfin, si l'on fait
la somme de toutes les relations analogues pour tous les
points d'un système en mouvement, on a ce théorème :
L'accroissement de la force vive d'un système matériel
pendant un temps quelconque est égal au travail des
forces qui agissent sur ce système pendant ce temps.
— Si donc on désigne par 6 la force vive et par T le
travail, on a la relation Ao = T.
12. Lorsque le système tout entier des forces appli-
quées admet une fonction /*, leur travail pour un déplace-
ment quelconque est égal à l'accroissement correspondant
de la fonction; on a donc A6 = A/"; on en conclut
A(6 — /):=: 0 et 9 — /"zz: c, en désignant par c une cons-
tante arbitraire. Par suite, lorsque toutes les forces qui
agissent sur un système matériel admettent une
fonction^ la différence de la force vive et de la fonc-
tion reste constante pendant le mouvement.
13. Si de plus la fonction f est uniforme, on a A/*z=: 0
lorsque le système matériel part d'un état particulier et y
revient ; on a donc aussi AO 1= 0, ce qui exprime que « la
force vive redevient la même toutes les fois que le système
repasse par le même état ». — C'est en cela que consiste
le principe de la conservation de la force vive.
14. Stabilité de r équilibre. Lorsque toutes les forces
qui agissent sur un système matériel admettent une fonc-
tion, on a encore ce théorème : « Tout état du système
correspondant à un maximum de la fonction des forces est
un état d'équilibre stable. » On voit d'abord que si la
fonction des forces est un maximum il y a équilibre. En
effet, les valeurs correspondantes des dérivées partielles
sont nulles; par suite, la résultante des forces appliquées
à un point quelconque est nulle, et ce point est en équi-
libre. — Pour démontrer que l'équilibre est stable, il faut
établir que, si l'on abandonne le système à l'action des
forces après avoir écarté infiniment peu tous les points de
leur position d'équilibre et leur avoir donné des vitesses
infiniment petites, les déplacements restent toujours infini-
ment petits. — Désignons par a la valeur de la fonction
des forces dans l'état d'équilibre ; si l'on déplace infiniment
peu le système, cette valeur devient a — s, s étant infi-
niment petit et positif, puisque a est un maximum. — Si
l'on abandonne ensuite le système à l'action des forces,
après avoir communiqué à ses points des vitesses infini-
ment petites, il se met en mouvement et, après un certain
temps, la fonction des forces est devenue a — w. La va-
riation de la force vive est égale à l'accroissement de la
fonction des forces ; si donc on désigne par G et Ôq les
forces vives actuelle et initiale, on a 6 — Oo=:a — oj
— (a — s) , et par suite 0 = G^ + s — w. Mais G est
positif; donc w ne peut pas dépasser Gq + s et reste infi-
niment petit. Il en résulte que les coordonnées diffèrent
infiniment peu de celles qui correspondent à l'état d'équi-
libre et cet équilibre est stable.
65
ÉNERGIE
- 10^6 -
III. L'ÉNERGIE. — IS. Définition. Imaginons que,
parmi les forces qui agissent sur un système matériel, les
unes soient regardées comme résultant d'actions exté-
rieures, les autres comme dues aux actions mutuelles des
points du système, et supposons que celles-ci, dites forces
intérieures, admettent une fonction. L'introduction de
cette fonction, que nous appellerons — w , donne une
forme nouvelle au théorème de la force vive. En effet, si
l'on désigne par T^ le travail des forces intérieures, T^ le
travail des forces extérieures, le théorème de la force
vive donne la relation A6=T^ + T^; mais, d'après la
définition de la fonction u, on a T^ = — ^u. On peut
donc écrire A6 = — ^u + T^, ou A (O + tt) = T^, ou
bien enfin AH =: T^, en posant H = 6 + w. — On peut
adopter, pour désigner les quantités ô, u, H, les dénomi-
nations introduites par Rankine et appeler énergie actuelle
ou énergie cinétique la force vive 6, énergie potentielle la
quantité u qui est la fonction changée de signe des forces
intérieures, énergie totale ou simplement énergie la somme
H=:ô+w des énergies cinétique et potentielle. — Le
résultat exprimé par l'équation AH = T^ s'énonce alors
comme il suit : Dans un système matériel, V accrois-
sement de l'énergie est égal au travail des forces
extérieures.
16. Quand il n'y a pas de forces extérieures, l'accrois-
sement de l'énergie est égal à zéro ; donc, dans un sys-
tème isolé, V énergie est invariable. C'est en cela que
consiste le principe de la conservation de l'énergie.
17. Energie potentielle. Il importe de préciser la
signification de la fonction u. Admettons qu'il existe un
état particulier du système pour lequel la valeur Uq de
l'énergie potentielle soit un minimum absolu; dans cet
état, la fonction des forces intérieures, égale à — u^, est
un maximum et le système, supposé soustrait à toute
action extérieure, est en équilibre stable (n^ 14). Si l'on
imagine que le système parte d'un état quelconque et
vienne à cet état d'équilibre, le travail des forces inté-
rieures, pour ce déplacement, est égal à i^ — Wq- I^'^i^"
leurs, d'après une remarque déjà faite (n^ 7), l'énergie
potentielle, qui est la fonction des forces intérieures changée
de signe, n'est définie qu'à une constante additive près, et
l'on peut choisir cette constante de manière que la valeur
Uq soit précisément égale à zéro. La fonction u est ainsi
essentiellement positive, et on peut dire que V énergie
potentielle d'un système dans un état quelconque est
égale au travail des forces intérieures lorsqu'il passe
de cet état a son état d'équilibre. — Ce travail, essen-
tiellement positif, est le plus grand que les forces intérieures
puissent produire à partir de l'état considéré.
18. Les notions précédentes permettent de préciser le
mode suivant lequel le travail se transmet par l'intermé-
diaire d'un système matériel. — Concevons ^ue ce sys-
tème soit d'abord au repos, dans son état d'équilibre stable.
Si on lui applique des forces extérieures, il se mettra en
mouvement, et, après un certain temps, son énergie totale,
primitivement nulle, aura une valeur H égale au travail
des forces extérieures (n<> 15). Si l'on supprime alors les
forces extérieures, l'énergie devient invariable. Cette énergie
se compose de deux parties positives, l'une cinétique,
l'autre potentielle, dont la somme reste constante. Ces
deux parties se transforment l'une dans l'autre; quand
l'une d'elles diminue, l'autre augmente d'une quantité
égale. Si l'on introduit enfin de nouvelles forces exté-
rieures, de manière à ramener le système au repos dans
son état d'équilibre, l'énergie passe de la valeur H à la
valeur zéro. Le travail correspondant des forces extérieures
est égal à — H et, par suite, si ces forces émanent de
corps extérieurs, le travail des réactions du système sur
ces corps est égal à H. On voit ainsi comment l'énergie
totale d'un système représente le travail maximum que ce
système puisse développer sur les corps extérieurs ; elle
représente donc sa puissance mécanique, ce qui justifie la
dénomination adoptée. D'ailleurs, les deux parties de l'éner-
gie, force vive et travail, jouant le même rôle, il était
utile de donner à ces grandeurs une dénomination com-
mune rappelant leur analogie mécanique.
IV. Les fonctions des forces naturelles. — 19. La
nature présente certains phénomènes que les géomètres et
les physiciens ont expliqués en réduisant à des forces
centrales les actions qui s'exercent entre les particules
élémentaires des corps ; de ce nombre sont les attractions
et répulsions électriques et magnétiques, ainsi que la gra-
vitation universelle. Mais on ne peut en dire autant des
actions mutuelles des courants électriques si l'on regarde,
avec Ampère, deux éléments de courants comme agissant
l'un sur l'autre, dans la direction de la ligne qui les joint,
suivant une loi qui dépend non seulement de leur dis-
tance, mais encore de leurs positions relatives. De même,
l'action d'un élément de courant sur un pôle magnétique
dépend à la fois de leur distance et de l'angle que cette
distance fait avec la direction de l'élément ; de plus, la
force, au lieu d'être dirigée suivant la Hgne de jonction,
est perpendiculaire au plan déterminé par le pôle et l'élé-
ment. Il est toutefois remarquable que, si l'on ne consi-
dère que des courants fermés, les systèmes de forces
électrodynamiques et électromagnétiques admettent des
fonctions qui servent à mesurer le travail de ces systèmes
comme si les forces élémentaires mises en jeu étaient
réellement des forces centrales. Voici le résumé des résul-
tats relatifs à cet objet. n ^ x.
20. Forces électrostatiques. D'après Coulomb, on
considère l'action mutuelle de deux points électrisés comme
s'exerçant, suivant la distance de ces points, avec une
intensité représentée par la formule
, , , mmf
en désignant par k une constante positive, par r la dis-
tance des points, par m, m' leurs charges électriques,
prises avec leurs signes de telle sorte que l'action soit
positive ou négative, c.-à-d. répulsive ou attractive, quand
m, m' sont de mêmes signes ou de signes contraires. —
Dans ce cas, la fonction ^(r):==i f<?(r)dr du n<> 9 est
_ fc ^H:^ et on a, par suite, pour la fonction des actions
r
mutuelles d'un système électrisé
le S s' étendant aux combinaisons deux à deux de tous les
points. La variation de cette fonction, lorsque les points
se déplacent en conservant leurs charges, représente le
travail correspondant des forces électriques. — Des expres-
sions analogues s'appliquent aux actions magnétiques et à
la gravitation universelle. ^ • ^
21. Forces électrodynamiques. A la déformation infi-
niment petite d'un courant fermé correspond un travail
des actions, égales et opposées, que deux éléments de ce
courant exercent l'un sur l'autre, suivant la loi élémen-
taire d'Ampère. Si l'on calcule l'intégrale de ces travaux
élémentaires pour tous les éléments du circuit considères
deux à deux, on trouve une expression de la forme ^ i^dl ,
en désignant par i l'intensité du courant et par X une
quantité dépendant seulement de la forme du circuit. H en
résulte que la variation de la fonction
représente le travail des actions que le circuit exerce siir
lui-même lorsqu'il se déforme en conservant son intensité.
— On trouve de même que, lorsque deux courants fermés,
dont les intensités t, i^ restent invariables, se déplacent et
se déforment, le travail des actions qu'ils exercent 1 un
sur l'autre est la variation d'une fonction u^, la quantité
[i. dépendant seulement des positions relatives des circuits;
— 1027 —
ENERGIE
d'où il résulte que l'ensemble des deux courants admet
une fonction de forces électrodynamiques
et on a, en général > pour un système de courants à inten-
sités constantes,
le premier 2 s'étendant à tous les courants et le second à
leurs combinaisons deux à deux.
22. Forces électromagnétiques. De même, en admet-
tant la loi élémentaire de Laplace, le travail élémentaire
des actions s'exerçant entre un courant fermé et un pôle
magnétique est de la forme zmc^v, en désignant par i Fin-
tensité du courant, par m la charge positive ou négative
du pôle et par v une fonction dépendant seulement des
positions relatives du circuit et du pôle. Par suite, les
forces qui s'exercent entre un système de courants fermés
et un système de pôles magnétiques admettent une fonction
f:z=: Tiimv
lorsque les quantités i, m restent constantes.
23. Dans le cas le plus général, la fonction d'un système
de forces électriques ou magnétiques s'obtient en addition-
nant les expressions précédentes; mais il importe de se
rappeler que la variation finie de cette fonction ne repré-
sente le travail que lorsque les intensités et les charges
sont invariables. Ces quantités varient, en général, par
influence ou induction, lorsque les systèmes matériels où
résident les phénomènes électriques et magnétiques se dé-
placent et se déforment; la fonction des forces donne
alors le travail pour chaque déplacement élémentaire par
la seule variation résultant de ce déplacement, sans tenir
compte de la variation des intensités et des charges.
V. L'énergie des systèmes naturels. — 24. Hypo-
thèses sur la matière. On se figure les corps comme des
assemblages de molécules et on conçoit ces molécules comme
formées d'atomes analogues aux points matériels de la méca-
nique rationnelle. Entre ces points, on imagine des actions
attractives ou répulsives que l'on appelle forces molécu-
laires ou atomiques, suivant qu'elles s'exercent entre des
molécules différentes ou entre les atomes d'une même mo-
lécule et les effets de ces forces hypothétiques correspon-
dent à la cohésion et à l'affinité. On admet que ces forces
ne sont sensibles qu'à des distances très petites et qu'elles
constituent un système conservatif (n° 8), de sorte que leur
travail est nul quand le corps part d'un état et y revient.
2o. Hypothèses sur la chaleur. On considère généra-
lement l'état thermique d'un corps comme constitué par
des mouvements internes d'amplitude très petite ; la force
vive de ces mouvements, inappréciable autrement à nos sens,
déterminerait la température. Suivant ces vues, un corps
au repos, dans son état naturel, possède une énergie totale
qui est la somme de l'énergie cinétique du mouvement
thermique et de l'énergie potentielle des forces intérieures
définies au numéro précédent. Si le corps est en mouve-
ment, il faut comprendre dans son énergie cinétique la
force vive correspondant aux vitesses sensibles de ses
points; si on désigne cette force vive par ô, l'énergie
totale peut être mise sous la forme /H- 6, /i étant ce que
nous appellerons l'énergie thermique du corps. — On
admet enfin que tout corps recevant de la chaleur est né-
cessairement soumis à l'action de forces extérieures et que
la quantité de chaleur q reçue, dans une modification
quelconque, par suite de l'action de ces forces, est pro-
portionnelle à la somme T^ de leurs travaux ; de sorte
que l'on a Eg — T^, le coefficient E ne dépendant que
des unités adoptées pour la mesure du travail et des
quantités de chaleur.
26. Equivalence thermodynamique* Ces hypothèses
conduisent à appliquer aux modifications thermiques le
principe suivant lequel la variation de l'énergie d'un sys-
tème matériel est égal au travail des forces extérieures
(n^ 15). — Supposons que certaines de ces forces émanent
d'une source de chaleur ; soit T^ leur travail et soit T^ le
travail des autres forces extérieures. En désignant par
/i + ô (n° 25) l'énergie du système, on a
ou bien, puisque T^ = E^,
(1) ^ E^zz:A/i + Aô-T,.
De la relation ainsi obtenue résulte le principe d'équiva-
lence thermodynamique : « L'énergie calorifique absorbée
par un corps est égale à la variation de l'énergie ther-
mique augmentée de la variation de la force vive sensible
et diminuée du travail des forces extérieures. » — Ordi-
nairement, les forces extérieures résultent d'actions exer-
cées sur le système considéré A par d'autres corps B, le
travail T^ de ces actions est alors égal et de signe contraire
au travail T des réactions du corps A sur les corps B. La
relation précédente devient ainsi
(2)^ _ E^_=iA/i + Aô + T,
T désignant le travail accompli par le système.
27. Corollaire 1. Si le système décrit un cycle,
c.-à-d. part d'un état et y revient, avec la même force
vive sensible, on a A /i = 0, et par suite Eq=z — T^,
ou -~- r=z E. — Donc, quand un système décrit un
cycle sans variation de force vive, le rapport du tra-
vail des forces extérieures à la chaleur dégagée est
une constante. La vérification expérimentale de ce fait est
la base de la thermodynamique. Quand un corps décrit un
cycle, on peut mesurer en kilogrammètres le travail exté-
rieur et en calories la chaleur absorbée ou dégagée ; on
constate que le rapport de ces deux quantités est une
constante, quelles que soient les conditions de l'expérience.
— La valeur numérique de cette constante, qui est l'équi-
valent mécanique de la chaleur, est 425 environ. Elle se
réduirait à l'unité si l'on exprimait les quantités de chaleur
et de travail avec la même unité, calorie ou kilogrammètre.
28. Corollaire H. En faisant A/i — 0, T/= 0, on a
Eg == AG. Donc, quand un système part d'un état et y
revient, sans forces extérieures, la chaleur dégagée est
proportionnelle à la perte de force vive. Ce résultat
s'applique au choc des corps non élastiques.
29. Chaleur interne. Le rapport — est souvent désigné
sous le nom de chaleur interne ; c'est l'énergie thermique
exprimée en calories. La thermodynamique permet d en
calculer l'expression. Pour un corps isotrope, dont tous
les points sont à la même température, la chaleur interne
est une fonction de cette température et des paramètres,
tels que les densités, chaleurs spécifiques, coefficients
d'élasticité..., qui définissent l'état physique et chimique
du corps. Pour qu'un corps décrive un cycle, il faut que,
non seulement sa température, mais tous les paramètres
dont dépend sa chaleur interne reprennent la même valeur.
Or, les transformations subies par le corps peuvent amener
la modification persistante de ces paramètres ; tel est
l'eflet de l'écrouissage sur les métaux. Il importe de tenir
compte de cette circonstance dans l'application des propo-
sitions précédemment établies.
30. Principes thermochimiques. La transformation
d'un corps ou d'un système de corps peut résulter d'un
changement d'état physique, d'un changement d'état chi-
mique, d'un changement de structure et d'arrangement
moléculaire enfin de la dissolution. — Une série quel-
conque de transformations de cette nature amène l'énergie
thermique du système d'une valeur initiale h^ à une valeur
finale /i.^ et, si les états extrêmes sont des états d'équi-
libre, l'équation (1) devient, en faisant Aô — 0,
(3) Ery.^/i,-/.,-T,.
Cette valeur de q n'étant nulle que dans le cas très partie
culier où la variation de l'énergie serait égale au travail
extérieur, on voit que toute transformation est accompa-
gnée d'une absorption ou d'un dégagement de chaleur. •—
ÉNERGIE
4028 —
Les forces extérieures se réduisent souvent à une pression
normale et uniforme sur la surface du système; en dési-
gnant par p la pression par unité de surface et par v le
volume, on a dans ce cas T, = - fpdv. Si le système
se transforme à volume constant, T^— Oj^ si le système
se transforme sous pression constante, T^ — —piv^ -- Vi)^
i»^ et ^2 étant les valeurs initiale et tinale du volume;
dans le premier cas la relation (3) se réduit à Eg — /12 — h^;
dans le second cas, elledevientE^z= /12 — /^i+?^(^2 — ^i)-
Dans les deux cas, la chaleur q est déterminée par les
valeurs que présentent l'énergie et le volume aux états
extrêmes ; on en conclut cet énoncé : La chaleur absorbée
ou dégagée par un système qui se transforme à volume
constant ou sous pression constante dépend unique-
ment de Vétat initial et de Vétat final du système;
elle est la même quelle que soit la série des états in-
"tpvYïi édzaires •
A ce principe thermochimique fondamental, dont il a
développé les nombreuses conséquences, M. Berthelot
adjoint un second principe, basé sur l'expérience, dont
voici l'énoncé : Tout changement chimique accompli
sans Vintervention d'une énergie extérieure tend vers
la production du corps ou du système de corps qui
dégage le plus de chaleur. — Dans un changement d état
accompli sans travail extérieur, l'énergie calorique déga-
gée — E^ est égale, d'après l'équation (3), à l'excès /ij — h^
de l'énergie initiale sur l'énergie finale. Si donc la chaleur
dégagée est un maximum, l'énergie de l'état final est un
minimum. — On peut donc énoncer le principe de M. Ber-
thelot en disant que tout changement chimique, accompli
sans l'intervention d'une énergie extérieure, tend vers la
production du système dont l'énergie est un minimum
(V. au mot Chaleur, le § Chimie; Chaleurs spécifiques,
de M. Berthelot, t. X, p. 257).
31. Principe général d'équivalence. Supposons main-
tenant que le système dont on considère la transformation
soit le siège de phénomènes électriques et magnétiques. ~
On peut admettre que ces phénomènes modifient, à partir
de l'état naturel, la structure interne du système et y font
naître des mouvements spéciaux, analogues au mouvement
thermique; ils introduisent de plus des actions à dis-
tance. Les énergies cinétique et potentielle reçoivent ainsi
de nouvelles valeurs, de telle sorte que l'énergie totale
est de la forme H — U + 6, ô étant la force vive sensible
et U une fonction dépendant, non seulement des variables
de l'état thermique (n« 29), mais aussi de nouveaux para-
mètres déterminant, pour chaque point du système, la
charge électrique ou magnétique qui peut s'y trouver,
ou bien l'intensité et la direction du courant qui peut y
Quand un tel système se transforme, il est généralement
soumis à des forces extérieures dont le travail peut se
manifester sous forme d'électricité, comme sous forme de
chaleur ; si l'on désigne alors par Q la quantité totale
d'énergie qui est ainsi empruntée ou cédée, sous ces
diverses formes, par le système aux corps extérieurs et
par Tg le travail des autres forces extérieures, le prin-
cipe général de l'énergie (n« 15) conduit à la relation
Q + T,=: AU+ AÔ, ou bien
(4) Qz=AU + Aô-T,.
La fonction U, dont l'énergie thermique h est une forme
particulière, est désignée sous le nom d'énergie interne.
— La relation (4) établit le principe général d'équiva-
lence, qui s'énonce comme il suit : Vénergie fournie
directement à un système, sous forme de chaleur ou
d'électricité par les corps extérieurs, est égale à la
variation de son énergie interne, augmentée de la
variation de sa force vive sensible et diminuée du
travail des forces extérieures.
32. On peut mettre cette relation sous une autre forme ;
désignant par T^ le travail des forces intérieures qui,
composées avec les forces extérieures, produisent la force
vive sensible Ô, on a Aô == T^ 4- T, et de l'équation (4)
résulte cette nouvelle relation
(5) Qz=:AU + T„
dont on trouvera ultérieurement l'application.
33. Energie électrostatique. Quand un système est
composé de corps sur lesquels on peut modifier la distri-
bution électrique sans changer leur état physique et chi-
mique, on admet que de l'électrisation de ce système
résulte une variation de son énergie interne, égale et de
siene contraire à la fonction f (n^ 20) qui, d'après la loi
de Coulomb, sert à évaluer le travail des forces électro-
,. \^^nm^ ^ . ,,
statiques. - Si donc on pose W == K >^ -y- et si 1 on
désiene par h l'énergie du système à l'état naturel, l'énergie
du système électrisé est /i + W. La quantité W est alors
considérée comme une fonction des distances r et des
charges m ; c'est l'énergie électrostatique. La relation (4)
devient ainsi
(6) Q — A/i + AW + AO-T,;
en voici une application :
Supposons qu'une décharge se produise, sans travail
extérieur, entre des conducteurs maintenus immobiles dans
un milieu isolant. Il en résulte une variation AW de
l'énergie électrique, et, lorsque l'énergie thermique h a
repris la valeur qu'elle avait avant la décharge, la rela-
tion (6), réduite à Q= AW, montre que l'énergie calo^
rikque dégagée est égale à la diminution d énergie
électrique produite par la décharge. Cette proposition,
due à Clausius, est vérifiée par les expériences de ^jess.
34. Energie électrodynamique. Rappelons d abord
les lois fondamentales des courants. Quand un courant
permanent parcourt un circuit linéaire immobile sans en
modifier l'état physique ou cbimique et sans produire un
travail extérieur : 1° l'intensité i du courant est propor-
tionnelle à une quantité e, dite force électromotnce,
ne dépendant que de la pile, et elle est inversement pro-
portionnelle à une quantité r, dite résistance, ne dépen-
dant que de la nature et des dimensions du circuit ; d ou
résuhe la relation i 1= ^, ou (? = n (loi de Ohm) ; 2o dans
les mêmes conditions, il y a production dans le circuit,
pendant l'unité de temps, d'une quantité de chaleur pro-
portionnelle à la résistance du circuit et au carre de 1 in-
tensité du courant (loi de Joule). Il résulte de cette der-
nière loi que, si le circuit est dans un milieu imperméable
à la chaleur, son énergie thermique s'accroît, pendant
l'unité de temps, d'une quantité proportionnelle à n , ou
étxale à ri^ par un choix convenable des unîtes. On a
donc, pour l'accroissement de l'énergie thermique h pen-
dant le temps t, ^h ■==. riH ; 3^ en multipliant par_2^ les
deux membres de l'équation e:=.n, il vient eit — ri-t,
ou eit =: A/i. Cette dernière relation devant se contondre
avec la relation (4) du n^ 31, réduite à Q =: AV, on en
conclut d'abord Q = eit, ce qui montre que 1 énergie
cédée par la pile, ou énergie voltaïque, pendant 1 unité de
temps, est égale au produit de la force électromotrice
par l'intensité (loi de Faraday). - On en conclut aussi
que l'énergie interne U diff'ère de l'énergie thermique h
par une quantité W dont la valeur est constante lorsque
l'intensité du courant et la forme du circuit sont inva-
riables et qui est, par conséquent, une fonction de ces
seules variables ; cette quantité est l'énergie electrodyna-
mique du courant. .
35. Si, au heu d'un courant, on en considère plusieurs,
on est de même conduit à admettre que, lorsque 1 exis-
tence de ces courants ne modifie pas l'état physique ou
chimique des circuits, l'énergie interne U de leur ensemble
est de la forme h + W, h étant l'énergie thermique et W
l'énergie électrodvnamique qui est une fonction des inten-
sités des courants et des positions relatives des circuits. —
Cette nouvelle forme de l'énergie s'introdmt dans la rela-
tion générale (4) lorsque les intensités varient et lorsque
— 1029
ÉNERGIE
les circuits se déplacent et se déforment sous l'action de
forces extérieures quelconques. Cette relation devient alors
(7) Q =3 A/i + AW + A6 - T,
en désignant par Q l'énergie voltaïque cédée par les piles.
A cette relation on peut substituer l'équation (5) du n<* 32
(8) QzzA/i + AW+T,,
T^ désignant le travail des forces intérieures qui, avec les
forces extérieures données, produisent la force vive sen-
sible du système. Ces forces sont les forces électrodyna-
miques d'Ampère et les forces élastiques des circuits, et les
premières de ces forces sont seules à considérer si, comme
on le fait généralement, on assimile les circuits, soit à des
systèmes rigides, soit à des systèmes parfaitement flexibles.
36. Pour une modification infiniment petite, l'équation
(8) devient
(9) cl(i=:dh-hd^Y-]-dTi.
Si l'on suppose que la loi de Faraday soit encore appli-
cable, l'énergie cédée à l'un des circuits, pendant le temps
dt, est eidt et l'on a, pour le système tout entier,
dQ = lieidt. On a de même , en admettant la loi de
Joule, dh == Hri^dt, Enfin, si Ton suppose que le tra-
vail T^ soit dû aux seules forces électrodynamiques, le
travail élémentaire dl^ sera la variation de la fonction /'
du n" 21 correspondant à la seule variation des para-
mètres X, [JL, les intensités i restant constantes (n^ 23).
On désignera cette variation partielle par 8 en réservant,
comme à l'ordinaire, la lettre c^ à la variation ou différen-
tielle totale. La relation (9) devient ainsi
(i 0) Heidt — IiriHt + cZW + B/",
et, en la combinant avec les lois expérimentales de l'in-
duction, on détermine comme il suit la forme de la fonc-
tion W.
37. Phénomènes d'induction. Pour plus de simplicité,
réduisons d'abord à deux le nombre de courants. Quand
ces courants sont permanents et immobiles, la loi de Ohm
donne les deux relations e — rt = 0, e^ — rY =: 0.
Quand les circuits se déplacent et se déforment, les inten-
sités deviennent variables par suite de l'induction, et ces
deux relations cessent d'avoir lieu ; la discussion des faits
d'expérience conduit à admettre qu'elles sont remplacées
par les suivantes :
e — n^ri'jj {ai + ht') e' -^fi^—^ (M + a^f) ,
dt'
dt
a, b, a' désignant des quantités purement géométriques,
dépendant de la forme et de la position relative des cir-
cuits. Ces relations s'écrivent aussi
d
dt
02
di
■ A.
' dt
bii'
i
en posant o = - ai'
4 -z
38. Ces propriétés s'étendent à un système de n cou-
rants, et, si l'on pose, suivant une notation analogue à celle
du n^ 22,
1
o zzz -^i'^a-\-I;ifb,
on a un système de n équations de la forme
d d^
dtW
d'où l'on déduit, pour l'ensemble des circuits,
Par suite de cette équation, la relation (10) devient
On a d'ailleurs, par le théorème des fonctions homogènes,
29 = I»W'»"^=Il»W-<?-
En différentiant totalement cette dernière équation, on
trouve après réduction
§9 désignant la variation de o correspondant à la seule
variation des quantités a, b. Par suite, la relation (10)
peut définitivement s'écrire sous la forme
d:p -4- Sep =1 dW + 8/".
Supposons que les intensités i varient seules ; of et 89
disparaissent et la relation précédente, réduite à ^9 = dSY,
montre que l'énergie W ne diffère de 9 que par une quan-
tité ne dépendant pas des intensités et, comme W doit se
réduire à zéro avec les variables z, cette quantité est nulle.
On a donc \V = o et, par conséquent, 8cp = 8/". Cette
dernière identité entraîne les suivantes c?a=:c^X, db=zdii,
d'où l'on conclut a = X, Z> = jx , tous les coefficients
devant s'annuler quand les circuits sont à une distance
infinie. En résumé, la fonction 9 ne diffère pas de la fonc-
tion f et l'expression commune de ces deux fonctions est
aussi celle de l'énergie électrodynamique du système des
courants. Cette énergie s'exprime donc par la formule
W
'=^X^''^~^^^^''^''^
les coeflîcients X, p. étant ceux qui servent à évaluer le
travail des forces électrodynamiques d'Ampère. Cette expres-
sion est alors envisagée commefune fonction des intensités i
et des paramètres X, p., considérés au même titre comme
variables indépendantes.
39. Il est à remarquer que l'énergie W est, dans le cas
des courants, égale à la fonction f prise avec son signe,
tandis que, dans le cas des forces électrostatiques, elle est
égale à la fonction analogue f prise avec le signe con-
traire (no 33). Il en résulte que, dans le premier cas, con-
trairement à ce qui a lieu dans le second, la différentielle
de l'énergie relative à la seule variation des paramètres de
position n'est pas égale, prise avec le signe contraire, au
travail élémentaire des forces électriques. Cette remarque
conduirait à supposer que les forces électrodynamiques ne
sont pas, pour le système des circuits, des forces inté-
rieures; elles seraient plutôt assimilables, conformément
à une hypothèse admise dans quelques théories, à des
pressions exercées sur ces circuits par un milieu envi-
ronnant. E. Sarrau.
IL CHIMIE.— Energies électriques (réactions chi-
miques).—Les énergies électriques sont, après les énergies
calorifiques, celles que Ton emploie le plus fréquemment
pour produire les décompositions chimiques ; le mécanisme
de leurs actions et la nature spéciale des effets qu'elles déter-
minent méritent au plus haut degré notre attention. Sans
chercher à pénétrer la nature intime et jusqu'ici fort obs-
cure du mouvement électrique, mouvement auquel semblent
participer à la fois la matière pondérable et le fluide éthéré,
nous distinguerons quatre modes principaux, suivant lesquels
l'électricité intervient en chimie, savoir : 1° l'électrolyse ;
2<^ l'action de l'arc électrique ; 3° l'action de l'étincelle
électrique ; 4« les réactions exercées par influence, autre-
ment dit l'effluve électrique.
Electrolyse.— Un courant électrique traversant un corps
composé binaire, liquide et doué de conductibilité, tel
qu'un chlorure métallique ou un sulfure métallique fondu,
le résout en ses deux éléments. L'un de ceux-ci, soufre,
chlore, oxygène, se rend au pôle positif : c'est l'élément
électro-négatif; tandis que l'autre élément, ordinairement
métallique, se rend au pôle négatif : c'est l'élément électro-
positif. Tel est le type le plus simple de la décomposition
électrolytique. Elle est effectuée en vertu d'un certain tra-
vail chimique, travail mesuré précisément par la chaleur
de combinaison de l'élément négatif avec le métal. —
L'électrolyse étant étudiée dans un article spécial, nous ne
nous y arrêterons pas.
Arc voltaïque.— L'arc se produit dans une pile lorsque
le potentiel surpasse une certaine grandeur. Les effets chi-
ENERGIE
— 4030
miques produits par l'arc électrique sont dus à la fois au
courant Yoltaïque et à la température excessive qui se
développe dans Tare lui-même : température plus élevée
qu'aucune de celles que nous savons produire, et à laquelle
tous les corps simples, le carbone lui-même, sont réduits
en vapeur ; l'acide carbonique s'y résout en oxygène et
oxyde de carbone, l'eau en hydrogène et oxygène, etc.
Quant à ces effets chimiques, la plupart sont analogues à ceux
que produit l'étincelle. Parmi ceux que l'arc seul est apte
à réaliser, on peut citer les changements isomériques du
carbone et sa combinaison directe avec l'hydrogène.
Changements isomériques du carbone. Le carbone
des crayons qui servent à développer l'arc électrique ré-
sulte de la décomposition pyro^^énée des carbures d'hydro-
gène ; il a été appelé quelquefois graphite artificiel, mais à
tort, car il ne renferme pas la moindre trace de graphite
véritable,: ce dernier étant défini par son aptitude à four-
nir sous certaines influences oxydantes un composé spécial
et explosif, l'oxyde graphitique. Au contraire, quand le
charbon de cornue a servi à transmettre pendant quelque
temps l'arc électrique et éprouvé réchauffement excessif
que cet arc développe, le charbon, dis-je, se trouve changé
en un graphite véritable, doué de propriétés spécifiques. Le
carbone extrait du charbon de bois, aussi bien que les car-
bones pyrogénés et le diamant lui-même, se change pareil-
lement en graphite sous l'influence de l'arc voltaïque. Cet
effet paraît dû principalement à la température excessive
de l'arc, plutôt qu'à l'action électrique proprement dite.
Combinaison directe du carbone pur avec l'hydro-
aène libre. Cette combinaison engendre le protohydrure
de carbone, autrement dit acétylène :
2(C2 + H)=r(C2H)2.
Elle se réalise dans l'arc électrique. C'est là une réaction
fondamentale et le point de départ de la synthèse orga-
nique. Elle paraît due à l'union du carbone gazeux sur
l'hydrogène libre, la réaction étant accomplie à une tem-
pérature assez élevée pour réduire le carbone à l'état de
gaz. Ce dernier phénomène mérite quelque attention, sur-
tout si l'on remarque qu'il a déjà été précédé par un cer-
tain changement isomérique, attesté par les observations
que l'on vient de rappeler. Nous avons ici l'exemple d'une
combinaison directe, accomplie avec une absorption de cha-
leur considérable : — 30 X 2 calories. Une telle absorp-
tion est due nécessairement au travail accompli par l'arc
électrique. Mais deux effets distincts sont produits ici : la
vaporisation du carbone et la combinaison proprement
dite. La vaporisation du carbone ne paraît pas pouvoir être
assimilée à la vaporisation d'un élément solide ordinaire,
tel que l'iode ou le mercure ; elle représente en outre toute
la série des travaux nécessaires pour détruire l'effet des
condensations et polymérisations successives qui ont mis le
carbone dans son état actuel, en le ramenant à un état
comparable à celui d'un gaz non condensé, tel que l'hydro-
gène. On réalise ainsi tout d'abord un travail supérieur à
l'absorption totale de chaleur observée dans la combinai-
son. Puis, la combinaison elle-même, devenue possible,
s'effectue directement et avec ses caractères ordinaires,
c.-à-d. avec dégagement de chaleur, entre le carbone
gazeux et l'hydrogène gazeux.
Admettons encore, pour simplifier, qu'à partir de l'état
gazeux du carbone, la formation de l'oxyde de carbone
dégage la même quantité de chaleur que celle de l'acide
carbonique, soit 68,6 calories. Il y aurait — 42,2 calories
absorbées, par le double fait de la volatilisation et du chan-
gement isomérique de 12 gr. de carbone, changement que
nous supposons précéder la combinaison. Or ce chiffre suffit
pour que la formation directe de l'acétylène avec le carbone
gazeux et l'hydrogène gazeux puisse avoir lieu avec dégage-
ment de chaleur (+ 20<^ C), à la façon de toutes les
autres combinaisons directes.
■ Actions chimiques de l'étincelle électrique. — Effets
généraux. L'étincelle électrique résulte, comme on le
sait, de la recombinaison instantanée des deux électricités
de signe contraire, amenées à une tension excessive. Cette
tension l'emporte généralement de beaucoup sur celle qui
produit l'arc. Avec les fortes et longues étincelles, la ten-
sion s'élève souvent jusqu'à un potentiel égal à celui de
50,000 ou 100,000 volts. L'étincelle sur son trajet déve-
loppe à la fois une température excessive et des effets
électroly tiques. De là résultent divers phénomènes chi-
miques, tels que : la combinaison des gaz combustibles
avec l'oxygène ; la décomposition totale ou partielle de tous
les corps composés ; la formation partielle de quelques-uns
(acétylène, acide cyanhydrique, bioxyde d'azote) ; la trans-
formation isomérique permanente (oxygène en ozone), ou
momentanée (carbone solide en carbone gazeux) de cer-
tains corps simples. Il convient de distinguer ici entre les
effets d'une seule étincelle ou ceux d'une série d'étincelles.
Supposons d'abord qu'il s'agisse d'un mélange non explo-
sif, afin d'écarter les comphcations dues à la propagation
de la réaction.
Chaque étincelle ne transforme sur son trajet qu'une
petite quantité de matière ; mais les effets s'accumulent
sous l'influence d'une série prolongée d'étincelles, de telle
sorte que, si aucune complication n'intervient, le système
tend vers un état final déterminé, qui est précisément l'état
d'équilibre développé sur le trajet même de l'étincelle.
Tantôt cet état répond à une réaction unique, telle que
l'éUmination totale à l'état solide de l'un des composants
primitifs. C'est ainsi que le cyanogène, l'hydrogène phos-
phore, l'hydrure de silicium et les hydrures métalliques sont
complètement décomposés en leurs éléments. Inversement,
l'oxyde de carbone ou l'hydrogène, mis en présence d'un
excès quelconque d'oxygène, se combinent entièrement pour
former : l'un, de l'acide carbonique ; l'autre, de l'eau. La
réaction qui s'accomplit ainsi jusqu'au bout peut être exo-
thermique (décomposition du cyano^^ène, union de l'oxyde de
carbone et de l'oxygène), ou endothermique (décomposition
de l'hydrogène phosphore ou de l'hydrogène silice). Tantôt
l'état final résulte de deux réactions contraires qui se
limitent l'une l'autre : ce qui arrive pour les mélanges
binaires d'acétylène et d'hydrogène, et pour les mélanges
plus complexes d'acétylène, d'azote, d'hydrogène et d'acide
cyanhydrique ; ou bien encore pour les mélanges d'acide
carbonique, d'oxyde de carbone, d'hydrogène et de vapeur
d'eau. L'une des deux réactions contraires que nous envi-
sageons dégage, en général, de la chaleur ; tandis que
l'autre action, qui est souvent une combinaison (acétylène,
acide cyanhydrique), absorbe de la chaleur : le travail
nécessaire pour accomplir cette dernière réaction étant con-
tinuellement fourni par l'électricité.
Mais il peut arriver que l'une des actions chimiques
provoquées par l'étincelle le soit également par une simple
élévation de température. Or l'étincelle agit de deux ma-
nières : sur son trajet même, elle développe un certain équi-
libre chimique ; mais elle élève en même temps la tempé-
rature des portions voisines de son trajet. Si l'élévation
de température est suffisante, celle-ci pourra provoquer
par elle-même une nouvelle réaction dans les portions voi-
sines. Admettons maintenant que cette dernière réaction
dégage une grande quantité de chaleur et qu'elle se produise
dans un temps très court, elle élèvera, à son tour, la tem-
pérature des régions environnantes; à un certain degré,
l'action se propagera de proche en proche et deviendra
explosive. Une seule étincelle développera de tels effets, et
ses effets chimiques directs, produits sur une très petite
quantité de matière, s'effaceront devant les effets secon-
daires produits par l'élévation de température qu'elle a
provoquée autour d'elle. On conçoit d'ailleurs que la pré-
sence d'un grand excès de l'un des composants, ou bien
encore celle d'un gaz inerte, puisse empêcher le mélange
d'être porté par les réactions exercées au voisinage de
l'étincelle jusqu'à la température qui provoque la combi-
naison. Le mélange cesse alors d'être explosif sous l'in-
fluence d'une seule étincelle. Mais, sous l'influence d'une
série prolongée d'étincelles , on voit apparaître l'action
^ i034 —
ENERGIE
propre de Tétincelle. Si cette action détermine une décom-
position, comme il arrive avec l'acide carbonique ou la
vapeur d'eau, la proportion des gaz décomposés ira sans
cesse en croissant, et jusqu'à reconstituer un mélange
explosif. Cependant, avant que ce terme soit atteint par la
masse entière, il arrive en général qu'il se trouve réalisé
au voisinage du trajet de l'étincelle, par suite du mélange
immédiat des gaz formés à l'instant même avec ceux qui
résultent des étincelles antérieures. De là, une recombi-
naison partielle, irrégulière, variable avec l'intensité des
étincelles. Tels sont les divers phénomènes que l'étincelle
électrique provoque dans les mélanges gazeux. On les
observe notamment dans l'action de l'étincelle électrique
sur l'acide carbonique et sur la vapeur d'eau, sur les car-
bures d'hydrogène et spécialement sur l'acétylène, sur
l'acide cyanhydrique, enfin sur les composés hydrogénés et
oxydés de l'azote.
L'appareil employé dans ces expériences est formé par
une éprouvette renfermant le gaz et placée sur une petite
cuve à mercure (fig. 1).
Réactions électro-chimiques exercées par in-
fluence (effluve électrique). — Mécanismes physiques
GÉNÉRAUX. — Au lieu de faire agir l'électricité sur les gaz
sous la forme du courant voltaïque, d'arc, ou d'étincelle,
on peut opérer par influence. Ce mode d'action lui-même
s'exerce de plusieurs manières ; par exemple en faisant
varier brusquement le potentiel par l'effet de décharges
rapides, tantôt toutes de même sens, tantôt de sens alter-
natif. On peut encore maintenir le potentiel constant pen-
dant toute la durée de l'expérience.
Potentiel brusquement variable. Décharge silen-
cieuse. L'électricité accumulée à la surface des parois des
vases qui renferment les gaz que l'on veut influencer, peut
éprouver une série de décharges et reprendre aussitôt sa
tension, à la suite de chaque décharge. Le potentiel des
corps électrisés passe ainsi, dans un temps très court, par
toutes les grandeurs, depuis zéro jusqu'à une limite qui
peut être extrêmement élevée. Il en est ainsi, par exemple,
lorsqu'on emploie la machine de Holtz pour produire les
décharges directes, et que les deux électricités contraires
fournies par cet appareil se trouvent accumulées sur des
condensateurs séparés par de très petites distances, autour
d'un espace rempli par les gaz influencés. On réalise ce ré-
sultat en enfermant les gaz dans des espaces annulaires
compris entre deux cyHndres de verre mince. Sur la face
extérieure du cylindre enveloppant, on place un corps conduc-
teur, lame métallique ou liquide, avec lequel un des pôles des
appareils électriques est mis en contact ; les mêmes dispo-
sitions sont adoptées, d'autre part, à la surface intérieure
du cylindre enveloppé. Le potentiel de l'électricité dans le
gaz influencé sera d'autant plus grand que l'espace inter-
polaire sera moindre.
Etant adoptées ces dispositions, l'influence des décharges
successives peut s'exercer de deux manières bien diffé-
rentes. En effet, elle peut agir toujours dans le même sens,
chacun des pôles étant chargé constamment avec la même
électricité : ce que l'on peut obtenir avec la machine de
Holtz. Au contraire, si l'on a recours à l'appareil de Ruhm-
korff, le signe des pôles change à chaque décharge, plu-
sieurs fois par seconde. Dans tous les cas, les réactions
exercées par influence ont lieu sans qu'il se produise,
dans le milieu influencé, d'étincelles bruyantes et lumi-
neuses, capables de porter une portion notable de gaz à une
température excessivement élevée, pendant un temps appré*
ciable. On a désigné quelquefois ces effets sous le nom de
décharge obscure ou décharge silencieuse. Le premier nom
n'est pas exact : en effet, les gaz influencés par les variations
subites et considérables du potentiel électrique deviennent
lumineux dans l'obscurité, ou plutôt phosphorescents,
comme s'ils étaient le siège de milliers de petites décharges
disséminées et s'effectuant de molécule à molécule.
Potentiel constant. Il est facile de déterminer une dif-
férence constante et définie de potentiel entre les deux sur-
faces de verre, dont l'intervalle renferme le gaz électrisé :
cette différence est produite et maintenue, par exemple, à
l'aide d'une pile à courant constant, dont on ne ferme pas
le circuit. Le potentiel, toutes choses égales, croît avec le
nombre d'éléments, et il peut être maintenu, pour ainsi
dire indéfiniment, si la pile ne développe point de réaction
chimique pendant qu'elle demeure ouverte. Dans ces con-
ditions, il se développe encore des actions chimiques, telles
que la fixation lente de l'azote et la formation lente de
l'ozone.
On peut concevoir les effets observés, en admettant que
la différence du potentiel qui existe entre les deux arma-
tures détermine l'orientation des molécules du gaz inter-
posé, phénomène assimilable à l'électrisation du gaz. Mais
c'est là une explication plutôt virtuelle que réelle". En réa-
lité, les théories actuellement reçues sur les mouvements
propres des particules gazeuses, mouvements sans cesse
troublés par leurs chocs "et réactions mutuelles, ne per-
mettent guère d'admettre une orientation permanente et
uniforme de ces particules. Cependant il suffit que l'in-
fluence électrique s'exerce d'une manière constante et sui-
vant un sens invariable sur une masse gazeuse, pour que
les effets dynamiques résultants puissent être assimilés aux
effets statiques d'une orientation permanente. A ce point
de vue, ce qui suit deviendra plus facile à comprendre.
En effet, dans certaines expériences , telles que la formation
endothermique de l'ozone, il y a consommation d'énergie,
soit — i4<^^\8 pour 24 gr. d'oxygène changés en ozone.
Cette énergie ne saurait être fournie que par la pile ;
c.-à-d. qu'il doit se produire un flux électrique très lent,
destiné à maintenir ou à reproduire incessamment l'orien-
tation des molécules gazeuses. Le flux a lieu entre les
deux pôles, à travers le verre d'abord, et puis à travers
la couche gazeuse interposée. Les molécules des gaz, inces-
samment agitées, s'électrisent au contact du verre et trans-
mettent aux autres molécules la charge qu'elles viennent
d'acquérir. On voit par là que l'on n'a pas affaire à un
mode de propagation strictement comparable au courant
voltaïque et aux électrolyses qui l'accompagnent. Les phé-
nomènes développés par l'effluve sont d'autant plus inté-
ressants qu'ils offrent la plus grande analogie avec les
réactions incessantes de l'électricité atmosphérique.
L'électricité atmosphérique, en effet, agit continuellement
sur tous les corps situés à la surface du sol, l'atmosphère
étant le plus ordinairement positive et le sol négatif. Les
transformations produites sous cette influence sont de natures
diverses et qui répondent aux multiples actions signalées
plus haut : l^Il arrive parfois que l'électricité s'accumule
jusqu'à produire des décharges violentes, sous forme de
tonnerre et d'éclairs, décharges capables de faire naître les
acides nitrique, nitreux et leurs sels ammoniacaux : c'est
en effet ce que l'on observe dans les pluies d'orage. Mais
c'est là un phénomène accidentel, local et relativement
rare. 2^ Pendant l'intervalle de temps qui précède l'instant
où les décharges sillonnent une certaine ligne dans l'atmo-
ÉNERGIE
— 1032
sphère, des surfaces extrêmement étendues s'électrisent
peu à peu par influence ; puis elles se déchargent brusque-
ment au moment des explosions (choc en retour) : sur ces
surfaces peuvent et doivent s'exercer certames reactions
chimiques, analogues à celles de l'effluve à potentiel brus-
quement variable et à haute tension. Mais ce sont encore
là des effets momentanés. 3^ Au contraire, l'électricité
atmosphérique agit incessamment et en tout temps avec de
faibles tensions, pour produire des réactions analogues à
celles de l'effluve à potentiel fixe. Dans ces conditions plus
générales, il n'est pas nécessaire d'ailleurs que l'électricité
atmosphérique conserve un potentiel constant ; mais il sutiit
que ce dernier varie lentement et d'une manière continue.
Ces renseignements acquis, étudions de plus près les
effets chimiques de l'effluve électrique. Ces effets peuvent
être des changements isomériques, des décompositions et
des combinaisons. Nous allons signaler les principaux.
Changements isomériques provoqués par l'effluve. —
Ozone, Le plus remarquable des changements isomériques
que développe let-
fluve électrique est
celui de l'oxygène
ordinaire en ozone.
L'appareil de M. Ber-
thelot (fig. 2) peut
produire l'ozone; il
est formé de deux
tubes de verre con-
centriques ajustés à
l'émeri en c. L'oxy-
gène arrive en a et
sort en b.
La formation de
l'ozone répond à une
condensation molé-
culaire, la densité de
l'ozone étant égale à
une fois et demie celle
de l'oxygène, d'après
M. Soret. En même
temps que l'oxygène
se change en ozone,
il se produit une
absorption de cha-
leur : 3 0 = (Oz)
absorbe pour 24 gr.:
Formation et dé-
composition DES com-
posés BINAIRES PAR
l'effluve. — Ces
expériences ont été
exécutées surtout
avec les fortes ten-
sions, et au moyen
de l'appareil de
Ruhmkorff. Elles comprennent à la fois des décompositions,
des combinaisons et des équilibres. Telles sont les reactions
de l'azote sur l'hydrogène, sur l'oxygène, sur 1 eau, sur
les matières hydrocarbonées ; puis la décomposition de
divers composés binaires, hydrogénés et oxygènes ; enhn
les transformations des carbures d'hydrogène.
Azote et hydrogène. M. Chabrier et M. A. Thénard
ont reconnu que la formation de l'ammoniaque a lieu lors-
qu'on soumet à l'effluve un mélange d'azote et d'hydro-
gène. M. Berthelot a cherché à mesurer la limite de cette
réaction. Elle est beaucoup plus élevée qu'avec l'étincelle.
En effet, tandis que celle-ci développe tout au plus quelques
cent millièmes de gaz ammoniac, la proportion de gaz
ammoniac, formée au bout d'un temps considérable sous
l'influencedel'effluve, peut s'élever à trois centièmes environ,
dans un mélange de volume d'azote et de trois volumes
d'hydrogène. On a vérifié en outre que la décomposition du
gaz ammoniac par l'effluve, en opérant avec les mêmes
appareils, tend précisément vers la même limite ; 3 cen-
tièmes. Cette identité des deux limites, produites par les
actions inverses de l'effluve, exercées dans les mêmes con-
ditions de tension, est un fait important à constater, aussi
bien que la diversité entre l'action de l'effluve et celle de
l'étincelle. D'après cette diversité même, il est probable que
la limite d'équilibre varie avec la tension électrique.
Azote et oxygène. L'azote et l'oxygène se combinent
sous l'influence des très fortes tensions, développées dans
l'appareil de Ruhmkorff muni d'un condensateur; il se
forme par là de l'acide hypoazotique. Mais cette formation
est bien plus lente et plus difficile qu'avec l'étincelle. Ajou-
tons enfin que l'azote pur et l'ozone, secs ou humides,
avec ou sans le concours des alcalis, ne se combinent point
pour former les acides nitrique ou nitreux. Réciproque-
ment, les oxydes de l'azote sont décomposés, jusqu'à une
certaine limite, par l'effluve à haute tension.
Azote et eau. L'azote pur et l'eau, soumis pendant huit
à dix heures à l'effluve d'une très puissante bobine de
Ruhmkorff, ont fourni de l'azotite d'ammoniaque. Mais ce
résultat ne paraît pas pouvoir être réalisé sous l'influence
de faibles tensions. Les azotates et azotites contenus dans
l'atmosphère, et signalés par tant d'observateurs, paraissent
donc résulter exclusivement, ou à peu près, des décharges
électriques proprement dites, effectuées sous forme d'éclairs
et de tonnerres, l'électricité atmosphérique, sous des ten-
sions plus faibles, telle qu'elle agit d'une manière continue,
n'ayant pas la propriété de déterminer la combinaison de
l'azote libre, soit avec la vapeur d'eau, soit avec l'oxygène.
L'acide carbonique est partiellement décomposé sous l'in-
fluence de l'effluve. Celui-ci résout l'oxyde de carbone en
oxygène et sous-oxyde brun; il produit de l'acétylène
avec les carbures d'hydrogène.
En résumé, l'action de l'effluve, comme celle de l'étin-
celle, tend à résoudre les gaz composés dans leurs élé-
ments. Dans un cas, comme dans l'autre, la décomposition
a heu avec certains phénomènes d'équilibre, dus à la ten-
dance inverse de recombinaison, la durée inégale de
réchauffement paraissante cause principale des variations
observées. Cette similitude des effets les plus généraux
n'a rien qui doive surprendre : l'effluve représentant en
quelque sorte la dissémination de l'étincelle ordinaire en
des milliers de décharges, dont chacune est trop faible
pour fournir un trait de lumière ; mais leur ensemble pro-
duit dans l'obscurité une lueur très visible. L'analyse spec-
trale, autant qu'elle est possible avec un si faible éclairage,
indique que les raies de cette lumière sont les mêmes pour
l'effluve que pour l'étincelle ordinaire. Chacune de ces
décharges parcourt un intervalle bien plus petit que l'étin-
celle proprement dite : la durée de chaque décharge isolée,
produite par effluve, doit être dès lors bien plus courte
que la durée de l'étincelle ordinaire. En même temps la
masse de matière influencée est plus faible et son refroi-
dissement plus rapide. Ce sont là des circonstances fort
importantes pour expliquer les différences qui existent entre
un certain nombre des réactions spéciales développées par
l'effluve. .
Jusqu'ici nous avons étudié les léactions de 1 effluve au
point de vue général des décompositions et des équihbres
chimiques qu'elle détermine ; nous allons maintenant nous
attacher plus spécialement à l'étude des combinaisons que
l'effluve provoque entre l'hydrogène, l'azote, l'oxygène et
les composés organiques.
En effet l'hydrogène, sous l'influence de l'effluve pro-
prement dit, se combine à l'azote et à d'autres éléments,
tandis qu'il s'unit bien plus difficilement à l'oxygène : ce
qui est remarquable. L'hydrogène pur est également absorbé
par les matières organiques, sous l'influence de l'effluve,
telle que la benzine, l'acétylène, l'oxyde de carbone.
RÉACTIONS de l'azote LIBRE SUR LES MATIÈRES ORGA-
NIQUES, PROVOQUÉES PAR l'effluve. — C'cst ici uu dcs sujets
les plus intéressants pour l'étude des réactions de l'effluve,
— 4033
ENERGIE — ENFANT
à cause de T importance des com[)osés azotés au sein des
êtres vivants et de l'obscurité qui règne encore sur leur
origine dans la nature. Rappelons d'abord que l'azote
libre se combine directement avec l'acétylène, sous l'in-
fluence de l'étincelle, pour former l'acide cyanhydrique,
réaction qui se reproduit avec tous les composés orga-
niques volatils, en raison de leur métamorphose préalable
en acétylène. Mais cette réaction n'a pas lieu avec l'effluve ;
même sous l'influence des plus fortes tensions, il ne se
développe avec l'azote aucune trace d'acide cyanhydrique.
Ce n'est pas cependant que l'azote cesse de réagir sur les
composés organiques. Au contraire, la réaction de ce gaz
continue à s'efi'ectuer, même sous les tensions les plus
faibles ; mais les produits en sont diff'érents et plus rap-
prochés de la composition de la matière mise en expérience.
Ainsi l'azote libre et pur est absorbé à la température
ordinaire sous l'influence de l'effluve, par les composés
organiques en général, tels que la benzine, l'essence de
térébenthine, le formène, les composés oxygènes, cellulose
et dextrine en particulier. Il se forme ainsi des composés
azotés très condensés. Ces effets ont lieu, d'après les obser-
vations de M. Berthelot, non seulement avec le concours
d'un potentiel variable, mais aussi avec des appareils à
très faibles tensions^ non seulement avec des appareils
condensateurs à haute tension électrique, mais aussi avec
des appareils à potentiel fixe.
On a observé la fixation de l'azote sur les mêmes com-
posés organiques, sous l'influence de cinq éléments Leclan-
ché formant une pile dont le circuit n'était pas fermé.
Quelques-unes de ces expériences ont été faites dans des
conditions quantitatives, de façon à mesurer les poids d'azote
absorbés dans un temps donné par la cellulose (papier) et
par la dextrine. Ces expériences sont d'une grande impor-
tance pour la physiologie végétale.
Avec cinq éléments Leclanché, pendant sept mois, la
température extérieure s'étant élevée peu à peu jusqu'à
atteindre par moments 30°, on a trouvé sur i ,000 parties :
Papier Azote = 0,35
Dextrine Azote = 1 ,85
doses comparables à celle de l'azote contenu dans les tissus
herbacés.
L'électricité atmosphérique agissant par son potentiel
ordinaire, en dehors de tout orage, produit les mêmes effets,
ainsi qu'il a été constaté par expérience.
L'azote se fixe ainsi, on le répète, en vertu d'une réac-
tion chimique aussi générale que l'action oxydante de l'at-
mosphère sur les végétaux, réaction exercée sur les prin-
cipes mêmes de leurs tissus et qui s'effectue sans faire
intervenir une influence autre que la différence naturelle
de potentiel électrique, développée incessamment dans l'at-
mosphère libre entre le sol électrique et les couches d'air
situées à 2 m. plus haut. On se trouve par là dans des con-
ditions analogues à celles de la végétation.
Ces expériences mettent en lumière l'influence d'une
cause naturelle à peine soupçonnée jusqu'ici et cependant
des plus considérables sur la végétation. Jusqu'à ce jour,
lorsqu'on s'est préoccupé de l'électricité atmosphérique en
agriculture, ce n'a guère été que pour s'attacher à ses
manifestations lumineuses et violentes, telles que la foudre
et les éclairs. Dans toute hypothèse, on a envisagé unique-
ment la formation des acides azotique, azoteux, et de
l'azotate d'ammoniaque, et il n'y a pas eu d'autre doctrine
relative à l'influence de l'électricité atmosphérique pour fixer
l'azote sur les végétaux. Or, il s*agit, dans les expériences
actuelles, d'une action toute nouvelle, absolument inconnue
auparavant, action qui fonctionne incessamment sous le ciel
le plus serein, avec la même nécessité que l'action oxydante
de l'air et qui détermine une fixation directe de l'azote
fibre sur les principes mêmes des tissus végétaux.
Dans l'étude des causes naturelles capables d'agir sur
la fertilité du sol et sur la végétation, causes que l'on
cherche à définir avec tant de sollicitude par les observa-
tions météorologiques, il conviendra désormais, non seule-
ment de tenir compte des variations observées dans les
actions lumineuses ou calorifiques, mais aussi de faire inter-
venir celles de l'état électrique de l'atmosphère.
M. Berthelot.
BiBL. : I, MÉCANIQUE. — Macquorn Rankine, Outlines
of the Science of Energetics^ dans Edinburgh Journal^
2" série, t. IL— On the General Law o/' the transformation
of energy, dans Philosophical Magazine^ 4" série, t. V. —
E. Verdet, Théorie mécanique de la chaleur; Paris.
— Ch. Briot, Théorie mécanique de la chaleur; Paris,
1869. — E. J ouFFRET, Introduction à la théorie de l'énergie ;
Paris, 1883.— Maurice Lévy, Sur le Principe de l'énergie^
dans Nouvelles Annales de mathématiques^ 1887, 3^ série,
t. VI. — Balfour-Stewart, Conservation de l'énergie^
dans Bibliothèque scientifique internationale; Paris, 1875.
— M. Berthelot, Essai de mécanique chimique fondé sur
la thermochimie; Paris, 1879. — H. Poincaré, Leçons
professées à la Faculté des sciences ; Paris, 1890-1891-1892.
ÉNERGIQUES ou ÉNERGISTES. Nom donné à des
sacramentaires qui enseignaient que l'Eucharistie n'est que
V énergie ou la vertu de Jésus-Christ et non son propre
corps et son propre sang.
ÉNERGUMÈNES. Personnes atteintes de maladies attri-
buées à la possession des démons. Suivant l'ancienne dis-
cipline ecclésiastique, les énergumènes étaient tenus dans
la classe des pénitents et soumis à des prières particu-
lières et à des exorcismes. Le canon XXIX du concile
d'Elvire défend de réciter leurs noms à l'autel, et leur
interdit tout service, même manuel, dans Téglise. En
Afrique, au contraire, on leur laissait balayer les lieux de
culte. Le canon XXXVII du même concile permet de don-
ner, à l'article de la mort, le baptême aux catéchumènes
qui sont devenus énergumènes. S'ils ont été admis parmi
les fidèles, il défend de les priver de la communion,
pourvu qu'ils n'allument point publiquement les lampes.
S'ils s'opiniàtrent à le faire, on les retranchera de la com-
munion. — C'est une règle générale que tous ceux qui
ont été possédés du démon soient exclus ou destitués de
toute fonction des ordres, quoiqu'ils aient été délivrés
depuis. E.-H. V.
ENEROTH (Per-Olof-Emmanuel), horticulteur et écri-
vain suédois, né à Br?ennkyrka le 15 avr. 1825, mort en
1881. Secrétaire de la Société horticole de Suède (1856),
il en dirigea l'école et le jardin de 1858 à 1863, et en
rédigea Y Annuaire de 1851 à 1861. On lui doit des tra-
vaux estimés : le Jardin (1857 ; 3^ éd., 1866) ; VHorti-
culture et V Embellissement de la nature (1857-63);
la Culture des arbres fruitiers en Suède (1862) ; Des
Jardins d'écoles primaires et normales (i^H)', Manuel
de pomologie suédoise (1865-66, 1880, avecdes planches
coloriées). Il cultiva aussi la httérature : outre le poème
épique sur le Viki7ig Hake, couronné par l'Académie sué-
doise en 1846, il publia : la Hollande (1860) ; Litté-
rature et Art (1860 et 1876) ; VEcole pour le 'peuple
en Suède (1863-69) ; le texte des Châteaux du Sœder-
manland (1864-69) ; Chants et Chansons pour le foyer
et l'école (1871) et de nombreux articles de revue sur
réducation des femmes. B-s.
EN FAÎTEAU et ENFAÎTEMENT (Archit.). Recouvre-
ment en plomb ou en zinc du faîte d'un comble dont les
versants sont couverts en ardoise. Les enfaîtements étaient
souvent autrefois, comme ils le redeviennent de nos jours,
l'objet d'une ornementation variée et parfois ajourée for-
mant comme une balustrade, ainsi qu'on en peut voir un
bel exemple au château de Versailles. Ch. L.
ENFANCE (Sœurs de la Sainte-) (V. Ecoles chré-
tiennes [Sœurs des]).
ENFANT. I. PSYCHOLOGIE. — A mesure que se
développait la psychologie expérimentale, se sont détachées
d'elle, comme autant de rameaux destinés à l'étendre, les
psychologies spéciales. La psychologie de l'enfant, science
nouvelle et de fait et de nom, est peut-être une des plus
importantes. Nous en indiquerons brièvement l'objet, les
tendances, l'utilité théorique et pratique.
Mais nous devons, au préalable, discuter quelques objec-
tions auxquelles ont donné lieu les premiers essais pour
ENFANT
— 4034
constituer cette psychologie. Elle risque fort, a-t-on dit,
de n'être jamais une science dans la rigoureuse acception
du mot. « Tous les enfants ne naissent pas avec les mêmes
aptitu'des physiques, intellectuelles, morales ; les influences,
profondément ignorées encore, de l'hérédité, de la race,
du tempérament, font que toutes les prétendues lois aux-
quelles on se flatterait de ramener les faits constatés, seront,
tout au plus, des groupes d'expériences individuelles ayant
donné des résultats semblables : toujours des faits con-
traires pourront être invoqués, qui infirmeront les pré-
cédents. » Il y a là une évidente exagération, que l'auteur
de ces lignes atténuait, semble-t-il, en se contredisant lui-
même : « Il est cependant quelques lois très générales
de psychologie enfantine, que l'instituteur ne saurait impu-
nément ignorer ou méconnaître. » (L. Carrau, De r Edu-
cation, pp. 388 et 389.) En raisonnant ainsi, on pourrait
aussi bien contester le droit d'existence à toutes les psy-
chologies spéciales, et je ne vois pas que les mêmes objec-
tions ne valussent aussi contre la psychologie générale.
Plus nombreuses sont les différences individuelles à cons-
tater, plus elles permettront, quand elles seront recueillies
en grand nombre, de trouver les rapports qui les unissent
entre elles, et de passer de la diversité à l'unité. Il serait
malheureux que la psychologie de l'enfant ne pût pas tenir
ses promesses, car on prévoit déjà quels services elle pourrait
rendre, soit à la psychologie de l'adulte, soit à la pédagogie.
La psychologie de l'enfant fait partie intégrante de la
psychologie humaine. « Il y a, dit M. Compayré, une psy-
chologie de l'enfant, puisqu'il y a une enfance de l'âme.
Il reste évident que l'esprit se développe, se forme d'après
certaines lois de croissance qui constituent précisément la
psychologie de l'enfant. Elle sert à nous montrer l'évolution
progressive de l'âme. » Les commencements et les tâton-
nements de cette âme à demi instinctive, ses idées et ses
tendances si simples par rapport aux nôtres, établissent
des différences tout au moins de degré. M. Maillet voit
même une différence plus essentielle entre les facultés mo-
rales de l'enfant et celles de l'adulte. « Ce n'est pas seu-
lement, comme on pourrait le croire au premier abord, le
développement qui est moindre, c'est, à vrai dire, la forme
qui est autre. » On ne connaîtrait pas tout l'homme, si on
ne connaissait pas tous les âges de sa vie. Un des premiers
avantages de la psychologie comparée de l'homme et de
l'enfant, c'est qu'elle nous permettra de découvrir, sur cer-
tains points obscurs, une conciliation naturelle entre des
théories qui semblaient d'abord inconciliables. Ainsi Locke
avait déjà trouvé, dans la psychologie de l'enfant, de
bonnes raisons pour réfuter l'innéité des idées telle que
Descartes l'avait comprise ; mais, de nos jours, la théorie
de l'hérédité accorde parfaitement la table rase avec une
certaine innéité des facultés, et ce qu'on sait de l'enfant
confirme en tous points cette théorie psychologique.
La psychologie de l'enfant, en effet, confine à la psy-
chologie de la race. « La doctrine de l'évolution, dit
M. James Sully, nous présente le développement actuel de
l'intelligence humaine comme préparé par de longs siècles
d'existence. L'individu civilisé est comme un mémento,
une sorte d'abrégé du lointain travail de la vie consciente.
Les premières années de l'enfant nous offrent un intérêt
spécial d'antiquité. Elles correspondent réellement aux
premières périodes connues de l'histoire humaine. Comme
il est curieux de voir les naïves conceptions de la nature,
les idées fantaisistes et animistes des choses, que l'on a de
bonnes raisons d'attribuer aux premiers ancêtres humains,
se refléter dans le langage de l'enfant ! Il est probable que
les recherches sur le début de la civilisation humaine, sur
l'origine du langage, les idées et les institutions primitives,
avanceront beaucoup plus qu'elles n'ont fait, grâce à une
sérieuse enquête sur les événements de la vie enfantine. »
^ A ces avantages tout théoriques de la psychologie de
l'enfant s'ajoutent des avantages d'ordre pratique et, en
premier lieu, ceux qui intéressent la pédagogie. « Si la
psychologie de l'enfant était dès maintenant en possession
d'une méthode rigoureuse, si elle était parvenue à formu-
ler des lois sans exception, elle serait presque à elle seule
toute la pédagogie, et celle-ci aurait le même caractère de
précision, de certitude, d'universalité, que les sciences phy-
siques et naturelles. » A la suite de Rousseau, deux de
nos plus grandes éducatrices, W^^ Necker de Saussure et
M"^^ Guizot, ont essayé de satisfaire à cette exigence de la
pédagogie. On trouve en germe chez elles comme^une étude
théorique de l'enfance. Mais, quelque lumière qu'elles aient
jetée sur le développement des facultés dans la première
et la seconde enfance, il manquait encore à cette étude
une base et une méthode scientifiques, la pénétration psy-
chologique des faits et les vues d'ensemble sur la nature
enfantine. On peut en dire autant, à plus forte raison, des
mémoires^ des confessions et des romans^ dans lesquels
Rousseau, Marmontel, Chateaubriand, Lamartine, G. Sand,
Dickens, les de Concourt, M. et M"^^ Daudet, Jules Vallès,
G. Eliot, Tolstoï, etc., nous ont laissé de si intéressantes
peintures de l'enfant qu'ils avaient été ou qu'ils avaient
observé. C'était là simplement une riche mine où le psy-
chologue de profession pourrait un jour puiser à pleines
mains.
C'est seulement dans les quinze ou vingt dernières années
que la psychologie de l'enfant pouvait naître. La psycho-
logie évolutionniste et physiologique, la psychologie déjà
ébauchée de l'animal, lui avaient préparé le terrain. Darwin
lui-même avait étudié de la plus remarquable façon l'ex-
pression de la physionomie et des mouvements chez l'en-
fant, avant de tracer son esquisse très suggestive sur
le développement intellectuel d'un de ses fils. Taine, au
courant de toutes les nouvelles directions de la pensée
philosophique, et qui en a pour son compte inauguré un
assez grand nombre, avait déjà montré dans son livre De
V Intelligence, à propos des idées générales et du langage,
comment la psychologie parlerait désormais des facultés de
l'enfant. De leur côté, quelques médecins, en parlant de
l'hygiène du premier âge, ne s'étaient pas fait faute de
considérer comme à eux le domaine de l'âme enfantine :
citons, entre autres, M. Fonssagrives, qui, le premier,
à ma connaissance, a prononcé le mot de psychologie
infantile. Mais il restait encore quelques efforts à
faire pour que la psychologie de l'enfant, conduite selon
l'esprit et la méthode scientifique, commençât à tendre vers
cet idéal que le Mémoire de Tiedemann, écrit à la fin de
l'autre siècle, avait pu faire entrevoir aux rares personnes
qui le connaissaient en France ou à l'étranger. Enfin,
l'impulsion décisive fut donnée il y a environ quinze ans.
Des hommes de goûts et d'habitudes scientifiques, physi-
ciens, physiologistes, naturalistes, psychologues, philo-
logues, ont contribué à fonder, dans ses premières assises,
cette science de l'âme enfantine : ceux-ci par des mono-
graphies, ceux-là par des études d'ensemble, d'autres par
des observations sur certains aspects du premier développe-
ment des facultés. Quoique le recueil des observations déjà
pubhées soit très ample et que les interprétations proposées
soient en grand nombre acquises, la psychologie de l'enfant
ne peut avoir encore, on le comprend, qu'un caractère pro-
visoire, et le moment n'est pas venu de former la synthèse
de ces matériaux plus ou moins précieux. B. Pérez.
II. HYGIÈNE (V. Hygiène).
m. JURISPRUDENCE. - Enfant légitime. - On
appelle ainsi l'enfant issu de personnes mariées ; on l'op-
pose à l'enfant naturel, et on appelle d'une manière générale
filiation le rapport qui unit un enfant à ses deux auteurs
ou à l'un d'eux. La filiation est donc légitime lorsque le
rapport qui la constitue a sa source dans le mariage ; elle
est naturelle dans le cas contraire. A un autre point de
vue la filiation est paternelle ou maternelle suivant qu'on
envisage les rapports de l'enfant avec son père ou avec sa
mère. La filiation légitime, la seule dont nous ayons à
nous occuper dans cet article, est elle-même un fait très
complexe : elle se compose d'éléments divers dont celui
qui prétend à la légitimité aura à établir l'existence. Quels
— 403S —
ENFANT
sont ces éléments et quels moyens sont donnés pour en
justifier : c'est ce que nous aurons tout d'abord à recher-
cher. Nous verrons ensuite sommairement quels sont les
effets que la loi attache à la filiation légitime, en ren-
voyant pour les détails aux mots correspondants.
Eléments constitutifs de la filiation légitime et ma-
nière DE les établir. — La filiation légitime est, avons-
nous dit, paternelle ou maternelle; mais, tandis que celle-
ci résulte d'un fait matériel qu'il est très aisé de constater,
l'accouchement de la mère, la première, qui a sa base dans
la conception, échappe totalement à nos investigations, car
il est absolument impossible de déterminer d'une façon
précise quand elle a eu lieu et quel en est l'auteur. La loi
devait donc nécessairement procéder par induction et con-
clure de la filiation maternelle à la filiation paternelle,
lorsque l'époque de la conception peut se placer pendant
le mariage. Nous allons donc un instant supposer constant
le fait de la filiation maternelle et nous verrons com-
ment et dans quels cas la loi conclut de là à la filiation
paternelle. Nous rechercherons ensuite comment s'établit
la fihation maternelle.
Filiation 'paternelle, S'inspirant de cette idée qu'une
femme mariée n'a de relations qu'avec son mari, car
l'adultère ne peut pas se présumer, la loi a décidé que
l'enfant dont la conception remonterait à l'époque du ma-
riage devrait être considéré comme l'enfant du mari. C'est
ce que nous dit l'art. 312 du C. civ., aux termes duquel
«l'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari ».
Mais une nouvelle difficulté s'élevait alors ; comment
connaître l'époque de la conception que rien ne vient ré-
véler à nos yeux ? Ici encore la loi a dû procéder par pré-
somptions. Partant de cette donnée fournie par la science
que la durée maxima d'une grossesse est de trois cent
jours et sa durée minima de cent quatre-vingts jours, elle
a posé en principe que si un moment quelconque de la
période de cent vingt jours, différence entre la gestation la
plus longue et la gestation la plus courte, se plaçait pen-
dant le mariage, l'enfant serait réputé conçu pendant le
mariage ; elle a décidé en d'autres termes que si en remon-
tant en arrière trois cents jours au plus et cent quatre-
vingts jours au moins, à dater de la naissance, on trouvait
dans la période de cent vingt jours, différence entre ces
deux chiffres, un moment quelconque auquel la mère de
l'enfant aurait été mariée, la conception de l'enfant
pourrait être reportée à ce moment. Comme conséquence,
cet enfant aura pour père le mari de la mère. Ces règles
découlent des art. 314 et 315 du C. civ. Le premier de
ces articles prévoyant le cas d'un entant né moins de
cent quatre-vingts jours après la célébration du mariage,
autorise le mari à le désavouer péremptoirement et se
borne à indiquer les cas exceptionnels oti ce désaveu ne
sera pas admis (pour plus de détails V. le mot Désaveu).
C'est donc qu'il ne considère pas la conception comme
ayant pu avoir lieu pendant le mariage et qu'il n'admet
pas que l'enfant ait pu rester moins de cent quatre-vingts
jours dans le sein de sa mère. L'art. 315 permet de con-
tester la légitimité d'un enfant né plus de trois cents jours
après la dissolution du mariage; il considère donc, lui
aussi, comme impossible que la conception ait pu avoir
lieu pendant le mariage, et il n'admet pas, par suite, que
l'enfant ait pu rester plus de trois cents jours dans le sein
de sa mère.
Les présomptions édictées par les art. 312, 314 et 315
sont en principe irréfragables, ce qui veut dire qu'en règle
générale on ne peut pas les faire tomber au moyen de la
preuve contraire. Exceptionnellement, cependant, cela est
possible : la loi permet en certains cas, minutieusement
déterminés par elle, de faire tomber la présomption de pa-
ternité résultant des règles qui viennent d'être indiquées.
C'est ce que l'on appelle le désaveu de 'paternité (V. ce
mot). Il est'un cas où la filiation paternelle s'étabhra en
dehors des règles qui viennent d'être posées : nous ver-
rons en effet que la possession d'état qui peut être invoquée
par l'enfant, à défaut d'acte de naissance, à l'appui de ses
prétentions à la légitimité, a pour effet nécessaire d'établir
sa filiation aussi bien vis-à-vis du père que vis-à-vis de la
mère.
Filiation maternelle. Le raisonnement qui précède
suppose que la filiation maternelle est constante. Nous
avons donc maintenant à déterminer comment on peut
arriver à l'établir. Dire qu'il existe entre telle femme et
moi des rapports de filiation légitime, c'est dire : 1° que
cette femme est ou a été mariée ; 2^ qu'elle est accouchée
d'un enfant et que cet enfant c'est moi ; 3^ que ma con^
ception remonte à une époque où existait le mariage.
Comment se fera cette triple preuve? Aucune difficulté ne
peut s'élever en ce qui touche le premier et le troisième de
ces faits. Le mariage se prouve par l'acte de mariage sous
réserve des dispositions des art. 46, 199 et 200 duC. civ.
(V. Actes de l'état civil. Mariage). Ouant à la concep-
tion pendant le mariage, nous n'avons qu'à rappeler ce qui
a été dit sur ce point à propos de la filiation paternelle.
Reste la preuve de l'accouchement de la femme et celle
de l'identité du réclamant avec l'enfant dont cette femme
est accouchée. Les art. 319, 320 et 323 du C. civ. nous
indiquent les trois manières dont se fera cette preuve :
acte de naissance, possession d'état, preuve testimoniale.
Acte de naissance. Nous n'avons rien à dire en ce qui
concerne l'acte de naissance ; observons cependant que la
seule conséquence que l'on pourra tirer de ses énonciations,
c'est que tel jour, à telle heure, telle femme est accouchée
d'un enfant. Il faudra donc que celui qui prétend en béné-
ficier prouve que cet acte de naissance qu'il invoque est
bien le sien; il faudra, en d'autres termes, qu'il étabUsse
son identité avec l'enfant dont il est question dans l'acte.
Cette preuve il pourra la fournir par tous moyens.
Possession d'état. Lorsque l'enfant qui veut établir sa
filiation maternelle ne peut produire son acte de naissance,
soit parce que les registres sur lesquels il avait été inscrit
ont été perdus, soit parce qu'il n'a pas été tenu de registres,
soit pour toute autre cause, car la loi est absolument gé-
nérale, il prouvera cette filiation par la possession d'état.
« A défaut de titre, nous dit l'art. 320, la possession cons-
tante de l'état d'enfant légitime suffit », et l'art, sui-
vant définit la possession d^etat : « une réunion suffisante
de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté
entre un individu et la famille à laquelle il prétend appar-
tenir ». Les principaux de ces faits sont, ajoute la loi, que
l'individu a toujours porté le nom du père auquel il pré-
tend appartenir, qu'il a toujours été traité par ce dernier
comme son enfant, enfin que cette qualité lui a toujours été
reconnue par la famille et par la voix publique. On a résumé
ces faits qui d'ordinaire constitueront la possession d'état
dans ces trois mots : Nomen, tractatus, fama. Les juges
ont d'ailleurs toute latitude pour en admettre d'autres. La
possession d'état doit être constante (art. 320), c.-à-d.
continue sans lacune; il faudra que celui qui l'invoque ait
toujours passé pour l'enfant de ceux à l'égard de qui il
s'en prévaut. Nous disons de ceiix^ car la possession d'état
envisagée comme mode de preuve delà filiation des enfants
légitimes ne se conçoit, à raison même de l'indivisibilité
delà légitimité, que si elle existe non seulement vis-à-vis
de la mère, mais aussi vis-à-vis du père. Les faits qui la
constituent supposent bien qu'il doit en être ainsi, car la
plupart s'appliquent surtout au père (art. 321). La con-
séquence à tirer de là et à laquelle nous avons fait allusion
plus haut, c'est que la possession d'état prouvera simul-
tanément la filiation paternelle et la filiation maternelle.
La possession d'état supplée à l'acte de naissance, mais
elle ne peut en détruire la portée. Donc, en cas de colli-
sion entre l'acte de naissance et la possession d'état, le
premier l'emportera sur la seconde, sauf au réclamant à
établir sa filiation par la preuve testimoniale. Lorsque le
titre et la possession d'état seront conformes l'un à l'autre,
la preuve qui en résultera sera irréfragable en ce sens que
la filiation ainsi établie ne pourra pas être attaquée comme
ENFANT
1036 —
mensongère (art. 32^). Il ne faudrait donc pas dire que, si
le titre et la possession d'état ont pour effet d'attribuer à
un enfant la qualité d'enfant légitime, la légitimité de cet
enfant sera à l'abri de toute critique. On pourra parfaite-
ment contester cette légitimité soit par application de
l'art. 31 o s'il est né plus de trois cents jours après la dis-
solution de mariage, soit en faisant annuler le mariage dont
il est issu. L'art. 322 ne ferait même pas obstacle à une
action en désaveu, mais il est difficile de concevoir à raison
de la brièveté des délais dans lesquels cette action doit être
intentée qu'un enfant ayant un titre et une possession con-
formes puisse y être exposé.
Preuve testimoniale. L'art. 321 nous indique les cas
dans lesquels elle est admissible pour établir une filiation.
Il résulte de ses dispositions que ce mode de preuve pourra
être employé lorsque l'enfant se trouvera dans l'impossibi-
lité de produire son acte de naissance où d'y suppléer par
la possession d'état, ou encore loi'sque l'acte de naissance
et la possession d'état seront contradictoires. Remarquons
toutefois que l'individu, qui, en l'absence de toute posses-
sion d'état, prétend établir une filiation contraire à celle
que lui donne son titre de naissance, devra au préalable
démontrer qu'il a été inscrit sous de faux noms ou comme
nés de père ou mère inconnus (art. 223). Le caractère de
la preuve testimoniale est d'être subsidiaire; la loi s'en
méfie et cette méfiance apparaît très clairement dans les
conditions auxquelles elle en a subordonné l'usage. D'après
les principes généraux, en effet, la preuve testimoniale est
admissible de ;?/«7io, c.-à-d. sans aucune condition, lorsque
le réclamant s*est trouvé hors d'état de se procurer une
preuve écrite. Bien que telle soit la situation de l'enfant
qui veut établir sa filiation, la loi s'est montrée plus
exigeante : elle ne lui permet de recourir à la preuve tes-
timoniale que si sa prétention est rendue vraisemblable par
un commencement de preuve par écrit. Il faut entendre
parla, nous dit l'art. 324, les titres de famille, les registres
et papiers domestiques du père ou de la mère, les actes
publics ou privés émanés d'une personne engagée dans la
contestation ou qui y aurait intérêt si elle était vivante.
Ainsi des lettres émanées de la mère et où le réclamant
serait considéré comme son enfant, des lettres émanées d'un
autre enfant de la même mère qui lui attribueraient la même
qualité pourraient autoriser l'emploi de la preuve testimo-
niale, car elles rendraient très vraisemblable la prétention
du réclamant. Les personnes intéressées à ce que cette
prétention ne triomphe pas pourront toujours chercher à
établir par tous moyens que « le réclamant n'est pas
l'enfant de la mère ou même, la maternité prouvée, qu'il
n'est pas l'enfant du mari de la mère » (art. 325). La
loi attache une énergie moins considérable à la présomp-
tion que l'enfant né pendant le mariage a pour père le
mari (art. 312), lorsque la maternité n'est établie que par
témoins, que lorsque la preuve de cette maternité résulte
de l'acte de naissance ou de la possession d'état, et elle
permet de la combattre en dehors des conditions auxquelles
est subordonné l'exercice de l'action en désaveu. Les
motifs de cette solution ont été donnés dans les travaux
préparatoires. « Lorsque l'enfant, disait Bigot de Préame-
neu, n'a ni possession constante ni titre, ou lorsqu'il a été
inscrit soit sous de faux noms, soit comme né de père et
mère inconnus, il en résulte une présomption très forte
qu'il n'appartient pas au mariage. » La filiation mater-
nelle étant constante, il en résultera, comme nous le disions
en commençant et sauf la preuve du contraire lorsque
cette filiation aura été étabhe par témoins, que la filiation
paternelle sera par là même prouvée grâce à la présomp-
tion de l'art. 312. Il faudra toutefois, pour qu'il en soit
ainsi, que le père ait été mis en cause dans l'instance. C'est
là une conséquence du principe de l'effet relatif de la chose
jugée (V. Chose jugée).
Toutes les règles qui j viennent d'être exposées étaient
déjà admises en droit romain et dans notre ancien droit.
Notons seulement que la filiation maternelle ne pouvait pas
s'établir par témoins. Soli testes ad ingenuitatis proba-
tionem non sufficiunt. L. 2, C. De test. (V. Désaveu,
Etat). Paul Nachbaur.
Enfant naturel. — On désigne sous ce nom l'enfant
issu de personnes non mariées. On l'appelle plus spécia-
lement enfant naturel simple lorsqu'il est issu du com-
merce de deux personnes libres de tout lien matrimonial,
et de tout lien de parenté au degré prohibé pour le ma-
riage ; il est dit enfant adultérin lorsqu'il est le fruit
d'un adultère et incestueux lorsque ses père et mère
sont parents à un degré qui s'opposerait, le cas échéant,
à leur mariage. Pour savoir si Ton se trouve en présence
d'un enfant rentrant dans l'une ou l'autre de ces catégories,
c'est au moment de la conception que l'on devra se placer.
La situation respective de ses auteurs à cette époque dé-
terminera sa qualité et, pour fixer le moment précis de
cette conception, on suivra les règles posées par les
art. 312 et suiv. du C. civ. qui ont été exposées au
mot Enfant légitime. La distinction des enfants naturels
en enfants naturels simples et en enfants adultérins ou in-
cestueux est très importante : tandis que les premiers ont
une certaine situation dans la famille, la loi ignore les se-
conds ; elle défend la constatation officielle de leur filiation
et ne leur accorde, lorsque cette filiation vient à être acci-
dentellement établie, qu'un droit à des aliments. On peut
caractériser la condition des enfants naturels simples en
disant que ceux-ci se trouvent vis-à-vis des enfants lé-
gitimes dans un état d'infériorité manifeste. Cela s'impo-
sait, car il était impossible, dans l'intérêt du mariage,
de mettre sur le même pied les enfants issus d'une union
régulière et ceux dont la naissance est due à un com-
merce illicite. Les différences qui séparent la situation des
uns de celle des autres se rattachent, soit à la manière
de constater le rapport de filiation qui unit l'enfant à son
auteur, soit à la nature et à l'étendue de ses droits succes-
soraux, soit à certaines incapacités dont il est frappé, soit
à ses rapports avec ses père et mère.
Comment s'établit la filiation naturelle. — L'exis-
tence de rapports de filiation dûment constatés est la
condition indispensable pour qu'on puisse dire de tel indi-
vidu qu'il est l'enfant naturel de telle personne. Faute par
cet individu d'établir ces rapports, il ne pourra se préva-
loir d'aucun des droits dont nous parlerons plus loin, et
réciproquement on ne pourra invoquer contre lui aucune
des incapacités qui viennent frapper les enfants naturels.
On peut poser en principe que la loi ne reconnaît qu'une
seule manière d'établir la filiation naturelle : l'aveu de l'au-
teur ou des auteurs de l'enfant. Elle a écarté implicitement
l'acte de naissance en ne lui attribuant force probante que
s'il contient la reconnaissance de l'enfant (C. civ., art. 334
cbn. art. 319); elle a écarté également, suivant une juris-
prudence constante, la preuve par la possession d'état;
quant à la preuve testimoniale, l'art. 345, al. 2, l'admet sans
doute, mais uniquement pour corroborer des indications im-
pliquant un aveu. Lorsque l'aveu de la paternité ou de la
maternité par le père ou la mère de l'enfant naturel est
spontané et formel, on l'appelle reconnaissance; lorsqu'au
contraire il est complexe et se compose d'éléments divers
tirés des circonstances et dont l'enfant aura à administrer
la preuve, on dit qu'il y a de la part de ce dernier re-
cherche de la paternité ou de la maternité. Dans tous
les cas, la constatation de la filiation ne peut être considérée
comme faisant entrer l'enfant dont il s'agit dans la famille
de ses auteurs ; il n'en résulte de lien qu'entre l'enfant
et celui qui l'a reconnu ou vis-à-vis duquel sa filiation a
été établie. La loi paraît toutefois reconnaître un certain *
lien de parenté entre l'enfant naturel et les autres enfants
également naturels issus du même père ou de la même
mère que lui, et qu'elle désigne sous le nom de frères et
sœurs naturels (C. civ., art, 766). La reconnaissance
d'un enfant naturel doit être faite par un acte authen-
tique qui peut être dressé par un notaire ou un officier de
l'état civil. On admet aussi que la reconnaissauce pourrait
— 1037 —
ENFANT
être reçue par le juge de paix siégeant comme magistrat
conciliateur et assisté de son greffier. En Tabsence de la
forme authentique, elle serait inexistante; elle rentre donc
dans la catégorie des actes solennels. Même accomplie
suivant les formes qui viennent d'être indiquées, la recon-
naissance n'a de valeur qu'autant qu'elle est conforme à
la vérité : c'est ce que dit l'art. 339 lorsqu'il porte que
toute reconnaissance de la part du père ou de la mère
pourra être contestée par ceux qui y ont intérêt. L'intérêt
dont il s'agit peut être simplement moral, par exemple
lorsque c'est l'enfant qui agira, ou pécuniaire lorsque ce
seront les héritiers présomptifs de l'auteur de la reconnais-
sance qui, pour écarter de la succession de celui-ci l'enfant
reconnu, attaqueront comme mensongère la reconnaissance
qui constitue son titre. Ce titre, l'enfant pourra l'invoquer
erga omnes, sauf cependant l'exception prévue par
l'art. 337 du G. civ. Ce texte suppose une reconnaissance
d'enfant naturel effectuée par un individu pendant la durée
d'un mariage qu'il aurait contracté avec une autre per-
sonne que celle dont est issu l'enfant, et il décide que
l'enfant ainsi reconnu ne sera pas fondé à se prévaloir de
cette reconnaissance pour faire valoir les droits attachés à
sa qualité d'enfant naturel reconnu, en tant que ces droits
pourraient nuire, soit au conjoint de l'auteur de la recon-
naissance, soit aux enfants issus du mariage.
Lorsqu'un enfant n'a pas été reconnu, la loi lui donne
le droit de rechercher sa filiation, en d'autres termes de
faire établir par décision judiciaire qu'il est bien l'enfant
de telle ou telle personne déterminée. Il faut toutefois dis-
tinguer à cet égard entre la filiation paternelle et la filia-
tion maternelle. La recherche de la filiation paternelle est
interdite par l'art. 340 C. civ. Une seule exception est
admise à cette règle dont les raisons sont trop connues
pour que nous insistions à cet égard. Lorsqu'une femme a
été victime d'un enlèvement et que l'époque de la concep-
tion de l'enfant dont elle accouche ensuite se rapporte à
celle de l'enlèvement, le ravisseur pourra, nous dit la loi
(art. 340, al. 2), sur la demande des parties intéressées, être
déclaré père de Tenfant. Quant à la recherche de la filia-
tion maternelle, elle est possible, mais la preuve testimo-
niale n'est autorisée par la loi qu'autant qu'il existe un
commencement de preuve par écrit (art. 1347).
Droits successoraux de l'enfant naturel. — Les
droits successoraux des enfants naturels sont restreints à
un triple point de vue : 1** au point de vue du titre au-
quel ces enfants succèdent; 2° au point de vue des per-
sonnes auxquelles ils succèdent ; 3° enfin en ce qui touche
rétendue de leurs droits.
L Les enfants naturels ne sont point de véritables héri-
tiers^ mais seulement des successeurs aux biens ; en d'au-
tres termes, la saisine ne leur appartient pas. Cela veut
dire que, s'ils sont, comme les héritiers légitimes, investis,
dans la mesure de leurs droits, de la propriété des biens qui
leur sont échus, ils n'ont pas immédiatement la possession
de ces biens et, d'une manière plus générale, ['exercice
des droits héréditaires. Cet exercice ne leur appartiendra
que lorsqu'ils auront été envoyés en possession confor-
mément à l'art. 724 du C. civ.
IL Les enfants naturels ne peuvent succéder en tant
qu'enfants naturels^ c.-à-d. dans les cas où leur voca-
tion héréditaire se fonde exclusivement sur cette qualité,
qu'aux père et mère qui les ont reconnus (art. 756) et,
lorsque ceux-ci sont prédécédés, à leurs frères et sœurs na-
turels (art. 766). Il va de soi que, si l'enfant naturel a fondé
une famille en se mariant, il pourra succéder à ses enfants
conformément aux principes généraux du droit. En pareil
cas, sa qualité d'enfant naturel est hors de cause.
III. La quotité des droits successoraux des enfants na-
turels est déterminée par les art. 757 et suiv. du C. civ.
S'il s'agit de la succession de leurs père ou mère, la
loi distingue suivant la qualité de ceux avec qui ils viennent
en concours. Se trouvent-ils en présence d'enfants légi-
times ? leur part est d'un tiers de celle qu'ils auraient eue
s'ils avaient été eux-mêmes légitimes ; elle est de la moitié
lorsque celui auquel ils succèdent, le de cujus en d'au-
tres termes, ne laisse que des ascendants ou des frères et
sœurs ; elle est des trois quarts lorsque leurs père et mère
ne laissent ni descendants ni ascendants, ni frères ni
sœurs, et de la totalité lorsqu'ils ne laissent aucun parent
au degré successible.
(iuand l'enfant naturel se trouvera, en cas de prédécès
des père et mère, appelé à la succession de ses frères et
sœurs naturels, il prendra tous les biens ayant appartenu
à ces derniers, déduction faite seulement de ceux qui leur
auraient été donnés par les père et mère et qui passeront
aux enfants légitimes de ces derniers (C. civ., art. 766).
Les droits successoraux de l'enfant naturel sont complétés
par une réserve que la loi lui accorde implicitement sur
les biens de ses père et mère. L'art. 761 du C. civ. porte
en effet que ceux-ci pourront, par des libéralités entre vifs,
réduire l'enfant naturel à la moitié de la part que lui
accordent les art. 757 et suiv. Cela suppose évidemment
qu'il n'est pas en leur pouvoir de les priver complètement,
ou même au delà de cette moitié, du droit de participer à
leurs biens. Il est certain enfin que l'enfant naturel qui se
trouverait dans le besoin pourrait réclamer des aliments à
ses père et mère et que ceux-ci auraient les mêmes droits
dans les mêmes circonstances (C. civ., arg. art. 207).
Incapacités frappant l'enfant naturel. — Aux termes
de l'art. 908 du C. civ., les enfants naturels ne peuvent
recevoir par donations entre vifs ou par testament une
part supérieure à celle que leur attribue la loi au titre des
successions. Ce texte sert de sanction aux dispositions limi-
tatives des droits des enfants naturels dans la succession
de leurs père et mère. Comme on l'a fait remarquer, l'iné-
galité de condition que le législateur a voulu étabhr entre
les enfants légitimes et les enfants naturels eût été pure-
ment nominale, s'il avait été au pouvoir des parents de
compléter par des dispositions entre vifs ou testamentaires
la part assignée, dans leur succession, à l'enfant illégitime.
Toute donation ou tout legs dont l'effet serait de dépasser
le montant de cette part devra être réduit à la mesure per-
mise, et, pour atteindre plus sûrement le but qu'elle s'est
proposé, la loi autorise les intéressés à rendre leur véri-
table caractère aux libéralités qui auraient été faites à l'en-
fant naturel sous l'apparence d'un contrat à titre onéreux,
d'une vente, par exemple; elle leur permet, en outre, d'état
blir que la personne à laquelle a pu être faite une libéralité
n'était en réalité qu'un prête-nom, une personne inter-
posée, le bénéfice devant en revenir définitivement à l'en-
fant naturel. Elle établit même des présomptions d'inter-
positions de personnes. Dans tous ces cas, si la fraude est
démontrée la libéralité sera réduite.
A l'incapacité dont nous venons d'esquisser les traits gé-
néraux, certains auteurs ont voulu en ajouter une autre.
Suivant eux, l'enfant naturel ne pourrait être adopté par les
père ou mère qui l'auraient reconnu. Une jurisprudence
constante repousse cette doctrine.
Situation de l'enfant naturel dans ses rapports avec
SES PARENTS. — La situatiou des enfants naturels vis-
à-vis de leurs parents n'a pas été nettement précisée par
le législateur. Il est certain que l'enfant naturel se trouve,
en ce qui concerne l'obhgation de demander à ses parents
leur consentement à son mariage, ou du moins de requérir
leur conseil, assimilé à l'enfant légitime (C. civ., art. 158).
Il est certain aussi que ses parents jouissent, à son égard,
du droit de correction (art. 383). Ce droit est même, en
pareil cas, plus absolu qu'en règle générale, puisqu'il n'est
pas soumis aux restrictions qui découlent des art. 380 et
382. Le droit de garde et d'éducation, dont le droit de
correction n'est que le corollaire, leur appartient également
sans aucun doute. Mais les textes font défaut lorsqu'il
s'agit de préciser les droits des parents relativement à la
gestion du patrimoine de leurs enfants naturels. On est
d'accord pour leur refuser l'usufruit légal (art. 384) et
l'administration légale (art. 389), ces différents droits sup-
ENFANT
- 1038 --
posant l'existence d'un mariage. 11 importe cependant que
les biens qu'ils peuvent avoir soient administrés. La solu-
tion qui nous paraît préférable sur ce point est la sui-
vante : on considérera l'enfant naturel comme en tutelle
dès sa naissance ou du moins dès qu'il aura un patrimoine
à gérer, et, puisqu'il ne peut être question pour lui de tu-
telle légitime (arg. art. 390), ni de celle des ascendants,
on attribuera cette gestion à un tuteur nommé par le con-
seil de famille, composé lui-même des parents ou amis
des père et mère. Paul Nachbaur.
Enfant adultérin ou incestueux. — On entend par
enfant adultérin celui qui est né de deux personnes qui ne
pouvaient pas se marier par la raison que l'une d'elles ou
toutes deux étaient déjà engagées dans les liens du ma-
riage. Si l'enfant était né de personnes qui ne pouvaient
pas se marier entre elles à cause de la parenté ou l'alliance,
il aurait été incestueux. La loi défend absolument la preuve
de la filiation adultérine ou incestueuse. Les enfants adul-
térins ou incestueux ne peuvent donc avoir ni père ni
mère connus ni aucune famille. Cependant, dans certains
cas et par la force même des choses, la filiation adultérine
ou incestueuse est légalement établie. C'est ce qui a lieu
notamment si un mariage contracté de mauvaise foi est
annulé ensuite pour cause de bigamie ou d'inceste; dans
ce cas, les enfants nés de ce mariage sont adultérins ou
incestueux, et cependant la preuve de leur filiation est
faite. De même lorsque le mari intente l'action en désaveu
contre l'enfant de sa femme et réussit dans sa demande,
par cela même, la filiation adultérine est prouvée, en ce qui
concerne l'enfant. De même encore lorsque, par erreur de
fait ou de droit, un jugement qui n'est plus susceptible
d'aucune voie de recours, a admis à tort la preuve d'une
filiation adultérine ou incestueuse, la preuve de cette filia-
tion n'en reste pas moins définitivement acquise. Dans ces
cas exceptionnels, où la loi est bien obligée de reconnaître
le lien de parenté entre l'enfant et ses père et mère, elle
ne lui fait d'ailleurs produire que des effets très restreints.
Et d'abord, même dans ces cas, la filiation se limite au
père et à la mère; elle ne produit aucun effet vis-à-vis des
autres parents. Les père et mère adultérins ou incestueux
ne doivent à leurs enfants que des aliments s'ils sont dans
le besoin ; après leur mort, cette dette alimentaire se
transmet à leurs héritiers ; mais les enfants adultérins ou
incestueux n'ont d'ailleurs aucun autre droit sur la suc-
cession de leurs parents, et de plus toute réclamation, même
à titre d'aliments, contre les héritiers, leur est interdite,
lorsque le père ou la mère leur a assuré des aliments ou
les a mis en état de pourvoir à leurs besoins, ne serait-ce
que par un simple art mécanique. Les père et mère adul-
térins ou incestueux ne peuvent même pas tourner ces
prohibitions au moyen de donations ou de legs, car la loi
déclare les enfants incestueux ou adultérins incapables de
recevoir ces libéralités de leurs parents, à moins qu'elles
n'aient un caractère alimentaire. Les enfants incestueux
ou adultérins ne peuvent pas non plus être légitimés parle
mariage subséquent de leurs parents ; ainsi Penfant né de
deux personnes qui ne sont pas mariées entre elles ne sera
pas légitimé si plus tard ces personnes se marient Tune à
l'autre. De même, les enfants incestueux issus de deux
personnes parentes ou alliées au degré prohibé ne seront
pas légitimés par le mariage subséquent de leurs parents
en supposant que ceux-ci aient obtenu des dispenses à cet
effet. Quant à la question de savoir si le père ou la mère
peut adopter son enfant adultérin ou incestueux, elle est
très vivement controversée à cause du silence que la loi
garde sur ce point. E. Glasson.
Enfant abandonné. — I. Histoire du droit (V. Bâ-
tard).
II. Droit actuel. — Nous n'aurons pas à nous occuper ici
de la situation des enfants dont les parents ont été déchus
de îa puissance paternelle. Cette situation, réglée par le
titre P^ de la loi du 24 juil. 4889 sur la protection des en-
fants maltraités ou moralement abandonnés, sera examinée
aux mots Puissance paternelle et Tuïelle. Nous ne trai-
terons ici que de ce qui concerne les enfants confiés direc-
tement par les parents à des établissements d'assistance ou
à des particuliers, ou recueillis par eux sans intervention
des parents (titre II de la loi précitée). L'idée du législa-
teur en cette matière a été d'autoriser ces établissements
ou ces particuliers à se faire conférer l'exercice de la
puissance paternelle sur les enfants qu'on leur confierait ou
qu'ils recueilleraient, et l'exposé des motifs nous indique
assez nettement le but qu'il a voulu atteindre : « Un père
obtient l'admission de son enfant dans un établissement
de bienfaisance. L'enfant est trop jeune pour se livrer à
un travail productif; il constitue donc une charge. Il
grandit; il est pourvu d'une instruction élémentaire ; il
devient au sens économique du mot une valeur. C'est alors
qu'il est réclamé par son père. L'œuvre oppose à ce der-
nier un engagement qu'il a souscrit. Le père s'est engagé
en effet à laisser l'enfant dans l'établissement jusqu'à sa
majorité ou à rembourser à l'œuvre le montant des frais
d'entretien et d'éducation... Le père s'il retire son enfant
devient débiteur de l'étaWissement, mais, fût-il insolvable,
la personne de l'enfant ne saurait être le gage de la créance.
Dans l'étatactuel de la législation, le juge ne pourrait pas
ne pas ordonner la remise de l'enfant au père si indigne
que soit ce père. » Le législateur de 1889 a paré à cet
inconvénient ; il a considéré les droits dont l'ensemble cons-
titue la puissance paternelle comme la contre-partie des
charges de l'éducation et de l'entretien des enfants, et,
partant de ce principe, il a permis à ceux qui se seraient
chargés de cet entretien et de cette éducation de se faire
substituer aux parents pour l'exercice de cette puissance.
Quelque chose d'analogue existait déjà dans la législation
antérieure : en vertu des lois du i 5 pluviôse an XIII et du
décret du 19 janv. 1811, la puissance paternelle sur les
enfants admis dans les hospices était attribuée aux com-
missions administratives des hospices. La loi nouvelle est
beaucoup plus générale : elle organise tout d'abord un ser-
vice départemental, dont la surveillance appartient au pré-
fet ; elle permet en second lieu de conférer l'exercice de la
puissance paternelle à tous autres établissements que des
hospices, sous une certaine condition que nous examine-
rons plus loin, et même à des particuliers ; si ces établis-
sements ont recueilli l'enfant ou si celui-ci leur a été
confié par ses père, mère ou tuteur, elle donne aux parents
ou tuteur le droit de se faire rendre l'enfant ; enfin,
appliquant le principe que l'état des personnes ne peut être
modifié sans une décision des tribunaux, et qu'il ne doit
exister en pareille matière aucune place pour le pouvoir
discrétionnaire de l'administration, elle a attribué à l'au-
torité judiciaire le droit d'ordonner toutes les mesures
qui viennent d'être indiquées. Ces mesures ne doivent
d'ailleurs avoir pour base que l'intérêt de l'enfant; par
suite, leur caractère est d'être essentiellement provisoire.
Comme le dit la circulaire ministérielle du 16 août 1889
sur l'application de la loi nouvelle, c'est l'intérêt de l'en-
fant qui seul motive la délégation initiale de la puissance
paternelle, c'est le même intérêt qui seul en justifie le
maintien ; la permanence de l'investiture ne se légitime
que par la continuité du bienfait.
Cela posé, examinons rapidement les dispositions de la
loi nouvelle et demandons-nous successivement : 1° dans
quels cas il y a lieu à délégation de la puissance paternelle
et au profit de qui cette délégation intervient ; 2° quel est
le tribunal compétent pour prononcer la délégation et
quelle est la procédure à suivre pour arriver à ce résultat.
1° Dans quels cas y a-t-il lieu à délégation de la
puissance paternelle? au profit de qui cette délégation
peut-elle intervenir? Les art. 17 et 19 de la loi du
24 juil. 1889 répondent à la question, et deux hypothèses
doivent être distinguées. La loi suppose en premier lieu
que celui qui se trouve actuellement investi de la puissance
paternelle, c.-à-d. le père, à défaut du père la mère et à
défaut de celle-ci le tuteur, a confié l'enfant sur lequel
— 1039 —
ENFANT
cette puissance paternelle s'exerce à un établissement de
bienfaisance ou à un particulier ; si la remise de l'enfant
émane d'un tuteur, celui-ci devra être pourvu de l'autori-
sation du conseil de famille. Elle suppose en second lieu
que des établissements de bienfaisance ou des particu-
liers ont recueilli un enfant abandonné par ses parents
sans l'intervention de ceux-ci. Dans ces deux cas elle au-
torise les tribunaux à déléguer à l'assistance publique les
droits de puissance paternelle auxquels les parents ont
ainsi renoncé et à en conférer Veœercice à l'établissement
de bienfaisance ou au particulier qui aura accepté la
charge de l'enfant. La loi distingue ainsi la jouissance de
la puissance paternelle et Veœercice de cette puissance et
elle les confie à deux personnes différentes. On peut criti-
quer à cet égard le législateur de 1889 en ce qu'il a attri-
bué à l'assistance publique la jouissance de la puissance
paternelle. En effet, l'assistance publique n'existe pas en
tant que pouvoir propre et indépendant. En réalité, la cir-
culaire ministérielle précitée le reconnaît formellement : ce
sont les préfets et les inspecteurs départementaux des en-
fants assistés qui sont investis de la puissance paternelle,
et c'est sous leur contrôle, comme nous le dirons plus loin,
que cette puissance est exercée. La délégation de la puis-
sance paternelle peut fort bien n'être que partielle, c.-à-d.
ne s'appliquer qu'à certains des droits qui la constituent.
L'art. 20 le dit expressément et l'art. 17 le supposait déjà.
Ce texte prévoit Thypothèse où les parents d'un enfant
abandonné ou confié à un établissement de bienfaisance ou
à un particulier ont conservé le droit de consentir au ma-
riage de cet enfant dans les termes de l'art. 143 du C.civ.
et refusent de donner leur consentement. En pareil cas,
l'assistance publique, qui a la jouissance des autres droits
de puissance, a la faculté de les faire citer devant le tribu-
nal de leur domicile qui donne ou refuse le consentement.
Il y a là, remarquons-le en passant, une grave dérogation
au droit commun, car en principe le droit pour les parents
de consentir ou de ne pas consentir au mariage de leurs
enfants n'est soumis à aucun contrôle.
Des conditions de capacité sont exigées dans la personne
de ceux à qui peut être confié l'exercice de la puissance
paternelle. S'il s'agit d'un établissement de bienfaisance,
il faut qu'il soit spécialement autorisé à cet effet : la re-
connaissance qui lui a conféré l'existence et la personnalité
ne saurait suffire. Cette reconnaissance, porte à cet égard
l'exposé des motifs, n'a pas été donnée en vue d'une subs-
titution possible de ces établissements aux familles ; si donc
une autorisation nouvelle n'était pas nécessaire, il résulte-
rait de là à leur profit une condition toute nouvelle et
tout imprévue. On peut contester l'exactitude de cette
observation. Une faut pas oublier, en effet, que c'est aux
tribunaux qu'il appartient de déléguer l'exercice de la
puissance paternelle, et il est vraisemblable qu'ils n'use-
ront de ce droit qu'en faveur d'établissements qui leur pa-
raîtront présenter toutes les garanties possibles. Pourquoi
dès lors restreindre leur liberté d'action et entraver la
charité ? Lorsqu'il s'agira de confier l'exercice de la puis-
sance paternelle à un particulier, la loi décide que ce
particulier devra jouir de ses droits civils, ce qui aboutit
à refuser aux étrangers le droit de recevoir ou de re-
cueillir des enfants abandonnés. Si nous nous plaçons
maintenant dans la personne de l'enfant, nous remarque-
rons que la délégation de l'exercice de la puissance
paternelle ne peut s'appliquer qu'à des mineurs de seize
ans. Passé cet âge, on ne peut dire raisonnablement que
l'on se trouve en présence d'un enfant abandonné. Des
conditions spéciales sont formulées parles art. 19 et 20 de
la loi pour l'hypothèse oii il s'agit d'un enfant recueilli par
un établissement de bienfaisance ou par un particulier hors
de toute intervention des parents. En pareil cas, une dé-
claration devra être faite à peine d'une amende de 5 à
15 fr., par le représentant de l'établissement ou par la
personne qui aura recueilli l'enfant, au maire de la com-
mune où l'enfant aura été recueilli et à Paris au commis-
saire de police du quartier. Ce n'est que si, dans les trois
mois à dater de cette déclaration, l'enfant n'a pas été ré-
clamé par ses père, mère ou tuteur, que la demande en vue
de l'obtention de la puissance paternelle pourra être for-
mée devant les tribunaux. Les établissements de bienfai-
sance ou les particuliers qui ont recueilli ou à qui a été
confié un enfant, n'ayant que l'exercice de la puissance
paternelle, il est tout naturel qu'ils soient placés sous la
surveillance de ceux qui en ont la jouissance. Cette sur-
veillance doit donc appartenir aux représentants de l'Etat
et de Fassistance publique, c.-à-d. à Paris au directeur
de l'Assistance publique; dans les départements aux pré-
fets et aux inspecteurs départementaux des enfants assis-
tés (art. 22, al. 1). Comme corollaire de ce droit de sur-
veillance, les fonctionnaires que nous venons d'indiquer
sont fondés à provoquer le retrait de l'exercice de la puis-
sance paternelle conféré aux conditions énoncées plus haut.
Le même droit est accordé par la loi aux père, mère et
tuteur de l'enfant (art. 23, al. 1).
2^^ Du tribunal compétent pour prononcer la délé-
gation et de la procédure à suivre. Deux hypothèses
sont à distinguer quant à la compétence. Si les père, mère
ou tuteur interviennent, la demande doit être portée devant
le tribunal de leur domicile. Dans le cas contraire, elle est
soumise au tribunal du domicile de l'établissement ou du
particulier quia recueilli l'enfant (art. 17 et 20). Dans
tous les cas elle est formée par voie de requête visée pour
timbre et enregistrée gratis. Le tribunal l'examine en
chambre du conseil en présence de tous les intéressés ; le
ministère public donne ses conclusions, et le jugement est
rendu en audience publique (art. 21). La même procédure
est suivie lorsqu'il s'agit de retirer l'exercice de la puis-
sance paternelle à celui qui en a été investi (art. 20). Si
la demande en retrait émane du père, mère ou tuteur, le
tribunal peut, s'il la rejette, prononcer à l'encontre de ces
personnes la déchéance de la puissance paternelle. S'il y
fait droit il ordonne la remise de l'enfant et fixe, sauf le
cas d'indigence, l'indemnité due à celui qui en a la charge
(art. 21).
Les jugements rendus en notre matière sont toujours
susceptibles d'appel de la part des intéressés, c.-à-d. par
les père et mère, tuteur, par l'établissement de bienfaisance
ou le particuHer qui a recueilli l'enfant , enfin par les
fonctionnaires dont il a été question plus haut. L'appel
n'est pas suspensif (art. 23). Signalons en terminant une
loi anglaise du 26 août 1889 (Annuaire de lég, étr.,
1890, p.^ 28) qui contient des dispositions analogues à
celles qui viennent d'être indiquées. Paul Nachbaur.
IV. ECONOMIE SOCIALE. - Enfants assistés (V. As-
sistance PUBLIQUE, t. IV, p. 276).
Enfants moralement abandonnés (V. Assistance
PUBLIQUE, t. IV, p. 276).
Enfants trouvés.— On a toujours étalé beaucoup de
sentimentalité à propos de l'enfance, dit le D^ Thuliê ; elle
a été le sujet des plus pathétiques discours et des poésies
les plus attendrissantes, mais on n'a, le plus souvent, fait
que cela pour elle. Et, plus on remonte les âges, plus on
recule vers les civilisations primitives, plus on voit le souci
de l'enfance manquer absolument. Dans l'antiquité histo-
rique même, nous retrouvons les preuves de la rigueur du
traitement réservé aux nouveau -nés. Platon et'Aristote
demandaient le sacrifice des enfants difformes, en même
temps que la limitation du nombre de ceux qui devaient
vivre et préconisaient l'avortement pour arrêter l'essor de
la natalité. Les lois de Lycurgue, de Selon et plus tard
celles de Romulus et de Numa et des décemvirs autori-
saient l'infanticide. Sénèque lui-même s'efforce de démon-
trer que, lorsque la société supprime un enfant, elle n'obéit
qu'à la raison, et Plutarque excuse l'infanticide dans les
classes pauvres en disant que l'on évite ainsi de faire de leurs
enfants des hommes vulgaires et communs, mal nourris.
Le relèvement de la dignité humaine chez l'enfant se
fait jour lentement dans le droit romain. L'empereur
ENFANT
— 1040 —
Alexandre Sévère commence le premier à défendre l'enfance,
puis Dioclétien complète ses dispositions en ôtant au père
le droit de vendre, de donner ou d'engager les enfants,
Valens et Gratien obligèrent les pères à élever leurs enfants.
Chez les Francs, le meurtre d'un enfant était puni d'une
amende et les Visigoths infligeaient la peine de mort pour
toute tentative d'avortement. Les lois des barbares étaient,
sur ce point, moins sauvages que celles de Rome. L'Eglise
adopta le droit romain : les enfants trouvés étaient esclaves.
Mais le code de Justinien, en 534, proclama la liberté
absolue des enfants trouvés ; toutefois le père, très misé-
rable, peut encore vendre son enfant à la naissance. Mais,
dans tout l'Occident, l'enfant trouvé resta esclave. Au
VI® siècle, pour la première fois, on rencontre à Trêves
quelques traces d'une fondation en faveur des enfants
trouvés; puis auvii'', une autre fondation à Angers, établie
par saint Maimbœuf ; on n'a d'ailleurs sur ces tentatives
aucun renseignement précis. On a des documents certains
sur la création d'un hospice pour les enfants trouvés faite
à Milan, en 787, par l'archiprêtre Datheus. A partir du
XI® siècle, les fondations de même nature se multiplient ;
en 1316, un magnifique hospice s'élève à Florence; en 1331,
un simple bourgeois en fonde un à Nuremberg, et, en J362,
est créé à Paris l'hospice du Saint-Esprit. En 1443, des
lettres patentes du roi Charles VII réservent ce dernier aux
seuls enfants légitimes. L'institution est dès lors déviée.
Et, d'ailleurs, la grande rareté des hospices ne réserva
jamais aux enfants trouvés assez de place pour leur assurer
une existence régulière dans la société. La plupart des
enfants exposés mouraient de faim et de froid, les autres
devenaient la proie de mendiants, qui leur brisaient les
membres et les couvraient de plaies pour exciter la pitié
publique, ou des bateleurs qui les dressaient, les disloquaient,
pour les faire servir, filles ou garçons, aux plaisirs de la
foule. C'était une effroyable hécatombe et une honteuse ex-
ploitation. A peine quelques-uns plus heureux tombaient dans
des mains vraiment charitables. Lyon est la première ville
de France où l'autorité ait porté secours aux enfants aban-
donnés, sans s'inquiéter s'ils étaient bâtards ou enfants
légitimes (dès d526, ils étaient recueillis indistinctement
et' gardés jusqu'à sept ans au Grand Hôtel-Dieu de Notre-
Dame-de-Pitié du pont du Rhône). L'hospice des Enfants-
Dieu ou des Enfants-Rouges, créé à Paris en lo36, fut
réservé aux orphelins enfants légitimes.
C'est à saint Vincent de Paul qu'il faut attribuer tout le
mérite d'avoir attiré sérieusement l'attention publique sur
le sort des enfants trouvés. En 1636, une pauvre veuve
aidée de deux domestiques seulement commença à recueillir
les enfants trouvés dans sa maison située dans la rue Saint-
Landry. La veuve ne tarda pas à mourir; les deux domes-
tiques continuèrent à recevoir les enfants. Mais les pauvres
petits êtres recueillis mouraient en foule ; la Maison de
la Couche devint pour le peuple la Maison de la Mort ;
un commerce régulier d'enfants s'y établit avec les bate-
leurs, les mendiants, les nécromanciens qui venaient s'ap-
provisionner de sujets, et aussi avec d'autres gens, les
femmes syphilitiques qui voulaient se guérir en commu-
niquant leur maladie à un nourrisson, les vieillards qui
espéraient se rajeunir dans le sang des petits enfants. Le
prix courant ne dépassait pas une livre par tête. Quand
saint Vincent de Paul alla visiter la Maison de la Mort, il
fut révolté par l'horrible spectacle qui se présenta à ses
yeux ; un monceau d'enfants gisaient pêle-mêle, vivants,
agonisants et morts, sur des grabats puants. Vincent de
Paul fit connaître ces faits aux dames de charité de l'Hôtel-
Dieu, parmi lesquelles on comptait M"^^^ de Marcillac, dé La
Peltrie, de Lamoignon, de Chantai, de Miramon, Fouquet,
M^^^ Legras, nièce du garde des sceaux de Marillac. Le
27 janv. 1640, elles consentirent à se charger de la Mai-
son de la Couche, et W^^ Legras en assuma la direction.
Vincent de Paul ne s'en tint pas là ; il continua à réunir
des ressources pour son œuvre. Il s'adressa d'abord à la
reine Anne d'Autriche et obtint de Louis XIII par son
intercession une pension annuelle de 3,000 livres. En 1646,
Louis XIV, âgé de huit ans, porta la pension à 12,000 livres.
C'était la première fois que l'Etat s'occupait des enfants
trouvés. 11 fallut lutter longtemps encore pour maintenir
l'oeuvre créée contre le découragement, le défaut de res-
sources, car les enfants affluaient et le déficit arrivait
aisément. Vincent de Paul s'employa sans relâche et tou-
jours avec le même enthousiasme à cette double tâche ; il
eut la volonté de réussir et réussit. Les tours n'exis-
taient pas alors; ils ne furent établis en France que
parle décret de 1811, et Paris ne les a connus en réalité
qu'en 1827.
La Révolution se signale par une loi du 27 frimaire
an V, en cinq articles seulement, qui est fort nette et qui
pose les vrais principes en la matière : « Art. l®'". Les
enfants abandonnés, nouvellement nés, seront reçus gra-
tuitement dans tous les hospices civils de la République.
— Art. 2. Le Trésor national fournira à la dépense de ceux
qui seront portés dans les hospices qui n'ont pas de fonds
aff'ectés à cet objet... » Les enfants furent admis à bureau
ouvert sur la simple présentation de leur acte de nais-
sance. Mais, malheureusement, on réagit bientôt. Par une
circulaire du 23 ventôse an IX, le ministre de l'intérieur,
Chaptal, prenant pour prétexte l'abus dans l'exécution de
la loi de l'an V, prescrit « de ne conserver à la charge de
la nation que les enfants de parents inconnus ». C'est au
décret du 19 janv. 1811, complété par la loi du 5 mai
1869, que remonte la législation qui fixe actuellement la
condition des enfants trouvés et abandonnés. Le décret-loi
de 1811 détermine les pupilles dont l'éducation est confiée
à la charité publique : ce sont les enfants trouvés, les aban-
donnés et les orphelins pauvres. Les dépenses d'entretien
de ces enfants qui, avant la Révolution, incombaient aux
seigneurs haut-justiciers, étaient répartis entre l'Etat qui
s'engageait à fournir une subvention annuelle de 4 millions,
et les' hospices dépositaires qui devaient pourvoir à la
dépense sur leurs revenus. Le nombre de ces hospices était
limité à un par arrondissement, et chacun d'eux devait
ouvrir un tour destiné à recevoir les enfants. Une série
de lois de finances déchargea l'Etat des dépenses dites
extérieures et les mit à la charge des départements avec
le concours éventuel des communes. Ce décret de 181i,
qui instituait les tours et diminuait en même temps le
nombre des hospices dépositaires, était destiné, dans l'esprit
de ses auteurs, à diminuer le nombre des abandons d'en-
fants, car il faisait un sort rigoureux à ceux qui y étaient
livrés; les conséquences en furent tout opposées, les
abandons se multiplièrent considérablement ; en outre, on
constata une eff'royable mortalité, résultant de l'entassement
des enfants dansées hôpitaux. Une nouvelle réaction se
produisit donc, et elle fut due, quelque pénible qu'en soit
l'aveu, à un besoin d'économie, plutôt qu'à un sentiment
d'humanité : « On s'inquiéta d'abord, dit M. d'Hausson-
ville, de savoir ce que la trop grande facilité des abandons
coûtait aux finances publiques, avant de se demander ce
que les abandons coûtaient aux enfants eux-mêmes. » Les
tours, condamnés par l'intérêt financier, le furent aussi au
nom de la morale sociale par Gérando et J.-R. Say. Aussi
leur nombre décrut-il rapidement. Lors de l'enquête
générale de 1860 sur les enfants assistés, on n'en comp-
tait plus que vingt-cinq ; les conclusions de cette en-
quête achevèrent de les discréditer, et ils ne purent lui
survivre.
Le service des enfants assistés constitue aujourd'hui un
service départemental ; de là une certaine diversité dans la
méthode d'assistance. La pratique avait inauguré un nou-
veau système destiné à prévenir tout à la fois l'abandon et
l'infanticide : celui des secours temporaires accordés aux
mères d'enfants naturels dont l'indigence était constatée et
qui consentaient à garder leurs enfants. Ce système a été
législativement consacré par la loi du 5 mai 1869. La
dépense est inscrite au budget départemental et ressortit à
l'administration départementale, mais l'Etat et les com-
1041 —
ENFANT
munes doivent y contribuer ; il y est affecté, en outre, le
produit des amendes delà police correctionnelle. Ces secours
temporaires constituent aujourd'hui le mode d'assistance
le plus habituel des enfants naturels de nos campagnes.
C'est dans un rapport de M. de Gasparin au roi, en 1837,
que l'institution a d'abord été recommandée. « La débauche,
disait-il, peuple sans doute les hospices d'enfants trouvés,
mais la misère est aussi l'une des causes les plus fréquentes
des abandons. Si la mère pouvait nourrir son enfant, si,
au moment de sa naissance, elle n'était pas souvent dépour-
vue du plus strict nécessaire, elle se déterminerait diffici-
lement à l'abandonner...; il s'agirait donc de remplacer,
par un bon système de secours à domicile pour la mère,
les secours que l'on donne aujourd'hui à l'hospice; il s'agi-
rait de payer à la mère les mois de nourrice qu'on paye
actuellement à une nourrice étrangère. » La loi de 1869 a
beaucoup diminué le nombre des abandons et a aussi gran-
dement contribué à diminuer la mortalité infantile, au
moins à la campagne, car, dans les villes, la question est
encore discutable. D'autre part, une autre transformation
s'opérait. Les enfants assistés ont cessé d'être élevés tris-
tement dans les hôpitaux où la mortalité était très forte ;
ils ont été placés à la campagne, dans les familles de culti-
vateurs honnêtes, où, en même temps que leur santé s'amé-
liore, ils apprennent le métier agricole. Les nouveau-nés
ne séjournent plus que quelques jours à l'hospice ; ils sont
aussitôt confiés à des femmes de la campagne. Le choix de
ces nourrices peut avoir une grande influence sur le sort
futur de l'enfant, ainsi que le fait remarquer M. Lalle-
mand. Si, d'abord, le nourrisson est considéré comme une
source de revenus, il peut arriver et, en fait, il arrive
fréquemment qu'en grandissant il soit peu à peu considéré
comme de la maison, trouve une famille absente et, en
même temps, des relations, des sympathies qui lui manquent
totalement : un foyer lui est ouvert. Si, au contraire, l'en-
fant est fréquemment changé de nourriciers une fois le
sevrage terminé, loin de se créer une nouvelle famille, il
devient vagabond, mauvais sujet et peut rendre en mal à
la société, indépendamment du sort triste qui lui est fait
personnellement, tous les sacrifices que la société a faits
pour lui dans un but essentiellement louable. L'abandon
est relativement fréquent dans les grandes villes, à Paris
surtout ; il est rare, au contraire, à la campagne. Cette
différence tient non seulement au degré de moralité, mais
encore à ce que beaucoup de mères de la province viennent
à Paris, où l'assistance est largement organisée, accoucher
clandestinement et abandonner leur enfant. En effet, depuis
la suppression des tours, l'abandon des enfants ne peut se
faire qu'après des enquêtes minutieuses au cours desquelles
on risque de violer le secret des familles. A Paris, l'en-
quête se borne à un interrogatoire fait par une femme
chargée de recevoir les enfants abandonnés, qui exhorte
souvent les déposants à s'adresser aux secours administra-
tifs plutôt qu'à ce moyen extrême, mais qui ne refuse jamais
l'enfant, et qui de plus est tenue au secret, étant spéciale-
ment assermentée à cet effet.
Les enfants nés hors mariage sont les plus menacés
d'abandon ; ce sont ceux qui sont le plus souvent privés
de soutiens ; ce sont les plus exposés à la mortalité par
suite de la misère, par défaut de soins et même par infan-
ticide. Les infanticides sont presque exclusivement commis
par les filles-mères, et il est constant en outre que le
nombre des mort-nés illégitimes est bien supérieur à celui
des mort-nés légitimes. Les accouchements inféconds n'ont
souvent d'autre cause qu'un avortement, un infanticide
plus ou moins déguisé. Les statistiques, hélas ! trop pro-
bantes que nous pourrions citer à l'appui de ces faits ne
démontrent que trop amplement tout ce que nous avançons
ici. Mais les enfants illégitimes ne sont pas les seuls sur
lesquels doit se concentrer la sollicitude de l'administra-
tion ; les orphelins pauvres y ont les mêmes droits, ainsi
que tous ceux qui ont été victimes d'un abandon de la
part de leurs parents. Aussi, cette assistance des enfants
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
délaissés est (avec celle des aliénés) la seule dont la loi
française fasse un droit et une obligation (V. Assistance,
t. IV, p. 278). De là la division logique du décret de 1811.
De là aussi cette dualité que l'on a voulu voir entre la
morale stricte et la philanthropie à propos de l'intermi-
nable discussion relative à l'existence des tours sur laquelle
nous devons dire quelques mots maintenant.
« L'humanité, disait Lamartine, proclame ce principe :
que l'enfant illégitime est un hôte à recevoir ; la famille
humaine doit l'envelopper de son amour ; car la véritable
famille ne s'arrête pas à ces degrés arbitraires de parenté
fixés à plus ou moins de distance par la loi ; elle s'étend
aussi loin que l'humanité tout entière ; si tous les hommes
sont frères par la chair et par le sang, la paternité sociale
devient un dogme aussi vrai et aussi pratique que la fra-
ternité humaine... Qu'est-ce qu'un tour? Une ingénieuse
invention de la charité chrétienne, qui a des mains pour
recevoir et qui n'a point d'yeux pour voir, point de bouche
pour révéler. Institués pour protéger un acte souvent né-
cessaire, quoique déplorable; inventés pour couvrir la honte,
la pudeur, le scandale qui se cachent, ils ont pour objet,
pour mérite, le secret... » Tous les partisans de la sup-
pression des tours, on s'en rend compte aisément, font
valoir que cette institution facilite, encourage la débauche,
aide à fuir des responsabilités acceptées. Les principes sont
en face des sentiments. Conclure ne semble pas facile. Cela
est cependant beaucoup plus aisé si l'on considère l'objet
propre de la discussion. L'enfant trouvé lui-même ne sau-
rait être mis en cause : la société n'a qu'à le recueillir,
l'adopter et l'élever, en faire un homme, un citoyen ; on
ne saurait, en aucune manière, le rendre responsable de la
situation qui lui est faite. Dans tous les cas, il n'est qu'une
résultante ; doit-on en faire une victime expiatoire ? Peut-on
venger sur lui, châtier sur son existence les erreurs, les
mauvais instincts ou la faiblesse de ses procréateurs ? Il
tombe sous les sens que soutenir cette absurdité, c'est
s'écarter de toute logique. Si l'on veut relever la morale
publique, empêcher la misère d'en arriver à cette extrémité,
presque contre nature, l'abandon des enfants, c'est à d'au-
tres procédés qu'il faut avoir recours ; les moyens répressifs
doivent être écartés à priori du problème ; il faut se borner
aux moyens préventifs. Dans cette voie seulement, il est pos-
sible de concilier la philanthropie et la vraie morale. Ces
principes ont été si lents à se faire jour que le traitement
même des enfants trouvés en a porté la trace jusqu'à nos
jours. Nous les avons vus complètement délaissés, traités
en parias, puis, à peine recueillis, porter ce costume
bizarre qui leur valut le nom d'enfants rouges, mais qui,
comme le fait observer M. Othenin d'Haussonville, « ne
leur assurait pas toujours l'affectueuse protection qu'il leur
garantit dans les pays où cet usage est conservé, en Hol-
lande, par exemple ». Puis, sous la Révolution, ils se
virent proclamés « enfants de la patrie » et assimilés un
moment aux enfants légitimes.
Aujourd'hui, on les oriente, pour la plupart, vers les
professions agricoles, mais un assez grand nombre de ceux
recueillis à Paris sont dirigés vers les carrières militaires.
— En tant qu'il s'agit seulement des enfants recueilhs
comme abandonnés ou comme orphelins pauvres, la ques-
tion que nous venons de débattre n'a jamais été soulevée ;
on a toujours veillé avec plus ou moins de sollicitude sur
leur sort (V. ci-dessous). François Bernard.
Protection des enfants du premier âge. — La
mortalité excessive des enfants en bas âge et des nourrissons
est un fait connu sur lequel l'unanimité des appréciations
a fini par agiter l'opinion publique, et dont le législateur, à
son tour, a eu à tenir compte. Toutes les statistiques de la
mortalité infantile montrent que, de tous les enfants, ceux
élevés par leur mère fournissent le plus grand nombre de
survivances et peuvent plus aisément arriver à l'âge adulte ;
ceux qui sont, au contraire, les plus menacés de dispa-
raître sont les enfants confiés à l'industrie nourricière
et les enfants illégitimes ou les enfants assistés. Les soins
66
ENFANT
4042 —
étrangers ne valent évidemment pas ceux de la famille, et
l'enfant auquel on s'intéresse le plus, celui que l'on aime
le mieux, que Ton entoure des soins les plus affectueux,
est celui qui a le plus de chances de survivre.
Sous l'ancien régime, l'industrie nourricière avait déjà
donné lieu à une réglementation extrêmement minutieuse.
En 1781 fut même publié un code des nourrices dans
lequel, au milieu d'un grand nombre de dispositions suran-
nées, on peut relever quelques prescriptions excellentes,
notamment l'obligation, pour les nourrices venant quérir
un nourrisson, d'avoir un certificat du curé (c'était l'officier
de l'état civil) constatant l'âge de la nourrice et indi-
quant si elle était ou non chargée d'autres nourrissons ;
la défense d'avoir en même temps deux nourrissons, ainsi
que la visite de la nourrice et du nourrisson par le méde-
cin de police pour préserver éventuellement la première ou
le second de toute maladie contagieuse. Mais ce code tomba
en complète désuétude, et, déjà appliqué exceptionnellement,
il n'eut bientôt plus aucune action.
Dès I808, le docteur Bertillon fit à l'Académie de méde-
cine de Paris une communication qui signalait la morta-
lité excessive des enfants du premier âge. Au mois d'oct.
1863, un médecin de campagne qui, depuis de longues
années, se livrait personnellement à l'étude des enfants
nourris dans son pays, M. Monot, envoyait à cette même
Académie une note terrifiante sur l'industrie des nourrices
telle qu'elle se pratiquait, depuis 1850, dans le Morvan, et
démontrait que la mortalité des enfants de un jour à un
an s'élevait à la proportion monstrueuse de 70 °/o.
A son tour, le docteur Roussel, député de la Lozère à
l'Assemblée nationale (depuis sénateur), porta la question
sur le terrain plus pratique de la législation et appela sur
elle l'attention des pouvoirs publics par une proposition
de loi sur la protection des enfants du premier âge. Nommé
rapporteur de la commission parlementaire chargée d'étu-
dier son projet, le docteur Roussel constatait, dans son
rapport désormais célèbre, que, dans certaines régions, la
mortalité des enfants en nourrice atteignait réellement la
proportion considérable de 70 à 80 %. Il ajoutait que dans
les conditions les plus humbles de la vie de province, en
Creuse, par exemple, la moyenne des décès des enfants en
bas âge n'était que de 13 ^jo'-, elle descendait même à
5 °/o dans plusieurs localités où l'allaitement maternel était
resté général. Et il concluait que, si les conditions de l'hy-
giène maternelle et nourricière étaient observées, la mor-
talité des nouveau-nés ne devrait guère dépasser 10 <^/o.
— De ces terribles constatations est née la loi du 23 déc.
1874, à laquelle a été donné le nom de loi Roussel. Grâce
à cette initiative, qui constitue pour son promoteur un vrai
titre à la reconnaissance de ses concitoyens, l'intérêt de la
société bien compris est aujourd'hui protégé. Le législa-
teur ne pouvait que réglementer, surveiller l'industrie des
nourrices ; il ne pouvait imposer, par exemple, aux mères
l'obligation d'allaiter leurs enfants elles-mêmes, mais il
pouvait s'assurer par des prescriptions que les enfants rece-
vraient pendant leur première enfance les soins de bonne
alimentation et d'hygiène qui leur sont nécessaires. Ce but
est en voie d'être atteint aujourd'hui.
La mortalité infantile subit, en effet, une décroissance
marquée depuis les quelques années que l'on a pu suivre
et relever les effets de la loi Roussel. La proportion des
décès de 0 à 1 pour 1 00 naissances donne une moyenne
de 18,44 pour la période de 1868 à 1872 ; 16,62 pour
celle de 1873 à 1877 ; 16,75 pour celle de 1878 à 1882 ;
16,50 pour 1883.
La loi de 1874 a donc pour conséquence d'arrêter un
mouvement inquiétant de dépopulation et de conserver au
pays des existences précieuses. Elle n'est pas seulement
une loi humanitaire ; elle est au premier chef une loi
d'intérêt patriotique et social, et, à ce titre, elle justifie son
utilité, les sacrifices qu'elle réclame, les dévouements aux-
quels elle fait appel et commande à tous la stricte obser-
vation de ses prescriptions. Son exécution n'est encore
assurée que très incomplètement malheureusement ; l'orga-
nisation qu'elle nécessite n'est pas encore achevée, mais
on s'achemine de plus en plus rapidement vers son plein
fonctionnement ; l'élévation progressive des crédits votés
annuellement dans ce but par les conseils généraux qui
ont la charge de la moitié des dépenses en témoigne. Ces
crédits ont suivi la progression suivante :
1878...
. 543.346 fr.
1883...
1.278.160 fr.
1879...
.. 718.808 —
1884...
1.394.199 —
1880...
. 764.055 —
1885...
1.464.044 —
1881...
. 851.570 -
1886...
1.532.531 -
1882...
. 971.071 -
1887...
1.615.236 -
La population des enfants au-dessous de deux ans, élevés
moyennant salaire horsdu domicile de leurs parents, qu'il
faut protéger, est beaucoup plus nombreuse qu'on ne l'avait
d'abord supposé sur la foi de recensements imparfaits ;
elle ne paraît pas être inférieure au chiffre de deux cent
mille enfants, soit le double du maximum présumé lors du
vote de la loi.
La protection des enfants du premier âge n'est pas
assurée seulement par la loi Roussel ; l'initiative privée
avait précédé sa promulgation, et elle lui a survécu avec
une action parallèle. Il existe, en effet, des sociétés pro-
tectrices de l'enfance, dont le but est d'organiser pour les
nourrissons placés hors de leur famille une surveillance
médicale sérieuse et de propager l'allaitement maternel.
Les médecins, qui leur prêtent un concours gratuit, visi-
tent régulièrement les enfants et adressent chaque mois un
bulletin de visite détaillé qui constate l'état général des
enfants et la manière dont ils sont soignés.
L'économie de la loi Roussel est la suivante : « Tout
enfant âgé de moins de deux ans, dit l'art. 1^^, qui est
placé moyennant salaire en nourrice, en sevrage ou en
garde hors du domicile de ses parents, devient, par ce fait,
l'objet d'une surveillance de l'autorité publique, ayant pour
but de protéger sa vie et sa santé. » Cette surveillance
s'étend sur les bureaux de placement et tous les inter-
médiaires qui s'emploient au placement des enfants en
nourrice, en sevrage ou en garde, et surtout sur toutes les
personnes ayant chez elles un nourrisson, un ou plusieurs
enfants en sevrage ou en garde, dont elles ont la charge
moyennant salaire. C'est aux personnes qui placent un
enfant, aux nourrices ou gardeuses qui le reçoivent chez
elles qu'incombe l'obligation de faire au maire, dans les
trois jours, la déclaration de placement. Les nourrices
doivent être pourvues d'un certificat délivré par le maire et
d'un certificat médical. Le certificat du maire constate que
l'enfant de la nourrice a atteint sept mois, s'il est encore
vivant ou qu'il est allaité par une autre femme et il men-
tionne l'état de l'habitation. Le certificat médical atteste que
la nourrice est en bonne santé et qu'elle rempHt les condi-
tions nécessaires pour élever un nourrisson. La surveillance
est également administrative et médicale.
Les secrétaires de mairie sont chargés de la tenue des
registres et de l'envoi des notifications du médecin inspec-
teur qui permettent de suivre l'enfant dans tous ses dépla-
cements successifs, et les juges de paix doivent vérifier
aux mairies mêmes les registres destinés à recevoir les
déclarations des nourrices et des parents ; ils signalent la
mauvaise tenue, les erreurs, les irrégularités qu'ils relèvent.
L'établissement d'une inspection médicale des enfants
en nourrice, en sevrage ou en garde, constitue une inno-
vation capitale, mais la loi n'en fait pas une obligation for-
melle; aussi est-elle encore quelquefois négligée. Les visites
médicales sont des plus nécessaires au début d'un place-
ment, la période la plus critique pour l'enfant, celle oti la
mortalité est la plus grande étant celle des premiers mois.
Des commissions locales embrassant la commune con-
courent à l'apphcation des mesures de protection ; elles
peuvent, lorsqu'elles jugent que la vie ou la santé d'un en-
fant est compromise, retirer l'enfant à la nourrice et le
placer provisoirement chez une autre personne ; elles
— 1048 —
ENFANT
signalent au préfet, dans leur rapport annuel, les nourrices
qui méritent une mention spéciale pour les bons soins
qu'elles donnent aux enfants qui leur sont confiés. Il existe
en outre un comité départemental et un inspecteur dépar-
temental qui surveillent les intérêts généraux et dépouillent
les rapports qui leur sont envoyés par les commissions
locales. Et au sommet de toute cette organisation se trouve
un comité supérieur siégeant à Paris, au ministère de l'in-
térieur, qui centralise et contrôle tous les renseignements
relatifs à l'exécution de la loi de 4874, donne son avis, et
dont le rapport annuel doit être publié conformément à
l'art. 4. Ajoutons que des pénalités diverses sont édictées
pour assurer la régulière exécution de la loi. Il est à re-
gretter malheureusement que cette loi du 23 déc. 1874
n'ait pas un caractère plus nettement impératif, qu'elle
soit incomplète encore sur bien des points, et surtout que
les tribunaux hésitent presque toujours à l'appliquer dans
toute sa rigueur lorsqu'ils ont à relever des infractions.
Celles-ci sont d'ailleurs d'autant plus fréquentes que la
sanction est moins rigoureuse.
La loi de protection infantile appelle des compléments
nécessaires. Il n'est pas douteux que les privations prolon-
gées ou l'excès de travail pendant la grossesse de la mère
exercent une influence désastreuse sur la conformation et la
santé de l'entant, et sont une des causes principales de la
mortalité de la première enfance. Le nonibre des mort-nés
et celui des décès dans le premier mois après la nais-
sance s'élève à un neuvième à peu près des enfants con-
çus. On pourrait chercher à atténuer ce mal, à protéger la
vie de l'enfant en assistant et en protégeant plus efficace-
ment la mère pendant sa grossesse. En Allemagne, en Au-
triche, en Suisse, la loi qui règle le travail réglemente
aussi le travail des femmes enceintes, leur interdit certaines
industries et réserve un espace de temps, qui varie de six à
huit semaines, pendant lequel avant ou après l'accouche-
ment elles ne peuvent travailler dans les usines. Naturelle-
ment, il faut, corrélativement à ces prescriptions, organiser
des caisses de secours et de prévoyance. La création d'asiles
de convalescence dans les villes, celle d'asiles maternels
peuvent élargir considérablement les bienfaits de la loi.
De nombreuses fondations privées existent à cette inten-
tion, et des sociétés se sont organisées sur tous les points
du territoire rivalisant de zèle pour assurer le même but
philanthropique.
La première institution que l'on rencontre est celle des
sociétés de chanté maternelle qui ont pour mission de
secourir les mères pauvres au moment de leurs couches et
de soustraire ainsi au dénuement et à l'abandon l'être qui
vient au monde. La plus ancienne de ces sociétés est
celle de Paris, dont la fondation remonte à 1785. Il en
existe plus de 80 dans toute la France, réparties dans
50 départements, et les résultats qu'elles obtiennent sont
dignes de tout éloge. Leur budget, entretenu par la charité
privée et par des subventions de l'Etat, des départements
et des communes, leur a permis de secourir plus de 80,000
femmes en cinq ans.
Après l'accouchement, il faut s'occuper de l'entretien du
nouveau-né; les crècte pourvoient à cet objet; elles sont
destinées à recevoir les enfants de quinze jours à trois ans
pendant que la mère travaille hors de son domicile. Les
crèches sont une institution essentiellement française. La
première, modèle de toutes celles qui se sont fondées
depuis dans tous les pays civilisés, a été organisée à Paris,
le 14 nov. 1844, par M. Firmin Marbeau. Le nombre des
crèches ne répond pas encore aux besoins manifestes de la
classe ouvrière. Il n'en existait, en 1886, que 53 dans la
Seine et 136 dans les départements. La crèche est le plus
souvent une institution privée, quoique alimentée presque
toujours par la charité publique. La salle cTasile appelée
aujourd'hui école maternelle et qui prend l'enfant après
la crèche, est, à l'inverse, une institution publique dans la
plupart des cas. Les crèches et les écoles maternelles
s'adressent évidemment à tous les enfants, qu'ils soient
nourris par leur mère ou confiés à des mains mercenaires,
mais surtout aux premiers.
Les sociétés protectrices de l'enfance ont organisé pour
les nourrissons placés hors de la famille une surveillance
médicale sérieuse, mais elles s'efforcent le plus possible
de propager l'allaitement maternel. Elles sont au nombre
de 11 et ont leur siège à Paris, Le Havre, Rouen, Mar-
seille, Tours, Pontoise, Lyon, Reims, Essonnes, Bordeaux
et Alger.
Terminons cet exposé par le résumé suivant du dernier
rapport concernant la protection de la première enfance
dans le dép. de la Seine. Les femmes qui se livrent
à l'élevage des enfants sont nourrices sur lieu ou nour-
rices à emporter. Les premières sont celles qui restent
à Paris ; pour 1,000 d'entre elles, il y en a 222 originaires
de la Seine, fréquemment venues seulement à Paris pour
cacher une faute et obtenir les secours de l'Assistance
publique ; puis viennent, par ordre d'importance, les nour-
rices originaires de la Nièvre (152,50), de Saône-et-
Loire (75,60), du Nord (65,20), du Pas-de-Calais (63),
du Cher (50,40), du Loiret(30,80), del' Allier etdel'Indre.
Le relevé des bureaux de placement nous donne pour
une année, l'année 1885, un total de 3,239 de ces nour-
rices dites sur lieu. En huit ans, il y a eu 81,756 nour-
rices venues à Paris pour se procurer un nourrisson;
56,393 étaient mariées, 24,100 célibataires, 1,263 veuves.
A côté de ces nourrices au sein, il y a les nouriices à em-
porter au biberon ; sur 31 ,507 nourrices au biberon,
27,083 étaient mariées, 2,224 célibataires, 2,200 veuves.
Ce sont, paraît-il, les mêmes femmes qui, céHbataires,
mariées, veuves, se livrent à l'élevage au biberon ; cette
industrie spéciale a pour siège principalement le Loiret,
Eure-et-Loir, la Sarthe, Loir-et-Cher, Seine-et-Oise, le
Cher, l'Orne, Seine-et-Marne, le Pas-de-Calais, l'Yonne,
l'Aisne, la Mayenne : ces départements sont rangés par ordre
d'importance.
Les statistiques, dans leur sécheresse, font de curieuses
révélations : elles nous montrent, par exemple, les enfants
légitimes mis en nourrice dans une zone rapprochée de
leurs parents : Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, Marne, Loi-
ret ; les enfants illégitimes envoyés au loin, dans le Cher,
dans le Nord, le Pas-de-Calais, la Mayenne. Ce qu'elles
apprennent de plus lamentable, c'est ce qui touche à la
mortahté: sur 13,830 enfants de Paris placés en nourrice
en province, 27,52 ^/o sont morts avant d'avoir atteint
l'âge d'un an, et à cet âge d'un an il n'en reste que
10,161. Etant donnés 14,094 enfants sans distinction
d'état civil, de sexe et de mode d'élevage, la mortalité a
été, pour les deux premières années de vie, de 28,07 °/o,
c.-à-d. que sur les 14,097 enfants, 3,971 sont morts
avant d'avoir atteint l'âge de deux ans et qu'à cet âge il
n'en restait que 10,126. François Bernard.
Travail des enfants. — Dans les relations entre ou-
vriers et patrons, l'Etat a parfois à intervenir pour sauve-
garder un principe supérieur à l'intérêt individuel, ou bien
pour hnposer sa protection quand il est reconnu que son
intervention ne serait suppléée par aucune autre. L'inter-
vention de l'autorité publique est autant un devoir qu'un
droit qu'elle tient de la société elle-même, dont elle a la
délégation. L'Etat est ainsi le protecteur des faibles, et il
est bien prouvé qu'ils ne sont efficacement protégés que
par lui. L'enfant surtout est plus exposé que tout autre à
être la victime d'abus : il peut n'avoir plus de protecteurs
naturels ; ses parents mêmes peuvent d'ailleurs trop sou-
vent être portés à le faire travailler prématurément au delà
de ses forces en vue du gain qu'ils en retirent. L'usine
ou l'atelier peuvent supprimer l'école avant que l'enfant
ait acquis un minimum d'instruction suffisant pour qu'il
puisse se conduire dans la vie; enfin, certaines industries
peuvent être trop insalubres, certains travaux trop fati-
gants pour que sa santé et son développement physique
ultérieur en soient affectés irrémédiablement. L'autorité
paternelle est limitée par les lois ; on a par analogie étendu
ENFANT
— 1044 —
au contrat de prestation du travail des enfants, consenti
par leurs parents, le droit d'intervention de l'Etat. En réa-
lité, lorsqu'ils disposent du travail de leurs enfants, les
parents disposent du travail d'autrui, et les enfants sont
inaptes à juger eux-mêmes sainement de leurs intérêts. La
tutelle gouvernementale se justifie ainsi pleinement, sans
qu'il soît nécessaire d'invoquer pour ou contre cette inter-
vention aucun des grands principes économiques.
L'intérêt personnel de l'enfant est donc que ses forces
soient ménagées dans sa jeunesse, pour assurer son plein
développement physique et l'expansion de ses facultés
intellectuelles. L'intérêt social, absolument conforme à celui
de l'individu, ne saurait non plus être trop attentif à assu-
rer à la nation des hommes forts, vigoureux, sains de corps
et d'esprit et non usés prématurément ou incomplètement
développés, en vue de la conservation de la race, de l'hy-
giène publique et de la défense nationale. De là des mesures
de protection pour réglementer le travail des enfants ; de
là aussi des mesures de protection plus restreintes en
faveur des femmes, car protéger la femme, c'est encore
protéger l'enfant (V. Femme). En France, avant 1789, des
ordonnances royales intervenaient fréquemment pour pré-
ciser ou modifier les conditions du travail pour chaque cor-
poration de métier, déterminant les droits et les devoirs
des apprentis, des compagnons et des maîtres. Les corpo-
rations, on le sait, furent supprimées à la Révolution au
nom de la liberté du travail ; mais bientôt le développe-
ment des travaux publics et de l'industrie appela de nou-
veau l'attention du législateur sur la protection du travail.
Ces mesures de protection s'expliquent d'autant plus
légitimement aujourd'hui que le développement de l'indus-
trialisme dans notre siècle les a rendues plus nécessaires.
C'est sous l'influence dominante de cette transformation
économique que les diverses législations ont été amenées
à faire une place de plus en plus grande à la réglementa-
tion du travail. L'outillage industriel a adopté des machines
d'une puissance considérable, quelquefois dangereuses;
souvent ces machines ont simphfié le travail de l'homme à
tel point que l'apprentissage est devenu inutile dans beau-
coup d'emplois et que l'on a avantage à substituer des
enfants faiblement rémunérés à des ouvriers arrivés à la
pleine maturité, qui auraient le droit de prétendre à un
salaire plein. Il y a en fait beaucoup plus de place à l'heure
actuelle pour les enfants et les filles mineures dans les ate-
liers et les manufactures qu'il n'y en avait au commence-
ment de ce siècle, et l'obligation de la concurrence, l'esprit
de calcul, de lucre des patrons, poussent sans cesse ceux-ci,
quoi qu'ils en aient, à rechercher, le plus souvent possible,
la main-d'œuvre la moins chère, celle des enfants. Partout
où il ne faut déployer que peu de force, l'enfant présente
cet avantage de pouvoir remplacer un homme dont la force
serait en partie inutilisée. Mais, s'il y a abus, l'enfant sur-
mené peut devenir à l'âge adulte une non-valeur qui retom-
bera à la charge de la société ou qui, en tous cas, aura
perdu une partie de sa puissance productrice, et se sera
fait une situation sociale inférieure à celle à laquelle il
aurait eu le droit de prétendre. Tous les pays industriels
ont reconnu ces vérités et les ont sanctionnées dans leur
législation.
L'Angleterre a ouvert la voie par une série de factory acts
s'appliquant chacun à une ou plusieurs industries spéciales.
Dès la fin du xviii® siècle les dangers résultant de l'emploi
d'enfants trop jeunes dans les manufactures avaient été
signalés par les docteurs Aithin et Perce val. Quelques
années plus tard, un industriel, sir Robert Peel, le père du
célèbre ministre, après avoir constaté dans ses propres
manufactures des faits de nature à attirer l'attention des
pouvoirs pubhcs, faisait adopter, en 1802, un bill destiné
« à préserver la société et la moralité des enfants et autres
employés dans les fabriques de coton et de laine». Ce bill,
qui limitait à douze heures la journée du travail des enfants
et leur interdisait le travail de nuit, resta inappliqué. De
nouvelles lois furent votées en 1815, en 1819, en 1825
et en 1833; cette dernière plus complète inspira en France
notre loi fondamentale du 23 mars 1841. La Prusse avait
déjà, en 1839, dans une ordonnance royale, reproduit les
principales dispositions de la loi anglaise de 1833. « La
première disposition législative protectrice du travail des
enfants, dit le docteur Napias, fut prise en Prusse sur les
instances d'un officier de recrutement, nommé de Horn,
qui avait signalé le faible contingent fourni par les districts
manufacturiers où de nombreux enfants travaillaient aux
fabriques. »
En France, dès 1827, la société industrielle de Mul-
house, sur la proposition de l'un des principaux filateurs
alsaciens, appela l'attention des pouvoirs publics sur la
même question, et c'est par l'agitation qui s'ensuivit que
l'on aboutit à la loi de 1841. Comme la loi de 1841 n'avait
trait qu'aux grandes industries, on étendit dans la loi du
22 févr. 1851, relative au contrat d'apprentissage, la sur-
veillance du gouvernement aux établissements de la petite
industrie. Mais cette surveillance, peu ou point organisée
par suite de l'insuffisance de l'inspection, amena au vote
de la loi du 19 mai 1874. Aujourd'hui une législation assez
complète sur la matière existe dans les pays suivants :
Angleterre : loi du 27 mai 1878 (Factory and Workshop
Act) ; Allemagne : loi du l^'' juil. 1883; Autriche : loi du
8 mars 1885 ; Danemark : loi du 23 mai 1873 ; Relgique :
loi du 13 déc. 1889 ; Espagne : loi du 24 juil. 1873 ; Italie :
loi du 11 févr. 1886; Pays-Bas : loi du 5 mai 1889;
Suède : loi du 18 nov. 188l ; Suisse : loi fédérale du
23 mars 1877. Tout récemment, au cours de l'année
1890, une conférence internationale, réunie à Berlin sur
l'initiative de l'empereur Guillaume II, pour l'étude des
améliorations à apporter au régime du travail, et à laquelle
ont participé la plupart des pays manufacturiers de l'Eu-
rope, s'est occupée de cette grave question du travail des
enfants.
Les résolutions adoptées par la commission spéciale ont
été les suivantes : « Il est désirable que les enfants des
deux sexes n'ayant pas atteint un certain âge ne puissent
travailler dans les établissements industriels ; que la limite
d'âge soit fixée à douze ans, sauf pour les pays méridio-
naux où la limite serait de dix ans ; que les limites d'âge
soient les mêmes pour tout établissement industriel; que
les enfants aient préalablement satisfait aux prescriptions
de l'enseignement primaire ; que les enfants au-dessous de
quatorze ans ne travaillent ni la nuit ni le dimanche ; que
leur travail ne dépasse pas dix heures par jour et soit
interrompu par un repos d'une demi-heure au moins; que
ces enfants ne puissent travailler à des occupations insa-
lubres ou dangereuses, sauf avec certaines garanties pro-
tectrices. Il est désirable que les jeunes ouvriers des deux
sexes de quatorze à seize ans ne travaillent ni la nuit ni
le dimanche; que leur travail eff'ectif ne dépasse pas^dix
heures par jour et soit interrompu par des repos d'une
heure et demie ; que des exceptions soient admises pour
certaines industries; que des restrictions soient prévues
pour les occupations insalubres ou dangereuses ; qu'une
protection soit assurée aux jeunes garçons de seize à dix-
huit ans pour la durée maxima du travail, le travail de
nuit, le travail du dimanche et les occupations insalubres ou
dangereuses. »
Cette conférence n'a pu avoir qu'un rôle purement con-
sultatif; elle a néanmoins posé des bases (jue toiites les
législations particulières viseront plus ou moins rapidement
à adopter, et surtout, elle a, pour la première fois, laissé
pressentir pour l'avenir que des accords internationaux en
ce qui concerne la réglementation du travail ne sont pas
impossibles. Dans notre pays, les vœux que nous reprodui-
sons sont pour la plupart déjà consacrés par la loi, et sur
bien des points ils sont dépassés. La loi anglaise de 1878,
qui codifie la matière, est une des plus minutieusement régle-
mentaires de l'Europe : l'entrée des ateUers et des manu-
factures est interdite aux enfants au-dessous de dix ans ;
de dix à quatorze ans, le travail est permis, mais avec un
1045 —
ENFANT
maximum de cinq heures par jour ou dix heures tous les
deux jours ; de quatorze à dix-huit ans, la journée des ado-
lescents ne peut dépasser dix heures de travail effectif; le
travail de nuit et le travail du dimanche sont interdits. Les
patrons doivent veiller à ce que les enfants suivent l'école ;
ils sont tenus en conséquence à retirer et à produire des
certificats d'assiduité. La majorité industrielle est acquise à
dix-huit ans. Cette loi est en voie de re vision, l'âge mini-
mum pour l'admission dans les ateliers est élevé par le
nouveau projet à onze ans ; il est déjà de douze ans dans
les mines. L'âge minimum n'est d'ailleurs pas le même par-
tout. Nous reproduisons ci-dessous, d'après un rapport parle-
mentaire rédigé sur ce sujet par M. Tolain au nom de la
commission du Sénat chargé de préparer la refonte de la loi
de 1874, le tableau suivant qui présente le plus grand inté-
rêt, et qui résume les législations étrangères à ce point de vue.
Age d'admission des enfants et des adolescents et durée de la journée de travail.
PAYS
AGE
HEURES
de travail
AGE
HEURES
de travail
Allemagne
13 à 14
12 à 14
12 à 14
12 à 16
10 à 16
10 à 13
10 à 14
10 à 13
9 à 12
12 à 16
12 à 16
10 et 12 à 14 et 15
12 à 14
14 à 16
re et religieux.
6
8
10
12
6 1/2
5
5
5
8
Durée fixée par le
Gouvernement
11
6
6
11*
14 k 16
14 à 16
14 à 16
16 à 18
13 à 15
14 à 18
14 à 18
»
»
14 à 18
»
10
11
12
»
12
8
8
10 ou 101/2
»
»
»
»
10
»
Autriche
Hon^^rie
Belgique
Danemark
Espagne (garçons)
(filles) .
Grande-Bretagne
Italie
I^iUxembouror
Pays-Bas
Russie
Suède
Suisse
* Compris renseignement scolai
Les pénalités sont le plus souvent des amendes. Les
Pays-Bas, l'Allemagne et la Suisse admettent cependant
l'emprisonnement de courte durée. Ce sont généralement
les patrons seuls qui sont déclarés responsables, mais la
loi danoise et la loi anglaise atteignent aussi les parents.
En France, la loi de 4874 complétée par des règlements
d'administration publique, ceux notamment décrétés sous
les dates du 27 mars 4875 et du 4«^ mars 4877, établit
une réglementation assez complexe dont les différentes sti-
pulations visent en même temps à assurer la protection de
l'enfant et à lui laisser les moyens de gagner sa vie toutes
les fois que sa santé ne doit pas en souffrir. Les enfants
ne peuvent être occupés par des patrons avant l'âge de
douze ans ; exceptionnellement cette limite est abaissée à
dix ans pour certains emplois spécialement dénommés, qui
sont faciles et qui ne présentent aucun danger, tels que le
dévidage des cocons, le moulinage de la soie, la filature du
lin et du coton, la papeterie, les tulles et dentelles. Ils ne
peuvent non plus, avant l'âge de seize ans, être employés
dans les industries comprenant un outillage mécanique qui
puisse présenter quelque danger (décret du 43 mai 4875).
Une police spéciale pour l'exécution de cette loi a été orga-
nisée. Des commissions locales nommées par le préfet fonc-
tionnent dans chaque département, lesquelles doivent com-
prendre cinq ou sept membres et parmi ceux-ci un ingé-
nieur civil ou un ingénieur des mines dans les régions
minières et un inspecteur de l'instruction primaire. Une
commission supérieure composée de neuf membres est insti-
tuée à Paris pour assurer la parfaite exécution de la loi,
surveiller le personnel et donner son avis chaque fois qu'il
y a utilité. Toutes ces fonctions de commissaires sont gra-
tuites. Les commissions visitent les ateUers et établisse-
ments industriels ; mais cette mission est plus particuliè-
rement dévolue à un corps d'inspecteurs spéciaux créé par
la loi de 1874. Le territoire français est divisé pour cet
objet en vingt et une circonscriptions, chacune dirigée par
un inspecteur divisionnaire. Les conseils généraux dans les
départements nomment fréquemment de leur côté des ins-
pecteurs départementaux en nombre plus ou moins grand.
La commission supérieure du travail des enfants et des
filles mineures employés dans l'industrie siège à Paris au-
près du ministre du commerce et de l'industrie. Elle doit
chaque année rendre compte dans un rapport spécial du
fonctionnement de l'inspection et donner son avis, tant sur
la situation matérielle des usines et ateliers et du régime du
travail, que sur l'exécution des prescriptions relatives à l'ins-
truction des enfants. La loi de 4874 se refait à l'heure même
où nous écrivons (4892). Le projet nouveau qui paraît devoir
être consacré comporte quelques innovations importantes.
i^ k l'exception des établissements classés comme dange-
reux, insalubres ou incommodes, les travaux effectués dans
les ateliers où ne sont employés que les membres de la
famille sous l'autorité soit du père ou de la mère, soit du
tuteur, sont exemptés des obligations de la loi. Néanmoins,
si le travail s'y fait à l'aide de chaudière à vapeur ou de
moteur mécanique, l'inspecteur aura le droit de prescrire
des mesures pour assurer la sécurité des personnes proté-
gées. ^^ Les enfants ne peuvent être employés par les
patrons avant l'âge de treize ans révolus. Toutefois, ceux
pourvus du certificat d'études primaires institué parla loi de
4 882 peuvent être employés à partir de l'âge de douze ans.
Les exceptions à cette limite d'âge, prévues par la loi de
4874, disparaissent pour l'avenir. Aucun enfant de moins
de treize ans ne peut être admis dans l'industrie s'il n'est muni
d'un certificat d'aptitude physique délivré à titre gratuit par
l'un des médecins chargés de la surveillance du premier âge
ou l'un des médecins inspecteurs des écoles. 3<* Les enfants
âgés de moins de dix-huit ans, les filles mineures de vingt et
un ans et les femmes ne peuvent être employés à aucun tra-
vail de nuit dans les établissements énumérés à l'art. 4®'*.
Tout travail entre neuf heures du soir et cinq heures du ma-
tin est considéré comme travail de nuit, sauf exceptions tem-
poraires jusqu'à onze heures du soir pendant soixante jours
au plus et pour certaines industries. 4^^ Les inspecteurs du
travail prêtent serment de ne point révéler les secrets de fa-
brication et en général les procédés d'exploitation dont ils
pourraient prendre connaissance dans l'exercice de leurs
fonctions. Toute violation de ce serment est punie conformé-
ment à l'art. 378 du C. pén. 5<* Les commissions locales
instituées par la loi de 4874 et nommées par les préfets sont
supprimées ; elles sont remplacées par des commissions nom-
mées par les conseils généraux. François Bernard.
V. LITURGIE. — Enfants de chœur. — Enfants
attachés au service d'une église pour les cérémonies ou pour
le chant. Ils doivent précéder aux offrandes, aspersions,
distribution de pain bénit, etc., tous les laïques, quels qu'ils
ENFANT
— 4046
soient, comme faisant partie du clergé {Mémoires du clergé,
t. Y, p. 1474; t. VI, p. 242). Cette préséance résulte d'une
règle générale, en conséquence de laquelle les laïques,
quels qu'ils soient, portant le surplis et aidant le service
divin, font alors partie du clergé et précèdent tous les
autres M({ues(ibid., t. XIÏ, pp.2i2 etsuiv.). — Aujour-
d'hui, le costume le plus ordinaire des enfants de chœur
se compose d'une soutanelle rouge, d'un amict, d'une
aube, d'une ceinture rouge ou bleue, d'une calotte rouge, et
en hiver d'un camail. — Les enfants de chœur sont compris
parmi les serviteurs de l'église ; leur rétribution est à la
charge de la fabrique, qui est aussi obligée de fournir tout
ce qui constitue leur costume et d'en faire les frais de blan-
chissage. — Ils sont sous les ordres immédiats du curé ; le
droit de les choisir lui est réservé. E.-H. Vollet.
VI. ADMINISTRATION MILITAIRE. — Enfants de
troupe. — On appelle « enfants de troupe » tous les en-
fants au-dessous de dix-huit ans qui figurent sur les con-
trôles de l'armée de terre.
Histoire. — Le premier document officiel concernant
les enfants de troupe est l'ordonnance du 4^^ mai 4766.
Elle fixait leur âge d'admission de dix à seize ans, en auto-
risait un par compagnie et lui allouait la solde de soldat.
Lorsqu'il avait atteint sa seizième année, le jeune pupille
était admis, s'il le voulait, à contracter un engagement de
huit ans. L'institution était créée par cette ordonnance ;
mais, conséquence de la formation des armées perma-
nentes, elle avait surgi spontanément. Depuis de longues
années, les régiments avaient adopté les fils de leurs
soldats ou de leurs sous-officiers morts à l'ennemi, et
c'est parmi eux que se recrutaient les fifres et les tam-
bours. En 4779, le comte de Saint-Germain voulut, à
l'instar de ce qui se passait au dépôt des gardes françaises,
faire élever les enfants nés dans les corps aux frais de
l'Etat; il échoua dans ses projets, et l'ordonnance du
40 août 4786, qui créa les écoles des enfants de Varmée^
n'eut pas non plus de conséquences pratiques.
Les enfants de troupe furent supprimés le 4^^ janv.
479d, puis rétabhsle 7 thermidor an VIII, à peu près
dans les mêmes conditions qu'avant la suppression. Sauf
des détails, rien ne fut changé sous l'Empire et la Restau-
ration. Napoléon incorpora un grand nombre de ces enfants
dans les pupilles de la garde, dont la légion atteignit jus-
qu'à l'eftectif de 8,000 rationnaires. L'ordonnance ^du
44 avr. 4832 vint exiger le service obligatoire, sous peine
de radiation, mais elle admit les enfants d'officiers, qui,
jusque-là, n'avaient pas joui de cette faveur. Elle resta
en vigueur, avec quelques modifications, jusqu'au décret
du 22 mai 4858, qui réglementa sur de nouvelles bases
les conditions d'âge, de nombre et d'admission, mais ne
changea rien aux conditions morales de l'institution.
Les inspecteurs généraux s'étaient^ émus de la promis-
cuité dans laquelle les enfants vivaient à la caserne et,
dès 4868, le maréchal Niel s'était préoccupé d'une réforme
radicale. L'étude de cette question fut confiée, par ordre
du ministre, en 4873, à une commission présidée par le
général Lebrun, et le général Chareton, rapporteur du pro-
jet de loi sur les cadres de l'armée, proposa de créer une
école d'enfants de troupe à l'instar de celles qui fonction-
naient en Russie, en Allemagne, en Angleterre et d'en-
lever les enfants aux régiments. L'art. 28 de la loi du
43 mars 4875 créa le principe des écoles d'enfants de
troupe ; la loi du 49 juil. 4884 l'a consacré. Une école
d'essai fut fondée à Rambouillet par décret du 24 avr.
4875, et c'est sur les résultats obtenus que l'on a calqué
l'organisation définitive.
Admission des enfants de troupe. — Aux termes de la
loi du 49 juil. 4884 et du décret du 42 avr. 4888 sont
admis à concourir aux places d'enfants de troupe : 4^ les
fils des soldats, caporaux ou brigadiers, sous-officiers, offi-
ciers jusqu'au grade de capitaine inclusivement ou assi-
milés et les fils d'officiers supérieurs décédés ; 2° les fils
de militaires retirés du service, étant ou ayant été en pos-
session d'une pension de retraite, d'une pension de réforme
pour infirmités ou blessures ou ayant contracté un renga-
gement de cinq ans au moins ; 3° les fils des militaires de
la réserve de l'armée active, de l'armée territoriale ou de
la réserve tués à l'ennemi ou morts de leurs blessures.
Les enfants doivent avoir deux ans au moins et treize
ans au plus au 4^^ août pour être proposés pour enfants de
troupe. Les demandes d'admission formées par les parents
ou tuteurs sont adressées : au président du conseil d'admi-
nistration pour les fils de militaires appartenant à un corps
de troupe ; au général commandant le corps d'armée par l'in-
termédiaire du^chef de service pour les fils de militaires n'ap-
partenant pas à un corps ; au même officier général pour les
militaires des troupes de terre ou de mer retirés du service
et résidant dans la région, par l'intermédiaire de l'autorité
militaire locale ou de la gendarmerie. Ces demandes doivent
être accompagnées de six pièces énumérées dans l'instruction
du 42 juil. 4888 : engagement de reversement au Trésor
de la moitié des indemnités perçues si l'enfant renonce à
entrer, à l'âge de quatorze ans, dans une école militaire
préparatoire ; certificat du maire ou du conseil d'adminis-
tration constatant la moralité, les moyens d'existence et
les charges des parents ; acte de naissance de l'enfant ;
état des services du père ; acte de mariage des parents ;
certificat de vaccine.
Les généraux commandants les corps d'armée font ins-
truire les demandes par les conseils d'administration des
corps placés sur leur territoire ; celles qui sont transmises
après le 4^' juil. sont ajournées à Tannée suivante. Une com-
mission, nommée par le général commandant le corps d'armée,
présidée par un lieutenant-colonel d'infanterie et composée
de quatre autres membres du grade de commandant ou
assimilés, se réunit vers le 45 juil. Elle examine et classe
les demandes et transmet son classement au ministre avant
le i^^ sept. Le ministre nomme aux places d'enfants de
troupe et notifie aux commandants de corps d'armée les
corps où les enfants doivent être immatriculés. Les enfants
de troupe sont laissés à leurs parents qui reçoivent an-
nuellement : 400 fr. pour les enfants de deux à cinq ans ;
450 fr. pour les enfants de cinq à huit ans et 480 fr. pour
les enfants de huit à treize ans. Ils ne paraissent plus au
régiment. A treize ans révolus, ils doivent entrer dans une
école militaire préparatoire ou à l'orphelinat Hériot (V.
Ecoles militaires préparatoires).
A l'âge minimum fixé par la loi de recrutement (dix-
huit ans), ils doivent, s'ils sont reconnus aptes au service
militaire, contracter un engagement volontaire sous peine
de voir, en cas de refus, le ministre exercer sur le traite-
ment des parents ou les ressources personnelles de l'enfant
une répétition égale à la moitié des frais payés par l'Etat.
La durée de l'engagement est calculée sur l'époque de la
libération de la classe à laquelle l'enfant appartient par
son âge.
BiBL. : Psychologie. — Th. Tiedemann, Mémoire sur
le développement des facultés chez son jeune fils pendant
les deux premières années, publié à la fin du siècle dernier,
tracl. en français par Michelant dans le Journal général de
Vinstr. publ. (18G3). — Lôbisch, Entwicklungsgeschichte
der Seele des Kindes ; Vienne, 1851.— Sigismund, Kind und
Welt ; Rudolstadt, 1856.— Kûssmaul, l'Ame du nouveau-né,
1859. V. Lange, Hist. du Mater. ,t, 1, p. 413. — Taine, De la
Généralisation chez l'enfant. Intelligence, t. II; VAcquisi-
iion du langage, dans Rev. phil., janv. 1876. — Darwin,
l'Expression des énnotions, passim, et Esquisse biogra-
phique d'un petit enfant, dans Rev. scient., juin et cet. 1877.
— Bernard Pérez, les Trois Premières Années de l'enfant ;
Paris, 1878; 4^ éd., 1888 ; l'Education morale dès le berceau;
Paris, 1880, 2« éd., 1888 ; l'Enfant de trois à sept ans; Paris,
1886 ; 2« éd., 1888 ; l'Art et la Poésie chez l'enfant, 1888 ; le
Caractère (de l'enfant à l'homme), 1892. — Pollock, les
Progrès d'un enfant dans le langage; Mind, juil. 1878. —
Egger, Observations et réflexions sur le développement
de l'intelligence et du langage chez les enfants; Paris,
1§79. — L. Ferri, trois articles sur le développement de
r Intelligence, de la volonté et du sentiment moral, du
sentiment du beau, dans la Phil. des écoles italiennes,
oct. 1879, oct. 1881, juin 1883. — Preyer, l'Ame de l'enfa'nt,
observations sur le Développement psychique des pre-
mières années; léna, 1881, traduit d'après la deuxième
1047 —
ENFANT - ENFARINE
édition allemande par M. de Varigny ip - Sikorski
le Lanqage chez l'enfant, dans fîeu. phiL,XVn, 589, et ie
n^velovvement psychique de Venfant, dans Revue phiL,
XIX 241, 403, 533. — E. Maillet, Eléments de psycho-
loaié de l'homme et de l'enfant, appliquée à la pédagogie;
1890 — Enfin, et rien ne prouve mieux Timportance qu a
pris'e chez nous cette étude, M. Henri Marion a fait de la
Psychologie de l'enfant Fobjet de son cours pendant toute
une année à la Sorbonne, 1889-90.
Jurisprudence. — Enfant légitime. Aubry et Rau,
Cours dedroit civil français, t. VI, §§ 543 et 544. - Demo-
LOMBE, Cours de Code civil, t. V, pp. 23 et suiv. ; 192 et
suiv — Laurent, Principes de droit civil français, t. III,
n»» 363 et suiv., 393 et suiv. — Baudry-Lacantinerie, Pré-
cis de droit ciiil, t. le-, n- 814-819 et 856-870, 3^ édit.
Enfant naturel. Aubry et Rau, Cours de droit civil
français, t. VI, pp. 150 et suiv., §§ 565 et suiv.; pp. 322
et suiv ^^ 605 et 606. — Demolombe, Traité de la paternité
et de lafiiation, pp. 377 et suiv., n- 318 et suiv.; et Traité
des successions, t. II, pp. 12 et suiv., nos 12 et suiv. - Bau-
dry-Lacantinerie, Précis de droit civil, t. I, PP. 533 et
suiv., n<"* 892 et suiv., et p. 680, n» 1153; t II, pp. 65_et suiv.,
n°» 101 et suiv. — Laurent, Principes de droit civil fran-
çais, t. IV, pp. 5 et suiv., n°« 1 et suiv. ^ ^
Enfant adultérin. Aubry et Rau, Cours de droit civil
français, t. VI, pp. 32, 66, 120, 216, 4^ éd. - Herold,
De la Preuve de la filiation adultérine ou incestueuse par-
la possession d'état, dans la Revue pratique, t. l, p. 193,
et t II p. 145. — Rousse, Preuve de la filiation inces-
tueuse 'ou adultérine par la possession d'état, dans la
même revue, t. I, p. 347, et t. X, p. 385.- De ^olleville,
Simple Note à propos de la légitimation des enfants inces-
tueux; Paris, 187, 1 broch. in-8. ^
Enfant abandonné. Léon Lallemand, Notice sur la loi
du 24 mil 1889, dans Annuaire de législation française,
1889, pp. 270 et suiv. — G. Melin, De la Protection de l en-
fance; Nancy, 1889.
Economie sociale. — Enfants trouvés. D»- H. Thulie,
les Enfants assistés de la Seine; Paris, 1887. — Nouveau
Dict. d'Ec. poL, art. Enfance, 1890. — Léon Lallemand,
Histoire des enfants abandonnés et délaissés ; Pans, 1887.
— Enquête générale ouverte en 1860 sur les enfants assis-
tés, rapport de la commission publié par le ministère de
l'intérieur ; Paris, 1863.
Enfants du premier âge.— Th. Roussel, Rapport pré-
paratoire sur la loi du 23 mars iS74. — Rapports annuels
sur Texécution de la loi du 23 déc. 1874, publiés par le mi-
nistre de rintérieur. . /,r t x
EN FA NT (Jean F), peintre-graveur français (V. Lenfant).
EN FANT Jésus (Frères et sœurs de V) (V. Ecoles chré-
tiennes ET charitables). — Le recensement spécial de
4861 mentionne : 4° des sœurs de la Congrégation de
r Enfant Jésus, 49 maisons, 440 sœurs ; 2« des filles de
r Enfant Jésus, S6 maisons, 506 filles; 3^ des sœurs de
l'Enfant Jésus, 74 maisons, ^i maisons mères, 237 sœurs.
ENFANT DU DIABLE (Bot.). Nom vulgaire du Phallus
impudicus.
ENFANTS (Croisade des) (V. Croisade).
ENFANTS (Collège des Bons-) (V. Bons-Enfants).
ENFANTS DE Frange. On donnait ce nom sous l'ancienne
monarchie aux enfants et petits-enfants légitimes des rois
de France, sans distinction de sexe. Les frères et sœ.urs des
rois régnants conservaient ce titre et le transmettaient à
leurs enfants, mais il ne s'étendait pas au delà. Les princes
et princesses des autres branches de la famille royale ne
portaient que le titre de princes ou princesses du sang.
Depuis le xiii® siècle, la coutume s'était établie de donner
des apanages aux enfants de France puînés, mais les filles
en étaient exclues; elles étaient dotées en argent.
ENFANTS SANS souci (V. Comédie, t. XI, p. 4485).
ENFANTIN (Barthélemy-Prosper), socialiste français,
né à Paris le 8 févr. 4796, mort à Paris le 34 mai 4864.
Fils d'un banquier, il entra comme boursier à l'Ecole poly-
technique en 4843, et fut, en 4844, un des élèves de cette
école qui contribuèrent à la défense de Paris contre les
armées « alliées ». L'Ecole, au début de la Restauration, se
ferma pour toujours à ceux qui avaient combattu aux buttes
Montmartre et Chaumont. Enfantin chercha à se créer une
autre carrière et devint, successivement, commis voyageur
en Russie, employé chez un banquier en France, et directeur
de la Caisse hypothécaire. Présenté, vers 4825, par Olinde
Rodrigues au philosophe Saint-Simon près d'expirer, tous
deux reçurent les dernières paroles du chef de la doctrine
saint-simonienne. Ils fondèrent, bientôt après, le Proc^wci^^wr,
journal d'économie politique, autour duquel se groupèrent
peu à peu un assez grand nombre d'adeptes. Les saint-
simoniens étaient à peine connus lorsque, à la fin de 4828,
ils organisèrent des réunions publiques et ouvrirent des
salles où l'on « prêcha » les doctrines de Saint-Simon,
adoptées par Enfantin, par Bazard, par Olinde Rodrigues.
Après la révolution de 4830, ils se manifestèrent ouverte-
ment par des affiches, qui attirèrent l'attention publique,
et Enfantin se mêla à la politique avec Bazard. Ils étaient
qualifiés alors de « Pères suprêmes » par Olinde Rodrigues.
De là deux camps dans le saint-simonisme. Bazard, l'or-
ganisateur du carbonarisme en France, poussa la doctrine
vers le côté politique, et Enfantin s'appliqua surtout à dé-
velopper son influence sur les relations d'homme à homme,
à respecter les individualités, à les comprendre et à les
harmoniser. Il y eut parfois de vives discussions entre les
deux « Pères suprêmes ». Une rupture éclata à propos des
affections mobiles et des affections constantes, qu'Enfantin
voulait satisfaire, et qui lui donnèrent l'idée de faire siéger à
ses côtés la femme, représentant l'affection mobile, comme
l'homme représentait généralement l'afiection constante. Des
adeptes, les uns suivirent Bazard, les autres Enfantin, qui
recherchait la « femme-Messie », qui se faisait appeler
la « loi vivante », qui garda pour lui tout seul le titre de
« Père suprême », et dont le journal doctrinaire, le Globe y
prôna la domination pontificale. Enfantin déclara la religion
saint-simonienne constituée sous le régime de la commu-
nauté des biens et des talents. Vainement plusieurs mem-
bres de l'ancienne école, Hippolyte Carnot, Jules Lechevalier,
Jean Reynaud, et d'autres attaquèrent la loi nouvelle. Le
« Père suprême » vit son groupe s'augmenter, multiplia
les publications et les missions à travers l'Europe et, durant
l'hiver de 4832, dépensa plusieurs centaines de mille francs
en fêtes, destinées à découvrir la « femme-Messie », la-
quelle ne se présenta pas. Enfantin réalisa un emprunt de
82,000 fr., qu'il engloutit; le Globe cessa de paraître,
faute de subsides ; la police ferma l'établissement et les
ateliers. Il fonda à Ménilmontant une communauté modèle
où les femmes jouèrent un rôle tel que le « Père suprême »
et ses fidèles furent traduits en cour d'assises pour réu-
nion iUicite et outrages aux mœurs. Enfantin demanda
à être défendu par deux saint-simoniennes, Cécile Fournel
et Aglaé Saint-Hilaire. La cour n'admit pas ces femmes
pour conseils, et l'accusé fut [condamné à une année de
prison et à 400 fr. d'amende. La religion nouvelle
succomba ; les saints-simoniens se dispersèrent ; gracié
au bout de quelques mois, le « Père suprême » alla en
Egypte, où il ne réussit pas à barrer le Nil et à changer
le système économique du pays. Revenu en France, retiré
à Tain, dans la Drôme, chez un de ses parents, il « bêcha
son jardin », fut maître de poste et cultivateur à Lyon,
puis membre de la commission scientifique de l'Algérie, et
enfin directeur du chemin de fer de Paris à Lyon (1845)
jusqu'après 4848, époque où le gouvernement racheta
cette ligne. Enfantin se mit à diriger, avec son collègue
Charles Duveyrier, le journal le Crédit, disparu en 4850.
Il fut nommé administrateur au chemin de fer de Lyon,
et occupa cette place jusqu'à sa mort. Enfantin a laissé,
par l'intermédiaire de M. Arlès-Dufour, sa bibliothèque à
la bibliothèque de l'Arsenal, où elle formera pendant
trente ans un fonds spécial sous le nom de salle Enfantin,
avec catalogue spécial et insertion des articles au catalogue
général. Elle comprend 4,048 volumes, 63 manuscrits et
lettres autographes. Les manuscrits ne doivent être livrés
au public que trente années après 4864. Challamel.
ENFARINÉ (Vitic). Ce cépage, spécial au Jura, doit
son nom à la pruine abondante qui recouvre ses fruits. Il
produit beaucoup, mais donne des vins de qualité inférieure;
il résiste à la pourriture et à la coulure, et réussit surtout
sur les coteaux bien exposés et dans la plupart des terrains.
On doit le conduire à la taille longue. L'Enfariné présente,
à la maturation et à la véraison, des phénomènes de varia-
ENFARINE — ENFERS
1048
tion de couleur qui ont été étudiés la première fois par
M. Pasteur. — Son bourgeonnement est duveteux; ses
feuilles sont très foncées, bien découpées et épaisses; sa
grappe est cylindrique et serrée, moyenne de grosseur; ses
grains, moyens, sont noirs et sphériques et à goût un peu
acerbe. Il mûrit un peu tardivement pour les régions où
on le cultive.
ENFERS. I. Mythologie générale. — L'appellation d'en-
fers désigne la demeure souterraine des morts. La grande
majorité des races humaines ont admis la survivance de
l'âme au corps ; ces idées et leur origine présumée seront
étudiées à l'art. Mort (§ Religion). On commença sans
doute par croire que les morts continuent de résider auprès
des vivants , soit qu'ils errent parmi eux , soit qu'ils
habitent leur tombe et en sortent fréquemment pour se
mêler à la vie de leurs contemporains ou de leurs descen-
dants. On en vint ensuite à leur assigner une demeure spé-
ciale, soit dans les montagnes au milieu des nuages et, par
une généralisation facile à comprendre, dans le ciel; soit
dans une région éloignée, située le plus souvent au delà
des mers, soit dans un monde souterrain. Ces idées se
rattachent étroitement aux usages suivis pour les funé-
railles (V. ce mot) et aux idées sur la mort (V. ce mot).
Nous n'insisterons ici que sur les deux principales, celle
d'après laquelle « l'autre monde », le monde des morts,
est situé dans une région éloignée et celle d'après laquelle
il est souterrain.
La première de ces conceptions est née des émigrations
accomplies autrefois par les peuples chez qui elle domine.
Les émigrants ont laissé au pays d'origine leurs morts;
eux-mêmes rêvent souvent de cette terre où ils ont com-
mencé leur vie et des personnes qui y sont restées. Ils se
figurent que, pendant leur sommeil, leur âme est allée revoir
ce pays lointain et ses habitants. Lorsque l'âme abandonne
définitivement le corps, au moment de la mort, ils suppo-
sent qu'elle est retournée pour toujours aux lieux d'où elle
était originaire et qu'elle allait voir en rêve de temps à
à autre. Les Chonos de la Patagonie croient être venus de
l'Ouest, au delà de l'océan Pacifique : c'est de ce côté qu'ils
placent le séjour des morts ; d'autres peuples qui se sont
déplacés en remontant des fleuves jettent leurs morts à
l'eau pour qu'ils retournent au pays des ancêtres. Les Bre-
tons de la presqu'île française, qui sont venus de la Grande-
Bretagne, plaçaient le séjour des morts à l'O., par delà
l'océan Atlantique. Plusieurs légendes se rapportent à cet
embarquement des morts vers la BriUia mythique. Elles
se sont localisées à la pointe du Raz, en face de l'île de
Sein, près de l'Enfer de Plogoô'. Près de l'embouchure de
la Meuse, on cite une autre bouche de l'enfer, Helvoets
fuiss, que Pline désigne sous le nom d'Hélium.
Ces croyances paraissent avoir été communes aux popu-
lations de l'Armorique et jusqu'à la Hollande actuelle.
Tzetzès raconte que sur cette côte, en face de la Grande-
Bretagne, vit un peuple de pêcheurs qui se charge de trans-
border les morts. La nuit on les appelle et on frappe à leur
porte ; ils se lèvent et trouvent des barques étrangères sur
lesquelles sont les âmes invisibles des morts ; ils les con-
duisent avec une célérité miraculeuse à l'île de Brittia ; ils
y débarquent leurs passagers et, sans voir personne, enten-
dent des voix qui appellent chacun par son nom ; ils repar-
tent alors sur les barques qui sont très allégées. Procope
place l'île mythique de Brittia à 200 stades des bouches
du Rhin entre la Grande-Bretagne et Thulé. Claudien con-
naissait aussi ces récits qu'il embrouille avec ceux de
V Odyssée. Philémon disait que les Cimbres appelaient
l'océan Septentrional merdes Morts (mare mortuum); on
trouve dans le roman de Lancelot du Lac et dans VHamlet
(acte III, se. i) de Shakespeare des échos de ces vieilles
croyances. On trouve dans Plutarque des détails sur un
continent transatlantique, séjour des bienheureux. Les
poèmes celtiques du moyen âge sont remplis de récits du
même genre. Mais les imaginations se compliquent par la
distinction morale d'un enfer et d'un paradis et même d'un
purgatoire; on réserve alors aux méchants le monde sou-
terrain. Mais la vieille croyance populaire, plus simpliste,
s'est conservée dans le peuple jusqu'au xix« siècle. Ainsi à
Plouguel, sur la rivière de Tréguier, on faisait faire aux
morts un détour pour aller au cimetière, traversant un
petit bras de mer appelé « passage de l'Enfer ». Chez un
grand nombre de peuples sauvages, on retrouve des usages
analogues qui attestent la croyance en un autre monde situé
au delà des mers (V. Funérailles, Mort).
Non moins répandue est la croyance qui relègue les
morts dans un monde souterrain ; c'est celle qui a prévalu
parmi les races européennes. L'origine en est facile à
retrouver. On sait que les hommes d'autrefois habitaient
souvent des grottes ou des cavernes. Beaucoup de ces
cavernes paraissent sans fond, soit à cause de leurs dimen-
sions, comme celle du Mammouth aux Etats-Unis, de Han
en Belgique, d'Adelsberg en Autriche, etc., soit parce que
les éboulements ou le manque de lumière, ou toute autre
cause, arrête les explorateurs. Dans les terrains calcaires
qui sont très répandus, l'eau a creusé d'immenses galeries;
celui qui y pénètre est bientôt arrêté par des crevasses ou
des gouffres où grondent les eaux souterraines. Il n'en faut
pas davantage pour donner naissance à l'idée d'un monde
souterrain mystérieux dont on ignore l'étendue. Quand les
hommes abandonnèrent les cavernes où ils avaient habité,
ils continuèrent néanmoins d'y ensevelir leurs morts ; ils
se figurèrent naturellement qu'elles étaient habitées par les
âmes de leurs ancêtres. Le monde souterrain, en connexion
étroite avec ces cavernes, devint le monde des morts. Ce
sont ces idées qui donnèrent probablement naissance au
Chéol des Hébreux et à l'Hadès des Grecs. Ultérieurement,
on en vint à se représenter la vie future comme un idéal,
un moment où l'on peut jouir enfin de tous les biens qu'on
désirait de son vivant. Cette imagination, liée aux idées
morales, conduisit à restreindre la part du monde souter-
rain, de l'enfer; on le réserva aux méchants; les bons
furent placés dans l'empyrée, tant la notion du bonheur
paraît inséparable de la lumière (V. Paradis). A. -M. B.
II. Egypte. — La région d'outre-tombe est appelée en
égyptien nuter-kher^ littéralement « le divin dessous »,
la « divine région inférieure », mais elle porte aussi le
nom de Tuàou dans les manuscrits spéciaux qui sont con-
sacrés à sa description : c'est la contrée mystérieuse, le
domaine des ombres, que le soleil parcourt pendant les
douze heures de la nuit. Pas plus que d'autres peuples pri-
mitifs, les Egyptiens n'ont eu l'idée d'un enfer tel que
nous le comprenons ; il parait difificile de leur attribuer la
double conception d'un enfer et d'un paradis. Les âmes
sont uniformément parquées dans le sombre domaine par-
couru par le soleil à qui elles font escorte dans les limites
de la région consacrée à telle heure de la nuit dans laquelle
elles se trouvent. Nous n'y voyons ni récompense de^ la
vertu ni punition des crimes, car les personnages qui y
sont torturés par le feu ne sont autres que les ennemis du
soleil, les alliés d'Apophis, qui ont cherché à retarder sa
marche, c.-à-d. la personifîcation des ténèbres. En somme,
la Tuàou ressemble bien plus au Chéol des Hébreux,
exempt de douleur ainsi que de jouissances, qu'à l'Hadès
des Grecs où des localités différentes étaient réservées aux
bons et aux méchants ; on n'y trouve pas, ainsi que dans
l'Enfer de Virgile, à droite l'Elysée et à gauche le Tartare ;
on n'y rencontre autre chose que des scènes mjjthologiques
fort difficiles à interpréter. Cependant les Egyptiens avaient
une morale trop élevée pour laisser le crime sans châti-
ment et la vertu sans récompense. Le châtiment, c'était
en réalité la seconde mort, l'anéantissement définitif, car la
fin de l'existence terrestre n'était qu'un passage à une autre
vie ; les morts étaient appelés des vivants. L'observance
des prescriptions du rituel assurait à chacun de ne pas
mourir à nouveau, de vivre éternellement. En résumé,
telle est la doctrine : pour les impies, l'anéantissement
final, pour les justes, la durée éternelle. Mais le. bonheur
d'outre-tombe n'était pas une glorification métaphysique,
— 1049
ENFERS
une épuration idéale, une contemplation de la divinité ;
c'était une vie terre à terre où l'on se bâtirait des maisons,
où Ton boirait, où Ton mangerait, où l'on jouerait aux
dames pour abréger le temps de l'éternité. Ajoutons que
le mercantilisme de la caste sacerdotale et son trafic des
articles religieux assimilaient aux justes quiconque pouvait
faire la dépense d'un ensevelissement complet, comprenant :
exemplaire du Livre des Morts, formules talismaniques,
amulettes placées sous les bandelettes, poupées d'argile
munies d^outils aratoires, lesquelles étaient destinées à
labourer dans l'autre monde à la place du riche défunt, de
manière qu'il eût son pain assuré sans se donner de mal.
Gardons-nous d'altérer la vérité historique en idéalisant
les Egyptiens, qui étaient, avant tout, un peuple essentielle-
ment pratique (V. Egypte, t. XV, p. 671). Paul Pierret.
III. Hébreux. — La Bible connaît l'enfer sous le nom
de Chéol (V. Hébreux [Histoire et religion des]).
IV. Inde. — Le lieu où les méchants reçoivent, après
leur mort, la punition de leurs méfaits, s'appelle indif-
féremment, en pâli comme en sanscrit, Naraka ou
JSiraya, On en compte plusieurs qui sont, dit-on, les uns
chauds, les autres froids ; cependant les descriptions qu'on
en donne ne se rapportent guère qu'au suppUce du feu.
Leur forme est carrée ou plutôt cubique ; leur dmiension
est de 40,000 yodjanas en longueur, largeur et hauteur;
l'éclat de leurs murs éblouit à la distance de 100 yodjanas.
Il n'est pas possible de s'échapper de ces prisons.
Nombre et noms des Narakas. Il y a huit Narakas
principaux, savoir : 1° Sandjiva, où ceux qui ont donné
des coups sont constamment battus comme des gens « pleins
de vie » ; 2° Kâlasoûtra, où les menteurs et les traîtres
sont coupés sans cesse comme des troncs d'arbres, suivant
un « fil noir » ; 3^ Sanghâta, où il se fait un « carnage
complet » des meurtriers d'animaux ; 4° Rorouva, où les
menteurs et les violents sont brûlés par un feu qui leur
arrache des « cris »; 5^ Mahâroroiiva, où une souffrance
semblable, mais plus forte, arrache aux impies de plus
« grands cris » ; 6^ Tapana, où les brûleurs de forêts
sont « cuits » par le feu ; 7<^ Pratâpana, où les docteurs
d'impiété sont soumis à une « cuisson plus intense » ;
8« Avîtchi, où l'outrage aux pères, mères et précepteurs
est puni par un feu qui brûle les coupables et disjoint leurs
os. A chacun de ces huit Narakas principaux sont atte-
nants quatre Narakas secondaires où tombent ceux qui
sortent des différents lieux de supplice : l'^ Milhakoupa,
« puits d'excréments » , où ils sont mangés de vers ;
2^» Koukkoula, « cendres chaudes », où ils sont cuits comme
des grains de moutarde ; 3^ Asipatravana, « forêt de
lames d'épée » où des feuilles d'arbre en fer, des dents
d'animaux en fer tranchant déchirent incessamment les
batailleurs et les adultères ; 4« Vaitaranî, fleuve de cuivre
liquéfié et brûlant où sont plongés les destructeurs de pois-
sons et d'animaux aquatiques. Ces quatre Narakas secon-
daires, ajoutés à chacun des huit Narakas principaux, font
un total de quarante Narakas; mais, selon une autre
interprétation, les quatre secondaires s'ajoutent à chacun
des quatre côtés des huit principaux. Ceux-ci se trouvant
ainsi entourés chacun de seize dépendances , le nombre
total des Narakas serait de cent trente-six. Et ce n'est pas
tout : à la suite des huit Narakas principaux sus-mentionnés
on en énumère huit autres : Arbouda, Nirarbouda, Atata,
Hahava, Hoiihouva, Outpala, Padma, Mahâpadma :
aux trois derniers noms (qui sont des noms du Lotus) on
ajoute quelquefois les synonymes Koumouda et Sogan-
dhika (en substituant Poundarîka à Mahâpadma) ; ce
qui porte à dix le nombre de ces Narakas, qui seraient
les enfers froids ou glacés. D'autres veulent que ces huit
ou dix noms nouveaux désignent non pas des Narakas,
mais les durées diverses de» séjours que les damnés font
dans ces lieux de tourments, durées effroyablement longues,
qui vont en progressant par dizaines de millions d'années,
la première étant exprimée par l'unité suivie de cinquante-
six zéros, et ce nombre de zéros augmentant de sept à
chaque nouveau nombre jusqu'à ce qu'il s'élève à cent dix-
neuf. Malgré ces chiffres formidables, qui expriment des
milliards d'années, le Naraka n'est pas un séjour défi-
nitif. Les êtres finissent par en sortir pour revivre comme
animaux, hommes ou dieux. Rien n'est permanent à
toujours dans le bouddhisme, les suppUces infernaux pas
plus que le reste. Toutefois, une secte japonaise impor-
tante, l'école Gio-do, admet l'éternité des peines du Na-
raka aussi bien que celle des jouissances de Soukhavatî, le
paradis d'Amitabha; mais c'est contraire aux principes du
bouddhisme.
Situation des Narakas, L'opinion commune paraît être
que les Narakas sont des compartiments souterrains. En
effet, on voit la terre s'entr'ouvrir sous les pas de Devadatta
qui tombe dans l'Avîtchi. Cependant certains textes racon-
tent des histoires de personnages entraînés par une course
désordonnée et aventureijse vers les régions méridionales,
et se trouvant, sans s'en douter, sans avoir quitté le sol
où ils cheminaient, transportés dans les demeures infer-
nales. Les deux données ne sont pas absolument inconci-
liables. Puisqu'il y a au moins huit enfers principaux,
sans compter les secondaires, il se peut que les uns soient
au-dessous, les autres au niveau du sol. Il peut aussi^ y
avoir, au Midi, une entrée conduisant aux lieux souterrains
par une pente insensible. Du reste on compte, parmi les
Narakas, le Lokantarika, demeure des Prêtas, qu'on dit
situé dans l'interstice entre trois Tchakravâla, c.-à-d. à
l'extrême limite du monde habité ; mais ce Naraka forme
un monde à part, en réalité distinct des autres enfers.
Population des Narakas. Voici un trait qui donne une
idée de la multitude qui peuple les Narakas : Avalokites-
vara, dans sa grande compassion, avait fait vœu de déli-
vrer, par la puissance de sa méditation, les êtres qui y
sont renfermés. Il y réussit ; mais à peine les Narakas
étaient-ils vides qu'ils furent immédiatement remplis par
de nouveaux arrivants ; Avalokitesvara n'avait rien fait.
Tel étant l'enseignement bouddhique sur l'enfer , on est
étonné de lire à la page 82 (n^ 123) d'un Catéchisme
bouddhique, publié à Paris en 1889 : « N'y a-t-il pas
d'enfer, pas de ciel ?— Non » — Il est vrai que ce « non »
est accompagné de réserves qui en font un << oui » ;_ mais
c'est « oui » qu'il fallait répondre, sauf à faire ensuite les
réserves auxquelles on pouvait tenir. Du reste, tout ce
qu'on pourra dire ne fera pas qu'il n'y ait un enfer boud-
dhique, comme il y a un ciel bouddhique. L. Feer.
V. Grège.— Dans les poèmes homériques, qui nous four-
nissent les plus anciens témoignages sur la rehgion des
Grecs, l'enfer ou Hadès est pour les morts un séjour peu
enviable. Ils ne sont plus que des ombres vaines, réduites
à un minimum d'existence physique et intellectuelle, privées
de mémoire; l'autre monde n'est qu'un pâle reflet de
celui-ci. La version de V Iliade et celle de V Odyssée sont
en désaccord ; dans Vlliade, l'Hadès, sur lequel règne le
dieu du même nom, est un monde souterrain, communi-
quant par des soupiraux avec la surface terrestre où s'agi-
tent les vivants ; dans VOdyssée, l'enfer est situé à
l'extrême occident, au delà de l'Océan, dans une région
que n'éclairent pas les rayons du soleil. On a vainement
essayé de concilier ces deux conceptions. La première a
prévalu dans la mythologie grecque. On accorda bientôt
aux ombres une conscience et une existence plus intenses.
Cela était nécessaire pour que les criminels dont le châti-
ment continuait après leur mort pussent le ressentir. D'ail-
leurs, dans les poèmes homériques, perce déjà l'opinion
(contradictoire avec celle que nous venons d'indiquer) que
la mort, affranchissant l'âme des liens du corps, lui pro-
cure des connaissances surnaturelles. On est alors bien
près d'admettre que la situation des morts est supérieure
à celle des vivants. Ce qui y incline, c'est qu'on s'occupe
surtout des morts illustres, des héros.^ Dans VOdyssée, il
est déjà question du champ élyséen (rjXuatov tusB^ov), où
ils jouissent d'un bonheur perpétuel. Le passage est peut-
être interpolé; maison peut en dire autant de la Nekyia,
ENFERS
— 1050 —
l'évocation des morts, où ceux-ci apparaissent presque
dénués de toute existence réelle.
Les idées des Grecs sur la vie future furent complète-
ment modifiées par Vorphisme (V. ce mot) ; la théologie
orphique enseigne le panthéisme et la transmigration des
âmes; ces enseignements se rapprochent de ceux de la
religion éleusinienne et des mystères. La philosophie
achève en affirmant Fimmatérialité et la nature divine de
l'âme. Il ne reste plus grande place pour l'enfer homérique.
Pindare cherche à combiner ces théories avec celles de
V Iliade et de ï Odyssée, Il raconte la félicité des bienheu-
reux d'après les mythes d'Eleusis ; le soleil les éclaire
pendant qu'il fait nuit sur la terre ; leur cité est entourée
d'ombrages aromatiques et d'arbres chargés de fruits d'or;
ils passent leur temps en divertissements. Quant aux
pécheurs, ils descendent dans l'obscur enfer où ils ren-
contrent un juge sans merci ; toutefois, on leur accorde
l'expiation ; ils peuvent au bout de neuf ans être renvoyés
par Perséphone et recommencer une autre vie terrestre avec
le caractère de héros ; ceux qui se sont préservés trois fois
de tout péché durant leur vie, comme dans l'Hadès, sont
envoyés dans l'île des bienheureux, auprès de Pelée, de
Cadmus, d'Achille. Tandis que Pindare insiste surtout sur
les récompenses et le bonheur des bons, les poètes tragiques
parlent principalement des châtiments infligés aux méchants.
Homère ne punissait après la mort que les parjures. Il n'a
pas connaissance d'un jugement des morts ; Minos n'est
pas juge des morts, mais juge parmi les morts ; il continue
d'exercer dans l'enfer sa vocation, comme le chasseur
Orion, par exemple. Hésiode n'a pas davantage connais-
sance d'un jugement des morts. Il considère la déportation
des âmes dans l'Hadès comme une punition infligée aux
hommes du second et du troisième âge ; celles des hommes
de l'âge d'or sont restées à la surface de la terre et sont
devenues des démons ; celles des hommes du quatrième âge,
l'âge héroïque, sont transférées par Zeus dans les îles des
bienheureux. La descente dans l'enfer est donc un châti-
ment ; mais il n'est pas question de châtiments spéciaux à
subir ensuite pour les criminels. Cependant des passages
interpolés au XP livre de V Odyssée, d'autres empruntés à
un poème cyclique, la Minyade, mentionnent ces châti-
ments pour certains contempteurs des dieux, comme Am-
phyon et Thamyris. C'est Pindare qui, le premier, introduit
l'idée d'une punition générale de tous les péchés commis
sur la terre ; Eschyle l'admet également. On arrive ainsi
à une conception de l'enfer plus complexe que celle d'Ho-
mère ; on y distingue des catégories : d'une part, les princes
deviennent de puissants héros, sorte de demi-dieux qui
agissent sur le monde terrestre, où on peut les évoquer ;
d'autre part, les criminels subissent la peine de leurs mé-
faits. Mais même les héros ne jouissent dans l'Hadès d'au-
cune félicité; ils sont puissants, mais non pas bienheureux.
La mort met un terme aux maux terrestres, mais n'apporte
aucun bonheur positif. La conception orphique et éleu-
sienne ne prévaut pas et, en tout cas, celle de l'enfer se
maintient à côté d'elle. Il nous reste à voir comment on se
représentait ce monde souterrain.
Voici la description d'Homère : à l'entrée, le bois de
Perséphone, formé d'arbres infertiles ; puis la demeure
d'Hadès, arrosée par quatre fleuves, le Styx, par lequel
les immortels prêtent serment, le Cocyte qui, avec le Pyri-
phlégéthon, se jette dans l'Achéron au pied du rocher
Leucade. Plus avant est la prairie d'asphodèles, où se
tiennent les morts, dans l'obscure région de l'Erèbe ; plus
profondément, sont les gouffres du Tartare, fermés par
une porte de fer, où sont enfermés Japet et Kronos, les
anciens dieux supplantés par les Olympiens. Toute cette
description est calquée sur celle d'une localité de Thes-
protie où coulent l'Achéron et le Cocyte, Les habitants de
l'enfer ou Hadès sont les dieux infernaux et les morts. Les
principaux dieux sont Hadès, Aidés ou Aidoneus, sa femme
Perséphone et les Erinyes ; tous peuvent intervenir dans
les affaires terrestres. Les morts ne sont plus que des
ombres vaines ; leur existence est un pâle reflet de l'exis-
tence terrestre ; ils n'ont plus de corps, plus de mémoire
ni d'intelligence ; ils conservent l'aspect qu'ils avaient au
moment de la mort et continuent tant bien que mal leurs
occupations d'autrefois. Déjà, dans la seconde Nekyia,
placée à la fin de VOdyssée, les morts qu'Hermès conduit
à leur séjour ne sont plus ces vains fantômes ; ils conservent
la parole et l'intelligence. — Hésiode accepte la description
homérique. Il parle plus longuement du Styx et du chien
qui garde l'entrée, mais sans lui donner encore le nom de
Cerbère. Il s'étend surtout sur le Tartare, où sont enfer-
més les Titans vaincus. C'est un abîme si profond qu'un
disque tomberait pendant neuf fois vingt-quatre heures
avant de toucher le fond, si vaste qu'en une année on n'en
pourrait faire le tour; les Titans y sont murés par des
remparts de fer et d'airain que gardent les Géants Héca-
tonchires. — Les poètes postérieurs (H)t donné plus de
détails sur le séjour des morts ordinaires.
On place l'entrée en différents lieux où s'ouvraient des
crevasses insondables : au pied du Ténare en Laconie ;
près de Pylos en Messénie ; dans la Thesprotie ; en Carie
auprès de Thymbria, etc. ; plusieurs légendes se ratta-
chaient à l'une ou l'autre ; l'enlèvement de Proserpine par
Pluton ou Hadès, s'enfonçant sous la terre, permettait aux
Athéniens, aux Argiens, aux Siciliens d'Enna et à d'autres
de revendiquer avec le théâtre de cette scène une entrée
du monde souterrain. Les gens d'Hermione en Argolide,
sachant qu'ils en possédaient une, ne donnaient pas à
leurs morts d'obole pour payer les frais du voyage ; le lac
Alcyon en Argolide, le lac Averne en Campanie revendi-
quaient aussi ce triste privilège. On admit le récit de la
Minyade, d'après lequel les fleuves de l'enfer en formaient
la limite, de sorte que pour y pénétrer il fallait se faire
transporter sur la barque de Charon. On ajouta à la liste
des fleuves le Léthé dont l'eau, bue par les âmes mortes,
leur faisait oublier l'existence terrestre. Nous avons déjà
dit qu'Hésiode détache de l'enfer souterrain l'Elysée, séjour
des héros, pour transférer ceux-ci dans l'île des bienheureux
où règne Kronos. Pindare la décrit, Hérodote la placera dans
le désert de Libye, cherchant à confondre la mythologie
grecque et égyptienne.
Les divinités du monde souterrain ont été complètement
transfigurées par la combinaison des religions de Déméter
et Dionysos avec la vieille religion des Grecs homériques ;
la conception même de la mort avait été modifiée, comme
nous l'avons dit, par les théories mystiques et philoso-
phiques. On eut l'idée de l'expiation après la mort. On
soumit toutes les âmes au jugement d'un tribunal suprême
où siégeaient Minos, Eaque et Rhadamanthe. La vieille
idée que les morts ne peuvent ni jouir ni souffrir subsiste
encore dans le peuple, mais le mysticisme la combat ; les
initiés d'Eleusis pensent s'assurer des privilèges par delà
la mort. On continue d'admettre que la vie souterraine est
une prolongation de la vie terrestre ; (Edipe s'aveugle
afin de ne pas voir son père aux enfers ; on admet qu'aux
orifices du monde inférieur on peut évoquer les morts, par
exemple au Ténare, en Thesprotie, près de Trœzène, à
Héraclée en Asie Mineure, à Cumes, etc. (V. aussi sur les
oracles des morts l'art. DiviNATmN, t. XIV, p. 742). En
somme, la grande innovation introduite à l'époque histo-
rique dans la conception des enfers et du sort des morts,
c'est le jugement, la récompense et la punition des âmes.
Celles des bons vont habiter l'Elysée ; celles des méchants
sont torturées. Sur les modifications nécessaires de ces
théories, V. l'art. Mort.
Les représentations figurées relatives aux enfers et à
leurs habitants sont assez nombreuses sur les vases peints ;
elles ne nous apprennent pas grand'chose ; beaucoup se
rapportent aux descentes aux enfers d'Héraklès, d'Orphée
ou de Pirithoùs. C'est à ces descriptions que le peintre
Polygnote avait emprunté les scènes terrifiantes dont il
décora les murs de la Lesché. Le palais d'Hadès et Persé-
phone est représenté sur le vase d'Altamura (musée de
— 1051
ENFERS — ENFIDA
Naples) comme une sorte de dais porté par des colonnes ;
les dieux assistent à un banquet ; Orphée leur joue de la
lyre ; auprès sont les Erinyes (UohoLi) et les trois juges
Eaque, Rhadamanthe et Triptolème ; au-dessous est
l'Achéron avec ses affluents, Cocyte et Pyriphlegéthon ,
couverts de plantes aquatiques ; Heraklès et Hermès luttent
contre Cerbère ; des deux côtés sont les criminels, Sisyphe
roulant son rocher ; les Danaïdes ; dans le haut les âmes
bienheureuses de Mégara, femme d'Heraklès, de Pélops, etc.
Parmi les divinités infernales, Hadès-Pluton est rarement
représenté, sauf dans le mythe de l'enlèvement de Coré-
Perséphone. A l'époque gréco-romaine, il figure souvent
sur les sarcophages, soit comme dieu invisible, le manteau
couvrant sa tête, soit comme souverain des enfers, d'allure
majestueuse. Il existe aussi des représentations d'Hécate
(V. ce nom). En somme, toutes ces images de l'Hadès et
de ses dieux se réfèrent, non aux croyances populaires,
mais aux récits des poètes.
VI. Mythologie romaine. — La religion romaine était
animiste; elle a attribué un grand rôle aux âmes des morts,
mais sans les reléguer dans un autre monde. C'est à la
mythologie grecque qu'elle a emprunté ses représentations
de l'enfer. L'idée que les Mânes habitent sur la terre est
répandue, mais ils n'y sont pas enfermés. On nous dit for-
mellement qu'ils se trouvent partout (eos per omnia ma-
nare credebant). Les Romains ont accepté la conception
étrusque du mundus, qui impliquait la croyance à un
enfer, opposé au ciel. A la fondation de chaque ville, on
creusait au centre, sur une place publique, une fosse pro-
fonde qui représentait la voûte du ciel retournée. On en
consacrait le fond aux dieux Mânes, c.-à-d. aux âmes des
morts, et aux dieux infernaux Orcus, Ceres, Tellus; puis
on la fermait par une pierre {lapis manalis) qui était
censée la porte de l'enfer. Toutes ces cérémonies se rap-
portent plutôt à une religion tellurique qu'au culte des
morts, mais elles témoignent de conceptions analogues à
celles des Hellènes.
Il faut aussi se souvenir que la religion grecque et la
religion italique, si elles n'ont pas eu une origine com-
mune, ont fusionné dans l'Italie méridionale et centrale
longtemps avant l'époque de la rédaction des écrits par
lesquels nous sommes informés sur les cultes et les légendes
de Rome et des contrées voisines. Nous n'avons pas à
traiter ici du culte des morts ; mais nous dirons quelques
mots des divinités du monde souterrain. Les dieux du
monde souterrain sont les divinités telluriques : Tellus,
Terra mater, Ceres, Dispater, Orcus, Saturne, etc. ;
ce sont en même temps des dieux de l'obscurité, de la nuit,
et des dieux de la fécondité végétale. Parmi eux, les dieux
des morts sont Orcus et Dispater; ce dernier fut assimilé
au Pluton des Grecs et on lui donna pour épouse Proser-
pine. La mythologie étrusque, qui fait une si large place
aux divinités chtoniennes, connaît deux dieux des morts,
Mantîis et Charun ou Charon ; les images de celui-ci
sont nombreuses sur les vases peints, les sarcophages et
les peintures funéraires ; toutes attestent l'existence d'un
enfer où Charon entraîne ses victimes. Les idées étrusques
et grecques sur l'enfer ont si bien pénétré dans la religion
italienne et romaine qu'elles la dominent tout à fait au
temps des grands écrivains latins. Dans certaines régions,
comme celle de Cumes, spécialement vouées au culte des
morts, on montrait des soupiraux de l'enfer.
Virgile a donné, au VI^ livre de V Enéide, un long récit
de la descente d'Enée dans le monde souterrain. Sa des-
cription servit de modèle aux poètes postérieurs ; elle est à
peu près entièrement empruntée à la mythologie grecque.
Conduit par la sibylle prêtresse d'Artémis, Hécate, le héros
troyen pénètre dans le bois, consacré à la reine des enfers,
qui entoure le lac Averne; il y cueille un rameau doré qui
lui ouvrira l'accès du royaume des ombres. Il le remet à
son guide et tous deux s'approchent d'une grotte au bord
du lac; ils offrent un sacrifice à Hécate et aux divinités
infernales, puis ils s'enfoncent dans la grotte, Enée l'épée
à la main. Ils traversent un bois sombre éclairé par la lune
et arrivent au seuil d'Orcus, où veillent les divinités qui
personnifient le deuil et le souci, les maladies et la vieillesse,
la crainte et la faim, le sommeil et la mort, la guerre, la
discorde, les Furies; sur un orme sont penchés les songes;
auprès sont les monstres mythologiques, les centaures,
Scylla, Rriarée, l'hydre de Lerne, la Chimère, les Gorgones,
les Harpyes, Geryon. Ils parviennent aux fleuves de l'enfer;
l'Achéron, affluent du Cocyte, est traversé sur la barque
de Charon ; là se pressent les ombres des morts sans sépul-
ture auxquelles le sinistre nocher refuse le passage ; il faut
qu'ils attendent cent années. Après avoir traversé l'Aché-
ron, Enée rencontre Cerbère, puis les âmes des enfants
mort- nés, celles des suicidés, des hommes condamnés
injustement; elles ne peuvent remonter au jour comme elles
le voudraient. Un peu plus loin sont les champs où errent
autour de buissons de myrte les âmes des morts d'amour.
On atteint ensuite le domaine des héros tués devant Thèbes
et devant Troie. On se hâte et on arrive à la bifurcation
de la route des Champs-Elysées et de l'enfer ou Tartare.
A droite, le palais de Pluton et de Proserpine, autour du-
quel sont les bienheureux ; à gauche, la descente vers le
Tartare. De ce côté, Enée aperçoit une triple enceinte au-
tour de laquelle le Phlégéthon roule ses flots brûlants ; la
porte est surveillée par Tisiphone ; on entend des hurle-
ments et un cliquetis de chaîne. Dans ce château, Rhada-
manthe torture les coupables jusqu'à ce qu'ils avouent; ils
sont ensuite livrés aux Furies et précipités dans l'enfer,
dont nul ne sort; cet abîme est deux fois plus profond que
la hauteur du ciel; tout au fond sont les Titans et autres
ennemis des dieux, les Aloïdes, Salmoneos, Ixion et Piri-
thoùs; là sont aussi châtiés ceux qui ont haï leurs frères,
frappé leur père, témoigné faussement contre leurs clients,
les avares, les adultères et tous les traîtres. Enée se pré-
cipite du côté opposé, dans le bois de Proserpine, et parvient
à la cité des bienheureux. Il en franchit le seuil et le voici
dans les Champs-Elysées, sous un ciel resplendissant de
la lumière la plus pure, par un jour éternel et un printemps
sans fin. Les héros se divertissent sans fin ; les exercices
gymnastiques ou militaires, les danses, le chant, la mu-
sique, les banquets leur procurent un plaisir sans cesse
nouveau. A quelque distance est la source du Léthé, où les
âmes vont boire l'oubh du passé avant de remonter sur la
terre. Enée, après avoir vu son père Anchise, qui lui prédit
la destinée de leur race, remonte sur la terre par une des
deux portes du rêve. Bien que cette description du séjour
souterrain des morts ne soit qu'un développement poétique,
elle nous montre comment on se figurait l'enfer au temps
d'Auguste, et le récit de Virgile a été reproduit ou imité un
grand nombre de fois jusqu'au xvni® siècle par les Uttéra-
teurs, sans parler des artistes qui s'en sont inspirés.
VII. Mythologie celtique, germanique, Scandinave,
SLAVE (V. Celtes, t. IX, p. 1077, Germanie et les art.
Mythologie, Mort et Religion). A.-M. B.
VIII. Christianisme (V. Eschatologie et Descente aux
enfers, t. XIV, p, 'm),
BiBL. : 1° GÉNÉRALITÉS. — V. MYTHOLOGIE, MORT,
Religion.
2*' Egypte. — V. Egypte.
S» Inde. — San Germano, A Description of the burmese
empire; Rome, 1833, in-4. — Abel Rémusat, Fo Koue-ki;
Paris, 1836, in-4. — Eug. Burnouf, Intr. à l'hist. du Buddh.
indien; Paris, 1844 et 1876. —Du même, Lotus de la bonne
loi; Paris, 1852, in-4.— Sp. Hardy, A M anual ofBudhism;
Londres, 1853, in-8. — L. Feer, Fragments du Kandjour,
1883. — Du même, Avadâna-Sataka, 1891, t. V. et XIV des
Annales du musée Guimet, in-4.— DeMillouè, Catalogue
du musée Guimet; Paris, 1882, in-12.
4° Grèce. — Wissowa, Ueber die Vorstellungen der
Altenvon dem Leben nach dem Tode; Breslau, 1825. —
Limburg-Brouwer, Histoire de la civilisation morale et
religieuse des Grecs. — Eggers, De Orco Homeri;
Altona, 1836. — Nœgelsbach, Homerische Théologie et
Nachhomerische Théologie ; Nuremberg, 1857. — Ger-
hard, Die Griechische Unterv;elt auf Vasenbildern,
Arch. Zeitung, 1843 et 1844. — V. aussi les ouvrages géné-
raux cités aux art. Mythologie et Religion.
ENFIDA (L'). Vaste domaine de Tunisie, au S.-S.-E. de
ENFIDA — ENGADDl
— 1052 —
Tunis, sur la route de Sousse, près du golfe de Hammamet ;
145,080 hect. Il fut donné par le bey Mohammed-es-Sadok
au général Kheireddine qui le vendit 2,500,000 fr. à une
compagnie de Marseille, la Compagnie franco-africaine.
Elle n'exploite directement qu'une petite partie de cette
immense surface; le reste l'est par des colons européens ou
indigènes. 25,000 hect. environ sont cultivés en céréales,
500 en vignes qui donnent déjà un bon rapport ; le reste est
en forêts, pâturages et landes ; on estime à 15,000 indigènes
et 400 Européens la population qui vit sur les terres de
l'Enfida ; le centre de l'exploitation est VEnfidaville ou Dar
el Bey^ où il y a d'importantes constructions, un haras, un
marché hebdomadaire très fréquenté, etc. E. Cat.
ENFIELD. Ville d'Angleterre, comté de Middlesex, à
16 kil. au N. du pont de Londres ; 19,199 hab. (en 1881).
Manufacture d'armes de l'Etat. La forêt d'Enfield, jadis
très giboyeuse, a disparu.
ENFIELD (William), théologien anglais, né en 1741,
mort en 1797. Il appartenait à l'Eglise presbytérienne et y
a laissé la réputation d'un homme aimable, d'un prédica-
teur persuasif et d'un écrivain vigoureux. On a souvent
réimprimé une de ses compilations intitulée The Speaker,
or Miscellaneous Pièces selected from the best Englisfi
Writers (1774). B.-H. G.
EN FI LA DE. I. Architecture. — Disposition sur un même
axe ou dans une même ligne droite des portes donnant accès
aux diverses pièces d'un même appartement, lesquelles pièces
sont dites, elles aussi, en enfilade. Cette disposition très
habituelle dans les palais italiens et dans les châteaux fran-
çais de la Renaissance, ainsi que dans les grands apparte-
ments de l'époque de Louis XIV, parce qu'elle donnait aux
appartements de réception un air de grandeur et de magni-
ficence, est quelque peu tombée en désuétude depuis plus
d'un siècle, au fur et à mesure que plus de réserve dans
la vie privée et des habitudes de confortable, en même
temps que l'exiguïté des terrains dans les villes, ont amené
des changements notables et une certaine complication dans
la distribution des intérieurs. Cependant, la distribution en
enfilade s'impose toujours pour les salons de réception des
palais et des édifices publics ; mais une plus grande lar-
geur des pièces permet aujourd'hui de créer, dans ces
salons, une double enfilade de portes assurant une double
circulation. Charles Lucas.
IL Artillerie. — Tir d'enfilade (V. Tir).
ENFLÉCHURE(Mar.).Nom donné aux petits échelons
en corde qui servent à monter dans la mâture et qui sont
fixés sur les haubans.
ENFLEURAGE (Chim. industr.) (V. Essence).
ENFONVELLE. Corn, du dép. de la Haute-Marne, arr.
de Langres, cant. de Bourbonne-les-Bains ; 462 hab.
ENFOUISSEMENT (Econ. rur.). L L'enfouissement
consiste à enterrer une récolte en vert sur le champ qui
l'a fait pousser, dans le but d'amender ou de fertiliser la
terre sans qu'il soit besoin d'y transporter des engrais.
Quelquefois l'enfouissement se fait avec des plantes qu'on
a cultivées spécialement dans ce but ; d'autres fois on enfouit
les récoltes maigres ou mal venues qu'on n'aurait pas
d'avantages à rentrer. La pratique des enfouissements vé-
gétaux est très ancienne et elle rend des services évidents
dans la culture des terres pauvres d'un accès difficile ou
éloignées de l'exploitation pour lesquelles, par conséquent,
les charrois de fumiers et autres matières fertilisantes
seraient trop onéreux. Ce système des enfouissements
végétaux est surtout pratiqué dans le Midi; il fournit
en outre de la matière organique ou humus à la terre et
la tient dans un état de fraîcheur favorable à la végéta-
tion. Il est essentiel de choisir avec soin les plantes qui
devront être enfouies ; autant que possible elles réuniront
les qualités suivantes : 1*^ être en rapport avec le cHmatet
la nature du sol ; 2^ croître sur des terres maigres ;
3*^ avoir une végétation rapide ; 4° avoir un système radi-
culaire et aérien très développé. Les plantes de la famille
des légumineuses, le trèfle, la luzerne, le lupin, etc.,
réunissent la plupart de ces conditions. Cependant, on em-
ploie aussi dans ce but le sarrasin, l'anthyllide, le colza, la
moutarde noire. L'époque de l'enfouissement doit être celle
où la plante commence à fleurir ; alors on passe un fort
rouleau sur la récolte pour coucher les plantes, puis on fait
passer la charrue qui enterre les végétaux dans les sil-
lons. Quelquefois, mais plus rarement, on fauche d'abord
la plante et on l'enfouit ensuite ; ce surcroît de besogne
n'est recommandable que lorsque les plantes sont trop
touffues et trop abondantes.
IL L'enfouissement des cadavres des animaux morts de
maladies contagieuses est ordonné par le décret d u 22 juin
1882, lorsqu'on se trouve dans l'impossibilité de les faire
transporter dans un clos d'équarrissage. L'enfouissement
se pratique sur la terre du propriétaire ou dans un terrain
communal spécialement affecté à cet usage. Les cadavres
doivent être recouverts d'une couche de terre d'au moins
l'^50 d'épaisseur, et, sous aucun prétexte, on ne peut les
déterrer sans une autorisation spéciale du préfet.
A. Larbalétrier.
ENFOURCHEMENT (Constr.). Lorsque deux douelles
de voûtes se rencontrent, l'angle qu'elles forment s'appelle
enfourchement, parce que les voussoirs qui se trouvent sur
l'arête ont deux branches présentant la forme d'une fourche.
On voit un exemple de cette disposition dans les premières
retombées des angles des voûtes d'arête. — En charpente,
on désigne ainsi l'un des modes d'assemblage employés
pour enter, c.-à-d. pour reher bout à bout, dans le sens
vertical, deux pièces de charpente en bois. On distingue
plusieurs sortes d'enfourchement. L'enfourchement par
quartier à mi-bois sur les quatre faces, dans lequel les
quartiers conservés diagonalement sur une pièce entrent
dans les emplacements de ceux qu'on a supprimés sur
l'autre. L'enfourchement en fausse coupe, dans lequel les
fourchons sont triangulaires ; chaque pièce en porte deux
avec deux entailles, les fourchons d'une pièce s'appliquant
aux entailles de l'autre et les deux bois se joignant par un
about carré, dont les angles répondent aux milieux de
leurs faces ; les abouts des fourchons sont en coupe, afin
qu'ils ne s'écartent pas. Le plus usité est le double en-
fourchement carré, formé de quatre mortaises, une sur
chaque face du poteau et de quatre tenons épaulés. Ces di-
vers assemblages exigent une armature en frettes de fer
au droit des joints. L. K.
ENFOURNEMENT (Céram.) (V. Cuisson).
EN FOU S (Ksar). Petit ksar d'Algérie, prov. d'Oran, à
20 kil. au S. d'Aflou, sur le plateau ou gada d'Enfous, à
environ 1 ,300 m. d'alt. et à la tête d'un oued du même
nom, afïï. de l'oued Richa. Le ksar contient quelques mai-
sons habitées par des Oulad Yacoub el Gharaba.
ENFUMAGE (Céram.) Nom donné généralement à la cou-
leur jaune, accidentelle, de la couverte blanche des objets
céramiques. On l'attribue, en efiét, au passage de la fumée
dans le four : on devrait bien plutôt l'appliquer à l'opé-
ration de la cuisson des flambés, au moment où l'artiste
lance dans le four des torrents de fumée, qui enveloppent
les pièces, absorbent par places l'oxygène des oxydes mé-
talliques qui les décorent, et, transformant inégalement ainsi
leurs couleurs, produisent des colorations marbrées d'un
si curieux aspect (V. Cuisson). F. M.
ENFUTA6E (Techn. agric). L'enfutage consiste à
mettre en fût ou en tonneau un liquide, tel que le vin, le
cidre, la bière, l'eau-de-vie, etc., soit pour le conserver,
soit pour lui faire subir une fermentation lente. Lorsque
la quantité de liquide à enfuter est peu considérable, on
verse ce liquide dans un grand entonnoir en bois dont le
tuyau est introduit dans la bonde du fût ; mais, lorsqu'il
faut déverser dans des fûts plusieurs hectolitres d'un
liquide, on se sert généralement de tuyaux partant du ré-
servoir pour aboutir à la bonde. C'est au son plus ou
moins clair que rend le Kquide en tombant dans le fût qu'on
voit si celui-ci est à peu près plein (V. Fût).
ENGADDl. LocaUté de l'ancienne Palestine, située sur
— 4053 —
ENGADDI — ENGAGEMENT
le bord occidental de la mer Morte et qui subsiste, aujour-
d'hui encore, sous le nom parfaitement conservé de Aïn-
Djiddi. Des sources y développent une végétation d'une
nature tropicale, qui a été célèbre dès les temps les plus
reculés.
ENGADINE. Vallée de Suisse, cant. des Grisons, longue
de 90 kil. environ, large de 2 seulement, qui s'étend du
S.-O. au N.-E. entre deux chaînes des Alpes grisonnes,
le long de l'inn, affluent du Danube. On distingue la Haute-
Engadine et la Basse-Engadine. La première commence au
Maloggiaet s'étend jusqu'à Samaden, qui en est le chef-lieu.
Son point culminant est à 1,856 m. Il s'y trouve quatre
lacs : de Sils, de Silvaplana, de Campfer et de Saint-
Maurice. Le climat est rude, la culture du sol à peu près
nulle ; la pomme de terre, l'avoine et le seigle ne mûrissent
que dans les bonnes années. Cependant, grâce à son air pur
et fortifiant, à la beauté grandiose du site et aux eaux
ferrugineuses de Saint-Maurice, la Haute-Engadine est une
station de premier ordre. Les nombreux hôtels dont elle est
parsemée rivahsent en grandeur et en confort avec ceux
d'Interlaken et de Lucerne. L'affluence des touristes et des
baigneurs est très considérable. La Basse-Engadine, qui
s'étend de Samaden au Tirol, est moins attrayante, parce
que les pics neigeux et les glaciers y sont moins nombreux.
C'est dans cette partie que se trouvent les bains de Tarasp.
La population indigène de l'Engadine, qui est en majorité
protestante, parle l'idiome ladin ; elle est industrieuse et
adroite. La plupart des jeunes gens émigrent, mais reviennent
finir leur carrière dans leur vallée natale, ce qui fait que
cette contrée, au rude climat, au sol presque improductif, est
riche par le bien-être de ses habitants. Au commencement
du xvii^ siècle, l'Engadine fut le théâtre de longues guerres.
Les Autrichiens qui l'avaient occupée et dévastée en furent
chassés par Henri de Rohan qui lui rendit son indépendance.
ENGAGÉ CONDITIONNEL. L'engagement conditionnel,
institué par la loi du 27 juil. 1872, permettait à un cer-
tain nombre de jeunes gens placés dans des conditions
déterminées de ne faire qu'un an de service au lieu de
cinq. Les jeunes gens pourvus de certains diplômes (bac-
calauréats, diplômes de fin d'études de l'enseignement
spécial, élèves des écoles vétérinaires, etc.) étaient admis
de droit à contracter cet engagement, sans limitation de
nombre (art. 53 de la loi). Les hommes, non pourvus de
diplôme, pouvaient également bénéficier de cette dispense,
s'ils satisfaisaient à un examen institué parla loi, mais le
ministre de la guerre limitait chaque année le chiffre de
ces engagements, en fixant le nombre des points nécessaires
pour être déclaré admissible. L'examen était subi au chef-
lieu du département devant une commission; il comprenait
une partie écrite et une partie orale ; les matières du pro-
gramme de l'examen oral formaient trois séries : agricul-
ture, commerce et industrie. Les candidats étaient inter-
rogés sur les matières de la série choisie par eux (art. 54
et suiv.). Les engagés conditionnels admis de droit ou à
la suite de l'examen devaient verser une somme de
1,500 fr. ; l'exonération totale ou partielle du versement
de cette somme pouvait être accordée à quelques jeunes
gens très méritants. Il fallait d'ailleurs rempHr les condi-
tions exigées pour les engagements volontaires, excepté
celle d'être célibataire, et n'avoir pas encore tiré au sort.
Sans cette dernière exigence du législateur, beaucoup de
jeunes gens auraient attendu ce moment pour contracter
l'engagement conditionnel, dans l'espoir que leur numéro
de tirage les placerait dans la seconde portion du contin-
gent et leur permettrait ainsi de ne faire qu'un an de ser-
vice sans verser 1,500 fr. et sans être astreint aux tra-
vaux spéciaux exigés des engagés conditionnels. Mais dans
le but de ne pas interrompre les études des jeunes gens,
notamment des étudiants en médecine et des vétérinaires, la
loi avait institué des sursis renouvenables d'année en année,
leur permettant, après avoir contracté leur engagement, de
n'accomplir l'année de service qu'à vingt-quatre ans.
Les engagés conditionnels étaient répartis dans les diffé-
rentes armes, d'après leur demande et suivant leurs apti-
tudes. Ils comptaient dans l'effectif entretenu et étaient
légalement soumis au même régime que les autres soldats ;
mais, comme ils versaient 1,500 fr., ils recevaient toujours
des effets d'habillement neufs, qui devenaient leur pro-
priété à la fin de leur année de service. Au point de vue
de l'instruction militaire, et bien qu'ils comptassent dans
les compagnies, escadrons ou batteries, ils formaient un
peloton spécial dirigé, suivant son effectif, par un capi-
taine ou un lieutenant aidé par des sous-officiers et capo-
raux choisis avec soin. Le programme de cette instruction
comprenait les règlements sur les manœuvres et les divers
services et des cours de tir, d'administration, de topogra-
phie, de fortification et de législation militaire. Les enga-
gés conditionnels subissaient à la fin de chaque trimestre
un examen devant une commission nommée parle chef de
corps et présidée par un chef de bataillon ou d'escadrons.
Ceux qui satisfaisaient à l'examen de fin d'année étaient
libérés avec le grade de sous-officier ou de caporal ou
comme simples soldats, suivant la mention qu'ils avaient
obteime (très bien, bien ou assez bien). Ceux qui ne
satisfaisaient pas à cet examen ou qui avaient subi pendant
l'année plus de trente jours de prison pouvaient être
conservés au corps une seconde année. Si après ces deux
ans de service ils n'étaient pas encore jugés dignes de
jouir des avantages accordés aux engagés conditionnels, ils
suivaient le sort de leur classe. Préoccupés, à juste titre,
d'assurer le recrutement des officiers de réserve, les légis-
lateurs de 1872 accordaient le grade de sous-lieutenant
dans la réserve aux engagés conditionnels qui, nommés
sous-officiers à la fin de leur première année de service,
consentaient à faire une seconde année en cette qualité.
Mais, comme il fallait s'y attendre, le nombre de ces
jeunes gens a été extrêmement faible, et, comme la
plupart des hommes susceptibles par leur instruction
générale et leur position sociale d'être officiers dans la
réserve n'avaient servi qu'un an en qualité d'engagés
conditionnels, il a bien fallu se rabattre sur eux pour re-
cruter cette catégorie d'officiers. Les anciens engagés con-
ditionnels passés dans la réserve et qui avaient obtenu le
grade de sous-officier ou, à défaut, la mention très bien,
ont donc été admis à subir les examens nécessaires, et ce
sont eux qui aujourd'hui occupent la plupart des emplois
d'officier dans la réserve et dans l'armée territoriale. Ils
sont généralement inférieurs, je ne dirai pas aux anciens
officiers de l'armée active retraités ou démissionnaires, ce
qui est évident à priori, mais même aux anciens sous-
officiers ayant une bonne instruction primaire, qui ont
accompli trois ou quatre ans de service. L'institution des
engagés conditionnels a vécu ; elle a été supprimée par la
loi du 15 juil. 1889 sur le recrutement de l'armée, et les
derniers engagés conditionnels ont été appelés en 1888-
89. Il ne faut pas la regretter. Maladroitement copiée sur
le volontariat d'un an qui fonctionne en Allemagne depuis
le commencement du siècle, elle a toujours paru, ce qu'elle
était en réalité, une forme nouvelle du remplacement
(V. Armée, Exonération, Recrutement). E. Feller.
ENGAGEMENT. I. Législation militaire (V. Recru-
tement) .
II. Instruction publique. —Engagement décennal
— L'engagement décennal contracté par les membres de
l'enseignement public les dispensait autrefois des obliga-
tions du service militaire. La loi du 15 juil. 1889 sur
le recrutement de l'armée a maintenu cet engagement,
mais elle n'y attache plus les mêmes effets. Désormais,
l'engagement de servir l'enseignement public pendant dix
ans ne dispense plus comme autrefois de tout service
militaire ; il permet seulement à celui qui l'a contracté de
demander et d'obtenir, en temps de paix, d'être envoyé
en congé dans ses foyers, après un an de présence sous
les drapeaux, jusqu'à la date de son passage dans la
réserve (art. 23). Cette dispense de deux années de pré-
sence sous les drapeaux étant corrélative à un service
ENGAGEMENT — ENGAGISTE
— 105/é
public, celui qui ne remplirait pas une des fonctions dans
lesquelles peut être réalisé l'engagement décennal (profes-
seur, maître, répétiteur, instituteur) ou qui cesserait de
la remplir avant l'expiration de cet engagement, est tenu
d'accomplir les deux années de service dont il avait été
dispensé (art. U). En outre, les jeunes gens, qui, pendant
leur année de service, n'auraient pas satisfait aux condi-
tions de conduite et d'instruction militaire exigées par le
ministre delà guerre, sont tenus d'accomplir sans délai les
deux autres années de service. L'engagement décennal au
titre de l'instruction publique est contracté devant les recteurs
d'académie. Le délai pour produire les pièces justificatives
exigées s'étend jusqu'au moment de l'incorporation (règle-
ment du 23 nov. 1889). L'âge minimum à partir duquel
l'engagement décennal peut être contracté est l'âge de dix-
huit^ ans. Les économes, commis d'économat, commis aux
écritures des lycées, ne sont pas admis à contracter l'en-
gagement décennal; leurs emplois ne sont pas des emplois
d'enseignement, les seuls pour lesquels la loi du recrute-
ment a admis des dispenses. Le dispensé doit justifier
chaque année, du 15 sept, au 15 oct., par un certificat
que délivrent les recteurs et qui est adressé aux comman-
dants des bureaux du recrutement, qu'il exerce et continue
d'exercer l'emploi qui lui a valu la dispense de deux années
de service. L'année passée sous les drapeaux ne compte pas
dans la réalisation des dix ans d'engagement. Il en est
autrement des. congés accordés pour cause de maladie, mais
de ceux-là seulement, et à condition que la maladie soit
constatée par deux médecins, dont l'un désigné par l'auto-
rité militaire. Le règlement admet d'ailleurs que la réa-
lisation de l'engagement décennal peut comporter des
solutions de continuité ; que des congés peuvent être
accordés pour d'autres causes que la maladie, que le dis-
pensé peut remplir provisoirement d'autres fonctions que
celles pour lesquelles il a été dispensé, à condition que ces
congés ou ces fonctions ne reculent pas de plus de trois ans
l'accomplissement de l'engagement décennal.
Il est d'ailleurs à remarquer que le ministère de l'ins-
truction publique n'est pas le seul où des dispenses peuvent
être accordées en vertu d'un engsfgement décennal : des
engagements décennaux peuvent être reçus soit par le
ministre de l'intérieur pour les institutions des sourds-
muets et des jeunes aveugles, soit par le ministre des
affaires étrangères pour les écoles françaises d'Orient et
d'Afrique subventionnées par le gouvernement français.
Il en résulte que l'engagé décennal de l'instruction publique
peut réaliser son engagement dans ces écoles, et récipro-
quement. Enfin l'engagé décennal universitaire peut encore
accomplir ses dix ans de service dans l'enseignement, à titre
d'instituteur, de professeur et de maître répétiteur, dans
les écoles d'enseignement professionnel visées par l'art. 10
de la loi du 30 juil. 1875 et dans l'une des écoles pré-
parant aux diplômes compris dans la nomenclature du § 2
de l'art. 23 de la loi du 15 juil. 1889 : Ecole des chartes.
Ecole des langues orientales vivantes. Ecole d'administra-
tion de la marine, Ecole des ponts et chaussées, Ecole
supérieure des mines. Ecole du génie maritime, Institut
national agronomique, Ecole des haras du Pin, Ecoles
nationales d'agriculture de Grand-Jouan, de Grignon et de
Montpellier, Ecole des mines de Saint-Etienne, Ecoles des
maîtres ouvriers mineurs d'Alais et de Douai, Ecoles na-
tionales des arts et métiers d'Aix, d'Angers et de Châlons,
Ecole des hautes études commerciales et Ecoles supérieures
du commerce reconnues par l'Etat. Il est probable que des
efforts seront tentés pour étendre encore cette longue liste,
et en ce moment même il est question, au Parlement, d'ad-
mettre au bénéfice de la dispense par engagement décennal
les élèves des Ecoles pratiques d'agriculture. G. Compayré.
III. Droit civil. — Engagement théâtral (V. Artiste,
t. IV, p. 30).
IV. Tactique. — Combat de peu d'importance et de
durée. Dans une bataille, les troupes ne sont engagées^
c.-à-d. mises aux prises avec l'ennemi, que successive-
ment, l'importance, pour un général, d'avoir toujours des
réserves sous la main, étant capitale. En thèse générale,
dans une action offensive, l'infanterie de l'avant-garde tire
les premiers coups de feu, et la cavalerie divisionnaire re-
foule la cavalerie ennemie et essaye de gagner les flancs de
l'adversaire. L'artillerie de l'avant-garde commence le feu
pour appuyer le mouvement de l'infanterie. Puis les unités
du gros entrent en ligne, et enfin, s'il en est besoin, les
troupes en réserve. Savoir engager ses troupes est d'une
grande importance pour un général en chef.
V. Escrime (V. Escrime).
ENGAGISTE. On appelait ainsi le détenteur précaire
d'un fief faisant partie du domaine de la couronne. Souvent,
pour se procurer de l'argent, les rois engageaient à un
tiers une partie de leur domaine. Pasquier, dans ses Re-
chei'ches, fait remonter cet usage à des lettres patentes
de Charles VIII datées d'oct. 1494, au cours de la cam-
pagne d'Italie. Chopin en attribue l'invention à François P^
(1519). Pour être valable, l'engagement exigeait trois con-
ditions : 1° l'ahénation à deniers comptants ; 2*^ des lettres
patentes enregistrées ; 3° la faculté de rachat perpétuel.
Cette dernière condition était imposée par le principe, dé-
finitivement établi à la fin du xvi^ siècle, de l'inaliénabi-
lité du domaine royal. L'engagement put d'abord être
consenti par-devant notaires ; Henri IV établit des com-
missaires qui présideraient des enchères en vertu des-
quelles il serait consenti au plus offrant et dernier enché-
risseur. Dans la situation respective des parties, l'enga-
giste était un prêteur de sommes d'argent à qui les biens
engagés servaient de garantie. C'était une situation ana-
logue à celle de l'antéchrésiste. Le roi, jouant le rôle d'em-
prunteur, conservait toujours le droit de rembourser et de
retirer le gage. Le roi restait donc propriétaire ; l'enga-
giste, simple détenteur précaire, ne pouvait prescrire.
Celui-ci n'avait que les droits utiles, producteurs de fruits,
et non les droits honorifiques et personnels. Seuls les pre-
miers étaient comptés dans l'estimation que l'on pouvait
faire du droit d'engagement. Les uns dépendaient du fief,
droits seigneuriaux ou fires : cens, rentes, loyers, fermages,
taillis, arbres fruitiers morts ou arrachés par l'orage ;
droit annuels ou casuels comme les mutations. Les autres
suivaient la justice : amendes, confiscations, déshérence,
bâtardise.
Mais l'engagiste n'avait point droit à recevoir la foi des
vassaux qui devaient la porter à la chambre des comptes
(ord. Moulins, art. 15) ; plus tard, au bureau des finances
de chaque généralité (arrêt du conseil du roi du 27 mars
1687). Il ne peut exercer ni le retrait féodal, ni le
retrait censuel, ni la saisie féodale sans clause spéciale
de son contrat d'engagement. Sauf cette condition, il n'a
ni droit de patronage, ni droit de nommer aux offres
et aux bénéfices (ord. Blois, art. 331 ; édit mai 1715).
Pourtant plusieurs édits de Louis XIV accordèrent tout
ou partie de ces divers droits aux en gagistes antérieurs
à ces édits. L'engagiste ne peut disposer des bois de
haute futaie (édit juin d611; ord. 1667). Il n'a pas la
garde des mineurs, qui appartient au roi d'une façon
incommutable, en principe. Si un héritage devient de main-
morte, il n'a pas droit à l'amortissement, réservée tacite-
ment au roi ; à plus forte raison à l'indemnité en deniers
qui représente le fief et constitue un droit réel attaché au
domaine de la couronne. Mais des arrêts admirent ou qu'on
lui en servirait les intérêts ; ou qu'on en acquerrait des
héritages dont il jouirait tant que durerait l'engagement.
L'engagiste ne portait pas le titre de la seigneurie dont les
biens lui étaient engagés ; il n'était ni duc, ni marquis, ni
comte. Il se quahfiait seulement parfois de seigneur par
engagement de tel duché, ou marquisat, etc. Il ne pouvait
placer ses armes dans Féghsc; mais certains lui reconnais-
saient le droit de les attacher, en place publique, à un po-
teau, au-dessous de celles du roi. — Les charges corres-
pondaient à ses droits : les uns se rattachaient au fief, les
autres à la justice. Il devait donc tenir les mouHns et
— 10^5 —
ENGAGISTE — ENGEL
autres édifices, les fiefs, les aumônes et autres charges et
faire certification de trois ans en trois ans à la chambre
des comptes (ord. 12 oct. 4601 ; déclar. 22 déc. 46o7).
Il devait également faire dresser procès-verbal de l'état des
bois et forêts par les officiers des eaux et forêts (édit
d'avr. 4667) et fournir un état détaillé de la situation
matérielle des domaines (arr. 4 9 sept. 4687). Bien que la
justice ne lui appartînt pas, l'engagiste devait pourvoir
aux frais de nourriture, de garde, de conduite des pri-
sonniers, aux frais d'instruction et de procédure que sup-
])ortait le roi, avant l'engagement (ord. 4667, art. 44 et
47); à l'entretien des prisons (déclar. 7 nov. 4724); aux
appointements des officiers de justice que le roi payait
auparavant.
Par contre, comme ils tenaient pour le roi qui restait
seigneur et propriétaire, il ne lui devait ni foi, ni hommage,
ni droit de mutation, aucun droit seigneurial. La saisie
féodale ne pouvait les atteindre. Cependant, en Bretagne
et en Normandie, ils étaient illogiquement soumis aux
droits de mutation; l'édit de nov. 4637 les en frappa
également, et, dans beaucoup de contrats d'engagement,
on insérait la charge des lods et ventes. A la mort de
Tengâgiste, l'engagement était continué par ses enfants
moyennant finances. Les engagistes disparurent avec l'an-
cien régime. Declareuil.
ENGALLAGE (Teint.). Opération de teinture quiapour
but de disposer sur les tissus une certaine quantité de
tanin. L'engallage contribue à donner de la solidité aux
rouges d'Andrinople, mais aujourd'hui où ces rouges se
font couramment à l'alizarine artificielle, on a en partie
supprimé l'engallage. Pourtant quelques fabriques rem-
ploient tout en teignant sur alizarine artificielle. Difi'é-
rentes méthodes d'engallage ont été employées : après
l'huilage et le passage en potasse pour dégraisser, on trai-
tait les pièces par un bain contenant 80 gr. de noix de
galle, 420 gr. de savon dissous dans quatre ou cinq litres
d'eau, quantité reconnue nécessaire pour 4 kilogr. de
tissu ; l'engallage ainsi compris se fait à chaud et précède
l'alunage. On a aussi employé le sumac à 6° mêlé à une
décoction de divi-divi à 6° également dans la proportion
de 4 de sumac pour 2 de divi-divi. On foularde alors les
pièces six à huit fois, afin qu'elles s'imprègnent bien de la
matière astringente. L. K.
EN G AN 0. Ile de la Sonde, dans l'océan Indien (Ma-
laisie), au S.-E. de Sumatra. Lat. S. 5o24^ long. E. 400«.
Elle a 40 kil. de circonférence et est très élevée au-dessus
du niveau de la mer. Côtes peu abordables à cause des
récifs de corail. Productions semblables à celles de Suma-
tra. Les naturels de cette lie, quoique appartenant à la
race malaise, sont cependant plus grands et plus blancs que
ceux des autres îles de la Malaisie. Ils ont les cheveux
noirs et courts ; les femmes les portent longs et relevés à
la chinoise. Les deux sexes sont nus entièrement, à l'ex-
ception de la ceinture qu'ils entourent de feuilles de pal-
mier. Comme les sauvages de ces pays, ils se percent les
oreilles pour y suspendre des anneaux et adorent les ver-
roteries européennes. Leur nourriture consiste en cocos,
sagou et poisson cru ; ils ne boivent que de l'eau et du vin
de palmier. Leurs habitations ressemblent à des ruches
élevées sur des piliers. Leurs armes sont la lance et le
couteau de Java. Leur rehgion est inconnue. Leur langue
n'est pas comprise même par les habitants de Sumatra,
leurs plus proches voisins. Les Hollandais et les Anglais
ont fait des expéditions à Engano, mais leurs tentatives
n'ont pas réussi. Meyners d'Estrey.
EN6AU (Johan-Rudolf), jurisconsulte allemand, né à
Erfurt en 4708, mort le 48 janv. 4755. Il fit ses premières
études à Erfurt avec Langguth, puis il étudia à Weimar,
sous Jean-Mathias Gesner, et ensuite à léna. Il y fut reçu
docteur en 4734 et y devint professeur ordinaire en 4740,
puis recteur en 4745. On a de lui : Kurze Betrachtung
von den Verjdhrmigen in peinlichen Fâllen (léna,
4733, in-8 ; 4772, in-8) ; Elementa juris Germanici
civilis (léna, 4736, in-8) ; Elementa juris criminalis
Germanico-Carolini (léna, 4738, in-8) ; Instnimentum
pacis Osnabrugensis recognitum^ et notis margina-
libus et indice instructum (léna, 4739, in-8) ; Elementa
juris eanonico-pontificio-ecclesiastici (léna, 4739 et
4753, in-8) ; Abhandlung vont Recht evangelischer
Filrsten ilber die auf den Kanzeln stehende Lehrer
(4787, in-8). G. R.
ENGAYRÂC. Com. du dép. de Lot-et-Garonne, arr.
d'Agen, cant. de Beauville; 354 hab.
ENGEL (Karl-Emmanuel), organiste et maître de cha-
pelle de l'électeur de Saxe et directeur de la musique de
l'opéra de Leipzig, né à Technitz près de Dœbeln en 4740,
mort en 4795. Ce fut un compositeur studieux.
ENGEL (Johann- Jacob), écrivain allemand, né à Parchim
(Mecklembourg) le 44 sept. 4744, mort à Parchim le
28 juin 4802. On le cite comme un exemple d'intelligence
précoce. Dès sa jeunesse, il sembla promettre à l'Allemagne
un grand écrivain ; il ne tint qu'en partie cette promesse.
Il attira d'abord l'attention par une poésie qu'il composa
sur la mort de son oncle, professeur à l'université de Ros-
tock, qui s'était occupé de son instruction (4758). En 4763,
à l'occasion des fêtes où l'on célébra la fin de la guerre de
Sept ans, il prononça un discours dont on admira le style
et l'heureuse ordonnance. L'éloquence allemande, qui n'avait
jeté qu'un éclat passager au temps de la Réforme, était
encore dans l'enfance. Engel, s'il avait persévéré dans la
voie où il s'était engagé, n'aurait pu être, en tout cas,
qu'un orateur du genre tempéré. C'était un esprit ferme et
lucide, mais sec, sans passion et sans élan. Ses opinions
rationalistes lui ayant fermé la carrière ecclésiastique, vers
laquelle Pavaient dirigé ses premières études, il se rendit
à Leipzig (4765), où il s'occupa de philosophie et de litté-
rature ancienne et moderne. Quelques comédies, qu'il fit
représenter au théâtre de la ville, et le premier volume de
son Philosophe pour le monde (Leipzig, 4775), dont plu-
sieurs chapitres avaient déjà paru dans des revues, eurent
un tel succès que la Saxe, le Hanovre et la Prusse cher-
chèrent à se l'attacher. Il accepta une chaire au gym-
nase de Joachimsthal à Berlin (4776), fut nommé membre
de l'Académie des sciences et précepteur du prince héré-
ditaire qui régna plus tard sous le nom de Frédéric-
Guillaume ni. Ses Idées sur la mimique (BerHn, 4785-
4786, 2 vol.) lui procurèrent la direction du théâtre
(4787), mais sa santé affaiblie le fit renoncer à cet emploi
(4794) ; il se retira à Schwerin, auprès de son frère.
Frédéric-Guillaume III, aussitôt après son avènement, le
rappela à Berlin et lui donna une pension (4798). Les
fatigues d'un voyage qu'il fit pour revoir sa mère hâtèrent
sa fin. Ses œuvres complètes ont paru à Berlin (4804-4806,
42 vol.; nouvelle éd., Francfort, 4857). Le Philosophe
pour le monde, dont le second volume parut en 4777, est
un ouvrage de morale famihère et pratique sous forme de
récits, de dialogues, de lettres, d'un style très châtié;
c'est la prose de Lessing, moins la vigueur et l'entrain ;
quelques parties, comme Tobias Witt et la Grotte d'An-
tiparos, sont devenues classiques. Les mêmes qualités et
les mêmes défauts se retrouvent dans le roman Herr
Lorenz Stdrk (Berlin, 4804) qui a été jugé trop sévè-
rement par Gœthe et Schiller et qui offre une peinture par-
fois attachante de la vie bourgeoise en Allemagne au
xviii^ siècle. Les Idées sur la mimique sont une sorte
de continuation de la dramaturgie de Lessing ; Jansen en
a donné une traduction fort défectueuse dans son Recueil
de pièces intéressantes (Paris, 4787). Il faut citer encore
d'Engel : Fûrstenspiegel (Berlin, 4798 ; 2^ éd., 4802) ;
Anfangsgrilnde einer Théorie der Dichtungsarien (Ber-
lin et Stettin, 4783 ; 2^ éd., Berlin, 4804) ; Lobrede auf
Friedrich IL (Berlin, 4784). A. B.
ENGEL (Johann-Christian), historien hongrois, né à
Levocs en 4770, mort à Vienne en 4844. Il remplit en
Transylvanie diverses fonctions administratives et a publié
de nombreux travaux sur l'histoire de la Hongrie et des
ENGEL — ENGELBREKT
— d056 —
pays voisins. Les principaux sont : Geschichte van Ha-
litschund Wladûnirbis ^77:^ (Vienne,! 792); Geschichte
der Ukraine (Halle, ^796); Geschichte des unganschen
Reiches und Seiner Nebenldnder (Halle, 4797-1804,
4 vol.); Geschichte der Freistaats Ragusa (Vienne, 1807);
Geschichte des Kœnigreichs Ungarn (iS\3, 5 vol.).
Tous ces travaux ont, pour l'époque où ils ont paru, une
valeur considérable. L. L.
ENGEL (Carl-Ludwig), architecte allemand, né à
Berlin le 3 juil. 1778, mort à Helsingfors le 14 mai
1840. D'abord architecte à Revel (1809), puis à Samt-
Pétersbourg (1815), il fut appelé à Helsingfors en 1816.
En dressant les plans de plusieurs édifices : le sénat,
l'hôtel de ville, l'hôtel du gouverneur général, l'hôtel Hei-
denstrauch, plus tard palais impérial, il contribua beau-
coup à l'embellissement de cette ville, devenue capitale
politique et militaire en 1812, et intellectuelle en 1827. H
y édifia l'université et l'observatoire, achevés en 1832,
et la bibliothèque (1836), dont on admire les belles pro-
portions. Ses plans (1818) pour la belle église de Samt-
Nicolas ont été peu avantageusement modifiés dans la
construction, qui dura de 1830 à 1852. Son style est
celui de la Renaissance, qu'il développa successivement
d'une manière aussi originale que grandiose. B-s.
ENGEL (Josef), anatomiste autrichien contemporam, né
à Vienne le 29 janv. 1816, professeur successivement à
Zurich, à Prague et à Vienne, a pris sa retraite en 1874. Ses
ouvrages sont nombreux et ont été utiles aux progrès de
l'anatomie pathologique ; citons : Das Knochengerûst des
menschlichen Antlitzes (Vienne, 1850, in-8), son ou-
vrage le plus ingénieux ; Spez. pathol. Anat. (Vienne,
1856, in-8, t. I); Lehrbuch der patholog. Anat.
(Vienne, 1865, in-8) ; Compendium der topograph,
Aîiat. (Vienne, 1853, in-8), excellent ouvrage d'anatomie
des régions, longtemps classique en Autriche. D^ L. Hn.
ENGEL (Jacob-Karl), chef d'orchestre et compositeur
allemand, né à Pest le 4 mars 1821. Il fit ses études
musicales dans sa ville natale, ainsi qu'à Vienne où il tra-
vailla avec Bohm le violoniste. Il se fit entendre fortjeune
comme instrumentiste à Pest et à Vienne. En 1851, il
fut engagé à Saint-Pétersbourg. A son retour, il se fixa à
Beriin où il succéda à Gung'l comme chef d'orchestre. Il
devint directeur de l'établissement Kroll et acquit une
grande renommée comme chef d'orchestre. Il composa un
grand nombre de marches et de danses.
ENGEL (Ernst), économiste allemand, né à Dresde le
26 mai 1821. Chef du bureau de statistique de Dresde, il
se fit connaître par la publication de Statistische Mittei-
lungen ans dem Kœnigreich Sachsen (4 vol.), d'un
journal et d'un annuaire de statistique. Il démissionna et
fonda ensuite une société d'assurances hypothécaires (1858),
puis fut appelé à remplacer Dieterici à la tête du bureau de
statistique de Beriin (1860). Il a publié un très grand
nombre de travaux statistiques très estimés : Zeitschrift
des statistischen Rûreaus (depuis 1860); Jahrbuchfiir
amtliche Statistik des preussischen Staats (depuis
1863); Preussische Statistik (depuis 1861), des rap--
ports sur les grands congrès de statistique; il présida celui
de Berlin en 1863. H a donné un grand nombre d'études :
sur les pertes des armées allemandes en 1870-71 ; sur les
machines à vapeur du monde entier. Citons encore Die Mo-
derne Vohnungmot (Leipzig, 1873); Der Preis der
Arbeit (2^ éd., Beriin, 1872); Der Wert des Menschen
(Beriin, 1883). H a fondé un institut de statistique qui a
formé d'excellents fonctionnaires. Il prit sa retraite
en 1882.
ENGEL (Emile), chanteur scémque français, ne vers
1845. Doué d'une joUe voix de ténor, il commença sa
carrière en 1867, au gentil petit théâtre des Fantaisies-
Parisiennes, depuis lors disparu. De là il passa dans diver-
ses villes de province et de l'étranger ; de retour à Pans
en 1876, il entra au Théâtre-Lyrique, puis, après la décon-
fiture de ce théâtre, à l'Opéra-Comique (1877), qu'il
quitta au bout de deux ans pour parcourir avec succès les
villes d'Europe. Engagé au théâtre de la Monnaie, de
Bruxelles, en 1885, il y resta jusqu'en 1889 et y fit plu-
sieurs créations importantes (la Valkyrie de Wagner).
Après une courte excursion à Genève pour y jouer Lohen-
grin, il revint encore à Paris, et fut engagé à l'Opéra-
Comique, où il créa d'une façon remarquable le rôle de
Félicien dans le Fève, de M. Bruno. M. Engel est un artiste
de talent, comédien aussi habile que chanteur expressif et
expérimenté. A. P.
ENGELBERG. Vallée de Suisse, cant. d'Unterwalden,
entourée de tous côtés de hautes montagnes couvertes de
neige et de glaciers , accessible seulement par quelques
gorges étroites et quelques cols. Elevée de plus de 1,000 m.
au-dessus de la mer, son climat est rude et la culture du
sol fort réduite. Néanmoins le village d'Engelberg, qui
compte 1,978 hab., est une importante station climalé-
rique ; on y trouve de beaux et vastes hôtels. Engelberg
possède une abbaye de bénédictins, à laquelle est annexé
un gymnase fréquenté par environ 80 élèves.
ENGELBERGE, impératrice, morte en 890. Femme de
Louis n, fils de Lothaire, roi d'Italie et empereur, elle ne
lui donna pas d'enfant mâle. Accusée d'adultère, elle fut
défendue par Boson qui, à ce qu'on raconte, défit ses accu-
sateurs dans le duel judiciaire et devint le mari de sa fille
Ermengarde. Elle brouilla son mari avec plusieurs grands ;
après sa mort elle ne put conserver de rôle politique et fut
envoyée par Charles le Chauve dans un monastère d'Alle-
magne.
ENGELBRECHTSEN ou ENGELBRECHTSZ (Cor-
nelisz), peintre hollandais, né à Leyde en 1468, mort
à Leyde en 1533. Surtout connu comme ayant été le
maître de Lucas de Leyde, il jouit de son temps d'une
réputation considérable. Van Mander en parie avec grand
éloge. Son père, Engelbert ou mieux Engelbrecht, était
menuisier ; d'autres disent, mais sans preuve, graveur sur
bois ou même peintre. D'après Van Mander, CorneHs serait
un des premiers à Leyde qui aurait peint à l'huile. On le
range généralement dans l'école de Van Eyck ; mais il
appartient plutôt au groupe des artistes déjà romanisants
et légèrement italianisés , au moins dans l'architecture ,
à la tête desquels se place Gossaert, par l'influence
qu'il a exercée en Hollande aussi bien qu'en Flandre.
Il ne nous reste malheureusement que deux œuvres abso-
lument sûres d'Engelbrechtsen , deux triptyques cités
par Van Mander, provenant du couvent de Marienpoel, et
aujourd'hui au musée de Leyde ; l'un représentant une
Descente de croix, avec les donateurs sur les volets ;
l'autre un Christ en croix entre le Sacrifice d'Abraham
et le Serpent d'airain, les mêmes donateurs figurant sur
la prédelle. Les tableaux qui lui sont attribués en diffé-
rents autres musées sont sujets à caution. Il paraît n'avoir
jamais quitté sa ville natale, sauf peut-être en de courts
voyages, car on trouve son inscription dans la garde
civique à dates répétées (et encore les registres sont in-
complets), pendant une période de près de vingt-cinq ans,
de 1499 à 1522. — \\ eut trois fils, qui furent également
peintres : l'aîné, Pierre-Cornelisz, peintre verrier et ami
de Lucas de Leyde, sur lequel on a peu de renseignements ;
les deux autres, auxquels Van Mander a consacré des bio-
graphies spéciales, Corneille-Cornelisz , dit Corneille
Kimst, et Lucas-Corne lisz (V Cornelisz).
BiBL.: Van Mander, trad. Hymans,t. I, pp. 123-126, 176-
180. — Taurel, VArt chrétien en Hollande et en Flandre,
t. I, pp. 175-192 (tirav.).— WoLTMANN et Woeraiann, Ge-
schichte der Malerei, t. II, pp. 530-531. — Havard, Hist. de
la peinture hollandaise.
ENGELBREKT Engelbrektsson, président de l'Etat et
grand patriote suédois, assassiné le 27 avr. 1436. Simple
écuyer dalékariien délégué par les paysans auprès du roi
de l'Union Scandinave, Erik de Poméranie, pour porter
plainte contre la tyrannie de la noblesse et les exactions
du bailli Jœsse Eriksson (1432), il fut durement repoussé
et se mit à la tête des mécontents, qui, deux fois, se lais-
- 1057 -
ENGELBRECKT — ENGELHARDT
sèrent calmer par de vaines promesses. Une troisième fois,
en 1434, le soulèvement prit de plus grandes proportions
et s'étendit au Vestmanland et à l'Upland. Des nobles
mêmes, comme Erik Puke, s*y associèrent ; toutes les places
de la Suède supérieure furent prises par les insurgés, et le
Riksrâd, réuni à Vadstena, fut forcé d'adresser au roi une
lettre de désaveu. Après s'être emparée des provinces mé-
ridionales et même d'un pays danois, le Halland, l'armée
insurrectionnelle fut licenciée, mais rassemblée de nouveau
à la fin de la même année, après l'arrivée du roi à Stock-
holm, et la diète d'Arboga appela Engelbrekt à la prési-
dence de l'Etat (1435). Les grands ménagèrent un com-
promis d'après lequel Erik XIIÎ s'engagea à faire exercer
le pouvoir en son absence par un drots et un maréchal
suédois ; à s'abstenir désormais de confier à des étrangers
le gouvernement des forteresses ; enfin à donner à Engel-
brekt l'investiture du fief d'OErebro. Mais comme il viola
la seconde de ces promesses et qu'en retournant en Dane-
mark il pilla les côtes suédoises, le maréchal nommé par
lui, Cari Knutsson, et Engelbrekt se partagèrent la tâche
de délivrer le royaume. Celui-là assiégea Stockholm, celui-ci
s'empara du Smâland et occupa le Bleking et le Halland,
mais la maladie le força de retourner à OErebro ; il se rendait
à Stockholm, lorsqu'il fut assassiné dans un Ilot du lac
Hjelmare par Mans Bengtsson Natt och Dag, fils d'un sei-
gneur du voisinage, avec lequel il venait de se réconcilier.
A sa bravoure militaire il joignait un véritable esprit poli-
tique ; il travailla à fortifier son parti, à l'extérieur par
des alliances, à l'intérieur en s'appuyant sur les ordres
inférieurs (le bas clergé, la bourgeoisie, les paysans), et
en les convoquant aux diètes, d'oii ils avaient été exclus
par l'aristocratie. Un de ses projets était de creuser un
canal à Sœdertelje pour mettre le lac Mœlare en communi-
cation avec la Baltique. Ce héros de l'indépendance a été
chanté par son contemporain, l'évêque Thomas, qui parle
de miracles faits sur son tombeau dans l'église d'Œlre-
bro; et plus récemment célébré dans des drames de
Ling (1819), d'Àkerhjelm (1820), de Blanche (1846) ; dans
un poème cyclique de Gumselius (1858); dans un roman de
Starbaeck (1868-69) ; dans des dissertations de Faut (180d )
et de J.-J. Palm (1802) ; dans des discours de C.-J. von
Schantz (1836) et deGumœlius (1865). Son histoire a été
écrite par E. Tuneld (1784), et sa statue en bronze par
Qvarnstrœm a été érigée à OErebro. Be\uvois.
EN6ELBREKTSDÀTTER (Dorthe), femme poète nor-
végienne (V. Dorthe).
ENGELBRETH (Wolf-Frederik), théologien et érudit
danois, né à Korsœrle 11 avr. 1771, mort à Lille-Heddinge
le 22 mai 1862. Après un long séjour à l'étranger (1791-
95), surtout à Gœttingue et à Rome, où il étudia le copte
sous Zoëga, il devint pasteur de Lyderslev et Frœslev (1 795-
1859). On lui doit : Lettre àM, Allioni^ en français, sur les
collections du cardinal Borgia à Velletri (Rome, 1795) ;
Fragmenta Basmurico-coptica Veteris et Novi Testa-
menti (Copenhague, 1811, in-4) ; Fragmenta Apoca-
lypseos Thebaico-Coptica, dans les Actes du synode du
diocèse de Sélande (1819); Dissertations théologiques
(1826) ; rEcriture sainte et VEglise (1854). Dans la
Défense de Luther (1825) et V Exorcisme (1834) il prit
parti pour N.-Fr.-S. Grundtvig contre les attaques de
H.-N. Clausen, et il commenta en latin le Livre de la sa-
gesse (1815-16), et en danois le Livre de Rut h (1818), le
Cantique des cantiques (1 852) eiV Apocalypse (1 855).
ENGELEN (Guillaume Van), dit Gulielmus ah An-
gelis, théologien belge, né à Bois-le-Duc en 1583, mort à
Louvain en 1649. Il fut appelé, dès 1606, à professer la
théologie à Louvain et devint successivement président des
collèges du Porc, de VigUus et d'Adrien VI; il venait d'être
nommé évêque de Ruremonde quand il mourut. La solidité
de son enseignement lui avait acquis une grande réputation,
et il était considéré comme un des maîtres de la théologie
dogmatique. Il joua un rôle important dans les longues et
bruyantes querelles suscitées par le jansénisme ; aussi fut-il
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XV.
fort applaudi par les catholiques et vivement attaqué par
les admirateurs de l'évêque d'Ypres. On aurait tort de
juger Van Engelen d'après les satires de ses adversaires oii
sa personne et ses doctrines sont attaquées souvent avec
beaucoup d'esprit, mais aussi avec beaucoup d'injustice.
Les œuvres principales de Van Engelen sont : le Manteau
de la foi catholique arraché à la doctrine des prédicants
calvinistes de Bois-le-Duc (Louvain, 1630, in-12, en
flamand) ; Declaratio sive protestatio theologorum et
professorum lovaniensium (Louvain, 1642, in-8). Nous
citerons encore de lui une intéressante relation, en latin,
des troubles suscités à Louvain par l'impression de VAu-
gustinus. Elle fut adressée à Urbain VIII et se trouve dans
le Disquisitio historico-theologica per Jacobum de
Mo7ibron (Cologne, 1692, in-12). E. H.
BiBL. : Dave, Oratio funebris in parentalibus G. ab An-
gelis; Louvain, 1649, in-4.— Foppk:<s^ Bibliotheca belgica;
Matines, 1739, 2 vol. in-4.— Pacquot, Mémoires pour ser-
vir à Vhist. littéraire des dix-sept provinces des Pays-Bas:
Louvain, 1765-1770, 3 voL in-Ibl.
ENGELHARD (Friedrich- Wilhelm), sculpteur allemand,
néàGrunhagen, près de Lunebourg, le 9 sept. 1813. Elève
de l'Ecole polytechnique de Hanovre, il quitta cette ville
en 1839 pour étudier la sculpture sous la direction de
Thorwaldsen. En 1840, on le trouve à Munich, où il
étudia cinq ans avec Schwanthaler. Il voyagea ensuite
pendant quelques années et fut rappelé à Hanovre, en i 859,
par le roi George IV. On cite de lui : une Loreley pour
l'Ecosse; un Amour avec le Cygne; une statue de la
Duchesse Sophie de Hanovre, etc.
ENGELHARDT (Georg-Reinhold-Gustav von), admi-
nistrateur et écrivain livonien, né à Riga le 23 août 1775,
mort à Pétersbourg en 1862. Il servit' dans l'armée, puis
au ministère des affaires étrangères et au conseil de l'em-
pire, n fut directeur de l'Institut pédagogique (1811)
et du lycée de Tsarskoe Selo. Il fut mis à la retraite
en 1823 à cause de ses opinions libérales. Il a collaboré
à l'ouvrage de Storch, Russland unter Alexander /(Riga,
1803-11); à celui d'Erdmann, Beitràge zur Kenntniss
des Innern von Russland (Leipzig, 1822-1826). H a
publié en outre Russische Misce lien zur genauern Kennt-
niss Russlands (Pétersbourg, 1828-32) et édité l'ou-
vrage de Wrangell, Reise lângs der Nordkilste von Sibi-
rien (Rerlin, 1839).
ENGELHARDT (Maurice), géologue russe, d'origine
allemande, né en 1779, mort en 1842. H fut professeur
de minéralogie à l'université de Dorpat et fonda le cabinet
minéralogique de cette université. Il fit plusieurs voyages
scientifiques, notamment dans les régions de l'Oural et du
Transbaïkal (1826-1828). Il a publié entre autres : Zur
Geognosie, Darstellungen aus dem Felsgebœude Russ-
lands (Berlin, 1820) ; Die Lagerstdtte des Goldes und
Platin ini Ural Gebirge (Riga, 1828) ; Die Lagerstdtte
der Diamenten im Ural-Gebirge, etc.
ENGELHARDT (Johann-Georg-Veit), théologien alle-
mand, né à Neustadt-an-der-Aisch le 12 nov. 1791, mort à
Erlangen le 13 sept. 1855. Il fit ses études à Erlangen,
où il devint ensuite professeur de théologie. Il acquit de la
célébrité par ses ouvrages sur l'histoire de l'Eglise, no-
tamment sur la patristique et la théologie mystique. Nous
mentionnons : Leitfaden zu Vorlesungen ûber Patristik
(Erlangen, 1823) ; Handbuch der Kirchengeschichte
(Erlangen, 1833-34, 4 vol.); Dogmengeschichte (1839,
2 vol.) ; Richard von Saint-Victor und Joh. Ruysbroek
(Erlangen, 1838). C. P.
ENGELHARDT (Frédéric-Auguste), homme politique
français, né à Strasbourg le 31 oct. 1796, mort à Nieder-
bronn (Bas-Rhin) le 17 mars 1874. Docteur es sciences,
il s'adonna d'abord à l'enseignement et notamment ouvrit
à Strasbourg un cours gratuit de technologie pour les
ouvriers. Il devint ensuite directeur des forges de Nie-
derbronn. Très populaire dans la région, il fut élu le
23 avr. 1848 représentant du Bas-Rhin à la Constituante,
où il s'occupa surtout des questions ouvrières et où il
67
ENGELHARDT - ENGELMANN
1Ô58 -
appuya Cavaignac. Il combattit vivement la politique de
l'Elysée et ne fut pas réélu à la Législative.
ENGELHARDT (Maurice), homme politique français,
fils du précédent, né à Strasbourg en 1820, mort à Paris
le 43 mai 1891. Avocat, il devint, après le 4 sept. 1870,
préfet de Maine-et-Loire. Le 10 oct. 1876 il fut élu con-
seiller municipal de Paris par le quartier de la Sorbonne.
Réélu en 1878 et en 1881, il fut nommé cette dernière
année président du conseil général de la Seine. Il échoua aux
élections de 1884. Nous citerons de lui : Des Banques
agricoles (Strasbourg, 1850, in-8) ; la Chasse dans la
vallée du Rhin (Paris, 1864, in-12) ; la Réforme de la
magistrature (iSSO.m-i'i); Souvenirs d'Alsace (iSS%
in-12) ; la Contrebande politique sur la frontière du
Rhin pendant le second empire (1883, gr. in-8) ; les
Chevreuils, Bécasses et Bécassines (Nancy, 1884, in-8).
ENGELHARDT (Helvig-Conrad-Ghristian), archéologue
danois, né à Copenhague le 20 sept. 1825, mort le 11 nov.
1881. Maître de français et d'anglais au lycée de Flensborg
(1851) et conservateur du Musée des antiquités slesvi-
goises, il enrichit considérablement ce dernier par d'im-
portantes trouvailles de l'âge de fer qu'il fit dans les tour-
bières de Thorsbjerg et de Nydam et qu'il décrivit avec
perspicacité et érudition dans Sœnderjydske Mosefund
(Copenhague, 1863 et 1865, in-4, avec de belles planches
par MagnusPetersen, aussi sous le titre de Ancient Den-
mark in early iron-age, Londres, 1866, in-4). Lors du
rapt des duchés nordalbingiens par les Austro-Prussiens,
il tâcha vainement de soustraire aux ravisseurs ses chères
et précieuses collections, et il travailla à en former de
même genre par ses fouilles dans les tourbières fioniennes
de Kragehul près Assens et de Vimose près Odense (Fynske
Mosefund, 1867, 1869). Attaché au Musée des antiquités
septentrionales de Copenhague (1867), dont il publia un
Guide (1868, 7« éd., 1878 ; en français, 1868, 2^ éd.
1870), et élu secrétaire de la Société des antiquaires du
Nord (1868), il a donné dans les Aarbœger de cette société
de nombreuses et savantes études sur les antiquités danoises
des premiers siècles de notre ère, en partie traduites en
français par E. Beauvois dans les Mémoires de la même
société. B-s.
ENGELHOLM. Ville de Suède, Isen de Christianstad,
sur le Cattégat, à l'embouchure du Runne-Aa; 2,000 hab.
Cordonnerie. Très disputée entre la Suède et le Danemark,
la ville fut huit fois détruite par le feu durant ces guerres.
ENGELMANN (Godefroy), l'introducteur de la litho-
graphie en France et l'inventeur de la chromolithographie,
né à Mulhouse le 16 août 1788, mort à Paris le 24 avr.
1839. Mis d'abord dans le commerce, il n'y prit aucun
goût et vint à Paris apprendre le dessin dans l'atelier de
Regnault. De retour à Mulhouse en 1811, il ne tarda pas
à devenir le chef de la partie du dessin dans la fabrique
d'indiennes de son beau-père. En 1814, il alla à Munich étu-
dier chez Stuntz les procédés de la lithographie naissante,
dont les résultats l'avaient vivement passionné. Dès l'année
suivante, il monta un atelier dans sa ville natale et ce fut
le premier établissement lithographique créé en France,
les tentatives antérieures étant demeurées sans résultat.
En 1816, il installa une maison à Paris. L'art lithogra-
phique, presque tombé en oubli, doit sa régénération, ses
perfectionnements et ses destinées ultérieures au génie et
à la persévérance d'Engelmann (V. Lithographie). Les
plus grands artistes de l'époque lui confiaient leurs des-
sins à reproduire et il en interpréta personnellement un
grand nombre qu'on admira aux Salons de 1817, 1819,
1822. En 1837, il résolut pratiquement le problème de
l'impression lithographique polychrome à laquelle il donna
le nom de chromolithographie (V. ce mot). Il n'eut pas
le temps de donner tout l'essor à ce nouveau procédé. On
lui doit les ouvrages professionnels : Manuel du dessina-
teur-lithographe (Paris, 1823, in-8 ; 2« édit., suivie
d'une Instruction sur le nouveau procédé du lavis
lithographique [inventé par l'auteur] ; 1824, in-8 ;
3® édit., 1830); Traité théorique et pratique de
lithographie (Mulhouse et Paris, 1839-40, in-4, avec pL).
— Après sa mort, son fils Godefroy (vivant encore en
1892) prit la direction de la maison de Mulhouse (actuel-
lement la propriété de la veuve Bader et C^«). — Le frère
de celui-ci, Jean Engelmann (mort en sept. 1875), apporta
d'énormes perfectionnements à la chromolithographie et
il inventa un nouveau genre d'impression appelé la dia-
phanie (V. Chromolithographie).— Il eut pour successeur
son fils, Robert, auquel on doit l'impression de plusieurs
belles publications en couleurs. G. Pawlowski.
BiBL. : Bellier de La Chavignerie et Auvray, Dict.
des artistes de VEcole française. — Gazette des beaux-
arts, passim, et Chronique de Gaz. des B.-A., 25 sept.
1875. — Ouvrages cités dans la bibliogr. de Fart. Litho-
graphie.
ENGELMANN (Wilhelm) , célèbre libraire et bibliographe
allemand, né à Lemgo (Lippe-Detmold) le l^^aoùt 1808,
mort à Leipzig le 23 déc. 1878. Fils d'un libraire de
Leipzig, le jeune Engelmann se forma à sa profession au-
près d'Enslin, éditeur fort instruit de Berlin, puis auprès
de Gerold à Vienne ; il se perfectionna encore à Brème et
à Francfort-sur-le-Main. En 1833, il succéda à son père,
et dès lors il fit preuve d'une activité extraordinaire. Pos-
sédant une instruction étendue et variée, lié avec les nom-
breux savants dont il éditait les œuvres, il acquit une
réputation considérable, surtout par la publication d'excel-
lentes bibhographies scientifiques, dont quelques-unes seu-
lement sont son œuvre propre, et dont les autres ont été
soit refondues par lui d'après le libraire Enslin, qui les
entreprit le premier, soit composées par divers érudits qui
l'avaient choisi pour leur éditeur. En 1 858, W. Engelmann
devint docteur honoris causa de l'université d'Iéna, à l'oc-
casion des fêtes du jubilé de cette université. A sa mort, le
service de sa librairie à Leipzig est passé entre les mains
de sa veuve et de son fils aîné Rudolf Engelmann. Aujour-
d'hui la librairie Engelmann s'occupe spécialement d'éditer
des ouvrages relatifs à l'histoire naturelle.
Parmi les bibliographies scientifiques publiées par la
librairie Engelmann, les plus importantes sont : Biblio-
theca scriptorum classicorum, dont W. Engelmann est
l'auteur et qui a été refondue dans une huitième édition par
les soins de Preuss (1880-1882, 2 vol. in-8) ; elle em-
brasse la bibliographie des auteurs grecs et latins depuis
1700 jusqu'à 1878 ; — Bibliotheca juridica (1750-1839),
éd. d'abord par Enslin, puis par W. Engelmann (1840, in-8)
avec deux suppléments par Wuttig et Rossberg, comprenant
le premier les ouvrages édités de 1849 à 1867, et le
second les ouvrages qui ont paru de 1867 à 1876; —
Bibliotheca historico-naturalis, index librorum his-
toriam naturalem spectantium ab anno MDCC ad
MDCCCXLVI in Germania, Scandinavia, Anglia,
Belgio, Italia atque Hispania impressorum (1 846, in-8) ;
le principal supplément de ce recueil porte le titre de Bi-
bliotheca zoologica (4846-60), éd. par J.-Victor Carus
et W. Engelmann (1861, 2 vol. in-8); il a été continué
pour la période de 1861 à 1880 par 0. Taschenberg
(1 vol. en 4 parties, 1886-1891) ; — Bibliotheca mecha-
nico-technologica (jusqu'à 1843), pul)lié par W. En-
gelmann, 2« éd. (1844, in-8, avec suppl.) ; — Biblio-
theca medico-chirurgica et anatomica, physiologica
(1750-1847), publié par W. Engelmann, 6^ éd. de la
Bibliotheca medico-chirurgica d'Enslin (1848, in-8,
avec suppl.) ; — Bibliotheca geographica (1750-1856),
publié en 1858, in-8, etc. Indépendamment des recueils
bibliographiques que l'on vient d'énumérer, la librairie
Engelmann a édité les œuvres d'historiens, d'archéologues,
de philosophes ou de naturalistes bien connus, tels que
Gervinus, Georg Weber, Overbeck, W. Wundt, Kôlliker,
ou bien encore' dirigé la publication d'importants recueils
périodiques relatifs à l'histoire naturelle. Enfin Engelmann
a publié en 1857 un excellent catalogue de l'œuvre com-
plet du célèbre graveur Chodowiecki. — Le fils aîné et
successeur d'Engelmann, Rudolf, astronome de profession
— 1059 -
ENGELMANN - ENGELSTOFT
et professeur libre à Tuniversité de Leipzig, a publié per-
sonnellement plusieurs ouvrages relatifs à l'astronomie. —
Le frère de celui-ci, Th,-Wilhelm, né en 4843, est
professeur de physiologie à l'université d'Utrecht (1892).
BiBL. : Pfau, Biographisches Lexicon des deiUschen
Buchhandels der Gegenvoart, nach Originalquellen bear-
beiieif; Leipzig, 1890, in-8.
ENGELMODE, poète latin, évêque intrus de Soissons
en 862, mort vers 864 ; il est connu par un poème latin
en l'honneur de Paschase Ratbert, abbé de Corbie, qui est
généralement publié avec les œuvres de cet auteur.
ENGELŒ. Ile de Norvège, dans le Westfjord; elle est
assez fertile ; son plus haut sommet a 660 m. de haut.
ENGELRAMS (Cornelis), ENGHELRAMS ou INGEL-
RAMS, peintre flamand, né à Malines en 1527, mort à
Malines le 8 juin 1580. Il entra dans la gilde de Saint-
Luc le 17 sept. 1546. Il peignait généralement à la dé-
trempe. Les églises de Malines possédaient autrefois de ses
œuvres. Van Mander signale les Sept Œuvres de misé-
ricorde k Saint-Rombaut, um Conversion de saint Paul
à Sainte-Catherine. Beaucoup de ses tableaux passèrent en
Allemagne, particulièrement à Hambourg. Il fit également
de la décoration. Ainsi, il exécuta pour Guillaume P^,
prince d'Orange, au château d'Anvers, une suite de V His-
toire de David, d'après les dessins de Lucas de Hecre,
et avec l'aide de Jean Vredeman de Vries pour les parties
d'architecture peinte. Aucune de ses œuvres ne nous est
parvenue. M. Emmanuel Neeffs a relevé dans le catalogue
delà vente Pierets de Croonenburgh, à Malines, en 4830,
un curieux tableau d'Engelrams (Procureur lisant une
requête présentée par deux bourgeois), qui ferait peut-
être de lui un peintre de portraits à la manière de Van
Oost. — Il eut un fils, André, qui fut également peintre,
entra dans la gilde en 1571, et mourut prématurément
avant 1595. Paul Leprteur.
BiBL. : Van Mander, tracl. Hymans, t. I,p. 258. —Emm-
^^B¥F?i, Histoire delà peinture et de la sculpture à Malines ;
Gand, 1876, t. I, pp. 215-217. —Biographie nationale belge,
1876, t. VI (article du môme).
ENGELS (Friedrich), socialiste allemand, né à Barmen
en 1818. Fils d'un commerçant et commerçant lui-même,
un séjour en Angleterre (1842-45) le confirma dans ses
idées socialistes; il collabora aux Deutsch-franzœsische
Jahrbûcher de Ruge et Marx (1884) et publia jDz'^ Lage
der arbeitenden Klassen in England (Leipzig, 1845),
puis, en collaboration avec Marx, Die heilige Familie
(1847) et le fameux manifeste aux prolétaires de tous les
pays (1847). Engels fut secrétaire de la commission cen-
trale formée à Londres, puis à Bruxelles. Compromis dans
les insurrections du Palatinat et Bade, en 1849, il se
réfugia en Angleterre et prit une part active à la fondation
de l'Internationale. Il a écrit surtout dans la revue socia-
liste Vorwaerts et a condensé ses théorie dans Der Ur-
sprung der Familie, des Privateigentums und des Staats
(Zurich, 1884). Il a édité le second volume du grand
ouvrage de Marx, Das Kapital, Kritik der politischen
OEkonomie (Hambourg, 1885).
ENGELSPACH (Auguste), dit Larivière, homme poli-
tique belge, né à Bruxelles en 1799, mort à Bruxelles en
1831. Il s'adonna d'abord à l'étude de la géologie, fit
pendant plusieurs années des voyages scientifiques dans
toute l'Europe septentrionale et publia le résultat de ses
observations en plusieurs mémoires dont les plus importants
sont : le Silicate d'alumine considéré sous les rapports
chimique, minéralogique et géognostique (Bruxelles,
1828, in-8); Description géognostique du grand-duché
du Luxembourg (Bruxelles, 1829, in-4); Considérations
sur les blocs erratiques déroches primordiales (Bruxelles,
1829, in-8). Lorsque la révolution éclata à Bruxelles en
1830, Engelspach se jeta dans le mouvement et devint chef
d'état-major de la garde bourgeoise. Il contribua, en cette
qualité, à sauver le palais de l'Industrie et le domaine de
Tervueren menacés par la populace. Le gouvernement pro-
visoire lui conféra ensuite le titre d'agent général chargé
de la direction des services relatifs à l'approvisionnement
et à la défense de la ville de Bruxelles. C'était une lourde
charge, donnant de grands pouvoirs, mais entraînant aussi
de graves responsabilités ; Engelspach s'en acquitta avec
un zèle, un courage et un désintéressement auxquels la
population rendit unanimement hommage. Il mourut presque
subitement, au lendemain du couronnement de LéopoldP^.
Voulant donner à Engelspach un suprême témoignage de
satisfaction pour les services éminents qu'il avait rendus
au pays, les Chambres législatives votèrent à sa veuve une
pension annuelle de 1,500 florins. E. H.
BiBL. : DEhEVTRE, Histoire de la 7'évolution de 1830;
Bruxelles, 1851, in-8. — Moniteur belge du 23 déc. 1833.
ENGELSTOFT (Laurids), historien danois, né au pres-
bytère de Gislum, près d'Hobro, le 2 déc. 1774, mort à
Copenhague le 14 mars 1851. Après avoir été couronné par
l'université de Copenhague pour un élégant mémoire sur
la Condition des femmes chez les anciens Scandinaves
(1798) et s'être fait remarquer par une thèse latine sur
Saint Jérôme (1797), il voyagea avec diverses subventions
(1798-1800) et écrivit d'Allemagne et de France d'inté-
ressantes lettres publiées en partie dans le tome III de ses
Œuvres choisies (1862). A son retour, il devint adjoint
(1800), professeur d'histoire et de géographie (1803) à
l'université de Copenhague; secrétaire (1805), membre
(1812-1832 et 1840-1848) de la direction des écoles
savantes ; historiographe des ordres royaux (1 836) ; mem-
bre d'une foule de commissions et de sociétés. Il est à
regretter que ses fonctions absorbantes l'aient détourné de
sa véritable voie, la narration historique. On lui doit en
ce genre, outre le mémoire cité : Philippe- Auguste et
Ingeborg (1801) ; Situation périlleuse de Copenhague
dans r été de 1100 (1804) ; De Re Byzantinorum mili-
tari sub Justiniano I (1808, remanié en danois, 1815) ;
Siège de Vienne en i68S (1817) ; Histoire de la
construction de l'université de Copenhague (1836). Il
publia des recueils universitaires et édita Scriptores rerum
Danicarum (1834, t. Vlll, in-fol.) et Glossarium der
Friesischen Sprache de N. Outzen (1837, in-4). C'est un
des derniers savants danois qui aient réussi dans la poésie
et l'éloquence latines. Un Choix de ses écrits a été publié
par Allen (1859-1862, 3 vol. in-8). Wegener a donné
une notice sur lui (1852) et Fr. Schiern, des Engelstof-
tiana (1880). B-s.
ENGELSTOFT (Christian Thorning), évêque et érudit
danois, fils adoptif et neveu du précédent, né à Naesborg
(diocèse de Viborg) le 8 août 1805, mort à Odense le
25 janv. 1889. Lecteur (1833), professeur extraordinaire
(1834), ordinaire (1845) en théologie à l'université de
Copenhague, dont il fut recteur (1847-48), il devint
évêque de Fionie en 1851 et fut ministre du culte et de
l'instruction publique (31 déc. 1863 au 11 juil. 1864) dans
le cabinet Monrad. Outre plusieurs thèses et programmes
en latin (Historia populi Judaici biblica ad relationes
peregrinas examinata, 1832 ; Reformantes et catho"
lici in Dania concertantes, 1836; De Confutatione
latina, quœ Apologiœ concionatorum Evangelicorum
iîi comitiis Hafniensibus anno iÔSO traditœ opposita
est, 1847), on lui doit de bons ouvrages d'érudition en
danois : Histoire de la liturgie en Danemark (1840);
Paulus Eliœ, biographie (1848) ; Histoire de r Ordon-
nance ecclésiastique (1860); Histoire d' Odense (1862;
2^ éd., 1878-80), et nombre de mémoires dans Historisk
Tidsskrift; Recueil de la Société littéraire du diocèse
de Fionie, dans le tome X (1890) duquel se trouve une
notice sur ses travaux historiques ; Recueil d'histoire
ecclésiastique, et surtout dans Theologisk Tidsskrift qu'il
édita avec C.-E. Scharlins, de 1837 à 1862. Il donna
une édition remaniée (1851) du traité de Kolderup-
Bosenvinge sur le Droit ecclésiastique, qu'il enseigna au
séminaire de Copenhague (1850). Comme orateur, il publia
une Oraison funèbre de Christian Vlll (1848) et des
Discours prononcés en 1852 (1853). Peâuvois.
ENGELURE — ENGERTH
— 1060
ENGELURE (Méd.). Les engelures sont des lésions
de la peau constituées par l'apparition rapide, en certains
points du corps, principalement aux doigts et aux orteils,
puis aux talons, aux oreilles, au nez, aux joues, de plaques
érythémateuses plus ou moins étendues qui sont le siège
de cuissons et de démangeaisons intolérables. Chez certains
sujets ce stade érythémateux peut être dépassé ; au centre
des plaques naît une phlyctène , puis une ulcération lui
succède, et la cicatrisation ne s'opère que très lentement.
Le passage rapide de la chaleur au froid et réciproquement
semble favoriser leur développement. Une foule de remèdes
ont été préconisés contre les engelures. Les décoctions qui
ont été les plus recommandées pour les lavages des mains
sont l'infusion chaude de céleri, la décoction de feuilles de
noyer, l'eau de savon, l'eau sinapisée, etc. Les topiques
sont des plus nombreux. Ils comprennent des lotions à
l'alun, à l'alcool, au nitrate d'argent au cent cinquantième,
des pommades au borax, à l'acide phénique, au tanin,
des coUodions iodés, et, s'il y a des ulcérations, des em-
plâtres rouges de Vidal ou ceux à l'oxyde de zinc. Person-
nellement , nous préférons les poudres d'iodol , d'aristol ,
d'iodoforme, après lavage des parties malades dans une
décoction de feuilles de noyer ou dans l'eau-de-vie. Nous
recommandons aussi l'essuyage parfait des mains et des
pieds chez les gens prédisposés qui auront bien soin en
outre d'éviter les brusques changements de température.
L'état général des porteurs d'engelures devra être très
surveillé. Les strumeux, en particulier, adopteront une mé-
dication tonique et reconstituante dont l'huile de foie de
morue et le sirop d'iodure de fer for-meront la base prin-
cipale. Henri Fournier.
EN6ELVIN (Joseph -Marie-Louis), écrivain religieux,
né à Rochefort (Puy-de-Dôme) le 26 janv. 1795, mort
en 1861. Ordonné prêtre, il entra en 1852 dans l'ordre
de Saint-François de Jérusalem ; puis il fonda un couvent
de récollets, près de Bourg-Saint-Andéol. Nous citerons
de lui : les Fleurs à Marie (Paris, 1834, in-12) ; le
Voyant (Clermont, 1839, in-8); rAmi des peuples
(1840, in-8); le Prêtre (1846, in-12) ; De l'Esprit
républicain (1848, in-12); le Sage ou Promenade aux
vasques de Salomon dans les environs de Bethléem
(1857, in-12) ; Saintes Larmes (Clermont, 1850, in-18);
le Soleil de la Terre sainte (Paris, 1861, in-12), etc.
Il collabora en outre à la Biographie universelle et au
Mercure du xix® siècle.
EN G EN. Bourg d'Allemagne, grand-duché de Bade,
cercle de Constance; 1,600 hab. Cité dès le ix^ siècle,
il fut le théâtre d'un combat entre les Français sous
Moreau et les Autrichiens sous Kray (3 mai 1800). Au
S.-O. culmine le Hohenœmen avec les ruines d'un vieux
château.
EN G ENTE. Com. du dép. de l'Aube, arr. et cant. de
Bar-sur-Aube ; 126 hab.
ENGENVILLE. Com. du dép. du Loiret, arr. de Pithi-
\iers, cant. de Malesherbes; 609 hab.
EN6ERAND (Auguste -Alexandre), homme politique
français, né à Caen le 23 avr. 1841. Avocat à Caen
(1862), un des chefs du parti bonapartiste dans le Cal-
vados (l'empereur et l'impératrice avaient été parrain et
marraine de son fils aîné), il fonda en 1875, dans l'in-
térêt de ce parti, le journal rAmi de V Ordre, A partir
de 1888, il fut un des partisans les plus fidèles du général
Boulanger et fut élu député, avec un programme révision-
niste, par la 1^® circonscription de Caen, le 6 oct. 1889
(2® tour de scrutin), par 6,146 voix contre 6,004 à
M. Henry, républicain.
ENGERBAGE (Econ. rurale) (V. Gerbe).
ENGERBEMENT (ArtilL). Les bouches à feu qui ne
doivent pas être emmenées immédiatement par les troupes,
en temps de guerre, sont réunies par espèces et par cali-
bres et couchées sur des chantiers. Quant aux affûts et
voitures, ils sont erigerbés dans les magasins de manière
à occuper peu de place. La méthode d'engerbement varie
avec l'espace dont on dispose et la rapidité avec laquelle il
peut être nécessaire de mettre le matériel en état; dans
tous les cas, les deux trains de chaque voiture sont sépa-
rés, et le plus souvent les coffres à munitions sont enlevés.
Lorsque les voitures sont engerbées sur roues^ elles sont
plus promptement prêtes à sortir des magasins, mais cette
méthode exige beaucoup plus d'espace : les affûts et arrière-
trains de caissons sans coffres sont placés en rang, tous
dans le même sens, la flèche à terre dans la direction du
rang, les roues sur deux lignes parallèles, aussi rapprochées
que' possible, se touchant par les cercles ou même se croi-
sant alternativement; les avant-trains, sans roues ni coffres,
sont placés sur les arrière-trains, les fusées d'essieu por-
tant sur le haut des roues, le timon s'appuyant sur la voi-
ture suivante. Les voitures sans roues, et en général les
objets qui ont une épaisseur à peu près uniforme, peuvent
être engerbés par piles : ils sont placés par couches pa-
rallèles au sol, avec bouts alternés d'une couche à l'autre
si c'est nécessaire ; cette méthode est applicable aux avant-
trains, aux arrière-trains de caissons sans coffres, aux
coffres et caisses à munitions. On peut enfin engerber de-
bout : les trains des voilures sont dressés sur la tête ou
sur le derrière des armons ou des brancards; le dessous
des voitures est tourné vers le mur contre lequel s'appuie
la première du rang ; les autres se soutiennent mutuelle-
ment au moyen de cales qui les maintiennent parallèles.
L'engerbement des projectiles porte plus spécialement le
nom d'empilage.
ENGERN. Village d'Allemagne, roy. de Prusse;
2,000 hab. Vieille église de l'an 903 où Charles IV fit
ériger en 1377 un monument au duc saxon Wittekind,
qui se serait retiré à Engern après sa conversion. L'impé-
ratrice Mathilde y fonda un couvent qui fut annexé à Iler-
ford en 1414. Ce fut le chef-lieu d'un duché qui releva
l'ancien nom des Angrivariens, une des tribus principales
du peuple saxon. En eflet, à l'époque carolingienne, le
pays d'Engern ou Engergau s'étendait au N. de l'Eder,
sur les deux rives du Weser, entre l'Ostphalie et la West-
phalie. Il perdit son individualité après la conquête de la
Saxe par Charlemagne. Mais, lorsqu'au xii® siècle le grand-
duché de Saxe fut démembré, on releva le titre de duc
d'Engern au profit des ducs ascaniens et des archevêques
de Cologne. Il fut porté par la branche de Saxe-Lauen-
bourg et revint à son extinction (1689) à la maison de
Wettin (V. Saxe).
ENGERRAN (Jacques), homme politique français, né à
Villedieu-les-Poëles (Manche) le 1^"* mars 1751, mort à
Avranches le 24 nov. 1843. Homme de loi à Avranches,
il fut député de la Manche à la Convention, où il siégea
parmi les modérés, puis au conseil des Cinq-Cents, enfin,
pendant le Consulat, au Corps législatif. Il rentra ensuite
dans la vie privée. F.-A. A.
EN G ERS. Bourg d'Allemagne, roy. de Prusse, district
de Coblentz (Province Rhénane); 2,100 hab. Beau château
moderne. L'ancien château fort de Kunostein, bâti par
l'archevêque Kuno de Trêves (1368) a été rasé en 1758.
Les grès d'Engers^ qui forment un banc de 3 à 6 m. d'épais-
seur, sont exploités.
ENGERT (Erasmus), peintre autrichien, né à Vienne
en 1796, mort à Vienne le 13 avr. 1871, surtout connu
par les restaurations de tableaux du musée du Belvé-
dère auquel il fut attaché en 1843 et qu'il dirigea à partir
de 1857.
ENGERTH (Wilhelm, baron d'), ingénieur et adminis-
trateur autrichien, né à Pless (Silésie prussienne) le
26 mai 1814, mort à Baden, près de Vienne, le 4 sept. 1884.
Successivement élève de l'Institut polytechnique (1834) et
de l'Académie des beaux-arts de Vienne, il exerça quelque
temps la profession d'architecte, retourna à l'Institut po-
lytechnique et s'adonna dès lors exclusivement à l'étude
de la science de l'ingénieur. Il fut de 1840 à 1844 pro-
fesseur adjoint de mécanique dans le dernier de ces
— 1061 —
ENGERTH - ENGHIEN
établissements, de 1844 à 1850 professeur de mécanique
à l'Ecole industrielle de Gratz. Il occupa ensuite les fonc-
tions officielles les plus élevées : membre du comité des
voies de communication (1850), commissaire à l'Exposition
de Londres (1851), directeur de l'industrie au ministère du
commerce (1853), directeur adjoint (1855), puis direc-
teur général des chemins de fer autrichiens, commissaire
de la réforme douanière (1859), conseiller du gouverne-
ment (1860), conseiller aulique (1869), membre à vie de
la Chambre des seigneurs (1874). En 1875, il fut créé
baron. Ses travaux sont nombreux et lui ont valu une
grande célébrité. On lui doit tout d'abord l'invention (réa-
lisée en 1850 en vue de l'exploitation du chemin de fer à
fortes rampes du Semmering, entre Vienne et Trieste) de
l'excellente machine qui porte son nom (V. Locomotive) et
qui, tout de suite employée sur les diverses lignes acciden-
tées de l'Europe centrale, a été aussi adoptée par notre
Compagnie du Nord pour ses lourds convois de houille; elle
pèse, avec son tender, 56,000 kilogr. et a cinq paires de
roues de même diamètre, qui peuvent toutes concourir à
produire l'adhérence, grâce à un ingénieux engrenage de
trois roues dentées interposé entre les deux trains articulés
de la machine et du tender. Il a d'autre part largement
contribué aux beaux travaux entrepris depuis 1867, sur-
tout dans les environs de Vienne, pour la régularisation et
la rectification du cours du Danube. Il est enfin Fauteur
d'importantes améliorations apportées tant dans les pro-
grammes de l'enseignement industriel que dans les con-
ditions de travail et d'existence des ouvriers. Il a publié
plusieurs articles intéressants dans des recueils spéciaux ;
nous citerons : Ueber die Théorie des Montgolflerschen
Stosshebers^ dans Bericht ilber die Versammlung der
Naturforscher (1843); Ueber ein neues Perpetuum mo-
bile^âsim Verhandl. des Niederôsterreichischen Gewerb-
Vereins (Vienne, 1 844) ; Note sur les locomotives du
Semmering, dans Bulletin de la Société d'encourage-
ment de Paris {iS^6). Léon Sagnet.
ENGERTH (Eduard, chevalier d'), peintre d'histoire
autrichien, né à Pless, en Silésie, en 1818, d'une famille
autrichienne qui comptait déjà plusieurs artistes. Engerth
étudia à l'Académie de Vienne et, en 1847, fut envoyé
comme pensionnaire du gouvernement à Rome où il fit un
long séjour et peignit le célèbre tableau, la Famille de
Manfred après la bataille de Bénévent. En 1854, il
devint directeur de l'Académie de Prague. On lui doit la
plus grande partie des fresques de l'église d'Alterchenfeld
à Vienne, une série de peintures tirées du Mariage de
Figaro, à' Orphée, etc., à l'Opéra de Vienne; le Prince
Eugène après la bataille de Zenta, etc. Depuis 1871,
il est directeur de la galerie du Belvédère. Engerth a été
élu, en 1875, membre correspondant de l'Académie des
beaux-arts, à Paris.
ENGESTRŒM (Johan), évêque et orientaliste suédois,
né à Lilla-Slâgarp (Skanie) le 21 nov. 1699, mort le
16 mai 1777. Après avoir étudié sous des hébraïsants et
des rabbins de Hambourg, il fut adjoint (1729), professeur
de langues orientales (1732), puis de théologie (1742) à
l'université de Lund, dont il devint vice-chancelier en 1748.
La même année, il succéda à son beau-père, J. Benzelius,
comme évêque de Lund et, en cette qualité, il persécuta
aussi bien les piétistes que les Herrnhutes. Parmi ses dis-
sertations, on remarque : Grammatica hebrœa biblica
(en 8 fasc, 1731-33) ; De Cultrisveterum lapideis (Lund,
1735, in-4, avec2 pL). B-s.
ENGESTRŒM (Jacob von), homme politique et érudit
suédois, fils du précédent, né à Lund le 1®^ nov. 1735,
mort à Upsala le 14 nov. 1802. Secrétaire d'ambassade
(1764), de cabinet (1766), vice-gouverneur du Isen d'Up-
sala (1783), il ne put être promu ni à une légation ni à
un gouvernement, et il était connu comme mécontent, lors-
qu'il fut arrêté comme comphce de l'assassinat de Gustave III
(1792) et condamné à la prison perpétuelle, mais bientôt
gracié. Il publia des mémoires d'histoire et de numismatique
et des éloges dans les Actes (t. I, II, IV-VI) de l'Académie
des belles-lettres de Stockholm, dont il était membre
(1786), et il laissa en manuscrit un projet de constitution
dans lequel les quatre ordres devaient être représentés par
des députés élus pour trois ans. B-s.
ENGESTRŒM (Gustaf von), minéralogiste suédois,
frère du précédent, né à Lund le 1^^ août 1738, mort à
Upsala le 12 août 1813. Elève de Brandt et de Cronstedt,
dont il traduisit en anglais la Minéralogie (Londres, 1770),
et instruit par des voyages d'études faits en Norvège (i 760),
en Angleterre, en Hollande et en Prusse (1764-67), il fut
essayeur (1764), gardien de la monnaie (1768-1794),
assesseur (1774) et conseiller au collège des mines (1781).
On lui doit : Description d'un laboratoire minéralo^
gique (d'abord en anglais, Londres, 1770 ; ensuite en sué-
dois, Stockholm, 1773; en allemand par Weigel, Greifs-
wald, 1774, 1782); Laboratoriumchemicum (il Si-S^!,
3 vol.) ; Guide du voyageur aux carrières et mines de
Suède, en français (1796) ; et onze expériences dans les
Actes de l'Académie des sciences de Stockholm, dont il
était membre (1770) et qu'il présida en 1774 et 1782. B-s.
ENGESTRŒM (Johan von), homme politique et mémo-
rialiste suédois, frère des précédents, né à Lund le 13 oct.
1743, mort à Lina (Sœdermanland) le 30 déc. 1807.
Attaché aux bureaux de l'administration militaire en 1762,
il y devint secrétaire du protocole (1773). Comme membre
né de la Chambre des nobles, qui le désigna plusieurs fois
pour faire partie des comités surtout financiers, il joua un
rôle important dans le parti des Chapeaux et aux diètes
de d769 à 1800. Lors des coups d'Etat de 1772 et de
1782, il fut arrêté par ordre de Gustave III, qui le regar-
dait comme son ennemi personnel, et, après le meurtre de
ce monarque (1792), suspendu pour un an de ses fonc-
tions de secrétaire du protocole. Il laissa des Mémoires
historiques, qui ont été publiés avec des lettres de 1771
à 1805, par E.-W. Montan (Stockholm, 1871). B-s.
ENGESTRŒM (Lars, comte von), homme politique,
diplomate et mémorialiste suédois, frère des précédents, né
à Stockholm le 24 déc. 1751, mort le 19 août 1826 dans
son domaine de Jankowicz, en Posnanie, où se perpétue
sa descendance. Du cabinet de la correspondance étrangère
(1773-1782), il passa à la légation de Vienne et, de là, à
celle de Varsovie (1788). Devenu gentilhomme polonais et
même, plus tard (1808), staroste, par suite de son mariage
avec la comtesse Chlapowska, il se fit apprécier de la
noblesse du pays et amena la conclusion d'un traité entre
la Suède, la Pologne et la Prusse (1790). A l'avènement
de Gustave IV, il fut chancelier de la cour (1792), puis
envoyé à Londres (1793-95). La cour de Vienne ayant
refusé de l'accueillir comme ministre à cause de ses sym-
pathies pour la France, il passa avec le même titre à Berlin
(1798-1803). Sous Charles XIH, il devint président de la
chancellerie, ministre des affaires étrangères, baron, cheva-
lier de l'ordre des Séraphins (1809), comte (1813), chan-
celier de l'université de Lund (1810-1824), à laquelle il
témoigna le plus vif intérêt et qui, de son temps, brilla
d'un vif éclat. Il se démit de toutes ses fonctions en 1824.
La riche collection de manuscrits et de livres formée par
les Engestrœm, les Benzelius, les Benzelstjerna et consi-
dérablement augmentée par lui, fut léguée par son petit-fils
à la bibliothèque royale de Stockholm en 1864; ses Sou-
venirs et Notes onf été édités par Elof Tegnér (Stockholm,
1876, 2 vol. in-8). B-s.
ENGHIEN-les-Bains. Com. du dép. de Seine-et-Oise,
arr. de Pontoise, cant. de Montmorency; sur le bord du
lac, vaste de 35 hect., qui porte le même nom; stat. du
ch. de fer du Nord (ligne de Paris à Pontoise) ; tête de
ligne de l'embranchement d'Enghien à Soisy et à Montmo-
rency ; 1 ,875 hab. Le territoire actuel de la com. d'Enghien
faisait autrefois partie des deux paroisses de Montmorency
et de Saint-Gratien ; le nom même d'Enghien avait été
donné par Louis XIV, en sept. 1689, à la ville de Mont-
morency ; mais l'usage ne put ratifier la volonté royale.
ENGHIEN
— 1062 —
Au siècle dernier, il n'y avait encore, dans le lieu dont
nous parlons, qu'un moulin situé près du lac et sur un ruis-
seau qui s'y jetait. En 1766, Cotte, curé de Montmorency,
reconnut que l'eau de ce ruisseau était éminemment suit u-
reuse et fit part de cette découverte à l'Académie des
sciences, qui en reconnut l'exactitude. Toutefois, une sta-
tion thermale ne fut créée à Enghien qu'en 1821, par les
soins de Péligot, administrateur de l'hôpital Saint-Louis.
Il s'y ruina, mais, plus tard, la vogue et la mode favori-
sèrent l'entreprise qui, depuis, a toujours été en pros-
pérant. Enghien n'est cependant devenu une commune
qu'en 1851. , . ^* u*
Eaux minérales. — Les eaux d'Enghien sont ather-
males, sulfatées calciques taibles (0s^l76 à 0gr,38o), car-
boniques moyennes, sulfureuses faibles. Ce sont huit sources
qui émergent d'un banc de calcaire grossier à un mveau
inférieur de 3 m. à celui du lac; leur minéralisation parait
être accidentelle, produite par l'action réciproque du sultate
de chaux et des matières organiques. Enghien possède deux
établissements thermaux bien installés. Les eaux s emploient
en boisson et en bains et sont aisément transportables.
D'après de Puisaye et Lecomte, les eaux d'Enghien repré-
sentent une médication stimulante, perturbatrice, révulsive,
modificatrice, tonique, adjuvante suivant leur mode d em-
ploi. Mais leur véritable spécialisation réside dans les attec-
tions catarrhales et herpétiques, bronchite chronique,
auffine glanduleuse, engorgement des ganglions bronchiques,
pharyn-o-laryngite, phtisie des lymphatiques ou des scro-
fuleux, catarrhes de l'appareil génito-urmaire, metrite
chronique, diarrhées chroniques, certaines dyspepsies ;
dermatoses chroniques et de forme humide (les atiections
cutanées de forme squameuse sont rebelles). D-^ L. Hn.
ENGHIEN. Ville de Belgique, prov. de Hainaut, arr. de
Soic^nies, sur la Marcq, affl. de la Dendre; 4,800 hab.
Stat. du ch. de fer de Bruxelles à Calais. Fabriques de
tapis, de dentelles « point de Paris », de toiles, de tissus
de laine; tanneries et teintureries. — Enghien était la plus
ancienne baronnie du comté de Hainaut; on en a fait re-
monter l'origine jusqu'à Charlemagne. Elle entra dans la
maison de Bourbon par le mariage de Françoise de Luxem-
bourg avec le comte de Vendôme, aïeul de Henri IV. Celui-ci
vendit cette propriété à Charles de Ligne, pnnce d Aren-
berg, dont la famille la possède encore aujourd hui. Les
armoiries d'Enghien sont : gironné d'argent et de sable
de dix pièces; chaque pièce de sable chargée de trois
croisettes recroisettées au pied fiché d'or. Le prmcipal
monument de la ville est le château, entouré d'un parc de
300 hect., entièrement emmuraillé, appartenant aux ducs-
princes d'Arenberg; il est célèbre par la beauté de ses mas-
sifs de ses pelouses, de ses serres et de ses pièces d eau. La
petite église des capucins contient le magnifique mausolée
en marbre de Giiill. de Croy, mort à Worms en lo21.
Enghien a donné le jour aux historiens Hassard, f 1^^^»
et Bourgogne, dit Burgundius, •}- 1643. E. H.
BiBL • E. Matthieu, Histoire de la, ville d'Enghien ;
Mons Ï877, 3 vol. in-8. - C. Rahlenbeck, les Villes pro-
testantes de la Belgique; Bruxelles, 1884.
ENGHIEN (Jean d'), dit de Kestergat, chroniqueur
belge, mort en 1478. H entra au service de Philippe le
Bon et devint en 1430 amman de la ville de Bruxelles.
Meilleur courtisan que citoyen, il n'usa de sa charge que
pour étendre les prérogatives du prince au détriment des
privilèges de la cité; aussi, détesté du peuple, faillit-il être
massacré pendant l'émeute de 1477. Jean d'Enghien ayant
lu plusieurs travaux sur l'histoire du Brabant conçut le
projet de les traduire du flamand en français et de les
condenser en un seul volume qu'il appela le Livre des
Cronicques de Brabant, Son manuscrit, déposé d'abord
à la bibliothèque de Bourgogne, avait disparu depuis deux
siècles quand Borgnet (V. ce nom) le retrouva dans
les archives du comte Ch. d'Aspremont-Lynden en 18o0.
L'auteur a largement profité des travaux de Boendale et
de de Dynter (V. ces noms), ainsi que du poème de la
guerre de Grimberghe et n'y a rien ajouté de bien neuf.
Le sixième et dernier livre traitait de l'histoire du Brabant
sous la dynastie bourguignonne. Jean d'Enghien, mêlé
activement*^ aux intrigues politiques, aurait pu fournir sur
cette période bien des renseignements intéressants ; mal-
heureusement, cette partie de son œuvre n'a pu être re-
trouvée. ^'^' M
BiBL. : Henné et WAUTERS,Hzsf. de la ville de Bruxelles;
Bruxelles, 1843-45, 3 vol. in-8.- A. Wauters, Histoire des
environs de Bruxelles ; Bruxelles, 1850-57, 3 vol. in-b.
ENGHIEN (François de Bourbon, comte d'), né le
23 sept. 1519, mort en 1546. Il était le troisième fils
de Charles de Bourbon, duc de Vendôme, et de Françoise
d'Alençon. Nommé par François P"" au commencement de
1544 sous-lieutenant général en Piémont, il inaugura son
commandement en remportant, le 14 avril, sur le marquis
del Vasto, gouverneur du Milanais pour l'empereur, la
grande victoire de Cérisoles. De là il alla prendre Cari-
gnan, où il fit prisonnier Pietro Colonna, autre général
de Charles-Quint, et n'échoua devant Nice, au mois de sep-
tembre, que par suite de l'insuffisance de son matériel de
siège. Là s'arrêtèrent ses succès. « Il estoit beau, dit
Brantôme, et monstroit en lui toute générosité, sagesse et
vaillance, qui promettoient qu'un jour il seroit un grand
capitaine, comme il s'en alloit l'être sans l'envie qui lui fut
portée. » En efi'et, le 23 févr. 1546, de jeunes seigneurs,
dont il était, se trouvant au château de La Roche-Guyon
par un rude temps d'hiver et ayant par amusement engagé
entre eux un combat à coups de boules de neige, tandis
que François de Bourbon se reposait un instant sur un
banc, un coffre plein de linge, jeté d'une fenêtre placée
juste au-dessus de lui, lui tomba sur la tête et lui fit de
profondes blessures dont il mourut peu de jours après.
L'auteur de ce déplorable accident était Cornelio Bentivo-
glio, un ami intime de François de Lorraine, alors comte
d'Aumale, le futur « grand duc de Guise », qui jalousait
fort la gloire du comte d'Enghien. Aussi Brantôme, bien
qu'inféodé au parti des Guises, termine-t-il ainsi sa bio-
graphie de la victime : « Aucuns disent que ce fut incon-
vénient (accident), aucuns que ce fut à poste (à dessein). »
— Son frère puîné, Jean, échangea contre celui de comte
d'Enghien le titre de comte de Soissons qu'il portait aupa-
ravant et sous lequel il est cependant plus connu. L. M.
BiBL. : Mémoires de Martin du Bellay. — Commen-
taires de MoNLUC. — Brantôme.
ENGHIEN (Louis-Antoine-Henri DE Bourbon, duc d'),
né au château de Chantilly le 2 août 1772, fusillé à Vin-
cennes le 21 mars 1804. Fils de Louis-Henri-Joseph de
Bourbon et de Louise-Marie-Thérèse-Bathilde d'Orléans,
son éducation fut confiée à des maîtres de valeur tels que
le comte de Virieu et l'abbé Millot. Sous l'intelligente im-
pulsion de ce dernier, le jeune prince prit un goût parti-
culier pour l'étude. 11 avait un esprit ardent et primesau-
tier, « une tête pétrie de salpêtre ». Le nom du grand
Condé exerçait sur lui un pouvoir surprenant et suffisait
pour calmer ses vivacités et ses étourderies. Dès l âge de
neuf ans, il montrait une sensibilité et un enthousiasme
précoces. Il témoignait déjà du vif désir de suivre la car-
rière des armes. Son grand-père, Louis-Joseph de Bour-
bon, l'initiait en maître à la pratique des choses militaires.
Au lendemain du 14 juil. 1789, le duc d'Enghien fut
emmené par son père en Belgique où les autres princes le
rejoignirent. C'était le commencement de l'émigration,
l'exil et ses premières épreuves. Le jeune prince était pour
toujours éloigné de sa mère, la duchesse de Bourbon, qui
s'était séparée en 1780 de son mari, par incompatibihté
d'humeur et par divergence d'opinions politiques. De Bel-
gique les princes vont dans le Piémont où ils essayent de
former un conseil que le cabinet des Tuileries voit d'un
mauvais œil. Parmi les membres de ce conseil figurait le
frivole de Galonné qui, moins que tout autre, était capable
de leur préparer un retour honorable en France. Sans se
mêler à ces intrigues, le duc d'Enghien apprenait la langue
italienne et trouvait le temps, au milieu des plaisirs de son
- 1063
ENGHIEN
uge, de compléter son éducation. LeGjanv. 1791, il quitte
subitement la ville de Turin avec ses parents, se dirigeant
sur l'Allemagne. Ne voyant dans les idées nouvelles que
des idées de rébellion, les princes vont demander l'appui
de l'étranger et croient avoir le droit de combattre avec lui
les adversaires de la monarchie. Ils ne comprennent pas
que cette alliance funeste est de nature à compromettre
à jamais leur cause, quelles que soient les précautions et
les restrictions qu'ils emploient. Le duc d'Enghien, jeune
prince de dix-sept ans, n'avait point à discuter les ordres
du chef de la famille, qui commandait en maître. Mais plus
d'une fois dans le cours de ces tristes campagnes, il pro-
testera contre la fatalité à laquelle il est soumis. Il aurait
préféré combattre avec des Français seulement, et il s'écriera
un jour : « Ah! la Vendée, si on l'avait soutenue, c'était
là notre espoir ! »
C'est à Worms que commence l'histoire de l'armée de
Condé. Le duc d'Enghien s'y fait remarquer par sa bra-
voure, et c'est un réel motif de chagrin que de voir tant de
valeur utilisée contre des compatriotes. De 1792 à 1801,
le jeune prince sera, comme les siens, à la solde des alliés.
Il se verra, lui et ses soldats, réduit à passer par mille
épreuves plus douloureuses les unes que les autres. Mal
équipés, mal payés, mal soutenus, ils seront l'objet de la
défiance des étrangers qui ne leur pardonnent pas de con-
sidérer leur entrée en France comme une invasion et non
comme une conquête, et de ne point se faire à l'idée de la
cession de la moindre partie du territoire. Ainsi Macartney
écrit à Pitt que la résolution formelle de Louis XVIII et des
siens est de maintenir l'intégrité de la France. Et il ajoute :
« Il y a bien des royalistes qui, revenus au pouvoir, au-
raient assez peu de scrupules pour participer aux crimes
de la Convention et profiter de ses conquêtes! » Les
Russes s'étonnaient, eux aussi, des sentiments français que
conservaient la plupart des émigrés. Woronzov n'écrivait-
il pas un jour à Widworth : « Quoique émigrés, ils sont
plus ou moins infectés des opinions qui dominent dans leur
pays. » Le 31 mars 1801, les alliés, las d'être battus,
abandonnent l'armée de Condé. Ce jour-là, c'en est fait
d'elle. Les Anglais concèdent un asile au prince de Condé
qui accepte et va rejoindre son fils, le duc de Bourbon. Le
duc d'Enghien ne veut point partager cette inaction loin-
taine. Il préfère sa liberté, mais il s'écrie avec douleur :
« Tout vaut mieux que prince émigré ! Etre émigré fran-
çais, ce n'est être rien. » Il essaye un moment d'entrer au
service du gouvernement autrichien, puis, rebuté et las de
tout, il va s'installer le 29 sept. 1801 avec la princesse
de Rohan-Rochefort, à Ettenheim, près du cardinal de
Rohan, dans les Etats de l'électeur de Bade. Là ses distrac-
tions favorites sont la lecture, la chasse, la promenade. Le
margrave Charles-Frédéric lui avait donné une permission
de chasse très étendue que, bientôt après l'adhésion du
jeune prince à la réponse faite par Louis XVIII aux offres
pécuniaires de Bonaparte, il lui retirera, espérant ainsi dé-
barrasser l'électorat d'un hôte gênant.
Le bruit avait couru en 1803 que le duc d'Enghien allait
faire parfois des excursions sur le sol français. Le prince
de Condé y crut un instant et interrogea son petit-fils qui
protesta de la façon la plus énergique. De documents au-
thentiques il appert en effet que jamais, depuis l'émigration,
le duc d'Enghien n'a pénétré en France. Tandis que de
fougueux royalistes cherchaient à tout prix à renverser le
gouvernement consulaire, le duc se refusait à conspirer.
« Ce sont, disait-il, un tas de bêtises puantes auxquelles
je ne me mêlerai jamais... Je méprise tout cela. Moi je
vais droit mon chemin, et, s'il faut m'exposer pour notre
.maître, je l'ai fait et le ferai de bon cœur sans me ca-
cher. Je ne sais pas servir mon roi en frac, à moins que
ce ne soit l'uniforme de la Vendée. » Les conspirations
surgissent de toutes parts et menacent réellement la vie du
premier consul. Le duc d'Enghien ne s'y mêle point. Il ne
veut pas conspirer, mais combattre, et c'est ainsi qu'il écrit
le lo févr. 1804 à sir Charles Stuart pour lui exprimer le
désir d'être employé dans la guerre prochaine. Mais il de-
meure évident que les machinations imprudentes de cer-
tains émigrés ont pu prêter une apparence de vérité aux
premiers soupçons de la police consulaire dirigés contre le
duc d'Enghien. Un sieur Troche, récemment arrêté, révèle
un prochain débarquement conduit par un prince de la
maison de Bourbon. Il raconte qu'un individu mystérieux
vient souvent chez Cadoudal. Bouvet de Lozier, arrêté aussi,
dit que ce personnage est Pichegru. La police croit plutôt
que c'est le duc d'Enghien. On saisit bientôt Lajolais,
Moreau, Pichegru. Le premier consul, furieux, jure de faire
un exemple terrible. Un sous-officier de gendarmerie va
dans l'électorat de Bade prendre des renseignements sur
le duc d'Enghien. Il apprend que le prince est à Ettenheim
avec Dumouriez. L'accent allemand avait fait confondre le
nom de Thumery avec celui de Dumouriez. Or jamais ce
général n'était venu à Ettenheim. Mais la police et le pre-
mier consul ajoutent foi à cette nouvelle. La vengeance de
Bonaparte va s'exercer à son aise. Le général Moncey
transmet le rapport du sous-officier au premier consul qui
se plaint vivement à Real et à Talleyrand d'être mal ren-
seigné. Ce dernier accuse le chargé d'affaires à Karlsruhe et,
pour se disculper, le calomnie. Sur ces entrefaites, on
arrête Cadoudal. Celui-ci déclare aux juges qu'il attendait
pour agir qu'un prince fût venu à Paris. La police persiste
à croire que c'est le duc d'Enghien. Et cependant le duc
venait d'écrire au marquis de Vauborel à propos de ces in-
trigues et de ces complots : «Je ne suis pas fâché, si Ton
a cru à propos d'ouvrir mes lettres, que l'on y ait reconnu
ma façon de voir et de penser, et la désapprobation for-
melle que fai toujours donnée à des mesures en des-
sous et indignes de la cause que nous servons L.. »
Cette lettre figurait dans les papiers du conseiller Real,
chargé de la police. Mais il fallait un exemple, et le pre-
mier consul trouve autour de lui des gens qui non seule-
ment l'approuvent, mais le conseillent. Ainsi Talleyrand,
en docile courtisan, se range à cet avis, d'abord par une
note rédigée par lui le 8 mars, puis par un discours appro-
batif prononcé dans le conseil du 10 mars, conseil qui ne
faisait que corroborer une décision arrêtée depuis plusieurs
jours chez Bonaparte. On pénètre malgré le droit des gens
sur le territoire badois. Caulaincourt enlève les conspira-
teurs à Offenbourg, etOrdener,le duc d'Enghien et ses amis
à Ettenheim. On conduit le duc à Strasbourg, puis à Vin-
cennes. La fosse de la victime est creusée et la condam-
nation décrétée à l'avance. Il est peu d'événements plus
lamentables. Ce n'est pas un jugement qu'a rendu la com-
mission militaire. En effet, quelle était la compétence des
juges? Nulle. Où était l'arrêt motivé? Nulle part. Les
témoins? Il n'y en avait pas. Le défenseur? Il n'y en avait
pas. Le public? Il n'y en avait pas. Les lois qui condam-
naient? Il n'y en avait pas. La sentence? Elle était rédigée
en blanc. Les preuves? Aucune. Les pièces? Aucune... Ce
n'est donc pas un jugement, mais un assassinat.
Le 21 mars, à trois heures du matin, le duc d'Enghien
tombait fièrement sous les balles de seize gendarmes dans
les fossés de Vincennes. On a dit qu'au dernier moment le
premier consul avait eu l'idée de faire grâce et avait pres-
crit à Real d'aller à Vincennes pour un supplément d'in-
formations. On a afiirmé que Real dormait au moment où
était venue la lettre de Bonaparte et qu'il ne l'avait ou-
verte que trop tard. J'ai démontré, pièces en mains, que
cette affirmation est fausse.
La responsabilité de l'enlèvement et de l'exécution som-
maire du duc d'Enghien retombe directement sur le premier
consul, puis sur Talleyrand, puis sur Savary, Real, Hulin,
Harel. Ils ont tous, comme Talleyrand qui a vainement
tenté de se justifier dans ses Mémoires^ obtenu les faveurs
du maître pour leur complaisance et leur complicité. Le
20 mars 1816, sous la seconde Restauration, les restes du
duc d'Enghien furent solennellement exhumés des fossés
de Vincennes et déposés dans la chapelle du château. Le
sculpteur Deseine composa un monument funèbre qui se
ENGHIEN — ENGLESQUEVILLE
— 4064
trouve actuellement dans une petite sacristie voisine de la
chapelle et qui ne répond guère à la grandeur du sujet. La
princesse Charlotte de Rohan-Rochefort, qui avait épousé
secrètement le duc d'Enghien à Ettenheim après le licen-
ciement de l'armée de Condé, mourut le 1®^ mai d841,
ayant pieusement conservé le culte du prince. Aucune con-
solation n'avait pu ni adoucir sa douleur ni diminuer ses
regrets. Henri Welschinger.
BiBL. : Firmas-Perriès, Notice historique sur le duc
d'Enghien ; Paris, 1814, in-8. — Marguerit, De l'Assas-
sinat de M. le duc d'Enghien; Paris, 1814, in-8. — L'abbé
DE BouvENs, Notice sûr le duc d'Enghien et Oraison
funèbre ; Paris, 1814, in-8. — Mémoires pour servir à l'his-
toire de la maison de Condé ; Paris, 1820, 2 vol. in-12. —
Boudard de l'Hérault, Mémoires, lettres et pièces au-
thentiques ; Paris, 1823, in-8. — Dupin, Pièces judiciaires;
Paris, 1823, in-8. — Mémoires historiques sur la catas-
trophe du duc d'Enghien; Paris, 1824, in-8. — Roux de
Laborie, Eloge du duc d'Enghien ; Paris, 1827, in-8. —
Mémoires du duc de Rovigo ; Paris, 1828, 8 vol. in-8. —
Comte de Choulot, Mémoires et voyages du duc d'En-
ghien; Paris, 1841, in-8. — Nougarède de Fayet, Re-
cherches historiques ; Paris, 1844, 2 vol. in-8. — Théodore
Muret, Histoire de l'armée de Condé ; Paris, 1844, 2 vol.
in-8. — Crétineau-Joly, Histoire des trois derniers
princes de la vfiaison de Condé ; Paris, 1867, 2 vol. in-8.
— Constant, le Duc d'Enghien ; Paris, 1869, in-12. —
Comte BouLAY de la Meurtre, les Dernières Années
du duc d'Enghien; Paris, 1886, in-12. — Henri Wels-
CHINGER, le Duc d'Enghien {1763-180^); Paris, 1888, in-8.
— Du môme, l'Europe et Vexécution du duc d'Enghien;
Amiens, 1890, in-12 (extrait de la Revue des Etudes his-
toriques). — Talleyrand, Ménfioires, t. HI, Appendice;
Paris, 1891, in-8. — Voir aussi Mémoires de Meneuai,
Méynoires d'outre- tombe., le Consulat et l'Empire de
Thiers , l'Histoire de la Restauration de Lamartine,
Mémoires de Fauriel, le Quérard (art. Savary)^ etc.
ENGIN (Techn.). Nom générique sous lequel on dési-
gnait à l'origine toutes les machines et qui a donné nais-
sance au mot ingénieur^ par corruption du mot enginieur
qui est d'ailleurs employé textuellement encore dans cer-
taines langues étrangères. Le mot engin est en principe syno-
nyme du mot machine, appareil, etc. Cependant l'usage a
aujourd'hui plus spécialement consacré cette dénomination
aux objets de destruction comme le matériel d'artillerie